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Commission permanente
des richesses naturelles
et des terres et forêts
Etude des crédits du ministère des
Richesses naturelles
Séance du mardi 11 mai 1976
(Dix heures quarante-quatre minutes)
M. Séguin (président de la commission permanente des
richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre,
messieurs!
Première séance de la commission des richesses naturelles
et des terres et forêts pour l'étude des crédits du
ministère des Richesses naturelles. Les membres de la commission, pour
la séance d'aujourd'hui, sont: MM. Assad (Papineau), Bédard
(Chicoutimi), Bellemare (Johnson), Bérard (Saint-Maurice), Carpentier
(Laviolette), Ciaccia (Mont-Royal), Coumoyër (Robert Baldwin), Faucher
(Nicolet-Yamaska), Lessard (Saguenay), Malouin (Drummond), Pelletier
(Kamouraska-Témiscouata), Perreault (L'Assomption), Picotte
(Maskinongé) et Samson (Rouyn-Noranda).
Nous avons quorum et, avec le consentement de la commission, si, au
cours de la séance, il arrivait des membres ou des députés
qui désireraient faire partie de la commission, on pourrait
peut-être les inclure sur la liste des membres de la commission.
Il est entendu qu'à l'étude des crédite tout
député de l'Assemblée nationale a le droit et le
privilège de poser des questions, sans qu'il soit nécessaire
d'obtenir l'autorisation de la commission.
Il s'agit de débuter et la parole est au ministre.
M. Cournoyer: M. le Président...
Le Président (M. Séguin): Un instant, il faut qu'on
nomme un rapporteur, s'il vous plaît. M. Faucher, député de
Nicolet-Yamaska...
M. Malouin: Très bien.
M. Lessard: Très bien, il connaît cela beaucoup, il
rapporte souvent.
Le Président (M. Séguin): ... agira comme
rapporteur.
M. Lessard: II rapporte très bien aussi.
Le Président (M. Séguin): Alors, M. le ministre, si
vous voulez commencer.
Exposé général du ministre M.
Jean Cournoyer
M. Cournoyer: M. le Président, messieurs, le
ministère des Richesses naturelles est un ministère un peu
particulier en ce sens qu'il couvre quatre secteurs: eau, mines, énergie
et affaires du nord... Je ne sais pas pourquoi on les appelle les affaires du
nord, mais, en définitive, c'est parce que ce sont des affaires qui sont
dans le nord.
M. Lessard: Du Nouveau-Québec. M. Cournoyer: Du
Nouveau-Québec.
M. Lessard: Maintenant, c'est l'ancien Québec; il est
intégré maintenant.
M. Cournoyer: II est intégré depuis la signature de
l'entente avec les Inuit et les Cris... qui présentent des structures et
des conjonctures fort différentes. Il y a cependant, en 1976/77, un
facteur qui sera le même dans ces secteurs: le contexte
d'austérité, qui nous conduit à effectuer un resserrement
budgétaire notable.
Vous noterez, en effet, que les crédits 1976/77 apparaissant au
livre des crédits s'inscrivent en nette diminution par rapport aux
crédits 1975/76, soit: $47 millions contre $57 millions. Il faudrait
cependant immédiatement tempérer cette impression par le fait
qu'un certain nombre de crédits en provenance de l'OPDQ l'année
dernière n'apparaissent point cette année. Ainsi, l'entente
fédérale-provinciale conclue le mois dernier et portant sur le
développement minéral ajoutera $2 millions aux crédits du
secteur des mines.
Les crédits relatifs aux travaux d'immobilisation sur le bassin
de la Yamaska seront transférés du fonds de développement
de l'OPDQ au ministère des Richesses naturelles pour un montant de $3,4
millions.
Donc, la compression budgétaire effectuée est-elle de
l'ordre de $5 millions et touche trois aspects principaux: l'entente
avec les Indiens Cris et les Inuit qui exigera, en 1976/77, des paiements de $9
millions comparativement aux $11,3 millions versés en 1975/76;
une coupure de $2 millions sur le budget de la Direction générale
du Nouveau-Québec puisque la présence gouvernementale
traditionnelle au nord du 55e parallèle doit faire place, d'ici deux
ans, à l'institution de structures locales et régionales
d'administration du territoire; enfin, une coupure d'environ $2 millions
dans le secteur des eaux où peu de nouveaux travaux seront entrepris et
où nous espérons qu'une entente
fédérale-provinciale sur la construction d'ouvrages
anti-inondations dans la région de Montréal pourra être
conclue en cours d'exercice financier et venir compenser cette baisse
d'immobilisation.
Inutile de souligner, évidemment, que les augmentations normales
des coûts dans tous les secteurs ont dû également être
compensées par un maintien de la plupart de nos activités
à leur niveau existant.
Permettez-moi de passer en revue les principaux secteurs
d'activités du ministère en 1976/77 en commençant par les
mines.
Vous remarquerez que le secteur mines (programme 1 et 2) est le seul
secteur du ministère à continuer à progresser. Son budget
régulier passe de $10,9 millions à $11,6 millions. Il
était important
que les efforts du gouvernement dans ce secteur ne faiblissent pas. En
effet, plusieurs ombres apparaissent au tableau de l'industrie minière
en 1976: nous assistons à un déplacement de l'industrie primaire
des substances traditionnelles (cuivre et zinc en particulier) vers l'amiante
et le fer. Si l'on peut se féliciter que l'industrie primaire du fer et
de l'amiante se développe, par contre nous ne pouvons qu'être
inquiets en ce qui a trait au cuivre et au zinc où il apparaît que
l'exploration et la mise en valeur de gisements marquent le pas en particulier
par rapport à l'Ontario.
Avant d'envisager une reconversion douloureuse des activités
minières traditionnellement implantées dans le Nord-Ouest
québécois, il importe de s'assurer si les gisements de cuivre du
Nord-Ouest peuvent permettre la survie et la prospérité de cette
région. Aussi continuerons-nous nos efforts d'exploration par
levés géologiques, géophysiques et géochimiques et
dépenserons-nous plus de $5 millions à cette fin en 1976/77.
De même, en ce qui concerne les chemins de
pénétration et d'exploitation, et sans compter l'entente
fédérale-provinciale, nous dépenserons pour plus de $1
million d'immobilisations dans le Nord-Ouest et ce, afin que nous en arrivions
le plus rapidement possible à l'exploitation des nouveaux gisements
découverts depuis les dernières années.
Je pense en particulier aux gisements de cuivre et de zinc de Phelps
Dodge (projet de $12 millions) où nous investirons $400 000; la route
d'accès aux mines Lemoine (projet de $10 millions) où nous
investirons $330 000; le gisement Selco (projet de $10 millions) dans le canton
de Brouillan où nous poursuivrons la construction de la route du 4e
segment volcanique qui coûtera près de $1 million.
En ce qui concerne le secteur de l'eau (programme 4 et 5), nous avons
maintenu à son niveau existant le programme d'inventaires et recherches
sur l'eau (en qualité et en quantité). Ce programme nous
paraît indispensable à un double titre: D'abord, parce qu'il
fournit aux utilisateurs de l'eau (Hydro-Québec, ministères des
Transports, Agriculture, Tourisme...) des renseignements précieux
dès qu'il s'agit de construire des centrales hydroélectriques,
des ponts, faire des aménagements touristiques, etc.
Ensuite, parce que nous nous devons de mieux connaître notre
potentiel hydrique, alors que des villes comme Montréal et Québec
devront, dans un avenir très prochain, s'assurer de leur
approvisionnement en eau potable.
Par contre, nous nous sommes vus contraints de diminuer de près
de $2 millions nos travaux en cours d'eau. A part la reconstruction du barrage
de Waterville et des travaux anti-inondations à Saint-Michel-des-Saints,
nous nous contenterons du parachèvement des travaux existants et
consoliderons l'entretien des ouvrages existants, c'est-à-dire:
l'achèvement du barrage sur la rivière Maskinongé,
l'achèvement de deux barrages de régularisation à
Trois-Pistoles, la fin des travaux de protection côtière en
Gaspésie, la stabilisation du lit de la rivière
Sainte-Marguerite, la modifica- tion du barrage de la rivière
Sainte-Anne, le parachèvement du barrage sur la rivière Bulstrode
à Victoriaville, l'achèvement de la reconstruction du barrage sur
la rivière des Pins au lac Saint-Joseph.
M. Lessard: La rivière Sainte-Marguerite, laquelle?
M. Cournoyer: La rivière Sainte-Marguerite. M. Lessard:
Sur la Basse-Côte-Nord ou celle...
M. Coumoyer: La rivière Sainte-Marguerite, c'est en haut,
sur la Basse-Côte-Nord.
M. Lessard: Sur la Basse-Côte-Nord. Il y en a deux.
M. Coumoyer: C'est celle de la Basse-Côte-Nord.
Je rappellerai cependant qu'en ce qui concerne le problème des
inondations nous sommes à la veille de conclure deux ententes avec le
fédéral; l'une portera sur la cartographie des plaines
d'inondation à Montréal; l'autre portera sur la
réalisation d'ouvrages anti-inondations dans la région de
Montréal et les travaux devraient débuter dès cette
année.
Nous pourrions également commenter l'évolution des
crédits dans les autres programmes du ministère mais nous aurons
l'occasion de le faire lorsque nous passerons en revue chaque programme.
Aussi voudrais-je plutôt profiter du début de nos travaux
pour rappeler qu'en période d'autérité budgétaire
un ministère se doit de clarifier et de rajeunir ses politiques afin
d'en extraire les principales priorités. C'est de cette question
d'élaboration de politiques que je vais maintenant vous parler.
Tout d'abord, en ce qui concerne le développement minier:
Je n'ai pas l'intention de vous défiler le catalogue de nos
actions, non plus que vous indiquer un ensemble de solutions précises et
nettes que nous pourrions détenir de façon absolue à ce
moment-ci. Mon propos sera plutôt de vous indiquer en quoi nous nous
trouvons à une certaine croisée des chemins en termes de
politique de développement économique dont, j'ose le dire, le
développement minéral est la partie primordiale au Québec.
Cette croisée des chemins s'interprète par les cinq questions
fondamentales suivantes:
Comment faire en sorte que les règles du jeu public, les plus
claires possible, assurent aux investisseurs, dans le domaine minier et
à la population québécoise, un rendement
équitable?
Comment s'assurer que le rôle croissant de protection du public et
des intérêts de la collectivité, assumé par les
différents paliers de gouvernement, ne viennent pas en contradiction ou
ne freinent pas la croissance du secteur minéral?
Quels peuvent être nos outils les plus importants
d'accélération et d'encadrement du développement
minéral?
Comment s'assurer de la participation maxi-
male des Québécois au développement
minéral?
Comment le développement des ressources minérales doit-il
s'intégrer le mieux possible au développement économique,
social et culturel du Québec?
J'entrerai donc immédiatement dans le vif du sujet. La
première question que nous nous posons: Comment faire en sorte que les
règles du jeu public, les plus claires possible, assurent aux
investisseurs, dans le domaine minier, un rendement équitable? On sait
que les investissements dans les secteurs miniers ont, en
général, trois caractéristiques: Des
investissements importants doivent être faits en matière
d'exploration et de recherche avant que soit prise la décision
d'exploiter un gîte. Les investissements d'exploitation
s'étendent sur une période de temps assez longue avant d'obtenir
un rendement sur le capital. Les prix sont sujets à des
variations importantes et cela a des effets directs sur les prévisions
de rendement et d'autofinancement des entreprises.
Ces trois caractéristiques du domaine minier sont souvent
présentées comme étant exclusives à ce domaine.
Cela était peut-être vrai dans le passé, mais devient de
moins en moins caractéristique du développement minéral en
1976. Dans le contexte inflationniste de 1976, toute décision
d'investissement important dans le domaine manufacturier, dans le domaine
forestier, dans le domaine de l'énergie fait face essentiellement aux
mêmes contraintes. Ce qui est important, me semble-t-il, ce n'est pas
tellement la spécificité de l'investissement minier, mais la
nécessité qui existe que les règles du jeu, entre les
partenaires du développement minéral, soient les plus claires
possible.
Dans tous les pays du monde, les législations et les
réglementations minières ne sont pas statiques; elles sont
dynamiques, s'ajustant à l'ordre des moyens et des objectifs poursuivis
pour la population. Cette dynamique ne doit pas, cependant, être fluide
au point où elle serait insaisissable. Elle fait l'objet de
déclarations formelles de politiques gouvernementales et, ensuite, elle
est traduite dans des législations et des réglementations au nom
du bien commun.
Nous avons l'intention, au cours de 1976, de revoir nos objectifs de
développement minier et l'ordre de nos moyens pour les atteindre. Nous
avons l'intention d'en discuter avec nos partenaires privés et nous
avons l'intention de définir ou de préciser un certain nombre de
règles du jeu qui soient claires et ordonnées. De cette
façon, chacun saura à quoi s'en tenir sur une période de
temps suffisamment longue pour introduire les éléments de
stabilité en ce domaine.
En ce qui concerne les règles du jeu générales qui
ont présidé l'action du gouvernement jusqu'à maintenant,
tant pour l'exploration que pour l'exploitation et la mise en valeur, que pour
la fiscalité, que pour l'aide aux infrastructures, elles devront
être différenciées selon les types de substances
minérales. Ainsi, je ne sais pas pourquoi le Québec aurait la
même attitude vis-à-vis de l'in- dustrie de l'amiante qui exporte
intégralement sa production après un traitement sommaire que
vis-à-vis de l'industrie du cuivre qui transforme au Québec plus
qu'elle n'extrait au Québec.
Voila sommairement résumé le principe de base qui devrait
définir les relations entre les différents partenaires du
développement minier et le gouvernement.
La deuxième question que nous nous posons est la suivante:
Comment s'assurer de la coordination entre différents paliers de
gouvernement oeuvrant dans des secteurs qui peuvent se compléter ou qui
peuvent différer quant aux intérêts et aux
juridictions?
Vue avec l'oeil de l'entreprise privée, cette coordination est
quelque chose qui devrait aller de soi, qui n'est pas très
compliqué et qui, si elle ne se réalise pas, est due à des
chicanes de clocher ou de chapelle. Je suppose que, pour l'entreprise
privée ou pour ceux qui la représentent actuellement, la
meilleure coordination intergouvernementale serait celle qui donnerait une
meilleure fiscalité, des services techniques gratuits plus grands et de
l'aide financière plus importante. Il s'agit là, à mon
avis, d'une vision un peu utopique des choses. Le développement minier
touche à de multiples domaines: politique fiscale et monétaire,
relations de travail, environnement, commerce extérieur, transport,
transformation manufacturière, sécurité des travailleurs,
etc.
Beaucoup de décisions fondamentales ou quotidiennes affectent le
développement minéral. Lorsque le gouvernement
fédéral, geste difficile à prévoir il y a cinq ans,
crée la Régie de la lutte anti-inflationniste et que le
gouvernement du Québec crée lui-même sa propre régie
dans le respect de sa juridiction, il s'agit là d'un instrument puissant
qui affecte, à notre sens, le développement minéral.
Lorsque le gouvernement fédéral crée une agence de
tamisage des investissements étrangers et que le gouvernement du
Québec définit une politique à l'égard de ces
mêmes investissements, voilà des gestes qui influent
considérablement sur le développement des ressources
minérales.
Lorsque le gouvernement fédéral négocie les accords
du GATT, les décisions qui découleront de ces ententes ne peuvent
laisser indifférents les autres partenaires dans le domaine minier.
Lorsque le gouvernement du Québec crée une commission sur
la salubrité dans l'industrie de l'amiante, il a d'abord pour objectif
la santé d'une partie de la population, tout en sachant que les
investissements requis pour réaliser cet objectif exigeront des
investissements qui ne sont pas liés directement au développement
minéral.
Voilà quatre illustrations du genre de problèmes de
coordination auxquels nous faisons face. Il existe cependant un principe de
base qui devrait guider la coordination entre les paliers de gouvernement:
c'est celui du respect des juridictions. Les gouvernements provinciaux sont
responsables du développement de leurs ressources naturelles qui leur
appartiennent en tenant compte des intérêts de la
collectivité, et le gouvernement fédéral a une
juridiction en ce qui concerne notre commerce international, compte tenu
des priorités internes de développement du pays.
L'autre question que nous nous posons: Quels peuvent être nos
outils les plus importants d'accélération et d'encadrement du
développement minéral? Voilà une préoccupation qui,
personnellement du moins, m'intéresse particulièrement, à
titre de ministre des Richesses naturelles. Nous avons, à
l'intérieur de cet organisme, un certain nombre de services, un
personnel professionnel extrêmement compétent, des programmes
d'activités multiples. Ceux-ci sont-ils à point? Prenons un
exemple pour illustrer notre pensée, soit le domaine de la recherche
géologique et de l'exploration. A l'heure actuelle, nous avons trois
programmes principaux: - Un programme de connaissance du territoire,
c'est-à-dire une couverture générale du territoire qui
peut servir également à d'autres fins que le domaine minier. - Un
programme de connaissance plus élaboré faisant appel à des
techniques modernes concernant la recherche et l'analyse de cibles
minéralisées, projets jugés intéressants. -Enfin,
un programme concernant la localisation de gîtes à fort potentiel
avec des études très détaillées.
Nous avons aussi un centre de recherches minérales et une usine
pilote, et nous avons des programmes de construction de routes en vue de
l'exploration.
L'ensemble de ces programmes est-il suffisant? N'y aurait-il pas lieu de
doubler les sommes d'argent affectées à ces programmes?
Pouvons-nous nous spécialiser davantage, en laissant la couverture
générale du territoire à d'autres organismes, les
universités par exemple, et en concentrant davantage nos interventions
sur les zones jugées à fort potentiel, en allant jusqu'à
effectuer des forages, par exemple?
Ne devrait-on pas établir un programme quinquennal d'exploration
public et privé, où un certain nombre de secteurs miniers, le
cuivre, le zinc, l'uranium par exemple, feraient l'objet de
priorités?
Pourrait-on envisager que le rôle de SOQUEM soit augmenté
considérablement et que la tâche de connaissance des zones
à fort potentiel lui soit confiée en lieu et place du
ministère? Ne devait-on pas constituer un fonds spécial qui
regrouperait les petites entreprises d'exploration de façon à
leur dégager une base de manoeuvre qui leur manque à l'heure
actuelle et que le gouvernement pourrait utiliser pour développer
l'exploration là où elle ne se fait plus ou là où
elle ne se fait pas encore? Voilà autant de possibilités
d'intervention qu'il nous faut examiner sérieusement.
Oui, monsieur. Une chose est certaine, les travaux d'exploration des
sociétés privées sont insuffisants à l'heure
actuelle pour nous permettre d'optimiser le potentiel minier disponible au
Québec. Le ministère en fait-il trop? Les sociétés
ou les investisseurs sont-ils devenus subitement avares de leurs deniers? En ce
qui me concerne, je vous indique qu'il est absolument nécessaire que des
efforts plus importants, et plus judicieux peut-être, soient faits pour
accélérer les travaux d'exploration, les travaux de recherche de
nouveaux procédés, l'achat possible de brevets porteurs de haute
technologie, sinon nous risquons de voir le développement minéral
péricliter au Québec et cela est très difficile à
accepter pour une société comme la nôtre.
Je voudrais maintenant aborder avec vous la quatrième
question:
Comment s'assurer de la participation maximale des
Québécois au développement minéral?
A l'inverse des ressources forestières ou des ressources
hydroélectriques qui elles se renouvellent, les substances
minérales s'épuisent à l'intérieur d'une
période de temps plus ou moins longue, dépendant de la dimension
du gisement et du rythme d'exploitation. Devant une telle situation, quelles
sont les formules offertes pour que ces ressources qui appartiennent aux gens
du Québec leur rapportent le plus possible?
Il y a plusieurs formules qui peuvent exister. Prenons, à titre
d'exemple, l'Alberta en ce qui concerne le pétrole et le gaz. Le
gouvernement al-bertain a constitué un fonds spécial
appelé "Heritage Savings Trust Funds". Ce fonds est alimenté par
une certaine proportion de revenus provenant de la vente du pétrole et
du gaz et un système d'allocation du fonds se fait par
l'intermédiaire d'un comité spécial de la
Législature.
Voilà une formule qui permettra à l'Alberta, lorsque le
pétrole et le gaz seront épuisés de générer
le développement économique dans d'autres secteurs au profit des
générations futures. Est-ce qu'une telle institution est une
idée qui pourrait apparaître intéressante pour le
Québec?
Une deuxième formule pourrait être une allocation beaucoup
plus judicieuse de certaines substances jugées stratégiques pour
le développement minéral du Québec. Dans d'autres secteurs
miniers, le Québec possède des ressources connues très
importantes ayant des indices de minéralisation élevés.
Prenons l'exemple du minerai de fer, où les réserves sont assez
considérables. Les conditions d'allocation pourraient être plus
généreuses que dans certains autres secteurs, par exemple le
colombium, où les réserves connues sont beaucoup moindres.
Une troisième formule pourrait être une transformation
assez radicale de l'allocation des ressources minérales telle que
pratiquée actuellement. A l'exemple du domaine forestier, il pourrait y
avoir un système de garantie d'approvisionnement des substances
minérales, à partir des gisements existants ou nouveaux, selon
une utilisation optimale de la ressource.
Une quatrième formule pourrait être un fonds minier
spécial pour le reclassement des travailleurs lorsqu'un gisement est
épuisé et qu'il faille fermer une mine. Cette formule a
déjà été suggérée dans le
passé. Il y aurait peut-être lieu de l'étudier très
spécialement cette année.
Enfin, une cinquième formule est de ne rien changer au
système actuel d'allocation des ressources, mais d'introduire une mesure
fiscale spéciale directement reliée à l'épuisement
du gise-
ment: un taux régressif au fur et à mesure que le gisement
s'épuise.
D'autres formules peuvent être examinées; j'en ai
soulevé quelques-unes seulement pour vous indiquer qu'il faudra
tôt ou tard dégager les solutions les plus judicieuses à ce
sujet. Sinon, les générations futures nous accuseront, avec
raison, d'avoir dilapidé les ressources minérales du
Québec sans avoir prévu les moyens de permettre à ces
générations de se développer. En 1966, près de
quarante mines de métaux non ferreux étaient en exploitation. En
1980, on prévoit qu'il y en aura au plus une vingtaine. Et, en l'an
2000, en restera-t-il s'il n'y a pas de nouvelles découvertes?
Voilà une question qui nous préoccupe beaucoup.
Je voudrais enfin soulever une cinquième question importante:
Comment le développement des ressources minérales doit-il
s'intégrer le mieux possible au développement économique,
social et culturel du Québec?
Il y a deux constatations de base qu'il nous faut faire avant de tenter
de répondre à cette question. D'abord, le développement
minier au Québec est largement le fait des sociétés
multinationales dont les prises de décisions sont extérieures au
Québec. Ceci a comme conséquence que les Québécois
sont largement absents des structures de décision. Mon collègue,
monsieur Saint-Pierre, signalait d'ailleurs récemment ce problème
dans une conférence à la Chambre de commerce de Montréal.
Le peu de Québécois présents au sein des conseils
d'administration des compagnies minières me semble un fait absolument
incongru.
Deuxième constatation, les compagnies minières
fonctionnant au Québec sont plus particulièrement
orientées vers l'exportation des ressources minérales,
plutôt que vers une transformation sur place de ces substances
minérales. Les raisons évoquées sont plus
particulièrement la taille petite des marchés
québécois et l'intégration verticale de la production et
de la transformation. Dans un rayon de 500 milles de Montréal, ne
trouvons-nous pas un bassin de population de 100 millions de personnes?
N'avons-nous pas un certain "know-how" qui n'existe pas dans certains pays?
N'avons-nous pas des circuits financiers efficaces? N'avons-nous pas une
productivité importante? N'avons-nous pas des moyens de transport
ferroviaire, maritime très efficaces? N'avons-nous pas le fleuve
Saint-Laurent, axe central majeur de pénétration au coeur de
l'Amérique du Nord et ouvert sur l'extérieur? Alors, pourquoi n'y
a-t-il pas plus de transformation sur place alors que les facteurs de
localisation que je viens d'énoncer sont réels et tous
favorables? Voilà une constatation de fond par rapport à laquelle
il faut non seulement réfléchir mais trouver des solutions.
Quels sont les choix possibles? Un premier choix consisterait, pour
assurer la présence des Québécois au sein des conseils
d'administration d'entreprises, à définir une
réglementation particulière visant à l'incorporation des
sociétés chez nous.
Toute compagnie fonctionnant au Québec pourrait se voir exiger
une charte du gouvernement du Québec. Cette incorporation pourrait
être nécessaire au stade de l'exploitation et au stade de la
transformation.
Un deuxième choix pourrait être qu'une proportion à
définir de francophones et de Québécois soient membres des
conseils d'administration des entreprises. De cette façon, on
s'assurerait d'un certain type de leadership du milieu et de sa participation
à la prise de décision économique.
Un troisième choix pourrait être une prise de participation
significative dans certains projets jugés importants. Ce fut l'exemple
de la création de SIDBEC dans l'utilisation et la transformation du
minerai de fer.
Un quatrième choix pourrait être de confier à SOQUEM
un rôle accru au niveau de la transformation en en faisant le bras
exécutif du ministère plutôt, comme c'est le cas
actuellement, que d'être concurrentielle aux autres entreprises
privées.
Un cinquième choix pourrait être de modifier la loi de la
Caisse de dépôt et placement et d'augmenter sensiblement le
pourcentage de ses actifs, qu'elle peut utiliser dans du capital de risque et
plus particulièrement dans la transformation des ressources
minérales au Québec.
Un sixième choix pourrait être d'imposer aux
sociétés minières un pourcentage obligatoire de
réinvestissement des profits dans des unités de transformation
reliées aux ressources chez nous.
Comme on peut le constater, les options sont multiples. Il y a,
cependant, une option qui serait encore plus intéressante, c'est que les
compagnies minières fonctionnent au Québec préparent un
plan d'investissements à moyen terme qui indiquerait, dans les grandes
lignes, les programmes d'immobilisation qu'elles envisagent au niveau de la
transformation de la ressource au Québec.
De cette façon, nous pourrions préparer le cadre d'accueil
gouvernemental de ces programmes en mettant en place tous les
éléments d'accompagnement, tels la fiscalité, les
transports, la main-d'oeuvre, etc.
Je n'insiste pas plus là-dessus. Je voudrais conclure sur deux
propositions principales qui sont l'objet des réflexions de mon
ministère. Il y a lieu, à mon avis, comme pour l'énergie
d'ailleurs, de revoir en 1976 l'ensemble de nos objectifs et de nos programmes
d'action, tant du côté gouvernemental que du côté
privé, en ce qui concerne le développement minéral. Les
conditions de développement sur le plan international,
nord-américain, canadien et québécois sont telles qu'il
faille faire un effort important de réflexion et d'analyse pour bien
situer dans le futur quels devraient être les programmes gouvernementaux
et les plans de développement de nos principales industries
minières.
Deuxièmement, le développement minéral constitue au
Québec l'un des points forts et l'un des points de base du
développement économique global? Il nous apparaît essentiel
que ce développement se fasse en symbiose avec l'ensemble du
développement de la collectivité québécoise, tant
sur le plan économique que social et culturel.
Depuis le dépôt du rapport de la commission Legendre sur
l'étude des problèmes juridiques de
l'eau, un long travail de maturation s'est effectué au
gouvernement parallèlement aux travaux concernant les problèmes
d'affectation du territoire et de protection de l'environnement. Aujourd'hui,
quatre principes apparaissent acquis aux yeux du gouvernement en ce qui
concerne l'eau.
L'eau doit être définie comme une ressource collective
gérée par l'Etat. Depuis les dernières décennies,
les utilisations de l'eau se sont diversifiées à un point
qu'à l'heure actuelle sa consommation, la récréation de
plein air, son pouvoir de transport et de diffusion des déchets en font
sans aucun doute une ressource à usage collectif, au même titre
que l'électricité ou le gaz. Son importance est devenue telle,
surtout dans les zones urbanisées, que la définir
traditionnellement comme une extension du lit et des berges est devenu
insuffisant. Il est donc indispensable d'en faire un objet spécifique de
droit et une source d'obligation tant de la part du gouvernement que des
citoyens.
Son obtention en quantité et qualité
désirées et sa répartition exigent des investissements
tels que la satisfaction des besoins en eau devra être
réglée par un mécanisme s'apparentant au mécanisme
de prix.
Vous savez probablement que la simple épuration des eaux à
un niveau minimum de traitement coûtera au secteur public plus de $1
million pour toute la province.
M. Malouin: Plus d'un milliard?
M. Cournoyer: Pardon?
M. Malouin: Plus de $1 milliard.
M. Cournoyer: Plus de $1 milliard, pour toute la province, c'est
ça.
Il n'est donc plus possible de considérer l'eau comme une
ressource gratuite et facile à obtenir.
M. Lessard: Si l'on ne fait rien, cela va coûter plus
cher.
M. Cournoyer: II importe, pour préserver l'eau, de
préserver les berges des cours d'eau, d'y garantir la possibilité
d'un accès public et de préserver tout particulièrement
les terres publiques riveraines.
Nous entendons par là que certaines restrictions doivent
être apportées à l'occupation spontanée des rives et
que là où l'Etat est propriétaire, il devra lui-même
donner l'exemple dans la sélection des occupations minimisant l'impact
sur l'eau.
Il est nécessaire que l'eau soit gérée par un
administrateur unique. L'application de ce principe permettra de mettre fin
à la multiplication non coordonnées des diverses interventions
publiques et privées sur l'eau.
Pour appliquer ces quatre principes, je me propose de vous exposer la
batterie des cinq grandes réformes que nous entendons soumettre
dès cette année. A savoir: la réforme juridique du statut
de l'eau; la réforme des conditions d'utilisation de l'eau; la
réforme de l'occupation du lit et des berges; la réforme du mode
d'allocation de l'eau; la réforme administrative dans le secteur de
l'eau.
La première réforme, c'est celle qu'on appelle la
réforme juridique. La multiplication, depuis les dernières
décennies, des utilisations de cette ressource naturelle a
été marquée par un passage graduel d'usages
prioritairement à des fins privées vers des usages à
caractère de plus en plus collectifs.
Mentionnons d'abord les utilisations qui nous apparaissent comme les
plus vitales: l'alimentation domestique, la vie végétale et plus
particulièrement l'agriculture, la production d'énergie
hydroélectrique et la récréation en milieu hydrique que ce
soit par les sports nautiques, la baignade ou la pêche sportive.
Les usages à caractère privé sont encore abondants
et l'eau est, pour un certain nombre d'industries, un facteur essentiel de
production. Il ne faut pas non plus négliger l'utilisation souvent
malheureuse qu'on en fait pour l'évacuation et l'épuration
partielle des rejets.
Selon le droit actuel, l'eau en tant que ressource n'est jamais l'objet
de législation. Elle est considérée par le Code civil
comme un accessoire à la propriété foncière et, de
ce fait, devient un privilège d'une minorité de citoyens, qu'ils
soient propriétaires des lits des cours d'eau, ou encore riverains.
Le caractère collectif de l'eau peut donc imposer au
législateur la nécessité de la soustraire aux droits
privés et individuels, sans pour autant toucher aux droits sur les lits
et les berges, car il nous paraît illusoire de croire que l'on puisse
retenir la notion de ressource collective pour l'eau et, en même temps,
accepter pour cette ressource des droits d'usage exclusif à une
minorité. Ces deux notions nous paraissent contradictoires.
La gestion d'une telle ressource doit être confiée à
un agent de nature publique. Ceci implique que sa gestion soit soumise d'une
façon quelconque à un contrôle de l'appareil
législatif et gouvernemental. Il ne suffit plus à l'Etat
d'assurer certains grands droits dits publics, qu'a traditionnellement reconnus
le droit français comme la navigation, la pêche et le flottage du
bois; il revient à l'Etat de contrôler l'affectation et les usages
de cette ressource de façon à en permettre une utilisation
meilleure sinon optimale et de veiller à sa conservation.
Il nous faut donc examiner les diverses possibilités qui se
présentent à nous dans la façon de concrétiser
juridiquement ce concept de ressource collective. A titre d'hypothèse,
il serait possible, par exemple, de supprimer unilatéralement, sans
compensation aucune, la majorité des droits individuels en regard de
l'eau sans supprimer les droits de propriété des lits et des
rives comme s'apprête à le faire l'Argentine. Il serait aussi
possible, pour l'Etat, de ne supprimer aucun droit de propriété
et de riveraineté et de se déclarer pro-
priétaire de tous les lits, s'assurant ainsi un contrôle
quasi parfait sur cette ressource. D'autres hypothèses, telle la
restriction aux droits absolus et acquis inhérents à la
propriété et à la riverai-neté, devront
également être envisagées et c'est ce que nous examinons
actuellement.
Le Québec se place parmi les pays du monde les mieux pourvus en
eau douce. Des précipitations de pluie et de neige, réparties de
façon presque uniforme sur tous les mois de l'année, assurent
à notre vaste réseau de rivières des ruissellements qui
dépassent presque toujours notre capacité d'utilisation tandis
que nos nombreux lacs il y en a un million au Québec nous
assurent des réserves supplémentaires et sont une richesse
récréative et touristique incomparable.
Cette situation d'abondance est à l'origine de nos
problèmes. Considérée comme inépuisable, l'eau a
été l'objet d'usages abusifs; elle est maintenant
dégradée et menacée de le demeurer longtemps, du moins
dans la partie habitée et industrialisée de notre province. Bien
sûr, nous ne manquons à peu près jamais d'eau, mais,
hélas! quelle eau avons-nous? L'utilisation de nos cours d'eau pour la
dilution des égouts nous amène une contrainte majeure: nous ne
pouvons plus trouver à bon marché de sources d'approvisionnement
en eau de bonne qualité. Ceci se produit partout où nous avons
dépassé la capacité d'autoépuration des cours
d'eau.
Malgré cette situation d'abondance relative, nous aurons toujours
des conflits d'utilisation. En effet, le flottage du bois sera toujours
incompatible avec la navigation de plaisance, l'utilisation d'un
réservoir pour la lutte contre les inondations ou l'approvisionnement en
eau entrera toujours en conflit avec la stabilité du plan d'eau
désirée par les propriétaires riverains installés
autour de ce réservoir.
Il nous faut donc implanter un système de planification et de
contrôle de toutes les utilisations de l'eau. Cette planification doit
faire disparaître l'anarchie qui a présidé jusqu'ici
à l'utilisation tant de l'eau que des berges de nos lacs et
rivières. Cette planification vise en premier lieu et en tout temps
à assurer l'eau potable pour satisfaire les besoins vitaux des citoyens
et, en second lieu, à combler les besoins agricoles, commerciaux,
industriels et récréatifs tout en respectant la demande
biologique du milieu aquatique.
La surabondance semblait autoriser n'importe quel usage de l'eau et des
berges. Nous ne pouvons donc pas blâmer nos prédécesseurs
pour leur manque de planification. Nous devons constater cependant que les
usages consentis ou tolérés constituent une allocation de l'eau,
une affectation de facto qu'on ne peut malheureusement pas remettre en question
de façon systématique. Peut-on exiger le
déménagement d'industries polluantes mal localisées
à la tête des bassins-versants? Peut-on déloger les
propriétaires riverains sous prétexte que la masse des citoyens
n'a pas suffisamment d'accès aux lacs et rivières? Peut-on exiger
le déplacement des habitations et industries construites dans les
plaines inondables? Doit-on déménager certaines activités
hu- maines agglutinées au bord des cours d'eau qui n'ont plus la
capacité de les supporter? Doit-on fermer abattoirs, laiteries et
porcheries situés en bordure des cours d'eau?
S'il nous faut vivre aujourd'hui avec les problèmes
résultant d'une affectation fautive et inconsciente de l'eau, nous
devons toutefois prendre désormais en main le contrôle de tous les
usages futurs de l'eau et des berges. En exerçant une planification
judicieuse des projets de développement, nous pourrons rentabiliser au
maximum les ressources en eau disponibles.
Cette planification doit-elle se faire à l'échelle du
bassin-versant? Quelle unité de bassin-versant doit-on choisir? Doit-on
travailler à l'échelle de la rivière du Nord, de
l'Outaouais ou du Saint-Laurent?
Une autre question controversée: Doit-on tenter d'aménager
le territoire en fonction des disponibilités en eau, ou bien tenter
d'aménager les ressources en eau pour répondre aux
impératifs de l'aménagement du territoire? Pour nous, il nous
apparaît plus sage de ne pas subordonner l'aménagement du
territoire aux disponibilités en eau. Toutefois, l'eau, comme toutes les
autres ressources, l'énergie, la faune, la forêt, les mines,
impose aux aménagistes du territoire des contraintes que les
aménagistes ne peuvent négliger.
De toute évidence et en l'absence de critères clairs de
planification, il apparaît nécessaire de commencer par instaurer
un meilleur contrôle des utilisations futures de l'eau.
Ce contrôle commence par un inventaire de tous les usages de
l'eau. Il est nécessaire de quantifier toutes les captations et tous les
rejets et, à cet effet, on pourrait être tentés de penser
à l'installation de compteurs individuels ou collectifs.
En principe, tous les intervenants dans l'eau ne devraient-ils pas
être munis d'une autorisation de l'administration de l'eau? Pour des
raisons d'efficacité, on devra probablement procéder par
étapes et ne contrôler, en premier lieu, que les usagers les plus
gros et les plus polluants.
L'émission de ces autorisations requiert la préparation de
normes minimales d'utilisation de l'eau, en particulier pour les rejets mais
aussi la rédaction de normes spéciales pour certains usages
spécifiques de l'eau, usages susceptibles de surtaxer le pouvoir
auto-épurateur de nos cours d'eau. Les conflits d'utilisation que nous
mentionnions plus haut nécessitent une prise de décision qui
pourra se matérialiser sous la forme d'autorisation d'utilisation de la
ressource. Les autorisations prendront-elles la forme de permis d'utilisation,
de baux ou de concessions? Seront-elles consenties à court ou à
long terme, renouvelables automatiquement, conditionnelles? Seront-elles
accordées automatiquement aux usagers actuels? Comporteront-elles des
limitations quant aux quantités octroyées? Toute une série
de questions se pose à l'administration quant aux modalités que
devra prendre ce contrôle des usages de l'eau.
Une chose est certaine, il faudra de plus que l'administration de l'eau
veille à ce que les usagers de l'eau respectent bien les clauses
inscrites dans
leur autorisation. Quel serait le rôle des divers
ministères dans ce contrôle? Celui du protecteur de
l'environnement, celui des municipalités? Voilà des questions
importantes que tout le monde doit mettre sur son calendrier de
réflexion.
C'est le troisième volet de cette réforme,
l'administration du lit des cours d'eau et des berges, qui nous inquiète
particulièrement. A notre avis, cet aspect de la gestion d'une partie du
sol prend une importance toujours croissante face aux désirs et a la
pratique d'une partie de la population d'empiéter sur les cours d'eau.
Cette tendance populaire suscite des oppositions de plus en plus nombreuses des
écologistes et des protecteurs de l'environnement.
Pour contrôler adéquatement les utilisations de l'eau, il
nous apparaît essentiel d'avoir un mot à dire sur l'occupation des
berges. Parce que son application est peu opérationnelle, le strict
principe de la réserve des trois chaînes applicable le long des
cours d'eau non navigables ne peut être maintenu. Toutefois, il est
indispensable que l'on retienne le principe d'un zonage des rives et que l'on
réserve, le long des cours d'eau, une bande de terrain en vue de les
protéger et de favoriser pour le public certains droits d'accès
ou de jouissance.
Il nous faudra s'en servir avec discernement et penser à un
mécanisme de réserve fonctionnelle et souple où des normes
environnementales strictes s'appliqueraient.
Le quatrième volet de la réforme suscite beaucoup de
réflexion et se résume en fait à la question suivante:
L'eau doit-elle avoir un prix? Ressource collective et gratuite, l'eau
coûte quelque chose sitôt qu'on se met en frais de l'utiliser. Il y
a toujours un coût pour rendre l'eau disponible aux utilisateurs; il y a
également un coût pour restituer aux cours d'eau des eaux
usées suffisamment épurées pour qu'elles ne "surtaxent"
pas le pouvoir auto-épurateur du cours d'eau, pour que soit satisfaite
la demande biologique du milieu aquatique.
L'eau est un facteur de production industrielle et agricole et, dans ce
sens aussi, elle a un prix. Pôle d'attraction en villégiature,
l'eau est d'autant plus attrayante qu'elle est plus propre. Facteur de
production de la faune aquatique, l'eau est d'autant plus productive qu'elle
est bien oxygénée; la rivière, le lac en santé ont
un prix qui correspond aux efforts d'épuration consentis pour les
maintenir dans cet état. Revient-il aux utilisateurs ou à la
collectivité de payer le coût de l'eau?
Nous avons tendance à retenir l'option selon laquelle
l'utilisateur ou le pollueur abusif devrait être pénalisé,
des redevances étant perçues pour les prélèvements
d'eau excessifs ou imposées à ceux qui retournent dans la
rivière une eau trop dégradée.
Cette façon d'agir serait une incitation impérative des
consommateurs à limiter les gaspillages. L'utilisateur-payeur prendra
l'habitude d'éviter les consommations excessives; les
municipalités prendront intérêt aux prévisions des
besoins réels de la population; les agriculteurs limiteront les
quantités d'eau d'irrigation aux besoins réels de la culture et
l'industrie verra un avantage pécuniaire au recyclage de ses eaux, alors
que les apports d'eaux nouvelles se limiteraient aux volumes in-dispendables
pour compenser les consommations réelles, les pertes et les fuites
inévitables.
Dans plusieurs pays du monde aux ressources en eau plus limitées
que chez nous, qu'il s'agisse de l'Allemagne, de l'Angleterre ou de la France,
on remarque que les efforts d'économie d'eau conduisent à des
solutions d'épuration. L'économie d'eau dans les processus
industriels (recyclage, fonctionnement en circuit fermé,
séparation des rejets incompatibles entre eux et concentration des
affluents) semble être le premier pas vers l'antipollution.
Il est impératif d'établir un mécanisme de prix
équitable qui permettrait d'atteindre les buts suivants: fin du
gaspillage, augmentation du potentiel économique, dépollution
accrue des cours d'eau, développement d'une conscience collective
vis-à-vis de l'eau, bien public.
C'est pourquoi, tout en visant par un mécanisme de prix, la fin
de la période de gaspillage, nous avons comme objectif prioritaire de
préserver l'avantage économique qu'il y a de jouir au
Québec d'une situation d'abondance. Cet objectif, nous pouvons le
formuler ainsi: pour les Québécois, une consommation raisonnable
d'eau devra pouvoir demeurer gratuite.
Comment abordons-nous présentement la réorganisation
administrative? Nous nous devons d'étudier les grandes options qui
s'offrent. L'administration devra-t-elle être fortement
centralisée au sein du gouvernement québécois? Doit-on,
même dans cette optique, songer à une déconcentration de
l'administration permettant de mieux tenir compte des particularismes
régionaux? Faut-il ensuite souhaiter, comme la commission Legendre l'a
recommandé, une complète décentralisation de l'appareil
administratif et remettre à des agences régionales de bassins la
mise en valeur et la conservation de leur eau, leur laissant en même
temps le fardeau du financement et de la collecte des redevances? Ceci aurait
l'avantage d'amener rapidement le public à considérer l'eau comme
une ressource qui doit se gérer collectivement.
Toutefois, cette dernière option nous apparaît, pour le
moment, fort discutable. Il n'est pas facile de délimiter
géographiquement des territoires regroupant des rivières à
vocation similaire. De plus, des structures décentralisées ne
feraient possiblement qu'accentuer les disparités économiques
régionales, les agences les plus pauvres ne pouvant mettre en oeuvre
leurs ressources en eau, faute de moyens financiers. Enfin, n'oublions pas
qu'au Québec, où on est six millions, on ne peut supporter
indéfiniment l'addition d'organismes décentralisés
à la fois régionaux et sectoriels.
Il apparaît donc sage, dans un premier temps, de consolider
l'administration de l'eau, quitte à la déconcentrer à la
lumière de l'expérience des prochaines années. Alors que
depuis 100 ans, et la commission Legendre l'a fort bien démontré,
on a multiplié les agences d'intervention dans le secteur eau à
un point tel qu'il est devenu difficile de
coordonner même les actions gouvernementales, il faut, de toute
urgence, réunir tous les intervenants autour d'un mandat
unifié.
Nous sommes à la recherche d'une formule de gérance de
l'eau qui effectuerait sa mise en valeur et sa conservation, sans pour autant
regrouper tous les autres organismes intéressés à l'eau en
tant qu'usagers.
Devrait-on confier à un ministère-ressource le pouvoir de
trancher les litiges entre utilisations concurrentes de l'eau? Nous penchons,
à l'heure actuelle, pour un gérant de l'eau, qui veillerait
strictement à ce qu'aucune utilisation de l'eau ne soit abusive, une
autre autorité gouvernementale tranchant les cas de conflit
d'utilisation. Ainsi, l'administrateur de l'eau n'aurait pas à
préférer une utilisation touristique plutôt qu'industrielle
d'un cours d'eau, cette décision devant résulter d'un arbitrage
interministériel.
Une chose, donc, nous apparaît évidente maintenant:
l'organisme responsable de la gestion de l'eau n'aura pas comme
préoccupation première d'aménager le territoire. Il sera,
cependant, chargé de s'assurer que, dans l'aménagement du
territoire, la conservation de la ressource et l'équilibre entre la
disponibilité d'eau et les besoins réels des utilisateurs soient
respectés.
Comme ministre des Richesses naturelles, j'entends présenter aux
plus hautes instances gouvernementales à la fin de l'année en
cours toutes les dimensions de ce que doit être une gestion moderne et
adéquate de l'eau, et un projet de réforme législative
devra suivre dans les meilleurs délais.
D'autre part, et avant même que tout ce train de réformes
ne soit mis en oeuvre, nous devons intervenir là où l'eau
acquiert sa plus grande importance, c'est-à-dire en milieu urbain et
tout particulièrement dans la région de Montréal.
Dans cette optique, mon ministère a entrepris, dans la ligne de
pensée de la réforme proposée, quatre grands types
d'actions: -la lutte contre les inondations dans le cadre, comme je le disais
tantôt, d'une entente fédérale-provinciale,
c'est-à-dire la cartographie des plaines inondables en vue de leur
zonage; -la réalisation des grands ouvrages protecteurs anti-inondation
dans le cadre également d'une entente
fédérale-provinciale; -l'amélioration de l'occupation des
berges des lacs et des rivières autour de Montréal par une
redéfinition des rives; -la déconcentration, dans la
région de Montréal, d'une partie de l'administration de la
Direction générale des eaux de mon ministère.
Voici deux ans maintenant, les pays de l'OPEP imposaient
unilatéralement une hausse phénoménale du prix du
pétrole brut sur le marché mondial. Cette hausse, on s'en
souvient, intervenait alors qu'une grave crise politique se déroulait au
Moyen-Orient. Le pétrole produit dans cette région devenait donc
l'arme dont on n'avait pu, jusqu'alors, évaluer
précisément l'incroyable puissance.
Ce profond bouleversement des conditions du marché
pétrolier international a amené les pays développés
qui, tous ou presque, importent du pétrole de cette région du
monde à réviser leurs politiques énergétiques, afin
d'introduire dans celles-ci les nouvelles contraintes qu'implique cette
situation.
Le Québec n'échappe pas, comme vous le savez, à la
nécessité de réévaluer, lui aussi, les
données de base sur lesquelles avaient été
élaborées nos positions énergétiques, à la
veille des événements que je viens de rappeler, compte tenu que
70% de nos besoins énergétiques sont satisfaits par du
pétrole en provenance du marché mondial. Cette forte
dépendance de l'étranger, la hausse des prix du pétrole
brut et les premières interventions du gouvernement
fédéral dans le secteur modifient l'ensemble de la
problématique de l'énergie.
Bien conscient qu'il s'agit là d'une révision en
profondeur de l'ensemble de notre politique énergétique, je
m'attacherai plus en détail aux données du pétrole, du gaz
et de l'électricité.
Après avoir retracé les grandes lignes de notre politique
énergétique antérieure à la crise, je m'attacherai
à mettre en évidence l'impact qu'a eu le changement intervenu
dans l'industrie pétrolière mondiale sur le contexte dans lequel
cette politique avait été élaborée, en particulier
le contexte canadien, pour m'interroger enfin sur la nouvelle
problématique de l'énergie qui en découle pour nous et qui
guidera nos interventions à venir, en vue de relever le défi
auquel nous devons faire face: assurer, dans les meilleures conditions
possible, la détermination et la satisfaction des besoins
énergétiques du Québec.
Comment envisagions-nous, au Québec, le problème de
l'énergie avant 1973?
Comme vous le savez, afin de satisfaire l'ensemble de nos besoins en
hydrocarbures, nous avons dû faire appel aux ressources internationales
et canadiennes, sous forme de pétrole et de gaz, faute de disposer dans
notre province de ressources alors aussi peu coûteuses.
Le pétrole jouait, à cette époque et encore
aujourd'hui, le rôle de leader dans le domaine de l'énergie. Tous
les pays dépendaient, dans une certaine mesure, du pétrole pour
le bon fonctionnement de leur économie. En effet, le pétrole
comptait, en 1972, pour plus de 60% de l'énergie totale primaire
utilisée par les pays européens de l'OCDE, proportion qui
s'élevait à 77% au Japon.
Seuls les Etats-Unis et le Canada, où existait une industrie
pétrolière déjà développée,
décidaient de ne pas s'en remettre totalement aux approvisionnements
mondiaux pour satisfaire leurs besoins, mais prenaient des mesures pour
protéger leur industrie. C'est ainsi qu'en 1961 le gouvernement canadien
mettait en place la ligne Borden qui garantissait à l'industrie
pétrolière du pays l'accès exclusif aux marchés
à l'ouest de la rivière Outaouais, laissant le marché de
l'est, dont le Québec, s'approvisionner à l'extérieur.
Sans cette barrière, le pétrole importé de
l'extérieur aurait pu concurrencer la production intérieure et
ralentir d'autant le développement du pétrole canadien. Cette
politique eut de plus comme effet de freiner l'accroissement de la
capacité de raffinage
des raffineries de Montréal au profit de celles de l'Ontario.
M. Lessard: Fédéralisme rentable.
M. Cournoyer: Cette décision favorisa de plus la
pénétration et l'utilisation du gaz en Ontario.
L'importance du pétrole dans le bilan énergétique
du Québec était donc évidente et c'est pourquoi cette
forme d'énergie se situait à la base de toute réflexion
sur la politique de l'énergie. Il nous semblait possible de nous
approvisionner pendant encore de nombreuses années à un prix
relativement stable et dans des conditions de sécurité qui
apparaissaient, encore à cette époque, satisfaisantes.
Quant au gaz consommé au Québec, il nous provenait, comme
vous le savez, de l'Ouest du Canada. Mais sa part dans la satisfaction de nos
besoins est restée faible par rapport aux provinces situées
à l'ouest de la ligne Borden et plus spécifiquement à
l'Ontario qui bénéficia rapidement d'un réseau gazier
couvrant l'ensemble de son territoire, alors qu'au Québec on ne peut
bénéficier que d'une seule ligne importante d'approvisionnement
qui s'arrêtait à Montréal.
La résultante de ces divers facteurs apparaissait clairement dans
notre bilan énergétique. En 1972, 72% de l'énergie totale
nette disponible à la consommation québécoise venait du
pétrole importé, 5% du gaz, l'électricité produite
chez nous couvrant pratiquement le reste, soit 20%.
Cette toile de fond a modelé ce qui fut, en 1972,
l'énoncé d'une première politique de l'énergie du
Québec, qui se traduisait par cinq objectifs principaux.
D'abord, une disponibilité au meilleur coût qui
entraînait les sous-objectifs suivants: -réduction du
surcoût du pétrole brut importé; -construction d'un port
pour superpétroliers; -rationalisation de la distribution; -transparence
et surveillance des prix et marchés; -extension du réseau de gaz
naturel; -développement des ressources alternatives d'approvisionnement
en gaz naturel; -développement de la recherche du gaz naturel au
Québec; -maintien de la concurrence entre les distributeurs de gaz
propane.
Deuxième objectif, sécurité des approvisionnements,
qui entraîne les sous-objectifs suivants: -stockage de
sécurité; -diversification de l'origine des importations;
-association avec des sociétés nationales; -encouragement
à la recherche des hydrocarbures au Québec.
Un autre objectif, protection des individus et de l'environnement, qui
entraîne les sous-objectifs suivants: -protection du consommateur de
produits pétroliers; -sécurité dans le transport, la
manutention et la distribution; -amélioration du statut professionnel
des distributeurs; -protection de l'environnement.
Un autre objectif, augmentation de la valeur ajoutée au
Québec: -développement du raffinage; -développement de la
pétrochimie.
Enfin, augmentation des intérêts québécois:
-développement de SOQUIP; -regroupement des indépendants;
-participation des institutions financières
québécoises.
Vous comprenez que cette énumération se retrouve
également dans l'excellent ouvrage que M. André Marier a fait,
à ma demande, sur la politique énergétique
québécoise. Il doit, lui aussi, comme moi d'ailleurs, pour vous
donner une image exacte de la situation, recommencer et refaire cette
énumération pour bien situer les gens qui n'auraient pas le
goût de retourner en arrière et de retrouver, dans les documents
de 1972, les énoncés que je viens de mentionner.
Vous pouvez fermer votre livre de M. Marier. Je retourne à mes
préoccupations personnelles qui ne sont pas nécessairement celles
de M. Marier, pas plus que celles de M. Marier ne sont nécessairement
celles du ministre des Richesses naturelles. Cette politique rejoignait, comme
vous pouvez le constater, le type de préoccupations des pays
consommateurs en général.
Si j'ai parlé de la politique énergétique de 1972
au passé, c'est que les conditions dans lesquelles elle a
été pensée, puis élaborée ont changé
de façon radicale.
Sur le plan mondial, d'abord, le prix du pétrole brut est
monté de moins de $3 qu'il était, rendu à Montréal,
à plus de $10 avant les subventions. Ensuite, les conditions
économiques et politiques dans lesquelles ce marché fonctionne
ont été perturbées.
De même, au niveau canadien, les gouvernements ont pris des
mesures très importantes dans le secteur énergétique.
En quoi consistent réellement ces changements et quelles en sont
les conséquences sur ce qui nous préoccupe ici, la politique
énergétique du Québec? C'est ce à quoi je vais
tenter de répondre maintenant.
Sur le plan mondial, deux phénomènes de la crise de 1973
sont à retenir. De stable qu'il était, le prix du pétrole
des pays exportateurs est devenu imprévisible et
l'insécurité des approvisionnements en provenance de certains
pays arabes est passée de latente à réelle lorsque, pour
régler leur conflit avec Israël, ces pays ont imposé
l'embargo sélectif sur les exportations. Au Canada, les autorités
fédérales réagissaient à cette crise de court terme
en prenant certaines mesures visant officiellement à pallier les effets
de la crise mondiale, mais qui étaient, en fait, les premiers jalons de
la nouvelle politique pétrolière canadienne.
C'est sur l'ensemble de ces phénomènes qui nous
concernent, au Québec, que je veux m'arrê-ter un instant.
A Québec, l'hydroélectricité, en particulier, est
un objet de fierté. Notre potentiel hydroélectrique important
s'est traduit, dans le sentiment populaire, par la certitude que nous
disposions de ressources électriques illimitées. Ce sentiment,
comme vous le savez tous, ne correspond pas tout à fait à la
réalité. En effet, cette forme d'énergie se fait de plus
en plus rare et exige donc que nous en fassions l'allocation de la façon
la plus rationnelle possible. Afin de répondre à cette exigence,
il convient de s'interroger sérieusement sur le rôle de ce secteur
dans l'économie québécoise, tout comme, à une autre
époque, avant 1944, on s'interrogea sur l'opportunité de
créer une société d'Etat responsable de la
réalisation de nos objectifs dans ce secteur, soit
l'Hydro-Québec.
Cette décision fut une bonne décision. D'autant plus
qu'elle s'accompagna d'une réduction de tarifs qui fit économiser
aux abonnés de l'Hydro-Québec, pour la période de 1944
à 1961, la somme de $60 millions, ceci sans compter les sommes
épargnées par les abonnés de certaines compagnies
privées qui durent, elles, réduire leurs tarifs.
En 1962, la coexistence d'un grand nombre d'organismes de production et
de contrôle rendait la situation particulièrement confuse et
nécessitait un réaménagement rationnel de cette richesse
au Québec.
C'est pourquoi le ministre des Richesses naturelles de l'époque,
un type bien connu, rendait publics les principaux objectifs d'une
nationalisation du secteur de l'électricité au Québec.
Cette décision visait à amener une meilleure coordination des
investissements, un usage optimum des forces hydrauliques, une diminution des
frais fixes, une uniformisation des tarifs, une revalorisation des
régions insuffisamment développées, la création
d'un vaste pouvoir d'achat au profit du Québec, ainsi que la formation
et la promotion de cadres supérieurs canadiens-français.
M. Lessard: Donc, c'était bien. C'était une bonne
chose.
M. Cournoyer: J'ai dit tantôt que cette décision
visait à amener... "Est-ce qu'elle l'a fait, c'est probablement ce que
vous pourrez demander un jour ou l'autre.
La loi de nationalisation a été votée le 1er mai
1963, comme tout le monde le sait, et particulièrement le
député de Saguenay, et donnait aux Québécois les
instruments nécessaires pour atteindre les objectifs visés.
Il était naturel que l'Etat confie à l'Hydro-Québec
le soin de faire un usage plus rationnel des ressources
énergétiques et financières, et que soit offert aux
abonnés un service plus uniforme.
En ce qui concerne ce dernier point, des distorsions
considérables existaient entre les tarifs pratiqués dans les
différentes régions du Québec. La société
d'Etat s'attaqua à la tâche. Ainsi, de 1964 à 1970, la
capacité de production au Québec augmentait de 46,7%, 97% de cet
accroissement étant attribuables à l'Hydro-Québec. La
nationalisation rendait possible la planification et la coordination du
développement et de l'exploitation de l'énergie
hydroélectrique sur toute l'étendue du territoire.
Il n'a fallu que trois ans pour concevoir, construire et mettre au point
la première ligne de transport d'électricité à 735
kW jamais construite à travers le monde. Cette ligne, inaugurée
en 1965, relie maintenant le poste Manicouagan à Montréal.
L'objectif d'uniformisation des prix d'électricité
était également atteint très rapidement. Le nombre de
tarifs différents était réduit en quelques années
de 80 à 7. Vous avez certainement pu évaluer les avantages qui
ont découlé de l'uniformisation tant des tarifs que des
services.
Cet effort de rationalisation s'est poursuivi et nous n'avons,
maintenant, à toutes fins pratiques, qu'un seul tarif s'appliquant
à l'ensemble du territoire, selon les catégories d'usage. La
nationalisation devait également permettre le développement d'une
compétence et d'une connaissance technique canadienne-française
de réputation mondiale.
Si l'on ajoute, aux objectifs généraux de la loi de
nationalisation, la recherche de l'utilisation maximale des talents des
Québécois et l'accessibilité de notre génie aux
grandes décisions techniques qui concernent tous les
Québécois, on peut affirmer que comme instrument de
réalisation, l'Hydro-Québec avait déjà, dès
le début des années soixante-dix, assumé remarquablement
son mandat.
Lorsque éclata la crise de l'énergie, à l'automne
1973, la situation du secteur de l'électricité était la
suivante: la production de l'électricité atteignait 80,2
milliards de kWh, plaçant le Québec au premier rang parmi
l'ensemble des provinces canadiennes. De 1964 à 1973, la puissance
disponible, incluant l'aménagement hydroélectrique de Churchill
Falls je précise que la puissance disponible inclut Churchill
Falls donc la puissance disponible totale au Québec était
passée de 9500 mégawatts à 14 800 mégawatts; la
part de l'Hydro-Québec, dans ce total, progressant de 66% à 75%.
L'électricité représentait 20% de la consommation totale
de l'énergie au Québec. En fonction de l'augmentation
prévue des besoins des consommateurs, le développement de la baie
James était déjà en voie de réalisation.
Au mois d'octobre 1973, des événements du Moyen-Orient
provoquaient ce qui furent les ruptures les plus brutales que nous n'ayons
jamais connues dans l'histoire de l'énergie. D'octobre à
décembre 1973, des pays producteurs de pétrole décidaient
de quadrupler le prix du pétrole brut, et des pays arabes
décrétaient un embargo contre les pays industrialisés
soutenant l'Etat d'Israël.
Cette menace de pénurie et cette pression brutale sur les prix du
pétrole ont eu des effets immédiats sur les habitudes de
consommation d'énergie et, en premier lieu, sur celle de
l'électricité au Québec. La crise de l'automne 1973 a, de
plus, provoqué un climat général d'incertitude qui a
incité les consommateurs à tenter de se prémunir contre
les conséquences de ce genre d'événement. En
conséquence, il était naturel qu'au Qué-
bec nous assistions à une augmentation de la demande
d'électricité. Par la force des choses, un grand nombre de
Québécois, désirant abandonner l'utilisation du
pétrole pour leur chauffage, ne pouvaient remplacer celui-ci que par une
consommation accrue d'électricité, à l'exception, bien
entendu, de certaines régions du Québec comme celle de
Montréal, mais pas partout à Montréal, Hull et Noranda
où le gaz naturel était également disponible.
Il faut bien souligner ici que cette augmentation de la demande fut
accentuée, bien sûr, par les campagnes de promotion moussant
l'utilisation de l'électricité. En effet, l'Hydro-Québec,
se conduisant comme toute entreprise productrice et vendeuse d'énergie,
avait entrepris de convaincre la population des avantages inhérents
à l'utilisation de l'électricité. On se souviendra, entre
autres, du slogan: On est propre, propre, propre. Cette entreprise de
promotion, accentuée par le déplacement de la demande dû
à la crise pétrolière, fit augmenter de façon
inquiétante la demande résidentielle
d'électricité.
Pour le secteur résidentiel, la consommation annuelle moyenne
d'électricité par abonné s'est accrue de 9.6% en 1974 par
rapport à 1973, alors que le chiffre correspondant, pour la
période de 1964 à 1974, s'établit, en moyenne, à
5.8%. C'est toujours un chiffre annuel, 5.8% par année. L'accroissement
annuel, dans le nombre d'abonnements, se situe autour de 3.5%. Une des causes
de cette augmentation se trouve dans la propagation très rapide du
chauffage à l'électricité. Le nombre d'abonnements au
chauffage électrique a presque doublé de 1972 à 1975. Ce
nombre est passé de 151 500, en avril 1972, à 273 000 en avril
1975.
L'Hydro-Québec a pu répondre à cette pression
accrue de la demande sans problème particulier grâce à la
marge de manoeuvre dont elle disposait dans sa capacité de production
d'électricité. La crise de l'énergie a eu une autre
conséquence, cependant, plus tardive, mais peut-être plus
importante. Les événements d'octobre 1973 ont
accéléré et accentué les mouvements inflationnistes
qui se développaient déjà à cette époque
dans la plupart des pays industrialisés.
Ces deux phénomènes, d'une part, l'augmentation de la
demande et, d'autre part, la montée inflationniste, ont eu une incidence
marquée sur le coût des investissements prévus, entre
autres, dans le secteur de l'électricité. L'exemple le plus connu
est, évidemment celui des travaux de la baie James. Même au
début de 1976, il ne nous paraissait pas possible d'indiquer d'une
façon définitive l'évolution des coûts de ce projet.
Ce que nous prévoyions à la fin de 1971 devoir coûter $5,8
milliards pour 8300 mégawatts en coûtera au moins $11,9 milliards
selon l'évaluation de 1974 mais, bien sûr, pour 10 340
mégawatts.
Il faut toujours mettre en ligne de compte le nombre de mégawatts
additionnels par rapport au nombre de mégawatts qu'on avait dans le
projet original. L'évolution de l'économie générale
influencera sans doute le coût final...
M. Lessard: Cela a doublé par rapport à 25% de plus
d'augmentation.
M. Cournoyer: Les questions c'est pour plus tard.
L'évolution...
M. Lessard: D'accord, c'est juste un bref commentaire.
M. Cournoyer: Oui, oui, c'est un bref commentaire.
L'évolution de l'économie générale influencera sans
aucun doute le coût final de ces importants travaux que par ailleurs nous
avons jugé et que nous jugeons encore nécessaire d'effectuer.
N'en va-t-il pas de même dans tous les projets entrepris récemment
en Amérique du Nord?
Le coût du prolongement du métro de Montréal fut
évalué en 1971 à $430 millions et en 1975, compte tenu
bien entendu de nouveaux travaux entraînant des frais
supplémentaires de $33 millions, le coût global du projet
s'élevait à $1,6 milliard. Par ailleurs, dans le secteur de
l'énergie nucléaire, la centrale nucléaire de Gentilly 2
près de Trois-Rivières fut évaluée en 1972 à
environ $300 millions pour une capacité de 600 mégawatts, ou $503
le mégawatt, et, en octobre 1975, ce projet était
réévalué à $550 millions, soit $860 le
mégawatt.
Récemment on estimait que les coûts éventuels
pourraient s'élever à plus de $600 millions, soit $942 par
mégawatt. Pardon je parle toujours de kilowatts, pas de
mégawatts.
M. Lessard: Là, cela allait bien, cela ne coûtait
pas cher.
M. Cournoyer: Oui, en mégawatts, c'était pas
pire.
M. Lessard: On le ferait...
M. Cournoyer: Cela ressemblerait au nucléaire que le PQ
propose.
M. Lessard: Oui...
M. Cournoyer: D'autre part, nous savons tous que le coût
d'extraction...
M. Lessard: Très...
M. Cournoyer: ... le coût d'extraction du pétrole
bitumineux a plus que doublé dans l'espace de deux ans. Enfin, de
l'autre côté de la frontière, les Américains
décidaient d'annuler ou de retarder la mise en chantier de 60 centrales
nucléaires américaines qui devaient commencer leurs
activités au milieu des années quatre-vingt. Ces délais
amorcés depuis déjà un an et demi sont dus en grande
partie aux conditions économiques actuelles. Dans ce contexte
général, si les prévisions de l'Hydro-Québec se
réalisaient, cela signifie que la puissance requise par
l'Hydro-Québec sera, en
1990, de 46 000 mégawatts, soit presque le double de la puissance
actuelle requise, et devra atteindre, en l'an 2000, le chiffre fantastique de
90 000 mégawatts.
Si l'on essaye, à partir des prévisions, de chiffrer le
coût des investissements futurs, et ce, dans tous les secteurs, on a le
vertige, car aux conséquences de la montée des coûts
s'ajoute un autre phénomène. Le potentiel hydroélectrique
du Québec encore disponible se retrouve de plus en plus loin des centres
de consommation prévisibles, ce qui augmentera d'autant le coût de
cette électricité. Les conséquences de cet ensemble de
facteurs sont donc extrêmement sérieuses.
Nous sommes arrivés à un stade où
l'énormité des sommes engagées nécessite, à
tout le moins, un effort de réflexion et peut-être même une
réévaluation des orientations et des choix retenus jusqu'à
ce jour.
M. Lessard: Vous lancez cela comme lors du 29 avril 1971...
M. Cournoyer: En conclusion, d'après une étude
effectuée par le gouvernement fédéral, les besoins en
capitaux pour le secteur de l'énergie requis durant les dix prochaines
années représenteront, pour l'ensemble du Canada, la somme de
$115 milliards, en dollars de 1974, soit de 5,5% à 6% du produit
national brut. Sur ces $115 milliards, les besoins en capitaux du secteur de
l'électricité atteindraient à eux seuls $50 milliards,
soit 2,6% du produit national brut canadien. En comparaison, de 1950 à
1974, l'ensemble des investissements dans le secteur énergétique
ont compté en moyenne pour 3,5% du produit national brut canadien.
Cette réévaluation de la situation doit être
effectuée avec d'autant plus de soins que
l'hydroélectricité occupe une place particulière pour nos
Québécois. En effet, l'hydroélectricité constitue
la seule forme d'énergie purement québécoise et cela
entraîne tout d'abord des avantages considérables sur le plan de
la sécurité des approvisionnements. Cela c'est bien sûr
quand il n'y a pas de grève.
Ces avantages sont d'autant plus grands que cette sécurité
est complète, puisque la production est effectuée au
Québec par une société contrôlée par le
gouvernement du Québec et dans un secteur de juridiction relevant
exclusivement du gouvernement du Québec.
M. Lessard: Pour autant qu'il n'y aura pas de tremblements de
terre.
M. Cournoyer: L'électricité est donc la seule forme
d'énergie sur laquelle nous exerçons un contrôle à
tous les niveaux, depuis la production jusqu'à la consommation finale.
L'hydroélectricité offre également des avantages sur le
plan économique. Des effets d'entraînement liés aux
dépenses d'investissements pour la production, le transport et la
distribution se font sentir essentiellement au Québec.
Il est d'autant plus intéressant que le Québec
contrôle son électricité que cette forme d'énergie
est particulièrement attrayante. L'électricité d'origine
hydraulique est la seule forme d'énergie actuellement
commercialisée qui soit renouvelable, ce qui est très important
à l'orée d'une ère où l'idée de lutte contre
la dilapidation des ressources prend de plus en plus d'importance. D'autre
part, cette électricité constitue, à l'usage,
l'énergie la plus propre, en plus d'être, chez l'utilisateur,
celle dont le coefficient de rendement est d'un des plus
élevés.
L'électricité est la forme sous laquelle seront en grande
partie utilisées d'autres sources d'énergie comme, par exemple,
l'énergie éolienne, l'énergie géothermique,
l'énergie marémotrice, l'énergie solaire et
l'énergie nucléaire. Il nous apparaît donc
nécessaire que l'infrastructure de distribution et de consommation soit
en place lorsque la nouvelle technologie sera au point.
Tous ces avantages conduisent d'ailleurs à se demander si une
option de la politique québécoise de l'électricité
ne serait pas de développer au maximum, et le plus rapidement possible,
tout le potentiel hydroélectrique existant au Québec. Cette
option, il faudrait la garder en mémoire lorsque viendra le temps
d'arrêter l'orientation future de notre politique de
l'électricité.
Malgré tous ces avantages, la croissance de la demande
d'électricité se traduit, pour le Québec, par des charges
financières qui, on l'a vu, risquent d'atteindre, dans l'avenir, des
proportions difficilement supportables. L'évaluation d'une politique de
l'électricité nécessite donc que soient remis en cause
certaines orientations et certains choix, compte tenu du contexte
économique général et du contexte
énergétique en particulier.
Nous avons posé et nous reposons un certain nombre de questions
auxquelles je n'ai pas l'intention d'apporter, aujourd'hui, de réponses
dans le cadre de cet exposé.
En premier lieu, le programme d'équipement de
l'Hydro-Québec a été défini à partir de
certaines hypothèses concernant l'évolution future de la demande.
A-t-on, aujourd'hui, la même certitude que ces hypothèses de base
sont toujours valables et qu'on ne devrait pas les reconsidérer à
la lumière des événements récents?
L'accélération de la consommation de
l'électricité au Québec observée en 1974 et le
ralentissement constaté en 1975 illustrent, s'il en est besoin, toute la
difficulté que l'on peut avoir à déterminer avec
précision, dans la conjoncture actuelle, l'évolution prochaine
des besoins en électricité. Cette difficulté est d'autant
plus délicate à surmonter qu'une étude de
l'évolution des besoins en électricité doit tenir compte
des phénomènes de substitution entre les différentes
formes d'énergie, phénomènes liés à la
disponibilité et au prix de ces formes d'énergie.
En second lieu, en supposant que cette première difficulté
puisse être résolue et que des prévisions plus explicites
puissent être obtenues, on peut se demander si le rythme de croissance de
la demande, tel que prévu, ne pourrait pas être modi-
fié par une action appropriée. Certaines mesures
d'économie de l'énergie ne pourraient-elles pas diminuer
sensiblement les besoins en électricité et, donc, retarder les
investissements requis, tout en lui faisant jouer un rôle plus grand dans
la satisfaction de nos besoins totaux en énergie au Québec?
Une meilleure utilisation de l'électricité, par exemple,
grâce à une isolation plus efficace ou une augmentation de
rendement des appareils, ne pourrait-elle pas réduire nos besoins en
capitaux requis pour la production d'électricité? L'utilisation
accrue d'autres formes d'énergie, la consommation de gaz naturel, par
exemple, ne permettrait-elle pas de reporter dans le temps l'aménagement
de certaines unités de production d'électricité? Ne
pourrait-on pas étudier des modifications à la tarification qui
décourageraient le gaspillage de l'électricité? N'y
aurait-il pas lieu également d'analyser chaque type de consommation
d'énergie, afin de réorienter, s'il y a lieu, l'utilisation de
l'électricité? Par exemple, ne serait-il pas plus avantageux,
pour la société, que le transport en commun faisant usage
d'électricité remplace les modes de transport actuels?
En troisième lieu, l'effort d'optimisation doit s'appliquer
particulièrement à la gestion des programmes d'équipement.
La demande d'électricité est marquée par des fluctuations
continuelles, selon les heures, les jours, les semaines et les saisons.
C'est vrai aussi pour les autres formes d'énergie, mais, à
la différence du pétrole et du gaz naturel,
l'électricité par sa nature ne peut être stokée
actuellement, ni au niveau de la distribution, ni au niveau de la
consommation.
L'adaptation de l'offre à la demande pose donc des
problèmes continuels particulièrement difficiles à
résoudre. En ce sens, n'y aurait-il pas lieu d'accentuer notre effort de
recherche afin de résoudre les problèmes techniques qui font
obstacle à une utilisation plus rationnelle de l'énergie
électrique?
L'Hydro-Québec, d'après son mandat, doit répondre
à la demande d'électricité en tout temps. Cette obligation
réduit donc sa marge de manoeuvre. Mais, cela étant noté,
l'écrêtement des pointes de consommation est-il effectué,
à l'heure actuelle, de la façon la moins coûteuse? Du
côté de l'offre, ne serait-il pas possible
d'accélérer la mise en service d'unités de production
d'électricité de pointe? Par exemple, la proportion entre les
installations de base et de pointe actuellement en service répond-elle
à ce concept d'optimisation? La proportion entre les installations de
base et de pointe actuellement sera-t-elle la même demain, compte tenu de
l'évolution dans la structure de la demande?
La collectivité est-elle bien consciente du coût qu'a
représenté l'abandon du projet de centrale à
réserve pompée sur la Jacques-Cartier? Renoncer à un tel
projet, c'est peut-être être obligé de le remplacer par
d'autres équipements, peut-être beaucoup plus coûteux et
tout aussi dommageables pour l'environnement. Du côté de la
demande, ne pourrait-on pas informer davantage le consommateur de la
conséquence de ces choix? Ne pourrait-on pas aussi lui offrir un
éventail de choix plus grands?
M. Lessard: C'est ce qu'on avait demandé.
M. Cournoyer: Une telle action ne pourrait-elle pas prendre, par
exemple, la forme d'une tarification incitant les gros utilisateurs à
réduire leur demande en période de forte consommation?
Dans le secteur résidentiel, une tarification
privilégiée, à certaines heures hors pointe,
n'entraînerait-elle pas un déplacement de la consommation
d'électricité? La maîtresse de maison accepterait-elle de
faire sa lessive ou son repassage à des heures inhabituelles, si elle
savait que le coût de ces activités domestiques serait
réduit de façon importante? En dehors des périodes de
pointe, avec la structure actuelle de production, l'Hydro-Québec dispose
d'excédents périodiques disponibles.
M. Lessard: Les compagnies de téléphone font
cela.
M. Cournoyer: L'échange de ces excédents contre la
fourniture d'électricité de pointe est un des moyens
utilisé pour adapter l'offre à la demande. Le Québec
retire-t-il tous les avantages qu'il est en droit d'attendre de la fourniture
d'électricité à ses voisins?
En quatrième lieu, les Québécois doivent être
conscients de la difficulté de concilier l'ensemble de leurs
aspirations. Par exemple, la production d'électricité
nécessite la mise en place de lignes de transport et de distribution. La
construction de ces lignes entre souvent en conflit avec les politiques
d'aménagement du territoire. La vocation agricole ou
socio-récréative de certaines régions entre aussi en
conflit avec la construction de ces lignes. Doit-on privilégier
l'objectif de fourniture d'électricité? Si oui, quel en sera le
coût dans les autres secteurs de l'activité humaine?
Concrètement, si on désire favoriser avant tout la
conservation du milieu, cela peut signifier pour les particuliers le
renoncement à des commodités, telles que machines à laver
et à sécher le linge, laveuses de vaisselle, etc.
La préservation du milieu pourrait donc, à
l'extrême, entraîner un recul pour certains aspects de la
qualité de la vie que la collectivité québécoise
pourrait juger non essentiels par rapport au respect de l'environnement.
N'y aurait-il pas lieu, par exemple, d'élaborer un
mécanisme de décision susceptible, je le répète
encore une fois, d'arbitrer les intérêts multiples qui
s'affrontent lors de l'élaboration de grands projets
énergétiques? Comme vous le voyez, la mise en place d'une
politique de l'électricité doit tenir compte d'exigences
contradictoires, doit prendre en considération des contraintes
multiples, doit lever des incertitudes nombreuses. Il y a un point sur lequel
nous pouvons nous prononcer immédiatement d'une façon certaine;
si nous continuons à consommer de l'électricité au rythme
actuel et si nous ne modifions pas sensiblement
nos habitudes de consommation, nous risquons fort de nous retrouver
à trop brève échéance devant la
nécessité de mettre en chantier un autre projet gigantesque de
production de l'énergie électrique.
Vous connaissez toutes les conséquences d'une telle
possibilité, particulièrement sur l'ampleur des investissements
requis et les prix éventuels de cette électricité. La
population est-elle prête à payer le prix d'une telle
éventualité? Ce qui plus est, il faut dès maintenant
envisager le jour où la disponibilité d'électricité
ne serait plus totalement assurée. Par exemple, à l'heure
où je vous parle, certains producteurs américains
d'électricité conseillent à de gros utilisateurs
éventuels, comme les alumineries, de mettre eux-mêmes en chantier
les équipements électriques requis pour leurs besoins. Car,
même à un prix élevé, ils ne peuvent garantir
l'approvisionnement ferme d'énergie à ces industries.
Devrons-nous faire face à une telle situation un jour? Il faut
bien être conscients que les coûts inhérents à la
satisfaction des besoins actuels constituent un lourd fardeau pour le
consommateur. En orientant 6% du produit national brut, ou $115 milliards, dans
les dix prochaines années vers le secteur de l'énergie, on doit
forcément modifier la satisfaction d'autres besoins de la
société.
M. Lessard: Pour le Canada?
M. Cournoyer: Oui. Devant l'engagement de telles sommes, il faut
donc s'assurer que chaque dollar investi le soit d'une façon optimale.
Cette nouvelle situation nous conduit à réévaluer nos
habitudes de producteurs et de consommateurs, compte tenu de la rareté
croissante de la ressource et des choix économiques que son obtention
entraîne.
C'est la responsabilité fondamentale du gouvernement pas
de l'Hydro-Québec d'orienter tout autant la production que
l'utilisation finale de cette ressource naturelle en tenant compte des
intérêts de tous les Québécois. Pour le
Québec, il ne s'agit plus de répondre à n'importe quelle
demande en électricité et d'encourager n'importe quelle demande,
celles des années d'euphorie et de gaspillage. Il faut que le
Québec prenne ses responsabilités, c'est-à-dire explique
très clairement et franchement les conséquences d'une utilisation
anarchique de l'électricité. Il ne s'agit pas de freiner le
progrès mais de le raisonner.
M. Lessard: C'est bien cela.
M. Cournoyer: Lorsque les compagnies pétrolières
géraient l'économie des hydrocarbures pour le compte des pays
exportateurs, cette gestion se faisait en fonction de leur objectif:
rentabiliser au mieux leurs investissements. Les coûts de production
étant plus faibles que ceux de n'importe quelle source de remplacement,
et ces coûts étant décroissants en fonction de la
quantité produite, le pétrole pouvait se vendre à bon
prix. Bientôt, ils fournissaient une part sans cesse grandissante des
besoins des pays consommateurs, allant jusqu'à remplacer les ressources
locales, comme le charbon en Europe, ou imposer aux pays producteurs, comme les
Etats-Unis et le Canada, de mettre en place des barrières comme la ligne
Borden.
En l'espace d'une année, ce schéma a été
complètement transformé. Les pays producteurs fixent maintenant
unilatéralement le prix de vente du pétrole brut. On en est
arrivé maintenant à un prix unique, fixé d'un commun
accord entre les seuls pays membres de l'OPEP. Le prix élevé
actuellement en vigueur a pour objectif de fournir aux pays producteurs des
rentrées fiscales suffisantes, tout en ralentissant le rythme
d'épuisement de leurs ressources pétrolières non
renouvelables.
En quoi ce prix est-il imprévisible? Il est imprévisible
parce que le contenu politique de ce prix devient une composante fondamentale
de sa détermination. En effet, l'entente, tant sur le plan politique
qu'économique, qui existe depuis quelques années entre les pays
producteurs de pétrole, leur permet de déterminer effectivement
le niveau des prix. Une rupture de l'entente entraînerait presque
inévitablement une baisse des prix du pétrole. Mais si la
cohésion politique dont font preuve les pays arabes se renforce encore,
l'OPEP peut se maintenir. Ce groupe se maintiendra d'autant plus fort qu'il
sera perçu, comme le voudrait l'Algérie, comme un exemple pour
les autres pays du Tiers-Monde dans la lutte pour le développement.
Le prix du pétrole brut sur le marché mondial peut, dans
ces conditions, rester stable et continuer de monter, si l'accord se maintient,
ou peut-être redescendre brusquement, s'il éclate.
Il y a donc un pari à faire pour ceux qui possèdent des
ressources en hydrocarbures qui coûtent cher à développer.
Ces pays, comme le Canada, prennent le risque de faire des investissements
énormes qui cesseraient d'être rentables si le prix mondial
diminuait.
On songe tout particulièrement ici au seuil de rentabilité
des sables bitumineux.
Je vais revenir dans un instant sur le problème du Canada. Je
veux avant cela rappeler le deuxième élément de changement
intervenu sur la scène pétrolière mondiale. Je veux parler
de la sécurité des approvisionnements. L'embargo de 1973 nous a
montré que, même imparfait, ce moyen de coercition nous touchait
profondément. Certes, ce n'était pas la première fois que
des pays du Moyen-Orient utilisaient le pétrole comme arme politique.
Cependant, en 1973, pour la première fois, les pays consommateurs n'ont
aucune solution de rechange alors qu'en 1967, par exemple, les Etats-Unis ont
pu compléter l'approvisionnement pétrolier de l'Europe.
La sécurité des approvisionnements a cessé
d'être cette notion sans véritable contenu que l'on mentionnait
sans autre conviction dans l'énoncé des politiques
énergétiques, trop certains que nous étions de
l'incapacité dans laquelle se trouvaient les pays producteurs de
s'organiser effica-
cement. Nous avons maintenant la preuve du contraire. Il serait
audacieux de ne pas en tenir compte.
Au Canada, le contexte dans lequel fonctionnait le secteur de
l'énergie a profondément et rapidement changé. Certes, le
contexte de crise dans lequel il a fallu intervenir justifiait qu'on prenne des
mesures importantes pour limiter au mieux les effets néfastes de cette
période difficile, en particulier les effets inflationnistes. Mais le
gouvernement fédéral a été beaucoup plus loin. Les
mesures qu'il a prises au niveau de la formation des prix du pétrole, de
la fiscalité, des opérations industrielles elles-mêmes et
de la structure du marché, en abolissant la ligne Borden, s'inspirent
clairement de l'orientation nationaliste de sa philosophie politique et
visaient à faire du Canada un pays autosuffisant en énergie et
ce, le plus rapidement possible.
Au niveau des prix, d'abord, le gouvernement fédéral a
décidé de bloquer les prix du pétrole de l'Ouest canadien
dans un premier temps. Avec l'accord des provinces, il a par la suite
instauré un régime de prix unique dans tout le Canada. Ce prix
étant volontairement maintenu au-dessous du niveau du prix du
pétrole importé à Montréal, une taxe à
l'exportation du brut de l'Ouest vers les Etats-Unis, égale à la
différence entre le prix mondial et le prix canadien, permettait de
subventionner le pétrole importé à Montréal.
Mais ce prix intérieur ne pouvait rester inférieur au prix
mondial, si le Canada voulait atteindre l'autosuffisance au plus vite. Une
hausse graduelle de ce prix aurait dû permettre à l'industrie de
développer des ressources additionnelles. Cependant, le gouvernement
fédéral et les provinces productrices décidaient
d'accaparer la presque totalité des surprofits réalisés du
fait de la hausse de prix, ce qui ne laissa à l'industrie que
très peu de revenus additionnels pour faire la mise en valeur des
ressources en hydrocarbures.
D'autre part, afin de pallier principalement l'incertitude des
approvisionnements de l'Est du Canada, il fut décidé de mettre en
chantier l'oléoduc Sarnia-Montréal, bien que son rôle
principal ne semblât pas, à cette époque, évident au
gouvernement fédéral, c'est-à-dire l'approvisionnement du
marché ontarien par du pétrole importé.
Enfin, deux mesures connexes étaient prises. Dès la fin
d'octobre 1973, le gouvernement fédéral mettait en place un
échéancier pour diminuer les exportations canadiennes de
pétrole vers les Etats-Unis, ce qui amena un surcroît de tension
entre les deux pays. En second lieu, on énonça le principe de
l'indexation du prix du gaz sur le prix du pétrole.
Enfin, pour atteindre l'objectif d'autosuffi-sance rapidement, le
gouvernement fédéral devait faire en sorte que le prix du
pétrole au Canada monte, au point que les nouvelles sources de
pétrole et de gaz atteignent le seuil de rentabilité. Sans cela,
seules les ressources conventionnelles sont rentables et les réserves de
ce type seront, à brève échéance,
épuisées. Le prix du pétrole brut est, aujourd'hui,
à $8.70 à Toronto et à Montréal. Il est
appelé à monter rapidement si des ressources aussi
coûteuses que les sables de l'Athabaska et le gaz des régions
frontalières doivent compléter sous peu la production du
pétrole conventionnel des régions établies.
Cela signifiait en pratique que la politique du gouvernement
fédéral visait à rejoindre le plus rapidement possible le
prix mondial du pétrole et c'est ce que le gouvernement
fédéral a répété dans sa politique de
l'énergie.
Le Québec est, sur le plan des hydrocarbures, dans une situation
très particulière. Il dépend, pour près des trois
quarts de sa consommation énergétique, du pétrole en
provenance de l'extérieur du pays. Et seul le gaz, qui ne
représente que 5% dans son bilan énergétique, provient du
Canada.
Dans la formulation de sa politique le Québec doit donc attacher
autant d'importance à la présence du gouvernement
fédéral dans le secteur de l'énergie qu'à
l'évolution du contexte énergétique international.
Nous devons donc nous interroger sérieusement tant sur l'option
d'autosuffisance qu'avait favorisée le gouvernement
fédéral que sur l'évolution incertaine des prix
internationaux du pétrole.
Ces interrogations, je vais les formuler dans un instant. Mais je veux
auparavant préciser qu'il me paraît difficile d'envisager une
entente fédérale-provinciale ultérieure, dans le dossier
de l'énergie, tant et aussi longtemps que les gouvernements
intéressés ne se seront pas mis d'accord sur l'orientation
actuelle qu'a prise la politique énergétique canadienne. Et cela
n'est pas fait. Bien que les récents propos du premier ministre du
Canada nous semblent jeter un éclairage nouveau sur l'orientation de la
politique énergétique canadienne, celle-ci ne fut pas toujours
évidente. Il est clair que de l'autarcie du début, on est
passé à la notion de "self reliance", ou, traduit en
français, de confiance en soi, ce qui ne veut plus dire
nécessairement autosuffisance. Dans son discours au Canadian Club, le 19
janvier dernier, et dans le dernier livre de la politique
fédérale, M. Trudeau et M. Gillespie admettaient explicitement
qu'il nous faudra recourir de plus en plus aux fournisseurs étrangers
pour nos approvisionnements canadiens en pétrole.
Je disais tout à l'heure que trop de questions restaient sans
réponse pour s'engager plus avant dans les orientations prises depuis
1973 dans ce secteur de l'énergie.
La première qui s'impose d'elle-même après les
remarques précédentes est justement celle de l'autosuffisance.
Cette politique nécessite une hausse du prix intérieur du
pétrole, comme nous l'avons vu. A-t-on estimé à quel prix
on devait monter pour rentabiliser les sables bitumineux et le gaz des
régions frontalières? Ce prix ne risque-t-il pas de
dépasser le prix du pétrole sur le marché mondial, qui,
d'après ce qui précède et ce que j'ai dit, est instable?
A-t-on évalué l'impact de cette possibilité sur
l'économie du pays? A-t-on tenu compte de la possibilité que les
Etats-Unis, notre principal partenaire commercial, adoptent
une politique de prix du pétrole inférieur au prix que
nous devrions pratiquer au Canada pour développer nos ressources
pétrolières et gazières? Le président Ford a
décrété une réduction du prix du pétrole aux
Etats-Unis, récemment. Ce qui a ramené le coût moyen du
prix du pétrole à $9.35 le baril. Ce prix moyen américain
est entré en vigueur le 1er février 1976.
En plus des conséquences sur la position concurrentielle de notre
industrie, l'option autarcie met une pression considérable, selon nous,
bien sûr, sur le coût même des investissements dans nos
ressources énergétiques. En voulant accélérer le
rythme des investissements, il en résulte, encore une fois selon nous,
une forte demande de moyens de production, que ce soit de la main-d'oeuvre
qualifiée, que ce soit de la machinerie, que ce soient des capitaux.
Mais la quantité disponible en est limitée, d'où, selon,
nous encore, la forte croissance des coûts de tels investissements.
A-t-on analysé l'effet inflationniste d'une telle politique? Le
projet Syncrude, dont le coût avait été estimé, il y
a deux ans, à $1 milliard, est estimé maintenant à au
moins $2 milliards.
En troisième lieu, la mise en application des projets
d'investissement constitue pour l'ensemble de l'économie canadienne un
changement dans l'allocation du produit national brut. En effet, de 3 1/2% en
moyenne, pour la période 1950 à 1974, comme je le disais
tantôt, la part du produit national brut affectée aux
dépenses d'investissement dans le secteur énergétique
atteindrait, en moyenne, 5% à 5 1/2%, pour la période de 1975
à 1990. Les besoins énergétiques totaux en immobilisations
ont été évalués à $170 milliards pour cette
période. En comparaison, ces investissements pourraient s'élever,
comme je l'ai dit, la semaine dernière, et comme je le
répétais devant le club de l'électricité, à
$115 milliards pour la période de 1975 à 1985.
Est-ce là une allocation optimum de nos ressources? La population
canadienne attache-t-elle une telle importance à l'objectif d'autonomie
qu'en conséquence elle est disposée à supporter un tel
coût? Le mot "autonomie" voulant dire indépendance.
En quatrième lieu, a-t-on évalué
sérieusement les solutions de rechange à un tel programme?
Le marché mondial dispose, sans aucun doute, des réserves
pétrolières suffisantes pour nous approvisionner. Si cette source
n'est plus suffisamment fiable pour qu'on laisse aux compagnies
pétrolières l'entière responsabilité de nos
importations, ne peut-on mettre en place une politique de stockage de 90 jours
telle qu'adoptée par les pays du Marché commun dans une
récente législation afin de pallier toute
éventualité de rupture momentanée d'approvisionnement? Si
nous options pour le développement de nos ressources chères, cela
aurait-il pour résultat de faire pression à la baisse sur le prix
mondial du pétrole?
Est-il logique que le Canada fasse, seul, les frais de cette
opération?
A-t-on évalué dans quelle mesure il nous sera
nécessaire d'exporter une part de nos ressources vers les Etats-Unis
pour rentabiliser nos investissements dans les sables asphaltiques ou le gaz du
nord?
Dans le cadre des approvisionnements pétroliers, quel sera le
rôle des sociétés d'Etat par rapport à celui des
sociétés privées?
Ces dernières conserveront-elles leur rôle d'agents
fournisseurs de produits ou seront-elles remplacées graduellement par
les gouvernements à la suite d'ententes bilatérales
d'approvisionnement entre pays producteurs et pays consommateurs?
Pour appuyer sa politique, le gouvernement fédéral, en
plus de décider de contingenter les exportations, a mis sur pied une
politique de conservation de l'énergie. Dans quelles mesures les
prévisions de conservation établies par le gouvernement
fédéral sont-elles réalistes? Le gouvernement
fédéral a, en effet, utilisé comme hypothèse de
base, servant à déterminer les besoins canadiens, les
critères suivants: croissance modérée de 2% ou maximale de
3,2% pour les produits pétroliers. Pour le gaz, les taux de croissance
s'établissent à 3,5% et 4,8% respectivement. Par comparaison, le
taux de croissance historique des besoins québécois en produits
pétroliers s'est établi, pour la période allant de 1958
à 1974, à 6,2%.
La population canadienne se soumettra-t-elle à une telle
politique qui ne vise que les aspects mineurs de notre consommation? Entre
imposer une limite de vitesse draconienne sur nos routes qui sont faites pour
rouler à 80 milles à l'heure et une politique de transport en
commun bien charpentée, n'est-ce-pas vers cette seconde
possibilité que nous devrions nous orienter?
Par contre, n'a-t-on pas tendance à blâmer trop rapidement
le consommateur qui avait pris, au cours des ans, l'habitude de consommer sans
contrainte, ni contrôle, puisque l'on n'avait cessé de lui dire
que l'énergie était largement disponible à un prix
relativement peu élevé?
Qu'on songe que, malgré l'état actuel de nos
réserves, on a permis la signature de contrats d'exportation à
long terme vers les Etats-Unis de gaz dont nous aurions grandement besoin
aujourd'hui. Une politique de conservation doit être mise en place, mais
elle doit reposer sur un changement dans notre façon de vivre et non pas
sur des éléments marginaux comme l'illumination des arbres de
Noël. De plus, elle devra tenir compte des caractéristiques
énergétiques régionales du pays.
Il faut évaluer sérieusement les conséquences sur
la balance des paiements d'une politique d'importation. A titre d'exemple, les
plus récentes données dont nous disposions en ce qui a trait au
compte pétrolier dans la balance des paiements nous indiquent que d'une
situation excédentaire en 1974 nous nous dirigeons vers un
déficit certain en 1975 d'environ $500 millions et qui pourrait,
éventuellement, atteindre $4 milliards et demi en 1980,
c'est-à-dire en déficit accumulé. Nous pouvons nous
interroger ici sur le but réel visé par le gouvernement
fédéral qui est d'atteindre, le plus
rapidement possible, le prix mondial. Est-ce vraiment en vue de
générer les capitaux nécessaires à la mise en
valeur des ressources canadiennes ou n'est-ce pas plutôt afin de
réduire au maximum ce déficit éventuel dans la balance des
paiements?
Comme vous le voyez, le choix d'une politique énergétique
canadienne est complexe. Il l'est d'autant plus que le marché mondial du
pétrole est incertain et ne permet pas de calculer avec certitude le
coût que nous aurions à payer si nous options maintenant pour
l'une ou l'autre de ces solutions. Nous devons également faire le point
sur les solutions de rechange à ces orientations.
Il est probable que c'est entre les deux extrêmes, autarcie et
dépendance accrue des approvisionnements pétroliers
extérieurs, que se situe, pour nous Québécois, notre
intérêt. Au Québec, nous devons faire le point de nos
intérêts propres, en tenant compte de la situation
particulière dans laquelle nous nous trouvons.
Cette question concerne, en particulier, l'industrie
québécoise, comme je le disais. Quel devrait être, pour
vous, le prix de l'énergie? Devons-nous continuer à viser la
parité avec le prix mondial? Devons-nous au contraire ralentir ces
augmentations de façon à ne pas dépasser le nouveau prix
américain de $9.35? La réponse est toujours la même, elle
doit être, jusqu'à preuve du contraire, que nous ne devons pas
dépasser le prix moyen américain tel que nous le concevons comme
étant à $9.35
Ne devrions-nous pas aussi envisager la possibilité de maintenir,
pendant un certain temps, le prix du pétrole au Canada à son
niveau actuel?
Quand j'ai dit $9.35 tantôt, je voudrais qu'on compare ces $9.35
avec les $8 à la tête des puits et non pas $9.35 comparé
avec $8.70 rendu à Montréal. C'est à partir du prix du
pétrole non transporté que j'établis la comparaison
à la tête des puits, parce qu'alors on va m'arriver avec $10.70
par rapport à $8.70. Mes fonctionnaires m'ont indiqué que $9.35
était ce qui se comparait avec $8, tandis que les $10.70 se comparent
avec le prix transporté à Montréal. Donc $8.70 ou $8.50 ce
n'est pas tellement important, mais les comparaisons, c'est de $8 à
$9.35.
Je voudrais exprimer ici les questions majeures que nous nous posons
actuellement en vue d'élaborer une politique de l'énergie qui
concilie l'intérêt des Québécois avec les
contraintes d'ordre national et international dont nous devons tenir
compte.
M. André Marier a fait un certain nombre de propositions. Elles
sont l'objet d'étude chez nous. Je ne voudrais pas répéter
ces propositions, mais je vous assure que ce document de M. Marier fait l'objet
d'une étude extrêmement sérieuse. Mais c'est un document de
M. Marier, je voudrais le répéter. J'ai voulu le donner
immédiatement à ceux qui sont susceptibles d'être
affectés par les décisions qui découleront de
l'étude de ce document par la direction générale de
l'énergie chez nous.
Je vous avoue dès à présent que, du
côté de la direction générale de l'énergie,
on se querelle très sérieusement avec certaines propositions,
certaines remarques faites par M. Marier. Mais les ré- ponses vous
viendront en temps opportun et le plus rapidement possible,
l'espérons-nous, une fois que les discussions du côté de la
direction générale de l'énergie chez nous auront pris
fin.
Je vous assure qu'il ne s'agit pas strictement d'un problème
politique. Il y a des problèmes techniques assez sérieux et je
n'ai pas l'intention de vous arriver avec des réponses rapides sur des
problèmes aussi complexes que ceux-là, réponses que, je
suis convaincu, l'Opposition comme la population ne permettrait pas qu'un
ministre très sérieux puisse donner quant à la nature
même des problèmes qui la confrontent.
Je m'arrête ici, M. le Président, et je remercie tous ceux
qui ont participé à cette première séance
concernant les crédits de mon ministère, surtout de cette
écoute très religieuse, j'en conviens. J'espère que la
deuxième partie qui sera sous la direction des membres de la commission
sera plus vivante, même si la première était essentielle,
compte tenu des préoccupations générales du ministre et du
ministère des Richesses naturelles.
Le Président (M. Séguin): Je vous remercie, M. le
ministre...
M. Lessard: Est-ce que le ministre a terminé son
exposé liminaire?
M. Cournoyer: C'était un exposé extraliminaire.
Le Président (M. Séguin): Le ministre vient de
parler de la deuxième partie et j'avais demandé si on devait
considérer les crédits adoptés après que vous aurez
terminé.
M. Lessard: C'est ce que je me demandais.
Le Président (M. Séguin): C'est pour cela, il y a
une deuxième tranche...
M. Lessard: Je pense que oui. Je pense qu'on va être
obligé de continuer la deuxième partie.
Le Président (M. Séguin): Alors avec le
consentement unanime, je crois qu'on pourrait suspendre la séance. Cela
permettrait à l'Opposition de préparer ses commentaires
davantage...
M. Lessard: ... le discours du budget.
Le Président (M. Séguin):... Alors nous allons
suspendre, s'il y a consentement...
M. Lessard: Oui, oui, oui.
Le Président (M. Séguin): ... sine die. Je ne
connais pas la programmation de cet après-midi. Avec le discours du
budget ce soir, on ne siégera probablement pas en commission. Alors, il
faut être aux écoutes pour savoir ce qui va arriver après
la période des questions. Probablement qu'on continuera cet
après-midi. Je vous remercie.
(Suspension de la séance à 12 h 35)
Reprise de la séance à 16 h 20
M. Séguin (président de la commission permanente des
richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre,
messieurs!
Les mêmes députés que cet avant-midi participent
à cette commission. La parole est au député de
Saguenay.
M. Lessard: M. le Président, je n'ai pas
l'intention...
M. Malouin: M. le Président pourrait-on noter la
présence du député de Bellechasse, s'il vous
plaît?
Le Président: Oui, c'est déjà fait, puisque
vous l'avez noté en le demandant.
Commentaires de l'Opposition M. Lucien Lessard
M. Lessard: Je n'ai pas l'intention de faire un discours aussi
long que celui qui fut fait ce matin par le ministre des Richesses naturelles.
Je n'ai pas l'intention, M. le Président, de reprendre toutes les
interventions que j'ai pu faire ici en commission parlementaire, lorsque nous
avions à étudier chaque année les crédits du
ministère, pour les exposer au ministre et soulever les questions que
nous avons soulevées depuis 1970. J'ai l'intention, cependant, de
reprendre, au moins, assez brièvement je ne veux pas le faire
pour les déclarations de l'ex-ministre des Richesses naturelles
les déclarations qui furent faites par le ministre actuel des Richesses
naturelles depuis sa nomination à ce poste, à savoir depuis le 30
juillet 1975.
J'ai pu constater, à la lecture très rapide du document,
et après l'avoir entendu, mais à une nouvelle lecture très
rapide du document qui fut déposé ce matin par le ministre, que
ce dernier a repris tous ses discours depuis sa nomination. Autant nous avons
eu, de 1970 à juillet 1975, un ministre silencieux, autant avons-nous
maintenant un ministre bavard. Malgré le long discours de près de
deux heures que nous a fait le ministre des Richesses naturelles, nous
demeurons quand même sur notre appétit.
En effet, M. le Président, le ministre me rappelait un peu, ce
matin, Diogène qui cherchait un homme, avec son fanal allumé. Le
ministre se pose des questions, il s'interroge et, en cela, la situation ne
semble pas avoir changé depuis le règne du
précédent ministre des Richesses naturelles.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que nous avons des ministres qui
réfléchissent; nous avons des ministres qui s'interrogent. M. le
Président, je le disais lors de l'étude des crédits de la
dernière commission parlementaire à l'ex-ministre des Richesses
naturelles, c'est bien beau se poser des questions mais, un jour ou l'autre, il
faut accoucher de quelque chose. En effet, à quoi se résume le
document de ce matin sinon à une série d'interrogations sur ce
que devrait être notre politique minière, sur ce que devrait
être notre politique énergétique, sur ce que devrait
être notre politique des eaux?
Par exemple, un coup d'oeil très rapide m'a indiqué
qu'à l'intérieur des 71 pages de texte qu'on m'a remis
après le discours du ministre il y a au moins 75 points d'interrogation,
et cela sans compter les différentes hypothèses émises
sous forme de réponses possibles. Se poser des questions, cela a l'air
sage, cela a l'air intellectuel, cela a l'air savant, surtout devant quelques
spécialistes énergétiques; surtout cela permet de ne
choquer personne. Toutes les hypothèses sont acceptées, que ce
soient celles qui s'attaquent de front aux compagnies minières, qui
permettent de donner quelques avertissements sévères et de faire
les manchettes des journaux, comme celles qui leur plaisent. Ainsi, on peut
ménager la chèvre et le chou, faire plaisir à tout le
monde et accuser nos adversaires de démagogie quand ceux-ci demandent
d'agir.
Mais, M. le Président, toutes ces questions qui ont
été soulevées ce matin par le ministre, il y a belle
lurette qu'elles se sont posées au sein du ministère des
Richesses naturelles. A chaque fois que nous avons eu l'occasion, depuis 1970,
de discuter des crédits du ministère des Richesses naturelles,
j'ai eu l'occasion de demander à l'ex-ministre des Richesses naturelles:
A quand votre politique minière? A quand votre politique
énergétique? A quand votre politique des eaux?
Il faut bien se dire, M. le Président je le verrai tout
à l'heure que c'est depuis 1971 qu'on parle, au sein du
ministère des Richesses naturelles, de l'élaboration d'une
politique minière. Cinq ans après, on en parle exactement dans
les mêmes termes qu'en parlait l'ex-ministre des Richesses
naturelles.
Il faut aussi souligner, malgré le fait qu'il y ait eu des
changements considérables depuis 1973, comme l'expliquait le ministre,
que c'est dès 1972 que le livre rouge, je pense je ne sais plus
de quelle couleur l'appeler a été déposé sur
la politique énergétique québécoise. Malgré
le fait qu'il y a eu considérablement de modifications depuis cette
période, il y a des choses j'y reviendrai tout à l'heure
qui auraient pu être concrétisées à la suite,
justement, du dépôt de ce document, et qui ne l'ont pas
été.
Il faut aussi souligner que le rapport de la commission ou, du moins, le
premier tome de la commission d'étude des problèmes juridiques de
l'eau a été déposé au mois d'octobre 1970 et que,
dans ce rapport, on soulignait ce qui suit, à la page 11, dans un
paragraphe qui nous apparaît encore actuellement très important:
"Nous avons donc la conviction très nette que le Québec doit
s'engager résolument vers une véritable réforme du droit
de l'eau. Toute hésitation aura inévitablement pour effet
d'augmenter la note que les contribuables devront assumer tôt ou tard. Si
l'on maintient le statu quo juridique, il faudra vraisemblablement, en 1980,
affecter aux problèmes de
l'eau une proportion des deniers publics aussi importante que celle qui
est actuellement affectée aux problèmes de
l'éducation.
Il s'agit de choisir maintenant. En ces matières, les compromis,
les moyens termes et les atermoiements ont les traits d'un luxe que nous
n'avons pas les moyens de nous payer. Il faut rompre immédiatement avec
le passé ou hypothéquer lourdement l'avenir de notre
société.
M. le Président, c'est en 1970 qu'on faisait cette
déclaration. Il est un temps où nous devons nous poser des
questions. D'ailleurs, le ministre a derrière lui toute une
équipe qui a justement la responsabilité de se poser des
questions, qui a la responsabilité de s'interroger. En effet, s'il faut
que le ministre s'interroge sur toutes les questions qu'il nous a soumises ce
matin, j'ai l'impression que le ministre continuera d'être un ministre
pompier, comme il l'a été, à un moment donné, au
ministère du Travail, et qu'il ne pourra pas agir. S'il y a des gens qui
sont là pour se poser des questions, s'il y a des gens qui sont
là pour préparer des mémoires, s'il y a des gens qui sont
là pour préparer des documents qui sont nécessaires pour
l'élaboration d'une politique, il reste qu'à un moment
donné il faut accoucher, il faut se décider.
Je comprends que cela fait seulement quelques mois cela va faire
un an au mois de juillet que le ministre est aux Richesses naturelles,
mais le ministre est quand même solidaire de l'ex-ministre des Richesses
naturelles, qui, depuis 1970, a élaboré toute une série
d'études sur tous les différents secteurs, les différents
sujets dont nous a parlé le ministre ce matin. Le ministre nous dit,
encore ce matin, comme l'ex-ministre des Richesses naturelles nous le disait le
22 mai 1975: Nous sommes encore en train d'étudier. Nous étudions
une politique minière. Nous étudions une politique
énergétique j'en parlerai et nous étudions
la mise en place d'une politique des eaux.
Je voudrais maintenant, M. le Président, assez brièvement,
reprendre certaines déclarations du ministre des Richesses naturelles
actuel et laisser, pour le moment, de côté l'ex-ministre des
Richesses naturelles qui a décidé de donner sa place.
Le ministre, comme je le disais, a été assermenté
le 30 juillet dernier. Depuis lors, soit depuis près d'une année,
les résultats sont minces. Le seul véritable tour de force qu'a
réussi le nouveau ministre c'est de reprendre, en seulement neuf mois,
les promesses que son prédécesseur avait faites
péniblement en cinq ans. Ceci a été préparé
avant la déclaration du ministre ce matin et cette déclaration
confirme exactement ce que je viens de dire.
En fait, au cours de cette première année, le ministre a
repris les mêmes refrains, les mêmes rengaines en y ajoutant
cependant son sens du spectaculaire que je lui reconnais pour mieux donner
l'impression que cela allait changer. Or, rien n'a changé. Je ne
demandais pas, ce matin, que le ministre puisse répondre à toutes
les questions que nous avions à poser concernant les objectifs
généraux du ministère, mais je demandais, au moins, qu'on
nous donne un certain nombre de réponses aux questions qui sont
posées depuis cinq ans, depuis six ans.
On assiste à la répétition des mêmes slogans.
On répète qu'il faut d'abord étudier et souvent reprendre
les études déjà faites. Par exemple, c'est le cas pour la
politique énergétique parce qu'on a mis tellement de temps
à agir que les études sont devenues vétustes, sinon
inutilisables. On assiste à la répétition de promesses de
politiques qui seront, dit-on toujours, connues ou appliquées d'ici peu.
Le ministre, à cet égard, s'est d'ailleurs surpassé dans
chacun des domaines que couvre son ministère. Si vous voulez, on va
reprendre ces déclarations une par une. D'abord, politique
minière générale.
Le Président (M. Séguin): A l'ordre! Les
déclarations sont celles du ministre actuel.
M. Lessard: C'est cela.
Le Président (M. Séguin): Ce n'est pas depuis
1970.
M. Lessard: Oui. C'est-à-dire que je peux en rappeler
d'anciennes, parce qu'il y a une continuité, mais c'est d'abord les
déclarations du ministre actuel.
Le Président (M. Séguin): Voici, il y a une grande
tolérance, oui, mais d'un autre côté, je ne crois pas que
l'étude des crédits soit l'occasion de faire le procès
d'individus qui n'occupent plus le poste.
M. Lessard: Du ministère, par exemple.
Le Président (M. Séguin): C'est pour cela que je
vous demanderais de traiter de la chose avec cette idée en vue.
Allez-y.
M. Lessard: M. le Président, non, non, j'y vais.
Le Président (M. Séguin): Vous me connaissez mal si
vous pensez que ce sera autrement. Allez-y.
M. Lessard: M. le Président, j'ai quand même le
droit de soulever une question de règlement.
Le Président (M. Séguin): Certainement. Sur un
point de règlement, oui.
M. Lessard: Justement, c'est ce que je venais de dire. Vous me le
permettez?
Le Président (M. Séguin): C'est cela. Je n'avais
pas besoin de cela pour prendre un verre d'eau, moi.
M. Lessard: Je n'ai pas l'intention de reprendre tout ce qui a
été affirmé et dit par l'ancien ministre des Richesses
naturelles, mais j'ai l'intention de reprendre en partie, pour la mettre en
rela-
tion avec les déclarations actuelles du ministre, la
documentation du ministère...
Le Président (M. Séguin): Au point de vue
comparatif.
M. Lessard: ... qui a été préparée
sous la direction de l'ex-ministre des Richesses naturelles, par les
fonctionnaires du ministère des Richesses naturelles, parce que je
pense, M. le Président, qu'il y a une certaine continuité dans
l'administration publique.
Le Président (M. Séguin): J'accepte votre parole
comme un contrat. Allez-y.
M. Lessard: De toute façon, j'y vais, même si
je...
Le Président (M. Séguin): Pas de menaces.
M. Lessard: Non, non, j'ai l'intention justement de reprendre
certaines choses qui devaient se faire au niveau du ministère des
Richesses naturelles. Vous allez voir, d'ailleurs, que toutes vos objections
vont tomber à mesure que j'avancerai.
Le Président (M. Séguin): Vous n'avez pas envie de
faire une propagande, j'espère.
M. Lessard: D'abord, M. le Président, vous savez que le
ministre a repris ce matin tous les documents qui existaient depuis fort
longtemps aussi.
Le Président (M. Séguin): Oui.
M. Cournoyer: Un point d'ordre. Je ne veux pas que vous disiez
des choses comme cela "qui existaient depuis fort longtemps."
M. Lessard: Depuis 1972, le document sur l'énergie.
M. Cournoyer: Non, pas celui sur l'énergie. Pour celui sur
l'énergie dont on parlait je n'ai fait que citer le texte qui
était dans le document de 1972. Bien sûr, vous allez comparer deux
choses, parfait. Ce que le président aimerait que vous évitiez,
puis que je voudrais éviter aussi, c'est de faire ie procès de
quelqu'un qui n'est pas ici. C'est juste cela. Mais je vous rappelle que le
sous-ministre est changé, que le sous-ministre adjoint n'est plus le
même, et le ministre aussi.
M. Lessard: D'ailleurs, M. le Président...
M. Cournoyer: A partir de là, je pense bien que ça
va aller.
M. Lessard:... j'en conviens, je n'ai pas à faire comme
tel le procès de M. Massé. Le roi est mort, vive le roi. J'ai
l'intention, cependant, M. le Président, de reprendre un certain nombre
de politiques qui ont été préparées par le
ministère des Ri- chesses naturelles et de les mettre en relation avec
les déclarations actuelles du ministre.
D'abord, concernant la politique minière générale,
ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on nous a promis une politique minière
générale. C'est, en effet, en 1971 que fut promise pour la
première fois cette politique. Mais le ministre actuel, nommé le
30 juillet 1975, nous l'a promise le 16 décembre dernier. En effet, M.
le Président, je me rappelle avoir discuté de la loi 89 sur les
droits miniers, en deuxième lecture et en commission parlementaire.
A ce moment-là, le ministre des Richesses naturelles nous avait
affirmé qu'il devait faire connaître sa politique minière
d'ici à la fin de janvier.
M. Cournoyer: De quelle année?
M. Lessard: C'est justement là qu'est le problème.
Il faudrait que le ministre le dise. Il a dit: D'ici à la fin de
janvier, le 17 décembre 1975. Alors, j'aurais besoin de
précisions; probablement que le ministre voulait parler de 1977. Bon,
première promesse qui change de date. D'ici à la fin de janvier,
moi j'avais prévu que c'était 1976. Mais, en tout cas,
continuons, M. le Président. Alors le ministre me dit?
M. Cournoyer: C'était plausible que ce soit la fin de
janvier 1976. Disons qu'on va régler pour janvier 1976. Continuez, je ne
suis pas pour vous faire changer votre trame.
M. Lessard: Non, non, il n'y a pas de problème; je suis
capable de la changer, ma trame.
Le ministre nous a dit ce matin que, à l'intérieur des
politiques minières, il devait y avoir des politiques sectorielles; le
ministre a bien utilisé ce terme. J'en conviens et je suis d'accord avec
le ministre. Comment, par exemple, avoir une même politique
vis-à-vis des compagnies qui exploitent du minerai de fer alors
que notre "bargaining power" peut être assez faible de ce
côté, puisque du minerai de fer on en trouve depuis 1955 ou 1960,
un peu partout que vis-à-vis des compagnies d'amiante, où
c'est entièrement différent?
Le ministre aime parler de politiques sectorielles; l'approche doit
être spécifique à chaque secteur de l'industrie
minière et on devrait trouver cette politique particulière de
l'amiante dans le cadre d'une politique générale.
Or, nous attendons encore une politique là-dessus. J'en conviens,
le ministre a pris la précaution ce matin de nous dire que les rapports
de ses fonctionnaires représentent l'opinion des fonctionnaires et ne
représentent pas nécessairement l'opinion du ministre.
M. Cournoyer: Et du ministère. Il faut faire
attention!
M. Lessard: Et du ministère, j'en conviens. Mais, un jour
ou l'autre, il faudra que le ministre se décide sur les rapports et
qu'il nous fasse part de l'opinion, et du ministre, et du ministère
concer-
nant les recommandations du fonctionnaire qui a préparé le
rapport. Un jour ou l'autre, il faudra qu'on se décide à ce
sujet.
Or, l'une des principales recommandations du rapport Alexandre c'est
justement, si vous me permettez, de faire l'acquisition d'une part majoritaire
de l'Asbestos Corporation et son entrée subséquente dans le
domaine manufacturier, par des méthodes qui demeurent imprécises
à ce moment.
Je voudrais, M. le Président, d'abord reprendre une autre
déclaration du ministre, en date du 21 septembre 1975. Le ministre
déclarait ceci: Là où il y a une piastre à faire,
le Québec doit être présent, surtout s'il s'agit de
l'utilisation rationnelle de nos ressources.
Cela va? Puis-je rappeler au ministre que dans le secteur de l'amiante
il y a peut-être, pour les Québécois, non seulement une
piastre à faire, mais il y a peut-être une place à
prendre?
M. Cournoyer: Pourquoi dites-vous peut-être?
M. Lessard: Je dis qu'il y a une piastre à faire...
M. Cournoyer: Allez-y. D'accord.
M. Lessard: Surtout, M. le Président, qu'il y a une place
à prendre.
M. Cournoyer: Nous sommes d'accord.
M. Lessard: Puis-je rappeler au ministre que dans le rapport
Alexandre, à la page 177, on estime la valeur boursière de
l'Asbestos Corporation à $48 229 034? Sa valeur aux livres, en 1973
je conviens qu'il y a eu modification depuis cette date
était de $78 165 135.
Puis-je rappeler au ministre que l'an dernier l'Asbestos Corporation
prévoyait, n'eût été d'une grève, soit
à la fin du troisième trimestre, faire des profits de $12
millions, mais considérant la grève, que ces profits ont
été réduits, je pense, à $7 millions ou $8
millions? Puis-je aussi rappeler au ministre que l'Asbestos prévoit
encore des profits records en 1976 et qu'on va même jusqu'à parler
de profits équivalant à près de $20 millions? Donc, il v a
là une piastre à faire et, au prix du rachat, soit de la valeur
boursière ou de la valeur aux livres disons que si on parle de
valeur aux livres, c'est $80 millions je pense que le marché que
les Québécois auraient fait en rachetant l'Asbestos Corporation
aurait pu être extrêmement positif pour eux.
Je voudrais également rappeler au ministre que, concernant le
rapport Alexandre qui, selon lui était toujours remis vers le mois de
décembre au Conseil régional de développement de Thetford
Mines pour étude, le ministre disait ceci: Je ne leur demande pas de me
faire un rapport pour le mois de décembre, mais simplement de me dire si
l'application d'une telle solution pourrait changer quelque chose aux
problèmes actuels de l'amiante. Le ministre voudrait-il que d'autres
prennent sa place pour agir?
M. Cournoyer: Non.
M. Lessard: Qu'il y ait de la consultation, j'en conviens, mais
le conseil régional de la région de l'amiante a
déjà fait des recommandations dans d'autres documents, en
particulier l'Office de commercialisation, et on sait comment cela a
été rejeté du revers de la main par l'ex-ministre des
Richesses naturelles.
Il y a une autre chose aussi où, par exemple, le ministre, et
là il y avait eu une déclaration qu'on retrouve dans les
journaux, mais que le ministre a rejetée par la suite, à savoir
qu'il demandait à SOQUEM d'étudier la possibilité de
s'associer avec Asbestos Corporation. Par la suite, disons que le
ministre...
M. Cournoyer: Juste pour l'information, Asbestos Corporation,
c'est BRINCO cela. C'est Abitibi-Asbestos.
M. Lessard: Abitibi-Asbestos, excusez-moi.
M. Cournoyer: C'est parce que vous avez dit Asbestos
Corporation.
M. Lessard: Maintenant, par la suite, disons que le ministre a
affirmé le lendemain ou quelques jours après qu'il
n'avait jamais demandé à SOQUEM d'analyser cette
possibilité.
M. Cournoyer: Pour votre information... M. Lessard:
Article 96...
M. Cournoyer: Non, non, je ne voudrais pas que le
député énonce des choses comme celle-là. Je pense
que s'il lit bien les deux articles, il va pouvoir immédiatement faire
la différence entre "le ministre n'a pas demandé que SOQUEM
participe à 50% nécessairement avec Abitibi-Asbestos" et, "il a
demandé que SOQUEM entre en pourparlers avec Abitibi-Asbestos pour
l'exploitation de la mine qu'ils avaient." Il a aussi demandé à
SOQUEM de participer au même genre de discussions avec la compagnie qui
contrôle un autre gisement d'amiante à Chibougamau.
Donc, il n'est pas question pour moi de penser autrement que ce qui a
été dit. C'est la Macadam Mining Corporation qui est, d'un
côté, plus proche d'un bassin de population en chômage
actuellement, et il y a l'autre qui est Abitibi-Asbestos. Mais à aucun
moment le ministre n'a demandé que ce soit 50% de participation de
SOQUEM comme condition à la participation de SOQUEM. Il a dit: Allez
voir et discutez. C'est ce que M. Forget, le journaliste du Soleil, corrige
dans le journal du lendemain, et non pas "le ministre n'a jamais demandé
à personne". Je suis sûr que ce n'est pas ce que le
député voulait dire.
M. Lessard: Voici, disons que M. Forget corrige à la
suite...
M. Cournoyer: Sur les 50%.
M. Lessard: ... d'un article de Rhéal Bercier paru dans la
Presse, jeudi le 18 mars 1976, où on dit: "En effet, Québec vient
d'autoriser SOQUEM à négocier avec la société
Abitibi-Asbestos, filiale de la société BRINCO,
contrôlée par des intérêts britanniques, une
participation importante dans l'exploitation à Amos du plus important
gisement d'amiante connu au Québec". Est-il exact...
M. Cournoyer: Ce n'est pas exactement 50%.
M. Lessard: Non, non. Alors, la seule chose que vous dites
à ce sujet, c'est que vous n'avez pas parlé de 50%.
M. Cournoyer: C'est cela. M. Lessard: D'accord.
M. Cournoyer: C'est une mauvaise impression...
M. Lessard: II reste que...
M. Cournoyer: ... j'avais raison, c'est une impression qui vous
est restée, par exemple.
M. Lessard: Oui. Il reste qu'à un moment donné
donc, vous avez quand même autorisé SOQUEM...
M. Cournoyer: Non, je n'ai pas autorisé. J'ai
demandé à SOQUEM.
M. Lessard: Vous avez demandé à SOQUEM. M.
Cournoyer: C'est très important...
M. Lessard: D'accord, c'est très important. Oui, oui,
c'est plus positif.
M. Cournoyer: Ce n'est pas parce que je veux être plus
positif. Normalement, SOQUEM aurait pu me demander une autorisation, ce qu'elle
n'a pas besoin de faire. Mais c'est une demande que j'ai faite à SOQUEM.
Il y a une légère différence.
M. Lessard: Alors, on pourra revenir sur ce point, M. le
Président, pour discuter où en sont les négociations et
ainsi de suite.
M. Cournoyer: D'accord.
M. Lessard: Tout à l'heure, lorsque je parlais des profits
d'Asbestos Corporation, M. le Président, je pourrais les citer
maintenant: En 1974, c'était $11,5 millions; en 1975, $7,6 millions et
pour 1976, on prévoit $15 millions à $20 millions.
Là, il s'agit d'un secteur le secteur de l'amiante
où des études sont faites, des études qui sont assez
concrètes. Je ne sais pas si on va en arriver encore à demander
une nouvelle étude pour étudier l'étude de M. Alexandre,
ingénieur qui travaille à l'économie minérale du
développement. Mais surtout, c'est là un secteur où on a
une force et je comprends, avec le ministre malgré
certaines faiblesses il y a toujours des faiblesses concernant la
transformation mais où on a une force que nous n'avons pas dans d'autres
secteurs. Et si nous ne sommes pas capables de prendre une action dans ce
secteur, je me demande où nous allons être capables de prendre une
action dans d'autres secteurs. Je voudrais, à ce sujet, rappeler au
ministre l'exemple de M. Bla-keney qui, concernant la potasse, a
décidé de prendre une action en Saskatchewan qui démontre
justement qu'un gouvernement, quand il veut agir, il agit.
Concernant la politique de l'eau, le ministre nous a fait un rapport
très très poussé ce matin sur ce que devra être la
politique de l'eau.
Le ministre nous a dit qu'avant la fin de 1976, il pourrait il
nous en a donné l'impression avoir une véritable politique
de l'eau, sinon dans sa concrétisation, malgré certaines choses
dont il nous a parlé qu'il devait réaliser. On devrait au moins
avoir un programme ou un échéancier concernant l'administration
de l'eau et le rôle que doit jouer l'eau et selon quelles
modalités devrait s'appliquer cette politique.
Mais en même temps que le ministre nous dit qu'en 1976 il va y
avoir une politique de l'eau et qu'il nous affirme que l'intérêt
public doit primer l'intérêt privé et qu'il faut que son
ministère soit le principal interlocuteur et législateur en
matière d'eau, je me retourne de bord et, au même moment, le
ministre des Affaires municipales, responsable de la qualité de
l'environnement, qui est actuellement, probablement, un des interlocuteurs
principal...
M. Cournoyer: Principaux.
M. Lessard: Principaux? Cela dépend.
M. Cournoyer: Dans ce cas, on le fait accorder.
M. Lessard: Cela dépend, avec un ou avec des.
M. Cournoyer: Là, avec la multiplicité, vous
êtes mieux de dire les principaux.
M. Lessard: D'accord.
M. Cournoyer: Là-dessus, il y en a en masse.
M. Lessard: Un des interlocuteurs principaux nous déclare
que le gouvernement n'avait pas les moyens financiers pour appliquer une
véritable politique en matière de pollution des eaux. D'ailleurs,
la contraction des crédits du ministère des Richesses naturelles
de même que celle des crédits de l'environnement me laissent
extrêmement perplexe parce que l'eau, c'est un problème qui
devient de plus en plus important dans toutes les régions du
Québec. Si on n'agit pas, cela va coûter de plus en plus cher.
Tous les systèmes de nettoyage de l'eau, des cours d'eau, ainsi de
suite, cela va prendre de plus en plus d'argent.
Or, M. le Président, tant dans le ministère responsable de
l'environnement que du côté du ministère des Richesses
naturelles, on constate une réduction de ces budgets.
Politique de l'énergie. Encore là, je pense bien, M. le
Président, que ce n'est pas la première fois que nous parlons de
la nécessité d'une politique énergétique. C'est au
chapitre de l'énergie que le ministre s'est le plus, je pense,
surpassé. Je voudrais, à moins que le ministre ne me confirme
qu'il s'agit d'une erreur de journaliste, lui citer un article de Pierre
Sormany du journal Le Jour...
M. Cournoyer: Je ne connais pas cela! Je nie, je nie!
M. Lessard: ... du 22 janvier 1976...
M. Cournoyer: Je nie deux fois plus. Je n'étais pas
là, j'étais en...
M. Lessard: ... où on cite le ministre à l'occasion
d'un exposé devant le Club de l'électricité de
Montréal.
M. Cournoyer: Ah oui!
M. Lessard: C'est du grand monde, cela.
M. Cournoyer: Le Club de l'électricité?
M. Lessard: Oui.
M. Cournoyer: Ah!
M. Lessard: On sent l'évangéliste qui parle: Moi,
je vous le dis...
M. Cournoyer: En vérité, en
vérité.
M. Lessard: ... par exemple, que l'on va présenter notre
politique pour arriver avant le fédéral et que j'ai reçu,
ces jours-ci, un télégramme d'Ottawa pour m'annoncer que la
politique fédérale sera présentée le 5 mars. Alors,
notre politique, cela s'en vient vite.
M. Cournoyer: On l'a!
M. Lessard: Vous l'avez?
M. Cournoyer: Je comprends!
M. Lessard: Est-ce que le rapport Marier?
M. Cournoyer: II n'y a pas de danger. Cela, ce sont des questions
et des réponses proposées par Marier.
M. Lessard: Comme le ministre nous le disait ce matin, des
questions et des réponses.
M. Cournoyer: Certainement.
M. Lessard: Mais, M. le Président, nous sommes en mars et
nous ne connaissons pas...
M. Cournoyer: J'aurais préféré qu'on
fût en mai mais..
Des Voix: Ha! Ha!
M. Lessard: Le ministre parlait de mars. Nous sommes en mai et
nous ne connaissons pas encore la politique énergétique du
gouvernement.
M. Cournoyer: ...dur.
M. Lessard: Je vous ai enduré longtemps ce matin.
M. Cournoyer: Non, non. Ce n'est pas ce que vous dites qui est
dur. C'est que vous ne connaissez pas encore ma politique
énergétique.
M. Lessard: Non, non, on ne la connaît pas.
M. Cournoyer: Vous avez remarqué qu'elle était
sectorielle.
M. Lessard: Ah! C'est toujours sectoriel. Depuis lors, en fait,
le ministre s'est caché derrière un rapport de son fonctionnaire,
soit le rapport Marier, qui, nous disait-il encore ce matin, n'est pas
l'expression d'une politique gouvernementale. C'est l'expression d'un
fonctionnaire.
M. Cournoyer: Oui.
M. Lessard: Ce sont les opinions d'un fonctionnaire, ce n'est pas
nécessairement la politique du ministère des Richesses
naturelles.
Je ne voudrais quand même pas, au nom des fonctionnaires... Je
soulignais, l'an dernier, comment ces gens commençaient à avoir
leur voyage et que c'était un peu pour eux que j'étais venu
discuter des crédits. Je pourrais citer un passage où je disais:
Scepticisme, écoeurement, découragement caractérisent les
meilleurs fonctionnaires de ce ministère...
M. Cournoyer: Etes-vous capable de le répéter?
M. Lessard: Non, non. Je le disais pour l'an dernier... qui ont
continué malgré tout à faire leur boulot à
l'intérieur de ce ministère et qui ont assisté,
impuissants, aux démissions du ministre je souligne de
l'ex-ministre des Richesses naturelles qui ont vu leurs rapports
s'empoussiérer sur les tablettes, qui ont vu leurs meilleures
propositions galvaudées et rejetées à cause de l'influence
des compagnies minières sur ce gouvernement et du manque de leadership
du ministre.
Mais, M. le Président, je dis quand même qu'il faudrait se
décider à l'intérieur de ce ministère. Ou bien on
ne commande plus d'études, on arrête là, puis on dit:
D'accord, nous autres on fait de l'administration à la petite semaine ou
au jour le jour, ou bien, à un moment donné, on nous dit: Les
études qui ont été commandées, on va essayer de
voir de quelle façon elles s'appliquent puis de quelle façon
elles ne s'appliquent pas, mais on va
essayer au moins de prendre en considération les
recommandations.
Or, à ce que je sache, dans le secteur de l'amiante, dans le
secteur énergétique on va en parler tout à l'heure
il n'y a pas grand-chose qui a été appliqué par le
ministre des Richesses naturelles.
Toujours dans ce rapport, on propose la création, le ministre en
a parlé tout à l'heure, d'une société
financière pour le développement de l'énergie. On propose,
à un moment donné, de nationaliser Golden Eagle,
d'étatiser Gaz Métropolitain, mais ce n'est pas la
première fois qu'on fait des études semblables. Golden Eagle, si
on avait agi, à un moment donné, appartiendrait probablement
à SOQUIP, à la Société québécoise
d'initiatives pétrolières, appartiendrait probablement au
gouvernement, mais on a laissé faire. Mais quand cela va-t-il se faire?
Comment? Aucune réponse, puisqu'il ne s'agit pas d'une politique
gouvernementale.
Régie de l'énergie. Voilà une action qui aurait pu
être prise dès le lendemain du dépôt du livre blanc
sur la politique énergétique, la création d'une
régie de l'énergie. Or, M. le Président, nous n'avons rien
encore. Or, le 24 novembre 1975, le ministre des Richesses naturelles actuel
faisait une déclaration dans Montréal Matin, le mardi 25 novembre
1975. Il s'agit d'un résumé de la nouvelle, pour être bien
honnête, quitte à permettre au ministre par la suite de
préciser s'il a été bien interprété ou mal
interprété. Le ministre déclarait ceci: Le gouvernement du
Québec entend se doter, au cours des prochains mois, d'un tribunal ou
d'une régie de l'énergie, afin de pouvoir exercer un certain
contrôle du prix des produits pétroliers dans la province. En
annonçant cette nouvelle, hier soit le 24 novembre 1975, M. Jean
Cournoyer a précisé qu'il déposera un projet de loi en ce
sens, à l'Assemblée nationale, d'ici le mois de mars. Je
comprends que vous aimeriez être au mois de mars, mais nous sommes
maintenant au mois de mai. Selon le ministre, continue-t-on toujours, ce
tribunal de l'énergie se verrait confier le mandat, soit de
déterminer le prix du pétrole, soit de voir à
l'application d'une politique gouvernementale. M. Cournoyer estime par ailleurs
que le prix de l'essence atteindra $1 le gallon d'ici un an au
Québec.
Donc, depuis lors, depuis cette date, rien, sinon que le ministre
s'empresse d'appuyer chaque hausse du prix demandé par les provinces de
l'Ouest et le gouvernement central. Or, il est clair qu'il n'y a aucun avantage
pour les Québécois à accepter quasi inconditionnellement
je dis bien quasi inconditionnellement ces hausses malgré
ce qu'affirme justement le rapport Marier, parce qu'il y a des choses sur
lesquelles je ne suis pas d'accord dans le rapport aussi.
M. Cournoyer: Vous ne me dites pas!
M. Lessard: Le ministre recommande même au premier ministre
de ne pas s'y opposer. On a l'impression que le gouvernement s'est fait ache-
ter pour $0.05 ou $0.10 de péréquation pour chaque dollar de plus
payé par les consommateurs québécois. Un gouvernement qui
fonctionne à ristourne. Lors de l'augmentation qui est due pour le 1er
juillet, $1.35 ou $1.50, on ne le sait pas, le même problème de
réglementation des prix sur les stocks va se poser à nouveau.
Encore une fois, les consommateurs, parce qu'il n'y a pas de régie de
l'énergie, risquent de se faire exploiter, faute de pouvoir
réglementer et geler les prix mais ce ne fut pas le cas l'an
dernier, contrairement à l'Ontario, étant donné que nous
avons des pouvoirs constitutionnels qui nous permettent de fixer les prix de
l'énergie à moins que nous ayons, dis-je, un ministre qui
décide de geler pendant une certaine période, mais pas pendant la
période de l'été, les produits pétroliers.
Figurez-vous, l'an dernier, qu'on s'est fait toute une gloire de geler
les produits, et l'augmentation...
M. Cournoyer: N'est-ce pas épouvantable, des affaires de
même! M. le Président, il me prête des motifs. Cela n'a pas
d'allure.
M. Lessard: Pendant la période de
l'été...
M. Bédard (Chicoutimi): II vous fait agir. Vous n'agissez
pas. Cela n'a pas d'allure!
M. Cournoyer: Cela n'a pas d'allure!
M. Lessard: Le ministre va se retrouver, encore cet
été, dans la même situation ridicule...
M. Cournoyer: Je n'ai rien fait dans cela, cette
histoire-là.
M. Lessard: ... que l'été dernier c'est cela
alors que les compagnies ont... Vous avez été nommé
en juillet?
M. Cournoyer: En plein été, oui. M. Lessard:
Oui, en juillet. M. Cournoyer: ... étaient gelés.
M. Lessard: Alors que les compagnies ont refusé de geler
les prix pétroliers, sauf ceux de l'huile à chauffage jusqu'en
septembre.
M. Cournoyer: Cela, ce n'est pas moi qui ai fait cela.
M. Lessard: Ce n'est pas vous qui avez fait cela?
M. Cournoyer: Non, ce sont les compagnies.
M. Lessard: Je vous prête des intentions parce que vous
n'avez même pas fait cela.
M. Cournoyer: Non, je n'ai pas fait cela certain, je trouvais
cela ridicule.
M. Lessard: Le 28 avril, le ministre fédéral
dépose un livre en blanc...
M. Cournoyer: ... journal...
M. Lessard: ... laissant entrevoir que d'ici deux ans la
politique fédérale serait de hausser de $13 à $15 le prix
du baril. Nous attendons encore la réponse du ministre.
M. Cournoyer: Elle est faite. M. Lessard: Elle est faite?
M. Cournoyer: Je comprends. M. Lessard: Oui, le prix
américain.
M. Cournoyer: Quand on vous le dit, vous ne comprenez pas.
M. Lessard: Lé prix américain? Le prix
américain, c'est la réponse que vous m'ayez donnée ce
matin.
M. Cournoyer: Oui, et puis? Je l'ai donnée ce matin.
M. Lessard: Concernant maintenant...
M. Cournoyer: Le prix américain. On aimerait mieux que ce
soit en bas.
M. Lessard: Le ministre nous parlait de la place des
Québécois dans l'industrie minière, ce matin. Je pense que
le ministre a pris connaissance du rapport Tetley qui précise que nous
n'avons à peu près aucune place, soit 3,6% dans les
minéraux métalliques, 2% dans les minéraux industriels, et
dans l'industrie pétrolière, à peu près rien,
2%.
M. Cournoyer: Evidemment.
M. Lessard: Et là où on avait une certaine place,
ce ne sont pas des secteurs qui sont très importants. Voilà le
tableau que je trace de l'activité du ministre depuis le mois de
juillet, depuis sa nomination. Ce tableau ne me paraît pas tellement plus
réjouissant que celui que j'ai eu à vivre depuis 1970
jusqu'à juillet 1975. C'est-à-dire que le tableau correspond
exactement à ce qu'il était j'espère que cela va
accélérer au cours de cette période, à
savoir: On étudie. On soulève un certain nombre
d'hypothèses et on va voir de quelle façon ces hypothèses
pourront trouver des solutions.
Là, je voudrais citer... Je ne sais pas si je vais le
trouver.
M. Cournoyer: Vous voulez m'engueuler sur le parc du Saguenay. Le
voulez-vous? Achetez-le donc, le parc du Saguenay!
M. Lessard: Ah oui! c'est une déclaration qu'on retrouve
dans le rapport Marier où l'on dit qu'il se perd des occasions,
quelquefois...
M. Cournoyer: De donner des coups.
M. Lessard: Oui, de donner des coups de pied à la bonne
place. Il se perd des occasions où on n'agit pas et on perd des
possibilités énormes. Je ne sais pas à quelle page on le
retrouve. Ah oui! à la page 18: "Des occasions passent qui sont perdues
si on ne les saisit pas à temps."
M. Cournoyer: Dire qu'il aurait pu être sous-ministre
adjoint!
M. Lessard: II y a des occasions qui se perdent, au
ministère des Richesses naturelles, et on ne peut malheureusement pas
retrouver ces occasions. A la page 12 du rapport Marier, on peut lire cette
phrase: "Malheureusement, dit-il, aucune des tentatives faites
précédemment ou concurremment par SOQUIP pour prendre pied dans
le secteur de la distribution, qui est un secteur très important, que ce
soit celle de la construction de relais au-dessus des autoroutes, celle de la
fourniture à la SDBJ ou à la SEBJ des produits pétroliers
nécessaires pour les grands travaux de la baie James, ou celle du rachat
de petites sociétés de distribution, telles Saint-Laurent et
frères ou GASBEQ, n'avait paru possible".
Il n'y a rien de fait. Nous en sommes encore aux balbutiements d'une
politique énergétique. Pas d'une politique
énergétique théorique mais d'une concrétisation
d'une politique énergétique québécoise. Nous en
sommes encore aux balbutiements, et c'est encore beaucoup dire, d'une politique
des mines. C'est le même cas concernant une politique des eaux. Nous
devrons, encore une fois, attendre les prochains crédits pour avoir des
réponses du ministre sur ces différents points que j'ai
soulevés, un peu comme on me l'avait dit l'an dernier.
Mais au moins, l'an dernier, l'ex-ministre m'avait confirmé que
je pourrais avoir des réponses aux crédits de 1976.
M. Cournoyer: II savait qu'il partirait, lui.
M. Lessard: Je n'ai pas de réponse encore. Alors, je
termine, en disant ceci: Non seulement je constate que nous sommes encore aux
études, mais je constate des baisses de crédits de 17,4%. Donc,
la réalisation de toutes ces promesses dont nous a parlé le
ministre ne semble pas pour cette année encore. Quant à moi, je
souhaiterais, en tout cas, pouvoir me tromper et qu'enfin on ait un ministre
des Richesses naturelles qui sorte ce ministère de sa torpeur, de la
léthargie qui le caractérise depuis 1970 et prépare des
politiques qui nous permettent non seulement comme Québécois de
prendre notre place à l'intérieur de ce secteur, mais qui nous
permettront comme Etat, à un moment donné, de recevoir des
retombées économiques considérables en ce qui concerne la
transformation de nos ressources.
Le Président (M. Séguin): Merci, M. le
député.
M. Lessard: J'ai été moins long que le
ministre.
M. Cournoyer: Vous avez été excellent. Je pensais
que vous seriez plus mauvais que cela pour moi.
Le Président (M. Séguin): Alors, est-ce que
d'autres membres de la commission ont des commentaires? Alors, programme 1,
article 1.
M. Cournoyer: Je m'excuse, j'aimerais bien ne pas répondre
parce qu'on peut faire un débat de sourds en se disant des beaux mots et
des gros mots. Disons que, d'une façon générale, les
reproches qui sont adressés à mon ministère et à
moi-même bien sûr, parce que j'en suis le responsable
sont des reproches qui, tout en étant non fondés, nous incitent
certainement à une énorme prudence et surtout nous incitent
à déployer encore plus d'efforts pour vous satisfaire. Là,
je ne parle pas de l'Opposition, mais de la population de la province de
Québec. Ce ministère, malgré des budgets réduits,
est encore plus dynamique qu'il ne l'a jamais été, même
depuis les années soixante. Depuis les années soixante, il n'a
jamais été dynamique comme cela. On va s'arranger comme cela,
pour que ce ministère ait au moins la possibilité, dans peu de
temps, non pas de répondre aux questions que nous nous sommes
posées je dois vous avouer, quant aux questions que nous nous
sommes posées, que, pour la plupart d'entre elles, nous possédons
les réponses ce que le député du Parti
québécois voudrait que nous fassions. On lancerait alors des
réponses et les gens à l'esprit non préparé
recevraient ces réponses comme étant, en fait, des
problèmes additionnels pour eux. Lorsque je dis que nous avons des
réponses aux questions que nous nous sommes posées, c'est que
nous pouvons, nous, sans que la population sache qu'il y a un problème,
découvrir que nos réponses seraient susceptibles de causer encore
plus de problèmes que le problème que nous voudrions
résoudre.
Vous me dites que nous n'avons pas de politique
énergétique. Je vous avoue que c'est une idée que vous
avez. Vous n'avez pas encore appris soit à écouter, soit à
lire ce que nous vous avons donné.
M. Lessard: C'est le fédéral qui a une politique.
Vous n'êtes plus capable d'en avoir une.
M. Cournoyer: Non, non, écoutez. La politique
fédérale, d'une façon très générale,
c'est quoi? "Self sufficiency" ou bien "Self reliance". Moi, je ne sais pas
encore ce que cela veut dire en français, puis je ne peux pas le
traduire. Je ne travaille pas pour Air Canada; moi, je travaille pour ici.
Comme je ne peux pas traduire cela, je dis: Qu'est-ce que nous faisons?
Lors de la conférence des ministres de l'énergie, nous
avons indiqué au gouvernement fédéral que c'était
impensable et nous avons mis le pro- blème des sables bitumineux en
plein front du gouvernement fédéral. Est-ce que c'est possible
que nous acceptions, nous, comme Québécois, donc comme Canadiens,
jusqu'à preuve du contraire, de risquer de payer un coût tellement
supérieur, pour le baril de pétrole, au prix international dont
nous avons parlé?
M. Lessard: Qui va décider cela? Qui a
décidé de la ligne Borden?
M. Cournoyer: Je ne suis pas le gouvernement de l'Alberta et il
faudrait que le PQ le sache bien...
M. Lessard: Qui a décidé de la ligne Borden?
M. Cournoyer: ... et qu'il se souvienne surtout qu'on n'a pas une
goutte de pétrole dans le sol québécois...
M. Lessard: Qui a décidé de la ligne Borden,
à un moment donné? Est-ce Québec?
M. Cournoyer: Je n'étais pas là, je ne sais pas qui
a...
M. Lessard: Nous n'étions pas là non plus.
M. Cournoyer: Est-ce que c'est une compagnie de lait, cette
histoire-là?
M. Lessard: Non, non, c'est sérieux, c'est
sérieux.
M. Cournoyer: La ligne Borden a été
décidée alors que le gouvernement actuel n'était
pas...
M. Lessard: ... peut-être d'accord... M. Cournoyer:
Mais oui, mais écoutez... M. Lessard: C'est le
fédéral.
M. Cournoyer: J'ai essayé de situer toutes ces
choses-là. J'ai voulu justement...
M. Lessard: ...des politiques pétrolières.
M. Cournoyer: ...pour éviter au député de
Saguenay d'avoir l'air ridicule devant ses collègues, sinon devant toute
la population, dire: Regardez cela comme il faut, il y a la ligne Borden
lorsque nous arrivons au pouvoir. Il y a un ensemble de politiques
fédérales.
M. Lessard: Fédéralisme rentable.
M. Cournoyer: C'est vrai, vous avez raison,
fédéralisme rentable. La ligne Borden a peut-être
été rentable pour le Québec. Posons-nous la question.
C'est une ligne qui empêchait le pétrole...
M. Lessard: ... pétrochimie.
M. Cournoyer: II y a quelqu'un qui a développé une
pétrochimie de l'autre bord. On aurait
pu en développer une ici, et après? Cela n'aurait pas
empêché une pétrochimie dans la province de
Québec.
M. Lessard: Cela a empêché le développement,
par exemple. Lisez vos rapports.
M. Cournoyer: II y a trente-six sortes de raisons que cela a
empêché le développement de quoi? De quoi? Nous n'avons pas
de pétrole dans la province de Québec, sauf celui que nous
importons. Est-ce assez clair?
M. Lessard: On continue d'en importer encore.
M. Cournoyer: Oui, on va continuer d'en importer. On va en
importer de l'Alberta et on va en importer aussi du Moyen-Orient,
jusqu'à preuve du contraire. D'ailleurs, je comprends que vous ne
croyiez pas à ces choses-là, les chiffres ne vous ont jamais
énervé.
M. Lessard: A un moment donné on aurait pu en vendre de
l'autre côté et développer notre pétrochimie.
M. Cournoyer: C'est cela!
M. Lessard: Ce que je vous demande, c'est: Qui décide de
la politique pétrolière? Le Québec ou le
fédéral? Qui a décidé de la politique
pétrolière en 1960? Qui va décider de la future politique
pétrolière, malgré toutes les tergiversations,
malgré tout ce que pourra dire le ministre? Ce n'est pas vous autres;
vous avez perdu votre rôle dans cela, il est disparu.
M. Cournoyer: L'opinion du député de Saguenay, je
ne la modifierai sans doute jamais. Je ne la modifierai pas. Notre position
actuelle, face au développement de politiques
énergétiques, doit tenir compte, et elle tient compte, du
contexte international, du contexte national, puisque nous sommes partie de la
Confédération et que le gouvernement fédéral a,
dans cette Confédération, un rôle à jouer, face
à l'Alberta et face à l'importation chez nous.
Notre développement de politiques, s'il ne tient pas compte de
cela, nous présumons que vous allez gagner les prochaines
élections, et ce n'est pas fait.
M. Lessard: Continuez comme cela et ça va venir.
M. Cournoyer: Ce n'est pas fait. Parce que vous autres, vous
n'êtes pas...
M. Bédard (Chicoutimi): Si vous continuez a mal
administrer, ça va venir vite.
M. Cournoyer: Qu'on va pouvoir se séparer plus
facilement!
M. Bédard (Chicoutimi): Non, ça va venir vite.
M. Cournoyer: Vous allez pouvoir trouver du pétrole dans
votre sous-sol!
M. Bédard (Chicoutimi): On va prendre votre place.
M. Lessard: On négociera selon nos intérêts
à nous comme...
M. Cournoyer: C'est cela! Alors, vous viendrez m'expliquer...
M. Lessard: Comme dans le rapport Marier, on le souligne à
un moment donné.
M. Cournoyer: Voyez-vous cela, les gars! Voyez-vous cela, Lessard
négocier avec un scheik d'Arabie! Voir si le scheik va lui donner $11.50
ou $12.50. A sa place, je lui demanderais $14.
M. Lessard: Que le ministre n'essaie pas de ridiculiser... Depuis
1973...
M. Cournoyer: Non, mais pour les prix, est-ce qu'il a
été établi...
M. Lessard: ... on aurait dû...
M. Cournoyer: ... qu'il y a deux problèmes en particulier?
Le premier est la fixation du prix international. Est-ce qu'il a
été établi que les pays producteurs fixent le prix
d'autorité et qu'ils ne négocient pas ce prix avec le
Québec, ni même avec les Etats-Unis?
M. Lessard: il y a d'autres négociations.
M. Cournoyer: S'ils négociaient avec quelqu'un avant moi
ils négocieraient avec les Etats-Unis. Je ne parle pas du Canada, je
parle du Québec en particulier. Cela, c'est la question du prix.
La question de la sécurité des approvisionnements, qu'on
pourrait garantir, c'est l'autre question. Est-ce qu'il a été
mentionné, dans le discours que je vous ai fait ce matin, qu'il pourrait
arriver que nous entreprenions nous-mêmes des négociations avec
les pays arabes pour la sécurité de l'approvisionnement en
produits pétroliers, chez nous au Québec? Cela a
été mentionné dans ce que j'ai dit ce matin.
Vous avez l'air de vouloir l'oublier. Vous prenez ce que vous voulez,
mais je vous dis que je l'ai mentionné ce matin. Vous me dites qu'il n'y
a pas de politique. Il y en a une politique de l'énergie au
Québec. Que je n'aie pas déclaré d'une façon
intégrale, comme le fait le fédéral, une politique tout
simplement générale qui dise: On doit tendre vers... Ce qui
compte, en définitive, c'est beaucoup plus de faire les gestes et les
actions appropriés qui peuvent s'inscrire dans un cadre
général de décisions politiques prises à
l'intérieur du ministère que de déclarer à la face
du monde: Où va-t-on essayer de prendre le plus possible d'une
négociation ou d'une discussion quelconque, soit avec le gouvernement
fédéral, soit avec le gouvernement de l'Alberta?
Vous avez dit tantôt, avec une sincérité
désarmante, que, l'an passé, le gouvernement du Québec
avait laissé les prix des produits pétroliers augmenter. Il n'a
pas laissé les prix de produits pétroliers augmenter; le
gouvernement du Québec avait, en établissant sa politique,
à l'intérieur de la politique fédérale,
établi qu'on devait tendre vers le prix international. Est-il possible
que le gouvernement s'oppose à un mouvement vers le prix international,
lorsque la politique établie, publiée par le gouvernement est
à l'effet qu'on doit tendre vers le prix international?
M. Lessard: M. le Président, cela a été dit.
M. Cournoyer: Oui, cela a été dit.
M. Lessard: C'était votre politique, à un certain
moment. Pendant ce temps, comment se fait-il que le premier ministre disait
constamment que le prix du pétrole de l'Ouest n'atteindrait pas
il nous l'a dit en Chambre; il nous parlait du fédéralisme
le prix international? C'est toujours ce qu'on lui a dit, parce que le
marché, c'est le marché. C'est toujours ce qu'on a affirmé
en Chambre et le fédéralisme rentable n'a pas duré
longtemps.
M. Cournoyer: C'est encore très rentable; il dure encore
et, pendant tout le temps qu'il dure, c'est encore meilleur. Actuellement, le
prix d'un baril de pétrole vendu au Québec est de $11.50 et le
prix payé par les Québécois ici, ceux qui le prennent
à la pompe est en bas de cela. Il est payé, au prix
coûtant, $8. Je comprends qu'il y a plusieurs taxes qui viennent
s'ajouter, mais il ne faudrait pas que les gens pensent que c'est cela. Il y a
des taxes au-dessus de cela.
M. Lessard: Avec la taxe d'accise, il est combien?
M. Cournoyer: Dix cents de trop.
M. Lessard: Mais cela fait combien le baril?
M. Cournoyer: Cela dépend des endroits. A des endroits,
$0.73; il y a des endroits où c'est $0.83 pour la même sorte de
baril, d'autres places où c'est $0.93. Cela dépend des
endroits.
M. Lessard: A ce moment-là, cela fait le prix
international, avec la taxe d'accise?
M. Cournoyer: Je suis convaincu que vous avez raison. En
définitive, si tu divises cela par huit, si tu ne le raffines pas et que
tu le fourres brut dans ton moteur, c'est sûr que tu le paies au prix
international. C'est $8, il n'y a pas de problème, s'il n'a pas
été touché par personne, ni transporté.
M. Lessard: Non, mais avec la taxe d'accise?
M. Cournoyer: Je suis d'accord avec vous sur la taxe d'accise.
C'est, d'ailleurs, pourquoi nous disons: Faites-le donc payer au vrai
prix...
M. Lessard: Oui, c'est cela.
M. Cournoyer: II faut bien penser qu'à toutes fins utiles
les gens qui consomment davantage de pétrole parce qu'il n'a pas l'air
de coûter tel prix, le consomment tout simplement, mais il est
financé par autre chose. Alors, j'ai indiqué ce matin que le
gouvernement fédéral s'en allait, avec cette politique des prix
du pétrole et cette politique de subvention dans l'Est, vers un
déficit qui atteindra les $500 millions par année. Maintenant, on
m'a dit que ce n'était pas aussi élevé que $500 millions.
On me dit aussi que, d'ici 1975 ou 1980, il atteindrait environ $2 milliards.
Ces déficits seront absorbés, selon nous, par la taxe
générale. Cela veut dire que le gouvernement va financer
l'utilisation des produits pétroliers des types qui se promènent
sur nos routes davantage qu'avec les seuls dix cents de taxe d'accise. On dit:
Etant donné que cela coûte cela, on ne peut pas permettre, nous
Québécois, qu'on paie aux compagnies pétrolières la
différence entre $11.50 et $8 , alors qu'effectivement cette
différence ne peut pas être compensée par la taxe d'accise
et la taxe à l'exportation qui étaient prévues au moment
du programme. C'est un élément de notre politique. On dit: On
doit perdre.
Maintenant, cela doit-il se faire aussi vite? Il ne faut pas oublier que
cette politique a été faite...
M. Lessard: Alors, votre politique est contraire à celle
de l'Ontario?
M. Cournoyer: Ma politique n'est pas contraire à celle de
l'Ontario. Nous ne prenons que du pétrole à $11.50,
comprenez-vous cela? L'Ontario prend beaucoup de pétrole à $8;
c'est elle qui achète en Alberta, ce n'est pas moi. Elle dit: L'Alberta
m'appartient, comme le Québec, d'ailleurs, depuis longtemps. Comme la
Confédération est faite alentour de l'Ontario, ils se
promènent et disputent après tout le monde. Je dis: Pour les
ressources naturelles qui appartiennent à l'AI-berta, c'est à
elle de décider comment elle les vend; pour les ressources naturelles
qui appartiennent au Québec, c'est à moi de décider
combien je les vends; ce n'est pas l'Ontario de venir me dire combien je
vendrai cela.
Alors, dans ce cas, en particulier, nous avons d'énormes
difficultés avec l'Ontario. Personnellement je ne sais pas ce qui
s'est passé à la conférence des premiers ministres
comme ministre des Richesses naturelles, nous sommes en total désaccord
avec la politique poursuivie par l'Ontario si tant est que cette politique veut
dire qu'on n'augmente pas les prix du pétrole. Cela ne sert à
rien.
Mais si, par ailleurs, la politique de l'Ontario veut dire, on pourrait
être ainsi interprétée, qu'on ne doive pas, en les montant,
faire exprès pour dépasser le prix moyen américain, alors
qu'on pourrait peut-être se permettre un prix inférieur à
cela, tout en restant dans le financement prévu au point de
départ, c'est-à-dire, par la taxe à l'exportation et par
la taxe d'accise, financier ou aider les gens de l'Est à cause de cela,
je n'ai pas d'objec-
tion. Mais on doit tendre, selon nous, à ce que le prix d'un
baril de pétrole monte graduellement vers le prix moyen américain
ou se tienne au prix moyen américain.
C'est un élément de politique. On ne se cache pas pour le
dire. On dit aussi, cependant, que le prix d'un baril de pétrole, s'il
rejoint ce prix ou s'il augmente, nous devons nous assurer que le nouveau prix
ou la somme d'argent généré ne s'en va pas exclusivement
dans les offres du gouvernement d'Alberta, non plus qu'exclusivement dans les
coffres du gouvernement fédéral. Ce que nous disons c'est que, si
c'est fait pour de l'exploration et de la recherche, de nouveaux
débouchés pétroliers, on doit s'assurer que c'est fait
pour cela et c'est pour cela qu'on le charge.
Remarquez bien qu'on pourrait nous dire: Mêlez-vous de vos
affaires, ne nous achalez pas pour l'Alberta. Cela n'empêche pas le
gouvernement d'Alberta d'être très heureux encore
là, il y a un autre élément de notre politique qu'on peut
mentionner...
M. Lessard: C'est un élément qui est reconnu par M.
Marier concernant le prix international.
M. Cournoyer: Mais j'allais dire que... M. Lessard: Aucun
autre...
M. Cournoyer: ... le gouvernement d'Alberta est très
heureux de constater que nous avons consenti, nous, un certain nombre de
sacrifices, comme société québécoise, en demandant
et en permettant à SOQUIP d'aller faire de l'exploration en Alberta. Et,
effectivement, SOQUIP a fait de l'exploration en Alberta et elle est devenue
majoritaire dans un certain nombre de compagnies d'Alberta, ce qui permet
à SOQUIP de vendre à SIDBEC les quantités de gaz dont
SIDBEC a besoin.
M. Lessard: Dans cette même idée et en relation avec
le rapport Marier, puisque vous nous avez dit qu'un des objectifs premiers est
d'accepter que le prix de l'Ouest rejoigne le prix international, est-ce que
vous avez pris, actuellement, une décision concernant le rôle de
SOQUIP, particulièrement en ce qui concerne la place qu'elle doit
occuper, d'abord au niveau du marché? Ce serait quand même curieux
le rapport Marier le souligne de donner à SOQUIP la
possibilité de faire du raffinage de pétrole si on ne lui donne
pas la possibilité d'occuper le marché. Donc, il y a la
distribution des produits pétroliers sur le marché
québécois et, deuxièmement, la possibilité d'aller
jusqu'au niveau du raffinage. Est-ce qu'il y a une décision qui est
prise ou si vous faites encore des études?
M. Cournoyer: Je vais vous indiquer la décision qui a
été prise chez nous à ce moment-ci du moins, cela
peut évoluer, je n'ai pas de décision finale dans cela la
décision que j'ai prise personnellement et qui engage le
ministère jusqu'à nouvel ordre et qui doit engager M. Marier
aussi, c'est que pour autant que je suis concerné nous ne prendrons le
contrôle de Golden Eagle qu'en fonction d'une production
pétrochimique qui serait, par ailleurs, déterminée par le
ministère de l'Industrie et du Commerce. Je n'achèterai pas
Golden Eagle juste pour être présent. C'est moi qui vous parle,
vous me dites que je tergiverse tout le temps; ce n'est pas de la
tergiversation, je n'achèterai pas Golden Eagle juste pour être
présent dans le secteur pétrolier.
S'il n'y a pas de but, si je n'ai pas déjà quelque chose
à réaliser, c'est-à-dire une industrie
pétrochimique qui aurait besoin des produits, des sous-produits d'une
raffinerie, je n'ai pas l'intention d'acheter le raffinage. Par ailleurs, je ne
crois pas que le seul achat du raffinage soit susceptible de dire grand-chose
dans un bilan énergétique à la fin de l'année. Il
faut donc acheter plus loin que le raffinage.
M. Lessard: Ah oui! d'accord sur ce point.
M. Cournoyer: C'est dans ce sens qu'on parle. Donc, je me dis: Je
commence peut-être par en arrière mais ma première cause
n'est pas juste d'être présent dans le milieu.
La première cause, c'est que j'ai besoin d'une
sécurité d'approvisionnement en matières
dérivées du pétrole, donc une pétrochimie au bout.
Parce que j'ai besoin d'assurer cette pétrochimie qui serait, par
ailleurs, promue par le gouvernement québécois, je dis
qu'à ce moment-là, si je n'ai que cela à faire, je serai
obligé d'acheter le contrôle non pas de Golden Eagle mais d'une
compagnie qui est susceptible de m'assurer l'approvisionnement dont il est
question et non pas seulement l'approvisionnement en dérivés.
Dans ce sens, je vous dis: Oui, ma décision est prise. La mienne.
Si le gouvernement veut aller plus loin que cela, c'est une question de
gouvernement. Pour ma part, moi, elle est prise.
M. Lessard: Donc, votre décision, c'est de ne pas
recommander l'achat de Golden Eagle par SOQUIP.
M. Cournoyer: C'est cela. Elle est claire.
M. Lessard: Donc, vous limitez votre décision...
M. Cournoyer: Ma décision est claire. Ce n'est pas de ne
pas recommander, c'est de recommander si, effectivement, il y a un produit au
bout qui doit être fabriqué au Québec dans une industrie
pétrochimique. C'est ma décision. Ce n'est pas de ne pas
recommander. Ma décision, c'est de recommander si. Mais il n'y a pas le
si au bout. Quand il n'y a pas le si, je ne recommande pas. C'est ma
décision à moi. Ce n'est pas la décision du gouvernement.
Vous pensez bien que ce n'est pas la décision du gouvernement. Si M.
Saint-Pierre arrivait demain matin et disait: Ecoute... Parce que l'industrie
proprement dite, il faut se
souvenir que cela relève du ministre des Richesses naturelles
mais que ce n'est pas une richesse naturelle de chez nous! C'est du
pétrole. L'industrie, au bout...
M. Lessard: SOQUIP, cela relève de qui?
M. Cournoyer: Cela relève du docteur qui est devant
vous!
M. Lessard: Du docteur qui est devant moi. L'application de la
loi de SOQUIP, cela relève de qui?
M. Cournoyer: C'est moi. La pétrochimie, cela ne
relève pas de moi.
M. Lessard: D'accord. Mais est-ce que vous avez l'intention de
permettre à SOQUIP de remplir entièrement le mandat qui lui est
alloué en vertu de la loi, à savoir non seulement s'occuper comme
telle de la recherche mais aller jusqu'à la distribution, jusqu'au
raffinage d'un produit pétrolier?
M. Cournoyer: Je viens de vous le dire.
M. Lessard: Vous venez de me répondre, d'accord. Pour le
moment, c'est le statu quo encore pour SOQUIP.
M. Cournoyer: Disons que comme je vous ai bien mentionné
au début...
M. Lessard: De telle façon que le cartel pétrolier,
avec les...
M. Cournoyer: Ah! ce sont des conclusions que vous faites. Ce
sont des conclusions que vous faites. J'essaie de vous dire qu'aujourd'hui,
c'est cela. Vous en voulez une décision? C'est celle-là
aujourd'hui.
M. Lessard: Est-ce que le ministre pourrait me dire, puisqu'il
prend une décision...
M. Cournoyer: Je n'ai pas pris la décision aujourd'hui. Je
dis que c'est celle-là aujourd'hui.
M. Lessard: En tout cas, si c'est celle-là qu'il m'annonce
aujourd'hui, est-ce que le ministre pourrait un peu m'expliquer sur quoi il se
base, sur quelles raisons il se base pour affirmer que SOQUIP devrait,
contrairement à l'une des recommandations du rapport Marier, se limiter
au secteur qui lui est alloué actuellement?
M. Cournoyer: Je n'ai jamais dit que SOQUIP devait...
M. Lessard: Je comprends. Vous dites: S'il y a un produit
à la fin. Un produit à la fin, expliquez ce que vous voulez.
M. Cournoyer: Ce que j'essaie de dire, c'est que SOQUIP,
actuellement, a dans sa loi le pouvoir de faire tout cela.
M. Lessard: C'est cela.
M. Cournoyer: Pour exercer le pouvoir, cela lui prend quelques
piastres.
M. Lessard: Le lieutenant-gouverneur en conseil.
M. Cournoyer: Bien oui! Cela lui prend quelques piastres et une
autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil.
M. Lessard: C'est cela.
M. Cournoyer: Moi, actuellement, comme ministre des Richesses
naturelles responsable de SOQUIP, il est entendu que je n'ai pas reçu de
la part de SOQUIP une décision me demandant de leur donner
l'autorisation d'acheter Golden Eagle.
M. Lessard: Vous n'avez pas reçu de demande de...
M. Cournoyer: Non. Là, il s'agit de savoir si je "tute" ou
si je ne "tute" pas. Comme je ne suis pas tuteur mais que je suis ministre
responsable, habituellement, on a formé ces compagnies d'experts pour
qu'ils demandent. Je ne dis pas que cela n'a jamais été
demandé.
M. Lessard: Est-ce que c'est cela... M. Cournoyer: M. le
Président, j'ai dit que... M. Lessard: Est-ce que, dans le
passé... M. Cournoyer: ... la décision m'appartenait.
M. Lessard: Est-ce que, dans le passé, il y a eu demande
au Conseil des ministres?
M. Cournoyer: Je n'ai aucune forme d'idée de ce qui s'est
passé dans le passé et je ne veux pas le savoir non plus.
M. Lessard: Vous vous cachez la tête dans le sable.
M. Cournoyer: Bien non!
M. Lessard: Vous faites exprès pour le faire. Ecoutez, il
y a une continuité qui doit exister à l'intérieur du
ministère des Richesses naturelles.
M. Cournoyer: M. le Président...
M. Lessard: Ce n'est pas parce que le ministre va mourir demain
matin, si cela arrive...
M. Cournoyer: Vous avez compris, les gars! M. Lessard:
Non, non.
M. Cournoyer: S'ils rentraient au pouvoir, il n'y aurait pas de
changements pendant trois ans. Vous avez compris cela?
Bien oui, parce qu'il y a une continuité, au ministère des
Richesses naturelles.
M. Lessard: Oui, oui, il y a une continuité qui doit
exister.
M. Cournoyer: Vous allez entrer là et vous ne changerez
rien du tout, parce que la continuité est là, voyons donc!
M. Lessard: Parlez donc sérieusement. M. Cournoyer:
Non, c'est très sérieux. M. Lessard: Parlez donc
sérieusement. M. Cournoyer: Je viens d'arriver.
M. Lessard: Oui, mais il y a une certaine continuité, au
moins entre les anciens; quand même le gouvernement n'a pas
été changé depuis que le ministre des Richesses naturelles
est là. Même si on changeait le gouvernement il va y avoir une
certaine continuité dans le fonctionnarisme. Vous dites: Maintenant, je
me lave les mains.
M. Cournoyer: Je ne m'en lave pas les mains.
M. Lessard: Oui, c'est ça que vous dites, vous dites que
vous ne voulez rien savoir.
Le Président (M. Séguin): A l'ordre! A l'ordre!
M. Lessard: Vous ne voulez rien savoir, vous vous lavez les
mains, vous vous mettez la tête dans le sable.
Le Président (M. Séguin): A l'ordre!
M. Lessard: Je vous demande s'il y a eu...
M. Cournoyer: M. le Président, à l'ordre! Moi je
suis à l'ordre, c'est lui qui ne l'est pas.
M. Lessard: D'accord, le calme est revenu, M. le
Président.
Le Président (M. Séguin): Les questions qui se
posent sont recevables, il n'y a pas de problème, mais je vous
demanderais de baisser le ton. Il ne s'agit pas de savoir qui criera le plus
fort; ce n'est pas cela, ce sont les crédits qu'on étudie. Il n'y
a pas de concours ici d'éloquence ou autre chose.
M. Lessard: On ne fume pas tous les deux, mais on a une bonne
voix.
Le Président (M. Séguin): Recommencez à
fumer.
M. Lessard: Je dis, M. le Président...
M. Cournoyer: Pose-moi des questions, ne fais pas de commentaire,
ne fait pas exprès.
M. Lessard: Voici la question que je pose au ministre. A sa
connaissance, depuis le mois de juillet, depuis qu'il est ministre des
Richesses naturelles, y a-t-il eu une demande de la part de la
Société québécoise d'initiatives
pétrolières au Conseil des ministres? Je pose cette question. Je
pense que le ministre des Richesses naturelles vous voyez, M. le
Président, on est revenu à notre calme à ce que je
sache, faisait partie du Conseil des ministres avant qu'il soit ministre des
Richesses naturelles, comme ministre du Travail. Plus, il a même fait
partie de l'ancien Conseil des ministres du gouvernement
précédent; alors il doit y avoir une certaine continuité,
un moment donné, depuis 1966.
Je lui demande, comme ministre des Richesses naturelles actuellement: Y
a-t-il eu, de la part de la Société québécoise
d'initiatives pétrolières, une demande pour que cette
société puisse remplir entièrement son mandat qui lui est
confié en vertu de la loi, à savoir non seulement faire de la
recherche, faire de l'exploration, mais aussi faire de la distribution, par
exemple du raffinage? Cela est la question générale, plus
précisément, y a-t-il eu demande de la part de SOQUIP pour
obtenir un certain contrôle, par exemple, de la distribution du
pétrole des chantiers de la baie James?
M. Cournoyer: II me semble que j'ai entendu parler de cela,
à un moment donné.
M. Lessard: Moi aussi, j'ai entendu parler de cela à un
moment donné.
M. Cournoyer: Sur les autoroutes.
M. Lessard: Sur les autoroutes, puis Société
d'énergie de la baie James. A ce moment-là, qu'est-ce...
M. Cournoyer: J'imagine que la décision a dû
être non, parce qu'ils ne sont pas là. Je suis sûr qu'ils ne
sont pas sur les autoroutes, ils ne sont pas non plus à la
Société de développement de la baie James, sur le
territoire de la baie James. Cela a dû être non.
M. Lessard: Maintenant, comme ministre des Richesses naturelles,
si une telle demande se faisait aujourd'hui, est-ce que la décision
serait encore non?
M. Cournoyer: Comme ministre des Richesses naturelles, si une
telle demande se faisait aujourd'hui de la part de SOQUIP, puis si
c'étaient encore les circonstances solides comme celles qui existaient
dans ce temps...
M. Lessard: Quelles étaient ces circonstances solides?
M. Cournoyer: II y a quelque chose qui allait bien à la
Société de développement de la baie James, il n'y avait
pas de conflit entre la Société de l'énergie et la
Société de développement, tout le monde allait bien dans
le meilleur des mondes là-
bas. Il s'agissait de savoir qui était au pouvoir
là-bas.
De toute façon, étant donné que les deux
relèvent maintenant de l'autorité du présent ministre des
Richesses naturelles, ce qui n'était pas le cas avant, je suis convaincu
que je réglerais ce problème de la façon la plus
diplomatique possible, puis que SOQUIP jouerait un rôle accru dans la
distribution des produits pétroliers, au moins sur le territoire de la
baie James.
Remarquez bien une chose...
M. Lessard: ...quelque chose.
M. Cournoyer: Elle joue très bien...
M. Lessard: Cela je ne le nie pas. Comme SOQUEM, SOQUIP. C'est
justement parce qu'elle joue assez bien son rôle qu'on devrait lui
permettre de le jouer encore mieux son rôle.
M. Cournoyer: Je vous réponds, mais je ne répondrai
pas à l'Assemblée nationale dont vous êtes pour des choses
qui se sont produites avant que j'arrive au ministère. Ces choses, je
prétends qu'on y a répondu, peut-être pas à votre
satisfaction, mais je peux répondre sur ce qui s'est passé dans
mon ministère que je connais ou que je devrais connaître dans mon
ministère depuis le 31 juillet.
Avant cela, les questions de politique, c'est votre problème
à vous, mais j'ai l'impression qu'on vous a répondu dans ce
temps-là.
Remarquez bien que dans le cas de SOQUIP, c'est une compagnie qui a un
certain degré d'autonomie, qui a besoin de certaines autorisations du
lieutenant-gouverneur en conseil et, pour autant que nous sommes
concernés, nous avons autorisé, ou j'ai demandé les
autorisations dans la plupart des cas, sauf pour l'achat de deux ou trois
compagnies en Alberta que je trouvais un peu chères. Je pense que c'est
une histoire de $60 millions qui passaient, à un moment donné.
J'ai trouvé cela un peu élevé pour faire un investissement
en Alberta, mais c'étaient des compagnies qui étaient très
éloignées, qui fonctionnaient très loin en Alberta. Je ne
veux pas dire le nom, j'ai peur de ce que cela peut vouloir dire à la
Bourse.
M. Lessard: Quoi? Vous voulez dire où? En Alberta?
M. Cournoyer: En Alberta, oui. M. Lessard: Ah!
d'accord.
M. Cournoyer: C'est une demande qu'on m'a faite et c'est la seule
que j'ai refusée. Avant que j'arrive, il y avait avec SOQUIP le
problème de la subvention annuelle de $4 millions, je pense, comme
fonds, au cas où SOQUIP ferait une trouvaille et aurait besoin
immédiatement d'argent liquide pour investir. Il y a eu des
difficultés d'interprétation mais, finalement, grâce aux
pressions que j'ai faites à la satisfaction, jusqu'ici, du prési-
dent de SOQUIP, nous avons obtenu que le ministère des Finances verse
les subventions habituelles à SOQUIP.
Si on m'avait demandé autre chose, je ne sais pas ce qu'aurait
été ma réaction. Je ne sais pas ce que sera ma
réaction si SOQUIP me demande autre chose. Pour le moment, je vous dis:
SOQUIP n'a pas demandé récemment, depuis que je suis là,
de procéder, par exemple, à l'achat de Golden Eagle. Je ne dis
pas que M. Cloutier, qui est un excellent ami de M. Marier lequel, par
surcroît, est aussi directeur de SOQUIP, je ne dis pas que ces
gens-là ne viendront pas voir le ministre tuteur avec une demande pour
faire telle chose. Quand cela arrivera devant moi j'y répondrai.
M. Lessard: Comme ministre des Richesses naturelles, je comprends
qu'en vertu de la loi, lorsque SOQUIP veut étendre son mandat à
cause, justement, des montants qui lui sont nécessaires elle doit
faire une demande, obtenir une autorisation du Conseil des ministres
vous avez la première responsabilité, comme homme politique, de
concrétiser ce qu'on peut appeler, si le mot n'est pas trop large, une
politique énergétique, une politique de l'énergie, si
politique il y a. C'est tellement vrai que vous avez vous-même
demandé à un de vos fonctionnaires, M. Marier, de reprendre le
document dont il était lui-même, en grande partie, responsable de
la rédaction en 1972, de reprendre ce document qui était, j'en
conviens, dépassé à cause de ce qui s'était
passé en 1973. Ce même M. Marier recommande un certain nombre de
choses non pas à SOQUIP, à la Société
québécoise d'initiatives pétrolières, mais au
responsable politique qui a la première responsabilité de mettre
en application une politique énergétique.
L'une de ces recommandations est justement de suggérer au
ministre de prendre l'initiative lui-même et, par l'intermédiaire
de SOQUIP, de prendre le contrôle... Je ne dis pas la nationalisation
parce que c'est bien distinct. Dans le rapport Marier, on parle même de
possibilités entre 20%, 30% et 40% parce que les actions sont tellement
diversifiées que peut-être avec 20% ou 25%, je ne le sais pas, je
n'ai pas étudié comment se répartissent les actions de
Golden Eagle...
Considérant les réponses que me fait le ministre, à
savoir que SOQUIP ne l'a pas demandé, lorsqu'il fera cette demande, il
le réalisera. Par ailleurs, le ministre me dit qu'il n'a pas
l'intention, si je veux bien traduire, de recommander la prise de
contrôle de Golden Eagle s'il n'y a pas quelque chose au bout, par
exemple un projet pétrochimique, etc. Pourquoi?
M. Cournoyer: Parce que je n'ai pas l'intention de changer quatre
trente-sous pour une piastre; c'est aussi simple que cela.
M. Lessard: Mais est-ce qu'à ce moment-là l'un des
objectifs poursuivis dans le livre bleu, ou le livre rouge en tout cas,
rouge, bleu, vert ou caille, je parle du livre qui a été
déposé en 1972 par l'ex-ministre des Richesses naturelles, M.
Massé n'était pas justement de créer un
secteur témoin?
M. Cournoyer: Je ne voulais pas être témoin de
cela.
M. Lessard: ... afin de savoir ce qui se passe dans ce secteur?
Parce que les premières études du ministère,
particulièrement celles qui ont été
préparées par M. Cloutier, démontraient que les
Québécois perdaient pratiquement $100 millions par année
à cause des profits "off-shore". Quand vous parlez de changer quatre
trente-sous pour une piastre, je n'en suis pas convaincu, parce qu'à un
moment donné ce qui coûte cher pour SOQUIP, c'est
l'exploration.
On sait que cela prend du temps avant de rapporter, mais la distribution
des produits pétroliers, et le raffinage des produits pétroliers,
c'est payant. Plus que cela, actuellement, il y a sept majeurs qui
contrôlent le marché. En France, par exemple, on s'est
attaqué à ce problème. Est-ce que l'un des objectifs, de
ce premier document, qui a été déposé par
l'ex-ministre des Richesses naturelles n'était pas justement de
permettre à SOQUIP d'agir comme secteur témoin et de voir ce qui
se passait à l'intérieur de ce secteur, de voir, à un
moment donné, quels étaient les jeux qui se faisaient d'une
compagnie à l'autre et quels étaient les coûts, un peu
comme c'est le cas de l'amiante? Actuellement le problème qu'on a
tous vos documents le soulignent c'est qu'on est obligé de se
fier aux chiffres que les compagnies veulent bien nous donner, même pour
l'impôt. A un moment donné, je pense que c'est en 1974, seulement
trois compagnies pétrolières ont payé de l'impôt au
Québec. Même pour l'impôt, on est obligé de se fier
à ce que veulent bien nous dire les compagnies.
Est-ce qu'il ne serait pas important justement pour le Québec et
pour SOQUIP aussi... Je pense qu'il y a des profits et de l'argent à
faire aussi là-dedans; Golden Eagle ne s'est pas installée chez
nous pour nos beaux yeux. En 1968, quand on parlait de l'Association des
caisses populaires Desjardins, du gouvernement de Québec et de la
France, bien, on aurait pu, à ce moment-là... C'était de
votre temps, à part cela, de 1966 à 1970.
M. Cournoyer: Comment de mon temps? Je n'étais pas
dedans.
M. Lessard: Vous avez été ministre de quel...
M. Cournoyer: J'ai été ministre six mois en 1969.
Essayez de vous ôter cela de la tête.
M. Lessard: C'est vrai, en 1969, très bien. De toute
façon, est-ce qu'il ne serait pas quand même efficace, bon,
positif pour l'ensemble des Québécois d'avoir un rôle
à jouer là-dedans, un peu comme nous l'avons demandé
à SOQUEM?
SOQUEM s'occupe maintenant de la transformation et cela va bien à
part cela. Il y a quelqu'un qui disait que SOQUEM est parmi les dix compagnies
sérieuses actuellement en Amérique du Nord. Mais, pourquoi ne
voudrait-on pas le faire pour SOQUIP?
M. Cournoyer: Est-ce que SOQUEM est un secteur témoin,
dans votre idée?
M. Lessard: Voici, si...
M. Cournoyer: Je comprends que c'est mieux les compagnies Noranda
et Falconbridge, parce que j'ai SOQUEM.
M. Lessard: SOQUEM s'associe... Dans certaines entreprises, dans
le secteur minier, c'est que SOQUEM a permis...
M. Cournoyer: Ils sont entrés dans le système. Ils
sont aussi indépendants qu'avant par exemple! Tout ce que SOQUEM a de
bien particulier, c'est que c'est une compagnie dont on détient les
actions.
M. Lessard: C'est cela.
M. Cournoyer: Mais je vous assure que les influences du ministre
sont plus que nulles.
M. Lessard: Mais, dans certains secteurs... M. Cournoyer:
Plus que nulles.
M. Lessard: Dans certains secteurs nous savons ce qui se passe. A
un moment donné la mine de Louvem; mais plus que cela, SOQUEM, par
exemple...
M. Cournoyer: Tu sais ce qui se passe dans la mine de Louvem,
mais si tu savais tout le temps ce qu'était le prix du cuivre, par
exemple.
M. Lessard: Oui, d'accord. Mais, si SOQUEM allait dans le secteur
de l'amiante par l'intermédiaire d'Asbestos Corporation...
M. Cournoyer: Pour aller plus loin dans la question de l'amiante,
je peux y aller tout de suite.
M. Lessard: Non, non, on va discuter de l'amiante
tantôt.
M. Cournoyer: Je sais que vous voulez m'amener à discuter
de SOQUIP. Je vous ai dit tantôt, sur SOQUIP, quelle était ma
décision. Je vous ai dit: Voici, ma décision aujourd'hui.
Dans l'éventualité où mon ministère dit
autre chose, j'aurai une autre décision à prendre. Au moment
où je vous parle, c'est non. Cela ne sert à rien. Vous me dites:
Pourquoi? Parce que je ne suis pas convaincu qu'il faille prendre de l'argent
des Québécois pour mettre dans un secteur témoin, au
moment où je vous parle. Ce n'est pas seulement cet argument de M.
Marier que je dois prendre comme facteur de prépondérance
m'inci-tant à faire cela. Alors, non, ce n'est pas assez.
Vous allez me dire que je devrais en avoir assez! J'ai pris la
décision de ne pas y aller.
M. Lessard: Donc, c'est clair la recommandation principale, l'une
des recommandations...
M. Cournoyer: Bien voyons!
M. Lessard:... principales du rapport Marier...
M. Cournoyer: J'ai des nouvelles, l'une des recommandations
principales concernant SOQUIP.
M. Lessard:... est donc rejetée.
M. Cournoyer: La plus grande autoroute des Laurentides se trouve
à Montréal.
M. Lessard: C'est brillant!
M. Cournoyer: C'est brillant, tu dis la recommandation
principale...
M. Lessard: C'est l'une des...
M. Cournoyer: II y a 60, je ne sais pas combien il y a de pages
dans ce rapport...
M. Lessard: II y a 160 ou 170 pages.
M. Cournoyer: Bon, il y a 165 pages et SOQUIP est un
élément des préoccupations de M. Marier et je pense que
c'est normal que cela en soit un. C'est le secteur pétrolier qui s'y
trouve; il y a la politique pétrolière qui n'est pas du tout
SOQUIP. SOQUIP est un élément de la politique
pétrolière. Vous dites: C'est la principale recommandation.
M. Lessard: C'est un élément important.
M. Cournoyer: Tout est important quand on prend un tout. Il n'y a
pas que SOQUIP qui soit important, je ne veux pas que les gens pensent que je
trouve que SOQUIP n'est pas important.
M. Lessard: Donc, la seule recommandation si je me fie
à ce que vous m'avez dit jusqu'ici que vous acceptez du rapport
Marier, jusqu'ici, c'est de permettre que le prix du pétrole de l'Ouest
atteigne le prix international?
M. Cournoyer: M. le Président, je ne réponds plus
à cette question. Je ne peux pas recommencer à vous dire ce que
j'ai dit.
M. Lessard: Oui, mais...
M. Cournoyer: C'est écrit et vous trouverez cela dans la
lecture. Je vous ai répondu pourquoi.
Le Président (M. Séguin): Messieurs, depuis quelque
temps nous discutons de différents sujets touchant plusieurs programmes.
Je regarde le programme 7 et il me semble que ce programme a été
couvert par les discussions de cet après-midi, surtout par les
commentaires qui ont été faits par le ministre et par... Ce n'est
pas couvert? C'est donc dire que vous allez recommencer la discussion sur
SOQUIP.
M. Lessard: M. le Président, il est entendu qu'au
programme 7 je ne crois pas que nous aurons à recommencer la discussion
sur SOQUIP comme telle ou la politique pétrolière comme telle. Je
pense que le ministre est d'accord, nous l'avons toujours fait dans le
passé avec l'ex-ministre.
C'est qu'on discute actuellement, au programme 1 de politiques
générales, c'est-à-dire de dossiers
généraux, que ce soit la politique
pétrolière...
Une Voix: Oui, je comprends.
M. Lessard: ... que ce soit la politique de l'amiante. Une fois
qu'on aura réglé cela, vous allez voir que les différents
rapports vont aller assez vite.
Le Président: Je n'essayais pas de diriger, je voulais
simplement m'enquérir auprès des membres de la commission,
à savoir si, après les discussions, on considérait que le
programme 7 était épuisé au point de vue des débats
et des discussions. S'il y a autre chose, bien passons. Alors, le programme 1,
c'est là que nous avons discuté. Le programme 1 est-il
adopté?
M. Lessard: Tout à l'heure, M. le Président, disons
que concernant SOQUIP, et concernant le rapport Marier, j'ai reçu des
réponses du ministre, mais le ministre s'engageait tout à l'heure
ou avait commencé à me répondre sur la question de
l'amiante.
M. Cournoyer: Sur l'amiante, je pense que vous avez voulu
m'indiquer, sans l'indiquer d'une façon précise dans le cas de la
discussion que nous avons eue sur SOQUIP, qu'en définitive, l'un des
bras possibles, pour le ministre ou le gouvernement, d'exécution de
certaines politiques ou de certaines idées se trouve à
être, dans le domaine minier, la Société
québécoise d'exploration minière.
Dans le cas de l'amiante, j'ai eu une discussion, très rapide
j'en conviendrai, et je ne voudrais surtout pas engager M. Carbonneau dans
cette discussion ici et rapporter des choses qui sont des on-dit. Je vous
assure cependant d'une chose. C'est qu'à l'occasion d'une discussion
avec M. Carbonneau, il m'a semblé ou du moins j'en déduis que M.
Carbonneau ne voyait pas d'un bon oeil la participation de SOQUEM à
Asbestos Corporation. Je dois dire qu'il s'agit d'une entreprise qui est sur le
marché, qui existe dans le domaine de l'amiante et qui est en plein dans
le consortium de l'amiante. Vous me parlez de secteurs témoins. Encore
faut-il que je sois témoin de quelque
chose. C'est soit SOQUIP ou SOQUEM. Dans le cas d'Asbestos, ce que le
rapport Alexandre recommande, c'est d'être présent, mais si je ne
suis témoin de rien tout en étant présent, je suis mal
foutu. Qu'on le prenne comme on voudra, les places où SOQUEM se trouve
actuellement, SOQUEM y est non pas comme témoin, mais comme entreprise
minière égale aux autres entreprises minières et
traitée comme telle par le gouvernement du Québec. Enfin, par les
officiers de mon ministère. Je ne sais pas comment elle est
traitée par les autres, mais par les officiers de mon ministère.
Cela a fait que SOQUEM est présente et SOQUEM sera peut-être
témoin dans cinq ans ou dans dix ans, parce que présentement elle
n'est pas témoin. Ce n'est pas la raison de sa présence. Elle est
là, et il y a toujours la possibilité pour nous d'investir via
SOQUEM pour que tel gisement minier que nous connaissons par ailleurs soit
développé, que ce soit fait seulement par SOQUEM ou que ce soit
fait par un autre. Je dis qu'entre cela et aller acheter Asbestos Corporation
qui appartient, comme tous le savent, à General Dynamics, il y a
peut-être une marge qu'il ne m'est pas permis de franchir sans la
permission de SOQUEM. Le rapport Alexandre peut me suggérer ce qu'il
veut, mais sans la permission sans la permission, il faut s'entendre
sans discussion avec SOQUEM... Si SOQUEM me dit: Le marché de
l'amiante, M. Cour-noyer, on ne veut pas y aller, elle aura probablement un
certain nombre de raisons à invoquer. J'ai demandé à M.
Carbonneau...
M. Lessard: II est admissible que SOQUEM dise cela, étant
donné son engagement vis-à-vis d'autres secteurs. Comme
gouvernement québécois, vous avez une responsabilité.
Est-ce que...
M. Cournoyer: Je ne dis pas, encore une fois que je
réponds pour SOQUEM.
M. Lessard: Mais SOQUEM est...
M. Cournoyer: Je dis: II est possible, d'après les
conversations que j'ai eues, que SOQUEM me dise exactement cela, et les
conversations que j'ai eues, ce n'était pas nécessairement
d'acheter le contrôle d'Asbestos Corporation. C'était surtout de
commencer des opérations et des études de faisabilité avec
soit la compagnie, c'est Rio Tinto qui est locataire de la mine Macadam ou,
enfin, des gisements Macadam qu'on va appeler pour le moment, qui se situe
près de Chibougamau, et BRINCO qui se trouve à avoir des sommes
d'argent assez intéressantes depuis que BRINCO a été
achetée par le gouvernement de Terre-Neuve. La participation de BRINCO
dans Churchill Falls par le gouvernement de Terre-Neuve a mis dans les mains de
BRINCO un certain montant d'argent qui est assez intéressant.
On se dit donc, nous, et j'ai posé la question aux
spécialistes, non pas parce que je connais cela, je suis un avocat.
M. Lessard: Alors, vous avez posé la question...
M. Cournoyer: J'ai posé la question à mes
spécialistes.
M. Lessard: Maintenant, vous aviez posé la question
auparavant je ne sais pas si c'est vous l'ex-ministre, probablement
l'ex-ministre à M. Alexandre. Est-ce qu'il s'agit d'un
spécialiste?
M. Cournoyer: Ecoutez une minute, M. Alexandre est un type qui
travaille pour le ministère, à qui le ministère a
confié une étude. Il n'a pas été choisi par le
ministre. Par décence, le ministre n'a pas cru bon garder ce document
secret.
M. Lessard: D'accord avec cela.
M. Cournoyer: J'ai décidé de publier chez nous.
Cela, si cela vous fatigue...
M. Lessard: Non, non, au moins cela c'est déjà un
bon pas.
M. Cournoyer: Oui, c'est cela.
M. Lessard: Parce que, avant cela, tout était
caché, c'est déjà un bon pas.
M. Cournoyer: II n'y a rien de caché, je me sens en
position de vous dire qu'il ne s'agit pas d'un document approuvé par le
ministère. Il s'agit d'un document préparé par M.
Alexandre et il s'agit, dans le cas de l'étude de M. Marier, d'une
étude préparée par M. Marier, et ils doivent être
traités comme tels. Je sais que cela provoque, du côté de
l'Opposition, le besoin de me forcer à répondre à ces
choses, aux suggestions qui sont là. Je sais ce que cela provoque de ce
côté. Mais il ne faudrait pas que vous me fatiguiez avec cela trop
longtemps parce que ce que je vais faire, je vais dire: Les fonctionnaires,
vous allez fonctionner à l'intérieur et je ne sortirai plus rien
de ce qui vous regarde.
M. Lessard: Vous allez faire comme pour le coût de la baie
James, vous ne le direz pas.
M. Cournoyer: Pardon?
M. Lessard: Vous allez faire comme le coût de la baie
James, vous ne le direz pas.
M. Cournoyer: Monsieur, si j'avais, dans la lettre de M. Giroux,
le coût de la baie James, vous l'auriez dans le front tout de suite.
M. Lessard: Bien oui mais c'est incroyable que...
M. Cournoyer: Mais je ne l'ai pas.
M. Lessard: De toute façon, on y reviendra. C'est
incroyable.
M. Cournoyer: Ce n'est pas incroyable du tout, voyons donc!
M. Lessard: Tout le monde l'a. Maintenant...
M. Cournoyer: C'est M. Boyd qui dit qu'il l'a, cela ne veut pas
dire qu'il l'a. Si M. Boyd l'a, c'est son problème à lui; qu'il
le communique à son autorité. Son autorité à M.
Boyd, cela s'appelle l'Hydro-Québec.
M. Lessard: Quel est le responsable...
M. Cournoyer: Le chef de l'Hydro-Québec, c'est moi, et
l'Hydro-Québec m'a communiqué ce qu'elle avait à me
communiquer. Est-ce assez clair?
M. Lessard: Et vous?
M. Cournoyer: Ce que j'ai à vous communiquer, je vais vous
le donner demain matin, en Chambre, si vous le voulez. Je vais vous donner ce
qu'elle m'a donné.
M. Lessard: A la suite des questions que nous avons posées
en Chambre, vous n'avez pas pris la peine de vérifier auprès de
l'Hydro-Québec à savoir si ces coûts étaient
existants ou s'ils n'existaient pas.
M. Cournoyer: Je l'ai fait. J'ai les lettres à part de
cela.
M. Lessard: Et ils vous ont dit que cela n'existait pas?
M. Cournoyer: Voulez-vous être déculotté
demain matin? Voulez-vous être déculotté? Je vais vous les
donner.
M. Lessard: Ecoutez, que le ministre se tienne debout!
M. Cournoyer: ...
M. Lessard: Si l'Hydro-Québec est en train de tromper le
ministre...
M. Cournoyer: Non! On ne dit pas cela.
M. Lessard: ... comme le ministre a tenté... M.
Cournoyer: On ne dit pas cela! M. Lessard: II y a toujours un
bout!
M. Cournoyer: Je n'ai jamais prétendu que
l'Hydro-Québec trompait le ministre!
M. Lessard: Bon. Revenons à l'amiante. On en reparlera, si
vous le voulez.
M. Cournoyer: Je reviens à l'amiante. C'est moi qui
étais en train d'expliquer l'amiante.
M. Lessard: D'accord. Vous l'avez expliqué longtemps ce
matin.
M. Cournoyer: Si vous ne voulez pas avoir d'explications, ne
posez plus de questions!
M. Lessard: Non, non. Allez-y!
M. Cournoyer: Je veux dire que M. Carbon-neau m'a indiqué
qu'il me donnerait sa réaction par écrit et qu'il me ferait ce
qu'il croit être les suggestions utiles dans les circonstances, mais
qu'au premier abord, il ne croyait pas, comme vous venez de le dire, que
l'ordre des priorités, parce que ce sont des investissements qui ne se
font pas dans la journée même, ce sont des choses qui se font sur
des plans plus longs...
M. Lessard: Ce n'est pas comme les Olympiques. Cela ne se fait
pas aussi vite que les Olympiques. Il faut y penser. Quelque $40 millions ou
$50 millions. Il faut y penser. Les Olympiques, c'est juste $l,5 milliard. Ce
n'est pas grave. Allez-y.
Le Président (M. Séguin): C'est un peu en dehors
des crédits.
M. Lessard: Ecoutez! Peut-on considérer qu'il est six
heures?
M. Cournoyer: Vous pouvez considérer ce que vous voudrez.
De toute façon...
Le Président (M. Séguin): Le programme 1 est-il
adopté?
M. Lessard: Non, M. le Président. On a encore quelques
discussions.
Le Président (M. Séguin): II n'est pas
adopté encore.
M. Cournoyer: On a encore beaucoup de discussions sur ce
programme.
Le Président (M. Séguin): Messieurs, la commission
ajourne ses travaux sine die? C'est annoncé pour demain matin,
n'est-ce-pas?
Une voix: Au salon rouge, à dix heures.
Le Président (M. Séguin): C'est vrai. On l'a
annoncé, en Chambre, au salon rouge, à dix heures.
Alors, au Salon rouge, dix heures, demain mercredi.
(Fin de la séance à 17 h 58)