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Version finale

30th Legislature, 2nd Session
(March 14, 1974 au December 28, 1974)

Tuesday, May 14, 1974 - Vol. 15 N° 43

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Terres et Forêts


Journal des débats

 

Commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts

Etude des crédits du ministère des Terres et Forêts

Séance du mardi 14 mai 1974

(Dix heures dix minutes)

M. PICARD (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

La commission des richessses naturelles et des terres et forêts commencera ce matin l'étude des crédits du ministère des Terres et Forêts. Pour les séances d'aujourd'hui, M. Faucher, d'Yamaska, remplace M. Massé, d'Arthabaska; M. Roy, de Beauce-Sud, remplace M. Samson, de Rouyn-Noranda, et M. Caron, de Verdun, remplace M. Shanks, de Saint-Henri. J'aimerais proposer le nom de M. Malouin comme rapporteur de la commission. Est-ce que c'est agréé?

J'aimerais faire accepter par les membres de la commission le fait que, si au cours des discussions, il arrivait que certains hauts fonctionnaires ou collaborateurs du ministre répondaient en son nom, ce soit enregistré au journal des Débats au nom du ministre, avec nécessairement les responsabilités que cela implique. Tout le monde est d'accord.

Je pense que nous devrions procéder de la façon habituelle, à savoir que chaque représentant de parti fasse les remarques préliminaires, et je cède maintenant la parole à l'honorable ministre, à qui je demanderais de nous présenter les principaux collaborateurs qui l'accompagnent.

Remarques préliminaires

M. DRUMMOND: A côté de moi, à ma gauche, M. Michel Duchesneau, sous-ministre des Terres et Forêts; à ma droite, M. Antonio Gagnon, sous-ministre adjoint à l'administration.

Je commencerai avec quelques mots. J'ai un texte, parce qu'il y a des chiffres dedans. Si on veut le distribuer aux membres, au lieu de lire tous les chiffres, on pourra le garder comme base de discussion.

MM. les députés, les quelques considérations que je crois devoir exprimer, au tout début de l'étude de nos crédits budgétaires de 1974/75, ont pour objet de fournir aux membres de cette commission parlementaire une vue d'ensemble de la programmation financière du ministère, tout en faisant bien ressortir que l'allocation des ressources humaines et financières entre nos divers programmes s'est faite en respectant les grandes orientations que s'est données le ministère ces dernières années.

Les prévisions budgétaires du ministère des Terres et Forêts pour 1974/75 totalisent la somme de $61.9 millions, au brut, et $46.2 millions au net, par rapport à $57 millions et $39.8 millions pour la période de l'exercice précédent. Elles se répartissent en trois secteurs, sept programmes et 17 éléments de programme, et cela de la façon suivante, et ici, je suggère qu'au lieu de lire tout cela, on donne une copie pour le journal des Débats. (Voir annexe)

LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce agréé? M. ROY: Oui.

M. DRUMMOND: Un examen plus approfondi de ces données financières révèle qu'il y a, par rapport à 1973/74, un accroissement du budget net de quelque $6.5 millions, qui peut se subdiviser en deux parties. La première, de l'ordre de $2 millions, représente une augmentation générale de 6 p.c. à la catégorie traitements, salaires et allocations, de 3 p.c. aux autres catégories de la supercatégorie fonctionnement et de $640,000 pour couvrir les frais additionnels de traitements découlant de l'opération intégration. Quant à la seconde, qui est, celle-là, de $4.5 millions, il -s'agit là d'argent nouveau que le ministère a obtenu pour pouvoir accentuer ses efforts dans certains secteurs où les activités répondent le plus aux grandes orientations qu'il s'est données.

Parmi les faits saillants du budget 1974/75, il y a lieu de noter, en particulier, qu'un montant de $10.7 millions est affecté à la protection de la forêt contre les insectes, ce qui permettra au ministère d'intensifier la lutte qu'il mène contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette qui menace sérieusement de vastes agglomérations boisées, dont la perte réduirait considérablement les sources d'approvisionnement dont l'industrie forestière du Québec a besoin pour répondre à une demande sans cesse croissante. A noter aussi que, dans le cadre d'une nouvelle politique de voirie forestière, un montant de $7 millions a été prévu pour l'aménagement du réseau routier forestier. Ladite politique, en vertu de laquelle on procédera à la construction de voies de communication permanentes favorisant un usage polyvalent des espaces verts, a ceci de nouveau : les exploitants forestiers utilisant ces chemins d'accès seront appelés à contribuer à l'amortissement du coût de construction de ce réseau ainsi qu'à son entretien.

Les crédits budgétaires prévus pour l'élément 4 du programme 4: Aide à la production forestière privée, ont été considérablement augmentés à 87.6 p.c, de telle sorte que le ministère soit en mesure de répondre aux impératifs qui se posent de ce côté-là dont, en particulier, la création d'un crédit forestier grâce auquel les propriétaires de terrains privés pourront contracter des emprunts à faible taux pour l'exécution de travaux sylvicoles dans leur boisé.

Je pourrais pousser plus loin cette analyse globale des prévisions budgétaires du ministère, mais j'ai l'impression qu'en agissant de la sorte j'abuserais de la situation, puisque l'étude des crédits prévus aux programmes et éléments de programme me permettra de revenir plus en détail sur les différentes activités du ministère et de vous fournir, avec l'aide de mes collaborateurs, de plus amples précisions sur les ressources humaines et financières affectées à chacune d'elles.

Je peux peut-être ajouter qu'en ce qui concerne la législation pertinente, la politique forestière, on a déjà déposé deux projets de loi et les autres projets de loi sont actuellement à l'étude au comité de législation et ils seraient déposés dans les semaines à venir.

Comme je l'avais signalé, ici, une de ces lois tiendrait compte de l'installation ou l'inauguration d'un crédit forestier, une autre des réserves écologiques et une troisième serait une refonte complète de la Loi des terres et forêts.

De plus, dans un autre ordre d'idées, avant qu'un autre ne commence une discussion sur cela, je peux parler, très brièvement pour commencer, de la réserve des trois chaînes, Evidemment, c'est un sujet qui est assez compliqué. C'est une loi qui date du siècle dernier. Il y a certaines dates qui sont fondamentales, si on veut faire une analyse de la situation. Il y a eu un amendement ou un changement de la loi en 1918 qui disait que c'était vraiment un droit, une pleine propriété de l'Etat et pas seulement une servitude. Ensuite, il y a une autre date dont fait toujours mention l'ombudsman lorsqu'il regarde les cas, 1937, où le gouvernement, pour la première fois, dans ses ventes, a fait remarquer l'existence de la réserve des trois chaînes sur l'acte de vente. Il y a aussi évidemment la question que, dans plusieurs endroits, les gens ne sont pas au courant si oui ou non la réserve s'applique dans leur cas. Il nous faut donc, pour arriver à une solution définitive, une étude en profondeur de tous les éléments et essayer de les mettre aussi période par période afin d'être en mesure d'arriver à des recommandations qui ont du bon sens. Il serait, je pense, prématuré pour moi, à ce moment-ci, de suggérer des amendements à la loi sans avoir tous les détails nécessaires.

Par contre, j'ai reçu beaucoup de demandes de conseils de comté et des députés en ce qui concerne cette question.

Lorsque l'on regarde le problème, on pense que cela va nous prendre jusqu'à la fin de l'année pour arriver à des solutions qui pourraient être permanentes en ce qui concerne la réserve des trois chafnes.

En même temps, je pense que tout le monde est d'accord avec moi qu'il ne serait pas tellement utile de regarder seulement la réserve des trois chaînes dans le vide, parce que, lorsque l'on regarde ce problème, cela fait partie évidemment de toute la gestion des terres publiques. A l'intérieur du ministère, nous avons commencé une étude concernant la gestion des terres publiques et cette question de la réserve des trois chafnes va évidemment faire partie de cette étude.

Dans l'intérim, parce qu'il y a beaucoup de demandes d'information, beaucoup de pressions, etc., je vais suggérer que l'on donne un droit de jouissance, en ce qui concerne la réserve des trois chaînes, pour nous permettre d'arriver avec quelque chose de définitif avant la fin de l'année.

En faisant cela, il faudrait avoir des mécanismes pour défendre ou arrêter des coupes qui pourraient être considérées comme abusives parce que cela n'a pas de bon sens non plus de permettre des coupes à blanc. Ce que l'on va donc suggérer, c'est qu'un agriculteur, un cultivateur, s'il a des questions à poser, se présente à l'administration régionale des Terres et Forêts pour discuter son plan d'aménagement en ce qui concerne son boisé. Ce ne serait pas un programme formel de notre part, mais seulement pour arrêter des coupes abusives.

Ce sont mes commentaires, pour le commencement, sur cette réserve.

LE PRESIDENT (M. Picard): Merci, M. le ministre. Avant de procéder plus loin, j'aimerais attirer l'attention des membres de la commission sur le tableau que le ministre nous a fait parvenir tout à l'heure. Vous avez consenti à le reproduire au journal des Débats. Est-ce que l'on pourrait ajouter, au journal des Débats, que les chiffres de ce tableau sont en milliers de dollars, parce que la façon dont c'est inscrit ici, porte à confusion. Tout le monde est d'accord là-dessus?

Le représentant de l'Opposition officielle, le député de Saguenay.

M. DRUMMOND: Si je peux...

M. ROY: M. le Président, j'aurais une question, parce que le ministre a ouvert la porte sur la question de la réserve des trois chafnes.

M. DRUMMOND: II n'a jamais été question de fermer la porte.

M. ROY: Je pense bien que je ne surprends pas le ministre, ce matin, en disant que j'avais bien l'intention de souligner ce problème, d'en discuter aujourd'hui. J'aurais des questions à poser là-dessus. Vous m'accorderez le privilège immédiatement après les commentaires du député de Saguenay.

M. DRUMMOND: Si on peut arriver à une entente ensemble sur la procédure à suivre, ce que l'on a fait dans le passé était vraiment de donner toute la latitude nécessaire en ce qui concerne la discussion sur les affaires générales du ministère. Ensuite, cela irait plus vite en ce qui concerne les programmes eux-mêmes. Je pense que c'est plus intéressant.

M. BURNS: Cela libère les programmes eux-mêmes.

M. DRUMMOND: C'est cela. Je voudrais que ce soit comme cela. Je suis d'accord.

M. ROY: Je suis bien d'accord là-dessus. J'y reviendrai tout à l'heure.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Saguenay.

M. MALOUIN: M. le Président, je pense que l'on pourrait peut-être dire en millions de dollars plutôt qu'en milliers. C'est en millions.

LE PRESIDENT (M. Picard): II y a un point.

M. MALOUIN: La virgule représente le million.

LE PRESIDENT (M. Picard): Je pense que c'est le point qui représente le million.

UNE VOIX: On ajoute des mille.

M. MALOUIN: II faudrait s'entendre. Est-ce que c'est la virgule ou le point? En milliers. D'accord.

Le président a toujours raison.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, le ministre, ce matin, a choisi, lorsqu'il a fait son exposé général, de nous parler de ses crédits, programme par programme. Nous aurons l'occasion de discuter de ces crédits, mais j'aurais voulu que le ministre nous dise où en est rendu son programme de réforme globale au ministère des Terres et Forêts.

Après plus de deux ans de dépôt, du moment où il y a eu le dépôt du livre blanc des Terres et Forêts, nous avons eu trois budgets et nous constatons encore, malheureusement, que les idées prônées par le ministre dans son livre blanc sont encore dans les grandes politiques générales restées lettre morte.

Je n'ai pas besoin de vous dire, M. le Président, combien d'espoirs avaient été soulevés au niveau de tous les citoyens du Québec, sinon au niveau des compagnies forestières, lorsque le ministre avait proposé son livre blanc et que, dans ce livre blanc, il proposait une grande réforme des politiques forestières.

Nous savions, en effet, qu'il y avait eu un premier livre blanc en 1965, livre blanc qui avait apporté un certain nombre de réformes, en particulier en ce qui concerne la forêt domaniale, mais qui n'avait pas apporté des réformes générales et complètes qui étaient nécessaires pour régler le problème forestier.

M. le Président, si, pour moi, en tout cas et pour nous, du Parti québécois, des espoirs avaient été soulevés, à ce moment-là, c'est parce que nous considérons que la forêt constitue certainement l'une des ressources renouvelables les plus importantes du Québec, mais qu'il s'agit de développer.

Il faut dire aussi, M. le Président, que demeurant dans un comté où l'industrie forestière est assez importante, j'ai eu l'occasion de constater moi-même les faiblesses d'une administration forestière qui laissait à peu près tout le contrôle aux compagnies forestières. J'ai eu l'occasion de constater, par exemple, combien de compagnies forestières ont vidé, chez nous, le territoire sans se préoccuper de sylviculture, sans se préoccuper de la conservation de cette ressource et, malgré le fait que nous disons que c'est une ressource renouvelable, nous constatons, même actuellement, que certaines compagnies ne sont pas capables de se trouver d'alimentation, ne sont pas capables de se trouver ces ressources nécessaires à leur exploitation.

Je n'ai pas besoin de vous citer les villages fantômes qui ont été créés par des compagnies forestières dans mon comté, que ce soit Clarke City, Rivière-Pentecôte, Baie-Trinité, Godbout, Franklin, que ce soit Rivière-Portneuf où la Consol ira prochainement, ou encore les Escoumins. Autant de places, je parle strictement pour mon comté, où des compagnies forestières ont pillé complètement les ressources et le gouvernement n'a absolument rien fait. Aujourd'hui, M. le Président, ce sont des villages fantômes qui vivent en grande majorité d'assurance-chômage et d'assistance sociale.

Nous espérons, en tout cas, par la réforme que proposait le ministère des Terres et Forêts, que cette situation allait être corrigée. Malheureusement, ce matin, le ministre nous en dit très peu. Il semble même que toute cette réforme semble avoir été oubliée au ministère des Terres et Forêts. Par quoi se justifiait cette réforme?

Je voudrais rappeler un peu, ce matin, quelques affirmations du tome II du livre blanc du ministère des Terres et Forêts. En particulier, aux pages 53 et 54. "Les modes actuels de distribution de la matière ligneuse, y lit-on, ne favorisent pas la pleine utilisation des forêts et ne permettent pas non plus de répartir la production forestière de façon optimale entre les différents usagers."

Donc, l'un des principaux problèmes que rencontrait le ministère des Terres et Forêts dans justement la planification de ces ressources, c'était la mauvaise distribution de la matière ligneuse.

Lorsque le ministre nous a fait un exposé au moment de la première séance de la commission parlementaire des Richesses naturelles qui siégeait sur l'étude du livre blanc, il nous parlait encore, justement, de la nécessité de modifier des concessions forestières, en particulier à la page 12 où on lit ceci: II y a aussi le fait que les concessions forestières jettent des volumes im-

portants de matière ligneuse qui pourraient être utilisés par d'autres entreprises ou exploitants. A la page 17, le ministre allait même jusqu'à affirmer ceci: "Nous savons de plus que l'utilisation actuelle de ces concessions ne correspond qu'à 65 p.c. de leur possibilité."

Nous pensons à des compagnies comme CIP qui contrôle 25,000 milles carrés de territoire. Suite à cette réforme, la première chose que le ministre a faite, a été de céder à une compagnie, qui s'appelle Rayonier Québec, 52,000 milles carrés de territoire.

Nous sommes donc en droit de nous demander où en est rendue cette réforme qui, pour le ministre, était à ce moment une réforme globale. Il ne s'agissait pas, M. le Président, de proposer certaines réformettes, comme il le fait et comme il l'a fait lorsque l'on a modifié, par exemple, la loi sur REXFOR qui a été la seule loi que le ministre nous a présentée depuis deux ans concernant cette réforme forestière. Il s'agissait, pour le ministre, d'une réforme globale. En effet, à la page 10 de son exposé préliminaire, lors des séances de la commission parlementaire, on y lisait encore: Aujourd'hui, nous considérons que le temps est venu de procéder à une réforme globale et de se doter d'instruments souples qui nous permettront de planifier et de mieux organiser le secteur en fonction d'un développement harmonieux de la ressource.

M. le Président, l'une des réformes fondamentales, qui étaient la base même de la réforme globale de l'administration forestière, était l'abolition des concessions forestières. En effet, il y avait deux principes sur lesquels se basait le ministre à partir de son livre blanc, deux principes qui nous apparaissaient très importants: Premièrement, les forêts publiques du Québec étant la responsabilité de son gouvernement — disait-il à la page 14 toujours de son discours préliminaire — ces forêts étant désormais soumises à une grande concurrence et face à la nécessité d'organiser ce territoire au profit de l'ensemble des utilisateurs, le gouvernement doit se doter d'instruments flexibles lui permettant d'éliminer le morcellement que représente aujourd'hui la carte forestière du Québec et de satisfaire tous les besoins.

Aujourd'hui, M. le Président, si nous regardons encore la carte forestière du Québec, nous constatons, en 1974, qu'elle correspond à peu près encore exactement à ce qu'elle était en 1970.

Le deuxième principe sur lequel se basait le ministre dans sa réforme forestière était, disait-il: L'allocation du bois doit se faire en fonction des besoins réels des utilisateurs. De plus, pour réaliser des économies au niveau de l'exploitation des forêts, le gouvernement doit voir à ce que toute la matière ligneuse exploitée soit utilisée pour une transformation optimale. A partir de ces principes, plusieurs décisions ont été prises et seront mises en application le plus rapidement possible.

L'abolition des concessions forestières. Nous avons pu constater, M. le Président, que, sur ce point, le ministre avait quelque peu reculé lorsqu'il parlait d'une abolition sur une période de dix ans, mais encore aujourd'hui, nous nous demandons si le ministre s'est engagé dans cette réforme et quel est le calendrier que le ministre a fixé, afin que les compagnies forestières puissent savoir exactement ce qui se passera d'ici cette période.

En effet, M. le Président, pour le ministre, l'abolition des concessions était un instrument clé pour la réalisation de la nouvelle politique qui consistait, disait-il, surtout à modifier en profondeur les mécanismes traditionnels de gestion et d'allocation de la matière ligneuse.

Je n'ai pas besoin de vous cacher que sur ce point en particulier nous avons, non seulement au moment des discussions en commission parlementaire, mais aussi par la suite, appuyé constamment le ministre, non pas que cela nous satisfait complètement, non pas que nous fussions complètement heureux des modalités d'application de cette réforme, mais au moins c'était un pas et c'en était un considérable.

Nous espérions justement que le ministre allait, cette fois, contrairement à d'autres ministres, appliquer cette réforme. En conclusion, suite à la tenue d'auditions publiques des 20, 22, 23 et 24 juin et 31 août 1972, j'affirmais ceci: Concernant les concessions forestières, notre position est claire.

Pourquoi attendre puisque, de toute façon, une bonne partie de la solution réside, inévitablement, dans la redistribution des aires de coupe? Pourquoi surtout laisser pourrir une situation en appliquant de façon progressive et, en quelque sorte, à moitié, une réforme devenue urgente? On ne nous a apporté aucune raison sérieuse. Aussi, nous maintenons qu'il faut prévoir un jour prochain, avant 1975, où toutes les concessions seront abolies et où serait instaurée une nouvelle carte des territoires forestiers. Cette inconsistance du livre blanc devait d'ailleurs faire l'objet de la première recommandation de l'Union catholique des cultivateurs. Cette recommandation était celle-ci: Que le ministère des Terres et Forêts révise la période prévue de dix ans pour la reprise des concessions, puisque nous craignons qu'une période aussi longue constitue un facteur de paralysie pour la mise en place d'une politique forestière valable. M. Allain enchaînait, par la suite, en disant: "Comment le gouvernement du Québec va-t-il pouvoir concilier une planification véritable des forêts de la province tout en laissant dans le tableau des concessionnaires en bonne et due forme qui, eux, continueront de jouir des privilèges du passé, continueront d'appliquer les méthodes du passé? "

M. le Président, nous le savons, cette réforme est fort importante, l'abolition des concessions forestières, c'est l'élément clef pour l'application de cette réforme. Nous disons, ce matin, à mon sens, que rien n'a été fait ou presque

depuis l'automne 1971, date de la mise au point du livre blanc. Le tome II a été publié en mars 1972.

Nous sommes encore assurés, par le dernier budget, qu'il ne se fera rien au cours de la prochaine année, en ce qui concerne les recommandations majeures du rapport, ni dans les concessions, ni dans la forêt privée, quoique, tout à l'heure, je pourrais parler des mesures qu'entend proposer le ministre concernant le crédit forestier.

Encore dans son discours inaugural, le ministre nous disait, lorsqu'il proposait sa réforme, qu'il n'était, en fait, pas soumis aux compagnies forestières. La seule chose que je pourrais dire concernant cette réforme, c'est qu'il y a eu, lors d'une séance de la commission parlementaire, un léger sursaut du ministre lorsque les compagnies forestières l'ont attaqué très durement. Le ministre a réagi et, à ce moment-là, on croyait que le ministre était vraiment sincère. Nous nous posons, aujourd'hui, des questions.

Certains disaient que le ministre, dans son discours inaugural, prétendait que les grosses compagnies, comme on le dit, forçaient la main du gouvernement. J'appelle cela faire de l'électoralisme. Il est trop facile de lancer des paroles en l'air qui peuvent avoir un fond de vérité. Le ministre l'admettait, mais que les adversaires politiques négligent d'expliquer à la population... Rappelons-nous, qu'en 1972, eh bien, cela allait assez mal dans l'industrie des pâtes et papiers. En 1972, les entreprises de pâtes et papiers ont soumis, en passant par-dessus la tête du ministre, un mémoire au premier ministre demandant près de $25 millions de subventions.

En 1972, les compagnies forestières étaient prêtes à accepter une certaine réforme, parce que, justement, un certain nombre de compagnies était en déficit, mais si nous regardons aujourd'hui le taux d'utilisation des compagnies de l'industrie des pâtes et papiers, nous constatons une amélioration sensible. Nous constatons des profits importants. Là, les compagnies ne viennent plus se plaindre au ministre. Laissez-nous tranquilles, on est capable de s'administrer nous-mêmes. Laissez-nous tranquilles, on est capable de faire des profits.

Nous nous demandons sérieusement si, suite justement à cette euphorie qui s'est créée par la suite dans l'industrie papetière, l'industrie forestière, le ministre n'a pas délaissé, à un moment donné, tous ses espoirs de modifier un peu l'utilisation des forêts.

Nous disons que le ministère des Terres et Forêts, comme les autres ministères, fait encore depuis quelque temps de l'administration à la pièce, à l'image de ce gouvernement. Je compare le ministre des Terres et Forêts au ministre de l'Agriculture.

Le ministre des Terres et Forêts fait des revendications, mais le ministre des Terres et Forêts n'a rien et il est bien content. M. le Président, je le dis et je regrette, ce matin, de dire ces choses, mais puisque j'ai tellement appuyé le ministre dans sa réforme, je pense —et je le lui ai dit à ce moment-là — que, s'il n'est pas capable d'appliquer sa réforme, s'il n'est pas capable de faire valoir auprès du cabinet la nécessité de faire ces réformes, le ministre devra se présenter devant la population et lui dire qu'en vertu d'autres priorités qui sont établies au niveau du cabinet, il n'est pas capable de faire sa réforme.

En effet, nous constatons, M. le Président, comme c'est le cas pour l'Agriculture, que c'est le ministre des Finances qui a le contrôle à peu près sur tous les ministères actuellement. C'est le ministre Garneau, M. le Président, qui contrôle le ministère des Terres et Forêts, comme il contrôle le ministère de l'Agriculture. En effet, pendant que le ministre parlait de réforme, pendant qu'il parlait de l'abolition des concessions forestières, que disait le ministre des Finances? Le 16 mars 1972, le ministre des Finances du Québec, M. Raymond Garneau, affirme qu'il est d'accord, en principe, sur l'abolition des concessions forestières, tel que projeté par le ministre Drummond des Terres et Forêts. Toutefois, si on s'embarque dans un tel projet, il faudra retarder d'autres projets, devait-il faire remarquer. M. le Président, je pense que nous ne pouvons pas espérer, actuellement —et j'aurais aimé que le ministre nous fasse un bilan de ses réalisations dans ce domaine — que la réforme proposée par le ministre actuel des Terres et Forêts puisse être mise en application de sitôt. Pendant ce temps, les compagnies continuent d'être les rois et maîtres sur le territoire du Québec.

Pour appliquer cette réforme, par exemple, le ministre proposait un certain nombre de choses: un seul organisme de contrôle de tous les bois mis sur le marché. En effet, si, que ce soit au niveau des forêts privées, que ce soit au niveau des forêts publiques, nous avons l'intention d'avoir une utilisation maximale des ressources, il faut avoir un certain contrôle sur le marché. Or, actuellement, aucun organisme n'a le contrôle sur le marché. Si, par exemple, le ministre a l'intention, par son crédit forestier, de faire en sorte que nous puissions développer plus l'utilisation des boisés privés à 30 milles des régions habitées, il va falloir, justement, que le ministre ait un contrôle sur la mise en marché. Or, ce contrôle, M. le Président, si on l'a au niveau des producteurs privés, il n'existe pas actuellement au niveau des grands producteurs.

Où en sommes-nous rendus concernant les plans de distribution du bois établis pour chaque usine, tel que proposé par le livre blanc?

Où en sommes-nous rendus concernant la Régie des produits forestiers du Québec? Le ministre va me dire que c'est la Régie des marchés agricoles du Québec qui a cette responsabilité. Le ministre nous disait que quelques lois ont été proposées. Nous avons eu la loi de REXFOR. Encore là, M. le Président, le seul

amendement que nous avons eu à la loi de REXFOR, c'est pour, peut-être, empêcher les erreurs énormes et même frauduleuses, je dirais, que nous avons vécues concernant Rayonier Québec. REXFOR, par suite de cette modification, peut s'associer à des compagnies comme Rayonier Québec. Actuellement, REXFOR a réussi à le faire dans deux petites entreprises, mais entreprises importantes au niveau de ces régions, soit pour Sacré-Coeur, soit pour Tembec. Le ministre se glorifie, à chaque fois que nous lui parlons de réforme forestière, de ces deux cas. M. le Président, la réforme forestière, c'est beaucoup plus que cela. La réforme forestière, comme le disait le ministre, c'est une réforme globale. Il faudrait que le ministre se décide: Ou bien, cette réforme est partielle, ou bien elle est globale.

Actuellement, le ministre nous parle, en ce qui concerne les concessions forestières, d'une redistribution régionale, un peu comme si on parlait de refaire la carte électorale, région par région. Nous l'avons dit: L'abolition des concessions forestières doit se faire à un jour déterminé, sinon on aboutira à une courte série de transferts des concessions sans importance, comme c'est le cas actuellement.

Je pense bien que le ministre va affronter à ce moment les grandes compagnies internationales telles que la CIP, qui n'est pas intéressée à donner à d'autres les concessions forestières qui sont actuellement sous-exploitées.

Le crédit forestier est une mesure qui s'inscrit dans des mesures globales. C'est une mesure, en fait, qui est nécessaire, d'accord, mais qui est secondaire. Je dis, M. le Président, que les petites lois que nous propose le ministre actuellement, c'est simplement pour nous faire oublier qu'on a définitivement mis sur les tablettes le livre vert sur la réforme de la politique forestière. C'est inutile d'avoir une politique forestière à la pièce. Non seulement une mesure secondaire pour le crédit forestier, mais encore faut-il se rendre compte que le crédit forestier, si on se fie actuellement aux crédits du ministère, ne s'appliquera à peu près pas. Il faudrait bien dire que le développement des forêts rurales implique nécessairement une révision fondamentale des règles d'exploitation des forêts privées, et je veux dire, une révision fondamentale des règles d'exploitation du domaine public, en particulier des concessions.

A l'heure actuelle, l'exploitation des forêts privées est faite de façon résiduaire par rapport à l'exploitation que font les compagnies pape-tières sur leurs concessions. Il faut intégrer les activités de coupe sur les deux domaines, privé et public. Le meilleur moyen, ce sont les forêts domaniales. Le lobbying des grandes compagnies a eu raison du ministre. D'abord, à la suite du fait qu'il ne contrôle plus son ministère. Ensuite, à la suite du fait que le ministre a reculé en ce qui concerne l'abolition des concessions forestières. Le ministre n'a pas su encore déterminer un calendrier à suivre.

Pendant ce temps, le premier ministre se promène à New York pour susciter de nouveaux investissements étrangers dans le secteur des pâtes et papiers. Pourtant, les Québécois ont tout ce qu'il faut pour percer dans ce domaine, que ce soit pour Donohue ou autre chose. Une autre déclaration qui m'apparaît absolument inexplicable, quand je la compare aux agissements du ministre, c'est la déclaration qu'il faisait l'autre jour, concernant le problème des petites scieries, et qu'il a reprise deux fois. Le ministre s'inquiète de la disparition des petites scieries au profit des grandes compagnies forestières. Cela scandalise le ministre, la disparition des petites scieries au profit des grandes compagnies forestières. Que fait le ministre pour empêcher que cela se produise? Rien. Le ministre m'a répondu l'autre jour, en Chambre, qu'il ne peut pas intervenir dans une trasaction privée, qu'il ne peut pas intervenir auprès, comme dans le cas de l'usine de Bobois, des administrateurs qui possédaient l'usine pour les empêcher de la vendre â la compagnie Consolidated Bathurst. Le ministre sait-il pourtant qu'en 1973, cette compagnie avait reçu $800,000 de subventions? Non, on leur donne des subventions et on ne peut pas intervenir. C'est de la libre entreprise. Le ministre sait-il aussi que l'une des conditions de vente, c'était que la compagnie Consolidated Bathurst ait justement la concession forestière en question?

Le ministre sait-il qu'il est gestionnaire et administrateur du domaine public, du domaine des terres et forêts? Le ministre a un instrument clef pour pouvoir agir dans ce domaine. Non, le ministre ne veut pas intervenir dans une transaction privée, transaction privée qui a pourtant coûté cher aux Québécois, où on a pourtant accordé une subention de $800,000. Non, on leur donne tout; après, ces gens ont les mains libres. Je pense qu'il va falloir que le ministre se réveille un peu. Il va falloir justement que le ministre arrête de se promener, comme c'est le cas du ministre de l'Agriculture, en réclamant certaines choses. Par la suite, il ne prend pas les moyens pour le faire.

Je voudrais aussi en terminant parler un peu du problème des travailleurs forestiers. On affirme depuis quelque temps qu'il y a une pénurie de travailleurs forestiers au Québec. C'est vrai. Mais le ministre a-t-il eu l'occasion d'aller visiter certains camps de compagnies forestières?

J'en ai visité un certain nombre depuis quelque temps. Le ministre a-t-il eu l'occasion de voir quels sont les services de loisirs qui sont organisés pour ces gens? Le ministre a-t-il eu l'occasion de vérifier quels sont les services d'hygiène oui les conditions de vie de ces gens? Le ministre a-t-il eu l'occasion de constater quels étaient les salaires — on parle de gros salaires pour un certain nombre de travailleurs forestiers — qui étaient gagnés par ces gens? Il y a eu justement une étude sur la pénurie des travailleurs forestiers au Québec, qui a été faite

par le Conseil de la main-d'oeuvre de la forêt en octobre 1973.

Il y avait un certain nombre de conclusions ou de recommandations dans cette étude. Où en sommes-nous rendus en ce qui concerne, justement, ces recommandations? Très peu de chose a été fait. Dernièrement, le Syndicat des travailleurs forestiers du Québec, réuni dans la ville de Québec, disait que, si on avait appliqué 75 p.c. de ces mesures recommandées, probablement que la pénurie des travailleurs forestiers serait en grande partie réglée.

M. le Président, après avoir visité ces camps forestiers, j'ai pu constater les raisons pour lesquelles ces gens n'étaient plus intéressés à faire ce travail. Quand on pense qu'il n'y avait même aucun service de loisir pour 400 travailleurs dans un camp forestier, aucun système de télévision, aucun téléphone ! H n'y avait aucun service d'urgence en cas d'accident dans ce camp, même pas un infirmier. Je pense bien que, si on n'applique pas de mesure afin que ces gens aient un salaire garanti, afin que ces gens aient des conditions de vie satisfaisantes... Ils ne vivent pas, ces gens, ce n'est pas pour vivre comme des porcs. Ces gens ont besoin de conditions de travail.

Dans un camp, en particulier, le syndicat a exigé que le ministère des Affaires sociales envoie des inspecteurs. Non seulement on n'envoie pas d'inspecteurs mais, bien souvent, quand on envoie des inspecteurs, on avertit l'entrepreneur patroneux du Parti libéral avant de les envoyer.

M. ROY: M. le Président, je suis d'accord avec le député.

M. LESSARD: M. le Président, si c'était parlementaire, je dirais que, dans certains camps forestiers, ce sont des soues à cochons. Il faudrait qu'on arrête de dire que ces gens sont des paresseux. On a fait un colloque chez nous, dans notre région, sur la pénurie de travailleurs forestiers. Quelques ingénieurs de compagnie et représentants d'une compagnie se sont réunis pour étudier pourquoi il n'y avait pas de travailleurs forestiers en forêt. Il y a une chose qui manquait, par exemple. Il y a des gens qui n'étaient pas là et qui auraient dû être là. C'étaient les travailleurs forestiers eux-mêmes qui n'étaient pas là. Comment voulez-vous justement que ces gens puissent faire valoir leurs revendications?

M. le Président, on passe notre temps à taper dessus, on passe notre temps à les critiquer, on passe notre temps à leur créer des problèmes d'assurance-chômage. On ne s'occupe pas de créer des conditions de travail satisfaisantes. Je voudrais en particulier lire un certain nombre de recommandations de ces études sur la pénurie de travailleurs forestiers au Québec du Conseil de la main-d'oeuvre de la forêt, en octobre 1973, en particulier concernant les conditions de travail. Cela se base sur une enquête qui a été faite sur une grande majorité de travailleurs forestiers: conditions de travail compensées pour les inconvénients auxquels sont exposés les travailleurs à la pièce à cause des conditions atmosphériques et du bris de l'équipement; s'assurer qu'il y a, sur les lieux de travail, un abri facilement accessible; prévoir une compensation normalisée pour les pertes de production que doit encourir le travailleur à la pièce.

M. le Président, on sait que ces gens sont payés quand ils travaillent. S'il pleut trois jours pendant la semaine, ils vont être payés seulement pour les deux jours qu'ils ont travaillé. J'ai des cas bien précis, des gens qui sont venus me voir, qui travaillaient pour une certaine compagnie de ma région. Les gens sont venus me voir pour me montrer leur salaire. Il m'a fallu reconnaître devant ces gens qu'ils étaient bien mieux de rester chez eux et d'aller retirer l'assistance sociale. Ce n'est pas comme cela qu'on va créer des conditions d'emploi.

Ce n'est pas comme cela qu'on va intéresser les jeunes à entrer dans ce métier qui est un métier qui doit être reconnu comme valable.

Assurer un service efficace de réparation et d'entretien de scies à chaîne à prix raisonnable. Encore là, M. le Président, il y a des gens qui travaillent pour des travailleurs forestiers qui sont établis dans le nord, assez loin, qui sortent à un certain moment et qui doivent plus de frais de réparations que le salaire qui leur est accordé à la fin de leur saison.

Article 22. Contrer les accusations de favoritisme dans l'allocation des secteurs de coupe en élaborant des normes d'assignation des secteurs. Favoriser tout programme qui viserait à atténuer les problèmes causés par l'éloignement du travailleur forestier de son lieu de résidence. Propreté dans les camps. Organisation de loisirs. Service d'urgence pour la santé. Obvier au problème de l'éloignement en favorisant l'aménagement de sites de camping familial à proximité des camps forestiers. Adapter les conditions de vie du camp en tenant compte des recommandations relatives à la vie dans les camps — je ne le lirai pas — que l'on trouve dans le texte intitulé: Conditions de vie en forêt, extrait du rapport du comité d'étude et de la main-d'oeuvre.

Prévoir dans les campements, surtout ceux qui sont les plus éloignés des centres, la possibilité de vie personnelle.

M. le Président, dans ce camp forestier de 400 personnes, si vous aviez vu la salle commune qui était censément aménagée. Quand je les ai rencontrés, nous étions obligés de nous rencontrer par groupes de dix parce qu'il n'y avait pas de place pour les autres.

Prévoir et maintenir en état de service le matériel récréatif susceptible d'intéresser les résidants des camps. Encourager les chefs de file à promouvoir de telles activités.

Les compagnies nous répondent: Oui, mais ces camps forestiers sont temporaires. C'est

faux. Le camp que j'ai particulièrement visité, cela faisait huit ans qu'il était installé au même endroit.

Or, Hydro-Québec prévoit pour ces travailleurs un certain nombre de loisirs. J'ai dit aux gens: D'accord, lors des négociations, vous devriez exiger ce service de loisirs, mais je pense que le gouvernement lui-même, d'abord, au point de vue des services de santé devrait prévoir justement un minimum de services de santé. Vous allez me dire: II en prévoit. Est-ce qu'on visite ces camps pour vérifier justement si ces services de santé sont accordés?

M. le Président, j'ai l'intention de continuer mon travail dans ce domaine. Je dois dire que les services de santé qui étaient accordés et reconnus dans ce camp faisaient pitié.

Nous aurons l'occasion d'en discuter, mais je pense qu'on devrait arrêter de dire qu'il y a une pénurie de travailleurs forestiers. Je pense qu'il n'y a pas actuellement une pénurie de travailleurs forestiers, mais je crois que le problème fondamental est d'abord les conditions de vie de ces gens. A 45 ans, ce sont des gens finis, la plupart du temps, et incapables de se faire un petit salaire satisfaisant.

La compagnie Rayonier, actuellement, malgré tout ce que je peux avoir contre elle, ne connaît pas de pénurie de travailleurs forestiers parce qu'elle a des conditions de vie dans ses camps qui sont satisfaisantes, en tout cas, qui sont passables, mais si vous allez à l'Anglo Canadian Pulp and Paper, par exemple, à Forestville, vous allez constater qu'il y a une pénurie de travailleurs forestiers et allez visiter aussi les camps, vous allez voir, à un certain moment, quelles sont leurs conditions de vie.

Il y a quatre ouvriers, dernièrement, qui ont soulevé le problème global, qui ont quitté leur emploi à la compagnie en exposant à la population ce que c'était que de vivre dans ces camps.

M. le Président, ce sont autant de problèmes que nous aurons l'occasion de discuter programme par programme et je pense que le ministre a un travail à faire pour remonter la côte. Je pense que si le ministre veut encore avoir notre appui, nous sommes prêts à le lui accorder, mais pour autant, cependant, qu'il nous prouvera qu'il fait son travail, pour autant qu'il nous prouvera qu'il est prêt à appliquer sa réforme, tel que nous le proposions encore dans une déclaration que je faisais en commission parlementaire.

Il nous faut, disais-je, insister sur la nécessité de passer rapidement à l'action, sur la nécessité de transposer d'ici les prochains mois en termes législatifs les éléments les plus importants de cette politique dont nous terminons actuellement l'élaboration.

Il est maintenant impératif de fixer le plus tôt possible ce calendrier de mise en application de cette réforme, sinon on risque de répéter l'avortement qu'a connu, en 1965, le projet de réforme de la politique forestière. Autre avortement, comme toute la politique d'administration au jour le jour du gouvernement Bourassa.

M. le Président, il me semble que le ministre "va passer" au ministère des Terres et Forêts et il me semble surtout que les compagnies forestières resteront et continueront de contrôler nos ressources forestières. Et, malheureusement, je ne pense pas que le ministre, actuellement, soit assez fort au niveau du cabinet pour empêcher encore cette situation qui a été déplorable dans le passé et qui continuera de l'être dans l'avenir.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, en écoutant les brefs commentaires du ministre tout à l'heure, je dois vous dire que j'ai été déçu parce que je m'attendais à beaucoup plus de la part du ministre ce matin. Parce que si on se réfère aux différentes déclarations et aux différentes prises de position du ministre des Terres et Forêts, autant à l'Assemblée nationale, autant sur la place publique que devant les commissions parlementaires, il semblait qu'enfin nous avions un ministre des Terres et Forêts au Québec qui semblait décidé de prendre ses responsabilités et, je dis bien, de sortir ce ministère de la tutelle des compagnies papetières.

Je n'invente rien et je ne surprendrai personne ce matin en disant que le ministère des Terres et Forêts au Québec a toujours été la chose des compagnies papetières, des trusts des pâtes et papiers. Il faut y avoir participé et il faut avoir travaillé pendant un certain nombre d'années pour ces compagnies papetières au Québec... Celui qui vous parle a eu le privilège de travailler comme bûcheron et comme commis à ces opérations forestières à partir de 1948 jusqu'à 1953; j'ai vécu avec les bûcherons qui ont travaillé dans la province de Québec et j'ai été en mesure de comprendre leurs problèmes, de comprendre leur travail, et surtout, de réaliser... Et je ne me pose pas de question aujourd'hui lorsqu'on dit qu'on manque de travailleurs forestiers dans la province de Québec.

Les travailleurs forestiers du Québec qui ont contribué à développer notre richesse nationale qui a toujours été la richesse nationale no 1, ont toujours été les parias — je dis bien les parias — du monde du travail dans la province de Québec et, actuellement encore, malheureusement, dans la majorité des compagnies papetières du Québec. Je dis que les prisonniers ont des meilleures conditions de vie à Orsainville, sont mieux logés que dans les camps de travailleurs forestiers.

Et il faut se référer à une génération antérieure pour se rappeler — je fais un peu d'histoire ce matin parce que c'est bon que le ministre le sache parce que jamais il n'a été informé de ces choses — qu'il fut un temps où, je me souviens, les travailleurs de la forêt de mon comté, de ma paroisse, de mon village qui venaient à Québec pour s'engager pour une compagnie papetière de la province de Québec devaient se faire mesurer les poignets et, s'ils

n'avaient pas les poignets assez gros, ils ne pouvaient pas travailler pour ces compagnies papetières. Il y a encore beaucoup de personnes qui ont vécu cette expérience malheureuse. Ils avaient des conditions de travail impossibles. Ils étaient logés comme on ne loge pas les pourceaux actuellement dans le Québec parce qu'il y a quand même le Service de la protection des animaux qui s'en occupe. On a vécu ces choses dans la province de Québec pendant des générations et la liberté de sortir n'était pas plus avantageuse qu'à Orsainville parce que si le travailleur forestier avait le malheur de quitter les opérations forestières, même après trois mois, pour aller visiter sa famille, il était remplacé sur-le-champ et il ne pouvait pas reprendre son travail.

Je pense que s'il y avait des bûcherons ici ce matin qui ont vécu pendant une génération, pendant une vie, qui auraient l'occasion de parler au ministre de toutes ces choses et de l'irresponsabilité et de l'incurie dont on a fait preuve dans la province de Québec... Vous avez eu le ministère des Terres et Forêts qui a toujours refusé de prendre ses responsabilités à l'endroit des travailleurs forestiers et qui a fait en sorte que cette richesse nationale nous donne le seul privilège d'être des parias parce que jamais, cela n'a rapporté à la province de Québec ce que cela aurait dû rapporter.

Je pensais qu'avec la réforme, le livre blanc, enfin on pourrait espérer qu'il y aurait un réel changement dans la politique papetière au Québec, dans les politiques forestières du gouvernement du Québec.

Mais malheureusement, je dois constater qu'encore au moment où je vous parle, le ministre des Terres et Forêts est sous la tutelle des compagnies papetières et le livre blanc, jusqu'à maintenant, a servi de façade et de prétexte pour accorder certains avantages à des compagnies papetières qui ont fait semblant d'être mal prises à cause justement des difficultés, peut-être à cause des taux d'intérêt, parce que le système qu'elles imposent à l'heure actuelle commence à leur coûter de l'argent.

Il faut voir dans le petit journal Le Papetier de février 1974, ce n'est pas tellement vieux, des nouvelles assez récentes; j'ai eu la surprise d'apprendre et je cite, M. le Président, le texte à la page 3 du journal Le Papetier: "Notre industrie papetière — c'est la voix de ceux qui contrôlent, la voix des trusts de pâtes et papiers — a fait une étude sérieuse des coûts du bois, de la main-d'oeuvre et du transport et des lourdes charges et redevances dont elle était grevée et dont ses concurrents étaient exemptés, d'où des mémoires présentés aux gouvernements fédéral et provincial, interventions qui ont été suivies du côté fédéral d'une baisse appréciable des impôts pour toute l'industrie canadienne. Quant au gouvernement du Québec, il accorda à notre industrie pour les années 1972 et 1973 un délai dans le paiement d'une partie des droits de coupe déjà dû". Ce qu'on n'a pas fait pour accorder des délais pour permettre aux travailleurs forestiers de payer leurs impôts, mais on a accordé des délais aux trusts de pâtes et papiers, probablement parce que cela rapporte à la caisse électorale, et même une annulation de cette dette si l'argent devait servir à des dépenses consacrées à la lutte contre la pollution. Après avoir pollué tous nos cours d'eau, après avoir pollué l'environnement dans bien des régions de la province de Québec à nos frais et dépens alors que la population est pénalisée, c'est rendu que le ministère des Terres et Forêts et les compagnies papetières se vantent d'avoir des subventions et d'avoir des privilèges du gouvernement provincial pour lutter contre la pollution.

M. le Président, je trouve sincèrement qu'on pousse l'odieux... c'est pourquoi je dis que la réforme et le livre blanc du ministre des Terres et Forêts, c'est de la foutaise, c'est quelque chose pour détourner l'attention, c'est quelque chose pour amuser les gens, les faire discuter et tenter de faire croire à la population — parce que c'est la marque de commerce de l'actuel gouvernement — que le gouvernement est bien intentionné. C'est toujours au niveau des intentions et, lorsqu'il s'agit de passer au niveau de la réalité, au niveau des faits, ce sont les choses que nous découvrons lorsque nous finissons par avoir certains renseignements ou en faisant certaines recherches.

M. le Président, je dis que le ministère des Terres et Forêts est très compréhensif, il a toujours été extrêmement compréhensif et il semble encore décidé d'être extrêmement compréhensif pour les demandes et pour les "problèmes" auxquels ont à faire face les compagnies papetières qui, à l'heure actuelle, craignent de ne pas pouvoir avoir l'approvisionnement suffisant pour faire fonctionner leurs usines. Par contre, le ministère des Terres et Forêts, à venir jusqu'à maintenant... Je dis jusqu'à maintenant, je conçois qu'il ait de bonnes intentions, mais jusqu'à maintenant les intentions ont été tout simplement une question restée en plan. Il n'y a pas eu de modifications majeures et on nous dit encore que, prochainement, il y aura un crédit forestier dans la province de Québec alors que cela fait au moins 20 ans que tout le monde parle du crédit forestier. Qu'est-ce qu'on fait, à l'heure actuelle, pour les petits exploitants de boisés de ferme dans la province de Québec? Quelles sont les initiatives ou les aides gouvernementales, à part les regroupements forestiers, pour tâcher de permettre à un propriétaire de boisé de ferme qui est intéressé à faire de la sylviculture pour être en mesure...

M. DRUMMOND: Cela va très bien dans votre région.

M. ROY: Je ne parle pas du regroupement forestier, je parle des propriétaires qui, pour toutes sortes de raisons, ne peuvent pas entrer

dans les regroupements forestiers. Parce qu'on semble vouloir leur imposer le regroupement forestier dans la province de Québec, alors qu'il y a des exploitants, qu'il y a des agriculteurs qui seraient intéressés, eux aussi, à faire des travaux de sylviculture sur leur propriété, et il devrait également y avoir certaines dispositions, certains privilèges qui leur permettraient d'être en mesure de le faire de la façon la plus adéquate et la plus économique possible. Malheureusement, ces politiques n'existent pas. Pourquoi? Parce que c'est toujours la même chose. Le gouvernement, et le ministère des Terres et Forêts en particulier, a toujours accordé tout son appui, toute sa collaboration aux grandes entreprises et aux grandes compagnies pape-tières.

M. le Président, nous avons parlé tout à l'heure de ITT sur la Côte-Nord. Il y a toute une question de concessions forestières qui ont été accordées et pour lesquelles on a accordé des privilèges extraordinaires —je dis bien extraordinaires — sur toute la basse Côte-Nord en accordant toute la basse Côte-Nord à la compagnie ITT. Je ne sache pas qu'il y ait eu des modifications aux politiques déjà annoncées. On se rappellera que cette entreprise bénéficie actuellement de privilèges spéciaux, bénéficie d'un prêt sans intérêt pour ses équipements de l'ordre de $19 millions...

M. DRUMMOND: C'est pour la technologie.

M. ROY:... qui ont été consacrés... Je n'ai pas dit pour les trusts. Quand le ministre arrêtera de faire des politiques et des privilèges pour les trusts et que le gouvernement le fera pour se financer lui-même, au lieu de surtaxer les contribuables, il le fera pour les municipalités, pour les commissions scolaires, pour les hôpitaux, là on commencera à dire que c'est notre politique. Qu'on ne vienne pas me dire que c'est notre politique de faire des prêts sans intérêt aux trusts de pâtes et papiers. Cela est absolument faux et le ministre tente tout simplement de détourner la conversation.

M. le Président, je disais donc que $19 millions ont été concédés à cette entreprise pour laquelle le gouvernement du Québec a dû prendre l'argent dans le fonds consolidé de la province, fonds consolidé qui est alimenté par des emprunts qui sont faits majoritairement aux Etats-Unis. Nous devons payer des rentes aux Etats-Unis, nous devons payer des intérêts aux Etats-Unis, mais dans le temps le taux d'intérêt était de 8 p.c. environ. Si on fait le calcul de ce que coûte actuellement aux Québécois ce privilège particulier qu'on a accordé à la société ITT pour exploiter les travailleurs forestiers et exploiter la forêt de la basse Côte-Nord, exploiter nos richesses naturelles, il en coûte $1,720,000 d'intérêt par année au trésor, aux contribuables québécois. Par contre, la compagnie s'est vu attribuer des limites forestières et s'est vue fixer un droit de coupe de $0.50 la corde avec l'obligation de couper environ 600,000 cordes par année, ce qui rapporte au trésor québécois: $300,000; $300,000 alors que cela nous en coûte $1,720,000 uniquement au coût de l'intérêt du prêt que nous leur avons fait, ce qui veut dire que nous sommes déficitaires de $1,420,000.

Cela veut dire qu'encore une fois on impose les Québécois, on fait payer les Québécois pour permettre à des compagnies multinationales d'exploiter nos richesses naturelles et de payer des salaires à nos travailleurs forestiers. On paie nous-mêmes pour créer des emplois chez nous en donnant nos richesses aux entreprises multinationales alors que nous aurions pu, M. le Président et le gouvernement aurait pu, compte tenu du développement dans le secteur de la construction, compte tenu des besoins des scieries, compte tenu également qu'il y a des entrepreneurs forestiers qui auraient été intéressés à exploiter certains territoires, certaines concessions sur la Côte-Nord ou dans d'autres territoires du Québec et qui auraient été intéressés à négocier des contrats de vente aux compagnies papetières au lieu que les compagnies papetières procèdent elles-mêmes à faire la coupe du bois pour alimenter les moulins.

A ce moment-là, si le gouvernement avait procédé par voie de soumissions publiques pour accorder certains territoires de cette basse Côte-Nord je suis convaincu que le trésor québécois s'en serait trouvé beaucoup mieux portant. On aurait pu bénéficier de ces richesses naturelles, on aurait pu faire en sorte que nous puissions recevoir de l'argent, faire des prélèvements sur ces ressources forestières que nous avons au Québec alors qu'actuellement elles constituent un fardeau pour le trésor public, le trésor québécois. Ce n'est pas tout ce qu'on a accordé à la société ITT.

H faut regarder tous les avantages et toutes les subventions que le gouvernement provincial et le gouvernement canadien ont accordé à cette firme internationale qu'on est allé chercher, à la suite d'un voyage en Europe, pour inviter les autres à venir exploiter nos richesses chez nous alors que nous avons des gens qui seraient intéressés à le faire et qui auraient la possibilité de le faire si on leur donnait la possibilité. Mais pour cela, il faudrait qu'il y ait des politiques gouvernementales, il faudrait qu'il y ait des politiques québécoises de mise en valeur des richesses naturelles.

C'est pourquoi on a vu le premier ministre, encore récemment, aller déclarer en Europe que dorénavant il faudra bien admettre, nous Québécois, que l'économie du Québec sera de moins en moins entre les mains des Québécois, de plus en 'plus on sera entre les mains des étrangers. Le premier ministre s'en va rassurer les banquiers allemands, il s'en va rassurer les industriels allemands, pour dire: Venez au Québec, nous avons des forêts, nous avons des territoires miniers, nous avons toutes sortes de choses pour vous et nous sommes même intéres-

sés à vous emprunter de l'argent. Avoir été banquier ou industriel allemand, j'aurais été curieux. J'aurais demandé au premier ministre à quel endroit le gouvernement canadien avait emprunté pour construire toute une machinerie de guerre pour détruire leurs propres usines et aller détruire leur pays et faire mourir leur population durant la guerre. On devrait peut-être regarder le plan économique et regarder ce qui pourrait être fait comme réforme présentement. Nous sommes dans une situation drôlement ridicule. Cela frise le ridicule au dernier degré.

M. le Président, je disais donc qu'il y avait beaucoup d'autres privilèges que la société ITT avait reçus tant du gouvernement canadien que du gouvernement provincial. Il faut se rendre compte que la subvention du gouvernement fédéral, dans son oeuvre de création d'emplois a donné une subvention, non pas un prêt, de $21 millions; $21 millions en cadeau pour permettre à des étrangers de venir nous exploiter, venir exploiter nos entreprises chez nous.

M. LESSARD: Créer des emplois de porteurs d'eau.

M. ROY: Des emplois de porteurs d'eau et de scieurs de bois, avec une chaîne dans le cou et avec des conditions de vie impossibles. Réduction sur le droit de coupe: $67,200,000.

M. le Président, je trouve odieux, pendant qu'on commence à s'interroger, pendant que les compagnies papetières se plaignent, craignent de ne pas pouvoir s'approvisionner en bois, pendant que nos industriels québécois, ceux qui sont propriétaires de moulins, ceux qui font le commerce du bois de construction, commencent à être inquiets au niveau de l'approvisionnement...

Il faut que je regarde un peu dans mon comté et dans ma région pour me rendre compte que ceux qui alimentent l'industrie de la construction et le marché du bois de sciage dans la province de Québec sont obligés de s'alimenter hors frontière, sont obligés de s'alimenter à même les réserves du Maine.

Le ministre des Terres et Forêts ainsi que son sous-ministre, les officiers de son ministère et le gouvernement sont tout à fait au courant que des restrictions s'en viennent de ce côté et que, peut-être, dans un an ou dans deux ans, nous aurons du chômage chez nous, nous aurons du chômage chronique parce que, justement, les Américains ont décidé de ne pas exporter leurs ressources naturelles et de les faire transformer en dehors de leur territoire.

Il y a une quantité de moulins, à partir des comtés de L'Islet, Montmagny, Bellechasse, Beauce-Sud, Mégantic qui actuellement emploient de la main-d'oeuvre québécoise. Ce sont des milliers de travailleurs de nos régions qui travaillent à ces moulins à scie, mais ces moulins à scie fonctionnent actuellement et sont conditionnés par la permission que le gouvernement des Etats-Unis leur donne de pouvoir importer du bois des Etats-Unis.

Pendant qu'on fait face éventuellement à une pénurie de bois, le gouvernement s'en va faire un cadeau à même le trésor québécois, à même le trésor public québécois, le potentiel de nos richesses naturelles, de $67,200,000 à la Société ITT, en plus de réduire les frais de protection de $9,144,000.

On est rendu à un point que la richesse naturelle no 1 du Québec que constituaient les forêts ne rapporte plus un sou net au trésor québécois, parce que le gouvernement doit dépenser cet argent en vertu de ses politiques, en vertu des privilèges, en vertu de certaines concessions... Je serais tenté de parler de la caisse électorale, parce qu'il faudrait être passablement naif pour déclarer publiquement que les compagnies papetières n'ont pas souscrit à la caisse électorale de l'actuel gouvernement. Il faut être passablement naif pour ne pas l'admettre.

En plus d'avoir donné cette réduction de $67,200,000 sur les droits de coupe, en plus d'avoir fait une réduction sur les frais de protection de $9,144,000, on a réduit l'impôt provincial sur le revenu de $10 millions. Il n'y a pas eu de loi qui a été adoptée là-dessus. On a fait cela par arrêté en conseil, c'est moins gênant, c'est moins compromettant et cela évite les débats publics. C'est de cette façon qu'on procède.

Pour la dispense de la taxe de vente de 8 p.c, c'est encore la même chose. Je ne sache pas que nous ayons eu, nous, les élus du peuple, les parlementaires, à nous prononcer sur cette réduction de l'impôt provincial sur le revenu de $10 millions et je ne sache pas non plus que nous ayons eu à nous prononcer sur la dispense de la taxe de vente. Je ne sache pas que nous ayons eu aucune loi qui a été présentée à l'Assemblée nationale à ce sujet. Je ne sache pas non plus qu'il y ait une loi qui ait été présentée à l'attention des membres de la Chambre, à l'attention du Parlement, pour réduire les droits de coupe de $67 millions.

Cela veut dire que le ministère des Terres et Forêts, par voie de réglementation, a pu contribuer à accorder des privilèges, des bénéfices et des exemptions de toutes sortes à un seul trust, le plus grand trust international, la société ITT, de près de $85 millions de subventions sans venir, sans en parler et sans avoir le consentement de l'Assemblée nationale du Québec.

Je pense que la chambre de commerce, l'autre jour, avait raison de s'inquiéter de ce qu'aujourd'hui on légifère par règlement, autrement dit, le gouvernement administre par décrets, administre par règlements et les élus du peuple ont de moins en moins à se prononcer sur des choses aussi importantes.

Lorsqu'il s'agit de choses qui concernent des revenus de la province, que la province perd en accordant ces privilèges de l'ordre de $85 millions et qu'on ne permet même pas aux élus

du peuple de se prononcer là-dessus, je trouve que notre gouvernement provincial est passablement... C'est ce qui m'a fait dire en Chambre plusieurs fois que notre ministre des Terres et Forêts était le ministre dépendant des trusts des pâtes et papiers.

Il y a d'autres choses qui n'ont pas été dites non plus. Il faut préciser qu'il n'a pas été tenu compte des dégrèvements fiscaux, de la dépréciation accélérée.

M. le Président, il est impossible pour nous, à ce moment-ci, d'évaluer ce que cela pourra représenter en perte de revenus pour le gouvernement de la province de Québec, qui devra être compensé par des taxes qu'on ira chercher chez les travailleurs forestiers, par des taxes et des impôts qu'on ira chercher chez les travailleurs du Québec, que les gouvernements provincial et fédéral accordent aux entreprises investissant dans le secteur manufacturier, ce qui ajouterait probablement encore plusieurs millions de dollars au total précédent. M. le Président, ceci fait partie des avantages chiffrables qui ont été accordés par le gouvernement provincial à la société ITT et à la société Rayonier, pour la création de deux ou trois milliers d'emplois.

M. le Président, l'implantation de Rayonier Québec — je continue l'article qui avait paru dans un quotidien du 1er août 1973 — et je cite: "L'implantation de Rayonier Québec à Port-Cartier a donc été favorisée par des avantages considérables, et les chiffres précédents, compilés pour une période de 25 ans, ne constituent que la partie qu'il est possible de comptabiliser. Cette somme de $130 millions représente 26 p.c. de l'investissement total de $500 millions que la compagnie engagera dans la construction d'un ensemble industriel dont la réalisation à trois phases sera étalée sur quinze ans". On sait très bien, M. le Président, que ces $500 millions, pour le reste plus la différence, seront financés à même les épargnes des Québécois qui sont dans les institutions financières, dans les sociétés de fiducie, qui sont dans les compagnies d'assurances ou autres. Ce qui veut dire qu'on est allé chercher des étrangers chez nous, et on leur a dit: Venez, nous allons tout vous donner. Nous sommes généreux, nous sommes riches, nous sommes en moyens dans la province de Québec. Ceci s'est fait avec la complicité, non seulement la complicité, mais avec la bénédiction de notre actuel ministère des Terres et Forêts.

M. LESSARD: Et de Jean Lesage, M. le Président.

M. ROY: M. le Président, je pourrais citer beaucoup de faits concernant la société ITT Rayonier, pour dire tout simplement, que nous avons été victimes — je dis que les Québécois ont été victimes, peut-être que le terme qui me vient à l'esprit n'est pas parlementaire, malheureusement — de la plus grande supercherie — je serais tenté d'employer le mot fraude si ce mot était parlementaire — d'une fraude, de la plus grande fraude — je l'appellerai même la fraude du siècle — parce que jamais, on n'avait concédé une partie aussi importante du territoire du Québec à une seule entreprise. Jamais, M. le Président, on n'a accordé autant de privilèges fiscaux, autant d'avantages à une seule entreprise au même moment, dans la même année. M. le Président, je ne peux pas blâmer les gouvernements précédents. C'est le gouvernement actuel, créateur d'emplois, spécialiste de la création d'emplois, qui s'est occupé de faire cette transaction et d'accorder ces privilèges. C'est le parti du maître chez nous qui, à l'heure actuelle, est en train de nous surtaxer. On est aux prises avec des problèmes d'inflation de toutes sortes. Le gouvernement, évidemment, profite du fait de cette inflation pour augmenter ses revenus, pour aller chercher ces revenus qu'il perd, par suite des concessions ou des avantages qu'il accorde à ces entreprises multinationales. On a vu une autre pauvre petite compagnie qui est venue pleurer devant le gouvernement provincial. C'est la compagnie CIP, lorsqu'il s'est agi du moulin de Témiscamingue. Elle a voulu se faire dédommager par le gouvernement provincial et avoir certains avantages, alors qu'on aurait dû, tout simplement, lui envoyer une facture de $100 millions pour tous les privilèges et les avantages et les profits qu'elle avait faits, grâce à la complicité des gouvernements qui ont précédé le gouvernement actuel dans la province de Québec.

Je crains, M. le Président, et c'est justement là que je veux en venir, que, dans l'actuelle politique de l'abolition des concessions forestières, on rachète à gros prix les concessions forestières que nous avons données aux entreprises, aux compagnies papetières qui nous ont toujours exploités. Je ne me gêne pas de dire que les compagnies papetières nous ont toujours exploités. Je pourrais parler aussi des petits producteurs de bois qui ont fait affaires avec de petits commerçants de bois, il y a quelques années. Ceux-ci descendaient du bois par camion, à la comapgnie Anglo-Pulp, ici à Québec, à la compagnie Beaupré, à la scierie de Beaupré, à l'usine de Donnacona ou ailleurs. Je suis bien à mon aise pour en parler, parce que ce sont des choses dont j'ai eu à souffrir, comme bien d'autres personnes de mon comté et de ma région. On n'a jamais pu avoir les mesureurs du gouvernement, parce qu'on se faisait voler littéralement, à la porte de ces compagnies, après avoir attendu, parfois, douze heures, quinze heures, dix-huit heures, vingt heures, dans la cour de l'usine sans même pouvoir avoir un sandwich, pour pouvoir décharger les camions. Ce sont des expériences que j'ai vécues personnellement, ici, à l'Anglo Pulp. Evidemment, ceux qui achetaient le bois ont abusé, parce qu'il fallait livrer six cordes et demie pour arriver à se faire payer cinq cordes et un quart, et on a tenu criminellement responsables les petits commerçants de bois.

Je ne parlerai pas des courtiers, des "brokers" de bois, je ne veux pas, à ce moment-ci, parler de ce problème. Mais je veux parler de ceux qui, dans les milieux ruraux, achetaient du bois pour gagner leur vie et allaient le livrer aux compagnies papetières. Je me souviens, une fois, entre autres, nous nous étions organisés, plusieurs camionneurs. Nous nous sommes dit: Nous allons faire venir les mesureurs du gouvernement. Il commence à être temps qu'on arrête de se faire voler littérallement, debout. Se faire voler.

M. LESSARD: Ils volent le gouvernement en même temps.

M. ROY: Ils volent le gouvernement en même temps. Dans certains cas, ils volaient le gouvernement, mais là, il s'agissait de bois qui venait des propriétaires de boisés de ferme. En définitive, c'était le petit propriétaire de boisé de ferme qui payait pour ces choses, parce qu'il était obligé de vendre son bois $2 de moins la corde, uniquement sur la question de mesurage. Jamais le gouvernement de la province de Québec — et je le dis — n'a voulu entendre les doléances des petits exploitants de boisés de ferme, jamais il n'a voulu entendre les doléances de certains commerçants de bois, jamais il n'a voulu se rendre mesurer le bois dans les cours des compagnies papetières, pour tâcher que les gens, les producteurs de bois, les camionneurs, les commerçants de bois puissent avoir leur juste prix et être payés pour le bois qu'ils livraient aux compagnies.

M. le Président, ce sont des choses qui n'ont peut-être jamais été dites aux commissions parlementaires. Je pense qu'il commence à être temps que le ministre sache ces choses. Probablement que, ce matin, on instruit le ministre en lui apprenant ces choses. Le ministre ne sait pas ce qui se passe dans les cours des usines à papier, ne sait pas ce qui se passe dans les camps de travailleurs forestiers, ne sait pas ce qui se passe à longueur d'année lorsque les travailleurs forestiers se font exploiter par les compagnies papetières. D est évident que, lorsque le ministre va faire un voyage, un beau voyage, il est reçu en grande pompe, on fait le nettoyage, on gratte les routes, on fait comme quand le ministre de la Voirie est invité dans mon comté. Pendant une semaine, toutes les grattes sont sorties, les camions bouchent les trous et le ministre voyage de façon confortable et se rend compte de l'efficacité de son administration. C'est un peu la même chose qui se passe dans les compagnies papetières. Je dirais que si le ministre se déguisait en travailleur forestier et qu'il tentait l'expérience...

M. DRUMMOND: A titre d'information...

M. ROY: Je pensais que le ministre me disait qu'il n'avait pas le droit de se déguiser!

M. GIASSON: Laissez-le terminer, il est bien parti!

M. DRUMMOND: Seulement à titre d'information, lorsqu'il y a un problème de mesurage, on envoie un mesureur pour faire l'arbitrage lorsque c'est demandé.

M. ROY: On en parlera de ça, M. le Président, on reviendra là-dessus.

M. LESSARD: Les transporteurs de bois en particulier, des cas concrets, on s'en reparlera. Cela leur prend deux fois plus de cordes et, dans ce temps-là, ils ne vous paient pas de droit de coupe sur ce bois.

M. ROY: II y a des conditions qui devraient faire partie intégrante des contrats par lesquels on accorde des concessions, des droits de coupe dans la province de Québec, et sur lesquels on n'a jamais protégé le travailleur forestier; on n'a jamais tenu compte des conditions de travail des travailleurs forestiers lorsque le gouvernement accorde des concessions forestières aux compagnies papetières.

M. le Président, il y a justement un exemple que je veux souligner à l'intention de l'honorable ministre. Je pense que le député de Montmagny-L'Islet qui a des travailleurs forestiers dans son comté, le député de Saguenay qui a beaucoup de travailleurs forestiers dans son comté, seront en mesure de corroborer mes propos, de confirmer des choses. C'est que les compagnies papetières profitent de la fin de la saison, assez souvent, pour obliger les travailleurs forestiers à continuer la coupe du bois dans des conditions impossibles, à cause de l'épaisseur de la neige, et les compagnies papetières refusent d'accorder que la personne puisse avoir son document pour être en mesure de retourner chez elle et de retirer des prestations d'assurance-chômage parce que les conditions de coupe du bois sont absolument impossibles. C'est impensable.

Je souligne à l'attention du ministre, c'est à ça que je faisais référence tout à l'heure, qu'il y a un député fédéral qui a décidé de se déguiser, sans se déguiser, et d'aller travailler comme travailleur forestier, comme travailleur dans la forêt, pour se rendre compte de ce fait, de cette situation dans laquelle on plaçait les travailleurs forestiers. Il a été en mesure de se rendre compte, parce qu'il a été devant la commission d'arbitrage de l'assurance-chômage pour faire les preuves, il a pu, en quelque sorte, libérer des centaines de travailleurs forestiers qui étaient pénalisés par le fait qu'ils ne pouvaient pas retirer leurs prestations d'assurance-chômage parce que les compagnies papetières les obligeaient à couper du bois dans des conditions où c'était impossible de faire la coupe du bois. C'est le député de Kamouraska que le député de l'Islet connaît très bien.

M. le Président, on parlait de travailleurs forestiers tout à l'heure. J'aimerais y revenir quelque peu et dire qu'à ce niveau il y a le problème que les travailleurs forestiers ont à envisager des dépenses qui ne sont pas reconnues vis-à-vis des lois fiscales. Je comprends que ce n'est pas le moment ici d'en parler. Mais si on parle des travailleurs forestiers et si les compagnies papetières veulent avoir des travailleurs forestiers, si le ministère des Terres et Forêts veut que les travailleurs forestiers travaillent dans des conditions humaines, des conditions normales et qu'ils puissent gagner leur vie normalement, décemment, avoir des revenus suffisants, il va falloir qu'on regarde aussi du côté des lois fiscales.

Il y a des travailleurs forestiers pour lesquels on ne tient pas compte des dépenses de voyage et on ne tient pas compte de leurs dépenses d'outillage alors qu'il en coûte aux travailleurs forestiers jusqu'à $2,000 par année seulement au niveau de l'outillage. On ne tient pas compte de ces choses; ils doivent payer l'impôt brut alors que les compagnies papetières, elles, ont des privilèges particuliers. Les compagnies papetières elles, ont droit, au niveau de l'outillage, de faire toutes les déductions voulues au niveau de l'impôt. Elles ont le droit de le faire. C'est prévu dans la loi, c'est prévu dans les règlements. Mais le travailleur forestier qui a de l'outillage pour aller travailler dans la même compagnie au même endroit, là où la compagnie possède des avantages ou des exemptions fiscales, le même travailleur, le bûcheron québécois n'a pas les avantages que la compagnie a au même endroit.

M. le Président, c'est là, ce sont des points que justement...

M. GIASSON: J'aimerais avoir plus de détails là-dessus, si vous me le permettez. Quand le député de Beauce-Sud dit que le travailleur forestier ne peut pas avoir de déductions sur la machinerie ou l'équipement qu'il utilise en forêt...

M. LESSARD: Certaines déductions sur la scie mécanique, tant par cas.

M. GIASSON: Si le gars a de la machinerie, des tracteurs, des débusqueuses, des "timber-jack" il a droit à la même dépréciation que n'importe quelle entreprise.

M. LESSARD: On parle du travailleur forestier.

LE PRESIDENT (M. Picard): A l'ordre, messieurs; je ferai remarquer au député de Montmagny-L'Islet que nous en sommes présentement au stade des remarques préliminaires. Il sera toujours possible pour lui de revenir plus tard.

M. GIASSON: Très bien, M. le Président. M. ROY: M. le Président, je vais terminer mes observations pour revenir à la réserve des trois chaînes puisque le ministre en a fait mention ce matin, parce qu'il s'attendait bien que je lui pose certaines questions là-dessus. Le ministre a attendu la commission parlementaire pour l'étude des crédits du ministère pour faire une annonce disant que le ministère allait attendre certaines décisions, si j'ai bien compris le ministre, au niveau des conseillers juridiques ou d'études qui sont faites actuellement. Est-ce que le ministre pourrait préciser ce point?

M. DRUMMOND: Disons qu'il faut ramasser tous les détails. Je pense que c'est la vérité que, si on veut changer ou faire des amendements en ce qui concerne la réserve des trois chaînes, il faut ramasser toutes les données d'une façon systématique afin d'être en mesure d'arriver vraiment avec les faits nécessaires pour faire une étude solide de ce que l'on doit faire et ça doit être fait, aussi dans un plan général en ce qui concerne la gestion des territoires publics du Québec. Ce que je vais ajouter, c'est qu'en attendant ça, on donnerait le droit de jouissance en ce qui concerne la réserve des trois chaînes.

M. ROY: Ce qui veut dire qu'actuellement, vous suspendriez toutes les procédures qui sont intentées au niveau des propriétaires, au niveau de ceux qui ont reçu un avis du ministère des Terres et Forêts?

M. DRUMMOND: Grosso modo, c'est ça. En ce qui concerne...

M. ROY: Grosso modo, j'aimerais bien savoir...

LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce que le député de Beauce-Sud a terminé ses remarques, parce qu'on va s'engager dans un débat?

M. ROY: Je voulais tout simplement avoir plus de précisions parce que j'aurais des remarques à faire sur cette réserve des trois chaînes.

LE PRESIDENT (M. Picard): Vous pouvez toujours faire vos remarques et vous serez repris, corrigé, par le ministre par la suite.

M. ROY: D'accord. Les remarques que j'ai à faire, c'est que le ministère des Terres et Forêts se doit dès maintenant de l'annoncer publiquement, de suspendre toute procédure et toute démarche qui ont été intentées contre les propriétaires, contre ceux qui ont reçu un avis du ministère ou encore ceux qui ont été cotisés à ce jour, dont le ministère n'a pas reçu le chèque en remboursement des frais que le ministère des Terres et Forêts a exigés de ceux qui sont propriétaires d'une lisière de terrain dans laquelle il y a un cours d'eau, concernant cette fameuse réserve des trois chaînes. Mais, annoncer une suspension à ce moment-ci ne me donne pas satisfaction. Il faut quand même que

cette loi soit connue, il va falloir que le gouvernement fasse le nécessaire pour faire connaître cette loi publiquement et fasse beaucoup plus pour que les gens le sachent. Disons que j'ai fait mon possible pour que cette loi soit connue depuis un certain temps. Je pense qu'on devra quand même admettre que nous avons fait notre possible pour attirer l'opinion publique de ce côté, à cause des implications et des conséquences qui en découlent. Mais il y a des gens qui ont dû payer cet hiver des montants au gouvernement provincial, suite à l'application de cette réserve des trois chaînes, alors que la loi même est contestée par des conseillers juridiques. Il y a eu des avis qui ont été émis de la part d'un certain nombre de personnes.

J'aimerais bien que le ministre me dise si on a l'intention de rembourser les personnes qui ont dû ainsi payer des montants d'argent suite à des saisies de bois qui ont été effectuées à l'intérieur de cette réserve des trois chaînes et suite également à ceux qui ont dû payer des droits parce qu'ils s'étaient construit un petit chalet sur leur terrain, sur leur propriété privée, sur une propriété qu'ils avaient et qu'ils détenaient en bonne et due forme, selon les contrats qui ont été passés devant les notaires et dont les contrats n'ont jamais fait mention de cette réserve des trois chaînes.

M. le Président, le ministre veut probablement par cette annonce aujourd'hui éviter un débat sur cette question. Je regrette, parce que le ministère des Terres et Forêts a toutes les données, tous les avis juridiques et a suffisamment d'études de faites qui permettraient au gouvernement de prendre une décision et de nous annoncer une décision. Mais on veut encore faire comme dans d'autres domaines. Il y a un problème, on fait des études. Plus tard, on verra. On va suspendre en attendant, mais, d'un autre côté, on va continuer dans certains cas. Dans quel cas va-t-on continuer à appliquer la loi et dans quel cas continuera-t-on à ne pas appliquer la loi? J'aimerais que le ministre nous dise ces choses tout à l'heure et qu'il nous donne des explications là-dessus, parce qu'actuellement il y a énormément d'inquiétude dans tous les milieux ruraux du Québec.

Tous les agriculteurs du Québec sont, je dirais, en quasi-totalité intéressés: il y a ceux qui ont eu des lettres patentes ou dont les billets de location ont été accordés après le 1er juin 1884. Il y a ceux qui ont fait des dépenses pour s'organiser un endroit de villégiature sur le plan familial, avoir un petit terrain le long d'un cours d'eau. Il y a aussi les agriculteurs, les propriétaires d'érablières sur lesquelles traverse un cours d'eau, traverse une rivière, qui ont reçu des avis du ministère des Terres et Forêts.

Le ministre a dit tout à l'heure qu'il voulait maintenair l'application de la réserve des trois chaînes pour organiser une coupe sélective, une coupe rationnelle le long des cours d'eau. J'aimerais que le ministre prenne note de la question que je lui pose à ce moment-ci — et je pourrai y revenir tout à l'heure — à savoir si cette réserve des trois chaînes s'applique dans les grandes concessions forestières, dans les concessions forestières.

Cette réserve des trois chaînes devra faire l'objet d'un débat à cette commission qui étudie les crédits et je compte bien pouvoir soulever toutes les questions pour amener le gouvernement à nous donner toutes les précisions qui s'imposent, parce que la petite annonce que le ministre nous a faite, ce matin, comme je le disais tout à l'heure, ne me donne aucunement satisfaction pour éviter que le débat n'ait lieu à ce moment-ci.

LE PRESIDENT (M. Picard): Merci, M. le député de Beauce.

Est-ce que l'honorable ministre a des remarques à faire à caractère général? Il ne faudrait pas ouvrir un débat en particulier, parce qu'on va l'avoir au cours des programmes.

M. DRUMMOND: Oui, d'accord. Au point de vue général, je pense bien que, pour ce qui concerne le député de Saguenay, il a fait mention que la réforme globale n'a pas lieu et que le ministre n'en avait pas tellement parlé ce matin.

Si je n'en ai pas tellement parlé, ce matin, c'est surtout parce que, à ce moment-ci, je trouve qu'on en a assez parlé sans avoir présenté une loi. A ce moment-ci, ce qui compte, c'est la loi qui doit être soumise, comme on l'a préconisé dès le commencement, d'une façon globale en essayant de trouver une meilleure harmonie en ce qui concerne la gestion et l'aménagement des forêts publiques.

Il fait toujours mention que la reprise de concessions forestières ne se réalise pas assez vite. Quand même, il demande encore quel est le calendrier pour tout cela. Comme on l'a dit, lorsqu'on a lancé la politique, c'est un calendrier de dix ans. D'accord, si on peut le faire plus vite, mais je pense que le député de Saguenay connaît assez bien la matière pour savoir qu'il y a des choses qu'il faut coordonner pour y arriver d'une façon logique, c'est-à-dire qu'à ce moment-ci, il faut — c'est ce que l'on fait maintenant — déterminer quel est le nouveau système concernant les redevances à payer, en fait, une refonte globale à cet effet.

Il y a aussi la question de quelle sorte de contrats. Il faut assez de temps pour y arriver. Le travail est fait et nous serons prêts cette année, à passer à l'action d'une façon assez logique pour ce qui concerne la loi et les règlements à déterminer.

Il parie aussi du fait que j'ai parlé d'un certain problème.

Ce n'est pas un problème de petites scieries nécessairement. C'est le problème de l'industrie du sciage en soi, et c'est surtout la question des scieries, qui sont d'une assez grande importance. S'il y a un vrai problème, je pense que c'est la reprise des grosses scieries par l'industrie des

pâtes et papiers pour intégrer leurs propres fonctions. On étudie cette question. On parle de l'affaire de Bobois. Tout ce que je veux dire en ce qui concerne Bobois, c'est que ce n'est pas facile. Il y a une affaire assez tragique, il y a un vrai problème pour la population; il y a une offre qui est faite, et un autre promoteur arrive en disant: Je vais mettre X là-dedans; je vais toucher de l'argent de la population et j'ai besoin de votre argent aussi. En ce qui concerne REXFOR, ces négociations prennent toujours assez de temps pour arriver à quelque chose qui a du bon sens. Je pense que même si on a fait des efforts pour arriver à des solutions ou à des formules qui sont censées être populaires, il faut les regarder de près; elles ne sont pas tout à fait populaires, parce qu'il y a les promoteurs qui ont un contrôle dans ces choses, aussi bien que la population et le gouvernement qui y sont impliqués. Il faut procéder sur de telles formules avec de longues négociations. Dans ce cas, je pense que le deuxième dossier n'était pas assez avancé.

Par contre, je ne pense pas que le gouvernement ait fait beaucoup d'efforts en ce qui concerne l'intégration qui est nécessaire, en tenant compte de l'industrie de sciage, aussi bien que des besoins en matières ligneuses de l'industrie papetière aussi. On travaille actuellement, à Saint-Félicien, sur un programme d'intégration qui garderait intacte l'industrie de sciage en soi, tout en ayant les garanties nécessaires pour l'industrie qui va s'installer là-bas. Cela a été un peu aussi le problème, en ce qui concerne Tembec. Ce n'était pas une question de concession forestière en soi. C'était une question où on a travaillé en ce qui concerne les plans d'approvisionnement pour Tembec; c'est-à-dire qu'il y a des industries de sciage dans le coin, et on a voulu avoir la meilleure utilisation de matières ligneuses. Je pense que nous sommes sur le point de réaliser une intégration dans ce coin-là. En ce qui concerne les camps forestiers, je suis tout à fait d'accord qu'il y a certains problèmes. C'est bien vrai, mais on arrive à discuter de cela chaque année. Je pense que les députés de Beauce-Sud et de Saguenay comprennent bien que, grosso modo, ce n'est pas la responsabilité, en soi, du ministère des Terres et Forêts. Il y a aussi la question des négociations syndicales.

M. LESSARD: II y a d'autres conditions aussi.

M. DRUMMOND: On peut dire peut-être que c'est un peu la faute des autres qui ont le pouvoir de négocier les termes des contrats. C'est quand même un problème, mais cela ne relève pas nécessairement de la compétence du ministère des Terres et Forêts. C'est un peu la même chose avec l'affaire de Bobois. Nous ne sommes pas un ministère sectoriel qui possède tous les pouvoirs. Si le législateur désire donner au ministre des Terres et Forêts ces droits, ces pouvoirs, c'est une autre chose. Il y a une différence entre essayer de trouver quelque chose de logique. Il faut passer par la loi telle qu'elle est ou changer la loi. Cela arrive un peu à cela, parce que le gouvernement ne peut pas vraiment marcher par chantage. Je pense que c'est assez important. En ce qui concerne encore les conditions de travail...

M. LESSARD: Est-ce que le ministre me permettrait une question?

M. DRUMMOND: Oui.

M. LESSARD: En ce qui concerne la sécurité sur les travaux et les constructions, le ministère du Travail a établi des normes minimales, et il doit, par la Commission de l'industrie de la construction, faire en sorte que ces normes minimales soient respectées. Or, au niveau de la santé, au niveau des loisirs, plus que par la négociation, je pense, parce que vous êtes le premier responsable du domaine forestier, qu'il y a des normes minimales à établir.

Je pense que vous avez une responsabilité et que vous ne devez pas délaisser cette responsabilité.

M. DRUMMOND: Peut-être y a-t-il une certaine responsabilité. Il y a une différence entre responsabilité, quand même, et autorité.

M. LESSARD: Le ministère de la Santé.

M. DRUMMOND: C'est une question de faire des recommandations, d'accord. Une responsabilité sans autorité n'est qu'un pouvoir moral et ce n'est pas le meilleur pouvoir pour agir. C'est cela, autrement, on ne peut toujours parler de la question...

M. ROY: Si le ministre me permet... Il n'y a quand même rien qui empêche le gouvernement de se donner ce pouvoir, si le gouvernement était réellement intéressé à faire quelque chose dans le domaine. Quand le gouvernement accorde une concession forestière, il y a des conditions à établir.

M. DRUMMOND: D'accord.

M. ROY: Dans les conditions à établir, on ne s'est jamais soucié, au ministère des Terres et Forêts, du bien-être et du confort des bûcherons québécois. J'aimerais qu'on...

M. DRUMMOND: Le problème est là. Quels sont, quand même, les pouvoirs qu'on veut donner au ministre des Terres et Forêts dans ces domaines? On ne parle pas des concessions, mais lorsqu'on donne une garantie de coupe, cela veut-il dire que, dans un tel contrat, on est censé avoir le droit de dire: D'accord, vous allez transporter votre bois de cette façon au lieu d'une autre, en utilisant un camion Ford, ou un camion fabriqué au Québec? Quelle est la vraie délimitation des pouvoirs à cet égard? C'est cela le problème.

M. ROY: M. le Président, un contrat qui intervient entre une personne et une autre, pour accorder un droit de coupe, c'est un contrat. Il faut regarder les contrats que les compagnies papetières font signer aux entrepreneurs, pour se rendre compte qu'elles, elles en ont mis des conditions dans les contrats de coupe de bois. Tout est prévu. Il faut regarder les pages et lire tous les articles un par un pour se rendre compte de cela.

M. LESSARD: J'ai étudié cela.

M. ROY: J'aimerais que le ministre prenne connaissance d'un contrat, de n'importe quelle compagnie que ce soit: Anglo-Pulp, Price Brothers ou encore CIP. Le contrat de la compagnie CIP serait assez édifiant.

M. DRUMMOND: Non, cela est un tout autre problème. Il y a toute une différence. Ce qu'il faut pour le gouvernement, c'est de bien surveiller, c'est notre responsabilité de voir à ce que les plans d'aménagement, d'exploitation, soient suivis, en ce qui concerne l'exploitation du bois. C'est notre affaire. Si Rexfor embauche un entrepreneur, d'accord; mais on va mettre des conditions. On embauche l'entrepreneur. Je pense qu'à ce moment-là, il y a une différence entre les deux choses.

M. ROY: Vous pensez? M. DRUMMOND: Oui.

M. ROY: Le gouvernement accorde une concession forestière à une compagnie pour exploiter le bois de la province de Québec, exploiter une réserve, exploiter une limite forestière.

M. DRUMMOND: Un contrat d'approvisionnement.

M. ROY: Un contrat d'approvisionnement, bon! La compagnie accorde un sous-contrat à un entrepreneur, un homme d'affaires du Québec. En vertu de quel pouvoir met-elle toutes les clauses pour se protéger à tous les niveaux, à tous les paliers? Il n'y a rien de négligé. Pour quelle raison. Je dis qu'il n'y a rien qui empêche une compagnie papetière de le faire, parce que c'est quand même une question de libre négociation entre deux parties qui acceptent les clauses d'un contrat. Le gouvernement provincial, par l'entremise du ministère des Terres et Forêts, a la responsabilité d'administrer tout le domaine forestier de la province de Québec, qui a toujours constitué une source de main-d'oeuvre, une source d'emploi dans le Québec, on l'a toujours considéré comme étant la richesse no 1. Vous venez me dire que le ministère des Terres et Forêts ne pourrait pas faire en sorte que dans les négociations, dans les contrats, dans les conditions qu'il peut exiger des compagnies papetières au moment où on accorde un contrat d'approvisionnement, au moins il pourrait y avoir des garanties minimales, des droits minimaux de respectés? On va se référer au ministère du Travail. Celui-ci administre les lois du travail, s'il y a une convention collective. S'il n'y avait pas d'union, et Dieu sait qu'en forêt, cela a été facile de faire du syndicalisme, quand un type arrivait en forêt pour parler de syndicalisme, il était sur la liste noire non seulement là où il travaillait, mais sur plusieurs milles à la ronde, et je dirais qu'il y avait une communication très rapide entre les différentes compagnies en plus de cela.

M. GIASSON: II y avait des... d'un camp à l'autre.

M. ROY: Oui, d'ailleurs, le député de L'Islet, avec qui j'ai déjà eu l'occasion de travailler, est au courant des problèmes que nous avons vécus au cours de cette époque, au cours de cette période. Il n'y a pratiquement jamais eu de conditions de travail dans les camps forestiers pour respecter les droits des travailleurs. S'il avait existé quelque chose, puisque le gouvernement se prépare à repenser toute sa politique d'un contrat d'approvisionnement ou autre, c'est le temps que le gouvernement du Québec agisse au niveau du ministère des Terres et Forêts.

On parle de relations interministérielles. Vous pouvez rencontrer le ministère du Travail. Quand on oblige des entrepreneurs, au moment où se donnent des contrats pour la construction d'édifices, à respecter certaines normes, quand on les oblige à inclure des normes dans les contrats, à cause des lois de travail, il devrait y avoir quand même quelque chose qui obligerait le ministère des Terres et des Forêts à faire en sorte qu'il y ait des garanties minimales je ne parle pas de maximales — en vue d'assurer les droits stricts, des droits minimaux aux travailleurs de la forêt.

Les compagnies papetières tantôt, si on laisse aller les choses du train où elles s'en vont, c'est évident, auront de moins en moins de travailleurs forestiers. Il y en a de moins en moins. Vous pouvez être sûr d'une chose, c'est que je ne m'attriste pas de ce fait que les compagnies papetières manquent de travailleurs forestiers, parce qu'elles ont tout fait pour exploiter les travailleurs forestiers et n'ont pas tenu compte que c'étaient des êtres humains, des Québécois, des Canadiens français, car c'est surtout la majorité des Canadiens français qui sont allés couper le bois pour les compagnies papetières. Ce qui est malheureux, c'est qu'aujourd'hui on a un secteur important de l'activité économique qui constitue une richesse chez nous et qui risque à un moment donné de souffrir de paralysie à cause de cela, parce qu'on n'a pas prévu, parce que le gouvernement n'a pas pris ses responsabilités.

M. DRUMMOND: Je veux dire qu'il y a une

différence entre une garantie d'approvisionnement et un contrat d'exploitation. Grosso modo, si on parle de la responsabilité des autorités, les termes sur l'exploitation doivent, pour moi en tout cas, principalement venir du ministère du Travail et non pas du ministère des Terres et des Forêts.

M. LESSARD: Vous êtes ministre et membre d'un cabinet. Vous avez une responsabilité comme ministre.

M. DRUMMOND: Les syndicats ont une obligation aussi de négocier de meilleures conditions de travail.

M. LESSARD: Je vais vous parler des conditions hygiéniques, par exemple. Le ministère de la Santé, à notre demande, à maintes reprises a été prié d'intervenir. Je pourrais vous nommer le patroneux libéral. A maintes reprises, on a demandé que des inspecteurs du ministère de la Santé soient envoyés à un moment donné dans des camps forestiers. C'est la même chose pour certaines compagnies, par exemple, d'amiante de Thetford Mines. J'ai vu même une lettre où on annonçait à la compagnie que l'inspecteur du ministère de la Santé allait se rendre à telle date, dans des camps forestiers. C'était la même chose, on faisait le ménage. Même chose pour les compagnies d'amiante. On fait le ménage. Je suis passé dernièrement à Asbestos. On avait fait le ménage. Il n'y avait pas trop d'amiantose et de particules dans l'air. Comme ministre des Terres et Forêts, chaque fois que certaines compagnies viennent faire du lobbying chez vous elles vous disent: On ne sera pas capable d'appliquer cette année nos coupes de bois. On ne sera pas capable de tout couper, parce qu'on manque de main-d'oeuvre forestière. C'est une de vos préoccupations de voir à ce que le bois soit coupé selon les besoins et en tenant compte du taux de regénération de la forêt. A ce moment, vous avez une certaine responsabilité, celle de faire en sorte qu'il y ait des conditions de travail dans ce secteur. Je comprends que vous n'avez pas la première responsabilité, parce que c'est le ministre du Travail, mais vous avez certaines responsabilités. C'est justement là le problème, M. le Président.

M. DRUMMOND: C'est justement pour cela qu'on a travaillé sur ce rapport ensemble. Quand même, ce que je veux dire, s'il y a un leadership pour faire suivre leurs cours aux choses cela doit relever surtout du premier ministère impliqué là-dedans, qui en a vraiment le pouvoir, selon les recommandations faites. Autrement, comme la question de l'inspecteur de la santé, c'est bien vrai, s'il y a un tel besoin, qu'on doive se rendre là bas. Pour moi, si on discute le budget du ministère donné, il y a un problème sur ces choses, c'est surtout une question pour discussion, lorsqu'on discute le budget des Affaires sociales.

M. LESSARD: Mais que voulez-vous? Nous, comme responsables, nous vous mettons en face de certains problèmes qui touchent le domaine forestier, de certains problèmes fort importants qui touchent le domaine forestier. Je vous apporterai au cours de la discussion en particulier, si je peux les trouver, des preuves selon lesquelles les compagnies forestières ne paient pas les droits de coupe qu'elles devraient payer. Encore là, c'est votre responsabilité.

Je vous apporterai des preuves démontrant que les camionneurs sont en train de crever actuellement, parce qu'ils ne sont pas capables d'avoir du bois qu'ils transportent. C'est aussi indirectement une responsabilité du ministre. Le ministre ne peut pas se dégager de toute responsabilité actuellement dans ce secteur, quoiqu'il y ait des responsabilités qui ne sont pas directes. Le ministre doit, par exemple, prendre ses responsabilités, et intervenir auprès du ministère du Travail, intervenir auprès du ministère de la Santé.

M. DRUMMOND: Tout à fait une autre question.

M. LESSARD: On en a plusieurs questions, on n'a pas fini.

M. DRUMMOND: Non.

M. LESSARD: On a fait 20 heures à l'étude des crédits de l'Agriculture.

On n'a pas fini et on va probablement faire 20 heures à l'étude des crédits des Terres et Forêts, et on n'aura pas fini après 20 heures.

M. DRUMMOND: Parfait.

M. LESSARD: J'espère que vous n'appliquerez pas l'article 128 des règlements, pour qu'on puisse en discuter complètement.

M. DRUMMOND: II me semble qu'on est ici pour discuter le budget du ministère des Terres et Forêts.

M. LESSARD: D'accord.

M. DRUMMOND: Dans certains cas, nous avons un rôle de collaborateur avec les autres ministères qui ont le rôle de leadership là-dedans. Tout à fait la même chose pour les camionneurs. Pour les camionneurs, nous n'avons aucun vrai pouvoir. Il y a les règlements des transports, la loi des transports.

M. LESSARD: Par exemple, la façon de mesurer par les compagnies, cela, c'est votre responsabilité.

LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce que le ministre pourrait achever ses remarques?

M. LESSARD: On reviendra aux crédits pour chacune de ces affaires.

M. DRUMMOND: L'autre chose dont je veux faire mention pour la nième fois depuis trois ou quatre ans, on parle d'ITT. ITT, c'est...

M. ROY: On n'a pas fini d'en parler.

M. DRUMMOND: Oui, on peut en parler pendant une autre dizaine d'années. C'est parfait. On avait vidé la question dans le temps. On l'a vidée lorsqu'on a discuté le bill de REXFOR, c'était il y a trois ans.

M. ROY: On ne l'a pas vidée.

M. DRUMMOND: Peut-être que ce n'est pas vidé, mais, quand même, on a eu deux élections dans le comté depuis cette date. La politique du gouvernement a été appuyée.

M. LESSARD: Non, M. le Président, ce n'est pas là le problème...

M. ROY: Un instant, M. le Président, cela veut dire une chose. Je commence à comprendre bien des affaires, c'est que c'était relié au résultat des élections. Je comprends pourquoi il y a eu tant d'argent dans le Parti libéral.

M. DRUMMOND: Je dis que la population a reconnu le bien-fondé des politiques du gouvernement...

M. ROY: Je comprends pourquoi il y avait tant d'argent dans le Parti libéral.

M. LESSARD : Quand Rayonier Québec s'est installée, Port-Cartier se trouvait, lors des élections partielles, dans le comté de Saguenay et non pas dans le comté de Duplessis. Et c'est une autre histoire.

M. DRUMMOND: C'est peut-être pour cela que le député de Saguenay l'avait appuyée fortement.

M. LESSARD: Je regrette, M. le Président, que le ministre se rappelle exactement ce que j'ai dit à Port-Cartier. Le ministre s'inquiétait de ce que j'allais dire, à ce moment-là; le ministre me poussait du coude: Qu'est-ce que tu vas dire? Attendez un peu, on va le voir, ce qu'on va dire. Mais, il y avait un fait accompli. Ce n'était pas nous autres qui étions négociateurs. Il y a un certain nombre de conditions que la compagnie Rayonier Québec avait au moins à respecter, des conditions minimales, soit, par exemple, priorité d'emploi régional, soit l'utilisation de la langue française, soit permettre graduellement à des Québécois de prendre des responsabilités au niveau des cadres. Ce sont les trois conditions. Et j'ai dit aux représentants de Rayonier Québec que le jour où je m'apercevrai — malgré tout le fait des protestations que j'ai pu faire jusqu'à 3 h 55 du matin en juillet 1971 — que l'une de ces trois conditions ne sera pas respectée, j'interviendrai. Cependant, il y avait une chose, c'est que c'était décidé, c'était fait. Cela avait été fait entre M. Jean Lesage, négociateur pour le gouvernement du Québec, et un autre dont je ne me rappelle plus le nom, qui était en même temps négociateur, et Rayonier Québec, et dont les deux personnes, Jean Lesage et le négociateur, l'avocat — je ne me rappelle plus son nom — siégeaient au même conseil d'administration à Canadien Reynolds. C'est, comme on dit chez nous, "deux culs dans la même chemise".

LE PRESIDENT (M. Heard): Est-ce que le ministre a terminé sa réplique?

M. LESSARD: C'est dans la langue française, le dictionnaire français.

M. DRUMMOND: Je verrai d'une façon générale, si je peux en mettre encore sur la réponse générale. Le député de Beauce-Sud a fait la remarque qu'on était dans les poches des grosses compagnies, ou quelque chose comme cela.

M. ROY: Que vous étiez sous la tutelle, pas dans les poches.

M. DRUMMOND: Je dirai que ce n'est pas vrai du tout. Tout ce qu'on cherche, chez nous, c'est d'avoir la meilleure intégration et le meilleur aménagement des forêts du Québec. Je pense qu'il peut parler avec l'association des manufacturiers de sciage, les représentants, pour demander s'il y a amélioration en ce qui concerne et leur approvisionnement et la collaboration du ministère des Terres et Forêts.

Je pense que vous trouveriez qu'il y a une amélioration claire et nette. En ce qui concerne les relations avec l'UPA, je pense que vous pouvez poser la même question et vous aurez la même réponse, qu'il y a une très bonne collaboration entre le ministère et l'UPA. Ce n'est pas mon rôle de me lancer dans une polémique contre un groupe ou un autre en essayant de trouver une certaine harmonie entre les utilisateurs de la forêt parce que ça nous ne mène à rien lorsqu'on travaille de cette façon, toujours en parlant en public contre ça. Mon rôle est d'essayer de trouver cette harmonie pour qu'on puisse vraiment développer cette politique globale qui va prendre le minimum de collaboration de tous les intéressés.

Le député de Saguenay avait parlé de certaines lenteurs en essayant de mettre tout ça en vigueur et du fait qu'on n'avait pas statué sur une régie des produits forestiers. Je pense qu'une régie va venir, mais il est aussi au courant que moi que lorsqu'on a étudié la question à la commission parlementaire, il n'y avait que moi et lui aussi qui étions pour une régie de produits forestiers.

M. LESSARD: Ne mêlons pas la Société de gestion et la Régie des produits forestiers.

M. DRUMMOND: Non, je vais revenir à ça. Mais la Régie des produits forestiers, l'UPA était contre, les industries de bois de sciage étaient contre, ensuite les industries de pâtes et papiers étaient contre, tous les utilisateurs étaient contre l'établissement d'une telle régie en disant que ce serait mieux d'essayer d'améliorer le système qu'il est à ce moment-ci et c'est pour ça que jusqu'à maintenant...

M. LESSARD: II faudrait l'améliorer. Il faudrait soumettre des compagnies à la Régie des marchés agricoles concernant des plans conjoints qu'elles devront respecter. Il faudrait l'améliorer. Que cela s'appelle Régie des produits forestiers ou régie, je me fous qu'on crée des commissions. Je ne m'obstinerai pas sur les...

M. DRUMMOND: Non, mais il y a une grande différence entre ça et ce qu'on préconise. Le point que je vais soulever, c'est que de plus en plus, on trouve que les secteurs de l'industrie commencent à penser que peut-être on doit arriver à une telle régie alors, ça va aider. Il faut un certain appui des utilisateurs parce qu'autrement, on ne peut pas dire que le gouvernement agit toujours selon le bon sens lorsque les utilisateurs sont contre. Tout ce que je veux signaler, c'est qu'on fait un certain progrès dans cette direction et aussi que, d'ici quelques années, on pourrait y arriver d'une façon logique en ce qui concerne la Société de gestion dont on a parlé longuement. Après la commission, on avait décidé que c'était le rôle du ministère des Terres et Forêts de s'occuper de la gestion.

M. LESSARD: Suite aux remarques des grandes compagnies forestières, il faudrait que le ministre précise, c'est que les seuls organismes qui se sont opposés à la société de gestion, ça n'a pas été l'UPA et ça n'a pas été la CSN, ce sont les grandes compagnies forestières...

M. DRUMMOND: C'est pour ça que je séparais... non, c'était...

M. LESSARD: ... qui aimaient mieux fonctionner avec le ministère actuel des Terres et Forêts, peut-être tel que ça fonctionne depuis quelques années, qu'avoir une société de gestion.

M. DRUMMOND: Je dirais aussi au député de Saguenay que, parmi les députés qui étudiaient le livre blanc, il y en avait plusieurs qui avaient dit aussi que c'était le rôle du ministère.

M. LESSARD: Les députés de l'Union Nationale mais ils ont disparu depuis. Jean-Noël Tremblay...

M. DRUMMOND: II y en avait d'autres aussi. En tout cas, j'assume pleine responsabilité pour le fait que j'ai laissé de côté la société de gestion parce que, moi aussi, après toutes les discussions, je pense que c'est le rôle du ministère.

M. ROY: D'ailleurs, il n'y a pas de ministère plus conservateur que le ministère des Terres et Forêts. C'est probablement pour ça que l'Union Nationale appuyait.

M. DRUMMOND: Ce n'est pas la vérité.

M. GIASSON: Cela a été très longtemps mais cela change.

M. DRUMMOND: Cela change pas mal et je pense qu'on a vraiment une meilleure collaboration entre tous les utilisateurs de la forêt et nous, sauf peut-être les grosses compagnies qui avaient le gros bout du bâton auparavant.

M. GIASSON: M. le ministre, je ne sais pas si j'ai bien compris, tout à l'heure, lorsque vous parliez de la Régie des produits forestiers; vous aviez signalé qu'en commission parlementaire, tant l'UPA que l'industrie s'opposaient au principe d'une régie. Mais, j'ai cru vous entendre dire que depuis, du côté de l'industrie, cela avait évolué et qu'on acceptait mieux le principe d'une régie des produits forestiers en vue de la mise en marché du bois.

M. DRUMMOND: Je ne dirais pas ça pour l'industrie des pâtes et papiers mais je trouve que...

M. GIASSON: L'industrie de sciage.

M. DRUMMOND: ... l'industrie de sciage devient de plus en plus réceptive à ça. Je pense que le grand problème avec l'UPA n'était pas une régie mais de sortir de la Régie des marchés agricoles à cause, peut-être, d'une certaine méfiance entre le ministère des Terres et Forêts et les autres en ce temps-là. Je pense qu'on a amélioré beaucoup nos relations avec eux, on travaille en pleine...

M. GIASSON: Est-ce que l'UPA a conservé ses positions, c'est-à-dire maintenir la Régie des produits agricoles même pour la mise en marché des bois, en acceptant le fait de créer une section spéciale à l'intérieur des marchés agricoles?

M.DRUMMOND: On n'en a pas discuté formellement depuis ce temps-là, on a laissé tomber pour le moment la question de la régie des produits forestiers.

M. LESSARD: Vous avez laissé tomber ça aussi?

M. GIASSON: Vous avez laissé ça temporairement?

M. DRUMMOND: La question de la régie?

M. LESSARD: La Régie des produits forestiers, oui.

M. DRUMMOND: Je n'ai pas dit que je les laissais de côté comme ça, mais au lieu de procéder tout de suite lorsque tout le monde était contre, on a mis l'emphase sur les autres aspects de la refonte et ce que j'avais voulu signaler ce matin, c'est qu'il semble que chez tous les utilisateurs, il y aurait moins de réticence qu'il y en avait à ce moment-là.

M. LESSARD: Concernant la société de gestion, puis-je faire remarquer ceci au ministre? Lors de la séance du 20 juin 1972, justement devant les organismes qui se sont présentés à la commission parlementaire, le ministre déclarait ce qui suit: "Plusieurs craignent que la prise en main par l'Etat de la gestion de ses propres forêts ne nuise plutôt aux utilisateurs à cause de la réputation des gouvernements d'être de mauvais gestionnaires. Cette crainte, nous la partageons et c'est pourquoi nous avons proposé la création d'une société de gestion. Ce genre de société a fait preuve d'une efficacité qui ne se retrouve pas dans les rouages de l'administration gouvernementale traditionnelle". Puis-je aussi faire remarquer au ministre que lorsqu'il parlait devant l'Association canadienne des pâtes et papiers, section mauricienne, le 26 octobre 1972, il donnait l'explication suivante, suite au recul qu'il avait fait concernant la société de gestion? Exactement selon la même argumentation, il disait ceci en fait, qu'il abandonnait cette société de gestion pour des raisons d'efficacité. En fait, le 20 juin, il disait qu'il avait créé cette société de gestion pour des raisons d'efficacité; le 26 octobre, devant les sociétés de pâtes et papiers du Québec, il disait qu'il avait abandonné cette société de gestion pour des raisons d'efficacité et je le cite: "Les tenants du statu quo invoquent la crainte de l'inefficacité de la gestion publique dans le territoire forestier. A la lumière des séances publiques tenues au cours de l'été, nous considérons sérieusement qu'il serait peut-être prématuré de créer un tel organisme", c'est-à-dire une société de gestion. En commission parlementaire, il disait qu'il créait une société de gestion pour des raisons d'efficacité et devant les manufacturiers, le 26 octobre 1972, il disait qu'il faisait disparaître la société de gestion encore pour des raisons d'efficacité. Est-ce que le ministre pourrait me concilier ces deux déclarations?

M. DRUMMOND: Avec grand plaisir. Ce qu'on a fait, on avait un choix à faire: ou on peut prendre au sérieux les problèmes du ministère en disant: D'accord, peut-être qu'on n'a pas tellement bien géré les forêts domaniales dans le passé mais créer une autre structure n'est pas nécessairement la meilleure façon d'y arriver.

Alors, c'est pour cela qu'on a dit: D'accord, allons gérer nos forêts domaniales au niveau du ministère. On va mettre l'accent, la priorité sur cela et rendre plus efficace l'action du ministère. C'est une des raisons pour lesquelles on a mis beaucoup d'emphase sur une vraie régionalisation de l'action du ministère. Je pense que nous sommes à peu près le seul ministère, à ce moment-ci, qui a vraiment régionalisé le budget en donnant la responsabilité et l'autorité aux gestionnaires dans la région. On a changé d'avis. Au lieu de dire qu'on n'est pas tellement efficace au ministère, en ce qui concerne la gestion, on a pris la décision de dire: On sera plus efficace et on va faire de cela une priorité au lieu de créer une autre structure avec laquelle le ministère devrait transiger.

J'accepte volontiers que c'était un changement de but, mais c'était vraiment mettre l'accent sur l'efficacité du ministère dans ce domaine.

M. LESSARD: Est-ce que vous voulez dire que vous avez créé des sociétés de gestion régionales?

M. DRUMMOND: Disons que cela dériverait de cela, d'une façon ou d'une autre, parce qu'on ne peut pas gérer les forêts de la ville de Québec. Alors il faudrait quand même régionaliser la structure de n'importe quelle organisation.

M. LESSARD: Concernant justement...

M. ROY: Avant de passer aux questions, il y a un point qui a été soulevé par le ministre tout à l'heure. Il a parlé du manque de main-d'oeuvre. C'est un problème, et je reviens un peu là-dessus parce que je pense qu'on peut déjà prévoir que le manque de main-d'oeuvre chez les compagnies papetières pour la coupe du bois va se traduire dans des difficultés qui vont causer des problèmes financiers à l'industrie papetière. Ce manque de main-d'oeuvre, si le ministère des Terres et Forêts n'y porte pas une attention immédiate... J'espère que le ministre va au conseil des ministres et qu'il peut rencontrer le ministre du Travail de temps en temps. J'aimerais au moins que le ministre me rassure. Est-ce que le ministre se rend au conseil des ministres, aux réunions du cabinet?

M. DRUMMOND: Oui.

M. ROY: Alors, puisque le ministre se rend aux réunions du cabinet, il a l'occasion de rencontrer le ministre du Travail. Parce que ce manque de main-d'oeuvre chez les compagnies papetières risque de se traduire par le fait que les compagnies papetières vont revenir devant le gouvernement pour bénéficier d'autres privilèges, soit des privilèges fiscaux, des exemptions de coupe ou des subventions particulières, à cause du manque de main-d'oeuvre.

Alors, le problème du manque de main-

d'oeuvre dans les régions forestières pour les travailleurs forestiers exige que le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre porte une attention particulière à ce problème parce que c'est le ministère des Terres et Forêts qui va payer pour cela tantôt. Je comprends qu'on peut parler de conditions de travail Vous pouvez me dire, M. le Président, que cela relève du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, mais il y a un problème particulier qui concerne particulièrement le secteur de l'exploitation forestière et nul n'est mieux habilité à s'occuper de ce problème-là que le ministère des Terres et Forêts lui-même. C'est pourquoi je dis que le gouvernement doit étudier cette question. C'est une question qui mérite d'être étudiée le plus rapidement possible. S'il y a quelque chose qui doit être fait au niveau du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, qu'on le fasse parce que je trouve que ce serait pénaliser le Québec, pénaliser les Québécois que de ne pas prévoir dans ce sens et de revenir encore pour suppléer, par des subventions aux conditions particulières des compagnies parce que ce secteur fait défaut.

M. DRUMMOND: D'accord. Il faut admettre quand même qu'une des solutions arrivera avec la mécanisation des travaux et qu'il sera plus facile d'embaucher des gars pour travailler avec la mécanisation. On se souvient des problèmes d'il y a quatre ans. C'était tout à fait le contraire. On avait peur de la mécanisation à ce moment-là. On disait que tout le monde perdrait du travail. Actuellement, je pense que les conditions sont telles qu'on essaie d'accélérer la mécanisation du travail et on aurait des sortes d'emplois qui seraient plus propices pour les gars, étant donné que, depuis nombre d'années, on a un plus haut niveau de scolarité dans le Québec et ce serait plus facile d'embaucher les gars pour des travaux d'exploitation plus mécanisés.

Ce serait, évidemment, une des solutions. Un autre problème qui relève de toute cette question de main-d'oeuvre, c'est que traditionnellement, lorsque les choses vont mieux dans la construction, il y a un certain exode de la forêt vers les chantiers de construction. C'est tout à fait normal parce que les gars peuvent vivre chez eux et les conditions de travail s'améliorent. L'autre évidemment, c'est une question aussi de négociation, d'amélioration des conditions de travail.

Le député de Saguenay a souligné le fait que ITT a des camps qui tiennent compte des besoins des gars et elle considère qu'un travailleur forestier est un homme. C'est normal et cette concurrence va amener les autres compagnies à concurrencer dans les conditions de travail. C'est une autre pression qui arrive pour améliorer les choses. Evidemment, au niveau du gouvernement...

M. LESSARD: On dit que le problème c'est que Rayonier Québec a eu tellement d'avanta- ges gouvernementaux que par rapport à d'autres compagnies forestières cela leur permet de mieux encore...

M. ROY: C'est nous qui payons.

M. DRUMMOND: Ce n'est pas encore en commission.

M. LESSARD: Dans ce domaine au moins...

M. DRUMMOND: II y a un effet secondaire qui va forcer d'autres compagnies qui ont peut-être péché, dans l'avenir à cet égard, d'améliorer la condition pour embaucher les gars.

M. ROY: Le ministre dit: Peut-être pécher... Je m'excuse, M. le Président...

M. GIASSON: II semble certain qu'au Québec on a une carence très forte dans la formation de la main-d'oeuvre forestière. J'aimerais savoir, dans l'avenir, si c'est au niveau gouvernemental qu'on va prendre les moyens pour donner cette formation. A l'intérieur des structures de l'Education on a formé toutes sortes de disciplines nouvelles, des options à droite et à gauche, mais il semble que dans la formation des bûcherons ou des travailleurs forestiers il y a une carence très forte. J'accepte le principe d'une mécanisation beaucoup plus grande pour le travail en forêt, mais il ne faut pas se leurrer. On ne pourra pas mécaniser toute la coupe du bois. Si vous vous trouvez en montagne très accidentée, vous avez beau avoir les meilleures machines, les meilleurs concepts et le développement de la technique, vous aurez encore besoin de travailleurs qui vont manoeuvrer une scie mécanique. Est-ce l'industrie qui devra donner cette formation, qui devra investir dans la formation d'une main-d'oeuvre future dont elle a besoin ou si, au niveau gouvernemental, on a une pensée ou une vision de ce qui devrait être fait?

M. DRUMMOND: Personnellement, je dirais qu'il y a une responsabilité partagée à cet égard.

M. GIASSON: Comme le disait le député de Beauce-Sud, je crains énormément que, dans cinq ans d'ici, si on ne se met pas à l'oeuvre de ce côté-là, on va avoir des problèmes aigus d'alimentation pour les industries du bois.

M. LESSARD: Quand le ministre dit: Une responsabilité partagée, je suis bien d'accord avec lui, comme certaines compagnies le font actuellement, qu'il y ait au niveau du recyclage une responsabilité partagée. Mais au niveau de la base même, de la formation du travailleur forestier, actuellement ce sont les compagnies qui sont obligées d'avoir des camps forestiers. Je suis d'accord que les compagnies paient les taxes qu'elles doivent normalement payer, mais

je suis aussi d'accord que le gouvernement du Québec doit aussi avoir des programmes de formation au moins de base. Je trouve fort curieux qu'au niveau des écoles secondaires, dans une région comme la mienne, il n'y ait pas, dans ce qu'on appelle au niveau du professionnel court, une spécialisation pour le travailleur forestier. Je comprends que dans ces conditions de travail il n'y ait pas beaucoup d'étudiants qui veulent se diriger dans ce secteur. Je pense qu'il est possible, parce qu'il y a encore des jeunes qui sont capables de faire ce travail, qui sont intéressés à le faire pour autant qu'on ait des conditions de travail. Je vais simplement vous donner un exemple. Quebec North Shore a un camp pour la formation des jeunes travailleurs forestiers. Or on m'informait que l'an dernier on a refusé plus d'une centaine de jeunes qui voulaient se perfectionner dans ce secteur. Comment se fait-il? Malgré que vous alliez me dire que c'est du domaine du ministère de l'Education, je pense que c'est aussi la responsabilité du ministre de faire des recommandations dans ce sens.

Je pense qu'en relation avec le ministère du Travail et en relation avec le ministère de l'Education, vous devez, vous autres, comme ministre des Terres et Forêts, faire des études des besoins de main-d'oeuvre dans votre secteur et vous avez des recommandations à faire. Si vous ne vous préoccupez pas de ce problème-là, je pense que vous délaissez une de vos responsabilités qui est fondamentale. Or, moi, je ne pense pas qu'il appartienne à des compagnies privées de créer la base même de la main-d'oeuvre nécessaire en forêt. Pour autant qu'elles paient par exemple les taxes qu'elles doivent payer, ces compagnies paient aussi des taxes pour le ministère de l'Education, les problèmes scolaires. Or, je pense qu'elles doivent au moins s'attendre à ce que la formation de base dans ce secteur-là vienne aussi du ministère de l'Education. Et je m'interroge. Rayonier Québec a été obligée de faire exactement, je ne crois pas qu'il y a eu un plan avec le gouvernement, sa propre école forestière.

Je pense que je ne suis pas d'accord. En ce qui concerne le recyclage, d'accord, comme c'est le cas dans l'industrie. Mais en ce qui concerne la formation de base, le gouvernement du Québec a des responsabilités importantes. Comme vous le dites, avec le taux de scolarisation qui devient de plus en plus fort, et alors que les jeunes sortent des études de plus en plus tard à 18 ans, 19 ans, 21 ans, comment voulez-vous les intéresser à un moment donné dans le secteur forestier s'ils n'ont pas une formation de base. D'autant plus que l'on travaille de plus en plus en équipe actuellement, d'autant plus qu'il y a un minimum de base, un minimum salarial journalier que, par suite d'une loi du gouvernement, on oblige le gars à faire. Je pense que c'est rendu à $22 par jour. Si le gars ne fait pas ses $22 par jour, la compagnie lui dit, c'est bien de valeur, je suis obligé de payer la différence dans ce cas-là et la personne est obligée de s'en aller. Si le gars aussi travaille en équipe de trois personnes et qu'il n'est pas capable de faire son travail comme les deux autres personnes, par exemple, veulent qu'il le fasse, il est obligé de s'en aller. C'est sur cela, je pense, qu'il y a une responsabilité que le gouvernement a complètement délaissée actuellement.

M. DRUMMOND: On n'a pas complètement délaissé le problème, parce qu'on a fait préparer un rapport sur le leadership du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre avec notre collaboration et le ministère de l'Education; on va étudier les conséquences de ça et je suis tout à fait d'accord que c'est quand même un problème partout et non seulement dans le domaine des Forêts. Le problème est de voir que les gars, dans le système de l'Education, soient préparés pour les emplois disponibles et selon les techniques en ce qui concerne l'application de ce travail. Je suis tout à fait d'accord qu'il faut un rodage, pour que la chose marche d'une façon plus efficace. C'est normal, mais c'est la même chose un peu partout. On essaie toujours d'améliorer l'affaire, mais on n'est jamais à l'au-delà. Il y a des lacunes. On a trouvé ce problème à Natashquan lorsqu'on y a commencé un chantier-école pour donner la formation nécessaire pour que les gars puissent travailler dans leur propre bout. On a vu que la formation qu'ils avaient reçue à cet égard n'était pas suffisante et qu'il fallait recommencer. C'est un problème d'envergure, je suis tout à fait d'accord avec le député.

M. ROY: Est-ce qu'il y a quelque chose qui se fait actuellement entre le ministère de l'Education, le ministère des Terres et Forêts?

M. DRUMMOND: Et le ministère du Travail.

M. ROY (Beauce): Est-ce qu'il y a quelque chose?

M. DRUMMOND: Oui, oui.

M. ROY: Seulement au niveau des études ou s'il y a des moyens envisagés?

M. DRUMMOND: Une étude est faite et maintenant c'est la question de choisir les moyens.

M. ROY: Je vais prendre un exemple, M. le Président, qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, pour souligner le point soulevé par le député de l'Islet tout à l'heure, on va prendre un secteur particulier, celui des écoles polyvalentes. Cette année, on y a reformé selon les informations que j'ai eues, plus de 80 techniciens de la faune, oui, des techniciens de la faune, alors qu'il ne semble pas y avoir plus de place que pour 6.

M. LESSARD: C'est parce que le ministère n'a pas de politique.

M. ROY: Le ministère n'a pas de politique. On forme à coups de millions actuellement, dans la province de Québec, et on oriente des étudiants vers des options où il n'y a pas de possibilité d'emploi. Mais on leur a dit au moment où ils choisissent cette option qu'il y a des possibilités.

C'est à cela que je reviens maintenant, à la formation de la main-d'oeuvre au niveau des travailleurs forestiers, parce que même si le ministre a parlé tout à l'heure de la mécanisation, il y a le problème des terrains accidentés qui a été soulevé par le député de Montmagny-L'Islet. J'aimerais aussi soulever un autre point sur lequel les compagnies papetières semblent s'orienter de plus en plus, c'est une coupe rationnelle. Par une coupe rationnelle, une coupe sélective, je me demande de quelle façon on peut pousser la mécanisation jusqu'à outrance. La mécanisation est extrêmement limitée lorsque la coupe sélective se pratique.

Il y a eu des expériences qui ont été faites chez nous, dans notre région, au niveau de la compagnie Domtar, de la compagnie Breakey, et on a dû même avoir recours, à un moment donné, aux chevaux — ceci ne s'est pas passé plus tard qu'il y a deux ans — parce que, pour la coupe sélective, on ne pouvait pas permettre à des tracteurs et à des bulldozers de passer en forêt. Ce n'était pas rentable.

M. GIASSON: Je pense qu'on développe aussi le principe des coupes en damier, ou des coupes normandes, où on peut utiliser de la grosse machinerie.

M. ROY: C'est cela.

M. GIASSON: D'accord il y a le point de la coupe sélective, où on ne peut pas se permettre...

M. DRUMMOND: On pose deux questions ici, en tout cas. L'une concerne la quantité d'emplois qui seraient disponibles, et l'autre concerne la qualité des coûts donnés. Evidemment, dans n'importe quel système, dans n'importe quel pays, on a toujours ces problèmes qu'on essaie de régler avec le temps. C'est la même chose en ce qui concerne la qualité. On en parle concernant l'industrie du sciage et l'école à Duchesnay. On pose la question: Est-ce que c'était mieux lorsque c'était le ministère sectoriel qui avait la responsabilité pour cela ou maintenant lorsque c'est le ministère de l'Education? On vit toujours avec ces problèmes, mais ce n'est pas tout à fait une question de structure, c'est une question de coordination, d'amélioration de la qualité et d'une meilleure prévision en ce qui concerne le nombre d'emplois qui seraient disponibles dans un certain avenir.

Ce n'est pas toujours facile aujourd'hui de structurer des cours pour former des gars qui vont arriver sur le marché du travail d'ici une dizaine d'années. On aura toujours des problèmes à cet égard.

M. ROY: Est-ce qu'on peut conclure qu'il est une heure?

LE PRESIDENT (M. Picard): Messieurs, vous avez sans doute remarqué que j'ai laissé la discussion couvrir passablement de sujets, nous allons suspendre jusque après la période des questions à l'Assemblée nationale et, à ce moment-là, je vous inviterais à me donner vos directives à savoir si vous voulez étudier programme par programme ou les cinq premiers programmes dans un bloc.

M. ROY: Avant, M. le Président, moi, j'aimerais qu'on discute de la question de la réserve des trois chaînes, une chose qu'on a seulement effleurée ce matin, avant d'étudier les programmes.

M. GIASSON: J'aurais, M. le Président, peut-être quelques questions à poser.

M. DRUMMOND: Est-ce qu'on peut discuter de cette chose au niveau du programme en donnant priorité à ce programme?

M. ROY: Est-ce qu'il y a un programme précis sur l'utilisation des terres?

M. DRUMMOND: On pourrait le faire au programme 6.

M. ROY: ...certaine limite, je fais référence...

M. LESSARD: Personnellement, je n'ai pas d'objection, M. le Président.

M. ROY: Je préférerais. D'ailleurs, on n'aura pas à y revenir au programme 6. Cela revient au même. C'est parce qu'avant d'étudier le programme on pourrait avoir une discussion beaucoup plus large et je tiendrais bien à ne pas être limité et à être conditionné pour la discussion.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Montmagny-L'Islet.

M. GIASSON: M. le Président, pour autant que lors de l'étude des programmes on puisse revenir sur une discussion un peu générale sur certains points donnés touchant le programme en cause, je n'ai pas d'objection à ce qu'on adopte dès notre reprise, cet après-midi, l'étude du programme.

LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce que tous les membres sont d'accord qu'à la reprise nous commencerons avec la discussion du projet de la réserve des trois chaînes qui fait partie

du programme 6, quitte à ce qu'on revienne lors de l'étude du programme 6 à d'autres questions, mais sans revenir à la question de la réserve des trois chaînes. La commission suspend ses travaux jusque après la période des questions de la Chambre.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

Reprise de la séance à 16 h 14

M. PICARD (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

La commission des richesses naturelles et des terres et forêts continuera cet après-midi l'étude des crédits 1974/75 du ministère des Terres et Forêts. Tel que convenu au moment de la suspension de nos travaux, nous allons commencer la discussion sur la réserve des trois chaînes, qui fait partie du programme numéro 6, et dès que cette discussion sera terminée, nous reviendrons au programme numéro 1 et continuerons dans l'ordre.

Le député de Beau ce.

M. DRUMMOND: Peut-être que je peux introduire à tout le monde M. Maurice Descoteaux, qui est le directeur de la gestion des terres.

LE PRESIDENT (M. Picard): II va parler au nom du ministre.

Réserve des trois chaînes

M. ROY: M. le Président, tel que je l'ai mentionné ce matin, pour faire suite à la déclaration du ministre à l'effet que l'application de la loi qui concerne tout le problème des trois chaînes allait être suspendue pour une certaine catégorie de personnes jusqu'au mois de décembre, en attendant qu'un comité ait fait rapport au gouvernement, je voudrais quand même attirer l'attention du ministre et du gouvernement sur des problèmes qui demeurent quand même en plan, parce que la personne qui est propriétaire d'un terrain sur lequel il y a un cours d'eau, au Québec, a des lettres patentes qui lui ont été accordées — je vais parler surtout des lettres patentes qui ont été accordées avant 1919 — et elle s'est toujours crue entièrement propriétaire de son terrain. D'ici ce temps-là, il va y avoir des personnes qui vont vendre leur propriété pour des fins agricoles, il y en a d'autres qui vont vendre leur propriété pour permettre un regroupement forestier, à la suite de la loi que le ministre entend nous proposer, du moins je l'espère, loi qui sera proposée pour faire de la sylviculture, de l'exploitation forestière. Il y a également des personnes qui, actuellement, sont propriétaires de terrains sur lesquels on érigera, le long d'un cours d'eau ou d'un petit lac, un chalet, pour organiser, en quelque sorte, les loisirs familiaux.

Or, même si le ministre a annoncé ce matin qu'il suspendait l'application de la loi, il demeure quand même que ces personnes se retrouveront, tôt ou tard, avec un problème complet, un problème entier, autrement dit, à l'effet qu'il n'y a rien de réglé.

Il y a également le problème de ceux qui, actuellement, ont dû payer des frais que le

ministère des Terres et Forêts leur a chargés, que ce soient des frais pour acheter la partie de terrain qui était à l'intérieur de la limite des trois chafnes, ou encore d'autres personnes qui ont dû payer pour des droits de coupe. M. le Président, j'aimerais savoir, pour les personnes qui ont été obligées de payer, à la suite des réclamations provenant du ministère des Terres et Forêts, sur des terrains qui ont été concédés antérieurement à 1919, en vertu de quelle jurisprudence, en vertu de quel principe de la loi, en vertu de quel pouvoir le gouvernement a interprété une loi qui, actuellement, est contestée par les spécialistes dans tout ce qui concerne le droit des territoires, en ce sens que la loi de 1919 n'était pas rétroactive. Sur ces points particuliers, j'aimerais bien qu'on me dise pourquoi le gouvernement a procédé ainsi. En vertu de quoi, dans quel but? Pour ces personnes et les personnes qui vendront leur terrain au cours de la période, maintenant que la loi est connue du public et que nul citoyen ne doit ignorer la loi, qu'arrivera-t-il aux personnes qui, à partir d'aujourd'hui, à partir du moment où le gouvernement décide de suspendre l'application de cette loi, qu'arrivera-t-il au moment où le gouvernement décidera de l'appliquer à nouveau, compte tenu des recommandations qui seront au rapport?

Ce sont deux points particuliers, mais deux points particuliers sur lesquels je pense qu'il est d'intérêt public que le gouvernement nous fasse part de ses intentions à ce sujet.

M. DRUMMOND: Je pense qu'en ce qui concerne l'aspect juridique, le député de Beauce-Sud signale le fait qu'entre 1884 et 1918, les ventes étaient dans l'illégalité. Selon les opinions que nous avons reçues, ce n'est pas tout à fait cela, on pense que depuis 1884, le gouvernement était dans la légalité. En ce qui concerne la rétroactivité de la loi de 1918, selon certaines opinions qu'on a reçues, cette mesure a force de loi.

Pour ce qui concerne la politique de l'application de la réserve des trois chafnes, même pour les ventes entre ces deux dates, on était dans la légalité.

On peut donner des opinions contraires, selon les informations, les opinions que nous avons reçues aussi récemment qu'il y a un mois ou six semaines, le ministère de la Justice pense que c'est légal.

Je ne suis quand même pas tout à fait d'avis que lorsque l'on a fait toutes nos études, en regardant toutes les données, ce serait le point majeur. Je pense qu'il y a, évidemment, certaines périodes à regarder entre ces deux dates, mais il y a aussi la question des ventes avant 1937 où on apportait l'indication d'une façon précise que la réserve des trois chafnes s'appliquait. C'est une autre date dont il faut tenir compte quand on ramasse nos données.

Je ne sais pas à quelle décision on va arriver en fin de compte, mais je pense que, même si on disait qu'entre 1884 et 1918 la loi ne s'appliquait pas, cela ne réglerait quand même pas toute la situation. Ce ne serait pas une étude en profondeur, alors c'est sûrement un des aspects de la question.

Lorsque l'on parle du fait qu'en ne réglant pas tout de suite cette question, cela pourrait créer des problèmes par interim, c'est bien sûr que cela peut créer des problèmes par interim, mais par contre, je ne peux pas procéder à une série de recommandations, pour ce qui concerne un règlement définitif, sans avoir toutes les données collées d'une façon à permettre au gouvernement de suggérer les amendements qui ont du bon sens.

M. LESSARD: M. le Président, est-ce que...

M. ROY: Je m'excuse, M. le député de Saguenay. Est-ce que le ministre admet quand même que ces opinions juridiques ont été contestées par des experts en droit de territoire, en aménagement de territoire et qu'il y a une étude qui a paru dans les journaux, il n'y a pas tellement longtemps? Le président de la Chambre des notaires, Me Cossette, a fait connaître publiquement les opinions de la Chambre des notaires à ce sujet.

M. DRUMMOND: Je ne dirais pas le contraire évidemment. Il y a les deux points de vue, il y avait aussi quelqu'un au ministère de l'Agriculture qui avait contesté ce point aussi. Je ne dis pas qu'il y a unanimité quant à la légalité de cela; mais peut-être que l'on peut laisser M. Descoteaux discuter de cela et faire l'historique de toutes les discussions juridiques depuis quelques années à ce sujet.

M. le Président, lorsqu'il s'agit de donner un aspect légal d'une question comme celle-là, j'aurais peut-être préféré, à ma place, le contentieux du ministère.

De toute façon, pour bien situer la question, je crois qu'il faut se reporter à 1882, alors que dans un jugement en cour, il a été reconnu que les pêcheries d'intérieur au Canada relevaient des provinces et non pas du gouvernement fédéral qui, jusqu'à ce moment-là, avait octroyé les permis de pêche, les permis de clubs de pêche, par l'intermédiaire du ministère de la Marine.

Une fois les délais expirés pour aller en appel, il revenait aux provinces d'organiser les pêcheries. Dans le Québec, c'est le commissaire des terres du temps qui fut chargé de cet ouvrage, de cette organisation. Nous pouvons retracer dans les plus vieux documents que nous consultons, qu'au moment où cette organisation allait prendre corps, est survenu un autre procès dont le jugement mentionnait que le propriétaire riverain d'un cours d'eau non navigable et non flottable était aussi propriétaire du lit de la nappe d'eau concernée dans son lot.

En face de cette circonstance, il est facile, je pense, d'imaginer la position du commissaire

des terres dans le temps. D'un côté, il avait à vendre des terrains et, de l'autre côté, il avait à organiser des pêcheries d'intérieur.

En vendant des terrains jusqu'aux nappes d'eau, il vendait automatiquement le lit des cours d'eau et défaisait d'une main ce qu'un autre service de son ministère était chargé d'organiser. Plus il vendait de terrains, plus il vendait de cours d'eau et moins il en restait pour l'organisation des pêcheries.

M. LESSARD: Il faut dire qu'il le faisait pour les compagnies privées; La Quebec North Shore à qui on a vendu tous les lits de rivière...

M. DRUMMOND: Je pense que dans le temps il était...

M. LESSARD : On reviendra sur cela. Ils ont tout vendu. Il ne nous reste plus de rivière à saumon au Québec. A un moment donné, ils ont vendu le lit de toutes les rivières. J'ai appris cela dernièrement.

M. DRUMMOND: Oui, mais ce n'est pas là le problème de la réserve des trois chaînes.

M. LESSARD: C'est pour cela... Oui, mais on parlait justement des grandes compagnies forestières en relation avec la réserve des trois chaînes.

M. ROY: C'est cela. C'est dans le programme.

LE PRESIDENT (M. Picard): Si vous voulez, messieurs, vous allez laisser faire l'exposé historique parce qu'il ne faut pas oublier que cela a commencé en 1882. Je ne crois pas qu'il y avait beaucoup de papeteries dans ce temps-là.

M. LESSARD: En 1907...

LE PRESIDENT (M. Picard): A l'ordre!

M. DRUMMOND: C'est donc à ce moment-là que sont apparues dans les lois d'abord des instructions de la part du commissaire aux agents des terres du temps pour les informer qu'ils devraient cesser de considérer la vente des terrains riverains pour que l'Etat demeure propriétaire et que, par ricochet, il demeure aussi propriétaire du lit des cours d'eau.

Cette réserve de terrain sur le bord des nappes d'eau a été fixée un peu plus tard à trois chaînes, d'où la naissance de l'expression "réserve de trois chaînes". Il paraît, par les différents amendements apportés à cette loi, que le texte n'était peut-être pas aussi clair que chacun l'aurait voulu, malgré que dans l'esprit des gens, aux Terres et Forêts, il semble y avoir toujours eu continuité dans l'interprétation de cette loi. D'autant plus que M. Jean Bouffard, qui était le conseiller juridique du ministère de 1890 à 1919 et qui passe pour le grand juriste sur la question, était précisément au ministère des Terres et Forêts, et je crois que tout cela est un peu le résultat de son travail.

Toujours est-il que la loi a été amendée à différentes reprises jusqu'au moment où on a dit clairement que c'était une réserve en pleine propriété en faveur de l'Etat.

Il est tout de même vrai de mentionner que les titres temporaires émis par l'Etat — je parle des billets de location — ne mentionnaient pas au point de départ l'existence de la réserve des trois chaînes sur les terrains que le gouvernement vendait, bien que toutes les lettres patentes qui ont été émises ont toujours contenu une clause indiquant que les ventes, les octrois de terrain étaient sujets à toutes les lois concernant les terres publiques.

Evidemment, dans cette expression, il faut comprendre que le problème de la réserve des trois chaînes, l'existence de la réserve des trois chaînes était contenue. Il n'était pas toujours facile, je l'admets, de comprendre pour les personnes qui détenaient ces terrains.

En 1937, comme on l'a mentionné, le ministère de la Colonisation a fait apparaître sur le billet de location l'existence de la réserve des trois chaînes.

En 1970, pour terminer, la loi fut amendée une dernière fois pour décréter que cette réserve existerait non seulement sur les lots qui étaient affectés de cours d'eau non navigables, mais aussi de cours d'eau navigables.

Quant à l'application, bien que nous trouvions des lettres patentes de 1902 qui mentionnent qu'une partie de la réserve des trois chaînes est cédée avec l'ensemble du terrain, alors qu'une autre partie est conservée par l'Etat, nous retrouvons à différentes périodes des documents qui montrent que cette loi n'a jamais été, au ministère des Terres et Forêts, mise de côté, qu'elle n'a jamais été oubliée, de sorte que ce n'est pas une trouvaille des dernières années. Si on en parle davantage c'est, j'imagine, parce qu'il y a plus de problèmes qui se présentent actuellement.

Dans la période qui a suivi 1918-1919, il y avait si peu de chalets ou d'occupation le long des cours d'eau non navigables que le problème s'est posé très peu souvent. Lorsque est arrivée la crise de 1929 à 1939, encore là bien peu de personnes étaient tentées d'aller se construire des chalets quand on sait la quantité de terrains qui ont dû être vendus pour taxes. Quand est arrivée la guerre, les restrictions empêchaient d'obtenir des matériaux pour toute construction supplémentaire ou qui semblait porter un certain pourcentage de luxe. C'est après la guerre qu'est survenu le problème; mais, là encore, le chef du gouvernement du temps était si peu favorable à la concession de terres dans la province de Québec que le problème ne s'est pas montré dans son ampleur. Et c'est peut-être allé jusqu'en 1959 ou 1960, alors que là il y a eu un déblocage, où les gens ont commencé à s'intéresser à la réserve des trois chaînes et à

demander des titres sur le terrain dont ils croyaient être propriétaires. Après s'être renseignés auprès d'avocats, de notaires, ils réalisaient que la réserve était là; de sorte que c'est à ce moment-là qu'a commencé la régularisation d'un certain nombre de ces occupations.

M. ROY: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: ... je remercie M. Descoteaux pour ces renseignements mais il serait peut-être bon de citer quelques textes de loi pour le journal des Débats, parce que je pense que les discussions que nous tenons ici aujourd'hui doivent être assez importantes et pour plusieurs personnes cela va constituer un document de référence.

M. le Président, suite à ce que vient de dire M. Descoteaux, il faut ajouter aussi que c'est dans la Loi des terres de la couronne, dans la Loi de la pêche, en 1888, qu'apparaissaient, à l'article 1375, paragraphe 2, des baux de pêche. Et, à l'article 1375, il est indiqué en marge: Réserves pour fins de pêche. "Une réserve d'au moins trois chaînes — je cite l'article — en profondeur des terres, bordant les rivières et les lacs de la province, doit être faite lors de la vente ou de l'octroi gratuit des terres appartenant à la couronne, pour des fins de pêche". C'était bien marqué, c'était textuellement dans la loi originale, à la page 410 des vieux documents, des vieux recueils de lois. En 1919, une loi a été sanctionnée le 17 mars 1919, Loi amendant la loi de la pêche du Québec et la loi de la chasse de Québec, chapitre 31: "Sa Majesté, de l'avis et du consentement du Conseil législatif et de l'Assemblée législative de Québec, décrète ce qui suit: L'article 2252 des statuts refondus de 1909 est amendé — et je dis bien que c'est en 1919 que la loi a été sanctionnée, le 17 mars — de la façon suivante: a)et en remplaçant les mots "pour des fins de pêche", à la troisième ligne, par les mots "en pleine propriété en faveur de la couronne"; b)en y ajoutant après les mots "ou y renoncer", dans la deuxième ligne du deuxième alinéa, les mots "ou la vendre".

Or, M. le Président, c'est justement là, je pense, qu'on touche le fond du problème. Cette réserve des trois chaînes n'apparaissait pas dans la Loi des terres et forêts du Québec.

Elle est apparue par un amendement qui a été apporté à la Loi de la conservation de la faune, qui a été sanctionnée le 12 décembre 1969. On a ajouté justement la Section 2-A et l'article 41 qui se lit comme suit: "Depuis le 1er juin 1884, les ventes, concessions et les octrois gratuits de terres publiques sont sujets à une réserve en pleine propriété en faveur du domaine public du Québec de trois chaînes en profondeur des terres, bordant les rivières et les lacs non navigables du Québec"

Or, c'est seulement à partir de 1969, la fin de 1969 et dans les lois de 1969, qu'on retrouve cette réserve des trois chaînes, dans la Loi des terres et forêts; auparavant, elle était exclusivement limitée à la Loi de la pêche. Si c'est incorrect, j'aimerais bien, M. le Président, que quelqu'un fasse les rectifications qui s'imposent.

M. DRUMMOND: M. le Président, je ne suis pas un juriste très éminent et, à ma connaissance, le député de Beauce-Sud n'est pas un juriste non plus. Mais si, comme il le dit, on veut prendre comme référence le journal des Débats, sur des arguments juridiques, je pense que ça vaut la peine de donner l'autre point de vue et de faire lecture de certains documents que nous possédons concernant ces arguments juridiques.

M. ROY: Aucune objection, M. le Président. D'ailleurs, je n'avais pas terminé, j'ai autre chose à ajouter, si on veut me permettre.

M. DRUMMOND: D'accord, on peut attendre la fin de votre point de vue.

M. ROY: Voici, M. le Président, sur le plan pratique, le plan que je désirais souligner. Et même à ce moment-là, on pourrait se référer à la Loi du crédit agricole et se référer à tous les dossiers qu'a en main l'Office du crédit agricole du Québec. Après avoir vérifié personnellement plusieurs titres, plusieurs chaînes de titres, de dossiers, concernant les prêts consentis par l'Office du crédit agricole du Québec, il ne paraît pas, ou très rarement — personnellement, je n'en ai jamais vu, disons que je suis bien d'accord que je n'ai pas vérifié tous les titres — qu'il n'y ait jamais un notaire de la région — je les ai consultés — qui a cru nécessaire de faire mention, dans le titre qui a été préparé à l'intention de l'Office du crédit agricole du Québec, de cette réserve en faveur des trois chaînes, parce que, premièrement, le gouvernement ne s'en était jamais prévalu jusqu'à ce jour et, deuxièmement, cette réserve, dans l'esprit de tout le monde, était pour des fins de pêche. Je parle pour les lots concédés avant 1919.

Etant donné qu'il n'y a aucune mention, dans la loi de 1919, que la loi puisse être rétroactive, il n'en est aucunement fait mention. A partir des années 1884 jusqu'à 1919, c'est l'époque au Québec où il y a eu le plus de concessions de terres, parce qu'on a assisté à la grande époque du développement agricole, et plusieurs comtés même ont été formés à partir de cela, la fondation de nouvelles paroisses, et toutes les régions, sauf les Cantons de l'Est, qui se sont développées sous le système cantonnai, lorsque les cadastres ont été faits au niveau des cantons, sont concernées par cette réserve des trois chaînes.

Il y a une deuxième catégorie de personnes qui sont concernées par la réserve des trois chaînes; ce sont celles dont les terrains ont été

concédés à l'intérieur des seigneuries, sans le régime seigneurial, et qui, pour bénéficier des subventions du ministère de la Colonisation, avaient "dépatenté" leurs lots pour pouvoir faire l'agrandissement nécessaire, le développement agricole nécessaire pour répondre à certaines exigences, pour bénéficier des subventions, bénéficier des programmes de la colonisation et qui ont "repatenté" leurs lots par la suite. Celles-là sont concernées actuellement, selon les informations que j'ai eues du ministère, par la fameuse réserve des trois chaînes, même si la résidence ou la propriété a été construite en 1875 et même en 1860. On pourrait citer des cas à l'honorable ministre, certains cas de particuliers qui avaient de petites terres marginales qui avaient été "patentées" à l'intérieur de seigneuries. Je ne pourrais malheureusement pas donner les noms, M. le Président, mais ces personnes sont également concernées.

Or, étant donné que la loi n'était pas rétroactive, et là je cite, je ne veux pas faire d'interprétation juridique, le ministre a pris bien soin de me rappeler — chose d'ailleurs que je savais — que je n'étais pas un juriste. Seulement, sans être juriste, M. le Président, il y a tout de même la loi du gros bon sens, la loi de la grosse logique. Or, les personnes qui, justement, depuis 1919, étaient propriétaires de leurs terrains, actuellement il s'agit pour elles, en quelque sorte, d'une expropriation pure et simple, parce qu'on exige d'elles des droits.

Je dois même signaler à l'attention du ministre et du gouvernement le cas d'un cultivateur de mon comté. Il s'était vu concéder une terre qui originalement était à l'intérieur des seigneuries; il s'agit d'une seigneurie de la Beauce. Cette personne, qui avait dû dépatenter son lot, à cause justement de l'expansion qu'elle voulait faire et afin de pouvoir bénéficier des subventions gouvernementales, s'est trouvée avisée par le gouvernement de Sa Majesté qu'elle n'était pas propriétaire du terrain sur lequel étaient érigés sa résidence et ses bâtiments de ferme.

Alors, vous imaginez dans quelle situation, à un moment donné, on peut placer des gens; on peut les mettre dans l'inquiétude. Or, il y a également des personnes, qui étaient propriétaires de leur terrain; j'ai un dossier, en particulier, où les lettres patentes ont été concédées en 1908. Donc, en 1908 au moment de la concession, il n'y a pas un notaire qui a jugé bon de mentionner qu'il y avait une réserve de trois chaînes à telle propriété en faveur du gouvernement, parce que ça n'existait pas à l'époque. Ensuite la terre a été vendue à d'autres personnes; elle a été retransmise de génération en génération. Aujourd'hui, cette personne s'est organisée, a fait quelque chose, un petit développement pour permettre à certaines personnes du village d'avoir un petit emplacement, pour pouvoir s'organiser et être en mesure de prendre des vacances en plein air.

Alors, ces gens ont tous reçu des avis du ministère présentement, édictant qu'ils doivent racheter du gouvernement l'emplacement selon les normes et selon le prix fixés par le ministère, compte tenu des règlements qui ont été adoptés par le lieutenant-gouverneur en conseil à ce sujet.

M. le Président, je veux attirer l'attention du gouvernement sur le fait que deux éminents juristes, soit M. Lorne Giroux et Patrick Ken-niff, qui sont deux avocats professeurs et spécialisés dans l'aménagement du territoire à l'université Laval, ont répondu aux questions soulevées par le fait que nombreuses sont les personnes, qui s'étaient crues propriétaires d'un lopin de terre bordant un lac ou une rivière, qui reçoivent, du jour au lendemain, un avis du gouvernement, leur servant la réserve des trois chaînes. Celle-ci les dépossède, même s'ils ne l'ont jamais été selon la loi de 1884, de 198 pieds de terre bordant le cours d'eau non navigable. Quels sont les recours de ces gens?

M. le Président, voici ce que disent ces deux éminents avocats: "Depuis quelques semaines, l'opinion publique et certains députés se sont émus des effets de l'application par le gouvernement provincial de la réserve des trois chaînes. Pour sa part, le Protecteur du citoyen a reçu — j'ai l'intention de le citer tout à l'heure — depuis 1970, un certain nombre de plaintes à ce sujet. Tout en reconnaissant que la réserve repose sur une base juridique solide, il a recommandé au gouvernement d'adoucir l'application de sa politique. Indépendamment de la politique engagée sur cette question, il est impératif à ce stade-ci, pour le public, de clarifier les données juridiques qui sont à la base de toute discussion".

Or, on dit: "Qu'est-ce que la réserve des trois chaînes? La réserve des trois chames est apparue dans la Législature québécoise par un amendement aux lois de la pêche adoptées en 1888 et, jusqu'en 1970, cette réserve a été imposée par un article de la Loi de la pêche. Depuis lors, c'est l'article 41 a) de la Loi des terres et forêts qui la perpétue. Le but de cet article est de réserver au gouvernement du Québec un droit de propriété sur une lisière de terrain d'une profondeur de 198 pieds — trois chames donc, une chaîne, 66 pieds — sur toute terre qu'il considère en bordure d'un cours d'eau. "L'effet d'un article est de réduire automatiquement la superficie d'une propriété que le gouvernement concède à un particulier, même si le titre de concession n'en fait aucunement mention. Par conséquent, si le gouvernement décide de se départir de cette lisière en faveur d'un particulier, il doit le faire d'une façon claire et précise par une clause spéciale de concession à cet effet. Pour savoir si la réserve s'applique à un terrain donné, il faut s'attacher à un élément essentiel. Il s'agit de la date de la première concession, c'est-à-dire le moment où le gouvernement se départit du terrain au profit d'un particulier, en pleine propriété ou par un

billet de location. Les transactions subséquentes n'ont aucune importance. Même aujourd'hui, les droits d'un particulier face au gouvernement s'évaluent à la date de cette première concession faite par le gouvernement."

A quels cours d'eau s'applique la réserve? C'est justement un point important, M. le Président, sur lequel je veux attirer l'attention du gouvernement et du ministre: "Pour qu'une réserve existe sur un terrain, il faut d'abord que ce terrain soit situé sur le bord d'une rivière ou d'un lac qui n'est ni navigable, ni flottable. Seuls les tribunaux sont compétents pour déterminer si un cours d'eau est navigable ou flottable, mais il y a eu peu de décisions sur ces questions. "Le citoyen qui se demande si un lac ou une rivière est navigable ou non peut souvent obtenir un avis du ministère des Richesses naturelles, mais tant qu'il n'y a pas eu de jugement d'un tribunal cet avis ne peut être considéré comme définitif. Pour éviter l'application de la réserve des trois chaînes sur son terrain, le citoyen a évidemment avantage à établir que le cours d'eau en bordure duquel il est situé est navigable et flottable. "A l'aide de la jurisprudence on peut dégager certains critères de navigabilité. Celle-ci est toujours une question de fait pouvant varier d'un cas à l'autre. Elle se rattache à la notion d'utilisation commerciale et du cours d'eau, c'est-à-dire à la question de savoir si une navigation utile et profitable au public est possible sur cette rivière ou sur ce lac. "La jurisprudence reconnaît même que le flottage du bois en radeau et non pas en bûches perdues constitue une utilisation commerciale suffisante. Pour prouver qu'il y a déjà eu navigation, tous les moyens de preuve peuvent être utiles, témoins oculaires, livres d'histoire, photographies ou plans d'époque. Or, non seulement le cours d'eau doit-il être non navigable pour que la réserve s'applique, mais de plus il doit border le terrain assujetti à la réserve."

Alors, M. le Président, il y a quand même une nuance entre un cours d'eau qui borde un terrain et un petit ruisseau de douze pouces de large qui traverse un terrain en plein centre. Et je vais revenir sur cette question. Par conséquent, il est possible d'affirmer, comme l'a fait le service juridique du ministère de l'Agriculture, en 1969, que la réserve ne s'applique pas, lorsqu'un cours d'eau traverse un terrain ou se trouve à l'intérieur, sans en constituer une borne ou une limite.

Ce qu'il est important de savoir, c'est si le cours d'eau constituait une borne du lot original, c'est-à-dire du terrain qui a été concédé par le gouvernement, même si ce lot a été morcelé et subdivisé après la date de la première concession. A quel terrain s'applique la réserve? On a dit et écrit plusieurs fois que la loi réservait au gouvernement du Québec, en pleine propriété, une lisière de trois chaînes sur les terres bordées par un cours d'eau non navigable et ce pour toutes les terres concédées depuis le 1er juin 1884.

Nous ne sommes pas d'accord — et je donne des avis juridiques au ministre — sur cette prétention car entre 1884 et 1899, même si la réserve existait, elle ne conservait pas au gouvernement un droit de propriété, mais seulement une servitude pour des fins de pêche. Les motifs de notre opinion reposent sur le principe élémentaire qu'une loi ne peut avoir un effet rétroactif sans que la loi l'exige expressément. Or la réserve des trois chaînes a été insérée dans la loi de 1888 et confirmée en 1899 avec effet rétroactif au 1er juin 1884. Là il y avait effet rétroactif selon l'opinion de ces conseillers juridiques.

La réserve cependant ne s'appliquait alors que pour des fins de pêche et ce n'est qu'en 1919 qu'un amendement a substitué les mots "en pleine propriété" aux mots "pour des fins de pêche", sans préciser que cet amendement à une loi rétroactive était lui-même rétroactif. Je pense que nous touchons quand même quelque chose de très important. Par conséquent, la loi du 17 mars 1919 n'a eu d'effet que pour l'avenir et la réserve n'existe en pleine propriété que depuis cette date.

Cette opinion a d'abord été émise par les conseillers juridiques du ministère de l'Agriculture en 1969 et ensuite entérinée et élaborée par Me Jules Brière, chargé d'étude pour la commission Legendre, sur les problèmes juridiques de l'eau. Les conclusions de M. Brière ont d'ailleurs été suivies par d'autres auteurs depuis. Les conséquences pratiques de cette opinion sont très importantes. Si, sur un cours d'eau non navigable, un terrain a été concédé par le gouvernement avant le 1er juin 1884, il n'y a aucune réserve, sauf mention expresse dans le titre individuel. Si ces terrains ont été concédés entre le 1er juin 1884 et le 17 mars 1919, le gouvernement détient une servitude pour fins de pêche sur cette lisière de trois chaînes, mais il n'a aucun droit de propriété (non seulement le propriétaire ne peut être forcé de quitter les lieux, mais tout le bois coupé sur la réserve lui appartient).

Si le terrain a été concédé après le 17 mars 1919, le gouvernement a toujours été propriétaire de la lisière de 198 pieds, à moins d'une concession expresse de la réserve. Et je me permets d'ajouter que ce n'est pas ce point que nous contestons, même si nous demanderons des amendements tout à l'heure. Une personne qui désire savoir à quel moment son terrain a été concédé par le gouvernement peut toujours s'adresser au ministère des Terres et Forêts en donnant le numéro de lot du cadastre.

Recours du gouvernement en cas d'empiétement. Depuis que le gouvernement a commencé sa politique de récupération de la réserve de trois chaînes, il a envoyé de nombreux avis à de petits propriétaires les sommant de régulariser leur situation. Il a aussi utilisé son pouvoir, en vertu de l'article 87 de la Loi des terres et

forêts, de faire saisir le bois coupé, sans droit, dans la réserve, qui, si les allégations du gouvernement sont fondées, fait partie du domaine public.

Pour ceux dont les terrains ont été concédés depuis 1919, le gouvernement peut également recourir à deux procédures. La première vise à forcer un particulier à abandonner la réserve au moyen d'une requête pour dépossession présentée en cour Supérieure sur avis d'au moins six jours, en vertu de l'article 50 de la Loi des terres et forêts.

Le résultat de cette démarche serait d'obliger le particulier à délaisser la réserve qu'il occupait. "La seconde procédure consiste à faire condamner le contrevenant à une amende pour chaque jour qu'il a occupé sans droit la réserve. L'article 49 de la loi stipule que l'amende minimale est de $1 par jour et le maximum de $1,000 par jour d'infraction. Le juge, en fixant le montant de l'amende, doit tenir compte de l'importance des terres publiques occupées sans droit". Je dois dire, à ce moment-ci, qu'on s'est même permis de faire parvenir cet avis de loi, édictant qu'il pouvait y avoir une amende de $1 à $1,000 par jour, à des cultivateurs propriétaires de leur terrain; inutile de vous dire les inquiétudes que ceci a pu occasionner à ces personnes. "Les petits propriétaires qui ont empiété sur la réserve n'ont donc guère à craindre, si on se fie à la loi, de se voir imposer les fortes amendes auxquelles se réfère le ministère. La réserve des trois chaînes n'a rien de mystérieux; son existence, son étendue dans le temps et dans l'espace dépendent de la loi et de son interprétation. Comme toute limite au droit de propriété, elle doit être interprétée restrictivement et, en cas de doute, en faveur du propriétaire privé. En aucun cas les fonctionnaires du ministère des Terres et Forêts ne peuvent-ils substituer leur interprétation à celle des tribunaux. Du moins, les citoyens doivent-ils se rendre compte que l'interprétation administrative n'est pas à l'abri de toute remise en cause".

M. le Président, cette citation n'est pas de moi-même, n'étant pas juriste comme l'a si bien dit le ministre des Terres et Forêts tout à l'heure, mais elle a été faite par Mes Giroux et Kenniff, avocats et tous deux experts dans les questions d'aménagement de territoire à l'université Laval. A la suite de témoignages juridiques aussi clairs et aussi précis — et nous pourrions en citer d'autres — je me demande sincèrement, lorsque le ministre dit qu'il veut encore appliquer partiellement la loi en attendant que la commission ait fait rapport — laissant toute la question encore en suspens, laissant tous les propriétaires fonciers du Québec sur le qui-vive, sans savoir si demain ou après-demain, dans un mois, dans six mois ou dans un an cette question ne sera pas remise en cause — si on ne sera pas obligé de verser au gouvernement des montants qui, à l'heure actuelle, sont quand même assez substantiels lorsqu'il s'agit d'aménagement pour des fins de loisirs privés et de loisirs familiaux et pour des cultivateurs qui ne savent pas s'ils sont propriétaires de leur ferme ou s'ils ne le sont pas.

Lorsque je songe que des personnes, propriétaires de terres concédées avant 1919, ont été dans l'obligation de payer au ministère des Terres et Forêts des droits de coupe de $27 les mille pieds, je dis que le gouvernement a été trop loin et le ministère des Terres et Forêts aussi.

M. DRUMMOND: M. le Président, comme nous l'avons dit il y a quelques minutes, je pense qu'il vaudrait la peine de faire la lecture d'autres opinions juridiques pour le dossier et je vais demander à M. Duchesneau de le faire tout de suite.

La première est celle du contentieux du ministère et la suivante sera celle du ministère de la Justice qui a donné son avis sur celle de Me Côté.

M. ROY: Maître?

M. DRUMMOND: Me Côté.

M. ROY: Me Côté qui est conseiller juridique du ministère?

M. DRUMMOND: C'est cela. M. ROY: C'est son opinion... M. DRUMMOND: A lui. M. ROY: ... à lui.

M. DRUMMOND: Confirmée par le ministère de la Justice. Je vais vous lire les deux.

M. ROY: D'accord.

M. DRUMMOND: D'abord, Me Côté. "L'article 41 a) de la Loi des terres et forêts décrète que depuis le 1er juin 1884 les terres publiques sont sujettes à une réserve en pleine propriété en faveur de la Couronne de trois chaînes en profondeur des terres bordant les rivières et les lacs non navigables. Il s'ensuit qu'avant cette date les ventes et concessions de terres publiques en bordure de ces lits et de ces lacs en comprenaient les lits. "Depuis, les ventes sont sujettes à cette réserve, en pleine propriété, en faveur de la Couronne. Cette opinion n'est toutefois pas partagée par tous les juristes. Me Jules Brière, des Affaires intergouvernementales, Me André Cossette, notaire, se basant sur une opinion de Me Cantin, du contentieux du ministère de l'Agriculture, ont prétendu, depuis quelques temps, que les mots "en pleine propriété en faveur de la Couronne" qui ont remplacé les mots "pour fins de pêche" par un amendement

à la Loi de la pêche apporté le 17 mars 1919 n'ont aucun effet rétroactif en vertu du principe d'interprétation qui veut qu'une loi n'a pas d'effet rétroactif à moins que cet effet n'ait été édicté expressément. "En conséquence, la propriété de la réserve des lots riverains des rivières non navigables concédés entre le 1er juin 1884 et le 17 mars 1919 n'existerait pas en faveur de la couronne selon ces juristes. Personnellement, je m'inscris en faux contre cette opinion et je fais mienne l'interprétation traditionnelle donnée par Mes Jean Bouffard, Adjutor Dussault, Marie-Louis Beaulieu et autres, qui veut que l'amendement de 1919 ait un effet rétroactif au 1er juin 1884. Je ne crois pas qu'il me soit nécessaire, dans ce domaine, de vous exposer cette théorie dans tous ses détails.

Qu'il me suffise de dire qu'en 1919 l'intention du législateur de donner une rétroactivité était tellement évidente qu'il a pris la peine de décréter que les causes pendantes ne seraient pas affectées par cet amendement. N'est-ce pas tout simplement bien indiquer que toutes les causes pendantes devaient être jugées suivant la loi telle qu'elle existait avant l'amendement et que les nouvelles causes, qui pourraient être inscrites, que le litige ait pris naissance à la suite d'une transaction effectuée après juin 1884 ou après 1919, le seraient selon la nouvelle interprétation que le législateur entendait donner à la loi "'La stipulation de 1919 me paraît donc comme un acte non seulement interprétatif mais aussi comme un acte déclaratoire du législateur et on ne peut invoquer, dans ce cas, la présomption de non rétroactivité." Je vais vous donner maintenant l'opinion de...

M. ROY: L'opinion de Me Côté date de...

M. DRUMMOND: Du 14 décembre 1973. La lettre du ministère de la Justice est datée du 14 mars 1974. Elle traite de tout le problème. On s'est adressé à Me Fernand Côté au sujet des réserves légales des trois chaînes. "Pour faire suite à nos récentes conversations téléphoniques je désire, par la présente, confirmer l'opinion verbale que je vous donnais à l'effet que je ne suis pas d'accord avec l'opinion de Me Louis-Gérard Cantin et plutôt en accord avec la vôtre. "Tout d'abord, j'aimerais disposer de son argumentation à l'effet que le second paragraphe de l'article 400 du code civil ne trouve son application que lorsque le cours d'eau borne le terrain et non pas lorsqu'il le traverse. Une telle interprétation me semble aberrante. Comment expliquer que le législateur ait voulu se garder la propriété du lit de la rivière et des rives lorsque la rivière sépare deux lots et qu'il n'a pas voulu se la garder lorsqu'elle traverse un lot. On ne peut imaginer aucun motif. Par ailleurs, une telle interprétation pourrait donner lieu à des situations cocasses. "Par exemple, si une personne achetait un lot traversé par un cours d'eau, elle serait propriétaire de ce cours d'eau, alors que si une autre personne achetait deux lots séparés par un cours d'eau elle se trouverait ainsi dans une situation analogue à la première et ne serait pas propriétaire du cours d'eau. Certes, il est possible que, dans certaines circonstances le législateur, veuille faire la distinction. Il l'a d'ailleurs déjà faite à l'article 503 du code civil lorsqu'il prévoit un régime différent pour le propriétaire dont le terrain est borné par un cours d'eau de celui qu'il prévoit pour le propriétaire dont le terrain est traversé par un cours d'eau en ce qui concerne les servitudes dans l'usage de ce cours d'eau. Mais dans ce cas, il l'indique clairement en employant les mots "borné et traversé" et en spécifiant des régimes différents dans l'un et l'autre cas. Or, tel n'est pas le cas à l'article 400. Non seulement le législateur ne fait pas de distinction claire mais il ne prévoit pas de régime différent. "Par ailleurs, l'emploi du mot "bordé" plutôt que du mot "borné" me semble indicatif. Ce mot a un sens beaucoup plus large que le mot "borné" et son emploi est logique si on considère que le deuxième paragraphe de l'article 400 réserve la propriété du lac et des rivières à l'Etat. Il est bien évident que si on réserve le cours d'eau à l'Etat, les terrains situés de chaque côté du cours d'eau, même s'ils font partie d'un même lot, sont nécessairement bordés par le cours d'eau. C'est donc dire que je ne puis accepter le point de vue de Me Cantin et conclus que le deuxième paragraphe de l'article 400 s'applique, que le cours d'eau borne un terrain ou qu'il le traverse. "Je ne puis non plus accepter son point de vue lorsqu'il prétend que la loi qui réserve trois chaînes en pleine propriété en faveur du domaine public du Québec n'a d'effet que le 17 mars 1919 sans aucun effet rétroactif du 1er juin 1884. Il est exact qu'avant l'adoption de l'amendement de 1919 la réserve des trois chaînes n'était faite que pour des fins de pêche et que la cause de McLaren vs Hanson et le procureur général a décidé que la réserve des trois chaînes n'appartenait pas en pleine propriété à la Couronne. Sur ce dernier point, je vous souligne que même si la décision du conseil privé s'occupait surtout de la question de la navigabilité de la rivière Gatineau, en rétablissant dans son entier le jugement du juge de la cour Supérieure, le Conseil privé s'est trouvé à avoir décidé implicitement que la réserve n'appartenait pas en pleine propriété au Québec. "Je vous réfère, à ce sujet, au traité du domaine de Bouffard, en pages 105 et 106. Cependant, même si c'était la situation avant 1919, l'amendement de 1919 est venu corriger la situation avec effet rétroactif au 1er juin 1884. "En effet, contrairement à ce qu'affirme Me Cantin, cet amendement rencontre toutes les conditions voulues pour être considéré comme

étant déclaratoire et rétroactif. On sait qu'en général une loi n'a pas d'effet rétroactif si elle ne le stipule pas. L'amendement ne dit pas à proprement parler que la loi a un effet rétroactif, mais l'emploi des mots "sont et ont été depuis le 1er juin 1884" ne laissent pas de doute quant à l'intention du législateur. D'autre part, cette intention est également bien indiquée par le fait qu'on a voulu préserver les droits acquis avant l'amendement à la loi. Un droit acquis n'existe qu'à la condition qu'il ait été exercé. En l'occurrence, l'exercice du droit n'avait pu se faire par voie de procédures réclamant la propriété de la réserve. Or, à l'article 14 de l'amendement, le législateur a spécifié: "Les dispositions de la section 1 de la présente loi n'affecteront pas les causes pendantes". Manifestement, le législateur, par cette disposition, a voulu protéger les droits acquis des personnes qui s'étaient prévalues des tribunaux pour exercer leurs droits. Il faut donc conclure que la loi se voulait avoir un effet rétroactif dans tous les cas, à l'exception des cas où les personnes avaient exercé leurs droits en intentant des procédures et a fortiori dans les cas où le propriétaire avait déjà obtenu jugement, avant l'amendement".

Cette opinion est partagée par Bouffard dans son Traité du domaine, qui est sans doute la plus éminente autorité au Québec en cette matière.

La lettre continue sur d'autres points.

M. ROY: J'ai ici le traité du domaine, M. le Président, par Bouffard, et justement l'article 143. Il serait peut-être bon, puisqu'on y fait référence, d'en faire une certaine lecture. Encore là, j'ai certains doutes quant à l'interprétation qu'on aurait donnée à ce que Bouffard a dit, à ce moment.

La cause de McLaren vs Hanson et le procureur général intervenant, la question de la propriété de la réserve s'est présentée. Un des lots riverains des pouvoirs d'eau concédés par la couronne à Hanson avait été concédé après le 1er juin 1884. Le procureur général soutint devant la cour Supérieure qu'au moins cette partie des pouvoirs d'eau appartenait à la couronne lorsqu'elle les a concédés à Hanson en regard de la décision par la cour que la rivière Gatineau était une rivière non navigable et non flottable. Le juge Champagne décida en première instance que cette réserve des trois chaînes, si elle existait à cet endroit, ne comportait pas un droit de propriété en faveur de la couronne, mais seulement une servitude pour des fins de pêche et que la propriété de cette réserve devait appartenir au propriétaire du lot. La cour d'Appel ne se prononçait pas sur la question de la réserve des trois chaînes mais sur d'autres points qu'il n'est pas nécessaire de mentionner ici. La cour Suprême se divisa également et le jugement de la cour d'Appel se trouva confirmé. Au Conseil privé, le jugement de la cour d'Appel fut cassé et celui de la cour Supérieure rétabli. Les nobles lords du Conseil privé se sont surtout préoccupés de la question de la navigabilité de la rivière Gatineau, et c'était le point principal en litige, mais sans avoir traité d'une manière spéciale la question de la propriété de la réserve des trois chaînles.

M. DRUMMOND: Je vous rappellerai que la lettre du contentieux de la Justice l'interprète de cette façon, mais continue en disant, comme je le disais tout à l'heure: Cependant, même si c'était la situation avant 1919, l'amendement de 1919 est venu corriger la situation avec effets rétroactifs au 1er juin 1884.

M. ROY: De toute façon, M. le Président, avant d'aller plus loin, je demanderais que le gouvernement dépose ces deux documents, comme il est requis par le règlement, lorsqu'on y fait référence. C'est le privilège du député d'exiger le dépôt de ces deux documents pour qu'ils deviennent des documents publics.

Mais je pense que, sans faire un débat juridique, nous avons déjà, à ce moment-ci, suffisamment d'éléments pour démontrer que toutes ces opinions juridiques sont contestées de part et d'autre. Or, le gouvernement et le ministère des Terres et Forêts ont décidé, peu importe le débat juridique en cause, peu importent les contestations qu'il y a de part et d'autre, de dire: Voici, étant donné que cela nous favorise, on va l'appliquer de telle façon. Ce n'est pas tranché. Actuellement, la personne ainsi lésée n'a d'autre droit que d'avoir recours à des avocats et poursuivre le gouvernement, et on sait combien ça peut coûter et combien de temps cela peut prendre.

M. le Président, nous avons au Québec des milliers de petits propriétaires concernés. Qu'on ne dise pas qu'il y a 2,000 dossiers, 3,000, 4,000, 5,000 dossiers, ce sont des dizaines et des dizaines de milliers de dossiers. Il y a des comtés au complet qui sont concernés par cette réserve des trois chaînes, des comtés au complet. Dans des localités dans mon comté, c'est quasi complet. Si vous avez, par exemple, 300 ou 400 ou 500 contribuables dans la même localité, vous avez autant de propriétaires qui sont concernés par la loi.

Maintenant, on parle aussi — c'est un autre point que j'aimerais porter à l'attention du ministre — des lacs et des rivières. Où et quand a-t-on décidé que c'étaient tous les cours d'eau et en vertu de quoi?

Qu'est-ce qu'une rivière? Quand est-ce un ruisseau? Quand est-ce une rivière? Où est la ligne de démarcation? Je pense qu'il serait important qu'au ministère des Terres et Forêts — vous avez les experts — on nous dise ces choses pour qu'on sache à quoi s'en tenir. En vertu de quels critères détermine-t-on que c'est une rivière? Et en vertu de quels critères détermine-t-on que c'est un ruisseau? Dans la loi, on fait référence aux lacs et rivières. Actuellement, le ministère l'applique dans les petits cours d'eau.

M. LESSARD: Non navigables. M. ROY: Non navigables.

M. DRUMMOND: Pour l'application de cela, M. le Président, on demande l'opinion du ministère des Richesses naturelles, qui fait l'expertise pour déterminer cela.

M. ROY: C'est quoi?

M. DRUMMOND: On demande un avis au ministère des Richesses naturelles sur telle rivière ou sur tel cours d'eau, s'il est navigable ou non.

M. ROY: Ou non navigable. Au point de vue de la navigabilité, je suis d'accord, il y a certains critères. Ce n'est pas là mon point. Quand est-ce que ça cesse d'être un cours d'eau pour être une rivière? On sait que cours d'eau au ministère des Richesses naturelles — parce que j'ai pris des informations — c'est pourvu qu'une boîte d'allumettes puisse flotter. C'est la réponse qu'on m'a donnée. Vous allez me dire que c'est un peu simpliste, mais c'est la réponse qu'on m'a donnée, pourvu qu'une boîte d'allumettes puisse flotter.

M. DRUMMOND: D'où...

M. ROY: Alors comme il y a plusieurs agriculteurs de tous les comtés du Québec qui ont des petits cours d'eau sur lesquels les boîtes d'allumettes peuvent flotter...

LE PRESIDENT (M. Picard): Quelle grosseur de boîte?

M. ROY: Une petite boîte d'allumettes. Je pense qu'on a même parlé d'une boîte d'allumettes de $0.01.

UNE VOIX: Eddy Match.

M. ROY: D'Eddy Match, parce qu'on sait que la rivière Gatineau est impliquée là-dedans. C'est sur la rivière Gatineau que des usines fabriquent les allumettes, c'est probablement là-dessus qu'on a fait certaines références.

M. LESSARD: Est-ce que je pourrais poser une question au député? C'est navigable lorsqu'une boîte d'allumettes peut...

M. ROY: Non, c'est pour déterminer quand c'est un cours d'eau. Un cours d'eau est déterminé, selon le ministère des Richesses naturelles, lorsqu'une boîte d'allumettes peut flotter. J'ai l'impression que pour le ministère des Terres et Forêts, à partir du moment où une boîle d'allumettes flotte, c'est une rivière. Je voudrais qu'on me rassure.

M. LESSARD: M. le Président, il y a des cours d'eau en avant de la maison chez nous de ce temps-ci, mon garçon s'amuse avec des boîtes d'allumettes.

M. DRUMMOND: Je pense qu'il faut que la boîte flotte douze mois par année ou ait la possibilité de le faire; je pense que, grosso modo, c'est ça.

Nous prenons l'avis strictement des Richesses naturelles pour savoir si dans tel cours d'eau ça s'applique.

M. ROY: Cela s'applique comme rivière ou comme cours d'eau.

M. DRUMMOND: Si la loi s'applique.

M. ROY: Un instant, il y a une distinction. J'ai bien dit qu'actuellement le ministère des Terres et Forêts fait appliquer la loi au niveau des cours d'eau, alors que la loi est très claire: on parle des lacs et des rivières. A partir de quand? Les cours d'eau sont déterminés par le ministère des Richesses naturelles, d'accord. Je suis d'accord sur l'opinion que vous venez d'émettre, d'ailleurs c'est un fait, c'est admis. Mais pourquoi le ministère des Terres et Forêts fait-il appliquer ça au niveau des petits cours d'eau, alors que la loi édicte très clairement que c'est au niveau des autres cours d'eau? J'aimerais qu'on me réponde.

M. DRUMMOND: On le fait appliquer seulement lorsqu'on a l'opinion du ministère des Richesses naturelles que la loi s'applique.

M. ROY: Est-ce que vous demandez au ministère des Richesses naturelles des avis juridiques concernant l'application de la loi ou si vous vous limitez à demander au ministère des Richesses naturelles de vous déterminer si c'est un cours d'eau selon le ministère des Richesses naturelles? Il y a deux choses bien claires.

M. DRUMMOND: L'opinion qui est demandée au ministère des Richesses naturelles, dans tous les cas, c'est pour obtenir l'avis du ministère sur le caractère de navigabilité du cours d'eau concerné. Je crois comprendre dans la question posée, M. le Président, qu'on voudrait faire une distinction entre rivières, cours d'eau, ruisseaux. Je laisserais le soin aux puristes de déterminer ce qu'il en est. Au ministère, d'après tous les renseignements que nous avons pu obtenir c'est que ruisseau est considéré comme rivière, au sens que c'est une petite rivière, simplement, plus ou moins grosse pour le ministère des Terres et Forêts.

M. ROY: C'est une décision administrative.

M. DRUMMOND: C'est une décision qu'on a prise et qu'on met de l'avant par suite des renseignements pour savoir ce qu'est une rivière. Des auteurs vont nous dire qu'il s'agit à ce moment-là d'un ruisseau. C'est une petite riviè-

re. C'est pour cette raison que, pour autant que le ministère des Richesses naturelles nous donne une opinion sur le caractère de navigabilité, nous agissons dans l'intention de donner aux personnes concernées un titre inattaquable. C'est ça le but. Je pense que ce n'est pas tant dans l'idée d'obtenir pour le gouvernement un surcroît de revenus.

Ces études se font toujours dans l'intention de donner aux personnes concernées un titre inattaquable.

M. LESSARD: M. le Président, si vous me permettez, j'aurais une question bien concrète à poser lorsque l'on parle des rivières. Je ne me cache pas d'être un contestataire des rivières à saumon. Or, la dernière fois que je suis allé contester les rivières à saumon, à Baie-Trinité, la compagnie Domtar m'a averti que, de chaque côté de la rivière, c'était leur propriété. Je n'étais pas à 198 pieds. A ce moment-là, j'étais directement à quelques pieds de la rivière.

J'aimerais savoir —étant donné justement que le ministère des Terres et Forêts a eu l'occasion d'étudier le problème de la rivière Baie des Rochers, suite à l'implantation de la compagnie Rayonier Quebec dans notre région — pour ma conduite future, si le long des rivières à saumon, que ce soit Petite-Trinité, que ce soit Baie-Trinité, que ce soit la rivière Calumet, que ce soit la rivière de Baie des Rochers et autres rivières, la réserve des trois chaînes s'applique ou si les contrats, qui ont été signés entre le commissaire des terres du temps, en 1901, dans lesquels, semble-t-il, on a cédé soit la rive nord et la rive sud des rivières en question, s'appliquent. Quand je dis "cédé", je veux dire tous les droits concernant le lit de la rivière, et aussi les rives de la rivière. J'aimerais savoir, pour ma conduite personnelle, si cette réserve des trois chaînes s'applique aussi en ce qui concerne les rivières à saumon. Si la réserve des trois chaînes s'applique aussi en ce qui concerne les rivières à saumon. Si la réserve des trois chaînes s'applique, je considère qu'il n'appartiendra pas à la Domtar de me dire que je ne suis pas sur mon terrain lorsque je campe le long de la rivière, il appartiendra, à ce moment-là, au ministère des Terres et Forêts de le faire. Si le ministère des Terres et Forêts le fait, il en prendra la responsabilité.

Le ministère a eu l'occasion d'étudier le cas de la rivière Baie des rochers — j'insiste sur ça — lorsque, justement, il y a eu l'implantation de la compagnie Rayonier Quebec — le député de Beauce-Sud n'en parlait pas ce matin — lorsqu'il y a eu d'autres ententes, qui ont coûté de l'argent au gouvernement du Québec, entre Quebec Northshore et les Rives de la rivière Baie des Rochers, lorsqu'il y a eu négociation d'échange de terrains entre Quebec Northshore et les Rives de la rivière Baie des Rochers. Alors, vous avez certainement dû prendre des informations auprès d'avocats, et la rivière Baie des Rochers a été vendue exactement comme la rivière Calumet, comme la rivière Baie-Trinité, comme la rivière Petite-Trinité. J'aimerais savoir si, à un moment donné, le ministère des Terres et Forêts a des informations concernant ce problème.

M. DRUMMOND: M. le Président, dans le cas des quatre rivières qui viennent d'être nommées, il y a la rivière Baie-Trinité, la rivière Petite-Trinité, la rivière de la Baie des Rochers et la rivière Calumet, je crois qu'il y a aussi Petit Calumet et Grand Calumet...

M. LESSARD: C'est ça.

M. DRUMMOND: ... il s'est passé, dans le cas de ces quatre rivières...

M. LESSARD: Et dans d'autres aussi. M. DRUMMOND: Peut-être. Mais là... M. LESSARD: D'accord.

M. DRUMMOND: ... je connais celles-là plus particulièrement. Je sais qu'il y a eu des terrains de vendus, de façon spécifique, le long de ces rivières, au début du siècle. Je serais bien en peine de vous dire, de mémoire — je ne voudrais pas évidemment induire personne en erreur — sans consulter le document lui-même, ce qu'il contient. Je pense bien...

M. LESSARD: Mais comme le ministère des Terres et Forêts a eu l'occasion d'étudier le problème que posait l'alimentation en eau potable pour la compagnie Rayonier Quebec, il a dû certainement être dans l'obligation d'étudier la propriété le long de la rivière Baie des Rochers, d'étudier le problème des propriétés.

Suite à cette étude, il y a eu certains échanges de terrains entre Québec Northshore et le gouvernement du Québec. Comme je constate que les rivières Grande Trinité, Petite Trinité, Baie des Rochers, Grand Calumet et Petit Calumet ont été vendues exactement de la même façon que la rivière Baie des Rochers, je pense que le gouvernement devrait avoir des conclusions en ce qui concerne chacune de ces rivières.

Je reviendrai sur ce problème au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Suite à certaines études que j'ai faites, je constate que certaines questions que j'ai posées au feuilleton me paraissent avoir reçu de mauvaises réponses parce que ces rivières ne nous appartiennent pas. Justement, c'est là qu'est le problème fondamental. Si votre loi était rétroactive à 1882...

M. ROY: 1884.

M. LESSARD: ... 1884, si votre loi était rétroactive, pourquoi ne l'est-elle pas aussi pour des terrains qui auraient été vendus le long des

rivières à $1 l'acre? Pourquoi ne serait-elle pas aussi rétroactive pour la succession de M. Molson Martin Boyds et William Torton Boyds qui a cédé à sa femme, en 19.., toutes nos rivières à saumon dans notre comté?

M. DRUMMOND: On sait bien que le député de Saguenay est un fervent de la pêche.

M. LESSARD: Non, non, M. le Président. M. DRUMMOND: Mais c'est la vérité.

M. LESSARD: Je suis un fervent de la pêche...

M. DRUMMOND: C'est seulement un à-côté...

M. LESSARD: Je veux savoir de quelle façon je vais contester le 24 juin prochain. Je veux savoir si la compagnie Domtar peut m'envoyer du terrain, des trois chaînes. Je veux savoir si je peux m'installer en camping sur ces terrains, sur 196 pieds le long de la rivière. La dernière fois que j'ai contesté, comme je suis respectueux des lois, lorsque la compagnie m'a dit que j'étais sur son terrain privé, j'ai quitté le terrain. Je veux savoir.

M. DRUMMOND: M. le Président, pour aider le député dans son choix d'emplacement, on va faire les recherches nécessaires pour obtenir les informations qu'il vient de demander. On va les déposer devant la commission.

M. ROY: M. le Président, suite aux questions posées par l'honorable député de Saguenay, je veux revenir sur la question que j'ai discutée tantôt, c'est loin d'être fini; on a effleuré seulement le sujet. Quand le ministère vend la réserve des trois chaînes, est-ce que la réserve, pour des fins de pêche, continue d'exister?

M. DRUMMOND: Est-ce que vous pouvez poser la question à nouveau?

M. ROY: Lorsque le gouvernement, le ministère des Terres et Forêts vend la réserve des trois chaînes, selon les avis qui sont envoyés par le ministère, actuellement, le long d'un lac ou d'une rivière, est-ce que la réserve, pour des fins de pêche, continue d'exister pour le gouvernement?

M. GIASSON: Dans le lit de la rivière, non. Pour les bordures...

M. DRUMMOND: Dans le lit de la rivière, c'est certain que le droit de pêche continue d'exister.

M. ROY: II n'y a plus de droit de passage le long des rives.

M. DRUMMOND: Justement. Maintenant, les cours d'eau, cela a été entendu ainsi en 1918, ne se concédaient plus. A ce moment-là, le fait d'être propriétaire riverain n'empêche pas le gouvernement de demeurer propriétaire...

UNE VOIX: De la pêche? M. ROY: Du cours d'eau. M. DRUMMOND: ... du lit du cours d'eau.

M. ROY: II reste seulement le droit de passage. Supposons que je m'en vais dans un territoire, dans une rivière à saumon du député de Saguenay, par exemple,...

M. LESSARD: Est-ce que vous avez l'intention de venir?

M. ROY: Oui, j'ai bien l'intention d'y aller. M. GIASSON: Ne me dites pas.

M. ROY: Mais je compte que le député de Saguenay me montrera les bons endroits pour que je ne perde pas mon temps! Alors, une personne est propriétaire des rives, du terrain riverain d'une rivière donnée, d'une rivière à saumon, entre autres. Le gouvernement a vendu des droits, mais il est demeuré quand même propriétaire du lit de la rivière. Est-ce que cela veut dire que les propriétaires riverains peuvent empêcher les personnes, qui ont un permis de pêche, d'aller pêcher dans les rivières qui nous appartiennent? Il ne faut pas oublier que la loi de 1884 — là, je me réfère à certains documents, à certaines causes qui ont eu lieu à l'époque — créait des difficultés parce que des propriétaires empêchaient les gens qui voulaient pêcher de passer sur le terrain.

C'est à partir de ce moment-là que le gouvernement s'était réservé trois chaînes, pour que les droits de passage existent. Mais, si les droits sont vendus par le gouvernement, qu'est-ce qu'il arrive de nos cours d'eau, au Québec, de nos lacs et de nos rivières, pour les personnes qui veulent s'adonner à ce sport, la pêche, et manger du bon poisson "made in Québec"?

M. DRUMMOND: Lorsque le ministère vend tous ses droits sur la réserve légale des trois chaînes au propriétaire du terrain qui est immédiatement derrière, il est certain que ce propriétaire peut empêcher d'autres personnes de passer sur le terrain qu'on lui a vendu, comme pour tout autre terrain privé. Cela devient un terrain privé sans restriction.

C'est pour cette raison que le ministère ne vend pas la réserve des trois chaînes sans examen. Contrairement à ce qui existait, justement, il y a 60 ans, alors que, pour remonter un cours d'eau, il fallait nécessairement marcher le long du cours d'eau, aujourd'hui qu'il y a tant de routes, tant de moyens, c'est plus facile d'atteindre le même cours d'eau sans passer sur une propriété privée.

M. ROY: Mais il faut quand même partir de la route et aller au cours d'eau.

M. DRUMMOND: Oui. Je ne pense pas, lorsque le député de Beauce-Sud demande qu'on régularise certaines situations, que c'est pour donner le droit de passage à tout le monde, quand ce sera régularisé.

M. ROY: Actuellement, c'est bien pire que ça; le cultivateur n'est pas propriétaire.

M. DRUMMOND: Je sais bien qu'il n'est pas propriétaire, selon la loi.

M. ROY: Selon vous autres, selon le ministère.

M. DRUMMOND: Même si on prend 1920, on parle, en tout cas, des personnes qui ont habité sur ces terres pour plus qu'une cinquantaine d'années. Alors, ne jouons pas seulement avec certaines opinions juridiques, parce que c'est aussi un problème humain.

Tout ce que je voulais signaler, c'est ceci: Lorsque le député de Beauce-Sud veut que cela soit réglé en faveur d'un cultivateur qui possédait la terre pendant un certain temps, est-ce que cela doit donner le droit de passage au grand public pour traverser cette terre?

M. ROY: C'est une question que je vous pose, là.

M. DRUMMOND: Mais je vous pose la question parce que vous suggérez certains changements. Je veux demander ceci: Selon le député de Beauce-Sud, si c'est réglé et qu'on concède la réserve des trois chaînes à quelqu'un, est-ce que cela doit être concédé en pleine propriété pour lui donner le droit absolu sur cette réserve ou est-ce qu'on doit, selon lui, laisser un certain droit de passage au grand public? C'est qu'il pose la question de cette façon.

M. ROY: Voici, M. le Président...

M. GIASSON: Je trouve, M. le Président, que la dernière question du député de Beauce-Sud justifie, avec beaucoup d'emphase, l'examen approfondi des conséquences et des implications qui vont découler des amendements soit à la loi elle-même ou dans la réglementation d'application pratique.

M. DRUMMOND: C'est pour ça que j'ai posé la question de cette façon.

M. GIASSON: Surtout il s'agit de savoir si, vendant la réserve des trois chaînes, on coupe automatiquement l'accès au public. On rend le propriétaire absolument propriétaire, on lui donne des droits absolus et on coupe le passage à des tiers qui voudraient se rendre à la rivière.

M. DRUMMOND: II y a d'autres questions qui se posent, sur lesquelles on peut se pencher. Lorsqu'on regarde ce que font beaucoup d'autres provinces en ce qui concerne l'administration des terres publiques, elles commencent à peu près toutes à ne pas vendre du tout les terres riveraines, mais seulement à procéder par un système de bail Ces un autre aspect qu'il faut considérer lorsqu'on étudie ce problème.

C'est pour cela que c'est une étude globale où on ne peut pas passer trop vite à l'action sans tenir compte des conséquences, tel que signalé par le député de Montmagny-L'Islet.

M. ROY: M. le Président, je suis très heureux que le député de Montmagny-L'Islet ait soulevé cette question qui nous démontre jusqu'où cela peut aller.

Jamais personne, au Québec, à ce que je sache, n'a contesté la loi de 1884, lorsqu'on l'a toujours appliquée pour des fins de pêche. Jamais personne n'a abusé de la loi au point d'empêcher les gens de passer.

C'est justement à partir de ce moment-là que j'étais inquiet, lorsque j'ai appris que le gouvernement avait décidé d'appliquer cela avec toute la rigueur possible. En effet, le gouvernement se place dans l'obligation de devoir clarifier la situation et il y a danger que, par rapport à ce qui avait été prévu par le législateur de 1884, on recule grandement et qu'on se retrouve, dans quelques années, avec les problèmes que le gouvernement du Québec avait avant 1884.

Le ministre m'a posé des questions tout à l'heure. C'est la raison pour laquelle je dis au ministre, à ce moment-ci, que le gouvernement, présentement, est en train de se placer dans une situation au sujet de laquelle je m'interroge sérieusement, à savoir de quelle façon le gouvernement va s'en sortir réellement.

M. Descoteaux a dit, tout à l'heure, qu'on voulait parler de titres inattaquables donnés à des personnes. Il y a quand même des droits concernant le domaine public. L'eau n'est la propriété de personne et elle ne doit pas être la propriété de quelques personnes. Elle doit être une propriété publique.

C'est la raison pour laquelle, en 1884, le gouvernement avait voté une loi pour s'assurer de la propriété du lit des lacs et des rivières et qu'il avait gardé des servitudes, à ce moment-là, pour que le public puisse y avoir accès pour des fins de pêche. Mais, en pratiquant la politique que le gouvernement pratique à l'heure actuelle, on vend à certaines personnes ces droits absolus. Or, dans dix ans, dans quinze ans, dans 20 ans, dans 25 ans, est-ce que le gouvernement va être obligé de procéder par expropriation?

Il n'y a jamais un cultivateur, à ce que je sache, qui s'est plaint du fait qu'il y avait des personnes qui passaient sur son terrain pour aller à la pêche, le long d'un lac ou le long d'une rivière qui bordait son terrain ou qui était sur son terrain. Mais, en vendant les droits...

M. GIASSON: II y en a eu. Je dois dire au député de Beauce-Sud que moi, je connais des gens dans mon comté qui, en période de sécheresse très grande, l'été, voient très mal la circulation dans leurs boisés.

M. ROY: II faut bien s'entendre, à ce moment-là, sur la circulation et sur les dangers.

M. DRUMMOND: Ou la question de moto-neige, en hiver, qui est un autre gros problème. Cela, c'est une autre raison.

M. ROY: Egalement. Ce ne sont pas seulement les propriétaires privés. Les compagnies papetières sont extrêmement sévères, quand il s'agit de feux de forêt, pour protéger les boisés de ferme, pour protéger les érablières, d'accord, lorsque le public est imprudent.

Il y a toute cette question. C'est la raison pour laquelle il faudra que le gouvernement, je pense, revienne sur certaines décisions et précise la loi de façon à éviter des procès, à éviter de pénaliser et surtout à éviter qu'on ne recule de ce côté.

Lorsqu'on disait, tout à l'heure, que ce n'était pas pour faire de l'argent que le gouvernement faisait ces choses, je m'interroge. Je m'interroge réellement. Je ne dirais pas que le gouvernement se sert de ça pour alimenter le Trésor public, mais il y a également des personnes qui se sont vues facturer des montants assez élevés.

J'ai ici, justement, le cas d'une personne qui a acheté une terre en 1941, à Sainte-Emélie-de-l'Energie, au coût de $850. Il s'agit d'une terre de six arpents de largeur par six arpents de profondeur. Ce n'est pas un très grand morceau de terrain. Le gouvernement, actuellement, par le ministère des Terres et Forêts, réclame de l'occupant une somme de $12,295, soit le prix de 40.95 acres à $300 chacune, alors que c'est évalué, au municipal, à environ une couple de mille dollars.

J'ai vu des personnes qui ont été obligées de payer, comme je vous le disais tout à l'heure, $27 le mille pieds pour des droits de coupe. Il y a d'autres personnes qui ont payé, pour une acre et quelque chose de terrain, $685. J'ai des copies de reçus ici, M. le Président.

On a demandé cela à ces personnes — et je reviens à ce que je disais tout au début — alors que l'interprération juridique que donne actuellement le ministère des Terres et Forêts est contestée par d'autres conseillers juridiques du gouvernement, dans les différents ministères.

Le gouvernement a décidé de se faire arbitre et juge du ministère des Terres et Forêts, là-dedans, et de dire : On applique la loi.

M. DRUMMOND: Je pense bien, comme on l'a signalé, que, d'une certaine façon, on applique une loi parce que la loi existe.

M. ROY: Votre loi est contestée. La rétroactivité de la loi est actuellement contestée.

M. DRUMMOND: Non, non. Le seul aspect de contestation, c'est entre 1884 et 1919.

M. ROY: Oui, mais vous touchez les deux tiers du territoire québécois, à ce moment-là.

M. DRUMMOND: Mais cela touche seulement une partie du problème. Il faut admettre cela dès le commencement. Depuis 1970, où on commence à reconnaître, dans le public, un peu, l'existence de cette loi, on a reçu des demandes pour régulariser les terres. Alors, cela continue un peu comme ça.

Mais en ce qui concerne la réserve des trois chaînes, dans une quinzaine d'années, si on n'a touché que $314,000, je pense bien, en ce qui concerne la régularisation de cette réserve, dans les cas que nous avons, ce n'est pas pour donner de l'argent au gouvernement que nous l'appliquons.

Nous l'appliquons parce que c'est là. C'est mon rôle ou le rôle de mes prédécesseurs d'appliquer la loi. Nous sommes là pour ça. Si nous voulons la changer, changeons-la mais en connaissance de cause, en tenant compte d'une certaine philosophie aussi de ce que l'on doit avoir comme politique de gestion des terres publiques.

Comme je l'ai signalé, beaucoup d'autres provinces commencent maintenant à ne pas vendre toutes ces terres, elles procèdent par bail. Il y a aussi d'autres questions là-dedans dont il faut tenir compte. Est-ce que nous devons vendre aux étrangers? Nous demandons actuellement un prix plus élevé aux étrangers parce que, jusqu'à ce moment-ci, ça n'a pas vraiment créé de problème au point de vue du pourcentage des terres vendues aux étrangers. Mais est-ce que nous devons repenser cet aspect, pour les lots de villégiature, etc.? Ce sont des questions assez sérieuses qu'il faut se poser. C'est pour ça que nous avons commencé l'étude de toute l'affaire au lieu de procéder morceau par morceau.

M. ROY: Maintenant, vous avez dit avoir reçu une somme de $314,000, alors que mes informations sont — je n'ai pas à divulguer mes sources— qu'il y avait une somme de $2,700,000 de récupérée depuis que le gouvernement a décidé d'appliquer cette loi. Lorsqu'on parle d'une somme de $314,000 depuis quinze ans, je m'interroge sérieusement parce que si je fais le calcul, il s'agit à peu près de $20,000 par année.

M. DRUMMOND: On peut parler de la vente des terres publiques au lieu de la vente pour la régularisation de la réserve de trois chaînes. Je pense que M. Descoteaux peut lire le compte rendu en ce qui concerne les montants que nous avons reçus au cours des quinze dernières années pour la régularisation de la réserve de trois chaînes.

M. ROY: D'accord, je vais demander la

même chose que tout à l'heure: que le document soit déposé de façon que nous puissions en avoir des copies.

M. DRUMMOND: II n'y a aucun problème.

Le tableau que j'ai ici comporte une comparaison entre les revenus de la vente des terrains compris dans la réserve de trois chaînes, en comparaison, pour la même année, des ventes totales de terrains qui ont pu se faire au ministère. Et en comparaison de cela, d'autres revenus aussi, l'ensemble des activités du ministère concernant les terrains.

Si je remonte à 1959-60, il y a eu un cas de réglé pour une somme de $250 en comparaison de $783,404 pour les revenus de l'ensemble des ventes.

M. GIASSON: En dehors de la réserve de trois chaînes.

M. DRUMMOND: En dehors de la réserve de trois chaînes.

Ou ça peut être des terrains y compris la réserve de trois chaînes; ce n'étaient pas des cas de régularisation de la réserve de trois chaînes. Aujourd'hui...

M. GIASSON: Dans ces ventes, vous n'avez pas disséqué nécessairement la partie du terrain constituée par la réserve par rapport à l'ensemble?

M. DRUMMOND: Ce que je vous donne, oui. Ce sont les cas où des personnes étaient propriétaires de terrains alors que leur terrain était affecté de la réserve légale de trois chaînes. Pour des raisons qui sont survenues à ce moment-là, ils ont demandé au gouvernement d'acquérir la réserve de trois chaînes pour compléter leur propriété. C'est ce chiffre que je vous donne. Si, dans d'autres cas, on a vendu un emplacement — et précisément parce qu'on est plus au courant aujourd'hui peut-être que nos prédécesseurs l'étaient — qu'il est jugé que c'est une bonne chose de concéder tout de suite la réserve de trois chaînes, et qu'on va vendre le terrain y compris la réserve de trois chaînes, ce n'est pas une régularisation à ce moment-là.

En 1960-61, il y a eu un cas pour une somme de $50, comparativement à $415,240 de revenu, toujours des ventes. En 1961-62, il y a eu huit cas rapportant un montant de $4,400, comparativement à $457,472. En 1962-63, neuf cas pour une somme de $4,675, comparativement à $372,300. En 1963-64, 17 cas pour $19,900, comparativement à $283,927. En 1964-65, six cas pour $2,740, comparativement à $351,098. En 1965-66, huit cas pour $14,466, comparativement à $227,412. En 1966-67, 95 cas pour $20,877, comparativement à $186,947. En 1967-68, 28 cas pour $25,918, comparé à $315,134. En 1968-69, 68 cas pour $33,499, qui se comparent à $398,346. En 1969-70, 37 cas pour $39,359, comparativement à $431,845. En 1970-71, 11 cas pour $15,020, comparativement à $413,497. En 1971-72, 13 cas pour $8,175, comparativement à $646,745.

M. ROY: Vous avez dit $13,000?

M. DRUMMOND: II y a 13 cas en 1971-72 pour $8,175, qui se comparent avec $646,745 pour l'ensemble des ventes. En 1972-73, 30 cas pour $49,802, comparativement à $834,348. En 1973-74, 14 cas pour $75,571, comparativement à $1,350,734.

LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce que vous déposez...

M. DRUMMOND: Ce qui représente un total, si l'addition est bonne ici, de $314,798, comparativement à $7,468,439.

M. ROY: M. le Président, je remercie M. Descoteaux de nous avoir fourni ces chiffres, et je commence à me poser beaucoup plus de questions que je m'en posais au début. Quand je regarde le nombre d'avis qui ont été envoyés dans mon comté, je suis en train de me poser d'autres questions.

Est-ce qu'actuellement, sincèrement, on procède dans tout le territoire du Québec ou si on a choisi des régions?

LE PRESIDENT (M. Picard): C'est seulement dans les comtés de l'Opposition.

M. ROY: C'est la question que je suis en train de me poser.

M. GIASSON: M. le Président,...

M. LESSARD: Est-ce que le député de Montmagny commence à être un contestataire?

M. ROY: Combien de dossiers sont en suspens présentement? Quand je parle de dossiers en suspens, je parle des dossiers pour lesquels une personne, un propriétaire a reçu un avis du ministère.

M. DRUMMOND: II y en a 140. M. ROY: II y a 140 dossiers? M. DRUMMOND: II y a 140 avis. M. ROY: De donnés.

M. LESSARD: Combien y a-t-il de fonctionnaires qui travaillent...

M. DRUMMOND: Je l'ai fait vérifier entre les deux séances.

M. ROY: Est-ce que le ministère a l'intention...

M. GIASSON: Si vous me permettez, pour tout le Québec, vous avez donné 140 avis à 140 propriétaires de l'existence de la loi des trois chaînes? Il doit y avoir des zones du Québec qui n'ont pas été avisées d'aucune façon.

M. DRUMMOND: C'est surtout dans la région de Québec.

M. ROY: M. le Président...

M. LESSARD: ... région de la Côte-Nord...

M. ROY: ... il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans l'affaire. Je ne mets pas en doute les chiffres que nous a fournis le ministre, j'ai reçu une lettre ce matin de Mont-Laurier m'avisant que quelque 1,000 personnes auraient été informées de cette réserve des trois chaînes, uniquement dans la région de Mont-Laurier.

M. DRUMMOND: La région de Montréal...

M. ROY: J'ai reçu des plaintes du Bas-Saint-Laurent, et il y a des personnes qui ont été avisées dans les comtés de Roberval et du Lac-Saint-Jean; chez nous, dans mon comté, présentement, il y a au moins une cinquantaine d'avis qui ont été donnés, uniquement dans Beauce-Sud.

J'aimerais que le ministre nous donne les chiffres, comté par comté, de ce qu'il a. Je serais en mesure de fournir les preuves avec les copies que les gens m'ont fait parvenir.

M. DRUMMOND: Au sujet de saisies ou d'amendes, dans Mégantic-Compton, il y en a une, Montmagny-L'Islet: 11, Bellechasse: 4, pour un total de 25.

M. ROY: Cela fait plus que seize.

M. DRUMMOND: Excusez, il y en a dans d'autres comtés, mais le total est d'à peu près 25.

M. ROY: Des saisies de bois.

M. DRUMMOND: Des saisies, oui.

M. GIASSON: Pour Montmagny-L'Islet, vous avez donné quels chiffres?

M. DRUMMOND: Onze.

M. GIASSON: Onze saisies. Et avez-vous le nombre d'avis adressés aux propriétaires?

M. DRUMMOND: Au sujet des avis — en fait, ç'a été un inventaire sommaire par téléphone, juste après dfner — Montmagny-L'Islet: 23 avis; Bellechasse: 1; Beauce-Sud: 108. Dans la région de Montréal, il n'y a pas d'avis ni de saisie; dans la région du Bas-Saint-Laurent, il n'y a pas d'avis, pas de saisie; dans la région de Trois-Rivières, pas d'avis ni de saisie.

M. ROY: Beauce-Sud a 108 avis sur les 140 que le ministère a en main. Pour quelle raison les avis ont-ils été envoyés particulièrement dans Beauce-Sud?

UNE VOIX: Efficacité administrative.

M. ROY: Un instant, efficacité administrative, ça fait longtemps que j'ai arrêté de croire à ça.

M. GIASSON: Qui aime bien châtie bien.

M. LESSARD: J'aurais une question. Est-ce que le ministère, avant d'appliquer cette loi, a fait des études sur l'ensemble du territoire du Québec pour savoir le nombre de personnes qui pouvaient être touchées par cette réserve des trois chaînes? Il me semble que cette question paraît importante. Est-ce qu'on a choisi un comté à la courte paille pour appliquer cette loi ou est-ce que le ministère a au préalable étudié l'ensemble du problème et — s'il ne l'a pas fait à ce moment — quels sont les critères ou les normes que le ministère a établis pour choisir tel comté plutôt que tel autre, telle région?

M. DRUMMOND: Etant donné qu'on n'a pas tous les détails nécessaires, toutes les données, c'est pour ça qu'il faut une étude en profondeur. Quant à savoir s'il y a une région...

M. LESSARD: Donc, cette étude en profondeur n'a pas été faite pour le moment.

M. DRUMMOND: En ce qui concerne tous les cas qui peuvent être susceptibles de surgir, non, ce n'est pas tout à fait fait, parce qu'on n'a même pas une classification de la navigabilité ou non de toutes les rivières de la province, il faut tenir compte de ça aussi.

En ce qui concerne l'administration de la loi dans un comté ou dans une région plus qu'une autre, il n'y avait aucune demande formelle ou même officieuse donnée par le ministre ou le sous-ministre pour appliquer des mesures dans une région donnée plutôt qu'une autre.

Evidemment, il y a certaines régions où ce n'est pas vraiment un problème à cause du fait que la cession de la plupart des terres a été faite dans la période où on a cédé des seigneuries; alors, dans certaines régions, le problème est plus aigu que dans d'autres.

Quand même, si c'était appliqué peut-être plus dans une région qu'une autre, c'est sans doute parce que l'administrateur en question a appliqué la loi telle qu'il l'a vue, parce que l'on décentralise nos activités.

Les administrateurs ont le devoir d'appliquer la loi. Il se peut donc que certains administrateurs aient porté plus d'attention à un aspect des lois des Terres et Forêts en ce qui concerne l'application des lois. C'est aussi facile que cela.

M. ROY: M. le Président, j'aimerais bien

savoir si l'administrateur des Terres et Forêts a reçu des instructions du ministère?

S'il n'a pas reçu des instructions du ministère, est-ce que cela veut dire qu'il a agi par zèle?

M. DRUMMOND: Non. Ces instructions générales sont d'appliquer la loi dans ces régions.

M. ROY: Comment se fait-il que cela n'a pas été appliqué ailleurs?

Vous avez des administrateurs au ministère des Terres et Forêts qui ont les mêmes responsabilités, qui ont les mêmes devoirs, dans tous les bureaux de toutes les régions de la province. Pourquoi s'est-on acharné sur le comté de Beauce-Sud?

M. DRUMMOND: II n'est pas question de...

M. ROY: On s'est acharné sur le comté de Beauce-Sud. Vous avez 140 avis d'envoyés et il y en a 108 dans Beauce-Sud et le deuxième comté visé est celui de mon collègue, le comté de Montmagny-L'Islet. Pourquoi ces deux comtés? C'est ce que je veux savoir et je vais exiger une réponse.

Pourquoi ces deux comtés plutôt que les autres?

M. DRUMMOND: On cherche des sorcières lorsque les sorcières n'existent pas.

M. ROY: Ecoutez, s'il n'y a pas de sorcières, il y a des sorciers.

M. DRUMMOND: Excusez mon français.

M. LESSARD: Est-ce qu'il y a des avis qui ont été envoyés dans le comté du ministre des Terres et Forêts?

M. DRUMMOND: Pas trop. Il y a le lac du Castor, mais ce n'est pas dans mon comté.

M. ROY: C'est une question sur laquelle je pense qu'il est important quand même, abstraction faite de toute blague... Je veux savoir si le ministère entend donner des instructions à tous les autres administrateurs du gouvernement, dans toutes les régions de la province, ou si on a l'intention d'aviser celui de Montmagny-L'Islet et celui de Beauce-Sud, de façon qu'il n'y ait pas de discrimination à l'endroit d'un comté plutôt que d'un autre.

M. DRUMMOND: M. le Président, tel que je l'ai signalé, cela relève du fait que l'on a décentralisé les opérations. Ils ont le devoir d'appliquer la loi.

M. LESSARD: II les considère plus fidèles, plus...

M. DRUMMOND: Non, je pense que, si l'on n'approche pas l'administration gouvernementa- le dans la région, on ne réussira jamais à avoir une administration efficace des terres et des problèmes forestiers, mais il arrive que, dans certains cas, on a appliqué peut-être plus d'emphase sur un aspect des lois des Terres et Forêts que sur un autre. C'est une question de régler le problème. C'est seulement une question administrative. Ce n'est pas une question d'essayer de faire mal à un groupe vis-à-vis d'un autre.

M. ROY: Vous voulez dire, M. le ministre, que l'administrateur des Terres et Forêts a agi de son propre gré, dans Beauce-Sud, à vouloir faire appliquer la loi intégralement?

M. DRUMMOND: Dans sa région au complet.

M. ROY: Dans sa région au complet, sans avoir de directives spécifiques du ministère des Terres et Forêts.

M. DRUMMOND: Disons qu'il y a deux aspects.

M. ROY: M. le ministre confirme qu'il n'y a pas eu de directives spécifiques de la part du ministère des Terres et Forêts, mais...

M. DRUMMOND: II n'y a pas eu de directives.

M. ROY: ... qu'il a décidé, dans sa région, de faire appliquer intégralement la loi.

M. DRUMMOND: II applique une loi qui existe.

M. ROY: Comment s'appelle cet administrateur dans la région de Beauce-Sud?

M. DRUMMOND: La région de Québec. Paul-Henri Côté.

M. ROY: Pour la région de Québec, mais ce n'est pas la région de Québec, c'est Beauce-Sud.

M. DRUMMOND: Oui, mais cela fait partie de la région administrative de Québec.

M. ROY: Comment se fait-il que M. Côté, de la région administrative de Québec, aurait mis l'accent uniquement dans le comté de Beauce-Sud?

M. DRUMMOND: Ce que je pourrais peut-être faire, ce soir, à la reprise, serait d'apporter une carte.

M. ROY: Oui et amenez le monsieur aussi. J'ai des questions à lui poser.

UNE VOIX: M. le ministre, est-ce que l'on pourrait savoir...

M. DRUMMOND: Une carte qui expliquerait en grande partie toute cette chose-là, c'est que la loi ne s'applique pas aux terres qui ont été concédées en seigneurie et il y a toute une bande de terrains...

M. ROY: Celles qui ont été dépatentées.

M. DRUMMOND: Oui, mais il y a toute la bande de terrain le long du Saint-Laurent, origine de concessions sous forme seigneuriale. On retrouve la ligne des terres qui ont été concédées et où s'applique la réserve des trois chaînes. Malheureusement, en arrière de cette ligne, la grosse concentration est dans la Beau-ce.

M. ROY: Dans Beauce-Sud.

M. DRUMMOND: Dans ce coin-là, oui, et dans les arrière-pays, Bellechasse et tout cela.

M. ROY: Comment se fait-il qu'il y ait eu seulement un cas dans Bellechasse?

M. DRUMMOND: Je ne peux pas vous l'expliquer.

M. ROY: Bellechasse est plus concerné par la loi de la réserve des trois chaînes, à partir du début des Appalaches et tout le haut du comté, parce que le comté de Bellechasse monte jusqu'à la frontière américaine. Vous avez des localités complètes, des localités entières qui sont concernées par la réserve des trois chaînes, je connais assez bien le territoire, je me suis occupé d'établissement rural dans toute cette région, je connais le cadastre de la région, je veux savoir pourquoi il y a seulement un cas dans Bellechasse et le cas, évidemment, est tombé sur mon bureau, je pensais qu'il y en avait d'autres, mais j'en ai eu un de Bellechasse. Il est venu chez nous.

M. DRUMMOND: II y en aurait eu probablement plus, si on avait continué.

M. ROY: Parce que vous avez dit, il y en aurait probablement eu plus le 29 octobre, mais je sais que... du ministre.

M. DRUMMOND: Cela n'a aucun rapport.

M. ROY: Je suis tenté, M. le Président, j'ai de grosses tentations.

M. MALOUIN: M. le Président, est-ce que l'on pourrait savoir, dans le dossier qui va être déposé, le nombre de cas que l'on peut totaliser et combien de cas viennent plus spécifiquement de Beauce-Sud, pour voir si le député de Beauce-Sud...

M. DRUMMOND: Ceux que j'ai mentionnés sont quand même des chiffres qui ne sont pas exacts.

M. MALOUIN: Je veux dire, dans le dossier qui va être déposé, où il y a des cas qui datent depuis 1959-60 jusqu'à aujourd'hui. On a un nombre de cas au dossier qui va être déposé, ici. Est-ce que l'on pourrait savoir le nombre total de cas et combien sont plus particuliers à la région du député de Beauce-Sud, pour voir s'il est totalement pénalisé.

M. DRUMMOND: On parle d'une quinzaine d'années?

M. MALOUIN: C'est cela.

M. DRUMMOND: Cela nous prendrait un certain temps pour ramasser les chiffres. Je ne sais pas si on pourrait le déposer quand même pendant l'étude des crédits, mais on pourrait, comme on l'a dit dans le passé, faire...

M. MALOUIN: Je fais comme le député de Beauce-Sud, je...

M. DRUMMOND: Non, d'accord.

M. ROY: Je peux un peu répondre à la question du député...

M. MALOUIN: Non, j'aime mieux que le ministre me réponde.

M. DRUMMOND: On peut ensuite faire une distribution des chiffres à tous les membres de la commission.

M. MALOUIN: D'accord.

M. LESSARD: M. le Président, étant donné que l'on a décidé d'appliquer la loi de la réserve des trois chafnes concernant justement...

M. DRUMMOND: De continuer d'appliquer la loi.

M. LESSARD: De continuer d'appliquer la loi des trois chaînes pour les propriétaires riverains, est-ce que le ministre peut me dire s'il a l'intention de prendre des procédures comme ministre des Terres et Forêts ou de demander à son collègue du ministère de la Justice de prendre des procédures contre les compagnies papetières, contre Hydro-Québec, qui n'ont pas respecté justement la Loi de la réserve des trois chaînes dans ses droits de coupe, parce que la loi des trois chaînes dit justement que le long de ces cours d'eau non navigables, il doit rester 198 pieds de bois qui ne doivent pas être coupés? M. le Président, je pense que le ministre a dû certainement voyager en avion au-dessus de certaines concessions forestières, au-dessus de certaines lignes de transmission d'Hydro-Québec. Je ne sais pas si la loi prévoyait des pénalités. Je voudrais que le ministre me le dise.

M. DRUMMOND: Au niveau du ministère,

chaque exploitant forestier a le droit de déposer un plan d'exploitation et si ce plan d'exploitation n'est pas suivi, cela relève du ministre d'imposer ses propres amendes et c'est cela que l'on fait.

M. LESSARD: C'est justement ce que je vous demande, M. le Président. D'abord, nous aurons à discuter de ces fameux plans d'exploitation de la façon que le ministre applique une surveillance sur ces plans d'exploitation. Je vous demande, suite au non-respect, je vous le dis, je l'affirme, de cette loi des trois chaînes, par une compagnie de l'Etat qui s'appelle HydroQuébec, est-ce que, concernant Hydro-Québec, le ministre — parce que c'est une autre affaire, je compte les sous-traitants d'Hydro-Québec — a eu l'occasion ou a l'intention de prendre des procédures contre cette compagnie du gouvernement du Québec qui, et je peux lui donner des exemples, au lac des Monts, dans la région de Forestville, n'a aucunement respecté cette loi?

Si on a décidé d'appliquer la loi à l'endroit justement des particuliers, des petits propriétaires riverains, je voudrais savoir...

M. ROY: De Beauce-Sud, surtout.

M. LESSARD: ... — et c'est justement dans ce sens que je posais la question tout à l'heure — si le ministère avait fait une étude globale de cette loi, s'il a déjà pris des procédures contre des compagnies papetières qui n'ont pas respecté la loi des trois chaînes et si le ministère, en vertu de ces informations, ce dont je doute — parce que je ne pense pas que le ministère ait un contrôle très sévère sur les plans de coupe des compagnies forestières — a l'intention de prendre des procédures si cette loi n'a pas été respectée.

M. DRUMMOND: Lorsqu'on fait des choses comme ça concernant les plans de coupe, je ne pense pas qu'on procède par la loi de la réserve des trois chaînes, on procède selon les règlements...

M. LESSARD: Mais le règlement dit...

M. DRUMMOND: ... des Terres et Forêts et si les procédures ou les coupes ne sont pas conformes à ce que c'est censé être, on impose des amendes. Ce n'est pas dire qu'on a un contrôle absolu, surtout ça, parce que si on avait un contrôle absolu, ça coûterait une maudite fortune...

M. LESSARD: Non, mais justement parce que le ministre me dit ça, je voudrais, lorsque nous allons parler de ce programme, que le ministre m'apporte des documents concernant le nombre d'amendes qui ont été imposées à des compagnies forestières qui n'ont pas respecté les droits de coupe, s'il y a lieu, depuis 1970.

Je précède ma question.

M. DRUMMOND: Est-ce que le député parle des terres privées des compagnies?

M. LESSARD: A la fois à l'intérieur des concessions forestières.

M. DRUMMOND: Cela, c'est la terre publique.

M. LESSARD: Oui, c'est à l'intérieur des terres publiques.

M. DRUMMOND: La réserve ne s'applique pas.

M. ROY: Cela veut dire que la réserve ne s'applique pas dans le cas des compagnies papetières.

M. DRUMMOND: Non, je parle des terres publiques.

M. ROY: Oui, les terres publiques, dans les concessions, les terres publiques dans lesquelles on a concédé des droits de coupe.

M. DRUMMOND: Dans le cas des terres publiques, la réserve des trois chaînes ne s'applique pas.

M. LESSARD: ... des propriétés du gouvernement,...

M. DRUMMOND: C'est ça.

M. LESSARD: Mais la coupe du bois.

M. ROY: C'est ça.

M. DRUMMOND: Ce n'est pas en vertu de cette loi, c'est en vertu de règlements des forêts.

M. ROY: Est-ce qu'il y a un règlement analogue?

M. DRUMMOND: Ce n'est pas la même chose.

M. ROY: Ce n'est pas la même chose, alors, on oblige des petits propriétaires à appliquer la réserve des trois chaînes, mais les compagnies papetières viennent jusqu'au bord des lacs et des rivières, il n'y a pas de problème. Il suffit de se promener dans les réserves forestières pour se rendre compte...

M. DRUMMOND: On compare des pommes et des oranges.

M. ROY: On va revenir à la question du député de Saguenay ce soir, mais je tiendrais quand même à demander au ministre que la personne qui est chargée de l'application de la loi dans la région de Québec, on m'a parlé d'un M. Côté, M. André Côté...

UNE VOIX: Paul-Henri.

M. ROY: Paul-Henri. J'aimerais bien que le ministre ou le sous-ministre nous donne les explications ce soir à ce sujet, mais moi je tiens à savoir d'une façon particulière pourquoi et en vertu de quoi on s'est acharné plus spécialement sur les propriétaires du comté de Beauce-Sud, qui ont reçu 108 des 141 avis qui ont été envoyés par le ministère des Terres et Forêts.

S'il y a une loi, il y a quand même un fait qui demeure, c'est que tout le monde doit être égal devant la loi. Si la loi s'applique pour les gens de Beauce-Sud, elle s'applique également pour les gens des autres régions de toute la province, partout. Pourquoi actuellement, a-t-on commencé à appliquer la loi chez-nous, a-t-on commencé à créer des embêtements aux gens de chez-nous, alors qu'on ne semble pas être en mesure de faire appliquer la loi ailleurs?

J'aurais d'autres questions à poser à ce moment aux officiers du ministère et au ministère des Terres et Forêts. Est-ce que vous disposez d'un inventaire des lacs et des rivières non navigables du Québec? Vous ne disposez même pas d'inventaire, cela veut dire que vous procédez par dénonciation, selon le bon vouloir d'une personne. J'ai communiqué avec une personne qui fait appliquer la loi dans notre région, et elle me dit que lorsqu'il y a un rapport qui arrive sur son bureau, d'une personne quelconque, qu'elle est obligée d'agir.

Cela veut dire que tous les patroneux — et j'insiste— du comté qui désirent se venger pour avoir perdu leurs élections, compte tenu du fait que c'est le seul comté qui a traversé la mer rouge aux dernières élections, peuvent le faire, et je suis porté à le penser et à le dire, c'est le seul comté de la rive sud et c'est le comté sur lequel s'est acharné le ministère des Terres et Forêts.

M. DRUMMOND: Je pense que c'est un peu le contraire.

S'il n'agit pas sur chaque demande qu'il reçoit, on pourrait bien être accusé d'être patroneux ou d'appliquer le patronage.

M. ROY: C'est exactement cela.

M. DRUMMOND: Non. C'est pour cela, lorsque l'on reçoit une telle demande, qu'il faut agir, autrement on ferait un choix entre X, Y et Z et cela serait néfaste.

M. ROY: Comment se fait-il que vous avez reçu des avis ou des plaintes uniquement du comté de Beauce-Sud?

M. DRUMMOND: Je n'ai pas dit cela.

M. ROY: Vous n'avez pas dit cela, mais les faits le démontrent.

LE PRESIDENT (M. Heard): Le député de Montmagny-L'Islet.

DES VOIX: II est six heures.

LE PRESIDENT (M. Picard): Un instant.

M. GIASSON: Je vais être très bref. Est-ce que la loi de la réserve des trois chaînes stipule expressément ou interdit tout droit de coupe sur les propriétés privées marquées par cela?

M. DRUMMOND: Non.

M. GIASSON: Ce n'est pas dit textuellement?

M. DRUMMOND: Non.

M. GIASSON: Deuxième question: S'est-il produit, dans le passé, que des propriétaires privés désireux de couper du bois dans la réserve des trois chaînes aient demandé au ministère des Terres et Forêts un permis de coupe et, si oui, est-ce qu'on l'a accordé et quels sont les droits de coupe que l'on a exigés?

M. DRUMMOND: On a reçu de telles demandes et on accorde de temps en temps des droits de coupe.

M. GIASSON: Le ministère a déjà accordé des droits de coupe?

M. DRUMMOND: Oui, mais, ce qu'on suggère, en attendant le rapport final, c'est que lorsque l'on fait une demande de droit de coupe, on l'accorde aussi longtemps que ce n'est pas un labeur, une coupe à blanc qui va détruire la situation le long de la rivière; on accorde le droit de coupe tel que cela existait sur sa propriété privée en attendant la solution définitive.

M. LESSARD: Avant de terminer, M. le Président, est-ce que le ministre accepterait de déposer l'entente entre le gouvernement du Québec et Quebec North Shore concernant la rivière Baie des Rochers?

M. DRUMMOND: Aucune objection mais j'aimerais la regarder avant de répondre au député.

M. ROY: Je voudrais dire au ministre que toute l'Opposition est d'accord là-dessus. C'est un front commun circonstanciel.

LE PRESIDENT (M. Heard): La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 h 15, même salle.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

Reprise de la séance à 20 h 25

M. PICARD (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

La commission des richesses naturelles et des terres et forêts continue ce soir l'étude des crédits du ministère des Terres et Forêts.

Pour la séance de ce soir, M. Pelletier, député de Kamouraska, remplace M. Larivière, de Pontiac-Témiscamingue. D'accord.

M. ROY: Je n'ai aucune objection.

LE PRESIDENT (M. Picard): Je cède maintenant la parole à l'honorable ministre.

M. DRUMMOND: Cet après-midi, vers la fin de la séance, on a posé certaines questions sur l'application de la réserve des trois chaînes dans la région de Québec. C'était une question posée par le député de Beauce-Sud, concernant cette application dans son propre comté. Il a exprimé le désir d'en parler avec l'administrateur régional, M. P.-H. Côté, qui est ici, ce soir. Je pense, étant donné la sorte de questions qui vont être posées, si on peut avoir le consentement du président et de la commission, que M. Côté peut parler en son propre nom, parce qu'on peut poser des questions qui concernent des directives qui émanent des deux ministres, des choses qui seraient un peu bizarres en ce qui concerne le journal des Débats. J'ai toute confiance en M. Côté, mais seulement c'est une question de procédure.

LE PRESIDENT (M. Picard): Les membres de la commission sont-ils d'accord sur cette procédure? Accepté. La parole est au député de Beauce-Sud.

M. ROY: Merci M. le Président. Je remercie les membres de la commission. Je remercie surtout le ministre d'avoir accédé à notre demande. Je souhaite la bienvenue à M. Côté, à qui j'ai certaines questions à poser, et vous le comprendrez facilement.

M. le Président, vous me permettrez de faire un tour d'horizon de quelques minutes pour situer le problème. Cet après-midim à la commission parlementaire, nous avons parlé de l'application de la loi de la fameuse réserve des trois chaînes et nous avons discuté des questions juridiques, afin d'essayer de savoir ce que les conseillers juridiques du ministère, du gouvernement ou d'ailleurs pensent de l'interprétation de la loi actuelle, pour en venir à la conclusion générale qu'elle est contestée. Les conseillers juridiques donnent des interprétations contraires, d'autres ne sont pas d'accord, les experts en loi quant à l'interprétation de la loi.

A la suite de ces faits, il est évident que j'ai posé des questions au ministre, afin de savoir dans quelle région et combien de dossiers il y avait actuellement en suspens au ministère des Terres et Forêts. Le ministre s'est empressé de nous fournir les chiffres en ce qui a trait à la région administrative de Québec. On nous a informés qu'il y avait 140 dossiers actuellement en suspens pour lesquels des avis ont été envoyés à des propriétaires riverains et que, sur ces 140 dossiers pour lesquels nous avions demandé des détails pour savoir combien il y en avait dans chacune des régions administratives, et, à ma grande suprise, j'ai constaté qu'il y avait 108 dossiers sur les 140 uniquement dans le comté de Beauce-Sud.

Etant donné ces faits, j'ai cru de mon devoir et j'ai cru nécessaire de faire faire de la lumière sur ce sujet et de demander que M. Côté vienne devant la commission parlementaire et que nous puissions lui poser des questions. Ma première question est la suivante: Comment expliquez-vous que sur 140 dossiers dans la région administrative de Québec — je me base toujours sur les chiffres qui nous ont été fournis par les officiers du ministère des Terres et Forêts — 108 dossiers se trouvent uniquement dans le comté de Beauce-Sud?

M. COTE (Paul-Henri): M. le député, peut-être que l'explication la plus réaliste serait que la Beauce est un comté où il y a beaucoup de petits propriétaires forestiers et que les gens y sont peut-être un peu plus actifs, ce qui fait que, lorsqu'on s'apercevait qu'il se faisait une coupe à blanc sur la réserve des trois chaînes, après avoir pris information auprès du ministère des Richesses naturelles afin de savoir si cette réserve existait, on appliquait tout simplement la loi.

Après avoir fait ça pendant quelque temps, certains propriétaires nous ont dit qu'on les prenait un peu en sauvage, qu'ils étaient pris sans avertissement. On a pensé, pour être logique, d'avertir les propriétaires riverains de cette même rivière de ne pas faire l'exploitation sans avoir fait d'arrangement avec le ministère, parce qu'on serait obligé d'appliquer la loi.

M. ROY: Maintenant...

M. COTE (Paul-Henri): II y a aussi une autre raison, c'est que, depuis peut-être un an et demi ou deux ans, la demande pour les bois à pâte et les bois de sciage se fait beaucoup plus forte qu'auparavant. C'est une autre explication qui fait que dans la région on a été obligé d'agir.

M. ROY: Combien avez-vous de comtés dans votre région?

M. COTE (Paul-Henri): Environ 25, je dirais.

M. ROY: Vingt-cinq comtés. Cela veut dire que Bellechasse est dans votre comté?

M. COTE (Paul-Henri): Oui, la région...

M. ROY: Frontenac est de votre région, quand je parle de Thetford Mines, parce que...

M. COTE (Paul-Henri): Oui.

M. ROY: L'ancien comté de Dorchester est dans votre région.

M. COTE (Paul-Henri): Oui. M. ROY: Montmagny-L'Islet?

M. COTE (Paul-Henri): Montmagny-L'Islet, oui.

M. ROY: Vous avez le comté de Charlevoix et vous avez le comté de Montmorency.

M. COTE (Paul-Henri): Oui.

M. ROY: Le comté de Québec, Portneuf. Vous avez Lotbinière, Lévis.

M. COTE (Paul-Henri): Oui, et les Cantons de l'Est.

M. ROY: En tout cas, vous avez 25 comtés. M. COTE (Paul-Henri): Environ 25 comtés.

M. ROY: Parmi les comtés que vous avez, combien en avez-vous dans les Cantons de l'Est? Lesquels? Pourriez-vous nous en donner...

M. COTE (Paul-Henri): II y a Sherbrooke, Compton, Drummond.

M. ROY: Ce qui est à l'intérieur du noir, c'est l'ancien régime.

M. DRUMMOND: Pour qui est à l'intérieur, cela ne s'applique pas.

M. ROY: Cela ne s'applique pas, cela a été concédé durant le régime seigneurial ou avant 1884.

M. DRUMMOND: Quand vous prenez Charlevoix ou les comtés marginaux vous entrez quasiment dans la forêt publique.

Pour tout ce qu'il y a sur la rive nord, ça ne s'applique quasiment pas; tout vient du régime seigneurial: Quand on tombe sur la rive sud, vous prenez tout le comté de Beauce-Nord, même une partie de Beauce-Sud, puis quand on arrive dans les Cantons de l'Est il y a une grande partie des terres, je pense que c'est 75 p.c...

M. ROY: Cela implique seulement le régime seigneurial.

M. DRUMMOND: Oui. C'est seulement le régime seigneurial. Mais, en dehors de cela, dans les Cantons de l'Est, il y a plusieurs terres qui ont été concédées avant 1884...

M. ROY: Avant 1884.

M. DRUMMOND: Et je pense que la compilation nous indique qu'il y a 75 p.c. des terres, surtout dans la région des royalistes, qui ont été concédées avant 1884.

M. ROY: Ce que nos pères appelaient les cantons anglais.

M. DRUMMOND: Et tes fils?

M. ROY: Non, ce que nos pères appelaient...

M. DRUMMOND: Non, je parle de tes fils.

M. ROY: Non, mes fils sont modernes, ils disent les Cantons de l'Est.

M. DRUMMOND: Quand on arrive dans ce secteur, il n'y a pas beaucoup d'endroits où la réserve des trois chaînes s'applique. Là où on a une grosse concentration, c'est dans l'arrière des comtés, ici.

M. ROY: Vous devez avoir dans le comté de Mégantic-Compton beaucoup de territoires qui ont été concédés après 1884, ainsi que dans la région de Saint-Romain, du lac Drolet, d'Audet, de Spalding, de Woburn, dans ces coins.

La région administrative de M. Côté couvre quasiment tout ce secteur, jusque dans le comté de L'Islet. Alors, nécessairement... et vous ne touchez pas le Saguenay-Lac-Saint-Jean?

M. COTE (Paul-Henri): Non, ça arrête à peu près avec la hauteur des terres.

M. ROY: Merci.

M. COTE (Paul-Henri): Cette ligne apporte une assez bien bonne raison à ce que je vous expliquais tout à l'heure, et la demande en bois de sciage et de pâte a augmenté beaucoup, les prix offerts étant très bons. Donc...

M. ROY: Vous avez décidé de procéder dans...

M. COTE (Paul-Henri): On a décidé, monsieur, on a quand même l'obligation de par nos fonctions de voir à cette partie de l'application de la loi et des règlements.

M. ROY: Sur les 108 qu'il y a dans le comté de Beauce-Sud, combien y a-t-il de dossiers où il y a eu des avis envoyés à cause de la coupe du bois comme telle?

M. COTE (Paul-Henri): Je crois que les 108, ce sont tout simplement des avis selon lesquels il existait une réserve.

M. ROY: Une réserve de trois chaînes et pour laquelle on a invité les gens à communi-

quer avec le ministère des Terres et Forêts afin de prendre une entente.

M. COTE (Paul-Henri): S'ils veulent exploiter ou occuper ce territoire.

M. ROY: C'est là où j'en viens. Pourquoi y a-t-il eu 108 avis envoyés dans le comté de Beauce-Sud et seulement un dans le comté de Bellechasse? Comme le démontre la carte, il y a un territoire aussi grand, sinon plus grand. Seulement un avis a été envoyé dans le comté de Bellechasse, selon les chiffres qui nous ont été fournis cet après-midi. Je tiens à dire en passant que ce ne sont pas mes chiffres, ce sont les chiffres qui nous ont été donnés.

M. COTE (Paul-Henri): Dans Bellechasse? M. ROY: Oui.

M. COTE (Paul-Henri): C'est simplement une supposition que je fais, mais j'imagine qu'il y a probablement eu moins de coupes qui se sont faites dans ce comté et qu'on n'a pas senti le besoin dans le temps d'avertir les propriétaires que la réserve existait.

M. ROY: Quels sont les critères sur lesquels vous vous basez pour déterminer le temps d'aviser les propriétaires?

M. COTE (Paul-Henri): Comme je vous ai dit tout à l'heure, lorsqu'une rivière nous est déclarée non navigable et non flottable, la loi s'applique. Si sur cette rivière on constate qu'il se fait une coupe, on est obligé d'agir suivant la loi. C'est en même temps qu'on avertit les propriétaires riverains de ce fait.

M. LESSARD: M. Côté, pourriez-vous m'expliquer comment il se fait que ce problème vient de se poser? Ce qu'on veut savoir, c'est: Est-ce que vous avez reçu du ministère des Terres et Forêts des ordres précis selon lesquels...

M. COTE (Paul-Henri): Non, absolument pas.

M. LESSARD: ... vous étiez obligés de faire appliquer la loi, cette année?

M. COTE (Paul-Henri): Ce n'est pas nouveau, l'application de la loi.

M. LESSARD: Ce n'est pas nouveau. Mais vous avez toujours appliqué cette loi, vous avez toujours eu les mêmes exigences?

M. COTE (Paul-Henri): Toujours les mêmes exigences? Peut-être que cette coupe de bois avait l'air de vouloir...

M. LESSARD: Cela se coupait du bois avant dans ces régions, il devait se faire des coupes de bois?

M. COTE (Paul-Henri): J'imagine que oui, il s'en faisait. Mais maintenant la demande pour le bois, comme je vous l'expliquais, a augmenté beaucoup. Les prix aussi ont augmenté. C'est beaucoup plus tentant pour le propriétaire d'exploiter ce boisé.

M. LESSARD: Et, avant, vous n'avez jamais appliqué cette loi?

M. COTE (Paul-Henri): Oui oui, cela a été appliqué.

M. ROY: Si cela a été appliqué, comment se fait-il qu'il n'y a eu que quatorze cas réglés en 1973/74, seulement 30 en 1972/73, seulement treize en 1971/72, seulement onze en 1970/71 et qu'actuellement, au moment où je vous parle, il y a 108 cas de personnes qui ont été avisées?

M. COTE (Paul-Henri): Je vous dis: On vient de commencer.

M. ROY: C'est parce que vous parlez uniquement de la question de la coupe du bois. Il s'est fait de la saisie de bois coupé. Cela m'étonne et c'est la raison pour laquelle je voudrais savoir, moi, à partir de quels critères vous procédez. Dans Bellechasse, je connais des gens qui font de la coupe à blanc, j'en connais dans L'Islet, j'en connais ailleurs. La coupe à blanc ne se pratique pas uniquement dans le comté de Beauce-Sud. Alors comme on a fait appliquer la loi ou qu'on semble vouloir la faire appliquer dans Beauce-Sud, comment se fait-il et comment expliquez-vous qu'il y a 108 avis qui ont été envoyés aux gens de Beauce-Sud et seulement un dans Bellechasse? C'est un élément de comparaison. Il y a quand même des critères qui vous guident pour l'application de la loi.

M. COTE (Paul-Henri): Cela m'embarrasse un peu votre question, puis comment y répondre.

M. DRUMMOND: Je vais peut-être expliquer le contexte de la régionalisation.

M. ROY: Cela m'intéresserait.

M. DRUMMOND: Oui. Depuis un an, le ministère régionalise ses activités. On a donné des pouvoirs plus grands aux administrateurs régionaux. Chacun des administrateurs réagit différemment devant ses nouvelles responsabilités et, avec des directives générales, chacun applique...

M. LESSARD: La loi différemment.

M. DRUMMOND: Non, n'applique pas la loi

différemment, mais selon les problèmes qu'il affronte sur le terrain, il va être porté à donner une plus grande priorité à certains problèmes. Alors, dans le cas de la région de Québec, on a été mis devant le fait de plusieurs coupes sur la réserve de trois chaînes alors, en faisant inspecter une rivière et en la faisant déclarer non navigable et non flottable, nécessairement eux ont envoyé des avis aux autres propriétaires riverains pour les aviser qu'il existait une réserve de trois chaînes. Et qu'il y en ait 108 dans le comté de Beauce-Sud, c'est peut-être simplement le fait du hasard.

M. ROY: Alors, c'est par hasard. M. DRUMMOND: Certainement.

M. COTE (Paul-Henri): Je peux vous apporter une autre explication, c'est que la certification ou...

M. ROY: Le député parlera quand ce sera son tour.

M. COTE (Paul-Henri): C'est le ministère des Richesses naturelles qui, à ce jour, est reconnu comme étant celui qui prend la décision, qui donne l'avis selon lequel une rivière est non navigable et non flottable.

M. ROY: Est-ce que le ministère des Richesses naturelles a commencé par déterminer les rivières non navigables...

M. COTE (Paul-Henri): Non. Il donne la réponse à la suite des demandes qu'il reçoit. Maintenant, si...

M. LESSARD: Est-ce que vous consultez le ministère des Richesses naturelles à un moment donné?

Non, d'accord mais écoutez, M. le Président, c'est le ministère des Richesses naturelles qui donne les informations concernant les rivières navigables ou non navigables.

M. COTE (Paul-Henri): Oui.

M. DRUMMOND: II le fait à notre demande.

M. LESSARD: A votre demande. Alors, vous avez fait des demandes au ministère des Richesses naturelles à ce moment-là pour savoir si les rivières dans Beauce-Sud étaient des rivières navigables ou non navigables?

M. COTE (Paul-Henri): Oui. M. LESSARD: D'accord.

M. COTE (Paul-Henri): Maintenant, à la suite de ça, quand on recevait cet avis des Richesses naturelles, on avertissait les propriétaires riverains. C'est comme cela, probable- ment, qu'il y a plus de personnes de la Beauce qui ont été averties. Ce n'est pas parce que c'est la Beauce, c'est parce que la plupart des coupes ont commencé par là.

M. ROY: Maintenant, pourquoi? Il s'agit de la même loi qui est appliquée dans tout le Québec.

M. COTE (Paul-Henri): Oui.

M. ROY: Pour quelles raisons a-t-on pris la Beauce et n'a-t-on pas procédé de la même façon dans Bellechasse? Je cherche un élément de comparaison parce que ce sont deux comtés voisins.

M. COTE (Paul-Henri): J'essaie de répondre à votre question du mieux que je peux le faire. Aux Richesses naturelles, ils sont embourbés de demandes à l'heure actuelle pour donner les réponses à cette demande que les différents administrateurs font, ou peu importe qui.

M. ROY: Est-ce que vous avez des demandes de faites dans Bellechasse?

M. COTE (Paul-Henri): On veut couvrir toute la région pour savoir à quoi s'en tenir avec ça.

M. ROY: Toute la région ou toute la province?

M. COTE (Paul-Henri): Moi, je m'occupe de ma région.

M. ROY: Et par un effet du hasard, par un concours de circonstances, vous avez commencé par le comté de Beauce-Sud. C'est la seule explication que vous pouvez me donner.

M. DRUMMOND: II y a une explication, M. le député, c'est qu'effectivement les fonctionnaires de la Beauce, étant concentrés à Saint-Georges-de-Beauce pour s'occuper de cette sous-région de la région administrative de Québec, ont d'abord commencé dans l'environnement; par après, ils ont fait des demandes quant à d'autres rivières comprises dans d'autres comtés. Effectivement, vous ne pouvez pas être en désaccord avec le fait que les gens ont pensé débuter d'abord avec les rivières de leur propre coin. D'autre part, il y a eu cette demande accrue au point de vue pâtes et papiers qui s'est effectivement révélée à Anglo Pulp, les prix ont monté de $20 à $50. Donc, les gens se sont mis à couper.

Effectivement, il y a eu l'application. Elle s'est d'abord faite à partir du bureau sous-régional qui, comme vous le savez, est situé à Saint-Georges-de-Beauce et qui, par après, rayonnera sur d'autres unités de rivières.

M. ROY: Mais ils commencent par le comté de Beauce. Vous avez commencé, par hasard, par le comté de Beauce.

M. DRUMMOND: Ils ont effectivement commencé par là.

M. ROY: Avec les instructions que vous leur avez données.

M. DRUMMOND: Non, comme le sous-ministre vous l'a expliqué, je pense qu'il y a un contexte très important qu'il faut expliquer un peu. Et c'est le contexte de la régionalisation.

Le ministère des Terres et Forêts a décidé, au cours de la dernière année, de régionaliser ses activités. Donc, de se rapprocher des clientèles, d'une part, au niveau des populations. D'autre part, d'essayer de s'intégrer, face aux organismes centraux dans une coordination interministérielle.

Donc, à ce moment, ça implique une régionalisation au niveau des dix régions administratives. Cette régionalisation a vraiment été faite. A ce moment, ça implique une certaine déconcentration des pouvoirs, une certaine, en fin de compte, façon qui peut être d'interpréter certains règlements ou autres, si vraiment vous avez des gens dynamiques. Vraiment les gens, en fin de compte, peuvent l'interpréter, le règlement, de façon plus rapide que d'autres dans une région par rapport à une autre.

On peut s'imaginer en fin de compte, que par rapport à la réserve des trois chaînes, il y a eu effectivement une application rapide et assez draconienne au niveau de la région de Québec par rapport aux autres régions. Il y a eu d'autre part, par rapport à certaines sous-régions, qui se divisent en cinq au niveau de la région de Québec, une application aussi plus rapide. Mais, on peut s'apercevoir, suite à l'enquête qu'on a faite, M. Côté, moi-même, le ministre et sous-ministres, qu'effectivement il n'y a eu personne de visé là-dessus.

C'est en toute bonne foi qu'on vous le dit. Effectivement on s'aperçoit, que parce qu'il y a eu des gens, en fin de compte, qui l'ont appliqué de façon plus dynamique, un règlement qui existait depuis toujours...

M. ROY: Discrétionnaire.

M. DRUMMOND: Non, de façon plus dynamique, si vous voulez...

M. ROY: Non, plus discrétionnaire.

M. DRUMMOND: Mais effectivement, après enquête, on peut s'apercevoir que c'est en toute bonne foi, semble-t-il, que ce règlement a été appliqué.

M. ROY: Maintenant, M. le Président, pour les fins du journal des Débats, j'aimerais tout de même...

M. DRUMMOND: Non, si je peux faire... M. ROY: ... le nom de M. Caron.

M. DRUMMOND: M. Jean-Louis Caron. M. ROY: M. Jean-Louis Caron.

M. DRUMMOND: Le patron des administrateurs régionaux.

M. ROY: ... qui est le patron. Autrement dit, vous, vous êtes le patron de tous les administrateurs régionaux au ministère.

M. DRUMMOND: Oui.

M. ROY: Au ministère, ici à Québec. Je m'excuse parce que tout à l'heure, vous n'aviez pas été identifié pour les fins du journal des Débats, pour moi-même, j'aimerais bien savoir à qui je m'adresse.

M. DRUMMOND: Exact. Si je peux faire... C'est un commentaire. C'est ça, vous parlez de quelque chose de plus discrétionnaire. En partie, c'est vrai, parce que chaque administrateur régional a la discrétion d'appliquer les lois et les règlements du gouvernement. Je pense que l'administrateur régional est ici pour répondre aux questions, qu'il est aussi directeur général des régions et qu'il est ici pour en parler avec nous... Les administrateurs sont disposés à répondre disons de leurs gestes administratifs.

On vient de commencer la vraie régionalisation des activités du ministère et je suis prêt à dire qu'ici, ce soir, on aurait d'autres problèmes où il y aurait peut-être des... On pèse d'une façon différente l'application de la loi d'une région à une autre. C'est tout à fait normal, parce que les problèmes varient d'une région à une autre. Alors cette question, ce n'est pas une question d'honnêteté, ce n'est pas une question de manque d'efficacité, c'est une question d'une période de rodage, je pense, parce que nous faisons tous une expérience, en ce qui concerne une vraie régionalisation.

Parce que, si on veut régionaliser, sans donner l'autorité, une certaine mesure d'autorité avec la responsabilité, ça va tomber à terre et ça va tomber vite. Alors on aura des problèmes. Un instant. Pour essayer de mettre une meilleure concordance entre les activités des régions, depuis deux ans maintenant, on travaille sur un manuel qui va donner certaines instructions, certaines directives, le relevé de tous les règlements; tout ça pour assurer une certaine continuité en ce qui concerne les applications de la loi et qui va servir comme manuel d'instruction ou manuel d'application des lois, des règlements. On veut arriver à ça avec une meilleure coordination vis-à-vis de toutes les régions.

Mais, comme on dit, si on attend trop longtemps et si on n'embarque pas là-dedans, on n'embarquera jamais. Alors le manuel est prêt. On va en faire l'étude, ça va apporter une meilleure coordination. Mais, pour le mettre en pratique, ça prend du temps.

Si, par excès de zèle ou pour une raison ou pour une autre, en appliquant la loi telle qu'elle existe, on arrive ici à discuter tous les effets de la réserve des trois chaînes, ce n'est pas mauvais en soi, c'est probablement une bonne affaire, parce qu'il y a des choses qu'il faut régler. Au lieu d'avoir des lois qui, en certaines parties, sont désuètes, on en discute comme on en a discuté aujourd'hui d'une façon sérieuse et ça va aider le gouvernement ou l'Assemblée nationale à arriver aux meilleures solutions. Je veux dire que c'est très très important de ne pas dire : cela ne marche pas, la régionalisation, comme ça; on ne doit pas donner l'autorité, on ne doit pas donner la responsabilité. C'est ça qui est l'essentiel de ce qu'on essaie de faire. Le député de Saguenay parle de la politique forestière d'une façon globale et je pense qu'il est d'accord avec moi que la régionalisation, ça fait partie intégrante de la mise en application d'une politique forestière ou d'une politique en ce qui concerne l'administration du ministère des Terres et Forêts.

M. LESSARD: M. le Président, je ne voudrais pas faire de sémantique, mais là j'ai besoin d'explications. Le ministre parle de déconcentration avec délégation de pouvoirs. M. le Président, lorsque le ministre parle de déconcentration, est-ce qu'il fait une distinction avec déconcentralisation ou de quelle façon la fait-il? Je ne veux pas faire de sémantique, mais je pense que c'est fort important.

M. DRUMMOND: Pour ne pas faire de sémantique, je dis que, si on donne une mesure de responsabilité à un gars dans une région, il faut qu'il ait la même mesure d'autorité.

M. LESSARD: Délégation de pouvoirs.

M. DRUMMOND: C'est ça. C'est de la déconcentration. Et, si on n'a pas ça, on n'aura que des hommes de paille dans la région et ça devient une vraie farce. Je pense qu'on peut regarder partout dans le monde, même ici dans la province de Québec, et, lorsqu'on le fait comme ça, ce qu'on a, c'est vraiment un dédoublement d'efforts ou le centre essaie toujours de garder le pouvoir. On nomme quelqu'un comme administrateur régional, mais on garde le pouvoir au centre. On essaie de faire le contraire, en essayant aussi d'établir les méthodes, d'avoir ce qu'on appelle en anglais "management by exception". Lorsque quelque chose ne marche pas, on peut faire une action au centre pour voir à ce que ça marche dans les régions.

Comme je vous l'ai dit, on aura d'autres choses qui vont arriver, mais le fait que ça arrive, je pense qu'après une certaine période de rodage, ça va faire vraiment la preuve de ce qu'on essaie de faire.

M. ROY: M. le Président, on est complète- ment sorti du sujet. Vous parlez de la régionalisation des politiques du ministère, de l'application de ces politiques. Disons que ça peut entrer dans le cadre. Je suis bien d'accord, je suis prêt à concéder que ça peut entrer dans le cadre. Sur la question de la régionalisation pour ne pas avoir des hommes de paille dans les régions, je suis entièrement d'accord avec le gouvernement, puis avec le ministère. Il faut qu'on régionalise l'application des lois, dans le Québec, de façon que les gens qui font partie de telle région administrative ou de telle autre région administrative puissent avoir les services du gouvernement. Il faut qu'on tienne compte également des particularités régionales et des besoins de chacune de ces régions, parce que le règlement et les lois ne s'appliquent pas de la même façon partout, vu qu'il y a des différences marquées dans toutes les régions du Québec, compte tenu de l'immensité de son territoire.

Cela, c'est une chose, mais, là, on est en face d'un autre problème parce qu'on applique une loi vieille de 90 ans. Je suis obligé de dire qu'elle est appliquée de façon arbitraire, pour la bonne raison qu'il y a un conflit juridique. Comme on l'a bien prouvé cet après-midi, il y a un conflit juridique à la base. J'aimerais savoir, moi, qui a décidé de s'imposer comme tribunal et de dire : On prend telle version des conseillers juridiques, puis on l'applique de telle façon.

Est-ce que les instructions ont été données de la part du ministre aux fonctionnaires de son ministère et, de là, aux personnes qui sont les administrateurs régionaux ou si ce sont les administrateurs régionaux qui ont toute la latitude voulue d'appliquer la loi dans chacune de leurs régions, compte tenu des effectifs qu'ils ont à leur disposition?

M. DRUMMOND: Même si la loi est contestée, ce n'est pas contesté devant la cour.

Il y a évidemment des opinions d'un côté ou de l'autre, mais jusqu'à preuve du contraire, on dit que la loi existe et on l'applique. Je suis d'accord qu'il y ait une différence d'opinion, mais comme on en a beaucoup parlé cet après-midi, c'est seulement entre une date et une autre, entre 84 et 19. C'est peut-être un aspect du problème, mais en ce qui concerne l'application de la loi, les gars de la région sont là pour appliquer la loi. Pour nous, la loi est légale.

M. ROY: Si la loi est légale pour vous, elle est légale dans tout le territoire de la province de Québec. La loi doit être appliquée partout avec la même mesure dans toutes les régions du Québec.

M. HOUDE (Abitibi-Est): En même temps. M. ROY: En même temps.

M. PELLETIER: Si le député de Beauce me le permet, sur le même sujet, dans le comté de

Kamouraska-Témiscouata, il y en a 74. Ce n'est pas la même chose. Vous disiez tout à l'heure que, chez vous, il y en avait 108. Disons que la loi doit être appliquée et je pense que le ministère se doit, graduellement...

M. LESSARD: Cela fait 182, alors que le ministre nous a parlé de 146.

M. PELLETIER: Non, 74 plaintes. Je ne dis pas que le ministère a envoyé des avis. J'ai eu 74 plaintes à ce sujet. C'est pour cela que je pense que ce n'est pas concentré seulement dans le territoire de Beauce-Sud. On a le problème nous autres aussi.

M. ROY: Mais les gens n'ont pas eu d'avis. Je ne me base pas sur le problème qui est posé, je me base sur les avis qui ont été envoyés aux personnes. Ce n'est pas sur le nombre de plaintes accumulées et le nombre de plaintes que j'ai reçues, parce qu'il y en aurait un nombre beaucoup plus grand, M. le Président. Toute la population de la région est inquiète. Je n'ai pas seulement des plaintes de Beauce-Sud, mais j'en ai de Beauce-Nord, malgré qu'il y a juste un petit coin de Beauce-Nord qui est concerné. J'en ai de Bellechasse, j'en ai du comté du député qui vient de parler, j'en ai d'un peu partout des régions du Québec. Mais je suis venu à une conclusion, cet après-midi, à la suite des chiffres que les officiers du ministère m'ont fournis, c'est qu'on a décidé d'appliquer avec plus de sévérité la loi dans le comté de Beauce-Sud. La preuve est bien évidente, 108 cas, 108 avis qui ont été envoyés uniquement dans Beauce-Sud contre 140 qui ont été envoyés dans l'ensemble de la région de Québec.

On a parlé des coupes à blanc. J'aimerais savoir des officiers du ministère, de M. Côté ou de son patron, si les avis ont été envoyés uniquement dans le cas des coupes de bois. Sinon, dans quelle proportion touche-t-on les coupes de bois dans l'application de la loi?

M. COTE (Paul-Henri): Les avis, comme je vous le disais tout à l'heure, ont été envoyés aux gens dont on avait la certitude, à la suite d'une communication des Richesses naturelles, que leur lot faisait partie d'une réserve de trois chaînes. Mais ces avis étant envoyés, une fois qu'on constatait qu'il y avait une coupe à blanc sur un des lots... Quand on a constaté aussi que la population se plaignait qu'on les prenait par surprise, on a pensé qu'il était logique d'avertir les voisins que, s'ils coupaient la réserve, on allait être obligé d'appliquer le règlement. Il me semble que c'était logique.

M. ROY: Vous procédez à partir du moment où vous êtes avisés qu'il y a coupe à blanc?

M. COTE (Paul-Henri): Oui. M. ROY: Qui vous avise?

M. COTE (Paul-Henri): Nos officiers sur le terrain.

M. ROY: Cela veut dire que vos officiers sur le terrain parcourent tout le comté et toute la région?

M. COTE (Paul-Henri): Oui.

M. ROY: S'il y a des coupes à blanc qui se font dans Beauce-Sud présentement, je sais pertinemment qu'il s'en fait également dans Bellechasse.

M. COTE (Paul-Henri): Oui.

M. ROY: Pour quelle raison avise-t-on les propriétaires de Beauce-Sud alors qu'on n'avise pas les gens de Bellechasse ou d'ailleurs?

M. COTE (Paul-Henri): Je ne le sais pas, je ne veux pas mettre en doute votre parole, mais je serais très surpris si les gens de Bellechasse n'avaient pas été avisés, parce qu'il y a à peu près trois semaines...

M. ROY: C'est vous autres qui nous avez fourni les chiffres cet après-midi.

M. COTE (Paul-Henri): En tout cas, il y a à peu près trois semaines...

M. DRUMMOND: Des avis officiels par écrit, je vous ai donné un chiffre par ordre de grandeur. Ce n'est pas exact à l'unité près.

M. COTE (Paul-Henri): Quand j'étais à Armagh, on a été drôlement questionné concernant cette réserve des trois chaînes et ce n'était pas dans...

M. DRUMMOND: II faut distinguer les avis officiels et les demandes qui ont été faites aux sous-bureaux régionaux.

M. ROY: Par suite des dénonciations que nous avons faites, des conférences de presse que j'ai données...

M. DRUMMOND: Par suite de toute la publicité.

M. ROY: ... et de toute la campagne que j'ai menée pour informer la population.

M. DRUMMOND: Oui, c'est cela.

M. ROY: Je suis encore un peu surpris, M. le Président, puisqu'on dit qu'il y a 108 cas et qu'on semble vouloir surtout s'intéresser à ceux qui font la coupe à blanc, dans le comté, chez nous. J'ai ici quatorze cas, des personnes qui se sont faites un petit lac artificiel sur du terrain et on a envoyé quatorze avis à tous ceux qui détenaient un emplacement autour du petit lac

artificiel qui était situé le long d'un petit cours d'eau.

C'est un dossier qui est situé à Saint-Côme. Alors, il n'est pas question de coupe de bois, il n'y en a pas.

M. DRUMMOND: Quand une rivière était classifiée non navigable et non flottable et qu'on relevait un ou deux cas, on a envoyé des avis aux propriétaires riverains.

M. ROY: Qui fait la classification à l'heure actuelle? Vous m'aviez dit cet après-midi que vous n'aviez pas la liste.

M. DRUMMOND: Les Richesses naturelles, mais quand, à la suite d'une demande du ministère pour un cas, le ministère recevait l'avis que cette rivière était non navigable et non flottable, en plus de ce cas, le ministère avertissait les autres propriétaires riverains.

M. ROY: J'ai mon voyage. J'ai réellement mon voyage.

M. DRUMMOND: Je ne vois pas de... M. ROY: Moi, je vois pas mal.

M. DRUMMOND: ... quelle façon on pouvait agir autrement.

M. ROY: Je vois pas mal qu'on procède de façon extrêmement discriminatoire. Probablement qu'il y a des patroneux quelque part bien cachés comme c'est la mode, qui décident d'appliquer des sanctions et de faire des appels téléphoniques pour aviser que telle personne coupe du bois sur tel lot. Comme le ministère des Richesses naturelles et le ministère des Terres et Forêts n'ont pas la liste des cours d'eau navigables ou non navigables, on décide d'appliquer une loi arbitrairement dans un comté alors qu'on dit qu'on n'a pas les effectifs pour la faire appliquer dans le comté voisin, qu'on n'a pas les données et qu'on est embourbé au ministère. On apprend à un moment donné qu'on décide de faire une région pilote, on fait un comté cobaye, le comté de Beauce-Sud, par hasard, c'est curieux, mais c'est le seul comté de la rive-sud qui est dans l'Opposition. C'est curieux. Je ne veux pas les interpréter, mais c'est quand même un concours de circonstances et les faits sont là. On pénalise une population. On parle de coupes à blanc, moi, je parle de personnes qui ne font pas la coupe du bois du tout parce qu'il n'y a pas de bois sur leur terrain et qui reçoivent un avis du ministère. Est-ce qu'on sait où on va?

M. COTE (Paul-Henri): Ils occupent le terrain là.

M. ROY: II n'y a pas seulement eux qui occupent le terrain et il n'y a pas seulement dans Beauce-Sud qu'il y a des gens qui occupent du terrain. Il y en a partout dans le Québec. Pourquoi Beauce-Sud?

M. COTE (Paul-Henri): Oui, mais au point de vue de l'occupation on fait cela partout.

M. ROY: Vous ne faites pas cela partout, vous avez 109 avis sur 140 qui concernent le comté de Beauce-Sud et seulement 32 ailleurs. Pourquoi est-ce qu'on n'a pas envoyé des avis ailleurs? Est-ce qu'on prépare des dossiers pour dire aux patroneux au cours des élections: Ton affaire des trois chaînes, ne t'inquiète pas, viens avec moi au ministère, je vais t'ouvrir la porte, je suis bon avec le ministre, je vais t'arranger cela et cela ne te coûtera pas cher. C'est cela qu'on veut faire?

M. DRUMMOND: Est-ce que vous m'accusez d'être patroneux?

M. ROY: Je ne vous accuse pas, mais je dis qu'à l'heure actuelle vous avez une immense responsabilité et la porte est ouverte. Je n'accuse pas.

M. le Président, je n'accuse pas le ministre, je sais que le ministre est probablement de bonne foi, je suis même prêt à lui donner toute la bonne foi dont il semble faire preuve dans ce problème. Mais je me rends compte, M. le Président, que le ministre est grandement dépassé par l'ampleur de ce problème. Les officiers du ministère sont également dépassés. Tout le monde est dépassé. La population du Québec est inquiète et veut savoir si on est chez nous aujourd'hui dans le Québec ou si on ne l'est pas? Par-dessus le marché, c'est une loi qui est contestée, parce qu'on applique arbitrairement une loi dans laquelle il n'a jamais été mentionné que la loi était rétroactive.

M. DRUMMOND: M. le Président, je pense qu'on essaie de mêler pas mal les cartes. Il me semble qu'on essaie de le faire d'une façon démagogique lorsqu'on doit...

M. ROY: II n'est pas question de démagogie.

M. DRUMMOND: ... être en mesure de discuter, comme cela arrive de temps en temps, d'une façon logique. On admet qu'il y a un problème, mais à jouer trop sur la légalité entre deux dates données, cela ne va pas résoudre le problème. Le problème existe.

M. ROY: C'est parce que vous l'avez créé.

M. DRUMMOND: On ne l'a pas créé. Je n'étais pas ici en 1884, je n'étais pas ici en 1919 non plus. Alors, entre ces dates, le député de Beauce-Sud dit qu'il y avait un problème légal. Peut-être qu'il y a un problème légal, mais selon nous, la loi existe depuis 1884, mais après cela, il y a, bien sûr, des problèmes qui sont vraiment

humains là-dedans. Essayons de trouver des solutions à la lumière de ce que doit être une politique de gestion des terres publiques, mais...

M. ROY: C'est justement là, M. le Président...

M. DRUMMOND: ... on ne le fait pas en faisant des amendements tout de suite comme cela.

Il faut ramasser les données et les regarder assez froidement au lieu de le faire à haute voix pour des fins politiques.

M. ROY: Non, ce n'est pas pour des fins politiques, M. le Président.

J'aimerais savoir du ministre, présentement, s'il considère que toute cette réserve de trois chaînes, y compris toutes les concessions de lots qui ont été concédés entre le 1er juin 1884 et l'année 1919, que les lots de tous ceux qui sont propriétaires de terrains à l'intérieur de la réserve de trois chaînes, font partie du domaine public, et que le gouvernement applique toute la législation concernant la gestion du domaine public à l'intérieur de ces réserves, parce que le problème est tout là.

M. DRUMMOND: Le problème n'est pas tout là, c'est ça que j'essaie de dire et je pense bien que le député de Beauce-Sud ne dirait pas non plus que le problème est seulement là. Quelle est la différence en ce qui concerne le gars qui possède un terrain, selon lui, qui date de 1920? Est-ce que c'est au point de vue de sa famille, au point de vue de tous les autres aspects? Est-ce tellement différent de quelqu'un qui a acheté ce terrain en 1918? Lorsqu'on va faire l'analyse de tout ça, je ne pense pas que ce soit seulement la patente qui est en jeu, je pense que le député fait un argument qui est strictement légal, et ça me semble un peu bizarre, parce que, lorsque le député parle, d'habitude, il ne parle pas seulement des choses légales, il parle avec humanité. Pour moi, ce n'est pas seulement une question de dates, c'est une question de ce qu'on doit faire concernant cette réserve qui, selon nous, est la pleine propriété de la collectivité de la province.

M. ROY: Le ministre interprète la loi comme telle.

M. DRUMMOND: Je suis ici pour appliquer la loi selon ce que j'ai comme opinion juridique, et jusqu'à preuve du contraire, oui, je l'applique de cette façon. Ce que je veux essayer de signaler, c'est que ce n'est pas tout à fait ça qui est le vrai problème.

M. ROY: Pourquoi ne l'appliquez-vous pas dans tout le territoire d'une façon égale?

M. HOUDE (Abitibi-Est): Parce que c'est impossible physiquement.

M. ROY: C'est là le point, c'est impossible physiquement.

M. HOUDE (Abitibi-Est): Vous êtes encore chanceux d'avoir des... dans le comté de Beau-ce, par exemple.

M. LESSARD: M. le Président, je reviens sur ça, c'est que, en tout cas, à mon sens, le ministre devrait convenir normalement qu'une loi s'applique pour tout le monde, peut-être pas nécessairement en même temps, mais devrait s'appliquer pour tout le monde. Vous avez une loi qui est très relative, en particulier concernant la définition des eaux navigables. Vous êtes obligé, pour appliquer cette loi, de faire appel au ministère des Richesses naturelles pour savoir si les eaux sont navigables ou non navigables. Moi, il me semble, chose qui m'apparaît logique, qu'avant de décider d'appliquer une loi régionalement, comme ce semble être le cas actuellement, le ministère des Terres et Forêts aurait dû demander au ministère des Richesses naturelles une définition et, plus que ça, une carte où sont bien définies des zones navigables et des zones non navigables. Parce qu'il m'apparaît justement, actuellement, que cette définition est fonction d'un certain nombre de critères et de normes, critères et normes qui peuvent être fort relatifs.

Or, si vous demandez ça régionalement, à ce moment-là, peut-être qu'on applique des critères et des normes au ministère des Richesses naturelles, pour une région, qui peuvent être différents pour une autre région. Moi, il me semble, une chose qui m'apparaît logique, étant donné qu'une loi s'applique pour tout le monde, que la première chose, avant de mettre en application cette loi, aurait dû être de demander au ministère des Richesses naturelles, non seulement une définition des eaux navigables ou non navigables, mais une carte même où on précise exactement, dans les 110 comtés du Québec, quelles sont les rivières navigables ou non navigables, et non appliquer une loi à la pièce, pas appliquer une loi par morceaux. C'est que là vous avez, visuellement, une idée générale de ce que sont les rivières navigables. Mais ce n'est pas ce que vous avez fait. Vous avez demandé, concernant un comté...

M. DRUMMOND: Ah! Ah! Ah!

M. LESSARD: Je ne dis pas —c'est la responsabilité du député de Beauce — que vous l'avez fait explicitement pour un comté, mais il semble que cela soit le cas. Je vous dis qu'il me semble que vous auriez dû d'abord le faire pour l'ensemble des comtés du Québec de telle sorte qu'après cela, lorsque vous avez une vue générale des rivières navigables ou non navigables, vous appliquez la loi pour tout le monde, peut-être pas exactement en même temps, mais au moins, à un certain moment. On est sûr que demain matin, la définition des eaux navigables

ne sera pas modifiée tandis qu'actuellement, puisque vous avez demandé au ministère des Richesses naturelles de définir ce que c'est pour le comté de Beauce, des rivières navigables ou non navigables, je me demande si demain cette définition ne sera pas modifiée.

Premièrement, il me semble que vous devriez avoir une définition claire du ministère des Richesses naturelles et deuxièmement, vous devriez être capable, ce soir, de nous montrer une carte du ministère des Richesses naturelles, carte sur laquelle on a précisé exactement quelles sont les rivières navigables et les rivières non navigables parce qu'à ce moment, si on ne l'a pas fait, cela veut dire que c'est vraiment discriminatoire.

M. DRUMMOND: Je pense qu'on a essayé d'expliquer tout cela depuis quelques heures. En ce qui concerne l'application de la loi dans un comté donné, on a posé des questions à l'administrateur régional, et je pense qu'il a bien répondu qu'il ne s'agissait pas d'une directive en soi, ou du ministre ou du sous-ministre.

M. LESSARD: C'est une directive du ministère des Terres et Forêts.

M. DRUMMOND: Non.

M. LESSARD: Aucunement?

M. DRUMMOND: Non. Il a dit cela? Sa responsabilité est d'appliquer les lois concernant les terres et forêts.

M. ROY: Mais si le ministère n'a pas donné de directive — c'est là que la question est importante — cela veut dire que chacune des régions est libre d'appliquer ou de ne pas appliquer la loi et de choisir, compte tenu du potentiel et des effectifs qu'elle a, quelle paroisse, quel comté dans la région, servira de comté dans lequel on va commencer à appliquer la loi.

M. DRUMMOND: L'explication est fort simple. De tout temps, au ministère, on a interprété la loi tel qu'on l'interprète aujourd'hui et on l'a appliquée tel qu'on l'applique aujourd'hui, sauf que dans la région de Québec, depuis six mois, on l'applique d'une façon plus intensive. C'est strictement cela. Il n'y a pas d'autre chose.

M. LESSARD: C'est une drôle de déconcentration.

M. ROY: J'aimerais qu'on me dise comment il se fait que si on appliquait la loi depuis longtemps...

M. DRUMMOND: Ce sont des cas réglés des gens qui se sont prévalus... et qui ont acheté la réserve des trois chaînes. Alors, cela ne donne pas la nomenclature ou la comptabilité des gens qu'on a pu aviser dans les années précédentes, leur disant qu'ils étaient sur une réserve des trois chaînes.

M. ROY: Oui, mais pourriez-vous nous dire combien d'avis vous avez envoyés dans le passé?

M. DRUMMOND: II faudrait relever les dossiers. On pourrait finir par le trouver.

M. PELLETIER: Comme je le disais tout â l'heure, personnellement, chez nous, j'ai 74 cas sur la rivière Madawaska. Peut-être que cela n'est pas réglé, mais il reste quand même qu'ils sont là. C'est pour cela que je dis qu'il n'y a pas seulement les gens du comté de Beauce qui sont avisés. Il y a des négociations d'entreprises, mais cela n'est pas réglé.

M. ROY: Je pense qu'il y a plus de 300 plaintes si on se réfère aux cas comme ceux que vient de me signaler le député du comté de Témiscouata-Kamouraska. Il y a à peu près de 300 à 350 plaintes...

M. DRUMMOND: II est certain qu'avec la publicité qu'il y a eue...

M. ROY: Je parlais des avis tantôt.

M. DRUMMOND: ... tous les gens veulent savoir s'ils ont un problème de la réserve des trois chaînes.

M. ROY: Oui, c'est normal.

M. DRUMMOND: C'est très normal.

M. ROY: Imaginez-vous que j'achète un terrain ou encore, vous monsieur le sous-ministre, vous achetez un terrain demain matin et qu'on vous avise qu'il y a une réserve de trois chafnes et qu'il y a un cours d'eau qui le traverse...

M. DRUMMOND: Oui.

M. ROY: ... et que vous décidiez de ne pas vous en prévaloir et que vous ayez acheté des titres clairs, savez-vous que vous pouvez revenir contre la personne qui vous l'a vendu? Oui, et vous pouvez être obligé de déterrer des successions et des morts aussi.

M. LESSARD: II y a un problème qui me préoccupe. Dans mon comté, peut-être que cela ne s'est pas encore appliqué, mais il y a des gens qui ont acheté des terrains le long de rivières non navigables.

Je ne sais pas s'ils ont des actes notariés, mais ils les ont payé $400 ou $500. En fait, un gars n'est pas propriétaire du terrain, mais il l'a acheté d'un cultivateur, qui était assuré d'être propriétaire de ce terrain. Ce dernier l'a vendu.

M. DRUMMOND: Cela fait partie du problème.

M. LESSARD: Cela fait partie du problème. Donc le gars a payé son terrain, par exemple, $400 et est certain d'être propriétaire du terrain. En fait, il ne l'est pas.

M. DRUMMOND: C'est cela. M. LESSARD: Cette personne...

M. DRUMMOND: On n'arrive pas à avoir cinq ou six échanges de terrain...

M. LESSARD: A cette personne, vous faites une réclamation, si elle coupe du bois autour. Elle l'a déjà payé son terrain $400 ou $500.

M. DRUMMOND: Oui, mais cet individu a acheté quelque chose qui n'appartenait pas à la personne qui l'a vendu.

M. LESSARD: Donc, il est obligé de se tourner vers le propriétaire, de réclamer, de faire un procès.

M. DRUMMOND: C'est le problème.

M. LESSARD: Vous n'êtes pas sorti du bois!

M. DRUMMOND: On n'a jamais dit que cette affaire était un cadeau. On a une loi qui existe. Même le député de Beauce-Sud n'a aucun doute pour ce qui concerne la légalité entre l'année 1919 et aujourd'hui, mais au point de vue légal, il avait à acheter...

M. LESSARD: Vous allez faire...

M. DRUMMOND: Qu'il avait à acheter, ça vous donne le même problème.

M. LESSARD: Vous allez faire comme aux dernières élections, vous allez en déterrer des morts. Pas pour les faire voter, cette fois, mais à un moment donné...

M. ROY: M. le Président, il y a justement un point sur lequel on parle. Le député de Saguenay a parlé de l'application discrétionnaire de la loi. J'ai un dossier, l'officier du ministère pourra le prendre en note, no 14460-21. On a exigé à un individu $785, j'ai la photocopie du chèque, pour le faire payer, le long d'une petite rivière, un petit cours d'eau que je connais très bien. Pour quelle raison a-t-on envoyé un avis seulement à lui, alors que tous les autres riverains n'ont pas reçu d'avis du ministère? Si la rivière a été reconnue comme cours d'eau et qu'elle a été classée d'après une recommandation du ministère des Richesses naturelles, suite aux décisions qui ont été prises par le ministère des Terres et Forêts, par l'administrateur régio- nal, par l'administrateur local, en vertu de quels critères n'a-t-on avisé qu'un seul propriétaire et qu'on n'a pas avisé les autres propriétaires riverains?

M. COTE (Paul-Henri): Cela devait être un libéral. Peut-être que pour les autres, il n'existait pas de réserve. Je ne sais pas...

M. ROY: Je vous dis ce qu'il existait pour les autres, le cours d'eau a trois milles de longueur.

M. COTE (Paul-Henri): Oui, mais il n'y a peut-être pas de réserves.

M. ROY: II y a des réserves.

M. COTE (Paul-Henri): Les terrains ont peut-être été achetés avant 1884.

M. ROY: Je pourrais vous faire un dessin et vous expliquer. Non, non, cela n'a pas été concédé en 1884, aucun lot dans ce coin. Je connais très bien la place. Et j'ai vérifié. Personne d'autre que celui-là n'a été avisé.

M. COTE (Paul-Henri): Tout simplement une question. Il y a longtemps que cette personne a été avisée?

M. ROY: Le chèque est daté du 18 juin 1973. L'individu a décidé de payer pour ne pas être à la merci du gouvernement libéral. Donc, avant les élections.

J'ai ici un autre cas. Celui-là a eu lieu à Montmagny-L'Islet, M. le Président. On parlait de coupe à blanc, tout à l'heure. Il y a un cas ici dans lequel une personne a payé pour 9,759 pieds de bois. On lui a réclamé $269.77 et j'ai encore une photo du reçu, ce qui fait $27.60 le mille pieds, pour payer un droit de coupe. Et on lui a même saisi son bois de chauffage — j'ai eu l'occasion de l'entendre à la télévision — son bois de poêle. Alors que la terre était une propriété familiale depuis trois générations, à ce qu'on m'a dit. Probablement que le député de Montmagny-L'Islet est au courant, et qu'il a eu le même dossier; c'est parce que je l'ai dans mes documents que je le cite, car c'est un exemple qui m'a frappé. Si on calcule le prix à la corde de bois, cela revient à $13.50 la corde. Quels sont les droits de coupe que le ministère des Terres et Forêts réclame? Je voudrais revenir là-dessus, à l'intérieur de la réserve des trois chaînes, $0.50 la corde pour Rayonier, je me le rappelle et je ne suis pas prêt de l'oublier.

M. DRUMMOND: Combien? M. ROY: $0.50 la corde.

M. DRUMMOND: Le prix a augmenté depuis ce temps-là.

M. ROY: Non. L'accord a été signé pour 25 ans.

M. DRUMMOND: Non, le droit de coupe a augmenté.

M. LESSARD: De combien? M. DRUMMOND: $0.74.

M. LESSARD: $0.74? Est-ce indexé? Que-bec North Shore paie combien?

M. ROY: $2.50 la corde.

UNE VOIX: ... l'Anglo.

UNE VOIX: On n'est pas sur le même sujet.

M. LESSARD: Un instant!

M. ROY: On reviendra sur la question du bois.

Il y a d'autres personnes ici qui ont reçu des avis. J'ai des photocopies d'avis. Je pourrais citer plusieurs personnes qui ne pratiquent même pas la coupe de bois. Elle ne font même pas la coupe, mais elles sont propriétaires d'un petit terrain. Elle font un peu de sylviculture pour tâcher d'entretenir le bois, mais ils ne coupent pas le bois, parce que le bois n'est pas prêt à être coupé. Ces gens ont reçu des avis. Chose curieuse...

M. COTE (Paul-Henri): Un avis informe tout simplement le propriétaire.

M. ROY: Oui, mais mettez-vous à la place du propriétaire qui reçoit un avis demain matin, qui n'est plus chez lui et que son voisin ne reçoit pas d'avis.

M. COTE (Paul-Henri): On nous accusait de les prendre comme des voleurs, par surprise.

M. ROY: Pourquoi n'a-t-on pas envoyé d'avis à tout le monde?

M. COTE (Paul-Henri): Parce qu'on n'a pas le temps, et qu'on n'est pas capable. Il faut avoir quand même l'avis du ministère des Richesses naturelles.

M. ROY: Je vous ai montré des cas où l'avis a été donné, il y a seulement une personne qui a reçu son avis.

M. COTE (Paul-Henri): II peut arriver des erreurs aussi, c'est humain.

M. LESSARD: Est-ce que...

M. COTE (Paul-Henri): II n'y a certainement pas eu d'application plus sévère de la loi, du contrôle de la loi dans le comté de Beauce...

M. ROY: Mais Seigneur! Si une personne décide, au niveau d'une paroisse, par exemple, d'appeler l'administrateur des Terres et Forêts et qu'il dit à l'agent du gouvernement, votre employé: Telle personne, lot 14, rang 3, est en train de faire une coupe à blanc. Votre agent du ministère est obligé de partir et d'y aller. Donc, c'est la dénonciation qui est le critère numéro un parce que vous n'avez pas les effectifs.

M. COTE (Paul-Henri): Non, parce qu'on aura quand même aussi...

M. ROY: Vous appelez cela un devoir civique.

M. COTE (Paul-Henri): Nos agents sur le terrain font des patrouilles. Tous ces cas qu'on nous rapporte n'ont pas été faits à la suite de dénonciations.

M. DRUMMOND: M. le Président, vous parlez effectivement et vraiment des problèmes de la déconcentration administrative. Par exemple, au niveau des droits de coupe additionnelles et des contributions, on a regardé la loi du ministère des Terres et Forêts. D existe un article qui dit: "Tout propriétaire de territoires boisés, situés dans la province, sauf les colons et les cultivateurs, doit payer, au ministre des Terres et Forêts, une contribution de $0.15 par corde de bois, coupé sur ses territoires boisés et destiné à la fabrication de la pulpe ou du papier ou ses dérivés ou de produits accessoires de la pulpe". Si, en faisant une déconcentration administrative, en donnant la responsabilité de l'application de la loi et des règlements à des gens auxquels le ministre et le sous-ministre et les autorités du ministère disent: Vous pouvez maintenant appliquer la loi.

M. LESSARD: A qui les autorités du ministère ont dit: Maintenant, vous pouvez appliquer la loi, parce que j'approuve la déconcentration...

M. DRUMMOND: Non, non! Mais...

M. LESSARD: ... mais en maintenant que les directives sont les mêmes pour l'ensemble des comtés du Québec.

M. DRUMMOND: Oui.

M. LESSARD: C'est cela, une déconcentration.

M. DRUMMOND: Là-dessus, M. Lessard, d'accord!

M. LESSARD: D'accord!

M. DRUMMOND: Regardez bien! Là-dessus, si demain matin, un inspecteur du ministère des Terres et Forêts décide de définir, dans le comté de Beauce-Sud, par exemple, qui est colon ou qui est cultivateur, ou qui est

simplement, en fin de compte, une personne qui demeure au niveau rural, sur une terre, qui effectivement gagne sa vie ailleurs, en faisant une déconcentration, vraiment, vous donnez une certaine permission à certains fonctionnaires d'appliquer la loi selon une certaine juridiction qui, en fin de compte, est de la responsabilité du ministre, qui, effectivement, est délégué. La réserve de trois chaînes, par rapport à la région de Québec, après avoir vérifié au niveau des huit autres régions, on s'aperçoit qu'elle a été appliquée de façon plus draconienne dans la région, d'une part, par rapport aux autres régions, et, d'autre part, dans une sous-région, par rapport à cette région qui est divisée en cinq sous-régions.

M. LESSARD: Autrement dit, la déconcentration n'a pas fonctionné de la même façon.

M. DRUMMOND: C'est-à-dire que la déconcentration fonctionne après qu'un certain rodage s'est fait. Si vous vous attendez que le rodage se fasse dans une période d'un an, effectivement, on peut tout de suite démontrer que la déconcentration administrative ne vaut rien, et qu'il faut centraliser au niveau du ministre et du sous-ministre, et que les gars en bas sont des porte-parole. Cela laisse certaines lacunes, comme par exemple, quelqu'un qui décide d'appliquer la loi des $0.15.

Effectivement, il décide de l'appliquer pour toutes sortes de raisons contre quelqu'un ou autrement, par rapport à une déconcentration qui équivaut à 1,100 fonctionnaires sur le terrain. Un des ministères des plus avancés, en fin de compte, dans cette déconcentration, essaie de se rapprocher des clientèles d'une part; d'autre part, il essaie de faire une coordination interministérielle.

Si on est pour la juger sur un cas comme celui-là, la déconcentration ne se fera pas dans d'autres ministères que dans celui que vous êtes en train de juger.

M. LESSARD: M. le Président, je suis d'accord sur la déconcentration et même, je vais plus loin que cela, je suis d'accord sur la décentralisation. En fait, une déconcentration est simplement l'application régionale d'un pouvoir qui appartient au ministre. Cependant, une déconcentration de pouvoir, on est rendu juste là, il semble qu'on a un seul ministère qui en fait actuellement. Je suis bien d'accord sur la déconcentration, mais lorsqu'on en fait, il faut qu'il y ait un certain nombre de directives qui soient uniformes, parce qu'à ce moment-là la déconcentration va être arbitraire. Je suis bien d'accord, à un moment donné, que dans la déconcentration, le fonctionnaire agisse à l'intérieur d'un cadre défini par la loi, agisse à l'intérieur du cadre défini par le ministre lui-même, le ministre des Terres et des Forêts. Je suis d'accord sur cela.

Cependant, ce qu'il va falloir au ministère des Terres et des Forêts, parce que là, cela arrive la question des trois chaînes — un autre domaine peut-être qui reviendra plus tard — il va falloir justement que les personnes responsables au niveau des régions appliquent la loi de la même façon, ou bien vous allez avoir des maudits problèmes. — je m'excuse —...

M. DRUMMOND: Je pense...

M. LESSARD: Concernant la déconcentration. Si vous faites trop... La déconcentration, cela doit venir à la suite d'une certaine préparation, préparation de fonctionnaires aussi. C'est malheureux bien souvent, on est habitué ou les fonctionnaires des régions sont habitués à ne pas prendre de décision, même à l'intérieur de la loi. Cela demande une certaine préparation et cela demande un certain recyclage des fonctionnaires. Je dis que je suis d'accord sur le principe. Mais il faut faire attention. C'est comme la planification, on s'est gargarisé de planification depuis un certain temps. Mais cela fait pitié en "mosus" la planification du gouvernement actuellement. Il faut dire qu'en fait il n'y en a pas. On parle de planification, mais si vous êtes à un moment donné l'un des ministères témoins au niveau de la déconcentration, il va falloir justement — d'abord, je trouve curieux que cela ne s'applique qu'à un seul ministère — que vous prépariez vos fonctionnaires à pouvoir faire de la déconcentration.

Je suis d'accord avec M. Côté qui a décidé d'appliquer la loi. Peut-être que M. Côté a été un des fonctionnaires modèles dans ce domaine, je pense, parce qu'il se dit: Je suis un fonctionnaire et comme fonctionnaire, il y a une loi du ministère des Terres et Forêts. Je dois l'appliquer. M. Côté était peut-être mieux préparé que d'autres à l'appliquer, cette loi. Par exemple, si M. Côté applique cette loi et qu'aujourd'hui, il est au front, c'est lui qui reçoit les critiques. Il va falloir justement, parce qu'il ne sera plus intéressé à appliquer la loi à un moment donné, si les autres fonctionnaires disent: Nous autres, la loi du ministère des Terres et Forêts, on ne l'applique pas et on se fait des amis de la population, etc... Ce n'est pas cela être fonctionnaire. Etre fonctionnaire, c'est justement appliquer la loi. Il l'a appliquée, la loi. Je ne le blâme pas; ce n'est pas M. Côté, c'est le ministre des Terres et Forêts que je blâme.

M. DRUMMOND: J'accepte le blâme et j'en suis fier, à part cela. J'ai passé tout l'avant-midi aujourd'hui à recevoir des accusations du député de Saguenay disant qu'on n'a pas marché assez vite. C'est la mise en application de la politique forestière. Un des aspects les plus fondamentaux, c'était la régionalisation. Quand on fait quelque chose, on le fait vite; mais on a fait beaucoup de travail, en ce qui concerne la mise en application de cela, le nombre de réunions entre les fonctionnaires et les autres fonctionnaires des ministères. On les avait en

masse. On était au courant qu'on aurait des problèmes. On les a. C'est parfait. On va apprendre par les fautes qu'on fait.

Mais, après ces commentaires, ce matin, lorsque j'avais dit: C'est bien beau parler de l'abolition tout de suite des concessions forestières, mais il y a beaucoup d'implications, il y a des contrats d'approvisionnement, il y a la question du nouveau système de redevances. Il y a toute cette question de tenir compte des plans d'avenir de l'industrie du sciage et de l'industrie des pâtes et papiers, tout en essayant de trouver des allocations qui ont du bon sens. Il y a toutes ces questions à soumettre. Il faut arriver, en tenant compte de l'approvisionnement disponible en copeaux, en bois de cultivateurs privés et aussi en ce qui concerne les forêts domaniales. H y a toutes ces questions. Cela prend du temps.

Je suis très heureux de voir que le député de Saguenay commence à comprendre qu'il y a des problèmes lorsqu'on veut chambarder tout un système pour en mettre en vigueur un autre. Très bien, j'avais dit aussi qu'à ce moment-ci on prépare un manuel qui prend du temps aussi parce que l'on veut s'assurer qu'il y a une continuité en ce qui concerne les opérations des régions. On a actuellement ce manuel, on va faire une étude, cela va prendre du temps aussi et cela va aider la patente, mais qu'il y ait des fautes dans l'application de la régionalisation, cela va arriver; mais si on ne procède pas, cela ne marchera jamais. On essaie donc toujours de trouver la juste moyenne pour faire marcher tout notre système d'une façon globale. C'est ce que l'on a à faire.

M. LESSARD: Je ne veux pas bifurquer dans la discussion, mais quand le ministre a préparé son livre blanc, il me semble que le ministre aurait dû penser à toutes ces implications. Il me semble, M. le Président, que le ministre aurait dû analyser toutes les conséquences d'une réforme globale au niveau des concessions forestières. Il me semble que le ministre, et c'est là que j'ai été inquiet lorsque nous avons tenu la commission des Terres et Forêts concernant le livre blanc, avant de proposer une réforme, le ministre aurait dû faire l'étude. Et là je bifurque un peu, mais on va revenir au problème tantôt, on va en discuter.

M. ROY: Oui, parce que c'est un livre blanc, on ne peut pas...

M. LESSARD: Oui. M. le Président, il me semble que le ministre, avant de parler d'abolition des concessions forestières, et je le lui ai demandé à maintes reprises, aurait dû étudier les coûts que cela comportait. Malheureusement, M. le Président, j'ai pu constater en commission parlementaire que le ministre n'avait pas les réponses à toutes ces questions.

Quand on prépare un livre blanc, il faut s'attendre qu'il y ait des conséquences. Il faut s'attendre, à un moment donné, qu'il y ait des répercussions et c'est avant que l'on doit connaître les répercussions. Qu'il y ait, à un moment donné, des changements aux répercussions, aux modalités par la suite, je suis bien d'accord là-dessus, parce qu'une politique se modifie. Aujourd'hui, le ministre me dit: On ne peut pas appliquer notre réforme parce qu'il faut l'étudier. Non, M. le Président, c'est avant qu'on devait l'étudier. Si le ministre nous a proposé une réforme, c'est parce qu'avant il a dû étudier les problèmes que cette réforme comportait.

On reviendra sur cela, M. le Président. Je ne veux pas bifurquer dans la discussion. Je pense que le député de Beauce-Sud a encore des questions.

LE PRESIDENT (M. Picard): Je crois que l'on devrait revenir à ce qui avait été entendu au début, à savoir que l'on discuterait de la règle des trois chaînes.

Lorsque vous parlez de déconcentration, de décentralisation, vous êtes dans un autre programme, le programme de la régie interne, qui est le programme 5. Je vous laisse aller, mais...

M. ROY: On peut faire toute la discussion à ce moment-là.

M. PELLETIER: Je voudrais tout simplement demander au ministre s'il y avait des possibilités d'appliquer cela dans le Saguenay, le plus rapidement possible pour en connaître les effets.

M. LESSARD : M. le Président, c'est cela. Je pense que le comté de Saguenay, comme le comté de Beauce-Sud, doit être traité sur un pied d'égalité, comme le comté d'Abitibi-Est...

M. HOUDE (Abitibi-Est): Cela ne s'applique pas à Abitibi-Est maleureusement.

M. LESSARD: Bon, ou comme d'autres comtés. C'est justement ce que je disais au ministre. Quand on parle, et c'est là que la déconcentration est importante, d'appliquer une loi du ministère, il faut qu'elle s'applique pour tout le monde. Quand on applique les règlements de la chasse et de la pêche et quand, en vertu de l'article 25, je me suis fait saisir mes fusils, on les a appliquées pour tout le monde y compris le député de Saguenay, et il a payé $307.50. C'est ce que j'ai demandé, le respect d'une loi. C'est la même chose pour la réserve des trois chaînes. Cela doit s'appliquer pour tout le monde.

M. ROY: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Montmagny-L'Islet m'a demandé la parole.

M. GIASSON: J'aimerais savoir ce qui ad-

vient dans le cas de concessions de lettres patentes émises avant 1884, à des citoyens du Québec et qui, par après, ont été revendues à des compagnies forestières qui, elles, ont échangé toute une série de terrains, de petits lots privés avec le ministère des Terres et Forêts contre un autre bloc, une autre concession, ailleurs, et qu'après le ministère a revendu ces terrains à des particuliers? Les lettres patentes ne mentionnent pas de façon expresse la réserve des trois chaînes. Est-ce que, dans un cas comme celui que je vous cite, que l'on retrouve en plusieurs exemplaires dans mon comté, la réserve des trois chaînes s'applique? Il ne s'agit pas d'émission de billets de location, le ministère est redevenu propriétaire, a revendu. Les lettres patentes ne font pas mention, de façon directe et précise, de la réserve des trois chaînes.

M. ROY: J'aurais encore des questions à poser à M. Côté, tout à l'heure.

LE PRESIDENT (M. Picard): Vous ne vous éloignez pas, M. Côté?

M. COTE (Paul-Henri): Non, je suis trop intéressé.

LE PRESIDENT (M. Picard): C'est un brillant fonctionnaire en disponibilité complète.

M. DRUMMOND: M. le Président, j'ai cru comprendre que la question posée se référait à un terrain concédé par le gouvernement avant 1884 et qui, par une suite de transactions privées, a pu redevenir propriété gouvernementale et qui a été concédé par la suite, après 1884. Dans ces cas, nos avocats nous disent que la réserve des trois chaînes doit s'appliquer pour la deuxième vente.

M. GIASSON: Même si les lettres patentes n'en font pas mention?

M. DRUMMOND: Oui, les lettres patentes se font toujours de la même façon.

M. GIASSON: Oui, mais il va falloir que l'on se branche prochainement. Je vous parle de lettres patentes qui ont été émises après 1960. J'ai des exemplaires, chez moi, des originaux.

M. DRUMMOND: Est-ce qu'il s'agit de lettres patentes émises par le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation?

M. GIASSON: Terres et Forêts. M. DRUMMOND: Terres et Forêts.

M. GIASSON: Nécessairement. Le ministère des Terres et Forêts a acquis d'une compagnie privée qui s'appelait Price Brothers, a revendu ces terrains sans les concéder, il les a revendus comme terrains boisés, ils n'ont pas été transmis au ministère de l'Agriculture, ils sont demeurés propriétés des Terres et Forêts et revendus par les Terres et Forêts à des particuliers à nouveau.

M. DRUMMOND: Ce sont là des cas qui font partie du problème que l'on a à étudier. Je ne connais pas le cas dont vous parlez. Je serais bien content de...

M. GIASSON: II y a plusieurs cas chez nous.

Le ministère a dû reprendre en 1939 au moins 50 lots privés qui étaient à l'intérieur des anciennes seigneuries, cédés une première fois bien avant 1884.

M. DRUMMOND: Oui. Si le lot est revenu propriété gouvernementale entre-temps et reconcédé...

M. GIASSON: Ne pensez-vous pas, étant donné que ce sont des...

M. DRUMMOND: Vous soulignez le fait que ce ne soit pas mentionné sur les lettres patentes?

M. GIASSON: Oui, sur tout ce qui est récent. Je ne parle pas si cela avait été...

M. DRUMMOND: Les lettres patentes ne mentionnent pas tous les règlements auxquels ces lots sont assujettis.

M. GIASSON: Je comprends, mais pour moi, c'est une faiblesse.

M. DRUMMOND: Cela se peut. Je serais porté â le dire moi aussi.

M. GIASSON: Parce que, tout de même, sur les billets de location du ministère de l'Agriculture, depuis un certain nombre d'années, bien avant 1960, on a pris la peine de le mentionner, en termes précis, "assujettis à la loi des trois chaînes".

M. DRUMMOND: Oui, dans les lettres patentes, c'est l'expression qui se lit comme suit ou à peu près: La présente vente ou la présente concession, le présent octroi est aussi consenti sujet aux lois concernant les terres publiques. Evidemment, c'est la phrase qui contient tous les problèmes. A ce moment, cela peut être des droits de mines, des droits de chemins...

M. LESSARD: Des droits de pêche?

M. DRUMMOND: Non, pas les droits de pêche.

M. ROY: On mentionne la Loi de la chasse et de la pêche.

M. GIASSON: Au ministère de l'Agriculture...

M. LESSARD: Le long des rivières à saumon que l'on a vendues en 1901, est-ce que cette loi s'applique?

C'est important, M. le Président. Je veux savoir sur quel terrain je m'en vais.

M. DRUMMOND: Je dois justement m'en informer demain afin de donner la réponse concernant les quatre rivières à saumon dont vous avez parlé cet après-midi. Je ne suis pas capable de répondre maintenant.

M. LESSARD: J'espère que vous allez sortir les enregistrements, M. le Président.

M. GIASSON: Ce sont là les opinions de nos conseillers juridiques.

M. DRUMMOND: Oui, et non seulement les conseillers juridiques au ministère, mais c'est l'opinion du ministère de la Justice au gouvernement.

M. GIASSON: Cela n'a jamais été contesté?

M. DRUMMOND: Non. On peut retrouver, par la suite, des dossiers qui, périodiquement... Autrefois au bureau du procureur général, aujourd'hui au ministère de la Justice, c'est toujours la même opinion qui est revenue. De temps à autre, au ministère des Terres et Forêts, quand nous voyions que dans d'autres contentieux on avait tendance à ne pas être de notre opinion, nous n'avions pas hésité. Ce n'est pas par plaisir que l'on tente d'appliquer une loi qui, à un moment donné, peut faire mal. On a donc soumis notre point de vue comme le contentieux l'a fait tout dernièrement, au ministère de la Justice qui a décidé et on a attendu la réponse. La réponse est venue, le ministre vous l'a lue cet après-midi. C'est l'opinion du gouvernement à ce moment-là, ce n'est pas l'opinion du ministère des Terres et Forêts.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, j'écoutais tout à l'heure mon collègue, le député d'Abitibi-Est, qui disait qu'il n'avait pas eu de plainte dans son comté, que personne n'avait reçu d'avis. On sait très bien en quelles années les concessions de lots et les billets de location ont été faits dans les régions du Nord-Ouest. M. le Président, le jour où on va appliquer la loi, je connais des députés qui vont avoir des petits problèmes. Ils vont certainement avoir des appels téléphoniques avant de déjeuner le matin et après s'être couchés le soir, même à minuit. C'est pour cela, la raison...

M. HOUDE (Abitibi-Est): Pas en Abitibi-Est.

M. ROY: Même en Abitibi-Est, M. le Président, tout le Nord-Ouest et la vallée du Témis- camingue. On sait que cela s'est fait après 1884. C'était l'époque de la grande colonisation. S'il y a une région dans le Québec où la loi s'applique partout, parce qu'il n'y a pas eu de développement seigneurial, c'est bien la région du Nord-Ouest, sauf qu'il y a plusieurs lacs qui sont navigables.

M. HOUDE (Abitibi-Est): C'est cela.

M. ROY: II y a des lacs qui ne sont pas navigables et il y a des rivières qui ne le sont pas non plus. C'est pour cela que je félicite le député de s'intéresser à ce problème.

M. HOUDE (Abitibi-Est): Chez nous, les gens connaissent la loi et la respectent. C'est pour cela que l'on n'a pas de problème.

M. ROY: Un instant. C'est parce que la loi n'est pas appliquée chez vous. La loi n'est pas appliquée intégralement dans tout le territoire. On a parlé tout à l'heure de déconcentration. J'ai bien dit que j'étais d'accord. Là où je suis moins d'accord, c'est qu'une déconcentration devrait exiger normalement une planification. Si le gouvernement décide, à un moment donné, de faire appliquer une loi... Je ne parlerai pas de l'aspect juridique, la question n'est pas vidée, on pourra y revenir à l'occasion, mais à ce moment-ci je n'en parlerai pas. En supposant que le ministère ait raison, que ses conseillers juridiques aient raison, que le gouvernement décide de faire appliquer la loi actuellement au Québec, pour quelle raison le gouvernement n'attend-il pas de mettre toutes ses structures en place, comme le disait tantôt le député de Saguenay, de donner des instructions précises, de procéder de telle façon dans tel secteur en vertu de tel critère, sans discrimination? Actuellement il y a énormément de discrétion, à un point tel que, où on fait de la déconcentration, on se sert de la région administrative de Québec pour appliquer la loi de façon draconienne et la méthode draconienne est confiée à une sous-région qui, elle, l'applique de façon draconienne dans mon comté. C'est à peu près cela, si on regarde un peu ce que l'on vient de dire. Pour quelle raison ce comté par rapport à un autre? Les arguments que l'on a voulu me servir — je comprends dans quelle situation M. Côté se trouve placé — les arguments que l'on m'a fournis, les explications que l'on a tenté de nous donner ce soir ne justifient pas le gouvernement et le ministère d'agir de cette façon. J'ai l'impression, puisque l'on parle de régionalisation, de livre blanc et que l'on a parlé de toute la politique de réaménagement du territoire forestier, que l'on a bien l'intention d'organiser tout ce réaménagement du territoire forestier en s'attaquant aux petits propriétaires forestiers en vue d'assurer, parce que ce semble être l'objectif fondamental, l'approvisionnement aux compagnies papetières qui offrent le meilleur marché possible.

M. le Président, je suis obligé de penser ces choses, parce que tout ce que j'ai entendu aujourd'hui gravite autour de cela et c'est un peu cela que je suis obligé de donner en guise de conclusion. Je ne sache pas que l'on limite les compagnies papetières qui sont propriétaires des lots — et il y en a qui sont propriétaires des lots — et qu'on applique la loi de la réserve des trois chaînes dans le cas de la coupe de bois, là où les compagnies papetières sont propriétaires des lots et dont la propriété a été concédée après 1884. Je ne sache pas que cela se fasse.

J'aimerais que le ministère des Terres et Forêts me rassure. Si on ne l'applique pas dans le cas des compagnies papetières qui font de la coupe de bois, je me demande ce qui justifie le gouvernement, puisque le ministre m'a parlé d'appliquer une loi avec humanité, de procéder avec humanité et de s'attaquer surtout aux petits propriétaires.

J'aimerais que l'on me donne des explications là-dessus. Franchement, je suis un peu perdu.

M. GIASSON: M. le Président, combien y a-t-il eu de saisies effectivement dans Beauce-Sud? Il y a eu beaucoup d'avis, mais combien de saisies?

M. DRUMMOND: 25. Aucune saisie dans Beauce-Sud.

M. ROY: Pardon?

M. DRUMMOND: Aucune saisie. Il y a eu des saisies dans Mégantic-Compton une, Montmagny-L'Islet 11.

M. GIASSON: J'ai le record, et non pas Beauce-Sud.

M. DRUMMOND: II y a eu des avis, mais aucune saisie.

M. ROY: Je vais être honnête. C'est le gouvernement qui a dit qu'il avait pratiqué des saisies, un instant, et qu'il avait procédé de façon à faire appliquer la loi en ce qui regarde la coupe de bois pour des coupes à blanc.

M. GIASSON: Patronage!

M. ROY: Je ne sais pas dans quelle mesure ce sont des dossiers de saisies de bois, des dossiers de personnes, de cultivateurs qui ont bâti leur résidence, leur ferme le long des cours d'eau. Je ne suis pas non plus au courant du nombre de dossiers qui concernent, par exemple, ceux qui ont aménagé quelque chose sur le plan sportif, sur le plan des loisirs. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé, et j'ai bien pris soin de poser la question tout à l'heure aux fonctionnaires du gouvernement, quelle était la proportion des 108 dossiers qui concernait des saisies de bois, qui concernait des coupes de bois à blanc. Je me suis bien permis de faire référence à plusieurs dossiers que j'avais et qui ne concernaient pas expressément des coupes de bois et de saisies de bois. Je ne sais pas s'il y a eu des avis d'envoyés ou des saisies de bois, mais je peux vous dire qu'il y a certaines personnes de mon comté qui, actuellement ont reçu des avis et même dont le bois a été estampé. Lorsque le bois est estampé cela veut dire que le bois est saisi par l'inspecteur du ministère et que vous n'avez pas l'avis, parce qu'il y a eu, dans le comté de Beauce-Sud, du bois de saisi. J'ai des noms dans mon esprit.

M. DRUMMOND: II y a des dossiers à l'étude, par exemple.

M. ROY: II y a des dossiers à l'étude et il y a du bois de saisi, il y a du bois qui a été estampé par les officiers du ministère des Terres et Forêts. J'ai même vérifié auprès des officiers du ministère sur le plan local, pour voir si c'était exact. On me dit que dans le comté de Montmagny-L'Islet, encore là, c'est mon collègue de Montmaagny-L'Islet, est le comté record au point de vue des saisies de bois. Pourquoi ce comté?

M. PELLETIER: M. le Président, si on continue, je pense qu'il y en a un peu dans tous les comtés. On en découvre à chaque minute.

M. LESSARD: Le problème soulevé...

M. GIASSON: M. le Président, il y a des cas qui sont vraiment dramatiques. Dans mon comté exactement, on a saisi du bois à un cultivateur dont le lot, dans sa longueur, 28 arpents, est traversé par une rivière. Au-delà de cela, sa grange-étable et sa résidence sont bâties à l'intérieur de la réserve des trois chaînes. Pensez à cela comme conséquence pour le gars à qui on a concédé des billets de location, des lettres patentes. Ce gars ne le savait vraiment pas; il découvre un matin qu'il ne possède que la moitié de son lot. Vous avez la largeur du lit de la rivière, 198 pieds de chaque côté. C'est un préjudice inacceptable pour un gars qui est établi sur ce lot depuis 1937.

M. LESSARD: Le gars qui a un chalet et à qui on impose de placer son puisard à telle place et son aqueduc à telle autre place, à un moment donné, il a lui aussi des problèmes qui se posent dans ce domaine.

M. GIASSON: Cela cause des problèmes, mais il y a des problèmes qui sont d'un ordre nettement supérieur à d'autres. Face à cette situation, ce citoyen, cet électeur est venu me voir; j'ai vérifié par une carte que le gars ne charriait pas. Il perdait à toutes fins utiles la moitié du lot sur lequel il a payé des taxes par ailleurs, 100 acres de terre, depuis que les billets de location sont là.

Vous allez me dire que c'était à lui de s'occuper de son affaire et de se faire imposer pour la moitié d'un lot au lieu d'un lot. Je suis bien d'accord, mais quand un gars ne le sait pas et qu'après peut-être 25 ou 30 ans, on lui dit: Mon "chum", qu'on lui fait découvrir qu'il existe une loi, qu'il en est propriétaire de seulement de la moitié, que les bâtiments qu'il a aménagés, c'est bien dommage, ce n'est pas chez lui, c'est bâti sur le lot du gouvernement, mettez-vous dans la situation de ce gars. Cela fait drôlement mal.

M. DRUMMOND: Je pense que l'on a dit, dès le commencement, que l'on est tout à fait d'accord qu'il y a un problème. C'est pour cela que l'on dit que, d'ici la fin de l'année, après avoir donné le droit de jouissance, dans l'intérim, on espère que l'on sera en mesure de suggérer quelque chose qui a du bon sens. En ce qui concerne ce problème et toute la question de l'administration ou la gestion des terres publiques, je pense que le député de Montmagny-L'Islet l'a dit aussi, ce n'est pas une question facile à régler.

Il faut regarder le problème sur tous ses aspects et arriver avec des options que le gouvernement peut prendre. On peut parler toute la nuit des cas types. On reconnaît qu'il y a un problème. On cherche des solutions.

M. LESSARD: Donc le ministre a décidé de ne pas appliquer, de façon draconienne, la loi des trois chaînes, de suspendre la décision qu'il avait prise. Or, la question que je pose, c'est que, à plusieurs reprises, le député de Beauce-Sud, a justement posé des questions à l'Assemblée nationale, à savoir si le ministre avait l'intention de suspendre cette décision. La réponse a toujours été non. J'ai soulevé moi-même la même question. Est-ce que le ministre a l'intention de suspendre cette décision? La réponse a été que le ministre des Terres et Forêts avait la responsabilité d'appliquer la Loi des Terres et Forêts et qu'il devait l'appliquer.

En commission parlementaire, actuellement, le ministre nous dit qu'il a l'intention, pour le moment, de suspendre la décision, de suspendre les mesures légales, s'il y a lieu, qui avaient été prises contre des propriétaires riverains concernant la loi des trois chaînes. Vous avez décidé de suspendre, à un moment donné...

M. DRUMMOND: On a décidé de donner le droit de jouissance, en ce qui concerne la réserve des trois chaînes, jusqu'au moment où on pourra prendre une décision qui sera...

M. LESSARD: Uniforme pour tout le monde.

M. DRUMMOND: Non, il n'est pas question d'être uniforme. On a passé une heure à discuter pourquoi cela est arrivé.

M. LESSARD: II y a assez du ministre des

Affaires sociales qui n'applique pas des lois humaines pour des gens. On veut qu'au moins le ministère des Terres et Forêts applique des lois qui touchent les gens et des lois qui sont humaines.

M. DRUMMOND: On essaie toujours d'appliquer n'importe quoi d'une façon uniforme. On a expliqué pourquoi cela est arrivé, qu'il y avait peut-être certains changements ou un excès de zèle dans une région donnée.

M. LESSARD: Je refuse, M. le Président, de parler d'excès de zèle. Je refuse d'entendre cela parce que, je pense, le ministre délaisse alors ses responsabilités. Le ministre nous a parlé de déconcentration de pouvoirs. Je pense que justement M. Côté a agi à l'intérieur du cadre de déconcentration des pouvoirs, mais, cependant, quand on parle de déconcentration, cela prend des directives uniformes pour l'ensemble des responsables régionaux.

M. GIASSON: M. le Président, j'aurais même des réserves au sujet d'une suspension formelle de l'application de la loi des trois chaînes. Il faudrait qu'elle soit complétée sous certaines réserves. Imaginez que demain matin...

M. DRUMMOND: En ce qui concerne...

M. GIASSON: ... M. le ministre, vous suspendiez cela d'une façon absolue. Je connais des gens qui sont dans le commerce des terres à bois. Sachant que la réserve des trois chaînes ne s'applique plus, ils vont en profiter pour couper des bandes et vont faire des déboisements absolus le long des rivières et certains...

M. DRUMMOND: Je ne sais pas si le...

M. GIASSON: Je ne dis pas que ce sont tous les propriétaires, loin de là. Mais ceux qui se font une spécialité de commerce sur les terres à bois, j'en suis certain, vont en profiter pour raser les bordures des rives.

M. DRUMMOND: Je ne sais pas si le député de Montmagny-L'Islet était ici ce matin lorsqu'on a discuté ce problème. On a dit qu'aussi longtemps qu'il n'y a pas d'abus, en ce qui concerne la coupe de bois...

M. ROY: M. le Président, je pense que, sur ce point, je comprends bien le point de vue qu'a soulevé le député de Montmagny-L'Islet. Concernant les coupes à blanc, le long des lacs et des rivières du Québec, c'est un problème qui nous inquiète énormément. Je pense que, si on veut faire quelque chose de ce côté, qui ait réellement une valeur dans la province de Québec, compte tenu du territoire, il faudrait plutôt une loi-cadre sur cette question, parce qu'il y a des cours d'eau dont les terrains ont été concédés avant 1884 et sur lesquels il y a

encore énormément de boisés. Ce sont des cours d'eau importants.

Il y a des régions, des cours d'eau, des lacs, même des bassins qui alimentent différentes municipalités dans la province et, à un moment donné, la coupe à blanc qu'il pourrait y avoir pourrait en quelque sorte endommager l'environnement. Je pense que vouloir appliquer la question de la coupe sélective pour protéger l'environnement uniquement en ce qui regarde la question des lots qui sont concernés par la réserve des trois chaînes, c'est marcher avec une béquille, parce que cela va régler partiellement un problème.

Pourquoi certaines gens, qui ont eu leur lot après le 1er juin 1884, sont-ils soumis à ces règles, alors que d'autres dont le lot a été concédé le 1er février 1884, ne seraient pas concernés dans les lots voisins, sur le même cours d'eau? Il s'agit de l'application de deux poids, deux mesures.

Je pense que de ce côté il va falloir examiner la question, et ça commence à être drôlement urgent, mais en vertu d'une autre loi. Je veux revenir sur la décision du gouvernement qui a décidé d'accorder la jouissance de terrain, par les personnes qui sont impliquées dans la réserve des trois chafnes.

Le ministre a parlé de jouissance, mais je veux vous parler de pleine jouissance.

M. GIASSON: Un homme équilibré.

M. ROY: On est réellement en train de reporter un problème. Je pense que si le gouvernement demandait une opinion à la cour Supérieure, l'opinion d'un tribunal accrédité, mandaté à cette fin, qui a la compétence voulue pour donner une opinion juridique, à partir de cette opinion juridique, qui sera donnée par le tribunal, parce qu'à ce jour ce sont les fonctionnaires du ministère qui ont décidé de se substituer au tribunal...

Je regrette, mais chacun dit que ce n'est pas lui, la loi est appliquée quand même de façon discrétionnaire. Il y a certainement quelqu'un quelque part.

M. GIASSON: II y a eu consultation. Tout à l'heure on nous a dit que les conseillers du ministère de la Justice avaient étudié les...

M. ROY: II y a eu consultation, mais au niveau de la consultation il y a eu des contestations. Il y a eu beaucoup de contestations publiques. Alors qu'on est en train...

M. GIASSON: Des contestations légales.

M. ROY: Des contestations officielles, d'ailleurs j'en ai cité cet après-midi, et je pourrai en citer d'autres demain matin. Des contestations de la part d'experts, de spécialistes de la question.

M. GIASSON: Mais sur le plan juridique, est-ce qu'il y a eu des...

M. ROY: Sur le plan juridique.

M. GIASSON: Est-ce que ça a été contesté, déclaré ultra vires?

M. HOUDE (Abitibi-Est): Est-ce que cette cause a été portée en cour déjà, sur le plan juridique?

M. ROY: Non, mais je pense que vous êtes à la veille d'avoir une contestation devant les tribunaux. A la veille, à la veille.

M. LESSARD: Quand le citoyen est poigné, qu'il est obligé de prendre des procédures, il ne sait pas comment ça va coûter.

M. ROY: D'ailleurs certains citoyens ont fait des recommandations, on pourra revenir là-dessus. Mais il y a les personnes qui sont aux prises avec ce problème; or, le gouvernement suspend le problème, au lieu de l'attaquer de front et de le régler. Il y a tout le problème de ceux qui au cours de l'année vendront leur propriété. Il y a des gens, tous les ans, qui vendent leur propriété. Il y a des successions qui se règlent chaque année, qui doivent faire appel à des ventes de terrains par le shérif ou des personnes mandatées à cette fin.

Quel sera le statut de ceux qui achèteront tel terrain dans l'avenir? Est-ce que celui qui le vend va le vendre avec la réserve des trois chafnes, question d'appliquer ou de faire toutes les prévisions ou les réserves qui s'imposent à ce sujet? Ou encore si ça va devenir la responsabilité de celui qui va racheter le terrain ou la propriété plus tard?

Il va y avoir des centaines et des centaines de cas au cours de l'été. C'est un problème qui n'est pas réglé. On parle de la coupe du bois. Le ministre a dit: Sauf la coupe du bois, parce que nous allons exiger une coupe rationnelle.

Nous avons appris, ce soir, des fonctionnaires que le ministère n'a pas les effectifs voulus pour appliquer cette loi de façon rationnelle dans tout le territoire du Québec et que seulement quelques régions auxquelles on a voulu s'attaquer plus particulièrement vont avoir à subir les effets ou le contrecoup. Cela veut dire que ces personnes seront obligées de payer et, si la loi est amendée, ou s'il y avait un jugement de la cour Supérieure qui viendrait annuler ou contredire l'opinion des conseillers juridiques du gouvernement, est-ce à dire que le gouvernement sera obligé de rembourser ces personnes?

Tout le problème reste posé. Il y a également le problème des droits de coupe que le gouvernement réclame de ceux qui font de la coupe de bois sur la réserve des trois chafnes. J'aimerais qu'on me dise quels sont les droits de coupe

qu'on exige de ces propriétaires riverains, que ce soit un prix par mille pieds cubes, mille pieds de bois mesure de planche, ou que ce soit encore à la corde de bois.

M. DRUMMOND: A ce sujet, on a déjà dit, ce matin, qu'aussi longtemps qu'il n'y a pas une coupe abusive on n'exigerait aucun droit de coupe à ce moment-ci.

M. ROY: Lorsque vous réclamez des droits de coupe...

M. DRUMMOND: Non, on n'en a pas réclamé.

M. ROY: Mais lorsque vous exigez des droits de coupe, il y a quand même eu des cas où des droits de coupe ont été réclamés.

M. DRUMMOND: $2.50, je pense, ou $2 la corde.

Cela dépend si vous parlez d'infraction ou de droit régulier.

Dans le cas des saisies, pour le bois à pâte, ç'ont été trois droits de coupe et pour le bois de sciage, cinq droits de coupe.

M. ROY: Cinq droits de coupe?

M. GIASSON: Le droit de coupe initial est de $2.50 la corde.

M. DRUMMOND: $2.50 la corde et $4... M. GIASSON: Vous dites trois fois.

M. ROY: Cela veut dire que des personnes qui au Québec coupent actuellement du bois sur leur terrain, même de façon rationnelle, parce qu'on a des cas de coupes rationnelles qui ont été faites et pour lesquelles on a exigé trois droits de coupe dans la question du bois de papier... Et au sujet des autres cinq droits de coupe ces gens sont tous sujets à l'application de cette loi et sont tous, autrement dit, non pas pénalisés mais menacés par le ministère des Terres et Forêts de voir arriver un inspecteur s'ils n'ont pas demandé un permis pour un droit de coupe.

M. DRUMMOND: Ils ne sont même plus menacés parce que...

M. ROY: Ils sont saisis.

M. DRUMMOND: II a été dit qu'il n'y aurait aucun droit de coupe d'exigé pour la jouissance sur la réserve des trois chaînes jusqu'à...

M. ROY: J'aimerais que le ministre précise pour terminer.

M. DRUMMOND: Sur ça, je l'ai dit.

M. ROY: Aucun droit de coupe ne sera imposé?

M. DRUMMOND: C'est ça, aussi longtemps que ce n'est pas une coupe à blanc.

M. ROY: Est-ce qu'il faut que les gens demandent un permis?

M. DRUMMOND: Je pense que ça aurait du bon sens d'en parler avec l'administration régionale du ministère des Terres et Forêts avant d'effectuer la coupe.

M. ROY: Est-ce que des instructions ont été données ou seront données incessamment à ce sujet?

M. DRUMMOND: Elles sont données.

M. ROY: Est-ce que l'autorisation sera faite d'accorder des permis pour couper du bois?

M. DRUMMOND : D'une façon officieuse ou d'une façon formelle, c'est ça.

M. ROY: Et si la coupe à blanc s'avère nécessaire dans une forêt qui est rendue à maturité?

M. DRUMMOND: Si c'est ça, on regarde et si c'est nécessaire...

M. GIASSON: Des coupes à blanc le long des rivières?

M. DRUMMOND: Si le bois va tomber en tout cas...

Tout dépend si le type sur son lot entier pratique une coupe rationnelle; même si à certains endroits on est obligé de faire des coupes à blanc, on va considérer ça comme un aménagement rationnel. Mais si le gars prend son lot et le vide en entier, qu'il arrive à la réserve des trois chaînes et veut la vider en entier, on va parler d'un usage abusif.

M. ROY: Mais toutes les personnes qui désirent couper du bois sur leur terrain à l'intérieur de la réserve des trois chaînes devront s'adresser aux inspecteurs du ministère des Terres et Forêts.

M. DRUMMOND: C'est ça.

M. ROY: Est-ce que vous avez le personnel voulu pour répondre à toutes les demandes?

M. DRUMMOND: On ne va pas augmenter tellement les demandes qu'on reçoit ces jours-ci, en ce qui concerne l'application de la réserve des trois chaînes en tout cas; on est pris avec le problème à savoir si oui ou non on le fait de cette façon.

M. ROY: Si une personne qui est habituée de couper du bois chaque année sur son terrain, comme c'est la pratique pour un grand nombre de petits producteurs de bois, n'est pas informée de cette loi, qu'elle procède à la coupe en oubliant de demander un permis au gouvernement, ça veut dire qu'elle est passible d'une saisie.

M. DRUMMOND: Si c'est fait d'une façon non abusive, même s'il n'y a pas eu de demande officielle, il n'y aura pas de saisie. Par prudence, ces gens seront mieux de voir l'administration régionale pour voir si leur coupe est considérée rationnelle. Justement pour pallier ce manque de personnel, ils ne seront pas obligés d'avoir un permis avant de couper.

Le député de Beauce-Sud a posé quand même une certaine question qui m'a intrigué et j'aimerais avoir sa pensée là-dessus. Il a suggéré que le gouvernement — si je l'ai bien compris — procède d'une façon peut-être plus draconienne en ce qui concerne les droits de propriété le long des rivières.

Oui, parce qu'il a fait mention des terres qui étaient vendues avant 1884, qu'on doit considérer ça de la même façon que les terres qui étaient concédées après. Si on dit ça, ce serait la même chose que n'importe quelle autre propriété...

M. ROY: Non, ce que j'ai dit, M. le Président...

M. DRUMMOND: ... privée. Est-ce que le gouvernement doit agir de la même façon, sur les terres privées le long des rivières autour des lacs, que pour les terres publiques?

M. ROY: M. le Président...

M. LESSARD: ... des biens culturels.

M. ROY: ... je voudrais répondre à la question du ministre à ce sujet. J'ai dit tout à l'heure qu'on ne devrait pas — je n'ai pas dit qu'on devrait — appliquer une loi uniquement pour une certaine catégorie de personnes si on vise à protéger la faune et l'environnement.

Il devrait y avoir une loi-cadre édictant que les rives des cours d'eau de la province de Québec seront régies par une même loi qui tienne compte du gros bon sens, de la logique et qui ne s'applique pas uniquement aux petits propriétaires de bois. Mais qu'on n'ait donc pas peur de l'appliquer aussi pour les compagnies papetières! c'est cela. On agit avec énormément de sévérité. Le gouvernement applique la loi de façon — j'emploie mon terme — arbitraire dans des régions où, à un certain moment, on choisit... Arbitrairement, c'est arrivé dans la région de Beauce-Sud dans laquelle on applique une loi et on n'exige même pas des compagnies papetières, qui sont dans des circonstances analogues, l'obligation de satisfaire aux mêmes exigences du gouvernement pour protéger la faune et pour protéger l'environnement.

Il va falloir que le gouvernement et que le ministère soient conséquents. Je comprends que c'est toute la Loi de la protection de l'environnement qui entre en ligne de compte et que le ministre responsable de la qualité de l'environnement a son mot à dire là-dedans.

Mais, si on dit, par exemple, que telle catégorie de personnes, parce qu'elles se sont vu concéder leurs lots après telle date ou entre telle date et telle autre date, seront soumises à toutes les règles alors que d'autres ne le seront pas, par exemple, leurs voisins... C'est cela que j'ai voulu dire au ministre tout à l'heure. Je n'ai pas parlé de l'appliquer de façon draconnienne. J'ai dit qu'il fallait avoir une loi uniforme dans ce domaine.

M. DRUMMOND: C'est-à-dire, selon le député de Beauce-Sud, le zonage, d'une façon absolue, doit comprendre les terres privées aussi bien que les terres publiques.

M. ROY: Les terres publiques aussi bien que les terres privées. J'aime mieux employer ce mot...

M. DRUMMOND: Non. Il y a une différence...

M. ROY: II y a une différence et c'est pour cela que je fais la nuance...

M. DRUMMOND: ... légale en ce qui concerne l'autre.

LE PRESIDENT (M. Heard): Merci, messieurs. Nous ajournons nos travaux jusqu'à demain matin dix heures, même salle.

(Fin de la séance à 22 h 7 )

Référer à la version PDF page B-1604 et B-1605

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