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Version finale

30th Legislature, 4th Session
(March 16, 1976 au October 18, 1976)

Tuesday, May 11, 1976 - Vol. 17 N° 40

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Richesses naturelles


Journal des débats

 

Commission permanente

des richesses naturelles

et des terres et forêts

Etude des crédits du ministère des Richesses naturelles

Séance du mardi 11 mai 1976

(Dix heures quarante-quatre minutes)

M. Séguin (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

Première séance de la commission des richesses naturelles et des terres et forêts pour l'étude des crédits du ministère des Richesses naturelles. Les membres de la commission, pour la séance d'aujourd'hui, sont: MM. Assad (Papineau), Bédard (Chicoutimi), Bellemare (Johnson), Bérard (Saint-Maurice), Carpentier (Laviolette), Ciaccia (Mont-Royal), Coumoyër (Robert Baldwin), Faucher (Nicolet-Yamaska), Lessard (Saguenay), Malouin (Drummond), Pelletier (Kamouraska-Témiscouata), Perreault (L'Assomption), Picotte (Maskinongé) et Samson (Rouyn-Noranda).

Nous avons quorum et, avec le consentement de la commission, si, au cours de la séance, il arrivait des membres ou des députés qui désireraient faire partie de la commission, on pourrait peut-être les inclure sur la liste des membres de la commission.

Il est entendu qu'à l'étude des crédite tout député de l'Assemblée nationale a le droit et le privilège de poser des questions, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir l'autorisation de la commission.

Il s'agit de débuter et la parole est au ministre.

M. Cournoyer: M. le Président...

Le Président (M. Séguin): Un instant, il faut qu'on nomme un rapporteur, s'il vous plaît. M. Faucher, député de Nicolet-Yamaska...

M. Malouin: Très bien.

M. Lessard: Très bien, il connaît cela beaucoup, il rapporte souvent.

Le Président (M. Séguin): ... agira comme rapporteur.

M. Lessard: II rapporte très bien aussi.

Le Président (M. Séguin): Alors, M. le ministre, si vous voulez commencer.

Exposé général du ministre M. Jean Cournoyer

M. Cournoyer: M. le Président, messieurs, le ministère des Richesses naturelles est un ministère un peu particulier en ce sens qu'il couvre quatre secteurs: eau, mines, énergie et affaires du nord... Je ne sais pas pourquoi on les appelle les affaires du nord, mais, en définitive, c'est parce que ce sont des affaires qui sont dans le nord.

M. Lessard: Du Nouveau-Québec. M. Cournoyer: Du Nouveau-Québec.

M. Lessard: Maintenant, c'est l'ancien Québec; il est intégré maintenant.

M. Cournoyer: II est intégré depuis la signature de l'entente avec les Inuit et les Cris... qui présentent des structures et des conjonctures fort différentes. Il y a cependant, en 1976/77, un facteur qui sera le même dans ces secteurs: le contexte d'austérité, qui nous conduit à effectuer un resserrement budgétaire notable.

Vous noterez, en effet, que les crédits 1976/77 apparaissant au livre des crédits s'inscrivent en nette diminution par rapport aux crédits 1975/76, soit: $47 millions contre $57 millions. Il faudrait cependant immédiatement tempérer cette impression par le fait qu'un certain nombre de crédits en provenance de l'OPDQ l'année dernière n'apparaissent point cette année. Ainsi, l'entente fédérale-provinciale conclue le mois dernier et portant sur le développement minéral ajoutera $2 millions aux crédits du secteur des mines.

Les crédits relatifs aux travaux d'immobilisation sur le bassin de la Yamaska seront transférés du fonds de développement de l'OPDQ au ministère des Richesses naturelles pour un montant de $3,4 millions.

Donc, la compression budgétaire effectuée est-elle de l'ordre de $5 millions et touche trois aspects principaux: — l'entente avec les Indiens Cris et les Inuit qui exigera, en 1976/77, des paiements de $9 millions comparativement aux $11,3 millions versés en 1975/76; — une coupure de $2 millions sur le budget de la Direction générale du Nouveau-Québec puisque la présence gouvernementale traditionnelle au nord du 55e parallèle doit faire place, d'ici deux ans, à l'institution de structures locales et régionales d'administration du territoire; — enfin, une coupure d'environ $2 millions dans le secteur des eaux où peu de nouveaux travaux seront entrepris et où nous espérons qu'une entente fédérale-provinciale sur la construction d'ouvrages anti-inondations dans la région de Montréal pourra être conclue en cours d'exercice financier et venir compenser cette baisse d'immobilisation.

Inutile de souligner, évidemment, que les augmentations normales des coûts dans tous les secteurs ont dû également être compensées par un maintien de la plupart de nos activités à leur niveau existant.

Permettez-moi de passer en revue les principaux secteurs d'activités du ministère en 1976/77 en commençant par les mines.

Vous remarquerez que le secteur mines (programme 1 et 2) est le seul secteur du ministère à continuer à progresser. Son budget régulier passe de $10,9 millions à $11,6 millions. Il était important

que les efforts du gouvernement dans ce secteur ne faiblissent pas. En effet, plusieurs ombres apparaissent au tableau de l'industrie minière en 1976: nous assistons à un déplacement de l'industrie primaire des substances traditionnelles (cuivre et zinc en particulier) vers l'amiante et le fer. Si l'on peut se féliciter que l'industrie primaire du fer et de l'amiante se développe, par contre nous ne pouvons qu'être inquiets en ce qui a trait au cuivre et au zinc où il apparaît que l'exploration et la mise en valeur de gisements marquent le pas en particulier par rapport à l'Ontario.

Avant d'envisager une reconversion douloureuse des activités minières traditionnellement implantées dans le Nord-Ouest québécois, il importe de s'assurer si les gisements de cuivre du Nord-Ouest peuvent permettre la survie et la prospérité de cette région. Aussi continuerons-nous nos efforts d'exploration par levés géologiques, géophysiques et géochimiques et dépenserons-nous plus de $5 millions à cette fin en 1976/77.

De même, en ce qui concerne les chemins de pénétration et d'exploitation, et sans compter l'entente fédérale-provinciale, nous dépenserons pour plus de $1 million d'immobilisations dans le Nord-Ouest et ce, afin que nous en arrivions le plus rapidement possible à l'exploitation des nouveaux gisements découverts depuis les dernières années.

Je pense en particulier aux gisements de cuivre et de zinc de Phelps Dodge (projet de $12 millions) où nous investirons $400 000; la route d'accès aux mines Lemoine (projet de $10 millions) où nous investirons $330 000; le gisement Selco (projet de $10 millions) dans le canton de Brouillan où nous poursuivrons la construction de la route du 4e segment volcanique qui coûtera près de $1 million.

En ce qui concerne le secteur de l'eau (programme 4 et 5), nous avons maintenu à son niveau existant le programme d'inventaires et recherches sur l'eau (en qualité et en quantité). Ce programme nous paraît indispensable à un double titre: D'abord, parce qu'il fournit aux utilisateurs de l'eau (Hydro-Québec, ministères des Transports, Agriculture, Tourisme...) des renseignements précieux dès qu'il s'agit de construire des centrales hydroélectriques, des ponts, faire des aménagements touristiques, etc.

Ensuite, parce que nous nous devons de mieux connaître notre potentiel hydrique, alors que des villes comme Montréal et Québec devront, dans un avenir très prochain, s'assurer de leur approvisionnement en eau potable.

Par contre, nous nous sommes vus contraints de diminuer de près de $2 millions nos travaux en cours d'eau. A part la reconstruction du barrage de Waterville et des travaux anti-inondations à Saint-Michel-des-Saints, nous nous contenterons du parachèvement des travaux existants et consoliderons l'entretien des ouvrages existants, c'est-à-dire: l'achèvement du barrage sur la rivière Maskinongé, l'achèvement de deux barrages de régularisation à Trois-Pistoles, la fin des travaux de protection côtière en Gaspésie, la stabilisation du lit de la rivière Sainte-Marguerite, la modifica- tion du barrage de la rivière Sainte-Anne, le parachèvement du barrage sur la rivière Bulstrode à Victoriaville, l'achèvement de la reconstruction du barrage sur la rivière des Pins au lac Saint-Joseph.

M. Lessard: La rivière Sainte-Marguerite, laquelle?

M. Cournoyer: La rivière Sainte-Marguerite. M. Lessard: Sur la Basse-Côte-Nord ou celle...

M. Coumoyer: La rivière Sainte-Marguerite, c'est en haut, sur la Basse-Côte-Nord.

M. Lessard: Sur la Basse-Côte-Nord. Il y en a deux.

M. Coumoyer: C'est celle de la Basse-Côte-Nord.

Je rappellerai cependant qu'en ce qui concerne le problème des inondations nous sommes à la veille de conclure deux ententes avec le fédéral; l'une portera sur la cartographie des plaines d'inondation à Montréal; l'autre portera sur la réalisation d'ouvrages anti-inondations dans la région de Montréal et les travaux devraient débuter dès cette année.

Nous pourrions également commenter l'évolution des crédits dans les autres programmes du ministère mais nous aurons l'occasion de le faire lorsque nous passerons en revue chaque programme.

Aussi voudrais-je plutôt profiter du début de nos travaux pour rappeler qu'en période d'autérité budgétaire un ministère se doit de clarifier et de rajeunir ses politiques afin d'en extraire les principales priorités. C'est de cette question d'élaboration de politiques que je vais maintenant vous parler.

Tout d'abord, en ce qui concerne le développement minier:

Je n'ai pas l'intention de vous défiler le catalogue de nos actions, non plus que vous indiquer un ensemble de solutions précises et nettes que nous pourrions détenir de façon absolue à ce moment-ci. Mon propos sera plutôt de vous indiquer en quoi nous nous trouvons à une certaine croisée des chemins en termes de politique de développement économique dont, j'ose le dire, le développement minéral est la partie primordiale au Québec. Cette croisée des chemins s'interprète par les cinq questions fondamentales suivantes:

Comment faire en sorte que les règles du jeu public, les plus claires possible, assurent aux investisseurs, dans le domaine minier et à la population québécoise, un rendement équitable?

Comment s'assurer que le rôle croissant de protection du public et des intérêts de la collectivité, assumé par les différents paliers de gouvernement, ne viennent pas en contradiction ou ne freinent pas la croissance du secteur minéral?

Quels peuvent être nos outils les plus importants d'accélération et d'encadrement du développement minéral?

Comment s'assurer de la participation maxi-

male des Québécois au développement minéral?

Comment le développement des ressources minérales doit-il s'intégrer le mieux possible au développement économique, social et culturel du Québec?

J'entrerai donc immédiatement dans le vif du sujet. La première question que nous nous posons: Comment faire en sorte que les règles du jeu public, les plus claires possible, assurent aux investisseurs, dans le domaine minier, un rendement équitable? On sait que les investissements dans les secteurs miniers ont, en général, trois caractéristiques: — Des investissements importants doivent être faits en matière d'exploration et de recherche avant que soit prise la décision d'exploiter un gîte. — Les investissements d'exploitation s'étendent sur une période de temps assez longue avant d'obtenir un rendement sur le capital. — Les prix sont sujets à des variations importantes et cela a des effets directs sur les prévisions de rendement et d'autofinancement des entreprises.

Ces trois caractéristiques du domaine minier sont souvent présentées comme étant exclusives à ce domaine. Cela était peut-être vrai dans le passé, mais devient de moins en moins caractéristique du développement minéral en 1976. Dans le contexte inflationniste de 1976, toute décision d'investissement important dans le domaine manufacturier, dans le domaine forestier, dans le domaine de l'énergie fait face essentiellement aux mêmes contraintes. Ce qui est important, me semble-t-il, ce n'est pas tellement la spécificité de l'investissement minier, mais la nécessité qui existe que les règles du jeu, entre les partenaires du développement minéral, soient les plus claires possible.

Dans tous les pays du monde, les législations et les réglementations minières ne sont pas statiques; elles sont dynamiques, s'ajustant à l'ordre des moyens et des objectifs poursuivis pour la population. Cette dynamique ne doit pas, cependant, être fluide au point où elle serait insaisissable. Elle fait l'objet de déclarations formelles de politiques gouvernementales et, ensuite, elle est traduite dans des législations et des réglementations au nom du bien commun.

Nous avons l'intention, au cours de 1976, de revoir nos objectifs de développement minier et l'ordre de nos moyens pour les atteindre. Nous avons l'intention d'en discuter avec nos partenaires privés et nous avons l'intention de définir ou de préciser un certain nombre de règles du jeu qui soient claires et ordonnées. De cette façon, chacun saura à quoi s'en tenir sur une période de temps suffisamment longue pour introduire les éléments de stabilité en ce domaine.

En ce qui concerne les règles du jeu générales qui ont présidé l'action du gouvernement jusqu'à maintenant, tant pour l'exploration que pour l'exploitation et la mise en valeur, que pour la fiscalité, que pour l'aide aux infrastructures, elles devront être différenciées selon les types de substances minérales. Ainsi, je ne sais pas pourquoi le Québec aurait la même attitude vis-à-vis de l'in- dustrie de l'amiante qui exporte intégralement sa production après un traitement sommaire que vis-à-vis de l'industrie du cuivre qui transforme au Québec plus qu'elle n'extrait au Québec.

Voila sommairement résumé le principe de base qui devrait définir les relations entre les différents partenaires du développement minier et le gouvernement.

La deuxième question que nous nous posons est la suivante: Comment s'assurer de la coordination entre différents paliers de gouvernement oeuvrant dans des secteurs qui peuvent se compléter ou qui peuvent différer quant aux intérêts et aux juridictions?

Vue avec l'oeil de l'entreprise privée, cette coordination est quelque chose qui devrait aller de soi, qui n'est pas très compliqué et qui, si elle ne se réalise pas, est due à des chicanes de clocher ou de chapelle. Je suppose que, pour l'entreprise privée ou pour ceux qui la représentent actuellement, la meilleure coordination intergouvernementale serait celle qui donnerait une meilleure fiscalité, des services techniques gratuits plus grands et de l'aide financière plus importante. Il s'agit là, à mon avis, d'une vision un peu utopique des choses. Le développement minier touche à de multiples domaines: politique fiscale et monétaire, relations de travail, environnement, commerce extérieur, transport, transformation manufacturière, sécurité des travailleurs, etc.

Beaucoup de décisions fondamentales ou quotidiennes affectent le développement minéral. Lorsque le gouvernement fédéral, geste difficile à prévoir il y a cinq ans, crée la Régie de la lutte anti-inflationniste et que le gouvernement du Québec crée lui-même sa propre régie dans le respect de sa juridiction, il s'agit là d'un instrument puissant qui affecte, à notre sens, le développement minéral.

Lorsque le gouvernement fédéral crée une agence de tamisage des investissements étrangers et que le gouvernement du Québec définit une politique à l'égard de ces mêmes investissements, voilà des gestes qui influent considérablement sur le développement des ressources minérales.

Lorsque le gouvernement fédéral négocie les accords du GATT, les décisions qui découleront de ces ententes ne peuvent laisser indifférents les autres partenaires dans le domaine minier.

Lorsque le gouvernement du Québec crée une commission sur la salubrité dans l'industrie de l'amiante, il a d'abord pour objectif la santé d'une partie de la population, tout en sachant que les investissements requis pour réaliser cet objectif exigeront des investissements qui ne sont pas liés directement au développement minéral.

Voilà quatre illustrations du genre de problèmes de coordination auxquels nous faisons face. Il existe cependant un principe de base qui devrait guider la coordination entre les paliers de gouvernement: c'est celui du respect des juridictions. Les gouvernements provinciaux sont responsables du développement de leurs ressources naturelles qui leur appartiennent en tenant compte des intérêts de la collectivité, et le gouvernement fédéral a une

juridiction en ce qui concerne notre commerce international, compte tenu des priorités internes de développement du pays.

L'autre question que nous nous posons: Quels peuvent être nos outils les plus importants d'accélération et d'encadrement du développement minéral? Voilà une préoccupation qui, personnellement du moins, m'intéresse particulièrement, à titre de ministre des Richesses naturelles. Nous avons, à l'intérieur de cet organisme, un certain nombre de services, un personnel professionnel extrêmement compétent, des programmes d'activités multiples. Ceux-ci sont-ils à point? Prenons un exemple pour illustrer notre pensée, soit le domaine de la recherche géologique et de l'exploration. A l'heure actuelle, nous avons trois programmes principaux: - Un programme de connaissance du territoire, c'est-à-dire une couverture générale du territoire qui peut servir également à d'autres fins que le domaine minier. - Un programme de connaissance plus élaboré faisant appel à des techniques modernes concernant la recherche et l'analyse de cibles minéralisées, projets jugés intéressants. -Enfin, un programme concernant la localisation de gîtes à fort potentiel avec des études très détaillées.

Nous avons aussi un centre de recherches minérales et une usine pilote, et nous avons des programmes de construction de routes en vue de l'exploration.

L'ensemble de ces programmes est-il suffisant? N'y aurait-il pas lieu de doubler les sommes d'argent affectées à ces programmes? Pouvons-nous nous spécialiser davantage, en laissant la couverture générale du territoire à d'autres organismes, les universités par exemple, et en concentrant davantage nos interventions sur les zones jugées à fort potentiel, en allant jusqu'à effectuer des forages, par exemple?

Ne devrait-on pas établir un programme quinquennal d'exploration public et privé, où un certain nombre de secteurs miniers, le cuivre, le zinc, l'uranium par exemple, feraient l'objet de priorités?

Pourrait-on envisager que le rôle de SOQUEM soit augmenté considérablement et que la tâche de connaissance des zones à fort potentiel lui soit confiée en lieu et place du ministère? Ne devait-on pas constituer un fonds spécial qui regrouperait les petites entreprises d'exploration de façon à leur dégager une base de manoeuvre qui leur manque à l'heure actuelle et que le gouvernement pourrait utiliser pour développer l'exploration là où elle ne se fait plus ou là où elle ne se fait pas encore? Voilà autant de possibilités d'intervention qu'il nous faut examiner sérieusement.

Oui, monsieur. Une chose est certaine, les travaux d'exploration des sociétés privées sont insuffisants à l'heure actuelle pour nous permettre d'optimiser le potentiel minier disponible au Québec. Le ministère en fait-il trop? Les sociétés ou les investisseurs sont-ils devenus subitement avares de leurs deniers? En ce qui me concerne, je vous indique qu'il est absolument nécessaire que des efforts plus importants, et plus judicieux peut-être, soient faits pour accélérer les travaux d'exploration, les travaux de recherche de nouveaux procédés, l'achat possible de brevets porteurs de haute technologie, sinon nous risquons de voir le développement minéral péricliter au Québec et cela est très difficile à accepter pour une société comme la nôtre.

Je voudrais maintenant aborder avec vous la quatrième question:

Comment s'assurer de la participation maximale des Québécois au développement minéral?

A l'inverse des ressources forestières ou des ressources hydroélectriques qui elles se renouvellent, les substances minérales s'épuisent à l'intérieur d'une période de temps plus ou moins longue, dépendant de la dimension du gisement et du rythme d'exploitation. Devant une telle situation, quelles sont les formules offertes pour que ces ressources qui appartiennent aux gens du Québec leur rapportent le plus possible?

Il y a plusieurs formules qui peuvent exister. Prenons, à titre d'exemple, l'Alberta en ce qui concerne le pétrole et le gaz. Le gouvernement al-bertain a constitué un fonds spécial appelé "Heritage Savings Trust Funds". Ce fonds est alimenté par une certaine proportion de revenus provenant de la vente du pétrole et du gaz et un système d'allocation du fonds se fait par l'intermédiaire d'un comité spécial de la Législature.

Voilà une formule qui permettra à l'Alberta, lorsque le pétrole et le gaz seront épuisés de générer le développement économique dans d'autres secteurs au profit des générations futures. Est-ce qu'une telle institution est une idée qui pourrait apparaître intéressante pour le Québec?

Une deuxième formule pourrait être une allocation beaucoup plus judicieuse de certaines substances jugées stratégiques pour le développement minéral du Québec. Dans d'autres secteurs miniers, le Québec possède des ressources connues très importantes ayant des indices de minéralisation élevés. Prenons l'exemple du minerai de fer, où les réserves sont assez considérables. Les conditions d'allocation pourraient être plus généreuses que dans certains autres secteurs, par exemple le colombium, où les réserves connues sont beaucoup moindres.

Une troisième formule pourrait être une transformation assez radicale de l'allocation des ressources minérales telle que pratiquée actuellement. A l'exemple du domaine forestier, il pourrait y avoir un système de garantie d'approvisionnement des substances minérales, à partir des gisements existants ou nouveaux, selon une utilisation optimale de la ressource.

Une quatrième formule pourrait être un fonds minier spécial pour le reclassement des travailleurs lorsqu'un gisement est épuisé et qu'il faille fermer une mine. Cette formule a déjà été suggérée dans le passé. Il y aurait peut-être lieu de l'étudier très spécialement cette année.

Enfin, une cinquième formule est de ne rien changer au système actuel d'allocation des ressources, mais d'introduire une mesure fiscale spéciale directement reliée à l'épuisement du gise-

ment: un taux régressif au fur et à mesure que le gisement s'épuise.

D'autres formules peuvent être examinées; j'en ai soulevé quelques-unes seulement pour vous indiquer qu'il faudra tôt ou tard dégager les solutions les plus judicieuses à ce sujet. Sinon, les générations futures nous accuseront, avec raison, d'avoir dilapidé les ressources minérales du Québec sans avoir prévu les moyens de permettre à ces générations de se développer. En 1966, près de quarante mines de métaux non ferreux étaient en exploitation. En 1980, on prévoit qu'il y en aura au plus une vingtaine. Et, en l'an 2000, en restera-t-il s'il n'y a pas de nouvelles découvertes? Voilà une question qui nous préoccupe beaucoup.

Je voudrais enfin soulever une cinquième question importante: Comment le développement des ressources minérales doit-il s'intégrer le mieux possible au développement économique, social et culturel du Québec?

Il y a deux constatations de base qu'il nous faut faire avant de tenter de répondre à cette question. D'abord, le développement minier au Québec est largement le fait des sociétés multinationales dont les prises de décisions sont extérieures au Québec. Ceci a comme conséquence que les Québécois sont largement absents des structures de décision. Mon collègue, monsieur Saint-Pierre, signalait d'ailleurs récemment ce problème dans une conférence à la Chambre de commerce de Montréal. Le peu de Québécois présents au sein des conseils d'administration des compagnies minières me semble un fait absolument incongru.

Deuxième constatation, les compagnies minières fonctionnant au Québec sont plus particulièrement orientées vers l'exportation des ressources minérales, plutôt que vers une transformation sur place de ces substances minérales. Les raisons évoquées sont plus particulièrement la taille petite des marchés québécois et l'intégration verticale de la production et de la transformation. Dans un rayon de 500 milles de Montréal, ne trouvons-nous pas un bassin de population de 100 millions de personnes? N'avons-nous pas un certain "know-how" qui n'existe pas dans certains pays? N'avons-nous pas des circuits financiers efficaces? N'avons-nous pas une productivité importante? N'avons-nous pas des moyens de transport ferroviaire, maritime très efficaces? N'avons-nous pas le fleuve Saint-Laurent, axe central majeur de pénétration au coeur de l'Amérique du Nord et ouvert sur l'extérieur? Alors, pourquoi n'y a-t-il pas plus de transformation sur place alors que les facteurs de localisation que je viens d'énoncer sont réels et tous favorables? Voilà une constatation de fond par rapport à laquelle il faut non seulement réfléchir mais trouver des solutions.

Quels sont les choix possibles? Un premier choix consisterait, pour assurer la présence des Québécois au sein des conseils d'administration d'entreprises, à définir une réglementation particulière visant à l'incorporation des sociétés chez nous.

Toute compagnie fonctionnant au Québec pourrait se voir exiger une charte du gouvernement du Québec. Cette incorporation pourrait être nécessaire au stade de l'exploitation et au stade de la transformation.

Un deuxième choix pourrait être qu'une proportion à définir de francophones et de Québécois soient membres des conseils d'administration des entreprises. De cette façon, on s'assurerait d'un certain type de leadership du milieu et de sa participation à la prise de décision économique.

Un troisième choix pourrait être une prise de participation significative dans certains projets jugés importants. Ce fut l'exemple de la création de SIDBEC dans l'utilisation et la transformation du minerai de fer.

Un quatrième choix pourrait être de confier à SOQUEM un rôle accru au niveau de la transformation en en faisant le bras exécutif du ministère plutôt, comme c'est le cas actuellement, que d'être concurrentielle aux autres entreprises privées.

Un cinquième choix pourrait être de modifier la loi de la Caisse de dépôt et placement et d'augmenter sensiblement le pourcentage de ses actifs, qu'elle peut utiliser dans du capital de risque et plus particulièrement dans la transformation des ressources minérales au Québec.

Un sixième choix pourrait être d'imposer aux sociétés minières un pourcentage obligatoire de réinvestissement des profits dans des unités de transformation reliées aux ressources chez nous.

Comme on peut le constater, les options sont multiples. Il y a, cependant, une option qui serait encore plus intéressante, c'est que les compagnies minières fonctionnent au Québec préparent un plan d'investissements à moyen terme qui indiquerait, dans les grandes lignes, les programmes d'immobilisation qu'elles envisagent au niveau de la transformation de la ressource au Québec.

De cette façon, nous pourrions préparer le cadre d'accueil gouvernemental de ces programmes en mettant en place tous les éléments d'accompagnement, tels la fiscalité, les transports, la main-d'oeuvre, etc.

Je n'insiste pas plus là-dessus. Je voudrais conclure sur deux propositions principales qui sont l'objet des réflexions de mon ministère. Il y a lieu, à mon avis, comme pour l'énergie d'ailleurs, de revoir en 1976 l'ensemble de nos objectifs et de nos programmes d'action, tant du côté gouvernemental que du côté privé, en ce qui concerne le développement minéral. Les conditions de développement sur le plan international, nord-américain, canadien et québécois sont telles qu'il faille faire un effort important de réflexion et d'analyse pour bien situer dans le futur quels devraient être les programmes gouvernementaux et les plans de développement de nos principales industries minières.

Deuxièmement, le développement minéral constitue au Québec l'un des points forts et l'un des points de base du développement économique global? Il nous apparaît essentiel que ce développement se fasse en symbiose avec l'ensemble du développement de la collectivité québécoise, tant sur le plan économique que social et culturel.

Depuis le dépôt du rapport de la commission Legendre sur l'étude des problèmes juridiques de

l'eau, un long travail de maturation s'est effectué au gouvernement parallèlement aux travaux concernant les problèmes d'affectation du territoire et de protection de l'environnement. Aujourd'hui, quatre principes apparaissent acquis aux yeux du gouvernement en ce qui concerne l'eau.

L'eau doit être définie comme une ressource collective gérée par l'Etat. Depuis les dernières décennies, les utilisations de l'eau se sont diversifiées à un point qu'à l'heure actuelle sa consommation, la récréation de plein air, son pouvoir de transport et de diffusion des déchets en font sans aucun doute une ressource à usage collectif, au même titre que l'électricité ou le gaz. Son importance est devenue telle, surtout dans les zones urbanisées, que la définir traditionnellement comme une extension du lit et des berges est devenu insuffisant. Il est donc indispensable d'en faire un objet spécifique de droit et une source d'obligation tant de la part du gouvernement que des citoyens.

Son obtention en quantité et qualité désirées et sa répartition exigent des investissements tels que la satisfaction des besoins en eau devra être réglée par un mécanisme s'apparentant au mécanisme de prix.

Vous savez probablement que la simple épuration des eaux à un niveau minimum de traitement coûtera au secteur public plus de $1 million pour toute la province.

M. Malouin: Plus d'un milliard?

M. Cournoyer: Pardon?

M. Malouin: Plus de $1 milliard.

M. Cournoyer: Plus de $1 milliard, pour toute la province, c'est ça.

Il n'est donc plus possible de considérer l'eau comme une ressource gratuite et facile à obtenir.

M. Lessard: Si l'on ne fait rien, cela va coûter plus cher.

M. Cournoyer: II importe, pour préserver l'eau, de préserver les berges des cours d'eau, d'y garantir la possibilité d'un accès public et de préserver tout particulièrement les terres publiques riveraines.

Nous entendons par là que certaines restrictions doivent être apportées à l'occupation spontanée des rives et que là où l'Etat est propriétaire, il devra lui-même donner l'exemple dans la sélection des occupations minimisant l'impact sur l'eau.

Il est nécessaire que l'eau soit gérée par un administrateur unique. L'application de ce principe permettra de mettre fin à la multiplication non coordonnées des diverses interventions publiques et privées sur l'eau.

Pour appliquer ces quatre principes, je me propose de vous exposer la batterie des cinq grandes réformes que nous entendons soumettre dès cette année. A savoir: la réforme juridique du statut de l'eau; la réforme des conditions d'utilisation de l'eau; la réforme de l'occupation du lit et des berges; la réforme du mode d'allocation de l'eau; la réforme administrative dans le secteur de l'eau.

La première réforme, c'est celle qu'on appelle la réforme juridique. La multiplication, depuis les dernières décennies, des utilisations de cette ressource naturelle a été marquée par un passage graduel d'usages prioritairement à des fins privées vers des usages à caractère de plus en plus collectifs.

Mentionnons d'abord les utilisations qui nous apparaissent comme les plus vitales: l'alimentation domestique, la vie végétale et plus particulièrement l'agriculture, la production d'énergie hydroélectrique et la récréation en milieu hydrique que ce soit par les sports nautiques, la baignade ou la pêche sportive.

Les usages à caractère privé sont encore abondants et l'eau est, pour un certain nombre d'industries, un facteur essentiel de production. Il ne faut pas non plus négliger l'utilisation souvent malheureuse qu'on en fait pour l'évacuation et l'épuration partielle des rejets.

Selon le droit actuel, l'eau en tant que ressource n'est jamais l'objet de législation. Elle est considérée par le Code civil comme un accessoire à la propriété foncière et, de ce fait, devient un privilège d'une minorité de citoyens, qu'ils soient propriétaires des lits des cours d'eau, ou encore riverains.

Le caractère collectif de l'eau peut donc imposer au législateur la nécessité de la soustraire aux droits privés et individuels, sans pour autant toucher aux droits sur les lits et les berges, car il nous paraît illusoire de croire que l'on puisse retenir la notion de ressource collective pour l'eau et, en même temps, accepter pour cette ressource des droits d'usage exclusif à une minorité. Ces deux notions nous paraissent contradictoires.

La gestion d'une telle ressource doit être confiée à un agent de nature publique. Ceci implique que sa gestion soit soumise d'une façon quelconque à un contrôle de l'appareil législatif et gouvernemental. Il ne suffit plus à l'Etat d'assurer certains grands droits dits publics, qu'a traditionnellement reconnus le droit français comme la navigation, la pêche et le flottage du bois; il revient à l'Etat de contrôler l'affectation et les usages de cette ressource de façon à en permettre une utilisation meilleure sinon optimale et de veiller à sa conservation.

Il nous faut donc examiner les diverses possibilités qui se présentent à nous dans la façon de concrétiser juridiquement ce concept de ressource collective. A titre d'hypothèse, il serait possible, par exemple, de supprimer unilatéralement, sans compensation aucune, la majorité des droits individuels en regard de l'eau sans supprimer les droits de propriété des lits et des rives comme s'apprête à le faire l'Argentine. Il serait aussi possible, pour l'Etat, de ne supprimer aucun droit de propriété et de riveraineté et de se déclarer pro-

priétaire de tous les lits, s'assurant ainsi un contrôle quasi parfait sur cette ressource. D'autres hypothèses, telle la restriction aux droits absolus et acquis inhérents à la propriété et à la riverai-neté, devront également être envisagées et c'est ce que nous examinons actuellement.

Le Québec se place parmi les pays du monde les mieux pourvus en eau douce. Des précipitations de pluie et de neige, réparties de façon presque uniforme sur tous les mois de l'année, assurent à notre vaste réseau de rivières des ruissellements qui dépassent presque toujours notre capacité d'utilisation tandis que nos nombreux lacs — il y en a un million au Québec — nous assurent des réserves supplémentaires et sont une richesse récréative et touristique incomparable.

Cette situation d'abondance est à l'origine de nos problèmes. Considérée comme inépuisable, l'eau a été l'objet d'usages abusifs; elle est maintenant dégradée et menacée de le demeurer longtemps, du moins dans la partie habitée et industrialisée de notre province. Bien sûr, nous ne manquons à peu près jamais d'eau, mais, hélas! quelle eau avons-nous? L'utilisation de nos cours d'eau pour la dilution des égouts nous amène une contrainte majeure: nous ne pouvons plus trouver à bon marché de sources d'approvisionnement en eau de bonne qualité. Ceci se produit partout où nous avons dépassé la capacité d'autoépuration des cours d'eau.

Malgré cette situation d'abondance relative, nous aurons toujours des conflits d'utilisation. En effet, le flottage du bois sera toujours incompatible avec la navigation de plaisance, l'utilisation d'un réservoir pour la lutte contre les inondations ou l'approvisionnement en eau entrera toujours en conflit avec la stabilité du plan d'eau désirée par les propriétaires riverains installés autour de ce réservoir.

Il nous faut donc implanter un système de planification et de contrôle de toutes les utilisations de l'eau. Cette planification doit faire disparaître l'anarchie qui a présidé jusqu'ici à l'utilisation tant de l'eau que des berges de nos lacs et rivières. Cette planification vise en premier lieu et en tout temps à assurer l'eau potable pour satisfaire les besoins vitaux des citoyens et, en second lieu, à combler les besoins agricoles, commerciaux, industriels et récréatifs tout en respectant la demande biologique du milieu aquatique.

La surabondance semblait autoriser n'importe quel usage de l'eau et des berges. Nous ne pouvons donc pas blâmer nos prédécesseurs pour leur manque de planification. Nous devons constater cependant que les usages consentis ou tolérés constituent une allocation de l'eau, une affectation de facto qu'on ne peut malheureusement pas remettre en question de façon systématique. Peut-on exiger le déménagement d'industries polluantes mal localisées à la tête des bassins-versants? Peut-on déloger les propriétaires riverains sous prétexte que la masse des citoyens n'a pas suffisamment d'accès aux lacs et rivières? Peut-on exiger le déplacement des habitations et industries construites dans les plaines inondables? Doit-on déménager certaines activités hu- maines agglutinées au bord des cours d'eau qui n'ont plus la capacité de les supporter? Doit-on fermer abattoirs, laiteries et porcheries situés en bordure des cours d'eau?

S'il nous faut vivre aujourd'hui avec les problèmes résultant d'une affectation fautive et inconsciente de l'eau, nous devons toutefois prendre désormais en main le contrôle de tous les usages futurs de l'eau et des berges. En exerçant une planification judicieuse des projets de développement, nous pourrons rentabiliser au maximum les ressources en eau disponibles.

Cette planification doit-elle se faire à l'échelle du bassin-versant? Quelle unité de bassin-versant doit-on choisir? Doit-on travailler à l'échelle de la rivière du Nord, de l'Outaouais ou du Saint-Laurent?

Une autre question controversée: Doit-on tenter d'aménager le territoire en fonction des disponibilités en eau, ou bien tenter d'aménager les ressources en eau pour répondre aux impératifs de l'aménagement du territoire? Pour nous, il nous apparaît plus sage de ne pas subordonner l'aménagement du territoire aux disponibilités en eau. Toutefois, l'eau, comme toutes les autres ressources, l'énergie, la faune, la forêt, les mines, impose aux aménagistes du territoire des contraintes que les aménagistes ne peuvent négliger.

De toute évidence et en l'absence de critères clairs de planification, il apparaît nécessaire de commencer par instaurer un meilleur contrôle des utilisations futures de l'eau.

Ce contrôle commence par un inventaire de tous les usages de l'eau. Il est nécessaire de quantifier toutes les captations et tous les rejets et, à cet effet, on pourrait être tentés de penser à l'installation de compteurs individuels ou collectifs.

En principe, tous les intervenants dans l'eau ne devraient-ils pas être munis d'une autorisation de l'administration de l'eau? Pour des raisons d'efficacité, on devra probablement procéder par étapes et ne contrôler, en premier lieu, que les usagers les plus gros et les plus polluants.

L'émission de ces autorisations requiert la préparation de normes minimales d'utilisation de l'eau, en particulier pour les rejets mais aussi la rédaction de normes spéciales pour certains usages spécifiques de l'eau, usages susceptibles de surtaxer le pouvoir auto-épurateur de nos cours d'eau. Les conflits d'utilisation que nous mentionnions plus haut nécessitent une prise de décision qui pourra se matérialiser sous la forme d'autorisation d'utilisation de la ressource. Les autorisations prendront-elles la forme de permis d'utilisation, de baux ou de concessions? Seront-elles consenties à court ou à long terme, renouvelables automatiquement, conditionnelles? Seront-elles accordées automatiquement aux usagers actuels? Comporteront-elles des limitations quant aux quantités octroyées? Toute une série de questions se pose à l'administration quant aux modalités que devra prendre ce contrôle des usages de l'eau.

Une chose est certaine, il faudra de plus que l'administration de l'eau veille à ce que les usagers de l'eau respectent bien les clauses inscrites dans

leur autorisation. Quel serait le rôle des divers ministères dans ce contrôle? Celui du protecteur de l'environnement, celui des municipalités? Voilà des questions importantes que tout le monde doit mettre sur son calendrier de réflexion.

C'est le troisième volet de cette réforme, l'administration du lit des cours d'eau et des berges, qui nous inquiète particulièrement. A notre avis, cet aspect de la gestion d'une partie du sol prend une importance toujours croissante face aux désirs et a la pratique d'une partie de la population d'empiéter sur les cours d'eau. Cette tendance populaire suscite des oppositions de plus en plus nombreuses des écologistes et des protecteurs de l'environnement.

Pour contrôler adéquatement les utilisations de l'eau, il nous apparaît essentiel d'avoir un mot à dire sur l'occupation des berges. Parce que son application est peu opérationnelle, le strict principe de la réserve des trois chaînes applicable le long des cours d'eau non navigables ne peut être maintenu. Toutefois, il est indispensable que l'on retienne le principe d'un zonage des rives et que l'on réserve, le long des cours d'eau, une bande de terrain en vue de les protéger et de favoriser pour le public certains droits d'accès ou de jouissance.

Il nous faudra s'en servir avec discernement et penser à un mécanisme de réserve fonctionnelle et souple où des normes environnementales strictes s'appliqueraient.

Le quatrième volet de la réforme suscite beaucoup de réflexion et se résume en fait à la question suivante: L'eau doit-elle avoir un prix? Ressource collective et gratuite, l'eau coûte quelque chose sitôt qu'on se met en frais de l'utiliser. Il y a toujours un coût pour rendre l'eau disponible aux utilisateurs; il y a également un coût pour restituer aux cours d'eau des eaux usées suffisamment épurées pour qu'elles ne "surtaxent" pas le pouvoir auto-épurateur du cours d'eau, pour que soit satisfaite la demande biologique du milieu aquatique.

L'eau est un facteur de production industrielle et agricole et, dans ce sens aussi, elle a un prix. Pôle d'attraction en villégiature, l'eau est d'autant plus attrayante qu'elle est plus propre. Facteur de production de la faune aquatique, l'eau est d'autant plus productive qu'elle est bien oxygénée; la rivière, le lac en santé ont un prix qui correspond aux efforts d'épuration consentis pour les maintenir dans cet état. Revient-il aux utilisateurs ou à la collectivité de payer le coût de l'eau?

Nous avons tendance à retenir l'option selon laquelle l'utilisateur ou le pollueur abusif devrait être pénalisé, des redevances étant perçues pour les prélèvements d'eau excessifs ou imposées à ceux qui retournent dans la rivière une eau trop dégradée.

Cette façon d'agir serait une incitation impérative des consommateurs à limiter les gaspillages. L'utilisateur-payeur prendra l'habitude d'éviter les consommations excessives; les municipalités prendront intérêt aux prévisions des besoins réels de la population; les agriculteurs limiteront les quantités d'eau d'irrigation aux besoins réels de la culture et l'industrie verra un avantage pécuniaire au recyclage de ses eaux, alors que les apports d'eaux nouvelles se limiteraient aux volumes in-dispendables pour compenser les consommations réelles, les pertes et les fuites inévitables.

Dans plusieurs pays du monde aux ressources en eau plus limitées que chez nous, qu'il s'agisse de l'Allemagne, de l'Angleterre ou de la France, on remarque que les efforts d'économie d'eau conduisent à des solutions d'épuration. L'économie d'eau dans les processus industriels (recyclage, fonctionnement en circuit fermé, séparation des rejets incompatibles entre eux et concentration des affluents) semble être le premier pas vers l'antipollution.

Il est impératif d'établir un mécanisme de prix équitable qui permettrait d'atteindre les buts suivants: fin du gaspillage, augmentation du potentiel économique, dépollution accrue des cours d'eau, développement d'une conscience collective vis-à-vis de l'eau, bien public.

C'est pourquoi, tout en visant par un mécanisme de prix, la fin de la période de gaspillage, nous avons comme objectif prioritaire de préserver l'avantage économique qu'il y a de jouir au Québec d'une situation d'abondance. Cet objectif, nous pouvons le formuler ainsi: pour les Québécois, une consommation raisonnable d'eau devra pouvoir demeurer gratuite.

Comment abordons-nous présentement la réorganisation administrative? Nous nous devons d'étudier les grandes options qui s'offrent. L'administration devra-t-elle être fortement centralisée au sein du gouvernement québécois? Doit-on, même dans cette optique, songer à une déconcentration de l'administration permettant de mieux tenir compte des particularismes régionaux? Faut-il ensuite souhaiter, comme la commission Legendre l'a recommandé, une complète décentralisation de l'appareil administratif et remettre à des agences régionales de bassins la mise en valeur et la conservation de leur eau, leur laissant en même temps le fardeau du financement et de la collecte des redevances? Ceci aurait l'avantage d'amener rapidement le public à considérer l'eau comme une ressource qui doit se gérer collectivement.

Toutefois, cette dernière option nous apparaît, pour le moment, fort discutable. Il n'est pas facile de délimiter géographiquement des territoires regroupant des rivières à vocation similaire. De plus, des structures décentralisées ne feraient possiblement qu'accentuer les disparités économiques régionales, les agences les plus pauvres ne pouvant mettre en oeuvre leurs ressources en eau, faute de moyens financiers. Enfin, n'oublions pas qu'au Québec, où on est six millions, on ne peut supporter indéfiniment l'addition d'organismes décentralisés à la fois régionaux et sectoriels.

Il apparaît donc sage, dans un premier temps, de consolider l'administration de l'eau, quitte à la déconcentrer à la lumière de l'expérience des prochaines années. Alors que depuis 100 ans, et la commission Legendre l'a fort bien démontré, on a multiplié les agences d'intervention dans le secteur eau à un point tel qu'il est devenu difficile de

coordonner même les actions gouvernementales, il faut, de toute urgence, réunir tous les intervenants autour d'un mandat unifié.

Nous sommes à la recherche d'une formule de gérance de l'eau qui effectuerait sa mise en valeur et sa conservation, sans pour autant regrouper tous les autres organismes intéressés à l'eau en tant qu'usagers.

Devrait-on confier à un ministère-ressource le pouvoir de trancher les litiges entre utilisations concurrentes de l'eau? Nous penchons, à l'heure actuelle, pour un gérant de l'eau, qui veillerait strictement à ce qu'aucune utilisation de l'eau ne soit abusive, une autre autorité gouvernementale tranchant les cas de conflit d'utilisation. Ainsi, l'administrateur de l'eau n'aurait pas à préférer une utilisation touristique plutôt qu'industrielle d'un cours d'eau, cette décision devant résulter d'un arbitrage interministériel.

Une chose, donc, nous apparaît évidente maintenant: l'organisme responsable de la gestion de l'eau n'aura pas comme préoccupation première d'aménager le territoire. Il sera, cependant, chargé de s'assurer que, dans l'aménagement du territoire, la conservation de la ressource et l'équilibre entre la disponibilité d'eau et les besoins réels des utilisateurs soient respectés.

Comme ministre des Richesses naturelles, j'entends présenter aux plus hautes instances gouvernementales à la fin de l'année en cours toutes les dimensions de ce que doit être une gestion moderne et adéquate de l'eau, et un projet de réforme législative devra suivre dans les meilleurs délais.

D'autre part, et avant même que tout ce train de réformes ne soit mis en oeuvre, nous devons intervenir là où l'eau acquiert sa plus grande importance, c'est-à-dire en milieu urbain et tout particulièrement dans la région de Montréal.

Dans cette optique, mon ministère a entrepris, dans la ligne de pensée de la réforme proposée, quatre grands types d'actions: -la lutte contre les inondations dans le cadre, comme je le disais tantôt, d'une entente fédérale-provinciale, c'est-à-dire la cartographie des plaines inondables en vue de leur zonage; -la réalisation des grands ouvrages protecteurs anti-inondation dans le cadre également d'une entente fédérale-provinciale; -l'amélioration de l'occupation des berges des lacs et des rivières autour de Montréal par une redéfinition des rives; -la déconcentration, dans la région de Montréal, d'une partie de l'administration de la Direction générale des eaux de mon ministère.

Voici deux ans maintenant, les pays de l'OPEP imposaient unilatéralement une hausse phénoménale du prix du pétrole brut sur le marché mondial. Cette hausse, on s'en souvient, intervenait alors qu'une grave crise politique se déroulait au Moyen-Orient. Le pétrole produit dans cette région devenait donc l'arme dont on n'avait pu, jusqu'alors, évaluer précisément l'incroyable puissance.

Ce profond bouleversement des conditions du marché pétrolier international a amené les pays développés qui, tous ou presque, importent du pétrole de cette région du monde à réviser leurs politiques énergétiques, afin d'introduire dans celles-ci les nouvelles contraintes qu'implique cette situation.

Le Québec n'échappe pas, comme vous le savez, à la nécessité de réévaluer, lui aussi, les données de base sur lesquelles avaient été élaborées nos positions énergétiques, à la veille des événements que je viens de rappeler, compte tenu que 70% de nos besoins énergétiques sont satisfaits par du pétrole en provenance du marché mondial. Cette forte dépendance de l'étranger, la hausse des prix du pétrole brut et les premières interventions du gouvernement fédéral dans le secteur modifient l'ensemble de la problématique de l'énergie.

Bien conscient qu'il s'agit là d'une révision en profondeur de l'ensemble de notre politique énergétique, je m'attacherai plus en détail aux données du pétrole, du gaz et de l'électricité.

Après avoir retracé les grandes lignes de notre politique énergétique antérieure à la crise, je m'attacherai à mettre en évidence l'impact qu'a eu le changement intervenu dans l'industrie pétrolière mondiale sur le contexte dans lequel cette politique avait été élaborée, en particulier le contexte canadien, pour m'interroger enfin sur la nouvelle problématique de l'énergie qui en découle pour nous et qui guidera nos interventions à venir, en vue de relever le défi auquel nous devons faire face: assurer, dans les meilleures conditions possible, la détermination et la satisfaction des besoins énergétiques du Québec.

Comment envisagions-nous, au Québec, le problème de l'énergie avant 1973?

Comme vous le savez, afin de satisfaire l'ensemble de nos besoins en hydrocarbures, nous avons dû faire appel aux ressources internationales et canadiennes, sous forme de pétrole et de gaz, faute de disposer dans notre province de ressources alors aussi peu coûteuses.

Le pétrole jouait, à cette époque et encore aujourd'hui, le rôle de leader dans le domaine de l'énergie. Tous les pays dépendaient, dans une certaine mesure, du pétrole pour le bon fonctionnement de leur économie. En effet, le pétrole comptait, en 1972, pour plus de 60% de l'énergie totale primaire utilisée par les pays européens de l'OCDE, proportion qui s'élevait à 77% au Japon.

Seuls les Etats-Unis et le Canada, où existait une industrie pétrolière déjà développée, décidaient de ne pas s'en remettre totalement aux approvisionnements mondiaux pour satisfaire leurs besoins, mais prenaient des mesures pour protéger leur industrie. C'est ainsi qu'en 1961 le gouvernement canadien mettait en place la ligne Borden qui garantissait à l'industrie pétrolière du pays l'accès exclusif aux marchés à l'ouest de la rivière Outaouais, laissant le marché de l'est, dont le Québec, s'approvisionner à l'extérieur. Sans cette barrière, le pétrole importé de l'extérieur aurait pu concurrencer la production intérieure et ralentir d'autant le développement du pétrole canadien. Cette politique eut de plus comme effet de freiner l'accroissement de la capacité de raffinage

des raffineries de Montréal au profit de celles de l'Ontario.

M. Lessard: Fédéralisme rentable.

M. Cournoyer: Cette décision favorisa de plus la pénétration et l'utilisation du gaz en Ontario.

L'importance du pétrole dans le bilan énergétique du Québec était donc évidente et c'est pourquoi cette forme d'énergie se situait à la base de toute réflexion sur la politique de l'énergie. Il nous semblait possible de nous approvisionner pendant encore de nombreuses années à un prix relativement stable et dans des conditions de sécurité qui apparaissaient, encore à cette époque, satisfaisantes.

Quant au gaz consommé au Québec, il nous provenait, comme vous le savez, de l'Ouest du Canada. Mais sa part dans la satisfaction de nos besoins est restée faible par rapport aux provinces situées à l'ouest de la ligne Borden et plus spécifiquement à l'Ontario qui bénéficia rapidement d'un réseau gazier couvrant l'ensemble de son territoire, alors qu'au Québec on ne peut bénéficier que d'une seule ligne importante d'approvisionnement qui s'arrêtait à Montréal.

La résultante de ces divers facteurs apparaissait clairement dans notre bilan énergétique. En 1972, 72% de l'énergie totale nette disponible à la consommation québécoise venait du pétrole importé, 5% du gaz, l'électricité produite chez nous couvrant pratiquement le reste, soit 20%.

Cette toile de fond a modelé ce qui fut, en 1972, l'énoncé d'une première politique de l'énergie du Québec, qui se traduisait par cinq objectifs principaux.

D'abord, une disponibilité au meilleur coût qui entraînait les sous-objectifs suivants: -réduction du surcoût du pétrole brut importé; -construction d'un port pour superpétroliers; -rationalisation de la distribution; -transparence et surveillance des prix et marchés; -extension du réseau de gaz naturel; -développement des ressources alternatives d'approvisionnement en gaz naturel; -développement de la recherche du gaz naturel au Québec; -maintien de la concurrence entre les distributeurs de gaz propane.

Deuxième objectif, sécurité des approvisionnements, qui entraîne les sous-objectifs suivants: -stockage de sécurité; -diversification de l'origine des importations; -association avec des sociétés nationales; -encouragement à la recherche des hydrocarbures au Québec.

Un autre objectif, protection des individus et de l'environnement, qui entraîne les sous-objectifs suivants: -protection du consommateur de produits pétroliers; -sécurité dans le transport, la manutention et la distribution; -amélioration du statut professionnel des distributeurs; -protection de l'environnement.

Un autre objectif, augmentation de la valeur ajoutée au Québec: -développement du raffinage; -développement de la pétrochimie.

Enfin, augmentation des intérêts québécois: -développement de SOQUIP; -regroupement des indépendants; -participation des institutions financières québécoises.

Vous comprenez que cette énumération se retrouve également dans l'excellent ouvrage que M. André Marier a fait, à ma demande, sur la politique énergétique québécoise. Il doit, lui aussi, comme moi d'ailleurs, pour vous donner une image exacte de la situation, recommencer et refaire cette énumération pour bien situer les gens qui n'auraient pas le goût de retourner en arrière et de retrouver, dans les documents de 1972, les énoncés que je viens de mentionner.

Vous pouvez fermer votre livre de M. Marier. Je retourne à mes préoccupations personnelles qui ne sont pas nécessairement celles de M. Marier, pas plus que celles de M. Marier ne sont nécessairement celles du ministre des Richesses naturelles. Cette politique rejoignait, comme vous pouvez le constater, le type de préoccupations des pays consommateurs en général.

Si j'ai parlé de la politique énergétique de 1972 au passé, c'est que les conditions dans lesquelles elle a été pensée, puis élaborée ont changé de façon radicale.

Sur le plan mondial, d'abord, le prix du pétrole brut est monté de moins de $3 qu'il était, rendu à Montréal, à plus de $10 avant les subventions. Ensuite, les conditions économiques et politiques dans lesquelles ce marché fonctionne ont été perturbées.

De même, au niveau canadien, les gouvernements ont pris des mesures très importantes dans le secteur énergétique.

En quoi consistent réellement ces changements et quelles en sont les conséquences sur ce qui nous préoccupe ici, la politique énergétique du Québec? C'est ce à quoi je vais tenter de répondre maintenant.

Sur le plan mondial, deux phénomènes de la crise de 1973 sont à retenir. De stable qu'il était, le prix du pétrole des pays exportateurs est devenu imprévisible et l'insécurité des approvisionnements en provenance de certains pays arabes est passée de latente à réelle lorsque, pour régler leur conflit avec Israël, ces pays ont imposé l'embargo sélectif sur les exportations. Au Canada, les autorités fédérales réagissaient à cette crise de court terme en prenant certaines mesures visant officiellement à pallier les effets de la crise mondiale, mais qui étaient, en fait, les premiers jalons de la nouvelle politique pétrolière canadienne.

C'est sur l'ensemble de ces phénomènes qui nous concernent, au Québec, que je veux m'arrê-ter un instant.

A Québec, l'hydroélectricité, en particulier, est un objet de fierté. Notre potentiel hydroélectrique important s'est traduit, dans le sentiment populaire, par la certitude que nous disposions de ressources électriques illimitées. Ce sentiment, comme vous le savez tous, ne correspond pas tout à fait à la réalité. En effet, cette forme d'énergie se fait de plus en plus rare et exige donc que nous en fassions l'allocation de la façon la plus rationnelle possible. Afin de répondre à cette exigence, il convient de s'interroger sérieusement sur le rôle de ce secteur dans l'économie québécoise, tout comme, à une autre époque, avant 1944, on s'interrogea sur l'opportunité de créer une société d'Etat responsable de la réalisation de nos objectifs dans ce secteur, soit l'Hydro-Québec.

Cette décision fut une bonne décision. D'autant plus qu'elle s'accompagna d'une réduction de tarifs qui fit économiser aux abonnés de l'Hydro-Québec, pour la période de 1944 à 1961, la somme de $60 millions, ceci sans compter les sommes épargnées par les abonnés de certaines compagnies privées qui durent, elles, réduire leurs tarifs.

En 1962, la coexistence d'un grand nombre d'organismes de production et de contrôle rendait la situation particulièrement confuse et nécessitait un réaménagement rationnel de cette richesse au Québec.

C'est pourquoi le ministre des Richesses naturelles de l'époque, un type bien connu, rendait publics les principaux objectifs d'une nationalisation du secteur de l'électricité au Québec. Cette décision visait à amener une meilleure coordination des investissements, un usage optimum des forces hydrauliques, une diminution des frais fixes, une uniformisation des tarifs, une revalorisation des régions insuffisamment développées, la création d'un vaste pouvoir d'achat au profit du Québec, ainsi que la formation et la promotion de cadres supérieurs canadiens-français.

M. Lessard: Donc, c'était bien. C'était une bonne chose.

M. Cournoyer: J'ai dit tantôt que cette décision visait à amener... "Est-ce qu'elle l'a fait, c'est probablement ce que vous pourrez demander un jour ou l'autre.

La loi de nationalisation a été votée le 1er mai 1963, comme tout le monde le sait, et particulièrement le député de Saguenay, et donnait aux Québécois les instruments nécessaires pour atteindre les objectifs visés.

Il était naturel que l'Etat confie à l'Hydro-Québec le soin de faire un usage plus rationnel des ressources énergétiques et financières, et que soit offert aux abonnés un service plus uniforme.

En ce qui concerne ce dernier point, des distorsions considérables existaient entre les tarifs pratiqués dans les différentes régions du Québec. La société d'Etat s'attaqua à la tâche. Ainsi, de 1964 à 1970, la capacité de production au Québec augmentait de 46,7%, 97% de cet accroissement étant attribuables à l'Hydro-Québec. La nationalisation rendait possible la planification et la coordination du développement et de l'exploitation de l'énergie hydroélectrique sur toute l'étendue du territoire.

Il n'a fallu que trois ans pour concevoir, construire et mettre au point la première ligne de transport d'électricité à 735 kW jamais construite à travers le monde. Cette ligne, inaugurée en 1965, relie maintenant le poste Manicouagan à Montréal.

L'objectif d'uniformisation des prix d'électricité était également atteint très rapidement. Le nombre de tarifs différents était réduit en quelques années de 80 à 7. Vous avez certainement pu évaluer les avantages qui ont découlé de l'uniformisation tant des tarifs que des services.

Cet effort de rationalisation s'est poursuivi et nous n'avons, maintenant, à toutes fins pratiques, qu'un seul tarif s'appliquant à l'ensemble du territoire, selon les catégories d'usage. La nationalisation devait également permettre le développement d'une compétence et d'une connaissance technique canadienne-française de réputation mondiale.

Si l'on ajoute, aux objectifs généraux de la loi de nationalisation, la recherche de l'utilisation maximale des talents des Québécois et l'accessibilité de notre génie aux grandes décisions techniques qui concernent tous les Québécois, on peut affirmer que comme instrument de réalisation, l'Hydro-Québec avait déjà, dès le début des années soixante-dix, assumé remarquablement son mandat.

Lorsque éclata la crise de l'énergie, à l'automne 1973, la situation du secteur de l'électricité était la suivante: la production de l'électricité atteignait 80,2 milliards de kWh, plaçant le Québec au premier rang parmi l'ensemble des provinces canadiennes. De 1964 à 1973, la puissance disponible, incluant l'aménagement hydroélectrique de Churchill Falls — je précise que la puissance disponible inclut Churchill Falls — donc la puissance disponible totale au Québec était passée de 9500 mégawatts à 14 800 mégawatts; la part de l'Hydro-Québec, dans ce total, progressant de 66% à 75%. L'électricité représentait 20% de la consommation totale de l'énergie au Québec. En fonction de l'augmentation prévue des besoins des consommateurs, le développement de la baie James était déjà en voie de réalisation.

Au mois d'octobre 1973, des événements du Moyen-Orient provoquaient ce qui furent les ruptures les plus brutales que nous n'ayons jamais connues dans l'histoire de l'énergie. D'octobre à décembre 1973, des pays producteurs de pétrole décidaient de quadrupler le prix du pétrole brut, et des pays arabes décrétaient un embargo contre les pays industrialisés soutenant l'Etat d'Israël.

Cette menace de pénurie et cette pression brutale sur les prix du pétrole ont eu des effets immédiats sur les habitudes de consommation d'énergie et, en premier lieu, sur celle de l'électricité au Québec. La crise de l'automne 1973 a, de plus, provoqué un climat général d'incertitude qui a incité les consommateurs à tenter de se prémunir contre les conséquences de ce genre d'événement. En conséquence, il était naturel qu'au Qué-

bec nous assistions à une augmentation de la demande d'électricité. Par la force des choses, un grand nombre de Québécois, désirant abandonner l'utilisation du pétrole pour leur chauffage, ne pouvaient remplacer celui-ci que par une consommation accrue d'électricité, à l'exception, bien entendu, de certaines régions du Québec comme celle de Montréal, mais pas partout à Montréal, Hull et Noranda où le gaz naturel était également disponible.

Il faut bien souligner ici que cette augmentation de la demande fut accentuée, bien sûr, par les campagnes de promotion moussant l'utilisation de l'électricité. En effet, l'Hydro-Québec, se conduisant comme toute entreprise productrice et vendeuse d'énergie, avait entrepris de convaincre la population des avantages inhérents à l'utilisation de l'électricité. On se souviendra, entre autres, du slogan: On est propre, propre, propre. Cette entreprise de promotion, accentuée par le déplacement de la demande dû à la crise pétrolière, fit augmenter de façon inquiétante la demande résidentielle d'électricité.

Pour le secteur résidentiel, la consommation annuelle moyenne d'électricité par abonné s'est accrue de 9.6% en 1974 par rapport à 1973, alors que le chiffre correspondant, pour la période de 1964 à 1974, s'établit, en moyenne, à 5.8%. C'est toujours un chiffre annuel, 5.8% par année. L'accroissement annuel, dans le nombre d'abonnements, se situe autour de 3.5%. Une des causes de cette augmentation se trouve dans la propagation très rapide du chauffage à l'électricité. Le nombre d'abonnements au chauffage électrique a presque doublé de 1972 à 1975. Ce nombre est passé de 151 500, en avril 1972, à 273 000 en avril 1975.

L'Hydro-Québec a pu répondre à cette pression accrue de la demande sans problème particulier grâce à la marge de manoeuvre dont elle disposait dans sa capacité de production d'électricité. La crise de l'énergie a eu une autre conséquence, cependant, plus tardive, mais peut-être plus importante. Les événements d'octobre 1973 ont accéléré et accentué les mouvements inflationnistes qui se développaient déjà à cette époque dans la plupart des pays industrialisés.

Ces deux phénomènes, d'une part, l'augmentation de la demande et, d'autre part, la montée inflationniste, ont eu une incidence marquée sur le coût des investissements prévus, entre autres, dans le secteur de l'électricité. L'exemple le plus connu est, évidemment celui des travaux de la baie James. Même au début de 1976, il ne nous paraissait pas possible d'indiquer d'une façon définitive l'évolution des coûts de ce projet. Ce que nous prévoyions à la fin de 1971 devoir coûter $5,8 milliards pour 8300 mégawatts en coûtera au moins $11,9 milliards selon l'évaluation de 1974 mais, bien sûr, pour 10 340 mégawatts.

Il faut toujours mettre en ligne de compte le nombre de mégawatts additionnels par rapport au nombre de mégawatts qu'on avait dans le projet original. L'évolution de l'économie générale influencera sans doute le coût final...

M. Lessard: Cela a doublé par rapport à 25% de plus d'augmentation.

M. Cournoyer: Les questions c'est pour plus tard. L'évolution...

M. Lessard: D'accord, c'est juste un bref commentaire.

M. Cournoyer: Oui, oui, c'est un bref commentaire. L'évolution de l'économie générale influencera sans aucun doute le coût final de ces importants travaux que par ailleurs nous avons jugé et que nous jugeons encore nécessaire d'effectuer. N'en va-t-il pas de même dans tous les projets entrepris récemment en Amérique du Nord?

Le coût du prolongement du métro de Montréal fut évalué en 1971 à $430 millions et en 1975, compte tenu bien entendu de nouveaux travaux entraînant des frais supplémentaires de $33 millions, le coût global du projet s'élevait à $1,6 milliard. Par ailleurs, dans le secteur de l'énergie nucléaire, la centrale nucléaire de Gentilly 2 près de Trois-Rivières fut évaluée en 1972 à environ $300 millions pour une capacité de 600 mégawatts, ou $503 le mégawatt, et, en octobre 1975, ce projet était réévalué à $550 millions, soit $860 le mégawatt.

Récemment on estimait que les coûts éventuels pourraient s'élever à plus de $600 millions, soit $942 par mégawatt. Pardon je parle toujours de kilowatts, pas de mégawatts.

M. Lessard: Là, cela allait bien, cela ne coûtait pas cher.

M. Cournoyer: Oui, en mégawatts, c'était pas pire.

M. Lessard: On le ferait...

M. Cournoyer: Cela ressemblerait au nucléaire que le PQ propose.

M. Lessard: Oui...

M. Cournoyer: D'autre part, nous savons tous que le coût d'extraction...

M. Lessard: Très...

M. Cournoyer: ... le coût d'extraction du pétrole bitumineux a plus que doublé dans l'espace de deux ans. Enfin, de l'autre côté de la frontière, les Américains décidaient d'annuler ou de retarder la mise en chantier de 60 centrales nucléaires américaines qui devaient commencer leurs activités au milieu des années quatre-vingt. Ces délais amorcés depuis déjà un an et demi sont dus en grande partie aux conditions économiques actuelles. Dans ce contexte général, si les prévisions de l'Hydro-Québec se réalisaient, cela signifie que la puissance requise par l'Hydro-Québec sera, en

1990, de 46 000 mégawatts, soit presque le double de la puissance actuelle requise, et devra atteindre, en l'an 2000, le chiffre fantastique de 90 000 mégawatts.

Si l'on essaye, à partir des prévisions, de chiffrer le coût des investissements futurs, et ce, dans tous les secteurs, on a le vertige, car aux conséquences de la montée des coûts s'ajoute un autre phénomène. Le potentiel hydroélectrique du Québec encore disponible se retrouve de plus en plus loin des centres de consommation prévisibles, ce qui augmentera d'autant le coût de cette électricité. Les conséquences de cet ensemble de facteurs sont donc extrêmement sérieuses.

Nous sommes arrivés à un stade où l'énormité des sommes engagées nécessite, à tout le moins, un effort de réflexion et peut-être même une réévaluation des orientations et des choix retenus jusqu'à ce jour.

M. Lessard: Vous lancez cela comme lors du 29 avril 1971...

M. Cournoyer: En conclusion, d'après une étude effectuée par le gouvernement fédéral, les besoins en capitaux pour le secteur de l'énergie requis durant les dix prochaines années représenteront, pour l'ensemble du Canada, la somme de $115 milliards, en dollars de 1974, soit de 5,5% à 6% du produit national brut. Sur ces $115 milliards, les besoins en capitaux du secteur de l'électricité atteindraient à eux seuls $50 milliards, soit 2,6% du produit national brut canadien. En comparaison, de 1950 à 1974, l'ensemble des investissements dans le secteur énergétique ont compté en moyenne pour 3,5% du produit national brut canadien.

Cette réévaluation de la situation doit être effectuée avec d'autant plus de soins que l'hydroélectricité occupe une place particulière pour nos Québécois. En effet, l'hydroélectricité constitue la seule forme d'énergie purement québécoise et cela entraîne tout d'abord des avantages considérables sur le plan de la sécurité des approvisionnements. Cela c'est bien sûr quand il n'y a pas de grève.

Ces avantages sont d'autant plus grands que cette sécurité est complète, puisque la production est effectuée au Québec par une société contrôlée par le gouvernement du Québec et dans un secteur de juridiction relevant exclusivement du gouvernement du Québec.

M. Lessard: Pour autant qu'il n'y aura pas de tremblements de terre.

M. Cournoyer: L'électricité est donc la seule forme d'énergie sur laquelle nous exerçons un contrôle à tous les niveaux, depuis la production jusqu'à la consommation finale. L'hydroélectricité offre également des avantages sur le plan économique. Des effets d'entraînement liés aux dépenses d'investissements pour la production, le transport et la distribution se font sentir essentiellement au Québec.

Il est d'autant plus intéressant que le Québec contrôle son électricité que cette forme d'énergie est particulièrement attrayante. L'électricité d'origine hydraulique est la seule forme d'énergie actuellement commercialisée qui soit renouvelable, ce qui est très important à l'orée d'une ère où l'idée de lutte contre la dilapidation des ressources prend de plus en plus d'importance. D'autre part, cette électricité constitue, à l'usage, l'énergie la plus propre, en plus d'être, chez l'utilisateur, celle dont le coefficient de rendement est d'un des plus élevés.

L'électricité est la forme sous laquelle seront en grande partie utilisées d'autres sources d'énergie comme, par exemple, l'énergie éolienne, l'énergie géothermique, l'énergie marémotrice, l'énergie solaire et l'énergie nucléaire. Il nous apparaît donc nécessaire que l'infrastructure de distribution et de consommation soit en place lorsque la nouvelle technologie sera au point.

Tous ces avantages conduisent d'ailleurs à se demander si une option de la politique québécoise de l'électricité ne serait pas de développer au maximum, et le plus rapidement possible, tout le potentiel hydroélectrique existant au Québec. Cette option, il faudrait la garder en mémoire lorsque viendra le temps d'arrêter l'orientation future de notre politique de l'électricité.

Malgré tous ces avantages, la croissance de la demande d'électricité se traduit, pour le Québec, par des charges financières qui, on l'a vu, risquent d'atteindre, dans l'avenir, des proportions difficilement supportables. L'évaluation d'une politique de l'électricité nécessite donc que soient remis en cause certaines orientations et certains choix, compte tenu du contexte économique général et du contexte énergétique en particulier.

Nous avons posé et nous reposons un certain nombre de questions auxquelles je n'ai pas l'intention d'apporter, aujourd'hui, de réponses dans le cadre de cet exposé.

En premier lieu, le programme d'équipement de l'Hydro-Québec a été défini à partir de certaines hypothèses concernant l'évolution future de la demande. A-t-on, aujourd'hui, la même certitude que ces hypothèses de base sont toujours valables et qu'on ne devrait pas les reconsidérer à la lumière des événements récents?

L'accélération de la consommation de l'électricité au Québec observée en 1974 et le ralentissement constaté en 1975 illustrent, s'il en est besoin, toute la difficulté que l'on peut avoir à déterminer avec précision, dans la conjoncture actuelle, l'évolution prochaine des besoins en électricité. Cette difficulté est d'autant plus délicate à surmonter qu'une étude de l'évolution des besoins en électricité doit tenir compte des phénomènes de substitution entre les différentes formes d'énergie, phénomènes liés à la disponibilité et au prix de ces formes d'énergie.

En second lieu, en supposant que cette première difficulté puisse être résolue et que des prévisions plus explicites puissent être obtenues, on peut se demander si le rythme de croissance de la demande, tel que prévu, ne pourrait pas être modi-

fié par une action appropriée. Certaines mesures d'économie de l'énergie ne pourraient-elles pas diminuer sensiblement les besoins en électricité et, donc, retarder les investissements requis, tout en lui faisant jouer un rôle plus grand dans la satisfaction de nos besoins totaux en énergie au Québec?

Une meilleure utilisation de l'électricité, par exemple, grâce à une isolation plus efficace ou une augmentation de rendement des appareils, ne pourrait-elle pas réduire nos besoins en capitaux requis pour la production d'électricité? L'utilisation accrue d'autres formes d'énergie, la consommation de gaz naturel, par exemple, ne permettrait-elle pas de reporter dans le temps l'aménagement de certaines unités de production d'électricité? Ne pourrait-on pas étudier des modifications à la tarification qui décourageraient le gaspillage de l'électricité? N'y aurait-il pas lieu également d'analyser chaque type de consommation d'énergie, afin de réorienter, s'il y a lieu, l'utilisation de l'électricité? Par exemple, ne serait-il pas plus avantageux, pour la société, que le transport en commun faisant usage d'électricité remplace les modes de transport actuels?

En troisième lieu, l'effort d'optimisation doit s'appliquer particulièrement à la gestion des programmes d'équipement. La demande d'électricité est marquée par des fluctuations continuelles, selon les heures, les jours, les semaines et les saisons.

C'est vrai aussi pour les autres formes d'énergie, mais, à la différence du pétrole et du gaz naturel, l'électricité par sa nature ne peut être stokée actuellement, ni au niveau de la distribution, ni au niveau de la consommation.

L'adaptation de l'offre à la demande pose donc des problèmes continuels particulièrement difficiles à résoudre. En ce sens, n'y aurait-il pas lieu d'accentuer notre effort de recherche afin de résoudre les problèmes techniques qui font obstacle à une utilisation plus rationnelle de l'énergie électrique?

L'Hydro-Québec, d'après son mandat, doit répondre à la demande d'électricité en tout temps. Cette obligation réduit donc sa marge de manoeuvre. Mais, cela étant noté, l'écrêtement des pointes de consommation est-il effectué, à l'heure actuelle, de la façon la moins coûteuse? Du côté de l'offre, ne serait-il pas possible d'accélérer la mise en service d'unités de production d'électricité de pointe? Par exemple, la proportion entre les installations de base et de pointe actuellement en service répond-elle à ce concept d'optimisation? La proportion entre les installations de base et de pointe actuellement sera-t-elle la même demain, compte tenu de l'évolution dans la structure de la demande?

La collectivité est-elle bien consciente du coût qu'a représenté l'abandon du projet de centrale à réserve pompée sur la Jacques-Cartier? Renoncer à un tel projet, c'est peut-être être obligé de le remplacer par d'autres équipements, peut-être beaucoup plus coûteux et tout aussi dommageables pour l'environnement. Du côté de la demande, ne pourrait-on pas informer davantage le consommateur de la conséquence de ces choix? Ne pourrait-on pas aussi lui offrir un éventail de choix plus grands?

M. Lessard: C'est ce qu'on avait demandé.

M. Cournoyer: Une telle action ne pourrait-elle pas prendre, par exemple, la forme d'une tarification incitant les gros utilisateurs à réduire leur demande en période de forte consommation?

Dans le secteur résidentiel, une tarification privilégiée, à certaines heures hors pointe, n'entraînerait-elle pas un déplacement de la consommation d'électricité? La maîtresse de maison accepterait-elle de faire sa lessive ou son repassage à des heures inhabituelles, si elle savait que le coût de ces activités domestiques serait réduit de façon importante? En dehors des périodes de pointe, avec la structure actuelle de production, l'Hydro-Québec dispose d'excédents périodiques disponibles.

M. Lessard: Les compagnies de téléphone font cela.

M. Cournoyer: L'échange de ces excédents contre la fourniture d'électricité de pointe est un des moyens utilisé pour adapter l'offre à la demande. Le Québec retire-t-il tous les avantages qu'il est en droit d'attendre de la fourniture d'électricité à ses voisins?

En quatrième lieu, les Québécois doivent être conscients de la difficulté de concilier l'ensemble de leurs aspirations. Par exemple, la production d'électricité nécessite la mise en place de lignes de transport et de distribution. La construction de ces lignes entre souvent en conflit avec les politiques d'aménagement du territoire. La vocation agricole ou socio-récréative de certaines régions entre aussi en conflit avec la construction de ces lignes. Doit-on privilégier l'objectif de fourniture d'électricité? Si oui, quel en sera le coût dans les autres secteurs de l'activité humaine?

Concrètement, si on désire favoriser avant tout la conservation du milieu, cela peut signifier pour les particuliers le renoncement à des commodités, telles que machines à laver et à sécher le linge, laveuses de vaisselle, etc.

La préservation du milieu pourrait donc, à l'extrême, entraîner un recul pour certains aspects de la qualité de la vie que la collectivité québécoise pourrait juger non essentiels par rapport au respect de l'environnement.

N'y aurait-il pas lieu, par exemple, d'élaborer un mécanisme de décision susceptible, je le répète encore une fois, d'arbitrer les intérêts multiples qui s'affrontent lors de l'élaboration de grands projets énergétiques? Comme vous le voyez, la mise en place d'une politique de l'électricité doit tenir compte d'exigences contradictoires, doit prendre en considération des contraintes multiples, doit lever des incertitudes nombreuses. Il y a un point sur lequel nous pouvons nous prononcer immédiatement d'une façon certaine; si nous continuons à consommer de l'électricité au rythme actuel et si nous ne modifions pas sensiblement

nos habitudes de consommation, nous risquons fort de nous retrouver à trop brève échéance devant la nécessité de mettre en chantier un autre projet gigantesque de production de l'énergie électrique.

Vous connaissez toutes les conséquences d'une telle possibilité, particulièrement sur l'ampleur des investissements requis et les prix éventuels de cette électricité. La population est-elle prête à payer le prix d'une telle éventualité? Ce qui plus est, il faut dès maintenant envisager le jour où la disponibilité d'électricité ne serait plus totalement assurée. Par exemple, à l'heure où je vous parle, certains producteurs américains d'électricité conseillent à de gros utilisateurs éventuels, comme les alumineries, de mettre eux-mêmes en chantier les équipements électriques requis pour leurs besoins. Car, même à un prix élevé, ils ne peuvent garantir l'approvisionnement ferme d'énergie à ces industries.

Devrons-nous faire face à une telle situation un jour? Il faut bien être conscients que les coûts inhérents à la satisfaction des besoins actuels constituent un lourd fardeau pour le consommateur. En orientant 6% du produit national brut, ou $115 milliards, dans les dix prochaines années vers le secteur de l'énergie, on doit forcément modifier la satisfaction d'autres besoins de la société.

M. Lessard: Pour le Canada?

M. Cournoyer: Oui. Devant l'engagement de telles sommes, il faut donc s'assurer que chaque dollar investi le soit d'une façon optimale. Cette nouvelle situation nous conduit à réévaluer nos habitudes de producteurs et de consommateurs, compte tenu de la rareté croissante de la ressource et des choix économiques que son obtention entraîne.

C'est la responsabilité fondamentale du gouvernement — pas de l'Hydro-Québec — d'orienter tout autant la production que l'utilisation finale de cette ressource naturelle en tenant compte des intérêts de tous les Québécois. Pour le Québec, il ne s'agit plus de répondre à n'importe quelle demande en électricité et d'encourager n'importe quelle demande, celles des années d'euphorie et de gaspillage. Il faut que le Québec prenne ses responsabilités, c'est-à-dire explique très clairement et franchement les conséquences d'une utilisation anarchique de l'électricité. Il ne s'agit pas de freiner le progrès mais de le raisonner.

M. Lessard: C'est bien cela.

M. Cournoyer: Lorsque les compagnies pétrolières géraient l'économie des hydrocarbures pour le compte des pays exportateurs, cette gestion se faisait en fonction de leur objectif: rentabiliser au mieux leurs investissements. Les coûts de production étant plus faibles que ceux de n'importe quelle source de remplacement, et ces coûts étant décroissants en fonction de la quantité produite, le pétrole pouvait se vendre à bon prix. Bientôt, ils fournissaient une part sans cesse grandissante des besoins des pays consommateurs, allant jusqu'à remplacer les ressources locales, comme le charbon en Europe, ou imposer aux pays producteurs, comme les Etats-Unis et le Canada, de mettre en place des barrières comme la ligne Borden.

En l'espace d'une année, ce schéma a été complètement transformé. Les pays producteurs fixent maintenant unilatéralement le prix de vente du pétrole brut. On en est arrivé maintenant à un prix unique, fixé d'un commun accord entre les seuls pays membres de l'OPEP. Le prix élevé actuellement en vigueur a pour objectif de fournir aux pays producteurs des rentrées fiscales suffisantes, tout en ralentissant le rythme d'épuisement de leurs ressources pétrolières non renouvelables.

En quoi ce prix est-il imprévisible? Il est imprévisible parce que le contenu politique de ce prix devient une composante fondamentale de sa détermination. En effet, l'entente, tant sur le plan politique qu'économique, qui existe depuis quelques années entre les pays producteurs de pétrole, leur permet de déterminer effectivement le niveau des prix. Une rupture de l'entente entraînerait presque inévitablement une baisse des prix du pétrole. Mais si la cohésion politique dont font preuve les pays arabes se renforce encore, l'OPEP peut se maintenir. Ce groupe se maintiendra d'autant plus fort qu'il sera perçu, comme le voudrait l'Algérie, comme un exemple pour les autres pays du Tiers-Monde dans la lutte pour le développement.

Le prix du pétrole brut sur le marché mondial peut, dans ces conditions, rester stable et continuer de monter, si l'accord se maintient, ou peut-être redescendre brusquement, s'il éclate.

Il y a donc un pari à faire pour ceux qui possèdent des ressources en hydrocarbures qui coûtent cher à développer. Ces pays, comme le Canada, prennent le risque de faire des investissements énormes qui cesseraient d'être rentables si le prix mondial diminuait.

On songe tout particulièrement ici au seuil de rentabilité des sables bitumineux.

Je vais revenir dans un instant sur le problème du Canada. Je veux avant cela rappeler le deuxième élément de changement intervenu sur la scène pétrolière mondiale. Je veux parler de la sécurité des approvisionnements. L'embargo de 1973 nous a montré que, même imparfait, ce moyen de coercition nous touchait profondément. Certes, ce n'était pas la première fois que des pays du Moyen-Orient utilisaient le pétrole comme arme politique. Cependant, en 1973, pour la première fois, les pays consommateurs n'ont aucune solution de rechange alors qu'en 1967, par exemple, les Etats-Unis ont pu compléter l'approvisionnement pétrolier de l'Europe.

La sécurité des approvisionnements a cessé d'être cette notion sans véritable contenu que l'on mentionnait sans autre conviction dans l'énoncé des politiques énergétiques, trop certains que nous étions de l'incapacité dans laquelle se trouvaient les pays producteurs de s'organiser effica-

cement. Nous avons maintenant la preuve du contraire. Il serait audacieux de ne pas en tenir compte.

Au Canada, le contexte dans lequel fonctionnait le secteur de l'énergie a profondément et rapidement changé. Certes, le contexte de crise dans lequel il a fallu intervenir justifiait qu'on prenne des mesures importantes pour limiter au mieux les effets néfastes de cette période difficile, en particulier les effets inflationnistes. Mais le gouvernement fédéral a été beaucoup plus loin. Les mesures qu'il a prises au niveau de la formation des prix du pétrole, de la fiscalité, des opérations industrielles elles-mêmes et de la structure du marché, en abolissant la ligne Borden, s'inspirent clairement de l'orientation nationaliste de sa philosophie politique et visaient à faire du Canada un pays autosuffisant en énergie et ce, le plus rapidement possible.

Au niveau des prix, d'abord, le gouvernement fédéral a décidé de bloquer les prix du pétrole de l'Ouest canadien dans un premier temps. Avec l'accord des provinces, il a par la suite instauré un régime de prix unique dans tout le Canada. Ce prix étant volontairement maintenu au-dessous du niveau du prix du pétrole importé à Montréal, une taxe à l'exportation du brut de l'Ouest vers les Etats-Unis, égale à la différence entre le prix mondial et le prix canadien, permettait de subventionner le pétrole importé à Montréal.

Mais ce prix intérieur ne pouvait rester inférieur au prix mondial, si le Canada voulait atteindre l'autosuffisance au plus vite. Une hausse graduelle de ce prix aurait dû permettre à l'industrie de développer des ressources additionnelles. Cependant, le gouvernement fédéral et les provinces productrices décidaient d'accaparer la presque totalité des surprofits réalisés du fait de la hausse de prix, ce qui ne laissa à l'industrie que très peu de revenus additionnels pour faire la mise en valeur des ressources en hydrocarbures.

D'autre part, afin de pallier principalement l'incertitude des approvisionnements de l'Est du Canada, il fut décidé de mettre en chantier l'oléoduc Sarnia-Montréal, bien que son rôle principal ne semblât pas, à cette époque, évident au gouvernement fédéral, c'est-à-dire l'approvisionnement du marché ontarien par du pétrole importé.

Enfin, deux mesures connexes étaient prises. Dès la fin d'octobre 1973, le gouvernement fédéral mettait en place un échéancier pour diminuer les exportations canadiennes de pétrole vers les Etats-Unis, ce qui amena un surcroît de tension entre les deux pays. En second lieu, on énonça le principe de l'indexation du prix du gaz sur le prix du pétrole.

Enfin, pour atteindre l'objectif d'autosuffi-sance rapidement, le gouvernement fédéral devait faire en sorte que le prix du pétrole au Canada monte, au point que les nouvelles sources de pétrole et de gaz atteignent le seuil de rentabilité. Sans cela, seules les ressources conventionnelles sont rentables et les réserves de ce type seront, à brève échéance, épuisées. Le prix du pétrole brut est, aujourd'hui, à $8.70 à Toronto et à Montréal. Il est appelé à monter rapidement si des ressources aussi coûteuses que les sables de l'Athabaska et le gaz des régions frontalières doivent compléter sous peu la production du pétrole conventionnel des régions établies.

Cela signifiait en pratique que la politique du gouvernement fédéral visait à rejoindre le plus rapidement possible le prix mondial du pétrole et c'est ce que le gouvernement fédéral a répété dans sa politique de l'énergie.

Le Québec est, sur le plan des hydrocarbures, dans une situation très particulière. Il dépend, pour près des trois quarts de sa consommation énergétique, du pétrole en provenance de l'extérieur du pays. Et seul le gaz, qui ne représente que 5% dans son bilan énergétique, provient du Canada.

Dans la formulation de sa politique le Québec doit donc attacher autant d'importance à la présence du gouvernement fédéral dans le secteur de l'énergie qu'à l'évolution du contexte énergétique international.

Nous devons donc nous interroger sérieusement tant sur l'option d'autosuffisance qu'avait favorisée le gouvernement fédéral que sur l'évolution incertaine des prix internationaux du pétrole.

Ces interrogations, je vais les formuler dans un instant. Mais je veux auparavant préciser qu'il me paraît difficile d'envisager une entente fédérale-provinciale ultérieure, dans le dossier de l'énergie, tant et aussi longtemps que les gouvernements intéressés ne se seront pas mis d'accord sur l'orientation actuelle qu'a prise la politique énergétique canadienne. Et cela n'est pas fait. Bien que les récents propos du premier ministre du Canada nous semblent jeter un éclairage nouveau sur l'orientation de la politique énergétique canadienne, celle-ci ne fut pas toujours évidente. Il est clair que de l'autarcie du début, on est passé à la notion de "self reliance", ou, traduit en français, de confiance en soi, ce qui ne veut plus dire nécessairement autosuffisance. Dans son discours au Canadian Club, le 19 janvier dernier, et dans le dernier livre de la politique fédérale, M. Trudeau et M. Gillespie admettaient explicitement qu'il nous faudra recourir de plus en plus aux fournisseurs étrangers pour nos approvisionnements canadiens en pétrole.

Je disais tout à l'heure que trop de questions restaient sans réponse pour s'engager plus avant dans les orientations prises depuis 1973 dans ce secteur de l'énergie.

La première qui s'impose d'elle-même après les remarques précédentes est justement celle de l'autosuffisance. Cette politique nécessite une hausse du prix intérieur du pétrole, comme nous l'avons vu. A-t-on estimé à quel prix on devait monter pour rentabiliser les sables bitumineux et le gaz des régions frontalières? Ce prix ne risque-t-il pas de dépasser le prix du pétrole sur le marché mondial, qui, d'après ce qui précède et ce que j'ai dit, est instable? A-t-on évalué l'impact de cette possibilité sur l'économie du pays? A-t-on tenu compte de la possibilité que les Etats-Unis, notre principal partenaire commercial, adoptent

une politique de prix du pétrole inférieur au prix que nous devrions pratiquer au Canada pour développer nos ressources pétrolières et gazières? Le président Ford a décrété une réduction du prix du pétrole aux Etats-Unis, récemment. Ce qui a ramené le coût moyen du prix du pétrole à $9.35 le baril. Ce prix moyen américain est entré en vigueur le 1er février 1976.

En plus des conséquences sur la position concurrentielle de notre industrie, l'option autarcie met une pression considérable, selon nous, bien sûr, sur le coût même des investissements dans nos ressources énergétiques. En voulant accélérer le rythme des investissements, il en résulte, encore une fois selon nous, une forte demande de moyens de production, que ce soit de la main-d'oeuvre qualifiée, que ce soit de la machinerie, que ce soient des capitaux. Mais la quantité disponible en est limitée, d'où, selon, nous encore, la forte croissance des coûts de tels investissements.

A-t-on analysé l'effet inflationniste d'une telle politique? Le projet Syncrude, dont le coût avait été estimé, il y a deux ans, à $1 milliard, est estimé maintenant à au moins $2 milliards.

En troisième lieu, la mise en application des projets d'investissement constitue pour l'ensemble de l'économie canadienne un changement dans l'allocation du produit national brut. En effet, de 3 1/2% en moyenne, pour la période 1950 à 1974, comme je le disais tantôt, la part du produit national brut affectée aux dépenses d'investissement dans le secteur énergétique atteindrait, en moyenne, 5% à 5 1/2%, pour la période de 1975 à 1990. Les besoins énergétiques totaux en immobilisations ont été évalués à $170 milliards pour cette période. En comparaison, ces investissements pourraient s'élever, comme je l'ai dit, la semaine dernière, et comme je le répétais devant le club de l'électricité, à $115 milliards pour la période de 1975 à 1985.

Est-ce là une allocation optimum de nos ressources? La population canadienne attache-t-elle une telle importance à l'objectif d'autonomie qu'en conséquence elle est disposée à supporter un tel coût? Le mot "autonomie" voulant dire indépendance.

En quatrième lieu, a-t-on évalué sérieusement les solutions de rechange à un tel programme?

Le marché mondial dispose, sans aucun doute, des réserves pétrolières suffisantes pour nous approvisionner. Si cette source n'est plus suffisamment fiable pour qu'on laisse aux compagnies pétrolières l'entière responsabilité de nos importations, ne peut-on mettre en place une politique de stockage de 90 jours telle qu'adoptée par les pays du Marché commun dans une récente législation afin de pallier toute éventualité de rupture momentanée d'approvisionnement? Si nous options pour le développement de nos ressources chères, cela aurait-il pour résultat de faire pression à la baisse sur le prix mondial du pétrole?

Est-il logique que le Canada fasse, seul, les frais de cette opération?

A-t-on évalué dans quelle mesure il nous sera nécessaire d'exporter une part de nos ressources vers les Etats-Unis pour rentabiliser nos investissements dans les sables asphaltiques ou le gaz du nord?

Dans le cadre des approvisionnements pétroliers, quel sera le rôle des sociétés d'Etat par rapport à celui des sociétés privées?

Ces dernières conserveront-elles leur rôle d'agents fournisseurs de produits ou seront-elles remplacées graduellement par les gouvernements à la suite d'ententes bilatérales d'approvisionnement entre pays producteurs et pays consommateurs?

Pour appuyer sa politique, le gouvernement fédéral, en plus de décider de contingenter les exportations, a mis sur pied une politique de conservation de l'énergie. Dans quelles mesures les prévisions de conservation établies par le gouvernement fédéral sont-elles réalistes? Le gouvernement fédéral a, en effet, utilisé comme hypothèse de base, servant à déterminer les besoins canadiens, les critères suivants: croissance modérée de 2% ou maximale de 3,2% pour les produits pétroliers. Pour le gaz, les taux de croissance s'établissent à 3,5% et 4,8% respectivement. Par comparaison, le taux de croissance historique des besoins québécois en produits pétroliers s'est établi, pour la période allant de 1958 à 1974, à 6,2%.

La population canadienne se soumettra-t-elle à une telle politique qui ne vise que les aspects mineurs de notre consommation? Entre imposer une limite de vitesse draconienne sur nos routes qui sont faites pour rouler à 80 milles à l'heure et une politique de transport en commun bien charpentée, n'est-ce-pas vers cette seconde possibilité que nous devrions nous orienter?

Par contre, n'a-t-on pas tendance à blâmer trop rapidement le consommateur qui avait pris, au cours des ans, l'habitude de consommer sans contrainte, ni contrôle, puisque l'on n'avait cessé de lui dire que l'énergie était largement disponible à un prix relativement peu élevé?

Qu'on songe que, malgré l'état actuel de nos réserves, on a permis la signature de contrats d'exportation à long terme vers les Etats-Unis de gaz dont nous aurions grandement besoin aujourd'hui. Une politique de conservation doit être mise en place, mais elle doit reposer sur un changement dans notre façon de vivre et non pas sur des éléments marginaux comme l'illumination des arbres de Noël. De plus, elle devra tenir compte des caractéristiques énergétiques régionales du pays.

Il faut évaluer sérieusement les conséquences sur la balance des paiements d'une politique d'importation. A titre d'exemple, les plus récentes données dont nous disposions en ce qui a trait au compte pétrolier dans la balance des paiements nous indiquent que d'une situation excédentaire en 1974 nous nous dirigeons vers un déficit certain en 1975 d'environ $500 millions et qui pourrait, éventuellement, atteindre $4 milliards et demi en 1980, c'est-à-dire en déficit accumulé. Nous pouvons nous interroger ici sur le but réel visé par le gouvernement fédéral qui est d'atteindre, le plus

rapidement possible, le prix mondial. Est-ce vraiment en vue de générer les capitaux nécessaires à la mise en valeur des ressources canadiennes ou n'est-ce pas plutôt afin de réduire au maximum ce déficit éventuel dans la balance des paiements?

Comme vous le voyez, le choix d'une politique énergétique canadienne est complexe. Il l'est d'autant plus que le marché mondial du pétrole est incertain et ne permet pas de calculer avec certitude le coût que nous aurions à payer si nous options maintenant pour l'une ou l'autre de ces solutions. Nous devons également faire le point sur les solutions de rechange à ces orientations.

Il est probable que c'est entre les deux extrêmes, autarcie et dépendance accrue des approvisionnements pétroliers extérieurs, que se situe, pour nous Québécois, notre intérêt. Au Québec, nous devons faire le point de nos intérêts propres, en tenant compte de la situation particulière dans laquelle nous nous trouvons.

Cette question concerne, en particulier, l'industrie québécoise, comme je le disais. Quel devrait être, pour vous, le prix de l'énergie? Devons-nous continuer à viser la parité avec le prix mondial? Devons-nous au contraire ralentir ces augmentations de façon à ne pas dépasser le nouveau prix américain de $9.35? La réponse est toujours la même, elle doit être, jusqu'à preuve du contraire, que nous ne devons pas dépasser le prix moyen américain tel que nous le concevons comme étant à $9.35

Ne devrions-nous pas aussi envisager la possibilité de maintenir, pendant un certain temps, le prix du pétrole au Canada à son niveau actuel?

Quand j'ai dit $9.35 tantôt, je voudrais qu'on compare ces $9.35 avec les $8 à la tête des puits et non pas $9.35 comparé avec $8.70 rendu à Montréal. C'est à partir du prix du pétrole non transporté que j'établis la comparaison à la tête des puits, parce qu'alors on va m'arriver avec $10.70 par rapport à $8.70. Mes fonctionnaires m'ont indiqué que $9.35 était ce qui se comparait avec $8, tandis que les $10.70 se comparent avec le prix transporté à Montréal. Donc $8.70 ou $8.50 ce n'est pas tellement important, mais les comparaisons, c'est de $8 à $9.35.

Je voudrais exprimer ici les questions majeures que nous nous posons actuellement en vue d'élaborer une politique de l'énergie qui concilie l'intérêt des Québécois avec les contraintes d'ordre national et international dont nous devons tenir compte.

M. André Marier a fait un certain nombre de propositions. Elles sont l'objet d'étude chez nous. Je ne voudrais pas répéter ces propositions, mais je vous assure que ce document de M. Marier fait l'objet d'une étude extrêmement sérieuse. Mais c'est un document de M. Marier, je voudrais le répéter. J'ai voulu le donner immédiatement à ceux qui sont susceptibles d'être affectés par les décisions qui découleront de l'étude de ce document par la direction générale de l'énergie chez nous.

Je vous avoue dès à présent que, du côté de la direction générale de l'énergie, on se querelle très sérieusement avec certaines propositions, certaines remarques faites par M. Marier. Mais les ré- ponses vous viendront en temps opportun et le plus rapidement possible, l'espérons-nous, une fois que les discussions du côté de la direction générale de l'énergie chez nous auront pris fin.

Je vous assure qu'il ne s'agit pas strictement d'un problème politique. Il y a des problèmes techniques assez sérieux et je n'ai pas l'intention de vous arriver avec des réponses rapides sur des problèmes aussi complexes que ceux-là, réponses que, je suis convaincu, l'Opposition comme la population ne permettrait pas qu'un ministre très sérieux puisse donner quant à la nature même des problèmes qui la confrontent.

Je m'arrête ici, M. le Président, et je remercie tous ceux qui ont participé à cette première séance concernant les crédits de mon ministère, surtout de cette écoute très religieuse, j'en conviens. J'espère que la deuxième partie qui sera sous la direction des membres de la commission sera plus vivante, même si la première était essentielle, compte tenu des préoccupations générales du ministre et du ministère des Richesses naturelles.

Le Président (M. Séguin): Je vous remercie, M. le ministre...

M. Lessard: Est-ce que le ministre a terminé son exposé liminaire?

M. Cournoyer: C'était un exposé extraliminaire.

Le Président (M. Séguin): Le ministre vient de parler de la deuxième partie et j'avais demandé si on devait considérer les crédits adoptés après que vous aurez terminé.

M. Lessard: C'est ce que je me demandais.

Le Président (M. Séguin): C'est pour cela, il y a une deuxième tranche...

M. Lessard: Je pense que oui. Je pense qu'on va être obligé de continuer la deuxième partie.

Le Président (M. Séguin): Alors avec le consentement unanime, je crois qu'on pourrait suspendre la séance. Cela permettrait à l'Opposition de préparer ses commentaires davantage...

M. Lessard: ... le discours du budget.

Le Président (M. Séguin):... Alors nous allons suspendre, s'il y a consentement...

M. Lessard: Oui, oui, oui.

Le Président (M. Séguin): ... sine die. Je ne connais pas la programmation de cet après-midi. Avec le discours du budget ce soir, on ne siégera probablement pas en commission. Alors, il faut être aux écoutes pour savoir ce qui va arriver après la période des questions. Probablement qu'on continuera cet après-midi. Je vous remercie.

(Suspension de la séance à 12 h 35)

Reprise de la séance à 16 h 20

M. Séguin (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

Les mêmes députés que cet avant-midi participent à cette commission. La parole est au député de Saguenay.

M. Lessard: M. le Président, je n'ai pas l'intention...

M. Malouin: M. le Président pourrait-on noter la présence du député de Bellechasse, s'il vous plaît?

Le Président: Oui, c'est déjà fait, puisque vous l'avez noté en le demandant.

Commentaires de l'Opposition M. Lucien Lessard

M. Lessard: Je n'ai pas l'intention de faire un discours aussi long que celui qui fut fait ce matin par le ministre des Richesses naturelles. Je n'ai pas l'intention, M. le Président, de reprendre toutes les interventions que j'ai pu faire ici en commission parlementaire, lorsque nous avions à étudier chaque année les crédits du ministère, pour les exposer au ministre et soulever les questions que nous avons soulevées depuis 1970. J'ai l'intention, cependant, de reprendre, au moins, assez brièvement — je ne veux pas le faire pour les déclarations de l'ex-ministre des Richesses naturelles — les déclarations qui furent faites par le ministre actuel des Richesses naturelles depuis sa nomination à ce poste, à savoir depuis le 30 juillet 1975.

J'ai pu constater, à la lecture très rapide du document, et après l'avoir entendu, mais à une nouvelle lecture très rapide du document qui fut déposé ce matin par le ministre, que ce dernier a repris tous ses discours depuis sa nomination. Autant nous avons eu, de 1970 à juillet 1975, un ministre silencieux, autant avons-nous maintenant un ministre bavard. Malgré le long discours de près de deux heures que nous a fait le ministre des Richesses naturelles, nous demeurons quand même sur notre appétit.

En effet, M. le Président, le ministre me rappelait un peu, ce matin, Diogène qui cherchait un homme, avec son fanal allumé. Le ministre se pose des questions, il s'interroge et, en cela, la situation ne semble pas avoir changé depuis le règne du précédent ministre des Richesses naturelles.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que nous avons des ministres qui réfléchissent; nous avons des ministres qui s'interrogent. M. le Président, je le disais lors de l'étude des crédits de la dernière commission parlementaire à l'ex-ministre des Richesses naturelles, c'est bien beau se poser des questions mais, un jour ou l'autre, il faut accoucher de quelque chose. En effet, à quoi se résume le document de ce matin sinon à une série d'interrogations sur ce que devrait être notre politique minière, sur ce que devrait être notre politique énergétique, sur ce que devrait être notre politique des eaux?

Par exemple, un coup d'oeil très rapide m'a indiqué qu'à l'intérieur des 71 pages de texte qu'on m'a remis après le discours du ministre il y a au moins 75 points d'interrogation, et cela sans compter les différentes hypothèses émises sous forme de réponses possibles. Se poser des questions, cela a l'air sage, cela a l'air intellectuel, cela a l'air savant, surtout devant quelques spécialistes énergétiques; surtout cela permet de ne choquer personne. Toutes les hypothèses sont acceptées, que ce soient celles qui s'attaquent de front aux compagnies minières, qui permettent de donner quelques avertissements sévères et de faire les manchettes des journaux, comme celles qui leur plaisent. Ainsi, on peut ménager la chèvre et le chou, faire plaisir à tout le monde et accuser nos adversaires de démagogie quand ceux-ci demandent d'agir.

Mais, M. le Président, toutes ces questions qui ont été soulevées ce matin par le ministre, il y a belle lurette qu'elles se sont posées au sein du ministère des Richesses naturelles. A chaque fois que nous avons eu l'occasion, depuis 1970, de discuter des crédits du ministère des Richesses naturelles, j'ai eu l'occasion de demander à l'ex-ministre des Richesses naturelles: A quand votre politique minière? A quand votre politique énergétique? A quand votre politique des eaux?

Il faut bien se dire, M. le Président — je le verrai tout à l'heure — que c'est depuis 1971 qu'on parle, au sein du ministère des Richesses naturelles, de l'élaboration d'une politique minière. Cinq ans après, on en parle exactement dans les mêmes termes qu'en parlait l'ex-ministre des Richesses naturelles.

Il faut aussi souligner, malgré le fait qu'il y ait eu des changements considérables depuis 1973, comme l'expliquait le ministre, que c'est dès 1972 que le livre rouge, je pense — je ne sais plus de quelle couleur l'appeler — a été déposé sur la politique énergétique québécoise. Malgré le fait qu'il y a eu considérablement de modifications depuis cette période, il y a des choses — j'y reviendrai tout à l'heure — qui auraient pu être concrétisées à la suite, justement, du dépôt de ce document, et qui ne l'ont pas été.

Il faut aussi souligner que le rapport de la commission ou, du moins, le premier tome de la commission d'étude des problèmes juridiques de l'eau a été déposé au mois d'octobre 1970 et que, dans ce rapport, on soulignait ce qui suit, à la page 11, dans un paragraphe qui nous apparaît encore actuellement très important: "Nous avons donc la conviction très nette que le Québec doit s'engager résolument vers une véritable réforme du droit de l'eau. Toute hésitation aura inévitablement pour effet d'augmenter la note que les contribuables devront assumer tôt ou tard. Si l'on maintient le statu quo juridique, il faudra vraisemblablement, en 1980, affecter aux problèmes de

l'eau une proportion des deniers publics aussi importante que celle qui est actuellement affectée aux problèmes de l'éducation.

Il s'agit de choisir maintenant. En ces matières, les compromis, les moyens termes et les atermoiements ont les traits d'un luxe que nous n'avons pas les moyens de nous payer. Il faut rompre immédiatement avec le passé ou hypothéquer lourdement l'avenir de notre société.

M. le Président, c'est en 1970 qu'on faisait cette déclaration. Il est un temps où nous devons nous poser des questions. D'ailleurs, le ministre a derrière lui toute une équipe qui a justement la responsabilité de se poser des questions, qui a la responsabilité de s'interroger. En effet, s'il faut que le ministre s'interroge sur toutes les questions qu'il nous a soumises ce matin, j'ai l'impression que le ministre continuera d'être un ministre pompier, comme il l'a été, à un moment donné, au ministère du Travail, et qu'il ne pourra pas agir. S'il y a des gens qui sont là pour se poser des questions, s'il y a des gens qui sont là pour préparer des mémoires, s'il y a des gens qui sont là pour préparer des documents qui sont nécessaires pour l'élaboration d'une politique, il reste qu'à un moment donné il faut accoucher, il faut se décider.

Je comprends que cela fait seulement quelques mois — cela va faire un an au mois de juillet — que le ministre est aux Richesses naturelles, mais le ministre est quand même solidaire de l'ex-ministre des Richesses naturelles, qui, depuis 1970, a élaboré toute une série d'études sur tous les différents secteurs, les différents sujets dont nous a parlé le ministre ce matin. Le ministre nous dit, encore ce matin, comme l'ex-ministre des Richesses naturelles nous le disait le 22 mai 1975: Nous sommes encore en train d'étudier. Nous étudions une politique minière. Nous étudions une politique énergétique — j'en parlerai — et nous étudions la mise en place d'une politique des eaux.

Je voudrais maintenant, M. le Président, assez brièvement, reprendre certaines déclarations du ministre des Richesses naturelles actuel et laisser, pour le moment, de côté l'ex-ministre des Richesses naturelles qui a décidé de donner sa place.

Le ministre, comme je le disais, a été assermenté le 30 juillet dernier. Depuis lors, soit depuis près d'une année, les résultats sont minces. Le seul véritable tour de force qu'a réussi le nouveau ministre c'est de reprendre, en seulement neuf mois, les promesses que son prédécesseur avait faites péniblement en cinq ans. Ceci a été préparé avant la déclaration du ministre ce matin et cette déclaration confirme exactement ce que je viens de dire.

En fait, au cours de cette première année, le ministre a repris les mêmes refrains, les mêmes rengaines en y ajoutant cependant son sens du spectaculaire que je lui reconnais pour mieux donner l'impression que cela allait changer. Or, rien n'a changé. Je ne demandais pas, ce matin, que le ministre puisse répondre à toutes les questions que nous avions à poser concernant les objectifs généraux du ministère, mais je demandais, au moins, qu'on nous donne un certain nombre de réponses aux questions qui sont posées depuis cinq ans, depuis six ans.

On assiste à la répétition des mêmes slogans. On répète qu'il faut d'abord étudier et souvent reprendre les études déjà faites. Par exemple, c'est le cas pour la politique énergétique parce qu'on a mis tellement de temps à agir que les études sont devenues vétustes, sinon inutilisables. On assiste à la répétition de promesses de politiques qui seront, dit-on toujours, connues ou appliquées d'ici peu. Le ministre, à cet égard, s'est d'ailleurs surpassé dans chacun des domaines que couvre son ministère. Si vous voulez, on va reprendre ces déclarations une par une. D'abord, politique minière générale.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! Les déclarations sont celles du ministre actuel.

M. Lessard: C'est cela.

Le Président (M. Séguin): Ce n'est pas depuis 1970.

M. Lessard: Oui. C'est-à-dire que je peux en rappeler d'anciennes, parce qu'il y a une continuité, mais c'est d'abord les déclarations du ministre actuel.

Le Président (M. Séguin): Voici, il y a une grande tolérance, oui, mais d'un autre côté, je ne crois pas que l'étude des crédits soit l'occasion de faire le procès d'individus qui n'occupent plus le poste.

M. Lessard: Du ministère, par exemple.

Le Président (M. Séguin): C'est pour cela que je vous demanderais de traiter de la chose avec cette idée en vue. Allez-y.

M. Lessard: M. le Président, non, non, j'y vais.

Le Président (M. Séguin): Vous me connaissez mal si vous pensez que ce sera autrement. Allez-y.

M. Lessard: M. le Président, j'ai quand même le droit de soulever une question de règlement.

Le Président (M. Séguin): Certainement. Sur un point de règlement, oui.

M. Lessard: Justement, c'est ce que je venais de dire. Vous me le permettez?

Le Président (M. Séguin): C'est cela. Je n'avais pas besoin de cela pour prendre un verre d'eau, moi.

M. Lessard: Je n'ai pas l'intention de reprendre tout ce qui a été affirmé et dit par l'ancien ministre des Richesses naturelles, mais j'ai l'intention de reprendre en partie, pour la mettre en rela-

tion avec les déclarations actuelles du ministre, la documentation du ministère...

Le Président (M. Séguin): Au point de vue comparatif.

M. Lessard: ... qui a été préparée sous la direction de l'ex-ministre des Richesses naturelles, par les fonctionnaires du ministère des Richesses naturelles, parce que je pense, M. le Président, qu'il y a une certaine continuité dans l'administration publique.

Le Président (M. Séguin): J'accepte votre parole comme un contrat. Allez-y.

M. Lessard: De toute façon, j'y vais, même si je...

Le Président (M. Séguin): Pas de menaces.

M. Lessard: Non, non, j'ai l'intention justement de reprendre certaines choses qui devaient se faire au niveau du ministère des Richesses naturelles. Vous allez voir, d'ailleurs, que toutes vos objections vont tomber à mesure que j'avancerai.

Le Président (M. Séguin): Vous n'avez pas envie de faire une propagande, j'espère.

M. Lessard: D'abord, M. le Président, vous savez que le ministre a repris ce matin tous les documents qui existaient depuis fort longtemps aussi.

Le Président (M. Séguin): Oui.

M. Cournoyer: Un point d'ordre. Je ne veux pas que vous disiez des choses comme cela "qui existaient depuis fort longtemps."

M. Lessard: Depuis 1972, le document sur l'énergie.

M. Cournoyer: Non, pas celui sur l'énergie. Pour celui sur l'énergie dont on parlait je n'ai fait que citer le texte qui était dans le document de 1972. Bien sûr, vous allez comparer deux choses, parfait. Ce que le président aimerait que vous évitiez, puis que je voudrais éviter aussi, c'est de faire ie procès de quelqu'un qui n'est pas ici. C'est juste cela. Mais je vous rappelle que le sous-ministre est changé, que le sous-ministre adjoint n'est plus le même, et le ministre aussi.

M. Lessard: D'ailleurs, M. le Président...

M. Cournoyer: A partir de là, je pense bien que ça va aller.

M. Lessard:... j'en conviens, je n'ai pas à faire comme tel le procès de M. Massé. Le roi est mort, vive le roi. J'ai l'intention, cependant, M. le Président, de reprendre un certain nombre de politiques qui ont été préparées par le ministère des Ri- chesses naturelles et de les mettre en relation avec les déclarations actuelles du ministre.

D'abord, concernant la politique minière générale, ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on nous a promis une politique minière générale. C'est, en effet, en 1971 que fut promise pour la première fois cette politique. Mais le ministre actuel, nommé le 30 juillet 1975, nous l'a promise le 16 décembre dernier. En effet, M. le Président, je me rappelle avoir discuté de la loi 89 sur les droits miniers, en deuxième lecture et en commission parlementaire.

A ce moment-là, le ministre des Richesses naturelles nous avait affirmé qu'il devait faire connaître sa politique minière d'ici à la fin de janvier.

M. Cournoyer: De quelle année?

M. Lessard: C'est justement là qu'est le problème. Il faudrait que le ministre le dise. Il a dit: D'ici à la fin de janvier, le 17 décembre 1975. Alors, j'aurais besoin de précisions; probablement que le ministre voulait parler de 1977. Bon, première promesse qui change de date. D'ici à la fin de janvier, moi j'avais prévu que c'était 1976. Mais, en tout cas, continuons, M. le Président. Alors le ministre me dit?

M. Cournoyer: C'était plausible que ce soit la fin de janvier 1976. Disons qu'on va régler pour janvier 1976. Continuez, je ne suis pas pour vous faire changer votre trame.

M. Lessard: Non, non, il n'y a pas de problème; je suis capable de la changer, ma trame.

Le ministre nous a dit ce matin que, à l'intérieur des politiques minières, il devait y avoir des politiques sectorielles; le ministre a bien utilisé ce terme. J'en conviens et je suis d'accord avec le ministre. Comment, par exemple, avoir une même politique vis-à-vis des compagnies qui exploitent du minerai de fer — alors que notre "bargaining power" peut être assez faible de ce côté, puisque du minerai de fer on en trouve depuis 1955 ou 1960, un peu partout — que vis-à-vis des compagnies d'amiante, où c'est entièrement différent?

Le ministre aime parler de politiques sectorielles; l'approche doit être spécifique à chaque secteur de l'industrie minière et on devrait trouver cette politique particulière de l'amiante dans le cadre d'une politique générale.

Or, nous attendons encore une politique là-dessus. J'en conviens, le ministre a pris la précaution ce matin de nous dire que les rapports de ses fonctionnaires représentent l'opinion des fonctionnaires et ne représentent pas nécessairement l'opinion du ministre.

M. Cournoyer: Et du ministère. Il faut faire attention!

M. Lessard: Et du ministère, j'en conviens. Mais, un jour ou l'autre, il faudra que le ministre se décide sur les rapports et qu'il nous fasse part de l'opinion, et du ministre, et du ministère concer-

nant les recommandations du fonctionnaire qui a préparé le rapport. Un jour ou l'autre, il faudra qu'on se décide à ce sujet.

Or, l'une des principales recommandations du rapport Alexandre c'est justement, si vous me permettez, de faire l'acquisition d'une part majoritaire de l'Asbestos Corporation et son entrée subséquente dans le domaine manufacturier, par des méthodes qui demeurent imprécises à ce moment.

Je voudrais, M. le Président, d'abord reprendre une autre déclaration du ministre, en date du 21 septembre 1975. Le ministre déclarait ceci: Là où il y a une piastre à faire, le Québec doit être présent, surtout s'il s'agit de l'utilisation rationnelle de nos ressources.

Cela va? Puis-je rappeler au ministre que dans le secteur de l'amiante il y a peut-être, pour les Québécois, non seulement une piastre à faire, mais il y a peut-être une place à prendre?

M. Cournoyer: Pourquoi dites-vous peut-être?

M. Lessard: Je dis qu'il y a une piastre à faire...

M. Cournoyer: Allez-y. D'accord.

M. Lessard: Surtout, M. le Président, qu'il y a une place à prendre.

M. Cournoyer: Nous sommes d'accord.

M. Lessard: Puis-je rappeler au ministre que dans le rapport Alexandre, à la page 177, on estime la valeur boursière de l'Asbestos Corporation à $48 229 034? Sa valeur aux livres, en 1973 — je conviens qu'il y a eu modification depuis cette date— était de $78 165 135.

Puis-je rappeler au ministre que l'an dernier l'Asbestos Corporation prévoyait, n'eût été d'une grève, soit à la fin du troisième trimestre, faire des profits de $12 millions, mais considérant la grève, que ces profits ont été réduits, je pense, à $7 millions ou $8 millions? Puis-je aussi rappeler au ministre que l'Asbestos prévoit encore des profits records en 1976 et qu'on va même jusqu'à parler de profits équivalant à près de $20 millions? Donc, il v a là une piastre à faire et, au prix du rachat, soit de la valeur boursière ou de la valeur aux livres — disons que si on parle de valeur aux livres, c'est $80 millions — je pense que le marché que les Québécois auraient fait en rachetant l'Asbestos Corporation aurait pu être extrêmement positif pour eux.

Je voudrais également rappeler au ministre que, concernant le rapport Alexandre qui, selon lui était toujours remis vers le mois de décembre au Conseil régional de développement de Thetford Mines pour étude, le ministre disait ceci: Je ne leur demande pas de me faire un rapport pour le mois de décembre, mais simplement de me dire si l'application d'une telle solution pourrait changer quelque chose aux problèmes actuels de l'amiante. Le ministre voudrait-il que d'autres prennent sa place pour agir?

M. Cournoyer: Non.

M. Lessard: Qu'il y ait de la consultation, j'en conviens, mais le conseil régional de la région de l'amiante a déjà fait des recommandations dans d'autres documents, en particulier l'Office de commercialisation, et on sait comment cela a été rejeté du revers de la main par l'ex-ministre des Richesses naturelles.

Il y a une autre chose aussi où, par exemple, le ministre, et là il y avait eu une déclaration qu'on retrouve dans les journaux, mais que le ministre a rejetée par la suite, à savoir qu'il demandait à SOQUEM d'étudier la possibilité de s'associer avec Asbestos Corporation. Par la suite, disons que le ministre...

M. Cournoyer: Juste pour l'information, Asbestos Corporation, c'est BRINCO cela. C'est Abitibi-Asbestos.

M. Lessard: Abitibi-Asbestos, excusez-moi.

M. Cournoyer: C'est parce que vous avez dit Asbestos Corporation.

M. Lessard: Maintenant, par la suite, disons que le ministre a affirmé — le lendemain ou quelques jours après — qu'il n'avait jamais demandé à SOQUEM d'analyser cette possibilité.

M. Cournoyer: Pour votre information... M. Lessard: Article 96...

M. Cournoyer: Non, non, je ne voudrais pas que le député énonce des choses comme celle-là. Je pense que s'il lit bien les deux articles, il va pouvoir immédiatement faire la différence entre "le ministre n'a pas demandé que SOQUEM participe à 50% nécessairement avec Abitibi-Asbestos" et, "il a demandé que SOQUEM entre en pourparlers avec Abitibi-Asbestos pour l'exploitation de la mine qu'ils avaient." Il a aussi demandé à SOQUEM de participer au même genre de discussions avec la compagnie qui contrôle un autre gisement d'amiante à Chibougamau.

Donc, il n'est pas question pour moi de penser autrement que ce qui a été dit. C'est la Macadam Mining Corporation qui est, d'un côté, plus proche d'un bassin de population en chômage actuellement, et il y a l'autre qui est Abitibi-Asbestos. Mais à aucun moment le ministre n'a demandé que ce soit 50% de participation de SOQUEM comme condition à la participation de SOQUEM. Il a dit: Allez voir et discutez. C'est ce que M. Forget, le journaliste du Soleil, corrige dans le journal du lendemain, et non pas "le ministre n'a jamais demandé à personne". Je suis sûr que ce n'est pas ce que le député voulait dire.

M. Lessard: Voici, disons que M. Forget corrige à la suite...

M. Cournoyer: Sur les 50%.

M. Lessard: ... d'un article de Rhéal Bercier paru dans la Presse, jeudi le 18 mars 1976, où on dit: "En effet, Québec vient d'autoriser SOQUEM à négocier avec la société Abitibi-Asbestos, filiale de la société BRINCO, contrôlée par des intérêts britanniques, une participation importante dans l'exploitation à Amos du plus important gisement d'amiante connu au Québec". Est-il exact...

M. Cournoyer: Ce n'est pas exactement 50%.

M. Lessard: Non, non. Alors, la seule chose que vous dites à ce sujet, c'est que vous n'avez pas parlé de 50%.

M. Cournoyer: C'est cela. M. Lessard: D'accord.

M. Cournoyer: C'est une mauvaise impression...

M. Lessard: II reste que...

M. Cournoyer: ... j'avais raison, c'est une impression qui vous est restée, par exemple.

M. Lessard: Oui. Il reste qu'à un moment donné donc, vous avez quand même autorisé SOQUEM...

M. Cournoyer: Non, je n'ai pas autorisé. J'ai demandé à SOQUEM.

M. Lessard: Vous avez demandé à SOQUEM. M. Cournoyer: C'est très important...

M. Lessard: D'accord, c'est très important. Oui, oui, c'est plus positif.

M. Cournoyer: Ce n'est pas parce que je veux être plus positif. Normalement, SOQUEM aurait pu me demander une autorisation, ce qu'elle n'a pas besoin de faire. Mais c'est une demande que j'ai faite à SOQUEM. Il y a une légère différence.

M. Lessard: Alors, on pourra revenir sur ce point, M. le Président, pour discuter où en sont les négociations et ainsi de suite.

M. Cournoyer: D'accord.

M. Lessard: Tout à l'heure, lorsque je parlais des profits d'Asbestos Corporation, M. le Président, je pourrais les citer maintenant: En 1974, c'était $11,5 millions; en 1975, $7,6 millions et pour 1976, on prévoit $15 millions à $20 millions.

Là, il s'agit d'un secteur — le secteur de l'amiante — où des études sont faites, des études qui sont assez concrètes. Je ne sais pas si on va en arriver encore à demander une nouvelle étude pour étudier l'étude de M. Alexandre, ingénieur qui travaille à l'économie minérale du développement. Mais surtout, c'est là un secteur où on a une force — et je comprends, avec le ministre — malgré certaines faiblesses — il y a toujours des faiblesses — concernant la transformation mais où on a une force que nous n'avons pas dans d'autres secteurs. Et si nous ne sommes pas capables de prendre une action dans ce secteur, je me demande où nous allons être capables de prendre une action dans d'autres secteurs. Je voudrais, à ce sujet, rappeler au ministre l'exemple de M. Bla-keney qui, concernant la potasse, a décidé de prendre une action en Saskatchewan qui démontre justement qu'un gouvernement, quand il veut agir, il agit.

Concernant la politique de l'eau, le ministre nous a fait un rapport très très poussé ce matin sur ce que devra être la politique de l'eau.

Le ministre nous a dit qu'avant la fin de 1976, il pourrait — il nous en a donné l'impression — avoir une véritable politique de l'eau, sinon dans sa concrétisation, malgré certaines choses dont il nous a parlé qu'il devait réaliser. On devrait au moins avoir un programme ou un échéancier concernant l'administration de l'eau et le rôle que doit jouer l'eau et selon quelles modalités devrait s'appliquer cette politique.

Mais en même temps que le ministre nous dit qu'en 1976 il va y avoir une politique de l'eau et qu'il nous affirme que l'intérêt public doit primer l'intérêt privé et qu'il faut que son ministère soit le principal interlocuteur et législateur en matière d'eau, je me retourne de bord et, au même moment, le ministre des Affaires municipales, responsable de la qualité de l'environnement, qui est actuellement, probablement, un des interlocuteurs principal...

M. Cournoyer: Principaux.

M. Lessard: Principaux? Cela dépend.

M. Cournoyer: Dans ce cas, on le fait accorder.

M. Lessard: Cela dépend, avec un ou avec des.

M. Cournoyer: Là, avec la multiplicité, vous êtes mieux de dire les principaux.

M. Lessard: D'accord.

M. Cournoyer: Là-dessus, il y en a en masse.

M. Lessard: Un des interlocuteurs principaux nous déclare que le gouvernement n'avait pas les moyens financiers pour appliquer une véritable politique en matière de pollution des eaux. D'ailleurs, la contraction des crédits du ministère des Richesses naturelles de même que celle des crédits de l'environnement me laissent extrêmement perplexe parce que l'eau, c'est un problème qui devient de plus en plus important dans toutes les régions du Québec. Si on n'agit pas, cela va coûter de plus en plus cher. Tous les systèmes de nettoyage de l'eau, des cours d'eau, ainsi de suite, cela va prendre de plus en plus d'argent.

Or, M. le Président, tant dans le ministère responsable de l'environnement que du côté du ministère des Richesses naturelles, on constate une réduction de ces budgets.

Politique de l'énergie. Encore là, je pense bien, M. le Président, que ce n'est pas la première fois que nous parlons de la nécessité d'une politique énergétique. C'est au chapitre de l'énergie que le ministre s'est le plus, je pense, surpassé. Je voudrais, à moins que le ministre ne me confirme qu'il s'agit d'une erreur de journaliste, lui citer un article de Pierre Sormany du journal Le Jour...

M. Cournoyer: Je ne connais pas cela! Je nie, je nie!

M. Lessard: ... du 22 janvier 1976...

M. Cournoyer: Je nie deux fois plus. Je n'étais pas là, j'étais en...

M. Lessard: ... où on cite le ministre à l'occasion d'un exposé devant le Club de l'électricité de Montréal.

M. Cournoyer: Ah oui!

M. Lessard: C'est du grand monde, cela.

M. Cournoyer: Le Club de l'électricité?

M. Lessard: Oui.

M. Cournoyer: Ah!

M. Lessard: On sent l'évangéliste qui parle: Moi, je vous le dis...

M. Cournoyer: En vérité, en vérité.

M. Lessard: ... par exemple, que l'on va présenter notre politique pour arriver avant le fédéral et que j'ai reçu, ces jours-ci, un télégramme d'Ottawa pour m'annoncer que la politique fédérale sera présentée le 5 mars. Alors, notre politique, cela s'en vient vite.

M. Cournoyer: On l'a!

M. Lessard: Vous l'avez?

M. Cournoyer: Je comprends!

M. Lessard: Est-ce que le rapport Marier?

M. Cournoyer: II n'y a pas de danger. Cela, ce sont des questions et des réponses proposées par Marier.

M. Lessard: Comme le ministre nous le disait ce matin, des questions et des réponses.

M. Cournoyer: Certainement.

M. Lessard: Mais, M. le Président, nous sommes en mars et nous ne connaissons pas...

M. Cournoyer: J'aurais préféré qu'on fût en mai mais..

Des Voix: Ha! Ha!

M. Lessard: Le ministre parlait de mars. Nous sommes en mai et nous ne connaissons pas encore la politique énergétique du gouvernement.

M. Cournoyer: ...dur.

M. Lessard: Je vous ai enduré longtemps ce matin.

M. Cournoyer: Non, non. Ce n'est pas ce que vous dites qui est dur. C'est que vous ne connaissez pas encore ma politique énergétique.

M. Lessard: Non, non, on ne la connaît pas.

M. Cournoyer: Vous avez remarqué qu'elle était sectorielle.

M. Lessard: Ah! C'est toujours sectoriel. Depuis lors, en fait, le ministre s'est caché derrière un rapport de son fonctionnaire, soit le rapport Marier, qui, nous disait-il encore ce matin, n'est pas l'expression d'une politique gouvernementale. C'est l'expression d'un fonctionnaire.

M. Cournoyer: Oui.

M. Lessard: Ce sont les opinions d'un fonctionnaire, ce n'est pas nécessairement la politique du ministère des Richesses naturelles.

Je ne voudrais quand même pas, au nom des fonctionnaires... Je soulignais, l'an dernier, comment ces gens commençaient à avoir leur voyage et que c'était un peu pour eux que j'étais venu discuter des crédits. Je pourrais citer un passage où je disais: Scepticisme, écoeurement, découragement caractérisent les meilleurs fonctionnaires de ce ministère...

M. Cournoyer: Etes-vous capable de le répéter?

M. Lessard: Non, non. Je le disais pour l'an dernier... qui ont continué malgré tout à faire leur boulot à l'intérieur de ce ministère et qui ont assisté, impuissants, aux démissions du ministre — je souligne de l'ex-ministre des Richesses naturelles — qui ont vu leurs rapports s'empoussiérer sur les tablettes, qui ont vu leurs meilleures propositions galvaudées et rejetées à cause de l'influence des compagnies minières sur ce gouvernement et du manque de leadership du ministre.

Mais, M. le Président, je dis quand même qu'il faudrait se décider à l'intérieur de ce ministère. Ou bien on ne commande plus d'études, on arrête là, puis on dit: D'accord, nous autres on fait de l'administration à la petite semaine ou au jour le jour, ou bien, à un moment donné, on nous dit: Les études qui ont été commandées, on va essayer de voir de quelle façon elles s'appliquent puis de quelle façon elles ne s'appliquent pas, mais on va

essayer au moins de prendre en considération les recommandations.

Or, à ce que je sache, dans le secteur de l'amiante, dans le secteur énergétique — on va en parler tout à l'heure — il n'y a pas grand-chose qui a été appliqué par le ministre des Richesses naturelles.

Toujours dans ce rapport, on propose la création, le ministre en a parlé tout à l'heure, d'une société financière pour le développement de l'énergie. On propose, à un moment donné, de nationaliser Golden Eagle, d'étatiser Gaz Métropolitain, mais ce n'est pas la première fois qu'on fait des études semblables. Golden Eagle, si on avait agi, à un moment donné, appartiendrait probablement à SOQUIP, à la Société québécoise d'initiatives pétrolières, appartiendrait probablement au gouvernement, mais on a laissé faire. Mais quand cela va-t-il se faire? Comment? Aucune réponse, puisqu'il ne s'agit pas d'une politique gouvernementale.

Régie de l'énergie. Voilà une action qui aurait pu être prise dès le lendemain du dépôt du livre blanc sur la politique énergétique, la création d'une régie de l'énergie. Or, M. le Président, nous n'avons rien encore. Or, le 24 novembre 1975, le ministre des Richesses naturelles actuel faisait une déclaration dans Montréal Matin, le mardi 25 novembre 1975. Il s'agit d'un résumé de la nouvelle, pour être bien honnête, quitte à permettre au ministre par la suite de préciser s'il a été bien interprété ou mal interprété. Le ministre déclarait ceci: Le gouvernement du Québec entend se doter, au cours des prochains mois, d'un tribunal ou d'une régie de l'énergie, afin de pouvoir exercer un certain contrôle du prix des produits pétroliers dans la province. En annonçant cette nouvelle, hier soit le 24 novembre 1975, M. Jean Cournoyer a précisé qu'il déposera un projet de loi en ce sens, à l'Assemblée nationale, d'ici le mois de mars. Je comprends que vous aimeriez être au mois de mars, mais nous sommes maintenant au mois de mai. Selon le ministre, continue-t-on toujours, ce tribunal de l'énergie se verrait confier le mandat, soit de déterminer le prix du pétrole, soit de voir à l'application d'une politique gouvernementale. M. Cournoyer estime par ailleurs que le prix de l'essence atteindra $1 le gallon d'ici un an au Québec.

Donc, depuis lors, depuis cette date, rien, sinon que le ministre s'empresse d'appuyer chaque hausse du prix demandé par les provinces de l'Ouest et le gouvernement central. Or, il est clair qu'il n'y a aucun avantage pour les Québécois à accepter quasi inconditionnellement — je dis bien quasi inconditionnellement — ces hausses malgré ce qu'affirme justement le rapport Marier, parce qu'il y a des choses sur lesquelles je ne suis pas d'accord dans le rapport aussi.

M. Cournoyer: Vous ne me dites pas!

M. Lessard: Le ministre recommande même au premier ministre de ne pas s'y opposer. On a l'impression que le gouvernement s'est fait ache- ter pour $0.05 ou $0.10 de péréquation pour chaque dollar de plus payé par les consommateurs québécois. Un gouvernement qui fonctionne à ristourne. Lors de l'augmentation qui est due pour le 1er juillet, $1.35 ou $1.50, on ne le sait pas, le même problème de réglementation des prix sur les stocks va se poser à nouveau. Encore une fois, les consommateurs, parce qu'il n'y a pas de régie de l'énergie, risquent de se faire exploiter, faute de pouvoir réglementer et geler les prix — mais ce ne fut pas le cas l'an dernier, contrairement à l'Ontario, étant donné que nous avons des pouvoirs constitutionnels qui nous permettent de fixer les prix de l'énergie — à moins que nous ayons, dis-je, un ministre qui décide de geler pendant une certaine période, mais pas pendant la période de l'été, les produits pétroliers.

Figurez-vous, l'an dernier, qu'on s'est fait toute une gloire de geler les produits, et l'augmentation...

M. Cournoyer: N'est-ce pas épouvantable, des affaires de même! M. le Président, il me prête des motifs. Cela n'a pas d'allure.

M. Lessard: Pendant la période de l'été...

M. Bédard (Chicoutimi): II vous fait agir. Vous n'agissez pas. Cela n'a pas d'allure!

M. Cournoyer: Cela n'a pas d'allure!

M. Lessard: Le ministre va se retrouver, encore cet été, dans la même situation ridicule...

M. Cournoyer: Je n'ai rien fait dans cela, cette histoire-là.

M. Lessard: ... que l'été dernier — c'est cela — alors que les compagnies ont... Vous avez été nommé en juillet?

M. Cournoyer: En plein été, oui. M. Lessard: Oui, en juillet. M. Cournoyer: ... étaient gelés.

M. Lessard: Alors que les compagnies ont refusé de geler les prix pétroliers, sauf ceux de l'huile à chauffage jusqu'en septembre.

M. Cournoyer: Cela, ce n'est pas moi qui ai fait cela.

M. Lessard: Ce n'est pas vous qui avez fait cela?

M. Cournoyer: Non, ce sont les compagnies.

M. Lessard: Je vous prête des intentions parce que vous n'avez même pas fait cela.

M. Cournoyer: Non, je n'ai pas fait cela certain, je trouvais cela ridicule.

M. Lessard: Le 28 avril, le ministre fédéral dépose un livre en blanc...

M. Cournoyer: ... journal...

M. Lessard: ... laissant entrevoir que d'ici deux ans la politique fédérale serait de hausser de $13 à $15 le prix du baril. Nous attendons encore la réponse du ministre.

M. Cournoyer: Elle est faite. M. Lessard: Elle est faite? M. Cournoyer: Je comprends. M. Lessard: Oui, le prix américain.

M. Cournoyer: Quand on vous le dit, vous ne comprenez pas.

M. Lessard: Lé prix américain? Le prix américain, c'est la réponse que vous m'ayez donnée ce matin.

M. Cournoyer: Oui, et puis? Je l'ai donnée ce matin.

M. Lessard: Concernant maintenant...

M. Cournoyer: Le prix américain. On aimerait mieux que ce soit en bas.

M. Lessard: Le ministre nous parlait de la place des Québécois dans l'industrie minière, ce matin. Je pense que le ministre a pris connaissance du rapport Tetley qui précise que nous n'avons à peu près aucune place, soit 3,6% dans les minéraux métalliques, 2% dans les minéraux industriels, et dans l'industrie pétrolière, à peu près rien, 2%.

M. Cournoyer: Evidemment.

M. Lessard: Et là où on avait une certaine place, ce ne sont pas des secteurs qui sont très importants. Voilà le tableau que je trace de l'activité du ministre depuis le mois de juillet, depuis sa nomination. Ce tableau ne me paraît pas tellement plus réjouissant que celui que j'ai eu à vivre depuis 1970 jusqu'à juillet 1975. C'est-à-dire que le tableau correspond exactement à ce qu'il était — j'espère que cela va accélérer — au cours de cette période, à savoir: On étudie. On soulève un certain nombre d'hypothèses et on va voir de quelle façon ces hypothèses pourront trouver des solutions.

Là, je voudrais citer... Je ne sais pas si je vais le trouver.

M. Cournoyer: Vous voulez m'engueuler sur le parc du Saguenay. Le voulez-vous? Achetez-le donc, le parc du Saguenay!

M. Lessard: Ah oui! c'est une déclaration qu'on retrouve dans le rapport Marier où l'on dit qu'il se perd des occasions, quelquefois...

M. Cournoyer: De donner des coups.

M. Lessard: Oui, de donner des coups de pied à la bonne place. Il se perd des occasions où on n'agit pas et on perd des possibilités énormes. Je ne sais pas à quelle page on le retrouve. Ah oui! à la page 18: "Des occasions passent qui sont perdues si on ne les saisit pas à temps."

M. Cournoyer: Dire qu'il aurait pu être sous-ministre adjoint!

M. Lessard: II y a des occasions qui se perdent, au ministère des Richesses naturelles, et on ne peut malheureusement pas retrouver ces occasions. A la page 12 du rapport Marier, on peut lire cette phrase: "Malheureusement, dit-il, aucune des tentatives faites précédemment ou concurremment par SOQUIP pour prendre pied dans le secteur de la distribution, qui est un secteur très important, que ce soit celle de la construction de relais au-dessus des autoroutes, celle de la fourniture à la SDBJ ou à la SEBJ des produits pétroliers nécessaires pour les grands travaux de la baie James, ou celle du rachat de petites sociétés de distribution, telles Saint-Laurent et frères ou GASBEQ, n'avait paru possible".

Il n'y a rien de fait. Nous en sommes encore aux balbutiements d'une politique énergétique. Pas d'une politique énergétique théorique mais d'une concrétisation d'une politique énergétique québécoise. Nous en sommes encore aux balbutiements, et c'est encore beaucoup dire, d'une politique des mines. C'est le même cas concernant une politique des eaux. Nous devrons, encore une fois, attendre les prochains crédits pour avoir des réponses du ministre sur ces différents points que j'ai soulevés, un peu comme on me l'avait dit l'an dernier.

Mais au moins, l'an dernier, l'ex-ministre m'avait confirmé que je pourrais avoir des réponses aux crédits de 1976.

M. Cournoyer: II savait qu'il partirait, lui.

M. Lessard: Je n'ai pas de réponse encore. Alors, je termine, en disant ceci: Non seulement je constate que nous sommes encore aux études, mais je constate des baisses de crédits de 17,4%. Donc, la réalisation de toutes ces promesses dont nous a parlé le ministre ne semble pas pour cette année encore. Quant à moi, je souhaiterais, en tout cas, pouvoir me tromper et qu'enfin on ait un ministre des Richesses naturelles qui sorte ce ministère de sa torpeur, de la léthargie qui le caractérise depuis 1970 et prépare des politiques qui nous permettent non seulement comme Québécois de prendre notre place à l'intérieur de ce secteur, mais qui nous permettront comme Etat, à un moment donné, de recevoir des retombées économiques considérables en ce qui concerne la transformation de nos ressources.

Le Président (M. Séguin): Merci, M. le député.

M. Lessard: J'ai été moins long que le ministre.

M. Cournoyer: Vous avez été excellent. Je pensais que vous seriez plus mauvais que cela pour moi.

Le Président (M. Séguin): Alors, est-ce que d'autres membres de la commission ont des commentaires? Alors, programme 1, article 1.

M. Cournoyer: Je m'excuse, j'aimerais bien ne pas répondre parce qu'on peut faire un débat de sourds en se disant des beaux mots et des gros mots. Disons que, d'une façon générale, les reproches qui sont adressés à mon ministère et à moi-même — bien sûr, parce que j'en suis le responsable — sont des reproches qui, tout en étant non fondés, nous incitent certainement à une énorme prudence et surtout nous incitent à déployer encore plus d'efforts pour vous satisfaire. Là, je ne parle pas de l'Opposition, mais de la population de la province de Québec. Ce ministère, malgré des budgets réduits, est encore plus dynamique qu'il ne l'a jamais été, même depuis les années soixante. Depuis les années soixante, il n'a jamais été dynamique comme cela. On va s'arranger comme cela, pour que ce ministère ait au moins la possibilité, dans peu de temps, non pas de répondre aux questions que nous nous sommes posées — je dois vous avouer, quant aux questions que nous nous sommes posées, que, pour la plupart d'entre elles, nous possédons les réponses — ce que le député du Parti québécois voudrait que nous fassions. On lancerait alors des réponses et les gens à l'esprit non préparé recevraient ces réponses comme étant, en fait, des problèmes additionnels pour eux. Lorsque je dis que nous avons des réponses aux questions que nous nous sommes posées, c'est que nous pouvons, nous, sans que la population sache qu'il y a un problème, découvrir que nos réponses seraient susceptibles de causer encore plus de problèmes que le problème que nous voudrions résoudre.

Vous me dites que nous n'avons pas de politique énergétique. Je vous avoue que c'est une idée que vous avez. Vous n'avez pas encore appris soit à écouter, soit à lire ce que nous vous avons donné.

M. Lessard: C'est le fédéral qui a une politique. Vous n'êtes plus capable d'en avoir une.

M. Cournoyer: Non, non, écoutez. La politique fédérale, d'une façon très générale, c'est quoi? "Self sufficiency" ou bien "Self reliance". Moi, je ne sais pas encore ce que cela veut dire en français, puis je ne peux pas le traduire. Je ne travaille pas pour Air Canada; moi, je travaille pour ici. Comme je ne peux pas traduire cela, je dis: Qu'est-ce que nous faisons?

Lors de la conférence des ministres de l'énergie, nous avons indiqué au gouvernement fédéral que c'était impensable et nous avons mis le pro- blème des sables bitumineux en plein front du gouvernement fédéral. Est-ce que c'est possible que nous acceptions, nous, comme Québécois, donc comme Canadiens, jusqu'à preuve du contraire, de risquer de payer un coût tellement supérieur, pour le baril de pétrole, au prix international dont nous avons parlé?

M. Lessard: Qui va décider cela? Qui a décidé de la ligne Borden?

M. Cournoyer: Je ne suis pas le gouvernement de l'Alberta et il faudrait que le PQ le sache bien...

M. Lessard: Qui a décidé de la ligne Borden?

M. Cournoyer: ... et qu'il se souvienne surtout qu'on n'a pas une goutte de pétrole dans le sol québécois...

M. Lessard: Qui a décidé de la ligne Borden, à un moment donné? Est-ce Québec?

M. Cournoyer: Je n'étais pas là, je ne sais pas qui a...

M. Lessard: Nous n'étions pas là non plus.

M. Cournoyer: Est-ce que c'est une compagnie de lait, cette histoire-là?

M. Lessard: Non, non, c'est sérieux, c'est sérieux.

M. Cournoyer: La ligne Borden a été décidée alors que le gouvernement actuel n'était pas...

M. Lessard: ... peut-être d'accord... M. Cournoyer: Mais oui, mais écoutez... M. Lessard: C'est le fédéral.

M. Cournoyer: J'ai essayé de situer toutes ces choses-là. J'ai voulu justement...

M. Lessard: ...des politiques pétrolières.

M. Cournoyer: ...pour éviter au député de Saguenay d'avoir l'air ridicule devant ses collègues, sinon devant toute la population, dire: Regardez cela comme il faut, il y a la ligne Borden lorsque nous arrivons au pouvoir. Il y a un ensemble de politiques fédérales.

M. Lessard: Fédéralisme rentable.

M. Cournoyer: C'est vrai, vous avez raison, fédéralisme rentable. La ligne Borden a peut-être été rentable pour le Québec. Posons-nous la question. C'est une ligne qui empêchait le pétrole...

M. Lessard: ... pétrochimie.

M. Cournoyer: II y a quelqu'un qui a développé une pétrochimie de l'autre bord. On aurait

pu en développer une ici, et après? Cela n'aurait pas empêché une pétrochimie dans la province de Québec.

M. Lessard: Cela a empêché le développement, par exemple. Lisez vos rapports.

M. Cournoyer: II y a trente-six sortes de raisons que cela a empêché le développement de quoi? De quoi? Nous n'avons pas de pétrole dans la province de Québec, sauf celui que nous importons. Est-ce assez clair?

M. Lessard: On continue d'en importer encore.

M. Cournoyer: Oui, on va continuer d'en importer. On va en importer de l'Alberta et on va en importer aussi du Moyen-Orient, jusqu'à preuve du contraire. D'ailleurs, je comprends que vous ne croyiez pas à ces choses-là, les chiffres ne vous ont jamais énervé.

M. Lessard: A un moment donné on aurait pu en vendre de l'autre côté et développer notre pétrochimie.

M. Cournoyer: C'est cela!

M. Lessard: Ce que je vous demande, c'est: Qui décide de la politique pétrolière? Le Québec ou le fédéral? Qui a décidé de la politique pétrolière en 1960? Qui va décider de la future politique pétrolière, malgré toutes les tergiversations, malgré tout ce que pourra dire le ministre? Ce n'est pas vous autres; vous avez perdu votre rôle dans cela, il est disparu.

M. Cournoyer: L'opinion du député de Saguenay, je ne la modifierai sans doute jamais. Je ne la modifierai pas. Notre position actuelle, face au développement de politiques énergétiques, doit tenir compte, et elle tient compte, du contexte international, du contexte national, puisque nous sommes partie de la Confédération et que le gouvernement fédéral a, dans cette Confédération, un rôle à jouer, face à l'Alberta et face à l'importation chez nous.

Notre développement de politiques, s'il ne tient pas compte de cela, nous présumons que vous allez gagner les prochaines élections, et ce n'est pas fait.

M. Lessard: Continuez comme cela et ça va venir.

M. Cournoyer: Ce n'est pas fait. Parce que vous autres, vous n'êtes pas...

M. Bédard (Chicoutimi): Si vous continuez a mal administrer, ça va venir vite.

M. Cournoyer: Qu'on va pouvoir se séparer plus facilement!

M. Bédard (Chicoutimi): Non, ça va venir vite.

M. Cournoyer: Vous allez pouvoir trouver du pétrole dans votre sous-sol!

M. Bédard (Chicoutimi): On va prendre votre place.

M. Lessard: On négociera selon nos intérêts à nous comme...

M. Cournoyer: C'est cela! Alors, vous viendrez m'expliquer...

M. Lessard: Comme dans le rapport Marier, on le souligne à un moment donné.

M. Cournoyer: Voyez-vous cela, les gars! Voyez-vous cela, Lessard négocier avec un scheik d'Arabie! Voir si le scheik va lui donner $11.50 ou $12.50. A sa place, je lui demanderais $14.

M. Lessard: Que le ministre n'essaie pas de ridiculiser... Depuis 1973...

M. Cournoyer: Non, mais pour les prix, est-ce qu'il a été établi...

M. Lessard: ... on aurait dû...

M. Cournoyer: ... qu'il y a deux problèmes en particulier? Le premier est la fixation du prix international. Est-ce qu'il a été établi que les pays producteurs fixent le prix d'autorité et qu'ils ne négocient pas ce prix avec le Québec, ni même avec les Etats-Unis?

M. Lessard: il y a d'autres négociations.

M. Cournoyer: S'ils négociaient avec quelqu'un avant moi ils négocieraient avec les Etats-Unis. Je ne parle pas du Canada, je parle du Québec en particulier. Cela, c'est la question du prix.

La question de la sécurité des approvisionnements, qu'on pourrait garantir, c'est l'autre question. Est-ce qu'il a été mentionné, dans le discours que je vous ai fait ce matin, qu'il pourrait arriver que nous entreprenions nous-mêmes des négociations avec les pays arabes pour la sécurité de l'approvisionnement en produits pétroliers, chez nous au Québec? Cela a été mentionné dans ce que j'ai dit ce matin.

Vous avez l'air de vouloir l'oublier. Vous prenez ce que vous voulez, mais je vous dis que je l'ai mentionné ce matin. Vous me dites qu'il n'y a pas de politique. Il y en a une politique de l'énergie au Québec. Que je n'aie pas déclaré d'une façon intégrale, comme le fait le fédéral, une politique tout simplement générale qui dise: On doit tendre vers... Ce qui compte, en définitive, c'est beaucoup plus de faire les gestes et les actions appropriés qui peuvent s'inscrire dans un cadre général de décisions politiques prises à l'intérieur du ministère que de déclarer à la face du monde: Où va-t-on essayer de prendre le plus possible d'une négociation ou d'une discussion quelconque, soit avec le gouvernement fédéral, soit avec le gouvernement de l'Alberta?

Vous avez dit tantôt, avec une sincérité désarmante, que, l'an passé, le gouvernement du Québec avait laissé les prix des produits pétroliers augmenter. Il n'a pas laissé les prix de produits pétroliers augmenter; le gouvernement du Québec avait, en établissant sa politique, à l'intérieur de la politique fédérale, établi qu'on devait tendre vers le prix international. Est-il possible que le gouvernement s'oppose à un mouvement vers le prix international, lorsque la politique établie, publiée par le gouvernement est à l'effet qu'on doit tendre vers le prix international?

M. Lessard: M. le Président, cela a été dit. M. Cournoyer: Oui, cela a été dit.

M. Lessard: C'était votre politique, à un certain moment. Pendant ce temps, comment se fait-il que le premier ministre disait constamment que le prix du pétrole de l'Ouest n'atteindrait pas — il nous l'a dit en Chambre; il nous parlait du fédéralisme — le prix international? C'est toujours ce qu'on lui a dit, parce que le marché, c'est le marché. C'est toujours ce qu'on a affirmé en Chambre et le fédéralisme rentable n'a pas duré longtemps.

M. Cournoyer: C'est encore très rentable; il dure encore et, pendant tout le temps qu'il dure, c'est encore meilleur. Actuellement, le prix d'un baril de pétrole vendu au Québec est de $11.50 et le prix payé par les Québécois ici, ceux qui le prennent à la pompe est en bas de cela. Il est payé, au prix coûtant, $8. Je comprends qu'il y a plusieurs taxes qui viennent s'ajouter, mais il ne faudrait pas que les gens pensent que c'est cela. Il y a des taxes au-dessus de cela.

M. Lessard: Avec la taxe d'accise, il est combien?

M. Cournoyer: Dix cents de trop.

M. Lessard: Mais cela fait combien le baril?

M. Cournoyer: Cela dépend des endroits. A des endroits, $0.73; il y a des endroits où c'est $0.83 pour la même sorte de baril, d'autres places où c'est $0.93. Cela dépend des endroits.

M. Lessard: A ce moment-là, cela fait le prix international, avec la taxe d'accise?

M. Cournoyer: Je suis convaincu que vous avez raison. En définitive, si tu divises cela par huit, si tu ne le raffines pas et que tu le fourres brut dans ton moteur, c'est sûr que tu le paies au prix international. C'est $8, il n'y a pas de problème, s'il n'a pas été touché par personne, ni transporté.

M. Lessard: Non, mais avec la taxe d'accise?

M. Cournoyer: Je suis d'accord avec vous sur la taxe d'accise. C'est, d'ailleurs, pourquoi nous disons: Faites-le donc payer au vrai prix...

M. Lessard: Oui, c'est cela.

M. Cournoyer: II faut bien penser qu'à toutes fins utiles les gens qui consomment davantage de pétrole parce qu'il n'a pas l'air de coûter tel prix, le consomment tout simplement, mais il est financé par autre chose. Alors, j'ai indiqué ce matin que le gouvernement fédéral s'en allait, avec cette politique des prix du pétrole et cette politique de subvention dans l'Est, vers un déficit qui atteindra les $500 millions par année. Maintenant, on m'a dit que ce n'était pas aussi élevé que $500 millions. On me dit aussi que, d'ici 1975 ou 1980, il atteindrait environ $2 milliards. Ces déficits seront absorbés, selon nous, par la taxe générale. Cela veut dire que le gouvernement va financer l'utilisation des produits pétroliers des types qui se promènent sur nos routes davantage qu'avec les seuls dix cents de taxe d'accise. On dit: Etant donné que cela coûte cela, on ne peut pas permettre, nous Québécois, qu'on paie aux compagnies pétrolières la différence entre $11.50 et $8 , alors qu'effectivement cette différence ne peut pas être compensée par la taxe d'accise et la taxe à l'exportation qui étaient prévues au moment du programme. C'est un élément de notre politique. On dit: On doit perdre.

Maintenant, cela doit-il se faire aussi vite? Il ne faut pas oublier que cette politique a été faite...

M. Lessard: Alors, votre politique est contraire à celle de l'Ontario?

M. Cournoyer: Ma politique n'est pas contraire à celle de l'Ontario. Nous ne prenons que du pétrole à $11.50, comprenez-vous cela? L'Ontario prend beaucoup de pétrole à $8; c'est elle qui achète en Alberta, ce n'est pas moi. Elle dit: L'Alberta m'appartient, comme le Québec, d'ailleurs, depuis longtemps. Comme la Confédération est faite alentour de l'Ontario, ils se promènent et disputent après tout le monde. Je dis: Pour les ressources naturelles qui appartiennent à l'AI-berta, c'est à elle de décider comment elle les vend; pour les ressources naturelles qui appartiennent au Québec, c'est à moi de décider combien je les vends; ce n'est pas l'Ontario de venir me dire combien je vendrai cela.

Alors, dans ce cas, en particulier, nous avons d'énormes difficultés avec l'Ontario. Personnellement — je ne sais pas ce qui s'est passé à la conférence des premiers ministres — comme ministre des Richesses naturelles, nous sommes en total désaccord avec la politique poursuivie par l'Ontario si tant est que cette politique veut dire qu'on n'augmente pas les prix du pétrole. Cela ne sert à rien.

Mais si, par ailleurs, la politique de l'Ontario veut dire, on pourrait être ainsi interprétée, qu'on ne doive pas, en les montant, faire exprès pour dépasser le prix moyen américain, alors qu'on pourrait peut-être se permettre un prix inférieur à cela, tout en restant dans le financement prévu au point de départ, c'est-à-dire, par la taxe à l'exportation et par la taxe d'accise, financier ou aider les gens de l'Est à cause de cela, je n'ai pas d'objec-

tion. Mais on doit tendre, selon nous, à ce que le prix d'un baril de pétrole monte graduellement vers le prix moyen américain ou se tienne au prix moyen américain.

C'est un élément de politique. On ne se cache pas pour le dire. On dit aussi, cependant, que le prix d'un baril de pétrole, s'il rejoint ce prix ou s'il augmente, nous devons nous assurer que le nouveau prix ou la somme d'argent généré ne s'en va pas exclusivement dans les offres du gouvernement d'Alberta, non plus qu'exclusivement dans les coffres du gouvernement fédéral. Ce que nous disons c'est que, si c'est fait pour de l'exploration et de la recherche, de nouveaux débouchés pétroliers, on doit s'assurer que c'est fait pour cela et c'est pour cela qu'on le charge.

Remarquez bien qu'on pourrait nous dire: Mêlez-vous de vos affaires, ne nous achalez pas pour l'Alberta. Cela n'empêche pas le gouvernement d'Alberta d'être très heureux — encore là, il y a un autre élément de notre politique qu'on peut mentionner...

M. Lessard: C'est un élément qui est reconnu par M. Marier concernant le prix international.

M. Cournoyer: Mais j'allais dire que... M. Lessard: Aucun autre...

M. Cournoyer: ... le gouvernement d'Alberta est très heureux de constater que nous avons consenti, nous, un certain nombre de sacrifices, comme société québécoise, en demandant et en permettant à SOQUIP d'aller faire de l'exploration en Alberta. Et, effectivement, SOQUIP a fait de l'exploration en Alberta et elle est devenue majoritaire dans un certain nombre de compagnies d'Alberta, ce qui permet à SOQUIP de vendre à SIDBEC les quantités de gaz dont SIDBEC a besoin.

M. Lessard: Dans cette même idée et en relation avec le rapport Marier, puisque vous nous avez dit qu'un des objectifs premiers est d'accepter que le prix de l'Ouest rejoigne le prix international, est-ce que vous avez pris, actuellement, une décision concernant le rôle de SOQUIP, particulièrement en ce qui concerne la place qu'elle doit occuper, d'abord au niveau du marché? Ce serait quand même curieux — le rapport Marier le souligne — de donner à SOQUIP la possibilité de faire du raffinage de pétrole si on ne lui donne pas la possibilité d'occuper le marché. Donc, il y a la distribution des produits pétroliers sur le marché québécois et, deuxièmement, la possibilité d'aller jusqu'au niveau du raffinage. Est-ce qu'il y a une décision qui est prise ou si vous faites encore des études?

M. Cournoyer: Je vais vous indiquer la décision qui a été prise chez nous — à ce moment-ci du moins, cela peut évoluer, je n'ai pas de décision finale dans cela — la décision que j'ai prise personnellement et qui engage le ministère jusqu'à nouvel ordre et qui doit engager M. Marier aussi, c'est que pour autant que je suis concerné nous ne prendrons le contrôle de Golden Eagle qu'en fonction d'une production pétrochimique qui serait, par ailleurs, déterminée par le ministère de l'Industrie et du Commerce. Je n'achèterai pas Golden Eagle juste pour être présent. C'est moi qui vous parle, vous me dites que je tergiverse tout le temps; ce n'est pas de la tergiversation, je n'achèterai pas Golden Eagle juste pour être présent dans le secteur pétrolier.

S'il n'y a pas de but, si je n'ai pas déjà quelque chose à réaliser, c'est-à-dire une industrie pétrochimique qui aurait besoin des produits, des sous-produits d'une raffinerie, je n'ai pas l'intention d'acheter le raffinage. Par ailleurs, je ne crois pas que le seul achat du raffinage soit susceptible de dire grand-chose dans un bilan énergétique à la fin de l'année. Il faut donc acheter plus loin que le raffinage.

M. Lessard: Ah oui! d'accord sur ce point.

M. Cournoyer: C'est dans ce sens qu'on parle. Donc, je me dis: Je commence peut-être par en arrière mais ma première cause n'est pas juste d'être présent dans le milieu.

La première cause, c'est que j'ai besoin d'une sécurité d'approvisionnement en matières dérivées du pétrole, donc une pétrochimie au bout. Parce que j'ai besoin d'assurer cette pétrochimie qui serait, par ailleurs, promue par le gouvernement québécois, je dis qu'à ce moment-là, si je n'ai que cela à faire, je serai obligé d'acheter le contrôle non pas de Golden Eagle mais d'une compagnie qui est susceptible de m'assurer l'approvisionnement dont il est question et non pas seulement l'approvisionnement en dérivés.

Dans ce sens, je vous dis: Oui, ma décision est prise. La mienne. Si le gouvernement veut aller plus loin que cela, c'est une question de gouvernement. Pour ma part, moi, elle est prise.

M. Lessard: Donc, votre décision, c'est de ne pas recommander l'achat de Golden Eagle par SOQUIP.

M. Cournoyer: C'est cela. Elle est claire.

M. Lessard: Donc, vous limitez votre décision...

M. Cournoyer: Ma décision est claire. Ce n'est pas de ne pas recommander, c'est de recommander si, effectivement, il y a un produit au bout qui doit être fabriqué au Québec dans une industrie pétrochimique. C'est ma décision. Ce n'est pas de ne pas recommander. Ma décision, c'est de recommander si. Mais il n'y a pas le si au bout. Quand il n'y a pas le si, je ne recommande pas. C'est ma décision à moi. Ce n'est pas la décision du gouvernement. Vous pensez bien que ce n'est pas la décision du gouvernement. Si M. Saint-Pierre arrivait demain matin et disait: Ecoute... Parce que l'industrie proprement dite, il faut se

souvenir que cela relève du ministre des Richesses naturelles mais que ce n'est pas une richesse naturelle de chez nous! C'est du pétrole. L'industrie, au bout...

M. Lessard: SOQUIP, cela relève de qui?

M. Cournoyer: Cela relève du docteur qui est devant vous!

M. Lessard: Du docteur qui est devant moi. L'application de la loi de SOQUIP, cela relève de qui?

M. Cournoyer: C'est moi. La pétrochimie, cela ne relève pas de moi.

M. Lessard: D'accord. Mais est-ce que vous avez l'intention de permettre à SOQUIP de remplir entièrement le mandat qui lui est alloué en vertu de la loi, à savoir non seulement s'occuper comme telle de la recherche mais aller jusqu'à la distribution, jusqu'au raffinage d'un produit pétrolier?

M. Cournoyer: Je viens de vous le dire.

M. Lessard: Vous venez de me répondre, d'accord. Pour le moment, c'est le statu quo encore pour SOQUIP.

M. Cournoyer: Disons que comme je vous ai bien mentionné au début...

M. Lessard: De telle façon que le cartel pétrolier, avec les...

M. Cournoyer: Ah! ce sont des conclusions que vous faites. Ce sont des conclusions que vous faites. J'essaie de vous dire qu'aujourd'hui, c'est cela. Vous en voulez une décision? C'est celle-là aujourd'hui.

M. Lessard: Est-ce que le ministre pourrait me dire, puisqu'il prend une décision...

M. Cournoyer: Je n'ai pas pris la décision aujourd'hui. Je dis que c'est celle-là aujourd'hui.

M. Lessard: En tout cas, si c'est celle-là qu'il m'annonce aujourd'hui, est-ce que le ministre pourrait un peu m'expliquer sur quoi il se base, sur quelles raisons il se base pour affirmer que SOQUIP devrait, contrairement à l'une des recommandations du rapport Marier, se limiter au secteur qui lui est alloué actuellement?

M. Cournoyer: Je n'ai jamais dit que SOQUIP devait...

M. Lessard: Je comprends. Vous dites: S'il y a un produit à la fin. Un produit à la fin, expliquez ce que vous voulez.

M. Cournoyer: Ce que j'essaie de dire, c'est que SOQUIP, actuellement, a dans sa loi le pouvoir de faire tout cela.

M. Lessard: C'est cela.

M. Cournoyer: Pour exercer le pouvoir, cela lui prend quelques piastres.

M. Lessard: Le lieutenant-gouverneur en conseil.

M. Cournoyer: Bien oui! Cela lui prend quelques piastres et une autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil.

M. Lessard: C'est cela.

M. Cournoyer: Moi, actuellement, comme ministre des Richesses naturelles responsable de SOQUIP, il est entendu que je n'ai pas reçu de la part de SOQUIP une décision me demandant de leur donner l'autorisation d'acheter Golden Eagle.

M. Lessard: Vous n'avez pas reçu de demande de...

M. Cournoyer: Non. Là, il s'agit de savoir si je "tute" ou si je ne "tute" pas. Comme je ne suis pas tuteur mais que je suis ministre responsable, habituellement, on a formé ces compagnies d'experts pour qu'ils demandent. Je ne dis pas que cela n'a jamais été demandé.

M. Lessard: Est-ce que c'est cela... M. Cournoyer: M. le Président, j'ai dit que... M. Lessard: Est-ce que, dans le passé... M. Cournoyer: ... la décision m'appartenait.

M. Lessard: Est-ce que, dans le passé, il y a eu demande au Conseil des ministres?

M. Cournoyer: Je n'ai aucune forme d'idée de ce qui s'est passé dans le passé et je ne veux pas le savoir non plus.

M. Lessard: Vous vous cachez la tête dans le sable.

M. Cournoyer: Bien non!

M. Lessard: Vous faites exprès pour le faire. Ecoutez, il y a une continuité qui doit exister à l'intérieur du ministère des Richesses naturelles.

M. Cournoyer: M. le Président...

M. Lessard: Ce n'est pas parce que le ministre va mourir demain matin, si cela arrive...

M. Cournoyer: Vous avez compris, les gars! M. Lessard: Non, non.

M. Cournoyer: S'ils rentraient au pouvoir, il n'y aurait pas de changements pendant trois ans. Vous avez compris cela?

Bien oui, parce qu'il y a une continuité, au ministère des Richesses naturelles.

M. Lessard: Oui, oui, il y a une continuité qui doit exister.

M. Cournoyer: Vous allez entrer là et vous ne changerez rien du tout, parce que la continuité est là, voyons donc!

M. Lessard: Parlez donc sérieusement. M. Cournoyer: Non, c'est très sérieux. M. Lessard: Parlez donc sérieusement. M. Cournoyer: Je viens d'arriver.

M. Lessard: Oui, mais il y a une certaine continuité, au moins entre les anciens; quand même le gouvernement n'a pas été changé depuis que le ministre des Richesses naturelles est là. Même si on changeait le gouvernement il va y avoir une certaine continuité dans le fonctionnarisme. Vous dites: Maintenant, je me lave les mains.

M. Cournoyer: Je ne m'en lave pas les mains.

M. Lessard: Oui, c'est ça que vous dites, vous dites que vous ne voulez rien savoir.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! A l'ordre!

M. Lessard: Vous ne voulez rien savoir, vous vous lavez les mains, vous vous mettez la tête dans le sable.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Lessard: Je vous demande s'il y a eu...

M. Cournoyer: M. le Président, à l'ordre! Moi je suis à l'ordre, c'est lui qui ne l'est pas.

M. Lessard: D'accord, le calme est revenu, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Les questions qui se posent sont recevables, il n'y a pas de problème, mais je vous demanderais de baisser le ton. Il ne s'agit pas de savoir qui criera le plus fort; ce n'est pas cela, ce sont les crédits qu'on étudie. Il n'y a pas de concours ici d'éloquence ou autre chose.

M. Lessard: On ne fume pas tous les deux, mais on a une bonne voix.

Le Président (M. Séguin): Recommencez à fumer.

M. Lessard: Je dis, M. le Président...

M. Cournoyer: Pose-moi des questions, ne fais pas de commentaire, ne fait pas exprès.

M. Lessard: Voici la question que je pose au ministre. A sa connaissance, depuis le mois de juillet, depuis qu'il est ministre des Richesses naturelles, y a-t-il eu une demande de la part de la Société québécoise d'initiatives pétrolières au Conseil des ministres? Je pose cette question. Je pense que le ministre des Richesses naturelles — vous voyez, M. le Président, on est revenu à notre calme — à ce que je sache, faisait partie du Conseil des ministres avant qu'il soit ministre des Richesses naturelles, comme ministre du Travail. Plus, il a même fait partie de l'ancien Conseil des ministres du gouvernement précédent; alors il doit y avoir une certaine continuité, un moment donné, depuis 1966.

Je lui demande, comme ministre des Richesses naturelles actuellement: Y a-t-il eu, de la part de la Société québécoise d'initiatives pétrolières, une demande pour que cette société puisse remplir entièrement son mandat qui lui est confié en vertu de la loi, à savoir non seulement faire de la recherche, faire de l'exploration, mais aussi faire de la distribution, par exemple du raffinage? Cela est la question générale, plus précisément, y a-t-il eu demande de la part de SOQUIP pour obtenir un certain contrôle, par exemple, de la distribution du pétrole des chantiers de la baie James?

M. Cournoyer: II me semble que j'ai entendu parler de cela, à un moment donné.

M. Lessard: Moi aussi, j'ai entendu parler de cela à un moment donné.

M. Cournoyer: Sur les autoroutes.

M. Lessard: Sur les autoroutes, puis Société d'énergie de la baie James. A ce moment-là, qu'est-ce...

M. Cournoyer: J'imagine que la décision a dû être non, parce qu'ils ne sont pas là. Je suis sûr qu'ils ne sont pas sur les autoroutes, ils ne sont pas non plus à la Société de développement de la baie James, sur le territoire de la baie James. Cela a dû être non.

M. Lessard: Maintenant, comme ministre des Richesses naturelles, si une telle demande se faisait aujourd'hui, est-ce que la décision serait encore non?

M. Cournoyer: Comme ministre des Richesses naturelles, si une telle demande se faisait aujourd'hui de la part de SOQUIP, puis si c'étaient encore les circonstances solides comme celles qui existaient dans ce temps...

M. Lessard: Quelles étaient ces circonstances solides?

M. Cournoyer: II y a quelque chose qui allait bien à la Société de développement de la baie James, il n'y avait pas de conflit entre la Société de l'énergie et la Société de développement, tout le monde allait bien dans le meilleur des mondes là-

bas. Il s'agissait de savoir qui était au pouvoir là-bas.

De toute façon, étant donné que les deux relèvent maintenant de l'autorité du présent ministre des Richesses naturelles, ce qui n'était pas le cas avant, je suis convaincu que je réglerais ce problème de la façon la plus diplomatique possible, puis que SOQUIP jouerait un rôle accru dans la distribution des produits pétroliers, au moins sur le territoire de la baie James.

Remarquez bien une chose...

M. Lessard: ...quelque chose.

M. Cournoyer: Elle joue très bien...

M. Lessard: Cela je ne le nie pas. Comme SOQUEM, SOQUIP. C'est justement parce qu'elle joue assez bien son rôle qu'on devrait lui permettre de le jouer encore mieux son rôle.

M. Cournoyer: Je vous réponds, mais je ne répondrai pas à l'Assemblée nationale dont vous êtes pour des choses qui se sont produites avant que j'arrive au ministère. Ces choses, je prétends qu'on y a répondu, peut-être pas à votre satisfaction, mais je peux répondre sur ce qui s'est passé dans mon ministère que je connais ou que je devrais connaître dans mon ministère depuis le 31 juillet.

Avant cela, les questions de politique, c'est votre problème à vous, mais j'ai l'impression qu'on vous a répondu dans ce temps-là.

Remarquez bien que dans le cas de SOQUIP, c'est une compagnie qui a un certain degré d'autonomie, qui a besoin de certaines autorisations du lieutenant-gouverneur en conseil et, pour autant que nous sommes concernés, nous avons autorisé, ou j'ai demandé les autorisations dans la plupart des cas, sauf pour l'achat de deux ou trois compagnies en Alberta que je trouvais un peu chères. Je pense que c'est une histoire de $60 millions qui passaient, à un moment donné. J'ai trouvé cela un peu élevé pour faire un investissement en Alberta, mais c'étaient des compagnies qui étaient très éloignées, qui fonctionnaient très loin en Alberta. Je ne veux pas dire le nom, j'ai peur de ce que cela peut vouloir dire à la Bourse.

M. Lessard: Quoi? Vous voulez dire où? En Alberta?

M. Cournoyer: En Alberta, oui. M. Lessard: Ah! d'accord.

M. Cournoyer: C'est une demande qu'on m'a faite et c'est la seule que j'ai refusée. Avant que j'arrive, il y avait avec SOQUIP le problème de la subvention annuelle de $4 millions, je pense, comme fonds, au cas où SOQUIP ferait une trouvaille et aurait besoin immédiatement d'argent liquide pour investir. Il y a eu des difficultés d'interprétation mais, finalement, grâce aux pressions que j'ai faites à la satisfaction, jusqu'ici, du prési- dent de SOQUIP, nous avons obtenu que le ministère des Finances verse les subventions habituelles à SOQUIP.

Si on m'avait demandé autre chose, je ne sais pas ce qu'aurait été ma réaction. Je ne sais pas ce que sera ma réaction si SOQUIP me demande autre chose. Pour le moment, je vous dis: SOQUIP n'a pas demandé récemment, depuis que je suis là, de procéder, par exemple, à l'achat de Golden Eagle. Je ne dis pas que M. Cloutier, qui est un excellent ami de M. Marier lequel, par surcroît, est aussi directeur de SOQUIP, je ne dis pas que ces gens-là ne viendront pas voir le ministre tuteur avec une demande pour faire telle chose. Quand cela arrivera devant moi j'y répondrai.

M. Lessard: Comme ministre des Richesses naturelles, je comprends qu'en vertu de la loi, lorsque SOQUIP veut étendre son mandat à cause, justement, des montants qui lui sont nécessaires — elle doit faire une demande, obtenir une autorisation du Conseil des ministres — vous avez la première responsabilité, comme homme politique, de concrétiser ce qu'on peut appeler, si le mot n'est pas trop large, une politique énergétique, une politique de l'énergie, si politique il y a. C'est tellement vrai que vous avez vous-même demandé à un de vos fonctionnaires, M. Marier, de reprendre le document dont il était lui-même, en grande partie, responsable de la rédaction en 1972, de reprendre ce document qui était, j'en conviens, dépassé à cause de ce qui s'était passé en 1973. Ce même M. Marier recommande un certain nombre de choses non pas à SOQUIP, à la Société québécoise d'initiatives pétrolières, mais au responsable politique qui a la première responsabilité de mettre en application une politique énergétique.

L'une de ces recommandations est justement de suggérer au ministre de prendre l'initiative lui-même et, par l'intermédiaire de SOQUIP, de prendre le contrôle... Je ne dis pas la nationalisation parce que c'est bien distinct. Dans le rapport Marier, on parle même de possibilités entre 20%, 30% et 40% parce que les actions sont tellement diversifiées que peut-être avec 20% ou 25%, je ne le sais pas, je n'ai pas étudié comment se répartissent les actions de Golden Eagle...

Considérant les réponses que me fait le ministre, à savoir que SOQUIP ne l'a pas demandé, lorsqu'il fera cette demande, il le réalisera. Par ailleurs, le ministre me dit qu'il n'a pas l'intention, si je veux bien traduire, de recommander la prise de contrôle de Golden Eagle s'il n'y a pas quelque chose au bout, par exemple un projet pétrochimique, etc. Pourquoi?

M. Cournoyer: Parce que je n'ai pas l'intention de changer quatre trente-sous pour une piastre; c'est aussi simple que cela.

M. Lessard: Mais est-ce qu'à ce moment-là l'un des objectifs poursuivis dans le livre bleu, ou le livre rouge — en tout cas, rouge, bleu, vert ou caille, je parle du livre qui a été déposé en 1972 par l'ex-ministre des Richesses naturelles, M.

Massé — n'était pas justement de créer un secteur témoin?

M. Cournoyer: Je ne voulais pas être témoin de cela.

M. Lessard: ... afin de savoir ce qui se passe dans ce secteur? Parce que les premières études du ministère, particulièrement celles qui ont été préparées par M. Cloutier, démontraient que les Québécois perdaient pratiquement $100 millions par année à cause des profits "off-shore". Quand vous parlez de changer quatre trente-sous pour une piastre, je n'en suis pas convaincu, parce qu'à un moment donné ce qui coûte cher pour SOQUIP, c'est l'exploration.

On sait que cela prend du temps avant de rapporter, mais la distribution des produits pétroliers, et le raffinage des produits pétroliers, c'est payant. Plus que cela, actuellement, il y a sept majeurs qui contrôlent le marché. En France, par exemple, on s'est attaqué à ce problème. Est-ce que l'un des objectifs, de ce premier document, qui a été déposé par l'ex-ministre des Richesses naturelles n'était pas justement de permettre à SOQUIP d'agir comme secteur témoin et de voir ce qui se passait à l'intérieur de ce secteur, de voir, à un moment donné, quels étaient les jeux qui se faisaient d'une compagnie à l'autre et quels étaient les coûts, un peu comme c'est le cas de l'amiante? Actuellement le problème qu'on a — tous vos documents le soulignent — c'est qu'on est obligé de se fier aux chiffres que les compagnies veulent bien nous donner, même pour l'impôt. A un moment donné, je pense que c'est en 1974, seulement trois compagnies pétrolières ont payé de l'impôt au Québec. Même pour l'impôt, on est obligé de se fier à ce que veulent bien nous dire les compagnies.

Est-ce qu'il ne serait pas important justement pour le Québec et pour SOQUIP aussi... Je pense qu'il y a des profits et de l'argent à faire aussi là-dedans; Golden Eagle ne s'est pas installée chez nous pour nos beaux yeux. En 1968, quand on parlait de l'Association des caisses populaires Desjardins, du gouvernement de Québec et de la France, bien, on aurait pu, à ce moment-là... C'était de votre temps, à part cela, de 1966 à 1970.

M. Cournoyer: Comment de mon temps? Je n'étais pas dedans.

M. Lessard: Vous avez été ministre de quel...

M. Cournoyer: J'ai été ministre six mois en 1969. Essayez de vous ôter cela de la tête.

M. Lessard: C'est vrai, en 1969, très bien. De toute façon, est-ce qu'il ne serait pas quand même efficace, bon, positif pour l'ensemble des Québécois d'avoir un rôle à jouer là-dedans, un peu comme nous l'avons demandé à SOQUEM?

SOQUEM s'occupe maintenant de la transformation et cela va bien à part cela. Il y a quelqu'un qui disait que SOQUEM est parmi les dix compagnies sérieuses actuellement en Amérique du Nord. Mais, pourquoi ne voudrait-on pas le faire pour SOQUIP?

M. Cournoyer: Est-ce que SOQUEM est un secteur témoin, dans votre idée?

M. Lessard: Voici, si...

M. Cournoyer: Je comprends que c'est mieux les compagnies Noranda et Falconbridge, parce que j'ai SOQUEM.

M. Lessard: SOQUEM s'associe... Dans certaines entreprises, dans le secteur minier, c'est que SOQUEM a permis...

M. Cournoyer: Ils sont entrés dans le système. Ils sont aussi indépendants qu'avant par exemple! Tout ce que SOQUEM a de bien particulier, c'est que c'est une compagnie dont on détient les actions.

M. Lessard: C'est cela.

M. Cournoyer: Mais je vous assure que les influences du ministre sont plus que nulles.

M. Lessard: Mais, dans certains secteurs... M. Cournoyer: Plus que nulles.

M. Lessard: Dans certains secteurs nous savons ce qui se passe. A un moment donné la mine de Louvem; mais plus que cela, SOQUEM, par exemple...

M. Cournoyer: Tu sais ce qui se passe dans la mine de Louvem, mais si tu savais tout le temps ce qu'était le prix du cuivre, par exemple.

M. Lessard: Oui, d'accord. Mais, si SOQUEM allait dans le secteur de l'amiante par l'intermédiaire d'Asbestos Corporation...

M. Cournoyer: Pour aller plus loin dans la question de l'amiante, je peux y aller tout de suite.

M. Lessard: Non, non, on va discuter de l'amiante tantôt.

M. Cournoyer: Je sais que vous voulez m'amener à discuter de SOQUIP. Je vous ai dit tantôt, sur SOQUIP, quelle était ma décision. Je vous ai dit: Voici, ma décision aujourd'hui.

Dans l'éventualité où mon ministère dit autre chose, j'aurai une autre décision à prendre. Au moment où je vous parle, c'est non. Cela ne sert à rien. Vous me dites: Pourquoi? Parce que je ne suis pas convaincu qu'il faille prendre de l'argent des Québécois pour mettre dans un secteur témoin, au moment où je vous parle. Ce n'est pas seulement cet argument de M. Marier que je dois prendre comme facteur de prépondérance m'inci-tant à faire cela. Alors, non, ce n'est pas assez.

Vous allez me dire que je devrais en avoir assez! J'ai pris la décision de ne pas y aller.

M. Lessard: Donc, c'est clair la recommandation principale, l'une des recommandations...

M. Cournoyer: Bien voyons!

M. Lessard:... principales du rapport Marier...

M. Cournoyer: J'ai des nouvelles, l'une des recommandations principales concernant SOQUIP.

M. Lessard:... est donc rejetée.

M. Cournoyer: La plus grande autoroute des Laurentides se trouve à Montréal.

M. Lessard: C'est brillant!

M. Cournoyer: C'est brillant, tu dis la recommandation principale...

M. Lessard: C'est l'une des...

M. Cournoyer: II y a 60, je ne sais pas combien il y a de pages dans ce rapport...

M. Lessard: II y a 160 ou 170 pages.

M. Cournoyer: Bon, il y a 165 pages et SOQUIP est un élément des préoccupations de M. Marier et je pense que c'est normal que cela en soit un. C'est le secteur pétrolier qui s'y trouve; il y a la politique pétrolière qui n'est pas du tout SOQUIP. SOQUIP est un élément de la politique pétrolière. Vous dites: C'est la principale recommandation.

M. Lessard: C'est un élément important.

M. Cournoyer: Tout est important quand on prend un tout. Il n'y a pas que SOQUIP qui soit important, je ne veux pas que les gens pensent que je trouve que SOQUIP n'est pas important.

M. Lessard: Donc, la seule recommandation — si je me fie à ce que vous m'avez dit jusqu'ici — que vous acceptez du rapport Marier, jusqu'ici, c'est de permettre que le prix du pétrole de l'Ouest atteigne le prix international?

M. Cournoyer: M. le Président, je ne réponds plus à cette question. Je ne peux pas recommencer à vous dire ce que j'ai dit.

M. Lessard: Oui, mais...

M. Cournoyer: C'est écrit et vous trouverez cela dans la lecture. Je vous ai répondu pourquoi.

Le Président (M. Séguin): Messieurs, depuis quelque temps nous discutons de différents sujets touchant plusieurs programmes. Je regarde le programme 7 et il me semble que ce programme a été couvert par les discussions de cet après-midi, surtout par les commentaires qui ont été faits par le ministre et par... Ce n'est pas couvert? C'est donc dire que vous allez recommencer la discussion sur SOQUIP.

M. Lessard: M. le Président, il est entendu qu'au programme 7 je ne crois pas que nous aurons à recommencer la discussion sur SOQUIP comme telle ou la politique pétrolière comme telle. Je pense que le ministre est d'accord, nous l'avons toujours fait dans le passé avec l'ex-ministre.

C'est qu'on discute actuellement, au programme 1 de politiques générales, c'est-à-dire de dossiers généraux, que ce soit la politique pétrolière...

Une Voix: Oui, je comprends.

M. Lessard: ... que ce soit la politique de l'amiante. Une fois qu'on aura réglé cela, vous allez voir que les différents rapports vont aller assez vite.

Le Président: Je n'essayais pas de diriger, je voulais simplement m'enquérir auprès des membres de la commission, à savoir si, après les discussions, on considérait que le programme 7 était épuisé au point de vue des débats et des discussions. S'il y a autre chose, bien passons. Alors, le programme 1, c'est là que nous avons discuté. Le programme 1 est-il adopté?

M. Lessard: Tout à l'heure, M. le Président, disons que concernant SOQUIP, et concernant le rapport Marier, j'ai reçu des réponses du ministre, mais le ministre s'engageait tout à l'heure ou avait commencé à me répondre sur la question de l'amiante.

M. Cournoyer: Sur l'amiante, je pense que vous avez voulu m'indiquer, sans l'indiquer d'une façon précise dans le cas de la discussion que nous avons eue sur SOQUIP, qu'en définitive, l'un des bras possibles, pour le ministre ou le gouvernement, d'exécution de certaines politiques ou de certaines idées se trouve à être, dans le domaine minier, la Société québécoise d'exploration minière.

Dans le cas de l'amiante, j'ai eu une discussion, très rapide j'en conviendrai, et je ne voudrais surtout pas engager M. Carbonneau dans cette discussion ici et rapporter des choses qui sont des on-dit. Je vous assure cependant d'une chose. C'est qu'à l'occasion d'une discussion avec M. Carbonneau, il m'a semblé ou du moins j'en déduis que M. Carbonneau ne voyait pas d'un bon oeil la participation de SOQUEM à Asbestos Corporation. Je dois dire qu'il s'agit d'une entreprise qui est sur le marché, qui existe dans le domaine de l'amiante et qui est en plein dans le consortium de l'amiante. Vous me parlez de secteurs témoins. Encore faut-il que je sois témoin de quelque

chose. C'est soit SOQUIP ou SOQUEM. Dans le cas d'Asbestos, ce que le rapport Alexandre recommande, c'est d'être présent, mais si je ne suis témoin de rien tout en étant présent, je suis mal foutu. Qu'on le prenne comme on voudra, les places où SOQUEM se trouve actuellement, SOQUEM y est non pas comme témoin, mais comme entreprise minière égale aux autres entreprises minières et traitée comme telle par le gouvernement du Québec. Enfin, par les officiers de mon ministère. Je ne sais pas comment elle est traitée par les autres, mais par les officiers de mon ministère. Cela a fait que SOQUEM est présente et SOQUEM sera peut-être témoin dans cinq ans ou dans dix ans, parce que présentement elle n'est pas témoin. Ce n'est pas la raison de sa présence. Elle est là, et il y a toujours la possibilité pour nous d'investir via SOQUEM pour que tel gisement minier que nous connaissons par ailleurs soit développé, que ce soit fait seulement par SOQUEM ou que ce soit fait par un autre. Je dis qu'entre cela et aller acheter Asbestos Corporation qui appartient, comme tous le savent, à General Dynamics, il y a peut-être une marge qu'il ne m'est pas permis de franchir sans la permission de SOQUEM. Le rapport Alexandre peut me suggérer ce qu'il veut, mais sans la permission — sans la permission, il faut s'entendre — sans discussion avec SOQUEM... Si SOQUEM me dit: Le marché de l'amiante, M. Cour-noyer, on ne veut pas y aller, elle aura probablement un certain nombre de raisons à invoquer. J'ai demandé à M. Carbonneau...

M. Lessard: II est admissible que SOQUEM dise cela, étant donné son engagement vis-à-vis d'autres secteurs. Comme gouvernement québécois, vous avez une responsabilité. Est-ce que...

M. Cournoyer: Je ne dis pas, encore une fois que je réponds pour SOQUEM.

M. Lessard: Mais SOQUEM est...

M. Cournoyer: Je dis: II est possible, d'après les conversations que j'ai eues, que SOQUEM me dise exactement cela, et les conversations que j'ai eues, ce n'était pas nécessairement d'acheter le contrôle d'Asbestos Corporation. C'était surtout de commencer des opérations et des études de faisabilité avec soit la compagnie, c'est Rio Tinto qui est locataire de la mine Macadam ou, enfin, des gisements Macadam qu'on va appeler pour le moment, qui se situe près de Chibougamau, et BRINCO qui se trouve à avoir des sommes d'argent assez intéressantes depuis que BRINCO a été achetée par le gouvernement de Terre-Neuve. La participation de BRINCO dans Churchill Falls par le gouvernement de Terre-Neuve a mis dans les mains de BRINCO un certain montant d'argent qui est assez intéressant.

On se dit donc, nous, et j'ai posé la question aux spécialistes, non pas parce que je connais cela, je suis un avocat.

M. Lessard: Alors, vous avez posé la question...

M. Cournoyer: J'ai posé la question à mes spécialistes.

M. Lessard: Maintenant, vous aviez posé la question auparavant — je ne sais pas si c'est vous l'ex-ministre, probablement l'ex-ministre — à M. Alexandre. Est-ce qu'il s'agit d'un spécialiste?

M. Cournoyer: Ecoutez une minute, M. Alexandre est un type qui travaille pour le ministère, à qui le ministère a confié une étude. Il n'a pas été choisi par le ministre. Par décence, le ministre n'a pas cru bon garder ce document secret.

M. Lessard: D'accord avec cela.

M. Cournoyer: J'ai décidé de publier chez nous. Cela, si cela vous fatigue...

M. Lessard: Non, non, au moins cela c'est déjà un bon pas.

M. Cournoyer: Oui, c'est cela.

M. Lessard: Parce que, avant cela, tout était caché, c'est déjà un bon pas.

M. Cournoyer: II n'y a rien de caché, je me sens en position de vous dire qu'il ne s'agit pas d'un document approuvé par le ministère. Il s'agit d'un document préparé par M. Alexandre et il s'agit, dans le cas de l'étude de M. Marier, d'une étude préparée par M. Marier, et ils doivent être traités comme tels. Je sais que cela provoque, du côté de l'Opposition, le besoin de me forcer à répondre à ces choses, aux suggestions qui sont là. Je sais ce que cela provoque de ce côté. Mais il ne faudrait pas que vous me fatiguiez avec cela trop longtemps parce que ce que je vais faire, je vais dire: Les fonctionnaires, vous allez fonctionner à l'intérieur et je ne sortirai plus rien de ce qui vous regarde.

M. Lessard: Vous allez faire comme pour le coût de la baie James, vous ne le direz pas.

M. Cournoyer: Pardon?

M. Lessard: Vous allez faire comme le coût de la baie James, vous ne le direz pas.

M. Cournoyer: Monsieur, si j'avais, dans la lettre de M. Giroux, le coût de la baie James, vous l'auriez dans le front tout de suite.

M. Lessard: Bien oui mais c'est incroyable que...

M. Cournoyer: Mais je ne l'ai pas.

M. Lessard: De toute façon, on y reviendra. C'est incroyable.

M. Cournoyer: Ce n'est pas incroyable du tout, voyons donc!

M. Lessard: Tout le monde l'a. Maintenant...

M. Cournoyer: C'est M. Boyd qui dit qu'il l'a, cela ne veut pas dire qu'il l'a. Si M. Boyd l'a, c'est son problème à lui; qu'il le communique à son autorité. Son autorité à M. Boyd, cela s'appelle l'Hydro-Québec.

M. Lessard: Quel est le responsable...

M. Cournoyer: Le chef de l'Hydro-Québec, c'est moi, et l'Hydro-Québec m'a communiqué ce qu'elle avait à me communiquer. Est-ce assez clair?

M. Lessard: Et vous?

M. Cournoyer: Ce que j'ai à vous communiquer, je vais vous le donner demain matin, en Chambre, si vous le voulez. Je vais vous donner ce qu'elle m'a donné.

M. Lessard: A la suite des questions que nous avons posées en Chambre, vous n'avez pas pris la peine de vérifier auprès de l'Hydro-Québec à savoir si ces coûts étaient existants ou s'ils n'existaient pas.

M. Cournoyer: Je l'ai fait. J'ai les lettres à part de cela.

M. Lessard: Et ils vous ont dit que cela n'existait pas?

M. Cournoyer: Voulez-vous être déculotté demain matin? Voulez-vous être déculotté? Je vais vous les donner.

M. Lessard: Ecoutez, que le ministre se tienne debout!

M. Cournoyer: ...

M. Lessard: Si l'Hydro-Québec est en train de tromper le ministre...

M. Cournoyer: Non! On ne dit pas cela.

M. Lessard: ... comme le ministre a tenté... M. Cournoyer: On ne dit pas cela! M. Lessard: II y a toujours un bout!

M. Cournoyer: Je n'ai jamais prétendu que l'Hydro-Québec trompait le ministre!

M. Lessard: Bon. Revenons à l'amiante. On en reparlera, si vous le voulez.

M. Cournoyer: Je reviens à l'amiante. C'est moi qui étais en train d'expliquer l'amiante.

M. Lessard: D'accord. Vous l'avez expliqué longtemps ce matin.

M. Cournoyer: Si vous ne voulez pas avoir d'explications, ne posez plus de questions!

M. Lessard: Non, non. Allez-y!

M. Cournoyer: Je veux dire que M. Carbon-neau m'a indiqué qu'il me donnerait sa réaction par écrit et qu'il me ferait ce qu'il croit être les suggestions utiles dans les circonstances, mais qu'au premier abord, il ne croyait pas, comme vous venez de le dire, que l'ordre des priorités, parce que ce sont des investissements qui ne se font pas dans la journée même, ce sont des choses qui se font sur des plans plus longs...

M. Lessard: Ce n'est pas comme les Olympiques. Cela ne se fait pas aussi vite que les Olympiques. Il faut y penser. Quelque $40 millions ou $50 millions. Il faut y penser. Les Olympiques, c'est juste $l,5 milliard. Ce n'est pas grave. Allez-y.

Le Président (M. Séguin): C'est un peu en dehors des crédits.

M. Lessard: Ecoutez! Peut-on considérer qu'il est six heures?

M. Cournoyer: Vous pouvez considérer ce que vous voudrez. De toute façon...

Le Président (M. Séguin): Le programme 1 est-il adopté?

M. Lessard: Non, M. le Président. On a encore quelques discussions.

Le Président (M. Séguin): II n'est pas adopté encore.

M. Cournoyer: On a encore beaucoup de discussions sur ce programme.

Le Président (M. Séguin): Messieurs, la commission ajourne ses travaux sine die? C'est annoncé pour demain matin, n'est-ce-pas?

Une voix: Au salon rouge, à dix heures.

Le Président (M. Séguin): C'est vrai. On l'a annoncé, en Chambre, au salon rouge, à dix heures.

Alors, au Salon rouge, dix heures, demain mercredi.

(Fin de la séance à 17 h 58)

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