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Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)

Tuesday, November 2, 2010 - Vol. 41 N° 15

Consultation générale et auditions publiques sur la question de mourir dans la dignité


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures six minutes)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! Je constate quorum des membres de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. Donc, je déclare la séance ouverte, en rappelant le mandat de la commission.

La commission est réunie afin de procéder à la consultation générale et aux auditions publiques sur la question de mourir dans la dignité.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Champagne (Champlain) remplace Mme Lapointe (Crémazie), M. Grondin (Beauce-Nord) remplace Mme Roy (Lotbinière).

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. On va passer rapidement à notre... On a deux témoins ce matin. Le premier témoin, c'est l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux, représentée, entre autres, par son président, M. Alex Potter, et sa directrice générale, Mme Lise Denis.

Alors, vous avez un droit de parole d'une vingtaine de minutes, suivi par une période d'échange avec les membres de la commission.

Alors, c'est M. Potter qui va commencer? Bienvenue, M. Potter.

Auditions (suite)

Association québécoise
d'établissements de santé et de
services sociaux (AQESSS)

M. Potter (Alex G.): Merci. M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission, permettez-moi d'abord de vous présenter les personnes qui m'accompagnent ce matin. Ce sont des représentants de nos établissements membres. À ma droite, là, c'est Dre Ewa Sidorowicz, qui est directrice générale des services professionnels du Centre universitaire de santé McGill. À ma gauche, M. Michel Gervais, ancien directeur général de l'institut Robert-Giffard à Québec, qui est maintenant administrateur du CSSS Vieille-Capitale. Ils ont accepté de soutenir notre mémoire à partir de leurs propres expériences. Nous accompagne également la directrice générale de notre association, Mme Lise Denis.

Mesdames et messieurs, nous vous remercions de nous permettre d'exposer notre point sur la question du droit de mourir dans la dignité. Notre association est porte-parole des 134 établissements publics, soit l'ensemble des centres hospitaliers, des centres de santé et de services sociaux, des CHSLD et des centres hospitaliers universitaires.

Elle a pour mission de rassembler, de représenter et de soutenir ses membres et agir comme chef de file pour assurer la qualité des services et la pérennité du réseau de la santé et des services sociaux. C'est dans cet esprit que nous avions souhaité participer à cette consultation.

Mesdames messieurs, qui que nous soyons, la question de mourir dans la dignité est un sujet qui nous ramène à notre condition humaine, à notre vieillissement, voire à notre propre mort. Ce sujet restera toujours délicat à aborder et nous tenons à vous féliciter d'avoir eu le courage d'entreprendre cette consultation publique.

Au-delà des enjeux législatifs et juridiques, il est souhaitable que cette consultation contribue à améliorer l'offre de service aux personnes en grande souffrance. Cette réflexion devrait également nous sensibiliser à l'importance d'accompagner nos parents, nos grands-parents et nos proches dans leurs derniers moments. Pour nous, mourir dans la dignité implique de ne pas mourir souffrants, délaissés ou oubliés, ce que nous avons essayé de traduire dans notre mémoire que vous présentera notre directrice générale, Lise Denis, à qui je cède la parole maintenant.

**(10 h 10)**

Le Président (M. Kelley): Mme Denis, bienvenue.

Mme Denis (Lise): Oui, M. le Président. Bonjour, Mmes, MM. les députés. Je tiens d'abord à vous remercier de nous permettre, en tant que représentants de la plupart des établissements publics de santé et de services sociaux, d'exprimer notre point de vue sur l'importante question du droit à la dignité jusque dans les derniers moments de sa vie. Ce sujet nous interpelle particulièrement parce que c'est au sein de nos organisations que la plupart des décès surviennent au Québec.

Selon les données de l'Institut de la statistique du Québec, sur les 60 000 décès qu'enregistre le Québec chaque année, 45 000 ont lieu dans les centres hospitaliers, les centres de santé et de services sociaux et les centres hospitaliers de soins de longue durée. À cette proportion s'ajoutent les personnes bénéficiant de soins palliatifs donnés par les soignants des CSSS en maison palliatifs ou à domicile.

Cette réalité amène quotidiennement le personnel des établissements à être confrontés avec de grandes questions liées au principe de l'autonomie et de l'inviolabilité de la personne, au soulagement de la douleur, à l'accompagnement en fin de vie, à la mort, voire au droit d'abréger, à sa demande, la vie d'une personne souffrante.

Ces importantes questions interpellent les professionnels et le personnel soignant, mais aussi les administrateurs, les directeurs généraux, les directeurs ou directrices des services au sein des établissements. Ces gestionnaires donnent des orientations, prennent des décisions comportant des dimensions tant cliniques, administratives, organisationnelles, juridiques autant qu'éthiques. C'est dans cette perspective que nous tenions à prendre part à cette consultation.

Dans le mémoire que nous vous avons transmis, nous insistons sur trois aspects. Premièrement, sur l'importance que les volontés de fin de vie exprimées par la personne souffrante soient respectées; deuxièmement, sur la nécessité que le Québec se dote d'une offre de service en soins palliatifs complète, connue et accessible; et, troisièmement, tout en... excusez, tout en prenant soin d'éviter de nous prononcer sur l'euthanasie ou le suicide assisté, nous avons insisté sur le fait qu'advenant un assouplissement législatif à ce sujet il sera crucial que les demandes d'euthanasie répondent à des critères bien définis et que chaque situation soit considérée et étudiée comme étant unique.

Parlons d'abord du respect des volontés de la personne malade. Au Québec, depuis la reconnaissance du principe du consentement libre et éclairé, la décision d'entreprendre, de poursuivre ou de mettre fin à des soins ou à un traitement doit résulter d'un échange, d'une communication entre le patient, ses proches et le corps médical. Malgré ce principe reconnu, il arrive encore que les volontés exprimées par la personne ne soient pas prises en considération. Parfois, les proches insistent auprès du corps médical pour que l'on poursuive un traitement ou que l'on réanime une personne qui avait pourtant exprimé le souhait contraire. Il faut chercher à éviter que cela se produise.

En ce moment, au Québec, deux modalités s'offrent à quiconque souhaite exprimer ses volontés de fin de vie: le mandat en prévision de l'inaptitude et le testament de vie. Le mandat en prévision d'inaptitude, que l'on confie à un tiers, est reconnu en droit québécois. C'est un document dans lequel sont notamment consignées les questions liées autant à la gestion de nos biens que celles liées à nos volontés de fin de vie. On remarque toutefois que l'utilisation de ce mandat pour y consigner nos volontés de fin de vie est moins fréquente. C'est un document qui, pour être valide, doit être homologué. Cela entraîne des frais d'avocat ou de notaire, ce qui rebute certaines personnes de s'en prémunir. Finalement, ce mandat n'est pas contraignant, c'est-à-dire qu'il n'oblige pas le mandataire à respecter à la lettre les volontés de fin de vie qu'on y a inscrites.

Pour ce qui est du testament de vie, aussi appelé testament biologique, une minorité de personnes y a recours. Un sondage que nous avons effectué avec la firme CROP indique que, parmi les Québécois âgés de 55 ans et plus, seulement un sur deux affirme avoir rédigé un tel document. Pourtant, même s'il n'a pas, lui non plus, de valeur obligatoire ou contraignante, le testament de vie revêt plusieurs avantages: plus simple que le mandat en cas d'inaptitude, il assure un certain contrôle de la personne sur son devenir et encourage la discussion préalable entre le médecin et le patient.

Au Québec, le testament de vie ne constitue qu'une simple indication de l'expression présumée de la volonté du patient. Il ne s'impose pas aux personnes appelées à dispenser des soins et des services et, en cas de violation des directives préalables, aucune sanction ne peut s'appliquer.

Dans cette perspective, l'AQESSS recommande que le Québec, à l'instar d'autres provinces canadiennes -- on pense au Manitoba, à l'Alberta -- adopte une loi pour encadrer le testament de vie. Cette loi notamment devrait préciser quelles sont les personnes qui peuvent rédiger un testament de vie, sa forme, son contenu ainsi que les modalités d'application et de révocation. Nous voulons que le législateur, avec les éthiciens et autres spécialistes qui le conseilleront, permette que le testament de fin de vie puisse être revu et mis à jour en fonction de l'évolution de la situation du patient ou de l'évolution de sa volonté.

Il faudra aussi que la loi soit claire à l'effet que le mandataire, les proches et le personnel soignant soient dans l'obligation de suivre les directives mentionnées dans le testament de vie à partir du moment où celles-ci s'inscrivent dans la situation vécue par le patient. Mais, au-delà de la nécessité que le législateur québécois octroie au testament de vie une valeur légale, il est à souhaiter que les personnes âgées, les personnes en perte d'autonomie et celles en fin de vie soient informées et invitées à communiquer leurs directives de fin de vie et à les colliger devant témoin dans un document facilement repérable. Nous recommandons également que le fait de s'enquérir de l'existence d'un tel document auprès d'une personne souffrante fasse partie intégrante des pratiques du personnel soignant et que les informations qu'il contient soient colligées dans le dossier de l'usager.

Dans notre mémoire, nous abordons également la question de la nécessité que le Québec se dote d'une offre de service en soins palliatifs complète, connue et accessible. La question du soulagement de la douleur et des soins palliatifs en général est incontournable dans une réflexion sur la fin de vie, sur la mort et sur la dignité humaine. Le soulagement optimal de la douleur demeure une cible à atteindre.

Par soins palliatifs, on entend généralement les soins destinés à soulager la souffrance physique, émotionnelle, psychosociale ou spirituelle. Ils ont pour objet le confort de la personne qui souffre. On décrira souvent les programmes de soins palliatifs comme étant ce qu'il faut faire quand il n'y a plus rien à faire. Et ils font appel à différents professionnels qui doivent travailler ensemble de façon bien organisée auprès du patient. Ces soins sont offerts en établissements de santé, centres hospitaliers, CHSLD, dans les ressources intermédiaires, en maisons de soins palliatifs ainsi qu'à domicile. Toutes ces modalités doivent être considérées pour que l'on puisse disposer d'une réelle gamme de soins palliatifs adaptés aux différentes situations.

Le vieillissement de la population, les cancers, les maladies chroniques en augmentation accentuent la nécessité de développer, de façon planifiée, des soins de fin de vie de qualité, accessibles à tout citoyen qui en a besoin. Ces soins doivent être axés sur le soulagement optimal de la douleur du patient et sur le soutien de ses proches.

Toutefois, malgré les efforts déployés, nous constatons que la prise en charge de la douleur reste insuffisante au Québec. L'offre et l'accès aux soins palliatifs sont à parfaire. Par exemple, le ministère de la Santé et des Services sociaux estime que, pour répondre à la demande, il faut atteindre, au Québec, un ratio de 50 lits de soins palliatifs par 500 000 habitants. Selon nos données les plus récentes, le réseau de soins palliatifs compte, en ce moment, près de 610 lits, ce qui fait un ratio de 39 lits par 500 000 de population. Certaines régions en sont presque totalement dépourvues.

Pour les membres de notre association, le développement de l'offre de soins palliatifs pour répondre aux besoins d'une population vieillissante aux prises avec des cancers ou d'autres maladies dégénératives graves et souffrantes doit absolument s'accélérer, et ce, de façon planifiée. Nous estimons de plus que toute personne mourante devrait avoir accès à une chambre individuelle et bénéficier des conditions essentielles à une mort digne. Pourtant, il est encore difficile, dans plusieurs de nos établissements, de réserver un certain nombre de chambres individuelles pour les personnes en fin de vie et leurs proches, que celles-ci soient hospitalisées en médecine, en gériatrie, en cardiologie ou dans tout autre lit.

Pour que le Québec se dote d'un véritable réseau de soins palliatifs, il faut une augmentation du nombre de lits de soins palliatifs, une augmentation de l'offre de service de soins palliatifs à domicile, plus de chambres individuelles réservées pour les mourants, une bonification de la formation offerte en soins palliatifs, notamment en soulagement de la douleur, et une intégration accrue des organismes communautaires et des bénévoles aux équipes soignantes.

Ceci nous amène au troisième aspect abordé dans notre mémoire, l'euthanasie. Tout en faisant valoir la nécessité que le Québec se dote d'abord d'une offre optimale de service en soins palliatifs, l'AQESSS reconnaît l'importance, voire la gravité de situations, aussi peu nombreuses soient-elles, où une personne très souffrante, aux plans physique, psychologique et même existentiel, exprime le souhait qu'on mette fin à ses jours sans que l'on puisse répondre à sa demande dans le respect de ses volontés et en toute légalité.

Ainsi, dans notre mémoire, nous soulignons qu'advenant une démarche de légalisation de l'euthanasie au Québec il faudra prévoir que les demandes d'euthanasie répondent à des critères bien définis et que, dans chaque situation, soit considérée comme unique et étudiée dans cette perspective. Nous insistons de plus pour que toutes les avenues pour soulager une personne et améliorer sa qualité de vie devront avoir été explorées et communiquées avant de considérer une demande d'euthanasie.

Mesdames messieurs, en terminant, je rappellerais qu'en 1995 le Sénat canadien, dans la foulée de sa consultation sur l'euthanasie et le suicide assisté, recommandait qu'une priorité gouvernementale soit accordée au programme de soins palliatifs et que la formation des professionnels soit améliorée. Quoique ces services se soient développés, il nous semble, 15 ans plus tard, qu'il reste encore beaucoup de chemin à parcourir dans le développement de ces programmes et que la disponibilité des ressources humaines qualifiées dans le soulagement de la douleur et l'approche des soins palliatifs fait encore défaut. C'est pour maintenant, mais c'est aussi beaucoup pour les prochaines années que nous devons nous investir dans la mise en place de ces programmes et nous avons collectivement le devoir de remédier à cette situation. Merci.

**(10 h 20)**

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Denis, M. Potter, pour votre présentation. On va passer maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission, et je suis prêt à céder la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie: Merci, M. le Président. Bonjour à vous, représentants de l'Association québécoise des services de santé et services sociaux. Merci pour votre présence. Merci pour votre contribution à cette grande réflexion que nous avons amorcée déjà depuis quelque temps.

Justement par rapport à ce processus-là de consultation auprès de la population québécoise, qui a débuté avec des audiences auprès des experts, l'élaboration d'un document de réflexion et d'information, la possibilité d'avoir accès à de l'information sur le Web, questionnaire, ainsi de suite, et, depuis déjà quelques mois, les audiences publiques avec cette commission itinérante, j'aimerais, dans un premier temps, vous demander si le processus de consultation qui a été mis en place par cette commission nous permettra ou, selon votre point de vue, est suffisant pour aller chercher le maximum d'information et de position par rapport aux différents groupes ou encore d'individus ou de personnes qui se présentent pour exprimer leur opinion sur ce grand sujet qu'est le mourir.

Mme Denis (Lise): Je crois... Si vous permettez? Je pense que le processus que vous avez mis en place est assez extraordinaire. Je pense que c'est assez unique comme processus, et c'est une question, je crois, comment je dirais, qui va chercher... qui touche tout le monde, hein, où qu'on soit, quel que soit le milieu dans lequel on travaille. Évidemment, nous, dans la santé, ça nous touche au premier chef, mais ça touche aussi les gens dans leur vécu personnel. Et je pense que ce qui est assez extraordinaire, c'est que le processus que vous avez mis en place permet d'entendre, pour vous, à la fois des organisations comme nous, mais aussi des individus -- parce qu'on a pu constater combien de personnes sont venues témoigner.

Pour ce qui est de la consultation plus large sur le Web, bien, je ne connais pas la fréquentation exacte. Pour moi, ce qui va être important, c'est qu'est-ce que vous allez en faire, hein? Parce que le processus, plus il est extraordinaire, plus il va commander des... il commande des attentes auprès des parlementaires qui l'assument. Et, dans ce sens-là, je pense qu'on peut espérer qu'au sortir de cette opération de consultation vous puissiez émettre un certain nombre d'avis, de propositions d'orientation et, vraisemblablement, un certain nombre de recommandations.

Quand, par exemple, nous, on vient parler des soins palliatifs, on souhaite ardemment que, dans les recommandations à la fin de vos travaux, évidemment dans la mesure où d'autres auront pu aussi exprimer des choses similaires, vous puissiez émettre au gouvernement... à l'ensemble du gouvernement un certain nombre de recommandations.

M. Chevarie: Par rapport à... Vous abordez évidemment votre mémoire en trois grandes parties: le testament de fin de vie, l'offre de service complète et accessible, et l'euthanasie vers la fin. Et est-ce que vous avez la compréhension de, si jamais on allait dans la légalisation de l'euthanasie, pouvoir inscrire, je dois dire, ce service-là, entre guillemets, à l'intérieur d'un grand concept de soins ou une approche de soins? Vous le voyez comme ça?

Mme Denis (Lise): Ce qu'on dit essentiellement, c'est... pour nous, ce qu'il faut intensifier et développer, ce sont les soins palliatifs avec le soulagement des personnes, l'accompagnement jusque dans leurs derniers moments. Et, nous, on dit: Une bonne offre de soins palliatifs est de nature à aider les gens à passer leurs derniers moments. Et on pense que ça, c'est prioritaire par rapport à régler d'autres questions. Il restera des cas, c'est ce qu'on indique, et, si jamais... nous, on a dit: Nous ne nous prononcerons pas, comme association, sur cette question-là, mais, si le législateur allait dans ce sens-là, bien, il y a un certain nombre de choses à considérer, et le réseau, comme dans n'importe quelle autre situation, fera ce qu'il faut pour assumer ce qu'il aura à faire. Je ne sais pas si...

Mme Sidorowicz (Ewa): C'est ça...

Le Président (M. Kelley): Oui.

Mme Sidorowicz (Ewa): ...si je peux me permettre quelques mots? En fait, j'appuie complètement ce que Mme Denis dit, dans le sens que présentement le réseau est à bonifier au niveau de l'accessibilité au niveau des soins palliatifs, et les soignants qui y oeuvrent ont besoin d'améliorer un peu la connaissance des soins palliatifs.

Le patient qui est devant une situation comme ça présente un grand défi pour les soignants et il faut des habilités de diagnostic non seulement de la souffrance physique, mais aussi de la souffrance psychologique du patient pour bien répondre à ça. Et, à l'heure actuelle, je ne pense pas, bien qu'il y ait beaucoup d'efforts de faits sur le territoire québécois, que tout le monde a accès à cette expertise-là.

D'autre part, donc il y a toute la formation en lien avec l'approche au patient qui est devant une situation... que ce soit un cancer ou une autre maladie dégénérative ultimement fatale, il y a l'approche à ce patient-là au niveau du diagnostic et aussi au niveau du traitement. Et, quand je parle de traitement, Mme Denis a fait allusion au traitement de la douleur, mais aussi de traitement de la dépression. Il y a beaucoup d'autres modalités à ce niveau-là. Et je pense que le point de départ, c'est la formation et l'accessibilité de ces soins-là.

Sur le terrain, parce que c'est un peu, je pense, pour ça que je suis aussi ici, la question de l'euthanasie se pose extrêmement rarement quand les soins sont prodigués avec des gens qui sont bien formés, qui sont bien sensibles aux souffrances physiques et psychologiques du patient. On arrive à aller très, très loin dans le soulagement de cette souffrance-là sans que le besoin de l'euthanasie se pose. Et, même quand il se pose, je pense que le médecin et l'équipe soignante, avec le temps, arrivent à soulager ce patient-là.

En préparation à l'audience aujourd'hui, j'ai eu la chance de discuter avec plusieurs collègues au niveau des différents CHU et chez nous, au CUSM, où il y a quand même une bonne expertise en soins palliatifs, et, de façon plus particulière, avec les gens qui s'occupent des patients avec des troubles neurodégénératifs comme la SLA ou ce genre de maladie où souvent, ce que les médecins m'expliquent, il y a une réaction un peu catastrophique du patient au moment du diagnostic et, si on se fie à la réaction du patient à ce moment-là, les décisions prises ne sont peut-être pas les bonnes, ultimement. Mais, quand l'équipe est bien formée pour détecter, comprendre, diagnostiquer pas juste la souffrance physique, mais la souffrance psychologique aussi, on met tout en oeuvre pour supporter le patient et son entourage. Parce qu'il ne faut jamais oublier qu'il y a un entourage pour ces patients-là et ces gens-là sont aussi souffrants sinon plus que le patient lui-même. Donc, il faut vraiment tout mettre en oeuvre pour supporter ce groupe d'individus là dans le cheminement.

Et encore une fois, sur le terrain, la question de l'euthanasie apparaît extrêmement rarement. Comme DSP où souvent les gens vont se tourner vers moi dans les situations qui sont particulièrement difficiles, dans les dernières années il y a un cas qui est venu à mon attention où on a dû s'asseoir et débattre avec l'équipe de ce qu'il fallait faire. Mais, dans le quotidien, les équipes bien formées sont capables de faire beaucoup de chemin avec les patients. Alors, je pense que c'est très important.

Évidemment, j'ai la chance de travailler dans un milieu où c'est extrêmement développé, où l'approche est là. Je pense que tous les Québécois ont droit d'accès à ce genre de service là. Et la question de l'euthanasie devient vraiment quelque chose de très, très, très marginal quand c'est offert de cette façon-là.

**(10 h 30)**

M. Chevarie: Merci, M. le Président. Je vais laisser à mes collègues le soin de poser d'autres questions.

Le Président (M. Kelley): M. le député d'Orford.

M. Reid: Merci, M. le Président. Votre mémoire tient vraiment compte de notre problématique comme parlementaires parce qu'il faut arriver à la fin... on ne pourra pas arriver à la fin, comme certaines personnes nous l'ont dit, à dire: Il faut développer les soins palliatifs, puis «that's it», on n'a rien d'autre à dire. C'est sûr qu'on nous demande de faire plus que ça. On nous demande de nous prononcer, éventuellement de faire des législations ou de décider de ne pas en faire. Et votre mémoire, je trouve, est extrêmement utile, surtout que ça vient d'une compétence reconnue, là, et dans sa structure, dans la façon de faire, de dire: Si on doit aller dans cette direction d'ouvrir la porte plus ou moins grand, là, il y a des précautions. Et ce n'est pas juste des mises en garde de dérapage, vous donnez des choses bien concrètes.

Et, moi, j'aimerais ça entendre peut-être des directeurs d'établissement qui sont ici, M. Gervais ou M. Potter, élaborer un petit peu sur ce que vous dites. À quelque part, là, vous parlez que les établissements... «Le cas échéant -- ou si la porte s'ouvre, mettons -- les établissements devraient s'assurer...» Enfin, d'une façon générale, on dit: «D'énormes responsabilités seraient alors confiées aux professionnels de la santé [qui sont] impliqués et [aussi] aux gestionnaires d'établissements.» Ils doivent s'assurer que tout ça et que... C'est des recommandations que vous faites en termes de précautions importantes et, je dois dire, bien présentées et bien structurées. Et vous dites: «Le cas...» Bon, vous donnez quelques éléments d'information: «...les établissements devraient s'assurer d'informer et de former les professionnels de la santé et les gestionnaires...» On dit aussi qu'on aurait à «soutenir les équipes soignantes en privilégiant les échanges au sein de l'équipe», etc. Enfin, il y a un certain nombre de choses.

Concrètement, est-ce que vous pourriez élaborer un tout petit peu sur ce que ça voudrait dire? Par exemple, je ne sais pas, M. Gervais a été directeur à Giffard dans un contexte comme celui-là... ou pour M. Potter. Qu'est-ce que ça voudrait dire bien concrètement, là? Et quel genre de délai faut-il se donner dans les établissements de santé si jamais on allait dans cette direction-là? Parce que ça ne se fait pas juste en claquant du doigt, cette affaire-là, là.

M. Gervais (Michel): M. le Président, avant peut-être de répondre précisément à la question de M. Reid, vous parliez tout à l'heure de savoir si la consultation de la population est bien faite. Je crois qu'elle l'est et qu'on prend des moyens même raffinés pour avoir l'opinion de la population. Mais il est et il sera important jusqu'à la fin d'avoir des concepts clairs, et je crois que ce n'est pas le cas actuellement dans la population en général. Et il me semble qu'il y a trois étapes, là.

La première, c'est déjà franchi par à peu près tout le monde. Ça, c'est le cas Nancy B. C'est ne pas prolonger indûment la vie de quelqu'un qui ne veut pas de soins extraordinaires, etc. Mais à l'époque ça a été très difficile pour le juge Dufour, on se rappellera. Mais, pour moi qui ai été formé en théologie, je dois vous dire qu'en 1962 -- c'était mon premier cours de théologie à l'Université Laval -- les professeurs nous enseignaient qu'on n'avait... on n'était pas obligé de maintenir quelqu'un en vie qui ne le désirait pas et qui était dans des circonstances comme celles-là. Donc, le professeur que j'avais à l'époque avait conseillé le juge Dufour dans ce sens-là.

Mieux encore -- et là on arrive à la deuxième étape -- c'est qu'on a le droit d'atténuer les souffrances de quelqu'un en utilisant des moyens dont on sait qu'il est possible qu'ils entraînent la mort et parfois même dont on sait qu'ils vont l'entraîner. Et toujours en 1962 c'est ce qu'on nous enseignait dans la traditionnelle Faculté de théologie catholique de l'Université Laval, c'était le principe de la cause à double effet. L'effet recherché, c'est d'atténuer la souffrance de quelqu'un, mais le second effet qui arrive, c'est que... Et c'est ce qu'on appelle la sédation palliative, et on peut aller très loin dans ce sens-là. C'est en ce sens-là que madame dit que finalement les vrais cas d'euthanasie sont très rares, parce que la plupart sont... Et on se dit, nous, dans le mémoire: Si déjà on avait ça au Québec, non seulement la compétence éthique, mais la compétence aussi technique pour assurer ce genre de soin, le problème de l'euthanasie se poserait beaucoup moins.

J'élabore un petit peu sur ce deuxième volet. Avant de venir ici, à la demande de Mme Denis, j'ai regardé quelle était la situation dans la région de Québec. J'ai interrogé le président-directeur général de l'agence, le doyen de la faculté de médecine, le directeur général du plus important centre de santé et de services sociaux puis d'un plus petit centre de santé et de services sociaux. Sur le plan de l'accès, il semble qu'on est très... je dirais très bien comme situation. Il manque peut-être une quinzaine de lits, selon la norme. Mais, en termes de soins à domicile, par exemple, dans le CSSS de Vieille-Capitale, il y a eu 900 personnes qui ont été soignées à domicile dans le cadre de soins palliatifs, allant jusqu'à la sédation palliative. Puis évidemment il y a La Maison Michel Sarrazin.

Sur le plan de la qualité, tout le monde dit: C'est 9,5 sur 10. Pourquoi? À cause de La Maison Michel Sarrazin. Et, La Maison Michel Sarrazin, j'ai été, au départ de ça, moi, consulté par les Drs Dionne et Bonenfant. J'étais, à ce moment-là, vice-recteur à l'enseignement et à la recherche. Et, pour eux -- je me souviens très bien des discussions -- La Maison Michel Sarrazin, ce n'était pas un lieu, c'était un mouvement. C'était de faire en sorte que des soins palliatifs soient offerts à l'ensemble de la population, non seulement à La Maison Michel Sarrazin, mais dans les centres hospitaliers, dans les CHSLD et également à domicile.

Et, deuxièmement, l'aspect formation -- et c'est pour ça qu'ils m'avaient impliqué -- était très important, et c'est exactement ce que la maison a fait d'une façon extraordinaire en recevant des stagiaires: médecins, infirmières, etc. Moi, dans mon hôpital, on prêtait des infirmières à La Maison Michel Sarrazin pour un an, par exemple, et les personnes revenaient chez nous avec la compétence pour pratiquer des soins palliatifs allant très loin, jusqu'à la sédation palliative. On a pu instaurer un programme de soins palliatifs dans l'hôpital, et c'est comme ça un peu partout dans la région. Et ce modèle-là, ce n'est pas à cause de budgets particuliers, c'est... Mon directeur de soins infirmiers m'a dit: Même si tu ne me donnes pas l'argent pour, je le fais. Parce que c'était nécessaire.

La troisième étape, maintenant, c'est de dire: Est-ce que j'ai le droit de tuer ou de me faire tuer pour abréger mes souffrances? Là, c'est une autre question. On franchit un seuil qui n'est pas franchi à date ni au Canada ni au Québec, qui est franchi dans d'autres pays. Et je crois que, si on voulait voir les modalités selon lesquelles ça peut se faire, il faudrait regarder vers ces autres pays où on le fait, qu'il s'agisse des Pays-Bas, par exemple, où ils ont établi des... la Suisse, etc., où ils ont établi des modalités qui, je crois, devraient être... qui devraient être mises en place ici également.

Maintenant, il y a d'autres façons que des changements législatifs, et il peut arriver que, par exemple, mis en présence de cas ultimes, les tribunaux décident de ne pas sévir, et que s'établisse ainsi une jurisprudence, et que cette jurisprudence fasse en sorte qu'à un moment donné les procureurs de la couronne ne poursuivent plus. Ce serait une façon plus britannique, plus anglaise de faire les choses, selon la common law, plutôt que de faire une loi qui, en quelque sorte, accrédite le meurtre ou le suicide comme des gestes juridiquement valides et acceptables, ce qui pose un problème d'extension possible considérable des effets d'une telle admission.

Cela dit, je crois que, sur le plan des principes, tu ne tueras point, ça a des limites. Si je dois me défendre, bien, je tue. Si je vois quelqu'un qui est en train d'utiliser une mitraillette pour tuer les gens sur la rue Sainte-Catherine à Montréal, c'est mon devoir de le tuer ou en tout cas de l'empêcher de nuire. Si je vois un ami à la guerre qui est en train de crever dans les pires souffrances, ça se peut que je doive... que ce soit mon devoir de le tuer. Mais, pour les modalités, je pense qu'il faudrait aller dans le sens des pays qui l'ont établi.

M. Reid: Quelques secondes?

Le Président (M. Kelley): Quelques secondes, oui. Il reste trois minutes, en effet.

M. Reid: Essentiellement, c'est parce que je me demandais si vous pouviez... Parce que, dans ce que vous avez mentionné dans la... si on arrivait à quelque chose comme ça, ça veut dire qu'il faut mettre en place dans les établissements des comités, des groupes, des façons de faire, des nouvelles procédures. Est-ce que vous avez une idée du temps que ça peut prendre pour que... Parce que, là, vous disiez tantôt, M. Gervais, bon: Aller un an à Michel Sarrazin, ça permet d'avoir une véritable compétence. Bien, on parle d'un an. Et, nous, quand on va regarder ça, si jamais on décide d'aller, comme Parlement... parce que ce n'est pas: Nous, on va faire des recommandations, c'est le Parlement au total qui va voter, mais il est clair qu'il va falloir penser que ces choses-là ne s'installeront pas, ne se mettront pas en place dans une semaine, un mois. Ou même peut-être un an, ce n'est pas assez. Est-ce que vous avez une idée, là, est-ce que vous pouvez nous en parler un petit peu, de ce que ce genre de transformation dans un établissement important surtout peut représenter?

**(10 h 40)**

Mme Sidorowicz (Ewa): Écoutez, je vais essayer de répondre à la question. Je pense que ça va être un processus long et complexe, honnêtement. Et mon inquiétude serait que ça gruge l'énergie qui devrait plutôt être mise sur une meilleure accessibilité aux soins palliatifs. Je ne pense pas que ça devrait se faire établissement par établissement, parce que le niveau d'expertise peut varier d'un établissement à l'autre, et donc... Puis ça serait, je pense, mal vu aussi qu'un patient ait une approche x dans un établissement puis une approche y dans un autre établissement. Donc, je pense qu'il faudrait regarder ça de façon plus nationale, je pense, au niveau de l'approche, mais je pense que ça partirait un autre débat sur comment... C'est sûr qu'il y a des modèles ailleurs desquels on pourrait s'inspirer, mais je pense qu'il faudrait aussi voir le vécu de ces autres juridictions là et voir si c'est nécessairement la direction que le Québec souhaite prendre.

Moi, très honnêtement, là, puis là je parle pour moi, mon inquiétude, c'est que ça enlèverait l'emphase sur ce qu'on doit faire, c'est augmenter l'accessibilité à des équipes bien formées en soins palliatifs, et de focusser le débat sur un élément qui est une minorité de la problématique. Mais l'encadrement, c'est sûr qu'il devrait être bien fait mais demanderait une discussion qui serait probablement longue.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Bonjour à vous tous. Merci d'être ici. J'ai aussi beaucoup apprécié la lecture de votre mémoire, parce que c'est clair, c'est concis. Vous faites le tour de toutes les questions qui nous préoccupent. Et vous avez mis beaucoup l'accent sur les soins palliatifs, et je vous en remercie, parce que c'est une question qui est souvent occultée par les autres, disons, qui sont plus polarisées dans le débat actuel d'euthanasie ou d'aide médicale à mourir. Et je vous remercie parce que j'ai trouvé que c'était très éclairant.

Donc, j'aurais quelques questions, en débutant, sur l'accès aux soins palliatifs, aux lits de soins palliatifs. Je comprends que la norme qui est recommandée, c'est 50 lits par 500 000 de population. Je me dis toujours: Pourquoi on ne dit pas un par 10 000, là? Il me semble que ça... Mais enfin c'est la même chose. Ça doit être une norme savante, pourquoi il faut faire 50 par 500 000. Mais, pour qu'on se comprenne, un par 10 000. Et vous recommandez, vous, par ailleurs... Bon, vous dites qu'on n'est pas rendus là, là. Ça, je le comprends bien. Mais vous dites aussi dans vos recommandations qu'il faudrait élargir l'offre de soins palliatifs, évidemment, pas juste aux gens qui sont en phase terminale de cancer mais, on l'a vu ici notamment, des gens atteints de maladies neurodégénératives. Vous parlez de maladies pulmonaires, cardiaques. Bon. Vous parlez aussi qu'il faudrait que les soins palliatifs arrivent... que l'offre arrive plus tôt dans le processus, donc dès le moment où on estime qu'il n'y a plus vraiment place au curatif ou qu'il y a un doute à savoir si le curatif va pouvoir vraiment faire le travail.

Est-ce que, compte tenu de ces éléments-là, vous estimez que la recommandation actuelle, qui est assez agréée dans le milieu, de un par 10 000 ou 50 lits par 500 000, est-ce que ça tient la route ou si ça devrait être même plus, compte tenu des recommandations que vous faites?

Mme Denis (Lise): Peut-être... Puis mes collègues pourront compléter, mais on se disait justement ces derniers jours que le 50 par 500 000 mériterait d'être requestionné, parce qu'on parle de soins... d'unités de soins palliatifs. Quand on parle de ce nombre-là, ça inclut les lits de soins palliatifs en établissement, les soins palliatifs en ressource intermédiaire, les soins palliatifs en maison de soins palliatifs. Et on se disait que ça mériterait... C'est quand même quelque chose qui a été pensé très correctement, là, il y a quelques années. Peut-être que ça mériterait qu'on se repose la question. Ça nous semble être un minimum, un minimum si on veut être capable d'offrir correctement les services.

Puis, dans le fond, ces objectifs-là ou enfin ces ratios-là sont tirés, je dirais, de la politique que le ministère de la Santé et Services sociaux a faite en 2004, qui, en passant, est une très bonne politique, c'est le plan de mise en oeuvre qui n'a pas suivi. Et aujourd'hui, en 2010, avec le vieillissement, avec l'accélération d'un certain nombre de phénomènes, de maladies, bien, je pense qu'il y aurait lieu de dire: Ça, c'est vraiment une base. Et, bien, ce qu'on ne voudrait pas, c'est que ça prenne trois ans pour trouver le bon ratio. Je pense qu'il faut se dire: Ça, c'est un minimum. On peut-u faire un pas puis se donner en même temps la capacité de revoir correctement quel serait le ratio correct? Madame.

Mme Sidorowicz (Ewa): Je rajouterais à la question. C'est que les lits, c'est une chose, mais ça prend un réseau. Donc, c'est sûr qu'il y a d'autres modalités. Il y a les patients qui peuvent être suivis à la maison. Il y a souvent un volet d'hôpital de jour qui peut être très important, donc une modalité où le patient vient passer la journée, a des traitements, il peut retourner à domicile, et évidemment, ultimement, l'hospitalisation, qui peut être brève ou courte, selon les besoins du patient.

Donc, les lits, c'est important, puis je suis bien d'accord avec ce que vous dites, mais il faut penser qu'il y a une série de places où les soins peuvent être donnés. Puis il s'agit d'avoir le bon flot là-dedans.

Mme Hivon: Donc, si je comprends bien, vous, vous êtes d'avis aussi que, dans le développement de ces lits-là ou de ces services-là, il faut toujours viser le juste équilibre entre les soins à domicile, les places en établissement et les places dédiées en maison plus spécialisée ou en soins de longue durée. Donc, vous ne nous encourageriez pas à dire, par exemple, que les soins palliatifs devraient être majoritairement développés, par exemple, pour une offre à domicile versus une offre en établissement. Est-ce que vous avez une position là-dessus?

Mme Denis (Lise): C'est-à-dire que ce qu'on a fait avec le sondage CROP, ce que ça vient dire, c'est que un Québécois sur deux souhaite pouvoir, en fin de vie, obtenir des soins palliatifs à domicile. Et ça se comprend, compte tenu du fait que, pour mourir dans la dignité, on associe aussi... quand c'est possible, on associe aussi ce phénomène-là à finir auprès de ses proches dans notre intimité, dans nos choses, dans le fond. Et je pense qu'il y a un effort bien important à mettre pour les soins palliatifs à domicile, qui sont très limités à ce moment-ci.

Mais, quand Dre Sidorowicz parle d'une organisation de services, c'est que tout ça est complémentaire, parce qu'il va arriver que même du domicile la personne ait à faire certains épisodes en milieu hospitalier, par exemple, hein? Et donc autant, je pense, qu'il faut tendre, oui, à augmenter et à mettre beaucoup d'efforts sur le soin palliatif à domicile, autant je pense qu'il faut s'assurer que la gamme de services est complète et que les services entre eux sont bien coordonnés. Il y a des services à domicile aussi qui se font à partir du milieu hospitalier, en entente avec le CSSS. Donc, c'est... tu sais, je ne pense pas qu'on puisse découper ça au couteau. En même temps, je pense, notre conviction profonde et ce que le sondage dit, c'est: Allons massivement vers des services de soins palliatifs à domicile, c'est clair, mais ne faisons pas que ça.

Mme Hivon: J'aborderais maintenant la question de l'euthanasie. Je comprends très bien que vous ne prenez pas position, mais vous allez comprendre du fait de votre expertise, un peu comme mon collègue d'Orford l'a abordé, pour nous c'est important de vous poser certaines questions si, lorsqu'on va se retrouver à regarder tout ça globalement, on devait envisager une certaine ouverture.

Est-ce que vous voyez un rôle, je dirais... En fait, dans les pays où c'est actuellement permis, comme en Europe, par exemple, ce sont généralement deux médecins qui doivent donner leur avis, le médecin traitant étant impliqué aussi. Il y a l'avis d'un psychiatre pour évaluer l'état psychologique de la personne. Il n'y a pas, comme tel, de comité national, de comité local ou de comité à l'intérieur de l'établissement qui est, comme tel, chargé de regarder, par exemple, chaque demande. Si on devait aller de l'avant, est-ce que vous pensez qu'un modèle où c'est entre les mains de deux ou trois médecins serait à privilégier ou si vous pensez qu'il faudrait qu'il y ait intervention de comités soit... là, vous y avez fait un peu référence tout à l'heure, mais à l'intérieur de l'institution ou, je dirais, locale ou même nationale? Et est-ce que vous voyez un rôle à jouer par les comités d'éthique?

Mme Denis (Lise): À ma connaissance... Puis je vais laisser après ça docteure... la parole à Dre Sidorowicz. Mais, à ma connaissance, dans les autres pays, les commissions nationales interviennent après le fait et non pas avant. Ce dont on parle ici, c'est: Avant l'évaluation, comment est-ce que ça doit se passer et quelle articulation on doit se donner dans un établissement avec des normes nationales? Mais ce à quoi on réfère quand on parle de la commission nationale, c'est la vérification qui est faite par les commissions nationales sur: Est-ce que le geste a été conforme, dans le fond, à l'ensemble des critères qui étaient définis? Et là, ce qu'il faut parler, c'est avant le fait. Puis j'inviterais peut-être...

Mme Hivon: ...situe en amont, avant.

Mme Denis (Lise): Oui, d'accord. O.K.

**(10 h 50)**

Mme Sidorowicz (Ewa): Si je peux juste compléter la réponse à l'autre question, excusez-moi, vous avez soulevé un point important, c'est le fait que les soins palliatifs entrent dans le traitement du patient, même s'il est encore en traitement actif. Je pense que ça a été souligné dans le mémoire puis je pense que c'est un élément qui est très important, parce que le drame souvent qu'on voit, c'est que ce n'est pas abordé et que ces patients-là se retrouvent dans nos urgences avec des soins palliatifs qui n'ont pas été abordés. Je voulais juste... parce que c'est un élément qui est très important dans la discussion.

Et je pense que, bien, comme j'ai dit tantôt, il y a une réflexion à faire sur... Si jamais on en arrive là, je pense qu'il faut regarder un peu ce qui se fait ailleurs et comment est-ce que c'est encadré. C'est sûr que, pour un patient individuel, j'ai de la difficulté à penser qu'on ferait une commission pour chacun des patients. Donc, on devra se donner une façon de faire. Le médecin traitant, évidemment, c'est le médecin qui est sur place avec son patient. Est-ce que le deuxième médecin, le psychiatre, est-ce que ce seraient des gens qui auraient une expertise particulière et qui seraient... par exemple ils auraient une formation particulière et que ça serait partagé par RUIS, qu'il y aurait quelques médecins qui auraient cette expertise-là qui pourraient aller faire des consultations auprès d'établissements? Ça serait peut-être une modalité de ce genre-là, parce que je ne suis pas certaine que dans tous les établissements nécessairement, petits et gros, surtout peut-être plus petits, il y a nécessairement toute l'expertise qu'il faut pour répondre à ces questions-là.

Donc, en tout cas, là, je m'avance un peu, je ne suis pas sûre qu'on était tout à fait rendus là. Mais j'oserais penser qu'évidemment le médecin traitant est très important là-dedans mais que l'expertise qui serait demandée serait vraiment neutre et viendrait peut-être d'un regroupement qui serait mandaté par RUIS pour regarder la question. Je vous lance ça comme ça sans vraiment avoir parlé avec mes collègues ici.

Le Président (M. Kelley): M. Potter.

M. Potter (Alex G.): Mais fondamentalement on n'est pas en mesure de répondre à ces questions-là parce qu'on n'a pas fait d'étude. Une fois que la loi est annoncée, on va revenir en commission parlementaire puis on va vous donner un mémoire aussi bien fait que le nôtre aujourd'hui.

Le Président (M. Kelley): Merci pour l'offre. Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Mesdames messieurs, merci beaucoup pour cette contribution à nos échanges. Sûrement qu'à la rédaction de votre mémoire vous avez pu constater toute la complexité de ce débat et l'importance. Alors, on apprécie d'autant plus votre contribution.

À la page 5 de votre mémoire, quand vous parlez du testament de vie, vous dites dans le troisième paragraphe que, si jamais il y avait une loi, «cette loi devrait notamment préciser quelles sont les personnes qui peuvent rédiger un testament de vie». Je suis contente, moi, de vous entendre parler du testament de vie, mais j'aimerais aussi vous entendre parler des personnes inaptes. Qu'est-ce qu'on fait pour ces gens-là et comment on traite de la question pour être en mesure de leur assurer des droits?

Mme Denis (Lise): En fait, quand on pense... quand on parle ici du testament de vie, habituellement, le concept, c'est que la personne est en mesure effectivement d'exprimer ses volontés, donc est en mesure même de faire évoluer ce testament-là selon l'évolution de sa situation.

Du côté des personnes inaptes... Et je dois dire que, quand on regarde au Manitoba et en Alberta, là, ça devrait... c'est vraiment... le testament de vie est vraiment destiné à des personnes qui sont... à être fait par des personnes qui sont aptes. O.K.? L'inaptitude, on la traite vraiment par le mandat d'inaptitude. Et puis, bon, je pense qu'on pourrait... tu sais, ça mériterait sûrement peut-être des réflexions supplémentaires effectivement mais dans le mandat d'inaptitude ou la curatelle, hein, c'est... Et c'est là qu'il faudrait peut-être voir quelle évolution aussi doit se faire de ce côté-là.

Mais je pense que, pour le moment, quand on parle d'un testament de fin de vie, il est plutôt réservé, je dirais. Puis, quand on en parle ici, c'est sûr qu'on s'est inspiré de ce qui se faisait, Manitoba, Alberta. Mais je devrais dire... je dois dire que c'est peut-être une question sur laquelle il faudra...

Le Président (M. Kelley): M. Gervais.

M. Gervais (Michel): J'ai dirigé un hôpital psychiatrique pendant huit ans et demi. Donc, le cas des personnes inaptes était monnaie courante, disons, c'est-à-dire que l'hôpital psychiatrique, essentiellement, traite des gens en espérant qu'ils vont retourner dans leur milieu après un séjour qu'on espère le plus bref possible, mais il reste qu'il y a un certain nombre de personnes qui ne peuvent pas bénéficier d'un retour dans la communauté et qui donc demeurent une partie de leur vie en hébergement et en soins à l'hôpital psychiatrique. Et beaucoup de ces personnes... un certain nombre de ces personnes sont déclarées inaptes, et à ce moment-là intervient la Loi du curateur public, à moins qu'il n'y ait un curateur privé qui soit désigné. Et la façon de traiter ces questions-là, c'est par les niveaux de soins, ce qu'on appelle les niveaux de soins. Donc, de concert avec les proches, on détermine si, par exemple, on va réanimer la personne en cas d'arrêt cardiaque, si on va la gaver. Et je crois que l'attitude générale du Curateur public, c'est plutôt de ne pas faire de chose extrême ou extraordinaire mais de faire en sorte que la mort se fasse bien. C'est l'étymologie du mot «euthanasie» qu'on réserve, si vous voulez, pour quelque chose de plus spécifique qui, à mon avis, est assimilable au fait de tuer quelqu'un. Ce n'est pas ça, là, mais on s'assure que la personne meurt bonnement ou bellement, dans la dignité. Mais, avec une personne donc qui ne peut pas donner un consentement valide, c'est la Loi du curateur public qui entre en jeu.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Une dernière question pour ma part. Vous avez soulevé, dans votre mémoire, la question de la formation. Il y a des gens ici qui sont venus, qui sont venus intervenir, qui travaillent en soins palliatifs et qui disent que toute cette dimension des soins palliatifs devrait faire partie d'une formation initiale. Vous avez parlé tout à l'heure d'une expérience où vous avez fait un transfert d'infirmières, ce qui fait qu'elles reviennent dans leur milieu de travail avec une sensibilisation.

Est-ce que vous êtes d'accord avec cette affirmation? Et est-ce qu'à votre avis ça devrait toucher tous les types de professionnels ou, de façon particulière, un certain nombre de types d'intervenant en santé?

Mme Denis (Lise): Je pense d'abord qu'il faut dire que, oui, on est d'accord pour que les professionnels dans la santé, hein, on parle des médecins, des infirmières, psychologues, travailleurs sociaux, je pense qu'on peut parler aussi d'autres types de professionnels d'appoint, qu'ils devraient avoir dans leur cursus universitaire un temps dédié à la formation aux soins palliatifs. Il y a déjà pour certains types de professionnels, mais c'est minime, tu sais. On pense aux médecins, il y a déjà certaines heures, mais ce n'est pas... en tout cas ça n'apparaît pas suffisant, compte tenu de l'ampleur maintenant du phénomène. C'était peut-être tout à fait adéquat il y a 10, 15 ans, mais aujourd'hui je pense qu'on ne peut plus passer à côté de ce type de formation là pour l'ensemble de nos professionnels, y compris en milieu d'études.

J'ajouterais cependant que, dans ce domaine-là comme dans d'autres domaines reliés à la santé, les choses évoluent, et il est important qu'il continue à y avoir des formations d'appoint, du transfert de connaissances. Il y a des gens aussi qui sont venus dire comment la recherche était importante là-dessus. Oui, mais, quand ça donne aussi des... quand on a des résultats, il faut transférer la connaissance. Et actuellement nos centres hospitaliers universitaires ont ce mandat-là et font un certain nombre de choses à cet égard-là. Mais je pense qu'il faut réussir à l'intensifier et donc à garder ce souci de formation continue mais s'assurer qu'à la base il y a quelque chose qui est fait.

Je ne sais pas si madame...

Une voix: Tout à fait d'accord.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Moi, j'aimerais savoir: Quand vous parlez de chambres de soins palliatifs, est-ce que les maisons comme Michel Sarrazin ici, à Québec, moi, dans la Beauce, j'ai Catherine de Longpré, est-ce qu'ils font partie du nombre de chambres de disponibles?

Mme Denis (Lise): Oui. Oui, tout à fait. Ils sont inclus dans les ratios, là, O.K., actuels et souhaités.

M. Grondin: Puis de quelle façon que vous voyez, là, tous les bénévoles, les proches aidants, plusieurs... Je sais que dans mon comté c'est comme ça, ça doit être comme ça dans plusieurs comtés. Il y a plusieurs groupes de personnes qui se... le Groupe d'accompagnement Jonathan qui accompagne les familles, qui accompagne... Comment est-ce qu'ils sont perçus? Est-ce qu'il y en a... Est-ce qu'ils ont des formations? Est-ce qu'ils font bien la job?

Mme Denis (Lise): Ah, je vous dirais que les groupes d'entraide, les groupes bénévoles, les organismes communautaires sont indispensables à la livraison, je dirais, de ces services-là. Je pense que c'est difficile à l'heure actuelle pour les maisons de soins palliatifs, hein? Je pense qu'en termes de financement, en termes de recrutement, ce n'est pas facile pour eux.

Par ailleurs, les bénévoles jouent un rôle indispensable. Je pense que, quand on parle de formation, il faut associer aussi nos bénévoles à des activités de formation. Je pense que c'est indispensable pour accompagner correctement les personnes. C'est déjà très méritoire que d'accepter de donner de son temps, mais je pense qu'il faut qu'il y ait un minimum de formation de donné à ces personnes-là.

M. Gervais (Michel): Lise?

Mme Denis (Lise): Oui.

Le Président (M. Kelley): M. Gervais.

**(11 heures)**

M. Gervais (Michel): M. le Président, je pense que, lors des soins palliatifs, les bénévoles sont effectivement très importants. C'est le cas à Catherine de Longpré, c'est le cas à La Maison Michel Sarrazin. Mais je ferais attention pour qu'on ne dise pas: En somme, les soins physiques, c'est une chose puis c'est le système de santé, puis les soins palliatifs, c'est le bénévolat. Les soins palliatifs doivent faire partie intégrante de l'ensemble des soins et services de santé, et on a besoin particulièrement du bénévolat là, mais on en a besoin aussi dans les autres secteurs. Je pense au secteur de la santé mentale où j'ai oeuvré pendant près de 10 ans, et c'est un secteur où, si on n'avait pas les organismes communautaires, on serait très mal pris. Parce que, pour assurer, par exemple, l'intégration des personnes dans la société, leur retour au travail, leur retour dans leur milieu de... dans le système d'éducation, on a besoin non seulement des appareils, je dirais, du système, mais on a aussi besoin de bénévoles.

Et c'est vrai aussi dans le cas des soins palliatifs, imaginez-vous, l'aide des proches, l'aide de gens qui ont vécu l'expérience, c'est très précieux, mais je ne voudrais pas qu'on... puis je pense que l'AQESSS ne voudrait pas qu'on considère ça comme quelque chose de supplémentaire par rapport au système de santé et qui relèverait uniquement du bénévolat. Et donc ça veut dire que le financement des activités de soins palliatifs doit être regardé au même titre que le reste. Ça fait partie de la vie, en quelque sorte, la mort.

M. Grondin: C'est beau. Mais je... Une petite question.

Le Président (M. Kelley): Une dernière courte question?

M. Grondin: Moi, ce que j'écoute, là, de ce que vous avez... je n'ai pas votre mémoire ici en main, là, mais je vois que... Est-ce qu'on devrait mettre beaucoup d'accent sur le testament de fin de vie? Est-ce que vous pensez... Bien, toutes les personnes qui sont aptes, là, de faire un testament de fin de vie, est-ce que ça aiderait grandement, pour vous, la prise de décision quand il arrive des situations...

Mme Denis (Lise): Je crois que oui. Je pense que... Dans le fond, il faudrait inviter la population à faire ce genre d'exercice, à se poser la question, à faire ce genre d'exercice et à consigner, dans le fond, par écrit leurs volontés.

Maintenant, je pense aussi qu'il faut que ça soit... ça a un caractère un peu contraignant, mais il faut surtout que le personnel des établissements s'enquière de: Est-ce que vous en avez fait un? Et ça, je pense que ça va aider.

Il y a des endroits... On évoquait, là, dans notre mémoire, là, l'exemple du CSSS de Saint-Jérôme qui a développé une façon de faire, de sorte que tous ses intervenants, si vous êtes soigné là, vont poser des questions, vont aider à remplir ce genre de choses là et que ça va dans le dossier du patient.

Nous, on pense... Puis des fois... On se disait même ce matin: Comme association, peut-être qu'on devrait regarder... Il y a d'autres places sûrement où des choses similaires se font et on devrait peut-être regarder à proposer quelques modèles, disons, et de s'assurer que c'est connu dans l'ensemble des établissements à tout le moins, mais je pense qu'après ça il y a quelque chose à faire au plan de la population comme telle.

Mme Sidorowicz (Ewa): Le... Oups!

M. Gervais (Michel): Dans le prolongement du travail qu'on a fait dans cette commission-ci, c'est exactement ce qu'on se disait. Peut-être que le rôle de l'AQESSS pourrait être de suggérer une façon de rédiger ce qu'on souhaite pour sa fin de vie, et que ça soit proposé aux gens assez tôt pendant qu'ils sont encore lucides, et tout. Et, moi, j'ai... Et puis aussi que ça comporte la possibilité de changer d'idée ou de retarder un peu les choses. Moi, je sais, quand ma mère est morte, le médecin lui a dit: Vous savez que vous allez mourir. Mais elle a dit: Oui, mais je ne suis pas pressée. Alors, elle avait beau lui dire qu'elle ne voulait pas des soins extraordinaires, le centre a tenu compte de ça puis ça s'est fait parfaitement.

Mme Sidorowicz (Ewa): Je rajouterais tout simplement...

Le Président (M. Kelley): Dernièrement, oui.

Mme Sidorowicz (Ewa): ...je rajouterais, c'est que ça serait très important, mais la qualité du document, c'est un peu comme un consentement éclairé, il faut que ça soit fait de façon éclairée par la personne. Donc, il y a comme une éducation à donner, et je pense que ça revient aussi au rôle des soignants d'accompagner le patient ou la population dans la rédaction de ce document-là. Donc, il y a un aspect pédagogique à la chose, et mieux c'est fait, plus c'est riche et plus, je pense, qu'il faut en tenir compte.

Le Président (M. Kelley): Il me reste à dire merci beaucoup pour votre contribution à notre réflexion. J'ai apprécié, M. Gervais, quand vous avez parlé de l'importance de clarifier les concepts. Je pense qu'on a un certain devoir pédagogique pour expliquer certains concepts à la population.

Alors, sur ça, je vais suspendre quelques instants, et je vais demander au Regroupement provincial des comités d'usagers de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 11 h 4)

 

(Reprise à 11 h 9)

Le Président (M. Kelley): Alors, notre prochain témoin sont les représentants... le Regroupement provincial des comités d'usagers, représenté par son président, Claude Ménard, et son directeur général, M. Pierre Blain. Alors, sans plus tarder, M. Ménard, la parole est à vous.

Regroupement provincial des
comités des usagers (RPCU)

M. Ménard (Claude): Alors, M. le Président, Mme la vice-présidente, membres de la commission, vous avez lancé, l'hiver dernier, un grand débat public sur les questions de fin de vie par le biais de votre commission spéciale sur mourir dans la dignité.

Le Regroupement provincial des comités d'usagers salue l'initiative du gouvernement du Québec d'avoir voulu consulter la population dans ce débat de fond difficile. Le RPCU reconnaît la compétence des membres nommés à cette commission et les assure de sa collaboration.

Effectivement, je me présente, Claude Ménard. Je suis le président du Regroupement provincial des comités d'usagers, également personne-ressource au niveau du comité des usagers du Centre Jellinek en Outaouais. Le Centre Jellinek offre des services en dépendance pour des gens ayant une problématique aux niveaux de l'alcool, des drogues, les médicaments et le jeu.

Je suis accompagné de notre directeur général, M. Pierre Blain. Dans l'assistance se trouve Mme Marielle Philibert, membre nouvellement élue de notre conseil d'administration et présidente du Comité des usagers du CHA de Québec.

**(11 h 10)**

Le Regroupement provincial des comités des usagers a un intérêt particulier dans ce débat, car il touche les droits des usagers et de ceux qui sont les plus vulnérables.

D'abord, un mot sur le regroupement provincial. Il est né de la volonté des comités des usagers et de résidents de se doter d'une voix pour les représenter. Notre mission est de travailler à améliorer la qualité des services offerts aux usagers du réseau de la santé et des services sociaux, et notre vision est de représenter l'ensemble des comités des usagers et de résidents, composés de membres bénévoles, compétents, professionnels et compatissants, soutenus par des personnes-ressources engagées.

Les comités des usagers et de résidents ont été créés en 2006 par l'adoption de la loi n° 83; il y en a 594 à travers tout le Québec. Le mandat du comité des usagers et des comités de résidents est d'être le gardien des droits des usagers. Ces comités doivent veiller à ce que les usagers soient traités dans le respect de leur dignité et en reconnaissance de leurs droits et libertés. Ils sont l'un des porte-parole importants des usagers auprès des instances de l'établissement. Le respect des droits des usagers, la qualité des services et la satisfaction de ceux-ci constituent les assises qui guident leurs actions. Ils doivent avoir une préoccupation particulière envers les usagers les plus vulnérables et travailler à promouvoir l'amélioration des conditions de vie des personnes hébergées.

Le RPCU est le porte-parole des comités des usagers et de résidents de tous les établissements de santé et de services sociaux au Québec, qu'ils soient publics, privés, conventionnés ou autofinancés. Nous représentons les comités afin qu'ils participent au grand débat au même titre que toute autre association dans le domaine de la santé et des services sociaux.

Afin de préparer notre mémoire et de bien refléter l'opinion de nos membres, nous avons entrepris une vaste consultation sur la question auprès de tous les comités des usagers et de résidents du Québec. Dans un premier temps, un numéro spécial de notre journal a été préparé afin d'informer les membres sur le travail de la commission. Une série de questions ont été posées aux membres des comités des usagers et de résidents pour savoir si ce débat faisait partie de leur rôle et de leurs fonctions.

Le taux de réponse à notre sondage fut significatif et reflétait l'importance de cette question pour nos membres. Leurs réponses nous ont démontré que les comités ont un rôle à jouer dans le débat et qu'ils se sentent concernés par ce dernier. De plus, nous avons proposé à un comité des sages de revoir le mémoire. Ces membres des comités proviennent de tous les horizons, ils sont représentatifs tant au niveau de l'âge, des communautés culturelles, religieuses et civiles; vous trouverez leurs noms dans le mémoire. Les comités représentant les premières nations ont également été consultés.

Notre intervention d'aujourd'hui sera sur un survol de notre mémoire et couvrira notre approche: l'humain avant tout, les ressources pour l'usager, et le respect de la volonté.

M. Blain (Pierre):«Avais-je le droit de le garder vivant à tout prix, par pur égoïsme?» Ce commentaire, tiré de la consultation faite auprès de nos membres, fait ressortir toute l'étendue de la question. La préoccupation première des comités des usagers et des résidents, et par conséquent du RPCU, est de faire en sorte que le respect de l'être humain ne soit pas oublié dans ce débat.

C'est dans cette optique parfois contradictoire entre le formalisme et le sentiment d'humanité que vont se définir les divers paramètres de notre intervention. Nous avons gardé d'ailleurs en annexe, nous ne l'avons pas inclus comme tel dans notre mémoire, tout un cadre légal qui a été revu et qui donne une partie, je pense, très importante... et qui est un travail qui a été fait par un stagiaire en droit de chez nous, Jimmy Marcotte.

Il faut garder à l'esprit que, peu importent les recommandations de la commission sur les moyens de fin de vie, les droits des plus vulnérables doivent être préservés. Pour ce faire, les dispositions mises en place doivent être minutieusement respectées pour éviter les risques de dérapage.

Il est évident qu'il faut considérer le dilemme de la législation des moyens de fin de vie d'un point de vue éthique et légal puisqu'il est question de l'importance de la vie et de la mort. De là naît une préoccupation particulière pour la dimension humaine de la part des comités des usagers et de résidents. Nous avons parfois l'impression que la loi oublie cette dimension. Malgré tout, c'est la loi qui sert à protéger les plus vulnérables; il ne faut donc pas la négliger. De là l'importance d'un cadre légal inséré à la fin de ce mémoire.

Est-ce qu'en tant que société nous pouvons légaliser les divers moyens de fin de vie? Le RPCU croit que oui. Les ressources limitées de notre système de santé doivent-elles être prises en considération sur ces questions? Non. Ainsi, bien que soit engorgé notre système de santé, nous devons donner priorité au côté humain de la question avant d'aborder des questions budgétaires.

Ce débat doit être avant tout un d'idées et doit se centrer autour de la place de l'humain dans les questions de fin de vie. Pour prendre une décision éclairée, la personne doit être bien informée. Cela pourrait se faire par le biais de trousses d'information qui seraient utilisées et transmises par les comités des usagers et des résidents et aussi autres intervenants à l'usager et à sa famille, car il ne faut pas oublier que la famille est aussi part à la décision dans beaucoup de cas. L'information dans ces trousses doit être neutre, fiable, complète et rédigée surtout dans un langage clair. La trousse doit être schématique afin que la lecture n'en soit pas trop complexe.

Nous recommandons donc que l'élaboration de cette trousse d'information soit sous la responsabilité gouvernementale, pour éviter tout dérapage, et que la même information soit accessible à tous. Les comités des usagers et de résidents pourraient en faire la distribution dans leur réseau, tout comme les autres intervenants du milieu.

Avant même de parler des conditions de fin de vie, nous croyons que des soins palliatifs appropriés devraient être mis en place. Avec un bon support afin de lutter contre la douleur, nous croyons qu'il serait plus facile avant de recourir à des interventions ultimes...

Nous sommes d'avis également que la trousse d'information ne sera pas suffisante. Il faudra aussi que des intervenants soient identifiés pour aider les personnes qui devront prendre une décision de fin de vie. Nous entendons par «ressources» des intervenants dans les domaines psychologiques et surtout dans les soins spirituels également -- parce qu'ils ont une formation spéciale. On doit recenser ces ressources et les utiliser au meilleur de leur capacité. Il est important que l'usager sache que ces ressources soient disponibles. Et, à nouveau, les comités pourraient être utiles pour acheminer cette information.

On attire également particulièrement l'attention de la commission sur l'importance des compétences et de l'impartialité et de la crédibilité des intervenants qui seront identifiés. Les usagers doivent pouvoir prendre une décision libre et éclairée. Par conséquent, ces ressources doivent faire l'objet d'une vérification complète afin qu'elles répondent en tout point à la conception de l'autonomie individuelle dans les questions de fin de vie.

On doit également tenir compte des conditions entourant le moment où les usagers devront prendre cette décision. C'est pourquoi nous croyons que l'usager devrait profiter d'un climat serein et que le manque de ressources du milieu hospitalier ne devrait pas influencer cette décision. L'usager aura besoin d'un lieu calme, serein, et encadré de la bonne façon.

Toujours dans la perspective de ne pas oublier la dimension humaine des moyens de fin de vie, l'usager devra pouvoir communiquer également ses angoisses avec du personnel compétent et avec sa famille. L'écoute adéquate peut mener l'usager à prendre une décision éclairée. De plus, l'écoute active démontrera un grand respect face à sa décision.

Il va de soi, bien sûr, que le RPCU privilégie la vie. C'est pourquoi nous croyons que les soins palliatifs, même en fin de vie, devraient être disponibles partout au Québec. Cependant, nous ne pouvons pas blâmer ou empêcher une personne d'abréger ses souffrances en fin de vie. Nous croyons que l'État doit légiférer afin de permettre à des usagers répondant à des critères précis de choisir seuls leur choix de fin de vie.

Nous parlons d'euthanasie et d'aide à mourir. Les comités des usagers et de résidents se sont prononcés clairement sur ces sujets. En ce qui a trait au suicide assisté, nous ne sommes pas prêts à prendre position à ce sujet, car le mot «suicide» dénote une charge émotive trop grande.

Dans l'optique que la commission recommanderait des moyens de fin de vie, le respect de la volonté des usagers devrait être primordial. Ce respect doit se faire autour de deux concepts, soit le testament biologique ou testament de fin de vie, et le consentement éclairé.

Le testament biologique ou fin de vie est le document qui exprime la volonté de l'usager dans les questions de fin de vie et d'inaptitude. Ce testament devra avoir été rédigé, selon nous, devant notaire à un moment où le testateur est lucide et apte. Celui-ci pourra être utilisé dans l'éventualité où le testateur deviendrait inapte. Ainsi, ses dernières volontés concernant sa fin de vie pourraient être respectées, même si la personne n'est plus en mesure d'offrir un consentement éclairé à un moment.

**(11 h 20)**

Pour que le testament soit valide, nous devons y retrouver une volonté claire et sans équivoque des désirs de l'individu. Un mandat donné en prévision de sa fin de vie ne peut être simplement interprété, puisqu'il sera utilisé en cas d'inaptitude. Présentement, la volonté d'un individu en fin de vie n'est souvent pas respectée puisque ses volontés n'ont pas force légale.

Voilà pourquoi nous adoptons l'approche notariée face à la conception de ce type de document. Qui plus est, nous croyons qu'un registre consignant tous les mandats donnés en prévision de fin de vie devrait exister afin de protéger la volonté des individus. Cela n'existe pas encore dans notre système juridique. Par conséquent, nous croyons que les dernières volontés seraient ainsi préservées.

Le consentement éclairé. Nous définissons le consentement éclairé comme étant l'aptitude qu'a l'usager de comprendre le caractère définitif de son choix. L'utilité du consentement éclairé est présente à deux niveaux. La première, c'est au moment où la création de son mandat en cas d'inaptitude. La seconde, c'est dans le cas où l'usager est apte et qu'il fait la demande de moyens de fin de vie. Dans les deux cas, l'usager devrait être apte à fournir un consentement éclairé. De plus, la personne qui reçoit la déclaration ou la demande doit pouvoir confirmer qu'il s'agit bien d'un consentement éclairé.

Dans l'approche humaine que nous préconisons, tout le soutien offert à l'usager doit tendre à lui procurer les outils nécessaires à prendre une décision libre et éclairée. C'est pourquoi nous estimons qu'un mécanisme doit être mis en place afin de l'éclairer dans son choix.

Nous croyons important de réaffirmer que cette décision revient entièrement à la personne. Pour ce faire, il ne doit y avoir aucune interférence dans sa décision, car ce n'est que son consentement libre et éclairé qui peut faire foi de sa décision.

M. Ménard (Claude): Comme nous l'avons dit, le Regroupement provincial privilégie la vie. Cependant, nous savons pertinemment que le simple fait d'avoir le choix peut réduire notre anxiété face à la mort.

Le regroupement croit donc que la commission devrait recommander des avenues afin de légaliser l'euthanasie et l'aide à mourir. Nous croyons que cela doit être fait dans le respect de l'être humain. Toute l'aide possible doit être accordée à la personne qui décidera de faire un choix.

Nous espérons que nos préoccupations sur l'humain, la vie et la mort ont réussi à éclaircir cette commission au sujet des moyens de fin de vie et sur les facettes humaines à considérer dans l'aménagement de ceux-ci.

De plus, nous recommandons: que, dans tous les cas, la dimension humaine soit au coeur des préoccupations de la commission; que la commission recommande au gouvernement de légiférer en faveur de la légalisation de divers moyens de fin de vie pour que tous puissent mourir dans la dignité, incluant l'euthanasie et l'aide à mourir; que le soutien de l'usager prenne une place de premier plan dans les questions de mourir dignement; que le ministère de la Santé et des Services sociaux mette en place des trousses d'information et que ces trousses soient distribuées dans tout le réseau afin que l'information soit uniforme pour tous; que tous les comités d'usagers et de résidents jouent un rôle actif dans la distribution de cette information; que des ressources en soins spirituels et psychologiques soient mises en place pour soutenir la décision de l'usager; que le ministère de la Santé et des Services sociaux prévoie un service d'accompagnement et d'écoute, autant pour l'usager que pour sa famille; que la volonté de l'usager soit respectée dans son entièreté, y compris après son décès; que soit admis légalement le testament de vie et qu'un régime particulier soit créé en faveur de celui-ci; qu'un registre spécifique à ces mandats soit créé afin que toute l'information soit disponible pour les divers établissements; et que soit établi un protocole pour la reconnaissance du consentement éclairé, autant dans le testament biologique que dans la demande formulée verbalement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Ménard. On va passer maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission, et je vais céder la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie: Merci, M. le Président. M. Ménard, M. Blain, d'abord, bravo pour votre démarche pédagogique puis avoir pris du temps et des énergies de consulter l'ensemble de vos membres, les comités d'usagers à travers la province. Bien sûr que les comités d'usagers et les comités de résidents également, qui relèvent du comité des usagers, sont bien présents partout au Québec. Et la loi, comme vous l'avez mentionné, oblige, aux établissements de santé et de services sociaux, de créer ces comités d'usagers et comités de résidents.

Vous avez donc, par cette situation, une relation de proximité, je vous dirais, avec les personnes en difficulté, mais particulièrement les personnes âgées de par le biais des comités de résidents, donc certainement beaucoup d'informations sur les attentes par rapport aux personnes qui vivent leur dernière étape de vie, leur étape de fin de vie, et ce qui m'amène à vous poser la question suivante.

Nous, les membres de cette commission, on a reçu évidemment beaucoup d'organismes, d'associations, de corporations qui sont venus nous présenter leur témoignage, on a reçu également des personnes, des individus, et plusieurs... ou, encore, un certain nombre nous ont mentionné que la demande comme telle de mettre fin à la vie de ces personnes-là ou encore les demandes d'euthanasie étaient exceptionnelles; c'étaient quelques cas. J'aimerais ça vous entendre sur ce constat-là par ces personnes-là, vous qui êtes bien présents dans les établissements de santé et de services sociaux.

M. Blain (Pierre): Pour vous répondre brièvement, j'ai été surpris, j'ai été surpris de la réponse des membres de nos comités. Parce que nous avons eu souvent deux types de réponses: nous avions la réponse du comité, mais nous avions également la personne qui répondait. Et c'est pour ça que nous avons trouvé si important de commencer notre mémoire par la citation: «Était-ce par pur égoïsme que je voulais le garder vivant?»

Il est peut-être possible qu'effectivement la demande dans nos institutions ne soit pas là, mais je pense que la réalité est tout autre. Je vais vous donner mon cas personnel: j'ai accompagné justement une tante aussi dans une démarche semblable. Bien sûr, elle était rendue à un moment donné de sa vie où il y avait un choix à faire, mais bien sûr elle ne voulait pas nécessairement le faire elle-même, mais bien sûr elle nous avait déjà parlé dans le passé et, quand le moment est venu...

Et c'est pour ça que, pour moi, je veux faire attention aussi, parce que plusieurs membres de nos comités nous ont téléphoné pour dire: Vous êtes pour l'euthanasie, vous voulez... pour la mort. Non, ce n'est pas ça du tout. Pour moi, l'euthanasie, c'est un accompagnement lent vers la mort. Et, au moment où on pense que c'est le moment le plus approprié, cette décision va arriver.

Tous les médecins vous le diront: Voulez-vous que votre tante ou votre mère, votre père soit confortable? La réponse, à partir de ce moment-là, est facile à dire. Il n'y a personne qui veut voir souffrir quelqu'un qu'il aime. Et par conséquent nos comités, dans leurs réponses qu'ils nous ont données, nous ont donné toute cette dimension émotionnelle, et elle se reflète un peu dans notre mémoire quand on parle de l'humain avant tout.

Donc, effectivement, possiblement que les institutions n'ont pas toute la réponse, n'ont pas des demandes formelles, mais je pense plutôt, de façon informelle, que tout le monde a ce genre de décision à prendre.

M. Chevarie: Je vais continuer...

Le Président (M. Kelley): Oui. M. le député.

**(11 h 30)**

M. Chevarie: ...et après ça je passerai la parole à ma collègue de Mille-Îles.

Nous avons eu, bien sûr, plusieurs témoignages, plusieurs mémoires des personnes qui sont venues nous dire qu'effectivement elles étaient plutôt dans une approche pro-euthanasie ou encore suicide assisté, mais également plusieurs personnes sont venues témoigner contre particulièrement l'euthanasie, sur la base, entre autres, du principe que la vie est sacrée et que, si éventuellement on légalisait l'euthanasie, il y aurait des impacts négatifs sur la société, sur les valeurs de nos sociétés. Et j'aimerais ça, là aussi, vous entendre. Comment est-ce que vous réagissez à ce genre d'argumentaire présenté par certaines personnes?

M. Blain (Pierre): D'abord, la première chose, c'est que nous avions fait une consultation. Nous avons un petit journal. Nous en avons mis d'ailleurs une disposition au président. Nous avons cru important d'abord de parler du vocabulaire. Quand on ne connaît pas vraiment le vocabulaire, il faut que ça soit bien clair, c'est quoi, le vocabulaire.

Mais là je vais vous raconter quelque chose d'autre, qui s'est passé aussi dans nos comités des sages. Le président vous l'a dit, nous avons aussi consulté nos comités des premières nations. Les comités des premières nations n'ont pas voulu que leurs témoignages apparaissent à l'intérieur, parce que, pour eux autres, la chose qui était la plus importante, ils avaient peur que la personne qui était pour poser l'acte perde son âme. Et c'est ça, je pense, qui est la chose la plus importante. Il ne faut pas que le système fasse en sorte qu'on pense perdre notre âme. Ce n'est pas le but. Le but est plutôt d'aider quelqu'un de vulnérable et qui est justement à un moment donné déterminant dans sa vie, bien sûr, parce qu'il faut qu'il réussisse aussi sa mort. On réussit sa vie mais aussi il faut réussir sa mort.

Moi aussi, j'ai des petits problèmes de santé. Ça m'est déjà arrivé d'avoir des pierres au rein. Peut-être quelques-uns d'entre vous ont été là: S'il vous plaît, soulagez-moi! N'importe quoi était capable. Mais je pense que le suicide assisté n'était pas la solution. Je pense que c'était plutôt briser les pierres avec... ou un médicament. Alors, il faut faire une distinction entre ce qui est traitable et ce qui ne l'est plus, rendus à un moment donné précis de notre vie.

M. Chevarie: Merci.

Le Président (M. Kelley): Avant de céder la parole, juste dans le même ordre d'idées, on a également entendu beaucoup de dérives, de dérapages. Ça va être une façon pour le gouvernement de faire des économies dans le système de santé, presque. J'exagère, mais à peine. Alors, vous qui représentez une clientèle très vulnérable, votre société, comment est-ce que vous réagissez à ces déclarations?

M. Blain (Pierre): Premièrement, je trouve ça effrayant qu'on pense ça parce que c'est tout le contraire. Nous, on demande qu'on rajoute des moyens, des mesures. Les soins palliatifs, l'AQESSS, avant, en a parlé plus adéquatement parce que ça fait partie de leur milieu, mais, nous, on pense bien sûr que les soins palliatifs doivent être développés, parce que justement, si on est capable d'accompagner et de faire en sorte que la douleur ne soit pas là, bien peut-être que la demande ne sera pas là, non plus, de mourir, parce que la mort va venir naturellement.

La même chose pour l'accompagnement avec des soins psychologiques et soins en santé, spirituels. Tout ça doit être mis en place. Si on met justement un consentement éclairé, il faut également qu'on explique. Le problème, c'est que, notre système présentement, on n'a plus le temps. On n'a plus le temps d'expliquer les choses. Et les comités des usagers, jusqu'à un certain point, sont là. Ça ne sera pas leur rôle, cependant, d'offrir un soutien psychologique. Nos comités ne sont pas formés pour ça. Ça prend des professionnels pour le faire. Mais il faut qu'on le mette en place. Donc, au contraire, je ne pense pas qu'on va réduire, à partir de ce moment-là. Au contraire, il faut qu'on développe de meilleurs services pour donner une gamme encore plus importante.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau: Bonjour, messieurs. Un premier remerciement, parce que je pense que vous êtes le premier regroupement à nous parler des premières nations. On se doit de reconnaître qu'au Québec on a plusieurs qualités de personnes, et chacune d'elles a des pratiques, qu'elles soient spirituelles ou morales, différentes. Donc, je suis heureuse de vous avoir entendus sur cette particularité-là de gens qui se prononcent de façon différente. Parce qu'effectivement, dans leurs façons de voir la spiritualité, la mort, elle a tout un autre significatif. Un merci là-dessus.

Un deuxième merci pour le questionnaire que vous avez passé parmi vos membres. Vous avez un journal fort intéressant. Ma première question reviendrait à ce document, c'est-à-dire quand vous dites que vous avez eu des réponses significatives.

M. Blain (Pierre): 40 %... environ 40 % de nos comités ont répondu.

Mme Charbonneau: Vous savez, dans ce comité, on aime la documentation. Je me demandais si vous aviez colligé... si on pouvait recevoir le total, dans vos réponses, juste pour nous donner une idée de votre 40 %.

M. Blain (Pierre): Oui. Vous avez raison. Et justement on a... on peut le quantifier. Le travail a été fait par notre stagiaire cet été, justement, où 95 % des comités étaient d'accord avec l'euthanasie et 56 % étaient contre le suicide assisté. Donc, oui, à ce moment-là, il nous fera plaisir de faire parvenir à votre commission ces données.

Mme Charbonneau: Merci, c'est gentil. Dans votre document, vous mettez...

Le Président (M. Kelley): ...Ménard, un complément de réponse?

M. Ménard (Claude): ...permets d'ajouter également, cette consultation-là, les chiffres qui nous sont rentrés, c'était dans un espace de temps très restreint, qui est de deux semaines. Puis c'est dans ce sens-là où on se dit: Bien oui, c'est une préoccupation de tous et de chacun. Et les gens se sont fait un devoir, en juin, de répondre à un sondage. On tente de faire un sondage auprès de la population en juin, juillet, est-ce que les résultats vont être semblables?

Mme Charbonneau: Je ne suis pas sûre. Et je pense que les derniers propos du directeur général, qui disait: On manque de temps, je pense que c'est la denrée la plus précieuse, le temps. Et, si vous en avez manqué, imaginez comment on a du plaisir, nous, de notre côté.

Vous avez mis une emphase particulière sur la définition des choses. Avant que vos membres répondent au questionnaire, vous définissez bien la sédation palliative, le refus de traitement, vous faites le tour de ça. Je vais vous demander de me faire une définition. La dimension... Je vais vous demander de me faire la définition de la dimension humaine de la loi. Vous me perdez un peu, puisque, pour moi, la loi est là pour justement pouvoir encadrer, mettre en place des choses pour l'humain que je suis. Donc, quand vous dites que la loi semble soit être perplexe ou éviter le principe humain, j'aimerais vous entendre sur ça.

M. Blain (Pierre): Pour moi, l'humain avant tout, c'est le respect de la personne. On a beau dire que la loi permet des choses, pour nous, avec le genre de document qui existe présentement, où en réalité, même si une personne fait un mandat d'inaptitude, il n'est pas respecté... Supposons que la personne n'est plus apte, à ce moment-là la famille peut changer d'idée, peut ne pas respecter ça. Alors, c'est à ce niveau-là où on pense que c'est important que l'humain soit là.

Donc, l'autre partie justement... Et c'est là où on a insisté qu'on ne prend pas une décision semblable... Bon, on appelle, bien sûr, notre famille puis on dit: J'ai... Est-ce qu'on dit ça clairement à quelqu'un: Je veux... à un moment donné précis où on est près de la fin? Non, je ne pense pas. C'est des choses qui doivent se présenter avant. Mais, si on n'a pas de débat, si on n'a pas ce genre de préoccupation là continuellement dans notre système où on parle de la volonté... La loi sur la santé, on vous l'a clairement indiqué, il y a 12 droits qui sont là. Bon, le droit de choisir, le droit de recevoir l'information, de consulter... Est-ce qu'ils sont respectés? Bien oui, en principe, mais en particulier, ça, c'est une autre paire de manches. Mais la dimension humaine, elle, doit faire partie... Quand on appelle pour prendre des renseignements puis que... pesez sur 1, pesez sur 3, bien là, la décision, bon... Et alors je ne pense pas que, dans le cas où on veuille, en fin de vie, faire des choses, qu'il faille peser sur 1 puis peser sur 3. Je pense plutôt qu'il faut qu'il ait une discussion avec des personnes qui vont être éclairantes, qui vont être éclairantes puis qui vont lui redire aussi: Tu as le droit de prendre cette décision-là, pas parce que... On va respecter ta décision. Tu as le droit de le faire si tu veux.

J'ai reçu des téléphones, moi, hier, parce qu'on en a parlé à notre congrès, et là des comités ont dit: On n'a pas été consultés. Bien, vous voyez, ils ont été consultés.

Mais là, ensuite de ça, c'est toute la charge émotive avec certains mots et c'est ça qui... Il ne faut pas banaliser les mots, mais plutôt il faut les expliquer. Il faut les expliquer exactement. Comme je vous ai dit, pour moi, l'euthanasie, là, ce n'est pas nécessairement un acte bien... Boum! Ce n'est pas le bourreau qui se met là. C'est plutôt un accompagnement et, à un moment donné, ça se produit dans le meilleur intérêt. Alors, je pense que c'est là, pour moi, quand je parle de dimension humaine.

**(11 h 40)**

Mme Charbonneau: Vous avez mentionné le principe du testament biologique ou du testament de fin de vie. Vous avez aussi, dans votre dernière intervention, parlé du mandat d'inaptitude. Malheureusement, vous n'êtes pas le premier à nous signaler que quelquefois le mandat d'inaptitude, comme le testament de vie, ce n'est pas quelque chose qui est tout à fait respecté. La famille peut faire une intervention, mais l'aide médicale aussi peut décider, par son propre chef, de prolonger la vie de la personne malgré que ce n'est point son choix. Par contre, et là vous me faites peur un peu, vous dites qu'on devrait passer par le notaire. En tant qu'usager, vous savez que, le notaire, il faut défrayer. Donnez-moi une autre idée pour mon testament de vie.

M. Blain (Pierre): Notaire, registre. Un registre quelconque...

Mme Charbonneau: Parce que l'ensemble de vos usagers n'auront peut-être pas le privilège et l'accessibilité. Ça fait que, pour moi, comme personne qui doit regarder des possibilités de mise en place de procédures, il faut que je sois capable de penser à cette qualité de personne là, qui n'a pas cette accessibilité-là.

M. Blain (Pierre): Vous avez tout à fait raison. Bien sûr, le document a été écrit par un juriste. Alors, on pense toujours à plus tard. Mais le même principe existe quand on subit une opération. C'est le médecin qui doit s'assurer du consentement de la personne. Et un double consentement. Un premier consentement et un deuxième consentement, souvent devant témoin. Donc, ça peut se faire de la même façon. Et je pense que, dans notre partie... deuxième partie, qui est un peu légale, quand on parle de consentement éclairé, on pourrait justement facilement ajuster ce genre de chose, non pas que ça se fasse de façon informelle, mais que ça se fasse plutôt par des personnes qui ont la compétence de recevoir. Donc, on pense, de façon générale, que le médecin, l'infirmière, a la compétence parce qu'il faut qu'il s'assure du consentement éclairé de la personne. Donc, effectivement, le même genre de consentement pourrait se faire et pourrait être mis en place. Mais il faut que ça soit consigné quelque part.

Le Président (M. Kelley): Ça va? Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Bonjour à vous deux. Merci beaucoup, M. Blain, M. Ménard, d'être avec nous. Je pense que vous avez une position privilégiée. Et, pour nous, c'est très précieux de pouvoir vous entendre, parce que vous êtes en relation avec tous ces comités d'usagers, donc normalement vous êtes un peu les yeux et les oreilles de ce qui se passe un peu partout. Et, pour nous, évidemment, c'est impossible de se déplacer partout et d'entendre tous ces gens-là. On a un bon échantillon, parce qu'il y a beaucoup de gens qui viennent nous voir, qui nous racontent leurs expériences à eux ou d'accompagnement. Mais je vous remercie du sérieux de votre démarche, du questionnaire que vous avez transmis, que vous avez fait dans des délais, oui, qui n'ont pas nécessairement été évidents. Puis je pense aussi qu'un 40 % de taux de réponse est sans doute un bon indicateur. Donc, merci beaucoup.

Je trouve intéressante votre proposition de trousse d'information, surtout que vous vous donnez de l'ouvrage, parce que vous dites que ça pourrait être les comités d'usagers qui en soient un peu les dépositaires et ceux qui la distribueraient. Je veux juste bien comprendre ce que vous y voyez, dans cette trousse-là. Vous y voyez l'ensemble des informations sur, par exemple, ce qu'est un consentement libre et éclairé, le refus de traitement, l'acharnement thérapeutique, ce qui pourrait aller éventuellement jusqu'à l'aide médicale à mourir, s'il devait y avoir une ouverture, le testament biologique. Jusqu'où ça va, pour vous, la trousse d'information?

M. Blain (Pierre): Je pense que, la première partie, il faut que l'usager comprenne effectivement les implications et les possibilités qu'il peut avoir. Tout tourne toujours alentour du consentement éclairé. Et c'est ça qu'il faut qu'on explique. Et ce qu'on explique... le consentement éclairé fait partie, de toute façon, du Collège des médecins... Tout le monde a sa version. Pourquoi qu'on n'en a pas une également pour l'usager? C'est celle-là qui manque présentement, on dirait, dans le système. Tout le monde ont la leur, mais l'usager, celui qui doit prendre la décision... Moi, c'est comme quand je suis à... Je suis là, là, je suis en train de prendre une opération, puis le chirurgien rentre, puis il dit: Voulez-vous avoir telle piqûre ou telle autre? Bien, celle qui va faire la moins mal, bien sûr. Mais, à partir de ce moment-là, il faut s'assurer que je comprenne pourquoi, quelle piqûre va me faire quoi, puis quelle autre.

Donc, c'est le même chose dans le cas de fin de vie. Et c'est pour ça qu'on pense que cette décision-là ne se prend pas dans la dernière semaine avant la mort. Je pense que cette décision-là doit être une réflexion continue, qui doit faire partie également de notre système de santé. Parce que ça fait partie de notre système de santé, parce que c'est eux qui à la fin vont pouvoir le prendre.

Donc, d'abord un consentement éclairé et ensuite de ça enlever la charge émotive sur les mots. C'est correct, vous pouvez prendre cette décision-là, mais vous ne pouvez pas prendre cette décision peut-être toute seule. La meilleure des choses, il faut que vous consultiez déjà votre famille, il faut... On le sait très bien, qu'est-ce qu'il va se passer. On sait très bien le genre de discussion qui va être très émotive. Mais, nous, ça s'est passé dans la famille. Maman nous l'avait dit: Je ne veux pas d'acharnement. On a eu la chance qu'elle est partie comme ça. Mais, si ça s'était passé... Dans le cas de ma tante, ça a été autre chose. Mais, si on n'en avait pas discuté avant, si on n'avait pas d'outil, si on n'avait pas de campagne de sensibilisation... Parce que ça prend aussi des campagnes de sensibilisation. Ce n'est pas juste parce qu'on est malade qu'on... ça doit faire partie de ça. Il faut avoir cette réflexion-là continue. Donc, il faut que ça soit bien réfléchi.

Mais, nous, ce qu'on pense, cependant, il faut que ça soit neutre, comme information. Il ne faut pas que ça soit influencé par différentes valeurs qui n'ont rien à voir avec la décision que la personne... Et surtout on ne veut pas qu'on culpabilise la personne qui aurait à prendre une décision. Ce n'est pas le cas, je ne pense pas, déjà. Et c'est pour ça qu'il faut que ça se fasse avant. Il faut que ça soit neutre. Il faut que ça soit simple. Il ne faut pas que ça soit le document bureaucratique en 52 pages du ministère de la Santé qui va nous expliquer supposément ça. Non. Ce n'est pas ça. Il faut que ça soit un outil de communication utile, et efficace, et complet.

Le Président (M. Kelley): M. Ménard, un complément de réponse.

M. Ménard (Claude): ...permet d'ajouter, je pense qu'avec la société qui est de plus en plus multiculturelle, je pense que, dans cette trousse-là, il va falloir amener chaque être humain, chaque usager en lien avec une réflexion personnelle, là, autant culturelle que spirituelle aussi. Est-ce que, un, je vais accompagner quelqu'un qui a une allégeance catholique de la même façon que je vais accompagner quelqu'un au niveau d'une allégeance, exemple, musulmane? Est-ce que, un, on est prêt à ça? Et c'est dans ce sens-là qu'il faut en quelque part apporter cette réflexion-là au niveau de chaque individu, en disant: Oui, tu as le droit. Tu as le droit de ton côté humain, et en même temps l'implication de tout le volet, là, spirituel qui rentre en jeu. Alors, dans ce sens-là, la neutralité, je pense qu'elle va être, là, très importante.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée.

Mme Hivon: Oui. Vous dites... Je trouve ça intéressant parce que vous faites une distinction claire entre euthanasie et suicide assisté. Pour moi aussi, il y a une distinction fondamentale, et je ne suis pas surprise de voir que la majorité de ceux qui se sont prononcés seraient pour l'euthanasie et non pour le suicide assisté, parce que l'euthanasie, comme on la conçoit, comme on l'a définie, c'est vraiment quelque chose qui se passe davantage dans le contexte médical. Donc, c'est vu, pour les gens qui en parlent ou qui le demandent, comme un peu un prolongement des soins en fin de vie, alors que le suicide médicalement assisté, c'est plus une décision, je dirais, individuelle qui peut être hors du cadre médical, quelqu'un chez lui, tout ça, mais qui aurait pu obtenir une prescription, et tout ça.

Alors, je veux bien comprendre quand vous dites que vous évacuez la question du suicide médicalement assisté parce qu'il y aurait une charge émotive trop grande. Est-ce que vous pouvez expliciter là-dessus? Est-ce que c'est un peu comme je le conçois, parce que, pour vous, ça se passe en dehors ou pas nécessairement en lien avec le contexte médical, ou c'est pour des considérations sur le suicide dans la société en général?

M. Blain (Pierre): Oui, vous avez raison. Nous, ça va dans le même sens que celui que vous venez d'identifier, parce que... Comment dirais-je? Pour nous, justement, une personne, au niveau de l'euthanasie, ça va se passer déjà dans un contexte médical. C'est un prolongement, dans le fond, des soins, si je puis dire, et c'est pour ça que... Pour moi, c'est une prolongation. Alors que, dans le cas du suicide assisté, ça veut dire plutôt: On me dit que je n'ai plus de possibilité de survivre. J'ai six mois, un an et je prends ma décision immédiatement de partir plutôt que de tomber dans d'autre chose. Et c'est pour ça que je vous dis qu'il peut y avoir d'autres moyens qu'on peut donner, comme les soins palliatifs, justement. L'exemple nono que je vous ai donné de mes pierres au rein peut arriver à ça. Mais il s'agit plutôt de montrer que nous sommes capables aussi de prolonger et de montrer aussi l'humanité des choses.

**(11 h 50)**

Mme Hivon: Avant de céder la parole à ma collègue, peut-être une dernière petite question plus générale. J'ai dit, d'entrée de jeu, que vous étiez privilégiés et précieux pour nous du fait que vous êtes en lien avec autant de comités d'usagers et donc d'usagers. Ma collègue disait tout à l'heure qu'on est toujours un... Bien, en tout cas, elle ne l'a peut-être pas dit exactement comme ça, mais on est toujours un peu surpris, puis vous l'avez réitéré, quand on entend que les directives anticipées de fin de vie, ou les mandats, ou les testaments ne sont pas vraiment respectés. Je comprends que c'est votre position. Vous l'avez dit clairement. J'aimerais que vous me disiez si c'est quelque chose qui est une grande préoccupation chez les usagers.

Et l'autre volet par rapport à votre lien avec les usagers, c'est toute la question du soulagement de la douleur, de la souffrance en fin de vie. Est-ce que, dans les réponses qui vous ont été faites ou dans votre expérience, il y a encore des situations où il est difficile... où les gens vous rapportent qu'on a difficilement pu les soulager de leurs douleurs physiques ou de leurs souffrances morales ou existentielles?

M. Blain (Pierre): Je pense que c'est la base de notre mémoire. C'est un peu ce que nous avons reçu, effectivement, le fait que... Est-ce qu'on a vraiment les mesures mises en place dans notre système de santé pour faire en sorte que les gens puissent... on puisse atténuer leurs souffrances? Je pense que... Parce que c'est la première préoccupation de tout le monde. C'est ça qu'ils nous ont dit. On veut plutôt faire en sorte que les souffrances soient atténuées. Et je ne pense pas que le système était vraiment en mesure de le faire, présentement. Alors, c'est dans ce sens-là que, oui, il y a une préoccupation de nos comités, il y a une préoccupation des usagers. Est-ce que je vais souffrir? Personne ne veut souffrir. Par conséquent, il faut qu'on ait, à ce moment-là, les moyens pour atténuer la souffrance. Et, à partir de ce moment-là, peut-être que la question ne se posera même pas, en bout de ligne. Je pense que c'est un peu ça.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. Écoutez, plus on en entend et plus on écoute des groupes comme les vôtres, qui viennent nous expliquer leurs positions, je vais vous dire, au moment où je vous parle, je ne prendrais peut-être pas une décision claire, moi non plus, demain matin, là. Et, quand je regarde les questions que vous avez posées à vos usagers, dont une qui disait: Qu'est-ce que vous pensez du suicide assisté?, et qu'on vous répond à 55 % contre... Je vois dans votre mémoire que vous dites que votre regroupement n'est pas prêt à prendre une position, parce que le mot «suicide» dénote une charge émotive trop grande. Et je vous comprends de ne pas aller aussi loin que ça maintenant. Le mot «suicide» en soi fait peur, d'accord?

Par contre, quand on regarde les définitions des sédations qu'on donne, palliatives, terminales, est-ce que dans votre... c'est les usagers que vous entendez? Entendez-vous ce que, moi, j'entends souvent: Bien, on le fait déjà? On le fait déjà. La personne, on lui donne une sédation palliative, donc elle ne souffre plus, elle n'a pas de douleur -- ce qu'on souhaite, tout le monde, on n'aime pas voir souffrir personne -- et elle est inconsciente. Puis, la sédation terminale, on ne la donne pas... Comme des médecins nous ont dit, on ne donne rien pour tuer, pour enlever la vie, mais on sait pertinemment que la personne va demeurer inconsciente jusqu'à la mort, donc n'est plus alimentée, on ne fait plus d'acharnement sur elle.

Et, je vous dis, hier midi, j'étais dans un salon funéraire. Le père d'un de nos amis est décédé. Et j'ai demandé de quelle façon il était décédé. Il a un cancer. Six mois plus tard, ça a dégénéré très, très vite. Il a 79 ans. Il ne veut pas mourir. Au départ, c'est un non. Il n'a pas signé de papier comme quoi je veux mourir. Et, quand on lui a demandé: Est-ce que vous voulez qu'on continue à vous accompagner -- parce que la douleur était plus intense -- il a répondu: Je ne veux pas d'acharnement. On l'a pris, on l'a amené aux soins palliatifs, et la sédation qu'on lui a donnée l'a mené à la mort trois jours plus tard.

Or, la question qui tue: Est-ce que vraiment on ne le fait pas, d'une certaine façon, mais que jamais un médecin va admettre. Il ne veut pas tuer quelqu'un. Il l'aide doucement à passer ailleurs. Alors, ça revient au même. Et je l'entends tellement, là. Parce que, vu qu'on est en commission, on en parle, les gens nous en parlent. On a des liens avec des citoyens et citoyennes qui ne sont pas prêts de mourir, là. Vous autres, vous l'avez avec les usagers. Alors, ma question est celle-là: Est-ce que, d'une certaine façon, on ne joue pas un peu dans ça présentement, tout en se protégeant, en ne disant pas qu'on va jusqu'à tuer quelqu'un? Parce qu'on ne veut pas le faire, mais le résultat est le même.

M. Ménard (Claude): Je trouve intéressante la question. Je pense que c'est toute une question de définition. Le mot «euthanasie», le mot «suicide» fait peur. Ma conjointe est décédée à l'âge de 43 ans. Lorsque le cancer a été découvert, le 15 de janvier, et que le 3 mai de la même année elle est décédée, mes deux enfants, Chantale, de 18 ans, et Cédric, de 16 ans, ont compris le sens de l'accompagnement, une fois qu'on s'est assis avec eux autres et le médecin et où on a expliqué clairement c'est quoi, les différentes possibilités, c'est quoi, les choix qui appartiennent à votre mère, c'est quoi, le choix qui appartient à ta conjointe. Et je pense que c'est là où... Lorsque Pierre disait tantôt: Les gens nous appellent en disant: Écoutez, vous adoptez telle position. Mais, à partir du moment où on explique puis que les gens viennent à comprendre le sens qu'il y a en arrière de tout ça, les gens sont en accord. Et, oui, effectivement, je pense que, un, il y a un bel accompagnement actuellement, au niveau médical, dans le sens de soulager la souffrance que l'être humain peut vivre, et, oui, je pense qu'on est dans cette voie-là, actuellement.

L'utilisation de mots, oui, ça fait peur. Et comment on va en arriver à sensibiliser, à éduquer la population par rapport à l'utilisation du bon terme, je pense que c'est une éducation, c'est... je vais utiliser... c'est une job qu'on a à faire auprès de la population en alimentant tout le sens de l'euthanasie ou du suicide assisté, là.

Mme Champagne: J'ai une impression. C'est que les... beaucoup... Il y a des personnes qui officiellement sont venues nous dire: Dans l'état où je suis -- des personnes très lucides, là, et c'est quand même... c'est prenant, comme intervention -- moi, je veux avoir ce choix-là, parce que je n'accepte plus. Vous me voyez... Puis là les gens s'expriment, là, avec leur propre personne, là. Je peux le comprendre. Mais beaucoup de gens, une majorité, dans le cas d'une maladie... Vous parliez de votre épouse. Dans le cas peut-être du monsieur... de la personne dont je vous parlais, qui est décédé, là, il y a quelques jours, ce n'est pas une décision qu'il aurait prise d'avance, parce que personne ne veut voir venir la mort nécessairement avec une joie, là.

Or, il y a comme un malaise à savoir que, oui, il se passe un phénomène semblable, avec un refus... soit un refus total de soins -- ce qui est aussi rare, je pense -- de dire: Non, je ne veux plus rien, ou que de dire: Regarde, je ne veux plus souffrir, et que la médication fait ce qu'elle a à faire comme travail. Or, est-ce que les mots, vous venez de le dire vous-mêmes, ne sont pas plus heurtants qu'autre chose? Puis est-ce qu'on va en arriver à définir tout ça parfaitement? Je vais vous dire franchement, je pense que non, là, hein? Mais avec de meilleurs soins palliatifs, un accompagnement encore plus important, des gens qui ne souffrent plus, ils vont arriver quand même à la mort dans la dignité, sans nécessairement avoir demandé... Parce que ce n'est pas évident, dire: Je veux mourir. On peut dire ça à un moment de notre vie hors de nous, mais peut-être, quand viendra le temps, avec la petite injection, on dirait peut-être non, là. Alors, tout est dans les mots et dans les nuances, hein?

Et, oui, j'aimerais ça, moi aussi, avoir le résultat de toutes les questions que vous avez posées à vos gens. C'est quand même un gros pourcentage de gens qui vous ont répondu.

Alors, moi, ça répond... Si vous voulez réintervenir sur le fait qu'on a encore un bout à faire et que possiblement que les mots heurtants vont peut-être prendre une autre connotation, avec des explications qui vont avec... Mais, de là à dire: Je veux être euthanasié ou je veux me suicider, eh là là, que j'aimerais ça savoir le pourcentage que ça peut donner pour vos usagers qui ont eu à répondre à ça. Ce n'est pas évident.

**(12 heures)**

M. Blain (Pierre): Vous avez tout à fait raison, et c'est pour ça que, pour moi, «euthanasie», dans le fond, là, c'est un accompagnement. Ce n'est pas la petite piqûre qui arrive, c'est plutôt, dans beaucoup de cas, justement, effectivement, les soins qu'on rajoute et qui font en sorte qu'à la fin on part tout simplement... Pour moi, plutôt, c'est les autres mots qui sont encore plus chargés. Pour moi, «euthanasie», oui, on a cette connotation. On l'a. D'ailleurs, les définitions que nous avons là, c'est les vôtres. C'est celles qu'on a tirées de votre mémoire pour être sûrs qu'on parlait des mêmes choses. Mais, pour moi, l'euthanasie, justement... Et j'ai eu un téléphone, justement, encore hier, d'une personne d'un comité puis qui me disait: Bien, le médecin ne voulait pas justement faire en sorte... Bon, oui, il fallait qu'elle soit confortable, mais, non, il ne voulait pas faire en sorte qu'elle ne meure pas de cause naturelle. Bon, alors... Donc, il ne voulait pas. Ses convictions l'empêchaient de. Bon, alors, c'est là. Il ne faut pas que nos convictions nous empêchent de. Il faut plutôt que la volonté de la personne soit... et de la famille. Je pense qu'à un moment donné, quand on est inapte, il faut que ce soit la famille aussi.

Le Président (M. Kelley): Alors, il me reste à dire merci beaucoup, premièrement, pour l'offre de partager les résultats de votre sondage. On a pris bonne note. On a également trouvé l'idée d'une trousse d'information... Parce qu'il y a même les médecins des soins palliatifs qui ont dit qu'il faut introduire la notion des soins palliatifs plus tôt dans le traitement, que ça n'arrive pas à minuit moins une, mais que plus tôt dans le processus d'une maladie qui risque d'être terminale on introduise ces notions. Alors, je trouve, votre idée d'une trousse d'information peut être utile pour voir les chemins que la maladie peut prendre et... Et avant tout pour toute l'humanité qui a animé votre présentation ce matin, je pense que c'est également apprécié par les membres de la commission.

Sur ce, je vais suspendre nos travaux... après la période des affaires courantes, vers 15 heures cet après-midi. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

 

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on va continuer notre journée. La Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité reprend ses travaux. Je vais rappeler le mandat de la commission. La commission est réunie afin de procéder à la consultation générale et aux auditions publiques sur la question de mourir dans la dignité.

Cet après-midi, on a une demande d'intervention suivie par deux individus qui ont déposé un mémoire. Alors, juste pour rappeler les règles du jeu: pour une demande d'intervention, ça va être une présentation de 15 minutes suivie par une période d'échange avec les membres de la commission d'une durée de 15 minutes. Pour les deuxième et troisième groupes, ça va être 15-30, si vous me suivez, dans le partage du temps.

Alors, sans plus tarder, je vais... Deux mots de bienvenue à Mme Guylaine Morin qui a fait une demande d'intervention. Mme Morin, la parole est à vous.

Mme Guylaine Morin

Mme Morin (Guylaine): Merci beaucoup. M. le Président, les députés et membres de la commission, je vous remercie de me permettre de témoigner aujourd'hui sur ce sujet si délicat qu'est l'euthanasie des enfants nouveau-nés handicapés et gravement malades.

Le gros lot. Vous serez peut-être surpris d'apprendre que, dans ma famille immédiate, il y a six personnes handicapées. On dit souvent qu'on a eu le gros lot. Certains diraient que le destin s'est acharné sur nous. Pour nous, la réalité de vivre avec une personne handicapée fait partie de notre quotidien. Parmi ces proches, il y a trois adultes, deux adolescents et un enfant. Tous ont un retard intellectuel et certains ont des troubles de motricité. J'interviens auprès de la commission pour venir exprimer mon expérience familiale et comment je perçois l'euthanasie des nouveau-nés ayant un handicap ou gravement malades.

Donner et accueillir la vie. Quelle joie habite les couples et les familles qui attendent impatiemment l'arrivée d'un enfant! Déjà avant sa conception, les couples désirent profondément donner la vie, donner leurs vies. L'enfant est le signe de leur amour l'un pour l'autre. C'est comme s'ils voulaient donner ce qu'il y a de meilleur d'eux-mêmes en offrant la vie. Durant la grossesse, les parents anticipent déjà les ressemblances physiques, intellectuelles, spirituelles ou artistiques de leur enfant. Il devient la prolongation d'eux-mêmes. Lors de l'accouchement, tous les futurs parents désirent vivre un moment parfait; douleur et joie s'entremêleront en attendant de voir la binette de ce petit être en devenir. Le rêve des parents est d'accueillir un enfant en bonne santé et parfait. Il devient le roi ou la reine de la famille où le meilleur lui sera donné.

Des imprévus. Mais voilà, l'accouchement n'est pas toujours comme on l'avait pressenti. Des complications apparaissent et viennent anéantir les rêves d'un enfant parfait du point de vue physiologique, intellectuel et génétique: manque d'oxygène, malformation physique, certaines déficiences d'organe interne, cardiaque, cérébral, d'autres à teneur intellectuelle, surdité, cécité, etc. Tant de choses sur lesquelles nous n'avons pas de pouvoir. Les rêves tournent en cauchemar devant l'accueil d'un enfant gravement malade ou handicapé. La joie d'accueillir cet enfant tant désiré fait place maintenant à l'angoisse de le perdre et à l'inquiétude d'une santé fragile. Joie et angoisse s'entremêlent. Les couples qui choisissent d'avoir des enfants sont habités d'un profond désir de la vie. Quand une complication survient au cours de la grossesse ou à l'accouchement, c'est l'inquiétude et l'angoisse qui les guettent.

La performance, valeur intrinsèque du XXIe siècle. Notre société actuelle insiste beaucoup sur la perfection, la performance et le pouvoir que l'on peut obtenir. Les enfants en devenir deviennent aussi un terreau propice à l'implantation de ces valeurs. Dès leur jeune âge, ils sont inscrits à une multitude d'activités afin qu'ils soient parfaits. Les parents voient déjà leurs progénitures comme des champions ou des héros. Ils sont encore au biberon, que l'on anticipe ses qualités et ses talents. Des chercheurs québécois ont d'ailleurs rapporté que les enfants et les adolescents sont victimes d'une surcharge d'activités parascolaires qui feraient d'eux des jeunes performants et parfaits. Ce constat est de plus en plus remarqué au Canada. Tout serait ainsi réduit à des apparences de force et de réussite. Mais, voilà, les enfants vivant avec un handicap ne seront possiblement jamais performants. Peu d'entre eux vivront une surcharge d'activités parascolaires, alors que la plupart connaîtront une surcharge de rendez-vous médicaux hebdomadaires.

Euthanasier les nouveau-nés handicapés ou eugénisme. En regardant l'histoire, nous constatons qu'à l'automne 1939 Hitler lançait un programme d'euthanasie pour les personnes handicapés mentaux et physiques de l'Allemagne nazie. On les surnomme à l'époque les inutiles de la société. Hitler signe personnellement et secrètement l'autorisation de mettre en place l'opération appelée Projet T4, directement avec le chef de la chancellerie du Führer, Philipp Bouhler, et avec son médecin personnel, Karl Brandt. En trois ans, 70 000 à 90 000 personnes handicapées seront tuées et certaines des technologies en expérimentation seront utilisées pour exterminer les Juifs. À cette époque, nous parlions d'eugénisme.

Plus près de nous, en 2006, le Collège royal des obstétriciens et gynécologues britanniques préconise l'euthanasie des nouveau-nés nés prématurément et souffrant de graves séquelles, plutôt que des soins intensifs jugés trop chers et trop lourds pour les parents. Toutefois, l'opinion publique n'appuie pas cette position. Pourtant, aux Pays-Bas, le Dr Pieter Sauer encourage les pédiatres à passer à l'acte de façon officieuse. John Wyatt, consultant en néonatalogie du Collège universitaire de Londres, réplique alors en exprimant que la majorité des professionnels de la santé estiment que, entre guillemets, «tuer intentionnellement ne relève pas de la médecine».

Curieusement, ici, nous parlons de tuer les nouveau-nés et les personnes handicapées. Avec les années, le mot «eugénisme» se transforme et s'adoucit pour devenir «euthanasie». Serait-ce pour nous faire oublier le drame qui s'y joue? Ne sommes-nous pas en face d'un désir de société de vouloir tout épurer? Donner la mort restera toujours un acte dramatique où l'accueil et la dignité de l'autre sont bannis et anéantis.

Risque de dérapage. Le danger d'une approche thérapeutique qui passerait par le suicide assisté ou l'euthanasie est le manque de discernement, l'abus de pouvoir sur l'autre, l'influence des gens de l'extérieur, le sentiment d'être de trop et d'être un fardeau pour la famille ou la société.

Dans le cas de naissance d'un nouveau-né handicapé ou gravement malade, est-ce que le personnel médical offrira systématiquement le choix entre les soins néonataux, de laisser l'enfant mourir de façon naturelle ou l'euthanasie? Et, si le personnel ne le fait pas, les parents pourront-ils les poursuivre, puisqu'ils ne l'ont pas fait et que maintenant ils regrettent d'avoir un enfant qui demande autant d'énergie et de soin?

Qui ne nous dit pas que viendra un temps où les tests génétiques seront faits dans les premières heures de la naissance pour euthanasier des enfants qui souffriront plus tard et qui demanderont des soins plus grands de la part des parents?

Qui aura la charge d'écrire une loi où le parent et l'enfant auront les mêmes droits de dignité et l'accès à la vie? Où se situera la ligne d'éthique que le monde médical se donnera? Et nous, en tant que société, quelles seront nos valeurs d'avenir?

Un jour, une personne handicapée aura la brillante idée de poursuivre ses parents pour lui avoir donné les soins néonataux qui lui ont permis de vivre. Une compensation financière sera alors demandée pour le tort qu'ils lui ont apporté en ne l'euthanasiant pas après le diagnostic médical.

Comment un parent, qui donne la vie, pourra-t-il donner la mort à cette vie tant désirée? Voilà une question de bon sens où émotion et rationalité ne font pas bon ménage.

Viendra maintenant le moment où les personnes handicapées demanderont le suicide assisté parce qu'ils auront l'impression qu'ils en demandent trop à leurs parents et à la société, qu'ils n'ont plus personne pour s'occuper d'eux depuis le décès de leurs parents.

En instaurant l'euthanasie des nouveau-nés handicapés, est-ce qu'on n'installera pas en même temps une handiphobie, la phobie des personnes handicapées, pour ceux qui sont bien vivants?

Si ces nouveau-nés sont considérés à leur tour comme des êtres inutiles et non désirables dans une société de performance, n'y aura-t-il pas un danger de créer un mépris et une répulsion face à leur présence dans la société?

**(15 h 20)**

Pourquoi offrir un accommodement raisonnable aux gens d'ailleurs, ayant une culture religieuse ou sociale différente de nous, si nous ne pouvons offrir un accueil chaleureux aux personnes handicapées ou gravement malades qui sont des nôtres?

Notre perception d'une société idéaliste passera-t-elle par l'élimination des personnes embarrassantes, comme les personnes handicapées, gravement malades, quel que soit leur âge?

Quelles valeurs voulons-nous transmettre à toutes les générations: l'accueil de tous et chacun ou le mépris et l'intolérance de l'autre parce que trop différent?

Vous êtes-vous déjà arrêtés pour penser pourquoi plusieurs familles se sentent dévisagées quand elles sont avec leurs enfants handicapés?

Les parents et la fratrie. Les parents qui accueillent cet enfant voient leur rêve s'effondrer, mais aussi naît l'espérance d'un enfant à aimer malgré tout, même imparfait. Il devient le défi des soins néonataux et les parents démunis désirent lutter pour sa survie. Toute la famille espère que la vie aura préséance sur la mort. C'est une double lutte à la survie, celle de l'enfant et celle du parent qui l'accompagne.

Devant un regard bien souvent de pitié et d'impuissance de notre société, de nombreux parents ont peur de craquer. Ils auraient pourtant besoin de percevoir un message fort de la société qui rappelle que toute vie, même affaiblie, a du prix à ses yeux et que certains... ne sont pas une solution et ne doivent pas en être. En tant que société, sommes-nous capables d'investir dans l'accompagnement du parent qui vit avec un enfant handicapé ou gravement malade? Les familles hors des grands centres sont appauvries en ressources réelles. Celles-ci existent-elles vraiment pour entendre ces familles démunies et désemparées? Trop souvent, le couple bascule et se brise, laissant à l'un comme à l'autre le poids d'une souffrance non soutenue. Pour bien des couples, c'est l'épreuve: ça passe ou ça casse.

De plus, quand un membre de la famille souffre, c'est toute la famille qui souffre. Oui, la famille, parce que les frères et les soeurs de ce petit enfant sont aussi affectés par cette arrivée déconcertante et troublante. La mort et le handicap d'un nouveau-né les affectent beaucoup et créent en eux la tristesse, l'inquiétude, du stress et l'angoisse.

Pour avoir vécu avec une soeur handicapée toute mon enfance et mon adolescence, je peux vous assurer que pour la fratrie, ce n'est pas toujours facile. Les parents investissent beaucoup de temps, d'énergie, d'attention, de soins à l'enfant malade, et ce, parfois au détriment des autres enfants. L'affection, l'attachement et l'amour d'un parent sont à la base de l'estime de soi et de la construction d'un enfant. Il sera donc important de se pencher sur tous les membres de la famille pour leur offrir les soins physiques et psychologiques appropriés pour vivre et prendre soin d'un enfant handicapé ou malade.

Les difficultés d'intégration. La recherche et les avancées en néonatalité ont apporté beaucoup d'espoir aux parents. Des petits et des grands miracles s'opèrent chaque jour au grand plaisir et soulagement des parents et de la famille. L'enfant malade ou handicapé reçoit des soins médicaux appropriés. Le Regroupement de la Trisomie 21 constate que, malgré toute l'énergie déployée par les parents, il reste encore des obstacles de taille comme l'intégration et les services dans les écoles, les milieux de garde, les logements, etc. C'est une lutte quotidienne. Rien n'est acquis. Des combats sont menés par les personnes malades et handicapées ainsi que leurs proches. Ils souhaitent être reconnus dans leur aspiration à pouvoir enfin vivre en société sans discrimination. Pourtant, ne serait-ce pas là un des fondements mêmes de la démocratie?

Écouter la souffrance. Avons-nous une culture de la proximité, de l'accueil? La loi ne devrait-elle pas être là pour protéger les personnes et régler la vie en société, au lieu de faire office de thérapie individuelle? Comme société, sommes-nous capables d'entendre cette souffrance au lieu de vouloir éliminer la personne souffrante? Est-ce bien l'euthanasie de ces enfants que certains parents désirent ou tout simplement du soutien dans leur vie quotidienne? Ont-ils les services adéquats pour permettre leur développement et leur soutien vers une certaine autonomie, spécialement en région? Se pourrait-il que l'euthanasie soit la revendication des personnes bien portantes qui anticipent une fausse souffrance en les regardant vivre avec un handicap? Se pourrait-il qu'ils ont peur de vivre, de perdre leur propre autonomie et le pouvoir sur leur vie? Parfois, c'est seulement la honte qui nous empêche de dire: J'ai besoin d'aide. Se pourrait-il que certaines personnes soient trop égoïstes pour offrir leur soutien et leur amour à une personne différente? La performance de la société serait-elle une pierre d'achoppement au don de soi?

Au-delà des apparences, la majorité des personnes handicapées aiment la vie, la vie que nous leur offrons. Ils savent qu'ils sont aimés et sont capables de se laisser aimer. C'est à nous de faire en sorte que leur qualité de vie soit facilitée. Pour ce, il serait intéressant de commencer par créer des résidences pour les personnes et aînés handicapés et non les héberger avec des personnes de 90 ans non autonomes. Est-ce un milieu de vie souhaitable? Leur espérance de vie avoisinait les 25 ans en 1980 et aujourd'hui de plus de 50 ans. Mais l'adaptation des services n'a pas suivi.

Autrefois, les mères étaient à la maison. Aujourd'hui, certains parents doivent quitter leur emploi pour prendre soin de leur enfant qui est sorti du système scolaire à 21 ans. S'ils choisissent de garder leur emploi, ils devront mettre en famille d'accueil leur jeune adulte handicapé, spécialement en région, ou l'envoyer dans un centre de jour qui peut être à plus de 50 kilomètres de la maison. Faut-il être riche pour s'occuper d'un enfant handicapé devenu maintenant adulte?

Regard d'avenir. Une société qui interdirait toute fragilité serait mortifère. N'a-t-on pas quelques enseignements à en tirer? Ces personnes ont une simplicité désarmante et aiment sans contrainte. Elles nous apprennent à revenir à l'essentiel: être aimés et non pas avant tout accumuler des savoirs et des avoirs. Il y a des trésors qui ne s'amassent qu'avec le coeur.

Certains auront plusieurs raisons de demander l'euthanasie pour ces jeunes qui requièrent beaucoup d'énergie, de temps et de ressources financières pour les élever. Nous désirons toutefois vous exprimer que l'amour est plus fort que les souffrances et que le coeur d'une mère et d'un père ne pourra éviter d'être affligé par la perte d'un enfant tant désiré. L'euthanasie et le suicide assisté sont de fausses solutions au drame de la souffrance humaine. Seul marcher avec l'autre, avec amour, est à la hauteur de notre humanité. Là est la vraie dignité.

Conclusion. Je demande donc à cette commission d'interdire l'euthanasie des nouveau-nés handicapés ou gravement malades et de toute personne handicapée. Je souhaite plutôt que la société québécoise devienne plus compatissante, accueillante et solidaire pour ces personnes et ces familles; qu'elle propose un soutien physique, psychologique et spirituel nécessaire pour faire le deuil d'un enfant en santé et pour mieux vivre en famille avec un tel enfant; qu'elle se laisse humaniser par les plus fragiles de la société afin d'être plus ouverte aux autres pour un meilleur vivre-ensemble; qu'elle considère ces personnes comme des cadeaux, même s'ils sont mal emballés, comme disait si bien Jean Vanier; qu'elle leur donne toute la dignité qui leur revient par le courage et la détermination qu'ils nous enseignent.

Finalement, je souhaite que la société québécoise devienne un exemple mondial dans sa manière de prendre soin des plus faibles, spécialement les personnes handicapées et gravement malades ainsi que leur famille.

M. le Président, les députés et membres de la commission, merci d'avoir pris le temps d'écouter mon témoignage.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Morin. On a un petit peu dépassé le temps. Alors, je vais demander aux membres d'avoir les questions les plus précises possible. Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau: Je vais tout de suite m'excuser, M. le Président, puisque je ne serai pas brève, je vais m'allonger un peu.

Pas toujours facile d'écouter un témoignage comme le vôtre, je le précise au départ. Probablement aussi, si vous avez suivi la commission dans ses travaux, vous avez vu que différents regroupements sont venus nous parler, entre autres le Mouvement Personne d'Abord qui est venu, avec des gens qui sont mal emballés, nous faire des témoignages pour nous parler de leur vécu de jeunes adultes, de gens qui sont sur le marché du travail, en appartement, dans une forme d'autonomie, qui sont venus nous dire: Avant tout, on est des personnes.

Vous faites bien de nous rappeler que le deuil de l'enfant parfait, il arrive partout, que ce soit un problème langagier, un problème physique, un problème psychologique ou mental, il y a là des grands deuils à faire. Et, comme parents, le défi, c'est de les mener à terme pour leur donner une autonomie pour qu'ils puissent être des gens qui contribuent.

**(15 h 30)**

J'espère que vous avez bien compris que cette commission parlait de la fin de vie, pas de son début, pas de son milieu, mais de la fin, quand la maladie ronge le corps à ce point où on ne peut soulager la douleur et que la personne nous demande de l'aider à y mettre fin, et non quand un parent le demande, pas quand un mononcle ou une matante le demande, mais quand quelqu'un, de sa propre autonomie, nous dit: J'ai assez vécu, j'ai fait le tour, je souffre, je suis fatigué, je veux passer à autre chose. La question n'est pas plus simple pour nous. Ça ne rend pas les choses plus faciles, mais ça fait en sorte que ça situe bien où se loge notre réflexion.

Ce que vous nous amenez comme réflexion de votre côté, c'est sur cette clientèle tout à fait particulière qu'on pourrait, dans un dérapage complètement fou, voir passer. Soyez conscients... Et j'espère qu'on sera suffisamment sûrs de nos propos pour vous assurer qu'on ne va pas vers ça du tout, du tout. On est vraiment sur la fin de vie et sur des demandes qui sont faites quelquefois à répétition et malheureusement, pour l'instant, ne peuvent être entendues. C'est une question qui nous appartient. Et je pense que les Québécois étaient prêts à l'entendre, du moins c'est ce que, nous, on en conclut, dans les gens qui viennent faire leurs interventions.

Maintenant, vous avez le privilège d'une expérience extraordinaire, puisque vous avez alentour de vous des gens qui ont de grands défis. Quelquefois, je pense que c'est nous qui avons plus de défis qu'eux, parce qu'ils nous semblent tellement heureux dans la simplicité des choses qui sont alentour d'eux. Et, nous, on complexifie les choses, hein? On aime ça quand c'est compliqué. C'est toujours le fun quand c'est compliqué.

On a beaucoup parlé du testament de fin de vie. Un testament de fin de vie, ça se fait quand on a toute notre tête, quand on croit qu'on a le droit de décider des choses. Nous, on a rencontré des gens qui ont dit: On a le droit de décider des choses. Malgré notre déficience intellectuelle reconnue, nous considérons qu'on a le droit de décider des choses. Je vous parle d'adultes qu'on appelle DI, dans notre langage à nous, donc déficients intellectuels. Vous en pensez quoi quand un enfant avec une déficience se rend à un âge adulte, devient quelque peu autonome, habite dans ce qu'on appelle une coop, puis il prend son autonomie tranquillement, puis adhère au quotidien, quand il dit: Moi, je suis suffisamment autonome pour penser faire un testament de fin de vie? Vous en pensez quoi, de votre côté?

Mme Morin (Guylaine): Moi, j'ai une soeur de 52 ans qui est handicapée intellectuelle, hydroencéphale et paralysie cérébrale. C'est très... C'est une grande inquiétude, premièrement, pour ma mère parce que: Quand je vais quitter -- elle a 75 ans -- quand je vais quitter, elle va aller où? Bon. Ça, c'est déjà une grosse question. Et Dany, quand je la regarde, elle est tellement aimée autour d'elle que je ne suis pas sûre qu'elle le demanderait, parce qu'elle est accompagnée. Et les personnes qui souvent vont le demander... parce qu'ils sont isolés. Je le dis dans mon texte, ces personnes-là sont isolées, ils n'ont plus personne qui... Ils ont l'impression d'être un fardeau. Où est-ce que je vais aller? Qui va s'occuper de moi? Et j'avais déjà demandé la question à un médecin: À quel âge que ma soeur va décéder? Savez-vous ce qu'il m'a répondu? Avant, il y avait une date, à peu près 25 ans, et aujourd'hui, quand la personne handicapée est aimée, elle a la même espérance de vie que nous. Donc, je crois que c'est à nous... bien, en tout cas, nous, les frères et les soeurs, à dire: C'est à nous à en prendre soin. C'est un don de soi, hein, il faut se dépasser.

Alors, les personnes qui le demandent, il faudrait peut-être se poser la question: Est-ce qu'on les a entendues? Est-ce qu'on a entendu leur souffrance, là, profonde d'être seules? C'est souffrant, la solitude. Alors, c'est... Je pense qu'il faut... Avant de passer à l'euthanasie, est-ce qu'on a écouté leur souffrance? Je commencerais par ça, moi. Puis après ça on regardera avec eux.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Bonjour. Merci beaucoup d'être ici pour apporter un témoignage très personnel. Je vais avoir une question, mais, un peu peut-être dans la même veine que ma collègue, je veux simplement vous dire que, dans le cadre du débat qu'on a voulu instaurer à la suite de différentes prises de position de différentes personnes qui nous ont interpellés, jamais il n'a été question d'avoir une réflexion sur le fait de pouvoir écourter la vie de personnes handicapées ou d'enfants handicapés qui pourraient être un trop lourd fardeau pour la société. Ce n'est pas quelque chose du tout -- je veux vous le dire pour qu'on soit bien clairs -- qui fait partie du mandat, et fort heureusement, parce que je pense, tout comme vous, que les personnes handicapées sont une richesse incroyable et que ce n'est pas le handicap qui doit déterminer quoi que ce soit dans notre vie, autant personnellement que socialement. Donc, je voulais vous rassurer là-dessus.

Et je voulais aussi vous dire que, de toutes les personnes qu'on a entendues à ce jour -- et je n'ai lu aucun mémoire non plus qui irait dans ce sens -- il n'y a personne, aucun parent ou aucun proche d'une personne handicapée qui a demandé qu'on envisage qu'il puisse y avoir des modalités pour que des personnes handicapées puissent voir leur vie écourtée à la demande d'autres personnes. Je pense que ce serait quelque chose d'absolument terrible et inimaginable. Donc, je voulais juste que ça soit bien clair.

Vous avez par ailleurs parlé des prématurés aussi dans votre présentation. Évidemment, les enfants prématurés, ce ne sont pas des enfants handicapés nécessairement, ils peuvent avoir différentes conditions qui vont les suivre pendant la vie. Mais certains luttent férocement pour leur vie et certains peuvent pratiquement être vus, dans certaines circonstances, comme étant en fin de vie, parce qu'ils viennent de naître, mais ils se battent tellement, et leur vie tient tellement juste à un fil qu'on ne sait pas ce qui va en résulter.

Est-ce que vous avez fait une réflexion à savoir... Il y a des cas où les parents font face à des choix très, très difficiles parce que les enfants, pour être maintenus en vie, doivent faire l'objet de traitements vraiment surspécialisés, sont branchés, sont sous des... toutes sortes de technologies, là, de plus en plus poussées, et les parents peuvent, à un moment donné, décider qu'ils ne poursuivent plus ces traitements démesurés parce que l'enfant risque de ne pas pouvoir survivre, d'avoir des séquelles terribles. Donc, ça, c'est des décisions qui se prennent, on le sait, dans nos hôpitaux quotidiennement, à savoir si les traitements extrêmes sont arrêtés, pour essayer de garder un enfant prématuré en vie. Est-ce que c'est quelque chose à quoi vous avez réfléchi?

Mme Morin (Guylaine): Vous allez être surpris, mais ma soeur a vécu cette expérience-là. Son bébé a vécu sept jours, et ça a été le dilemme justement de voir: Est-ce qu'on le débranche ou on ne le débranche pas? Et, pour eux, c'était: Est-ce que je tue mon enfant ou je ne le tue pas? Ou l'acharnement médical, jusqu'où on va? Et, à partir du moment que le neurologue les a informés que l'enfant était... aucune activité cérébrale... Bon, on leur a expliqué, c'est de l'acharnement médical si on continue. Puis, pour eux, là, on l'aimait tellement, ils l'aimaient tellement, cet enfant-là, ils voulaient le garder dans leurs bras. J'étais avec ma soeur quand son enfant est décédé, de sept jours. J'étais avec mon beau-frère. Donc, l'acharnement médical, j'ai juste... C'est vrai, émotionnellement on est pris.

Ma cousine me disait que, quand sa fille est née, on n'a même pas eu le temps de dire: Qu'est-ce qu'on fait? Ils ont pris l'enfant, sont partis avec, puis qu'est-ce qui se passe? Ils n'ont rien su. On ne leur a pas demandé, voir: Est-ce que, votre enfant, là, on lui... il n'a presque pas de chances de survie, même pas demandé: Est-ce qu'on fait de l'acharnement médical?

Et, à quelque part, il faut, je pense, former les gens à accueillir ces parents-là, écouter, les écouter avant -- expression très québécoise -- de garrocher le bébé aux soins de néonatalité. Mais il faut prendre le temps de discerner: Est-ce que cet enfant-là a des chances de survie ou bien si on s'acharne sur lui pour qu'il vive à tout prix? Parce que le désir du parent, il est là, il veut son enfant. Tu sais, on ne peut pas... On ne peut pas lui enlever, mais, à quelque part, il y a deux deuils à faire, soit le deuil du décès ou le deuil de l'handicap. Alors, je pense que la médecine, les médecins et les infirmières auront peut-être à apprendre à être plus proches des parents avant de s'acharner à tout prix, puis de dire. C'est ce qu'ils reprochaient: On ne nous dit rien. Alors, il va falloir se pencher là-dessus.

Mme Hivon: O.K. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Morin, pour votre contribution à notre réflexion comme commission.

Je vais suspendre quelques instants. Et je vais demander à Mme Geneviève Laplante de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 15 h 40)

 

(Reprise à 15 h 41)

Le Président (M. Kelley): Alors, nous avons suspendu, mais on va recommencer nos travaux. Je vais dire un mot de bienvenue à Mme Geneviève Laplante. Laplante, c'est un nom qu'on connaît bien à cette commission parce que notre secrétaire, c'est Mme Anik Laplante. Alors, je ne sais pas s'il y a des liens de parenté ou non. Mais bienvenue, Mme Laplante, devant nous. Vous avez un temps de parole de 15 minutes, suivi par une période d'échange avec les membres de la commission.

Mme Geneviève Laplante

Mme Laplante (Geneviève): Bon. Bonjour, M. le Président. Bonjour, MM. et Mmes les membres de cette commission. J'avoue que c'est avec une certaine timidité, que les lieux m'inspirent et que vos personnes m'inspirent, que je vais prendre la parole. Alors, si je bégaie, vous saurez pourquoi.

Est-ce que je fais bien de supposer que chacun et chacune ont pris connaissance du mémoire que j'ai envoyé? Bon. Alors, je ne vous en ferai donc pas la lecture, pour ne pas être redondante. Cependant, je compterai sur vos questions si quelque chose n'était pas très clair. Je me suis contentée... Du fait que j'ai présenté mon mémoire assez tôt, je crois que c'est en juin, et que le temps coule, que la réflexion continue, je me suis simplement appliquée, avant de passer à cette commission, à faire un certain résumé de ce que j'aimerais qu'on retienne. Remarquez que ce n'est pas pour les générations futures que je parle, hein, c'est pour vous, simplement. Bon. En fait, je vais vous lire un peu ce résumé, et je vous laisserai ensuite me questionner, si ça vous convient.

Je suis terrifiée à l'idée de mourir dans cette société indifférente aux autres, préoccupée de revenus et de rentes, incapable d'instruire ses enfants et de soigner ses malades. Me retrouver, un jour, incapable de veiller à mon propre bien-être par manque de lucidité, d'autonomie physique ou financière, éloignée du monde des vivants, quelque part entre la salle d'attente bondée du médecin et le cimetière, seule et inapte à réclamer ma délivrance, je crois que j'aimerai mieux mourir de ma propre main et à mon heure. Pessimisme ou lucidité? Je voterais pour la lucidité aiguisée par ce qu'on apprend tous les jours, ces horreurs qui méritent à peine un entrefilet, ces personnes proches de moi mortes d'une façon tout à fait innommable, l'une par prolongement indu de sa déchéance, l'autre, dans des souffrances terribles, pourtant évitables mais qu'on ne saurait interrompre sans passer en jugement.

Ce n'est pas en parlant des aînés plutôt que des vieux que la société prouve sa maturité, son évolution, son ouverture aux autres. Autrefois, ces vieux demeuraient jusqu'à la fin dans leurs maisons, sous leurs toits, entourés des leurs. Aujourd'hui, parqués dans un secteur d'hôpital où les visites des médecins sont aussi rares que celles des proches, en attendant la joie suprême d'avoir une place dans un vrai mouroir, où du moins on ne leur contestera pas le droit d'occuper un lit, et encore. Ces aînés, servis à la moderne, ont-ils le choix de vivre, si tant est que ça s'appelle vivre, ou de mourir?

La mort cérébrale, on la connaît, du moins théoriquement. On le sait que la personne peut sembler vivante mais que le cerveau ne fonctionnera plus, et ce, sans rémission possible. Alors, comment appelle-t-on la perte totale de toute lucidité comme dans l'alzheimer? Quand ma propre mère ne parle plus, ne me reconnaît plus, a désappris comment s'asseoir, comment manger, comment communiquer, comment se plaindre, moi, je prétends que c'est aussi une mort cérébrale et que seul un comité neutre, totalement neutre, peut mettre fin à cette vie qui n'en est pas une.

Avant de mourir dans la dignité, j'imagine qu'il serait normal de vivre dans la dignité. Or, que pensez-vous du bain hebdomadaire consenti à l'invalide qui est soumis au bon vouloir des autres? Est-ce traiter quelqu'un avec dignité que de ne pas lui donner au moins les mêmes soins qu'à un tout petit? Et qui oserait prétendre qu'un bain hebdomadaire suffit à un jeune enfant?

Cette commission jouera-t-elle un rôle positif dans cette société égoïste et consommatrice à outrance? Je le souhaite de tout coeur et l'espère tout autant. Mais, quand je sais qu'une personne mourante s'est vu offrir La Maison Michel Sarrazin par son médecin, mais que son conjoint et que ses trois enfants s'y opposent parce qu'ils veulent la garder à la maison jusqu'à la fin, moi, je dis que c'est une prise d'otage. Quand le vieil homme ou la vieille dame entre dans un foyer d'une sorte ou d'une autre, n'est-ce pas le plus souvent ses proches qui ont pris la décision? De même, les quelques menus objets qui garniront désormais sa chambre, ce seul espace qu'il lui restera, par qui donc seront-ils choisis? Que reste-t-il à celui ou celle dont la descendance n'a ni coeur ni entrailles? Le mouroir le moins cher, le plus surpeuplé, surtout le plus loin possible, car l'éloignement est la meilleure des excuses pour abandonner un vieux. Et, pendant que le système de santé se contente d'enregistrer les statistiques sur le vieillissement de la population, qui n'y peut rien si la plupart des gens vieillissent en même temps, on décrète qu'il est légitime que l'État aide les parents stériles à produire un enfant, que c'est un droit que d'engendrer, peu en importe le coût.

Pessimiste? Je le suis sans doute et vous en laisse juge, mais, moi, je sais que je suis terrifiée. Peut-être y a-t-il ici quelqu'un qui serait apte à me rassurer?

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Laplante. Alors, on peut passer maintenant à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vais céder la parole à Mme la députée de Hull.

**(15 h 50)**

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Laplante, votre message est très lucide -- vous demandiez si c'était pessimiste ou lucide -- en tout cas c'est mon opinion personnelle. Votre message est très percutant. Je pense que tout le monde devrait avoir accès à votre texte, parce que malheureusement le poids des mots est fort peu édifiant, mais très lucide, comme je le disais tout à l'heure.

Alors, c'est sûr qu'il y a certaines personnes... On a visité plusieurs villes, et il y a certaines personnes, qui sont à peu près de votre âge, qui nous ont livré des messages un peu similaires, qui étaient lourds de crédibilité. Et on peut voir aussi la sagesse derrière votre témoignage, parce que vous avez eu des personnes près de vous qui sont mortes de façon... de façon -- mon Dieu! je ne sais pas comment le qualifier -- difficile. Et j'ai beaucoup aimé aussi votre approche par rapport à l'éloignement qui est la meilleure excuse pour abandonner un vieux. Je pense que ça, il faut que tout le monde en prenne acte, de cette affirmation. J'ai personnellement travaillé dans un CHSLD et je comprends la réalité de votre affirmation.

Mais, là où je veux vous questionner -- parce que j'ai lu votre mémoire avec grand intérêt -- c'est à la page 3. Vous savez qu'il y a beaucoup de membres du personnel médical qui sont venus nous témoigner de leur position par rapport à cette commission, surtout par rapport à l'euthanasie, le suicide assisté, et ils semblent très peu enclins à autoriser une légalisation du suicide assisté et de l'euthanasie, parce qu'ils n'ont pas très confiance en leurs confrères. Et c'est là que l'on parle beaucoup de dérive et de pente glissante. Parce qu'on parle surtout de cas exceptionnels et on parle de légaliser, dans ce cas-ci, dans des situations où la personne aura pris la décision elle-même pour sa vie à elle. Et, vous, vous nous parlez, à la page 3, d'«un comité neutre, formé de personnel médical bien renseigné, sans aucun membre de la famille, serait [le] seul apte à juger de la conduite à tenir en fin de vie». J'aimerais vous entendre par rapport à la participation de ces médecins dans la prise de décision par rapport à la fin de vie. Puis, vous savez, c'est tous des cas particuliers, là. Chacun finit sa vie de façon différente, tout le monde a des valeurs différentes. Et je veux savoir dans quel contexte que vous verriez un tel comité oeuvrer dans les établissements de santé.

Mme Laplante (Geneviève): Voici. C'est que j'ai eu le malheur d'être la mère de ma mère, d'être curatrice de ma mère pendant 12 ans. J'aime à vous dire qu'elle n'a pas eu son mot à dire, et moi, à peine. Alors, j'en ai pris un soin jaloux, dans la mesure où c'était possible, où c'est possible de nos jours, où on doit quand même manger trois fois par jour, donc gagner sa vie. Je l'ai accompagnée du mieux que j'ai pu.

J'aimais profondément ma mère, et ce que je vais dire va peut-être vous choquer ou vous heurter, mais je dis qu'elle a été enterrée 12 ans après son décès. Quand ma mère a commencé à me présenter comme sa jeune soeur en me demandant des nouvelles de notre mère, qui était décédée en 1924, je me suis doutée qu'il y avait un problème. Et plus le temps a avancé... Je précise que l'autopsie a trouvé qu'elle était en phase 4, donc elle n'était pas à la dernière phase de l'alzheimer. Alors donc, ça aurait encore pu empirer, hein?

Mais il y avait beau temps qu'elle ne savait plus ni qui elle était, ni qui j'étais, ni ce qu'était le monde. Et, si je voulais l'amener faire une promenade, parce que je trouvais que c'était bon pour elle, elle avait peur des nuages. Comment faites-vous pour réconforter quelqu'un qui a peur des nuages? Et, quand j'ai vu ma mère, incapable de s'asseoir, dans un lit... dans un mouroir... Remarquez que le décor était fort joli, là. Ce n'est pas là-dessus que j'en suis. Il y avait un joli chapeau de paille à sa porte, et puis c'était ravissant. Mais c'était une momie que j'avais devant moi, une momie. Et, dès que je voyais maman grimacer le moindrement, mon rôle de curatrice me faisait dire: Augmentez la dose de morphine, parce qu'elle ne pouvait pas me communiquer quoi que ce soit. Quand je dis: Perdre la capacité de se plaindre, c'est ça que je veux dire.

Alors, moi, ce que je crois, c'est que le mandat en cas d'inaptitude, c'est sur la bonne voie, mais ça ne peut pas être suffisant. Je me donne en exemple pour une fois, ce n'est pas coutume. Je suis absolument contre tout traitement si j'étais malade, contre toute prolongation, contre toute réanimation, contre... Quand ma vie sera finie, j'estimerai que je l'ai bien remplie, et je partirai le coeur content. Bon. Mais, si la terrible hérédité fait que je suis atteinte d'alzheimer, mon opinion ne vaut plus rien. Mon avis ne vaut plus rien. Je deviens un objet entre les mains d'un système qui a prouvé qu'il est dépassé, surdépassé depuis des lunes. Et ça va aller en empirant, hein? Ne le dites pas au ministre de la Santé, ça va aller en empirant.

Et ce qui va aller en empirant, c'est le suicide des gens âgés. Cette espèce de... Je me dis: Bon, je suis bien, je pense, je n'ai pas encore tout à fait perdu ma cervelle, j'ai l'impression que ça va encore. Mais, quand je me mettrai à avoir oublié ceci, à oublier cela, à ne plus très bien savoir si c'était hier ou la semaine d'avant, je vous jure que je serai tentée par le suicide et que, tant qu'à parler de suicide, j'aimerais mieux qu'on parle du suicide assisté. Parce que, si j'avais la conviction profonde que le système de santé, que la société dans laquelle je vis, je suis née et que j'aime, si j'étais convaincue que cette société-là va me tendre la main et l'aiguille le moment venu, je n'anticiperais pas de deux, trois ou 15 ans ma mort. Mais je vous jure que ce sera la solution de bien des gens, je ne peux pas être la seule à penser comme ça.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée.

Mme Gaudreault: Oui. Complément de réponse. Je trouve ça très, très intéressant, on voit que vous y avez pensé longuement, à la fin de votre vie. Et vous n'êtes pas la première personne qui fait allusion à la maladie d'Alzheimer, parce que cette maladie-là terrorise pas juste vous mais bien des gens. Mais on nous a dit, des experts sont venus nous dire qu'il faut vraiment évacuer cette condition-là par rapport au sujet qui nous préoccupe, l'euthanasie, le suicide assisté, parce que c'est toujours dans un contexte d'aptitude, il faut que la personne soit apte à pouvoir prendre la décision par rapport à la fin de ses jours. Et vous avez mentionné toutes sortes de choses, qui sont probablement dans votre mandat d'inaptitude que vous avez déjà préparé, mais l'alzheimer n'est pas encore très bien identifié dans ce type de situation.

Mme Laplante (Geneviève): Mais c'est à mon tour de vous poser une question, je l'ai posée d'ailleurs dans mon mémoire. On sait tous ce que c'est que la mort cérébrale. On sait tous qu'à un moment donné la médecine baisse les bras puis dit: Il n'y a plus rien à faire. Le coeur bat, on peut encore récupérer des bons morceaux, hein, et puis prolonger et embellir la vie de certains vivants. Et je trouve ça parfait.

Quelle est la différence entre la mort cérébrale constatée par le médecin qui sait que j'ai passé sous une roue de voiture et la mort cérébrale que ma mère a connue? Quelle est la différence? Et, moi, ce que je voudrais, c'est qu'on arrive à élargir la notion de «mort cérébrale». C'est ça que je voudrais. Il ne suffit pas, on le sait, que le coeur batte pour être un vivant, hein? Alors, pourquoi est-ce qu'on a considéré que ma mère était vivante? C'est ça, ma question. Élargir la notion de «mort cérébrale». C'est tout.

Mme Gaudreault: S'il me reste quelque temps...

Le Président (M. Kelley): Oui.

Mme Gaudreault: Alors, moi, je vous ramène au comité neutre formé de personnel médical. Est-ce que vous croyez que ce sont ces gens-là qui devraient décider, répondre justement à la question que vous nous soulevez aujourd'hui?

Mme Laplante (Geneviève): Je serais tentée de vous dire: Pas n'importe qui, bien entendu. Quand je parle de gens neutres, je fais totale abstraction de la famille. Parce que, quand... Comme je le disais dans mon mémoire, c'est tout aussi malsain de se remettre entre les gens qui nous aiment trop qu'entre les gens qui ne nous aiment pas assez. C'est malsain et dangereux. Bon. Alors, moi, je pense qu'on met la famille de côté. Une fois n'est pas coutume, hein? Puis on n'est pas toujours dans le temps des fêtes, finalement. Et puis on demande à des gens qui ont une certaine expérience de vie, qui ont une certaine largeur d'esprit et qui savent que notre société n'évoluera que si elle accepte de changer. Ce n'est pas parce que ça se faisait il y a 100 ans que ça doit continuer comme ça. Ce n'est pas parce que... Oh non! on ne va quand même pas le tuer. Mais je ne parle pas de tuer, je parle de mettre fin à la vie, je parle de laisser les gens mourir librement.

J'ai perdu ma soeur le mois dernier et dans des conditions absolument abominables parce qu'elle était en soins palliatifs dans un hôpital où il n'y a pas de soins palliatifs. Comme c'est malheureux. C'est malheureux. Bon. Alors, on ne savait pas quoi faire d'elle. Alors, c'était l'Hôtel-Dieu de Montréal, qui n'est pas le dernier venu. Je ne veux pas avoir un langage excessif, mais j'aurais été malheureuse de voir mon animal domestique dans ce lit-là. J'aurais été malheureuse.

**(16 heures)**

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui, bonjour. Merci beaucoup, Mme Laplante, pour un témoignage visiblement très senti, très articulé, très décapant pour nous. Alors, je vous le dis comme je le pense. C'est important d'entendre des témoignages comme le vôtre comme je pense que c'est important d'en entendre qui sont à l'effet complètement contraire, parce que, nous, on est ici pour aller au fond des choses. Ce n'est pas un mandat qui est simple du tout. On s'en rend compte au fil des semaines qui passent, de la complexité très importante de la tâche qui est la nôtre. Mais c'est important pour nous d'aller au fond des choses et de retourner chaque pierre, puis je peux vous garantir qu'aujourd'hui vous nous amenez encore plus loin dans le retournement des pierres que l'on doit faire. Donc, pour ça, en soi, c'est très précieux.

Vous entrez dans un sujet qui est très difficile. En fait, vous parlez de manière générale de l'aide médicale à mourir... ou pas vraiment en ces termes-là mais de la fin des souffrances, ou d'abréger la vie, ou de permettre à quelqu'un de mourir librement. J'aurais des questions générales là-dessus. Mais, vu que vous entrez dans le sujet de l'alzheimer, je voudrais aborder ça peut-être un petit peu davantage avec vous parce que peu de personnes l'ont abordé, beaucoup parce qu'ils estiment que c'est trop complexe et que de réfléchir sur la question de l'aide médicale à mourir ou de l'euthanasie pour une personne atteinte d'alzheimer, ça pose des questions trop complexes, ce qui fait en sorte que plusieurs nous disent qu'on devrait mettre ça de côté, et je comprends que ce n'est vraiment pas votre position.

Moi, je veux savoir: Vous parlez de mourir librement, mais qu'est-ce qu'on fait quand une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer dans une phase très avancée n'a pas écrit de directive? Est-ce que c'est de mourir librement que de laisser cette décision-là -- c'est pour ça que je veux vraiment que vous clarifiiez votre pensée -- à une équipe autre qui serait en dehors de la famille et qui viendrait juger que cette personne-là, pour reprendre vos termes, est en état de mort cérébrale, en quelque sorte? Ce que je veux vraiment comprendre, c'est: Est-ce que, pour vous, dans un cas comme celui-là, la considération d'une aide médicale à mourir doit être précédée de directives anticipées ou pas nécessairement?

Mme Laplante (Geneviève): Évidemment, dans un monde idéal, tout le monde, tout le monde devrait avoir rédigé un mandat en fin de vie, un mandat en cas d'inaptitude et avoir exprimé ses choix, dans un monde idéal, comme on le fait plus souvent encore pour ses biens que pour sa propre personne, je crois bien. Bon.

Ce que je crois, c'est que... Je vous ai dit ce que je pensais de la famille, là. Ce n'est pas du tout la question de les dénigrer d'aucune façon. C'est que... Si je parle de neutralité, c'est que je ne suis pas une experte en médecine, moi. Et, quand j'étais curatrice de ma mère et que le médecin me disait: Vous savez, madame, vous prolongez sa vie en la laissant avoir de l'oxygène, je disais: Eh bien, retirez-le-lui. Ma mère a eu le bon goût de ne pas décéder le jour même. Bon, c'est bien, parce que... Mais je m'étais fait une règle d'or de me fier à la médecine pour ne pas avoir, moi, en conscience, à choisir le moment ou à décider du décès de ma mère, ce qui me paraît totalement impossible, impossible. Je ne suis pas un être à part, là. C'est impossible de décider ça.

Mais, oui, je suis prête à m'en remettre à un comité. D'ailleurs, du temps de la curatelle de ma mère, on avait des rencontres multidisciplinaires où le pharmacien, où les éducatrices, où les aides-soignantes avaient leur mot à dire, tout comme moi, et puis ça avait la même valeur. Moi, en fait, je n'avais pour argument que l'amour que je portais à ma mère, c'est tout. C'est vraiment peu quand on décide de la vie et de la mort de quelqu'un.

Je reviens là-dessus. Une personne, vous m'avez dit, en phase avancée d'alzheimer? Je crois qu'elle n'aurait pas dû se rendre là.

Mme Hivon: Vous savez que les spécialistes... bien, vous ne le savez peut-être pas, mais des spécialistes de la maladie d'Alzheimer sont venus nous dire que, pour eux, c'était vraiment, vraiment difficile de concevoir, de dire: À partir de tel moment, il n'y a plus de qualité de vie, que les proches peuvent penser que cette personne-là ne les reconnaît plus, qu'elle n'est plus capable de parler, qu'elle n'a plus aucune appréciation de la vie mais qu'on n'est pas capable de savoir, parce que les recherches ne sont pas assez avancées, ce que cette personne-là à l'intérieur peut ressentir et s'il y a encore des minutes dans sa vie qui, dans son regard subjectif de personne peut-être très malade mais qui est toujours vivante parce qu'elle bouge encore, elle a encore une animation, si elle ne ressent pas encore des choses. Et donc qui pourrait décider que la vie de cette personne-là ne vaut plus la peine d'être vécue?

Alors, je vous ramène juste à cette question-là parce que je pense qu'elle est fondamentale dans notre débat, parce que beaucoup de gens viennent plaider pour qu'on ouvre, qu'on considère la possibilité d'une aide médicale à mourir sur le principe de l'autonomie de la personne, et qu'une personne, en certaines circonstances, pourrait être capable de décider qu'il faut abréger, par exemple, ses souffrances. Mais généralement les gens nous disent: Il faut que ça vienne de la personne, soit des directives anticipées, soit une expression claire de sa volonté. Et, vous, vous êtes, je pense, une des rares personnes, je pense, je ne dirai pas que vous êtes la première, là, mais à venir dire: Ça pourrait ne pas venir de la personne mais d'un regard extérieur. C'est...

Mme Laplante (Geneviève): À mon humble avis, ça devrait venir d'un regard extérieur, pour deux raisons.

La première, c'est que ça déculpabilise l'entourage émotif de la personne dont il est question. Bon, on est plus objectif quand il ne s'agit pas de nos proches. Je pense que c'est évident.

Deuxièmement, dans votre hypothèse, on ne sait pas si peut-être... Bon. Alors, au nom de cette hypothétique étincelle d'intelligence, ou de lucidité, ou de conscience qui se produirait aux six mois, ou aux huit mois, ou aux 10 mois au cours des 12 années dont je vous parle et dont je pourrais vous parler très longuement, on aurait le droit de traiter une personne comme une chose, parce que c'est ça finalement, tout est décidé pour elle: l'heure des repas, l'heure de la sieste, l'heure du lever, l'heure du coucher, fatigué, pas fatigué. Puis en fait on a la panacée toute trouvée maintenant: on a la télévision grand écran. Alors, tous les fauteuils gériatriques forment un demi-cercle autour du grand écran, et puis on a la sainte paix du Seigneur.

Moi, c'est ma révolte qui parle aujourd'hui. C'est ma révolte à moi, parce que, dans le cas de ma soeur qui vient de décéder et dans le cas de ma mère qui est décédée il y a des années, c'étaient deux esprits remarquables. C'étaient des intelligences remarquables, vives, toutes les deux, l'une étant le portrait de l'autre évidemment, mais sur tous les plans des gens qui ont quelque chose à donner, qui ont quelque chose à apporter. Le dernier livre que ma mère a écrit, elle avait 78 ans. Alors, bon, elle n'était pas encore tout à fait sénile, hein? Mais maman me disait elle-même: J'ai le cerveau comme une fine dentelle. Est-ce que j'ai le droit, moi, de dire: Je tiens tellement à ma mère que je vais attendre qu'il ne reste que quelques fils? Je dis non, je dis non. Et le jour où je m'apercevrai que j'ai oublié trois fois mes lunettes dans la même semaine j'aurai fait mes adieux.

Mme Hivon: Je vous pose des questions difficiles parce que visiblement... Ce n'est peut-être pas difficile, de toute façon, pour vous. C'est peut-être plus remuant pour nous. Vous, visiblement, vous l'avez bien intégré, alors...

Mme Laplante (Geneviève): Ne me prenez pour quelqu'un d'insensible, hein? Ça me ferait de la peine, ça me ferait de la peine.

**(16 h 10)**

Mme Hivon: Non, non, non, ce n'est pas ça du tout. Ce que je veux dire, c'est que votre cheminement, vous l'avez fait, donc vos réponses sont très claires. Et, pour nous qui entendons ça dans vos mots à vous peut-être pour la première à fois, ça vient nous chercher d'une manière différente que ça a pu venir vous chercher dans le passé.

Nous, c'est que, vous savez, on entend beaucoup de gens, des gens qui sont farouchement opposés en toutes circonstances, je vous le dis, là, en toutes circonstances à ce qu'il puisse y avoir un geste actif de posé pour mettre fin à la vie de quelqu'un. Et ces personnes-là nous parlent de beaucoup de raisons. Ils nous parlent un peu de ce que je vous disais, d'un soubresaut de vie ou, sans que votre mère, par exemple, soit ressortie de son état, de dire: Peut-être qu'elle a des petits moments de bonheur. Et peut-être qu'au nom de la vie et du fait qu'en société, en général, on privilégie la vie plutôt que la mort, ce serait d'envoyer un message un peu étrange à la société que de décider pour des gens qu'il n'y a plus rien, il n'y a plus rien dans leur vie qui vaille quelque chose.

Ces gens-là nous disent aussi que la souffrance, elle est souvent plus grande pour les personnes qui accompagnent que pour la personne elle-même. Et...

Mme Laplante (Geneviève): ...ça apporte... ça apporte de l'eau à mon moulin. Si la souffrance est plus grande pour l'entourage, c'est que la personne concernée ne sent plus rien. Voilà le problème. L'entourage le sent.

Mme Hivon: Tout à fait. Mais ce qu'ils vont dire, c'est: L'entourage le sent pour eux-mêmes ou ils le sentent pour la personne parce qu'ils pensent que la personne souffrirait de se voir dans cet état-là ou souffre du fait qu'elle ne ressent plus rien? Ce qui est un peu paradoxal, parce que, si elle ne sent plus rien, ce qu'on nous dit, c'est qu'elle ne peut pas souffrir.

Alors, la raison pour laquelle ces gens-là nous disent d'être très, très vigilants, c'est qu'ils nous disent: À partir du moment où on permettrait ça, en fait, où tracerait-on la ligne? Et qu'est-ce qui ferait en sorte que cette vie-là ne vaut plus la peine parce que cette personne-là, prétend-on, médicalement ou je ne sais comment, ne ressent plus rien? Mais qui sommes-nous pour juger de ça? Et donc ces personnes-là ont très peur de toutes sortes de choses mais, entre autres, qu'on envoie un message à la société qu'il y a comme des bons types de vie puis des pas bons types de vie, et que donc, qu'une personne veuille arrêter de vivre parce qu'elle est dans telle situation, ça ne veut pas dire que telle autre voudrait arrêter de vivre, et que, pour certaines personnes, être atteint de la maladie d'Alzheimer, ça peut être terrible et de vouloir en finir au jour un, mais, pour d'autres, ils vont encore retirer beaucoup de bonheur pendant certains jours de cette maladie-là.

Donc, ce qu'ils nous disent, c'est: N'est-ce pas excessivement difficile de venir décider qu'on va tracer une ligne à un moment donné? Qu'est-ce que vous répondez à ça?

Mme Laplante (Geneviève): La ligne a bien été tracée pour la mort cérébrale. Pour quelle raison est-ce que la technologie, qui avance à grands pas, ne serait pas capable de tracer la même ligne ou une ligne équivalente dans le cas d'une maladie mentale? C'est ça que je n'admets pas. C'est ça que je n'admets pas.

Moi, en toute lucidité, quand j'ai parlé à mon notaire, j'ai dit: Rien comme traitement. Ça ne peut pas être plus clair. Il m'a dit: Madame, je suis allé aussi loin que la loi me le permet. Bien, ce n'est pas assez loin. C'est ça, c'est ça que je ressens. La loi ne va pas assez loin. Je ne veux pas d'une vie où ma cervelle ne jouerait pas le premier rôle. Je ne veux pas de cette vie-là. Parce qu'on peut très bien être handicapé, on peut très bien être infirme, on peut très bien... Je ne vous dis pas que c'est souhaitable, mais on peut très bien vivre. Mais personne ne me fera croire qu'on peut vivre sans sa cervelle, et c'est là que je dis que la société doit apprendre à évoluer. Si on a tracé cette ligne dans le cas de la mort cérébrale, ce qui doit être très douloureux pour bien des gens quand on dit: On va devoir le débrancher, il n'y a plus vraiment rien à faire, si on a été capable de la tracer, cette ligne, pourquoi est-ce que ça demanderait tant de courage pour en tracer une autre? Je ne suis pas d'accord avec ça, moi.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Champlain pour une dernière courte question, s'il vous plaît.

Mme Champagne: Oui. Mme Laplante, c'est bien ça? Écoutez, je pense qu'on peut partager en ce qui regarde, en ce qui concerne l'absence de pensée, l'absence de réflexion. L'alzheimer, c'est ça, mais on ne sait pas ce que la personne pense. C'est notre problème, là. Elle ressent-u quelque chose? Elle a-tu véritablement des problèmes? Elle est-u heureuse ou elle ne l'est pas?

Alors, supposons que, dans ma famille, une telle chose était arrivée. J'ai une mère qui est morte à 98 ans puis aussi saine d'esprit que vous et moi. Donc, elle était capable d'exprimer et tout. Le problème de santé physique, c'est autre chose, je le comprends par votre propos. Supposons qu'elle avait vécu ce que votre mère a vécu et que j'aurais eu le même désir que vous en disant: C'est suffisant, là, après six ans elle va de plus en... elle dégénère, elle... Je vais même dire les choses comme on les voit: Elle mange son papier, elle ne sait même pas qu'elle a un repas devant elle. Elle n'est plus capable de savoir qu'une fourchette, ça va dans la bouche. C'est d'une souffrance terrible. On l'a tous vécu à quelque part, tante ou oncle. Si, moi, j'étais d'accord avec le fait qu'un groupe de médecins, après un travail intelligent, là, de reconnaissance de la gravité de la maladie, accepte de mettre fin à ses jours, bien, si j'ai des frères et soeurs qui ne sont pas d'accord avec ça, leur opinion devient fort importante.

Alors, vous réagissez comment? Vous-même, vous aviez une soeur. Au moins, j'ai cru comprendre tout à l'heure que vous avez eu une soeur, vous l'avez perdue. Alors, est-ce que ça ne prendrait pas... Je ne dis pas que ça doit aller là, je questionne. Est-ce que ça ne prendrait pas au moins... Puis encore, écoutez, ajoute les fils, les fils, les soeurs, les frères qui pourraient s'en mêler, et là ça prendrait une unanimité totale. Peut-être qu'elle existerait. Dans un cas d'unanimité totale, vous souhaiteriez toujours qu'une équipe médicale aille et prenne la décision, rendu là?

Mme Laplante (Geneviève): Voilà pourquoi je disais que... j'ai insisté, peut-être insuffisamment, mais j'ai insisté sur le fait qu'il fallait que ce soit hors de la famille. Je vous explique un tout petit peu, un tout petit peu parce que je ne veux pas vous retenir indéfiniment. Mais, quand ma mère était à l'agonie, parce que son agonie a duré trois semaines finalement, 12 ans plus trois semaines, bon, à ce moment-là, c'est moi qui étais responsable d'elle devant la loi. Bon. J'étais curatrice, c'est moi qui étais responsable. Nous étions, à ce moment-là, si ma mémoire est bonne, cinq frères et soeurs autour d'elle. Bon, pas constamment, là, mais enfin selon la liberté des uns et des autres. Et, quand on m'a demandé de couper l'oxygène, je savais pertinemment que, si j'allais demander l'opinion des uns et des autres, je serais prise dans un carnaval dont je ne me sortirais jamais. Il y aurait toujours une bonne âme pour me culpabiliser jusqu'à mon décès à moi. Alors, j'ai dit: Le médecin l'a dit, on n'en parle plus. C'était au simple que ça.

Et je ne veux pas de discussion. Vous savez, ça finit par être de l'ergotage quand on parle en famille de, vous savez: Oui, mais je l'ai vue sourire quand même. Je suis allé la voir la semaine dernière, puis elle souriait puis... Vous avez déjà vu un nouveau-né sourire aux anges. Est-ce que c'est parce qu'il est particulièrement heureux de la couleur du ciel? À un moment donné, il faut rester réaliste. Il faut rester... Et je dis: Les derniers à consulter, ce sont les membres de la famille.

Le Président (M. Kelley): Sur ce, Mme Laplante, il me reste à dire merci beaucoup pour votre contribution, le partage de vos expériences personnelles avec les membres de la commission.

Je vais suspendre quelques instants et je vais demander à M. Paul Biron de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 16 h 18)

 

(Reprise à 16 h 21)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Notre prochain témoin, c'est M. Paul Biron. J'avise les membres de la commission que nous avons reçu deux demandes de participation dans la période de micro ouvert après M. Biron. Alors, s'il y a d'autres personnes qui veulent s'identifier auprès de M. Lessard-Blais, qui est debout avec la caméra, ils peuvent le faire.

Mais sans plus tarder, M. Biron, c'est votre tour. Alors, la parole est à vous.

M. Paul Biron

M. Biron (Paul): Bonjour, M. le Président. Je suis Paul Biron, de Lévis, ingénieur de profession et spécialisé dans les brevets d'invention. Je suis père et grand-père et âgé de 77 ans.

Permettez-moi d'abord de vous présenter les personnes qui m'accompagnent: dans l'assistance ici, Louise, aussi de Lévis, ma compagne de vie, qui est assise dans la section publique; Josée Lafontaine ici, à ma droite, de Grand-Mère, qui est mère -- pas grand-mère -- de deux jeunes adultes de 20 et 24 ans; et Claude Cloutier ici, à ma gauche, de Québec, âgé de 63 ans, qui est père et grand-père.

Pour moi, être à l'Assemblée nationale, voire dans une commission parlementaire, c'est un honneur et c'est un désir que je nourris depuis longtemps. J'ai contacté des électeurs depuis 40 ans et j'ai été candidat comme député par six fois, dont une fois au fédéral, et ce, pour trois partis différents dont deux sont présents à l'Assemblée nationale. Et, à un moment ou l'autre, j'ai voté pour un ou l'autre de chacun des quatre partis qui sont présentement représentés. Je pense que je suis assez vieux. En tout cas. Donc, mon intervention n'est pas partisane.

J'ai gradué au Séminaire de Québec comme B.A. et je me destinais à la carrière d'avocat pour défendre la veuve et l'orphelin. J'ai toutefois modifié mon orientation professionnelle pour devenir ingénieur et aider l'entreprise de fonderie de mon père, Paul Biron de Sainte-Croix de Lotbinière. Il est mort, et c'est aujourd'hui, le 2 novembre, qui est reconnu traditionnellement comme la fête des morts.

Dans les derniers temps, mon père, alors âgé de 89 ans, prenait plaisir à m'amener sur son balcon le soir et me montrait la voûte étoilée et particulièrement la constellation de la Petite Ourse, dont la queue aboutit à l'étoile Polaire et dont son déplacement se fait toujours autour de l'étoile Polaire. Il me montrait aussi les autres étoiles formant des constellations. Et, pendant le jour, il me disait: Regarde en bas cette maman enceinte poussant en même temps son premier bébé dans le carrosse et tout autour remarque la richesse des fleurs -- et particulièrement les roses, dont il aimait le parfum. Tu vois, toutes ces beautés de la nature sont l'oeuvre d'un ingénieur beaucoup plus fort que toi.

Pour mon père, j'étais ce qu'il y a de plus fort comme ingénieur. Comme pour tout parent, vous autres, vos enfants, c'est toujours le plus intelligent. Cependant, je ne valais pas grand-chose du point de vue finances et encore moins comme politicien, car j'ai souvent défendu des partis qui n'arrivaient pas à l'Assemblée nationale.

Ce que je retiens de ce premier entretien de mon père, c'est que le cours de la nature, de la vie et de la mort dépasse la simple science, car l'invention, c'est de faire avancer un tant soit peu la science. Et le corollaire, donc, c'est que je n'appuie pas l'acharnement thérapeutique.

La seconde leçon de mon père et ce qu'il me disait: Chaque jour, je vois un rayon de soleil, et donc c'est une journée de plus, soit rechercher donc dans la préparation de la mort une journée de plus qui va peut-être me faire rencontrer un enfant éloigné -- ça a été mon cas -- qui revient, un ami de longue date perdu de vue, ou peut-être même me faire découvrir une solution à un problème de bridge, ou même discuter avec un prêtre ou un pasteur s'il y a une vie après la mort terrestre. Et le corollaire de cette réflexion, c'est donc de rechercher la mort naturelle, qui arrive toujours à point nommé lorsqu'on est, espérons-le, prêt.

Fruits de mes réflexions. Ces fruits proviennent de mon enseignement classique qui dépasse 40 ans, ça fait plus que 40 ans, avant l'assurance hospitalisation, il y a 40 ans, là, ces jours-ci. Mais, en ces temps-là, l'hospitalisation était encore sous les soins de religieuses, et même l'enseignement était entre les mains des prêtres, des religieuses, des frères, dont le frère André -- là, il n'était pas enseignant, mais en tout cas -- et de quelques laïcs. Toutes ces personnes enseignaient que la tâche du médecin était de protéger la vie, alors que ce projet d'euthanasie propose intentionnellement, c'est le mot, l'intention de mettre fin à la vie. Et cela s'appliquerait d'abord sur nos électeurs aînés, nos électeurs aînés qui se verraient bousculés par la possibilité d'être euthanasiés. Il n'est donc pas sage, à mon avis, de votre part d'amender ainsi la loi, car ça va à l'encontre de nos traditions, de la valeur de la vie que nous avons apprise de nos parents et de nos ancêtres et du soutien à nos aînés souffrants ou malades. Un projet semblable de décriminaliser l'euthanasie a déjà été rejeté par nos voisins du Canada, et je trouve qu'ils ont été sages. Il ne faudrait pas que le Québec, indirectement, réintroduise l'euthanasie sous le couvert de cesser des soins palliatifs. Notons que les soins palliatifs ont simplement pour but d'alléger la souffrance de nos malades.

Alors, à ce propos, je vous présente Mme Josée Lafontaine, qui s'intéresse au sort des hospitalisés, surtout qui s'intéresse aux jeunes -- elle est assez jeune pour être ma fille -- et qui va nous faire part de son expérience en relation d'aide.

Le Président (M. Kelley): Mme Lafontaine.

Mme Lafontaine (Josée): Bonjour. Quand M. Biron m'a demandé de l'accompagner ici, à la commission parlementaire, j'étais un peu hésitante. Oui, je lis dans les journaux les articles en lien avec la commission parlementaire. J'ai vu le documentaire présenté à la télé il y a peut-être deux ans, là, d'une dame qui était allée aux Pays-Bas pour aller y subir une euthanasie. J'ai lu aussi dans les journaux les cas qu'il y a eu au Québec, là, d'une dame qui avait étouffé son fils d'une trentaine d'années, là, qui lui avait demandé, là, de mettre fin à ses jours. Je regarde l'actualité puis, moi aussi, je lis ça en m'interrogeant puis en me faisant une opinion sur ce sujet-là.

Il y a un article particulièrement... Bon, M. Biron m'a présentée comme... Oui, je suis une maman. J'ai deux enfants qui sont à la maison, de 20 ans et 24 ans, j'ai une fille 20 ans et un garçon de 24 ans. Et l'article qui est venu particulièrement me chercher, c'est... excusez-moi, c'est un article de Richard Martineau, qui disait: «...j'ai eu une conversation qui m'a un peu ébranlé.» Et, venant de Richard Martineau, on comprend que... Il est assez cynique habituellement, donc... Et il parlait de... Je vais vous lire l'article brièvement: «Il y a 10 mois, le fils d'un de mes amis s'est enlevé la vie.

«[...]Il avait fait une première tentative quelques semaines plus tôt. Sa mère a quitté momentanément son emploi pour le garder à l'oeil et être à ses côtés, mais le premier jour où elle est retournée au travail, son fils a recommencé et cette [fois] il ne s'est pas raté.

«Il avait 16 ans.

**(16 h 30)**

«Au salon funéraire, mon ami [...] m'a beaucoup parlé de son fils, de ses angoisses, de son mal [d'être]. Son fils n'avait jamais été très hop la vie, mais depuis qu'il s'était mis à fumer du pot, son moral avait pris une méchante débarque.» Et il dit: «Je suis convaincu que le pot a contribué à pousser mon fils dans le précipice[...]. Il s'était mis à fumer régulièrement, et plus il fumait, plus il déprimait. On voyait les effets néfastes du pot sur son moral[...]. Résultat: il n'a pas remonté la côte et il s'est pendu.»

Et, bon, un autre père s'était joint à la conversation, qui était présent au salon funéraire. Il disait aussi que son fils aussi avait commencé à consommer du pot, et c'était la même histoire: le jeune avait le moral bas et son état mental s'était mis à se détériorer.

Je vous cite cet article-là parce que mon fils est également un consommateur, et on a discuté... on discute, au niveau de la société, des orientations du Québec en matière de vie. Et ce qui me déprime aussi également, ce qui me fait mal, c'est cette... j'ai l'impression qu'il y a une course vers la mort, de notre société. Je trouve ça triste, je trouve ça triste d'entendre parfois des aînés... des aînés par rapport à mon âge, de voir qu'une personne âgée, même dans un lit en CHSLD... Et je vous parle en connaissance de cause parce que je travaille dans un centre hospitalier et j'ai travaillé également 10 ans en CHSLD, et, dans mes yeux à moi, ces personnes-là ont toujours une valeur. Donc, ça me fait mal de voir qu'on peut parfois se considérer sans aucune valeur, parce que, si notre esprit n'est pas tout à fait là, bien, la personne est toujours là, elle est toujours présente et, pour moi, elle a toujours une valeur.

Et c'est en discutant avec mes enfants, je trouvais qu'il y avait, bon, bien, regarde, une espèce de désintéressement de la vie de leur côté. Je trouvais qu'il y avait une apathie. Puis, moi, j'avais beaucoup plus... Ces enfants-là, bien, ils sont quand même influencés par tous les débats qu'il y a dans la vie. Et, moi, je me disais: Bien, ça ne les aide pas bien, bien, à vivre, ces enfants-là, ça ne les aide pas à se raccrocher quand la société, bien, c'est «Control-Alt-Delete», bye bye! Je pense qu'on devrait avoir... en tout cas, un autre discours que ce discours-là.

Et on sait aussi que, au Québec, bien, on a déjà un taux les plus fracassants de suicide chez les jeunes. Alors, est-ce qu'il n'y aurait pas encore une tristesse, un désenchantement des jeunes quand les adultes disent: Bien, regarde, c'est parce que, si je n'ai plus rien, «Control-Alt-Delete»? En tout cas, moi, c'est mon opinion. Les jeunes lisent, les jeunes voient les nouvelles, et, je me dis, il va s'installer assurément une morosité, je vous dirais, une morosité. Et la morosité, chez des enfants plus vulnérables, comme peut-être mon garçon, peut-être d'autres jeunes, bien, moi, je tâte le pouls de ça puis je me dis: Bien, ça m'inquiète, ça m'inquiète en tant que mère.

Ce qu'il disait dans l'article aussi, c'est que le jeune, sa mère était restée à son chevet pendant quelques temps. Aussitôt retournée au travail, bien, le jeune, il n'en a pas parlé, parce que les jeunes, ils ne parlent pas nécessairement de leur fond, de leur... Ce n'est pas évident faire parler un garçon, là, ce n'est pas... Et, moi, en tout cas, j'ai peur de cette morosité-là.

Je regardais aussi les personnes... Je vous dis ça comme ça, je regarde les personnes publiques. On voit des décès à toutes les semaines, des personnes des fois qui sont moins belles, disons. On voit... On a vu Pat Burns récemment, malade, à la télé, puis est-ce qu'il a moins de valeurs? Est-ce qu'il a moins de valeurs parce qu'il est malade présentement? Non. On sait qu'on est tous vulnérables, hein? Puis, pour moi, à mes yeux, là, il n'a pas moins de valeurs.

Je regardais votre collègue, là, M. Béchard, qui est décédé récemment, puis je peux-tu vous dire que, moi, en tant que citoyenne qui ne l'a jamais fréquenté, ce monsieur-là, de la façon dont il a agi envers la maladie, M. Béchard, pour moi, c'était un modèle. Je peux-tu vous dire qu'il m'a apporté quelque chose, moi, dans ma petite ville, chez moi, alors qu'il a lutté la tête haute puis il avait toujours dans ses yeux une étincelle? Il avait toujours dans ses yeux une étincelle à travers sa maladie. Alors, moi, je ne le connais pas du tout, je ne l'ai jamais fréquenté, je ne lui ai jamais parlé, cette personne-là m'a apporté ça à moi, dans sa vie, de regarder qu'il vivait avec courage. Moi, ça m'a apporté du courage de le voir agir, cette personne-là.

Et j'ai l'impression que les personnes qui veulent tellement mourir... Tellement avoir peur de souffrir, je... La souffrance, oui, ça fait partie de la vie. Ce n'est pas drôle, tu sais, on va tous mourir un jour, hein? C'est bien de valeur, là, même si on est ici puis on s'en parle avec notre tête: Et voilà, on se parle de ça aujourd'hui, bien, ça va tous nous arriver un jour. Mais je pense qu'il y a une façon de choisir de vivre en tout cas, puis, moi, bien, c'était mon petit mot. J'ai envie, moi, de me battre pour mon gars. J'ai envie que vous vous battiez, à part de ça, pour les jeunes vulnérables. Moi, je ne pense pas que votre rôle, c'est de vous battre pour les gens qui ont si peur, qui veulent mourir. J'aurais envie que vous auriez envie de vous battre pour les gens qui veulent vivre, pour les gens qui veulent essayer aussi d'aider les autres à vivre. Ça fait que c'est mon petit mot, c'est tout ce que... Ah! moi, je compte sur vous autres, en tout cas, puis c'est ce que je voulais venir vous apporter. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Lafontaine.

M. Biron (Paul): Est-ce que... Claude veut ajouter quelque chose? Alors, c'est notre...

Le Président (M. Kelley): ...ça met fin à la présentation et on peut passer à la période d'échange avec les membres de la commission?

M. Biron (Paul): D'accord.

Le Président (M. Kelley): M. le député d'Orford.

M. Reid: Oui. Merci, M. le Président. Je suis très touché quand on parle du suicide chez les jeunes, je n'ai pas connu moi-même cette problématique-là dans ma famille, mais il n'y a rien de plus épouvantable quand on sait qu'il y a encore plein de portes ouvertes puis que les jeunes ne les voient plus. Et c'est clair que, pour nous... Et on nous a mis en garde, les groupes de lutte au suicide, de faire attention, non pas qu'ils étaient contre la possibilité, mais de faire attention de nous assurer de mettre une étanchéité, là, pour ne pas avoir un effet négatif chez les jeunes.

Et, moi, je suis un peu frappé, d'une part, là, dans les choses que vous avez dites ou qui ont été dites par... par monsieur -- excusez-moi...

M. Biron (Paul): Paul Biron.

**(16 h 40)**

M. Reid: ... -- Biron -- M. Biron, pardon -- au début. Et ce que vous avez dit après, là, il y a quelque chose qui... j'ai peur que vous nous mettiez en garde contre quelque chose dont on ne parle pas ici, puis ce n'est pas du tout dans nos cartons, là, c'est-à-dire l'imposition de l'euthanasie à du monde.

Parce que, d'une part, M. Biron disait tantôt: Bon, nos aînés sont bousculés par la possibilité d'être euthanasiés. C'est comme ça que... J'ai pris des notes; en tout cas, ça me semble pas mal les mots que vous avez dits. Évidemment, pour nous, l'imposition de la mort à qui que ce soit, là, ce n'est pas dans nos cartons, là, de dire que, comme on a déjà entendu: Regarde, tu es vieux, tu n'es plus bon. Ce n'est pas ça du tout, ça n'a aucun rapport. Mais je me demande si... C'est parce que, si c'est dans la nature, là, ou dans le contenu de ce que vous nous avez dit, j'aimerais juste vous dire que ça, ce n'est pas ce que l'on regarde.

De même que, j'ai pris en note, j'espère que j'ai bien les bons mots, là, mais M. Biron disait: Réintroduire l'euthanasie sous le couvert de remplacer les soins palliatifs, quelque chose comme ça. Ça non plus, là, ce n'est pas dans nos cartons. Les soins palliatifs, je pense, tout le monde a passé le message, la plupart d'entre nous étaient déjà convaincus au départ de l'importance de ça; donc, ce n'est pas une question de remplacer. Puis ce n'est pas une question de se battre pour les uns ou pour les autres, c'est une question aussi de respecter qu'est-ce que les Québécois veulent. On essaie de comprendre toute l'étendue des opinions là-dedans.

Et, moi, je voudrais vous dire jusqu'à quel point il y a un élément... Tantôt, vous avez parlé de Claude Béchard, qui était un de nos collègues, et de Pat Burns, que j'ai eu l'occasion de rencontrer parce que c'est dans mon comté qu'ils ont bâti l'aréna Pat- Burns. J'étais moi-même à la dernière rencontre, mais là on n'a pas pu beaucoup se parler, mais j'ai pu lui parler auparavant. Mais, quand je suis sorti de cette rencontre-là, qui a été télévisée mais où j'étais, je me suis dit... j'ai dit à tout le monde que je connais: C'est quand même quelque chose d'extraordinaire, parce que, jusqu'à la dernière minute, quand on est capable et qu'on sent de l'énergie, on peut se servir de cette énergie-là pour aider. Parce que c'est exactement ce qu'il fait à mes jeunes de mon comté, à Stanstead, de leur permettre d'avoir effectivement un aréna, parce que celui qui est là, il ne résistera pas encore plusieurs années.

Et, dans ce sens-là, c'est clair qu'il faut se battre -- si on ne veut pas prendre ce mot-là, là, on n'est pas ici pour se battre -- bon, bien, il faut respecter les possibilités que quelqu'un peut avoir. La vraie question devant laquelle on est, là, quand on écoute les uns les autres d'une part et d'autre, c'est de se demander, pour ceux qui, eux, disent: Moi, je souffre -- ce qui n'est pas notre cas nécessairement, là -- et j'ai assez souffert et je dis maintenant: Ça y est, là, je pense que c'est assez.

Et en fin de vie. On ne parle pas des jeunes, on parle... les jeunes ont plein de portes ouvertes. Généralement, les gens qui sont venus nous parler de ça, ils nous expliquent qu'il n'y a plus de porte ouverte, là, parce que les médecins disent: Il n'y en a plus, de porte ouverte. Puis il y a encore la possibilité de pouvoir avoir des relations avec les gens, l'accompagnement dont on parle, qui est si important dans les soins palliatifs, mais, en quelque part, il peut y avoir des personnes -- c'est ce qu'on nous dit -- qui disent: C'est assez. Et, dans ce sens-là, nous, on doit décider si, oui ou non, on doit proposer au Parlement du Québec d'ouvrir cette porte-là. Et ce n'est pas simple, et vos opinions et vos commentaires, vos témoignages sont très importants pour nous aider effectivement à se positionner là-dedans.

Moi, je voudrais vous poser une question, parce que je ne veux pas aller... il ne reste pas beaucoup de temps, M. le Président. Quand on parle de fin naturelle et de mort naturelle, moi, de plus en plus, j'entends ça puis j'entends des choses, je me dis: A priori, ça avait l'air bien facile, là. «Mort naturelle», on sait tous ce que ça veut dire, puis, plus j'y pense, plus j'ai de la misère à être sûr, «mort naturelle», qu'est-ce que ça veut dire.

Et je vais juste vous donner une idée, j'aimerais ça que vous commentiez là-dessus, M. Biron ou madame. Il y a une femme experte qui est venue ici avec un groupe de médecins, puis, dans son témoignage, elle a dit: Vous savez, MM., Mmes les députés, qu'aujourd'hui, avec la médecine moderne, on est capables, depuis déjà une quinzaine d'années, de transformer un mourant en malade chronique pendant trois, cinq, 10 ans. Et donc, là, où est la mort naturelle dans ça? C'est un peu difficile à cerner.

Ce n'est pas aussi simple que ça a l'air a priori. J'aimerais ça vous entendre commenter sur ce cas-là précis, là, quand on dit que la médecine d'aujourd'hui peut prendre quelqu'un qui est mourant, le transformer en malade chronique, souffrant -- probablement aussi -- pour plusieurs années. Et la dame, elle, ce qu'elle avait dit, la femme médecin avait dit: Bien, il faut qu'on se pose des questions, même comme corps médical, sur cette question-là. Mais j'aimerais vous entendre là-dessus puisque vous avez parlé à plusieurs reprises de mort naturelle ou de fin naturelle ou...

M. Biron (Paul): Bon. Moi, je voudrais répondre à ça. Premièrement, j'avais mentionné au début que... par la suite, j'agis comme... je travaille, moi, avec des inventeurs, alors avec des gens scientifiques, des gens qui peuvent inventer toutes sortes de moyens, un petit peu, un petit peu, un petit peu, mais que j'étais complètement opposé à l'acharnement thérapeutique. En d'autres mots, il ne faut pas s'arrêter aux avancées de la science, nécessairement. On comprend très bien qu'à un moment donné les machines, ça, on peut arrêter ça, puis, si le bon Dieu veut nous garder en vie, comme disait le frère André aussi, là, il dit: Il va nous garder en vie pareil, même si la machine est arrêtée.

Bon, deuxièmement, pour ce qu'il s'agit de la mort naturelle, on sait que la mort naturelle, c'est toujours de la mort qui est, en fait, aidée un petit peu par le médecin. Évidemment, le médecin nous donne de la morphine ou des choses de même qui accélèrent, qui ralentissent notre vie. C'est un peu comme une cigarette concentrée, là, je veux dire, ça nous tue. Et deuxièmement, aussi, si je prends la roue, si je prends l'automobile pour m'en aller à Montréal, bien, je risque un peu de... peut-être d'être frappé puis de mourir.

Mais par contre on comprend très bien que... Puis ça fait longtemps, ça a toujours été qu'on finit toujours entre les mains du médecin, ça; mais on ne dit pas que le médecin nous tue. Le point important, c'est la décision que la cause... J'ai étudié la philosophie de saint Thomas, peut-être vous allez dire, mais les causes causantes, la cause... on ne veut pas que ce soit décidé que je donne une piqûre pour le... C'est l'intention qui est le problème. Alors, il ne faut pas que le...

Puis c'est pour ça, je parlais de l'alternative qui donne peur, c'est que la loi permette l'intention de tuer. C'est comme quand il y a des meurtres ou un viol, ou un meurtre au premier degré, ce n'est pas la même chose qu'au deuxième degré. On ne veut pas qu'il y ait de premier degré où c'est l'intention qui... On accepte le deuxième ou le troisième degré. Dans le cas de la mort, on accepte très bien que, même si on est bien croyant, c'est le médecin éventuellement qui va jouer le rôle du bon Dieu, mais il n'aura pas fait exprès. C'est ça qui est important.

Le Président (M. Kelley): Ça va? Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Bonjour, M. Biron, Mme Lafontaine, monsieur. Merci de votre présentation. Je pense que vous êtes habités, vous aussi, par de fortes convictions. Je ne sais pas si vous étiez là lors du témoignage précédent, qui n'allait pas du tout dans le même sens que vous. Alors, vous voyez un peu, nous, dans quelle situation on est. Donc, on est là pour entendre tous ceux qui ont quelque chose à dire dans tous les points de vue, et tous les témoignages sont éclairants pour nous, parce qu'ils nous permettent, comme je le disais tout à l'heure, de confronter les idées.

Moi, je veux juste bien comprendre quelque chose de ce que vous avez dit, peut-être, Mme Lafontaine. Vous faites un peu un parallèle entre le problème du suicide chez les jeunes et, par exemple, la question de l'euthanasie pour des personnes qui ont des maladies en phase terminale, puis je veux vous suivre là-dedans parce qu'évidemment ce lien-là n'est pas nécessairement évident.

Je pense que mon collègue l'a dit, ce n'est évidemment pas... Il y a énormément de problèmes, dans la société, auxquels il faut s'attaquer. Je pense que celui du suicide chez les jeunes en est un très important auquel il faudrait consacrer encore beaucoup plus d'énergie qu'on y consacre, mais on a entendu des groupes qui travaillent quotidiennement pour les problèmes de suicide chez les jeunes, et je pense qu'on est quand même outillés pour essayer d'améliorer les choses, il faudrait toujours en faire plus.

Mais j'essaie de comprendre. C'est quand même deux situations très, très différentes: parce que le jeune a toute la vie devant lui, il peut souffrir, il peut avoir des difficultés, il peut trouver que la vie est insupportable, mais je pense qu'effectivement, comme société, puisque cette personne-là a toute la vie devant elle, a tous les moyens d'espérer retrouver espoir de trouver un sens à sa vie, donc on a un devoir d'essayer de l'aider au maximum pour qu'il puisse poursuivre sa vie et être heureux.

Mais est-ce que la situation n'est pas différente pour une personne qui est en fin de vie, dont on sait la mort imminente, qu'il n'y a plus de possibilité de revenir en arrière? Donc, c'est une question de jours, de semaines, peut-être de mois, et que cette personne-là, elle, dit: Moi, la manière de mettre fin à ma souffrance, compte tenu que je sais vers quoi je m'en vais et que la fin est irrémédiable, ce serait de me permettre de partir au jour moins huit plutôt que d'attendre au jour zéro, parce que je sais que les prochains jours vont être excessivement difficiles.

Mme Lafontaine (Josée): Bien, ce que j'ai dit, j'ai dit qu'on ne vivait pas en vase clos. Les jeunes, ils ne vivent pas en vase clos. Autant quand ils ont un de leurs amis qui souffre ou qu'un de leurs amis se suicide, ils ne font pas la part dans leur tête en disant: Ça, c'est son affaire, puis ça, c'est la mienne. Je pense que c'est... Les jeunes, ils voient ce qui se passe. C'est médiatisé, ça passe dans les journaux. Veux veux pas, ça ne se passera pas nécessairement caché dans une chambre d'hôpital ou...

Ce n'est pas ce qui est arrivé dans les derniers mois. On a vu, ça a été médiatisé. Puis je ne pense pas que les jeunes, ils fassent, comme vous, vous me dites, la part: Bien ça, c'est ses affaires puis ça, moi, c'est mes affaires. Ce n'est pas comme ça qu'on vit dans la société. Parfois, les choix de l'un vont aller influencer, veux veux pas, la vie de l'autre, sans même des fois que tu le saches. Ça fait que, moi, je trouve que c'est ça, le parallèle à faire. C'est que, oui, les jeunes sont influencés. On vit en interaction, les jeunes les uns avec les autres, là. On ne vit pas... Moi, c'est en ce sens-là que je trouve que, oui, ça touche les jeunes. Veux veux pas, même si vous pensez que ça ne touche qu'un individu, non, ça touche les autres. C'est pour ça que trouvais que les plus vulnérables de notre société, les jeunes qui ont de la misère, les jeunes qui... Puis on sait qu'il y a beaucoup de troubles mentaux au Québec, on le sait qu'il y a beaucoup de suicides. Malgré qu'on veut dire que, oui, on est bien beaux, là, puis on se «shine» la face, parfois en arrière, là, ce qu'il y a en arrière du regard, des fois ça ne va peut-être pas toujours aussi bien. Donc, moi, c'est en ce sens-là que je pense qu'il faut plus faire attention les uns aux autres puis que, oui, ça peut influencer les autres.

**(16 h 50)**

Mme Hivon: O.K. Puis, M. Biron, pour revenir à la question de l'intention... Parce que c'est une question qui revient souvent et ce n'est pas une question simple. Donc, si je vous comprends bien, vous, vous dites qu'en fait donner des doses de morphine, par exemple, en fin de vie, pour soulager la douleur, c'est acceptable, même si ça peut avoir pour effet d'abréger la vie parce que l'intention première est de soulager.

Vous savez qu'une autre distinction qu'on nous fait souvent en matière d'intention, c'est la différence entre, par exemple, donner une dose à quelqu'un pour faire en sorte qu'on mette fin à sa vie versus débrancher quelqu'un d'un respirateur. Donc, dans l'état actuel des choses du droit, débrancher quelqu'un, même s'il pourrait encore vivre... D'ailleurs, il y a des témoignages qui nous ont été faits ici, qu'on a décidé... une personne était sous respirateur, elle aurait vécu encore très longtemps, des mois, peut-être des années, avec le respirateur, mais cette personne-là ne voulait plus parce qu'elle estimait qu'elle n'avait plus de qualité de vie; donc, elle, elle a pu être débranchée au jour x, après une conversation avec sa famille, tout ça. Par ailleurs, une autre personne qui est en fin de vie puis qui souffre mais qui n'est pas branchée, donc qui n'a pas une aide, si vous voulez, artificielle à vivre, elle, ne peut pas demander d'être aidée à mourir. Donc, c'est sûr qu'on nous dit qu'il y a une différence, parce que, débrancher quelqu'un, dans le fond, c'est une aide externe, donc que ce n'est pas nécessaire qu'elle l'ait, donc on arrête en quelque sorte un traitement, alors que, dans l'autre cas, on donnerait une injection et ce serait donc quelque chose qui viserait plus à ce que la personne meure que quand on débranche.

Mais, nous, comme parlementaires, des fois, on trouve que la ligne est mince -- parce qu'on sait très bien que, quand on va débrancher quelqu'un, on a beau dire que c'est arrêter un traitement, on sait que la mort va s'ensuivre. Par ailleurs, une personne qui est souffrante, peut-être même plus qu'une personne qui est branchée, ne pourra pas, elle, dire: Je veux que vous mettiez fin à mes souffrances. Comment vous nous permettez de réconcilier ça, dans l'état actuel des choses?

M. Biron (Paul): C'est sûr que j'irais... j'amplifierais même ce que vous dites. Il y a des gens qui nous disent: Ah bien, vous faites preuve d'hypocrisie en disant: Oui, oui, bien, lui, il peut débrancher, il peut donner une dose létale, une dose trop forte, et puis là, là, vous dites: Ah! ça, c'est correct. C'est sûr qu'il va y avoir cette menace-là ou cette épithète-là, si on veut.

Mais, d'un autre côté, on ne peut pas tout faire, il faut faire confiance aux médecins. Et, de ce côté-là, si le médecin, puis surtout le médecin en conseil, ou avec ses acolytes, il juge que... Ce n'est pas toujours... Comment il s'appelle, le médecin à la télévision, mais en tout cas, Dr House, mais les médecins, ils se mettent ensemble puis ils disent: Bon, bien, on ne peut pas... il faut, tu sais, soit arrêter, débrancher, mettre une dose plus forte ou etc. Ça, je ne pense pas qu'on puisse trop intervenir, trop légaliser ça, à moins de trouver des règlements ou des manières; c'est possible que vous en trouviez, mais ce qu'il faut... ce dont il faut s'assurer, c'est que ce ne soit pas une cause causante, que ce ne soit pas «on purpose», on dirait en anglais, intentionnel, de dire: J'arrête les traitements.

Parce qu'autrement ça va arriver, toutes sortes de dérapages, à un moment donné. Ça va être... Ça peut être le gouvernement qui décide que, ah, ils ne veulent pas prendre soin des gens, puis encourager les médecins à, tu sais, à donner intentionnellement des doses mortelles. Puis ça peut même être pour se débarrasser des pauvres. Puis les riches, bien, ça peut être leurs propres enfants qui interviennent indirectement auprès des médecins puis dire: Tiens, tu vas lui donner une dose mortelle. Tu sais, il faut faire attention à ça. Mais, d'un autre côté, il faut, comme on dit: «Blessed be the Lord», là. À la grâce de Dieu! Le médecin, il a un rôle important, dans la société. Il est protégé, de toutes les façons, par son serment d'Hippocrate. C'est ça.

On sait que le médecin en conseil, il va... c'est ce qu'il faut qui arrive. Je veux dire, il ne faut pas être trop sévère pour le médecin, mais, d'un autre côté, il faut s'assurer que ce n'est pas l'intention directe, la cause causante de la mort.

Mme Hivon: Peut-être juste une dernière question. En fait, dans l'état actuel du débat, les personnes qui revendiquent la possibilité qu'il y ait un geste actif qui puisse être posé en fin de vie pour écourter la vie de quelqu'un, ce qu'ils nous disent en fait, c'est que ça doit partir de l'autonomie de la personne. Donc, ils relient ça au fait que ça doit toujours être demandé par la personne elle-même, pas par son médecin qui décide, un beau jour, que cette personne-là a assez vécu, ou pas par ses proches pour toutes sortes de raisons, mais par la personne elle-même.

Est-ce que, si on vous disait que c'est quelque chose qui peut être envisagé à partir du moment où il y a des conditions: fin de vie imminente, maladie incurable, mais surtout demande provenant de la personne elle-même, est-ce que c'est quelque chose qui serait en mesure de calmer un peu vos craintes par rapport à ça?

M. Biron (Paul): Bien, je me souviens de ma grand-mère, elle est décédée à 86 ans. Puis ça faisait deux, trois ans qu'elle disait que le bon Dieu vienne donc me chercher, tu sais, je suis de trop ici. On était neuf enfants chez nous, plus mon père puis ma mère, puis plus une couple de gardiennes, tu sais? Finalement, en dernier, les derniers mois, elle refusait de manger, bon. Ça fait que, finalement, elle est partie.

Mais on demande toujours, les... Ça arrive très souvent qu'un patient, dans les derniers temps, il va demander à partir, mais ça ne veut pas dire... C'est comme un enfant, il va demander bien des choses, mais on n'est pas obligés de lui donner. Tu sais, il ne faut pas s'arrêter juste à: officiellement, telle personne a demandé, ou même a signé un papier. Non, non, il faut y aller avec art, avec prudence, avec discernement. Puis, moi, je ne suis pas prêt à attaquer les médecins non plus sur ce côté-là, là, sauf qu'il faut que le médecin prouve que ce n'est pas... ou en tout cas que ce n'est pas intentionnel pour finir, pour donner simplement la chance à la personne de se réconcilier.

J'ai vu ma première épouse, quand elle est décédée, bien, peut-être grâce à moi, elle a vécu au moins trois semaines de plus. Mais je lui ai dit: Pourquoi... Elle a dit: Pourquoi tu viens me voir? Bien, j'ai dit: Parce que c'est notre anniversaire de mariage aujourd'hui, ça ferait 51 ans. Elle dit: Comme ça, c'est le 24 avril? Puis elle était supposée mourir, elle demandait à la garde-malade: Faites-moi... Débranchez-moi, etc. Tout de suite, elle est venue complètement, là, saine d'esprit, ni plus ni moins. Elle a dit: Comme ça, c'est le 24 avril? J'ai dit: Oui, Jeannot. Puis finalement elle a duré encore trois, quatre semaines de plus. Mais, même si elle était... elle, elle se pensait finie, puis peut-être... Mon fils était là, à côté. Aussi, le fait que mon fils était là aussi, ça l'a remontée -- peut-être. J'ai dit: Tu dois être fière de notre fils. Il souffrait de schizophrénie. Mais j'ai dit: Parce que je l'aime puis il m'aime, puis il sait donner de l'amour autour de lui, tu dois être fière de lui; il n'a pas besoin d'être un ingénieur ou n'importe quoi ou un avocat, tu sais? Ça fait que ça l'a... disons que ça lui a redonné un «boost».

Le Président (M. Kelley): Sur ça, il me reste à dire: Merci beaucoup, M. Biron, Mme Lafontaine, M. Cloutier, pour votre présence devant la commission cet après-midi.

Sur ça, je vais suspendre quelques instants, et on va demander à Mme Landry... Pauline Landry, de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 16 h 59)

 

(Reprise à 17 h 1)

Le Président (M. Kelley): Alors, la période de micro ouvert est une occasion pour les personnes qui n'ont pas fait une demande formelle ni présenté un mémoire de faire une courte déclaration. Mme Pauline Landry, qui a attendu cet après-midi avec beaucoup d'intérêt, alors c'est votre tour pour une déclaration d'environ cinq minutes. Alors, Mme Landry, c'est votre tour.

Mme Pauline Landry

Mme Landry (Pauline): Cinq minutes? On m'a dit trois tantôt. Moi, suite à ce que j'ai entendu, j'ai suivi votre commission un peu à la télévision aussi... La dame qui a parlé des handicapés tantôt, j'ai travaillé avec les handicapés physiques. L'OPHQ, ça doit vous dire quelque chose, je travaillais pour mettre ça sur pied. J'étais dans la région 03, puis notre gros travail, ça a été de faire connaître aux parents que leurs enfants, ils étaient des personnes à part entière, aux parents, à la municipalité, à tout le monde. Alors, on a réalisé ensemble beaucoup de choses. Puis il n'y en a pas un, je pense, qui veut mourir.

Des fois, nous autres, les intervenants, on les enviait. On disait: Ils sont beaucoup plus heureux que nous autres, parce qu'ils avaient une joie de vivre. Je pense qu'ils avaient compris qu'ils étaient des âmes très spéciales. Ils avaient peut-être choisi ce corps-là, cette maladie-là pour nous donner de l'amour puis nous faire prendre conscience qu'il y avait une vie, même si on n'est pas physiquement libre.

Mon expérience familiale. J'ai perdu un frère, il y a 20 ans passés, qui s'est suicidé à l'âge de 50 ans. C'est une victime de la pédophilie. Aujourd'hui, on parle de toutes sortes de choses au nom de l'Église; je n'ai pas à les juger. Mais, à 50 ans, après une longue maladie, plein de démarches, il a décidé de s'enlever la vie.

Mon père est décédé à l'âge de 86 ans. Il était venu passer Noël avec nous autres. Quand il a quitté, le 4 janvier, il nous a dit que c'était son dernier Noël, qu'il avait passé des belles fêtes, qu'il avait des beaux enfants. On était 39 dans ma maison. Et, le 14 janvier, il est décédé. Il s'est réveillé dans la nuit puis il a dit à maman... Il a toussé. Maman a dit: Veux-tu de l'eau? Il a dit: Oui. Puis, quand elle est revenue, il était parti. Ça, c'est une mort naturelle. Il savait qu'il allait mourir. Il est allé voir ses voisins, leur donner la bénédiction. Il disait qu'il les aimait.

Ma mère, c'est autre chose. Ma mère est morte, soit la démence ou l'alzheimer, 10 ans après la mort de mon père. Elle ne nous reconnaissait plus. Moi, je l'ai vue à peu près 15 mois avant qu'elle décède, j'avais à régler... c'était une femme de principe. Alors, quand on disait ce que mon frère vivait, on ne parle pas des... ça nous tombe sur le nez, et tout, là, il ne fallait pas parler de nos souffrances. Mais j'avais des choses à lui pardonner, mais on m'avait dit: Prends-lui la main et tu vas voir, parle-lui avec ton âme. Son âme? Puis j'ai dit: Comment je vais le savoir? Ils ont dit: Tu vas le voir dans ses yeux. À l'intérieur de toi, dis-lui que tu lui pardonnes et tu vas voir ses yeux et sa réaction dans le visage. Ses yeux sont venus brillants, brillants, la couleur a monté dans son visage puis elle disait: C'est bon, c'est bon. Elle ressentait quelque chose.

15 mois après, une nuit, je sens une présence près de moi, je suis seule, je suis divorcée depuis longtemps, puis j'ai dit: Ce n'est pas un rêve, il y a quelqu'un à côté de moi. Puis là j'ai dit: Maman? J'ai dit: C'est maman qui est là. Je sentais sa vibration. Puis, le matin, quand je me suis levée très tôt, j'ai appelé chez mon frère qui s'occupait d'elle en Gaspésie, pas de réponse. J'appelle mes soeurs à Montréal, pas de réponse. Dans l'avant-midi, on me rappelle pour me dire que maman est en phase terminale, à la résidence où elle est en Gaspésie. Ça, c'était le vendredi, puis elle est décédée le samedi.

Moi, je ne pouvais pas y aller, mais je l'ai suivie. Je faisais du Reiki, une démarche, là, énergétique, puis, dans l'après-midi, je lui faisais un transfert d'énergie et, tout d'un coup, ce fut coupé, et mon frère m'a appelée puis il dit: Pauline -- il dit -- maman vient de partir il y a à peu près trois, quatre minutes. J'ai dit: Je l'ai ressenti. Je dis ça parce qu'il y a une vie à l'intérieur du corps physique. On dit souvent: L'âme a quitté le corps, hein, ou l'esprit a quitté le corps. Puis je suis contente que les médecins, les intervenants, les spécialistes ne veulent pas donner l'euthanasie à tout le monde, qu'ils veulent respecter cette vie-là, parce que je pense que c'est l'âme qui décide quand elle va quitter. Appelons ça l'âme, la conscience, le «spirit», whatever, le nom qui vous est familier, puis c'est ça qu'il faut respecter. Puis les valeurs de l'âme, bien, on avait, dans Le petit catéchisme: Dieu nous a créés à son image et à sa ressemblance. Moi, je ne voulais rien savoir de ce Dieu-là, c'était un juge, ce que j'avais appris. Mais, aujourd'hui, je sais qu'il est amour, il est paix, il est bonheur, il est joie, tout ce que nous sommes. Nous sommes amour. Qu'on soit handicapé, qu'on fasse de l'alzheimer, quoi que ce soit, il faut voir l'amour dans la personne.

C'est ce que j'avais à vous témoigner et je suis contente du travail que vous faites. Lâchez pas. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Landry, pour partager ces expériences avec le mystère de la mort, il y a beaucoup qui est écrit, ce sont des moments qui demeurent très mystérieux, malgré nos avancées dans la science et les sciences médicales. On est devant un grand mystère quand même. Alors, merci beaucoup pour...

Mme Landry (Pauline): Les gens viennent nous voir après pour nous dire... Mon frère, j'ai souvent été en communication avec lui, puis avec ma mère aussi. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Alors, il reste deux autres personnes qui ont fait la demande, et je pense qu'elles sont arrivées.

Des voix: ...

Le Président (M. Kelley): Hein? Qui est Ève Boisly. Alors, Ève Boisly, prendre votre temps, mais une dernière intervention d'Ève Boisly. Et les personnes qui vous accompagnent sont les bienvenues aussi. Alors, bienvenue, Ève Boisly. J'ai expliqué tantôt que le micro ouvert, c'est pour les personnes qui n'ont pas formellement déposé un mémoire d'avoir une courte déclaration. Alors, la parole est à vous pour plus ou moins cinq minutes.

Mme Ève Boisly

Mme Boisly (Ève): O.K. Merci. Bonjour. Je m'appelle Ève Boisly. J'aurai bientôt 14 ans. Je suis étudiante à l'école de Rochebelle en deuxième du secondaire. Et j'ai entendu parler de l'euthanasie dans mon entourage, et le prof d'éthique et culture religieuse nous a dit que ce serait un sujet de débats dans le cours.

Avez-vous vu le film Oscar et la dame rose? Je l'ai vu dernièrement avec mes amis, et c'est ça qui m'a fait penser à l'euthanasie. Oscar, un garçon de 10 ans, a le cancer, et il sait qu'il ne lui reste que 12 jours à vivre. Ni les médecins, ni ses parents n'osent lui dire la vérité. Il souffre tellement qu'ils sont incapables de communiquer avec lui. Seule la dame rose, venue livrer ses pizzas à l'hôpital, parle avec lui sans détour. Pour le distraire, elle lui propose un jeu: faire comme si chaque journée comptait désormais pour 10 ans. Elle lui offre ainsi une vie entière en quelques jours. À la fin du film, Oscar meurt autour de 130 ans, satisfait d'une vie bien remplie.

Je me demande: Si la dame rose n'était pas entrée dans sa vie, qu'est-ce qui serait arrivé? Est-ce qu'Oscar aurait souhaité l'euthanasie? Et ses parents, l'aurait-il demandée pour lui éviter des souffrances? Comment aurait-il passé ces derniers jours? Sûrement dans la tristesse et dans la peur. Ce que je retiens du film, c'est que, sans l'amitié avec la dame rose, Oscar serait resté concentré sur sa maladie et sa souffrance. Mais la dame rose l'a encouragé à sortir de sa bulle et à voir le bon côté des choses. Elle lui a fait réaliser tout ce qu'il pouvait faire en 12 jours, sinon il serait mort jeune sans avoir eu la chance de vivre sa vie au complet. On voit que l'amitié, c'est un échange. La dame rose avait de la misère avec ses émotions. Elle réagissait fortement, ça sortait tout croche. Avec Oscar, elle a appris à s'adoucir et à rester naturelle. Les deux se sont aidés mutuellement pour vaincre leurs peurs.

D'après moi, ceux qui souhaitent l'euthanasie ont perdu la joie de vivre. Ce qu'ils ont besoin, et j'en suis certaine, c'est quelqu'un pour les aider. Et je crois que c'est vrai pour toutes les personnes qui souffrent beaucoup, peu importe leur âge, et même si on a l'impression qu'on ne peut plus rien faire pour eux.

Je vous remercie de m'avoir écoutée.

**(17 h 10)**

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Bravo. Je pense que vous êtes de loin la plus jeune témoin à date. Ce sont de très grandes questions que nous sommes en train de discuter comme membres de la commission. Alors, votre intérêt et votre participation, le partage de l'expérience, le film... On cherche partout les expériences, et les films, c'est un bel endroit. Quelqu'un m'a parlé en fin de semaine d'un film, La mer intérieure -- est-ce que c'est ça? -- qui est un film espagnol. Il y a d'autres films qui touchent ces genres de questions. Alors, merci beaucoup pour votre intérêt pour participer devant la commission parlementaire. Nous avons vraiment apprécié votre présence ici cet après-midi.

Sur ça, je vais suspendre nos travaux jusqu'à 19 h 30 dans cette même salle. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 11)

(Reprise à 19 h 38)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat de la commission.

La commission est réunie afin de procéder à la consultation générale et aux auditions publiques sur la question de mourir dans la dignité.

On a deux témoins ce soir. Le premier témoin, c'est l'Association québécoise des directeurs et directrices d'établissement d'enseignement retraités, représentée, entre autres, par sa présidente, Mme Madeleine Trudel. Alors, sans plus tarder, Mme Trudel, la parole est à vous.

Association québécoise des directeurs
et directrices d'établissement
d'enseignement retraités (AQDER)

Mme Trudel (Madeleine): Alors, bonsoir. Oui, c'est long, l'AQDER, l'Association québécoise des directeurs et directrices d'établissement d'enseignement, oui, c'est long. Alors, d'une façon plus courte, nous sommes des directeurs et directrices d'école retraités. Voilà. Rémi Legault m'accompagne, à ma droite. Rémi est administrateur au sein du conseil d'administration de l'AQDER, A-Q-D-E-R. Je vais surtout dire AQDER pour le nom de notre association.

On vous remercie d'abord de nous permettre de présenter notre position sur la question de mourir dans la dignité. Je m'en voudrais de ne pas remercier d'une façon particulière Mme Anik Laplante. On s'est écrit, on s'est parlé au téléphone, mais on ne se connaissait pas visuellement. Alors, merci pour votre accueil et votre grande disponibilité. Merci beaucoup.

**(19 h 40)**

Notre mémoire ne cite aucun cas spécifique, aucun cas personnalisé. Notre mémoire n'a pas de frontières, ni de race, ni de religion, ni de moeurs. Notre mémoire ne vise pas que les aînés. Notre mémoire... Il n'y a pas de solution miracle. On parlera ici non d'individus, mais d'humains.

Notre association est favorable à une loi encadrant tout le processus de l'application de l'euthanasie et du suicide assisté. Le processus devrait passer obligatoirement par l'avis d'un comité d'éthique médical chapeautant les demandes de tous les hôpitaux dont les dossiers seraient dûment complétés. Et le tribunal ne devrait trancher qu'en tout dernier lieu.

Au Québec, les soins palliatifs sont performants et efficaces pour soulager, et même accélérer la dépression respiratoire sans souffrance. On ne parle pas d'euthanasie, mais d'un soulagement de la souffrance et de la détresse. En fin de vie, nous avons devant nous un être humain qui est une personne malade et généralement souffrante. Certains refusent les soins palliatifs parce qu'ils ne sont pas prêts à avouer la situation terminale. Notre société devra prendre tous les moyens pour informer la population de ce que sont les soins palliatifs. Selon l'éthique de la médecine pratiquée au Québec, tous les protocoles de fin de vie comportent un ensemble de règles établies en matière de déontologie. Ces règles sont strictement appliquées lors des recommandations. C'est ce qui se passe actuellement. Ces règles sont strictement appliquées lors des recommandations, et ces comités d'éthique sont, depuis très longtemps, implantés dans tous les hôpitaux québécois.

Les comités d'éthique que nous voyons intervenir dans les demandes d'euthanasie et de suicide assisté sont formés de médecins de famille, de médecins spécialistes, et ces médecins sont régis par leur code de déontologie, de gens provenant du public et de divers professionnels de la santé. Actuellement, ces comités sont formés de cette façon-là, depuis plusieurs années aussi. Le rôle de ces comités est d'étudier les demandes et d'évaluer chaque cas. Leur étude est primordiale. Leurs recommandations deviennent prioritaires et indispensables quand la famille surtout désire un niveau de soins jugé non indiqué par le personnel soignant. Et ces cas sont habituellement très difficiles à gérer.

Ce n'est pas écrit dans le mémoire, mais nous voulons aussi parler d'être visionnaire, d'aller plus loin que l'écoute, que notre écoute, que l'écoute des gens qui passent en commission, en audition, et d'aller vers une solution visionnaire. On a l'habitude de faire des lois, de rédiger... de passer des lois mais à court terme. Je pense qu'on est là maintenant pour aller plus loin.

Au Québec, les médecins de famille ainsi que les médecins spécialistes militent pour le dépistage des maladies génétiques prénatales, et là je parle de vision aussi. Le dépistage devient alors une forme de prévention. Ces dépistages sont entièrement payés par le gouvernement de l'Ontario, et ça, depuis des années -- ce que je vais dire est vérifié et vérifiable -- mais malheureusement ils ne sont pas payés par la Régie de l'assurance maladie du Québec, la RAMQ.

Selon l'Association des omnipraticiens du Québec, selon la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, toutes les femmes auraient droit à ce dépistage et payé par le gouvernement. Pour être efficace et à 100 % vrai, il faut deux étapes: la prise de sang et l'échographie. On nous dit qu'au Québec il y a un projet pour payer la prise de sang, mais c'est un projet, mais que le Québec n'a rien offert pour l'échographie. La prise de sang est à peine 60 % véridique, 58 % point quelque chose, mais, pour être sûrs, il faut l'échographie pour être à 100 % certains au niveau du dépistage. Il y aurait quelque chose à faire. Ça se fait entre six et huit semaines de grossesse. Alors, pourquoi qu'en Ontario depuis des années ça se fait? Pourquoi qu'au Québec on est rendus à peine à un projet, à 58 % de dépistage?

Selon le droit québécois actuel, c'est la volonté de la personne qui prévaut en traitement médical. Et cette personne peut en tout temps refuser le traitement qui prolongerait la vie ou atténuerait la souffrance, et ce, ce qui à court terme provoquerait la mort. Mais ça, je crois que les malades, les gens en fin de vie connaissent ce principe. Mais la personne qui ne pense plus et qui ne sent plus rien demeure un sujet de droit. Le testament biologique -- et je suis persuadée qu'on n'est pas beaucoup ici, mais probablement que notre testament biologique est fait -- le testament biologique est de plus en plus courant et stipulé dans les dernières volontés de la personne. En tout cas, moi, c'est fait. Mais ce testament n'a pas de prédominance légale.

**(19 h 50)**

Avec une espérance de vie qui augmente, la véritable question ne serait-elle pas d'apprendre à mourir? Avant de légiférer trop rapidement, il faudra que la société tienne compte de prémisses sociétales telles que -- et vous y avez pensé, c'est sûr -- le vieillissement de la population; le taux de natalité trop bas -- ça influence, il faut étudier ça; le ratio travailleur-retraité très prévisible et inquiétant aussi; les coûts reliés à l'espérance de vie plus longue; le niveau d'instruction de plus en plus élevé d'où le libre arbitre plus accentué -- nous avons une autre génération d'aînés; le style de vie dicté par les religions ou les convictions familiales ancestrales; la très faible tolérance à la douleur et à la perte d'autonomie; le support presque inexistant de la famille des aînés vieillissants; la solitude des aînés vieillissants et de surcroît malades; le taux de suicide des aînés de plus en plus élevé -- je lisais dans le journal, ce matin, que, par semaine, au Québec, je n'ai pas vérifié, mais c'était écrit dans le journal de ce matin, par semaine, au Québec, cinq aînés meurent par suicide ou maltraitance; le non-respect du choix de fin de vie des aînés -- on sait, l'humain sait qu'il va mourir mais il sait aussi comment il ne veut pas mourir; l'éthique médicale côtoyant l'acharnement thérapeutique.

Comme la majorité de la population, l'AQDER est tiraillée par ces questions, est consciente qu'un consensus social est utopique. Mais il y a des solutions à ces réalités et notre société a le pouvoir de les mettre en place, et c'est vous, ça, et d'en assurer le suivi. Vous savez que certaines parties du monde ont légiféré sur l'aide au suicide entre autres, mais les applications sont encore embryonnaires. Des risques de dérapage demeurent toujours, et c'est pour ça qu'il faut aussi un tribunal.

Dans notre société, l'être humain peut choisir et devrait choisir en toute connaissance de cause. Lorsque cet être humain a perdu toute autonomie physique et mentale, notre société se doit alors de le soutenir ainsi que les proches de la famille. Nous avons le pouvoir et le devoir de mettre en place un processus légal respectant le droit de mourir dans la dignité.

En conclusion, l'AQDER prône une loi avec un encadrement des plus crédibles. On ne doit plus apprendre à mourir dans l'espoir d'une fin de vie digne, mais avec la certitude de mourir dans la dignité, et cette certitude passe par des ressources offrant des soins adéquats et accessibles pour un accompagnement dans le respect de la dignité, des solutions humaines pour des humains de tout âge. On vous remercie.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Trudel, pour cette présentation. On va passer maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission, et je vais céder la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie: Merci, M. le Président. Mme Trudel, M. Legault, merci de votre présence, merci de votre belle contribution pour ce sujet fort complexe mais combien important pour notre société.

On a rencontré, les membres de cette commission ont rencontré beaucoup de personnes, de représentants d'organismes, de corporations professionnelles, ainsi de suite, d'associations, et certains groupes nous ont affirmé que le caractère sacré de la vie avait une prédominance sur l'autonomie de la personne. Et, moi, j'aimerais ça vous entendre, entendre votre réaction par rapport à une affirmation comme celle-là.

Mme Trudel (Madeleine): Je vais laisser la parole à Rémi et je compléterai au fur et à mesure.

M. Legault (Rémi): Oui, on a regardé, effectivement, ce coup d'oeil à un moment donné, mais on pense que la personne rendue en fin de vie, il lui appartient de choisir la façon dont elle veut partir, en toute connaissance de cause. Si ce n'était pas... la personne n'était pas en mesure de le faire, notre document dit qu'on devrait avoir un encadrement qui protège contre le dérapage. Mais l'autonomie de la personne rendue en fin de vie, pour nous autres, c'est une priorité.

M. Chevarie: Est-ce que...

Mme Trudel (Madeleine): ...dans ce dossier-là, souvent où entrent les différentes religions, je ne les ai pas comptées, mais il y en a quelques centaines, alors on ne veut pas aller de ce côté-là au niveau des religions, au niveau des... Bon. On parle humain, c'est l'humain qui décide.

M. Chevarie: O.K. Est-ce que je comprends, dans votre réponse, que principalement vous dites: Ce sont les personnes qui ont la capacité de porter un consentement libre et éclairé? Dans le cas, et je pense que vous avez fait allusion à cette possibilité-là, dans le cas d'une personne qui est atteinte d'une maladie cognitive, alzheimer, entre autres, pour la plus connue, est-ce que vous considérez cette possibilité-là, si jamais le gouvernement du Québec légalisait l'euthanasie, par exemple, est-ce que vous êtes ouverts également pour que cette accessibilité à l'euthanasie soit aussi pour les personnes inaptes?

M. Legault (Rémi): Bien, oui, on pense que c'est possible. Il y a deux possibilités qu'on voyait. La première, c'est que la personne a fait, au moment où elle était lucide, un testament biologique. À ce moment-là, les gens qui lui survivent sont en mesure de prendre une décision que la personne aurait prise. Dans l'autre cas, où ça n'a pas été fait, on pense que ça ne devrait pas être les proches uniquement qui prennent la décision, parce que ça, c'est un dérapage potentiel évident. On se dit qu'à ce moment-là, il devrait y avoir une équipe, on l'a dit dans le texte, d'ailleurs, une équipe multidisciplinaire éclairée qui soit capable de sanctionner la décision des gens, et, à la limite, ça pourrait aller devant le tribunal, mais en dernier ressort.

M. Chevarie: Vous n'auriez pas de craintes ou de préoccupations par rapport à une possibilité de dérive? D'ailleurs, c'est des éléments qu'on nous a mentionnés également, si jamais on ouvrait la porte à l'euthanasie pour des personnes qui ne sont pas capables de consentir elles-mêmes à recevoir ce service-là, entre guillemets. Et est-ce que ça aurait... est-ce que ça pourrait avoir, selon vous, des impacts négatifs sur la société, sur les valeurs de la société d'aujourd'hui, de permettre ce genre de services là?

**(20 heures)**

M. Legault (Rémi): Si les équipes qui seraient prévues, parce que ça serait encadré dans une loi, si les équipes sont vraiment constituées... Puis d'ailleurs l'euthanasie ne serait pratiquée que par un médecin, hein, dans notre tête, et lui agit au nom d'une équipe multidisciplinaire. Je ne vous dirai pas qu'il n'y a aucun risque, il y a toujours un risque, mais je pense que le décideur, le législateur doit prendre les moyens pour en éliminer la presque totalité. Il va toujours rester une fente à quelque part où quelqu'un pourrait passer. Mais, si on a une équipe multidisciplinaire mandatée et, à la limite, une cour de justice, les dérapages, de notre point de vue, sont très faibles.

Mme Trudel (Madeleine): J'ajouterais aussi que, quand on parle d'euthanasie, de suicide assisté, on parle de cas isolés, là, hein? Ce n'est pas un génocide, là, qu'on est en train de faire, là, ce sont des cas isolés. Et ces cas isolés là, il faut que ce soit très encadré par des spécialistes, par un comité multidisciplinaire d'éthique, non pas par la famille. La famille est là, oui, mais ce n'est pas eux qui décident, hein? Les parents, les enfants, les petits-enfants, puis ils disent: Grand-papa, on n'en veut plus. Mais, bon, O.K., y a-t-il moyen de s'en débarrasser? Bon.

Alors, je donne un exemple loufoque, là, mais on ne rentre pas là-dedans, là. Il faut vraiment un cadre, un vrai cadre, avec des spécialistes. Ce n'est pas la famille qui va décider. La personne elle-même, oui. Quand on parle d'alzheimer, c'est un cas, il faut que ce soit étudié. Et, à la toute fin, quand personne ne s'entend, bien, on va devant le tribunal. Mais ce n'est pas la famille qui décide.

M. Chevarie: Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le député d'Orford.

M. Reid: Une courte question, pour être sûr de bien comprendre ce que vous avez dit tantôt, quand vous avez dit: La religion, on n'est pas là-dedans, etc., une centaine de religions. Est-ce que je comprends que ce que vous dites, c'est que, dans le respect des religions de chacun, chacun prendra la décision qui correspond à son autonomie et à ses croyances, mais que la religion ne devrait pas être prise en compte quand on décide de faire une loi qui permet ou non, avec des comités, etc.? Est-ce que c'est bien le sens? Est-ce que j'ai bien compris si je fais ce résumé-là de votre pensée?

M. Legault (Rémi): Exactement. C'est que la proposition qu'on fait, c'est une proposition qui s'adresse à l'être humain. Et...

M. Reid: ...aux Québécois et aux Québécoises.

M. Legault (Rémi): Oui, un Québécois...

M. Reid: O.K.

M. Legault (Rémi): ...soit d'une religion ou de l'autre, il a les mêmes droits. Et les familles, à notre point de vue, ont les mêmes devoirs. C'est sûr que... Je reviens, c'est marqué, on l'a écrit quatre ou cinq fois, il faut un code d'éthique. C'est un mot populaire ici, ça, le code d'éthique. Il en faut un.

M. Reid: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonsoir, Mme Trudel, M. Legault. C'est toujours intéressant de recevoir le point de vue de regroupements tels que le vôtre. Surtout que vous êtes une espèce en voie d'extinction. On demande beaucoup, beaucoup des directeurs d'écoles au Québec. Alors, vous avez une grande expérience.

Je voudrais savoir quelle a été la méthodologie pour en venir au mémoire, comment vous avez consulté vos membres et comment vous avez pu élaborer tous les points qui sont contenus dans votre mémoire.

Mme Trudel (Madeleine): Moi, je peux répondre un peu...

M. Legault (Rémi): Bien...

Mme Trudel (Madeleine): ...puis tu finiras. Bien, consulter les membres? Non. D'abord, il fallait remettre ça pour le 16 juillet. Alors, on s'est organisés pour que, le 10 juillet, notre mémoire soit là. Et puis, avec des milliers de personnes, on ne peut pas. Par contre, je remercie beaucoup ce qui a été placé sur le site de l'Assemblée nationale. Je pense que Mme Laplante a été une des initiatrices de ça.

Alors, on est allé chercher cette documentation-là, qui était très bien faite. Et, selon les directeurs d'écoles et des enseignants, c'est-à-dire que les mêmes questions pour l'euthanasie, pour le suicide assisté, si tu réponds mal à une question et puis l'autre, tu n'es pas vrai dans ta réponse, il y a quelque chose, il y a un conflit. Alors, c'était très, très, très bien fait, en passant. Alors, on est partis de là. Après ça, évidemment, il y a un consensus qui se fait au niveau du conseil d'administration...

Une voix: Conseil des présidents.

Mme Trudel (Madeleine): ...les conseils des présidents, aussi.

Mme Gaudreault: Maintenant...

M. Legault (Rémi): Mme Gaudreault, il faudrait vous dire...

Mme Gaudreault: Oui. Allez-y, M. Legault.

M. Legault (Rémi): Juste rajouter: dans notre structure, chaque région est représentée au conseil des présidents. Et la démarche du conseil d'administration se fait à travers les conseils des présidents, qui ramènent chez nous -- parce qu'on est du même coin -- qui ramènent chez nous les démarches que le comité fait pour revenir.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup de la précision. J'aimerais... En page 4 de votre mémoire, vous avez posé une question intéressante -- parce que, vous savez, on a reçu plusieurs points de vue -- et vous parlez de «la véritable question ne serait-elle pas d'apprendre à mourir?». J'aimerais savoir comment, vous, vous pensez qu'on peut apprendre à mourir?

M. Legault (Rémi): Au moment où on a débattu de ce point-là, c'est qu'on parlait... Il existe, dans la province, il existe des centres où on donne des soins de longue durée, où des spécialistes, principalement en psychologie, travaillent avec les gens pour les rendre sereins face à la mort, et, dans beaucoup de cas, d'après ce qu'on a pu voir dans les démarches qu'on a faites, ça a réussi. Donc, il y a un apprentissage qui se fait. C'est sûr qu'il y en a d'autres qui ont une peur de mourir en venant au monde, là. Mais il y a un apprentissage qui se fait dans ces centres-là. Vous avez sûrement déjà vécu ou entendu parler de gens qui sont morts sereinement après une longue maladie; donc, ça s'apprend. Puis il faut développer ça. C'est la partie... Notre première partie, dans le fond, ce qu'on vous dit, là, la première partie, c'est qu'il faut développer ce volet-là pour arriver à diminuer le plus possible l'euthanasie, l'aide au suicide et le suicide, et il faut amener les gens à vivre la mort. Et, croyez-moi, ce n'est pas facile, puis, quand je vous dis: Croyez-moi, c'est parce que je suis passé proche plusieurs fois.

Mme Gaudreault: Ah!

Mme Trudel (Madeleine): C'est une culture de société, aussi, hein? J'irais même... Je n'ai pas fait de recherches très, très, très poussées, là, mais je pense qu'en Chine, entre autres, je pense que l'approche de la mort est très différente de ce que nous avons ici. Alors, c'est une culture à développer.

On voit actuellement, là, des publicités pour la maltraitance, par exemple, avec Yvon Deschamps. Pourquoi est-ce qu'il n'y en aurait pas pour dire: On est venus au monde pour mourir, au fond, mais on a du temps à vivre, mais la vie s'arrête à un moment donné? On a peur de dire ça. On a peur de la mort puis pourtant on le sait qu'on va mourir. Je le disais tantôt, j'ai dit: Oui, on le sait, l'humain le sait qu'il va mourir. Quand, comment? On ne le sait pas.

M. Legault (Rémi): Il n'est pas pressé.

Mme Trudel (Madeleine): Il n'est pas pressé, oui, mais... C'est ça. Mais tout le monde dit: Ah! Je veux mourir dans mon sommeil. Pourquoi? Parce qu'on ne veut pas souffrir? C'est ça. Alors, si on ne veut pas souffrir, il va falloir développer des choses. On va mourir tôt ou tard; c'est ça qu'il faut voir.

Quand on parlait de religion, et tout ça, peu importe dans quelle religion tu es, tu vas mourir. Comment veux-tu mourir? On ne veut pas souffrir, on ne veut pas être handicapé non plus, là, fauteuil roulant, et tout ça, oui? Mais ça, c'est une culture, et on pourrait aussi développer cette culture-là au Québec.

Mme Gaudreault: Est-ce qu'il reste du temps?

Le Président (M. Kelley): Oui, oui.

Mme Gaudreault: Oui? Alors, justement, on va continuer. En parlant d'apprendre à mourir, il y a plusieurs regroupements qui sont venus nous parler, ils font la promotion du testament biologique auprès de leurs membres. C'est une façon de sensibiliser les gens à comment vous entrevoyez la fin de votre vie, et c'est une façon aussi d'identifier les traitements qu'on ne veut pas recevoir et... Bon. Par contre, on a entendu plusieurs membres du corps médical qui disaient que ce n'était pas toujours respecté.

Mme Trudel (Madeleine): Ce n'est pas respecté; ce n'est pas légal! Et là, si la famille immédiate... Je suis très au courant, ma fille est médecin puis j'ai beaucoup de... Bon. Si la famille immédiate décide, hein: Grand-maman, là, ton testament biologique... Ou même ma soeur, ça peut être ma soeur de 32 ans. Alors, ce n'est pas respecté, ce n'est pas légal. Oui, on peut l'écrire.

M. Legault (Rémi): Ça devient un voeu.

Mme Trudel (Madeleine): C'est un voeu, c'est un souhait.

Mme Gaudreault: Bien, est-ce que vous croyez qu'on devrait justement... ça pourrait être une conclusion de cette commission de vraiment faire la promotion d'un testament de vie pour amener les gens à réfléchir par rapport à la fin de leur vie puis aux...

Mme Trudel (Madeleine): Vous pouvez faire...

Mme Gaudreault: ...toutes les possibilités qui pourraient se présenter devant eux?

Mme Trudel (Madeleine): Vous pouvez faire la promotion, c'est comme quand on fait la promotion de pas d'alcool au volant ou la vitesse, et tout ça. Ce sont des voeux pieux.

Mme Gaudreault: Vous ne croyez pas que ça pourrait donner des résultats pour apprendre à mourir?

Mme Trudel (Madeleine): Bien, probablement.

M. Legault (Rémi): Certains résultats, c'est sûr.

Mme Trudel (Madeleine): Oui, c'est sûr.

M. Legault (Rémi): Bien oui! Bien oui!

Mme Trudel (Madeleine): On s'attache, maintenant, dans l'auto.

Mme Gaudreault: Oui. C'est ça, ça a donné de bons résultats.

Mme Trudel (Madeleine): Voilà, ça finit par donner quelque chose.

Mme Gaudreault: Oui.

Mme Trudel (Madeleine): Alors, c'est pour ça qu'on dit qu'il y a une culture à développer.

Mme Gaudreault: Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Alors, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Merci à vous deux, Mme Trudel, M. Legault, merci d'avoir pris le temps, cet été, de pondre ce mémoire et de nous l'envoyer dans les délais prescrits. On est très heureux de la réponse...

Mme Trudel (Madeleine): ...ça, le délai...

**(20 h 10)**

Mme Hivon: Oui. Oui, je comprends. Alors, on est très heureux de la réponse, et, pour nous, en soi, ça a une grande valeur uniquement, dans un premier temps, du fait qu'il y a autant de gens comme vous qui prenez le temps de nous faire part de vos idées. Et il y a toujours des nouvelles idées qui émergent, alors, pour nous, c'est toujours enrichissant. Merci beaucoup.

Le hic, c'est que des fois, nous, on pose nos questions après puis des fois on se fait voler nos scoops par l'autre côté, donc la députée de Hull a abordé un peu ce que je voulais aborder, mais je voudrais l'amener un peu plus loin. En fait, je vais avoir une question un petit peu plus philosophique puis une autre un petit peu plus technique. C'est sur la même question, à la page 4: «Avec une espérance de vie qui augmente, la véritable question ne serait-elle pas d'apprendre à mourir?» Puis j'ai trouvé ça intéressant, parce que, si je vous suis correctement, vous, vous dites: Dans certaines circonstances exceptionnelles, il pourrait y avoir une possibilité d'une aide médicale active à mourir; par exemple, une euthanasie.

Il y a des gens qui vont nous dire... qui ont le point de vue tout à fait opposé au vôtre, qui vont nous dire que justement, si on apprenait à mourir, dans notre société actuelle, qui a un peu peur de la mort, qui met la mort au rancart, qui essaie de ne pas y penser, de ne pas en parler, de ne pas se l'approprier, que, si justement on se réappropriait la mort et qu'on l'apprivoisait, peut-être qu'en fait on n'aurait justement pas besoin d'aide médicale à mourir ou d'euthanasie parce qu'on apprendrait qu'il faut lâcher prise. On apprendrait que l'autonomie ne peut pas, en toutes circonstances, dominer.

Alors, j'aimerais comprendre quel est votre point de vue là-dessus par rapport à cet argument-là qui dit que, au contraire, si on se réappropriait la mort, on en aurait moins peur, on aurait moins peur que la fin de vie puisse être liée... avoir une certaine peur d'agonie parce qu'on se dirait: Bien, c'est ça, la mort, et je vais être accompagnée du mieux possible, et je vais lâcher prise.

M. Legault (Rémi): Bon. Je pense qu'on est d'accord avec ce que vous dites. C'est pour ça qu'on dit que, dans un premier temps, c'est la première chose à faire, mais, de penser que tout le monde va s'approprier la mort frôle l'utopie.

Deuxièmement, s'approprier la mort, c'est d'accepter le passage, mais souvent, entre les deux, il y a une grande souffrance qui fait que peut-être on s'approprie un peu moins le passage. Et, dans ces cas-là, c'est sûr que la médecine aujourd'hui elle peut nous geler pour six mois: on n'aura pas de douleur, mais on n'est plus là. Je pense que ce n'est pas ça, l'objectif.

Je pense que l'objectif, c'est d'apprendre aux gens, de faire comprendre qu'à un moment donné le terminus va arriver, il va falloir descendre, je pense; il faut l'apprendre. Mais il reste qu'il va toujours... on va toujours devoir aider ceux qui ont plus de difficulté ou ceux qui vivent des situations différentes. Parce que des gens qui sont cloués à un fauteuil, c'est tout juste s'ils peuvent respirer seuls. Tu as beau t'approprier le passage, tu le trouves étroit.

Mme Trudel (Madeleine): Mais, madame... je ne sais pas, votre... oui, en tout cas, quand vous dites: Bon, les gens, ils ont... Les gens, ils n'ont pas peur de la mort. Ils ne veulent pas souffrir, d'abord et avant tout, je pense, pour plusieurs personnes; ils ne veulent pas souffrir. Quand il y a des gens qui souffrent, qui souffrent, on a beau soulager, et tout, là, mais il n'en peut plus, là, il ne veut pas souffrir. Il n'en a pas peur, de la mort, dans beaucoup, beaucoup de cas.

Mme Hivon: Puis vous m'amenez sur un élément dont on a discuté aussi avec d'autres personnes. C'est intéressant. M. Legault, vous disiez: Maintenant, avec les moyens de la médecine, on peut geler quelqu'un pendant six mois, l'endormir, bon. Alors, je trouve ça intéressant que vous l'ameniez vous-même parce que c'est un argument que les gens qui sont formellement opposés à toute ouverture invoquent beaucoup, c'est-à-dire qu'ils disent: C'est paradoxal qu'on ait ce débat-là maintenant, en 2010, alors que la fin de vie, maintenant, est de moins en moins synonyme de souffrance, on est de plus en plus capable de contrôler la douleur, les gens qui ont des angoisses existentielles, on est capable de les calmer, soit par une approche psychologique, soit par, bon, des calmants, tout ça.

Et donc ils nous disent même, dans les cas ultimes où la souffrance ne peut pas... la douleur ou la souffrance ne peut pas être contrôlée, exactement comme vous dites: On peut endormir la personne. Et je comprends que, vous, ça ne vous satisfait pas comme explication et, puisque, nous, c'est un argument qu'on entend souvent, qu'ultimement la médecine, si elle n'est pas capable de complètement contrôler la douleur, on peut toujours endormir la personne pour quelques jours, voir si elle va mieux, ou même l'endormir pendant plusieurs jours jusqu'à ce que la mort arrive, pour s'assurer que la personne ne souffrira pas, je comprends que, pour vous, ça ne semble pas satisfaisant, puis j'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi vous pensez que ce n'est pas satisfaisant de dire qu'on peut endormir une personne jusqu'à ce que mort s'ensuive.

M. Legault (Rémi): D'abord, moi, je pense qu'il faut faire la distinction entre vivre et exister. Dans ce cas-là, je pense que la personne existe. Puis, deuxièmement, dans ces cas-là, je pense que, comme société, il se développe un petit peu d'hypocrisie. On va donner de la morphine, on va en donner, en donner. À un moment donné, ça tombe en surdose et ça devient presque de l'euthanasie. Là, c'est correct parce que c'est un calmant qui va l'endormir tranquillement. Mais pourquoi c'est correct dans ce cas-là puis ça ne l'est pas quand c'est une décision?

Alors, moi, je me dis: Exister, c'est une chose; vivre, c'est une autre chose. Puis je pense que, tous autant que nous sommes, on ne veut pas exister et seulement exister, on veut vivre. Ça prend certaines... un minimum de qualité de vie. C'est sûr qu'aujourd'hui, avec les drogues, là, ils peuvent nous garder endormis aussi longtemps qu'ils veulent, mais ils vont finir par nous avoir, parce que ces drogues-là finissent par nous faire tomber.

Mme Trudel (Madeleine): De toute façon, la douleur, maintenant on accouche avec l'épidurale. On a mal à la tête, il y a des extrafortes Tylenol, et tout ça, on est habitués, mais pour vivre; mais, en fin de vie, je pense qu'on est sur une autre planète, là.

Mme Hivon: Merci. Puis je vous avais dit que j'avais une question plus technique. C'est juste pour un peu approfondir. Vous avez dit que, pour s'assurer, là, qu'il n'y ait pas de dérapage si on allait dans ce sens-là, il y aurait toujours la présence d'un tribunal qui pourrait être là. Je veux juste que vous me précisiez comment vous voyez l'intervention... qu'est-ce qui déclencherait, par exemple, l'intervention du tribunal? Dans quelles circonstances? Par exemple, l'équipe médicale multidisciplinaire ne serait pas suffisante, puis il faudrait aller, pour avoir l'autorisation, devant un tribunal?

M. Legault (Rémi): Ce serait surtout dans le cas où il y aurait un conflit entre les parents et...

Mme Trudel (Madeleine): ...multidisciplinaire.

M. Legault (Rémi): ...l'équipe multidisciplinaire.

Mme Hivon: O.K.

M. Legault (Rémi): Ça serait surtout dans ce cas-là. Parce qu'on pense, nous autres, que c'est l'équipe multidisciplinaire qui, dans le fond, décide. Mais, dans le cas où il y aurait un conflit, là, bien, il faudrait que le tribunal tranche.

Mme Hivon: O.K.

Mme Trudel (Madeleine): Il y a souvent des conflits au niveau des familles, hein? Alors, dépendamment que ce soit un Québécois, que ce soit un Italien, ou tout ça, on a été élevés différemment, on a une culture différente. Et, à un moment donné, il y a des familles qui sont très fortes et d'autres qui sont plus faibles, qui vont laisser, et tout ça. Dans les cas de très forts et la famille décide ça, c'est parce que ça devient de l'acharnement, et tout, et d'autres veulent autre chose. Donc, ce n'est pas à la famille, à ce moment-là, de décider. C'est pour ça qu'on a besoin d'un tribunal. Mais ça, c'est en dernier recours, mais il faut qu'il soit là.

Mme Hivon: O.K.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Champlain. Ou Marguerite-D'Youville, ou?

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Non, non, c'est correct, vas-y.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: On a des questions.

M. Legault (Rémi): Chicanez-vous pas, là!

**(20 h 20)**

Mme Champagne: Madame, monsieur, dans un cas concret d'une personne qui est très malade, qui a des problèmes cognitifs, donc elle n'est plus là pour prendre une décision, n'en a pas pris non plus dans aucun testament biologique, et que le médecin propose en fait à la famille une aide ultime, que j'appelle, en disant: Regardez, là, on la prolonge pour la prolonger. On peut effectivement l'endormir par médication, mais elle peut, si elle a une bonne capacité... son corps peut résister longtemps... Je dis bien: Son corps; on parle d'une personne qui est très affectée, là.

Or, vous, ce que vous dites, c'est que, si le médecin avait le droit de le faire, il y a peut-être certains médecins qui diraient: Écoutez, là, on peut en finir plus rapidement puis éviter que ça dure et ça dure et ça dure, parce que la personne déjà, mentalement parlant, est très... est très partie, là, d'accord? C'est son corps, et son coeur qui palpite puis qui continue à vivre. On a tous vécu ça.

Or, avez-vous l'impression qu'un médecin qui aurait la permission de le faire... Parce que plusieurs médecins sont opposés à donner ce qu'on appelle une dose finale, hein? Les médecins sont prêts à donner un accompagnement, comme un médecin disait -- de Shawinigan, entre autres: Moi, je vais toujours aider la personne, je vais aider contre la douleur, je vais soigner et je vais donner les injections pour soulager la personne, et, si ultimement ça entraîne la mort, c'est parce qu'ultimement ça entraînera la mort. Moi, je ne donnerai jamais de dose pour tuer. Ça, on l'a entendu plusieurs fois. Il y a d'autres médecins qui disent: Si on avait la possibilité légale de le faire, là on pourrait aller jusqu'à proposer.

Or, ce que vous dites, à partir du moment donné où un médecin, devant un état de situation évident, propose à la famille d'aller aussi loin que d'avoir la dernière injection, que j'appelle, qui termine le tout maintenant, si la famille n'est pas d'accord avec... la famille, deux, trois, quatre, cinq enfants ou frères ou soeurs qui peuvent s'en mêler, c'est là que vous iriez devant un tribunal? Si un de la famille dit: Moi, je suis d'accord avec le médecin, l'autre est d'accord avec le médecin, mais malheureusement il y en a deux ou trois qui sont contre, là c'est là que le tribunal entrerait en ligne de compte?

M. Legault (Rémi): Je vous réfère à la page trois de notre document, l'avant-dernier paragraphe qui dit que la décision, c'est: Le comité d'éthique que nous voyons intervenir dans les demandes d'euthanasie, qu'elles viennent du médecin ou de la famille, et/ou du suicide assisté, soit formé de médecins de famille, de médecins spécialistes qui sont régis par leur propre code de déontologie, des gens provenant du public et de divers professionnels de la santé. Ce n'est donc pas le médecin qui a la seringue, qui va décider, là, c'est un comité.

Mme Trudel (Madeleine): Un comité.

Mme Champagne: Mais la condition, c'est: en autant que la famille serait d'accord. Je parle toujours d'une personne qui ne peut pas prendre la décision, là. Elle a un problème majeur, un problème...

M. Legault (Rémi): De la manière... Écoutez, ça, c'est un... on n'a pas fait une grande étude là-dedans...

Mme Champagne: Oui.

M. Legault (Rémi): ...mais, quand on en parlait, ce qu'on voyait, c'est que le médecin traitant, le médecin de famille, dit ou pense qu'il serait rendu à la fin. Il pourrait faire intervenir la famille et un comité déontologique qui arriverait à une décision, mais ce n'est pas ce médecin-là qui, seul, va dire: Bon, c'est le temps. Ce n'est pas comme ça qu'on voit ça.

Mme Champagne: O.K., je comprends.

Mme Trudel (Madeleine): Et ce n'est pas juste Pierre au lieu de Jean-Jacques, là, alors ce n'est pas juste Pierre qui va tout arrêter le processus, là. Supposons, là, qu'il y a trois hommes: Pierre, Jean, Jacques, là, alors ce n'est pas Pierre qui va arrêter le processus, là.

Mme Champagne: Donc, vous êtes d'accord avec la légalisation...

Mme Trudel (Madeleine): Oui.

Mme Champagne: ...mais avec des règles bien strictes...

Mme Trudel (Madeleine): Très strictes.

Mme Champagne: ...l'éthique évidemment, vous êtes d'accord avec ça.

Mme Trudel (Madeleine): Voilà!

Mme Champagne: Par contre, vous êtes conscients, comme vous, comme moi et peut-être bien des gens qui nous écoutent, que présentement, quand on aide les gens en les accompagnant soit en les endormant doucement, qu'on arrive au même résultat mais de façon différente.

M. Legault (Rémi): Jusqu'à un certain point.

Mme Champagne: Jusqu'à un certain point.

Mme Trudel (Madeleine): Oui. Évidemment, ce sont des cas particuliers. Je disais tantôt: C'est quand même des cas isolés, là. On est devant quelques cas isolés.

Mme Champagne: Tout à fait. Tout à fait.

Mme Trudel (Madeleine): Et il faut promouvoir également les soins palliatifs.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Absolument!

Mme Champagne: O.K. Parfait.

Mme Trudel (Madeleine): Il faut promouvoir la culture, également, de se préparer à mourir.

Mme Champagne: Parfait.

M. Legault (Rémi): Ça, c'est le numéro un.

Mme Champagne: Oui.

Mme Trudel (Madeleine): Oui!

Mme Champagne: Donc, vous mettez en premier l'accompagnement, aider... on n'aidera pas les gens, on ne leur dira pas: Tu dois mourir, là. On est loin de là. On est loin de là.

Mme Trudel (Madeleine): Mais il y a une façon de présenter. On regarde, là, Yvon Deschamps, je suis au G-15, moi, je travaille avec le groupe du Conseil des aînés, là, et puis on trouve que c'est très bien, c'est très bien fait, et puis on a participé à ça. Mais il y a moyen de faire aussi quelque chose de bien en parlant de mourir en toute dignité, parce qu'on n'a pas le choix, on va mourir.

Mme Champagne: ...de la pédagogie.

Mme Trudel (Madeleine): Ah! On a été enseignants avant de... avant, à la direction... avant d'être directeurs.

M. Legault (Rémi): Elle aussi.

Mme Trudel (Madeleine): Ah bon! O.K.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Marguerite-D'Youville...

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président...

Le Président (M. Kelley): ...qui a également un passage dans le monde de l'éducation.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui. c'est ça. Merci, M. le Président. Merci de votre contribution. Moi, je vais revenir avec une brève question sur le testament biologique. Vous en parlez en disant que c'est de plus en plus courant et stipulé dans les... ça peut être stipulé dans les dernières volontés de la personne mais qu'il n'a pas de prédominance légale.

Quelle importance vous donnez à ce document-là et comment pourrait-il prendre plus d'importance? Quel caractère voudriez-vous y donner si...

Mme Trudel (Madeleine): Caractère...

M. Legault (Rémi): Mais, madame...

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): ...pour qu'il soit respecté, parce que, tout à l'heure, on disait: Dans la majorité des cas, il n'est pas respecté, ou on prend ça comme un indicateur, mais finalement...

M. Legault (Rémi): Mais pourquoi on va obliger les survivants à respecter la disposition de l'argent mais on ne les obligera pas à respecter le testament biologique? Vous ne trouvez pas qu'il y a un problème de valeur?

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Ça veut dire que vous lui donneriez un peu le même caractère qu'un testament qu'on fait habituellement.

Mme Trudel (Madeleine): Bien oui!

M. Legault (Rémi): C'est un testament, c'est une volonté après notre mort. Mais, pour la piastre, il n'y a pas de problème, c'est...

Mme Trudel (Madeleine): On est... C'est ça...

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui, oui, je comprends.

Mme Trudel (Madeleine): Mais ça se fait chez le notaire, ça.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui.

Mme Trudel (Madeleine): Généralement, c'est signé chez le notaire.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): O.K.

Mme Trudel (Madeleine): Mais la famille dit: Non, on ne le respecte pas.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Bien, quand c'est notarié, habituellement, ce que les gens nous en disent ici, c'est qu'ils vont le considérer...

Mme Trudel (Madeleine): Ils vont le considérer...

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): ...mais habituellement ce sont des écrits ou des dernières volontés qui sont émises...

Mme Trudel (Madeleine): Voilà.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): ...puis qu'on prend ça comme un indicateur, mais on ne s'en occupe pas trop. Alors, c'est sûr que le caractère légal lui donne une portée.

M. Legault (Rémi): Il n'y a pas longtemps, sur le journal, vous avez sûrement vu qu'un jeune homme dans la trentaine avait fait un don d'organes...

Mme Champagne: Oui.

M. Legault (Rémi): ...et la famille a refusé.

Mme Champagne: Oui.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Ah oui! J'ai vu ça.

M. Legault (Rémi): Pourtant, il avait fait son testament.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Absolument! Oui.

Mme Trudel (Madeleine): Quand on parle de l'humain, là, il va falloir le respecter, l'humain, surtout quand c'est un adulte. Il faut respecter l'humain.

M. Legault (Rémi): Mais je ne pense pas me tromper, Mme Gaudreault, il n'y a pas d'obligation là-dessus, hein? Elle est avocate, elle.

Mme Trudel (Madeleine): Ah bon! O.K.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Ah! il n'y a pas d'obligation légale. Merci.

Le Président (M. Kelley): Il me reste à dire merci beaucoup. Les membres de la commission apprécient beaucoup le travail de Mme Laplante aussi, alors merci pour les propos à son égard. Et merci beaucoup pour la clarté de votre présentation ce soir. L'insistance sur un genre d'enseignement de la population et développer la notion de comment mourir, je pense, sont les idées intéressantes que nous allons alimenter notre réflexion.

Sur ça, je vais suspendre quelques instants, et je vais demander aux représentants des Chevaliers de Colomb de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 20 h 26)

 

(Reprise à 20 h 33)

Le Président (M. Kelley): Alors, bonsoir. On est arrivés à nos derniers témoins pour la journée. C'est les représentants des Chevaliers de Colomb, Me Jean Moyen et Me Léonce Roy. Alors, j'imagine, M. Moyen, c'est vous qui allez commencer ou... La parole est à vous.

Le Conseil d'État des
Chevaliers de Colomb inc.

M. Moyen (Jean): MM. les membres, M. le Président, vous me permettrez tout d'abord de remercier d'une façon toute particulière le gouvernement d'avoir pris cette décision d'entendre le peuple sur une question fort importante et surtout à répercussion inquiétante. Je voudrais aussi marquer et noter la délicatesse et l'excellent service que nous avons reçus de votre personnel en termes de collaboration à la préparation de notre travail.

Qui sommes-nous, les Chevaliers de Colomb? Plusieurs entendent parler depuis des années d'une organisation qui a une vocation particulière. On en fait même des caricatures. Alors, je suis le responsable des Chevaliers de Colomb au Québec, avec une équipe, à l'exécutif, dont notre aviseur légal. Et nous représentons plus de 100 000 membres, et ça, depuis plus de 30 ans, malgré les problèmes particuliers, évolution et questionnement, parce qu'on nous associe assez souvent, et de bon droit, à l'appui de l'Église catholique romaine, et nous n'en rougissons pas.

Malgré les problèmes qu'on connaît en ce domaine, je fais remarquer que nous maintenons plus de 100 000 membres actifs au Québec, ce qui représente, par rapport à l'âge moyen de notre clientèle, qui est autour de 60 ans, plus d'un demi-million de personnes. Parce que ces gens-là vivent bien sûr en famille, et, pour nous, la famille est le bien le plus précieux qu'on puisse hériter dans une société qui se veut responsable et noble. Alors, c'est d'ailleurs, face à toutes nos problématiques que l'on connaît ces années-ci, la priorité que nous retenons dans ce renouveau qui s'oriente vers la famille et, d'une façon plus particulière, notre jeunesse.

Faut-il vous dire que les Chevaliers de Colomb, à titre d'exemple, l'an passé, ont investi plus de 10 millions en aide au support à une clientèle en difficulté, voire en attente du dernier instant? Nous avons plus de 2 millions d'heures de bénévolat par année, qui se vit auprès, très majoritairement, des malades et de ceux qui nous tendent la main parce qu'ils ont des besoins particuliers. Nous sommes dans les hôpitaux de soins de longue durée. Nous accompagnons des malades à tous les jours. Nous voyons des gens se réjouir de notre présence. Nous voyons aussi des enfants dans la rue, qui attendent quelqu'un aussi... les aider.

Nous avons donc la prétention d'être un organisme qui depuis plus de 100 ans au Québec, 113 ans plus précisément, travaille avec le type de clientèle... en grande partie celle que nous... je ne dirais pas représentons. On ne les représente pas. On n'a pas ce pouvoir et on n'a pas le mandat. On ne leur a pas demandé, d'ailleurs. Mais on a notre mémoire à l'appui de ce qu'on entend à tous les jours et, disons-le, malheureusement, ces gens qui reçoivent très peu de support de leurs familles immédiates, excepté les fins de mois dans certains cas.

Mmes, MM. les responsables des lois au Québec, vous avez des décisions importantes à prendre. Et notre position, elle est très claire. Notre avocat vous l'appuiera en résumé, parce que vous avez le mémoire entre les mains. Il s'agit d'un mémoire qui a été préparé avec consultation auprès de nos membres. Chaque membre a reçu l'essentiel du contenu de ce mémoire, à qui on a demandé des réactions, et je peux vous dire qu'on n'a reçu aucune réaction négative. Et on a même 16 représentants, à travers le Québec, à qui on a demandé de l'analyser, d'en discuter, de nous faire des remarques. Aucune remarque à l'encontre dudit document.

Alors, il ne s'agit pas d'un document écrit par un spécialiste. Bien sûr, on a confié un mandat pour avoir des recherches solides, appuyées sur des documents qui existent et qui sont vérifiables et publics, d'ailleurs. Alors, nous sommes très à l'aise d'être devant vous et nous sommes surtout très fiers de vous déposer ce document qui a été largement ballotté, analysé et qui vous présente un contenu appuyé non seulement sur des écrits, mais sur du quotidien de nos bénévoles. Vous savez, plus de 2 millions d'heures de bénévolat, ça représente beaucoup de monde. Ce n'est pas simplement des Chevaliers de Colomb. Ce sont nos familles qui s'impliquent, nos enfants, nos conjointes et nous-mêmes.

Alors, sans plus tarder, je passerai la parole à mon collègue afin qu'il puisse aller aux techniques particulières du document. Mais on tenait à bien préciser le sens de notre intervention, qui est un témoignage d'un vécu quotidien auprès des malades et des mourants.

Le Président (M. Kelley): Me Roy.

**(20 h 40)**

M. Roy (Léonce E.): Alors, M. le Président, Mme la vice-présidente, les membres, je vois que vous aviez préparé ou vous aviez fait préparer un document, Mourir dans la dignité -- Document de consultation. Je me suis inspiré de ce document-là, que j'ai trouvé très bien fait et qui se voulait un document objectif, neutre et orienté vers les citoyens, pour éclairer les citoyens. Et je l'ai consulté avant de commencer à travailler sur le rapport. Je l'ai reconsulté après et je suis encore étonné de l'exactitude de ce document-là. Et c'est tout à la gloire de ceux qui ont travaillé dessus. Il nous a été précieux pour préparer notre mémoire ce soir.

Je ne veux pas reprendre toutes les données de notre mémoire. Vous avez dû vous rendre compte qu'évidemment on a une position qui est assez, disons, traditionnelle, une position qui est fondée sur des valeurs, des valeurs que le XXIe siècle... que nous prétendons que le XXIe siècle n'a pas réussi à effacer encore, et ces valeurs-là, bien, je veux dire, quant à nous, elles ne sont pas négociables.

J'entendais tout à l'heure un représentant d'un autre groupe qui parlait, à un moment donné, évidemment, des jeunes, puis la réorientation de la société, puis comment on doit être capable de penser à la mort puis même une mort prématurée, si nécessaire, dans un éclairage des circonstances sociales, être capable de repenser notre fin de vie pas comme on la pensait au XIXe et au XXe siècle. On est au XXIe. Quant à moi et quant à l'organisme que je représente, nous ne sommes pas tout à fait d'accord que l'État paternaliste vienne régimenter la naissance, régimenter la fin de vie. Et l'État, depuis 1964, avec la Révolution tranquille, s'est ingéré beaucoup dans l'éducation, s'est ingéré beaucoup dans les affaires sociales, les hôpitaux, et ce n'est pas facile de gérer tout ça. Et on pense que l'État ne devrait pas réglementer la fin de vie de ses citoyens et ses contribuables. Et on l'a exprimé à quelques endroits dans notre mémoire. Ce n'est pas à l'État à prévoir la naissance puis à prévoir la fin de la vie.

Nous sommes d'opinion que la vie ne nous appartient pas. Elle nous a été prêtée. Nous sommes d'opinion que notre corps ne nous appartient pas. Il nous a été prêté. Nos auteurs nous ont transmis la vie avec obligation de la retransmettre à nos semblables, mais c'est là la différence fondamentale de valeurs. Et on entend des arguments: Mon corps, c'est à moi, je fais ce que je veux avec. Ah oui? Pourquoi l'État s'immisce dans l'affaire de la consommation des drogues? Si quelqu'un veut consommer des drogues puis se ruiner le cerveau, qu'est-ce que l'État a à faire dans ça? Cette école individualiste prétend qu'on est propriétaires de notre corps et de notre santé. Et c'est si faux que nos lois ne permettent pas qu'on se mutile, ne permettent pas qu'on se coupe un pied puis qu'on se crève les yeux pour ne pas travailler ou pour différentes raisons. C'est des actes proscrits par le Code criminel. Alors, quand vient la fin de la vie, dans différentes circonstances très particulières, là, on se pose la question: Mourir dans la dignité, qu'est-ce que ça veut dire? Est-ce qu'on doit, en certains moments, abréger la vie? Est-ce qu'on doit faciliter le départ? Et c'est tout le questionnement qui est devant notre société en 2010.

Et j'ai lu un petit peu sur ce que disaient même certains journalistes, les formeurs d'opinion. Et Nathalie Petrowski, dans son édition du 4 octobre 2010, parlait de «la formidable complexité entourant la question de l'euthanasie». «Formidable complexité». Et là elle s'appuyait sur une étude récente, une étude qui était un livre fait par deux médecins qui ont fait un échange épistolaire, entre eux, de lettres. Et le titre, c'est Être ou ne plus être, échange épistolaire entre deux médecins, Marc Boisvert, qui est un pour, et Serge Daneault, qui est un contre. Alors, tous deux travaillent aux soins palliatifs. Daneault était à l'Hôpital Notre-Dame, tandis que Boisvert, lui, était au Royal Vic. Et évidemment ils sont dans le même milieu de travail, les soins palliatifs. Et là le Dr Daneault dit: L'euthanasie, c'est «la manifestation la plus triste du désespoir». Il y a une toute petite différence entre la sédation palliative et l'euthanasie, mais elle est d'une importance capitale, cette petite différence: dans le cas de la sédation palliative, le médecin aide efficacement à supporter la souffrance, tandis que dans le cas de l'euthanasie le médecin supprime la souffrance en supprimant le sujet de souffrance, la personne souffrante.

Quant au Dr Marcel Boisvert, qui est pro-euthanasie d'après ce qu'on a pu comprendre par l'échange épistolaire, il dit: «L'euthanasie, c'est la réponse à l'appel pour la liberté de choix.» Je reviens, «liberté de choix». Mon corps m'appartient, ma vie est à moi, j'en fais ce que je veux. L'État n'a pas d'affaire à ça. Mais ces mêmes gens qui vont dire: Mon corps est à moi, puis l'État n'a pas d'affaire à ça, bien ils vont vous dire: Oui, oui, mais on est pour l'euthanasie, puis ce serait bien qu'on ait une législation pour l'euthanasie ou le suicide assisté. Alors, réponse à l'appel à la liberté de choix puis à l'autodétermination du mourant. Le mourant, c'est son dernier choix qu'il fait de dire: Je pars quand je veux. Alors, le Dr Boisvert est sensible à ça et, lui, la liberté de choix et l'autodétermination du mourant, il est pour ça, tandis que l'euthanasie, «la manifestation la plus triste du désespoir». Le Dr Daneault l'analyse comme cela.

Et ce qui est drôle, c'est que Mme Nathalie Petrowski, qu'on connaît bien pour ses remarques pertinentes et parfois, je dirais, presque cinglantes, elle dit: «Cette persistance paternaliste à servir la vie -- c'est le docteur, évidemment, Boisvert qui l'inspirait -- jusqu'au dernier souffle, à l'encontre des valeurs du malade, prend les allures d'une idéologie: servir une idée au détriment d'un [être] humain.» Et là se profilent les deux thèses, le caractère religieux des arguments antieuthanasie, le caractère neutre, laïque, areligieux, profane, même athéiste des arguments proeuthanasie.

Et voici comment Mme Petrowski termine son article: «En fait, par une étrange osmose, j'en suis venue à adopter les idées du Dr Boisvert -- pro... pro -- ou du moins à les comprendre et à en apprécier l'humanisme et l'intelligence.» Elle penchait vers le Dr Boisvert. «J'aurais dû, dans l'exercice, prendre mes distances des propos de Serge Daneault -- qui est contre. Il n'en fut rien. Même si par moments je me méfie de son côté curé, Daneault finit toujours par me rallier par la puissance d'une réflexion vivante et jamais désincarnée. Lors de sa dernière lettre [au Dr] Marcel Boisvert, [le Dr Serge] Daneault a l'humilité de conclure que ce sont en fin de compte les expériences de la vie et non pas les idées, qui forgent les opinions des êtres humains.»

Alors, nous avons pris position contre l'euthanasie. Vous aurez compris, à la lecture de notre mémoire. Je suis sûr que les membres de votre comité ont lu notre mémoire. Sur le plan légal, le Québec n'a pas l'autorité pour introduire le suicide assisté et l'euthanasie. Le Québec peut faire des pressions sur le gouvernement fédéral. Le Québec peut plaider ses causes jusqu'en Cour suprême. La Cour suprême pourra déclarer les lois actuelles qui empêchent l'euthanasie et le suicide assisté, pourra les déclarer non constitutionnelles en vertu des chartes. Mais seule la Cour suprême peut le faire et seul le Parlement canadien peut le faire. L'autorité législative provinciale, même si on dit que nous sommes une capitale nationale, l'autorité législative provinciale ne permet pas, hein, de mettre de côté une législation fédérale comme le Code criminel. Et à trois reprises une famille politique a présenté des projets de loi, et à trois occasions ça a été battu à plate couture. La dernière, c'est le 21 avril 2010. Vous savez, c'est chaud encore. Alors, si le Parlement du Québec s'aventurait pour essayer d'introduire par un à-côté l'euthanasie ou le suicide assisté en se servant des médecins dans les hôpitaux, tout ça, il se peut fort bien que ça se ramasse à la Cour suprême parce que le Code criminel n'est pas encore amendé.

**(20 h 50)**

Alors, moi, je dis dans mon mémoire: Attention! Ne mettons surtout pas le doigt entre l'arbre et l'écorce. On l'a fait pour la Charte de la langue française, qui a été décortiquée à quelques reprises. Puis, je veux dire, soit dit en passant, là, je ne suis pas d'accord nécessairement avec la Cour suprême. Mais, quand la Cour suprême parle, on n'a plus le choix, il faut se rallier, quand on est des démocrates.

Alors, tout ceci pour vous dire que, les Chevaliers de Colomb, l'organisme que nous représentons, on est contre l'euthanasie ou le suicide assisté.

Mais, ne vous méprenez pas, ce n'est pas vrai que le monde occidental est en train de verser dans ça. Savez-vous quels sont les États qui sont pour le suicide assisté? L'État de l'Oregon, depuis 1997. Vous savez, ça ne pèse pas lourd dans la balance des 50 États américains, là. L'État de Washington, dans l'Ouest -- pas Washington, D.C. -- en 2009. C'est récent, c'est chaud. Le Luxembourg. C'est moins que Montréal, là, c'est presque l'île d'Orléans, là, tu sais. Je veux dire, le Luxembourg, qu'on ne vienne pas se gargariser puis dire: Voici le Luxembourg, le grand pays qui est pour l'euthanasie. Bien oui, je veux dire, ça... L'Angleterre, l'Allemagne, la France, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, de grands pays européens, ils ne sont pas encore pour l'euthanasie puis le suicide assisté. Qu'on n'essaie pas d'innover avec l'Oregon ou avec le Luxembourg. La Belgique, depuis 2002. Mais encore là, nous, on prétend...

Et j'entendais Mme Denise Bombardier, à un moment donné, faire un commentaire -- ça a même été mis sur le journal -- que le débat est peut-être prématuré. C'est un débat important. C'est un débat de société. Vu le vieillissement de la population, il y a tout l'aspect économique sous-jacent. Est-ce qu'on va continuer à supporter nos vieux, nos handicapés profonds, dans nos CHSLD? Les familles ne sont plus là pour supporter, souvent, les plus infortunés des leurs. Qui va le faire? L'État en sent la responsabilité. Puis là, bien, on dit: Bien, peut-être qu'on devrait abréger la vie. Ça coûte cher, ça. Alors, nous, on n'est pas d'accord pour ça et on pense qu'il va y avoir un repositionnement. La pyramide des âges s'est inversée au cours des 30 dernières années. Elle se, peut-être, réinversera pour que la jeunesse soit plus nombreuse et plus grande pour supporter la société québécoise.

Alors, quoi qu'il en soit, je ne voulais pas reprendre les grands thèmes de notre... Simplement, notre position finale: nous sommes d'opinion que l'État ne peut pas, dans l'état actuel du droit, baliser ou établir des normes en matière d'euthanasie ou de suicide assisté, et ça, tant et aussi longtemps que le Parlement canadien n'aura pas accepté la décriminalisation des deux actes. Ce n'est pas en utilisant le mot «mourir dans la dignité»...

Et vous remarquerez, dans notre mémoire, qu'on ne parle pas, nous, de mourir dans la dignité. On parle de mourir dans la dignité et le respect. Parce que la dignité, c'est la dignité de la personne qui meurt, puis le respect, c'est le respect de l'environnement alentour de la personne qui meurt. Puis je pense que la personne qui meurt, c'est la personne la plus importante dans ce débat-là, l'invalide, l'impuissant, l'incapable, la personne qui dans un court délai va quitter la vie. Alors, le respect... Alors, nous, on a ajouté «mourir dans la dignité et le respect».

Alors, nous continuons de prétendre qu'il faut encourager le développement des soins palliatifs, consistant à accompagner les malades, les vieillards et les invalides jusqu'au terme de leur vie naturelle, et en diminuant au maximum leurs souffrances. Ces soins palliatifs ne doivent pas dépasser une certaine limite raisonnable, sans quoi on pourrait s'aventurer dans le leurre de l'acharnement thérapeutique.

Une personne vraiment entourée d'amour et d'affection ne demandera certainement pas l'euthanasie. Vous avez entendu notre député d'État tout à l'heure dire: Nos membres, nos 101 000 membres, ils sont dans les hôpitaux, ils sont dans les endroits où les malades se retrouvent, ils font la visite des malades. À chaque mois, dans nos conseils, il y a toujours quelqu'un responsable des malades qui dit: Voici, nous avons été visiter tel, et tel, et tel malade. Telle personne vient de sortir de l'hôpital. On nous fait des rapports dans nos 535 conseils. On le fait dans nos 119 assemblées de quatrième degré. On s'en occupe, de nos malades.

Alors, le personnel soignant devrait être assez astucieux et vigilant pour percevoir s'il y a un appel au secours ou une demande réelle de quitter la vie du monde visible pour celle du monde invisible.

À un moment donné, je me suis dit: Peut-être que l'un ou l'autre des membres de la commission me dira: Mais, écoutez, M. Roy, vous autres, vous dites que vos normes, c'est qu'après la vie terrestre il y a la vie éternelle. Comment ça se fait que vous n'êtes pas prêts à partir plus vite, si vous croyez vraiment à cette valeur-là de l'au-delà? Bien, on pourrait se poser la question, mais on pense, nous autres, que, la personne humaine, sa dignité exige qu'elle aille jusqu'au bout de sa vie terrestre, et c'est l'enseignement qui nous est donné par l'ensemble des Églises chrétiennes, pas juste de l'Église catholique, là. C'est même l'enseignement qui nous est donné par les Juifs, la communauté juive.

Alors, en terminant -- paragraphe 116 -- nous nous permettons de rappeler que Dieu seul est le maître de la vie. La vie est ce don précieux et sacré qui vient de lui et qui nous est prêté. La souffrance peut nous rapprocher de Dieu et devenir un germe de gloire.

Les évêques canadiens de l'assemblée des évêques ont déjà présenté un dossier au comité sénatorial canadien, où ils s'opposaient fermement à l'euthanasie et au suicide assisté. Alors que des efforts médiatiques se multiplient pour légaliser ces gestes, il est bon d'aller au-delà des réactions émotives et parfois mal fondées pour découvrir les enjeux et les conséquences pour la société. Le problème n'est plus strictement personnel, il est de type sociétal, on en convient. Mais ce n'est pas à l'État à faire de l'éthique et de la morale.

Rappelons que toutes les Églises du Conseil canadien des Églises sont préoccupées par cette importante question. Depuis des siècles, les Églises ont prodigué aux malades et aux mourants les soins et le soutien nécessaires. Et on a l'exemple de soeur Teresa, qui a passé sa vie à s'occuper des mourants, à les ramasser à Calcutta, hein, et elle a réussi à monter une communauté de 15 000 membres pour faire ça.

Je ne vous rappellerai pas les propos du pape Jean-Paul II, qui était foncièrement contre l'euthanasie. Je vous les ai citées dans le mémoire.

À l'exemple de l'Église catholique, notre mouvement réprouve le suicide, l'acte délibéré de se donner la mort. Il s'objecte aussi au suicide assisté. L'aide au suicide peut consister à fournir à quelqu'un l'information, l'aide ou les moyens lui permettant de s'enlever la vie. Aussi l'Église interdit-elle d'aider une personne suicidaire en lui fournissant des médicaments néfastes, en lui administrant une injection mortelle, même si cette personne souffre beaucoup.

Bref, nous sommes contre toute réglementation visant à contourner les principes énoncés aux articles 14, 222, 229, 231, 245 du Code criminel, de même que nous sommes d'opinion que les codes de déontologie des médecins et des infirmières sont suffisants pour rencontrer les exigences d'une fin de vie d'une personne digne et respectant son humanité.

Alors, j'arrêterai là. Notre mémoire est assez complet sur ces questions-là. Nous sommes à votre disposition pour répondre aux questions.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Me Roy, M. Moyen. On a pris à peu près 25 minutes, alors il faut être un petit peu plus concis dans notre période d'échange avec les membres de la commission. Merci beaucoup pour vos commentaires sur le document de consultation, parce que, je pense, tous les députés autour de la table peuvent témoigner, ça a pris beaucoup de rencontres de travail. On a toujours essayé de faire ça le plus objectif possible. Il y avait beaucoup de questionnements. Alors, nous avons apprécié vos propos, parce que c'était notre objectif de lancer les débats, d'essayer de mettre sur la place publique certaines expressions pour donner les définitions, pour alimenter un débat. Parce que beaucoup de témoins ont dit que certains concepts ne sont pas clairs dans la population. On a tout intérêt... C'est quoi, un arrêt de traitement? C'est quoi, un refus de traitement? C'est quoi, l'acharnement thérapeutique? Ce n'est pas les mots qu'on utilise à tous les jours autour de la table de la cuisine, mais, je pense, pour alimenter notre débat, c'était important de les mettre sur la place publique. Alors, merci beaucoup pour vos commentaires.

Je suis prêt maintenant à céder la parole à mon collègue le député d'Orford.

**(21 heures)**

M. Reid: Merci, M. le Président. Vous avez commencé à parler du bénévolat des Chevaliers de Colomb. Vous avez expliqué un petit peu ce que c'est. Moi, je peux vraiment témoigner, dans mon comté, en particulier à Magog, où j'habite, où j'ai connu, j'ai appris... j'ai travaillé avec les Chevaliers de Colomb, en particulier pour les paniers de Noël, où je participe. Et aussi j'aide de différentes façons, parfois même avec notre fonds de soutien, le petit budget qu'on a localement pour aider, parce qu'il y a quelque chose... il y a des choses qu'ils font extraordinaires. Entre autres, c'est de ramasser des meubles et des choses pour aider ceux qui se retrouvent dans la rue après un incendie quand ils n'ont pas d'assurance, etc., des gens qui sont vraiment dans des besoins extraordinaires. Et, dans ce sens-là, je pense qu'il faut... Juste ça, avec le nombre de personnes qui font ça au Québec dans les Chevaliers de Colomb, ça mérite effectivement qu'on ait une écoute très attentive à ce que vous avez à nous dire.

Et, moi, je retiens dans un premier temps que pour vous... C'est un élément qui, je pense, qui a été appuyé par beaucoup de monde, mais, pour vous, les soins palliatifs, c'est d'abord le premier élément qui devrait être dans nos préoccupations. C'est ce que je retiens de ce que vous nous dites. Et je pense que, là-dessus, vous avez frappé une corde sensible pour à peu près tous les membres, quelle que soit l'origine des membres de la commission. On a eu l'occasion d'en parler à quelques reprises. Et vous avez répété à plusieurs fois -- et je pense que le message est clair aussi -- que l'acharnement thérapeutique, ce n'est pas une solution non plus.

Maintenant, vous dites à un moment -- je vais lire ce qui est entre les guillemets ici: «Notre société québécoise s'attend à ce que [les] législateurs prennent leur travail au sérieux et n'aient pas peur d'affirmer leurs convictions personnelles.»

Une voix: Quelle page?

M. Reid: C'est dans le résumé. J'ai ça dans le résumé. Je ne l'ai pas, malheureusement, avec moi. Mais je vais le relire rapidement, vous allez vous reconnaître, là. Puis vous dites: «Notre société québécoise s'attend à ce que ses législateurs prennent leur travail au sérieux et n'aient pas peur d'affirmer leurs convictions personnelles.»

Moi, je voudrais juste vous dire: Là-dessus, nous, on est dans une position qui est assez délicate, parce que... Et je vais vous citer quelqu'un que je suis en train de lire actuellement. C'est un livre qui a été écrit par un président de l'Université de Harvard, qui a été président 20 ans et qui a écrit un livre sur le fait qu'on devrait se préoccuper du bonheur de la population. C'est compliqué un petit peu, je ne rentrerai pas dans les détails. Mais ce qu'il dit, c'est: Il faut faire attention parce que, pour chacun, chaque personne qui est élue, le bonheur, ce n'est pas nécessairement la même chose. Il y en a pour qui le bonheur, c'est l'argent. D'autres, le bonheur, c'est d'autre chose, etc. Et ce qu'il dit: Il faut faire attention, comme législateur, de ne pas... affirmer, c'est une chose, mais de ne pas imposer les convictions personnelles de chacun.

Et c'est également vrai dans ce que l'on fait ici, c'est-à-dire que chacun est parti avec des convictions personnelles. Et ces convictions-là, bien, évidemment, elles peuvent évoluer au fur et à mesure qu'on écoute des gens. Mais surtout ce qu'il est important de comprendre, c'est que, quand on écoute 250 groupes de personnes plus ceux qui font le sondage, les 250 groupes de personnes ou personnes qui viennent nous voir, c'est assez... Moi, dans huit ans de vie parlementaire, je n'ai jamais vu une commission avec autant de monde qui viennent parler et dire leur opinion. C'est certain qu'on a beaucoup d'opinions différentes là-dessus et que, moi, je voudrais vous dire que ce que j'apprécie beaucoup dans ce que vous dites, c'est que vous n'avez pas peur de dire dans quelle couleur ça se situe. Vous citez des éléments de doctrine catholique, vous citez le pape, et donc, moi, j'aime bien que les choses soient très claires. Il y a des gens où on sent que c'est peut-être la même source d'inspiration mais qui ne le disent pas. Moi, j'aime bien quand les choses sont claires et je vous remercie d'avoir mis les choses très claires là-dessus.

Maintenant, ça nous permet de poser une question aussi que j'ai posée à vos prédécesseurs, vous l'avez entendu un petit peu, qui, eux, avaient dit: Pour nous, la religion, c'est quelque chose qui ne devrait pas faire partie ou en tout cas qui ne devrait pas servir de base à une législation comme telle. Alors, ici, vous dites, vous: Non, on devrait... Enfin, je ne dis pas non, mais vous dites: Les éléments de la doctrine catholique, pour nous, sont extrêmement importants, et c'est une base fondamentale de notre opinion qu'on vous transmet.

Comment vous voyez ce débat? Parce que, finalement, la question, c'est le mot «imposer» plutôt que le mot «exprimer». Est-ce qu'on devrait imposer une doctrine à tout le monde ou la position qui semblait a priori intéressante aussi, mais c'est... j'aimerais avoir votre opinion de vos prédécesseurs, qui disaient: La religion, c'est plus quelque chose de personnel? Et évidemment, la doctrine catholique, c'est quand même la religion qui est la plus répandue au Québec, là, c'est quand même la religion majoritaire. Est-ce que ça, ça permet d'imposer en quelque sorte des idées qui sont avec ça? De quelle façon est-ce que vous voyez cette position-là?

Et c'est important pour nous, parce qu'une fois qu'on a fini tout ça, là, nous, là, il va falloir prendre la pile, des piles qu'il y a de documents. Ce qu'on a entendu, on va réécouter certains témoignages puis on va discuter entre nous: Qu'est-ce qu'on fait avec ça? Qu'est-ce que la société québécoise nous demande? Nous, ils nous ont élus puis ils nous ont demandé de les représenter. Qu'est-ce qu'ils nous demandent exactement comme société? Et votre témoignage va compter beaucoup. Mais j'aimerais ça avoir votre opinion à savoir la question liée à une doctrine religieuse qui est encore très présente, qui est très forte, qui est la plus répandue au Québec, versus notre problématique, nous, de représenter l'ensemble de la société, qui ne sont pas forcément peut-être... qui ne sont pas forcément... qui n'adhèrent pas forcément à ça. De quelle façon est-ce que vous voyez ce dilemme-là? Et je comprends que ce que vous dites, c'est une opinion. Et l'opinion, elle est bien documentée, elle est bien appuyée et elle est bien reçue. Elle va nous servir. Mais j'aimerais juste vous entendre sur ce dilemme un peu, là, qui est lié au fait que des religions différentes vont amener aussi des points de vue différents, puis il y en a qui n'ont pas nécessairement d'adhérence à une religion ou à une vision des choses qui est celle qu'on retrouve dans notre religion catholique, par exemple.

M. Roy (Léonce E.): Bien, je vais laisser la parole au député d'État, qui est le chef de l'ordre au Québec. Mais, s'il y avait... je pourrais peut-être apporter un complément à ce qu'il dira, là. Alors, je vais laisser à M. Moyen la parole.

M. Moyen (Jean): En juin dernier, nous avons accepté une résolution très importante au niveau de l'évolution et de l'intelligence de... quand je dis «l'évolution», de la vie quotidienne avec nos jeunes. Dans nos constitutions, il est clairement indiqué que, pour être Chevalier de Colomb, il faut être une personne baptisée et pratiquante. Ce qu'on m'a enseigné comme pratique il y a déjà... -- je ne vous dirai pas le nombre d'années, mais je peux... c'est raisonnablement important -- c'est drôlement différent de ce qu'on enseigne aujourd'hui, mais il y a un lien. Et la résolution qu'on a adoptée, c'est de dire: Toute personne baptisée qui ne renie pas son baptême, on peut l'accueillir chez nous, dans une organisation qui se veut d'abord et avant tout à l'écoute de ceux et celles qui ont besoin de nous, c'est notre raison d'être, et d'être par nos actions des gens qui témoignent des valeurs morales de l'Église. Je dis bien: Par nos actions. Ça veut donc dire que, lorsqu'on est auprès de ces gens qui attendent la mort pour une grande majorité, d'autres qui la craignent -- et là je parle de 15 ans d'expérience en arrière de moi auprès des malades -- il y a un lien qui les relie tous, et on ne leur demande pas de quelle religion ils sont, là: c'est d'avoir besoin d'être écoutés.

Or, nous sommes une organisation clairement identifiée par ses valeurs morales et on n'en rougit pas, et c'est pourquoi on affirme dans notre mémoire et on s'appuie sur des valeurs. Et nos jeunes d'aujourd'hui ne sont pas moins généreux qu'on l'a été il y a plusieurs années, et c'est par cette générosité qu'on va chercher nos membres pour être au service de la population d'abord et avant tout. Et, la pratique religieuse comme telle traditionnelle, on pourrait facilement se faire mettre de côté par des gens qui refusent, qu'on ne juge pas. On souhaiterait qu'ils fassent de même. Mais il reste que la pratique religieuse au Québec et les croyants sont encore... et chez nos jeunes, étonnamment, ont des valeurs qu'ils aiment entendre, et qui s'y réfèrent.

Moi, je vous donne juste un petit exemple: j'ai deux filles dans l'enseignement. J'ai été plusieurs années... Moi aussi, j'ai été directeur d'école. J'ai bien entendu le mémoire tout à l'heure. Alors, j'ai fait carrière pendant 32 ans dans le domaine de l'enseignement. Alors, effectivement, ce que je veux vous dire: Ma fille me donne une leçon cet été. Les 10 dernières années, nous avons eu l'enfant dans l'école, on l'appelait le petit roi, par une des lois que vous avez passées en Assemblée ici. Je vais être modeste, je ne voudrais pas vous en donner le mérite, mais il y a effectivement... pour ceux et celles qui étaient là, il y a un élément qui se traduit aujourd'hui sur le terrain, qui est maintenant le papa et la maman, par le temps que vous leur avez donné, le moment le plus important de la vie, qui est le début, d'être près de l'enfant et de jouer avec sur la plage. Et ma fille me disait après 25 années d'expérience: Papa, l'avenir est avec nos jeunes parents. Ils sont ouverts et ils entendent le respect des valeurs. Et notre priorité qu'on donne cette année, c'est qu'on a vécu, depuis les 10, 15 dernières années, la priorité aux ténors qui tentaient d'ébranler la société québécoise; nos jeunes sont en train de nous ramener à l'ordre dans l'espoir de la générosité. Et c'est là-dessus, je pense, qu'un gouvernement responsable doit tabler, dans le respect de la vie de son tout début à la fin dans la dignité. Et ça, c'est bien au-delà de la religion.

**(21 h 10)**

M. Reid: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: O.K., oui. Je pensais que les collègues avaient des questions. Alors, bien, merci beaucoup, M. Moyen et Me Roy, d'être parmi nous ce soir. Je dois vous féliciter pour, je dirais, toute l'application, le souci du détail qui transparaissent de votre mémoire. Il est fort étoffé. Il est d'ailleurs présenté un peu comme un mémoire à la Cour d'appel, avec les paragraphes numérotés et tout. Alors, c'est fort bien fait. Je note au passage, évidemment, la trace d'un avocat derrière ça. Alors, bien, merci beaucoup. Je l'ai lu avec beaucoup d'intérêt.

Vous savez, ici on est un peu là pour faire un peu l'avocat du diable. On essaie de confronter les arguments pour essayer d'être le mieux éclairés possible et essayer d'avoir le moins de questions qui vont nous frapper a posteriori, quand vous ne serez plus devant nous pour nous éclairer.

Avant peut-être de vous poser deux questions un peu dans ce sens-là, je voudrais juste que vous m'éclairiez sur quelque chose que vous avez dit. Je pense que c'est Me Roy. Vous avez dit que vous n'étiez pas d'accord, comme organisation, que l'État paternaliste vienne s'ingérer dans la naissance et dans la fin de la vie. J'aimerais ça que vous m'expliquiez ce que vous voulez dire quand vous dites que l'État s'ingère dans la naissance, juste pour un exemple, pour comprendre ce que vous voulez dire.

M. Roy (Léonce E.): Je vais vous répondre, ça va être assez facile. Alors, il n'appartient pas à l'État de dire aux jeunes quand vous allez faire votre famille, combien d'enfants vous allez avoir, vous allez avoir juste un garçon comme en Chine ça a été pendant 30 ans. Ce n'est pas le rôle de l'État. Et avant l'État il y avait la personne humaine, puis, quand l'État sera détruit, il restera encore quelques personnes. Alors, l'État est postérieur à la personne humaine. Et je suis d'opinion que l'État, au nom de la liberté, vous avez le Code civil, vous avez des chartes qui parlent de la liberté humaine tout le temps. Et, quand vient le temps de gérer cette liberté-là, surtout quand il y a des aspects économiques et monétaires d'impliqués, là, l'État s'ingère et s'immisce et puis là dit: Bien là, peut-être que... Alors, notre opinion, c'est que tout ce qui touche à la vie, ce n'est pas à l'État à régir ça.

Maintenant, que l'État ait voulu subventionner la procréation assistée, bravo, c'était pour la vie. On est d'accord pour ça. Évidemment, c'est des coûts pour notre société. Ça a été dur de faire passer ça. On sait qui s'est arrimé à cette question-là. Mais, dès que vient le temps de parler d'imposer la vie ou de l'interrompre, ce n'est pas à l'État à faire ça. C'est ça, notre réponse.

Mme Hivon: Donc, c'est parce que... C'est ça. O.K. Bien, je vous remercie d'avoir clarifié. Ce n'est pas en lien avec, je dirais, l'encadrement médical ou tout ça de la naissance ou de la fin de vie, parce qu'en fait on sait que maintenant -- mon collègue tantôt y faisait référence, d'Orford, avec un autre groupe -- la naissance tout comme la fin de vie ne sont plus naturelles au sens où on l'entendait il y a 50, 60, 100 ans, dans le sens que ça se fait maintenant dans des milieux hospitaliers, très encadré, des mesures sanitaires importantes, avec toute une panoplie de médicaments et d'avancées technologiques pour réduire la douleur, et tout ça. Donc, ça, vous n'avez pas de problème avec ça.

M. Roy (Léonce E.): Non, non, non.

Mme Hivon: C'est vraiment plus... O.K. Je comprends.

M. Roy (Léonce E.): C'est d'imposer la vie à des êtres humains, dire: Bien, quelqu'un qui a 20 ans ou 25 ans, il faudrait qu'il ait des enfants. Une femme, jusqu'à 40 quelques années, il va falloir... On n'imposera pas la vie au nom de la liberté des chartes, charte canadienne et charte québécoise et le Code civil, la liberté des personnes humaines et leur dignité. On n'imposera pas la vie. Mais on va la respecter une fois qu'elle est là, par exemple.

Mme Hivon: Ensuite, j'aimerais vous amener sur la question de la sédation palliative versus...

Une voix: Terminale.

Mme Hivon: ...versus terminale, versus l'euthanasie, à la page 22, paragraphe 89. Je veux juste vous situer, parce que beaucoup de médecins qu'on a entendus qui ont une position similaire à la vôtre et qui s'opposent à l'euthanasie nous disent qu'aujourd'hui, avec toutes les avancées médicales, pharmacologiques, technologiques, il n'y a plus lieu de dire qu'il y a tant de gens qui souffrent que ça et que, dans les cas ultimes de souffrance qu'on n'est pas capable de bien contrôler de douleur, il y a la sédation, si vous voulez, palliative et même terminale, donc que quelqu'un puisse être endormi, ce qui peut impliquer de retirer l'alimentation ou l'hydratation, dans certains cas, parce qu'évidemment, une fois que quelqu'un est endormi pour qu'on le soulage, il ne peut plus manger ou être hydraté quand on sait qu'il n'y a pas de point de retour.

Vous, je veux vraiment comprendre votre position. Au paragraphe 22, vous dites... à la page 22, paragraphe 89, à la fin, vous dites: «Dès le moment où on arrête de nourrir ou d'hydrater quelqu'un et que la mort s'ensuit, c'est une euthanasie.»

Donc, est-ce que votre position, c'est de dire que vous estimez que les soins ne peuvent pas aller jusqu'à une sédation terminale?

M. Roy (Léonce E.): Ça, c'est le plus sensible, le plus délicat, là.

Mme Hivon: Oui. C'est pour ça que je vous la pose.

M. Roy (Léonce E.): L'hydratation et la nourriture en fin de vie, nous, on dit que, lorsqu'on peut, par des moyens naturels, aider une personne à maintenir sa vie, c'est notre position, oui, on doit le faire. Mais, si on sait que de toute façon, dans une journée, 24 heures, 48 heures ou 72 heures, cette personne-là ne peut pas passer à travers, est-ce qu'on va continuer à la nourrir et tout? Il ne faut pas qu'elle souffre. On va l'hydrater et tout. Mais on est pour... On n'est pas pour le dolorisme, nous autres, là, là. On veut soulager la souffrance. Mais encore faut-il qu'il y ait un espoir ou de rétablissement ou de maintenir en vie une certaine période de temps. Et, si la famille est là, puis la personne a fait un testament biologique ou a fait un mandat d'inaptitude, bien, je pense que, là, ce sera très important pour l'équipe soignante d'aller vérifier le mandat d'inaptitude, si la famille est là, et puis d'avoir l'unité aussi dans la famille.

On sait très bien qu'à l'occasion du décès d'une personne il y a toujours un ou deux membres de la famille qui vont tirer d'un bord, puis l'autre, tirer de l'autre bord. Il y en a qui peuvent avoir hâte au départ, dire: On ne veut plus que maman souffre ou que papa souffre. D'autres vont dire: Bien, vous savez, son temps est fait, il a vécu pas mal et puis, bien, c'est peut-être le temps que la succession s'ouvre. Bien, ça peut être dangereux, tu sais.

Nous autres, là, on pense que l'hydratation et l'alimentation doit avoir lieu un certain temps, mais, quand la fin est prochaine, bien là, il faut y aller de façon humaine. Puis c'est les médecins, c'est les équipes soignantes qui vont être capables, avec le consentement des membres de la famille, de dire: Bien là, ça devient inutile, la personne est inconsciente. Est-ce qu'on va continuer? Ça, ça va être la mort naturelle. C'est la vie maintenue artificiellement par l'hydratation artificielle ou par l'alimentation artificielle. C'est la vie maintenue artificiellement. Mais, si on arrête ça, bien, c'est la mort naturelle, là, qui s'ensuit. De toute façon, la personne est vouée à mourir dans les heures ou les jours qui suivent. Mais on est foncièrement contre tout geste qui provoque la mort en lui-même. Ça, on est contre ça.

Mme Hivon: Donc, c'est parce que c'est ça, aux paragraphes 89 et 90 vous semblez dire qu'il y a une certaine hypocrisie ou que des fois on utilise certains termes qui, dans la pratique actuelle des choses, cachent en fait une certaine pratique d'euthanasie. Vous expliquez, par exemple, le fait d'arrêter de nourrir ou d'hydrater quelqu'un, que ça pourrait être vu comme l'euthanasie. Après, vous dites, quand on donne des doses anesthésiques ou d'analgésique mais qu'on sait que la mort va s'ensuivre, vous semblez dire, si je vous lis correctement, qu'en fait ça, c'est assimilable un peu à de l'euthanasie. Est-ce que je vous comprends correctement?

**(21 h 20)**

M. Roy (Léonce E.): Oui, mais, vous savez, à ces moments-là, là, il faut être très, très nuancé. Il faut voir l'environnement médical, l'environnement parental et l'espoir de prolonger la vie. Si vous prolongez la vie seulement pour la souffrance de deux jours de plus, pour faire souffrir une personne deux jours de plus, bien, je veux dire, on aurait certaines atténuations à cette volonté de maintenir. On ne maintient pas la vie artificiellement, nous. On veut que la mort suive son cours naturel.

Maintenant, en posant des actes comme débrancher une personne... Aux États-Unis, il y avait une dame qui a été branchée pendant 15 ans. Elle était inconsciente, mais on continuait par acharnement à la maintenir branchée, puis il n'y avait aucun espoir qu'elle se rétablisse, le cerveau était mort. Et là ça a fait tout un débat de société quand madame est morte parce qu'on l'a débranchée. Dans notre conception à nous autres, elle aurait dû être débranchée avant. La mort naturelle s'en serait suivie. Là, là, on lui a donné une vie artificielle, et on est contre ça.

M. Moyen (Jean): Vous savez, en termes de mesure et évaluation -- moi, je suis un ancien professeur de mesure et évaluation -- le cas que vous mentionnez représente un très faible pourcentage qui serait très difficilement justifiable à une législation, parce que, lorsqu'on va voir le vécu du quotidien, ces cas d'exception là sont des cas extrêmes et se limitent à juger entre l'acharnement et l'euthanasie. Alors, à ce moment-là, je pense que les professionnels qui travaillent à tous les jours avec ces gens-là, qui voient venir les moments les plus difficiles de détachement, l'expérience prouve que leur jugement est solide et ils sont très bien régis par leurs corporations réciproquement. Il serait très... je n'ose pas dire «malhabile», mais d'appuyer une législation sur cet écart excessivement faible de la courbe de Gauss serait très préoccupant pour l'ensemble de la société.

Mme Hivon: En fait, je vous posais la question parce que, dans votre mémoire, vous parlez de situations et vous dites: Ça, ce serait une euthanasie. Et vous les décrivez comme des choses qui peuvent déjà exister et qu'on présente comme étant des soins mais qui, dans votre appréciation à vous, sont équivalentes à de l'euthanasie. Alors, c'est pour ça que je voulais clarifier avec vous, parce que vous terminez vos deux paragraphes en disant: «...c'est une euthanasie. [...]Pourtant c'était une euthanasie.»

C'était juste ça que je voulais clarifier. Mais je comprends que vous apportez certaines nuances selon l'état de la situation, selon le jugement médical, et tout ça, à savoir où on trace la ligne puis ce qui est acceptable.

M. Roy (Léonce E.): C'est... Comme disait Mme Petrowski, là, «formidable complexité entourant la question de l'euthanasie». Formidable complexité. Ce n'est pas facile, là. Et, à un moment donné, on sait que, dans les hôpitaux -- mes deux filles sont médecins, moi -- on sait que, dans les hôpitaux, parfois les équipes traitantes vont, dans le but de soulager la souffrance, vont, disons, peut-être précipiter le moment de la mort. Puis la famille n'est pas contre ça. Puis, je veux dire, la personne ne peut pas... elle ne vit, elle ne survit que pour souffrir, là, à ce moment-là.

Mais est-ce qu'on a besoin d'une législation pour venir traiter de un cas sur 500 000 par année ou 400 000 par année? Je me dis: Il faut faire confiance aussi à nos professionnels de la santé. L'encadrement du Collège des médecins, et de l'Ordre des infirmières, et de toutes les équipes traitantes, l'encadrement législatif réglementaire me semble suffisant, et on n'a pas... l'État n'a pas à s'immiscer dans ça puis dire au Collège des médecins ou à l'Ordre des infirmières: Voici, vous devriez adopter tel règlement pour faciliter le départ ou maintenir en vie plus artificiellement. Il me semble que ce sont ces organismes-là qui doivent régir. Et leurs règlements sont approuvés par arrêté en conseil, lieutenant-gouverneur. Et il me semble qu'on n'a pas à statuer pour ces cas marginaux là, et quitte à ce que l'État, qui est représenté par la couronne, qu'on appelle, la couronne qui est la poursuite criminelle, soit très vigilant pour ne pas aller poursuivre un médecin qui, dans les dernières heures de vie d'une personne, aurait utilisé un sédatif trop fort. Il me semble qu'il faudrait nuancer l'affaire et, bien, dire: Écoutez, là, je veux dire, bon, si la famille est là et tout... Mais, de là à légiférer ou réglementer ça, moi, je pense que l'État -- c'est là que je dis «paternaliste», entre guillemets -- l'État ne devrait pas s'ingérer dans ça.

Mme Hivon: Bien, en fait, c'est ça. Vous mettez le doigt sur quelque chose qui est très difficile dans notre tâche de parlementaires. Là, pour l'instant, ce n'est pas une législation qui est sur la table, on va simplement faire des recommandations. Mais, de manière générale, on est aussi appelés à être législateurs. C'est que, quand on regarde un peu ce qui s'est développé dans le domaine du droit, dans le domaine des décisions, de la jurisprudence, en fait il n'y a jamais... dans les cas qui sont traduits devant les tribunaux de suicide assisté, d'aide, que ce soit par un proche ou par un médecin, les cas de médecin sont excessivement rares, là, au Québec, on n'est même pas capable d'en répertorier, mais, par exemple, on en a de proches qui auraient aidé quelqu'un qui était en fin de vie ou qui avait une maladie dégénérative grave, tout ça, à mourir. Il n'y a jamais de... Souvent, il n'y a même pas de déclaration de culpabilité. Et, s'il y a déclaration de culpabilité, il n'y a à peu près pas de peine. Donc, ça va être probation, peine dans la communauté, tout ça.

Donc, nous, comme législateurs, ça, c'est des décisions de jury. Est-ce qu'on doit tenir compte du fait que, si on estime que, comme société, on met en place des jurys qui représentent les pairs puis un peu la conception de la société, et que ces gens-là estiment que ce ne sont pas des actes punissables, est-ce que ça veut dire que nous, comme parlementaires, on doit prendre acte de ça et se dire que la société a peut-être évolué d'une manière qui fait en sorte que, quand elle juge que c'est la compassion qui est la première raison, ça ne devrait pas être quelque chose de criminel? C'est que, comme certains juristes nous l'ont dit, eux, certains estiment, dont Jean-Pierre Ménard, le spécialiste en droit de la santé, qu'il y a un décalage entre le droit formel et le droit tel qu'il se vit, comme si, dans les valeurs, il n'y avait plus une adéquation. Donc, nous, comme parlementaires, qu'est-ce qu'on fait avec ça?

M. Roy (Léonce E.): Bien, c'est là. C'est là. Votre rôle est très difficile, on l'admet, mais c'est pour ça qu'on élit des députés et des ministres et qu'ils sont bien payés.

Mme Hivon: C'est une bonne réponse de politicien, je vous dirais.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kelley): Mais, si je peux ajouter à ça, c'est un petit peu ça que le Collège des médecins nous a dit aussi, dans le sens qu'un petit peu cette opération ou cette commission, qui ne vient pas du gouvernement mais plutôt de l'Assemblée nationale, parce que c'est l'ensemble des députés des quatre formations politiques qui ont choisi de faire un mandat, regarder toutes ces questions entourant la fin de la vie, mais entre autres, à l'origine, c'était une réflexion du Collège des médecins qui a identifié certaines zones grises, certaines questions sur lesquelles il était incapable de trouver des réponses. Alors, ils ont envoyé le défi ici, comme parlementaires, de consulter les citoyens, de consulter les groupes comme les Chevaliers de Colomb pour tâter le pouls de la population, parce que c'est une question qui touche toutes les familles, qui touche nos proches, des amis, nos parents.

Alors, un petit peu votre réponse que vous avez donnée à ma collègue de Joliette, c'est également vrai, c'est le Collège des médecins qui nous a retourné le défi, la balle, en disant: Qu'est-ce qu'on fait avec tout ça? Alors, juste un petit commentaire pour votre réaction ou votre réponse à ma collègue de Joliette quant au procès et les propos de Me Ménard qui est venu ici il y a deux, trois semaines.

M. Roy (Léonce E.): C'est vrai que la question est très complexe. Et je visitais une personne de 102 ans qui était une de mes tantes au foyer Saint-Michel, à Notre-Dame-de-Lourdes, et elle avait 102 ans. Elle n'avait pas d'enfant. Son mari était mort depuis 30 ans, son père et sa mère, depuis 40, je ne sais pas. Et je disais à ma tante: Est-ce que... Si le personnel, là, vous laissait aller, vous iriez au ciel -- puis elle était très religieuse, puis tout ça -- vous iriez au ciel, vous feriez une bien plus belle vie, puis tout ça. Et puis elle n'avait plus d'attache terrestre, là, tu sais, elle était dans un foyer à Notre-Dame-de-Lourdes, à Saint-Michel. Elle me regarde, elle dit: Non, je ne veux pas. Elle avait 102 ans.

Et je rencontre deux personnes qui sont membres des... Vous savez, les bénévoles qui vont dans cet hôpital-là, je les rencontre à une cabane à patates frites à un moment donné cet été. Je venais de terminer la préparation du mémoire. Je dis: Bien, j'ai travaillé sur un mémoire pour l'euthanasie. Ils ont dit: On espère que vous allez écrire que vous êtes pour ça. C'est une personne... un ami d'enfance. Et là une dame me dit: Mon mari a été deux ans entre la vie et la mort. Les médecins ne voulaient pas lui donner la piqûre terminale, les soins sédatifs mais terminaux, et les infirmières non plus. Elle a dit: Je suis révoltée, puis mes deux fils ne veulent plus rien savoir, ne veulent plus rien savoir des hôpitaux et des médecins, ils sont révoltés. Et là j'entendais ces deux personnes-là qui étaient bénévoles puis ils me disaient ça, puis là je... Mon Dieu, je disais, ça fait réfléchir. C'est vrai que ça fait réfléchir. Et ça répond à une question du début du député de... pas Sherbrooke, à côté.

**(21 h 30)**

Le Président (M. Kelley): Orford.

M. Roy (Léonce E.): Orford. Dire: Écoutez, si ce n'était de vos valeurs chrétiennes, catholiques, tiendriez-vous les mêmes propos? Et, nous, législateurs, vous savez qu'on va régir l'ensemble des citoyens quelle que soit leur appartenance religieuse ou sans appartenance, qu'ils soient mécréants, athées ou qu'ils soient sans religion. C'est ça qu'il posait comme question. Notre conception de la vie et de la dignité humaine nous ferait maintenir la même position, comme Socrate et comme Cicéron le faisaient avant même l'ère chrétienne. Et on tiendrait le même propos.

Maintenant, on a un appui d'une institution de 2 000 ans qui a créé des mères Teresa, qui a créé des Jean-Paul II, qui a créé des Pie XII, qui a créé des grands hommes et... Alors, on s'appuie sur de la doctrine solide, 2 000 ans. Vous savez, le Québec n'était pas gros il y a 2 000 ans, hein? Rome existait il y a 2 000 ans. Alors, on s'appuie sur ces données-là. Et la vie et le respect de personne humaine, c'est dans nos lois. Alors, nous autres, l'euthanasie, c'est non. Et puis le suicide assisté, c'est aussi non.

Maintenant, quand on arrive dans des cas marginaux, l'alimentation puis l'hydratation artificielles, là, pour maintenir artificiellement en vie une personne, bien là, là, c'est des cas assez problèmes. Est-ce que ça vaut la peine de légiférer pour ça?

Le Président (M. Kelley): Sur ce, il me reste à dire merci beaucoup pour votre contribution à notre réflexion.

Je vais ajourner nos travaux au jeudi 11 novembre, après les affaires courantes, soit vers 11 heures, dans la salle du Conseil législatif, afin de poursuivre notre consultation. Bonsoir, les membres de la commission.

(Fin de la séance à 21 h 33)

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