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Commission permanente des richesses naturelles et des
terres et forêts
Etude des crédits du ministère des
Terres et Forêts
Séance du mardi 14 mai 1974
(Dix heures dix minutes)
M. PICARD (président de la commission permanente des richesses
naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!
La commission des richessses naturelles et des terres et forêts
commencera ce matin l'étude des crédits du ministère des
Terres et Forêts. Pour les séances d'aujourd'hui, M. Faucher,
d'Yamaska, remplace M. Massé, d'Arthabaska; M. Roy, de Beauce-Sud,
remplace M. Samson, de Rouyn-Noranda, et M. Caron, de Verdun, remplace M.
Shanks, de Saint-Henri. J'aimerais proposer le nom de M. Malouin comme
rapporteur de la commission. Est-ce que c'est agréé?
J'aimerais faire accepter par les membres de la commission le fait que,
si au cours des discussions, il arrivait que certains hauts fonctionnaires ou
collaborateurs du ministre répondaient en son nom, ce soit
enregistré au journal des Débats au nom du ministre, avec
nécessairement les responsabilités que cela implique. Tout le
monde est d'accord.
Je pense que nous devrions procéder de la façon
habituelle, à savoir que chaque représentant de parti fasse les
remarques préliminaires, et je cède maintenant la parole à
l'honorable ministre, à qui je demanderais de nous présenter les
principaux collaborateurs qui l'accompagnent.
Remarques préliminaires
M. DRUMMOND: A côté de moi, à ma gauche, M. Michel
Duchesneau, sous-ministre des Terres et Forêts; à ma droite, M.
Antonio Gagnon, sous-ministre adjoint à l'administration.
Je commencerai avec quelques mots. J'ai un texte, parce qu'il y a des
chiffres dedans. Si on veut le distribuer aux membres, au lieu de lire tous les
chiffres, on pourra le garder comme base de discussion.
MM. les députés, les quelques considérations que je
crois devoir exprimer, au tout début de l'étude de nos
crédits budgétaires de 1974/75, ont pour objet de fournir aux
membres de cette commission parlementaire une vue d'ensemble de la
programmation financière du ministère, tout en faisant bien
ressortir que l'allocation des ressources humaines et financières entre
nos divers programmes s'est faite en respectant les grandes orientations que
s'est données le ministère ces dernières
années.
Les prévisions budgétaires du ministère des Terres
et Forêts pour 1974/75 totalisent la somme de $61.9 millions, au brut, et
$46.2 millions au net, par rapport à $57 millions et $39.8 millions pour
la période de l'exercice précédent. Elles se
répartissent en trois secteurs, sept programmes et 17
éléments de programme, et cela de la façon suivante, et
ici, je suggère qu'au lieu de lire tout cela, on donne une copie pour le
journal des Débats. (Voir annexe)
LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce agréé? M. ROY: Oui.
M. DRUMMOND: Un examen plus approfondi de ces données
financières révèle qu'il y a, par rapport à
1973/74, un accroissement du budget net de quelque $6.5 millions, qui peut se
subdiviser en deux parties. La première, de l'ordre de $2 millions,
représente une augmentation générale de 6 p.c. à la
catégorie traitements, salaires et allocations, de 3 p.c. aux autres
catégories de la supercatégorie fonctionnement et de $640,000
pour couvrir les frais additionnels de traitements découlant de
l'opération intégration. Quant à la seconde, qui est,
celle-là, de $4.5 millions, il -s'agit là d'argent nouveau que le
ministère a obtenu pour pouvoir accentuer ses efforts dans certains
secteurs où les activités répondent le plus aux grandes
orientations qu'il s'est données.
Parmi les faits saillants du budget 1974/75, il y a lieu de noter, en
particulier, qu'un montant de $10.7 millions est affecté à la
protection de la forêt contre les insectes, ce qui permettra au
ministère d'intensifier la lutte qu'il mène contre la tordeuse
des bourgeons de l'épinette qui menace sérieusement de vastes
agglomérations boisées, dont la perte réduirait
considérablement les sources d'approvisionnement dont l'industrie
forestière du Québec a besoin pour répondre à une
demande sans cesse croissante. A noter aussi que, dans le cadre d'une nouvelle
politique de voirie forestière, un montant de $7 millions a
été prévu pour l'aménagement du réseau
routier forestier. Ladite politique, en vertu de laquelle on procédera
à la construction de voies de communication permanentes favorisant un
usage polyvalent des espaces verts, a ceci de nouveau : les exploitants
forestiers utilisant ces chemins d'accès seront appelés à
contribuer à l'amortissement du coût de construction de ce
réseau ainsi qu'à son entretien.
Les crédits budgétaires prévus pour
l'élément 4 du programme 4: Aide à la production
forestière privée, ont été considérablement
augmentés à 87.6 p.c, de telle sorte que le ministère soit
en mesure de répondre aux impératifs qui se posent de ce
côté-là dont, en particulier, la création d'un
crédit forestier grâce auquel les propriétaires de terrains
privés pourront contracter des emprunts à faible taux pour
l'exécution de travaux sylvicoles dans leur boisé.
Je pourrais pousser plus loin cette analyse globale des
prévisions budgétaires du ministère, mais j'ai
l'impression qu'en agissant de la sorte j'abuserais de la situation, puisque
l'étude des crédits prévus aux programmes et
éléments de programme me permettra de revenir plus en
détail sur les différentes activités du ministère
et de vous fournir, avec l'aide de mes collaborateurs, de plus amples
précisions sur les ressources humaines et financières
affectées à chacune d'elles.
Je peux peut-être ajouter qu'en ce qui concerne la
législation pertinente, la politique forestière, on a
déjà déposé deux projets de loi et les autres
projets de loi sont actuellement à l'étude au comité de
législation et ils seraient déposés dans les semaines
à venir.
Comme je l'avais signalé, ici, une de ces lois tiendrait compte
de l'installation ou l'inauguration d'un crédit forestier, une autre des
réserves écologiques et une troisième serait une refonte
complète de la Loi des terres et forêts.
De plus, dans un autre ordre d'idées, avant qu'un autre ne
commence une discussion sur cela, je peux parler, très brièvement
pour commencer, de la réserve des trois chaînes, Evidemment, c'est
un sujet qui est assez compliqué. C'est une loi qui date du
siècle dernier. Il y a certaines dates qui sont fondamentales, si on
veut faire une analyse de la situation. Il y a eu un amendement ou un
changement de la loi en 1918 qui disait que c'était vraiment un droit,
une pleine propriété de l'Etat et pas seulement une servitude.
Ensuite, il y a une autre date dont fait toujours mention l'ombudsman lorsqu'il
regarde les cas, 1937, où le gouvernement, pour la première fois,
dans ses ventes, a fait remarquer l'existence de la réserve des trois
chaînes sur l'acte de vente. Il y a aussi évidemment la question
que, dans plusieurs endroits, les gens ne sont pas au courant si oui ou non la
réserve s'applique dans leur cas. Il nous faut donc, pour arriver
à une solution définitive, une étude en profondeur de tous
les éléments et essayer de les mettre aussi période par
période afin d'être en mesure d'arriver à des
recommandations qui ont du bon sens. Il serait, je pense,
prématuré pour moi, à ce moment-ci, de suggérer des
amendements à la loi sans avoir tous les détails
nécessaires.
Par contre, j'ai reçu beaucoup de demandes de conseils de
comté et des députés en ce qui concerne cette
question.
Lorsque l'on regarde le problème, on pense que cela va nous
prendre jusqu'à la fin de l'année pour arriver à des
solutions qui pourraient être permanentes en ce qui concerne la
réserve des trois chafnes.
En même temps, je pense que tout le monde est d'accord avec moi
qu'il ne serait pas tellement utile de regarder seulement la réserve des
trois chaînes dans le vide, parce que, lorsque l'on regarde ce
problème, cela fait partie évidemment de toute la gestion des
terres publiques. A l'intérieur du ministère, nous avons
commencé une étude concernant la gestion des terres publiques et
cette question de la réserve des trois chafnes va évidemment
faire partie de cette étude.
Dans l'intérim, parce qu'il y a beaucoup de demandes
d'information, beaucoup de pressions, etc., je vais suggérer que l'on
donne un droit de jouissance, en ce qui concerne la réserve des trois
chaînes, pour nous permettre d'arriver avec quelque chose de
définitif avant la fin de l'année.
En faisant cela, il faudrait avoir des mécanismes pour
défendre ou arrêter des coupes qui pourraient être
considérées comme abusives parce que cela n'a pas de bon sens non
plus de permettre des coupes à blanc. Ce que l'on va donc
suggérer, c'est qu'un agriculteur, un cultivateur, s'il a des questions
à poser, se présente à l'administration régionale
des Terres et Forêts pour discuter son plan d'aménagement en ce
qui concerne son boisé. Ce ne serait pas un programme formel de notre
part, mais seulement pour arrêter des coupes abusives.
Ce sont mes commentaires, pour le commencement, sur cette
réserve.
LE PRESIDENT (M. Picard): Merci, M. le ministre. Avant de
procéder plus loin, j'aimerais attirer l'attention des membres de la
commission sur le tableau que le ministre nous a fait parvenir tout à
l'heure. Vous avez consenti à le reproduire au journal des
Débats. Est-ce que l'on pourrait ajouter, au journal des Débats,
que les chiffres de ce tableau sont en milliers de dollars, parce que la
façon dont c'est inscrit ici, porte à confusion. Tout le monde
est d'accord là-dessus?
Le représentant de l'Opposition officielle, le
député de Saguenay.
M. DRUMMOND: Si je peux...
M. ROY: M. le Président, j'aurais une question, parce que le
ministre a ouvert la porte sur la question de la réserve des trois
chafnes.
M. DRUMMOND: II n'a jamais été question de fermer la
porte.
M. ROY: Je pense bien que je ne surprends pas le ministre, ce matin, en
disant que j'avais bien l'intention de souligner ce problème, d'en
discuter aujourd'hui. J'aurais des questions à poser là-dessus.
Vous m'accorderez le privilège immédiatement après les
commentaires du député de Saguenay.
M. DRUMMOND: Si on peut arriver à une entente ensemble sur la
procédure à suivre, ce que l'on a fait dans le passé
était vraiment de donner toute la latitude nécessaire en ce qui
concerne la discussion sur les affaires générales du
ministère. Ensuite, cela irait plus vite en ce qui concerne les
programmes eux-mêmes. Je pense que c'est plus intéressant.
M. BURNS: Cela libère les programmes eux-mêmes.
M. DRUMMOND: C'est cela. Je voudrais que ce soit comme cela. Je suis
d'accord.
M. ROY: Je suis bien d'accord là-dessus. J'y reviendrai tout
à l'heure.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Saguenay.
M. MALOUIN: M. le Président, je pense que l'on pourrait
peut-être dire en millions de dollars plutôt qu'en milliers. C'est
en millions.
LE PRESIDENT (M. Picard): II y a un point.
M. MALOUIN: La virgule représente le million.
LE PRESIDENT (M. Picard): Je pense que c'est le point qui
représente le million.
UNE VOIX: On ajoute des mille.
M. MALOUIN: II faudrait s'entendre. Est-ce que c'est la virgule ou le
point? En milliers. D'accord.
Le président a toujours raison.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, le ministre, ce matin, a choisi,
lorsqu'il a fait son exposé général, de nous parler de ses
crédits, programme par programme. Nous aurons l'occasion de discuter de
ces crédits, mais j'aurais voulu que le ministre nous dise où en
est rendu son programme de réforme globale au ministère des
Terres et Forêts.
Après plus de deux ans de dépôt, du moment où
il y a eu le dépôt du livre blanc des Terres et Forêts, nous
avons eu trois budgets et nous constatons encore, malheureusement, que les
idées prônées par le ministre dans son livre blanc sont
encore dans les grandes politiques générales restées
lettre morte.
Je n'ai pas besoin de vous dire, M. le Président, combien
d'espoirs avaient été soulevés au niveau de tous les
citoyens du Québec, sinon au niveau des compagnies forestières,
lorsque le ministre avait proposé son livre blanc et que, dans ce livre
blanc, il proposait une grande réforme des politiques
forestières.
Nous savions, en effet, qu'il y avait eu un premier livre blanc en 1965,
livre blanc qui avait apporté un certain nombre de réformes, en
particulier en ce qui concerne la forêt domaniale, mais qui n'avait pas
apporté des réformes générales et complètes
qui étaient nécessaires pour régler le problème
forestier.
M. le Président, si, pour moi, en tout cas et pour nous, du Parti
québécois, des espoirs avaient été soulevés,
à ce moment-là, c'est parce que nous considérons que la
forêt constitue certainement l'une des ressources renouvelables les plus
importantes du Québec, mais qu'il s'agit de développer.
Il faut dire aussi, M. le Président, que demeurant dans un
comté où l'industrie forestière est assez importante, j'ai
eu l'occasion de constater moi-même les faiblesses d'une administration
forestière qui laissait à peu près tout le contrôle
aux compagnies forestières. J'ai eu l'occasion de constater, par
exemple, combien de compagnies forestières ont vidé, chez nous,
le territoire sans se préoccuper de sylviculture, sans se
préoccuper de la conservation de cette ressource et, malgré le
fait que nous disons que c'est une ressource renouvelable, nous constatons,
même actuellement, que certaines compagnies ne sont pas capables de se
trouver d'alimentation, ne sont pas capables de se trouver ces ressources
nécessaires à leur exploitation.
Je n'ai pas besoin de vous citer les villages fantômes qui ont
été créés par des compagnies forestières
dans mon comté, que ce soit Clarke City, Rivière-Pentecôte,
Baie-Trinité, Godbout, Franklin, que ce soit Rivière-Portneuf
où la Consol ira prochainement, ou encore les Escoumins. Autant de
places, je parle strictement pour mon comté, où des compagnies
forestières ont pillé complètement les ressources et le
gouvernement n'a absolument rien fait. Aujourd'hui, M. le Président, ce
sont des villages fantômes qui vivent en grande majorité
d'assurance-chômage et d'assistance sociale.
Nous espérons, en tout cas, par la réforme que proposait
le ministère des Terres et Forêts, que cette situation allait
être corrigée. Malheureusement, ce matin, le ministre nous en dit
très peu. Il semble même que toute cette réforme semble
avoir été oubliée au ministère des Terres et
Forêts. Par quoi se justifiait cette réforme?
Je voudrais rappeler un peu, ce matin, quelques affirmations du tome II
du livre blanc du ministère des Terres et Forêts. En particulier,
aux pages 53 et 54. "Les modes actuels de distribution de la matière
ligneuse, y lit-on, ne favorisent pas la pleine utilisation des forêts et
ne permettent pas non plus de répartir la production forestière
de façon optimale entre les différents usagers."
Donc, l'un des principaux problèmes que rencontrait le
ministère des Terres et Forêts dans justement la planification de
ces ressources, c'était la mauvaise distribution de la matière
ligneuse.
Lorsque le ministre nous a fait un exposé au moment de la
première séance de la commission parlementaire des Richesses
naturelles qui siégeait sur l'étude du livre blanc, il nous
parlait encore, justement, de la nécessité de modifier des
concessions forestières, en particulier à la page 12 où on
lit ceci: II y a aussi le fait que les concessions forestières jettent
des volumes im-
portants de matière ligneuse qui pourraient être
utilisés par d'autres entreprises ou exploitants. A la page 17, le
ministre allait même jusqu'à affirmer ceci: "Nous savons de plus
que l'utilisation actuelle de ces concessions ne correspond qu'à 65 p.c.
de leur possibilité."
Nous pensons à des compagnies comme CIP qui contrôle 25,000
milles carrés de territoire. Suite à cette réforme, la
première chose que le ministre a faite, a été de
céder à une compagnie, qui s'appelle Rayonier Québec,
52,000 milles carrés de territoire.
Nous sommes donc en droit de nous demander où en est rendue cette
réforme qui, pour le ministre, était à ce moment une
réforme globale. Il ne s'agissait pas, M. le Président, de
proposer certaines réformettes, comme il le fait et comme il l'a fait
lorsque l'on a modifié, par exemple, la loi sur REXFOR qui a
été la seule loi que le ministre nous a présentée
depuis deux ans concernant cette réforme forestière. Il
s'agissait, pour le ministre, d'une réforme globale. En effet, à
la page 10 de son exposé préliminaire, lors des séances de
la commission parlementaire, on y lisait encore: Aujourd'hui, nous
considérons que le temps est venu de procéder à une
réforme globale et de se doter d'instruments souples qui nous
permettront de planifier et de mieux organiser le secteur en fonction d'un
développement harmonieux de la ressource.
M. le Président, l'une des réformes fondamentales, qui
étaient la base même de la réforme globale de
l'administration forestière, était l'abolition des concessions
forestières. En effet, il y avait deux principes sur lesquels se basait
le ministre à partir de son livre blanc, deux principes qui nous
apparaissaient très importants: Premièrement, les forêts
publiques du Québec étant la responsabilité de son
gouvernement disait-il à la page 14 toujours de son discours
préliminaire ces forêts étant désormais
soumises à une grande concurrence et face à la
nécessité d'organiser ce territoire au profit de l'ensemble des
utilisateurs, le gouvernement doit se doter d'instruments flexibles lui
permettant d'éliminer le morcellement que représente aujourd'hui
la carte forestière du Québec et de satisfaire tous les
besoins.
Aujourd'hui, M. le Président, si nous regardons encore la carte
forestière du Québec, nous constatons, en 1974, qu'elle
correspond à peu près encore exactement à ce qu'elle
était en 1970.
Le deuxième principe sur lequel se basait le ministre dans sa
réforme forestière était, disait-il: L'allocation du bois
doit se faire en fonction des besoins réels des utilisateurs. De plus,
pour réaliser des économies au niveau de l'exploitation des
forêts, le gouvernement doit voir à ce que toute la matière
ligneuse exploitée soit utilisée pour une transformation
optimale. A partir de ces principes, plusieurs décisions ont
été prises et seront mises en application le plus rapidement
possible.
L'abolition des concessions forestières. Nous avons pu constater,
M. le Président, que, sur ce point, le ministre avait quelque peu
reculé lorsqu'il parlait d'une abolition sur une période de dix
ans, mais encore aujourd'hui, nous nous demandons si le ministre s'est
engagé dans cette réforme et quel est le calendrier que le
ministre a fixé, afin que les compagnies forestières puissent
savoir exactement ce qui se passera d'ici cette période.
En effet, M. le Président, pour le ministre, l'abolition des
concessions était un instrument clé pour la réalisation de
la nouvelle politique qui consistait, disait-il, surtout à modifier en
profondeur les mécanismes traditionnels de gestion et d'allocation de la
matière ligneuse.
Je n'ai pas besoin de vous cacher que sur ce point en particulier nous
avons, non seulement au moment des discussions en commission parlementaire,
mais aussi par la suite, appuyé constamment le ministre, non pas que
cela nous satisfait complètement, non pas que nous fussions
complètement heureux des modalités d'application de cette
réforme, mais au moins c'était un pas et c'en était un
considérable.
Nous espérions justement que le ministre allait, cette fois,
contrairement à d'autres ministres, appliquer cette réforme. En
conclusion, suite à la tenue d'auditions publiques des 20, 22, 23 et 24
juin et 31 août 1972, j'affirmais ceci: Concernant les concessions
forestières, notre position est claire.
Pourquoi attendre puisque, de toute façon, une bonne partie de la
solution réside, inévitablement, dans la redistribution des aires
de coupe? Pourquoi surtout laisser pourrir une situation en appliquant de
façon progressive et, en quelque sorte, à moitié, une
réforme devenue urgente? On ne nous a apporté aucune raison
sérieuse. Aussi, nous maintenons qu'il faut prévoir un jour
prochain, avant 1975, où toutes les concessions seront abolies et
où serait instaurée une nouvelle carte des territoires
forestiers. Cette inconsistance du livre blanc devait d'ailleurs faire l'objet
de la première recommandation de l'Union catholique des cultivateurs.
Cette recommandation était celle-ci: Que le ministère des Terres
et Forêts révise la période prévue de dix ans pour
la reprise des concessions, puisque nous craignons qu'une période aussi
longue constitue un facteur de paralysie pour la mise en place d'une politique
forestière valable. M. Allain enchaînait, par la suite, en disant:
"Comment le gouvernement du Québec va-t-il pouvoir concilier une
planification véritable des forêts de la province tout en laissant
dans le tableau des concessionnaires en bonne et due forme qui, eux,
continueront de jouir des privilèges du passé, continueront
d'appliquer les méthodes du passé? "
M. le Président, nous le savons, cette réforme est fort
importante, l'abolition des concessions forestières, c'est
l'élément clef pour l'application de cette réforme. Nous
disons, ce matin, à mon sens, que rien n'a été fait ou
presque
depuis l'automne 1971, date de la mise au point du livre blanc. Le tome
II a été publié en mars 1972.
Nous sommes encore assurés, par le dernier budget, qu'il ne se
fera rien au cours de la prochaine année, en ce qui concerne les
recommandations majeures du rapport, ni dans les concessions, ni dans la
forêt privée, quoique, tout à l'heure, je pourrais parler
des mesures qu'entend proposer le ministre concernant le crédit
forestier.
Encore dans son discours inaugural, le ministre nous disait, lorsqu'il
proposait sa réforme, qu'il n'était, en fait, pas soumis aux
compagnies forestières. La seule chose que je pourrais dire concernant
cette réforme, c'est qu'il y a eu, lors d'une séance de la
commission parlementaire, un léger sursaut du ministre lorsque les
compagnies forestières l'ont attaqué très durement. Le
ministre a réagi et, à ce moment-là, on croyait que le
ministre était vraiment sincère. Nous nous posons, aujourd'hui,
des questions.
Certains disaient que le ministre, dans son discours inaugural,
prétendait que les grosses compagnies, comme on le dit, forçaient
la main du gouvernement. J'appelle cela faire de l'électoralisme. Il est
trop facile de lancer des paroles en l'air qui peuvent avoir un fond de
vérité. Le ministre l'admettait, mais que les adversaires
politiques négligent d'expliquer à la population...
Rappelons-nous, qu'en 1972, eh bien, cela allait assez mal dans l'industrie des
pâtes et papiers. En 1972, les entreprises de pâtes et papiers ont
soumis, en passant par-dessus la tête du ministre, un mémoire au
premier ministre demandant près de $25 millions de subventions.
En 1972, les compagnies forestières étaient prêtes
à accepter une certaine réforme, parce que, justement, un certain
nombre de compagnies était en déficit, mais si nous regardons
aujourd'hui le taux d'utilisation des compagnies de l'industrie des pâtes
et papiers, nous constatons une amélioration sensible. Nous constatons
des profits importants. Là, les compagnies ne viennent plus se plaindre
au ministre. Laissez-nous tranquilles, on est capable de s'administrer
nous-mêmes. Laissez-nous tranquilles, on est capable de faire des
profits.
Nous nous demandons sérieusement si, suite justement à
cette euphorie qui s'est créée par la suite dans l'industrie
papetière, l'industrie forestière, le ministre n'a pas
délaissé, à un moment donné, tous ses espoirs de
modifier un peu l'utilisation des forêts.
Nous disons que le ministère des Terres et Forêts, comme
les autres ministères, fait encore depuis quelque temps de
l'administration à la pièce, à l'image de ce gouvernement.
Je compare le ministre des Terres et Forêts au ministre de
l'Agriculture.
Le ministre des Terres et Forêts fait des revendications, mais le
ministre des Terres et Forêts n'a rien et il est bien content. M. le
Président, je le dis et je regrette, ce matin, de dire ces choses, mais
puisque j'ai tellement appuyé le ministre dans sa réforme, je
pense et je le lui ai dit à ce moment-là que, s'il
n'est pas capable d'appliquer sa réforme, s'il n'est pas capable de
faire valoir auprès du cabinet la nécessité de faire ces
réformes, le ministre devra se présenter devant la population et
lui dire qu'en vertu d'autres priorités qui sont établies au
niveau du cabinet, il n'est pas capable de faire sa réforme.
En effet, nous constatons, M. le Président, comme c'est le cas
pour l'Agriculture, que c'est le ministre des Finances qui a le contrôle
à peu près sur tous les ministères actuellement. C'est le
ministre Garneau, M. le Président, qui contrôle le
ministère des Terres et Forêts, comme il contrôle le
ministère de l'Agriculture. En effet, pendant que le ministre parlait de
réforme, pendant qu'il parlait de l'abolition des concessions
forestières, que disait le ministre des Finances? Le 16 mars 1972, le
ministre des Finances du Québec, M. Raymond Garneau, affirme qu'il est
d'accord, en principe, sur l'abolition des concessions forestières, tel
que projeté par le ministre Drummond des Terres et Forêts.
Toutefois, si on s'embarque dans un tel projet, il faudra retarder d'autres
projets, devait-il faire remarquer. M. le Président, je pense que nous
ne pouvons pas espérer, actuellement et j'aurais aimé que
le ministre nous fasse un bilan de ses réalisations dans ce domaine
que la réforme proposée par le ministre actuel des Terres
et Forêts puisse être mise en application de sitôt. Pendant
ce temps, les compagnies continuent d'être les rois et maîtres sur
le territoire du Québec.
Pour appliquer cette réforme, par exemple, le ministre proposait
un certain nombre de choses: un seul organisme de contrôle de tous les
bois mis sur le marché. En effet, si, que ce soit au niveau des
forêts privées, que ce soit au niveau des forêts publiques,
nous avons l'intention d'avoir une utilisation maximale des ressources, il faut
avoir un certain contrôle sur le marché. Or, actuellement, aucun
organisme n'a le contrôle sur le marché. Si, par exemple, le
ministre a l'intention, par son crédit forestier, de faire en sorte que
nous puissions développer plus l'utilisation des boisés
privés à 30 milles des régions habitées, il va
falloir, justement, que le ministre ait un contrôle sur la mise en
marché. Or, ce contrôle, M. le Président, si on l'a au
niveau des producteurs privés, il n'existe pas actuellement au niveau
des grands producteurs.
Où en sommes-nous rendus concernant les plans de distribution du
bois établis pour chaque usine, tel que proposé par le livre
blanc?
Où en sommes-nous rendus concernant la Régie des produits
forestiers du Québec? Le ministre va me dire que c'est la Régie
des marchés agricoles du Québec qui a cette
responsabilité. Le ministre nous disait que quelques lois ont
été proposées. Nous avons eu la loi de REXFOR. Encore
là, M. le Président, le seul
amendement que nous avons eu à la loi de REXFOR, c'est pour,
peut-être, empêcher les erreurs énormes et même
frauduleuses, je dirais, que nous avons vécues concernant Rayonier
Québec. REXFOR, par suite de cette modification, peut s'associer
à des compagnies comme Rayonier Québec. Actuellement, REXFOR a
réussi à le faire dans deux petites entreprises, mais entreprises
importantes au niveau de ces régions, soit pour Sacré-Coeur, soit
pour Tembec. Le ministre se glorifie, à chaque fois que nous lui parlons
de réforme forestière, de ces deux cas. M. le Président,
la réforme forestière, c'est beaucoup plus que cela. La
réforme forestière, comme le disait le ministre, c'est une
réforme globale. Il faudrait que le ministre se décide: Ou bien,
cette réforme est partielle, ou bien elle est globale.
Actuellement, le ministre nous parle, en ce qui concerne les concessions
forestières, d'une redistribution régionale, un peu comme si on
parlait de refaire la carte électorale, région par région.
Nous l'avons dit: L'abolition des concessions forestières doit se faire
à un jour déterminé, sinon on aboutira à une courte
série de transferts des concessions sans importance, comme c'est le cas
actuellement.
Je pense bien que le ministre va affronter à ce moment les
grandes compagnies internationales telles que la CIP, qui n'est pas
intéressée à donner à d'autres les concessions
forestières qui sont actuellement sous-exploitées.
Le crédit forestier est une mesure qui s'inscrit dans des mesures
globales. C'est une mesure, en fait, qui est nécessaire, d'accord, mais
qui est secondaire. Je dis, M. le Président, que les petites lois que
nous propose le ministre actuellement, c'est simplement pour nous faire oublier
qu'on a définitivement mis sur les tablettes le livre vert sur la
réforme de la politique forestière. C'est inutile d'avoir une
politique forestière à la pièce. Non seulement une mesure
secondaire pour le crédit forestier, mais encore faut-il se rendre
compte que le crédit forestier, si on se fie actuellement aux
crédits du ministère, ne s'appliquera à peu près
pas. Il faudrait bien dire que le développement des forêts rurales
implique nécessairement une révision fondamentale des
règles d'exploitation des forêts privées, et je veux dire,
une révision fondamentale des règles d'exploitation du domaine
public, en particulier des concessions.
A l'heure actuelle, l'exploitation des forêts privées est
faite de façon résiduaire par rapport à l'exploitation que
font les compagnies pape-tières sur leurs concessions. Il faut
intégrer les activités de coupe sur les deux domaines,
privé et public. Le meilleur moyen, ce sont les forêts domaniales.
Le lobbying des grandes compagnies a eu raison du ministre. D'abord, à
la suite du fait qu'il ne contrôle plus son ministère. Ensuite,
à la suite du fait que le ministre a reculé en ce qui concerne
l'abolition des concessions forestières. Le ministre n'a pas su encore
déterminer un calendrier à suivre.
Pendant ce temps, le premier ministre se promène à New
York pour susciter de nouveaux investissements étrangers dans le secteur
des pâtes et papiers. Pourtant, les Québécois ont tout ce
qu'il faut pour percer dans ce domaine, que ce soit pour Donohue ou autre
chose. Une autre déclaration qui m'apparaît absolument
inexplicable, quand je la compare aux agissements du ministre, c'est la
déclaration qu'il faisait l'autre jour, concernant le problème
des petites scieries, et qu'il a reprise deux fois. Le ministre
s'inquiète de la disparition des petites scieries au profit des grandes
compagnies forestières. Cela scandalise le ministre, la disparition des
petites scieries au profit des grandes compagnies forestières. Que fait
le ministre pour empêcher que cela se produise? Rien. Le ministre m'a
répondu l'autre jour, en Chambre, qu'il ne peut pas intervenir dans une
trasaction privée, qu'il ne peut pas intervenir auprès, comme
dans le cas de l'usine de Bobois, des administrateurs qui possédaient
l'usine pour les empêcher de la vendre â la compagnie Consolidated
Bathurst. Le ministre sait-il pourtant qu'en 1973, cette compagnie avait
reçu $800,000 de subventions? Non, on leur donne des subventions et on
ne peut pas intervenir. C'est de la libre entreprise. Le ministre sait-il aussi
que l'une des conditions de vente, c'était que la compagnie Consolidated
Bathurst ait justement la concession forestière en question?
Le ministre sait-il qu'il est gestionnaire et administrateur du domaine
public, du domaine des terres et forêts? Le ministre a un instrument clef
pour pouvoir agir dans ce domaine. Non, le ministre ne veut pas intervenir dans
une transaction privée, transaction privée qui a pourtant
coûté cher aux Québécois, où on a pourtant
accordé une subention de $800,000. Non, on leur donne tout;
après, ces gens ont les mains libres. Je pense qu'il va falloir que le
ministre se réveille un peu. Il va falloir justement que le ministre
arrête de se promener, comme c'est le cas du ministre de l'Agriculture,
en réclamant certaines choses. Par la suite, il ne prend pas les moyens
pour le faire.
Je voudrais aussi en terminant parler un peu du problème des
travailleurs forestiers. On affirme depuis quelque temps qu'il y a une
pénurie de travailleurs forestiers au Québec. C'est vrai. Mais le
ministre a-t-il eu l'occasion d'aller visiter certains camps de compagnies
forestières?
J'en ai visité un certain nombre depuis quelque temps. Le
ministre a-t-il eu l'occasion de voir quels sont les services de loisirs qui
sont organisés pour ces gens? Le ministre a-t-il eu l'occasion de
vérifier quels sont les services d'hygiène oui les conditions de
vie de ces gens? Le ministre a-t-il eu l'occasion de constater quels
étaient les salaires on parle de gros salaires pour un certain
nombre de travailleurs forestiers qui étaient gagnés par
ces gens? Il y a eu justement une étude sur la pénurie des
travailleurs forestiers au Québec, qui a été faite
par le Conseil de la main-d'oeuvre de la forêt en octobre
1973.
Il y avait un certain nombre de conclusions ou de recommandations dans
cette étude. Où en sommes-nous rendus en ce qui concerne,
justement, ces recommandations? Très peu de chose a été
fait. Dernièrement, le Syndicat des travailleurs forestiers du
Québec, réuni dans la ville de Québec, disait que, si on
avait appliqué 75 p.c. de ces mesures recommandées, probablement
que la pénurie des travailleurs forestiers serait en grande partie
réglée.
M. le Président, après avoir visité ces camps
forestiers, j'ai pu constater les raisons pour lesquelles ces gens
n'étaient plus intéressés à faire ce travail. Quand
on pense qu'il n'y avait même aucun service de loisir pour 400
travailleurs dans un camp forestier, aucun système de
télévision, aucun téléphone ! H n'y avait aucun
service d'urgence en cas d'accident dans ce camp, même pas un infirmier.
Je pense bien que, si on n'applique pas de mesure afin que ces gens aient un
salaire garanti, afin que ces gens aient des conditions de vie
satisfaisantes... Ils ne vivent pas, ces gens, ce n'est pas pour vivre comme
des porcs. Ces gens ont besoin de conditions de travail.
Dans un camp, en particulier, le syndicat a exigé que le
ministère des Affaires sociales envoie des inspecteurs. Non seulement on
n'envoie pas d'inspecteurs mais, bien souvent, quand on envoie des inspecteurs,
on avertit l'entrepreneur patroneux du Parti libéral avant de les
envoyer.
M. ROY: M. le Président, je suis d'accord avec le
député.
M. LESSARD: M. le Président, si c'était parlementaire, je
dirais que, dans certains camps forestiers, ce sont des soues à cochons.
Il faudrait qu'on arrête de dire que ces gens sont des paresseux. On a
fait un colloque chez nous, dans notre région, sur la pénurie de
travailleurs forestiers. Quelques ingénieurs de compagnie et
représentants d'une compagnie se sont réunis pour étudier
pourquoi il n'y avait pas de travailleurs forestiers en forêt. Il y a une
chose qui manquait, par exemple. Il y a des gens qui n'étaient pas
là et qui auraient dû être là. C'étaient les
travailleurs forestiers eux-mêmes qui n'étaient pas là.
Comment voulez-vous justement que ces gens puissent faire valoir leurs
revendications?
M. le Président, on passe notre temps à taper dessus, on
passe notre temps à les critiquer, on passe notre temps à leur
créer des problèmes d'assurance-chômage. On ne s'occupe pas
de créer des conditions de travail satisfaisantes. Je voudrais en
particulier lire un certain nombre de recommandations de ces études sur
la pénurie de travailleurs forestiers au Québec du Conseil de la
main-d'oeuvre de la forêt, en octobre 1973, en particulier concernant les
conditions de travail. Cela se base sur une enquête qui a
été faite sur une grande majorité de travailleurs
forestiers: conditions de travail compensées pour les
inconvénients auxquels sont exposés les travailleurs à la
pièce à cause des conditions atmosphériques et du bris de
l'équipement; s'assurer qu'il y a, sur les lieux de travail, un abri
facilement accessible; prévoir une compensation normalisée pour
les pertes de production que doit encourir le travailleur à la
pièce.
M. le Président, on sait que ces gens sont payés quand ils
travaillent. S'il pleut trois jours pendant la semaine, ils vont être
payés seulement pour les deux jours qu'ils ont travaillé. J'ai
des cas bien précis, des gens qui sont venus me voir, qui travaillaient
pour une certaine compagnie de ma région. Les gens sont venus me voir
pour me montrer leur salaire. Il m'a fallu reconnaître devant ces gens
qu'ils étaient bien mieux de rester chez eux et d'aller retirer
l'assistance sociale. Ce n'est pas comme cela qu'on va créer des
conditions d'emploi.
Ce n'est pas comme cela qu'on va intéresser les jeunes à
entrer dans ce métier qui est un métier qui doit être
reconnu comme valable.
Assurer un service efficace de réparation et d'entretien de scies
à chaîne à prix raisonnable. Encore là, M. le
Président, il y a des gens qui travaillent pour des travailleurs
forestiers qui sont établis dans le nord, assez loin, qui sortent
à un certain moment et qui doivent plus de frais de réparations
que le salaire qui leur est accordé à la fin de leur saison.
Article 22. Contrer les accusations de favoritisme dans l'allocation des
secteurs de coupe en élaborant des normes d'assignation des secteurs.
Favoriser tout programme qui viserait à atténuer les
problèmes causés par l'éloignement du travailleur
forestier de son lieu de résidence. Propreté dans les camps.
Organisation de loisirs. Service d'urgence pour la santé. Obvier au
problème de l'éloignement en favorisant l'aménagement de
sites de camping familial à proximité des camps forestiers.
Adapter les conditions de vie du camp en tenant compte des recommandations
relatives à la vie dans les camps je ne le lirai pas que
l'on trouve dans le texte intitulé: Conditions de vie en forêt,
extrait du rapport du comité d'étude et de la main-d'oeuvre.
Prévoir dans les campements, surtout ceux qui sont les plus
éloignés des centres, la possibilité de vie
personnelle.
M. le Président, dans ce camp forestier de 400 personnes, si vous
aviez vu la salle commune qui était censément
aménagée. Quand je les ai rencontrés, nous étions
obligés de nous rencontrer par groupes de dix parce qu'il n'y avait pas
de place pour les autres.
Prévoir et maintenir en état de service le matériel
récréatif susceptible d'intéresser les résidants
des camps. Encourager les chefs de file à promouvoir de telles
activités.
Les compagnies nous répondent: Oui, mais ces camps forestiers
sont temporaires. C'est
faux. Le camp que j'ai particulièrement visité, cela
faisait huit ans qu'il était installé au même endroit.
Or, Hydro-Québec prévoit pour ces travailleurs un certain
nombre de loisirs. J'ai dit aux gens: D'accord, lors des négociations,
vous devriez exiger ce service de loisirs, mais je pense que le gouvernement
lui-même, d'abord, au point de vue des services de santé devrait
prévoir justement un minimum de services de santé. Vous allez me
dire: II en prévoit. Est-ce qu'on visite ces camps pour vérifier
justement si ces services de santé sont accordés?
M. le Président, j'ai l'intention de continuer mon travail dans
ce domaine. Je dois dire que les services de santé qui étaient
accordés et reconnus dans ce camp faisaient pitié.
Nous aurons l'occasion d'en discuter, mais je pense qu'on devrait
arrêter de dire qu'il y a une pénurie de travailleurs forestiers.
Je pense qu'il n'y a pas actuellement une pénurie de travailleurs
forestiers, mais je crois que le problème fondamental est d'abord les
conditions de vie de ces gens. A 45 ans, ce sont des gens finis, la plupart du
temps, et incapables de se faire un petit salaire satisfaisant.
La compagnie Rayonier, actuellement, malgré tout ce que je peux
avoir contre elle, ne connaît pas de pénurie de travailleurs
forestiers parce qu'elle a des conditions de vie dans ses camps qui sont
satisfaisantes, en tout cas, qui sont passables, mais si vous allez à
l'Anglo Canadian Pulp and Paper, par exemple, à Forestville, vous allez
constater qu'il y a une pénurie de travailleurs forestiers et allez
visiter aussi les camps, vous allez voir, à un certain moment, quelles
sont leurs conditions de vie.
Il y a quatre ouvriers, dernièrement, qui ont soulevé le
problème global, qui ont quitté leur emploi à la compagnie
en exposant à la population ce que c'était que de vivre dans ces
camps.
M. le Président, ce sont autant de problèmes que nous
aurons l'occasion de discuter programme par programme et je pense que le
ministre a un travail à faire pour remonter la côte. Je pense que
si le ministre veut encore avoir notre appui, nous sommes prêts à
le lui accorder, mais pour autant, cependant, qu'il nous prouvera qu'il fait
son travail, pour autant qu'il nous prouvera qu'il est prêt à
appliquer sa réforme, tel que nous le proposions encore dans une
déclaration que je faisais en commission parlementaire.
Il nous faut, disais-je, insister sur la nécessité de
passer rapidement à l'action, sur la nécessité de
transposer d'ici les prochains mois en termes législatifs les
éléments les plus importants de cette politique dont nous
terminons actuellement l'élaboration.
Il est maintenant impératif de fixer le plus tôt possible
ce calendrier de mise en application de cette réforme, sinon on risque
de répéter l'avortement qu'a connu, en 1965, le projet de
réforme de la politique forestière. Autre avortement, comme toute
la politique d'administration au jour le jour du gouvernement Bourassa.
M. le Président, il me semble que le ministre "va passer" au
ministère des Terres et Forêts et il me semble surtout que les
compagnies forestières resteront et continueront de contrôler nos
ressources forestières. Et, malheureusement, je ne pense pas que le
ministre, actuellement, soit assez fort au niveau du cabinet pour
empêcher encore cette situation qui a été déplorable
dans le passé et qui continuera de l'être dans l'avenir.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, en écoutant les brefs
commentaires du ministre tout à l'heure, je dois vous dire que j'ai
été déçu parce que je m'attendais à beaucoup
plus de la part du ministre ce matin. Parce que si on se réfère
aux différentes déclarations et aux différentes prises de
position du ministre des Terres et Forêts, autant à
l'Assemblée nationale, autant sur la place publique que devant les
commissions parlementaires, il semblait qu'enfin nous avions un ministre des
Terres et Forêts au Québec qui semblait décidé de
prendre ses responsabilités et, je dis bien, de sortir ce
ministère de la tutelle des compagnies papetières.
Je n'invente rien et je ne surprendrai personne ce matin en disant que
le ministère des Terres et Forêts au Québec a toujours
été la chose des compagnies papetières, des trusts des
pâtes et papiers. Il faut y avoir participé et il faut avoir
travaillé pendant un certain nombre d'années pour ces compagnies
papetières au Québec... Celui qui vous parle a eu le
privilège de travailler comme bûcheron et comme commis à
ces opérations forestières à partir de 1948 jusqu'à
1953; j'ai vécu avec les bûcherons qui ont travaillé dans
la province de Québec et j'ai été en mesure de comprendre
leurs problèmes, de comprendre leur travail, et surtout, de
réaliser... Et je ne me pose pas de question aujourd'hui lorsqu'on dit
qu'on manque de travailleurs forestiers dans la province de Québec.
Les travailleurs forestiers du Québec qui ont contribué
à développer notre richesse nationale qui a toujours
été la richesse nationale no 1, ont toujours été
les parias je dis bien les parias du monde du travail dans la
province de Québec et, actuellement encore, malheureusement, dans la
majorité des compagnies papetières du Québec. Je dis que
les prisonniers ont des meilleures conditions de vie à Orsainville, sont
mieux logés que dans les camps de travailleurs forestiers.
Et il faut se référer à une
génération antérieure pour se rappeler je fais un
peu d'histoire ce matin parce que c'est bon que le ministre le sache parce que
jamais il n'a été informé de ces choses qu'il fut
un temps où, je me souviens, les travailleurs de la forêt de mon
comté, de ma paroisse, de mon village qui venaient à
Québec pour s'engager pour une compagnie papetière de la province
de Québec devaient se faire mesurer les poignets et, s'ils
n'avaient pas les poignets assez gros, ils ne pouvaient pas travailler
pour ces compagnies papetières. Il y a encore beaucoup de personnes qui
ont vécu cette expérience malheureuse. Ils avaient des conditions
de travail impossibles. Ils étaient logés comme on ne loge pas
les pourceaux actuellement dans le Québec parce qu'il y a quand
même le Service de la protection des animaux qui s'en occupe. On a
vécu ces choses dans la province de Québec pendant des
générations et la liberté de sortir n'était pas
plus avantageuse qu'à Orsainville parce que si le travailleur forestier
avait le malheur de quitter les opérations forestières,
même après trois mois, pour aller visiter sa famille, il
était remplacé sur-le-champ et il ne pouvait pas reprendre son
travail.
Je pense que s'il y avait des bûcherons ici ce matin qui ont
vécu pendant une génération, pendant une vie, qui auraient
l'occasion de parler au ministre de toutes ces choses et de
l'irresponsabilité et de l'incurie dont on a fait preuve dans la
province de Québec... Vous avez eu le ministère des Terres et
Forêts qui a toujours refusé de prendre ses responsabilités
à l'endroit des travailleurs forestiers et qui a fait en sorte que cette
richesse nationale nous donne le seul privilège d'être des parias
parce que jamais, cela n'a rapporté à la province de
Québec ce que cela aurait dû rapporter.
Je pensais qu'avec la réforme, le livre blanc, enfin on pourrait
espérer qu'il y aurait un réel changement dans la politique
papetière au Québec, dans les politiques forestières du
gouvernement du Québec.
Mais malheureusement, je dois constater qu'encore au moment où je
vous parle, le ministre des Terres et Forêts est sous la tutelle des
compagnies papetières et le livre blanc, jusqu'à maintenant, a
servi de façade et de prétexte pour accorder certains avantages
à des compagnies papetières qui ont fait semblant d'être
mal prises à cause justement des difficultés, peut-être
à cause des taux d'intérêt, parce que le système
qu'elles imposent à l'heure actuelle commence à leur coûter
de l'argent.
Il faut voir dans le petit journal Le Papetier de février 1974,
ce n'est pas tellement vieux, des nouvelles assez récentes; j'ai eu la
surprise d'apprendre et je cite, M. le Président, le texte à la
page 3 du journal Le Papetier: "Notre industrie papetière c'est
la voix de ceux qui contrôlent, la voix des trusts de pâtes et
papiers a fait une étude sérieuse des coûts du bois,
de la main-d'oeuvre et du transport et des lourdes charges et redevances dont
elle était grevée et dont ses concurrents étaient
exemptés, d'où des mémoires présentés aux
gouvernements fédéral et provincial, interventions qui ont
été suivies du côté fédéral d'une
baisse appréciable des impôts pour toute l'industrie canadienne.
Quant au gouvernement du Québec, il accorda à notre industrie
pour les années 1972 et 1973 un délai dans le paiement d'une
partie des droits de coupe déjà dû". Ce qu'on n'a pas fait
pour accorder des délais pour permettre aux travailleurs forestiers de
payer leurs impôts, mais on a accordé des délais aux trusts
de pâtes et papiers, probablement parce que cela rapporte à la
caisse électorale, et même une annulation de cette dette si
l'argent devait servir à des dépenses consacrées à
la lutte contre la pollution. Après avoir pollué tous nos cours
d'eau, après avoir pollué l'environnement dans bien des
régions de la province de Québec à nos frais et
dépens alors que la population est pénalisée, c'est rendu
que le ministère des Terres et Forêts et les compagnies
papetières se vantent d'avoir des subventions et d'avoir des
privilèges du gouvernement provincial pour lutter contre la
pollution.
M. le Président, je trouve sincèrement qu'on pousse
l'odieux... c'est pourquoi je dis que la réforme et le livre blanc du
ministre des Terres et Forêts, c'est de la foutaise, c'est quelque chose
pour détourner l'attention, c'est quelque chose pour amuser les gens,
les faire discuter et tenter de faire croire à la population
parce que c'est la marque de commerce de l'actuel gouvernement que le
gouvernement est bien intentionné. C'est toujours au niveau des
intentions et, lorsqu'il s'agit de passer au niveau de la
réalité, au niveau des faits, ce sont les choses que nous
découvrons lorsque nous finissons par avoir certains renseignements ou
en faisant certaines recherches.
M. le Président, je dis que le ministère des Terres et
Forêts est très compréhensif, il a toujours
été extrêmement compréhensif et il semble encore
décidé d'être extrêmement compréhensif pour
les demandes et pour les "problèmes" auxquels ont à faire face
les compagnies papetières qui, à l'heure actuelle, craignent de
ne pas pouvoir avoir l'approvisionnement suffisant pour faire fonctionner leurs
usines. Par contre, le ministère des Terres et Forêts, à
venir jusqu'à maintenant... Je dis jusqu'à maintenant, je
conçois qu'il ait de bonnes intentions, mais jusqu'à maintenant
les intentions ont été tout simplement une question restée
en plan. Il n'y a pas eu de modifications majeures et on nous dit encore que,
prochainement, il y aura un crédit forestier dans la province de
Québec alors que cela fait au moins 20 ans que tout le monde parle du
crédit forestier. Qu'est-ce qu'on fait, à l'heure actuelle, pour
les petits exploitants de boisés de ferme dans la province de
Québec? Quelles sont les initiatives ou les aides gouvernementales,
à part les regroupements forestiers, pour tâcher de permettre
à un propriétaire de boisé de ferme qui est
intéressé à faire de la sylviculture pour être en
mesure...
M. DRUMMOND: Cela va très bien dans votre région.
M. ROY: Je ne parle pas du regroupement forestier, je parle des
propriétaires qui, pour toutes sortes de raisons, ne peuvent pas
entrer
dans les regroupements forestiers. Parce qu'on semble vouloir leur
imposer le regroupement forestier dans la province de Québec, alors
qu'il y a des exploitants, qu'il y a des agriculteurs qui seraient
intéressés, eux aussi, à faire des travaux de sylviculture
sur leur propriété, et il devrait également y avoir
certaines dispositions, certains privilèges qui leur permettraient
d'être en mesure de le faire de la façon la plus adéquate
et la plus économique possible. Malheureusement, ces politiques
n'existent pas. Pourquoi? Parce que c'est toujours la même chose. Le
gouvernement, et le ministère des Terres et Forêts en particulier,
a toujours accordé tout son appui, toute sa collaboration aux grandes
entreprises et aux grandes compagnies pape-tières.
M. le Président, nous avons parlé tout à l'heure de
ITT sur la Côte-Nord. Il y a toute une question de concessions
forestières qui ont été accordées et pour
lesquelles on a accordé des privilèges extraordinaires je
dis bien extraordinaires sur toute la basse Côte-Nord en accordant
toute la basse Côte-Nord à la compagnie ITT. Je ne sache pas qu'il
y ait eu des modifications aux politiques déjà annoncées.
On se rappellera que cette entreprise bénéficie actuellement de
privilèges spéciaux, bénéficie d'un prêt sans
intérêt pour ses équipements de l'ordre de $19
millions...
M. DRUMMOND: C'est pour la technologie.
M. ROY:... qui ont été consacrés... Je n'ai pas dit
pour les trusts. Quand le ministre arrêtera de faire des politiques et
des privilèges pour les trusts et que le gouvernement le fera pour se
financer lui-même, au lieu de surtaxer les contribuables, il le fera pour
les municipalités, pour les commissions scolaires, pour les
hôpitaux, là on commencera à dire que c'est notre
politique. Qu'on ne vienne pas me dire que c'est notre politique de faire des
prêts sans intérêt aux trusts de pâtes et papiers.
Cela est absolument faux et le ministre tente tout simplement de
détourner la conversation.
M. le Président, je disais donc que $19 millions ont
été concédés à cette entreprise pour
laquelle le gouvernement du Québec a dû prendre l'argent dans le
fonds consolidé de la province, fonds consolidé qui est
alimenté par des emprunts qui sont faits majoritairement aux Etats-Unis.
Nous devons payer des rentes aux Etats-Unis, nous devons payer des
intérêts aux Etats-Unis, mais dans le temps le taux
d'intérêt était de 8 p.c. environ. Si on fait le calcul de
ce que coûte actuellement aux Québécois ce privilège
particulier qu'on a accordé à la société ITT pour
exploiter les travailleurs forestiers et exploiter la forêt de la basse
Côte-Nord, exploiter nos richesses naturelles, il en coûte
$1,720,000 d'intérêt par année au trésor, aux
contribuables québécois. Par contre, la compagnie s'est vu
attribuer des limites forestières et s'est vue fixer un droit de coupe
de $0.50 la corde avec l'obligation de couper environ 600,000 cordes par
année, ce qui rapporte au trésor québécois:
$300,000; $300,000 alors que cela nous en coûte $1,720,000 uniquement au
coût de l'intérêt du prêt que nous leur avons fait, ce
qui veut dire que nous sommes déficitaires de $1,420,000.
Cela veut dire qu'encore une fois on impose les Québécois,
on fait payer les Québécois pour permettre à des
compagnies multinationales d'exploiter nos richesses naturelles et de payer des
salaires à nos travailleurs forestiers. On paie nous-mêmes pour
créer des emplois chez nous en donnant nos richesses aux entreprises
multinationales alors que nous aurions pu, M. le Président et le
gouvernement aurait pu, compte tenu du développement dans le secteur de
la construction, compte tenu des besoins des scieries, compte tenu
également qu'il y a des entrepreneurs forestiers qui auraient
été intéressés à exploiter certains
territoires, certaines concessions sur la Côte-Nord ou dans d'autres
territoires du Québec et qui auraient été
intéressés à négocier des contrats de vente aux
compagnies papetières au lieu que les compagnies papetières
procèdent elles-mêmes à faire la coupe du bois pour
alimenter les moulins.
A ce moment-là, si le gouvernement avait procédé
par voie de soumissions publiques pour accorder certains territoires de cette
basse Côte-Nord je suis convaincu que le trésor
québécois s'en serait trouvé beaucoup mieux portant. On
aurait pu bénéficier de ces richesses naturelles, on aurait pu
faire en sorte que nous puissions recevoir de l'argent, faire des
prélèvements sur ces ressources forestières que nous avons
au Québec alors qu'actuellement elles constituent un fardeau pour le
trésor public, le trésor québécois. Ce n'est pas
tout ce qu'on a accordé à la société ITT.
H faut regarder tous les avantages et toutes les subventions que le
gouvernement provincial et le gouvernement canadien ont accordé à
cette firme internationale qu'on est allé chercher, à la suite
d'un voyage en Europe, pour inviter les autres à venir exploiter nos
richesses chez nous alors que nous avons des gens qui seraient
intéressés à le faire et qui auraient la
possibilité de le faire si on leur donnait la possibilité. Mais
pour cela, il faudrait qu'il y ait des politiques gouvernementales, il faudrait
qu'il y ait des politiques québécoises de mise en valeur des
richesses naturelles.
C'est pourquoi on a vu le premier ministre, encore récemment,
aller déclarer en Europe que dorénavant il faudra bien admettre,
nous Québécois, que l'économie du Québec sera de
moins en moins entre les mains des Québécois, de plus en 'plus on
sera entre les mains des étrangers. Le premier ministre s'en va rassurer
les banquiers allemands, il s'en va rassurer les industriels allemands, pour
dire: Venez au Québec, nous avons des forêts, nous avons des
territoires miniers, nous avons toutes sortes de choses pour vous et nous
sommes même intéres-
sés à vous emprunter de l'argent. Avoir été
banquier ou industriel allemand, j'aurais été curieux. J'aurais
demandé au premier ministre à quel endroit le gouvernement
canadien avait emprunté pour construire toute une machinerie de guerre
pour détruire leurs propres usines et aller détruire leur pays et
faire mourir leur population durant la guerre. On devrait peut-être
regarder le plan économique et regarder ce qui pourrait être fait
comme réforme présentement. Nous sommes dans une situation
drôlement ridicule. Cela frise le ridicule au dernier degré.
M. le Président, je disais donc qu'il y avait beaucoup d'autres
privilèges que la société ITT avait reçus tant du
gouvernement canadien que du gouvernement provincial. Il faut se rendre compte
que la subvention du gouvernement fédéral, dans son oeuvre de
création d'emplois a donné une subvention, non pas un prêt,
de $21 millions; $21 millions en cadeau pour permettre à des
étrangers de venir nous exploiter, venir exploiter nos entreprises chez
nous.
M. LESSARD: Créer des emplois de porteurs d'eau.
M. ROY: Des emplois de porteurs d'eau et de scieurs de bois, avec une
chaîne dans le cou et avec des conditions de vie impossibles.
Réduction sur le droit de coupe: $67,200,000.
M. le Président, je trouve odieux, pendant qu'on commence
à s'interroger, pendant que les compagnies papetières se
plaignent, craignent de ne pas pouvoir s'approvisionner en bois, pendant que
nos industriels québécois, ceux qui sont propriétaires de
moulins, ceux qui font le commerce du bois de construction, commencent à
être inquiets au niveau de l'approvisionnement...
Il faut que je regarde un peu dans mon comté et dans ma
région pour me rendre compte que ceux qui alimentent l'industrie de la
construction et le marché du bois de sciage dans la province de
Québec sont obligés de s'alimenter hors frontière, sont
obligés de s'alimenter à même les réserves du
Maine.
Le ministre des Terres et Forêts ainsi que son sous-ministre, les
officiers de son ministère et le gouvernement sont tout à fait au
courant que des restrictions s'en viennent de ce côté et que,
peut-être, dans un an ou dans deux ans, nous aurons du chômage chez
nous, nous aurons du chômage chronique parce que, justement, les
Américains ont décidé de ne pas exporter leurs ressources
naturelles et de les faire transformer en dehors de leur territoire.
Il y a une quantité de moulins, à partir des comtés
de L'Islet, Montmagny, Bellechasse, Beauce-Sud, Mégantic qui
actuellement emploient de la main-d'oeuvre québécoise. Ce sont
des milliers de travailleurs de nos régions qui travaillent à ces
moulins à scie, mais ces moulins à scie fonctionnent actuellement
et sont conditionnés par la permission que le gouvernement des
Etats-Unis leur donne de pouvoir importer du bois des Etats-Unis.
Pendant qu'on fait face éventuellement à une
pénurie de bois, le gouvernement s'en va faire un cadeau à
même le trésor québécois, à même le
trésor public québécois, le potentiel de nos richesses
naturelles, de $67,200,000 à la Société ITT, en plus de
réduire les frais de protection de $9,144,000.
On est rendu à un point que la richesse naturelle no 1 du
Québec que constituaient les forêts ne rapporte plus un sou net au
trésor québécois, parce que le gouvernement doit
dépenser cet argent en vertu de ses politiques, en vertu des
privilèges, en vertu de certaines concessions... Je serais tenté
de parler de la caisse électorale, parce qu'il faudrait être
passablement naif pour déclarer publiquement que les compagnies
papetières n'ont pas souscrit à la caisse électorale de
l'actuel gouvernement. Il faut être passablement naif pour ne pas
l'admettre.
En plus d'avoir donné cette réduction de $67,200,000 sur
les droits de coupe, en plus d'avoir fait une réduction sur les frais de
protection de $9,144,000, on a réduit l'impôt provincial sur le
revenu de $10 millions. Il n'y a pas eu de loi qui a été
adoptée là-dessus. On a fait cela par arrêté en
conseil, c'est moins gênant, c'est moins compromettant et cela
évite les débats publics. C'est de cette façon qu'on
procède.
Pour la dispense de la taxe de vente de 8 p.c, c'est encore la
même chose. Je ne sache pas que nous ayons eu, nous, les élus du
peuple, les parlementaires, à nous prononcer sur cette réduction
de l'impôt provincial sur le revenu de $10 millions et je ne sache pas
non plus que nous ayons eu à nous prononcer sur la dispense de la taxe
de vente. Je ne sache pas que nous ayons eu aucune loi qui a été
présentée à l'Assemblée nationale à ce
sujet. Je ne sache pas non plus qu'il y ait une loi qui ait été
présentée à l'attention des membres de la Chambre,
à l'attention du Parlement, pour réduire les droits de coupe de
$67 millions.
Cela veut dire que le ministère des Terres et Forêts, par
voie de réglementation, a pu contribuer à accorder des
privilèges, des bénéfices et des exemptions de toutes
sortes à un seul trust, le plus grand trust international, la
société ITT, de près de $85 millions de subventions sans
venir, sans en parler et sans avoir le consentement de l'Assemblée
nationale du Québec.
Je pense que la chambre de commerce, l'autre jour, avait raison de
s'inquiéter de ce qu'aujourd'hui on légifère par
règlement, autrement dit, le gouvernement administre par décrets,
administre par règlements et les élus du peuple ont de moins en
moins à se prononcer sur des choses aussi importantes.
Lorsqu'il s'agit de choses qui concernent des revenus de la province,
que la province perd en accordant ces privilèges de l'ordre de $85
millions et qu'on ne permet même pas aux élus
du peuple de se prononcer là-dessus, je trouve que notre
gouvernement provincial est passablement... C'est ce qui m'a fait dire en
Chambre plusieurs fois que notre ministre des Terres et Forêts
était le ministre dépendant des trusts des pâtes et
papiers.
Il y a d'autres choses qui n'ont pas été dites non plus.
Il faut préciser qu'il n'a pas été tenu compte des
dégrèvements fiscaux, de la dépréciation
accélérée.
M. le Président, il est impossible pour nous, à ce
moment-ci, d'évaluer ce que cela pourra représenter en perte de
revenus pour le gouvernement de la province de Québec, qui devra
être compensé par des taxes qu'on ira chercher chez les
travailleurs forestiers, par des taxes et des impôts qu'on ira chercher
chez les travailleurs du Québec, que les gouvernements provincial et
fédéral accordent aux entreprises investissant dans le secteur
manufacturier, ce qui ajouterait probablement encore plusieurs millions de
dollars au total précédent. M. le Président, ceci fait
partie des avantages chiffrables qui ont été accordés par
le gouvernement provincial à la société ITT et à la
société Rayonier, pour la création de deux ou trois
milliers d'emplois.
M. le Président, l'implantation de Rayonier Québec
je continue l'article qui avait paru dans un quotidien du 1er août 1973
et je cite: "L'implantation de Rayonier Québec à
Port-Cartier a donc été favorisée par des avantages
considérables, et les chiffres précédents, compilés
pour une période de 25 ans, ne constituent que la partie qu'il est
possible de comptabiliser. Cette somme de $130 millions représente 26
p.c. de l'investissement total de $500 millions que la compagnie engagera dans
la construction d'un ensemble industriel dont la réalisation à
trois phases sera étalée sur quinze ans". On sait très
bien, M. le Président, que ces $500 millions, pour le reste plus la
différence, seront financés à même les
épargnes des Québécois qui sont dans les institutions
financières, dans les sociétés de fiducie, qui sont dans
les compagnies d'assurances ou autres. Ce qui veut dire qu'on est allé
chercher des étrangers chez nous, et on leur a dit: Venez, nous allons
tout vous donner. Nous sommes généreux, nous sommes riches, nous
sommes en moyens dans la province de Québec. Ceci s'est fait avec la
complicité, non seulement la complicité, mais avec la
bénédiction de notre actuel ministère des Terres et
Forêts.
M. LESSARD: Et de Jean Lesage, M. le Président.
M. ROY: M. le Président, je pourrais citer beaucoup de faits
concernant la société ITT Rayonier, pour dire tout simplement,
que nous avons été victimes je dis que les
Québécois ont été victimes, peut-être que le
terme qui me vient à l'esprit n'est pas parlementaire, malheureusement
de la plus grande supercherie je serais tenté d'employer
le mot fraude si ce mot était parlementaire d'une fraude, de la
plus grande fraude je l'appellerai même la fraude du siècle
parce que jamais, on n'avait concédé une partie aussi
importante du territoire du Québec à une seule entreprise.
Jamais, M. le Président, on n'a accordé autant de
privilèges fiscaux, autant d'avantages à une seule entreprise au
même moment, dans la même année. M. le Président, je
ne peux pas blâmer les gouvernements précédents. C'est le
gouvernement actuel, créateur d'emplois, spécialiste de la
création d'emplois, qui s'est occupé de faire cette transaction
et d'accorder ces privilèges. C'est le parti du maître chez nous
qui, à l'heure actuelle, est en train de nous surtaxer. On est aux
prises avec des problèmes d'inflation de toutes sortes. Le gouvernement,
évidemment, profite du fait de cette inflation pour augmenter ses
revenus, pour aller chercher ces revenus qu'il perd, par suite des concessions
ou des avantages qu'il accorde à ces entreprises multinationales. On a
vu une autre pauvre petite compagnie qui est venue pleurer devant le
gouvernement provincial. C'est la compagnie CIP, lorsqu'il s'est agi du moulin
de Témiscamingue. Elle a voulu se faire dédommager par le
gouvernement provincial et avoir certains avantages, alors qu'on aurait
dû, tout simplement, lui envoyer une facture de $100 millions pour tous
les privilèges et les avantages et les profits qu'elle avait faits,
grâce à la complicité des gouvernements qui ont
précédé le gouvernement actuel dans la province de
Québec.
Je crains, M. le Président, et c'est justement là que je
veux en venir, que, dans l'actuelle politique de l'abolition des concessions
forestières, on rachète à gros prix les concessions
forestières que nous avons données aux entreprises, aux
compagnies papetières qui nous ont toujours exploités. Je ne me
gêne pas de dire que les compagnies papetières nous ont toujours
exploités. Je pourrais parler aussi des petits producteurs de bois qui
ont fait affaires avec de petits commerçants de bois, il y a quelques
années. Ceux-ci descendaient du bois par camion, à la comapgnie
Anglo-Pulp, ici à Québec, à la compagnie Beaupré,
à la scierie de Beaupré, à l'usine de Donnacona ou
ailleurs. Je suis bien à mon aise pour en parler, parce que ce sont des
choses dont j'ai eu à souffrir, comme bien d'autres personnes de mon
comté et de ma région. On n'a jamais pu avoir les mesureurs du
gouvernement, parce qu'on se faisait voler littéralement, à la
porte de ces compagnies, après avoir attendu, parfois, douze heures,
quinze heures, dix-huit heures, vingt heures, dans la cour de l'usine sans
même pouvoir avoir un sandwich, pour pouvoir décharger les
camions. Ce sont des expériences que j'ai vécues personnellement,
ici, à l'Anglo Pulp. Evidemment, ceux qui achetaient le bois ont
abusé, parce qu'il fallait livrer six cordes et demie pour arriver
à se faire payer cinq cordes et un quart, et on a tenu criminellement
responsables les petits commerçants de bois.
Je ne parlerai pas des courtiers, des "brokers" de bois, je ne veux pas,
à ce moment-ci, parler de ce problème. Mais je veux parler de
ceux qui, dans les milieux ruraux, achetaient du bois pour gagner leur vie et
allaient le livrer aux compagnies papetières. Je me souviens, une fois,
entre autres, nous nous étions organisés, plusieurs camionneurs.
Nous nous sommes dit: Nous allons faire venir les mesureurs du gouvernement. Il
commence à être temps qu'on arrête de se faire voler
littérallement, debout. Se faire voler.
M. LESSARD: Ils volent le gouvernement en même temps.
M. ROY: Ils volent le gouvernement en même temps. Dans certains
cas, ils volaient le gouvernement, mais là, il s'agissait de bois qui
venait des propriétaires de boisés de ferme. En
définitive, c'était le petit propriétaire de boisé
de ferme qui payait pour ces choses, parce qu'il était obligé de
vendre son bois $2 de moins la corde, uniquement sur la question de mesurage.
Jamais le gouvernement de la province de Québec et je le dis
n'a voulu entendre les doléances des petits exploitants de
boisés de ferme, jamais il n'a voulu entendre les doléances de
certains commerçants de bois, jamais il n'a voulu se rendre mesurer le
bois dans les cours des compagnies papetières, pour tâcher que les
gens, les producteurs de bois, les camionneurs, les commerçants de bois
puissent avoir leur juste prix et être payés pour le bois qu'ils
livraient aux compagnies.
M. le Président, ce sont des choses qui n'ont peut-être
jamais été dites aux commissions parlementaires. Je pense qu'il
commence à être temps que le ministre sache ces choses.
Probablement que, ce matin, on instruit le ministre en lui apprenant ces
choses. Le ministre ne sait pas ce qui se passe dans les cours des usines
à papier, ne sait pas ce qui se passe dans les camps de travailleurs
forestiers, ne sait pas ce qui se passe à longueur d'année
lorsque les travailleurs forestiers se font exploiter par les compagnies
papetières. D est évident que, lorsque le ministre va faire un
voyage, un beau voyage, il est reçu en grande pompe, on fait le
nettoyage, on gratte les routes, on fait comme quand le ministre de la Voirie
est invité dans mon comté. Pendant une semaine, toutes les
grattes sont sorties, les camions bouchent les trous et le ministre voyage de
façon confortable et se rend compte de l'efficacité de son
administration. C'est un peu la même chose qui se passe dans les
compagnies papetières. Je dirais que si le ministre se déguisait
en travailleur forestier et qu'il tentait l'expérience...
M. DRUMMOND: A titre d'information...
M. ROY: Je pensais que le ministre me disait qu'il n'avait pas le droit
de se déguiser!
M. GIASSON: Laissez-le terminer, il est bien parti!
M. DRUMMOND: Seulement à titre d'information, lorsqu'il y a un
problème de mesurage, on envoie un mesureur pour faire l'arbitrage
lorsque c'est demandé.
M. ROY: On en parlera de ça, M. le Président, on reviendra
là-dessus.
M. LESSARD: Les transporteurs de bois en particulier, des cas concrets,
on s'en reparlera. Cela leur prend deux fois plus de cordes et, dans ce
temps-là, ils ne vous paient pas de droit de coupe sur ce bois.
M. ROY: II y a des conditions qui devraient faire partie
intégrante des contrats par lesquels on accorde des concessions, des
droits de coupe dans la province de Québec, et sur lesquels on n'a
jamais protégé le travailleur forestier; on n'a jamais tenu
compte des conditions de travail des travailleurs forestiers lorsque le
gouvernement accorde des concessions forestières aux compagnies
papetières.
M. le Président, il y a justement un exemple que je veux
souligner à l'intention de l'honorable ministre. Je pense que le
député de Montmagny-L'Islet qui a des travailleurs forestiers
dans son comté, le député de Saguenay qui a beaucoup de
travailleurs forestiers dans son comté, seront en mesure de corroborer
mes propos, de confirmer des choses. C'est que les compagnies papetières
profitent de la fin de la saison, assez souvent, pour obliger les travailleurs
forestiers à continuer la coupe du bois dans des conditions impossibles,
à cause de l'épaisseur de la neige, et les compagnies
papetières refusent d'accorder que la personne puisse avoir son document
pour être en mesure de retourner chez elle et de retirer des prestations
d'assurance-chômage parce que les conditions de coupe du bois sont
absolument impossibles. C'est impensable.
Je souligne à l'attention du ministre, c'est à ça
que je faisais référence tout à l'heure, qu'il y a un
député fédéral qui a décidé de se
déguiser, sans se déguiser, et d'aller travailler comme
travailleur forestier, comme travailleur dans la forêt, pour se rendre
compte de ce fait, de cette situation dans laquelle on plaçait les
travailleurs forestiers. Il a été en mesure de se rendre compte,
parce qu'il a été devant la commission d'arbitrage de
l'assurance-chômage pour faire les preuves, il a pu, en quelque sorte,
libérer des centaines de travailleurs forestiers qui étaient
pénalisés par le fait qu'ils ne pouvaient pas retirer leurs
prestations d'assurance-chômage parce que les compagnies
papetières les obligeaient à couper du bois dans des conditions
où c'était impossible de faire la coupe du bois. C'est le
député de Kamouraska que le député de l'Islet
connaît très bien.
M. le Président, on parlait de travailleurs forestiers tout
à l'heure. J'aimerais y revenir quelque peu et dire qu'à ce
niveau il y a le problème que les travailleurs forestiers ont à
envisager des dépenses qui ne sont pas reconnues vis-à-vis des
lois fiscales. Je comprends que ce n'est pas le moment ici d'en parler. Mais si
on parle des travailleurs forestiers et si les compagnies papetières
veulent avoir des travailleurs forestiers, si le ministère des Terres et
Forêts veut que les travailleurs forestiers travaillent dans des
conditions humaines, des conditions normales et qu'ils puissent gagner leur vie
normalement, décemment, avoir des revenus suffisants, il va falloir
qu'on regarde aussi du côté des lois fiscales.
Il y a des travailleurs forestiers pour lesquels on ne tient pas compte
des dépenses de voyage et on ne tient pas compte de leurs
dépenses d'outillage alors qu'il en coûte aux travailleurs
forestiers jusqu'à $2,000 par année seulement au niveau de
l'outillage. On ne tient pas compte de ces choses; ils doivent payer
l'impôt brut alors que les compagnies papetières, elles, ont des
privilèges particuliers. Les compagnies papetières elles, ont
droit, au niveau de l'outillage, de faire toutes les déductions voulues
au niveau de l'impôt. Elles ont le droit de le faire. C'est prévu
dans la loi, c'est prévu dans les règlements. Mais le travailleur
forestier qui a de l'outillage pour aller travailler dans la même
compagnie au même endroit, là où la compagnie
possède des avantages ou des exemptions fiscales, le même
travailleur, le bûcheron québécois n'a pas les avantages
que la compagnie a au même endroit.
M. le Président, c'est là, ce sont des points que
justement...
M. GIASSON: J'aimerais avoir plus de détails là-dessus, si
vous me le permettez. Quand le député de Beauce-Sud dit que le
travailleur forestier ne peut pas avoir de déductions sur la machinerie
ou l'équipement qu'il utilise en forêt...
M. LESSARD: Certaines déductions sur la scie mécanique,
tant par cas.
M. GIASSON: Si le gars a de la machinerie, des tracteurs, des
débusqueuses, des "timber-jack" il a droit à la même
dépréciation que n'importe quelle entreprise.
M. LESSARD: On parle du travailleur forestier.
LE PRESIDENT (M. Picard): A l'ordre, messieurs; je ferai remarquer au
député de Montmagny-L'Islet que nous en sommes
présentement au stade des remarques préliminaires. Il sera
toujours possible pour lui de revenir plus tard.
M. GIASSON: Très bien, M. le Président. M. ROY: M. le
Président, je vais terminer mes observations pour revenir à la
réserve des trois chaînes puisque le ministre en a fait mention ce
matin, parce qu'il s'attendait bien que je lui pose certaines questions
là-dessus. Le ministre a attendu la commission parlementaire pour
l'étude des crédits du ministère pour faire une annonce
disant que le ministère allait attendre certaines décisions, si
j'ai bien compris le ministre, au niveau des conseillers juridiques ou
d'études qui sont faites actuellement. Est-ce que le ministre pourrait
préciser ce point?
M. DRUMMOND: Disons qu'il faut ramasser tous les détails. Je
pense que c'est la vérité que, si on veut changer ou faire des
amendements en ce qui concerne la réserve des trois chaînes, il
faut ramasser toutes les données d'une façon systématique
afin d'être en mesure d'arriver vraiment avec les faits
nécessaires pour faire une étude solide de ce que l'on doit faire
et ça doit être fait, aussi dans un plan général en
ce qui concerne la gestion des territoires publics du Québec. Ce que je
vais ajouter, c'est qu'en attendant ça, on donnerait le droit de
jouissance en ce qui concerne la réserve des trois chaînes.
M. ROY: Ce qui veut dire qu'actuellement, vous suspendriez toutes les
procédures qui sont intentées au niveau des propriétaires,
au niveau de ceux qui ont reçu un avis du ministère des Terres et
Forêts?
M. DRUMMOND: Grosso modo, c'est ça. En ce qui concerne...
M. ROY: Grosso modo, j'aimerais bien savoir...
LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce que le député de
Beauce-Sud a terminé ses remarques, parce qu'on va s'engager dans un
débat?
M. ROY: Je voulais tout simplement avoir plus de précisions parce
que j'aurais des remarques à faire sur cette réserve des trois
chaînes.
LE PRESIDENT (M. Picard): Vous pouvez toujours faire vos remarques et
vous serez repris, corrigé, par le ministre par la suite.
M. ROY: D'accord. Les remarques que j'ai à faire, c'est que le
ministère des Terres et Forêts se doit dès maintenant de
l'annoncer publiquement, de suspendre toute procédure et toute
démarche qui ont été intentées contre les
propriétaires, contre ceux qui ont reçu un avis du
ministère ou encore ceux qui ont été cotisés
à ce jour, dont le ministère n'a pas reçu le chèque
en remboursement des frais que le ministère des Terres et Forêts a
exigés de ceux qui sont propriétaires d'une lisière de
terrain dans laquelle il y a un cours d'eau, concernant cette fameuse
réserve des trois chaînes. Mais, annoncer une suspension à
ce moment-ci ne me donne pas satisfaction. Il faut quand même que
cette loi soit connue, il va falloir que le gouvernement fasse le
nécessaire pour faire connaître cette loi publiquement et fasse
beaucoup plus pour que les gens le sachent. Disons que j'ai fait mon possible
pour que cette loi soit connue depuis un certain temps. Je pense qu'on devra
quand même admettre que nous avons fait notre possible pour attirer
l'opinion publique de ce côté, à cause des implications et
des conséquences qui en découlent. Mais il y a des gens qui ont
dû payer cet hiver des montants au gouvernement provincial, suite
à l'application de cette réserve des trois chaînes, alors
que la loi même est contestée par des conseillers juridiques. Il y
a eu des avis qui ont été émis de la part d'un certain
nombre de personnes.
J'aimerais bien que le ministre me dise si on a l'intention de
rembourser les personnes qui ont dû ainsi payer des montants d'argent
suite à des saisies de bois qui ont été effectuées
à l'intérieur de cette réserve des trois chaînes et
suite également à ceux qui ont dû payer des droits parce
qu'ils s'étaient construit un petit chalet sur leur terrain, sur leur
propriété privée, sur une propriété qu'ils
avaient et qu'ils détenaient en bonne et due forme, selon les contrats
qui ont été passés devant les notaires et dont les
contrats n'ont jamais fait mention de cette réserve des trois
chaînes.
M. le Président, le ministre veut probablement par cette annonce
aujourd'hui éviter un débat sur cette question. Je regrette,
parce que le ministère des Terres et Forêts a toutes les
données, tous les avis juridiques et a suffisamment d'études de
faites qui permettraient au gouvernement de prendre une décision et de
nous annoncer une décision. Mais on veut encore faire comme dans
d'autres domaines. Il y a un problème, on fait des études. Plus
tard, on verra. On va suspendre en attendant, mais, d'un autre
côté, on va continuer dans certains cas. Dans quel cas va-t-on
continuer à appliquer la loi et dans quel cas continuera-t-on à
ne pas appliquer la loi? J'aimerais que le ministre nous dise ces choses tout
à l'heure et qu'il nous donne des explications là-dessus, parce
qu'actuellement il y a énormément d'inquiétude dans tous
les milieux ruraux du Québec.
Tous les agriculteurs du Québec sont, je dirais, en
quasi-totalité intéressés: il y a ceux qui ont eu des
lettres patentes ou dont les billets de location ont été
accordés après le 1er juin 1884. Il y a ceux qui ont fait des
dépenses pour s'organiser un endroit de villégiature sur le plan
familial, avoir un petit terrain le long d'un cours d'eau. Il y a aussi les
agriculteurs, les propriétaires d'érablières sur
lesquelles traverse un cours d'eau, traverse une rivière, qui ont
reçu des avis du ministère des Terres et Forêts.
Le ministre a dit tout à l'heure qu'il voulait maintenair
l'application de la réserve des trois chaînes pour organiser une
coupe sélective, une coupe rationnelle le long des cours d'eau.
J'aimerais que le ministre prenne note de la question que je lui pose à
ce moment-ci et je pourrai y revenir tout à l'heure
à savoir si cette réserve des trois chaînes s'applique dans
les grandes concessions forestières, dans les concessions
forestières.
Cette réserve des trois chaînes devra faire l'objet d'un
débat à cette commission qui étudie les crédits et
je compte bien pouvoir soulever toutes les questions pour amener le
gouvernement à nous donner toutes les précisions qui s'imposent,
parce que la petite annonce que le ministre nous a faite, ce matin, comme je le
disais tout à l'heure, ne me donne aucunement satisfaction pour
éviter que le débat n'ait lieu à ce moment-ci.
LE PRESIDENT (M. Picard): Merci, M. le député de
Beauce.
Est-ce que l'honorable ministre a des remarques à faire à
caractère général? Il ne faudrait pas ouvrir un
débat en particulier, parce qu'on va l'avoir au cours des
programmes.
M. DRUMMOND: Oui, d'accord. Au point de vue général, je
pense bien que, pour ce qui concerne le député de Saguenay, il a
fait mention que la réforme globale n'a pas lieu et que le ministre n'en
avait pas tellement parlé ce matin.
Si je n'en ai pas tellement parlé, ce matin, c'est surtout parce
que, à ce moment-ci, je trouve qu'on en a assez parlé sans avoir
présenté une loi. A ce moment-ci, ce qui compte, c'est la loi qui
doit être soumise, comme on l'a préconisé dès le
commencement, d'une façon globale en essayant de trouver une meilleure
harmonie en ce qui concerne la gestion et l'aménagement des forêts
publiques.
Il fait toujours mention que la reprise de concessions
forestières ne se réalise pas assez vite. Quand même, il
demande encore quel est le calendrier pour tout cela. Comme on l'a dit,
lorsqu'on a lancé la politique, c'est un calendrier de dix ans.
D'accord, si on peut le faire plus vite, mais je pense que le
député de Saguenay connaît assez bien la matière
pour savoir qu'il y a des choses qu'il faut coordonner pour y arriver d'une
façon logique, c'est-à-dire qu'à ce moment-ci, il faut
c'est ce que l'on fait maintenant déterminer quel est le
nouveau système concernant les redevances à payer, en fait, une
refonte globale à cet effet.
Il y a aussi la question de quelle sorte de contrats. Il faut assez de
temps pour y arriver. Le travail est fait et nous serons prêts cette
année, à passer à l'action d'une façon assez
logique pour ce qui concerne la loi et les règlements à
déterminer.
Il parie aussi du fait que j'ai parlé d'un certain
problème.
Ce n'est pas un problème de petites scieries
nécessairement. C'est le problème de l'industrie du sciage en
soi, et c'est surtout la question des scieries, qui sont d'une assez grande
importance. S'il y a un vrai problème, je pense que c'est la reprise des
grosses scieries par l'industrie des
pâtes et papiers pour intégrer leurs propres fonctions. On
étudie cette question. On parle de l'affaire de Bobois. Tout ce que je
veux dire en ce qui concerne Bobois, c'est que ce n'est pas facile. Il y a une
affaire assez tragique, il y a un vrai problème pour la population; il y
a une offre qui est faite, et un autre promoteur arrive en disant: Je vais
mettre X là-dedans; je vais toucher de l'argent de la population et j'ai
besoin de votre argent aussi. En ce qui concerne REXFOR, ces
négociations prennent toujours assez de temps pour arriver à
quelque chose qui a du bon sens. Je pense que même si on a fait des
efforts pour arriver à des solutions ou à des formules qui sont
censées être populaires, il faut les regarder de près;
elles ne sont pas tout à fait populaires, parce qu'il y a les promoteurs
qui ont un contrôle dans ces choses, aussi bien que la population et le
gouvernement qui y sont impliqués. Il faut procéder sur de telles
formules avec de longues négociations. Dans ce cas, je pense que le
deuxième dossier n'était pas assez avancé.
Par contre, je ne pense pas que le gouvernement ait fait beaucoup
d'efforts en ce qui concerne l'intégration qui est nécessaire, en
tenant compte de l'industrie de sciage, aussi bien que des besoins en
matières ligneuses de l'industrie papetière aussi. On travaille
actuellement, à Saint-Félicien, sur un programme
d'intégration qui garderait intacte l'industrie de sciage en soi, tout
en ayant les garanties nécessaires pour l'industrie qui va s'installer
là-bas. Cela a été un peu aussi le problème, en ce
qui concerne Tembec. Ce n'était pas une question de concession
forestière en soi. C'était une question où on a
travaillé en ce qui concerne les plans d'approvisionnement pour Tembec;
c'est-à-dire qu'il y a des industries de sciage dans le coin, et on a
voulu avoir la meilleure utilisation de matières ligneuses. Je pense que
nous sommes sur le point de réaliser une intégration dans ce
coin-là. En ce qui concerne les camps forestiers, je suis tout à
fait d'accord qu'il y a certains problèmes. C'est bien vrai, mais on
arrive à discuter de cela chaque année. Je pense que les
députés de Beauce-Sud et de Saguenay comprennent bien que, grosso
modo, ce n'est pas la responsabilité, en soi, du ministère des
Terres et Forêts. Il y a aussi la question des négociations
syndicales.
M. LESSARD: II y a d'autres conditions aussi.
M. DRUMMOND: On peut dire peut-être que c'est un peu la faute des
autres qui ont le pouvoir de négocier les termes des contrats. C'est
quand même un problème, mais cela ne relève pas
nécessairement de la compétence du ministère des Terres et
Forêts. C'est un peu la même chose avec l'affaire de Bobois. Nous
ne sommes pas un ministère sectoriel qui possède tous les
pouvoirs. Si le législateur désire donner au ministre des Terres
et Forêts ces droits, ces pouvoirs, c'est une autre chose. Il y a une
différence entre essayer de trouver quelque chose de logique. Il faut
passer par la loi telle qu'elle est ou changer la loi. Cela arrive un peu
à cela, parce que le gouvernement ne peut pas vraiment marcher par
chantage. Je pense que c'est assez important. En ce qui concerne encore les
conditions de travail...
M. LESSARD: Est-ce que le ministre me permettrait une question?
M. DRUMMOND: Oui.
M. LESSARD: En ce qui concerne la sécurité sur les travaux
et les constructions, le ministère du Travail a établi des normes
minimales, et il doit, par la Commission de l'industrie de la construction,
faire en sorte que ces normes minimales soient respectées. Or, au niveau
de la santé, au niveau des loisirs, plus que par la négociation,
je pense, parce que vous êtes le premier responsable du domaine
forestier, qu'il y a des normes minimales à établir.
Je pense que vous avez une responsabilité et que vous ne devez
pas délaisser cette responsabilité.
M. DRUMMOND: Peut-être y a-t-il une certaine
responsabilité. Il y a une différence entre
responsabilité, quand même, et autorité.
M. LESSARD: Le ministère de la Santé.
M. DRUMMOND: C'est une question de faire des recommandations, d'accord.
Une responsabilité sans autorité n'est qu'un pouvoir moral et ce
n'est pas le meilleur pouvoir pour agir. C'est cela, autrement, on ne peut
toujours parler de la question...
M. ROY: Si le ministre me permet... Il n'y a quand même rien qui
empêche le gouvernement de se donner ce pouvoir, si le gouvernement
était réellement intéressé à faire quelque
chose dans le domaine. Quand le gouvernement accorde une concession
forestière, il y a des conditions à établir.
M. DRUMMOND: D'accord.
M. ROY: Dans les conditions à établir, on ne s'est jamais
soucié, au ministère des Terres et Forêts, du
bien-être et du confort des bûcherons québécois.
J'aimerais qu'on...
M. DRUMMOND: Le problème est là. Quels sont, quand
même, les pouvoirs qu'on veut donner au ministre des Terres et
Forêts dans ces domaines? On ne parle pas des concessions, mais lorsqu'on
donne une garantie de coupe, cela veut-il dire que, dans un tel contrat, on est
censé avoir le droit de dire: D'accord, vous allez transporter votre
bois de cette façon au lieu d'une autre, en utilisant un camion Ford, ou
un camion fabriqué au Québec? Quelle est la vraie
délimitation des pouvoirs à cet égard? C'est cela le
problème.
M. ROY: M. le Président, un contrat qui intervient entre une
personne et une autre, pour accorder un droit de coupe, c'est un contrat. Il
faut regarder les contrats que les compagnies papetières font signer aux
entrepreneurs, pour se rendre compte qu'elles, elles en ont mis des conditions
dans les contrats de coupe de bois. Tout est prévu. Il faut regarder les
pages et lire tous les articles un par un pour se rendre compte de cela.
M. LESSARD: J'ai étudié cela.
M. ROY: J'aimerais que le ministre prenne connaissance d'un contrat, de
n'importe quelle compagnie que ce soit: Anglo-Pulp, Price Brothers ou encore
CIP. Le contrat de la compagnie CIP serait assez édifiant.
M. DRUMMOND: Non, cela est un tout autre problème. Il y a toute
une différence. Ce qu'il faut pour le gouvernement, c'est de bien
surveiller, c'est notre responsabilité de voir à ce que les plans
d'aménagement, d'exploitation, soient suivis, en ce qui concerne
l'exploitation du bois. C'est notre affaire. Si Rexfor embauche un
entrepreneur, d'accord; mais on va mettre des conditions. On embauche
l'entrepreneur. Je pense qu'à ce moment-là, il y a une
différence entre les deux choses.
M. ROY: Vous pensez? M. DRUMMOND: Oui.
M. ROY: Le gouvernement accorde une concession forestière
à une compagnie pour exploiter le bois de la province de Québec,
exploiter une réserve, exploiter une limite forestière.
M. DRUMMOND: Un contrat d'approvisionnement.
M. ROY: Un contrat d'approvisionnement, bon! La compagnie accorde un
sous-contrat à un entrepreneur, un homme d'affaires du Québec. En
vertu de quel pouvoir met-elle toutes les clauses pour se protéger
à tous les niveaux, à tous les paliers? Il n'y a rien de
négligé. Pour quelle raison. Je dis qu'il n'y a rien qui
empêche une compagnie papetière de le faire, parce que c'est quand
même une question de libre négociation entre deux parties qui
acceptent les clauses d'un contrat. Le gouvernement provincial, par l'entremise
du ministère des Terres et Forêts, a la responsabilité
d'administrer tout le domaine forestier de la province de Québec, qui a
toujours constitué une source de main-d'oeuvre, une source d'emploi dans
le Québec, on l'a toujours considéré comme étant la
richesse no 1. Vous venez me dire que le ministère des Terres et
Forêts ne pourrait pas faire en sorte que dans les négociations,
dans les contrats, dans les conditions qu'il peut exiger des compagnies
papetières au moment où on accorde un contrat
d'approvisionnement, au moins il pourrait y avoir des garanties minimales, des
droits minimaux de respectés? On va se référer au
ministère du Travail. Celui-ci administre les lois du travail, s'il y a
une convention collective. S'il n'y avait pas d'union, et Dieu sait qu'en
forêt, cela a été facile de faire du syndicalisme, quand un
type arrivait en forêt pour parler de syndicalisme, il était sur
la liste noire non seulement là où il travaillait, mais sur
plusieurs milles à la ronde, et je dirais qu'il y avait une
communication très rapide entre les différentes compagnies en
plus de cela.
M. GIASSON: II y avait des... d'un camp à l'autre.
M. ROY: Oui, d'ailleurs, le député de L'Islet, avec qui
j'ai déjà eu l'occasion de travailler, est au courant des
problèmes que nous avons vécus au cours de cette époque,
au cours de cette période. Il n'y a pratiquement jamais eu de conditions
de travail dans les camps forestiers pour respecter les droits des
travailleurs. S'il avait existé quelque chose, puisque le gouvernement
se prépare à repenser toute sa politique d'un contrat
d'approvisionnement ou autre, c'est le temps que le gouvernement du
Québec agisse au niveau du ministère des Terres et
Forêts.
On parle de relations interministérielles. Vous pouvez rencontrer
le ministère du Travail. Quand on oblige des entrepreneurs, au moment
où se donnent des contrats pour la construction d'édifices,
à respecter certaines normes, quand on les oblige à inclure des
normes dans les contrats, à cause des lois de travail, il devrait y
avoir quand même quelque chose qui obligerait le ministère des
Terres et des Forêts à faire en sorte qu'il y ait des garanties
minimales je ne parle pas de maximales en vue d'assurer les droits
stricts, des droits minimaux aux travailleurs de la forêt.
Les compagnies papetières tantôt, si on laisse aller les
choses du train où elles s'en vont, c'est évident, auront de
moins en moins de travailleurs forestiers. Il y en a de moins en moins. Vous
pouvez être sûr d'une chose, c'est que je ne m'attriste pas de ce
fait que les compagnies papetières manquent de travailleurs forestiers,
parce qu'elles ont tout fait pour exploiter les travailleurs forestiers et
n'ont pas tenu compte que c'étaient des êtres humains, des
Québécois, des Canadiens français, car c'est surtout la
majorité des Canadiens français qui sont allés couper le
bois pour les compagnies papetières. Ce qui est malheureux, c'est
qu'aujourd'hui on a un secteur important de l'activité économique
qui constitue une richesse chez nous et qui risque à un moment
donné de souffrir de paralysie à cause de cela, parce qu'on n'a
pas prévu, parce que le gouvernement n'a pas pris ses
responsabilités.
M. DRUMMOND: Je veux dire qu'il y a une
différence entre une garantie d'approvisionnement et un contrat
d'exploitation. Grosso modo, si on parle de la responsabilité des
autorités, les termes sur l'exploitation doivent, pour moi en tout cas,
principalement venir du ministère du Travail et non pas du
ministère des Terres et des Forêts.
M. LESSARD: Vous êtes ministre et membre d'un cabinet. Vous avez
une responsabilité comme ministre.
M. DRUMMOND: Les syndicats ont une obligation aussi de négocier
de meilleures conditions de travail.
M. LESSARD: Je vais vous parler des conditions hygiéniques, par
exemple. Le ministère de la Santé, à notre demande,
à maintes reprises a été prié d'intervenir. Je
pourrais vous nommer le patroneux libéral. A maintes reprises, on a
demandé que des inspecteurs du ministère de la Santé
soient envoyés à un moment donné dans des camps
forestiers. C'est la même chose pour certaines compagnies, par exemple,
d'amiante de Thetford Mines. J'ai vu même une lettre où on
annonçait à la compagnie que l'inspecteur du ministère de
la Santé allait se rendre à telle date, dans des camps
forestiers. C'était la même chose, on faisait le ménage.
Même chose pour les compagnies d'amiante. On fait le ménage. Je
suis passé dernièrement à Asbestos. On avait fait le
ménage. Il n'y avait pas trop d'amiantose et de particules dans l'air.
Comme ministre des Terres et Forêts, chaque fois que certaines compagnies
viennent faire du lobbying chez vous elles vous disent: On ne sera pas capable
d'appliquer cette année nos coupes de bois. On ne sera pas capable de
tout couper, parce qu'on manque de main-d'oeuvre forestière. C'est une
de vos préoccupations de voir à ce que le bois soit coupé
selon les besoins et en tenant compte du taux de regénération de
la forêt. A ce moment, vous avez une certaine responsabilité,
celle de faire en sorte qu'il y ait des conditions de travail dans ce secteur.
Je comprends que vous n'avez pas la première responsabilité,
parce que c'est le ministre du Travail, mais vous avez certaines
responsabilités. C'est justement là le problème, M. le
Président.
M. DRUMMOND: C'est justement pour cela qu'on a travaillé sur ce
rapport ensemble. Quand même, ce que je veux dire, s'il y a un leadership
pour faire suivre leurs cours aux choses cela doit relever surtout du premier
ministère impliqué là-dedans, qui en a vraiment le
pouvoir, selon les recommandations faites. Autrement, comme la question de
l'inspecteur de la santé, c'est bien vrai, s'il y a un tel besoin, qu'on
doive se rendre là bas. Pour moi, si on discute le budget du
ministère donné, il y a un problème sur ces choses, c'est
surtout une question pour discussion, lorsqu'on discute le budget des Affaires
sociales.
M. LESSARD: Mais que voulez-vous? Nous, comme responsables, nous vous
mettons en face de certains problèmes qui touchent le domaine forestier,
de certains problèmes fort importants qui touchent le domaine forestier.
Je vous apporterai au cours de la discussion en particulier, si je peux les
trouver, des preuves selon lesquelles les compagnies forestières ne
paient pas les droits de coupe qu'elles devraient payer. Encore là,
c'est votre responsabilité.
Je vous apporterai des preuves démontrant que les camionneurs
sont en train de crever actuellement, parce qu'ils ne sont pas capables d'avoir
du bois qu'ils transportent. C'est aussi indirectement une
responsabilité du ministre. Le ministre ne peut pas se dégager de
toute responsabilité actuellement dans ce secteur, quoiqu'il y ait des
responsabilités qui ne sont pas directes. Le ministre doit, par exemple,
prendre ses responsabilités, et intervenir auprès du
ministère du Travail, intervenir auprès du ministère de la
Santé.
M. DRUMMOND: Tout à fait une autre question.
M. LESSARD: On en a plusieurs questions, on n'a pas fini.
M. DRUMMOND: Non.
M. LESSARD: On a fait 20 heures à l'étude des
crédits de l'Agriculture.
On n'a pas fini et on va probablement faire 20 heures à
l'étude des crédits des Terres et Forêts, et on n'aura pas
fini après 20 heures.
M. DRUMMOND: Parfait.
M. LESSARD: J'espère que vous n'appliquerez pas l'article 128 des
règlements, pour qu'on puisse en discuter complètement.
M. DRUMMOND: II me semble qu'on est ici pour discuter le budget du
ministère des Terres et Forêts.
M. LESSARD: D'accord.
M. DRUMMOND: Dans certains cas, nous avons un rôle de
collaborateur avec les autres ministères qui ont le rôle de
leadership là-dedans. Tout à fait la même chose pour les
camionneurs. Pour les camionneurs, nous n'avons aucun vrai pouvoir. Il y a les
règlements des transports, la loi des transports.
M. LESSARD: Par exemple, la façon de mesurer par les compagnies,
cela, c'est votre responsabilité.
LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce que le ministre pourrait achever ses
remarques?
M. LESSARD: On reviendra aux crédits pour chacune de ces
affaires.
M. DRUMMOND: L'autre chose dont je veux faire mention pour la
nième fois depuis trois ou quatre ans, on parle d'ITT. ITT, c'est...
M. ROY: On n'a pas fini d'en parler.
M. DRUMMOND: Oui, on peut en parler pendant une autre dizaine
d'années. C'est parfait. On avait vidé la question dans le temps.
On l'a vidée lorsqu'on a discuté le bill de REXFOR,
c'était il y a trois ans.
M. ROY: On ne l'a pas vidée.
M. DRUMMOND: Peut-être que ce n'est pas vidé, mais, quand
même, on a eu deux élections dans le comté depuis cette
date. La politique du gouvernement a été appuyée.
M. LESSARD: Non, M. le Président, ce n'est pas là le
problème...
M. ROY: Un instant, M. le Président, cela veut dire une chose. Je
commence à comprendre bien des affaires, c'est que c'était
relié au résultat des élections. Je comprends pourquoi il
y a eu tant d'argent dans le Parti libéral.
M. DRUMMOND: Je dis que la population a reconnu le bien-fondé des
politiques du gouvernement...
M. ROY: Je comprends pourquoi il y avait tant d'argent dans le Parti
libéral.
M. LESSARD : Quand Rayonier Québec s'est installée,
Port-Cartier se trouvait, lors des élections partielles, dans le
comté de Saguenay et non pas dans le comté de Duplessis. Et c'est
une autre histoire.
M. DRUMMOND: C'est peut-être pour cela que le député
de Saguenay l'avait appuyée fortement.
M. LESSARD: Je regrette, M. le Président, que le ministre se
rappelle exactement ce que j'ai dit à Port-Cartier. Le ministre
s'inquiétait de ce que j'allais dire, à ce moment-là; le
ministre me poussait du coude: Qu'est-ce que tu vas dire? Attendez un peu, on
va le voir, ce qu'on va dire. Mais, il y avait un fait accompli. Ce
n'était pas nous autres qui étions négociateurs. Il y a un
certain nombre de conditions que la compagnie Rayonier Québec avait au
moins à respecter, des conditions minimales, soit, par exemple,
priorité d'emploi régional, soit l'utilisation de la langue
française, soit permettre graduellement à des
Québécois de prendre des responsabilités au niveau des
cadres. Ce sont les trois conditions. Et j'ai dit aux représentants de
Rayonier Québec que le jour où je m'apercevrai
malgré tout le fait des protestations que j'ai pu faire jusqu'à 3
h 55 du matin en juillet 1971 que l'une de ces trois conditions ne sera
pas respectée, j'interviendrai. Cependant, il y avait une chose, c'est
que c'était décidé, c'était fait. Cela avait
été fait entre M. Jean Lesage, négociateur pour le
gouvernement du Québec, et un autre dont je ne me rappelle plus le nom,
qui était en même temps négociateur, et Rayonier
Québec, et dont les deux personnes, Jean Lesage et le
négociateur, l'avocat je ne me rappelle plus son nom
siégeaient au même conseil d'administration à Canadien
Reynolds. C'est, comme on dit chez nous, "deux culs dans la même
chemise".
LE PRESIDENT (M. Heard): Est-ce que le ministre a terminé sa
réplique?
M. LESSARD: C'est dans la langue française, le dictionnaire
français.
M. DRUMMOND: Je verrai d'une façon générale, si je
peux en mettre encore sur la réponse générale. Le
député de Beauce-Sud a fait la remarque qu'on était dans
les poches des grosses compagnies, ou quelque chose comme cela.
M. ROY: Que vous étiez sous la tutelle, pas dans les poches.
M. DRUMMOND: Je dirai que ce n'est pas vrai du tout. Tout ce qu'on
cherche, chez nous, c'est d'avoir la meilleure intégration et le
meilleur aménagement des forêts du Québec. Je pense qu'il
peut parler avec l'association des manufacturiers de sciage, les
représentants, pour demander s'il y a amélioration en ce qui
concerne et leur approvisionnement et la collaboration du ministère des
Terres et Forêts.
Je pense que vous trouveriez qu'il y a une amélioration claire et
nette. En ce qui concerne les relations avec l'UPA, je pense que vous pouvez
poser la même question et vous aurez la même réponse, qu'il
y a une très bonne collaboration entre le ministère et l'UPA. Ce
n'est pas mon rôle de me lancer dans une polémique contre un
groupe ou un autre en essayant de trouver une certaine harmonie entre les
utilisateurs de la forêt parce que ça nous ne mène à
rien lorsqu'on travaille de cette façon, toujours en parlant en public
contre ça. Mon rôle est d'essayer de trouver cette harmonie pour
qu'on puisse vraiment développer cette politique globale qui va prendre
le minimum de collaboration de tous les intéressés.
Le député de Saguenay avait parlé de certaines
lenteurs en essayant de mettre tout ça en vigueur et du fait qu'on
n'avait pas statué sur une régie des produits forestiers. Je
pense qu'une régie va venir, mais il est aussi au courant que moi que
lorsqu'on a étudié la question à la commission
parlementaire, il n'y avait que moi et lui aussi qui étions pour une
régie de produits forestiers.
M. LESSARD: Ne mêlons pas la Société de gestion et
la Régie des produits forestiers.
M. DRUMMOND: Non, je vais revenir à ça. Mais la
Régie des produits forestiers, l'UPA était contre, les industries
de bois de sciage étaient contre, ensuite les industries de pâtes
et papiers étaient contre, tous les utilisateurs étaient contre
l'établissement d'une telle régie en disant que ce serait mieux
d'essayer d'améliorer le système qu'il est à ce moment-ci
et c'est pour ça que jusqu'à maintenant...
M. LESSARD: II faudrait l'améliorer. Il faudrait soumettre des
compagnies à la Régie des marchés agricoles concernant des
plans conjoints qu'elles devront respecter. Il faudrait l'améliorer. Que
cela s'appelle Régie des produits forestiers ou régie, je me fous
qu'on crée des commissions. Je ne m'obstinerai pas sur les...
M. DRUMMOND: Non, mais il y a une grande différence entre
ça et ce qu'on préconise. Le point que je vais soulever, c'est
que de plus en plus, on trouve que les secteurs de l'industrie commencent
à penser que peut-être on doit arriver à une telle
régie alors, ça va aider. Il faut un certain appui des
utilisateurs parce qu'autrement, on ne peut pas dire que le gouvernement agit
toujours selon le bon sens lorsque les utilisateurs sont contre. Tout ce que je
veux signaler, c'est qu'on fait un certain progrès dans cette direction
et aussi que, d'ici quelques années, on pourrait y arriver d'une
façon logique en ce qui concerne la Société de gestion
dont on a parlé longuement. Après la commission, on avait
décidé que c'était le rôle du ministère des
Terres et Forêts de s'occuper de la gestion.
M. LESSARD: Suite aux remarques des grandes compagnies
forestières, il faudrait que le ministre précise, c'est que les
seuls organismes qui se sont opposés à la société
de gestion, ça n'a pas été l'UPA et ça n'a pas
été la CSN, ce sont les grandes compagnies
forestières...
M. DRUMMOND: C'est pour ça que je séparais... non,
c'était...
M. LESSARD: ... qui aimaient mieux fonctionner avec le ministère
actuel des Terres et Forêts, peut-être tel que ça fonctionne
depuis quelques années, qu'avoir une société de
gestion.
M. DRUMMOND: Je dirais aussi au député de Saguenay que,
parmi les députés qui étudiaient le livre blanc, il y en
avait plusieurs qui avaient dit aussi que c'était le rôle du
ministère.
M. LESSARD: Les députés de l'Union Nationale mais ils ont
disparu depuis. Jean-Noël Tremblay...
M. DRUMMOND: II y en avait d'autres aussi. En tout cas, j'assume pleine
responsabilité pour le fait que j'ai laissé de côté
la société de gestion parce que, moi aussi, après toutes
les discussions, je pense que c'est le rôle du ministère.
M. ROY: D'ailleurs, il n'y a pas de ministère plus conservateur
que le ministère des Terres et Forêts. C'est probablement pour
ça que l'Union Nationale appuyait.
M. DRUMMOND: Ce n'est pas la vérité.
M. GIASSON: Cela a été très longtemps mais cela
change.
M. DRUMMOND: Cela change pas mal et je pense qu'on a vraiment une
meilleure collaboration entre tous les utilisateurs de la forêt et nous,
sauf peut-être les grosses compagnies qui avaient le gros bout du
bâton auparavant.
M. GIASSON: M. le ministre, je ne sais pas si j'ai bien compris, tout
à l'heure, lorsque vous parliez de la Régie des produits
forestiers; vous aviez signalé qu'en commission parlementaire, tant
l'UPA que l'industrie s'opposaient au principe d'une régie. Mais, j'ai
cru vous entendre dire que depuis, du côté de l'industrie, cela
avait évolué et qu'on acceptait mieux le principe d'une
régie des produits forestiers en vue de la mise en marché du
bois.
M. DRUMMOND: Je ne dirais pas ça pour l'industrie des pâtes
et papiers mais je trouve que...
M. GIASSON: L'industrie de sciage.
M. DRUMMOND: ... l'industrie de sciage devient de plus en plus
réceptive à ça. Je pense que le grand problème avec
l'UPA n'était pas une régie mais de sortir de la Régie des
marchés agricoles à cause, peut-être, d'une certaine
méfiance entre le ministère des Terres et Forêts et les
autres en ce temps-là. Je pense qu'on a amélioré beaucoup
nos relations avec eux, on travaille en pleine...
M. GIASSON: Est-ce que l'UPA a conservé ses positions,
c'est-à-dire maintenir la Régie des produits agricoles même
pour la mise en marché des bois, en acceptant le fait de créer
une section spéciale à l'intérieur des marchés
agricoles?
M.DRUMMOND: On n'en a pas discuté formellement depuis ce
temps-là, on a laissé tomber pour le moment la question de la
régie des produits forestiers.
M. LESSARD: Vous avez laissé tomber ça aussi?
M. GIASSON: Vous avez laissé ça temporairement?
M. DRUMMOND: La question de la régie?
M. LESSARD: La Régie des produits forestiers, oui.
M. DRUMMOND: Je n'ai pas dit que je les laissais de côté
comme ça, mais au lieu de procéder tout de suite lorsque tout le
monde était contre, on a mis l'emphase sur les autres aspects de la
refonte et ce que j'avais voulu signaler ce matin, c'est qu'il semble que chez
tous les utilisateurs, il y aurait moins de réticence qu'il y en avait
à ce moment-là.
M. LESSARD: Concernant la société de gestion, puis-je
faire remarquer ceci au ministre? Lors de la séance du 20 juin 1972,
justement devant les organismes qui se sont présentés à la
commission parlementaire, le ministre déclarait ce qui suit: "Plusieurs
craignent que la prise en main par l'Etat de la gestion de ses propres
forêts ne nuise plutôt aux utilisateurs à cause de la
réputation des gouvernements d'être de mauvais gestionnaires.
Cette crainte, nous la partageons et c'est pourquoi nous avons proposé
la création d'une société de gestion. Ce genre de
société a fait preuve d'une efficacité qui ne se retrouve
pas dans les rouages de l'administration gouvernementale traditionnelle".
Puis-je aussi faire remarquer au ministre que lorsqu'il parlait devant
l'Association canadienne des pâtes et papiers, section mauricienne, le 26
octobre 1972, il donnait l'explication suivante, suite au recul qu'il avait
fait concernant la société de gestion? Exactement selon la
même argumentation, il disait ceci en fait, qu'il abandonnait cette
société de gestion pour des raisons d'efficacité. En fait,
le 20 juin, il disait qu'il avait créé cette
société de gestion pour des raisons d'efficacité; le 26
octobre, devant les sociétés de pâtes et papiers du
Québec, il disait qu'il avait abandonné cette
société de gestion pour des raisons d'efficacité et je le
cite: "Les tenants du statu quo invoquent la crainte de l'inefficacité
de la gestion publique dans le territoire forestier. A la lumière des
séances publiques tenues au cours de l'été, nous
considérons sérieusement qu'il serait peut-être
prématuré de créer un tel organisme", c'est-à-dire
une société de gestion. En commission parlementaire, il disait
qu'il créait une société de gestion pour des raisons
d'efficacité et devant les manufacturiers, le 26 octobre 1972, il disait
qu'il faisait disparaître la société de gestion encore pour
des raisons d'efficacité. Est-ce que le ministre pourrait me concilier
ces deux déclarations?
M. DRUMMOND: Avec grand plaisir. Ce qu'on a fait, on avait un choix
à faire: ou on peut prendre au sérieux les problèmes du
ministère en disant: D'accord, peut-être qu'on n'a pas tellement
bien géré les forêts domaniales dans le passé mais
créer une autre structure n'est pas nécessairement la meilleure
façon d'y arriver.
Alors, c'est pour cela qu'on a dit: D'accord, allons gérer nos
forêts domaniales au niveau du ministère. On va mettre l'accent,
la priorité sur cela et rendre plus efficace l'action du
ministère. C'est une des raisons pour lesquelles on a mis beaucoup
d'emphase sur une vraie régionalisation de l'action du ministère.
Je pense que nous sommes à peu près le seul ministère,
à ce moment-ci, qui a vraiment régionalisé le budget en
donnant la responsabilité et l'autorité aux gestionnaires dans la
région. On a changé d'avis. Au lieu de dire qu'on n'est pas
tellement efficace au ministère, en ce qui concerne la gestion, on a
pris la décision de dire: On sera plus efficace et on va faire de cela
une priorité au lieu de créer une autre structure avec laquelle
le ministère devrait transiger.
J'accepte volontiers que c'était un changement de but, mais
c'était vraiment mettre l'accent sur l'efficacité du
ministère dans ce domaine.
M. LESSARD: Est-ce que vous voulez dire que vous avez créé
des sociétés de gestion régionales?
M. DRUMMOND: Disons que cela dériverait de cela, d'une
façon ou d'une autre, parce qu'on ne peut pas gérer les
forêts de la ville de Québec. Alors il faudrait quand même
régionaliser la structure de n'importe quelle organisation.
M. LESSARD: Concernant justement...
M. ROY: Avant de passer aux questions, il y a un point qui a
été soulevé par le ministre tout à l'heure. Il a
parlé du manque de main-d'oeuvre. C'est un problème, et je
reviens un peu là-dessus parce que je pense qu'on peut
déjà prévoir que le manque de main-d'oeuvre chez les
compagnies papetières pour la coupe du bois va se traduire dans des
difficultés qui vont causer des problèmes financiers à
l'industrie papetière. Ce manque de main-d'oeuvre, si le
ministère des Terres et Forêts n'y porte pas une attention
immédiate... J'espère que le ministre va au conseil des ministres
et qu'il peut rencontrer le ministre du Travail de temps en temps. J'aimerais
au moins que le ministre me rassure. Est-ce que le ministre se rend au conseil
des ministres, aux réunions du cabinet?
M. DRUMMOND: Oui.
M. ROY: Alors, puisque le ministre se rend aux réunions du
cabinet, il a l'occasion de rencontrer le ministre du Travail. Parce que ce
manque de main-d'oeuvre chez les compagnies papetières risque de se
traduire par le fait que les compagnies papetières vont revenir devant
le gouvernement pour bénéficier d'autres privilèges, soit
des privilèges fiscaux, des exemptions de coupe ou des subventions
particulières, à cause du manque de main-d'oeuvre.
Alors, le problème du manque de main-
d'oeuvre dans les régions forestières pour les
travailleurs forestiers exige que le ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre porte une attention particulière à ce
problème parce que c'est le ministère des Terres et Forêts
qui va payer pour cela tantôt. Je comprends qu'on peut parler de
conditions de travail Vous pouvez me dire, M. le Président, que cela
relève du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, mais il y
a un problème particulier qui concerne particulièrement le
secteur de l'exploitation forestière et nul n'est mieux habilité
à s'occuper de ce problème-là que le ministère des
Terres et Forêts lui-même. C'est pourquoi je dis que le
gouvernement doit étudier cette question. C'est une question qui
mérite d'être étudiée le plus rapidement possible.
S'il y a quelque chose qui doit être fait au niveau du ministère
du Travail et de la Main-d'Oeuvre, qu'on le fasse parce que je trouve que ce
serait pénaliser le Québec, pénaliser les
Québécois que de ne pas prévoir dans ce sens et de revenir
encore pour suppléer, par des subventions aux conditions
particulières des compagnies parce que ce secteur fait
défaut.
M. DRUMMOND: D'accord. Il faut admettre quand même qu'une des
solutions arrivera avec la mécanisation des travaux et qu'il sera plus
facile d'embaucher des gars pour travailler avec la mécanisation. On se
souvient des problèmes d'il y a quatre ans. C'était tout à
fait le contraire. On avait peur de la mécanisation à ce
moment-là. On disait que tout le monde perdrait du travail.
Actuellement, je pense que les conditions sont telles qu'on essaie
d'accélérer la mécanisation du travail et on aurait des
sortes d'emplois qui seraient plus propices pour les gars, étant
donné que, depuis nombre d'années, on a un plus haut niveau de
scolarité dans le Québec et ce serait plus facile d'embaucher les
gars pour des travaux d'exploitation plus mécanisés.
Ce serait, évidemment, une des solutions. Un autre
problème qui relève de toute cette question de main-d'oeuvre,
c'est que traditionnellement, lorsque les choses vont mieux dans la
construction, il y a un certain exode de la forêt vers les chantiers de
construction. C'est tout à fait normal parce que les gars peuvent vivre
chez eux et les conditions de travail s'améliorent. L'autre
évidemment, c'est une question aussi de négociation,
d'amélioration des conditions de travail.
Le député de Saguenay a souligné le fait que ITT a
des camps qui tiennent compte des besoins des gars et elle considère
qu'un travailleur forestier est un homme. C'est normal et cette concurrence va
amener les autres compagnies à concurrencer dans les conditions de
travail. C'est une autre pression qui arrive pour améliorer les choses.
Evidemment, au niveau du gouvernement...
M. LESSARD: On dit que le problème c'est que Rayonier
Québec a eu tellement d'avanta- ges gouvernementaux que par rapport
à d'autres compagnies forestières cela leur permet de mieux
encore...
M. ROY: C'est nous qui payons.
M. DRUMMOND: Ce n'est pas encore en commission.
M. LESSARD: Dans ce domaine au moins...
M. DRUMMOND: II y a un effet secondaire qui va forcer d'autres
compagnies qui ont peut-être péché, dans l'avenir à
cet égard, d'améliorer la condition pour embaucher les gars.
M. ROY: Le ministre dit: Peut-être pécher... Je m'excuse,
M. le Président...
M. GIASSON: II semble certain qu'au Québec on a une carence
très forte dans la formation de la main-d'oeuvre forestière.
J'aimerais savoir, dans l'avenir, si c'est au niveau gouvernemental qu'on va
prendre les moyens pour donner cette formation. A l'intérieur des
structures de l'Education on a formé toutes sortes de disciplines
nouvelles, des options à droite et à gauche, mais il semble que
dans la formation des bûcherons ou des travailleurs forestiers il y a une
carence très forte. J'accepte le principe d'une mécanisation
beaucoup plus grande pour le travail en forêt, mais il ne faut pas se
leurrer. On ne pourra pas mécaniser toute la coupe du bois. Si vous vous
trouvez en montagne très accidentée, vous avez beau avoir les
meilleures machines, les meilleurs concepts et le développement de la
technique, vous aurez encore besoin de travailleurs qui vont manoeuvrer une
scie mécanique. Est-ce l'industrie qui devra donner cette formation, qui
devra investir dans la formation d'une main-d'oeuvre future dont elle a besoin
ou si, au niveau gouvernemental, on a une pensée ou une vision de ce qui
devrait être fait?
M. DRUMMOND: Personnellement, je dirais qu'il y a une
responsabilité partagée à cet égard.
M. GIASSON: Comme le disait le député de Beauce-Sud, je
crains énormément que, dans cinq ans d'ici, si on ne se met pas
à l'oeuvre de ce côté-là, on va avoir des
problèmes aigus d'alimentation pour les industries du bois.
M. LESSARD: Quand le ministre dit: Une responsabilité
partagée, je suis bien d'accord avec lui, comme certaines compagnies le
font actuellement, qu'il y ait au niveau du recyclage une responsabilité
partagée. Mais au niveau de la base même, de la formation du
travailleur forestier, actuellement ce sont les compagnies qui sont
obligées d'avoir des camps forestiers. Je suis d'accord que les
compagnies paient les taxes qu'elles doivent normalement payer, mais
je suis aussi d'accord que le gouvernement du Québec doit aussi
avoir des programmes de formation au moins de base. Je trouve fort curieux
qu'au niveau des écoles secondaires, dans une région comme la
mienne, il n'y ait pas, dans ce qu'on appelle au niveau du professionnel court,
une spécialisation pour le travailleur forestier. Je comprends que dans
ces conditions de travail il n'y ait pas beaucoup d'étudiants qui
veulent se diriger dans ce secteur. Je pense qu'il est possible, parce qu'il y
a encore des jeunes qui sont capables de faire ce travail, qui sont
intéressés à le faire pour autant qu'on ait des conditions
de travail. Je vais simplement vous donner un exemple. Quebec North Shore a un
camp pour la formation des jeunes travailleurs forestiers. Or on m'informait
que l'an dernier on a refusé plus d'une centaine de jeunes qui voulaient
se perfectionner dans ce secteur. Comment se fait-il? Malgré que vous
alliez me dire que c'est du domaine du ministère de l'Education, je
pense que c'est aussi la responsabilité du ministre de faire des
recommandations dans ce sens.
Je pense qu'en relation avec le ministère du Travail et en
relation avec le ministère de l'Education, vous devez, vous autres,
comme ministre des Terres et Forêts, faire des études des besoins
de main-d'oeuvre dans votre secteur et vous avez des recommandations à
faire. Si vous ne vous préoccupez pas de ce problème-là,
je pense que vous délaissez une de vos responsabilités qui est
fondamentale. Or, moi, je ne pense pas qu'il appartienne à des
compagnies privées de créer la base même de la
main-d'oeuvre nécessaire en forêt. Pour autant qu'elles paient par
exemple les taxes qu'elles doivent payer, ces compagnies paient aussi des taxes
pour le ministère de l'Education, les problèmes scolaires. Or, je
pense qu'elles doivent au moins s'attendre à ce que la formation de base
dans ce secteur-là vienne aussi du ministère de l'Education. Et
je m'interroge. Rayonier Québec a été obligée de
faire exactement, je ne crois pas qu'il y a eu un plan avec le gouvernement, sa
propre école forestière.
Je pense que je ne suis pas d'accord. En ce qui concerne le recyclage,
d'accord, comme c'est le cas dans l'industrie. Mais en ce qui concerne la
formation de base, le gouvernement du Québec a des
responsabilités importantes. Comme vous le dites, avec le taux de
scolarisation qui devient de plus en plus fort, et alors que les jeunes sortent
des études de plus en plus tard à 18 ans, 19 ans, 21 ans, comment
voulez-vous les intéresser à un moment donné dans le
secteur forestier s'ils n'ont pas une formation de base. D'autant plus que l'on
travaille de plus en plus en équipe actuellement, d'autant plus qu'il y
a un minimum de base, un minimum salarial journalier que, par suite d'une loi
du gouvernement, on oblige le gars à faire. Je pense que c'est rendu
à $22 par jour. Si le gars ne fait pas ses $22 par jour, la compagnie
lui dit, c'est bien de valeur, je suis obligé de payer la
différence dans ce cas-là et la personne est obligée de
s'en aller. Si le gars aussi travaille en équipe de trois personnes et
qu'il n'est pas capable de faire son travail comme les deux autres personnes,
par exemple, veulent qu'il le fasse, il est obligé de s'en aller. C'est
sur cela, je pense, qu'il y a une responsabilité que le gouvernement a
complètement délaissée actuellement.
M. DRUMMOND: On n'a pas complètement délaissé le
problème, parce qu'on a fait préparer un rapport sur le
leadership du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre avec notre
collaboration et le ministère de l'Education; on va étudier les
conséquences de ça et je suis tout à fait d'accord que
c'est quand même un problème partout et non seulement dans le
domaine des Forêts. Le problème est de voir que les gars, dans le
système de l'Education, soient préparés pour les emplois
disponibles et selon les techniques en ce qui concerne l'application de ce
travail. Je suis tout à fait d'accord qu'il faut un rodage, pour que la
chose marche d'une façon plus efficace. C'est normal, mais c'est la
même chose un peu partout. On essaie toujours d'améliorer
l'affaire, mais on n'est jamais à l'au-delà. Il y a des lacunes.
On a trouvé ce problème à Natashquan lorsqu'on y a
commencé un chantier-école pour donner la formation
nécessaire pour que les gars puissent travailler dans leur propre bout.
On a vu que la formation qu'ils avaient reçue à cet égard
n'était pas suffisante et qu'il fallait recommencer. C'est un
problème d'envergure, je suis tout à fait d'accord avec le
député.
M. ROY: Est-ce qu'il y a quelque chose qui se fait actuellement entre le
ministère de l'Education, le ministère des Terres et
Forêts?
M. DRUMMOND: Et le ministère du Travail.
M. ROY (Beauce): Est-ce qu'il y a quelque chose?
M. DRUMMOND: Oui, oui.
M. ROY: Seulement au niveau des études ou s'il y a des moyens
envisagés?
M. DRUMMOND: Une étude est faite et maintenant c'est la question
de choisir les moyens.
M. ROY: Je vais prendre un exemple, M. le Président, qu'il y a
quelque chose qui ne tourne pas rond, pour souligner le point soulevé
par le député de l'Islet tout à l'heure, on va prendre un
secteur particulier, celui des écoles polyvalentes. Cette année,
on y a reformé selon les informations que j'ai eues, plus de 80
techniciens de la faune, oui, des techniciens de la faune, alors qu'il ne
semble pas y avoir plus de place que pour 6.
M. LESSARD: C'est parce que le ministère n'a pas de
politique.
M. ROY: Le ministère n'a pas de politique. On forme à
coups de millions actuellement, dans la province de Québec, et on
oriente des étudiants vers des options où il n'y a pas de
possibilité d'emploi. Mais on leur a dit au moment où ils
choisissent cette option qu'il y a des possibilités.
C'est à cela que je reviens maintenant, à la formation de
la main-d'oeuvre au niveau des travailleurs forestiers, parce que même si
le ministre a parlé tout à l'heure de la mécanisation, il
y a le problème des terrains accidentés qui a été
soulevé par le député de Montmagny-L'Islet. J'aimerais
aussi soulever un autre point sur lequel les compagnies papetières
semblent s'orienter de plus en plus, c'est une coupe rationnelle. Par une coupe
rationnelle, une coupe sélective, je me demande de quelle façon
on peut pousser la mécanisation jusqu'à outrance. La
mécanisation est extrêmement limitée lorsque la coupe
sélective se pratique.
Il y a eu des expériences qui ont été faites chez
nous, dans notre région, au niveau de la compagnie Domtar, de la
compagnie Breakey, et on a dû même avoir recours, à un
moment donné, aux chevaux ceci ne s'est pas passé plus
tard qu'il y a deux ans parce que, pour la coupe sélective, on ne
pouvait pas permettre à des tracteurs et à des bulldozers de
passer en forêt. Ce n'était pas rentable.
M. GIASSON: Je pense qu'on développe aussi le principe des coupes
en damier, ou des coupes normandes, où on peut utiliser de la grosse
machinerie.
M. ROY: C'est cela.
M. GIASSON: D'accord il y a le point de la coupe sélective,
où on ne peut pas se permettre...
M. DRUMMOND: On pose deux questions ici, en tout cas. L'une concerne la
quantité d'emplois qui seraient disponibles, et l'autre concerne la
qualité des coûts donnés. Evidemment, dans n'importe quel
système, dans n'importe quel pays, on a toujours ces problèmes
qu'on essaie de régler avec le temps. C'est la même chose en ce
qui concerne la qualité. On en parle concernant l'industrie du sciage et
l'école à Duchesnay. On pose la question: Est-ce que
c'était mieux lorsque c'était le ministère sectoriel qui
avait la responsabilité pour cela ou maintenant lorsque c'est le
ministère de l'Education? On vit toujours avec ces problèmes,
mais ce n'est pas tout à fait une question de structure, c'est une
question de coordination, d'amélioration de la qualité et d'une
meilleure prévision en ce qui concerne le nombre d'emplois qui seraient
disponibles dans un certain avenir.
Ce n'est pas toujours facile aujourd'hui de structurer des cours pour
former des gars qui vont arriver sur le marché du travail d'ici une
dizaine d'années. On aura toujours des problèmes à cet
égard.
M. ROY: Est-ce qu'on peut conclure qu'il est une heure?
LE PRESIDENT (M. Picard): Messieurs, vous avez sans doute
remarqué que j'ai laissé la discussion couvrir passablement de
sujets, nous allons suspendre jusque après la période des
questions à l'Assemblée nationale et, à ce
moment-là, je vous inviterais à me donner vos directives à
savoir si vous voulez étudier programme par programme ou les cinq
premiers programmes dans un bloc.
M. ROY: Avant, M. le Président, moi, j'aimerais qu'on discute de
la question de la réserve des trois chaînes, une chose qu'on a
seulement effleurée ce matin, avant d'étudier les programmes.
M. GIASSON: J'aurais, M. le Président, peut-être quelques
questions à poser.
M. DRUMMOND: Est-ce qu'on peut discuter de cette chose au niveau du
programme en donnant priorité à ce programme?
M. ROY: Est-ce qu'il y a un programme précis sur l'utilisation
des terres?
M. DRUMMOND: On pourrait le faire au programme 6.
M. ROY: ...certaine limite, je fais référence...
M. LESSARD: Personnellement, je n'ai pas d'objection, M. le
Président.
M. ROY: Je préférerais. D'ailleurs, on n'aura pas à
y revenir au programme 6. Cela revient au même. C'est parce qu'avant
d'étudier le programme on pourrait avoir une discussion beaucoup plus
large et je tiendrais bien à ne pas être limité et à
être conditionné pour la discussion.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de
Montmagny-L'Islet.
M. GIASSON: M. le Président, pour autant que lors de
l'étude des programmes on puisse revenir sur une discussion un peu
générale sur certains points donnés touchant le programme
en cause, je n'ai pas d'objection à ce qu'on adopte dès notre
reprise, cet après-midi, l'étude du programme.
LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce que tous les membres sont d'accord
qu'à la reprise nous commencerons avec la discussion du projet de la
réserve des trois chaînes qui fait partie
du programme 6, quitte à ce qu'on revienne lors de l'étude
du programme 6 à d'autres questions, mais sans revenir à la
question de la réserve des trois chaînes. La commission suspend
ses travaux jusque après la période des questions de la
Chambre.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
Reprise de la séance à 16 h 14
M. PICARD (président de la commission permanente des richesses
naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!
La commission des richesses naturelles et des terres et forêts
continuera cet après-midi l'étude des crédits 1974/75 du
ministère des Terres et Forêts. Tel que convenu au moment de la
suspension de nos travaux, nous allons commencer la discussion sur la
réserve des trois chaînes, qui fait partie du programme
numéro 6, et dès que cette discussion sera terminée, nous
reviendrons au programme numéro 1 et continuerons dans l'ordre.
Le député de Beau ce.
M. DRUMMOND: Peut-être que je peux introduire à tout le
monde M. Maurice Descoteaux, qui est le directeur de la gestion des terres.
LE PRESIDENT (M. Picard): II va parler au nom du ministre.
Réserve des trois chaînes
M. ROY: M. le Président, tel que je l'ai mentionné ce
matin, pour faire suite à la déclaration du ministre à
l'effet que l'application de la loi qui concerne tout le problème des
trois chaînes allait être suspendue pour une certaine
catégorie de personnes jusqu'au mois de décembre, en attendant
qu'un comité ait fait rapport au gouvernement, je voudrais quand
même attirer l'attention du ministre et du gouvernement sur des
problèmes qui demeurent quand même en plan, parce que la personne
qui est propriétaire d'un terrain sur lequel il y a un cours d'eau, au
Québec, a des lettres patentes qui lui ont été
accordées je vais parler surtout des lettres patentes qui ont
été accordées avant 1919 et elle s'est toujours
crue entièrement propriétaire de son terrain. D'ici ce
temps-là, il va y avoir des personnes qui vont vendre leur
propriété pour des fins agricoles, il y en a d'autres qui vont
vendre leur propriété pour permettre un regroupement forestier,
à la suite de la loi que le ministre entend nous proposer, du moins je
l'espère, loi qui sera proposée pour faire de la sylviculture, de
l'exploitation forestière. Il y a également des personnes qui,
actuellement, sont propriétaires de terrains sur lesquels on
érigera, le long d'un cours d'eau ou d'un petit lac, un chalet, pour
organiser, en quelque sorte, les loisirs familiaux.
Or, même si le ministre a annoncé ce matin qu'il suspendait
l'application de la loi, il demeure quand même que ces personnes se
retrouveront, tôt ou tard, avec un problème complet, un
problème entier, autrement dit, à l'effet qu'il n'y a rien de
réglé.
Il y a également le problème de ceux qui, actuellement,
ont dû payer des frais que le
ministère des Terres et Forêts leur a chargés, que
ce soient des frais pour acheter la partie de terrain qui était à
l'intérieur de la limite des trois chafnes, ou encore d'autres personnes
qui ont dû payer pour des droits de coupe. M. le Président,
j'aimerais savoir, pour les personnes qui ont été obligées
de payer, à la suite des réclamations provenant du
ministère des Terres et Forêts, sur des terrains qui ont
été concédés antérieurement à 1919,
en vertu de quelle jurisprudence, en vertu de quel principe de la loi, en vertu
de quel pouvoir le gouvernement a interprété une loi qui,
actuellement, est contestée par les spécialistes dans tout ce qui
concerne le droit des territoires, en ce sens que la loi de 1919 n'était
pas rétroactive. Sur ces points particuliers, j'aimerais bien qu'on me
dise pourquoi le gouvernement a procédé ainsi. En vertu de quoi,
dans quel but? Pour ces personnes et les personnes qui vendront leur terrain au
cours de la période, maintenant que la loi est connue du public et que
nul citoyen ne doit ignorer la loi, qu'arrivera-t-il aux personnes qui,
à partir d'aujourd'hui, à partir du moment où le
gouvernement décide de suspendre l'application de cette loi,
qu'arrivera-t-il au moment où le gouvernement décidera de
l'appliquer à nouveau, compte tenu des recommandations qui seront au
rapport?
Ce sont deux points particuliers, mais deux points particuliers sur
lesquels je pense qu'il est d'intérêt public que le gouvernement
nous fasse part de ses intentions à ce sujet.
M. DRUMMOND: Je pense qu'en ce qui concerne l'aspect juridique, le
député de Beauce-Sud signale le fait qu'entre 1884 et 1918, les
ventes étaient dans l'illégalité. Selon les opinions que
nous avons reçues, ce n'est pas tout à fait cela, on pense que
depuis 1884, le gouvernement était dans la légalité. En ce
qui concerne la rétroactivité de la loi de 1918, selon certaines
opinions qu'on a reçues, cette mesure a force de loi.
Pour ce qui concerne la politique de l'application de la réserve
des trois chafnes, même pour les ventes entre ces deux dates, on
était dans la légalité.
On peut donner des opinions contraires, selon les informations, les
opinions que nous avons reçues aussi récemment qu'il y a un mois
ou six semaines, le ministère de la Justice pense que c'est
légal.
Je ne suis quand même pas tout à fait d'avis que lorsque
l'on a fait toutes nos études, en regardant toutes les données,
ce serait le point majeur. Je pense qu'il y a, évidemment, certaines
périodes à regarder entre ces deux dates, mais il y a aussi la
question des ventes avant 1937 où on apportait l'indication d'une
façon précise que la réserve des trois chafnes
s'appliquait. C'est une autre date dont il faut tenir compte quand on ramasse
nos données.
Je ne sais pas à quelle décision on va arriver en fin de
compte, mais je pense que, même si on disait qu'entre 1884 et 1918 la loi
ne s'appliquait pas, cela ne réglerait quand même pas toute la
situation. Ce ne serait pas une étude en profondeur, alors c'est
sûrement un des aspects de la question.
Lorsque l'on parle du fait qu'en ne réglant pas tout de suite
cette question, cela pourrait créer des problèmes par interim,
c'est bien sûr que cela peut créer des problèmes par
interim, mais par contre, je ne peux pas procéder à une
série de recommandations, pour ce qui concerne un règlement
définitif, sans avoir toutes les données collées d'une
façon à permettre au gouvernement de suggérer les
amendements qui ont du bon sens.
M. LESSARD: M. le Président, est-ce que...
M. ROY: Je m'excuse, M. le député de Saguenay. Est-ce que
le ministre admet quand même que ces opinions juridiques ont
été contestées par des experts en droit de territoire, en
aménagement de territoire et qu'il y a une étude qui a paru dans
les journaux, il n'y a pas tellement longtemps? Le président de la
Chambre des notaires, Me Cossette, a fait connaître publiquement les
opinions de la Chambre des notaires à ce sujet.
M. DRUMMOND: Je ne dirais pas le contraire évidemment. Il y a les
deux points de vue, il y avait aussi quelqu'un au ministère de
l'Agriculture qui avait contesté ce point aussi. Je ne dis pas qu'il y a
unanimité quant à la légalité de cela; mais
peut-être que l'on peut laisser M. Descoteaux discuter de cela et faire
l'historique de toutes les discussions juridiques depuis quelques années
à ce sujet.
M. le Président, lorsqu'il s'agit de donner un aspect
légal d'une question comme celle-là, j'aurais peut-être
préféré, à ma place, le contentieux du
ministère.
De toute façon, pour bien situer la question, je crois qu'il faut
se reporter à 1882, alors que dans un jugement en cour, il a
été reconnu que les pêcheries d'intérieur au Canada
relevaient des provinces et non pas du gouvernement fédéral qui,
jusqu'à ce moment-là, avait octroyé les permis de
pêche, les permis de clubs de pêche, par l'intermédiaire du
ministère de la Marine.
Une fois les délais expirés pour aller en appel, il
revenait aux provinces d'organiser les pêcheries. Dans le Québec,
c'est le commissaire des terres du temps qui fut chargé de cet ouvrage,
de cette organisation. Nous pouvons retracer dans les plus vieux documents que
nous consultons, qu'au moment où cette organisation allait prendre
corps, est survenu un autre procès dont le jugement mentionnait que le
propriétaire riverain d'un cours d'eau non navigable et non flottable
était aussi propriétaire du lit de la nappe d'eau
concernée dans son lot.
En face de cette circonstance, il est facile, je pense, d'imaginer la
position du commissaire
des terres dans le temps. D'un côté, il avait à
vendre des terrains et, de l'autre côté, il avait à
organiser des pêcheries d'intérieur.
En vendant des terrains jusqu'aux nappes d'eau, il vendait
automatiquement le lit des cours d'eau et défaisait d'une main ce qu'un
autre service de son ministère était chargé d'organiser.
Plus il vendait de terrains, plus il vendait de cours d'eau et moins il en
restait pour l'organisation des pêcheries.
M. LESSARD: Il faut dire qu'il le faisait pour les compagnies
privées; La Quebec North Shore à qui on a vendu tous les lits de
rivière...
M. DRUMMOND: Je pense que dans le temps il était...
M. LESSARD : On reviendra sur cela. Ils ont tout vendu. Il ne nous reste
plus de rivière à saumon au Québec. A un moment
donné, ils ont vendu le lit de toutes les rivières. J'ai appris
cela dernièrement.
M. DRUMMOND: Oui, mais ce n'est pas là le problème de la
réserve des trois chaînes.
M. LESSARD: C'est pour cela... Oui, mais on parlait justement des
grandes compagnies forestières en relation avec la réserve des
trois chaînes.
M. ROY: C'est cela. C'est dans le programme.
LE PRESIDENT (M. Picard): Si vous voulez, messieurs, vous allez laisser
faire l'exposé historique parce qu'il ne faut pas oublier que cela a
commencé en 1882. Je ne crois pas qu'il y avait beaucoup de papeteries
dans ce temps-là.
M. LESSARD: En 1907...
LE PRESIDENT (M. Picard): A l'ordre!
M. DRUMMOND: C'est donc à ce moment-là que sont apparues
dans les lois d'abord des instructions de la part du commissaire aux agents des
terres du temps pour les informer qu'ils devraient cesser de considérer
la vente des terrains riverains pour que l'Etat demeure propriétaire et
que, par ricochet, il demeure aussi propriétaire du lit des cours
d'eau.
Cette réserve de terrain sur le bord des nappes d'eau a
été fixée un peu plus tard à trois chaînes,
d'où la naissance de l'expression "réserve de trois
chaînes". Il paraît, par les différents amendements
apportés à cette loi, que le texte n'était peut-être
pas aussi clair que chacun l'aurait voulu, malgré que dans l'esprit des
gens, aux Terres et Forêts, il semble y avoir toujours eu
continuité dans l'interprétation de cette loi. D'autant plus que
M. Jean Bouffard, qui était le conseiller juridique du ministère
de 1890 à 1919 et qui passe pour le grand juriste sur la question,
était précisément au ministère des Terres et
Forêts, et je crois que tout cela est un peu le résultat de son
travail.
Toujours est-il que la loi a été amendée à
différentes reprises jusqu'au moment où on a dit clairement que
c'était une réserve en pleine propriété en faveur
de l'Etat.
Il est tout de même vrai de mentionner que les titres temporaires
émis par l'Etat je parle des billets de location ne
mentionnaient pas au point de départ l'existence de la réserve
des trois chaînes sur les terrains que le gouvernement vendait, bien que
toutes les lettres patentes qui ont été émises ont
toujours contenu une clause indiquant que les ventes, les octrois de terrain
étaient sujets à toutes les lois concernant les terres
publiques.
Evidemment, dans cette expression, il faut comprendre que le
problème de la réserve des trois chaînes, l'existence de la
réserve des trois chaînes était contenue. Il n'était
pas toujours facile, je l'admets, de comprendre pour les personnes qui
détenaient ces terrains.
En 1937, comme on l'a mentionné, le ministère de la
Colonisation a fait apparaître sur le billet de location l'existence de
la réserve des trois chaînes.
En 1970, pour terminer, la loi fut amendée une dernière
fois pour décréter que cette réserve existerait non
seulement sur les lots qui étaient affectés de cours d'eau non
navigables, mais aussi de cours d'eau navigables.
Quant à l'application, bien que nous trouvions des lettres
patentes de 1902 qui mentionnent qu'une partie de la réserve des trois
chaînes est cédée avec l'ensemble du terrain, alors qu'une
autre partie est conservée par l'Etat, nous retrouvons à
différentes périodes des documents qui montrent que cette loi n'a
jamais été, au ministère des Terres et Forêts, mise
de côté, qu'elle n'a jamais été oubliée, de
sorte que ce n'est pas une trouvaille des dernières années. Si on
en parle davantage c'est, j'imagine, parce qu'il y a plus de problèmes
qui se présentent actuellement.
Dans la période qui a suivi 1918-1919, il y avait si peu de
chalets ou d'occupation le long des cours d'eau non navigables que le
problème s'est posé très peu souvent. Lorsque est
arrivée la crise de 1929 à 1939, encore là bien peu de
personnes étaient tentées d'aller se construire des chalets quand
on sait la quantité de terrains qui ont dû être vendus pour
taxes. Quand est arrivée la guerre, les restrictions empêchaient
d'obtenir des matériaux pour toute construction supplémentaire ou
qui semblait porter un certain pourcentage de luxe. C'est après la
guerre qu'est survenu le problème; mais, là encore, le chef du
gouvernement du temps était si peu favorable à la concession de
terres dans la province de Québec que le problème ne s'est pas
montré dans son ampleur. Et c'est peut-être allé jusqu'en
1959 ou 1960, alors que là il y a eu un déblocage, où les
gens ont commencé à s'intéresser à la
réserve des trois chaînes et à
demander des titres sur le terrain dont ils croyaient être
propriétaires. Après s'être renseignés auprès
d'avocats, de notaires, ils réalisaient que la réserve
était là; de sorte que c'est à ce moment-là qu'a
commencé la régularisation d'un certain nombre de ces
occupations.
M. ROY: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: ... je remercie M. Descoteaux pour ces renseignements mais il
serait peut-être bon de citer quelques textes de loi pour le journal des
Débats, parce que je pense que les discussions que nous tenons ici
aujourd'hui doivent être assez importantes et pour plusieurs personnes
cela va constituer un document de référence.
M. le Président, suite à ce que vient de dire M.
Descoteaux, il faut ajouter aussi que c'est dans la Loi des terres de la
couronne, dans la Loi de la pêche, en 1888, qu'apparaissaient, à
l'article 1375, paragraphe 2, des baux de pêche. Et, à l'article
1375, il est indiqué en marge: Réserves pour fins de pêche.
"Une réserve d'au moins trois chaînes je cite l'article
en profondeur des terres, bordant les rivières et les lacs de la
province, doit être faite lors de la vente ou de l'octroi gratuit des
terres appartenant à la couronne, pour des fins de pêche".
C'était bien marqué, c'était textuellement dans la loi
originale, à la page 410 des vieux documents, des vieux recueils de
lois. En 1919, une loi a été sanctionnée le 17 mars 1919,
Loi amendant la loi de la pêche du Québec et la loi de la chasse
de Québec, chapitre 31: "Sa Majesté, de l'avis et du consentement
du Conseil législatif et de l'Assemblée législative de
Québec, décrète ce qui suit: L'article 2252 des statuts
refondus de 1909 est amendé et je dis bien que c'est en 1919 que
la loi a été sanctionnée, le 17 mars de la
façon suivante: a)et en remplaçant les mots "pour des fins de
pêche", à la troisième ligne, par les mots "en pleine
propriété en faveur de la couronne"; b)en y ajoutant après
les mots "ou y renoncer", dans la deuxième ligne du deuxième
alinéa, les mots "ou la vendre".
Or, M. le Président, c'est justement là, je pense, qu'on
touche le fond du problème. Cette réserve des trois chaînes
n'apparaissait pas dans la Loi des terres et forêts du Québec.
Elle est apparue par un amendement qui a été
apporté à la Loi de la conservation de la faune, qui a
été sanctionnée le 12 décembre 1969. On a
ajouté justement la Section 2-A et l'article 41 qui se lit comme suit:
"Depuis le 1er juin 1884, les ventes, concessions et les octrois gratuits de
terres publiques sont sujets à une réserve en pleine
propriété en faveur du domaine public du Québec de trois
chaînes en profondeur des terres, bordant les rivières et les lacs
non navigables du Québec"
Or, c'est seulement à partir de 1969, la fin de 1969 et dans les
lois de 1969, qu'on retrouve cette réserve des trois chaînes, dans
la Loi des terres et forêts; auparavant, elle était exclusivement
limitée à la Loi de la pêche. Si c'est incorrect,
j'aimerais bien, M. le Président, que quelqu'un fasse les rectifications
qui s'imposent.
M. DRUMMOND: M. le Président, je ne suis pas un juriste
très éminent et, à ma connaissance, le
député de Beauce-Sud n'est pas un juriste non plus. Mais si,
comme il le dit, on veut prendre comme référence le journal des
Débats, sur des arguments juridiques, je pense que ça vaut la
peine de donner l'autre point de vue et de faire lecture de certains documents
que nous possédons concernant ces arguments juridiques.
M. ROY: Aucune objection, M. le Président. D'ailleurs, je n'avais
pas terminé, j'ai autre chose à ajouter, si on veut me
permettre.
M. DRUMMOND: D'accord, on peut attendre la fin de votre point de
vue.
M. ROY: Voici, M. le Président, sur le plan pratique, le plan que
je désirais souligner. Et même à ce moment-là, on
pourrait se référer à la Loi du crédit agricole et
se référer à tous les dossiers qu'a en main l'Office du
crédit agricole du Québec. Après avoir
vérifié personnellement plusieurs titres, plusieurs chaînes
de titres, de dossiers, concernant les prêts consentis par l'Office du
crédit agricole du Québec, il ne paraît pas, ou très
rarement personnellement, je n'en ai jamais vu, disons que je suis bien
d'accord que je n'ai pas vérifié tous les titres qu'il n'y
ait jamais un notaire de la région je les ai consultés
qui a cru nécessaire de faire mention, dans le titre qui a
été préparé à l'intention de l'Office du
crédit agricole du Québec, de cette réserve en faveur des
trois chaînes, parce que, premièrement, le gouvernement ne s'en
était jamais prévalu jusqu'à ce jour et,
deuxièmement, cette réserve, dans l'esprit de tout le monde,
était pour des fins de pêche. Je parle pour les lots
concédés avant 1919.
Etant donné qu'il n'y a aucune mention, dans la loi de 1919, que
la loi puisse être rétroactive, il n'en est aucunement fait
mention. A partir des années 1884 jusqu'à 1919, c'est
l'époque au Québec où il y a eu le plus de concessions de
terres, parce qu'on a assisté à la grande époque du
développement agricole, et plusieurs comtés même ont
été formés à partir de cela, la fondation de
nouvelles paroisses, et toutes les régions, sauf les Cantons de l'Est,
qui se sont développées sous le système cantonnai, lorsque
les cadastres ont été faits au niveau des cantons, sont
concernées par cette réserve des trois chaînes.
Il y a une deuxième catégorie de personnes qui sont
concernées par la réserve des trois chaînes; ce sont celles
dont les terrains ont été
concédés à l'intérieur des seigneuries, sans
le régime seigneurial, et qui, pour bénéficier des
subventions du ministère de la Colonisation, avaient
"dépatenté" leurs lots pour pouvoir faire l'agrandissement
nécessaire, le développement agricole nécessaire pour
répondre à certaines exigences, pour bénéficier des
subventions, bénéficier des programmes de la colonisation et qui
ont "repatenté" leurs lots par la suite. Celles-là sont
concernées actuellement, selon les informations que j'ai eues du
ministère, par la fameuse réserve des trois chaînes,
même si la résidence ou la propriété a
été construite en 1875 et même en 1860. On pourrait citer
des cas à l'honorable ministre, certains cas de particuliers qui avaient
de petites terres marginales qui avaient été "patentées"
à l'intérieur de seigneuries. Je ne pourrais malheureusement pas
donner les noms, M. le Président, mais ces personnes sont
également concernées.
Or, étant donné que la loi n'était pas
rétroactive, et là je cite, je ne veux pas faire
d'interprétation juridique, le ministre a pris bien soin de me rappeler
chose d'ailleurs que je savais que je n'étais pas un
juriste. Seulement, sans être juriste, M. le Président, il y a
tout de même la loi du gros bon sens, la loi de la grosse logique. Or,
les personnes qui, justement, depuis 1919, étaient propriétaires
de leurs terrains, actuellement il s'agit pour elles, en quelque sorte, d'une
expropriation pure et simple, parce qu'on exige d'elles des droits.
Je dois même signaler à l'attention du ministre et du
gouvernement le cas d'un cultivateur de mon comté. Il s'était vu
concéder une terre qui originalement était à
l'intérieur des seigneuries; il s'agit d'une seigneurie de la Beauce.
Cette personne, qui avait dû dépatenter son lot, à cause
justement de l'expansion qu'elle voulait faire et afin de pouvoir
bénéficier des subventions gouvernementales, s'est trouvée
avisée par le gouvernement de Sa Majesté qu'elle n'était
pas propriétaire du terrain sur lequel étaient
érigés sa résidence et ses bâtiments de ferme.
Alors, vous imaginez dans quelle situation, à un moment
donné, on peut placer des gens; on peut les mettre dans
l'inquiétude. Or, il y a également des personnes, qui
étaient propriétaires de leur terrain; j'ai un dossier, en
particulier, où les lettres patentes ont été
concédées en 1908. Donc, en 1908 au moment de la concession, il
n'y a pas un notaire qui a jugé bon de mentionner qu'il y avait une
réserve de trois chaînes à telle propriété en
faveur du gouvernement, parce que ça n'existait pas à
l'époque. Ensuite la terre a été vendue à d'autres
personnes; elle a été retransmise de génération en
génération. Aujourd'hui, cette personne s'est organisée, a
fait quelque chose, un petit développement pour permettre à
certaines personnes du village d'avoir un petit emplacement, pour pouvoir
s'organiser et être en mesure de prendre des vacances en plein air.
Alors, ces gens ont tous reçu des avis du ministère
présentement, édictant qu'ils doivent racheter du gouvernement
l'emplacement selon les normes et selon le prix fixés par le
ministère, compte tenu des règlements qui ont été
adoptés par le lieutenant-gouverneur en conseil à ce sujet.
M. le Président, je veux attirer l'attention du gouvernement sur
le fait que deux éminents juristes, soit M. Lorne Giroux et Patrick
Ken-niff, qui sont deux avocats professeurs et spécialisés dans
l'aménagement du territoire à l'université Laval, ont
répondu aux questions soulevées par le fait que nombreuses sont
les personnes, qui s'étaient crues propriétaires d'un lopin de
terre bordant un lac ou une rivière, qui reçoivent, du jour au
lendemain, un avis du gouvernement, leur servant la réserve des trois
chaînes. Celle-ci les dépossède, même s'ils ne l'ont
jamais été selon la loi de 1884, de 198 pieds de terre bordant le
cours d'eau non navigable. Quels sont les recours de ces gens?
M. le Président, voici ce que disent ces deux éminents
avocats: "Depuis quelques semaines, l'opinion publique et certains
députés se sont émus des effets de l'application par le
gouvernement provincial de la réserve des trois chaînes. Pour sa
part, le Protecteur du citoyen a reçu j'ai l'intention de le
citer tout à l'heure depuis 1970, un certain nombre de plaintes
à ce sujet. Tout en reconnaissant que la réserve repose sur une
base juridique solide, il a recommandé au gouvernement d'adoucir
l'application de sa politique. Indépendamment de la politique
engagée sur cette question, il est impératif à ce
stade-ci, pour le public, de clarifier les données juridiques qui sont
à la base de toute discussion".
Or, on dit: "Qu'est-ce que la réserve des trois chaînes? La
réserve des trois chames est apparue dans la Législature
québécoise par un amendement aux lois de la pêche
adoptées en 1888 et, jusqu'en 1970, cette réserve a
été imposée par un article de la Loi de la pêche.
Depuis lors, c'est l'article 41 a) de la Loi des terres et forêts qui la
perpétue. Le but de cet article est de réserver au gouvernement
du Québec un droit de propriété sur une lisière de
terrain d'une profondeur de 198 pieds trois chames donc, une
chaîne, 66 pieds sur toute terre qu'il considère en bordure
d'un cours d'eau. "L'effet d'un article est de réduire automatiquement
la superficie d'une propriété que le gouvernement concède
à un particulier, même si le titre de concession n'en fait
aucunement mention. Par conséquent, si le gouvernement décide de
se départir de cette lisière en faveur d'un particulier, il doit
le faire d'une façon claire et précise par une clause
spéciale de concession à cet effet. Pour savoir si la
réserve s'applique à un terrain donné, il faut s'attacher
à un élément essentiel. Il s'agit de la date de la
première concession, c'est-à-dire le moment où le
gouvernement se départit du terrain au profit d'un particulier, en
pleine propriété ou par un
billet de location. Les transactions subséquentes n'ont aucune
importance. Même aujourd'hui, les droits d'un particulier face au
gouvernement s'évaluent à la date de cette première
concession faite par le gouvernement."
A quels cours d'eau s'applique la réserve? C'est justement un
point important, M. le Président, sur lequel je veux attirer l'attention
du gouvernement et du ministre: "Pour qu'une réserve existe sur un
terrain, il faut d'abord que ce terrain soit situé sur le bord d'une
rivière ou d'un lac qui n'est ni navigable, ni flottable. Seuls les
tribunaux sont compétents pour déterminer si un cours d'eau est
navigable ou flottable, mais il y a eu peu de décisions sur ces
questions. "Le citoyen qui se demande si un lac ou une rivière est
navigable ou non peut souvent obtenir un avis du ministère des Richesses
naturelles, mais tant qu'il n'y a pas eu de jugement d'un tribunal cet avis ne
peut être considéré comme définitif. Pour
éviter l'application de la réserve des trois chaînes sur
son terrain, le citoyen a évidemment avantage à établir
que le cours d'eau en bordure duquel il est situé est navigable et
flottable. "A l'aide de la jurisprudence on peut dégager certains
critères de navigabilité. Celle-ci est toujours une question de
fait pouvant varier d'un cas à l'autre. Elle se rattache à la
notion d'utilisation commerciale et du cours d'eau, c'est-à-dire
à la question de savoir si une navigation utile et profitable au public
est possible sur cette rivière ou sur ce lac. "La jurisprudence
reconnaît même que le flottage du bois en radeau et non pas en
bûches perdues constitue une utilisation commerciale suffisante. Pour
prouver qu'il y a déjà eu navigation, tous les moyens de preuve
peuvent être utiles, témoins oculaires, livres d'histoire,
photographies ou plans d'époque. Or, non seulement le cours d'eau
doit-il être non navigable pour que la réserve s'applique, mais de
plus il doit border le terrain assujetti à la réserve."
Alors, M. le Président, il y a quand même une nuance entre
un cours d'eau qui borde un terrain et un petit ruisseau de douze pouces de
large qui traverse un terrain en plein centre. Et je vais revenir sur cette
question. Par conséquent, il est possible d'affirmer, comme l'a fait le
service juridique du ministère de l'Agriculture, en 1969, que la
réserve ne s'applique pas, lorsqu'un cours d'eau traverse un terrain ou
se trouve à l'intérieur, sans en constituer une borne ou une
limite.
Ce qu'il est important de savoir, c'est si le cours d'eau constituait
une borne du lot original, c'est-à-dire du terrain qui a
été concédé par le gouvernement, même si ce
lot a été morcelé et subdivisé après la date
de la première concession. A quel terrain s'applique la réserve?
On a dit et écrit plusieurs fois que la loi réservait au
gouvernement du Québec, en pleine propriété, une
lisière de trois chaînes sur les terres bordées par un
cours d'eau non navigable et ce pour toutes les terres concédées
depuis le 1er juin 1884.
Nous ne sommes pas d'accord et je donne des avis juridiques au
ministre sur cette prétention car entre 1884 et 1899, même
si la réserve existait, elle ne conservait pas au gouvernement un droit
de propriété, mais seulement une servitude pour des fins de
pêche. Les motifs de notre opinion reposent sur le principe
élémentaire qu'une loi ne peut avoir un effet rétroactif
sans que la loi l'exige expressément. Or la réserve des trois
chaînes a été insérée dans la loi de 1888 et
confirmée en 1899 avec effet rétroactif au 1er juin 1884.
Là il y avait effet rétroactif selon l'opinion de ces conseillers
juridiques.
La réserve cependant ne s'appliquait alors que pour des fins de
pêche et ce n'est qu'en 1919 qu'un amendement a substitué les mots
"en pleine propriété" aux mots "pour des fins de pêche",
sans préciser que cet amendement à une loi rétroactive
était lui-même rétroactif. Je pense que nous touchons quand
même quelque chose de très important. Par conséquent, la
loi du 17 mars 1919 n'a eu d'effet que pour l'avenir et la réserve
n'existe en pleine propriété que depuis cette date.
Cette opinion a d'abord été émise par les
conseillers juridiques du ministère de l'Agriculture en 1969 et ensuite
entérinée et élaborée par Me Jules Brière,
chargé d'étude pour la commission Legendre, sur les
problèmes juridiques de l'eau. Les conclusions de M. Brière ont
d'ailleurs été suivies par d'autres auteurs depuis. Les
conséquences pratiques de cette opinion sont très importantes.
Si, sur un cours d'eau non navigable, un terrain a été
concédé par le gouvernement avant le 1er juin 1884, il n'y a
aucune réserve, sauf mention expresse dans le titre individuel. Si ces
terrains ont été concédés entre le 1er juin 1884 et
le 17 mars 1919, le gouvernement détient une servitude pour fins de
pêche sur cette lisière de trois chaînes, mais il n'a aucun
droit de propriété (non seulement le propriétaire ne peut
être forcé de quitter les lieux, mais tout le bois coupé
sur la réserve lui appartient).
Si le terrain a été concédé après le
17 mars 1919, le gouvernement a toujours été propriétaire
de la lisière de 198 pieds, à moins d'une concession expresse de
la réserve. Et je me permets d'ajouter que ce n'est pas ce point que
nous contestons, même si nous demanderons des amendements tout à
l'heure. Une personne qui désire savoir à quel moment son terrain
a été concédé par le gouvernement peut toujours
s'adresser au ministère des Terres et Forêts en donnant le
numéro de lot du cadastre.
Recours du gouvernement en cas d'empiétement. Depuis que le
gouvernement a commencé sa politique de récupération de la
réserve de trois chaînes, il a envoyé de nombreux avis
à de petits propriétaires les sommant de régulariser leur
situation. Il a aussi utilisé son pouvoir, en vertu de l'article 87 de
la Loi des terres et
forêts, de faire saisir le bois coupé, sans droit, dans la
réserve, qui, si les allégations du gouvernement sont
fondées, fait partie du domaine public.
Pour ceux dont les terrains ont été concédés
depuis 1919, le gouvernement peut également recourir à deux
procédures. La première vise à forcer un particulier
à abandonner la réserve au moyen d'une requête pour
dépossession présentée en cour Supérieure sur avis
d'au moins six jours, en vertu de l'article 50 de la Loi des terres et
forêts.
Le résultat de cette démarche serait d'obliger le
particulier à délaisser la réserve qu'il occupait. "La
seconde procédure consiste à faire condamner le contrevenant
à une amende pour chaque jour qu'il a occupé sans droit la
réserve. L'article 49 de la loi stipule que l'amende minimale est de $1
par jour et le maximum de $1,000 par jour d'infraction. Le juge, en fixant le
montant de l'amende, doit tenir compte de l'importance des terres publiques
occupées sans droit". Je dois dire, à ce moment-ci, qu'on s'est
même permis de faire parvenir cet avis de loi, édictant qu'il
pouvait y avoir une amende de $1 à $1,000 par jour, à des
cultivateurs propriétaires de leur terrain; inutile de vous dire les
inquiétudes que ceci a pu occasionner à ces personnes. "Les
petits propriétaires qui ont empiété sur la réserve
n'ont donc guère à craindre, si on se fie à la loi, de se
voir imposer les fortes amendes auxquelles se réfère le
ministère. La réserve des trois chaînes n'a rien de
mystérieux; son existence, son étendue dans le temps et dans
l'espace dépendent de la loi et de son interprétation. Comme
toute limite au droit de propriété, elle doit être
interprétée restrictivement et, en cas de doute, en faveur du
propriétaire privé. En aucun cas les fonctionnaires du
ministère des Terres et Forêts ne peuvent-ils substituer leur
interprétation à celle des tribunaux. Du moins, les citoyens
doivent-ils se rendre compte que l'interprétation administrative n'est
pas à l'abri de toute remise en cause".
M. le Président, cette citation n'est pas de moi-même,
n'étant pas juriste comme l'a si bien dit le ministre des Terres et
Forêts tout à l'heure, mais elle a été faite par Mes
Giroux et Kenniff, avocats et tous deux experts dans les questions
d'aménagement de territoire à l'université Laval. A la
suite de témoignages juridiques aussi clairs et aussi précis
et nous pourrions en citer d'autres je me demande
sincèrement, lorsque le ministre dit qu'il veut encore appliquer
partiellement la loi en attendant que la commission ait fait rapport
laissant toute la question encore en suspens, laissant tous les
propriétaires fonciers du Québec sur le qui-vive, sans savoir si
demain ou après-demain, dans un mois, dans six mois ou dans un an cette
question ne sera pas remise en cause si on ne sera pas obligé de
verser au gouvernement des montants qui, à l'heure actuelle, sont quand
même assez substantiels lorsqu'il s'agit d'aménagement pour des
fins de loisirs privés et de loisirs familiaux et pour des cultivateurs
qui ne savent pas s'ils sont propriétaires de leur ferme ou s'ils ne le
sont pas.
Lorsque je songe que des personnes, propriétaires de terres
concédées avant 1919, ont été dans l'obligation de
payer au ministère des Terres et Forêts des droits de coupe de $27
les mille pieds, je dis que le gouvernement a été trop loin et le
ministère des Terres et Forêts aussi.
M. DRUMMOND: M. le Président, comme nous l'avons dit il y a
quelques minutes, je pense qu'il vaudrait la peine de faire la lecture d'autres
opinions juridiques pour le dossier et je vais demander à M. Duchesneau
de le faire tout de suite.
La première est celle du contentieux du ministère et la
suivante sera celle du ministère de la Justice qui a donné son
avis sur celle de Me Côté.
M. ROY: Maître?
M. DRUMMOND: Me Côté.
M. ROY: Me Côté qui est conseiller juridique du
ministère?
M. DRUMMOND: C'est cela. M. ROY: C'est son opinion... M. DRUMMOND: A
lui. M. ROY: ... à lui.
M. DRUMMOND: Confirmée par le ministère de la Justice. Je
vais vous lire les deux.
M. ROY: D'accord.
M. DRUMMOND: D'abord, Me Côté. "L'article 41 a) de la Loi
des terres et forêts décrète que depuis le 1er juin 1884
les terres publiques sont sujettes à une réserve en pleine
propriété en faveur de la Couronne de trois chaînes en
profondeur des terres bordant les rivières et les lacs non navigables.
Il s'ensuit qu'avant cette date les ventes et concessions de terres publiques
en bordure de ces lits et de ces lacs en comprenaient les lits. "Depuis, les
ventes sont sujettes à cette réserve, en pleine
propriété, en faveur de la Couronne. Cette opinion n'est
toutefois pas partagée par tous les juristes. Me Jules Brière,
des Affaires intergouvernementales, Me André Cossette, notaire, se
basant sur une opinion de Me Cantin, du contentieux du ministère de
l'Agriculture, ont prétendu, depuis quelques temps, que les mots "en
pleine propriété en faveur de la Couronne" qui ont
remplacé les mots "pour fins de pêche" par un amendement
à la Loi de la pêche apporté le 17 mars 1919 n'ont
aucun effet rétroactif en vertu du principe d'interprétation qui
veut qu'une loi n'a pas d'effet rétroactif à moins que cet effet
n'ait été édicté expressément. "En
conséquence, la propriété de la réserve des lots
riverains des rivières non navigables concédés entre le
1er juin 1884 et le 17 mars 1919 n'existerait pas en faveur de la couronne
selon ces juristes. Personnellement, je m'inscris en faux contre cette opinion
et je fais mienne l'interprétation traditionnelle donnée par Mes
Jean Bouffard, Adjutor Dussault, Marie-Louis Beaulieu et autres, qui veut que
l'amendement de 1919 ait un effet rétroactif au 1er juin 1884. Je ne
crois pas qu'il me soit nécessaire, dans ce domaine, de vous exposer
cette théorie dans tous ses détails.
Qu'il me suffise de dire qu'en 1919 l'intention du législateur de
donner une rétroactivité était tellement évidente
qu'il a pris la peine de décréter que les causes pendantes ne
seraient pas affectées par cet amendement. N'est-ce pas tout simplement
bien indiquer que toutes les causes pendantes devaient être jugées
suivant la loi telle qu'elle existait avant l'amendement et que les nouvelles
causes, qui pourraient être inscrites, que le litige ait pris naissance
à la suite d'une transaction effectuée après juin 1884 ou
après 1919, le seraient selon la nouvelle interprétation que le
législateur entendait donner à la loi "'La stipulation de 1919 me
paraît donc comme un acte non seulement interprétatif mais aussi
comme un acte déclaratoire du législateur et on ne peut invoquer,
dans ce cas, la présomption de non rétroactivité." Je vais
vous donner maintenant l'opinion de...
M. ROY: L'opinion de Me Côté date de...
M. DRUMMOND: Du 14 décembre 1973. La lettre du ministère
de la Justice est datée du 14 mars 1974. Elle traite de tout le
problème. On s'est adressé à Me Fernand Côté
au sujet des réserves légales des trois chaînes. "Pour
faire suite à nos récentes conversations
téléphoniques je désire, par la présente, confirmer
l'opinion verbale que je vous donnais à l'effet que je ne suis pas
d'accord avec l'opinion de Me Louis-Gérard Cantin et plutôt en
accord avec la vôtre. "Tout d'abord, j'aimerais disposer de son
argumentation à l'effet que le second paragraphe de l'article 400 du
code civil ne trouve son application que lorsque le cours d'eau borne le
terrain et non pas lorsqu'il le traverse. Une telle interprétation me
semble aberrante. Comment expliquer que le législateur ait voulu se
garder la propriété du lit de la rivière et des rives
lorsque la rivière sépare deux lots et qu'il n'a pas voulu se la
garder lorsqu'elle traverse un lot. On ne peut imaginer aucun motif. Par
ailleurs, une telle interprétation pourrait donner lieu à des
situations cocasses. "Par exemple, si une personne achetait un lot
traversé par un cours d'eau, elle serait propriétaire de ce cours
d'eau, alors que si une autre personne achetait deux lots séparés
par un cours d'eau elle se trouverait ainsi dans une situation analogue
à la première et ne serait pas propriétaire du cours
d'eau. Certes, il est possible que, dans certaines circonstances le
législateur, veuille faire la distinction. Il l'a d'ailleurs
déjà faite à l'article 503 du code civil lorsqu'il
prévoit un régime différent pour le propriétaire
dont le terrain est borné par un cours d'eau de celui qu'il
prévoit pour le propriétaire dont le terrain est traversé
par un cours d'eau en ce qui concerne les servitudes dans l'usage de ce cours
d'eau. Mais dans ce cas, il l'indique clairement en employant les mots
"borné et traversé" et en spécifiant des régimes
différents dans l'un et l'autre cas. Or, tel n'est pas le cas à
l'article 400. Non seulement le législateur ne fait pas de distinction
claire mais il ne prévoit pas de régime différent. "Par
ailleurs, l'emploi du mot "bordé" plutôt que du mot "borné"
me semble indicatif. Ce mot a un sens beaucoup plus large que le mot
"borné" et son emploi est logique si on considère que le
deuxième paragraphe de l'article 400 réserve la
propriété du lac et des rivières à l'Etat. Il est
bien évident que si on réserve le cours d'eau à l'Etat,
les terrains situés de chaque côté du cours d'eau,
même s'ils font partie d'un même lot, sont nécessairement
bordés par le cours d'eau. C'est donc dire que je ne puis accepter le
point de vue de Me Cantin et conclus que le deuxième paragraphe de
l'article 400 s'applique, que le cours d'eau borne un terrain ou qu'il le
traverse. "Je ne puis non plus accepter son point de vue lorsqu'il
prétend que la loi qui réserve trois chaînes en pleine
propriété en faveur du domaine public du Québec n'a
d'effet que le 17 mars 1919 sans aucun effet rétroactif du 1er juin
1884. Il est exact qu'avant l'adoption de l'amendement de 1919 la
réserve des trois chaînes n'était faite que pour des fins
de pêche et que la cause de McLaren vs Hanson et le procureur
général a décidé que la réserve des trois
chaînes n'appartenait pas en pleine propriété à la
Couronne. Sur ce dernier point, je vous souligne que même si la
décision du conseil privé s'occupait surtout de la question de la
navigabilité de la rivière Gatineau, en rétablissant dans
son entier le jugement du juge de la cour Supérieure, le Conseil
privé s'est trouvé à avoir décidé
implicitement que la réserve n'appartenait pas en pleine
propriété au Québec. "Je vous réfère,
à ce sujet, au traité du domaine de Bouffard, en pages 105 et
106. Cependant, même si c'était la situation avant 1919,
l'amendement de 1919 est venu corriger la situation avec effet
rétroactif au 1er juin 1884. "En effet, contrairement à ce
qu'affirme Me Cantin, cet amendement rencontre toutes les conditions voulues
pour être considéré comme
étant déclaratoire et rétroactif. On sait qu'en
général une loi n'a pas d'effet rétroactif si elle ne le
stipule pas. L'amendement ne dit pas à proprement parler que la loi a un
effet rétroactif, mais l'emploi des mots "sont et ont été
depuis le 1er juin 1884" ne laissent pas de doute quant à l'intention du
législateur. D'autre part, cette intention est également bien
indiquée par le fait qu'on a voulu préserver les droits acquis
avant l'amendement à la loi. Un droit acquis n'existe qu'à la
condition qu'il ait été exercé. En l'occurrence,
l'exercice du droit n'avait pu se faire par voie de procédures
réclamant la propriété de la réserve. Or, à
l'article 14 de l'amendement, le législateur a spécifié:
"Les dispositions de la section 1 de la présente loi n'affecteront pas
les causes pendantes". Manifestement, le législateur, par cette
disposition, a voulu protéger les droits acquis des personnes qui
s'étaient prévalues des tribunaux pour exercer leurs droits. Il
faut donc conclure que la loi se voulait avoir un effet rétroactif dans
tous les cas, à l'exception des cas où les personnes avaient
exercé leurs droits en intentant des procédures et a fortiori
dans les cas où le propriétaire avait déjà obtenu
jugement, avant l'amendement".
Cette opinion est partagée par Bouffard dans son Traité du
domaine, qui est sans doute la plus éminente autorité au
Québec en cette matière.
La lettre continue sur d'autres points.
M. ROY: J'ai ici le traité du domaine, M. le Président,
par Bouffard, et justement l'article 143. Il serait peut-être bon,
puisqu'on y fait référence, d'en faire une certaine lecture.
Encore là, j'ai certains doutes quant à l'interprétation
qu'on aurait donnée à ce que Bouffard a dit, à ce
moment.
La cause de McLaren vs Hanson et le procureur général
intervenant, la question de la propriété de la réserve
s'est présentée. Un des lots riverains des pouvoirs d'eau
concédés par la couronne à Hanson avait été
concédé après le 1er juin 1884. Le procureur
général soutint devant la cour Supérieure qu'au moins
cette partie des pouvoirs d'eau appartenait à la couronne lorsqu'elle
les a concédés à Hanson en regard de la décision
par la cour que la rivière Gatineau était une rivière non
navigable et non flottable. Le juge Champagne décida en première
instance que cette réserve des trois chaînes, si elle existait
à cet endroit, ne comportait pas un droit de propriété en
faveur de la couronne, mais seulement une servitude pour des fins de
pêche et que la propriété de cette réserve devait
appartenir au propriétaire du lot. La cour d'Appel ne se
prononçait pas sur la question de la réserve des trois
chaînes mais sur d'autres points qu'il n'est pas nécessaire de
mentionner ici. La cour Suprême se divisa également et le jugement
de la cour d'Appel se trouva confirmé. Au Conseil privé, le
jugement de la cour d'Appel fut cassé et celui de la cour
Supérieure rétabli. Les nobles lords du Conseil privé se
sont surtout préoccupés de la question de la navigabilité
de la rivière Gatineau, et c'était le point principal en litige,
mais sans avoir traité d'une manière spéciale la question
de la propriété de la réserve des trois
chaînles.
M. DRUMMOND: Je vous rappellerai que la lettre du contentieux de la
Justice l'interprète de cette façon, mais continue en disant,
comme je le disais tout à l'heure: Cependant, même si
c'était la situation avant 1919, l'amendement de 1919 est venu corriger
la situation avec effets rétroactifs au 1er juin 1884.
M. ROY: De toute façon, M. le Président, avant d'aller
plus loin, je demanderais que le gouvernement dépose ces deux documents,
comme il est requis par le règlement, lorsqu'on y fait
référence. C'est le privilège du député
d'exiger le dépôt de ces deux documents pour qu'ils deviennent des
documents publics.
Mais je pense que, sans faire un débat juridique, nous avons
déjà, à ce moment-ci, suffisamment
d'éléments pour démontrer que toutes ces opinions
juridiques sont contestées de part et d'autre. Or, le gouvernement et le
ministère des Terres et Forêts ont décidé, peu
importe le débat juridique en cause, peu importent les contestations
qu'il y a de part et d'autre, de dire: Voici, étant donné que
cela nous favorise, on va l'appliquer de telle façon. Ce n'est pas
tranché. Actuellement, la personne ainsi lésée n'a d'autre
droit que d'avoir recours à des avocats et poursuivre le gouvernement,
et on sait combien ça peut coûter et combien de temps cela peut
prendre.
M. le Président, nous avons au Québec des milliers de
petits propriétaires concernés. Qu'on ne dise pas qu'il y a 2,000
dossiers, 3,000, 4,000, 5,000 dossiers, ce sont des dizaines et des dizaines de
milliers de dossiers. Il y a des comtés au complet qui sont
concernés par cette réserve des trois chaînes, des
comtés au complet. Dans des localités dans mon comté,
c'est quasi complet. Si vous avez, par exemple, 300 ou 400 ou 500 contribuables
dans la même localité, vous avez autant de propriétaires
qui sont concernés par la loi.
Maintenant, on parle aussi c'est un autre point que j'aimerais
porter à l'attention du ministre des lacs et des rivières.
Où et quand a-t-on décidé que c'étaient tous les
cours d'eau et en vertu de quoi?
Qu'est-ce qu'une rivière? Quand est-ce un ruisseau? Quand est-ce
une rivière? Où est la ligne de démarcation? Je pense
qu'il serait important qu'au ministère des Terres et Forêts
vous avez les experts on nous dise ces choses pour qu'on sache à
quoi s'en tenir. En vertu de quels critères détermine-t-on que
c'est une rivière? Et en vertu de quels critères
détermine-t-on que c'est un ruisseau? Dans la loi, on fait
référence aux lacs et rivières. Actuellement, le
ministère l'applique dans les petits cours d'eau.
M. LESSARD: Non navigables. M. ROY: Non navigables.
M. DRUMMOND: Pour l'application de cela, M. le Président, on
demande l'opinion du ministère des Richesses naturelles, qui fait
l'expertise pour déterminer cela.
M. ROY: C'est quoi?
M. DRUMMOND: On demande un avis au ministère des Richesses
naturelles sur telle rivière ou sur tel cours d'eau, s'il est navigable
ou non.
M. ROY: Ou non navigable. Au point de vue de la navigabilité, je
suis d'accord, il y a certains critères. Ce n'est pas là mon
point. Quand est-ce que ça cesse d'être un cours d'eau pour
être une rivière? On sait que cours d'eau au ministère des
Richesses naturelles parce que j'ai pris des informations c'est
pourvu qu'une boîte d'allumettes puisse flotter. C'est la réponse
qu'on m'a donnée. Vous allez me dire que c'est un peu simpliste, mais
c'est la réponse qu'on m'a donnée, pourvu qu'une boîte
d'allumettes puisse flotter.
M. DRUMMOND: D'où...
M. ROY: Alors comme il y a plusieurs agriculteurs de tous les
comtés du Québec qui ont des petits cours d'eau sur lesquels les
boîtes d'allumettes peuvent flotter...
LE PRESIDENT (M. Picard): Quelle grosseur de boîte?
M. ROY: Une petite boîte d'allumettes. Je pense qu'on a même
parlé d'une boîte d'allumettes de $0.01.
UNE VOIX: Eddy Match.
M. ROY: D'Eddy Match, parce qu'on sait que la rivière Gatineau
est impliquée là-dedans. C'est sur la rivière Gatineau que
des usines fabriquent les allumettes, c'est probablement là-dessus qu'on
a fait certaines références.
M. LESSARD: Est-ce que je pourrais poser une question au
député? C'est navigable lorsqu'une boîte d'allumettes
peut...
M. ROY: Non, c'est pour déterminer quand c'est un cours d'eau. Un
cours d'eau est déterminé, selon le ministère des
Richesses naturelles, lorsqu'une boîte d'allumettes peut flotter. J'ai
l'impression que pour le ministère des Terres et Forêts, à
partir du moment où une boîle d'allumettes flotte, c'est une
rivière. Je voudrais qu'on me rassure.
M. LESSARD: M. le Président, il y a des cours d'eau en avant de
la maison chez nous de ce temps-ci, mon garçon s'amuse avec des
boîtes d'allumettes.
M. DRUMMOND: Je pense qu'il faut que la boîte flotte douze mois
par année ou ait la possibilité de le faire; je pense que, grosso
modo, c'est ça.
Nous prenons l'avis strictement des Richesses naturelles pour savoir si
dans tel cours d'eau ça s'applique.
M. ROY: Cela s'applique comme rivière ou comme cours d'eau.
M. DRUMMOND: Si la loi s'applique.
M. ROY: Un instant, il y a une distinction. J'ai bien dit
qu'actuellement le ministère des Terres et Forêts fait appliquer
la loi au niveau des cours d'eau, alors que la loi est très claire: on
parle des lacs et des rivières. A partir de quand? Les cours d'eau sont
déterminés par le ministère des Richesses naturelles,
d'accord. Je suis d'accord sur l'opinion que vous venez d'émettre,
d'ailleurs c'est un fait, c'est admis. Mais pourquoi le ministère des
Terres et Forêts fait-il appliquer ça au niveau des petits cours
d'eau, alors que la loi édicte très clairement que c'est au
niveau des autres cours d'eau? J'aimerais qu'on me réponde.
M. DRUMMOND: On le fait appliquer seulement lorsqu'on a l'opinion du
ministère des Richesses naturelles que la loi s'applique.
M. ROY: Est-ce que vous demandez au ministère des Richesses
naturelles des avis juridiques concernant l'application de la loi ou si vous
vous limitez à demander au ministère des Richesses naturelles de
vous déterminer si c'est un cours d'eau selon le ministère des
Richesses naturelles? Il y a deux choses bien claires.
M. DRUMMOND: L'opinion qui est demandée au ministère des
Richesses naturelles, dans tous les cas, c'est pour obtenir l'avis du
ministère sur le caractère de navigabilité du cours d'eau
concerné. Je crois comprendre dans la question posée, M. le
Président, qu'on voudrait faire une distinction entre rivières,
cours d'eau, ruisseaux. Je laisserais le soin aux puristes de déterminer
ce qu'il en est. Au ministère, d'après tous les renseignements
que nous avons pu obtenir c'est que ruisseau est considéré comme
rivière, au sens que c'est une petite rivière, simplement, plus
ou moins grosse pour le ministère des Terres et Forêts.
M. ROY: C'est une décision administrative.
M. DRUMMOND: C'est une décision qu'on a prise et qu'on met de
l'avant par suite des renseignements pour savoir ce qu'est une rivière.
Des auteurs vont nous dire qu'il s'agit à ce moment-là d'un
ruisseau. C'est une petite riviè-
re. C'est pour cette raison que, pour autant que le ministère des
Richesses naturelles nous donne une opinion sur le caractère de
navigabilité, nous agissons dans l'intention de donner aux personnes
concernées un titre inattaquable. C'est ça le but. Je pense que
ce n'est pas tant dans l'idée d'obtenir pour le gouvernement un
surcroît de revenus.
Ces études se font toujours dans l'intention de donner aux
personnes concernées un titre inattaquable.
M. LESSARD: M. le Président, si vous me permettez, j'aurais une
question bien concrète à poser lorsque l'on parle des
rivières. Je ne me cache pas d'être un contestataire des
rivières à saumon. Or, la dernière fois que je suis
allé contester les rivières à saumon, à
Baie-Trinité, la compagnie Domtar m'a averti que, de chaque
côté de la rivière, c'était leur
propriété. Je n'étais pas à 198 pieds. A ce
moment-là, j'étais directement à quelques pieds de la
rivière.
J'aimerais savoir étant donné justement que le
ministère des Terres et Forêts a eu l'occasion d'étudier le
problème de la rivière Baie des Rochers, suite à
l'implantation de la compagnie Rayonier Quebec dans notre région
pour ma conduite future, si le long des rivières à saumon, que ce
soit Petite-Trinité, que ce soit Baie-Trinité, que ce soit la
rivière Calumet, que ce soit la rivière de Baie des Rochers et
autres rivières, la réserve des trois chaînes s'applique ou
si les contrats, qui ont été signés entre le commissaire
des terres du temps, en 1901, dans lesquels, semble-t-il, on a
cédé soit la rive nord et la rive sud des rivières en
question, s'appliquent. Quand je dis "cédé", je veux dire tous
les droits concernant le lit de la rivière, et aussi les rives de la
rivière. J'aimerais savoir, pour ma conduite personnelle, si cette
réserve des trois chaînes s'applique aussi en ce qui concerne les
rivières à saumon. Si la réserve des trois chaînes
s'applique aussi en ce qui concerne les rivières à saumon. Si la
réserve des trois chaînes s'applique, je considère qu'il
n'appartiendra pas à la Domtar de me dire que je ne suis pas sur mon
terrain lorsque je campe le long de la rivière, il appartiendra,
à ce moment-là, au ministère des Terres et Forêts de
le faire. Si le ministère des Terres et Forêts le fait, il en
prendra la responsabilité.
Le ministère a eu l'occasion d'étudier le cas de la
rivière Baie des rochers j'insiste sur ça lorsque,
justement, il y a eu l'implantation de la compagnie Rayonier Quebec le
député de Beauce-Sud n'en parlait pas ce matin lorsqu'il y
a eu d'autres ententes, qui ont coûté de l'argent au gouvernement
du Québec, entre Quebec Northshore et les Rives de la rivière
Baie des Rochers, lorsqu'il y a eu négociation d'échange de
terrains entre Quebec Northshore et les Rives de la rivière Baie des
Rochers. Alors, vous avez certainement dû prendre des informations
auprès d'avocats, et la rivière Baie des Rochers a
été vendue exactement comme la rivière Calumet, comme la
rivière Baie-Trinité, comme la rivière
Petite-Trinité. J'aimerais savoir si, à un moment donné,
le ministère des Terres et Forêts a des informations concernant ce
problème.
M. DRUMMOND: M. le Président, dans le cas des quatre
rivières qui viennent d'être nommées, il y a la
rivière Baie-Trinité, la rivière Petite-Trinité, la
rivière de la Baie des Rochers et la rivière Calumet, je crois
qu'il y a aussi Petit Calumet et Grand Calumet...
M. LESSARD: C'est ça.
M. DRUMMOND: ... il s'est passé, dans le cas de ces quatre
rivières...
M. LESSARD: Et dans d'autres aussi. M. DRUMMOND: Peut-être. Mais
là... M. LESSARD: D'accord.
M. DRUMMOND: ... je connais celles-là plus
particulièrement. Je sais qu'il y a eu des terrains de vendus, de
façon spécifique, le long de ces rivières, au début
du siècle. Je serais bien en peine de vous dire, de mémoire
je ne voudrais pas évidemment induire personne en erreur
sans consulter le document lui-même, ce qu'il contient. Je pense
bien...
M. LESSARD: Mais comme le ministère des Terres et Forêts a
eu l'occasion d'étudier le problème que posait l'alimentation en
eau potable pour la compagnie Rayonier Quebec, il a dû certainement
être dans l'obligation d'étudier la propriété le
long de la rivière Baie des Rochers, d'étudier le problème
des propriétés.
Suite à cette étude, il y a eu certains échanges de
terrains entre Québec Northshore et le gouvernement du Québec.
Comme je constate que les rivières Grande Trinité, Petite
Trinité, Baie des Rochers, Grand Calumet et Petit Calumet ont
été vendues exactement de la même façon que la
rivière Baie des Rochers, je pense que le gouvernement devrait avoir des
conclusions en ce qui concerne chacune de ces rivières.
Je reviendrai sur ce problème au ministère du Tourisme, de
la Chasse et de la Pêche. Suite à certaines études que j'ai
faites, je constate que certaines questions que j'ai posées au
feuilleton me paraissent avoir reçu de mauvaises réponses parce
que ces rivières ne nous appartiennent pas. Justement, c'est là
qu'est le problème fondamental. Si votre loi était
rétroactive à 1882...
M. ROY: 1884.
M. LESSARD: ... 1884, si votre loi était rétroactive,
pourquoi ne l'est-elle pas aussi pour des terrains qui auraient
été vendus le long des
rivières à $1 l'acre? Pourquoi ne serait-elle pas aussi
rétroactive pour la succession de M. Molson Martin Boyds et William
Torton Boyds qui a cédé à sa femme, en 19.., toutes nos
rivières à saumon dans notre comté?
M. DRUMMOND: On sait bien que le député de Saguenay est un
fervent de la pêche.
M. LESSARD: Non, non, M. le Président. M. DRUMMOND: Mais c'est la
vérité.
M. LESSARD: Je suis un fervent de la pêche...
M. DRUMMOND: C'est seulement un à-côté...
M. LESSARD: Je veux savoir de quelle façon je vais contester le
24 juin prochain. Je veux savoir si la compagnie Domtar peut m'envoyer du
terrain, des trois chaînes. Je veux savoir si je peux m'installer en
camping sur ces terrains, sur 196 pieds le long de la rivière. La
dernière fois que j'ai contesté, comme je suis respectueux des
lois, lorsque la compagnie m'a dit que j'étais sur son terrain
privé, j'ai quitté le terrain. Je veux savoir.
M. DRUMMOND: M. le Président, pour aider le député
dans son choix d'emplacement, on va faire les recherches nécessaires
pour obtenir les informations qu'il vient de demander. On va les déposer
devant la commission.
M. ROY: M. le Président, suite aux questions posées par
l'honorable député de Saguenay, je veux revenir sur la question
que j'ai discutée tantôt, c'est loin d'être fini; on a
effleuré seulement le sujet. Quand le ministère vend la
réserve des trois chaînes, est-ce que la réserve, pour des
fins de pêche, continue d'exister?
M. DRUMMOND: Est-ce que vous pouvez poser la question à
nouveau?
M. ROY: Lorsque le gouvernement, le ministère des Terres et
Forêts vend la réserve des trois chaînes, selon les avis qui
sont envoyés par le ministère, actuellement, le long d'un lac ou
d'une rivière, est-ce que la réserve, pour des fins de
pêche, continue d'exister pour le gouvernement?
M. GIASSON: Dans le lit de la rivière, non. Pour les
bordures...
M. DRUMMOND: Dans le lit de la rivière, c'est certain que le
droit de pêche continue d'exister.
M. ROY: II n'y a plus de droit de passage le long des rives.
M. DRUMMOND: Justement. Maintenant, les cours d'eau, cela a
été entendu ainsi en 1918, ne se concédaient plus. A ce
moment-là, le fait d'être propriétaire riverain
n'empêche pas le gouvernement de demeurer propriétaire...
UNE VOIX: De la pêche? M. ROY: Du cours d'eau. M. DRUMMOND: ... du
lit du cours d'eau.
M. ROY: II reste seulement le droit de passage. Supposons que je m'en
vais dans un territoire, dans une rivière à saumon du
député de Saguenay, par exemple,...
M. LESSARD: Est-ce que vous avez l'intention de venir?
M. ROY: Oui, j'ai bien l'intention d'y aller. M. GIASSON: Ne me dites
pas.
M. ROY: Mais je compte que le député de Saguenay me
montrera les bons endroits pour que je ne perde pas mon temps! Alors, une
personne est propriétaire des rives, du terrain riverain d'une
rivière donnée, d'une rivière à saumon, entre
autres. Le gouvernement a vendu des droits, mais il est demeuré quand
même propriétaire du lit de la rivière. Est-ce que cela
veut dire que les propriétaires riverains peuvent empêcher les
personnes, qui ont un permis de pêche, d'aller pêcher dans les
rivières qui nous appartiennent? Il ne faut pas oublier que la loi de
1884 là, je me réfère à certains documents,
à certaines causes qui ont eu lieu à l'époque
créait des difficultés parce que des propriétaires
empêchaient les gens qui voulaient pêcher de passer sur le
terrain.
C'est à partir de ce moment-là que le gouvernement
s'était réservé trois chaînes, pour que les droits
de passage existent. Mais, si les droits sont vendus par le gouvernement,
qu'est-ce qu'il arrive de nos cours d'eau, au Québec, de nos lacs et de
nos rivières, pour les personnes qui veulent s'adonner à ce
sport, la pêche, et manger du bon poisson "made in Québec"?
M. DRUMMOND: Lorsque le ministère vend tous ses droits sur la
réserve légale des trois chaînes au propriétaire du
terrain qui est immédiatement derrière, il est certain que ce
propriétaire peut empêcher d'autres personnes de passer sur le
terrain qu'on lui a vendu, comme pour tout autre terrain privé. Cela
devient un terrain privé sans restriction.
C'est pour cette raison que le ministère ne vend pas la
réserve des trois chaînes sans examen. Contrairement à ce
qui existait, justement, il y a 60 ans, alors que, pour remonter un cours
d'eau, il fallait nécessairement marcher le long du cours d'eau,
aujourd'hui qu'il y a tant de routes, tant de moyens, c'est plus facile
d'atteindre le même cours d'eau sans passer sur une
propriété privée.
M. ROY: Mais il faut quand même partir de la route et aller au
cours d'eau.
M. DRUMMOND: Oui. Je ne pense pas, lorsque le député de
Beauce-Sud demande qu'on régularise certaines situations, que c'est pour
donner le droit de passage à tout le monde, quand ce sera
régularisé.
M. ROY: Actuellement, c'est bien pire que ça; le cultivateur
n'est pas propriétaire.
M. DRUMMOND: Je sais bien qu'il n'est pas propriétaire, selon la
loi.
M. ROY: Selon vous autres, selon le ministère.
M. DRUMMOND: Même si on prend 1920, on parle, en tout cas, des
personnes qui ont habité sur ces terres pour plus qu'une cinquantaine
d'années. Alors, ne jouons pas seulement avec certaines opinions
juridiques, parce que c'est aussi un problème humain.
Tout ce que je voulais signaler, c'est ceci: Lorsque le
député de Beauce-Sud veut que cela soit réglé en
faveur d'un cultivateur qui possédait la terre pendant un certain temps,
est-ce que cela doit donner le droit de passage au grand public pour traverser
cette terre?
M. ROY: C'est une question que je vous pose, là.
M. DRUMMOND: Mais je vous pose la question parce que vous
suggérez certains changements. Je veux demander ceci: Selon le
député de Beauce-Sud, si c'est réglé et qu'on
concède la réserve des trois chaînes à quelqu'un,
est-ce que cela doit être concédé en pleine
propriété pour lui donner le droit absolu sur cette
réserve ou est-ce qu'on doit, selon lui, laisser un certain droit de
passage au grand public? C'est qu'il pose la question de cette
façon.
M. ROY: Voici, M. le Président...
M. GIASSON: Je trouve, M. le Président, que la dernière
question du député de Beauce-Sud justifie, avec beaucoup
d'emphase, l'examen approfondi des conséquences et des implications qui
vont découler des amendements soit à la loi elle-même ou
dans la réglementation d'application pratique.
M. DRUMMOND: C'est pour ça que j'ai posé la question de
cette façon.
M. GIASSON: Surtout il s'agit de savoir si, vendant la réserve
des trois chaînes, on coupe automatiquement l'accès au public. On
rend le propriétaire absolument propriétaire, on lui donne des
droits absolus et on coupe le passage à des tiers qui voudraient se
rendre à la rivière.
M. DRUMMOND: II y a d'autres questions qui se posent, sur lesquelles on
peut se pencher. Lorsqu'on regarde ce que font beaucoup d'autres provinces en
ce qui concerne l'administration des terres publiques, elles commencent
à peu près toutes à ne pas vendre du tout les terres
riveraines, mais seulement à procéder par un système de
bail Ces un autre aspect qu'il faut considérer lorsqu'on étudie
ce problème.
C'est pour cela que c'est une étude globale où on ne peut
pas passer trop vite à l'action sans tenir compte des
conséquences, tel que signalé par le député de
Montmagny-L'Islet.
M. ROY: M. le Président, je suis très heureux que le
député de Montmagny-L'Islet ait soulevé cette question qui
nous démontre jusqu'où cela peut aller.
Jamais personne, au Québec, à ce que je sache, n'a
contesté la loi de 1884, lorsqu'on l'a toujours appliquée pour
des fins de pêche. Jamais personne n'a abusé de la loi au point
d'empêcher les gens de passer.
C'est justement à partir de ce moment-là que
j'étais inquiet, lorsque j'ai appris que le gouvernement avait
décidé d'appliquer cela avec toute la rigueur possible. En effet,
le gouvernement se place dans l'obligation de devoir clarifier la situation et
il y a danger que, par rapport à ce qui avait été
prévu par le législateur de 1884, on recule grandement et qu'on
se retrouve, dans quelques années, avec les problèmes que le
gouvernement du Québec avait avant 1884.
Le ministre m'a posé des questions tout à l'heure. C'est
la raison pour laquelle je dis au ministre, à ce moment-ci, que le
gouvernement, présentement, est en train de se placer dans une situation
au sujet de laquelle je m'interroge sérieusement, à savoir de
quelle façon le gouvernement va s'en sortir réellement.
M. Descoteaux a dit, tout à l'heure, qu'on voulait parler de
titres inattaquables donnés à des personnes. Il y a quand
même des droits concernant le domaine public. L'eau n'est la
propriété de personne et elle ne doit pas être la
propriété de quelques personnes. Elle doit être une
propriété publique.
C'est la raison pour laquelle, en 1884, le gouvernement avait
voté une loi pour s'assurer de la propriété du lit des
lacs et des rivières et qu'il avait gardé des servitudes,
à ce moment-là, pour que le public puisse y avoir accès
pour des fins de pêche. Mais, en pratiquant la politique que le
gouvernement pratique à l'heure actuelle, on vend à certaines
personnes ces droits absolus. Or, dans dix ans, dans quinze ans, dans 20 ans,
dans 25 ans, est-ce que le gouvernement va être obligé de
procéder par expropriation?
Il n'y a jamais un cultivateur, à ce que je sache, qui s'est
plaint du fait qu'il y avait des personnes qui passaient sur son terrain pour
aller à la pêche, le long d'un lac ou le long d'une rivière
qui bordait son terrain ou qui était sur son terrain. Mais, en vendant
les droits...
M. GIASSON: II y en a eu. Je dois dire au député de
Beauce-Sud que moi, je connais des gens dans mon comté qui, en
période de sécheresse très grande, l'été,
voient très mal la circulation dans leurs boisés.
M. ROY: II faut bien s'entendre, à ce moment-là, sur la
circulation et sur les dangers.
M. DRUMMOND: Ou la question de moto-neige, en hiver, qui est un autre
gros problème. Cela, c'est une autre raison.
M. ROY: Egalement. Ce ne sont pas seulement les propriétaires
privés. Les compagnies papetières sont extrêmement
sévères, quand il s'agit de feux de forêt, pour
protéger les boisés de ferme, pour protéger les
érablières, d'accord, lorsque le public est imprudent.
Il y a toute cette question. C'est la raison pour laquelle il faudra que
le gouvernement, je pense, revienne sur certaines décisions et
précise la loi de façon à éviter des procès,
à éviter de pénaliser et surtout à éviter
qu'on ne recule de ce côté.
Lorsqu'on disait, tout à l'heure, que ce n'était pas pour
faire de l'argent que le gouvernement faisait ces choses, je m'interroge. Je
m'interroge réellement. Je ne dirais pas que le gouvernement se sert de
ça pour alimenter le Trésor public, mais il y a également
des personnes qui se sont vues facturer des montants assez
élevés.
J'ai ici, justement, le cas d'une personne qui a acheté une terre
en 1941, à Sainte-Emélie-de-l'Energie, au coût de $850. Il
s'agit d'une terre de six arpents de largeur par six arpents de profondeur. Ce
n'est pas un très grand morceau de terrain. Le gouvernement,
actuellement, par le ministère des Terres et Forêts,
réclame de l'occupant une somme de $12,295, soit le prix de 40.95 acres
à $300 chacune, alors que c'est évalué, au municipal,
à environ une couple de mille dollars.
J'ai vu des personnes qui ont été obligées de
payer, comme je vous le disais tout à l'heure, $27 le mille pieds pour
des droits de coupe. Il y a d'autres personnes qui ont payé, pour une
acre et quelque chose de terrain, $685. J'ai des copies de reçus ici, M.
le Président.
On a demandé cela à ces personnes et je reviens
à ce que je disais tout au début alors que
l'interprération juridique que donne actuellement le ministère
des Terres et Forêts est contestée par d'autres conseillers
juridiques du gouvernement, dans les différents ministères.
Le gouvernement a décidé de se faire arbitre et juge du
ministère des Terres et Forêts, là-dedans, et de dire : On
applique la loi.
M. DRUMMOND: Je pense bien, comme on l'a signalé, que, d'une
certaine façon, on applique une loi parce que la loi existe.
M. ROY: Votre loi est contestée. La rétroactivité
de la loi est actuellement contestée.
M. DRUMMOND: Non, non. Le seul aspect de contestation, c'est entre 1884
et 1919.
M. ROY: Oui, mais vous touchez les deux tiers du territoire
québécois, à ce moment-là.
M. DRUMMOND: Mais cela touche seulement une partie du problème.
Il faut admettre cela dès le commencement. Depuis 1970, où on
commence à reconnaître, dans le public, un peu, l'existence de
cette loi, on a reçu des demandes pour régulariser les terres.
Alors, cela continue un peu comme ça.
Mais en ce qui concerne la réserve des trois chaînes, dans
une quinzaine d'années, si on n'a touché que $314,000, je pense
bien, en ce qui concerne la régularisation de cette réserve, dans
les cas que nous avons, ce n'est pas pour donner de l'argent au gouvernement
que nous l'appliquons.
Nous l'appliquons parce que c'est là. C'est mon rôle ou le
rôle de mes prédécesseurs d'appliquer la loi. Nous sommes
là pour ça. Si nous voulons la changer, changeons-la mais en
connaissance de cause, en tenant compte d'une certaine philosophie aussi de ce
que l'on doit avoir comme politique de gestion des terres publiques.
Comme je l'ai signalé, beaucoup d'autres provinces commencent
maintenant à ne pas vendre toutes ces terres, elles procèdent par
bail. Il y a aussi d'autres questions là-dedans dont il faut tenir
compte. Est-ce que nous devons vendre aux étrangers? Nous demandons
actuellement un prix plus élevé aux étrangers parce que,
jusqu'à ce moment-ci, ça n'a pas vraiment créé de
problème au point de vue du pourcentage des terres vendues aux
étrangers. Mais est-ce que nous devons repenser cet aspect, pour les
lots de villégiature, etc.? Ce sont des questions assez sérieuses
qu'il faut se poser. C'est pour ça que nous avons commencé
l'étude de toute l'affaire au lieu de procéder morceau par
morceau.
M. ROY: Maintenant, vous avez dit avoir reçu une somme de
$314,000, alors que mes informations sont je n'ai pas à divulguer
mes sources qu'il y avait une somme de $2,700,000 de
récupérée depuis que le gouvernement a
décidé d'appliquer cette loi. Lorsqu'on parle d'une somme de
$314,000 depuis quinze ans, je m'interroge sérieusement parce que si je
fais le calcul, il s'agit à peu près de $20,000 par
année.
M. DRUMMOND: On peut parler de la vente des terres publiques au lieu de
la vente pour la régularisation de la réserve de trois
chaînes. Je pense que M. Descoteaux peut lire le compte rendu en ce qui
concerne les montants que nous avons reçus au cours des quinze
dernières années pour la régularisation de la
réserve de trois chaînes.
M. ROY: D'accord, je vais demander la
même chose que tout à l'heure: que le document soit
déposé de façon que nous puissions en avoir des
copies.
M. DRUMMOND: II n'y a aucun problème.
Le tableau que j'ai ici comporte une comparaison entre les revenus de la
vente des terrains compris dans la réserve de trois chaînes, en
comparaison, pour la même année, des ventes totales de terrains
qui ont pu se faire au ministère. Et en comparaison de cela, d'autres
revenus aussi, l'ensemble des activités du ministère concernant
les terrains.
Si je remonte à 1959-60, il y a eu un cas de réglé
pour une somme de $250 en comparaison de $783,404 pour les revenus de
l'ensemble des ventes.
M. GIASSON: En dehors de la réserve de trois chaînes.
M. DRUMMOND: En dehors de la réserve de trois chaînes.
Ou ça peut être des terrains y compris la réserve de
trois chaînes; ce n'étaient pas des cas de régularisation
de la réserve de trois chaînes. Aujourd'hui...
M. GIASSON: Dans ces ventes, vous n'avez pas disséqué
nécessairement la partie du terrain constituée par la
réserve par rapport à l'ensemble?
M. DRUMMOND: Ce que je vous donne, oui. Ce sont les cas où des
personnes étaient propriétaires de terrains alors que leur
terrain était affecté de la réserve légale de trois
chaînes. Pour des raisons qui sont survenues à ce
moment-là, ils ont demandé au gouvernement d'acquérir la
réserve de trois chaînes pour compléter leur
propriété. C'est ce chiffre que je vous donne. Si, dans d'autres
cas, on a vendu un emplacement et précisément parce qu'on
est plus au courant aujourd'hui peut-être que nos
prédécesseurs l'étaient qu'il est jugé que
c'est une bonne chose de concéder tout de suite la réserve de
trois chaînes, et qu'on va vendre le terrain y compris la réserve
de trois chaînes, ce n'est pas une régularisation à ce
moment-là.
En 1960-61, il y a eu un cas pour une somme de $50, comparativement
à $415,240 de revenu, toujours des ventes. En 1961-62, il y a eu huit
cas rapportant un montant de $4,400, comparativement à $457,472. En
1962-63, neuf cas pour une somme de $4,675, comparativement à $372,300.
En 1963-64, 17 cas pour $19,900, comparativement à $283,927. En 1964-65,
six cas pour $2,740, comparativement à $351,098. En 1965-66, huit cas
pour $14,466, comparativement à $227,412. En 1966-67, 95 cas pour
$20,877, comparativement à $186,947. En 1967-68, 28 cas pour $25,918,
comparé à $315,134. En 1968-69, 68 cas pour $33,499, qui se
comparent à $398,346. En 1969-70, 37 cas pour $39,359, comparativement
à $431,845. En 1970-71, 11 cas pour $15,020, comparativement à
$413,497. En 1971-72, 13 cas pour $8,175, comparativement à
$646,745.
M. ROY: Vous avez dit $13,000?
M. DRUMMOND: II y a 13 cas en 1971-72 pour $8,175, qui se comparent avec
$646,745 pour l'ensemble des ventes. En 1972-73, 30 cas pour $49,802,
comparativement à $834,348. En 1973-74, 14 cas pour $75,571,
comparativement à $1,350,734.
LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce que vous déposez...
M. DRUMMOND: Ce qui représente un total, si l'addition est bonne
ici, de $314,798, comparativement à $7,468,439.
M. ROY: M. le Président, je remercie M. Descoteaux de nous avoir
fourni ces chiffres, et je commence à me poser beaucoup plus de
questions que je m'en posais au début. Quand je regarde le nombre d'avis
qui ont été envoyés dans mon comté, je suis en
train de me poser d'autres questions.
Est-ce qu'actuellement, sincèrement, on procède dans tout
le territoire du Québec ou si on a choisi des régions?
LE PRESIDENT (M. Picard): C'est seulement dans les comtés de
l'Opposition.
M. ROY: C'est la question que je suis en train de me poser.
M. GIASSON: M. le Président,...
M. LESSARD: Est-ce que le député de Montmagny commence
à être un contestataire?
M. ROY: Combien de dossiers sont en suspens présentement? Quand
je parle de dossiers en suspens, je parle des dossiers pour lesquels une
personne, un propriétaire a reçu un avis du ministère.
M. DRUMMOND: II y en a 140. M. ROY: II y a 140 dossiers? M. DRUMMOND: II
y a 140 avis. M. ROY: De donnés.
M. LESSARD: Combien y a-t-il de fonctionnaires qui travaillent...
M. DRUMMOND: Je l'ai fait vérifier entre les deux
séances.
M. ROY: Est-ce que le ministère a l'intention...
M. GIASSON: Si vous me permettez, pour tout le Québec, vous avez
donné 140 avis à 140 propriétaires de l'existence de la
loi des trois chaînes? Il doit y avoir des zones du Québec qui
n'ont pas été avisées d'aucune façon.
M. DRUMMOND: C'est surtout dans la région de Québec.
M. ROY: M. le Président...
M. LESSARD: ... région de la Côte-Nord...
M. ROY: ... il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans l'affaire.
Je ne mets pas en doute les chiffres que nous a fournis le ministre, j'ai
reçu une lettre ce matin de Mont-Laurier m'avisant que quelque 1,000
personnes auraient été informées de cette réserve
des trois chaînes, uniquement dans la région de Mont-Laurier.
M. DRUMMOND: La région de Montréal...
M. ROY: J'ai reçu des plaintes du Bas-Saint-Laurent, et il y a
des personnes qui ont été avisées dans les comtés
de Roberval et du Lac-Saint-Jean; chez nous, dans mon comté,
présentement, il y a au moins une cinquantaine d'avis qui ont
été donnés, uniquement dans Beauce-Sud.
J'aimerais que le ministre nous donne les chiffres, comté par
comté, de ce qu'il a. Je serais en mesure de fournir les preuves avec
les copies que les gens m'ont fait parvenir.
M. DRUMMOND: Au sujet de saisies ou d'amendes, dans
Mégantic-Compton, il y en a une, Montmagny-L'Islet: 11, Bellechasse: 4,
pour un total de 25.
M. ROY: Cela fait plus que seize.
M. DRUMMOND: Excusez, il y en a dans d'autres comtés, mais le
total est d'à peu près 25.
M. ROY: Des saisies de bois.
M. DRUMMOND: Des saisies, oui.
M. GIASSON: Pour Montmagny-L'Islet, vous avez donné quels
chiffres?
M. DRUMMOND: Onze.
M. GIASSON: Onze saisies. Et avez-vous le nombre d'avis adressés
aux propriétaires?
M. DRUMMOND: Au sujet des avis en fait, ç'a
été un inventaire sommaire par téléphone, juste
après dfner Montmagny-L'Islet: 23 avis; Bellechasse: 1;
Beauce-Sud: 108. Dans la région de Montréal, il n'y a pas d'avis
ni de saisie; dans la région du Bas-Saint-Laurent, il n'y a pas d'avis,
pas de saisie; dans la région de Trois-Rivières, pas d'avis ni de
saisie.
M. ROY: Beauce-Sud a 108 avis sur les 140 que le ministère a en
main. Pour quelle raison les avis ont-ils été envoyés
particulièrement dans Beauce-Sud?
UNE VOIX: Efficacité administrative.
M. ROY: Un instant, efficacité administrative, ça fait
longtemps que j'ai arrêté de croire à ça.
M. GIASSON: Qui aime bien châtie bien.
M. LESSARD: J'aurais une question. Est-ce que le ministère, avant
d'appliquer cette loi, a fait des études sur l'ensemble du territoire du
Québec pour savoir le nombre de personnes qui pouvaient être
touchées par cette réserve des trois chaînes? Il me semble
que cette question paraît importante. Est-ce qu'on a choisi un
comté à la courte paille pour appliquer cette loi ou est-ce que
le ministère a au préalable étudié l'ensemble du
problème et s'il ne l'a pas fait à ce moment quels
sont les critères ou les normes que le ministère a établis
pour choisir tel comté plutôt que tel autre, telle
région?
M. DRUMMOND: Etant donné qu'on n'a pas tous les détails
nécessaires, toutes les données, c'est pour ça qu'il faut
une étude en profondeur. Quant à savoir s'il y a une
région...
M. LESSARD: Donc, cette étude en profondeur n'a pas
été faite pour le moment.
M. DRUMMOND: En ce qui concerne tous les cas qui peuvent être
susceptibles de surgir, non, ce n'est pas tout à fait fait, parce qu'on
n'a même pas une classification de la navigabilité ou non de
toutes les rivières de la province, il faut tenir compte de ça
aussi.
En ce qui concerne l'administration de la loi dans un comté ou
dans une région plus qu'une autre, il n'y avait aucune demande formelle
ou même officieuse donnée par le ministre ou le sous-ministre pour
appliquer des mesures dans une région donnée plutôt qu'une
autre.
Evidemment, il y a certaines régions où ce n'est pas
vraiment un problème à cause du fait que la cession de la plupart
des terres a été faite dans la période où on a
cédé des seigneuries; alors, dans certaines régions, le
problème est plus aigu que dans d'autres.
Quand même, si c'était appliqué peut-être plus
dans une région qu'une autre, c'est sans doute parce que
l'administrateur en question a appliqué la loi telle qu'il l'a vue,
parce que l'on décentralise nos activités.
Les administrateurs ont le devoir d'appliquer la loi. Il se peut donc
que certains administrateurs aient porté plus d'attention à un
aspect des lois des Terres et Forêts en ce qui concerne l'application des
lois. C'est aussi facile que cela.
M. ROY: M. le Président, j'aimerais bien
savoir si l'administrateur des Terres et Forêts a reçu des
instructions du ministère?
S'il n'a pas reçu des instructions du ministère, est-ce
que cela veut dire qu'il a agi par zèle?
M. DRUMMOND: Non. Ces instructions générales sont
d'appliquer la loi dans ces régions.
M. ROY: Comment se fait-il que cela n'a pas été
appliqué ailleurs?
Vous avez des administrateurs au ministère des Terres et
Forêts qui ont les mêmes responsabilités, qui ont les
mêmes devoirs, dans tous les bureaux de toutes les régions de la
province. Pourquoi s'est-on acharné sur le comté de
Beauce-Sud?
M. DRUMMOND: II n'est pas question de...
M. ROY: On s'est acharné sur le comté de Beauce-Sud. Vous
avez 140 avis d'envoyés et il y en a 108 dans Beauce-Sud et le
deuxième comté visé est celui de mon collègue, le
comté de Montmagny-L'Islet. Pourquoi ces deux comtés? C'est ce
que je veux savoir et je vais exiger une réponse.
Pourquoi ces deux comtés plutôt que les autres?
M. DRUMMOND: On cherche des sorcières lorsque les
sorcières n'existent pas.
M. ROY: Ecoutez, s'il n'y a pas de sorcières, il y a des
sorciers.
M. DRUMMOND: Excusez mon français.
M. LESSARD: Est-ce qu'il y a des avis qui ont été
envoyés dans le comté du ministre des Terres et Forêts?
M. DRUMMOND: Pas trop. Il y a le lac du Castor, mais ce n'est pas dans
mon comté.
M. ROY: C'est une question sur laquelle je pense qu'il est important
quand même, abstraction faite de toute blague... Je veux savoir si le
ministère entend donner des instructions à tous les autres
administrateurs du gouvernement, dans toutes les régions de la province,
ou si on a l'intention d'aviser celui de Montmagny-L'Islet et celui de
Beauce-Sud, de façon qu'il n'y ait pas de discrimination à
l'endroit d'un comté plutôt que d'un autre.
M. DRUMMOND: M. le Président, tel que je l'ai signalé,
cela relève du fait que l'on a décentralisé les
opérations. Ils ont le devoir d'appliquer la loi.
M. LESSARD: II les considère plus fidèles, plus...
M. DRUMMOND: Non, je pense que, si l'on n'approche pas l'administration
gouvernementa- le dans la région, on ne réussira jamais à
avoir une administration efficace des terres et des problèmes
forestiers, mais il arrive que, dans certains cas, on a appliqué
peut-être plus d'emphase sur un aspect des lois des Terres et
Forêts que sur un autre. C'est une question de régler le
problème. C'est seulement une question administrative. Ce n'est pas une
question d'essayer de faire mal à un groupe vis-à-vis d'un
autre.
M. ROY: Vous voulez dire, M. le ministre, que l'administrateur des
Terres et Forêts a agi de son propre gré, dans Beauce-Sud,
à vouloir faire appliquer la loi intégralement?
M. DRUMMOND: Dans sa région au complet.
M. ROY: Dans sa région au complet, sans avoir de directives
spécifiques du ministère des Terres et Forêts.
M. DRUMMOND: Disons qu'il y a deux aspects.
M. ROY: M. le ministre confirme qu'il n'y a pas eu de directives
spécifiques de la part du ministère des Terres et Forêts,
mais...
M. DRUMMOND: II n'y a pas eu de directives.
M. ROY: ... qu'il a décidé, dans sa région, de
faire appliquer intégralement la loi.
M. DRUMMOND: II applique une loi qui existe.
M. ROY: Comment s'appelle cet administrateur dans la région de
Beauce-Sud?
M. DRUMMOND: La région de Québec. Paul-Henri
Côté.
M. ROY: Pour la région de Québec, mais ce n'est pas la
région de Québec, c'est Beauce-Sud.
M. DRUMMOND: Oui, mais cela fait partie de la région
administrative de Québec.
M. ROY: Comment se fait-il que M. Côté, de la région
administrative de Québec, aurait mis l'accent uniquement dans le
comté de Beauce-Sud?
M. DRUMMOND: Ce que je pourrais peut-être faire, ce soir, à
la reprise, serait d'apporter une carte.
M. ROY: Oui et amenez le monsieur aussi. J'ai des questions à lui
poser.
UNE VOIX: M. le ministre, est-ce que l'on pourrait savoir...
M. DRUMMOND: Une carte qui expliquerait en grande partie toute cette
chose-là, c'est que la loi ne s'applique pas aux terres qui ont
été concédées en seigneurie et il y a toute une
bande de terrains...
M. ROY: Celles qui ont été dépatentées.
M. DRUMMOND: Oui, mais il y a toute la bande de terrain le long du
Saint-Laurent, origine de concessions sous forme seigneuriale. On retrouve la
ligne des terres qui ont été concédées et où
s'applique la réserve des trois chaînes. Malheureusement, en
arrière de cette ligne, la grosse concentration est dans la Beau-ce.
M. ROY: Dans Beauce-Sud.
M. DRUMMOND: Dans ce coin-là, oui, et dans les
arrière-pays, Bellechasse et tout cela.
M. ROY: Comment se fait-il qu'il y ait eu seulement un cas dans
Bellechasse?
M. DRUMMOND: Je ne peux pas vous l'expliquer.
M. ROY: Bellechasse est plus concerné par la loi de la
réserve des trois chaînes, à partir du début des
Appalaches et tout le haut du comté, parce que le comté de
Bellechasse monte jusqu'à la frontière américaine. Vous
avez des localités complètes, des localités
entières qui sont concernées par la réserve des trois
chaînes, je connais assez bien le territoire, je me suis occupé
d'établissement rural dans toute cette région, je connais le
cadastre de la région, je veux savoir pourquoi il y a seulement un cas
dans Bellechasse et le cas, évidemment, est tombé sur mon bureau,
je pensais qu'il y en avait d'autres, mais j'en ai eu un de Bellechasse. Il est
venu chez nous.
M. DRUMMOND: II y en aurait eu probablement plus, si on avait
continué.
M. ROY: Parce que vous avez dit, il y en aurait probablement eu plus le
29 octobre, mais je sais que... du ministre.
M. DRUMMOND: Cela n'a aucun rapport.
M. ROY: Je suis tenté, M. le Président, j'ai de grosses
tentations.
M. MALOUIN: M. le Président, est-ce que l'on pourrait savoir,
dans le dossier qui va être déposé, le nombre de cas que
l'on peut totaliser et combien de cas viennent plus spécifiquement de
Beauce-Sud, pour voir si le député de Beauce-Sud...
M. DRUMMOND: Ceux que j'ai mentionnés sont quand même des
chiffres qui ne sont pas exacts.
M. MALOUIN: Je veux dire, dans le dossier qui va être
déposé, où il y a des cas qui datent depuis 1959-60
jusqu'à aujourd'hui. On a un nombre de cas au dossier qui va être
déposé, ici. Est-ce que l'on pourrait savoir le nombre total de
cas et combien sont plus particuliers à la région du
député de Beauce-Sud, pour voir s'il est totalement
pénalisé.
M. DRUMMOND: On parle d'une quinzaine d'années?
M. MALOUIN: C'est cela.
M. DRUMMOND: Cela nous prendrait un certain temps pour ramasser les
chiffres. Je ne sais pas si on pourrait le déposer quand même
pendant l'étude des crédits, mais on pourrait, comme on l'a dit
dans le passé, faire...
M. MALOUIN: Je fais comme le député de Beauce-Sud,
je...
M. DRUMMOND: Non, d'accord.
M. ROY: Je peux un peu répondre à la question du
député...
M. MALOUIN: Non, j'aime mieux que le ministre me réponde.
M. DRUMMOND: On peut ensuite faire une distribution des chiffres
à tous les membres de la commission.
M. MALOUIN: D'accord.
M. LESSARD: M. le Président, étant donné que l'on a
décidé d'appliquer la loi de la réserve des trois chafnes
concernant justement...
M. DRUMMOND: De continuer d'appliquer la loi.
M. LESSARD: De continuer d'appliquer la loi des trois chaînes pour
les propriétaires riverains, est-ce que le ministre peut me dire s'il a
l'intention de prendre des procédures comme ministre des Terres et
Forêts ou de demander à son collègue du ministère de
la Justice de prendre des procédures contre les compagnies
papetières, contre Hydro-Québec, qui n'ont pas respecté
justement la Loi de la réserve des trois chaînes dans ses droits
de coupe, parce que la loi des trois chaînes dit justement que le long de
ces cours d'eau non navigables, il doit rester 198 pieds de bois qui ne doivent
pas être coupés? M. le Président, je pense que le ministre
a dû certainement voyager en avion au-dessus de certaines concessions
forestières, au-dessus de certaines lignes de transmission
d'Hydro-Québec. Je ne sais pas si la loi prévoyait des
pénalités. Je voudrais que le ministre me le dise.
M. DRUMMOND: Au niveau du ministère,
chaque exploitant forestier a le droit de déposer un plan
d'exploitation et si ce plan d'exploitation n'est pas suivi, cela relève
du ministre d'imposer ses propres amendes et c'est cela que l'on fait.
M. LESSARD: C'est justement ce que je vous demande, M. le
Président. D'abord, nous aurons à discuter de ces fameux plans
d'exploitation de la façon que le ministre applique une surveillance sur
ces plans d'exploitation. Je vous demande, suite au non-respect, je vous le
dis, je l'affirme, de cette loi des trois chaînes, par une compagnie de
l'Etat qui s'appelle HydroQuébec, est-ce que, concernant
Hydro-Québec, le ministre parce que c'est une autre affaire, je
compte les sous-traitants d'Hydro-Québec a eu l'occasion ou a
l'intention de prendre des procédures contre cette compagnie du
gouvernement du Québec qui, et je peux lui donner des exemples, au lac
des Monts, dans la région de Forestville, n'a aucunement respecté
cette loi?
Si on a décidé d'appliquer la loi à l'endroit
justement des particuliers, des petits propriétaires riverains, je
voudrais savoir...
M. ROY: De Beauce-Sud, surtout.
M. LESSARD: ... et c'est justement dans ce sens que je posais la
question tout à l'heure si le ministère avait fait une
étude globale de cette loi, s'il a déjà pris des
procédures contre des compagnies papetières qui n'ont pas
respecté la loi des trois chaînes et si le ministère, en
vertu de ces informations, ce dont je doute parce que je ne pense pas
que le ministère ait un contrôle très sévère
sur les plans de coupe des compagnies forestières a l'intention
de prendre des procédures si cette loi n'a pas été
respectée.
M. DRUMMOND: Lorsqu'on fait des choses comme ça concernant les
plans de coupe, je ne pense pas qu'on procède par la loi de la
réserve des trois chaînes, on procède selon les
règlements...
M. LESSARD: Mais le règlement dit...
M. DRUMMOND: ... des Terres et Forêts et si les procédures
ou les coupes ne sont pas conformes à ce que c'est censé
être, on impose des amendes. Ce n'est pas dire qu'on a un contrôle
absolu, surtout ça, parce que si on avait un contrôle absolu,
ça coûterait une maudite fortune...
M. LESSARD: Non, mais justement parce que le ministre me dit ça,
je voudrais, lorsque nous allons parler de ce programme, que le ministre
m'apporte des documents concernant le nombre d'amendes qui ont
été imposées à des compagnies forestières
qui n'ont pas respecté les droits de coupe, s'il y a lieu, depuis
1970.
Je précède ma question.
M. DRUMMOND: Est-ce que le député parle des terres
privées des compagnies?
M. LESSARD: A la fois à l'intérieur des concessions
forestières.
M. DRUMMOND: Cela, c'est la terre publique.
M. LESSARD: Oui, c'est à l'intérieur des terres
publiques.
M. DRUMMOND: La réserve ne s'applique pas.
M. ROY: Cela veut dire que la réserve ne s'applique pas dans le
cas des compagnies papetières.
M. DRUMMOND: Non, je parle des terres publiques.
M. ROY: Oui, les terres publiques, dans les concessions, les terres
publiques dans lesquelles on a concédé des droits de coupe.
M. DRUMMOND: Dans le cas des terres publiques, la réserve des
trois chaînes ne s'applique pas.
M. LESSARD: ... des propriétés du gouvernement,...
M. DRUMMOND: C'est ça.
M. LESSARD: Mais la coupe du bois.
M. ROY: C'est ça.
M. DRUMMOND: Ce n'est pas en vertu de cette loi, c'est en vertu de
règlements des forêts.
M. ROY: Est-ce qu'il y a un règlement analogue?
M. DRUMMOND: Ce n'est pas la même chose.
M. ROY: Ce n'est pas la même chose, alors, on oblige des petits
propriétaires à appliquer la réserve des trois
chaînes, mais les compagnies papetières viennent jusqu'au bord des
lacs et des rivières, il n'y a pas de problème. Il suffit de se
promener dans les réserves forestières pour se rendre
compte...
M. DRUMMOND: On compare des pommes et des oranges.
M. ROY: On va revenir à la question du député de
Saguenay ce soir, mais je tiendrais quand même à demander au
ministre que la personne qui est chargée de l'application de la loi dans
la région de Québec, on m'a parlé d'un M.
Côté, M. André Côté...
UNE VOIX: Paul-Henri.
M. ROY: Paul-Henri. J'aimerais bien que le ministre ou le sous-ministre
nous donne les explications ce soir à ce sujet, mais moi je tiens
à savoir d'une façon particulière pourquoi et en vertu de
quoi on s'est acharné plus spécialement sur les
propriétaires du comté de Beauce-Sud, qui ont reçu 108 des
141 avis qui ont été envoyés par le ministère des
Terres et Forêts.
S'il y a une loi, il y a quand même un fait qui demeure, c'est que
tout le monde doit être égal devant la loi. Si la loi s'applique
pour les gens de Beauce-Sud, elle s'applique également pour les gens des
autres régions de toute la province, partout. Pourquoi actuellement,
a-t-on commencé à appliquer la loi chez-nous, a-t-on
commencé à créer des embêtements aux gens de
chez-nous, alors qu'on ne semble pas être en mesure de faire appliquer la
loi ailleurs?
J'aurais d'autres questions à poser à ce moment aux
officiers du ministère et au ministère des Terres et
Forêts. Est-ce que vous disposez d'un inventaire des lacs et des
rivières non navigables du Québec? Vous ne disposez même
pas d'inventaire, cela veut dire que vous procédez par
dénonciation, selon le bon vouloir d'une personne. J'ai
communiqué avec une personne qui fait appliquer la loi dans notre
région, et elle me dit que lorsqu'il y a un rapport qui arrive sur son
bureau, d'une personne quelconque, qu'elle est obligée d'agir.
Cela veut dire que tous les patroneux et j'insiste du
comté qui désirent se venger pour avoir perdu leurs
élections, compte tenu du fait que c'est le seul comté qui a
traversé la mer rouge aux dernières élections, peuvent le
faire, et je suis porté à le penser et à le dire, c'est le
seul comté de la rive sud et c'est le comté sur lequel s'est
acharné le ministère des Terres et Forêts.
M. DRUMMOND: Je pense que c'est un peu le contraire.
S'il n'agit pas sur chaque demande qu'il reçoit, on pourrait bien
être accusé d'être patroneux ou d'appliquer le
patronage.
M. ROY: C'est exactement cela.
M. DRUMMOND: Non. C'est pour cela, lorsque l'on reçoit une telle
demande, qu'il faut agir, autrement on ferait un choix entre X, Y et Z et cela
serait néfaste.
M. ROY: Comment se fait-il que vous avez reçu des avis ou des
plaintes uniquement du comté de Beauce-Sud?
M. DRUMMOND: Je n'ai pas dit cela.
M. ROY: Vous n'avez pas dit cela, mais les faits le
démontrent.
LE PRESIDENT (M. Heard): Le député de
Montmagny-L'Islet.
DES VOIX: II est six heures.
LE PRESIDENT (M. Picard): Un instant.
M. GIASSON: Je vais être très bref. Est-ce que la loi de la
réserve des trois chaînes stipule expressément ou interdit
tout droit de coupe sur les propriétés privées
marquées par cela?
M. DRUMMOND: Non.
M. GIASSON: Ce n'est pas dit textuellement?
M. DRUMMOND: Non.
M. GIASSON: Deuxième question: S'est-il produit, dans le
passé, que des propriétaires privés désireux de
couper du bois dans la réserve des trois chaînes aient
demandé au ministère des Terres et Forêts un permis de
coupe et, si oui, est-ce qu'on l'a accordé et quels sont les droits de
coupe que l'on a exigés?
M. DRUMMOND: On a reçu de telles demandes et on accorde de temps
en temps des droits de coupe.
M. GIASSON: Le ministère a déjà accordé des
droits de coupe?
M. DRUMMOND: Oui, mais, ce qu'on suggère, en attendant le rapport
final, c'est que lorsque l'on fait une demande de droit de coupe, on l'accorde
aussi longtemps que ce n'est pas un labeur, une coupe à blanc qui va
détruire la situation le long de la rivière; on accorde le droit
de coupe tel que cela existait sur sa propriété privée en
attendant la solution définitive.
M. LESSARD: Avant de terminer, M. le Président, est-ce que le
ministre accepterait de déposer l'entente entre le gouvernement du
Québec et Quebec North Shore concernant la rivière Baie des
Rochers?
M. DRUMMOND: Aucune objection mais j'aimerais la regarder avant de
répondre au député.
M. ROY: Je voudrais dire au ministre que toute l'Opposition est d'accord
là-dessus. C'est un front commun circonstanciel.
LE PRESIDENT (M. Heard): La commission suspend ses travaux
jusqu'à 20 h 15, même salle.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
Reprise de la séance à 20 h 25
M. PICARD (président de la commission permanente des richesses
naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!
La commission des richesses naturelles et des terres et forêts
continue ce soir l'étude des crédits du ministère des
Terres et Forêts.
Pour la séance de ce soir, M. Pelletier, député de
Kamouraska, remplace M. Larivière, de Pontiac-Témiscamingue.
D'accord.
M. ROY: Je n'ai aucune objection.
LE PRESIDENT (M. Picard): Je cède maintenant la parole à
l'honorable ministre.
M. DRUMMOND: Cet après-midi, vers la fin de la séance, on
a posé certaines questions sur l'application de la réserve des
trois chaînes dans la région de Québec. C'était une
question posée par le député de Beauce-Sud, concernant
cette application dans son propre comté. Il a exprimé le
désir d'en parler avec l'administrateur régional, M. P.-H.
Côté, qui est ici, ce soir. Je pense, étant donné la
sorte de questions qui vont être posées, si on peut avoir le
consentement du président et de la commission, que M. Côté
peut parler en son propre nom, parce qu'on peut poser des questions qui
concernent des directives qui émanent des deux ministres, des choses qui
seraient un peu bizarres en ce qui concerne le journal des Débats. J'ai
toute confiance en M. Côté, mais seulement c'est une question de
procédure.
LE PRESIDENT (M. Picard): Les membres de la commission sont-ils d'accord
sur cette procédure? Accepté. La parole est au
député de Beauce-Sud.
M. ROY: Merci M. le Président. Je remercie les membres de la
commission. Je remercie surtout le ministre d'avoir accédé
à notre demande. Je souhaite la bienvenue à M. Côté,
à qui j'ai certaines questions à poser, et vous le comprendrez
facilement.
M. le Président, vous me permettrez de faire un tour d'horizon de
quelques minutes pour situer le problème. Cet après-midim
à la commission parlementaire, nous avons parlé de l'application
de la loi de la fameuse réserve des trois chaînes et nous avons
discuté des questions juridiques, afin d'essayer de savoir ce que les
conseillers juridiques du ministère, du gouvernement ou d'ailleurs
pensent de l'interprétation de la loi actuelle, pour en venir à
la conclusion générale qu'elle est contestée. Les
conseillers juridiques donnent des interprétations contraires, d'autres
ne sont pas d'accord, les experts en loi quant à l'interprétation
de la loi.
A la suite de ces faits, il est évident que j'ai posé des
questions au ministre, afin de savoir dans quelle région et combien de
dossiers il y avait actuellement en suspens au ministère des Terres et
Forêts. Le ministre s'est empressé de nous fournir les chiffres en
ce qui a trait à la région administrative de Québec. On
nous a informés qu'il y avait 140 dossiers actuellement en suspens pour
lesquels des avis ont été envoyés à des
propriétaires riverains et que, sur ces 140 dossiers pour lesquels nous
avions demandé des détails pour savoir combien il y en avait dans
chacune des régions administratives, et, à ma grande suprise,
j'ai constaté qu'il y avait 108 dossiers sur les 140 uniquement dans le
comté de Beauce-Sud.
Etant donné ces faits, j'ai cru de mon devoir et j'ai cru
nécessaire de faire faire de la lumière sur ce sujet et de
demander que M. Côté vienne devant la commission parlementaire et
que nous puissions lui poser des questions. Ma première question est la
suivante: Comment expliquez-vous que sur 140 dossiers dans la région
administrative de Québec je me base toujours sur les chiffres qui
nous ont été fournis par les officiers du ministère des
Terres et Forêts 108 dossiers se trouvent uniquement dans le
comté de Beauce-Sud?
M. COTE (Paul-Henri): M. le député, peut-être que
l'explication la plus réaliste serait que la Beauce est un comté
où il y a beaucoup de petits propriétaires forestiers et que les
gens y sont peut-être un peu plus actifs, ce qui fait que, lorsqu'on
s'apercevait qu'il se faisait une coupe à blanc sur la réserve
des trois chaînes, après avoir pris information auprès du
ministère des Richesses naturelles afin de savoir si cette
réserve existait, on appliquait tout simplement la loi.
Après avoir fait ça pendant quelque temps, certains
propriétaires nous ont dit qu'on les prenait un peu en sauvage, qu'ils
étaient pris sans avertissement. On a pensé, pour être
logique, d'avertir les propriétaires riverains de cette même
rivière de ne pas faire l'exploitation sans avoir fait d'arrangement
avec le ministère, parce qu'on serait obligé d'appliquer la
loi.
M. ROY: Maintenant...
M. COTE (Paul-Henri): II y a aussi une autre raison, c'est que, depuis
peut-être un an et demi ou deux ans, la demande pour les bois à
pâte et les bois de sciage se fait beaucoup plus forte qu'auparavant.
C'est une autre explication qui fait que dans la région on a
été obligé d'agir.
M. ROY: Combien avez-vous de comtés dans votre région?
M. COTE (Paul-Henri): Environ 25, je dirais.
M. ROY: Vingt-cinq comtés. Cela veut dire que Bellechasse est
dans votre comté?
M. COTE (Paul-Henri): Oui, la région...
M. ROY: Frontenac est de votre région, quand je parle de Thetford
Mines, parce que...
M. COTE (Paul-Henri): Oui.
M. ROY: L'ancien comté de Dorchester est dans votre
région.
M. COTE (Paul-Henri): Oui. M. ROY: Montmagny-L'Islet?
M. COTE (Paul-Henri): Montmagny-L'Islet, oui.
M. ROY: Vous avez le comté de Charlevoix et vous avez le
comté de Montmorency.
M. COTE (Paul-Henri): Oui.
M. ROY: Le comté de Québec, Portneuf. Vous avez
Lotbinière, Lévis.
M. COTE (Paul-Henri): Oui, et les Cantons de l'Est.
M. ROY: En tout cas, vous avez 25 comtés. M. COTE (Paul-Henri):
Environ 25 comtés.
M. ROY: Parmi les comtés que vous avez, combien en avez-vous dans
les Cantons de l'Est? Lesquels? Pourriez-vous nous en donner...
M. COTE (Paul-Henri): II y a Sherbrooke, Compton, Drummond.
M. ROY: Ce qui est à l'intérieur du noir, c'est l'ancien
régime.
M. DRUMMOND: Pour qui est à l'intérieur, cela ne
s'applique pas.
M. ROY: Cela ne s'applique pas, cela a été
concédé durant le régime seigneurial ou avant 1884.
M. DRUMMOND: Quand vous prenez Charlevoix ou les comtés marginaux
vous entrez quasiment dans la forêt publique.
Pour tout ce qu'il y a sur la rive nord, ça ne s'applique
quasiment pas; tout vient du régime seigneurial: Quand on tombe sur la
rive sud, vous prenez tout le comté de Beauce-Nord, même une
partie de Beauce-Sud, puis quand on arrive dans les Cantons de l'Est il y a une
grande partie des terres, je pense que c'est 75 p.c...
M. ROY: Cela implique seulement le régime seigneurial.
M. DRUMMOND: Oui. C'est seulement le régime seigneurial. Mais, en
dehors de cela, dans les Cantons de l'Est, il y a plusieurs terres qui ont
été concédées avant 1884...
M. ROY: Avant 1884.
M. DRUMMOND: Et je pense que la compilation nous indique qu'il y a 75
p.c. des terres, surtout dans la région des royalistes, qui ont
été concédées avant 1884.
M. ROY: Ce que nos pères appelaient les cantons anglais.
M. DRUMMOND: Et tes fils?
M. ROY: Non, ce que nos pères appelaient...
M. DRUMMOND: Non, je parle de tes fils.
M. ROY: Non, mes fils sont modernes, ils disent les Cantons de
l'Est.
M. DRUMMOND: Quand on arrive dans ce secteur, il n'y a pas beaucoup
d'endroits où la réserve des trois chaînes s'applique.
Là où on a une grosse concentration, c'est dans l'arrière
des comtés, ici.
M. ROY: Vous devez avoir dans le comté de Mégantic-Compton
beaucoup de territoires qui ont été concédés
après 1884, ainsi que dans la région de Saint-Romain, du lac
Drolet, d'Audet, de Spalding, de Woburn, dans ces coins.
La région administrative de M. Côté couvre quasiment
tout ce secteur, jusque dans le comté de L'Islet. Alors,
nécessairement... et vous ne touchez pas le Saguenay-Lac-Saint-Jean?
M. COTE (Paul-Henri): Non, ça arrête à peu
près avec la hauteur des terres.
M. ROY: Merci.
M. COTE (Paul-Henri): Cette ligne apporte une assez bien bonne raison
à ce que je vous expliquais tout à l'heure, et la demande en bois
de sciage et de pâte a augmenté beaucoup, les prix offerts
étant très bons. Donc...
M. ROY: Vous avez décidé de procéder dans...
M. COTE (Paul-Henri): On a décidé, monsieur, on a quand
même l'obligation de par nos fonctions de voir à cette partie de
l'application de la loi et des règlements.
M. ROY: Sur les 108 qu'il y a dans le comté de Beauce-Sud,
combien y a-t-il de dossiers où il y a eu des avis envoyés
à cause de la coupe du bois comme telle?
M. COTE (Paul-Henri): Je crois que les 108, ce sont tout simplement des
avis selon lesquels il existait une réserve.
M. ROY: Une réserve de trois chaînes et pour laquelle on a
invité les gens à communi-
quer avec le ministère des Terres et Forêts afin de prendre
une entente.
M. COTE (Paul-Henri): S'ils veulent exploiter ou occuper ce
territoire.
M. ROY: C'est là où j'en viens. Pourquoi y a-t-il eu 108
avis envoyés dans le comté de Beauce-Sud et seulement un dans le
comté de Bellechasse? Comme le démontre la carte, il y a un
territoire aussi grand, sinon plus grand. Seulement un avis a été
envoyé dans le comté de Bellechasse, selon les chiffres qui nous
ont été fournis cet après-midi. Je tiens à dire en
passant que ce ne sont pas mes chiffres, ce sont les chiffres qui nous ont
été donnés.
M. COTE (Paul-Henri): Dans Bellechasse? M. ROY: Oui.
M. COTE (Paul-Henri): C'est simplement une supposition que je fais, mais
j'imagine qu'il y a probablement eu moins de coupes qui se sont faites dans ce
comté et qu'on n'a pas senti le besoin dans le temps d'avertir les
propriétaires que la réserve existait.
M. ROY: Quels sont les critères sur lesquels vous vous basez pour
déterminer le temps d'aviser les propriétaires?
M. COTE (Paul-Henri): Comme je vous ai dit tout à l'heure,
lorsqu'une rivière nous est déclarée non navigable et non
flottable, la loi s'applique. Si sur cette rivière on constate qu'il se
fait une coupe, on est obligé d'agir suivant la loi. C'est en même
temps qu'on avertit les propriétaires riverains de ce fait.
M. LESSARD: M. Côté, pourriez-vous m'expliquer comment il
se fait que ce problème vient de se poser? Ce qu'on veut savoir, c'est:
Est-ce que vous avez reçu du ministère des Terres et Forêts
des ordres précis selon lesquels...
M. COTE (Paul-Henri): Non, absolument pas.
M. LESSARD: ... vous étiez obligés de faire appliquer la
loi, cette année?
M. COTE (Paul-Henri): Ce n'est pas nouveau, l'application de la loi.
M. LESSARD: Ce n'est pas nouveau. Mais vous avez toujours
appliqué cette loi, vous avez toujours eu les mêmes exigences?
M. COTE (Paul-Henri): Toujours les mêmes exigences?
Peut-être que cette coupe de bois avait l'air de vouloir...
M. LESSARD: Cela se coupait du bois avant dans ces régions, il
devait se faire des coupes de bois?
M. COTE (Paul-Henri): J'imagine que oui, il s'en faisait. Mais
maintenant la demande pour le bois, comme je vous l'expliquais, a
augmenté beaucoup. Les prix aussi ont augmenté. C'est beaucoup
plus tentant pour le propriétaire d'exploiter ce boisé.
M. LESSARD: Et, avant, vous n'avez jamais appliqué cette loi?
M. COTE (Paul-Henri): Oui oui, cela a été
appliqué.
M. ROY: Si cela a été appliqué, comment se fait-il
qu'il n'y a eu que quatorze cas réglés en 1973/74, seulement 30
en 1972/73, seulement treize en 1971/72, seulement onze en 1970/71 et
qu'actuellement, au moment où je vous parle, il y a 108 cas de personnes
qui ont été avisées?
M. COTE (Paul-Henri): Je vous dis: On vient de commencer.
M. ROY: C'est parce que vous parlez uniquement de la question de la
coupe du bois. Il s'est fait de la saisie de bois coupé. Cela
m'étonne et c'est la raison pour laquelle je voudrais savoir, moi,
à partir de quels critères vous procédez. Dans
Bellechasse, je connais des gens qui font de la coupe à blanc, j'en
connais dans L'Islet, j'en connais ailleurs. La coupe à blanc ne se
pratique pas uniquement dans le comté de Beauce-Sud. Alors comme on a
fait appliquer la loi ou qu'on semble vouloir la faire appliquer dans
Beauce-Sud, comment se fait-il et comment expliquez-vous qu'il y a 108 avis qui
ont été envoyés aux gens de Beauce-Sud et seulement un
dans Bellechasse? C'est un élément de comparaison. Il y a quand
même des critères qui vous guident pour l'application de la
loi.
M. COTE (Paul-Henri): Cela m'embarrasse un peu votre question, puis
comment y répondre.
M. DRUMMOND: Je vais peut-être expliquer le contexte de la
régionalisation.
M. ROY: Cela m'intéresserait.
M. DRUMMOND: Oui. Depuis un an, le ministère régionalise
ses activités. On a donné des pouvoirs plus grands aux
administrateurs régionaux. Chacun des administrateurs réagit
différemment devant ses nouvelles responsabilités et, avec des
directives générales, chacun applique...
M. LESSARD: La loi différemment.
M. DRUMMOND: Non, n'applique pas la loi
différemment, mais selon les problèmes qu'il affronte sur
le terrain, il va être porté à donner une plus grande
priorité à certains problèmes. Alors, dans le cas de la
région de Québec, on a été mis devant le fait de
plusieurs coupes sur la réserve de trois chaînes alors, en faisant
inspecter une rivière et en la faisant déclarer non navigable et
non flottable, nécessairement eux ont envoyé des avis aux autres
propriétaires riverains pour les aviser qu'il existait une
réserve de trois chaînes. Et qu'il y en ait 108 dans le
comté de Beauce-Sud, c'est peut-être simplement le fait du
hasard.
M. ROY: Alors, c'est par hasard. M. DRUMMOND: Certainement.
M. COTE (Paul-Henri): Je peux vous apporter une autre explication, c'est
que la certification ou...
M. ROY: Le député parlera quand ce sera son tour.
M. COTE (Paul-Henri): C'est le ministère des Richesses naturelles
qui, à ce jour, est reconnu comme étant celui qui prend la
décision, qui donne l'avis selon lequel une rivière est non
navigable et non flottable.
M. ROY: Est-ce que le ministère des Richesses naturelles a
commencé par déterminer les rivières non navigables...
M. COTE (Paul-Henri): Non. Il donne la réponse à la suite
des demandes qu'il reçoit. Maintenant, si...
M. LESSARD: Est-ce que vous consultez le ministère des Richesses
naturelles à un moment donné?
Non, d'accord mais écoutez, M. le Président, c'est le
ministère des Richesses naturelles qui donne les informations concernant
les rivières navigables ou non navigables.
M. COTE (Paul-Henri): Oui.
M. DRUMMOND: II le fait à notre demande.
M. LESSARD: A votre demande. Alors, vous avez fait des demandes au
ministère des Richesses naturelles à ce moment-là pour
savoir si les rivières dans Beauce-Sud étaient des
rivières navigables ou non navigables?
M. COTE (Paul-Henri): Oui. M. LESSARD: D'accord.
M. COTE (Paul-Henri): Maintenant, à la suite de ça, quand
on recevait cet avis des Richesses naturelles, on avertissait les
propriétaires riverains. C'est comme cela, probable- ment, qu'il y a
plus de personnes de la Beauce qui ont été averties. Ce n'est pas
parce que c'est la Beauce, c'est parce que la plupart des coupes ont
commencé par là.
M. ROY: Maintenant, pourquoi? Il s'agit de la même loi qui est
appliquée dans tout le Québec.
M. COTE (Paul-Henri): Oui.
M. ROY: Pour quelles raisons a-t-on pris la Beauce et n'a-t-on pas
procédé de la même façon dans Bellechasse? Je
cherche un élément de comparaison parce que ce sont deux
comtés voisins.
M. COTE (Paul-Henri): J'essaie de répondre à votre
question du mieux que je peux le faire. Aux Richesses naturelles, ils sont
embourbés de demandes à l'heure actuelle pour donner les
réponses à cette demande que les différents
administrateurs font, ou peu importe qui.
M. ROY: Est-ce que vous avez des demandes de faites dans
Bellechasse?
M. COTE (Paul-Henri): On veut couvrir toute la région pour savoir
à quoi s'en tenir avec ça.
M. ROY: Toute la région ou toute la province?
M. COTE (Paul-Henri): Moi, je m'occupe de ma région.
M. ROY: Et par un effet du hasard, par un concours de circonstances,
vous avez commencé par le comté de Beauce-Sud. C'est la seule
explication que vous pouvez me donner.
M. DRUMMOND: II y a une explication, M. le député, c'est
qu'effectivement les fonctionnaires de la Beauce, étant
concentrés à Saint-Georges-de-Beauce pour s'occuper de cette
sous-région de la région administrative de Québec, ont
d'abord commencé dans l'environnement; par après, ils ont fait
des demandes quant à d'autres rivières comprises dans d'autres
comtés. Effectivement, vous ne pouvez pas être en désaccord
avec le fait que les gens ont pensé débuter d'abord avec les
rivières de leur propre coin. D'autre part, il y a eu cette demande
accrue au point de vue pâtes et papiers qui s'est effectivement
révélée à Anglo Pulp, les prix ont monté de
$20 à $50. Donc, les gens se sont mis à couper.
Effectivement, il y a eu l'application. Elle s'est d'abord faite
à partir du bureau sous-régional qui, comme vous le savez, est
situé à Saint-Georges-de-Beauce et qui, par après,
rayonnera sur d'autres unités de rivières.
M. ROY: Mais ils commencent par le comté de Beauce. Vous avez
commencé, par hasard, par le comté de Beauce.
M. DRUMMOND: Ils ont effectivement commencé par là.
M. ROY: Avec les instructions que vous leur avez données.
M. DRUMMOND: Non, comme le sous-ministre vous l'a expliqué, je
pense qu'il y a un contexte très important qu'il faut expliquer un peu.
Et c'est le contexte de la régionalisation.
Le ministère des Terres et Forêts a décidé,
au cours de la dernière année, de régionaliser ses
activités. Donc, de se rapprocher des clientèles, d'une part, au
niveau des populations. D'autre part, d'essayer de s'intégrer, face aux
organismes centraux dans une coordination interministérielle.
Donc, à ce moment, ça implique une régionalisation
au niveau des dix régions administratives. Cette régionalisation
a vraiment été faite. A ce moment, ça implique une
certaine déconcentration des pouvoirs, une certaine, en fin de compte,
façon qui peut être d'interpréter certains
règlements ou autres, si vraiment vous avez des gens dynamiques.
Vraiment les gens, en fin de compte, peuvent l'interpréter, le
règlement, de façon plus rapide que d'autres dans une
région par rapport à une autre.
On peut s'imaginer en fin de compte, que par rapport à la
réserve des trois chaînes, il y a eu effectivement une application
rapide et assez draconienne au niveau de la région de Québec par
rapport aux autres régions. Il y a eu d'autre part, par rapport à
certaines sous-régions, qui se divisent en cinq au niveau de la
région de Québec, une application aussi plus rapide. Mais, on
peut s'apercevoir, suite à l'enquête qu'on a faite, M.
Côté, moi-même, le ministre et sous-ministres,
qu'effectivement il n'y a eu personne de visé là-dessus.
C'est en toute bonne foi qu'on vous le dit. Effectivement on
s'aperçoit, que parce qu'il y a eu des gens, en fin de compte, qui l'ont
appliqué de façon plus dynamique, un règlement qui
existait depuis toujours...
M. ROY: Discrétionnaire.
M. DRUMMOND: Non, de façon plus dynamique, si vous voulez...
M. ROY: Non, plus discrétionnaire.
M. DRUMMOND: Mais effectivement, après enquête, on peut
s'apercevoir que c'est en toute bonne foi, semble-t-il, que ce règlement
a été appliqué.
M. ROY: Maintenant, M. le Président, pour les fins du journal des
Débats, j'aimerais tout de même...
M. DRUMMOND: Non, si je peux faire... M. ROY: ... le nom de M.
Caron.
M. DRUMMOND: M. Jean-Louis Caron. M. ROY: M. Jean-Louis Caron.
M. DRUMMOND: Le patron des administrateurs régionaux.
M. ROY: ... qui est le patron. Autrement dit, vous, vous êtes le
patron de tous les administrateurs régionaux au ministère.
M. DRUMMOND: Oui.
M. ROY: Au ministère, ici à Québec. Je m'excuse
parce que tout à l'heure, vous n'aviez pas été
identifié pour les fins du journal des Débats, pour
moi-même, j'aimerais bien savoir à qui je m'adresse.
M. DRUMMOND: Exact. Si je peux faire... C'est un commentaire. C'est
ça, vous parlez de quelque chose de plus discrétionnaire. En
partie, c'est vrai, parce que chaque administrateur régional a la
discrétion d'appliquer les lois et les règlements du
gouvernement. Je pense que l'administrateur régional est ici pour
répondre aux questions, qu'il est aussi directeur général
des régions et qu'il est ici pour en parler avec nous... Les
administrateurs sont disposés à répondre disons de leurs
gestes administratifs.
On vient de commencer la vraie régionalisation des
activités du ministère et je suis prêt à dire
qu'ici, ce soir, on aurait d'autres problèmes où il y aurait
peut-être des... On pèse d'une façon différente
l'application de la loi d'une région à une autre. C'est tout
à fait normal, parce que les problèmes varient d'une
région à une autre. Alors cette question, ce n'est pas une
question d'honnêteté, ce n'est pas une question de manque
d'efficacité, c'est une question d'une période de rodage, je
pense, parce que nous faisons tous une expérience, en ce qui concerne
une vraie régionalisation.
Parce que, si on veut régionaliser, sans donner
l'autorité, une certaine mesure d'autorité avec la
responsabilité, ça va tomber à terre et ça va
tomber vite. Alors on aura des problèmes. Un instant. Pour essayer de
mettre une meilleure concordance entre les activités des régions,
depuis deux ans maintenant, on travaille sur un manuel qui va donner certaines
instructions, certaines directives, le relevé de tous les
règlements; tout ça pour assurer une certaine continuité
en ce qui concerne les applications de la loi et qui va servir comme manuel
d'instruction ou manuel d'application des lois, des règlements. On veut
arriver à ça avec une meilleure coordination vis-à-vis de
toutes les régions.
Mais, comme on dit, si on attend trop longtemps et si on n'embarque pas
là-dedans, on n'embarquera jamais. Alors le manuel est prêt. On va
en faire l'étude, ça va apporter une meilleure coordination.
Mais, pour le mettre en pratique, ça prend du temps.
Si, par excès de zèle ou pour une raison ou pour une
autre, en appliquant la loi telle qu'elle existe, on arrive ici à
discuter tous les effets de la réserve des trois chaînes, ce n'est
pas mauvais en soi, c'est probablement une bonne affaire, parce qu'il y a des
choses qu'il faut régler. Au lieu d'avoir des lois qui, en certaines
parties, sont désuètes, on en discute comme on en a
discuté aujourd'hui d'une façon sérieuse et ça va
aider le gouvernement ou l'Assemblée nationale à arriver aux
meilleures solutions. Je veux dire que c'est très très important
de ne pas dire : cela ne marche pas, la régionalisation, comme
ça; on ne doit pas donner l'autorité, on ne doit pas donner la
responsabilité. C'est ça qui est l'essentiel de ce qu'on essaie
de faire. Le député de Saguenay parle de la politique
forestière d'une façon globale et je pense qu'il est d'accord
avec moi que la régionalisation, ça fait partie intégrante
de la mise en application d'une politique forestière ou d'une politique
en ce qui concerne l'administration du ministère des Terres et
Forêts.
M. LESSARD: M. le Président, je ne voudrais pas faire de
sémantique, mais là j'ai besoin d'explications. Le ministre parle
de déconcentration avec délégation de pouvoirs. M. le
Président, lorsque le ministre parle de déconcentration, est-ce
qu'il fait une distinction avec déconcentralisation ou de quelle
façon la fait-il? Je ne veux pas faire de sémantique, mais je
pense que c'est fort important.
M. DRUMMOND: Pour ne pas faire de sémantique, je dis que, si on
donne une mesure de responsabilité à un gars dans une
région, il faut qu'il ait la même mesure d'autorité.
M. LESSARD: Délégation de pouvoirs.
M. DRUMMOND: C'est ça. C'est de la déconcentration. Et, si
on n'a pas ça, on n'aura que des hommes de paille dans la région
et ça devient une vraie farce. Je pense qu'on peut regarder partout dans
le monde, même ici dans la province de Québec, et, lorsqu'on le
fait comme ça, ce qu'on a, c'est vraiment un dédoublement
d'efforts ou le centre essaie toujours de garder le pouvoir. On nomme quelqu'un
comme administrateur régional, mais on garde le pouvoir au centre. On
essaie de faire le contraire, en essayant aussi d'établir les
méthodes, d'avoir ce qu'on appelle en anglais "management by exception".
Lorsque quelque chose ne marche pas, on peut faire une action au centre pour
voir à ce que ça marche dans les régions.
Comme je vous l'ai dit, on aura d'autres choses qui vont arriver, mais
le fait que ça arrive, je pense qu'après une certaine
période de rodage, ça va faire vraiment la preuve de ce qu'on
essaie de faire.
M. ROY: M. le Président, on est complète- ment sorti du
sujet. Vous parlez de la régionalisation des politiques du
ministère, de l'application de ces politiques. Disons que ça peut
entrer dans le cadre. Je suis bien d'accord, je suis prêt à
concéder que ça peut entrer dans le cadre. Sur la question de la
régionalisation pour ne pas avoir des hommes de paille dans les
régions, je suis entièrement d'accord avec le gouvernement, puis
avec le ministère. Il faut qu'on régionalise l'application des
lois, dans le Québec, de façon que les gens qui font partie de
telle région administrative ou de telle autre région
administrative puissent avoir les services du gouvernement. Il faut qu'on
tienne compte également des particularités régionales et
des besoins de chacune de ces régions, parce que le règlement et
les lois ne s'appliquent pas de la même façon partout, vu qu'il y
a des différences marquées dans toutes les régions du
Québec, compte tenu de l'immensité de son territoire.
Cela, c'est une chose, mais, là, on est en face d'un autre
problème parce qu'on applique une loi vieille de 90 ans. Je suis
obligé de dire qu'elle est appliquée de façon arbitraire,
pour la bonne raison qu'il y a un conflit juridique. Comme on l'a bien
prouvé cet après-midi, il y a un conflit juridique à la
base. J'aimerais savoir, moi, qui a décidé de s'imposer comme
tribunal et de dire : On prend telle version des conseillers juridiques, puis
on l'applique de telle façon.
Est-ce que les instructions ont été données de la
part du ministre aux fonctionnaires de son ministère et, de là,
aux personnes qui sont les administrateurs régionaux ou si ce sont les
administrateurs régionaux qui ont toute la latitude voulue d'appliquer
la loi dans chacune de leurs régions, compte tenu des effectifs qu'ils
ont à leur disposition?
M. DRUMMOND: Même si la loi est contestée, ce n'est pas
contesté devant la cour.
Il y a évidemment des opinions d'un côté ou de
l'autre, mais jusqu'à preuve du contraire, on dit que la loi existe et
on l'applique. Je suis d'accord qu'il y ait une différence d'opinion,
mais comme on en a beaucoup parlé cet après-midi, c'est seulement
entre une date et une autre, entre 84 et 19. C'est peut-être un aspect du
problème, mais en ce qui concerne l'application de la loi, les gars de
la région sont là pour appliquer la loi. Pour nous, la loi est
légale.
M. ROY: Si la loi est légale pour vous, elle est légale
dans tout le territoire de la province de Québec. La loi doit être
appliquée partout avec la même mesure dans toutes les
régions du Québec.
M. HOUDE (Abitibi-Est): En même temps. M. ROY: En même
temps.
M. PELLETIER: Si le député de Beauce me le permet, sur le
même sujet, dans le comté de
Kamouraska-Témiscouata, il y en a 74. Ce n'est pas la même
chose. Vous disiez tout à l'heure que, chez vous, il y en avait 108.
Disons que la loi doit être appliquée et je pense que le
ministère se doit, graduellement...
M. LESSARD: Cela fait 182, alors que le ministre nous a parlé de
146.
M. PELLETIER: Non, 74 plaintes. Je ne dis pas que le ministère a
envoyé des avis. J'ai eu 74 plaintes à ce sujet. C'est pour cela
que je pense que ce n'est pas concentré seulement dans le territoire de
Beauce-Sud. On a le problème nous autres aussi.
M. ROY: Mais les gens n'ont pas eu d'avis. Je ne me base pas sur le
problème qui est posé, je me base sur les avis qui ont
été envoyés aux personnes. Ce n'est pas sur le nombre de
plaintes accumulées et le nombre de plaintes que j'ai reçues,
parce qu'il y en aurait un nombre beaucoup plus grand, M. le Président.
Toute la population de la région est inquiète. Je n'ai pas
seulement des plaintes de Beauce-Sud, mais j'en ai de Beauce-Nord,
malgré qu'il y a juste un petit coin de Beauce-Nord qui est
concerné. J'en ai de Bellechasse, j'en ai du comté du
député qui vient de parler, j'en ai d'un peu partout des
régions du Québec. Mais je suis venu à une conclusion, cet
après-midi, à la suite des chiffres que les officiers du
ministère m'ont fournis, c'est qu'on a décidé d'appliquer
avec plus de sévérité la loi dans le comté de
Beauce-Sud. La preuve est bien évidente, 108 cas, 108 avis qui ont
été envoyés uniquement dans Beauce-Sud contre 140 qui ont
été envoyés dans l'ensemble de la région de
Québec.
On a parlé des coupes à blanc. J'aimerais savoir des
officiers du ministère, de M. Côté ou de son patron, si les
avis ont été envoyés uniquement dans le cas des coupes de
bois. Sinon, dans quelle proportion touche-t-on les coupes de bois dans
l'application de la loi?
M. COTE (Paul-Henri): Les avis, comme je vous le disais tout à
l'heure, ont été envoyés aux gens dont on avait la
certitude, à la suite d'une communication des Richesses naturelles, que
leur lot faisait partie d'une réserve de trois chaînes. Mais ces
avis étant envoyés, une fois qu'on constatait qu'il y avait une
coupe à blanc sur un des lots... Quand on a constaté aussi que la
population se plaignait qu'on les prenait par surprise, on a pensé qu'il
était logique d'avertir les voisins que, s'ils coupaient la
réserve, on allait être obligé d'appliquer le
règlement. Il me semble que c'était logique.
M. ROY: Vous procédez à partir du moment où vous
êtes avisés qu'il y a coupe à blanc?
M. COTE (Paul-Henri): Oui. M. ROY: Qui vous avise?
M. COTE (Paul-Henri): Nos officiers sur le terrain.
M. ROY: Cela veut dire que vos officiers sur le terrain parcourent tout
le comté et toute la région?
M. COTE (Paul-Henri): Oui.
M. ROY: S'il y a des coupes à blanc qui se font dans Beauce-Sud
présentement, je sais pertinemment qu'il s'en fait également dans
Bellechasse.
M. COTE (Paul-Henri): Oui.
M. ROY: Pour quelle raison avise-t-on les propriétaires de
Beauce-Sud alors qu'on n'avise pas les gens de Bellechasse ou d'ailleurs?
M. COTE (Paul-Henri): Je ne le sais pas, je ne veux pas mettre en doute
votre parole, mais je serais très surpris si les gens de Bellechasse
n'avaient pas été avisés, parce qu'il y a à peu
près trois semaines...
M. ROY: C'est vous autres qui nous avez fourni les chiffres cet
après-midi.
M. COTE (Paul-Henri): En tout cas, il y a à peu près trois
semaines...
M. DRUMMOND: Des avis officiels par écrit, je vous ai
donné un chiffre par ordre de grandeur. Ce n'est pas exact à
l'unité près.
M. COTE (Paul-Henri): Quand j'étais à Armagh, on a
été drôlement questionné concernant cette
réserve des trois chaînes et ce n'était pas dans...
M. DRUMMOND: II faut distinguer les avis officiels et les demandes qui
ont été faites aux sous-bureaux régionaux.
M. ROY: Par suite des dénonciations que nous avons faites, des
conférences de presse que j'ai données...
M. DRUMMOND: Par suite de toute la publicité.
M. ROY: ... et de toute la campagne que j'ai menée pour informer
la population.
M. DRUMMOND: Oui, c'est cela.
M. ROY: Je suis encore un peu surpris, M. le Président, puisqu'on
dit qu'il y a 108 cas et qu'on semble vouloir surtout s'intéresser
à ceux qui font la coupe à blanc, dans le comté, chez
nous. J'ai ici quatorze cas, des personnes qui se sont faites un petit lac
artificiel sur du terrain et on a envoyé quatorze avis à tous
ceux qui détenaient un emplacement autour du petit lac
artificiel qui était situé le long d'un petit cours
d'eau.
C'est un dossier qui est situé à Saint-Côme. Alors,
il n'est pas question de coupe de bois, il n'y en a pas.
M. DRUMMOND: Quand une rivière était classifiée non
navigable et non flottable et qu'on relevait un ou deux cas, on a envoyé
des avis aux propriétaires riverains.
M. ROY: Qui fait la classification à l'heure actuelle? Vous
m'aviez dit cet après-midi que vous n'aviez pas la liste.
M. DRUMMOND: Les Richesses naturelles, mais quand, à la suite
d'une demande du ministère pour un cas, le ministère recevait
l'avis que cette rivière était non navigable et non flottable, en
plus de ce cas, le ministère avertissait les autres propriétaires
riverains.
M. ROY: J'ai mon voyage. J'ai réellement mon voyage.
M. DRUMMOND: Je ne vois pas de... M. ROY: Moi, je vois pas mal.
M. DRUMMOND: ... quelle façon on pouvait agir autrement.
M. ROY: Je vois pas mal qu'on procède de façon
extrêmement discriminatoire. Probablement qu'il y a des patroneux quelque
part bien cachés comme c'est la mode, qui décident d'appliquer
des sanctions et de faire des appels téléphoniques pour aviser
que telle personne coupe du bois sur tel lot. Comme le ministère des
Richesses naturelles et le ministère des Terres et Forêts n'ont
pas la liste des cours d'eau navigables ou non navigables, on décide
d'appliquer une loi arbitrairement dans un comté alors qu'on dit qu'on
n'a pas les effectifs pour la faire appliquer dans le comté voisin,
qu'on n'a pas les données et qu'on est embourbé au
ministère. On apprend à un moment donné qu'on
décide de faire une région pilote, on fait un comté
cobaye, le comté de Beauce-Sud, par hasard, c'est curieux, mais c'est le
seul comté de la rive-sud qui est dans l'Opposition. C'est curieux. Je
ne veux pas les interpréter, mais c'est quand même un concours de
circonstances et les faits sont là. On pénalise une population.
On parle de coupes à blanc, moi, je parle de personnes qui ne font pas
la coupe du bois du tout parce qu'il n'y a pas de bois sur leur terrain et qui
reçoivent un avis du ministère. Est-ce qu'on sait où on
va?
M. COTE (Paul-Henri): Ils occupent le terrain là.
M. ROY: II n'y a pas seulement eux qui occupent le terrain et il n'y a
pas seulement dans Beauce-Sud qu'il y a des gens qui occupent du terrain. Il y
en a partout dans le Québec. Pourquoi Beauce-Sud?
M. COTE (Paul-Henri): Oui, mais au point de vue de l'occupation on fait
cela partout.
M. ROY: Vous ne faites pas cela partout, vous avez 109 avis sur 140 qui
concernent le comté de Beauce-Sud et seulement 32 ailleurs. Pourquoi
est-ce qu'on n'a pas envoyé des avis ailleurs? Est-ce qu'on
prépare des dossiers pour dire aux patroneux au cours des
élections: Ton affaire des trois chaînes, ne t'inquiète
pas, viens avec moi au ministère, je vais t'ouvrir la porte, je suis bon
avec le ministre, je vais t'arranger cela et cela ne te coûtera pas cher.
C'est cela qu'on veut faire?
M. DRUMMOND: Est-ce que vous m'accusez d'être patroneux?
M. ROY: Je ne vous accuse pas, mais je dis qu'à l'heure actuelle
vous avez une immense responsabilité et la porte est ouverte. Je
n'accuse pas.
M. le Président, je n'accuse pas le ministre, je sais que le
ministre est probablement de bonne foi, je suis même prêt à
lui donner toute la bonne foi dont il semble faire preuve dans ce
problème. Mais je me rends compte, M. le Président, que le
ministre est grandement dépassé par l'ampleur de ce
problème. Les officiers du ministère sont également
dépassés. Tout le monde est dépassé. La population
du Québec est inquiète et veut savoir si on est chez nous
aujourd'hui dans le Québec ou si on ne l'est pas? Par-dessus le
marché, c'est une loi qui est contestée, parce qu'on applique
arbitrairement une loi dans laquelle il n'a jamais été
mentionné que la loi était rétroactive.
M. DRUMMOND: M. le Président, je pense qu'on essaie de
mêler pas mal les cartes. Il me semble qu'on essaie de le faire d'une
façon démagogique lorsqu'on doit...
M. ROY: II n'est pas question de démagogie.
M. DRUMMOND: ... être en mesure de discuter, comme cela arrive de
temps en temps, d'une façon logique. On admet qu'il y a un
problème, mais à jouer trop sur la légalité entre
deux dates données, cela ne va pas résoudre le problème.
Le problème existe.
M. ROY: C'est parce que vous l'avez créé.
M. DRUMMOND: On ne l'a pas créé. Je n'étais pas ici
en 1884, je n'étais pas ici en 1919 non plus. Alors, entre ces dates, le
député de Beauce-Sud dit qu'il y avait un problème
légal. Peut-être qu'il y a un problème légal, mais
selon nous, la loi existe depuis 1884, mais après cela, il y a, bien
sûr, des problèmes qui sont vraiment
humains là-dedans. Essayons de trouver des solutions à la
lumière de ce que doit être une politique de gestion des terres
publiques, mais...
M. ROY: C'est justement là, M. le Président...
M. DRUMMOND: ... on ne le fait pas en faisant des amendements tout de
suite comme cela.
Il faut ramasser les données et les regarder assez froidement au
lieu de le faire à haute voix pour des fins politiques.
M. ROY: Non, ce n'est pas pour des fins politiques, M. le
Président.
J'aimerais savoir du ministre, présentement, s'il
considère que toute cette réserve de trois chaînes, y
compris toutes les concessions de lots qui ont été
concédés entre le 1er juin 1884 et l'année 1919, que les
lots de tous ceux qui sont propriétaires de terrains à
l'intérieur de la réserve de trois chaînes, font partie du
domaine public, et que le gouvernement applique toute la législation
concernant la gestion du domaine public à l'intérieur de ces
réserves, parce que le problème est tout là.
M. DRUMMOND: Le problème n'est pas tout là, c'est
ça que j'essaie de dire et je pense bien que le député de
Beauce-Sud ne dirait pas non plus que le problème est seulement
là. Quelle est la différence en ce qui concerne le gars qui
possède un terrain, selon lui, qui date de 1920? Est-ce que c'est au
point de vue de sa famille, au point de vue de tous les autres aspects? Est-ce
tellement différent de quelqu'un qui a acheté ce terrain en 1918?
Lorsqu'on va faire l'analyse de tout ça, je ne pense pas que ce soit
seulement la patente qui est en jeu, je pense que le député fait
un argument qui est strictement légal, et ça me semble un peu
bizarre, parce que, lorsque le député parle, d'habitude, il ne
parle pas seulement des choses légales, il parle avec humanité.
Pour moi, ce n'est pas seulement une question de dates, c'est une question de
ce qu'on doit faire concernant cette réserve qui, selon nous, est la
pleine propriété de la collectivité de la province.
M. ROY: Le ministre interprète la loi comme telle.
M. DRUMMOND: Je suis ici pour appliquer la loi selon ce que j'ai comme
opinion juridique, et jusqu'à preuve du contraire, oui, je l'applique de
cette façon. Ce que je veux essayer de signaler, c'est que ce n'est pas
tout à fait ça qui est le vrai problème.
M. ROY: Pourquoi ne l'appliquez-vous pas dans tout le territoire d'une
façon égale?
M. HOUDE (Abitibi-Est): Parce que c'est impossible physiquement.
M. ROY: C'est là le point, c'est impossible physiquement.
M. HOUDE (Abitibi-Est): Vous êtes encore chanceux d'avoir des...
dans le comté de Beau-ce, par exemple.
M. LESSARD: M. le Président, je reviens sur ça, c'est que,
en tout cas, à mon sens, le ministre devrait convenir normalement qu'une
loi s'applique pour tout le monde, peut-être pas nécessairement en
même temps, mais devrait s'appliquer pour tout le monde. Vous avez une
loi qui est très relative, en particulier concernant la
définition des eaux navigables. Vous êtes obligé, pour
appliquer cette loi, de faire appel au ministère des Richesses
naturelles pour savoir si les eaux sont navigables ou non navigables. Moi, il
me semble, chose qui m'apparaît logique, qu'avant de décider
d'appliquer une loi régionalement, comme ce semble être le cas
actuellement, le ministère des Terres et Forêts aurait dû
demander au ministère des Richesses naturelles une définition et,
plus que ça, une carte où sont bien définies des zones
navigables et des zones non navigables. Parce qu'il m'apparaît justement,
actuellement, que cette définition est fonction d'un certain nombre de
critères et de normes, critères et normes qui peuvent être
fort relatifs.
Or, si vous demandez ça régionalement, à ce
moment-là, peut-être qu'on applique des critères et des
normes au ministère des Richesses naturelles, pour une région,
qui peuvent être différents pour une autre région. Moi, il
me semble, une chose qui m'apparaît logique, étant donné
qu'une loi s'applique pour tout le monde, que la première chose, avant
de mettre en application cette loi, aurait dû être de demander au
ministère des Richesses naturelles, non seulement une définition
des eaux navigables ou non navigables, mais une carte même où on
précise exactement, dans les 110 comtés du Québec, quelles
sont les rivières navigables ou non navigables, et non appliquer une loi
à la pièce, pas appliquer une loi par morceaux. C'est que
là vous avez, visuellement, une idée générale de ce
que sont les rivières navigables. Mais ce n'est pas ce que vous avez
fait. Vous avez demandé, concernant un comté...
M. DRUMMOND: Ah! Ah! Ah!
M. LESSARD: Je ne dis pas c'est la responsabilité du
député de Beauce que vous l'avez fait explicitement pour
un comté, mais il semble que cela soit le cas. Je vous dis qu'il me
semble que vous auriez dû d'abord le faire pour l'ensemble des
comtés du Québec de telle sorte qu'après cela, lorsque
vous avez une vue générale des rivières navigables ou non
navigables, vous appliquez la loi pour tout le monde, peut-être pas
exactement en même temps, mais au moins, à un certain moment. On
est sûr que demain matin, la définition des eaux navigables
ne sera pas modifiée tandis qu'actuellement, puisque vous avez
demandé au ministère des Richesses naturelles de définir
ce que c'est pour le comté de Beauce, des rivières navigables ou
non navigables, je me demande si demain cette définition ne sera pas
modifiée.
Premièrement, il me semble que vous devriez avoir une
définition claire du ministère des Richesses naturelles et
deuxièmement, vous devriez être capable, ce soir, de nous montrer
une carte du ministère des Richesses naturelles, carte sur laquelle on a
précisé exactement quelles sont les rivières navigables et
les rivières non navigables parce qu'à ce moment, si on ne l'a
pas fait, cela veut dire que c'est vraiment discriminatoire.
M. DRUMMOND: Je pense qu'on a essayé d'expliquer tout cela depuis
quelques heures. En ce qui concerne l'application de la loi dans un
comté donné, on a posé des questions à
l'administrateur régional, et je pense qu'il a bien répondu qu'il
ne s'agissait pas d'une directive en soi, ou du ministre ou du
sous-ministre.
M. LESSARD: C'est une directive du ministère des Terres et
Forêts.
M. DRUMMOND: Non.
M. LESSARD: Aucunement?
M. DRUMMOND: Non. Il a dit cela? Sa responsabilité est
d'appliquer les lois concernant les terres et forêts.
M. ROY: Mais si le ministère n'a pas donné de directive
c'est là que la question est importante cela veut dire que
chacune des régions est libre d'appliquer ou de ne pas appliquer la loi
et de choisir, compte tenu du potentiel et des effectifs qu'elle a, quelle
paroisse, quel comté dans la région, servira de comté dans
lequel on va commencer à appliquer la loi.
M. DRUMMOND: L'explication est fort simple. De tout temps, au
ministère, on a interprété la loi tel qu'on
l'interprète aujourd'hui et on l'a appliquée tel qu'on l'applique
aujourd'hui, sauf que dans la région de Québec, depuis six mois,
on l'applique d'une façon plus intensive. C'est strictement cela. Il n'y
a pas d'autre chose.
M. LESSARD: C'est une drôle de déconcentration.
M. ROY: J'aimerais qu'on me dise comment il se fait que si on appliquait
la loi depuis longtemps...
M. DRUMMOND: Ce sont des cas réglés des gens qui se sont
prévalus... et qui ont acheté la réserve des trois
chaînes. Alors, cela ne donne pas la nomenclature ou la
comptabilité des gens qu'on a pu aviser dans les années
précédentes, leur disant qu'ils étaient sur une
réserve des trois chaînes.
M. ROY: Oui, mais pourriez-vous nous dire combien d'avis vous avez
envoyés dans le passé?
M. DRUMMOND: II faudrait relever les dossiers. On pourrait finir par le
trouver.
M. PELLETIER: Comme je le disais tout â l'heure, personnellement,
chez nous, j'ai 74 cas sur la rivière Madawaska. Peut-être que
cela n'est pas réglé, mais il reste quand même qu'ils sont
là. C'est pour cela que je dis qu'il n'y a pas seulement les gens du
comté de Beauce qui sont avisés. Il y a des négociations
d'entreprises, mais cela n'est pas réglé.
M. ROY: Je pense qu'il y a plus de 300 plaintes si on se
réfère aux cas comme ceux que vient de me signaler le
député du comté de Témiscouata-Kamouraska. Il y a
à peu près de 300 à 350 plaintes...
M. DRUMMOND: II est certain qu'avec la publicité qu'il y a
eue...
M. ROY: Je parlais des avis tantôt.
M. DRUMMOND: ... tous les gens veulent savoir s'ils ont un
problème de la réserve des trois chaînes.
M. ROY: Oui, c'est normal.
M. DRUMMOND: C'est très normal.
M. ROY: Imaginez-vous que j'achète un terrain ou encore, vous
monsieur le sous-ministre, vous achetez un terrain demain matin et qu'on vous
avise qu'il y a une réserve de trois chafnes et qu'il y a un cours d'eau
qui le traverse...
M. DRUMMOND: Oui.
M. ROY: ... et que vous décidiez de ne pas vous en
prévaloir et que vous ayez acheté des titres clairs, savez-vous
que vous pouvez revenir contre la personne qui vous l'a vendu? Oui, et vous
pouvez être obligé de déterrer des successions et des morts
aussi.
M. LESSARD: II y a un problème qui me préoccupe. Dans mon
comté, peut-être que cela ne s'est pas encore appliqué,
mais il y a des gens qui ont acheté des terrains le long de
rivières non navigables.
Je ne sais pas s'ils ont des actes notariés, mais ils les ont
payé $400 ou $500. En fait, un gars n'est pas propriétaire du
terrain, mais il l'a acheté d'un cultivateur, qui était
assuré d'être propriétaire de ce terrain. Ce dernier l'a
vendu.
M. DRUMMOND: Cela fait partie du problème.
M. LESSARD: Cela fait partie du problème. Donc le gars a
payé son terrain, par exemple, $400 et est certain d'être
propriétaire du terrain. En fait, il ne l'est pas.
M. DRUMMOND: C'est cela. M. LESSARD: Cette personne...
M. DRUMMOND: On n'arrive pas à avoir cinq ou six échanges
de terrain...
M. LESSARD: A cette personne, vous faites une réclamation, si
elle coupe du bois autour. Elle l'a déjà payé son terrain
$400 ou $500.
M. DRUMMOND: Oui, mais cet individu a acheté quelque chose qui
n'appartenait pas à la personne qui l'a vendu.
M. LESSARD: Donc, il est obligé de se tourner vers le
propriétaire, de réclamer, de faire un procès.
M. DRUMMOND: C'est le problème.
M. LESSARD: Vous n'êtes pas sorti du bois!
M. DRUMMOND: On n'a jamais dit que cette affaire était un cadeau.
On a une loi qui existe. Même le député de Beauce-Sud n'a
aucun doute pour ce qui concerne la légalité entre l'année
1919 et aujourd'hui, mais au point de vue légal, il avait à
acheter...
M. LESSARD: Vous allez faire...
M. DRUMMOND: Qu'il avait à acheter, ça vous donne le
même problème.
M. LESSARD: Vous allez faire comme aux dernières
élections, vous allez en déterrer des morts. Pas pour les faire
voter, cette fois, mais à un moment donné...
M. ROY: M. le Président, il y a justement un point sur lequel on
parle. Le député de Saguenay a parlé de l'application
discrétionnaire de la loi. J'ai un dossier, l'officier du
ministère pourra le prendre en note, no 14460-21. On a exigé
à un individu $785, j'ai la photocopie du chèque, pour le faire
payer, le long d'une petite rivière, un petit cours d'eau que je connais
très bien. Pour quelle raison a-t-on envoyé un avis seulement
à lui, alors que tous les autres riverains n'ont pas reçu d'avis
du ministère? Si la rivière a été reconnue comme
cours d'eau et qu'elle a été classée d'après une
recommandation du ministère des Richesses naturelles, suite aux
décisions qui ont été prises par le ministère des
Terres et Forêts, par l'administrateur régio- nal, par
l'administrateur local, en vertu de quels critères n'a-t-on avisé
qu'un seul propriétaire et qu'on n'a pas avisé les autres
propriétaires riverains?
M. COTE (Paul-Henri): Cela devait être un libéral.
Peut-être que pour les autres, il n'existait pas de réserve. Je ne
sais pas...
M. ROY: Je vous dis ce qu'il existait pour les autres, le cours d'eau a
trois milles de longueur.
M. COTE (Paul-Henri): Oui, mais il n'y a peut-être pas de
réserves.
M. ROY: II y a des réserves.
M. COTE (Paul-Henri): Les terrains ont peut-être été
achetés avant 1884.
M. ROY: Je pourrais vous faire un dessin et vous expliquer. Non, non,
cela n'a pas été concédé en 1884, aucun lot dans ce
coin. Je connais très bien la place. Et j'ai vérifié.
Personne d'autre que celui-là n'a été avisé.
M. COTE (Paul-Henri): Tout simplement une question. Il y a longtemps que
cette personne a été avisée?
M. ROY: Le chèque est daté du 18 juin 1973. L'individu a
décidé de payer pour ne pas être à la merci du
gouvernement libéral. Donc, avant les élections.
J'ai ici un autre cas. Celui-là a eu lieu à
Montmagny-L'Islet, M. le Président. On parlait de coupe à blanc,
tout à l'heure. Il y a un cas ici dans lequel une personne a payé
pour 9,759 pieds de bois. On lui a réclamé $269.77 et j'ai encore
une photo du reçu, ce qui fait $27.60 le mille pieds, pour payer un
droit de coupe. Et on lui a même saisi son bois de chauffage j'ai
eu l'occasion de l'entendre à la télévision son
bois de poêle. Alors que la terre était une
propriété familiale depuis trois générations,
à ce qu'on m'a dit. Probablement que le député de
Montmagny-L'Islet est au courant, et qu'il a eu le même dossier; c'est
parce que je l'ai dans mes documents que je le cite, car c'est un exemple qui
m'a frappé. Si on calcule le prix à la corde de bois, cela
revient à $13.50 la corde. Quels sont les droits de coupe que le
ministère des Terres et Forêts réclame? Je voudrais revenir
là-dessus, à l'intérieur de la réserve des trois
chaînes, $0.50 la corde pour Rayonier, je me le rappelle et je ne suis
pas prêt de l'oublier.
M. DRUMMOND: Combien? M. ROY: $0.50 la corde.
M. DRUMMOND: Le prix a augmenté depuis ce temps-là.
M. ROY: Non. L'accord a été signé pour 25 ans.
M. DRUMMOND: Non, le droit de coupe a augmenté.
M. LESSARD: De combien? M. DRUMMOND: $0.74.
M. LESSARD: $0.74? Est-ce indexé? Que-bec North Shore paie
combien?
M. ROY: $2.50 la corde.
UNE VOIX: ... l'Anglo.
UNE VOIX: On n'est pas sur le même sujet.
M. LESSARD: Un instant!
M. ROY: On reviendra sur la question du bois.
Il y a d'autres personnes ici qui ont reçu des avis. J'ai des
photocopies d'avis. Je pourrais citer plusieurs personnes qui ne pratiquent
même pas la coupe de bois. Elle ne font même pas la coupe, mais
elles sont propriétaires d'un petit terrain. Elle font un peu de
sylviculture pour tâcher d'entretenir le bois, mais ils ne coupent pas le
bois, parce que le bois n'est pas prêt à être coupé.
Ces gens ont reçu des avis. Chose curieuse...
M. COTE (Paul-Henri): Un avis informe tout simplement le
propriétaire.
M. ROY: Oui, mais mettez-vous à la place du propriétaire
qui reçoit un avis demain matin, qui n'est plus chez lui et que son
voisin ne reçoit pas d'avis.
M. COTE (Paul-Henri): On nous accusait de les prendre comme des voleurs,
par surprise.
M. ROY: Pourquoi n'a-t-on pas envoyé d'avis à tout le
monde?
M. COTE (Paul-Henri): Parce qu'on n'a pas le temps, et qu'on n'est pas
capable. Il faut avoir quand même l'avis du ministère des
Richesses naturelles.
M. ROY: Je vous ai montré des cas où l'avis a
été donné, il y a seulement une personne qui a reçu
son avis.
M. COTE (Paul-Henri): II peut arriver des erreurs aussi, c'est
humain.
M. LESSARD: Est-ce que...
M. COTE (Paul-Henri): II n'y a certainement pas eu d'application plus
sévère de la loi, du contrôle de la loi dans le
comté de Beauce...
M. ROY: Mais Seigneur! Si une personne décide, au niveau d'une
paroisse, par exemple, d'appeler l'administrateur des Terres et Forêts et
qu'il dit à l'agent du gouvernement, votre employé: Telle
personne, lot 14, rang 3, est en train de faire une coupe à blanc. Votre
agent du ministère est obligé de partir et d'y aller. Donc, c'est
la dénonciation qui est le critère numéro un parce que
vous n'avez pas les effectifs.
M. COTE (Paul-Henri): Non, parce qu'on aura quand même
aussi...
M. ROY: Vous appelez cela un devoir civique.
M. COTE (Paul-Henri): Nos agents sur le terrain font des patrouilles.
Tous ces cas qu'on nous rapporte n'ont pas été faits à la
suite de dénonciations.
M. DRUMMOND: M. le Président, vous parlez effectivement et
vraiment des problèmes de la déconcentration administrative. Par
exemple, au niveau des droits de coupe additionnelles et des contributions, on
a regardé la loi du ministère des Terres et Forêts. D
existe un article qui dit: "Tout propriétaire de territoires
boisés, situés dans la province, sauf les colons et les
cultivateurs, doit payer, au ministre des Terres et Forêts, une
contribution de $0.15 par corde de bois, coupé sur ses territoires
boisés et destiné à la fabrication de la pulpe ou du
papier ou ses dérivés ou de produits accessoires de la pulpe".
Si, en faisant une déconcentration administrative, en donnant la
responsabilité de l'application de la loi et des règlements
à des gens auxquels le ministre et le sous-ministre et les
autorités du ministère disent: Vous pouvez maintenant appliquer
la loi.
M. LESSARD: A qui les autorités du ministère ont dit:
Maintenant, vous pouvez appliquer la loi, parce que j'approuve la
déconcentration...
M. DRUMMOND: Non, non! Mais...
M. LESSARD: ... mais en maintenant que les directives sont les
mêmes pour l'ensemble des comtés du Québec.
M. DRUMMOND: Oui.
M. LESSARD: C'est cela, une déconcentration.
M. DRUMMOND: Là-dessus, M. Lessard, d'accord!
M. LESSARD: D'accord!
M. DRUMMOND: Regardez bien! Là-dessus, si demain matin, un
inspecteur du ministère des Terres et Forêts décide de
définir, dans le comté de Beauce-Sud, par exemple, qui est colon
ou qui est cultivateur, ou qui est
simplement, en fin de compte, une personne qui demeure au niveau rural,
sur une terre, qui effectivement gagne sa vie ailleurs, en faisant une
déconcentration, vraiment, vous donnez une certaine permission à
certains fonctionnaires d'appliquer la loi selon une certaine juridiction qui,
en fin de compte, est de la responsabilité du ministre, qui,
effectivement, est délégué. La réserve de trois
chaînes, par rapport à la région de Québec,
après avoir vérifié au niveau des huit autres
régions, on s'aperçoit qu'elle a été
appliquée de façon plus draconienne dans la région, d'une
part, par rapport aux autres régions, et, d'autre part, dans une
sous-région, par rapport à cette région qui est
divisée en cinq sous-régions.
M. LESSARD: Autrement dit, la déconcentration n'a pas
fonctionné de la même façon.
M. DRUMMOND: C'est-à-dire que la déconcentration
fonctionne après qu'un certain rodage s'est fait. Si vous vous attendez
que le rodage se fasse dans une période d'un an, effectivement, on peut
tout de suite démontrer que la déconcentration administrative ne
vaut rien, et qu'il faut centraliser au niveau du ministre et du sous-ministre,
et que les gars en bas sont des porte-parole. Cela laisse certaines lacunes,
comme par exemple, quelqu'un qui décide d'appliquer la loi des
$0.15.
Effectivement, il décide de l'appliquer pour toutes sortes de
raisons contre quelqu'un ou autrement, par rapport à une
déconcentration qui équivaut à 1,100 fonctionnaires sur le
terrain. Un des ministères des plus avancés, en fin de compte,
dans cette déconcentration, essaie de se rapprocher des
clientèles d'une part; d'autre part, il essaie de faire une coordination
interministérielle.
Si on est pour la juger sur un cas comme celui-là, la
déconcentration ne se fera pas dans d'autres ministères que dans
celui que vous êtes en train de juger.
M. LESSARD: M. le Président, je suis d'accord sur la
déconcentration et même, je vais plus loin que cela, je suis
d'accord sur la décentralisation. En fait, une déconcentration
est simplement l'application régionale d'un pouvoir qui appartient au
ministre. Cependant, une déconcentration de pouvoir, on est rendu juste
là, il semble qu'on a un seul ministère qui en fait actuellement.
Je suis bien d'accord sur la déconcentration, mais lorsqu'on en fait, il
faut qu'il y ait un certain nombre de directives qui soient uniformes, parce
qu'à ce moment-là la déconcentration va être
arbitraire. Je suis bien d'accord, à un moment donné, que dans la
déconcentration, le fonctionnaire agisse à l'intérieur
d'un cadre défini par la loi, agisse à l'intérieur du
cadre défini par le ministre lui-même, le ministre des Terres et
des Forêts. Je suis d'accord sur cela.
Cependant, ce qu'il va falloir au ministère des Terres et des
Forêts, parce que là, cela arrive la question des trois
chaînes un autre domaine peut-être qui reviendra plus tard
il va falloir justement que les personnes responsables au niveau des
régions appliquent la loi de la même façon, ou bien vous
allez avoir des maudits problèmes. je m'excuse ...
M. DRUMMOND: Je pense...
M. LESSARD: Concernant la déconcentration. Si vous faites trop...
La déconcentration, cela doit venir à la suite d'une certaine
préparation, préparation de fonctionnaires aussi. C'est
malheureux bien souvent, on est habitué ou les fonctionnaires des
régions sont habitués à ne pas prendre de décision,
même à l'intérieur de la loi. Cela demande une certaine
préparation et cela demande un certain recyclage des fonctionnaires. Je
dis que je suis d'accord sur le principe. Mais il faut faire attention. C'est
comme la planification, on s'est gargarisé de planification depuis un
certain temps. Mais cela fait pitié en "mosus" la planification du
gouvernement actuellement. Il faut dire qu'en fait il n'y en a pas. On parle de
planification, mais si vous êtes à un moment donné l'un des
ministères témoins au niveau de la déconcentration, il va
falloir justement d'abord, je trouve curieux que cela ne s'applique
qu'à un seul ministère que vous prépariez vos
fonctionnaires à pouvoir faire de la déconcentration.
Je suis d'accord avec M. Côté qui a décidé
d'appliquer la loi. Peut-être que M. Côté a
été un des fonctionnaires modèles dans ce domaine, je
pense, parce qu'il se dit: Je suis un fonctionnaire et comme fonctionnaire, il
y a une loi du ministère des Terres et Forêts. Je dois
l'appliquer. M. Côté était peut-être mieux
préparé que d'autres à l'appliquer, cette loi. Par
exemple, si M. Côté applique cette loi et qu'aujourd'hui, il est
au front, c'est lui qui reçoit les critiques. Il va falloir justement,
parce qu'il ne sera plus intéressé à appliquer la loi
à un moment donné, si les autres fonctionnaires disent: Nous
autres, la loi du ministère des Terres et Forêts, on ne l'applique
pas et on se fait des amis de la population, etc... Ce n'est pas cela
être fonctionnaire. Etre fonctionnaire, c'est justement appliquer la loi.
Il l'a appliquée, la loi. Je ne le blâme pas; ce n'est pas M.
Côté, c'est le ministre des Terres et Forêts que je
blâme.
M. DRUMMOND: J'accepte le blâme et j'en suis fier, à part
cela. J'ai passé tout l'avant-midi aujourd'hui à recevoir des
accusations du député de Saguenay disant qu'on n'a pas
marché assez vite. C'est la mise en application de la politique
forestière. Un des aspects les plus fondamentaux, c'était la
régionalisation. Quand on fait quelque chose, on le fait vite; mais on a
fait beaucoup de travail, en ce qui concerne la mise en application de cela, le
nombre de réunions entre les fonctionnaires et les autres fonctionnaires
des ministères. On les avait en
masse. On était au courant qu'on aurait des problèmes. On
les a. C'est parfait. On va apprendre par les fautes qu'on fait.
Mais, après ces commentaires, ce matin, lorsque j'avais dit:
C'est bien beau parler de l'abolition tout de suite des concessions
forestières, mais il y a beaucoup d'implications, il y a des contrats
d'approvisionnement, il y a la question du nouveau système de
redevances. Il y a toute cette question de tenir compte des plans d'avenir de
l'industrie du sciage et de l'industrie des pâtes et papiers, tout en
essayant de trouver des allocations qui ont du bon sens. Il y a toutes ces
questions à soumettre. Il faut arriver, en tenant compte de
l'approvisionnement disponible en copeaux, en bois de cultivateurs
privés et aussi en ce qui concerne les forêts domaniales. H y a
toutes ces questions. Cela prend du temps.
Je suis très heureux de voir que le député de
Saguenay commence à comprendre qu'il y a des problèmes lorsqu'on
veut chambarder tout un système pour en mettre en vigueur un autre.
Très bien, j'avais dit aussi qu'à ce moment-ci on prépare
un manuel qui prend du temps aussi parce que l'on veut s'assurer qu'il y a une
continuité en ce qui concerne les opérations des régions.
On a actuellement ce manuel, on va faire une étude, cela va prendre du
temps aussi et cela va aider la patente, mais qu'il y ait des fautes dans
l'application de la régionalisation, cela va arriver; mais si on ne
procède pas, cela ne marchera jamais. On essaie donc toujours de trouver
la juste moyenne pour faire marcher tout notre système d'une
façon globale. C'est ce que l'on a à faire.
M. LESSARD: Je ne veux pas bifurquer dans la discussion, mais quand le
ministre a préparé son livre blanc, il me semble que le ministre
aurait dû penser à toutes ces implications. Il me semble, M. le
Président, que le ministre aurait dû analyser toutes les
conséquences d'une réforme globale au niveau des concessions
forestières. Il me semble que le ministre, et c'est là que j'ai
été inquiet lorsque nous avons tenu la commission des Terres et
Forêts concernant le livre blanc, avant de proposer une réforme,
le ministre aurait dû faire l'étude. Et là je bifurque un
peu, mais on va revenir au problème tantôt, on va en discuter.
M. ROY: Oui, parce que c'est un livre blanc, on ne peut pas...
M. LESSARD: Oui. M. le Président, il me semble que le ministre,
avant de parler d'abolition des concessions forestières, et je le lui ai
demandé à maintes reprises, aurait dû étudier les
coûts que cela comportait. Malheureusement, M. le Président, j'ai
pu constater en commission parlementaire que le ministre n'avait pas les
réponses à toutes ces questions.
Quand on prépare un livre blanc, il faut s'attendre qu'il y ait
des conséquences. Il faut s'attendre, à un moment donné,
qu'il y ait des répercussions et c'est avant que l'on doit
connaître les répercussions. Qu'il y ait, à un moment
donné, des changements aux répercussions, aux modalités
par la suite, je suis bien d'accord là-dessus, parce qu'une politique se
modifie. Aujourd'hui, le ministre me dit: On ne peut pas appliquer notre
réforme parce qu'il faut l'étudier. Non, M. le Président,
c'est avant qu'on devait l'étudier. Si le ministre nous a proposé
une réforme, c'est parce qu'avant il a dû étudier les
problèmes que cette réforme comportait.
On reviendra sur cela, M. le Président. Je ne veux pas bifurquer
dans la discussion. Je pense que le député de Beauce-Sud a encore
des questions.
LE PRESIDENT (M. Picard): Je crois que l'on devrait revenir à ce
qui avait été entendu au début, à savoir que l'on
discuterait de la règle des trois chaînes.
Lorsque vous parlez de déconcentration, de
décentralisation, vous êtes dans un autre programme, le programme
de la régie interne, qui est le programme 5. Je vous laisse aller,
mais...
M. ROY: On peut faire toute la discussion à ce
moment-là.
M. PELLETIER: Je voudrais tout simplement demander au ministre s'il y
avait des possibilités d'appliquer cela dans le Saguenay, le plus
rapidement possible pour en connaître les effets.
M. LESSARD : M. le Président, c'est cela. Je pense que le
comté de Saguenay, comme le comté de Beauce-Sud, doit être
traité sur un pied d'égalité, comme le comté
d'Abitibi-Est...
M. HOUDE (Abitibi-Est): Cela ne s'applique pas à Abitibi-Est
maleureusement.
M. LESSARD: Bon, ou comme d'autres comtés. C'est justement ce que
je disais au ministre. Quand on parle, et c'est là que la
déconcentration est importante, d'appliquer une loi du ministère,
il faut qu'elle s'applique pour tout le monde. Quand on applique les
règlements de la chasse et de la pêche et quand, en vertu de
l'article 25, je me suis fait saisir mes fusils, on les a appliquées
pour tout le monde y compris le député de Saguenay, et il a
payé $307.50. C'est ce que j'ai demandé, le respect d'une loi.
C'est la même chose pour la réserve des trois chaînes. Cela
doit s'appliquer pour tout le monde.
M. ROY: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Montmagny-L'Islet
m'a demandé la parole.
M. GIASSON: J'aimerais savoir ce qui ad-
vient dans le cas de concessions de lettres patentes émises avant
1884, à des citoyens du Québec et qui, par après, ont
été revendues à des compagnies forestières qui,
elles, ont échangé toute une série de terrains, de petits
lots privés avec le ministère des Terres et Forêts contre
un autre bloc, une autre concession, ailleurs, et qu'après le
ministère a revendu ces terrains à des particuliers? Les lettres
patentes ne mentionnent pas de façon expresse la réserve des
trois chaînes. Est-ce que, dans un cas comme celui que je vous cite, que
l'on retrouve en plusieurs exemplaires dans mon comté, la réserve
des trois chaînes s'applique? Il ne s'agit pas d'émission de
billets de location, le ministère est redevenu propriétaire, a
revendu. Les lettres patentes ne font pas mention, de façon directe et
précise, de la réserve des trois chaînes.
M. ROY: J'aurais encore des questions à poser à M.
Côté, tout à l'heure.
LE PRESIDENT (M. Picard): Vous ne vous éloignez pas, M.
Côté?
M. COTE (Paul-Henri): Non, je suis trop intéressé.
LE PRESIDENT (M. Picard): C'est un brillant fonctionnaire en
disponibilité complète.
M. DRUMMOND: M. le Président, j'ai cru comprendre que la question
posée se référait à un terrain
concédé par le gouvernement avant 1884 et qui, par une suite de
transactions privées, a pu redevenir propriété
gouvernementale et qui a été concédé par la suite,
après 1884. Dans ces cas, nos avocats nous disent que la réserve
des trois chaînes doit s'appliquer pour la deuxième vente.
M. GIASSON: Même si les lettres patentes n'en font pas
mention?
M. DRUMMOND: Oui, les lettres patentes se font toujours de la même
façon.
M. GIASSON: Oui, mais il va falloir que l'on se branche prochainement.
Je vous parle de lettres patentes qui ont été émises
après 1960. J'ai des exemplaires, chez moi, des originaux.
M. DRUMMOND: Est-ce qu'il s'agit de lettres patentes émises par
le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation?
M. GIASSON: Terres et Forêts. M. DRUMMOND: Terres et
Forêts.
M. GIASSON: Nécessairement. Le ministère des Terres et
Forêts a acquis d'une compagnie privée qui s'appelait Price
Brothers, a revendu ces terrains sans les concéder, il les a revendus
comme terrains boisés, ils n'ont pas été transmis au
ministère de l'Agriculture, ils sont demeurés
propriétés des Terres et Forêts et revendus par les Terres
et Forêts à des particuliers à nouveau.
M. DRUMMOND: Ce sont là des cas qui font partie du
problème que l'on a à étudier. Je ne connais pas le cas
dont vous parlez. Je serais bien content de...
M. GIASSON: II y a plusieurs cas chez nous.
Le ministère a dû reprendre en 1939 au moins 50 lots
privés qui étaient à l'intérieur des anciennes
seigneuries, cédés une première fois bien avant 1884.
M. DRUMMOND: Oui. Si le lot est revenu propriété
gouvernementale entre-temps et reconcédé...
M. GIASSON: Ne pensez-vous pas, étant donné que ce sont
des...
M. DRUMMOND: Vous soulignez le fait que ce ne soit pas mentionné
sur les lettres patentes?
M. GIASSON: Oui, sur tout ce qui est récent. Je ne parle pas si
cela avait été...
M. DRUMMOND: Les lettres patentes ne mentionnent pas tous les
règlements auxquels ces lots sont assujettis.
M. GIASSON: Je comprends, mais pour moi, c'est une faiblesse.
M. DRUMMOND: Cela se peut. Je serais porté â le dire moi
aussi.
M. GIASSON: Parce que, tout de même, sur les billets de location
du ministère de l'Agriculture, depuis un certain nombre d'années,
bien avant 1960, on a pris la peine de le mentionner, en termes précis,
"assujettis à la loi des trois chaînes".
M. DRUMMOND: Oui, dans les lettres patentes, c'est l'expression qui se
lit comme suit ou à peu près: La présente vente ou la
présente concession, le présent octroi est aussi consenti sujet
aux lois concernant les terres publiques. Evidemment, c'est la phrase qui
contient tous les problèmes. A ce moment, cela peut être des
droits de mines, des droits de chemins...
M. LESSARD: Des droits de pêche?
M. DRUMMOND: Non, pas les droits de pêche.
M. ROY: On mentionne la Loi de la chasse et de la pêche.
M. GIASSON: Au ministère de l'Agriculture...
M. LESSARD: Le long des rivières à saumon que l'on a
vendues en 1901, est-ce que cette loi s'applique?
C'est important, M. le Président. Je veux savoir sur quel terrain
je m'en vais.
M. DRUMMOND: Je dois justement m'en informer demain afin de donner la
réponse concernant les quatre rivières à saumon dont vous
avez parlé cet après-midi. Je ne suis pas capable de
répondre maintenant.
M. LESSARD: J'espère que vous allez sortir les enregistrements,
M. le Président.
M. GIASSON: Ce sont là les opinions de nos conseillers
juridiques.
M. DRUMMOND: Oui, et non seulement les conseillers juridiques au
ministère, mais c'est l'opinion du ministère de la Justice au
gouvernement.
M. GIASSON: Cela n'a jamais été contesté?
M. DRUMMOND: Non. On peut retrouver, par la suite, des dossiers qui,
périodiquement... Autrefois au bureau du procureur
général, aujourd'hui au ministère de la Justice, c'est
toujours la même opinion qui est revenue. De temps à autre, au
ministère des Terres et Forêts, quand nous voyions que dans
d'autres contentieux on avait tendance à ne pas être de notre
opinion, nous n'avions pas hésité. Ce n'est pas par plaisir que
l'on tente d'appliquer une loi qui, à un moment donné, peut faire
mal. On a donc soumis notre point de vue comme le contentieux l'a fait tout
dernièrement, au ministère de la Justice qui a
décidé et on a attendu la réponse. La réponse est
venue, le ministre vous l'a lue cet après-midi. C'est l'opinion du
gouvernement à ce moment-là, ce n'est pas l'opinion du
ministère des Terres et Forêts.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, j'écoutais tout à l'heure
mon collègue, le député d'Abitibi-Est, qui disait qu'il
n'avait pas eu de plainte dans son comté, que personne n'avait
reçu d'avis. On sait très bien en quelles années les
concessions de lots et les billets de location ont été faits dans
les régions du Nord-Ouest. M. le Président, le jour où on
va appliquer la loi, je connais des députés qui vont avoir des
petits problèmes. Ils vont certainement avoir des appels
téléphoniques avant de déjeuner le matin et après
s'être couchés le soir, même à minuit. C'est pour
cela, la raison...
M. HOUDE (Abitibi-Est): Pas en Abitibi-Est.
M. ROY: Même en Abitibi-Est, M. le Président, tout le
Nord-Ouest et la vallée du Témis- camingue. On sait que cela
s'est fait après 1884. C'était l'époque de la grande
colonisation. S'il y a une région dans le Québec où la loi
s'applique partout, parce qu'il n'y a pas eu de développement
seigneurial, c'est bien la région du Nord-Ouest, sauf qu'il y a
plusieurs lacs qui sont navigables.
M. HOUDE (Abitibi-Est): C'est cela.
M. ROY: II y a des lacs qui ne sont pas navigables et il y a des
rivières qui ne le sont pas non plus. C'est pour cela que je
félicite le député de s'intéresser à ce
problème.
M. HOUDE (Abitibi-Est): Chez nous, les gens connaissent la loi et la
respectent. C'est pour cela que l'on n'a pas de problème.
M. ROY: Un instant. C'est parce que la loi n'est pas appliquée
chez vous. La loi n'est pas appliquée intégralement dans tout le
territoire. On a parlé tout à l'heure de déconcentration.
J'ai bien dit que j'étais d'accord. Là où je suis moins
d'accord, c'est qu'une déconcentration devrait exiger normalement une
planification. Si le gouvernement décide, à un moment
donné, de faire appliquer une loi... Je ne parlerai pas de l'aspect
juridique, la question n'est pas vidée, on pourra y revenir à
l'occasion, mais à ce moment-ci je n'en parlerai pas. En supposant que
le ministère ait raison, que ses conseillers juridiques aient raison,
que le gouvernement décide de faire appliquer la loi actuellement au
Québec, pour quelle raison le gouvernement n'attend-il pas de mettre
toutes ses structures en place, comme le disait tantôt le
député de Saguenay, de donner des instructions précises,
de procéder de telle façon dans tel secteur en vertu de tel
critère, sans discrimination? Actuellement il y a
énormément de discrétion, à un point tel que,
où on fait de la déconcentration, on se sert de la région
administrative de Québec pour appliquer la loi de façon
draconienne et la méthode draconienne est confiée à une
sous-région qui, elle, l'applique de façon draconienne dans mon
comté. C'est à peu près cela, si on regarde un peu ce que
l'on vient de dire. Pour quelle raison ce comté par rapport à un
autre? Les arguments que l'on a voulu me servir je comprends dans quelle
situation M. Côté se trouve placé les arguments que
l'on m'a fournis, les explications que l'on a tenté de nous donner ce
soir ne justifient pas le gouvernement et le ministère d'agir de cette
façon. J'ai l'impression, puisque l'on parle de régionalisation,
de livre blanc et que l'on a parlé de toute la politique de
réaménagement du territoire forestier, que l'on a bien
l'intention d'organiser tout ce réaménagement du territoire
forestier en s'attaquant aux petits propriétaires forestiers en vue
d'assurer, parce que ce semble être l'objectif fondamental,
l'approvisionnement aux compagnies papetières qui offrent le meilleur
marché possible.
M. le Président, je suis obligé de penser ces choses,
parce que tout ce que j'ai entendu aujourd'hui gravite autour de cela et c'est
un peu cela que je suis obligé de donner en guise de conclusion. Je ne
sache pas que l'on limite les compagnies papetières qui sont
propriétaires des lots et il y en a qui sont propriétaires
des lots et qu'on applique la loi de la réserve des trois
chaînes dans le cas de la coupe de bois, là où les
compagnies papetières sont propriétaires des lots et dont la
propriété a été concédée après
1884. Je ne sache pas que cela se fasse.
J'aimerais que le ministère des Terres et Forêts me
rassure. Si on ne l'applique pas dans le cas des compagnies papetières
qui font de la coupe de bois, je me demande ce qui justifie le gouvernement,
puisque le ministre m'a parlé d'appliquer une loi avec humanité,
de procéder avec humanité et de s'attaquer surtout aux petits
propriétaires.
J'aimerais que l'on me donne des explications là-dessus.
Franchement, je suis un peu perdu.
M. GIASSON: M. le Président, combien y a-t-il eu de saisies
effectivement dans Beauce-Sud? Il y a eu beaucoup d'avis, mais combien de
saisies?
M. DRUMMOND: 25. Aucune saisie dans Beauce-Sud.
M. ROY: Pardon?
M. DRUMMOND: Aucune saisie. Il y a eu des saisies dans
Mégantic-Compton une, Montmagny-L'Islet 11.
M. GIASSON: J'ai le record, et non pas Beauce-Sud.
M. DRUMMOND: II y a eu des avis, mais aucune saisie.
M. ROY: Je vais être honnête. C'est le gouvernement qui a
dit qu'il avait pratiqué des saisies, un instant, et qu'il avait
procédé de façon à faire appliquer la loi en ce qui
regarde la coupe de bois pour des coupes à blanc.
M. GIASSON: Patronage!
M. ROY: Je ne sais pas dans quelle mesure ce sont des dossiers de
saisies de bois, des dossiers de personnes, de cultivateurs qui ont bâti
leur résidence, leur ferme le long des cours d'eau. Je ne suis pas non
plus au courant du nombre de dossiers qui concernent, par exemple, ceux qui ont
aménagé quelque chose sur le plan sportif, sur le plan des
loisirs. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé, et j'ai bien pris
soin de poser la question tout à l'heure aux fonctionnaires du
gouvernement, quelle était la proportion des 108 dossiers qui concernait
des saisies de bois, qui concernait des coupes de bois à blanc. Je me
suis bien permis de faire référence à plusieurs dossiers
que j'avais et qui ne concernaient pas expressément des coupes de bois
et de saisies de bois. Je ne sais pas s'il y a eu des avis d'envoyés ou
des saisies de bois, mais je peux vous dire qu'il y a certaines personnes de
mon comté qui, actuellement ont reçu des avis et même dont
le bois a été estampé. Lorsque le bois est estampé
cela veut dire que le bois est saisi par l'inspecteur du ministère et
que vous n'avez pas l'avis, parce qu'il y a eu, dans le comté de
Beauce-Sud, du bois de saisi. J'ai des noms dans mon esprit.
M. DRUMMOND: II y a des dossiers à l'étude, par
exemple.
M. ROY: II y a des dossiers à l'étude et il y a du bois de
saisi, il y a du bois qui a été estampé par les officiers
du ministère des Terres et Forêts. J'ai même
vérifié auprès des officiers du ministère sur le
plan local, pour voir si c'était exact. On me dit que dans le
comté de Montmagny-L'Islet, encore là, c'est mon collègue
de Montmaagny-L'Islet, est le comté record au point de vue des saisies
de bois. Pourquoi ce comté?
M. PELLETIER: M. le Président, si on continue, je pense qu'il y
en a un peu dans tous les comtés. On en découvre à chaque
minute.
M. LESSARD: Le problème soulevé...
M. GIASSON: M. le Président, il y a des cas qui sont vraiment
dramatiques. Dans mon comté exactement, on a saisi du bois à un
cultivateur dont le lot, dans sa longueur, 28 arpents, est traversé par
une rivière. Au-delà de cela, sa grange-étable et sa
résidence sont bâties à l'intérieur de la
réserve des trois chaînes. Pensez à cela comme
conséquence pour le gars à qui on a concédé des
billets de location, des lettres patentes. Ce gars ne le savait vraiment pas;
il découvre un matin qu'il ne possède que la moitié de son
lot. Vous avez la largeur du lit de la rivière, 198 pieds de chaque
côté. C'est un préjudice inacceptable pour un gars qui est
établi sur ce lot depuis 1937.
M. LESSARD: Le gars qui a un chalet et à qui on impose de placer
son puisard à telle place et son aqueduc à telle autre place,
à un moment donné, il a lui aussi des problèmes qui se
posent dans ce domaine.
M. GIASSON: Cela cause des problèmes, mais il y a des
problèmes qui sont d'un ordre nettement supérieur à
d'autres. Face à cette situation, ce citoyen, cet électeur est
venu me voir; j'ai vérifié par une carte que le gars ne charriait
pas. Il perdait à toutes fins utiles la moitié du lot sur lequel
il a payé des taxes par ailleurs, 100 acres de terre, depuis que les
billets de location sont là.
Vous allez me dire que c'était à lui de s'occuper de son
affaire et de se faire imposer pour la moitié d'un lot au lieu d'un lot.
Je suis bien d'accord, mais quand un gars ne le sait pas et qu'après
peut-être 25 ou 30 ans, on lui dit: Mon "chum", qu'on lui fait
découvrir qu'il existe une loi, qu'il en est propriétaire de
seulement de la moitié, que les bâtiments qu'il a
aménagés, c'est bien dommage, ce n'est pas chez lui, c'est
bâti sur le lot du gouvernement, mettez-vous dans la situation de ce
gars. Cela fait drôlement mal.
M. DRUMMOND: Je pense que l'on a dit, dès le commencement, que
l'on est tout à fait d'accord qu'il y a un problème. C'est pour
cela que l'on dit que, d'ici la fin de l'année, après avoir
donné le droit de jouissance, dans l'intérim, on espère
que l'on sera en mesure de suggérer quelque chose qui a du bon sens. En
ce qui concerne ce problème et toute la question de l'administration ou
la gestion des terres publiques, je pense que le député de
Montmagny-L'Islet l'a dit aussi, ce n'est pas une question facile à
régler.
Il faut regarder le problème sur tous ses aspects et arriver avec
des options que le gouvernement peut prendre. On peut parler toute la nuit des
cas types. On reconnaît qu'il y a un problème. On cherche des
solutions.
M. LESSARD: Donc le ministre a décidé de ne pas appliquer,
de façon draconienne, la loi des trois chaînes, de suspendre la
décision qu'il avait prise. Or, la question que je pose, c'est que,
à plusieurs reprises, le député de Beauce-Sud, a justement
posé des questions à l'Assemblée nationale, à
savoir si le ministre avait l'intention de suspendre cette décision. La
réponse a toujours été non. J'ai soulevé
moi-même la même question. Est-ce que le ministre a l'intention de
suspendre cette décision? La réponse a été que le
ministre des Terres et Forêts avait la responsabilité d'appliquer
la Loi des Terres et Forêts et qu'il devait l'appliquer.
En commission parlementaire, actuellement, le ministre nous dit qu'il a
l'intention, pour le moment, de suspendre la décision, de suspendre les
mesures légales, s'il y a lieu, qui avaient été prises
contre des propriétaires riverains concernant la loi des trois
chaînes. Vous avez décidé de suspendre, à un moment
donné...
M. DRUMMOND: On a décidé de donner le droit de jouissance,
en ce qui concerne la réserve des trois chaînes, jusqu'au moment
où on pourra prendre une décision qui sera...
M. LESSARD: Uniforme pour tout le monde.
M. DRUMMOND: Non, il n'est pas question d'être uniforme. On a
passé une heure à discuter pourquoi cela est arrivé.
M. LESSARD: II y a assez du ministre des
Affaires sociales qui n'applique pas des lois humaines pour des gens. On
veut qu'au moins le ministère des Terres et Forêts applique des
lois qui touchent les gens et des lois qui sont humaines.
M. DRUMMOND: On essaie toujours d'appliquer n'importe quoi d'une
façon uniforme. On a expliqué pourquoi cela est arrivé,
qu'il y avait peut-être certains changements ou un excès de
zèle dans une région donnée.
M. LESSARD: Je refuse, M. le Président, de parler d'excès
de zèle. Je refuse d'entendre cela parce que, je pense, le ministre
délaisse alors ses responsabilités. Le ministre nous a
parlé de déconcentration de pouvoirs. Je pense que justement M.
Côté a agi à l'intérieur du cadre de
déconcentration des pouvoirs, mais, cependant, quand on parle de
déconcentration, cela prend des directives uniformes pour l'ensemble des
responsables régionaux.
M. GIASSON: M. le Président, j'aurais même des
réserves au sujet d'une suspension formelle de l'application de la loi
des trois chaînes. Il faudrait qu'elle soit complétée sous
certaines réserves. Imaginez que demain matin...
M. DRUMMOND: En ce qui concerne...
M. GIASSON: ... M. le ministre, vous suspendiez cela d'une façon
absolue. Je connais des gens qui sont dans le commerce des terres à
bois. Sachant que la réserve des trois chaînes ne s'applique plus,
ils vont en profiter pour couper des bandes et vont faire des
déboisements absolus le long des rivières et certains...
M. DRUMMOND: Je ne sais pas si le...
M. GIASSON: Je ne dis pas que ce sont tous les propriétaires,
loin de là. Mais ceux qui se font une spécialité de
commerce sur les terres à bois, j'en suis certain, vont en profiter pour
raser les bordures des rives.
M. DRUMMOND: Je ne sais pas si le député de
Montmagny-L'Islet était ici ce matin lorsqu'on a discuté ce
problème. On a dit qu'aussi longtemps qu'il n'y a pas d'abus, en ce qui
concerne la coupe de bois...
M. ROY: M. le Président, je pense que, sur ce point, je comprends
bien le point de vue qu'a soulevé le député de
Montmagny-L'Islet. Concernant les coupes à blanc, le long des lacs et
des rivières du Québec, c'est un problème qui nous
inquiète énormément. Je pense que, si on veut faire
quelque chose de ce côté, qui ait réellement une valeur
dans la province de Québec, compte tenu du territoire, il faudrait
plutôt une loi-cadre sur cette question, parce qu'il y a des cours d'eau
dont les terrains ont été concédés avant 1884 et
sur lesquels il y a
encore énormément de boisés. Ce sont des cours
d'eau importants.
Il y a des régions, des cours d'eau, des lacs, même des
bassins qui alimentent différentes municipalités dans la province
et, à un moment donné, la coupe à blanc qu'il pourrait y
avoir pourrait en quelque sorte endommager l'environnement. Je pense que
vouloir appliquer la question de la coupe sélective pour protéger
l'environnement uniquement en ce qui regarde la question des lots qui sont
concernés par la réserve des trois chaînes, c'est marcher
avec une béquille, parce que cela va régler partiellement un
problème.
Pourquoi certaines gens, qui ont eu leur lot après le 1er juin
1884, sont-ils soumis à ces règles, alors que d'autres dont le
lot a été concédé le 1er février 1884, ne
seraient pas concernés dans les lots voisins, sur le même cours
d'eau? Il s'agit de l'application de deux poids, deux mesures.
Je pense que de ce côté il va falloir examiner la question,
et ça commence à être drôlement urgent, mais en vertu
d'une autre loi. Je veux revenir sur la décision du gouvernement qui a
décidé d'accorder la jouissance de terrain, par les personnes qui
sont impliquées dans la réserve des trois chafnes.
Le ministre a parlé de jouissance, mais je veux vous parler de
pleine jouissance.
M. GIASSON: Un homme équilibré.
M. ROY: On est réellement en train de reporter un
problème. Je pense que si le gouvernement demandait une opinion à
la cour Supérieure, l'opinion d'un tribunal accrédité,
mandaté à cette fin, qui a la compétence voulue pour
donner une opinion juridique, à partir de cette opinion juridique, qui
sera donnée par le tribunal, parce qu'à ce jour ce sont les
fonctionnaires du ministère qui ont décidé de se
substituer au tribunal...
Je regrette, mais chacun dit que ce n'est pas lui, la loi est
appliquée quand même de façon discrétionnaire. Il y
a certainement quelqu'un quelque part.
M. GIASSON: II y a eu consultation. Tout à l'heure on nous a dit
que les conseillers du ministère de la Justice avaient
étudié les...
M. ROY: II y a eu consultation, mais au niveau de la consultation il y a
eu des contestations. Il y a eu beaucoup de contestations publiques. Alors
qu'on est en train...
M. GIASSON: Des contestations légales.
M. ROY: Des contestations officielles, d'ailleurs j'en ai cité
cet après-midi, et je pourrai en citer d'autres demain matin. Des
contestations de la part d'experts, de spécialistes de la question.
M. GIASSON: Mais sur le plan juridique, est-ce qu'il y a eu des...
M. ROY: Sur le plan juridique.
M. GIASSON: Est-ce que ça a été contesté,
déclaré ultra vires?
M. HOUDE (Abitibi-Est): Est-ce que cette cause a été
portée en cour déjà, sur le plan juridique?
M. ROY: Non, mais je pense que vous êtes à la veille
d'avoir une contestation devant les tribunaux. A la veille, à la
veille.
M. LESSARD: Quand le citoyen est poigné, qu'il est obligé
de prendre des procédures, il ne sait pas comment ça va
coûter.
M. ROY: D'ailleurs certains citoyens ont fait des recommandations, on
pourra revenir là-dessus. Mais il y a les personnes qui sont aux prises
avec ce problème; or, le gouvernement suspend le problème, au
lieu de l'attaquer de front et de le régler. Il y a tout le
problème de ceux qui au cours de l'année vendront leur
propriété. Il y a des gens, tous les ans, qui vendent leur
propriété. Il y a des successions qui se règlent chaque
année, qui doivent faire appel à des ventes de terrains par le
shérif ou des personnes mandatées à cette fin.
Quel sera le statut de ceux qui achèteront tel terrain dans
l'avenir? Est-ce que celui qui le vend va le vendre avec la réserve des
trois chafnes, question d'appliquer ou de faire toutes les prévisions ou
les réserves qui s'imposent à ce sujet? Ou encore si ça va
devenir la responsabilité de celui qui va racheter le terrain ou la
propriété plus tard?
Il va y avoir des centaines et des centaines de cas au cours de
l'été. C'est un problème qui n'est pas
réglé. On parle de la coupe du bois. Le ministre a dit: Sauf la
coupe du bois, parce que nous allons exiger une coupe rationnelle.
Nous avons appris, ce soir, des fonctionnaires que le ministère
n'a pas les effectifs voulus pour appliquer cette loi de façon
rationnelle dans tout le territoire du Québec et que seulement quelques
régions auxquelles on a voulu s'attaquer plus particulièrement
vont avoir à subir les effets ou le contrecoup. Cela veut dire que ces
personnes seront obligées de payer et, si la loi est amendée, ou
s'il y avait un jugement de la cour Supérieure qui viendrait annuler ou
contredire l'opinion des conseillers juridiques du gouvernement, est-ce
à dire que le gouvernement sera obligé de rembourser ces
personnes?
Tout le problème reste posé. Il y a également le
problème des droits de coupe que le gouvernement réclame de ceux
qui font de la coupe de bois sur la réserve des trois chafnes.
J'aimerais qu'on me dise quels sont les droits de coupe
qu'on exige de ces propriétaires riverains, que ce soit un prix
par mille pieds cubes, mille pieds de bois mesure de planche, ou que ce soit
encore à la corde de bois.
M. DRUMMOND: A ce sujet, on a déjà dit, ce matin, qu'aussi
longtemps qu'il n'y a pas une coupe abusive on n'exigerait aucun droit de coupe
à ce moment-ci.
M. ROY: Lorsque vous réclamez des droits de coupe...
M. DRUMMOND: Non, on n'en a pas réclamé.
M. ROY: Mais lorsque vous exigez des droits de coupe, il y a quand
même eu des cas où des droits de coupe ont été
réclamés.
M. DRUMMOND: $2.50, je pense, ou $2 la corde.
Cela dépend si vous parlez d'infraction ou de droit
régulier.
Dans le cas des saisies, pour le bois à pâte, ç'ont
été trois droits de coupe et pour le bois de sciage, cinq droits
de coupe.
M. ROY: Cinq droits de coupe?
M. GIASSON: Le droit de coupe initial est de $2.50 la corde.
M. DRUMMOND: $2.50 la corde et $4... M. GIASSON: Vous dites trois
fois.
M. ROY: Cela veut dire que des personnes qui au Québec coupent
actuellement du bois sur leur terrain, même de façon rationnelle,
parce qu'on a des cas de coupes rationnelles qui ont été faites
et pour lesquelles on a exigé trois droits de coupe dans la question du
bois de papier... Et au sujet des autres cinq droits de coupe ces gens sont
tous sujets à l'application de cette loi et sont tous, autrement dit,
non pas pénalisés mais menacés par le ministère des
Terres et Forêts de voir arriver un inspecteur s'ils n'ont pas
demandé un permis pour un droit de coupe.
M. DRUMMOND: Ils ne sont même plus menacés parce que...
M. ROY: Ils sont saisis.
M. DRUMMOND: II a été dit qu'il n'y aurait aucun droit de
coupe d'exigé pour la jouissance sur la réserve des trois
chaînes jusqu'à...
M. ROY: J'aimerais que le ministre précise pour terminer.
M. DRUMMOND: Sur ça, je l'ai dit.
M. ROY: Aucun droit de coupe ne sera imposé?
M. DRUMMOND: C'est ça, aussi longtemps que ce n'est pas une coupe
à blanc.
M. ROY: Est-ce qu'il faut que les gens demandent un permis?
M. DRUMMOND: Je pense que ça aurait du bon sens d'en parler avec
l'administration régionale du ministère des Terres et
Forêts avant d'effectuer la coupe.
M. ROY: Est-ce que des instructions ont été données
ou seront données incessamment à ce sujet?
M. DRUMMOND: Elles sont données.
M. ROY: Est-ce que l'autorisation sera faite d'accorder des permis pour
couper du bois?
M. DRUMMOND : D'une façon officieuse ou d'une façon
formelle, c'est ça.
M. ROY: Et si la coupe à blanc s'avère nécessaire
dans une forêt qui est rendue à maturité?
M. DRUMMOND: Si c'est ça, on regarde et si c'est
nécessaire...
M. GIASSON: Des coupes à blanc le long des rivières?
M. DRUMMOND: Si le bois va tomber en tout cas...
Tout dépend si le type sur son lot entier pratique une coupe
rationnelle; même si à certains endroits on est obligé de
faire des coupes à blanc, on va considérer ça comme un
aménagement rationnel. Mais si le gars prend son lot et le vide en
entier, qu'il arrive à la réserve des trois chaînes et veut
la vider en entier, on va parler d'un usage abusif.
M. ROY: Mais toutes les personnes qui désirent couper du bois sur
leur terrain à l'intérieur de la réserve des trois
chaînes devront s'adresser aux inspecteurs du ministère des Terres
et Forêts.
M. DRUMMOND: C'est ça.
M. ROY: Est-ce que vous avez le personnel voulu pour répondre
à toutes les demandes?
M. DRUMMOND: On ne va pas augmenter tellement les demandes qu'on
reçoit ces jours-ci, en ce qui concerne l'application de la
réserve des trois chaînes en tout cas; on est pris avec le
problème à savoir si oui ou non on le fait de cette
façon.
M. ROY: Si une personne qui est habituée de couper du bois chaque
année sur son terrain, comme c'est la pratique pour un grand nombre de
petits producteurs de bois, n'est pas informée de cette loi, qu'elle
procède à la coupe en oubliant de demander un permis au
gouvernement, ça veut dire qu'elle est passible d'une saisie.
M. DRUMMOND: Si c'est fait d'une façon non abusive, même
s'il n'y a pas eu de demande officielle, il n'y aura pas de saisie. Par
prudence, ces gens seront mieux de voir l'administration régionale pour
voir si leur coupe est considérée rationnelle. Justement pour
pallier ce manque de personnel, ils ne seront pas obligés d'avoir un
permis avant de couper.
Le député de Beauce-Sud a posé quand même une
certaine question qui m'a intrigué et j'aimerais avoir sa pensée
là-dessus. Il a suggéré que le gouvernement si je
l'ai bien compris procède d'une façon peut-être plus
draconienne en ce qui concerne les droits de propriété le long
des rivières.
Oui, parce qu'il a fait mention des terres qui étaient vendues
avant 1884, qu'on doit considérer ça de la même
façon que les terres qui étaient concédées
après. Si on dit ça, ce serait la même chose que n'importe
quelle autre propriété...
M. ROY: Non, ce que j'ai dit, M. le Président...
M. DRUMMOND: ... privée. Est-ce que le gouvernement doit agir de
la même façon, sur les terres privées le long des
rivières autour des lacs, que pour les terres publiques?
M. ROY: M. le Président...
M. LESSARD: ... des biens culturels.
M. ROY: ... je voudrais répondre à la question du ministre
à ce sujet. J'ai dit tout à l'heure qu'on ne devrait pas
je n'ai pas dit qu'on devrait appliquer une loi uniquement pour une
certaine catégorie de personnes si on vise à protéger la
faune et l'environnement.
Il devrait y avoir une loi-cadre édictant que les rives des cours
d'eau de la province de Québec seront régies par une même
loi qui tienne compte du gros bon sens, de la logique et qui ne s'applique pas
uniquement aux petits propriétaires de bois. Mais qu'on n'ait donc pas
peur de l'appliquer aussi pour les compagnies papetières! c'est cela. On
agit avec énormément de sévérité. Le
gouvernement applique la loi de façon j'emploie mon terme
arbitraire dans des régions où, à un certain moment, on
choisit... Arbitrairement, c'est arrivé dans la région de
Beauce-Sud dans laquelle on applique une loi et on n'exige même pas des
compagnies papetières, qui sont dans des circonstances analogues,
l'obligation de satisfaire aux mêmes exigences du gouvernement pour
protéger la faune et pour protéger l'environnement.
Il va falloir que le gouvernement et que le ministère soient
conséquents. Je comprends que c'est toute la Loi de la protection de
l'environnement qui entre en ligne de compte et que le ministre responsable de
la qualité de l'environnement a son mot à dire
là-dedans.
Mais, si on dit, par exemple, que telle catégorie de personnes,
parce qu'elles se sont vu concéder leurs lots après telle date ou
entre telle date et telle autre date, seront soumises à toutes les
règles alors que d'autres ne le seront pas, par exemple, leurs
voisins... C'est cela que j'ai voulu dire au ministre tout à l'heure. Je
n'ai pas parlé de l'appliquer de façon draconnienne. J'ai dit
qu'il fallait avoir une loi uniforme dans ce domaine.
M. DRUMMOND: C'est-à-dire, selon le député de
Beauce-Sud, le zonage, d'une façon absolue, doit comprendre les terres
privées aussi bien que les terres publiques.
M. ROY: Les terres publiques aussi bien que les terres privées.
J'aime mieux employer ce mot...
M. DRUMMOND: Non. Il y a une différence...
M. ROY: II y a une différence et c'est pour cela que je fais la
nuance...
M. DRUMMOND: ... légale en ce qui concerne l'autre.
LE PRESIDENT (M. Heard): Merci, messieurs. Nous ajournons nos travaux
jusqu'à demain matin dix heures, même salle.
(Fin de la séance à 22 h 7 )
Référer à la version PDF page B-1604 et B-1605