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Commission permanente
des richesses naturelles
et des terres et forêts
Entente concernant les Cris et les Inuit de la baie
James
Séance du mercredi 5 novembre 1975
(Dix heures vingt-deux minutes)
M. Séguin (président de la commission permanente des
richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre,
messieurs!
Préliminaires
Le Président (M. Séguin): Première
séance de la commission parlementaire des richesses naturelles et des
terres et forêts ayant pour but d'étudier le projet d'entente
entre les Cris, les Inuit et le gouvernement en ce qui concerne le territoire
de la baie James.
Les membres de la commission pour la séance d'aujourd'hui, du
moins pour la matinée, sont les suivants: M. Morin (Sauvé); M.
Bellemare (Johnson); M. Déom (Laporte); M. Ciaccia (Mont-Royal); M.
Faucher (Nicolet-Yamaska); M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue);
M. Lessard (Saguenay); M. Malouin (Drummond); M. Brown (Brome-Missisquoi); M.
Cournoyer (Robert Baldwin); M. Pelletier (Kamouraska-Témiscouata); M.
Harvey (Dubuc); M. Picotte (Maskinongé); M. Samson (Rouyn-Noranda).
A moins qu'il n'y ait objection ou un autre candidat comme rapporteur,
je suggérerais M. Malouin (Drummond). Y a-t-il consentement?
M. Lessard: Pourrait-on accepter aussi, étant donné
qu'il s'agit d'une importante entente, que les autres députés qui
ne sont pas membres de cette commission et qui pourraient venir à cette
commission puissent aussi avoir le droit de parole selon l'article 148 des
règlements?
Le Président (M. Séguin): Pour ma part, je n'ai
absolument pas d'objection. S'il y a consentement unanime des membres de la
commission, nous pouvons nous entendre pour cette séance. Cependant,
s'il y a remise de la séance ou suspension de la séance, on
prendra une nouvelle décision, M. le ministre?
M. Cournoyer: Non, s'il vous plaît.
Le Président (M. Séguin): On établirait
aujourd'hui, si vous voulez, pour la durée de la commission... afin de
ne pas être pris dans cette routine chaque fois.
M. Lessard: D'accord.
Le Président (M. Séguin): Avons-nous convenu d'une
heure de suspension?
M. Cournoyer: II n'y a pas d'heure de suspen- sion. Je pense bien
qu'on va suivre la procédure normale aujourd'hui.
Le Président (M. Séguin): Normalement, c'est
à 12 h 30.
M. Morin: Normalement, M. le Président, mais on verra
selon l'état des travaux.
Le Président (M. Séguin): C'est cela. Je
demanderais immédiatement au ministre des Richesses naturelles de
prendre la parole.
Exposé général du
ministre
M. Cournoyer: M. le Président, il s'agit d'un projet
d'entente, comme vous l'avez mentionné, avec les Cris et les Inuit qui
se partagent, avec d'autres Québécois, le territoire de la baie
James et celui de la baie d'Hudson, c'est-à-dire celui qu'on veut
appeler ici le Nord du Québec, le Nouveau-Québec, l'Ungava, etc.
M. Ciaccia a été délégué par le premier
ministre pour négocier avec les associations en question,
représentant les Cris et les Inuit, les termes d'une entente de base qui
a été signée l'année dernière et les
compléments de cette entente de base qui découlent, bien
sûr, de l'entente de base signée l'année dernière
par le gouvernement, les sociétés qui relèvent du
gouvernement et des associations représentant les Cris et les Inuit.
J'insiste sur le fait qu'il s'agit, à ce moment-ci, d'un projet
d'entente et non pas d'une entente réalisée puisque je ne crois
pas avoir vu, du côté des Indiens ou des Inuit, des Cris ou des
Inuit, une réaction selon laquelle ils étaient prêts
à signer telle entente et le gouvernement n'a pas encore indiqué
qu'il signerait cette entente. C'est donc un projet d'entente et il sera
signé éventuellement entre les parties si les deux parties
indiquent qu'elles sont totalement d'accord sur les termes qui y sont inscrits.
Mais, pour le moment, cela demeure un état de projet. C'est une
procédure un peu inusitée, c'est-à-dire qu'un document
comme celui-là fasse l'objet d'auditions devant une commission
parlementaire, mais l'importance de la décision a incité le
gouvernement, en fait, comme il se doit, à procéder de cette
façon, vu qu'il s'agit d'une très grande partie du territoire
québécois et que des intérêts de
collectivités entières sont impliqués. Je demanderais donc
à M. Ciaccia de nous donner un bref exposé même s'il
est long, compte tenu des circonstances, cela peut être long de ce
qui a conduit à l'entente et des termes généraux de
l'entente.
M. John Ciaccia.
M. Ciaccia: Merci, M. le ministre. M. le Président,
premièrement, je devrais signaler que le projet d'entente en quatre
volumes s'en vient de l'imprimeur directement ici et, aussitôt qu'il sera
arrivé, je suggérerais, si c'est admis par les membres de la
commission, que ce soit distribué et déposé à la
commission parlementaire.
M. Morin: M. le Président, est-ce qu'on prévoit que
le document va nous parvenir ce matin?
M. Cournoyer: J'en douterais, M. le Président. Je ne
voudrais pas prendre d'engagement et faire revenir la commission parlementaire.
Avec la permission des membres de la commission parlementaire, si nous n'avions
pas le document dans le courant de la matinée, je m'arrangerais pour le
faire distribuer aux membres à leur bureau lorsqu'il sera arrivé
ici. Si nous ne l'avions pas ce matin, à l'ajournement, peut-être
qu'on décidera qu'on ne revient pas en commission parlementaire cet
après-midi, mais seulement demain. Si on décidait de ne revenir
que demain, je vous ferais distribuer le document dans le courant de la
journée, aussitôt qu'il arriverait.
M. Morin: Etant donné que nous avons déjà un
projet qui nous a été remis il y a quelque temps, dont nous
connaissons le texte et qui contient déjà les grandes lignes de
l'entente de principe, est-ce que nous pourrions demander au
député de Mont-Royal, dans son exposé, de nous souligner
les différences qu'il pourrait y avoir entre l'accord final, tel qu'il
est intervenu, et le projet qui avait été rendu public, de
façon à faciliter notre travail et à faciliter la lecture
du texte final?
Exposé de M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Je pourrais essayer de faire quelques
différences ou montrer quelques-unes des importantes différences.
Je vais faire mon possible pour vous souligner cela, pour essayer de faciliter
la lecture des documents.
M. Morin: Bien.
M. Ciaccia: M. le Président, il y a deux ans, en novembre
1973, le premier ministre du Québec me chargeait de négocier un
règlement avec les populations autochtones des territoires du
Nouveau-Québec et de la baie James. Me voici devant vous aujourd'hui
pour vous donner des explications sur le projet d'entente.
Après deux années de négociations intensives,
complexes et difficiles, nous sommes sur le point d'en arriver à une
convention qui fera époque. Je ne crois pas exagéré de
dire que ce résultat, c'est-à-dire la convention en voie de
préparation, constitue pour le Québec un événement
historique tant pour les populations autochtones que pour le peuple
québécois tout entier. J'ajouterai même que l'histoire le
mentionnera sans doute comme un événement majeur pour
l'Amérique du Nord, pour la bonne raison qu'on ne lui connaît
aucun précédent comparable.
Depuis deux ans, nous parlons de règlement des revendications des
Cris de la baie James et des Inuit du nord du Québec. Les media
d'information ont parlé de territoire et d'argent. De fait, quelle est
la signification réelle de cette convention? Il ne s'agit pas seulement
d'une entente portant sur les questions territoriales et pécuniaires
touchant une population d'approximativement 10,000 âmes. Il ne s'agit pas
seulement d'une convention entre un gouvernement et un groupe de personnes
formant une société.
C'est une convention qui prévoit l'organisation rationnelle d'un
territoire de 410,000 milles carrés avec tout ce que cela peut
impliquer. Elle prévoit, de plus, le développement ordonné
du territoire tout en nous permettant de remplir nos obligations
vis-à-vis des habitants de ce territoire.
Cette convention nous a permis d'accomplir deux grandes tâches que
notre gouvernement s'était assignées. Elle nous permet de remplir
nos obligations à l'égard des populations qui habitent nos
régions du Nord et d'affirmer enfin une présence
québécoise dans tous les territoires compris dans nos limites
géographiques. Peut-être cette dernière phrase vous
étonnera-t-elle quelque peu et je m'imagine aisément la raison.
On est naturellement porté à croire que le Québec a
toujours pu exercer pleinement ses pouvoirs et ses droits partout dans son
domaine et que les organismes de l'Etat ont toujours été en
mesure de représenter celui-ci sur tout le territoire qui est le sien.
Mais ce n'est pas tout à fait ainsi que les choses se passaient. Aussi,
permettez-moi d'évoquer d'abord le contexte historique.
Comme le savent les savants membres de cette commission parlementaire,
le Québec a acquis ses frontières actuelles en vertu de la loi de
1912 sur l'extension des frontières du Québec, loi qui
transférait à la province une vaste région faisant partie
jusque là des territoires du Nord-Ouest, mais, en même temps que
cette acquisition, le Québec assumait l'obligation de régler
plusieurs questions territoriales et d'autres touchant les autochtones, tel que
leurs intérêts et les réclamations qu'ils pourraient
présenter. A cette époque et même longtemps après,
ces questions ne se sont pas posées, ce vaste territoire paraissait
alors beaucoup plus isolé et lointain qu'aujourd'hui alors que nous
vivons une époque marquée par des progrès techniques
accélérés, des communications en essor et un besoin de
plus en plus pressant de tirer parti des immenses ressources naturelles de ce
territoire.
Aujourd'hui, en effet, la situation est devenue totalement
différente et, depuis dix ou quinze ans, nos regards se tournent vers
cette région lointaine avec un intérêt nouveau et plus
attentif qui nous a permis de mieux constater ces vastes possibilités.
Ces possibilités, ce sont celles d'un développement
économique sans précédent dont pourra
bénéficier la population entière du Québec pourvu
que l'on sache saisir l'occasion qui s'offre afin de le planifier et de le
réaliser de façon rationnelle en tenant compte de la dimension
humaine.
Pour cette raison, les parties concernées par cette convention
comprennent trois des plus importantes sociétés d'Etat qui sont
représentées par leur président. Il s'agit de la
Commission hydroélectrique du Québec, de la Société
d'énergie de la baie James et de la Société de
développement de la baie James, qui sont à l'origine d'une
ère nouvelle et d'un développement territorial sans
précédent, et cela grâce à leur expérience et
aux décisions que ces sociétés et leurs dirigeants ont
constamment prises dans l'intérêt de tous les
Québécois.
Mais un certain nuage continua de planer sur ces glorieuses
perspectives. D'après le statut de 1912, la situation des populations
autochtones restait obscure. Il était de notre devoir, du devoir du
gouvernement du Québec, de l'éclaircir. Du même coup, nous
étions en mesure de supprimer tout doute qui aurait pu subsister
concernant les droits du Québec sur ce vaste territoire. D'ailleurs, ces
dispositions faisaient partie des conclusions et recommandations de la
commission Dorion sur l'intégrité du territoire du Québec
et je cite: "Que le gouvernement du Québec prenne sans délai les
dispositions pour honorer les obligations contractées envers les Indiens
par les lois d'extension des frontières du Québec de 1912. "Que
l'accomplissement de cette obligation prenne la forme d'une entente entre le
gouvernement du Québec et les représentants dûment
mandatés des bandes indiennes du Québec, entérinée
par le gouvernement du Canada".
Ce sont les recommandations, parmi d'autres, de la commission
Dorion.
C'est avec intention que j'ai employé ce terme "vaste territoire"
un peu plus tôt. Les territoires compris dans la convention couvrent
presque quelque 410,000 milles carrés, soit plus que toute la province
d'Ontario.
Pour la plus grande partie, il s'agit de terres encore vierges ou
à peu près, qui n'ont connu que très peu de changement au
cours des trois siècles pendant lesquels les hommes blancs ont
été en contact avec elles et avec leurs habitants.
Par ailleurs, ces terres constituent aussi, depuis des temps
immémoriaux, le domaine de groupements cris et inuit
disséminés sur toute sa superficie ou presque toute, vivant de la
chasse, de la pêche et du trappage. Ces autochtones sont des habitants du
Québec. Il est donc tout à fait normal et naturel que le
Québec assume à leur égard les mêmes
responsabilités qu'il assume envers le reste de la population.
Dorénavant, c'est ce que notre gouvernement sera en mesure de
faire, dès que le projet d'entente sera intervenu. Le Québec
sera, dès lors, le garant déclaré des droits du statut
juridique et du bien-être des populations autochtones habitant le nord de
son territoire. Jusqu'à présent, ces populations avaient
vécu, au point de vue juridique, dans une sorte de situation vague, mal
définie. Les limites du pouvoir fédéral n'avaient jamais
été clairement précises et il n'avait jamais
été clairement établi non plus quelle était la
juridiction réelle du Québec.
Depuis 1912, ces vastes étendues faisaient bel et bien partie du
Québec, mais nos droits sur ces territoires n'étaient pas
suffisamment définis. La convention supprimera, à ce sujet, toute
incertitude et toute équivoque. La juridiction sera établie d'une
manière précise et définitive.
Auparavant, la présence du Québec dans ces régions
nordiques restait incomplète. Aujourd'hui, nous complétons et
nous réaffirmons cette présence.
Le gouvernement du Québec a saisi l'occa- sion que lui offraient
ces négociations pour réorganiser le territoire, y implanter les
institutions et les structures qui confirmeront le rôle qu'il entend y
jouer. Les collectivités autochtones disposeront de leurs
administrations locales à la manière des autres
municipalités du Québec, tandis que des organismes
régionaux exerceront des fonctions municipales dans les régions
situées en dehors des collectivités établies depuis
longtemps.
Dans les districts peuplés d'autochtones et de non-autochtones,
des représentants des Cris et de la municipalité de la baie James
constitueront une administration conjointe qui portera le nom de Conseil de la
zone dans certaines parties du territoire. A ce sujet, permettez-moi de vous
signaler qu'aux termes de la conventions, 21 nouvelles municipalités
verront le jour. Elles relèveront toutes du ministère des
Affaires municipales. Treize d'entre elles traiteront avec ce ministère
par l'entremise d'un corps administratif qui s'appellera l'Administration
régionale de Kativik, organisme inédit, conçu pour
répondre aux besoins de cette région.
Au moment où la convention sera mise en application, c'est un
total de 250,000 milles carrés nouvellement organisés qui
tomberont sous la juridiction immédiate du ministère des Affaires
municipales. Pourquoi voulons-nous entreprendre tout cela? Tout simplement,
parce qu'il y a des populations dans cette région nordique qui ont
besoin de services publics, qui comptent sur une bonne administration et qui
ont le droit de participer à cette administration.
Les principes d'une administration saine et rationnelle nous poussent
à agir de la sorte. Le bien-être et l'intérêt des
populations nous commandent de le faire. Les habitants du Nord
québécois ont besoin, comme tout le monde, d'avoir des
écoles. Ils doivent être en mesure de compter sur des services de
santé. Ils doivent pouvoir soumettre leurs litiges à des juges
équitables et disposer des institutions nécessaires pour faire
respecter les lois.
La convention répond à ces divers besoins et
prévoit les structures nécessaires à cet effet. Nous
créerons des commissions scolaires locales, des commissions
chargées de services sociaux et de santé, des services de police
et d'incendie, des tribunaux municipaux, des services d'utilité
publique, de voirie et d'hygiène. Toutes ces institutions
dépendront des ministères correspondants du gouvernement du
Québec. Ces divers ministères, comme celui de l'Education,
conserveront intacte la juridiction qui leur revient. Tous ces services seront
fournis par l'entremise des structures gouvernementales du Québec.
Ce qui veut dire que, dans les collectivités autochtones
où existent déjà des services comme des écoles et
des hôpitaux relevant des autorités fédérales, ces
services passeront sous la juridiction du Québec. Ce sera le
gouvernement du Québec qui prendra également en charge certains
programmes fédéraux déjà établis. Que l'on
ait ou non envisagé ce projet de la baie James, il aurait fallu de toute
nécessité franchir toutes ces étapes. Il aurait fallu
offrir et étendre tous ces services. Le
gouvernement du Québec ne fait que saisir l'occasion qui s'offre
à lui d'étendre son administration, sa législation, ses
institutions publiques et ses services à la totalité du
Québec, en un mot, affirmer l'intégrité de notre
territoire. En même temps, nous devions apporter toute l'attention voulue
aux besoins, aux intérêts et aux problèmes particuliers des
populations autochtones de ces régions. Avec cette convention, nous
verrons s'instaurer dans le Nord un nouveau régime territorial et un
autre régime qui respectera les occupations traditionnelles les plus
importantes des autochtones: La chasse, la pêche et le trappage. Il y
aura également un nouveau régime pour la protection de
l'environnement. Toutes ces initiatives tiendront compte de la participation
des autochtones aux organismes gouvernementaux qui participeront aux
décisions sur toutes ces questions. En d'autres termes, les divers
régimes seront administrés par les populations concernées
et par le gouvernement responsable, c'est-à-dire le gouvernement du
Québec.
Les besoins et les intérêts des autochtones sont
étroitement liés à leurs terres, leurs terres étant
au centre même de leur existence. C'est pourquoi, dans cette convention,
nous nous sommes particulièrement appliqués à
établir un régime des terres qui soit équitable et
satisfasse, à la fois, les besoins des autochtones et ceux du
Québec. C'est pour cette raison que nous avons défini trois
catégories de terres dans le projet d'entente.
Ce nouveau régime territorial mérite qu'on s'y attarde
quelques instants, et je voudrais vous l'esquisser brièvement.
Les membres de cette commission pourront, bien entendu, en prendre
connaissance de façon plus approfondie, en consultant
l'énoncé du projet.
Comme je viens de le mentionner, le projet définit trois
catégories de terres. Pour simplifier les choses, nous les avons
appelées terres de catégorie I, terres de catégorie II et
terres de catégories III.
Permettez-moi de vous parler d'abord des terres de catégorie III,
démarche d'autant plus naturelle que la très grande partie du
territoire du nord du Québec en sera constituée.
De façon générale, il s'agit de terres sur
lesquelles les populations autochtones ne reçoivent pas de
privilèges, ni de droits exclusifs. Cela ne veut pas dire qu'elles en
sont écartées. Au contraire, les autochtones pourront y
poursuivre, comme par le passé, à longueur d'année, leurs
activités de chasse, de pêche et de trappage. A cette fin,
d'ailleurs, certaines espèces animales leur seront
réservées. Mais en général, les terres de
catégorie III seront accessibles à toute la population, qui
pourra les utiliser conformément aux lois et règlements
ordinaires du Québec régissant les terres publiques.
Ce sont cependant les terres de catégorie I et de
catégorie II qui revêtent une importance particulière dans
le contexte de la sauvegarde de la culture et de l'économie
traditionnelle des populations crise et inuit.
Qu'entendons-nous, au juste, par terres de catégorie I? Ce sont
les terres allouées aux autochtones pour leur usage exclusif. Elles sont
situées à l'intérieur et aux environs des
collectivités où les populations autochtones vivent
habituellement. Evidemment, les autochtones jouiront d'un statut particulier
sur ces terres. C'est justement dans ce but que nous leur octroyons cette
catégorie de terres. Il y a plus encore. Le Québec conservera le
droit d'utiliser les terres de catégorie I à des fins publiques.
Les droits acquis, tant privés que publics, sont
protégés.
Si les activités publiques sur ces terres nuisent à
l'usage qu'en font les autochtones, ces terres leur seront
remplacées.
Maintenant, pour situer les terres de catégorie I dans leur juste
perspective, il faut se rendre compte qu'elle ne représentent qu'une
faible proportion de tout le territoire. De la superficie totale qu'elles
occupent, environ 3,250 milles carrés seront attribués aux Inuit
et 2,158 milles carrés aux Cris. Même si ces terres sont vitales
pour les populations autochtones et constituent un aspect essentiel de la
politique élaborée par le gouvernement du Québec pour
protéger leur économie et leur culture, vous conviendrez qu'elles
n'ont qu'une importance minime dans l'économie générale du
Québec.
L'autodétermination constitue l'une des caractéristiques
les plus marquantes des terres de la catégorie I. En d'autres mots, les
questions d'intérêt local seront débattues et
réglées par les populations en place, comme elles le sont
d'ailleurs dans n'importe quelle municipalité du Québec. Les
collectivités crises recevront des terres de catégorie I
situées au sud du 55e parallèle, dans la région de la baie
James. Cependant, ces terres ne feront pas partie de la municipalité de
la baie James. Ces collectivités, ou plutôt les membres de chacune
de ces collectivités, formeront des sociétés
légalement constituées qui seront administrées par un
conseil.
Les populations autochtones devront permettre l'usage des terres de
catégorie I pour l'établissement de services
généraux d'utilité publique, comme les hôpitaux, les
postes de police et les écoles.
Le consentement des populations autochtones sera requis pour
procéder aux exploitations minières sur les terres de la
catégorie I. Cependant, les droits miniers et souterrains continueront
d'appartenir au Québec à l'exception des droits
déjà acquis par des tiers. Les propriétaires de droits
miniers adjacents aux terres de catégorie I pourront exploiter ces
dernières dans les limites des droits qui leur reviennent, mais ils
devront dédommager la bande dont le territoire est touché par
leurs opérations.
Le gouvernement, pour sa part, disposera de certains pouvoirs
d'expropriation sur les terres de catégorie I. Il peut s'agir, par
exemple, d'expropriation à des fins d'intérêt commun, comme
l'établissement de services locaux d'utilité publique, la
construction de routes, de pipe-lines ou de lignes de transport
d'énergie. Mais, la convention
stipule qu'aucun oléoduc ou gazoduc ne devra être construit
à moins de cinq milles du centre d'une collectivité et cela, bien
sûr, dans le but de protéger son environnement physique et
social.
En m'attardant ainsi sur ces diverses dispositions, je veux surtout
faire ressortir deux points, à savoir que les populations autochtones
recevront des terres dont elles pourront, à toutes fins utiles, se
considérer les propriétaires, et que la présence du
Québec sur ces terres sera aussi une réalité bien
concrète.
Pour toutes ces raisons, les terres constituent une question
relativement complexe et sont au coeur même du présent projet
d'entente.
Permettez-moi, maintenant, de passer aux terres de la catégorie
II. Il s'agit de terres sur lesquelles les autochtones auront des droits
exclusifs de chasse, de pêche et de trappage, sans toutefois y avoir un
droit spécial d'occupation. Le gouvernement du Québec peut, en
tout temps, désigner les terres de catégorie II à des fins
de mise en valeur, à la condition cependant de les remplacer.
Il peut également, sans être tenu de dédommager les
autochtones, imposer sur les terres de catégorie II, des contraintes
pour des fins publiques. La prospection minière et les relevés
techniques seront autorisés sur les terres de catégorie II. Le
gouvernement du Québec pourra, entre autres, y autoriser des
études scientifiques, des travaux administratifs et des activités
préliminaires de mise en valeur. Ces entreprises, il va sans dire, ne
devront pas gêner outre mesure les activités de chasse, de
pêche et de trappage des populations autochtones. Nous reconnaissons que
ce régime des terres proposé par la convention est très
élaboré et nous nous sommes donné beaucoup de peine pour
traiter de problèmes et d'intérêts d'ordre particulier. A
la vérité, c'est exactement ce que nous avons fait.
Tout en affirmant l'intégrité de son territoire, le
gouvernement du Québec s'est efforcé de garantir aux autochtones
le maintien de leur mode traditionnel de vie, qui est à la base de leur
économie, de leur culture et de leur survie. Il est allé
même plus loin en cherchant à assurer la viabilité de ce
mode de vie. C'est pourquoi le gouvernement a pris la responsabilité
d'attribuer des terres aux Cris et aux Inuit. Ces autochtones auront, sur
certaines de ces terres, des droits exclusifs et sur d'autres, des droits
exclusifs de chasse, de pêche et de trappage.
Je désire insister, messieurs, sur le fait que le gouvernement du
Québec a rejeté toute attitude paternaliste dans sa façon
de traiter avec les populations autochtones. C'est une des conclusions que vous
pourrez tirer de la présente convention. Le gouvernement entend bien
considérer les autochtones comme des citoyens à part
entière. Je crois qu'il est raisonnable d'affirmer qu'au cours de la
négociation de cette convention, on a pris grand soin de ne léser
en rien leurs droits de citoyens. Bien au contraire, la convention accorde aux
autochtones des conditions raisonnables pour la poursuite de leur occupation
traditionnelle . Elle leur offre les services dont peuvent
bénéficier tous les autres citoyens du Québec dans leurs
propres collectivités. Elle leur confère des droits
d'administration locale aussi étendus que ceux dévolus aux autres
citoyens du Québec.
Par ailleurs, dans le but de les aider à répondre à
leurs besoins dans le domaine économique, social et communautaire, les
gouvernements du Québec et du Canada, au cours des 20 prochaines
années, verseront la somme de $225 millions à 22
collectivités autochtones. Cette somme pourra être
distribuée à des individus, mais devra être utilisée
par les communautés.
En dernier lieu, et c'est peut-être là l'aspect le plus
important, elle leur offre un choix. Ils seront libres, en tant qu'individus,
de choisir entre leurs occupations traditionnelles et de nouvelles
occupations.
C'est dans ce sens, je crois, que le gouvernement du Québec aussi
bien que les autochtones ont raison de penser qu'ils partagent une même
victoire. C'est d'abord une victoire pour le gouvernement puisqu'en vertu de la
convention, sa présence finalement est totalement et complètement
affirmée dans le Nord québécois. C'est une victoire pour
les autochtones, parce que la convention leur confère un nouveau statut,
un statut d'une plus grande dignité comme collectivité, que celle
qu'ils ont connue dans le passé.
Je crois sincèrement que la façon traditionnelle d'aborder
les questions indiennes dans ce pays n'est plus réellement valable ni
même acceptable. L'approche traditionnelle aurait certainement
été tout à fait inefficace dans la situation à
laquelle nous avons eu à faire face, dans le Nord
Québécois et que nous avons tenté de résoudre par
des négociations qui furent à la fois patientes, longues et
extrêmement complexes.
Nous n'avons pas voulu créer de "réserves", au sens
conventionnel du mot et, effectivement au sens conventionnel, nous n'en
créons pas.
Le gouvernement du Québec, dans ses négociations, est
parti du principe qu'il fallait prendre toutes les mesures nécessaires
pour protéger la culture traditionnelle et l'économie des
peuplades autochtones en s'acquittant du même coup de ses obligations
sous l'empire de la loi de 1912. Les terres de catégorie 1 ne sont pas,
par conséquent, des réserves dans le sens classique du mot et
j'espère m'être exprimé avec suffisamment de clarté
là-dessus.
En réalité, la convention aura préséance sur
la loi fédérale sur les indiens. C'est notre but de créer
un nouveau concept sous l'empire d'une loi québécoise. Ce concept
est le suivant: c'est l'établissement d'une communauté
habitée soit par les Cris soit par les Inuit, selon le cas, qui soit
leur choix, leur chose propre et qui soit bâtie à partir des
activités traditionnelles qui sont les leurs, mais quand même
accessible au reste de la population.
Qu'on me permette ici de citer quelques clauses de la convention et du
projet d'entente pour illustrer ce que je viens de dire. Ainsi, par exemple,
ces communautés seront traversées ou ceinturées par des
routes publiques. Il n'y aura pas non plus de formalités inutiles pour
les atteindre. Le gouver-
nement aura le droit usuel à l'expropriation des terres pour des
fins publiques. Il y aura des servitudes pour les services publics. Le grand
public aura les mêmes droits sur les terres du domaine public, tels que
les routes et les chemins, qu'il a déjà ailleurs. En même
temps, les droits du public seront limités dans les terres qui ne sont
pas du domaine public, de la même façon qu'ils sont limités
aux droits d'accès à la propriété privée.
Cela veut dire qu'il y a un droit normal d'accès pour le public à
des fins légales et légitimes. Les terres de catégorie I
ne sont ni emmurées, ni clôturées. Ce n'est donc pas dire
que le public sera automatiquement accusé d'empiètement en
pénétrant dans les terres dites de catégorie I.
Nous ne créons ni des abris, ni des camps fermés pour des
pupilles de l'Etat pour la simple raison que le concept de la convention est de
faire disparaître le stigmate qui s'attache à la notion de pupille
de l'Etat. Aux yeux du Québec, les autochtones ne sont pas sous la
tutelle de l'Etat. En réalité, nous donnons à des
minorités culturelles la chance de survivre collectivement et ceci, nous
le faisons sans le moindrement diminuer le pouvoir de la province d'utiliser
les ressources du Québec au bénéfice et pour le bien de
toute la population du Québec.
En entreprenant les négociations avec les autochtones, nous nous
sommes inspirés de deux principes directeurs d'égale importance.
Le premier de ces principes, c'est que le Québec a besoin d'utiliser les
ressources de tout son territoire au bénéfice de toute sa
population. Pour ce, il faut planifier l'utilisation de ces ressources de
façon rationnelle. Il faut prévoir les besoins futurs du peuple
québécois. Il est clair que le gouvernement a le devoir de
prendre les mesures nécessaires pour assurer le développement
rationnel et ordonné des ressources de notre territoire du nord. Ces
ressources constituent et doivent constituer un facteur vital dans le plan
général que prévoit le gouvernement pour l'avenir du
Québec.
Le deuxième principe, c'est que nous devons reconnaître les
besoins des autochtones, tant des Cris que des Inuit, dont la culture et le
mode de vie diffèrent de la culture et du mode de vie des autres
Québécois. Nous avons négocié avec deux
minorités qui se sentaient menacées d'extinction. Les autochtones
se battent pour leur survivance. Si l'Etat ne parvient pas à
établir des principes visant à assurer la survivance de ces
minorités, il pourrait fort bien se faire que nous ne puissions
même pas assurer la nôtre.
M. le Président, le Québec a certainement raison
d'être particulièrement sensible aux besoins et aux
inquiétudes des groupements de gens de culture différente qui
sont en position minoritaire. C'est le cas des Cris et des Inuit. Ils
constituent des minorités numériquement faibles. Ce serait en
faire deux, collectivement parlant, si le gouvernement du Québec
n'accordait pas à leur culture la chance de survivre aussi longtemps
qu'ils en auront la vitalité et aussi longtemps que les gens de ces
cultures le désireront.
Les Cris et les Inuit sont des habitants du
Québec. Ils veulent vivre au Québec, ils veulent
travailler de concert avec le gouvernement du Québec et ils veulent se
joindre à nous. Tout au cours des négociations, j'ai
été frappé à cent reprises par l'expression des
sentiments que je viens de décrire. Les Cris et les Inuit font partie
intégrante du Québec. Je répète qu'ils sont aussi
des groupes minoritaires québécois dont la survivance est
menacée. C'est une des raisons pour lesquelles, dans le projet de
convention, nous avons largement tenu compte des besoins qu'ils ont
d'être éduqués dans leur propre langue et dans leurs
propres écoles, des écoles relevant de l'administration locale.
C'est aussi la raison pour laquelle nous avons attaché une si grande
importance à la création du régime des terres dont je vous
ai déjà entretenus.
A la base même des cultures crise et inuit, on trouve des terres.
Il ne s'agit pas simplement de tirer leur subsistance du territoire qu'ils
habitent et qu'ils parcourent. Ils entourent leurs territoires et tout ce
qu'ils contiennent d'une véritable mystique. Il y a entre eux et la
terre de leurs ancêtres un rapport, un lien, quelque chose
d'indéfinissable, mais de réel et d'authentique.
Les autochtones qui seront partie à cette convention ne sont pas
ceux que nous voyons dans nos villes vendre de la pacotille ou de quelconques
produits d'artisanat. Ce ne sont pas ceux qui s'offrent en spectacle aux
touristes. Ce ne sont pas des gens qui s'emploient à de menus travaux,
s'alimentant de pizzas et autres produits qui font les délices de nos
civilisations supposément avancées du sud. Mais ce sont des gens
faits de chair et de sang comme nous, qui vivent et travaillent en communion
avec le territoire qu'ils habitent et qui, dans leurs activités
quotidiennes, expriment constamment l'héritage d'une longue, très
longue tradition. Si je peux me permettre, l'expression, ils vivent sainement
en complète harmonie avec le sol qu'ils foulent. Ils sont en paix avec
la nature elle-même.
Pour illustrer ma pensée, prenons le trappage, par exemple. Ce
métier n'est pas simplement un passe-temps pour les gens du Nord. C'est
là une de leurs principales occupations qui constitue en partie la base
de leur subsistance. En cent endroits, le sol est littéralement
jonché de trappes. Il en est parmi les autochtones qui
s'éloignent dans les sous-bois ou dans la forêt pendant quatre
à six mois pour y tendre leurs collets ou récolter le fruit de
leur labeur.
Cela fait partie intégrante de leur vie et ne constitue pas une
activité isolée mais s'harmonise totalement avec le mode de vie
qui est le leur.
Donc, il ne s'agit aucunement d'un mode de vie en voie de disparition.
Bien au contraire, c'est un mode de vie qui a conservé toute son
importance et auquel les autochtones tiennent par toutes les fibres de leur
être. Et, vu que les régions du Nord s'ouvriront
inévitablement à d'autres qu'aux autochtones, ce serait une grave
erreur de ne pas faire tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger et
même garantir l'existence de ce mode de vie.
Naturellement, nous nous inquiétons grandement de la sauvegarde
de l'environnement. De fait, cette question constituait l'une de nos
principales préoccupations. C'est pourquoi il y aura dans le Nord un
régime socio-écologique spécial dont le principe directeur
sera le développement en harmonie avec la protection de
l'environnement.
Je l'ai déjà dit et je le répéterai sans
doute à plusieurs reprises: II n'est pas question d'arrêter le
développement. Il y aura toutefois une procédure qui permettra
d'étudier les effets possibles de certains projets de
développement et de déterminer comment ces effets, au cas
où ils seraient nocifs, pourraient être prévenus ou,
à tout le moins, minimisés. Cela ne sera pas une action à
sens unique. Les autochtones participeront aux décisions et à
l'établissement de règlements concernant l'écologie,
c'est-à-dire les concernant eux-mêmes directement, eux et leur
mode de vie.
Ils pourront faire connaître leur position par
l'intermédiaire d'organismes consultatifs et de groupes d'étude
que le gouvernement sera obligé de consulter.
Je me suis peut-être trop étendu sur certains points et je
vous prie, messieurs, de bien vouloir m'en excuser. Si j'ai pris autant de
votre temps, c'était en vue de bien étayer la déclaration
que je vais maintenant faire.
Cette convention sera sans précédent dans l'histoire des
relations entre l'Etat et les autochtones, où que ce soit en
Amérique du Nord. C'est une convention d'une très grande
étendue. Y ont participé: le gouvernement du Canada, trois
sociétés gouvernementales québécoises,
c'est-à-dire l'Hydro-Québec, la Société de
développement de la baie James et la Société
d'énergie de la baie James, de même que le grand conseil des Cris
et l'Association des Inuit du Nord québécois.
Je tiens à remercier tous ceux qui ont collaboré à
la préparation, aux négociations et aux termes contenus dans le
présent projet d'entente, tous les gens des différents
ministères. Si nous n'avions pas eu leur entière collaboration,
il nous aurait été impossible d'arriver à notre
échéancier.
Lorsque le premier ministre m'a confié ce mandat, il y a deux
ans, dans son esprit, il ne s'agissait pas seulement d'une entente de morceau
de terre et de gros sous. Ce devait être une entente globale qui
permettrait aux autochtones de participer pleinement à la vie du
Québec, tout en sauvegardant leur culture distinctive.
Ce devait être une entente globale qui établirait une fois
pour toutes l'autorité pour le Québec de disposer du territoire
conformément à l'intérêt public et à la
politique nationale du Québec. J'ai la conviction qu'avec cette
convention, nous atteindrons ces trois objectifs.
Tout comme vous, messieurs, je reconnaîtrai que, pour
réaliser cet important projet de convention, il faudra des mesures
législatives de grande portée, tant au Parlement du Canada
qu'à l'Assemblée nationale du Québec. De nouvelles lois
seront nécessaires; certains statuts du Canada et du Québec
devront être modifiés.
En conséquence, messieurs les membres de cette commission auront
la possibilité d'étudier la convention, le projet d'entente, sous
tous ses aspects et dans tous ses détails, avant qu'il ne devienne
loi.
Cependant, bien que la convention nécessite l'adoption de mesures
législatives et à Ottawa et à Québec, c'est ici, au
Québec, que les décisions cruciales devront être prises.
C'est à l'Assemblée nationale du Québec que les
résultats du travail long et ardu de notre équipe de
négociation doivent vraiment recevoir leur ratification.
Je souhaite ardemment, messieurs, que nous légiférions en
vue, non seulement de nouveaux engagements et d'une affirmation claire et nette
de la présence du Québec dans le Nord québécois,
mais en vue de la création d'un cadre d'action qui permettra au
Québec de concrétiser l'idéal qu'il a placé dans
ces régions nordiques. Merci.
Le Président (M. Séguin): Est-ce que le ministre a
des commentaires à faire, à ce moment-ci, sur le rapport?
M. Cournoyer: Je ne ferai pas de commentaires. Je pense qu'il ne
serait pas de mise d'en faire de la part du ministre, étant donné
qu'il s'agit d'un représentant autorisé du premier ministre. Je
participerai sans doute aux questions en même temps que les membres, s'il
y a lieu. Je céderai la parole à un autre membre de la commission
si c'est possible, M. le Président.
Le Président (M. Séguin): Le chef de l'Opposition,
le député de Sauvé.
M. Morin: M. le Président, nous sommes d'autant plus
intéressés à analyser et à débattre le
projet d'entente à intervenir entre le gouvernement du Québec, la
Société d'énergie de la baie James, la
Société de développement, le grand conseil des Cris du
Québec, l'Association des Inuit du Nord du Québec et le
gouvernement du Canada que l'Opposition officielle qui, à ce moment,
faisait partie de l'Opposition, mais n'était pas encore officielle, a
été la première... Je crois que je puis dire que nous
avons été les seuls, à l'époque du bill 50,
à souligner la question des droits des Indiens et des Inuit. Je ne sais
si le député de Mont-Royal était en Chambre, à
cette époque. Je n'y étais pas moi-même, mais j'ai lu les
débats qui ont eu lieu à l'occasion du bill 50 et je crois que
nous pouvons affirmer que le Parti québécois était le
seul, à l'époque, à attirer l'attention du gouvernement
sur un aspect qu'il semblait, à l'époque, vouloir passer sous
silence.
Nous sommes donc très intéressés par le projet
d'entente qui vient d'être commenté par le député de
Mont-Royal, mais il est évident qu'avant de faire des commentaires
serrés sur chaque article, chaque catégorie de terres et sur
leurs significations juridiques, nous attendrons d'avoir l'accord, le texte
final du projet d'accord.
Il est cependant une ou deux remarques préliminaires que je
pourrais faire dès maintenant. Je
puis dire, au nom de l'Opposition officielle, que nous souhaitons des
ententes qui soient justes et qui permettent d'organiser le
développement de ces immenses régions de la baie James et du
Nouveau-Québec de façon ordonnée. Lorsque je dis de
façon ordonnée, j'inclus, dans ce concept d'ordre, la notion du
respect de la présence des autochtones.
Nous acceptons également que ce développement fasse
l'objet d'un processus de négociations du type de celui qui a
été engagé par le député de Mont-Royal. Nous
ne sommes pas là, dans cette commission, pour renégocier. S'il y
avait un échec, je pense qu'il appartiendrait au gouvernement de revoir
le projet qui a été rédigé jusqu'ici. Mais, nous
sommes là pour nous assurer, au nom de l'ensemble des
Québécois, que les ententes vont avoir un caractère de
permanence. Elles ne peuvent, dans notre esprit, avoir un tel caractère
de permanence, elles ne peuvent avoir un caractère de finalité
que si elles sont justes. Les ententes qui auraient pour effet de donner
à certains groupes Indiens ou Inuit le sentiment qu'ils ont
été repoussés ou laissés de côté
n'auraient pas, dans notre esprit, un caractère vraiment permanent. Il y
aurait constamment une épine au flanc qui pourrait aboutir à la
remise en question, après cinq ans, ou après dix ans, ou
après un quart de siècle, des ententes conclues entre le
gouvernement, les diverses instances québécoises, le gouvernement
fédéral et les Indiens et les Inuit.
Nous désirons donc que l'entente ait l'appui de l'ensemble des
groupes Indiens et Inuit du Québec. Nous pensons d'ailleurs que c'est ce
qui a été recherché, sans doute, par le gouvernement et
par le député de Mont-Royal. Mais, nous ne sommes pas sans savoir
qu'il existe un certain nombre de groupes qui s'estiment lésés
ou, en tout cas, qui estiment que leur participation n'a pas été
aussi pleine et entière qu'elle aurait dû l'être. Je pense
en particulier aux Naskapis et à certaines autres tribus de la
Côte-Nord qui se trouvent particulièrement autour de
Schefferville.
Je pense aux Inuit de Povungnituk qui, d'ailleurs, je crois, sont dans
l'assistance, dans l'auditoire, ce matin, et qui nous ont fait parvenir un
télégramme dont peut-être je devrais donner lecture. Ce
télégramme me parvient du représentant de ces groupes, MM.
Mergler, Melançon, Bless et associés. Il est adressé au
chef de l'Opposition: "Nous avons appris qu'une commission parlementaire
siégerait, à partir de demain le 5 novembre, sur l'entente finale
concernant la cession et l'extinction des droits des Indiens sur les
territoires situés au nord du 55e parallèle et que les parties
signataires de ladite entente pourraient faire leurs représentations
à ladite commission parlementaire. Les droits des Inuit de Povungnituk
risquant d'être affectés par ladite entente, et ce, sans qu'ils
n'aient été représentés par les signataires
éventuels, il serait anormal que ces Inuit ne puissent être
entendus par ladite commission parlementaire. En conséquence, les Inuit
de Povungnituk réclament le droit d'exprimer leurs revendications
à ladite commission parlementaire et nous ont mandatés pour vous
en faire la demande".
Enfin, nous ne sommes pas sans savoir non plus que l'Association des
Indiens du Québec, regroupant huit tribus et dont le président
est M. Gros-Louis, a fait savoir qu'elle désirait être partie
à l'entente et qu'elle désirait se faire entendre. Compte tenu de
ces groupes qui ne doivent pas être laissés de côté,
si l'on veut vraiment en venir à une entente qui lie tout le monde, une
entente qui soit assurée, étant juste pour tous, d'un certain
caractère de permanence, nous pensons donc qu'il y aurait lieu
d'entendre ces groupes, tous ceux qui seraient intéressés, et
peut-être aussi des groupes non indiens, non esquimaux, des groupes du
type de ceux qui nous ont fait parvenir certaines représentations, je
pense à des groupes de Chibougamau et Chapais. Nous pensons qu'eux aussi
ont droit d'être entendus, puisque cela risque d'avoir des
conséquences pour la vie quotidienne de ces communautés de
Québécois qui vivent dans le Moyen-Nord.
Enfin, dernière question, mais ce n'est pas moi qui
m'étendrai là-dessus, ce sera plutôt mon collègue de
Saguenay, il y a toute la question du mandat. L'accord de principe d'il y a
quelque temps avait été signé par les Affaires
intergouvernementales, la Société d'énergie de la baie
James, la Société de développement de la baie James,
l'Hydro-Québec et le gouvernement fédéral. Je laisserai
maintenant, avec votre permission, M. le Président, mon collègue
de Saguenay aborder cette question du mandat que détenait ou que
détient le député de Mont-Royal.
Le Président (M. Séguin): Le député
de Saguenay.
M. Lessard: M. le Président, avant d'engager la discussion
sur l'entente elle-même, puisque nous aurons à recevoir le
document probablement au cours de cet après-midi, j'aimerais quand
même que le député de Mont-Royal puisse répondre
à un certain nombre de questions qui nous préoccupent et qui nous
apparaissent, en tout cas, importantes. D'abord, en ce qui concerne le mandat
qui a été confié, en ce qui concerne les personnes ou les
délégués des différents ministères qui
devaient naturellement être probablement avec lui dans la
négociation, j'aimerais, comme première question, savoir de la
part du député de Mont-Royal si son mandat relevait comme tel du
premier ministre, tel qu'il semble nous l'avoir indiqué au début
ou du conseil des ministres.
M. Ciaccia: Je ne me suis vraiment jamais arrêté
à cette question de la formalité d'un mandat. Le premier ministre
m'a demandé de négocier. Il y avait un conflit, les autochtones
faisaient certaines revendications, des problèmes existaient.
On m'a demandé de prendre le dossier et de chercher à
solutionner les problèmes qui étaient
révélés par les autochtones. C'est cela que j'ai
essayé de faire et d'en arriver à un projet d'entente. Je ne me
suis jamais vraiement arrêté à la légalité du
mandat, de la même façon, par exemple, comme... Ce sont
plutôt des problèmes que je voyais, et j'ai essayé de
trouver des solutions pour ces problèmes.
M. Lessard: Vous avez reçu votre mandat en novembre 1973
du premier ministre, qui vous a demandé d'être le responsable des
négociations avec l'Association des Indiens.
M. Ciaccia: Oui.
M. Lessard: A ce titre... certains ministères
étaient représentés vous étiez le principal
négociateur comme, probablement, le ministère des
Richesses naturelles et le ministère des Terres et Forêts. Y
avait-il des délégués? Quelle était votre
équipe de négociateurs ou de conseillers, s'il y a lieu? Est-ce
que la Société d'énergie de la baie James était
représentée? Est-ce que l'Hydro-Québec était
représentée par un délégué? Est-ce que les
ministères des Richesses naturelles, des Terres et Forêts, du
Tourisme, de la Chasse et de la Pêche étaient
représentés dans cette négociation?
M. Ciaccia: Je peux vous dire qu'il n'y a aucun aspect de cette
entente affectant soit un ministère, soit une société
où nous n'ayons non seulement consulté, mais impliqué
directement, soit le ministère intéressé, soit la
société d'énergie, la société de
développement ou l'Hydro-Québec. Certains ministères
étaient certainement plus impliqués que d'autres. Le
ministère des Richesse naturelles avait des responsabilités plus
grandes que, peut-être, le ministère des Institutions
financières dans plusieurs aspects de l'entente. Le ministère du
Tourisme, de la Chasse et de la Pêche était certainement
constamment impliqué et ce, dès le début. Alors, au fur et
à mesure que les problèmes ont été soulevés,
que ce soit un problème de finance ou de tout autre ministère,
nous avons impliqué les ministères intéressés, et
nous avons cherché à trouver des solutions avec toutes les
personnes impliquées et qui seront affectées du côté
gouvernemental, dans les termes et les conditions du projet d'entente.
M. Lessard: Quand vous parlez d'implication, j'aimerais savoir
quand même si, en permanence, lors des négociations, vous aviez
des fonctionnaires ou un délégué officiel du
ministère des Richesses naturelles, du ministère du Tourisme, de
la Chasse et de la Pêche, du ministère des Terres et Forêts,
de la Société d'énergie de la baie James.
Est-ce qu'officiellement, chacune de ces sociétés, chacun
de ces ministères avait délégué, de façon
spécifique, une personne responsable auprès de...
M. Ciaccia: La plupart des ministères ont
délégué un responsable pour discuter et négocier
les problèmes affectant leur propre ministère. Les
sociétés aussi ont délégué des responsables
pour représenter les intérêts des sociétés,
les intérêts de l'Hydro-Québec. Maintenant, il y avait
certaines assemblées au cours desquelles on discutait d'un sujet
plutôt que d'un autre. Si on discute, par exemple, de chasse et de
pêche, le délégué du ministère des Finances
ne trouvait pas que c'était... ne voulait pas réserver et prendre
le temps de tous les différents ministères et de tous les
délégués.
Au fur et à mesure qu'on discutait le sujet d'un
ministère, il y avait un délégué pour ce sujet
particulier.
M. Lessard: Autrement dit, tous ces délégués
n'étaient pas continuellement aux séances de négociations;
puisque vous établissiez un programme de séances, lorsque vous
aviez à discuter d'un problème qui relevait du ministère
du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, à ce moment, le
ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche en était
informé, et le délégué du ministère
était présent.
M. Ciaccia: Oui, exactement.
M. Lessard: Si c'était un autre problème qui
relevait du ministère des Richesses naturelles, alors, le
ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche n'était
pas nécessairement présent, ou ne devait pas être
nécessairement présent.
M. Ciaccia: Je peux vous dire que ce processus que vous venez de
décrire s'est appliqué et on a pu le respecter jusque dans les
dernières trois semaines. Dans les dernières trois semaines, par
exemple, tout le monde était là, jour et nuit, parce qu'au fur et
à mesure que certains textes étaient... On avait un
échéancier à respecter, non pas nous, mais les Cris de la
baie James nous ont dit catégoriquement qu'ils ne nous donnaient pas
d'extension; ou on signait le premier novembre ou bien on allait subir de tous,
les conséquences d'une longue attente, alors...
M. Lessard: Le 1er novembre?
M. Ciaccia: ... le dernier mois, les ministères
étaient beaucoup plus ensemble, constamment.
M. Lessard: Est-ce qu'il serait possible maintenant, M. le
Président, de connaître les noms de ces
délégués pour chacun des ministères et chacun des
organismes que j'ai nommés, chacun des ministères qui avaient
délégué quelqu'un, un fonctionnaire, et pour la
Société d'énergie de la baie James, la
Société de développement de la baie James ainsi que
l'Hydro-Québec?
M. Ciaccia: Je ne pourrais pas.
M. Lessard: Est-ce que le ministère des Affaires indiennes
d'Ottawa était aussi présent?
M. Ciaccia: Le gouvernement fédéral était
représenté.
M. Lessard: Je demanderais aussi si c'était possible de
connaître cette personne?
M. Ciaccia: Je ne pourrais pas vous donner maintenant tous les
noms des représentants de
tous les ministères, parce qu'il n'y a pas eu seulement une
personne. Par exemple...
M. Lessard: Mais, il devait avoir un nombre.
M. Ciaccia: Par exemple, pour le ministère des Terres et
Forêts, c'était une équipe, ce n'était pas seulement
une personne. Le sous-ministre adjoint était avec nous, mais il y avait
plusieurs autres personnes impliquées; alors je pourrais nommer
certaines personnes qui étaient là plus souvent que d'autres,
mais je ne voudrais pas que ce soit une liste exhaustive.
M. Lessard: M. le Président, il me semble qu'il aurait
été logique pour le ministère des Terres et Forêts,
ou pour le ministère des Richesses naturelles, de nommer... Vous, par
exemple, vous avez été nommé responsable
délégué du gouvernement par M. Bourassa. Je pense qu'il
devait y avoir, au niveau de chacun des ministères, une personne qui
était principalement responsable du dossier de la négociation en
collaboration avec vous.
M. Ciaccia: Dans notre ministère, oui, le sous-ministre
adjoint était la personne avec qui je restais en contact. Je pourrais
vous faire parvenir une liste...
M. Lessard: Vous pouvez les donner demain.
M. Ciaccia: ... si vous voulez, des gens avec qui nous sommes
toujours restés en contact et qui ont participé avec nous
à toutes les discussions. Je pourrais vous remettre cette liste.
M. Lessard: En indiquant, au fait, quel était le
responsable désigné par le ministère, ainsi que par les
différentes associations, soit l'Hydro-Québec, la
Société d'énergie de la baie James, la
Société de développement de la baie James ainsi que du
côté...
M. Ciaccia: Par exemple, au ministère des Terres et
Forêts, c'était le sous-ministre adjoint, M. Jean-Noël
Poulin, qui était le contact pour nous à la Société
d'énergie de la baie James. Il y avait plus d'un représentant,
parce qu'il y avait différents comités. Par exemple, si
c'était un comité du régime des terres, ce n'était
pas nécessairement toujours le sous-ministre adjoint qui était
là. Il envoyait d'autres gens, il y avait d'autres représentants
des sociétés, des représentants de l'Hydro-Québec.
Il y avait beaucoup de monde impliqué.
M. Lessard: Est-ce que ce serait possible aussi d'ajouter
à cette question, les noms des personnes qui étaient responsables
de la négociation, du côté justement des Indiens, des Inuit
et des Cris?
M. Ciaccia: Je pourrais vous indiquer certaines des personnes
principales avec qui nous avons négocié. Moi-même, je suis
allé dans le territoire, je ne sais pas si je pourrais vous donner les
noms de toutes les personnes avec qui... Parce que je ne sais pas les noms de
toutes.
M. Lessard: Vous avez fait des... Je ne veux pas charrier...
M. Ciaccia: Non, non.
M. Lessard: ... mais je veux que vous m'indiquiez le nom de telle
personne que vous avez rencontrée, lorsque...
M. Ciaccia: Non, mais je ne voudrais pas vous donner une liste de
dix personnes, de 20 personnes et si je n'ai pas inclus une personne
particulière... Je peux vous donner dans les grandes lignes les
personnes avec qui nous avons discuté.
M. Lessard: M. le Président...
M. Ciaccia: C'est le grand chef Billy Diamond, qui est le chef du
grand conseil des Cris, c'est lui le négociateur principal pour les
Cris. Il n'y a aucun doute là-dessus. Il y a toute son équipe
avec lui. Je ne veux pas oublier certaines personnes, mais je peux vous
indiquer, en général, les personnes avec qui nous avons
discuté, avec qui nous avons négocié. Je pourrais faire
cela.
M. Lessard: Cet après-midi ou peut-être demain, vous
aurez à déposer un certain nombre de documents. Est-ce que je
pourrais demander, M. le Président, au ministre responsable de la
négociation s'il y a eu, avec les différents ministères
impliqués, ainsi qu'avec les sociétés qu'on connaît,
Hydro-Québec, la Société d'énergie de la baie
James, la Société de développement de la baie James,
certaines communications écrites concernant l'entente?
M. Ciaccia: Excusez-moi. S'il y a eu des communications avec
qui?
M. Lessard: Des communications écrites. Est-ce qu'il y a
eu des opinions écrites sur cette entente? Est-ce qu'il y a eu de la
correspondance avec des différents ministères? Est-ce que
l'Hydro-Québec, par exemple, avant d'en arriver à la fin...
M. Ciaccia: Le représentant de l'Hydro-Québec
était là, et s'il y avait des représentations à me
faire, il me les faisait verbalement. On n'avait pas le temps de
s'écrire des lettres. On a discuté tous ensemble. Quant aux
changements dans les négociations, je peux vous dire que, quand
l'Hydro-Québec avait un point à faire valoir, elle le faisait, la
même chose pour la Société d'énergie de la baie
James. Il arrivait parfois que c'étaient des négociations entre
les parties mêmes du gouvernement vis-à-vis des autochtones, les
autochtones vis-à-vis du fédéral, le fédéral
vis-à-vis du provincial. C'était donc un échange de toutes
ces différentes opinions de tous ces différents points.
Ce que nous avons mis par écrit, c'est le projet d'entente.
M. Lessard: Le ministre me confirme qu'il n'y aurait pas eu de
communications écrites, d'opinions qui auraient été
confirmées par écrit de la part de certains ministères,
dont les ministères des Richesses naturelles, des Terres et
Forêts, du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche ou de la part
d'organismes tels que l'Hydro-Québec, et qui exprimeraient ou auraient
exprimé certaines réserves à la suite de cette
entente.
M. Ciaccia: Non. Je ne peux pas dire qu'il n'y a jamais eu de
communications entre les ministères. Peut-être qu'il y a pu...
M. Lessard: Je veux dire avec le négociateur
gouvernemental.
M. Ciaccia: S'il y a eu... Oui, il a pu y avoir, au début,
certaines communications, mais c'étaient des communications verbales.
Pour autant que je me souvienne, c'étaient des communications
verbales.
M. Lessard: II n'y a aucun document écrit qui
parviendrait, concernant l'interprétation de l'entente, concernant
certaines réserves, ni sur l'entente. Il n'y aurait aucune documentation
écrite à ce sujet.
M. Ciaccia: II pourrait y avoir des lettres.
M. Cournoyer: II ne faut pas qu'il y ait de mensonges qui se
content par accident.
M. Lessard: Je ne veux pas qu'il se conte de mensonges par
accident, M. le Président.
M. Cournoyer: Vous dites: II n'y a pas... M. Ciaccia: II y
a eu...
M. Cournoyer: Vous dites: II n'y a pas... Il y en a des documents
écrits que moi-même j'ai eus. J'ai eu des lettres de gens de mon
ministère ou de la part des sociétés qui relèvent
de moi techniquement devant l'Assemblée nationale.
M. Lessard: Est-ce que le ministre pourrait vérifier, ou
demander à certains autres ministères s'il existe une
documentation écrite concernant cette entente, qui aurait
été faite par les sociétés ou qui aurait
été faite par d'autres ministères? Comme l'a dit le
député de Mont-Royal, responsable de la négociation, je
pense qu'il s'agit d'une entente très importante et je pense qu'il
serait probablement possible de déposer cette documentation avec l'autre
documentation.
M. Cournoyer: Certainement pas la documentation qui m'a
été donnée. Je vais vous expliquer. Quand les
fonctionnaires m ont effectivement fait par écrit ce genre de
représentations quant à l'état des discussions entre M.
Ciaccia et les Inuit et les Cris, j'ai immédiatement donné
instruction à mes fonctionnaires de rediscuter ces choses avec M.
Ciaccia. Le résultat qui sera devant vous cet après-midi fait
suite à ce genre de discussions qui ont eu cours après.
Alors, s'il y a eu des changements, il est possible qu'il y ait eu des
changements entre les pro-pisitions originellement exprimées comme
étant des tentatives de règlement de la part de M. Ciaccia et
contestées par certains de mes fonctionnaires auprès de M.
Ciaccia. M. Ciaccia a tout simplement consacré l'entente et là,
on m'indique qu'il n'y a pas de problème.
M. Lessard: II a pris en considération les recommandations
ou les réserves qui étaient exprimées et maintenant, il
n'y aurait plus de réserves concernant...?
M. Cournoyer: Si vous avez besoin de savoir s'il n'y a plus de
réserves, il semble bien une chose, c'est qu'il s'agit d'un projet
d'entente qui est le résultat d'un certain nombre de compromis que le
gouvernement est prêt à faire dans sa propre administration, face
aux Indiens et aux Inuit; c'est ça que ça veut dire. A ce
moment-là, que les gens ne soient pas totalement satisfaits chez nous,
c'est fort compréhensible, parce qu'ils auraient voulu garder ça
comme avant, normalement; mais parce qu'ils sont tenus de faire un certain
nombre de compromis, ça ne les satisfait pas totalement, et il faut
admettre ça dans une convention qui est un précédent,
comme je le disais à M. Ciaccia tantôt. J'imagine que les Inuit et
les Cris ne sont pas totalement satisfaits, eux non plus. En
conséquence, le processus pour arriver à ce projet qui sera
déposé cet après-midi est une monstruosité en soi.
Il y a probablement des tonnes et des tonnes de protestations écrites
qui ont été faites par les Inuit et par des individus chez nous,
au fur et à mesure et selon l'autorité qu'ils avaient à
l'intérieur des ministères.
Je ne peux pas vous donner ça. Je n'ai même pas le
goût de vous donner celles qui me sont adressées directement,
parce que je ne pourrais que constater que M. Ciaccia a procédé
aux négociations comme je l'ai fait. Et comme ce sont les mêmes
fonctionnaires qui m'ont dit: Maintenant, nous sommes plus satisfaits, j'ai
dit: Je n'ai pas d'affaire à continuer la discussion, c'est fait. S'ils
me disaient: Ce n'est pas satisfaisant, et que le gouvernement ne devrait pas
signer cette entente, alors, je me croirais obligé de dire à M.
Ciaccia: Nous ne signerons pas cette entente.
M. Morin: Est-ce que ce n'est cependant pas le cas au
ministère des Terres et Forêts?
M. Cournoyer: De cela, je n'ai aucune idée, je vous dis:
le ministre des Terres et Forêts n'est pas ici comme le ministère
des Terres et Forêts est responsable du développement de la
Société d'énergie de la baie James et comme il s'agit
d'une commission parlementaire des terres et fo-
rêts, je vais m'enquérir auprès du ministre des
Terres et Forêts s'il y a de telles protestations de la part des
fonctionnaires du ministère des Terres et Forêts. Quant à
déposer la correspondance entre ces gens et leur ministre, je ne crois
pas opportun de le faire.
M. Lessard: M. le Président, est-ce que le ministre, qui
va s'enquérir auprès du ministre des Terres et Forêts,
pourrait aussi le faire auprès du ministre du Tourisme, de la Chasse et
de la Pêche, parce que j'estime que ça touche ces
ministères et, ce matin, nous aurions pu poser des questions à
ces ministres?
M. Ciaccia: Excusez-moi, M. le Président, vous avez
décrit un peu le processus mais vous avez touché deux
ministères. Le régime des terres, par exemple, a
été négocié principalement par le ministère
des Terres et Forêts. Le régime de chasse et pêche a
été négocié principalement par le ministère
du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Or, ces gens...
M. Lessard: A été négocié
principalement...
M. Ciaccia: Oui, oui, les termes et conditions ont
été négociés et on a tenu compte de toutes les
objections et on a fait des changements, des amendements pour tenir compte de
ce que les ministères ont porté à notre attention. Nous
avons fait ça au fur et à mesure. Le document que vous voyez
maintenant n'est pas le document original; ce n'est pas le document qui avait
été...
M. Lessard: Je suppose que cela a été établi
en novembre 1973.
M. Ciaccia: ...soumis par les autochtones non plus. C'est un
processus qui a été accepté par les gens à la table
de négociation des ministères. Si un ministère se penchait
sur un point et disait: Celui-là, on ne peut absolument pas l'accepter,
on ne l'obligeait pas à l'accepter. On trouvait la solution pour
satisfaire les exigences de ce ministère. Je ne pense pas qu'aujourd'hui
on pourrait dire que nous avons imposé un régime des terres au
ministère des Terres et Forêts.
M. Lessard: En dernier ressort, à la fin, avant la
signature de ce projet, c'est-à-dire avant qu'on en arrive à ce
projet qui semble être un projet final, n'y a-t-il pas eu d'opinion
juridique de la part de l'Hydro-Québec, de la Société
d'énergie de la baie James, du ministère des Terres et
Forêts qui serait parvenue? Je ne veux pas avoir toutes les
recommandations...
M. Ciaccia: Je ne peux pas dire cela, je ne peux pas dire qu'il
n'y a pas eu de correspondance. Vous parlez d'une période de deux
ans.
M. Lessard: Non, non.
M. Ciaccia: On a eu un échange de corres- pondance durant
ce temps-là. J'ai écrit des lettres moi aussi.
M. Lessard: Lorsque vous en êtes arrivé à ce
projet final...
M. Ciaccia: Oui.
M. Lessard:... je présume que chacun des organismes
impliqués a eu à étudier ce projet final. Est-ce que vous
avez eu un avis juridique de ces organismes impliqués?
M. Cournoyer: Je vais essayer de clarifier l'affaire une fois
pour toutes.
M. Lessard: Faites attention. Vous vous mélangez
quelquefois.
M. Cournoyer: Je peux vous mélanger en masse. Je sais que
vous êtes facilement mélangeable quand il s'agit de choses comme
celle-là.
M. Lessard: Oh! Oh! Oh!
Le Président (M. Séguin): A l'ordre!
M. Cournoyer: Justement. Comme j'ai de la facilité pour
mélanger le député de Saguenay, je peux le mélanger
davantage. Ce qui arrive, M. le député de Saguenay...
M. Lessard: C'est parce que, actuellement, on n'a pas
d'information...
M. Cournoyer: Au moment où je vous parle, vous avez eu un
excellent discours qui vous a été présenté. Au
début de ce discours, on a indiqué que le contenu de l'entente
vous serait remis dans le courant de la journée, aussitôt que le
texte arriverait.
Pour aller encore plus vite, il y a certainement des choses qui n'ont
pas encore été soumises aux compagnies, puisque le projet
d'entente n'était pas encore totalement imprimé ce matin.
Vous allez être des privilégiés. Vous allez
peut-être recevoir cela avant que les sociétés, qui
relèvent de moi, en voient le texte final. Il s'agit d'un projet
d'entente, c'est tout ce que c'est.
M. Lessard: On s'est réuni trop vite.
M. Cournoyer: Non. Si cela avait été une entente,
qu'est-ce que cela aurait donné d'avoir une réunion avec vous
autres? On vous aurait communiqué l'entente et on ne parle plus de
l'entente, c'est fini, c'est réglé.
M. Lessard: D'accord. Mais, actuellement, on n'a pas le projet
d'entente.
M. Cournoyer: Non.
M. Lessard: On se rencontre pour étudier ce projet
d'entente et on ne l'a pas encore.
M. Ciaccla: Vous allez l'avoir momentanément.
M. Cournoyer: Aussitôt qu'on l'aura, vous allez être
mieux placé pour discuter de tout cela. On ne l'a pas maintenant.
M. Choquette: M. le Président, est-ce que je
pourrais...
Le Président (M. Séguin): Le député
d'Outremont.
M. Choquette: M. le Président, je pense que tout le monde
est intéressé à voir les pourparlers que le
député de Mont-Royal a poursuivis, aboutir à une solution
satisfaisante de ce litige qui a d'ailleurs été porté
devant les tribunaux et qui résulte de l'application du Rupert's Land
Act de 1912.
Cependant, sans répéter ce qui a été dit
précédemment, autant par le député de Mont-Royal
que par le chef de l'Opposition ainsi que par le député de
Saguenay, il faudrait qu'on s'assure que toutes les parties, qu'il s'agisse des
bandes d'Indiens ou des communautés Inuit, ou qu'il s'agisse du
Québec en général, trouvent justice dans l'entente
définitive qui sera négociée. J'insiste sur le
Québec en général, parce que, à mon sens, il s'agit
de faire une entente qui sera valable du côté gouvernemental et
qui ne comportera pas des aspects qui pourraient être trouvés
critiquables parce qu'on aurait dépassé certaines limites de ce
qu'on devait normalement accorder en justice aux bandes ou aux
communautés autochtones.
Il y a une première question sur laquelle je m'interroge, c'est
ce que le député de Mont-Royal pense de la situation juridique
qui résulte de ce que certains groupes inuit sont en quelque sorte
dissidents par rapport à la poursuite des négociations ou
même à la conclusion de l'accord qui est prévu. Quelle est
la situation légale qui résulte de cette discordance d'une partie
des bandes ou des groupes intéressés? En quoi cette discordance
peut-elle affecter la légalité de la conclusion de l'entente
projetée?
M. Ciaccla: Je ne veux pas émettre, M. Choquette, un avis
juridique, mais je peux vous dire ceci: Les Cris, les Indiens qui sont
affectés dans le territoire de la baie James, chez eux, il n'y a pas de
dissidence. Ils sont complètement en accord avec l'entente. Ils sont
descendus de la baie James et sont au Holiday Inn à Montréal. Ils
sont 95, les chefs de toutes les bandes du territoire de la baie James, et
veulent signer l'entente. Ils sont là. Cela représente 6,500
personnes.
Des autres communautés il y a quatorze communautés
inuit nous avons reçu j'ai reçu des
télégrammes moi aussi des télégrammes de
trois communautés, même pas de toute la communauté, mais de
certaines personnes dans la communauté. Cela représente un petit
groupe dans un petit groupe.
Les Inuit représentent environ 4,000 à 4,500 personnes.
C'est certain que, non seulement dans une entente de ce genre, mais
spécialement dans une entente de ce genre, vous n'allez jamais obtenir
100% des personnes qui vont voter pour ou qui sont en faveur. Cela se peut
qu'il y ait des gens dans les ministères, dans le Québec, il y en
a quelques-uns... Mais, du point de vue des Inuit et des Cris, les dissidents
représentent une petite minorité, d'après ce que nous
avons constaté. Même si c'était toute la communauté,
c'est seulement trois sur quatorze. Mais nous savons que ce n'est pas toute la
communauté.
Quand vous avez 100% des communautés indiennes qui
représentent la majorité du peuple autochtone et que vous avez,
en plus, onze communautés inuit sur quatorze et que, en plus, même
dans les communautés dissidentes, il y a ceux qui sont en faveur, parce
qu'il y a une communauté où le représentant était
avec nous cette semaine... Il sélectionnait les terres pour cette
communauté. Je ne peux pas croire que toute la communauté est
contre l'entente quand elle a des représentants avec nos
représentants qui sélectionnent les terres. Je vous laisserais
tirer vos propres conclusions sur les effets juridiques de la situation de fait
telle que je vous l'ai décrite.
M. Choquette: Le député de Mont-Royal doit quand
même avoir une opinion sur les effets d'une dissidence de la part de
certains des intéressés. Je ne parle pas d'avis qui auraient pu
être donnés à l'intérieur du gouvernement, parce que
le gouvernement est unique. Le gouvernement n'a qu'une personnalité,
malgré que tel ministère, tel fonctionnaire pourrait ne pas
trouver satisfaction dans l'entente. Cela n'affecterait pas du tout la position
gouvernementale. Mais, plutôt du côté de vos interlocuteurs,
du côté autochtone, c'est là que la question se pose et
c'est là que je vous demande, d'après vous, quel est l'effet de
ces dissidences ou discordances sur une conclusion satisfaisante ou même
juridique des pourparlers que vous avez entrepris.
M. Ciaccla: Je dirais qu'il ne devrait pas y avoir d'effet pour
cette raison, parce que vous ne pouvez pas enlever les droits ou les ententes
que la majorité, qui est plus qu'une majorité des autochtones, a
conclus et qui veut... Prenez tous les Cris, ils veulent l'entente.
Juridiquement, comment pouvons-nous nous permettre de dire: Parce qu'il y a
quelques petits groupes dans quatre communautés, nous allons
arrêter de... Juridiquement, comme je vous l'ai dit, je ne vois pas de
difficulté, à ce point de vue, à ce que nous transigions
avec les parties qui ont signé l'entente de principe, qui
représentaient leurs peuples, à ce moment, et qui encore
représentent la majorité de leurs peuples, d'après les
informations que nous avons.
M. Choquette: L'entente de principe ne lie en aucune façon
si elle ne devait pas se conclure par une entente définitive, celle que
vous allez nous présenter comme projet cet après-midi. L'entente
de principe n'aurait aucune force légale à l'égard de qui
que ce soit. Je pense que c'est bien la position.
Si je comprends bien la position du député de Mont-Royal,
c'est que ce serait la majorité de vos interlocuteurs qui serait
représentative de l'opinion générale chez les groupes
autochtones. Est-ce que c'est cela?
M. Ciaccia: Je ne dis même pas cela, je vais plus loin que
cela. Je dis que la totalité des communautés indiennes est en
faveur. De mon point de vue, c'est plus qu'une simple majorité, quand
vous avez la totalité des communautés représentant 6,500
personnes et que, en plus, vous avez onze communautés sur quatorze. On
ne parle pas ici d'une simple majorité en disant que, dans une entente
de ce genre, on a 51% et qu'on va la signer. Ce n'est pas la situation. Vous
avez un chiffre beaucoup plus élevé que cela. Ce n'est pas
seulement une question de chiffre, c'est la totalité de ces
communautés qui est en faveur.
M. Choquette: Enfin, on pourra le voir. A la commission
parlementaire, je pense que le chef de l'Opposition y a fait allusion, plus
tôt, dans ses remarques. C'est que ces groupes, s'ils ont des
représentations particulières, pourront les formuler et nous
pourrons juger de la valeur de leurs objections à l'égard du
projet. J'ai compris que cela avait été agréé.
M. Ciaccia: Les groupes qui sont en faveur de l'entente ne sont
pas ici. Je veux seulement souligner à la commission le danger de donner
le droit de parole à une personne ou à un groupe de personnes
dont nous ne connaissons pas le mandat. Ce sont des individus. Si les autres
personnes ne sont pas ici, je ferais très attention aux implications et
à ce qui pourrait résulter d'une telle situation qui ne serait
pas tout à fait équitable, savoir écouter un
côté et...
M. Choquette: Je dois vous avouer que je ne suis pas
particulièrement familier avec les groupes d'Inuit qui ont
manifesté récemment dans les journaux qu'ils étaient en
désaccord. Je ne connais pas leur importance, je ne sais pas exactement
où ils se situent. Donc, je suis comme tout le monde ici, je pense que
si ces gens avaient quelque chose à dire, nous serions bien malvenus de
leur interdire de prendre la parole devant une commission parlementaire qui est
offerte, d'une certaine façon...
M. Ciaccia: J'ai déjà vu la commission exercer ses
privilèges de ne pas écouter des représentants. Ce ne sera
pas la première fois qu'une commission...
Le Président (M. Séguin): A l'ordre, seulement un
instant, s'il vous plaît. Afin que le débat ne s'éternise
pas autour de ce problème d'entendre ou de ne pas entendre tous les
groupes, on m'a appris que pour la rencontre de ce matin, il n'y avait pas eu
de convocation de quelque groupe que ce soit. Alors, les personnes qui seraient
ici auraient eu des nouvelles d'une façon ou d'une autre, indirectement
peut-être, que cette commission siégeait. Dans ce cas, si la
commission devait décider d'entendre les parties en cause et d'autres
parties qui auraient à s'exprimer devant la commission sur le sujet,
j'insisterais donc, avant d'entendre qui que ce soit, pour que la commission
décide de faire part, ou de faire parvenir aux personnes
intéressées, ou qui auraient signifié leur
intérêt, de se présenter et de fixer une date pour ces
rencontres. Notre règlement, comme vous le savez, prévoit un
délai à partir du moment où la convocation de la
commission se fait et la période de temps qui exige ou qui demande ou
qui invite sans obligation naturellement, je pense bien dans ce cas-ci, mais il
faudrait en toute justice que, si on devait entendre des personnes, que ces
commentaires ne soient pas restreints à un groupe ou à un
côté ou à une seule opinion. J'insisterais donc, comme
président ici, tout en reconnaissant les désirs exprimés
par les membres de la commission, qui est maître de ses travaux, pour
convenir d'abord qu'il y ait convocation de tous ceux qui peuvent être
intéressés directement ou qui ont exprimé le désir,
d'une façon indirecte, de se présenter ou non à une
certaine date. Dans ces conditions, dans ce contexte, il n'y a pas
d'objection.
M. Morin: M. le Président, si vous voulez me donner la
parole...
Le Président (M. Séguin): Le député
de Sauvé.
M. Morin: ... je dirais qu'il est essentiel que nous entendions
tous les intéressés et pas seulement les groupes qui pourraient
être dissidents par rapport au projet d'entente, mais aussi sans doute
ceux qui, de l'avis du député de Mont-Royal, représentent
la très grande majorité des Indiens et des Inuit. C'est d'autant
plus important. On voit bien que du point de vue du député de
Mont-Royal et du point de vue du gouvernement aussi, sans doute, ceux qui
acceptent l'accord, ont la quasi-unanimité. Mais il y a peut-être
des questions sur lesquelles cette commission et l'Assemblée,
éventuellement, devront se pencher. Par exemple, nous savons de notre
côté, parce que nous connaissons nos institutions, nous sommes en
mesure du moins de juger si les procédures normales d'approbation ont
été suivies, un peu dans la ligne des questions que mon
collègue de Saguenay posait tout à l'heure. J'imagine que nous
pourrons nous assurer sans trop de difficultés que de la part du
gouvernement québécois et des organismes intéressés
au développement de la baie James, les formalités d'approbation
ont été suivies. Du côté des Indiens et des Inuit,
il faudrait s'assurer de la même chose. Le député de
Mont-Royal n'est pas sans savoir qu'il n'y a pas si longtemps, en Cour
fédérale, on a présenté une requête pour
faire casser l'accord, ou pour empêcher sa signature, au nom d'un certain
nombre d'Inuit et que l'un des affidavits à l'appui de cette
requête disait expressément qu'un anthropologue,
spécialiste des
questions intéressant les Inuit, déclarait qu'il
était en mesure d'affirmer que le mode traditionnel de fonctionner des
Inuit n'avait pas été suivi dans l'approbation de l'entente.
Alors, j'avoue qu'en ce qui me concerne, je ne connais pas le
fonctionnement traditionnel des Inuit ou des Indiens, mais j'aimerais bien
m'assurer que les formalités ont été observées de
ce côté-là comme du nôtre.
Motion pour entendre les groupes
intéressés
Compte tenu de tout cela, j'estime que les représentants de tous
les groupes intéressés doivent être entendus par la
commission, et je me permets, pour faire avancer les choses, M. le
Président, de proposer, de faire motion pour que cette commission
convoque tout groupe intéressé à l'entente à
intervenir avec les autochtones du Nouveau-Québec.
Voici le texte de ma motion, M. le Président, et j'ajoute
à l'appui... Mon collègue de Saguenay me signale un point
important. Les Québécois sont, dans leur ensemble,
représentés à l'Assemblée nationale. Les Inuit, les
Indiens ne le sont pas, encore moins au sein de cette commission parlementaire.
Donc, nous estimons qu'ils doivent au moins avoir le loisir de se faire
entendre.
M. Cournoyer: M. le Président, je pense que le
libellé de la motion est tellement vaste, "tout groupe
intéressé", on sera ici pour un grand bout de temps, et comme la
prolongation... Une minute! Laissez-moi finir. Je vous ai tous laissé
aller. Je n'ai pas dit un mot. On a un délai. On en a un en face de
nous, c'est celui du 11 novembre, date d'extension. Cela devait se signer le
1er, mais on a prolongé jusqu'au 11 novembre, et nous avons la
commission parlementaire aujourd'hui.
Nous sommes, aujourd'hui, au 5 novembre, et c'est ce délai qui
m'énerve quand je vois le libellé qui dit: Tout groupe
intéressé. Tout groupe intéressé, pour moi, c'est
n'importe qui qui a un intérêt dans cette affaire, et tout le
monde dans la province de Québec a un intérêt dans le
territoire de la baie James. On peut être ici pour un grand bout de
temps.
M. Lessard: M. le Président, si vous me permettez, il
reste quand même que, lorsque nous convoquons certaines personnes pour
venir se faire entendre à des commissions parlementaires, nous
déterminons certaines procédures. Nous déterminons aussi
un délai, et il est possible, puisque nous sommes actuellement au 5
novembre, qu'au cours de cette semaine et de la semaine prochaine, de pouvoir
entendre ces principaux groupes, et on peut aussi les convoquer. Si on dit, par
exemple, que l'entente doit être signée le 11 novembre, on
pourrait déterminer, selon les journées que nous serons en
session, que d'ici le 9 novembre, par exemple, on aura à étudier,
en commission parlementaire, cette entente, quitte, au 9 novembre, de dire:
Maintenant, écoutez! On a un délai qui est assez limité.
Il faut passer à la décision.
On pourrait, M. le Président c'est mercredi aujourd'hui
jeudi, vendredi, quitte à siéger mardi matin... Parce que,
comme le député de Mont-Royal est le député
responsable de cette négociation il l'a affirmé il
ne s'agit pas d'une entente de peu d'importance. Le député de
Mont-Royal a même parlé d'une entente historique d'une très
grande valeur, pour le Québec et pour les Indiens et les Inuit.
Je ne pense pas qu'on puisse, comme cela... Il s'agit de droits
très importants pour ces populations. Le chef de l'Opposition
soulignait, tout à l'heure, que ces gens ne sont pas
représentés en commission parlementaire, ne sont pas
représentés à l'Assemblée nationale. Il faudrait
avoir le minimum de respect vis-à-vis de ces communautés,
quoiqu'il y a eu une négociation je l'admets pour faire en
sorte qu'ils puissent être entendus. C'est ce qu'on vous demande.
On ne vous demande pas, M. le Président, d'aller au-delà
du 11 novembre. Je pense qu'il est quand même possible, comme on l'a
déjà fait à d'autres commissions parlementaires, de
déterminer un délai qui nous permettrait, en fait, d'avoir une
connaissance, soit des personnes qui sont d'accord sur l'entente ou soit
encore, de ceux ou celles qui sont contre ou qui ont certains points majeurs
à soulever.
Il s'agirait de s'entendre, je pense bien...
M. Cournoyer: Disons que, sans vouloir être
désagréable, je n'ai pas d'objection à entendre un certain
nombre d'individus qui se disent représentatifs des
intérêts des Inuit en particulier.
Mais, je peux m'expliquer, c'est précis. Les autres qui auraient
des intérêts dans l'entente se trouvent à être
représentés par le gouvernement, comme vous l'avez dit et ils
peuvent avoir fait des représentations chez vous, par le truchement des
différents ministères ou par le truchement de leurs propres
associations. Ils pourront peut-être en faire encore lorsque ces ententes
passeront dans le processus législatif, parce que ce n'est pas fini "du
jour au lendemain, il faut retourner à la Législature pour donner
l'assurance légale à ces ententes, en fait, qui sont
signées par le gouvernement et les sociétés qui
relèvent de lui. Je pense que, au risque de déplaire à mon
collègue de Mont-Royal, il y va du processus démocratique que je
connais bien ici, pour l'avoir expérimenté à quelques
reprises, d'entendre ceux qui pourraient affirmer ici leur objection et le
pourquoi de leur objection et seulement les Inuit, parce que je dois
présumer qu'il n'y a pas de problème du côté des
Indiens.
M. Lessard: Oui. Est-ce qu'on peut ajouter l'Association des
Indiens du Québec, M. le ministre?
M. Claccla: M. le Président, si on entend les
représentants des Inuit, l'entente est tellement
liée, je pense qu'il faut absolument avoir le représentant
des Indiens.
M. Cournoyer: Oui, mais seulement les Indiens.
M. Morin: C'est aussi notre avis.
M. Ciaccla: Seulement le côté autochtone. Je ne
voudrais pas ouvrir le débat, ce n'est pas notre but de
renégocier l'entente, mais, si on entend un groupe d'Inuit dissidents
qui représentent seulement une minime proportion des autochtones. Il
faut garder, il faut voir cela dans la perspective des autochtones et
absolument avoir le droit d'entendre les représentants des Indiens
autrement on ne fera pas justice au processus ou on entend
personne.
M. Cournoyer: M. le Président, je suis d'accord. Non, je
suis d'accord, mais, quand il y a des accords, nous, on fait l'accord vite. M.
le Président, disons que nous allons entendre les associations d'Indiens
et d'Inuit et les groupes d'Inuit qui sont dissidents ou les groupes d'Indiens
qui peuvent être dissidents, parce que peut-être qu'on va en
découvrir demain matin. Quant au reste, nous nous chargerons de les
représenter.
M. Morin: A moins qu'eux-mêmes ne nous signalent leur
intérêt.
M. Cournoyer: Qui cela?
M. Morin: J'entends ceux qui représentent la très
forte majorité dont parlait le député de Mont-Royal tout
à l'heure. Supposons qu'ils veulent se faire entendre eux aussi.
M. Cournoyer: Non, non! Je veux dire c'est d'accord, les Indiens
et les Inuit...
M. Morin: Vous êtes prêt...
M. Ciaccia: Ce sont les Cris de la baie James et les Inuit.
M. Lessard: D'accord. M. Morin: D'accord.
M. Cournoyer: Les Cris de la baie James et les Inuit, est-ce
correct, M. le député d'Outremont?
M. Choquette: Moi, j'ai seulement soulevé la question, je
voulais avoir l'avis du député de Mont-Royal sur l'incidence,
l'effet de dissidence sur l'accord que vous signerez en définitive.
M. Ciaccla: Bien, il est fait.
M. Choquette: Je pense que, si on commence par entendre ceux qui
sont dissidents, comme vous l'avez proposé, cela pourra fixer la commis-
sion sur l'intérêt qu'il pourrait y avoir d'entendre d'autres
personnes, s'il y a lieu. Pour le moment, cela me semble pratique ce que vous
avez proposé. J'aurais une deuxième question à soulever.
Je voudrais demander au député...
Le Président (M. Séguin): Un instant, s'il vous
plaît. Nous avons une motion devant nous, alors...
M. Cournoyer: Je propose, en définitive, un amendement qui
dit: "Convoquer les associations des Cris de la baie James, de même que
les Inuit, l'Association d'Inuit de la baie James et ceux qui sont dissidents
comme Inuit et Cris de la baie James.
M. Morin: Est-ce que, si j'ai bien compris votre intervention, M.
le ministre, cela exclut le groupe qu'on appelle l'Association des Indiens du
Québec?
M. Cournoyer: Oui, c'est exactement cela.
M. Morin: C'est tout de même huit tribus que vous
écartez...
M. Cournoyer: C'est-à-dire à moins que ces
Indiens-là soient à la baie James ou dans le Nord du
Québec.
M. Ciaccia: M. le Président, vous parliez... Excusez, M.
le Président. Vous parliez avant de vous référer à
une requête qui a été prise par les Inuit, c'est un
affidavit qui a été signé. Vous êtes sans doute
à savoir que la requête a été rejetée par les
tribunaux et les tribunaux aussi ont déclaré que l'Association
des Indiens du Québec n'avait pas d'intérêt sur le
territoire de la baie James. Alors, si on convoque certains
représentants, du côté autochtone, cela devrait être
ceux qui ont des intérêts dans le territoire.
M. Morin: Dans l'esprit où le député
d'Outremont soulevait la question de la légalité de l'accord et
de l'effet sur la légalité de l'accord de dissidence qui serait
trop importante, je me demande si on peut écarter du revers de la main,
l'Association des Indiens, parce que ceux-ci n'ont pas été sans
remarquer que leur absence des négociations aurait des
conséquences juridiques sur l'accord.
Etes-vous bien sûr, pouvez-vous nous expliquer comment un tel
accord pourrait lier l'ensemble des Indiens et des Cris, des Inuit, si
l'Association des Indiens du Québec n'y est pas partie?
M. Ciaccla: Je pourrais répondre?
M. Morin: Je vous pose la question, soit au ministre, soit au
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: II faut comprendre, M. le Président, la
situation actuelle. Il y a même les décisions des tribunaux, qui
ont déclaré que l'Association des Indiens du Québec n'a
pas d'intérêt dans
le territoire de la baie James. Le projet d'entente que nous proposons
n'affecte pas les autres Indiens du reste du Québec. C'est une entente
qui touche seulement le territoire. Si l'Association des Indiens du
Québec a d'autres réclamations, elle peut faire d'autres
réclamations, mais même les décisions des tribunaux sont
claires. Ils ont nommé l'Association des Indiens, ils ont nommé
M. Andrew Delisle, M. Max Gros-Louis, et, dans sa décision, le juge
Malouf a dit: Ces associations n'ont pas d'intérêt dans le
territoire de la baie James. Alors, je ne vois pas, aujourd'hui, en face d'une
telle décision, du fait que nous touchons seulement dans notre projet
d'entente le territoire de la baie James, le territoire du Nord du
Québec, du fait que nous ne touchons pas le reste du territoire du
Québec, pourquoi nous devrions demander aux autres
intéressés de discuter ou de comparaître devant la
commission.
M. Morin: M. le Président, je réserve mon jugement
pour l'instant sur ce que vient d'affirmer le député de
Mont-Royal. Je ne suis pas convaincu qu'un accord qui touche l'ensemble du
territoire de la baie James et les territoires situés au-delà du
55e parallèle n'intéresse pas les sept autres tribus d'Indiens du
Québec. Je pose la question pour l'instant. Je me contente de poser la
question quitte à y revenir plus tard dans le détail. Est-ce que
le fait, pour le gouvernement du Québec, d'en venir à une entente
avec les tribus situées dans le secteur de la baie James, avec les
Inuit, n'a pas des conséquences pour les droits historiques des autres
Indiens du Québec?
M. Ciaccia: Au point de vue juridique?
M. Morin: Au point de vue de l'avenir de leurs droits. Il est
bien certain que cette entente aura des conséquences?
M. Ciaccia: Mais, je vous le demande: au point de vue
juridique?
M. Morin: Je me pose la question. Je ne suis pas prêt
à affirmer que cela n'a pas de conséquence au point de vue
juridique.
M. Ciaccia: Parce que, même dans le jugement que vous
citiez auparavant, en rejetant la requête, le juge a dit: Vous aurez vos
recours après que l'entente sera signée. Vous prendrez vos
recours. Cela, c'est pour des gens qui sont dans le territoire.
M. Morin: Des recours après que l'entente est
réglée, c'est une autre affaire.
M. Ciaccia: Aux termes de la législation, vous parlez des
gens en dehors du territoire, il ne peut pas y avoir d'effets juridiques sur
eux. Ils ne font pas partie de l'entente. On n'éteint pas les droits, on
n'affecte pas les droits de ces gens en dehors du territoire. On parle
seulement du territoire de la baie James et du Nord du Québec.
M. Morin: Ce que j'aimerais vous dire, c'est qu'il se peut que
vous ayez raison sur le plan juridique, M. le député, c'est une
question que nous examinerons plus en détail par la suite. Mais,
étant donné que cela pourrait avoir des effets, soit juridiques,
soit politiques, soit de nature politique en général sur les
droits des Indiens du Québec, je me demande si nous ne devrions pas
à tout le moins les entendre également. Je ne m'explique pas que
le ministre prenne sur lui de dire: On va convoquer ceux-là,
ceux-là, d'accord, parce qu'on a pu en venir à une entente avec
eux, mais on va écarter les autres. Je pense, par exemple, au cas des
Montagnais de Schefferville, qui...
M. Cournoyer: Ce serait bien plus simple de ne convoquer
personne.
M. Morin: A ce moment-là, vous risquez d'avoir des
ententes dont le fondement pourrait être remis en question plus tard.
M. Cournoyer: Ce n'est pas parce que les gens vont venir ici que
cela va changer quelque chose. Il est possible que les discussions avec ces
gens directement puissent changer la nature de l'entente. Mais ce n'est pas
parce qu'ils vont être devant la commission parlementaire qu'on va
changer effectivement la nature de l'entente. Il est possible qu'on puisse
discuter avec ces gens et que je voie, avec M. Ciaccia, le genre de
problèmes qu'ils ont. Et ce n'est pas parce qu'il y a eu une commission
parlementaire que cela change quelque chose.
M. Lessard: On fait ça pour la frime?
M. Cournoyer: Non, c'est parce que vous semblez conditionner ces
lois...
M. Lessard: On n'est pas ici pour s'amuser j'espère!
M. Cournoyer: Bien non! Vous semblez conditionner ces lois
à la présence de ces gens ici.
M. Lessard: On ne présume rien. M. Cournoyer: II y
a une différence.
M. Lessard: On ne présume rien des décisions qui
pourront être prises. On est ici en commission parlementaire pour
étudier un projet et, lorsqu'on étudie un projet, il me semble
que c'est tout à fait normal qu'on puisse entendre les personnes qui
sont impliquées.
M. Cournoyer: Tout le monde est impliqué.
M. Lessard: Non! on parle de l'Association des Indiens du
Québec, on parle des Inuit et on parle des Indiens du Nord. Je pense que
ça ne prendra pas beaucoup plus de temps d'ajouter une association. De
toute façon, on pourra y revenir, comme le disait tout à l'heure
le député d'Ou-
tremont, mais il semblerait normal, quant à nous, qu'on puisse au
moins analyser les implications ou entendre ces gens qui pourraient nous
expliquer les conséquences qui pourraient survenir à la suite de
cette entente ou nous expliquer en quoi ils sont directement impliqués.
Parce que je pense que les Montagnais de Schefferville, par exemple, se sentent
directement impliqués par cette entente; ils sentent, en fait, qu'il y
aura des conséquences importantes à la suite à cette
entente. Je ne vois pas pourquoi on n'accepterait pas que ce groupe,
l'Association des Indiens du Québec, puisse être entendu.
M. Morin: Parce que les Montagnais de Schefferville sont
représentés par l'Association des Indiens du Québec et ils
prétendent que cela va avoir des conséquences très
directes sur leurs droits. Tout de même, pour trouver un terrain
d'entente, je suis prêt à accepter, pour faire avancer le dossier,
la proposition du ministre telle qu'il l'a rédigée, telle qu'il a
modifié la mienne; je suis prêt à l'accepter. On pourra
revenir sur la question de l'Association des Indiens du Québec quand le
ministre aura pu y penser plus avant, quand il aura pu consulter, pour le
moment, peut-être... Et on pourra y revenir au cours des jours qui
viennent.
M. Cournoyer: D'accord.
Le Président (M. Séguin): Dans ces conditions,
Messieurs, je n'ai pas d'autre choix que celui de demander au chef de
l'Opposition de retirer sa motion. Parce que je pense, réellement, si on
va au fond des choses, que l'amendement n'était pas recevable puisque,
tout en modifiant la forme, bien entendu, on modifie considérablement le
fond puisqu'on restreint, on enlève... Dans le premier cas, il
était bien dit, dans la motion principale, tout groupe. Dans
l'amendement, on spécifie, à l'intérieur de tout groupe,
deux groupes. Je pense que cela change le fond. C'est dire que, si la motion
principale était retirée, nous pourrions présenter la
nouvelle motion telle qu'amendée par le ministre comme motion
principale. Cela réglerait le problème.
M. Morin: Voulez-vous que je représente ma motion, M. le
Président?
Le Président (M. Séguin): Oh, je pense bien
que...
M. Morin: Je suis prêt à le faire, "Que cette
commission convoque les associations des Inuit et des Cris de la baie James et
du Nord du Québec intéressées à l'entente à
intervenir entre le gouvernement du Québec et les autochtones du
Nouveau-Québec ainsi que les différents organismes."
M. Ciaccia: Est-ce que je pourrais spécifier, M. le
Président, que ce ne sont pas les groupes intéressés, mais
ceux qui font partie de l'entente?
M. Morin: Qui font partie de l'entente?
Une Voix: D'accord.
M. Morin: Bien.
Le Président (M. Séguin): Une autre.
M. Morin: Non. Parce que... Oh! que c'est malin, cela, M. le
député de Mont-Royal.
M. Cournoyer: Ce n'est pas pour vous jouer. Nous autres, on sait
où on va...
M. Morin: Je comprends. Je ne le prends pas pour un piège,
mais si on interprète strictement ce qu'a dit le député de
Mont-Royal, ceux qui refusent de participer à l'entente ne sont pas
partie à l'entente.
M. Ciaccia: Ils font partie de l'entente.
M. Morin: C'est ce que vous soutenez, vous.
M. Ciaccia: Ils font partie de l'entente, mais je peux l'affirmer
ici pour ne pas les empêcher d'être...
M. Morin: Bon!
M. Ciaccia: D'accord, je peux affirmer que les dissidents font
partie de l'entente.
M. Morin: Si on disait "qui sont intéressés", tout
simplement?
M. Ciaccia: Non, parce que là, c'est trop large: "sont
intéressés", je ne peux pas accepter cela, M. le
Président.
M. Choquette: "Sont régis", "qui sont régis par
l'entente".
M. Ciaccia: Non. "Qui font partie de l'entente".
M. Morin: Vous soulevez tout un débat juridique, à
savoir si ceux qui refusent d'être régis par l'entente font partie
de l'entente.
M. Ciaccia: Je suis prêt à faire l'admission que ces
gens-là font partie de l'entente pour ne pas les empêcher de
comparaître.
M. Morin: Mais vous les mettez dans un dilemme, parce que la
première chose qu'ils vont venir nous dire, c'est qu'ils ne sont pas
partie à l'entente, donc ils se disqualifient automatiquement de
comparaître devant nous. Cela laisse ouverture à des
difficultés juridiques.
M. Ciaccia: Non.
Le Président (M. Séguin): Le député
de Laporte.
M. Déom: On ne peut pas mettre "font partie du projet
d'entente"?
M. Morin: Ils ne le sont pas davantage. M. Coumoyer: Bien
oui.
M. Morin: Est-ce qu'on peut dire qu'ils sont "couverts"
par...
M. Cournoyer: Est-ce qu'on peut les appeler par leur nom.
M. Ciaccla: Cala simplifierait la chose.
M. Cournoyer: II s'agit de trois groupes ou trois bandes d'Inuit.
Je ne suis pas capable de les dire.
M. Ciaccla: Je ne sais pas auxquels il se réfère.
Il a mentionné Povungnituk. Je n'ai pas eu d'autres...
M. Morin: M. le Président, plus j'y
réfléchis, plus je pense que le mot "intéressés"
est le plus juste dans les circonstances.
M. Ciaccia: Si on disait "ceux qui sont éligi-bles" aux
bénéfices de l'entente?
M. Morin: S'ils ne veulent pas être "éligibles"
à vos bénéfices...
M. Ciaccla: Ils le sont. Ils ne sont pas obligés de les
accepter, mais ils le sont, "éligibles". Personne ne va forcer...
Le Président (M. Séguin): Messieurs,
préparez votre motion et je la mettrai tout simplement aux voix. Vous
n'aurez qu'à voter en conséquence.
M. Morin: M. le Président, pour simplifier, je pense qu'on
va accepter. On verra par la suite s'il y a des arrière-pensées
dans dout cela. Je ne pense pas, à première vue, qu'il y en ait.
Donc, nous allons accepter la phraséologie proposée par le
député de Mont-Royal. Ce sera donc "qui sont éligibles aux
bénéfices de l'entente à intervenir entre le gouvernement
du Québec, la Société d'énergie de la baie James,
la Société de développement de la baie James, la
Commission hydroélectrique du Québec, le grand conseil des Cris
du Québec et l'Association des Inuit du Nord du Québec, ainsi que
le gouvernement du Canada".
M. Ciaccla: C'est cela.
Le Président (M. Séguin): Afin de ne pas
déplaire à qui que ce soit, est-ce qu'on pourrait maintenant nous
donner la motion au complet telle qu'amendée, rédigée et
tout ce que vous voulez, afin de savoir exactement sur quoi l'on vote.
M. Lessard: M. le Président, je pense bien qu'on tente,
des deux côtés de cette table, tant du côté du Parti
libéral que du côté de l'Opposition et du côté
des indépendants, on tente de s'entendre sans faire...
Une Voix: ... des indépendants?
M. Lessard: ... de la manie réglementaire. Ce qu'on a
fait, ce sur quoi on s'est entendu, c'est qu'on retirait tout cela et qu'on en
faisait une autre. Le député va accepter la phraséologie
du député de Mont-Royal. On ne vous donnera pas tous les
amendements et les sous-amendements. On va vous donner l'entente finale.
M. Morin: M. le Président, cela se lirait comme ceci, avec
votre permission: Que cette commission convoque les associations Inuit et Cris
de la baie James et du nord du Québec qui sont "éligibles" au
bénéfice du projet d'entente à intervenir entre le
gouvernement du Québec, la Société d'énergie de la
baie James, la Société de développement de la baie James,
la Commission hydroélectrique du Québec, le Grand conseil des
Cris du Québec et l'Association des Inuit du nord du Québec ainsi
que le gouvernement du Canada.
M. Ciaccia: Vous dites: Convoquer les associations?
M. Morin: Oui, ce sont les termes du ministre, les Associations
Inuit, des Cris, ou, on peut dire: Les groupes.
M. Ciaccla: Non, les associations, les groupes, très bien;
c'est acceptable.
M. Cournoyer: De toute façon, nous savons qui est
censé venir. Si, à un moment donné, je disais non, je ne
serais pas en conformité avec ce que je pensais écrire quand
j'écrivais cela.
M. Lessard: Vous préjugez.
M. Morin: De toute façon, nous sommes d'accord que le mot
"association" inclut des groupes dissidents qui voudraient se faire
entendre.
M. Cournoyer: Oui, ce sont surtout ceux-là qu'on vise.
M. Morin: Dans ce cas, M. le Président...
Le Président (M. Séguin): Y a-t-il des commentaires
sur la motion?
M. Coumoyer: Adopté.
Le Président (M. Séguin): Pour ou contre?
M. Cournoyer: Un moment! Adopté.
Vote sur la motion
Le Président (M. Séguin): Le règlement nous
oblige de prendre le vote à main levée.
M. Choquette: Vous êtes très scrupuleux sur
l'observation du règlement.
Le Président (M. Séguin): Des fois, un mot mal
placé...
M. Choquette: Non.
Le Président (M. Séguin): ... ou quelque chose
négligé va créer un débat de deux heures au point
de vue de la procédure à la prochaine séance. J'essaie de
l'éviter.
M. Lessard: C'est bien, M. le Président. M. Choquette:
On vous félicite. Le Président (M. Séguin): M.
Morin (Sauvé)? M. Morin: En faveur.
Le Président (M. Séguin): M. Bellemare (Johnson)?
M. Déom (Laporte)?
M. Déom: En faveur.
M. Lessard: A main levée.
Le Président (M. Séguin): M. Ciaccia
(Mont-Royal)?
M. Ciaccia: En faveur.
Le Président (M. Séguin): M. Faucher
(Nicolet-Yamaska)?
M. Faucher: En faveur.
Le Président (M. Séguin): M. Larivière
(Pontiac-Témiscamingue)?
M. Larivière: En faveur.
Le Président (M. Séguin): M. Lessard
(Saguenay)?
M. Lessard: En faveur.
Le Président (M. Séguin): M. Malouin
(Drummond)?
M. Malouin: En faveur.
Le Président (M. Séguin): M. Brown
(Brome-Missisquoi)?
M. Brown: Oui.
Le Président (M. Séguin): M. Cournoyer (Robert
Baldwin)?
M. Cournoyer: Oui.
Le Président (M. Séguin): M. Pelletier
(Kamouraska-Témiscouata)?
M. Pelletier: Pour, oui.
Le Président (M. Séguin): Pour?
M. Pelletier: Oui.
Le Président (M. Séguin): M. Harvey (Dubuc)? M.
Picotte (Maskinongé)? M. Samson (Rouyn-Noranda)?
Le Président (M. Séguin): En faveur: 10. Contre:
aucun.
Motion adoptée.
M. Morin: M. le Président, avant que nous ajournions,
j'aurais une autre question à vous poser.
M. Choquette: Si le chef de l'Opposition me le permet, M. le
Président...
M. Morin: Oui.
M. Choquette: ... sans vouloir m'arroger des droits que je n'ai
pas, je n'avais pas des questions à l'égard du
député de Mont-Royal. Le chef de l'Opposition me permettrait
peut-être...
M. Morin: Fort bien, M. le Président, à condition
que j'aie un moment avant l'ajournement pour demander autre chose au
ministre.
M. Choquette: Je voudrais demander au député de
Mont-Royal s'il est satisfait de la validité constitutionnelle, de la
validité juridique de l'entente qu'il va déposer cet
après-midi. Je vais expliquer un peu ce dont il s'agit. Le
député de Mont-Royal nous a dit au cours de ces propos qu'il ne
s'agissait pas dans cette entente de créer une réserve indienne
ou inuit. Il nous a dit qu'il ne s'agissait pas, dans l'entente,
d'établir un système territorial qui est semblable à celui
qui existe au Québec dans un certain nombre d'endroits et au Canada
aussi à l'égard de populations autochtones. On sait en effet
qu'en vertu des dispositions constitutionnelles, l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique, les réserves sont de la compétence exclusive du
gouvernement fédéral, sauf certaines exceptions quant à la
portée des lois provinciales. Je pense donc que, me
référant aux propos du député de Mont-Royal,
l'objectif visé dans l'entente, c'est de faire échapper les
territoires de catégorie I en particulier à cette disposition
constitutionnelle qui place l'autorité de ces territoires sous la
compétence du gouvernement fédéral ou du gouvernement
central. Je pense que ceci est une préoccupation qui est manifeste de
par les propos qui nous ont été tenus ce matin par le
député de Mont-Royal.
Je lui pose la question suivante: Est-ce que le député de
Mont-Royal est capable d'affirmer, en tant que juriste et principal
négociateur du gouvernement, que l'entente qu'il va proposer ne pourrait
souffrir de contestation sur le plan constitutionnel en ce sens qu'en fait,
quels que soient les mots ou les termes employés dans l'entente, quelle
que soit l'intention des parties à l'entente, il s'agirait
néanmoins d'une réserve telle que comprise et définie au
sens de l'article 91, alinéa 24, de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique?
Ainsi le résultat, malgré les intentions des deux parties,
malgré ce que pourrait nous en dire le député de
Mont-Royal, serait, en fait, que le territoire de catégorie I et
possiblement les autres territoires de catégorie II et de
catégorie III, sur lesquels je ne me prononce pas à ce moment-ci,
n'ayant pas vu l'entente finale, de telle sorte que le résultat final,
dis-je, serait qu'on aurait créé effectivement une
réserve, sans que, et ceci laissant évidemment entendre que
l'autorité du gouvernement du Québec serait nettement moindre que
celle qui est prévue au départ par le gouvernement.
Je pense qu'il s'agit d'une question d'envergure, et je ne m'attendrais
pas à ce que le député de Mont-Royal puisse nous citer
toutes sortes d'autorités, juridiques ou autres, à l'appui de sa
position, parce que c'est une matière extrêmement
délicate.
Mais je me demande si le député de Mont-Royal a une
position sur ce problème, et si l'entente prévoit que, pour
assurer la validité juridique de l'entente à intervenir, on s'est
entendu avec le gouvernement fédéral pour obtenir un amendement
à la constitution canadienne pour faire en sorte que l'entente soit
au-dessus de toute contestation sur le plan constitutionnel.
Finalement, troisième question qui découle, advenant que
ceci n'aurait pas été le cas, qu'il n'y aurait pas d'amendement
constitutionnel, et que l'entente serait ultérieurement
déclarée, en somme, illégale au plan constitutionnel ou
qu'elle serait mise en doute ou contestée, qu'est-ce qui adviendrait,
quelle serait la situation juridique ou factuelle qui résulterait d'un
état de choses qui aurait évolué de cette
façon?
M. Ciaccla: M. le Président, premièrement, nous
nous sommes arrêtés assez longuement sur les questions que le
député d'Outremont vient de soulever. Nous en avons
discuté très longuement, et s'il me demande si, moi, je suis
satisfait du point de vue juridique, que l'entente qui sera signée va
être légale, je dois dire oui; je n'aurais pas recommandé
une entente qui ne serait pas légale.
Je voudrais bien m'expliquer sur la question de réserve. Dans mes
propos, j'ai dit qu'on ne crée pas une réserve traditionnelle. Je
n'ai pas dit que des réserves ne sont pas créées.
Réserve traditionnelle veut dire une réserve régie par les
clauses actuelles de la Loi sur les Indiens, avec toutes les restrictions, avec
des prohibitions visant la province, qui est un territoire quasi emmuré.
Nous ne créons pas ce genre de réserves.
Nous avons des clauses, dans l'entente, pour donner des droits à
la province pour effectuer certains droits d'expropriation pour ouvrir la
réserve, en un mot, pour que ce ne soit pas une réserve
traditionnelle. Nous avons le consentement du gouvernement du Canada à
un tel concept. Nous avons le consentement du gouvernement du Canada pour que
la loi qui va affecter le régime des terres, par exemple, la loi qui
ferait partie de ces dispositions, qui contiendrait ces dispositions aura
préséance sur la loi sur les Indiens. Alors, question de
juridiction, on ne peut pas...
M. Morin: Pas sur la constitution.
M. Lessard: Elle ne peut pas avoir préséance sur la
constitution.
M. Ciaccla: Pas sur la constitution, j'en viens, si vous me
permettez, M. le Président... on ne peut naturellement amender la
constitution par un projet d'entente, ce n'est pas notre intention et nous ne
le faisons pas. Mais, nous avons prévu c'est pour cela que
j'attirais votre attention, c'est malheureux que les documents ne soient pas
encore arrivés un mécanisme de protection advenant le cas
où, pour une raison ou pour une autre, parce qu'on ne peut jamais
prévoir dans n'importe quelle entente, qu'il n'y aura pas de
contestation, c'est impossible... Nous croyons que même si l'entente
était contestée, les dispositions que nous avons prises sont
entièrement légales et dans la juridiction des gouvernements
respectifs. Je pourrais dire que nous avons prévu certaines
dispositions, s'il y avait contestation devant les tribunaux, pour s'assurer
que la juridiction provinciale demeure dans tout le territoire, sauf à
certains endroits où l'administration et le'contrôle,
d'après l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique,
vont s'appliquer à "réserve" au sens "aux terres pour les
Indiens" au sens de ces mots, s'il y a contestation pour les autres
territoires, il y a un mécanisme où le gouvernement du Canada
doit trouver une formule pour assurer que la juridiction provinciale
demeure.
Nous ne disons pas quelle formule ce doit être, parce que nous ne
voulons pas écarter d'autres mesures, d'autres formules
législatives que les deux gouvernements pourraient adopter; mais si,
à la fin de tout cela, il est essentiel que la seule formule soit un
amendement à la constitution, à ce moment-là, nous avons
un engagement du gouvernement du Canada que cette formule sera adoptée.
En ce qui concerne le gouvernement du Québec, nous sommes
entièrement protégés pour assurer par exemple la
juridiction sur les terres de catégorie II et que cette juridiction
demeure au Québec. Il y aura rétrocession au Québec de
tout droit qui aura été donné, qui aura été
alloué, pour assurer que cette juridiction ne se perde pas. C'est
clairement spécifié dans l'entente et nous sommes convaincus et
satisfaits de cette formule. C'est seulement une garantie. Pour nous, il n'y a
pas de question. Le Québec va légiférer seulement dans les
matières de sa juridiction, le fédéral va
légiférer dans les matières de sa juridiction. C'est pour
cela que c'est une entente entérinée par le gouvernement du
Québec d'après les recommandations de la commission Dorion. Parce
que la commission sur l'intégrité du territoire, la commission
Dorion, a reconnu cette difficulté. C'est pour cela que, dans ses
recommandations, elle en est venue à la conclusion qu'un problème
de ce genre ne pouvait pas se régler seulement par une loi provinciale,
qu'il fallait une loi fédérale aussi, parce que, aux termes de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, tels que présentement
contenus, il faut une loi fédérale. De ce point de
vue, je crois que l'entente est claire et précise, qu'il n'y aura
pas de conflit et que chaque gouvernement va légiférer dans les
matières de sa propre juridiction.
M. Choquette: Si le député me permet...
Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous
plaît! Le député de Sauvé avait demandé la
parole?
M. Morin: Oui.
M. Choquette: Je continuais les questions.
M. Morin: C'est le même sujet, je voudrais
simplement...
M. Choquette: Oui, mais j'avais commencé à
questionner le député de Mont-Royal.
Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous
plaît! C'est en continuant vos questions?
M. Choquette: C'est pour compléter mon intervention.
Le Président (M. Séguin): Le député
d'Outremont.
M. Choquette: Est-ce que j'ai compris que le député
de Mont-Royal nous dit que le gouvernement fédéral va donner une
garantie selon laquelle il sollicitera, avec le concours du gouvernement du
Québec, un amendement à la constitution advenant qu'il y ait
contestation des termes de l'entente?
M. Ciaccia: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Excusez-moi si
j'ai laissé cette impression. Premièrement, c'est clair, dans
l'entente, que chaque gouvernement va légiférer seulement dans sa
propre juridiction. Alors, il ne peut pas y avoir de doute sur la
législation dans ce sens, parce que le Québec ne
légiférera pas sur des matières qui touchent seulement le
fédéral et vice versa. Mais, au cas où certaines des
provisions toucheraient certaines catégories de terres parce
qu'il faudrait prévoir au cas où il a un doute, mais on ne croit
pas qu'il y en ait nous prévoyons une formule,
c'est-à-dire que ces droits seront rétrocédés
légalement, juridiquement, à la province de Québec pour
que ces droits n'échappent pas à la juridiction provinciale. Les
parties ont accepté ça, les autochtones ont accepté
ça.
Autrement dit, ils acceptent certains droits...
M. Morin: Ce n'est pas nouveau, c'est la situation juridique
actuelle. Les terres, le fond appartient à la couronne du chef du
Québec; vous ne changez rien.
M. Ciaccia: On aurait pu changer si on avait alloué les
terres de la même façon que Caughna-waga, par exemple, l'a fait.
Le fond des terres à
Caughnawaga n'appartient pas au Québec, ce sont des terres qui
appartiennent à la couronne fédérale. Ici, ce n'est pas ce
que nous faisons. La nue-propriété des terres demeure au
Québec.
M. Morin: M. le Président, ce serait bon qu'on en discute
un peu plus longuement parce que je suis obligé de dire que,
d'après la jurisprudence...
M. Cournoyer: Puis-je me permettre, M. le Président...
M. Morin: Est-ce que j'ai la parole, M. le Président?
M. Cournoyer: Je ne veux pas vous arrêter, mais il est midi
et demi passé et j'aurais suggéré que, comme on aura le
texte de l'entente, on ne parle pas trop en théorie en continuant une
discussion juridique quand on ne voit pas le texte de l'entente. Comme on
l'aura cet après-midi, je consentirais rapidement, M. le
Président, à continuer le débat juridique dès le
début des prochaines séances.
M. Morin: C'est bien. Si le ministre veut me laisser terminer ma
phrase, il va comprendre où je veux en venir. D'après ce qu'a pu
nous apprendre le rapport Dorion et ce qu'on peut lire dans la jurisprudence
constitutionnelle, il y a une jurisprudence abondante qui reconnaît que
les terres réservées aux Indiens, si elles sont sujettes à
la compétence fédérale, en vertu du British North America
Act, n'en demeurent pas moins la propriété de la couronne du chef
de la province de Québec et non pas de la couronne du chef de l'Etat
fédéral.
Donc, le député de Mont-Royal ne nous apprend rien quand
il dit que s'il y avait une contestation, cela reviendrait dans le domaine
public québécois; c'est déjà la situation
juridique.
Mais de toute façon, le problème n'est pas là. Le
problème, c'est la compétence fédérale à
propos des terres réservées aux Indiens. Or, j'observe que
celles-ci passent d'une surface de 291 milles carrés à 5,408
milles carrés. Il y a donc un véritable problème sur
lequel nous allons devoir nous pencher. Est-ce que nous n'agrandissons pas
considérablement la compétence fédérale?
Vous me dites, M. le député, que cela peut faire l'objet
d'entente entre les deux niveaux de gouvernement. J'ai hâte de voir
comment ces ententes sont rédigées. De toute façon,
réservons ces questions pour plus tard, parce qu'elles ne sont pas
simples.
J'aimerais demander que la commission requière le
dépôt public officiel du tome cinquième de la commission
Dorion sur les frontières septentrionales du Québec. Ce rapport a
été déposé auprès du gouvernement il y a
plusieurs années. Par inadvertance, pendant qu'on faisait le
ménage du bureau du premier ministre, le tome cinquième a
été envoyé en bas, à la bibliothèque de
l'Assemblée nationale, où nous l'avons retrouvé par
hasard, mais il n'a jamais été rendu public. Il
contient pourtant des considérations fort importantes pour la
compréhension du projet d'entente dont nous allons discuter ces
jours-ci.
Je demanderais donc, M. le Président... je ne sais pas si c'est
nécessaire que j'en fasse une motion formelle, peut-être que le
ministre pourrait m'assurer que le tome cinquième va être rendu
public officiellement et que des copies pourront circuler publiquement, sans
qu'on soit obligé de se les passer sous la table.
Par la même occasion, cette fois j'en appelle également au
ministre, est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'obtenir le dépôt de
tous les rapports de cette commission qui auraient dû être rendus
publics depuis longtemps?
A mon avis, on ne peut pas nous refuser ces rapports, non seulement sur
la question des frontières septentrionales, mais sur toutes les autres
parcelles du territoire québécois qui ont fait l'objet de
l'enquête de la commission Dorion.
Cependant, je dissocie mes deux requêtes. J'estime que le tome
cinquième, c'est urgent. Il est urgent que la commission en exige le
dépôt public. Quant à ma deuxième requête,
c'est peut-être moins urgent, mais j'aimerais que le ministre intervienne
auprès du gouvernement pour obtenir que ces rapports soient rendus
publics dans les meilleurs délais.
M. Coumoyer: Je prends vos deux questions sous réserve. On
ne peut m'informer des raisons de cette perte du cinquième volume entre
des escaliers.
M. Lessard: II est rendu à la bibliothèque.
M. Cournoyer: Mais, je prendrai cela. Vous voulez bien voir tout
le monde et interroger tout le monde, même si je vous dis que c'est comme
cela.
M. Morin: De toute façon, nous l'avons. Donc, il serait
intéressant que le public l'ait aussi.
M. Cournoyer: C'est excellent que vous l'ayez. Mais ce que je
veux, c'est m'informer pourquoi le gouvernement ne l'a pas publié. Si
c'est la raison que vous m'avez donnée, c'est un accident. Je suis
convaincu que l'autorité gouvernementale le publiera.
M. Lessard: On l'a trouvé dans la poussière de la
bibliothèque.
M. Cournoyer: C'est un accident, mais...
M. Choquette: II ne faudrait pas que le chef de l'Opposition soit
obligé de lire ce cinquième volume de la commission Dorion dans
la clandestinité.
M. Morin: C'est connu. Je l'ai lu dans la clandestinité de
la bibliothèque de l'Assemblée nationale.
M. Lessard: Nous sommes continuellement obligés de
fonctionner dans la clandestinité avec ce gouvernement, puisque,
après des études et des études, il ne remet pas les
rapports.
Le Président (M. Séguin): Votre règlement,
messieurs, n'est clandestin d'aucune façon.
M. Lessard: D'accord.
Le Président (M. Séguin): La procédure qu'il
faut suivre ou ne pas suivre y est bien indiquée. C'est dire que c'est
au gouvernement qu'est réservé le privilège de
déposer ou de ne pas déposer des documents, surtout de
décider si c'est d'intérêt public ou non, ou encore le
règlement vous le dit bien clairement, si ces mêmes documents
peuvent être obtenus d'autre façon. Si ce que vous me dites est
vrai, c'est que ce document est déjà public, puisqu'il est
à la bibliothèque. Non, je ne prends pas part au
débat.
M. Morin: M. le Président, puis-je seulement vous faire
observer une chose, c'est que, du temps où vous étiez dans
l'Opposition libérale, il n'y a pas si longtemps, vous étiez de
ceux qui insistaient pour que le rapport Tremblay, sur lequel était
assis le premier ministre de l'époque, soit rendu public. Mais c'est un
rapport qui a la même importance.
Le Président (M. Séguin): Absolument. J'attire
votre attention sur le point du règlement seulement.
M. Cournoyer: Avait-il le rapport Tremblay dans la
clandestinité?
M. Morin: Oui, il y avait la moitié de la population qui
l'avait dans la clandestinité.
M. Lessard: De toute façon, c'est une suggestion, M. le
Président.
Le Président (M. Séguin): C'est avant de rendre
ce... Je vais m'informer. Messieurs, je demanderais que quelqu'un propose
l'ajournement. Proposé par le député de Laporte.
M. Lessard: Avant, devons-nous retourner à
l'Assemblée nationale pour que nous puissions siéger?
Le Président (M. Séguin): Oui. J'ajourne les
travaux sine die.
M. Cournoyer: Sine die.
M. Lessard: Sine die. M. le Président, allons-nous prendre
les mesures nécessaires pour que les différents groupements
intéressés soient informés qu'ils pourront se faire
entendre et, en même temps, pour fixer les dates où nous
pourrons...
Le Président (M. Séguin): La commission ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 43)