To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Select Committee on Dying with Dignity

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Select Committee on Dying with Dignity

Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)

Friday, November 19, 2010 - Vol. 41 N° 17

Consultation générale et auditions publiques sur la question de mourir dans la dignité


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Dix heures six minutes)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! Je constate quorum des membres de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. Donc, je déclare la séance ouverte en rappelant le mandat de la commission.

La commission est réunie afin de procéder à la consultation générale et aux auditions publiques sur la question de mourir dans la dignité.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bérubé (Matane) remplace M. Charette (Deux-Montagnes) et Mme Champagne (Champlain) remplace Mme Lapointe (Crémazie).

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, et bienvenue. C'est notre cinquième ville dans notre tournée des régions du Québec. Nous avons déjà visité Montréal, Québec, Trois-Rivières, Saguenay, la partie de Chicoutimi, alors nous sommes ici, à Rimouski, aujourd'hui.

Juste pour expliquer un petit peu le processus. Toutes les discussions aujourd'hui sont enregistrées. Alors, on voit, à ma gauche, une équipe sonore, les techniciens, qui vont s'assurer que qu'est-ce qui est dit ici est enregistré. Ça va être disponible sur le site Web de l'Assemblée nationale. Alors, ça va faire partie d'une archive de plus en plus importante. On est rendus à pas loin de 160 témoins déjà entendus. Il nous reste une autre centaine à faire. Alors, on en a beaucoup d'autres. Nous irons à Sherbrooke la semaine prochaine. Alors, l'idée, c'est d'aller, comme parlementaires, sur le terrain, écouter le plus grand nombre de personnes possible sur tous ces enjeux qui entourent la fin de la vie, parce que c'est un enjeu qui est très important. Nous avons vu beaucoup d'intérêt des citoyens du Québec qui veulent s'exprimer à ces questions. Alors, c'est un petit peu le processus aujourd'hui.

On est très heureux de voir qu'il y a beaucoup de personnes qui sont ici dans la salle. Nous avons cinq personnes qui ont déposé des mémoires, qui vont témoigner d'une façon plus formelle, mais, à la fin, vers 15 h 15 environ, il y aura une période qu'on appelle de micro ouvert. Alors, s'il y a des personnes dans la salle qui veulent participer et faire une courte déclaration dans l'après-midi, si vous pouvez signaler votre intérêt auprès de Pierre Lessard-Blais, qui est là, en arrière de moi. Ça, c'est une occasion, si vous avez des commentaires sur qu'est-ce que vous avez entendu, si vous avez d'autres commentaires sur les questions entourant ces enjeux, vous êtes les bienvenus. L'idée, c'est de donner au plus grand nombre de personnes possible la chance de s'exprimer sur ces questions importantes.

Finalement, il y a un questionnaire en ligne, alors, si vous ne l'avez pas fait... et un document de consultation. Si vous voulez aller remplir le questionnaire en ligne, vous êtes les bienvenus de le faire aussi. Je pense, c'est 6 200 personnes à date qui ont pris la peine de le faire. Il y a des places dans le questionnaire pour vos commentaires aussi. Alors, au-delà des questions à choix multiples, il y a également des places où on peut partager vos commentaires, vos réflexions avec les membres de la commission. C'est une initiative des députés de l'Assemblée nationale. C'est la vice-présidente qui a présenté la motion à l'Assemblée nationale pour faire un débat de société sur ces questions. Et je suis très encouragé par la qualité des mémoires, des commentaires que nous avons reçus à date.

Alors, on est très contents d'être ici ce matin à Rimouski. Je suis allé au poste de radio ce matin pour faire une entrevue. J'ai rencontré votre maire, qui est dans les manchettes ce matin parce qu'il est le président de l'Union des municipalités du Québec. Il a insisté, «président par intérim», M. Kelley. Mais j'ai rencontré M. Forest ce matin, qui, il semblait, passerait beaucoup de temps dans les studios des médias aujourd'hui pour commenter ces nouvelles.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, notre premier témoin, ce matin, c'est Mgr Pierre-André Fournier, qui est l'archevêque de Rimouski. Nous avons déjà rencontré, quand l'Assemblée des évêques du Québec a participé dans notre réflexion, Mgr Blanchet, qui, si j'ai bien compris, est un de vos prédécesseurs comme archevêque ici, à Rimouski. Alors, sans plus tarder, Mgr Fournier, la parole est à vous.

M. Pierre-André Fournier

M. Fournier (Pierre-André): Alors, M. le Président, M. Kelley, Mmes et MM. les commissaires, je vous remercie d'abord de me permettre de prendre la parole ce matin dans le coeur de cette commission. Et je veux aussi saluer d'une façon particulière toutes les personnes qui sont touchées par la maladie, les grands souffrants de notre monde, leur dire que, cette approche, on la fait avec beaucoup de délicatesse parce qu'on est sensible à ce que ces personnes-là vivent.

**(10 h 10)**

Alors, je me suis mis à la rédaction de ce mémoire un 24 juin, jour de la Saint-Jean-Baptiste, parce que ça m'inspirait en regardant l'histoire exceptionnelle de notre peuple, et j'avais le goût de participer positivement à son présent et à son avenir. Je suis ici comme évêque, oui, comme archevêque, mais je suis ici aussi comme citoyen.

Lionel Groulx, un grand historien, écrit dans son livre La Naissance d'une race que, dès 1760, lors de la bataille des plaines d'Abraham, on formait déjà une nation distincte par rapport à l'Hexagone, par rapport à la France. Il écrit ceci: «Distinct, nous le sommes non seulement par le pays, par l'allégeance politique, par une histoire et des traditions qui nous sont propres, mais [on est] aussi [distincts] par des caractères physiques et moraux déjà fixés et transmis avec la vie, dès la fin du dix-septième siècle[...]. Seules la réalité de notre personnalité nationale et la conscience profonde de notre entité distincte pourront soutenir nos instincts de race.» J'insiste sur les mots «instincts de race», parce que c'est de ça dont il est question aujourd'hui.

Si on regarde notre histoire, une des choses qui nous spécifie, c'est vraiment le respect de la vie. Pensons à ces grandes familles qui ont formé en quelque sorte de petites coopératives, surtout dans le milieu agricole; l'hésitation d'entrer en guerre pour pourfendre l'ennemi, pensons lors de la conscription lors de la dernière guerre mondiale; l'esprit missionnaire pour aider les plus pauvres de la planète. Il y en a parmi nous, qui sont en arrière moi, qui ont peut-être acheté des petits Chinois, là, on voit que c'est renversé, mais il y en a en avant aussi. Et ça se continue, cet esprit d'entraide à travers le monde. On pense aux corvées, on pense aux syndicats, on pense aux coopératives, Desjardins, l'UPA, etc. Et ça se continue, cette sensibilisation au développement durable, surtout chez les jeunes actuellement, toutes les questions qui concernent la protection de la planète. On ne peut pas prendre des décisions cruciales pour l'avenir sans prendre le temps de se souvenir de nos racines -- ça, c'est au coeur, vraiment, je pourrais arrêter là et il me semble que j'aurais dit assez -- sans se souvenir de nos racines et en être fier de ses racines.

Toutefois, on sait que l'histoire des peuples nous montre qu'aucune vertu n'est acquise définitivement. La question de l'euthanasie et du suicide assisté est des plus importantes pour l'avenir de notre peuple. Alors, j'énoncerai ici deux attentes et trois éléments qui soutiennent mes convictions.

Alors la première attente face à vous, messieurs et mesdames, c'est de la formation sur des réalités en constante mutation. Ce que j'attends d'abord de la commission, c'est que, ce qui se passe, comme vous avez dit, M. le Président, actuellement d'aller à travers toute la province, d'écouter les gens, c'est une véritable université populaire qui se passe, et que ça continue, qu'on puisse se faire une tête ensemble quant au vocabulaire utilisé.

Il y a tellement de malentendus. Quand quelqu'un se présente avec un micro: Êtes-vous pour l'euthanasie? Êtes-vous pour le refus d'acharnement thérapeutique? Et là on voit que les définitions sont complètement hétéroclites et difficiles à suivre. Certaines personnes, par exemple, vont assimiler euthanasie et refus d'acharnement thérapeutique. Pour plusieurs, «sédation palliative» et «sédation terminale» sont des mots nouveaux et demanderaient plus de développement. Et pourtant ces mots sont des mots clés dans la cause qui nous rassemble et tout ce qu'il y a au niveau du développement de la médecine. Si, au cours de votre tournée, des pas en avant sont faits en ce qui concerne l'information, la formation touchant cette matière, ce sera un acquis de grande valeur. Pour ma part, je dois dire, un des plus grands cadeaux que j'ai eu en philosophie, ça a été la question des distinctions.

La deuxième attente que j'ai par rapport à vous, c'est l'appel à la prudence. C'est une question de vie non seulement pour des individus, mais pour une nation. La patience dans le choix des orientations est de mise. Pourquoi chercher à être les premiers, à être dans le peloton de la tête dans des expériences aux conséquences si graves et si irréversibles? Oui, on entend parler des Pays-Bas, on entend parler de l'Oregon, aux États-Unis, on entend parler du Luxembourg, etc. Mais déjà on entend dire qu'il y a des lumières rouges qui s'allument sur leur tableau de bord.

Et ici je cite quelque chose par rapport aux Pays-Bas: «Restreinte à l'origine aux adultes -- là on parle de l'euthanasie -- consentants en phase terminale et souffrant de graves douleurs, elle inclut désormais des personnes souffrant de maladies non mortelles, des handicapés, des enfants en bas âge, y compris, assez récemment, un enfant de trois ans atteint du syndrome de Down -- trisomie 21.» L'avenir de notre peuple est tributaire des décisions qui sont prises ici ou les propositions qui sont faites.

Trois maintenant principes fondateurs de mes convictions. D'abord, avant de les énumérer, je dois vous dire que d'abord il faut regarder notre conception de la personne. Même le mot «dignité» est un mot analogue, il y a trois définitions dans le dictionnaire. Vous êtes des personnes dignes par la fonction que vous occupez. Chaque personne, à sa naissance, quels que soient sa maladie, son état, sa souffrance, etc., du début à la fin... Il y a la dignité de la personne humaine et ensuite il y a le sens de dignité, le respect qu'on accorde aux gens, la qualité de vie dans tous les moments de leur vie, y compris vers la fin.

Alors, d'abord, la personne, est-ce que c'est un être sacré pour nous? Quelle est la différence avec l'animal raisonnable? Et on s'aperçoit rapidement que ni la raison, ni la philosophie, ni la théologie, ni la foi ne trouvent leur compte dans l'euthanasie et le suicide assisté. Ce n'est pas juste une question de foi, c'est aussi une question de raison et d'éthique. Et une des questions fondamentales, c'est au niveau de la personne qui est décrite de plus en plus comme étant un sujet autonome, un peu dans sa bulle. Il faut vraiment le voir, voir la personne dans sa relation à l'autre et vraiment non pas juste dans son autonomie.

Mes droits individuels n'éclipsent pas mon sens des responsabilités essentielles à la dignité humaine, dignité qui est en mission jusqu'à la mort. On parle du droit de mourir dans la dignité; moi, j'insisterais davantage sur le devoir de mourir dans la dignité, et ça, ça demande un peu plus. Ça demande un peu plus, ça demande du dépassement, ça demande une compréhension qu'on forme un même corps, que, l'humanité, ce n'est pas des personnes... des grains de sable séparés, et, pour moi, cette idée d'impliquer, comme dans tous les éléments de la vie, si on parle du monde du travail et même dans la question de la fin de vie, le devoir de mourir dans la dignité dans ce sens de respecter la vie en lien avec les autres, une question de responsabilité et de solidarité.

Nos concitoyens et concitoyennes ont besoin d'exemples de courage et de confiance. Le nombre élevé de personnes attirées par le suicide nous le manifeste. L'heure n'est pas au glissement, mais aux montées de cordée.

Alors, les trois convictions. La première, vous l'avez entendue à plusieurs reprises, elle est même dans votre document: la promotion des soins palliatifs. Alors, je donne, dans mon mémoire, un travail qui est fait par Gerry Dufour, Claude Brochu et Suzy Roussel, trois jeunes qui ont présenté un mémoire à l'Université Laval où ils développent longuement tous les avantages et tout ce qu'apportent les soins palliatifs dans notre société. Ils citent, entre autres, le réseau des soins palliatifs du Québec, qui dit que «l'euthanasie est un acte inapproprié ne constituant pas un soin».

**(10 h 20)**

Nous avons ici, dans la salle, des gens de la Maison des soins palliatifs Marie-Élisabeth, qui vient d'ouvrir à Rimouski, un endroit vraiment formidable. Et la meilleure définition que j'ai trouvée sur les soins palliatifs, c'est celle qui a commencé les soins palliatifs, une Londonienne, le Dre Saunders, qui dit: «Au-delà de la suppression des symptômes, permettre aux patients et à leurs familles de vivre jusqu'à la limite de leurs possibilités.» Ça, c'est d'une beauté éclatante, de vivre et de développer toute leur potentialité et non pas d'éliminer des choses, là, à première vue.

Et il y a aussi des citations par rapport à La Maison Michel Sarrazin, qui a gagné un prix avec Humanisation-Santé, où on dit: Les soins palliatifs contribuent à changer les mentalités face au soulagement de la souffrance. C'est sûr qu'il y a un changement de mentalité à faire dans la population, tout cela est nouveau, les soins palliatifs, ce n'est pas en quelques années qu'on change une mentalité. Il y a des gens, que j'ai rencontrés récemment, qui disent, après avoir été à la Maison Marie-Élisabeth: Ah! bien là, avoir su que c'était comme ça, les soins palliatifs, je n'aurais jamais dit que j'étais en faveur de l'euthanasie, mais je ne savais pas ce que c'était. Et c'est normal, c'est des choses qui commencent, à peine quelques décennies. Cette mission est bien résumée dans la devise de La Maison Michel Sarrazin: Pour apprécier la vie jusqu'à la fin... Ici, évidemment, ça demanderait davantage de maisons de soins palliatifs. Il en manque énormément. Il y en a 67 au Québec dans toutes les catégories. Et on sait que ça demande des fonds faramineux. On a vécu ici, à Rimouski, encore une collecte; on a eu un pèlerin qui a passé un peu partout pendant cinq semaines, et ça demande beaucoup de soins et d'efforts pour ramasser de l'argent.

Vous avez parlé de Mgr Blanchet. Dans son livre, La bioéthique, repères d'humanité, il cite le Dr Louis Dionne en disant: «Si vous acceptez l'euthanasie ou le suicide assisté, vous tuez les soins palliatifs dans leur essence et dans leur philosophie.»

La deuxième conviction touche le respect de la vocation des médecins et du personnel de santé; pas seulement les médecins, mais tout le personnel de santé. On ne peut faire peser indûment sur les épaules du personnel de santé les décisions sur le contrôle de la vie et de la mort de leurs patients. Et, dans le mémoire, je cite longuement cinq médecins qui ont présenté au Collège des médecins du Québec un travail le 27 août 2009. Alors, ces disciples d'Esculape donnent neuf excellentes raisons pour dire un non retentissant et définitif à l'euthanasie et au suicide assisté. J'en donne cinq dans le mémoire, mais, comme vous les avez, je vais vous éviter cette lecture-là, mais seulement peut-être pour reprendre certaines conclusions.

D'abord -- et là je suis heureux de laisser parler des médecins: «Pour la très grande majorité, les bons soins médicaux, le traitement de la dépression ou l'approche palliative sont les solutions à leur demande.» Les gens demandent le suicide, mais, une fois qu'il y a des bons soins, qu'il y a des traitements de la dépression, il y a un accompagnement, la plupart du temps, c'est la solution à leur demande.

Une autre raison qu'ils donnent: «Dans les cas extrêmes, la sédation profonde qui fait dormir le malade peut même être une solution ultime pour le soustraire aux souffrances jusqu'à ce qu'il meure de causes naturelles.» Une autre raison: «L'euthanasie deviendra une issue thérapeutique vers laquelle des personnes se tourneront pour soulager leurs souffrances, alors qu'il y a beaucoup d'autres options. [...]Pour donner un droit à la mort au patient, on doit donner un droit de tuer au médecin. Il s'ensuit une érosion de la relation médecin-patient...» Alors, vous comprendrez que ces paroles-là me touchent, mais il y en a bien d'autres que vous avez déjà reçues.

Moi, je suis originaire de Plessisville, concitoyen de Louise Brissette, qui a adopté 30 enfants handicapés. Je suis allé souvent à la résidence voir ces enfants, qui, là, maintenant, ont grandi, et j'ai remarqué à ce moment-là qu'une seule question s'y pose et s'y vit: Qu'est-ce que je fais pour leur permettre de mieux vivre? Ça, c'est la question qui habite les bénévoles et Mme Brissette. Et vous entrez dans cette maison-là et c'est rayonnant de bonheur, de service et d'amour, autant et même plus que dans n'importe quelle autre de nos maisons.

La troisième conviction, c'est l'accompagnement par la compassion. Ça demande évidemment pour nous tous et toutes davantage de compassion. La compassion est porteuse d'humanité et de dignité lorsqu'elle est tournée en particulier vers les malades et que l'on cherche à les accompagner plutôt que de les éliminer. Gilles Nadeau, qui est théologien et animateur spirituel, écrit ceci: «Nous voulons intégrer le mourant et ses proches dans le circuit des vivants.»«Chacun de nous -- et là il cite Jean Vanier, qu'on connaît bien -- est un instrumentiste qui doit jouer dans le grand orchestre de l'humanité -- avec l'humanité.» Ce n'est pas une question juste du Québec ou d'une personne: dans le grand orchestre de l'humanité. «Chacun a besoin des autres pour devenir plus pleinement lui-même et pouvoir jouer sa partition.» Et cela, ça comprend les plus grands malades.

L'accompagnement des personnes malades est source de dépassement et une école de vie incomparable. J'ai fait différentes expériences et j'en suis vraiment témoin de comment que ça m'a aidé à évoluer dans ma propre vie. Et cet accompagnement fait même partie des mots d'accueil au paradis: «J'étais malade et vous m'avez visité. Ce que vous ferez au plus petit d'entre les miens, c'est à moi que vous le ferez.»

En conclusion, Mmes et MM. les commissaires, le commandement de Dieu qui affirme «tu ne tueras point» est un principe fondateur de la vie en société. Ce principe éthique fondamental est une notion accessible à la raison humaine. Alors, vous ne serez pas étonnés de m'entendre déclarer, j'ai touché surtout des questions de raison, de philosophie, d'éthique, mais ma foi en Jésus vient encore renforcir, décupler mon opposition à l'euthanasie et au suicide assisté. J'énumère quelques éléments cette fois brièvement: l'homme et la femme créés à l'image de Dieu, la doctrine sociale de l'Église qui défend la vie depuis la conception jusqu'à la mort, la foi en la résurrection des corps, l'exemple d'une multitude de saints et de saintes qui ont vécu de grandes souffrances. On peut penser aussi à l'exemple du frère André. J'aurais pu écrire longuement un mémoire sur chacun de ces éléments-là tellement c'est des questions qui me touchent, mais je respecte aussi le lieu où je suis. Ce mémoire a sa source non seulement dans ma passion pour la dignité humaine, mais dans toute l'Écriture et dans l'histoire de l'Église.

Parmi les plus grands moments de ma vie, il y a eu l'accompagnement de grands malades dans mon travail dans un hôpital, le Royal Victoria, à Montréal, auprès des pauvres aux États-Unis et en Amérique du Sud. Je dirais que j'ai vu l'humanité à son meilleur dans des moments difficiles: des mots de reconnaissances, des gestes de réconciliation, des témoignages de force imprégnés de foi et de joie, des flots de tendresse. La véritable charité se vit dans la vérité.

Vous me permettrez de terminer ce mémoire avec des mots sur la fin de vie de Jésus de Nazareth. En quelques heures, il a pardonné à ceux qui le mettaient à mort, il a ouvert la porte au ciel à un bandit rependant, il nous a donné Marie comme mère, il nous a couvert de la miséricorde du Père en remettant son esprit entre les mains du Père.

Des questions aussi importantes touchent les plus faibles et demandent beaucoup de lumière de votre part et des gouvernements. Le droit de mourir dans la dignité, dans le vrai sens du mot, est menacé. Le devoir de mourir dans la dignité est aussi menacé. C'est le rôle des gouvernements de protéger les principes fondamentaux de la vie. Vous me permettrez une petite prière: Puisse le pèlerinage de cette commission produire un souffle imprévu d'espérance sur le caractère sacré de la vie.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mgr Fournier. On va passer maintenant à une période d'échange avec les membres de la commission. Et je suis prêt à céder la parole à Mme la députée de Mille-Îles.

**(10 h 30)**

Mme Charbonneau: Merci, M. le Président. Messieurs, je vais ouvrir la commission en vous disant: Eh, que je reste loin! Parce qu'habituellement on vous dit: Eh, que vous restez loin! Mais, ce matin, j'ai le goût de vous dire que je trouve que je reste loin. Mais je suis une fille de Laval, donc je suis à plusieurs heures de chez vous. Et c'est bon de se retrouver ici ce matin. Et toute la différence, quand on est dans des régions plutôt que dans des grands centres, puisque vous êtes ici en grand nombre. Et c'est tout à votre honneur, parce que quelquefois on se retrouve dans des grandes salles froides avec peu de gens. Donc, ce matin, je me sens choyée d'être dans une grande salle mais remplie de chaleur parce qu'il y a plein de gens pour venir échanger avec nous.

Le rôle que nous avons n'est pas simple, puisque nous sommes un peu avocats du diable. Nous devons nous faire une tête, et, à chaque fois qu'on a des intervenants, notre tête change un peu. De ce fait, j'espère qu'on ne vous choquera pas trop en lançant un peu des questions, aux gens qui sont pour en posant des questions qui nous sont venues de gens qui sont contre et, aux gens qui sont contre, des questions qui nous sont venues de gens qui sont pour. Donc, laissez-nous juste vous dire qu'on n'est pas ni pour ni contre, mais, pour se faire une meilleure tête, nous, on se doit de confronter un peu les idées.

Messieurs, bonheur de vous entendre ce matin et intéressant de voir que vous changez un peu le titre à savoir le devoir de mourir dans la dignité. Je trouve ça intéressant parce que les gens qu'on a rencontrés qui sont un petit peu plus pour nous ont dit que c'était la réflexion qu'ils nous donnaient à avoir, avoir le droit de leur donner le droit de mourir dans la dignité.

Maintenant, je vous parle de gens qui avaient des maladies dégénératives qui faisaient en sorte que la prévision de leur mort leur posait de l'angoisse, des idées quelque peu défaitistes et à un moment de leur vie qu'ils voulaient vivre avec un aspect paisible mais qu'ils ne voyaient pas de cette façon-là.

Donc, quelques-uns sont venus nous voir pour nous dire: Je ne peux pas arrêter un traitement, puisque vous savez qu'arrêter un traitement fait en sorte que je peux provoquer ma mort si j'ai une maladie. Mais, pour certaines personnes, ils n'ont pas de traitement à arrêter, ils ont à attendre que le corps, par le biais de la maladie, provoque tranquillement une mort annoncée, mais jamais avec une date, comme un yogourt, hein, avec une date de péremption.

Donc, ils sont venus nous dire: Pour nous, c'est une porte de sortie, c'est quelque chose d'intéressant. C'est de savoir que je pourrai faire le tour de ma famille, régler les choses que j'ai à régler, faire la paix avec l'ensemble de ma communauté pour, après, choisir une date qui serait favorable à ma vie à moi, personnellement, très autonome, très dans ma bulle et qui me permettrait de pouvoir passer à autre chose et quitter dans des moments plus paisibles que l'angoisse, la souffrance et peut-être des idées un peu noires par rapport à cette vie-là que je quitte.

J'ai entendu un peu dans l'ensemble vos arguments, mais j'aimerais vous concentrer un peu plus sur cet aspect-là de la vie, de cette personne qui vient à votre rencontre et qui vous dit: Moi, j'aimerais avoir le choix. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Fournier (Pierre-André): Tout d'abord, je vais reprendre ce que j'ai dit au début, j'ai énormément de respect pour les gens qui vivent une situation comme celle-là. Et j'espère que, dans mon texte, s'il y a quelque chose qui les avait touchés, ce n'est pas du tout dans cette intention-là, c'est au niveau des principes.

Et il y a beaucoup de situations complexes: j'ai eu affaire à trois ou quatre récemment, avec des soins de fin de vie et des décisions qui ont dû être prises. Et j'ai été vraiment mêlé, et je le suis encore, et je sais que, souvent, il y a des situations qui ne sont pas faciles, qui sont des situations grises, mais, en général, je pense que les choses sont bien faites actuellement. Et c'est pour ça que les personnes qui désirent cela, il faut les accueillir aussi. Mais il faut revenir aussi à l'idée qu'on est des personnes humaines. C'est ça, on prend cette idée-là, mais c'est la même chose dans une famille, on pourrait apporter nombre d'exemples puis dire: Moi, ça me conviendrait mieux de faire ça, j'ai le goût de faire ça. Oui, mais c'est quoi les conséquences de... de l'humanité. Et là on est dans une chose extrêmement importante, il est question de la vie et...

Alors, il y a aussi parfois, je pense, là, ou il y a souvent des mauvaises compréhensions ou des demandes qui sont faites par certains patients. J'ai déjà eu un homme que j'accompagnais dans une paroisse, et il avait écrit sur son tableau, son bureau de chevet, avant une grande opération: S'il vous plaît, docteur, me maintenir en vie quelles que soient les conséquences de l'opération. Évidemment, le docteur n'a pas pu suivre sa demande parce que l'opération a mal tourné. Mais ils ne l'ont pas intubé puis gardé en vie. Mais, lui, il le demandait, mais ce n'est pas parce qu'il le demandait. Je pense qu'on avait un cas évident de dire: Bon. Bien, là, l'heure est venue, hein?

Mais, pour les personnes pour lesquelles il y a des choses à faire encore, je pense qu'il faut accompagner ces personnes-là. Et tout ce que j'ai actuellement d'information, c'est au niveau des soins palliatifs, des nouveaux médicaments, de la sédation, etc., il y a moyen de soulager probablement toutes les douleurs.

Il faut remarquer que la plus grande des douleurs n'est pas physique: la plus grande des douleurs des humains, c'est une douleur psychologique. Ceux qui vivent... les déprimés actuellement. Moi, j'ai connu des gens qui ont envie de se suicider depuis 20 et 30 ans, pour lesquels la vie n'a aucun sens. Ça, c'est la plus grande des douleurs. Et celle-là, il faut trouver un moyen pour la soulager et il faut... c'est dans ce sens-là... Oui, il y a moi, oui, mais il y a tous les autres, là, hein? La souffrance, elle fait partie de la vie. La croix, elle fait partie de la vie à un tournant ou l'autre, et c'est une question de solidarité, une question de solidarité humaine. Mais je respecte aussi les gens dans leurs souffrances, mais ils ont besoin d'être accompagnés.

Le Président (M. Kelley): M. le député d'Orford.

M. Reid: Merci, M. le Président. Monseigneur, moi, je voudrais d'abord vous dire toute mon admiration pour ce que vous avez fait, votre carrière est exemplaire, vous avez été à la paroisse Saint-Roch, mais vous avez été aussi au service des déshérités à plusieurs endroits dans le monde, et je pense que vous êtes un exemple pour nous tous. Et, quand vous dites la compassion est porteuse d'humanité et de dignité, je pense que vous savez de quoi vous parlez. Et, pour moi, c'est quelque chose d'admirable, et je voulais vous le dire en commençant.

Vous insistez beaucoup sur l'importance des soins palliatifs, et je pourrais dire sans me tromper que c'est une constante qu'on retrouve beaucoup dans les témoignages -- on en a déjà eu plus d'une centaine jusqu'à maintenant -- c'est une constante, et vous prenez la peine de nous donner quelques exemples de recommandations bien concrètes sur des... enfin qui se traduiraient par des investissements de fonds publics, et, nous, c'est une des choses qu'on aura à voir, si on veut, et qu'est-ce qu'on veut mettre dans les recommandations de notre commission à la fin. Notre travail ne sera pas simple parce qu'évidemment on a tout un éventail d'opinions dans l'opinion publique, et la vôtre compte beaucoup, soyez-en certain.

Ma première question est à l'effet de... ce n'est pas une question technique, c'est un peu pour tous les aspects pour lesquels vous êtes plus sensible que beaucoup d'autres personnes au Québec. Sur la question de soins palliatifs en institution versus soins palliatifs à la maison, est-ce que vous pouvez nous donner une idée quand on pense à ce qu'on devrait faire des fonds publics qui seraient investis dans les soins palliatifs dans le futur? Comment vous voyez, vous, je ne vous demande pas de nous dire quel pourcentage, mais comment vous voyez ou quels sont les paramètres qui vous paraissent importants quand on pense soins palliatifs à la maison versus soins palliatifs en institution? Parce que, selon les pays, c'est très différent et, comme c'est quelque chose qui est en progression, on a encore le choix, sans doute, de pouvoir mettre de l'importance plus d'un côté ou de l'autre ou également, selon ce qu'on pense qui est la bonne solution.

M. Fournier (Pierre-André): M. Reid, d'abord je vous remercie, vous touchez une question qui est extrêmement importante et délicate actuellement. Je sais qu'il y a des aidants naturels dans la salle. J'ai eu à accompagner des gens dans les trois situations: à la maison en fin de vie, dans un hôpital, mais avec un étage de soins palliatifs et d'autres aussi à La Maison Michel Sarrazin, ici, à la Maison Marie-Élisabeth, ou même à Rivière-du-Loup, la nouvelle maison qui vient d'ouvrir, là, Desjardins.

Je pense qu'il y a beaucoup de fonds à investir. Pour ce qui est de la proportion, vous comprendrez que c'est difficile pour moi de le dire, mais je pense qu'il faut aider beaucoup les personnes à la maison actuellement. Je pense que c'est un aspect qu'on oublie, beaucoup le souhaitent, mais ça ne voudrait pas dire qu'en mettant des fonds on mette de la pression sur les aidants naturels.

J'ai à rencontrer régulièrement des gens qui n'osent pas dire à leurs conjoints, conjointes: Je ne suis plus capable. Il ne faudrait pas que ça aille dans ce sens-là. Je pense que même, parfois, c'est un devoir de dire: Bien... Les personnes qui souffrent de l'alzheimer, par exemple. Moi, j'ai un ami qui vient de décéder, après 14 ans d'alzheimer. Sa femme l'a gardé pendant neuf ans à la maison, un courage incroyable. Bon, il s'est éteint tranquillement, mais il fallait, à un moment donné, qu'elle prenne cette décision-là. Je pense qu'il faut comprendre qu'on a besoin à domicile, mais, en même temps, ne pas non plus dire aux gens: La façon idéale, il faut nécessairement que ça se fasse à la maison, parce que, des fois, les soins deviennent trop difficiles.

M. Reid: Lourds...

M. Fournier (Pierre-André): Mais je suis convaincu qu'il faut mettre davantage encore aussi à domicile, non seulement pour les soins palliatifs, mais les autres soins.

**(10 h 40)**

M. Reid: O.K. Bien, merci beaucoup. J'ai une autre question, et peut-être que ma collègue de Joliette va trouver que je prends une question qu'elle a envie de poser parce qu'évidemment je vais prendre Le Journal du Barreau, et puis, elle, elle est avocate. Mais...

Écoutez, c'est une question qui va être plus difficile, monseigneur, parce qu'évidemment il y a des gens qui viennent nous voir qui ne sont pas nécessairement du même avis que vous. Le Barreau ne s'est pas prononcé pour ou contre, mais le Barreau a un témoignage intéressant. Mais je vais vous lire un peu ce qui est dans Le Journal du Barreau du mois de novembre. D'abord, je pense que c'est nécessaire de commencer par un petit extrait vers la fin de l'article où on parle des soins palliatifs. Et on lit ici: «Le Barreau mentionne le droit d'obtenir des soins palliatifs, et le corollaire, qui est l'obligation pour les établissements de santé de prodiguer ces soins -- donc, effectivement, des fonds publics. Pour [M.] Cookson, qui est également infirmière, [Mme] Cookson, pardon, qui est également infirmière, mourir dans la dignité ne se résume pas seulement à l'euthanasie et à l'aide au suicide -- parce qu'il y a des gens qui pensent que, quand on a un titre comme ça, c'est uniquement pour parler d'euthanasie -- mais aussi à mettre en place en amont des conditions favorisant l'approche palliative compétente, l'accès aux soins palliatifs et à toutes les compétences liées au soulagement de la douleur.»

Par ailleurs, dans le titre de leur article là-dessus, il est mentionné: «Dans le débat hautement émotif qu'est celui des soins en fin de vie, le Barreau ne prend pas position pour ou contre l'euthanasie et l'aide au suicide. Devant la Commission mourir dans la dignité, le Barreau a fait valoir que, dans sa lorgnette, le débat n'est ni moral ni religieux, il est essentiellement juridique.» Donc, c'est l'opinion qu'ils nous ont donnée.

Et, je vais terminer, avant de vous laisser la parole pour commenter, sur un extrait qui est en plus gros titre, ici, en bas de la page, qui est une citation du bâtonnier, M. Michel Doyon... Me Michel Doyon, qui dit la chose suivante: «Le respect de la volonté de la personne en fin de vie nous apparaît être la meilleure et la plus fiable balise qui assurerait un espace de liberté suffisant pour permettre à chacun de donner un sens à ce moment essentiel de la vie, et ce, selon ses propres valeurs.»

Alors, vous voyez un peu la difficulté devant laquelle nous sommes. On a un éventail d'opinions. Ici, je vous donne des opinions, et comme ma collègue vous a expliqué, je ne fais pas exprès de donner des opinions de ceux qui vont dans... disons, qui corroborent les vôtres, mais plutôt des opinions de personnes qui posent des questions par rapport à... et qui vous permettent peut-être de préciser votre pensée par rapport à cette dimension, notamment celle de la liberté ou de l'autonomie, ce que plusieurs appellent l'autonomie de décision de la personne.

Alors, ma question, c'est de vous demander de commenter un peu sur cette question-là.

M. Fournier (Pierre-André): C'est une question qui m'intéresse beaucoup. D'abord, les médecins ont souvent peur d'être poursuivis pour une cause ou l'autre. Moi, j'ai dans ma famille quelques médecins. Et il semblerait que même, pour cette question-là, et ça, on pourrait discuter longuement, mais ça serait encore plus dangereux si on permettait l'euthanasie parce que, là, là tu tomberais, là, vraiment, la décision, est-ce que vraiment, là, il a été consulté, est-ce que la famille a été consultée, est-ce qu'il est en état de donner une réponse? Les dangers... Une des positions que j'ai vues, c'est que les dangers seraient encore plus grands pour les médecins d'être poursuivis.

Lorsqu'il dit que ce n'est pas juste une question de morale ou une question de foi ou autre, je suis d'accord avec lui, justement. C'est une question qui couvre tous les éléments, même économiques. Mais, moi, pour ma part, c'est d'abord et avant tout parce que... on est dans une société pluraliste et séculière, c'est une question de philosophie d'abord, je pense que c'est là, la conception de la personne humaine. Ça, c'est fondamental. Le moment où tu t'entends là-dessus... D'abord, si la personne humaine est toute seule dans sa bulle, elle décide: Je fais ça puis personne d'autre n'a à dire un mot, c'est sûr. Mais si on a une conception beaucoup plus large, que l'humanité forme un corps, que nos gestes ont une conséquence sur les autres, des fois, on aurait le goût de prendre ça, là, il semblerait que ça serait mieux pour nous, mais, comme des parents, non, je vais donner l'exemple.

Moi, j'ai accompagné un père de famille dans les soins palliatifs d'un hôpital où le médecin m'a dit: Je n'ai jamais vu un gars de même, jamais vu un gars qui s'en va de même, avec trois enfants, serein et tout. Mais, quand j'ai vu le monsieur, il m'a dit: Moi, je veux montrer à mes enfants comment on meurt. Ça, c'est le devoir de mourir dans la dignité. Et il y a des dépassements qui sont possibles dans la nature humaine, mais c'est un dépassement. Et je pense que, moi...

Vous avez parlé des infirmières. Je comprends beaucoup les 8 000 infirmières qui se disent très réservées par ça parce qu'elles sont proches des patients. C'est elles qui sont là où ils meurent. Et, à la radio l'autre fois, j'entendais un vétérinaire dire: Une des plus grandes souffrances des vétérinaires actuellement, c'est le nombre d'euthanasies qui leur sont demandées sur les animaux domestiques. Ils font leur formation parce qu'ils aiment les animaux, et les gens arrivent, il a une patte cassée, envoie, euthanasie s'il vous plaît. Et beaucoup vivent la dépression. J'ai été surpris d'entendre ça. Je me suis dit: Ça va être quoi dans nos hôpitaux? Ça va être quoi lorsqu'on va demander aux infirmières, aux médecins dans la journée de... Ça, c'est un élément humain extrêmement important à la longue. Moi, j'ai été estomaqué à écouter ça par hasard sur ma radio.

M. Reid: Je vous remercie.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Avant de céder la parole, je vais juste souligner l'arrivée du député de Rimouski. On est bien reçus chez vous, M. le député, et merci beaucoup pour votre participation aujourd'hui. Je suis prêt maintenant à céder la parole à Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Alors, à mon tour, je tiens à vous saluer, Mgr Fournier, et l'abbé Roy qui vous accompagne. On est très heureux de vous avoir parmi nous. Je pense que votre témoignage et votre mémoire, que j'ai relu ce matin, est empreint d'humanité et de sérénité et nous pousse à la réflexion, et c'est le but de notre présence et c'est le but de ce grand débat là, c'est de faire ensemble, comme société, des pas de plus pour réfléchir sur toutes ces questions de fin de vie, parce que je pense que beaucoup de gens nous y ont convié, y compris le Collège des médecins il y a un an, et des débats récurrents et des appels à l'aide de personnes aussi dans de grandes souffrances, dans des situations de maladie très difficiles nous y ont conviés. Alors, je vous remercie sincèrement d'y participer avec autant, je vous dirais, de générosité et de sagesse.

Pour ma part, j'ai plusieurs questions. Vous vous êtes situés beaucoup au niveau des principes et vous avez dit tout à l'heure: évidemment, il y a toujours des cas, quand on les regarde individuellement, qui sont des cas très, très difficiles. Alors, nous, vous comprenez que, nous aussi, on tente de se situer au niveau des principes, mais on est aussi confrontés à beaucoup de cas et de situations particulières très difficiles, et, comme, je dirais, parlementaires et comme législateurs, on n'a pas le choix de prendre en compte ces cas-là, et qu'ils alimentent aussi notre réflexion. Alors, j'aurais des questions autant au niveau des principes que peut-être des cas plus particuliers.

Au niveau des principes, je voudrais comprendre, d'un point de vue philosophique, parce que c'est beaucoup votre approche, c'est aussi ce dans quoi vous baignez, quand vous parlez des impacts qu'une ouverture vers l'euthanasie pourrait avoir sur la société, comment vous... puis vous parlez de ça en lien avec comment on considérerait la vie comme société puis la solidarité comme société et quel message, en gros, ça pourrait envoyer à une société si on décidait d'aller vers une ouverture.

Vous savez que, dans l'état actuel du droit, une personne peut cesser tout traitement. Donc, on peut débrancher quelqu'un. Au début des années quatre-vingt-dix, il y a eu le cas célèbre de Nancy B. à l'Hôtel-Dieu de Québec, qui était une femme qui était en possession, si vous voulez, de ses moyens mais qui était branchée à un respirateur, qui était relativement jeune, mais que c'était la seule manière avec laquelle elle pouvait vivre. Et elle estimait qu'elle n'avait plus aucune qualité de vie et elle a demandé d'être débranchée. Ça a fait un grand débat juridique. Finalement, on lui a donné le droit d'être débranchée de son respirateur. Elle en est décédée. Et maintenant, dans notre Code civil, tout refus de traitement, même s'il entraîne la mort, est permis. Même chose pour quelqu'un qui a 20 ans et qui décide de refuser une transfusion sanguine, même si ça va avoir pour conséquence qu'il meurt. Notre droit permet ça.

Et, moi, je ne veux pas tant me situer au niveau du droit ou de la différence de l'intention entre débrancher quelqu'un, refuser un traitement versus, par exemple, donner une injection létale, mais plus sur, comme société, comment un dévalorise plus la vie que l'autre. Je ne sais pas si vous me suivez. Pourquoi, comme société, ce serait correct de permettre ça au nom de l'autonomie et de l'autodétermination de la personne et de l'inviolabilité de son intégrité -- ce sont les principes qui font en sorte qu'on permet, dans l'état actuel des choses, depuis 20 ans, de procéder ainsi -- mais que, pour quelqu'un qui est en grandes souffrances, en toute fin de vie, et qui demande d'être aidé à mourir, on ne pourrait pas le faire au nom du caractère sacré de la vie ou du message que ça envoie?

**(10 h 50)**

M. Fournier (Pierre-André): La question, c'est toute la question des soins disproportionnés. Je pense que c'est là qu'est la grande question. Et les médecins sont en mesure, avec les familles, de juger si le soin qui est donné est disproportionné ou pas. De plus en plus, par exemple, quelqu'un à qui le médecin annonce un cancer généralisé n'est pas du tout tenu -- c'est considéré comme un soin -- il n'est pas obligé d'aller à la chimio et des choses... je pense que là-dessus on s'entend.

Ce que, moi, dans ma position, je défends, c'est de ne pas tuer la personne directement. Et, si ça demande des soins disproportionnés, bien là, évidemment, on n'est obligé de les donner. Parfois, il y a de l'acharnement. De moins en moins, mais il y a eu des occasions aussi, la personne était intubée. Mais on ne peut pas faire une loi à cause de cas exceptionnels. Je pense qu'on se leurre. Il y a une tendance actuellement, je ne donnerai pas d'exemples, là, il y a une tendance, il arrive une situation quelque part, on se fait une grande loi générale. Ça demande plus de discernement que ça. Et il n'y a aucun droit qui est capable de gérer tous les cas individuels. Il faut accepter qu'il y ait des cas exceptionnels très difficiles qui seront... les décisions seront prises par les personnes, mais il ne faut pas faire une loi générale pour un certain nombre de personnes.

Et je pense que les... beaucoup de gens, entre autres sur la sédation, beaucoup de gens, ça se fait depuis un bout de temps, hein? J'étais dans une paroisse où une dame que j'accompagnais depuis longtemps s'est tirée en bas du 12e étage pour s'enlever la vie. Heureusement, il y avait eu une tempête de neige la veille puis... Bon. Mais les policiers sont venus me voir pour me dire qu'elle était décédée. Puis son mari était à la messe, alors ils voulaient vérifier si ce n'était pas lui qui l'avait jetée en bas du balcon. Mais cette dame-là, pratiquement tous ses membres étaient brisés. Elle a été dans une sédation pendant deux mois parce que ça aurait été trop douloureux, et, pendant ces deux mois-là, elle n'a rien senti. Quand elle a repris vie, là ses membres étaient là, elle a retrouvé l'énergie, puis là elle me disait: Je ne sais pas ce qui s'est passé. J'étais dans ma cuisine puis j'ai eu une obsession, une sorte de vertige. Il fallait qu'elle se tire en bas.

Alors, aujourd'hui, en médecine, ça a avancé beaucoup, beaucoup pour accompagner les personnes. Et je pense qu'il faut vraiment protéger les infirmières, et même les médecins, dans leur travail par rapport à cela pour ne pas qu'ils soient tenus à abréger la vie.

Même au milieu de... Pie XII, il y a un demi-siècle, il disait: Le médecin doit prendre des moyens ordinaires pour assurer la vie. Alors, sinon, il n'est pas tenu à prendre des moyens disproportionnés. La personne n'est pas obligée moralement de prendre des moyens qu'elle considère disproportionnés en regard du bénéfice espéré. Si elle est incapable de manifester ses désirs, des proches et l'équipe médicale agiront en fonction des mêmes principes et dans le même intérêt du patient. Évidemment, reste intacte la question de ces personnes-là qui désirent, mais je pense qu'il faut quand même les aider à décider autrement.

Mme Hivon: Est-ce que, vous, dans votre optique, justement pour ces cas plus difficiles, exceptionnels, pour lesquels, par exemple, vous dites: La seule solution face à des souffrances, des douleurs ou des souffrances existentielles terribles, une anxiété incontrôlable et une mort qui est quand même imminente, est-ce que vous dites donc que, face à ces cas-là, le législateur ne doit pas se pencher là-dessus et un peu de voir que, de manière exceptionnelle, le médecin puisse utiliser des moyens exceptionnels un peu à l'abri du regard du juridique, même si on est dans des cas limites? Parce que ces cas-là doivent être traités un peu derrière des portes closes et que la société ne doit pas, comme tel, s'en préoccuper.

Parce que vous savez que certains, c'est leur discours, parce que je pense que même les médecins, même ceux qui sont contre, admettent qu'il y a des cas où la médecine ne peut plus rien faire. Et oui, quand on est face, par exemple, à quelqu'un qui a un cancer en phase terminale, pour qui il en reste peut-être quelques semaines à vivre, peut-être, dans les cas ultimes, la sédation terminale, de dire on va vous endormir jusqu'à ce que mort s'ensuive, est une option. Mais il y a des gens qui sont réfractaires à ça, des gens concernés directement. Ils disent: Moi, je ne veux pas que vous m'endormiez, puis que je perde toute conscience, et que mes proches viennent me veiller, et que je ne sache pas si je vais mourir dans trois jours, dans sept jours ou dans 15 jours. Mais il y a quand même ça, vous y faites référence, mais il y a aussi les gens qui ont des maladies dégénératives, et que la mort n'est pas imminente dans deux ou trois semaines, mais qu'elle l'est peut-être dans six mois, dans un an, et pour qui les souffrances... On a eu des cas, on a des personnes qui sont venues, qui m'ont dit: À chaque parole que je vous dis aujourd'hui, je souffre, je souffre de respirer, parce qu'on contrôle ma douleur, mais, en même temps, si je voulais qu'elle soit parfaitement contrôlée, je ne serais pas en mesure de parler, je ne serais plus en mesure d'interagir, je n'aurais plus de liens sociaux parce que je serais dans un état d'endormissement à peu près constant.

Alors, avec des cas comme ceux-là, comme législateurs, avec en plus le fait... Vous parliez tout à l'heure des possibilités de poursuites. Dans les annales, jamais un médecin n'a été poursuivi, alors qu'on peut se douter qu'il y a des cas limites qui ont été franchis. Et, dans les cas où des proches aident quelqu'un à mourir, les tribunaux, les jurys -- on a fait la revue avec le Barreau de toute la jurisprudence -- il n'y a jamais de condamnation à emprisonnement, généralement non-culpabilité ou sentence qui, en fait, n'est rien, absolution inconditionnelle. Donc, ça, nous, on doit aussi tenir compte du fait que la société n'a pas l'air à condamner de tels gestes.

Donc, j'aimerais vous entendre sur qu'est-ce qu'on fait dans des cas comme ceux-là où, dans un côté, on a la société qui ne semble plus au diapason du droit et, de l'autre côté, il continue à y avoir des cas exceptionnels où des gens souffrent et on n'est pas capable de contrôler leurs souffrances.

M. Fournier (Pierre-André): Bon. Ma devise, moi, c'est heureux les pauvres. Je me sens bien pauvre devant... lorsqu'il est question de droit, de médecine, etc., j'apporte mes convictions, mais je trouve que vous apportez vous-même, vous venez de donner la réponse en disant que ça va bien, en disant que le statu quo n'est pas si mal, en fin de compte, il n'y a pas eu de poursuites contre les médecins. Le juridique tient compte des situations, en imposant des peines qui tiennent compte des situations. Alors, ce que j'ai vu ailleurs, c'est que, là, ça deviendrait plus compliqué, même au point de vue juridique.

Au niveau des personnes, de cas exceptionnels, je pense que, là, on ne peut pas, là, tout changer, c'est à juger dans les cas individuels, s'il y a des cas particuliers, sur lesquels je suis encore une fois extrêmement sensible par rapport à ce que vivent certaines personnes, extrêmement sensible. Mais, de grâce, de ne pas changer des lois... ça, ce n'est pas juste dans le cas de l'euthanasie, suicide assisté, c'est dans tout ce qui concerne la vie humaine, sinon on n'en sort pas, on n'en sort pas. La personne qui prend des choses qui ne lui conviennent pas... on ne peut pas non plus juger tout le monde.

Mais, oui, j'aimerais ça que monsieur... mon député me pose une question.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kelley): Juste une petite technicalité parce que ça prend le consentement pour permettre à notre collègue de Rimouski... qui est donné de toute façon. Alors, sans plus tarder, M. le député de Rimouski, la parole est à vous.

M. Pelletier (Rimouski): Merci. Alors, merci beaucoup de m'accueillir à cette commission parce que je ne suis pas membre de cette commission, mais on m'a permis d'y assister parce que c'était dans ma région, dans mon comté. Puis, Mgr Fournier, je suis très heureux de vous voir encore une fois ce matin. Bienvenue à cette commission. Et puis, moi, j'aurais une seule question.

Je vais vous raconter, monseigneur, une expérience personnelle que j'ai vécue l'automne dernier, c'est-à-dire ça fait un an. J'ai assisté au décès de mon beau-père, qui avait 81 ans, qui avait un cancer du poumon. Et puis son cancer a été déclaré quelque part comme au mois de mai 2009, et puis il est décédé le 28 octobre 2009 à La Maison Michel Sarrazin, à Québec. Alors, vous en parlez, des maisons de fin de vie, c'est dans votre mémoire, je pense.

Alors, moi, je peux vous dire qu'assister à un décès, assister une personne en phase terminale dans une maison de fin de vie, c'est beaucoup plus humain que partout ailleurs. Je vous avoue qu'à la maison, je n'ai jamais eu l'occasion d'assister au départ de quelqu'un. Et, à La Maison Michel Sarrazin, mon beau-père a été environ quatre jours, et puis il a été bien suivi, bien traité, je pense, mais personne ne prenait des décisions, soit au niveau de la famille ou au niveau de lui-même, personne ne prenait des décisions, les décisions étaient toujours laissées au personnel médical. Mais ce n'était pas n'importe qui non plus dans le personnel médical parce que, quand il avait une injection, la directive venait d'une personne en autorité.

Et puis ça a duré... Les trois premiers jours, disons, ce qu'on faisait, c'était de soulager ses souffrances, qu'on nous disait, et puis, à un moment donné, la dernière journée, vers 11 h 30 le soir -- parce qu'il était toujours conscient, puis on parlait avec, puis c'était même très intéressant de parler avec encore à cette étape-là, il était très conscient -- et puis, à un moment donné, vers 11 h 30 du soir, on reçoit un téléphone de la maison qui nous dit: Si vous voulez revoir votre beau-père ou votre père -- dans le cas, c'était le père de ma conjointe -- conscient, il faudrait que vous veniez tout de suite parce qu'on va être obligés de lui donner bientôt une autre injection et puis cette injection-là va probablement le rendre inconscient, puis ça va être terminé après ça. Puis effectivement nous sommes allés à l'hôpital le rencontrer, on a parlé avec, et puis, vers 0 h 30, il a eu son injection, puis, dans les minutes qui ont suivi, il est devenu inconscient -- en tout cas, nous, on pense qu'il était inconscient, là, on ne le saura jamais, il ne pourra pas nous le dire -- puis il est décédé après ça dans l'après-midi, 2 h 30 le lendemain après-midi.

Mgr Fournier, est-ce que, selon vos principes, votre foi, ce que vous pensez, est-ce que les choses qui ont été faites pour lui ont été faites correctement? Plus directement, est-ce que mon beau-père a été euthanasié ou s'il est mort naturellement dans la dignité?

**(11 heures)**

Le Président (M. Kelley): ...si tout le monde peut faire attention avec leur Blackberry proche des micros parce que ça fait le bruit de fond qu'on entend dans la salle. Alors, juste nos équipements modernes, de les garder loin de nos micros pour nos techniciens, au coin. Mgr Fournier.

M. Fournier (Pierre-André): C'est difficile pour moi de répondre, parce qu'il vient chercher des choses qui me rejoignent dans ma proche chair. Ma mère est décédée dans une situation semblable aussi.

Lorsque c'est pour soulager la douleur, donner une injection qui va avancer l'heure de la mort, c'est moral, c'est accepté par l'Église lorsque ce n'est pas pour tuer. C'est pour soulager la douleur à ce moment-là, évidemment. Et ordinairement, dans les maisons de soins palliatifs, ils n'en donnent pas, là, à des doses... tu rentres à l'hôpital... aux soins palliatifs, puis ils t'avertissent, là: On va en donner, là, pour que ça finisse le plus vite possible. Au contraire, il y a un soin pour la dignité et la qualité de vie. Mais donner des injections, lorsque c'est bien donné, en général ça n'écourte pas, mais ça peut arriver dans une situation où il y a trop de souffrances et ça peut avancer de quelques heures. Mais je ne peux pas juger du cas particulier, là, et ça prendrait toute une équipe médicale pour examiner toutes les situations. Là, je ne m'aventure pas, mais vous venez chercher une situation aussi... Ma mère a eu besoin aussi de calmants, là. Est-ce que ça a avancé ou pas? Je ne pourrai jamais dire, mais à un moment donné il faut calmer la douleur.

Le Président (M. Kelley): Sur ce, il me reste à dire merci beaucoup. On est très conscients de vos deux attentes pour les membres de la commission. Et on voit aussi, dans ce dernier échange, on part toujours d'une discussion des principes, mais, règle générale, ça revient nous toucher profondément. Moi aussi, j'ai perdu mes parents dans une maison de soins palliatifs. Alors, comme mon collègue de Rimouski évoque la fin de son beau-père, les souvenirs du décès de mes parents surviennent aussi. Parce qu'à la fois c'est le débat des grands principes, mais c'est également un débat qui nous touche aux moments les plus sensibles dans la vie des familles québécoises, alors de ça l'importance, entre autres, du débat. Merci beaucoup pour votre contribution très humaniste à notre réflexion ce matin.

Sur ça, je vais suspendre quelques instants, et je vais demander à Mme Doris Labrecque de prendre place à la table. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 4)

 

(Reprise à 11 h 10)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre s'il vous plaît! Mesdames et messieurs, je sais que... La commission reprend ses travaux.

Et, moi, je suis encouragé de voir le monde dans la salle qui aimerait discuter, aimerait échanger sur ces questions. Juste un petit mot sur les applaudissements, parce que, règle générale, devant une commission parlementaire, on ne fait pas des applaudissements. Moi, je suis prêt à être un petit peu tolérant, mais il faut toujours rappeler: dans une société démocratique, toutes les opinions et tous les points de vue sont toujours les bienvenus. Et je suis toujours... d'un côté ou un autre, si les applaudissements deviennent un genre de frein à des personnes de s'exprimer librement, je suis toujours un petit peu soucieux à cette réalité aussi. Alors, on peut être polis, on peut aimer ou ne pas aimer qu'est-ce que les personnes ont dit, mais je veux juste toujours insister que, devant une institution démocratique, il doit toujours y avoir de la place pour la gamme des opinions. Alors, c'est juste une mise en cause. Je ne veux pas être... Et les applaudissements, c'est très naturel quand on les fait, mais juste un petit rappel que toutes les opinions, tous les points de vue sont les bienvenus devant la commission.

Sur ça, je suis prêt à céder la parole à notre prochain témoin, qui est Mme Doris Labrecque. La parole est à vous pour environ une quinzaine de minutes.

Mme Doris Labrecque

Mme Labrecque (Doris): Je vous remercie beaucoup de m'accueillir. Je remercie Mme Laplante d'avoir déplacé la commission pour moi.

Le Président (M. Kelley): ...des choses.

Mme Labrecque (Doris): Vous parlez qu'on est une assemblée, en commission, il faudra peut-être dire, quand vous êtes à l'Assemblée nationale, de ne pas faire d'applaudissements et de... hein?

Alors, mourir dans la dignité. Mourir, c'est cesser de vivre, cesser d'exister, disparaître. C'est une civilisation qui meurt. La dignité, c'est le respect dû à une personne ou à soi-même. Pourquoi parler d'euthanasie, de suicide assisté? Pour qui parler de mourir dans la dignité? Et qu'est-ce que mourir dans la dignité?

Quelques exemples. A est malade, mentalement très malade. Il a agressé sexuellement et tué des jeunes enfants. Il a fait de la prison, il a fait plusieurs thérapies. Les familles des victimes réclament pour A soit l'euthanasie soit le suicide assisté afin qu'il ne commette plus de pareils actes et empêche d'autres petites victimes de ne pouvoir mourir dans la dignité. Juste en passant comme ça, si on pense à la jeune Cédrika Provencher, on se demande si elle vit ou si elle est morte dans la dignité.

B est sur le BS. Elle est à la recherche d'emploi. Elle a plus de 50 ans, a toujours occupé des emplois précaires. On lui offre à participer à des programmes pour la somme de 100 $ de plus par mois. L'habillement, le transport, les repas ne sont pas fournis. Elle travaille du matin au soir, beau temps mauvais temps, sur une vigne. Elle aime son travail, bien que physiquement difficile, et ce, sans compter qu'elle souffre de l'épine de Lenoir. Et elle espère pouvoir poursuivre lorsque la durée du programme sera terminée. Mais, lorsque le programme arrive à sa fin, l'employeur ne la garde pas à son service. B retourne à sa pauvreté et à la recherche d'un emploi jusqu'à ce qu'on lui offre un autre programme, et ça recommence. Serions-nous prêts à lui accorder le droit au suicide assisté? Ne pouvant vivre dans la dignité, elle pourrait au moins mourir dans la dignité.

C est une jeune fille de 14 ans qui veut mourir, ayant subi toutes sortes d'outrages depuis sa plus tendre enfance. De famille d'accueil en famille d'accueil, elle n'en peut plus. Elle veut mourir, elle est si fatiguée. A-t-elle le droit au suicide assisté?

D est accusée d'avoir fraudé la sécurité sociale parce qu'une erreur a été commise par son agent. Remarquez, c'est quelque chose d'impossible, il faut croire. Ils ne se trompent pas, ces gens-là. La nouvelle fait rapidement le tour du village, et D est pointée du doigt. Elle souffre, elle a honte, elle est humiliée. Où aller? Elle n'a pas d'argent, elle est pauvre, et on lui a coupé son chèque d'aide sociale. Aucune porte ne s'ouvre devant elle, alors D demande à mourir. Qui lui accordera ce droit?

E est une femme de 75 ans, divorcée depuis plus de 20 ans. Elle vit seule dans un HLM avec le montant minimum. Ses enfants s'en soucient peu: elle n'a pas d'argent, elle n'a pas d'assurance, elle ne laissera pas d'héritage. Elle boit, elle est joueur compulsif. Ne devrait-on pas l'euthanasier ou lui offrir le suicide assisté?

G, un itinérant se nourrissant dans les poubelles avec les restants de ceux qui ont les moyens de jeter, vit-il dans la dignité? Y a-t-il quelqu'un pour l'aider, sinon à vivre dans la dignité, du moins à mourir dans la dignité?

Et les législateurs savent-ils vraiment ce que souffrent ces personnes et ce dont elles ont besoin? Sont-ils bien placés pour décider du sort de la majorité d'après l'opinion d'experts en la matière? De plus, sont-ils vraiment aptes mentalement? N'oubliez pas Hitler qui aurait fait, soi-disant, mourir dans la dignité les malades mentaux.

Le gouvernement a des problèmes de logement pour les aînés en perte d'autonomie. L'État les a cependant pris en charge, comme il a pris d'ailleurs les enfants avec les garderies. Mais ce n'est pas l'ambition première de l'État que le bien-être de sa population, mais c'est l'économie, l'argent, le dieu dollar. Alors, aider les gens à mourir dans la dignité coûte bougrement moins cher que les aider à vivre dans la dignité. L'euthanasie et le suicide assisté ne sont-ils pas des moyens de diminuer les coûts de la santé? Y aurait-il moins de personnes qui traîneront dans les hôpitaux? Parce que mourir dans la dignité coûtera beaucoup moins cher à l'État que de les faire vivre dans la dignité.

Et est-ce que vous avez demandé à la société si elle accepterait une loi qui donnerait le droit aux médecins de vivre... aux médecins... le droit aux malades de vivre et de guérir? Est-ce que la société accepterait une loi qui obligerait la médecine à guérir les malades? Avant de parler de mourir dans la dignité, n'est-il pas préférable de parler de vivre dans la dignité? Les pauvres, les sans-abri, les clochards, les itinérants, les BS n'auront jamais la chance ni de vivre dans la dignité ni de mourir dans la dignité. Les jeunes continueront de se suicider, étant laissés seuls. La prévention du suicide ne sera plus nécessaire?

Parce que je travaille, je cours partout, je n'ai pas le temps de m'occuper de mes vieux, alors je les place dans un foyer, ce n'est pas grave, c'est l'État qui veille sur eux! Pour les enfants, les bébés, c'est la même chose, je les envoie dans les garderies, ce n'est pas grave, c'est l'État qui veille sur eux! Je travaille, je dépense, je n'arrive pas à payer mes dettes, ce n'est pas grave, je vais faire une faillite personnelle! Et, si je suis enceinte et que je ne veux pas de cet enfant, ce n'est pas grave, je vais me faire avorter! Et, si j'en ai marre de la vie, ce n'est pas grave, je me suicide! Et mon mari qui est malade chronique, placé à l'hôpital, et je suis tanné d'aller le voir, alors ce n'est pas grave, je le fais euthanasier!

À 14 ans, une jeune fille peut se faire avorter sans l'autorisation de ses parents. Selon Statistique Canada, 304 filles âgées de 14 ans ou moins ont subi des avortements en 2004. Je m'excuse si je n'ai pas de statistiques plus récentes, mais il ne se fait plus de statistiques sur les avortements depuis 2004 à Statistique Canada.

À 18 ans, un jeune homme se suicide. Au milieu du XXe siècle, un jeune homme meurt d'une insuffisance rénale parce que l'hémodialyse n'existe pas encore. Que faisons-nous pour ce jeune homme, avant qu'il ne se suicide, afin qu'il ne se sente pas dans l'obligation de mettre fin à ses jours? Et combien de personnes aujourd'hui vivent grâce à l'hémodialyse?

Toutes les personnes souffrantes qui n'ont pas encore aucun traitement disponible devraient-elles laisser tomber les bras et avoir recours au suicide assisté et à l'euthanasie? L'espérance, ça n'existe plus? C'est pour ça qu'on ne va plus voter? C'est pour ça que je deviens si égoïste? J'avoue que j'ai beaucoup de peine à accepter que notre société discute de mourir. Le Québec a le plus haut taux de suicide au Canada, et l'euthanasie est déjà chose courante dans nos hôpitaux depuis plusieurs années. L'avortement est devenu un moyen de contraception, alors qu'il ne devait être pratiqué que sous certaines conditions.

**(11 h 20)**

Le questionnaire qui a été fourni pour la consultation générale mourir dans la dignité, mon opinion: je l'ai trouvé biaisé. On ne demande pas à la population si elle est pour ou contre l'euthanasie et/ou le suicide assisté, on lui demande sur quel bras il faut piquer. Vous consultez la population? Je n'y crois pas. Je crois que vos décisions sont déjà prises, comme pour d'autres commissions qu'il y a déjà eu, comme pour d'autres opinions que les citoyens ont données. L'opinion citoyenne ne pèsera pas lourd sur la balance.

Qui aura droit à l'euthanasie ou au suicide assisté? Qu'une personne ou une autre meurt euthanasiée ou assistée dans son suicide, quelle importance, c'est légal! Quelle image laissons-nous de notre société?

Je suis malade et je n'ai aucun traitement pour soulager mes douleurs; je suis découragée de la vie et le monde est moche; je ne veux plus vivre, j'ai mal à mon corps et à mon âme. Que pouvez-vous faire pour moi?

Quelle société! Quelle tristesse! Quel dégât! Heureux ceux qui seront morts quand toutes ces choses arriveront! Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci, Mme Labrecque. Juste avant, parce que vous avez abordé certaines questions que je veux répondre au nom de la commission. Quant au questionnaire, ça a été soulevé à maintes reprises, mais, quand vous disiez qu'il n'y a pas d'endroit pour signaler si on est pour ou contre, je vous réfère la question n° 1, ici: «Êtes-vous d'accord ou en désaccord avec la législation de l'euthanasie sous certaines conditions?» Alors, les personnes sont consultées sur cette question. La question n° 4, c'est la même question mais sur la question du suicide assisté. Alors, il y a une place dans le questionnaire. Est-ce que le questionnaire est parfait? Loin de ça, mais c'est un outil parmi d'autres pour permettre les citoyens à participer dans notre réflexion. Alors, au niveau des... surtout, la question n° 9, il y a beaucoup de questionnements: Est-ce qu'on aurait pu la reformuler, la réponse est, oui, on va tenir compte de ça. Mais ce n'est pas un sondage scientifique, c'est un outil pour permettre à la population de participer pleinement.

Deuxièmement, à la question: Les décisions sont prises d'avance, si ça, c'est vrai, nous ne serions pas ici. Et honnêtement nous sommes ici parce qu'il y avait le Collège des médecins, parce qu'il y avait la Fédération des médecins, parce qu'il y a d'autres personnes qui nous interpellent dans notre société, nous avons jugé bon... parce qu'on trouve que la question est importante. Et, à date, moi, j'ai juste regardé dans la salle, après le témoignage de Mgr Fournier, tout le monde dans la salle semblait d'avoir le goût de discuter de la question. Alors, je pense, les parlementaires ont bien choisi un enjeu qui est très important, qui ne touche que la question de l'euthanasie et le suicide assisté, mais, je pense, il y a beaucoup de témoignages aujourd'hui qui vont aborder la question des soins palliatifs, qui a touché beaucoup la famille de votre député, qui a touché ma famille, qui va toucher d'autres familles aussi.

Alors, moi, je pense qu'on est dans les questions qui sont déjà très importantes. Je suis très soucieux du vieillissement de la population. Les baby-boomers comme moi vont entrer dans le troisième âge, l'âge d'or... je ne sais pas c'est quoi, l'euphémisme qu'on utilise ces jours-ci, on va devenir âgés. Alors, c'est ça, la réalité comme baby-boomers, et je suis là-dedans. Donc, je pense, toutes ces questions, comment la société s'organise pour les moments de la fin de la vie, sont des questions qui sont très importantes.

Mais je veux juste vous assurer, Mme Labrecque, il n'y a aucune décision prise, il n'y a aucune conclusion qui a été faite par les membres de la commission. Ça va être notre devoir pour 2011. On n'est pas rendus là encore, on est toujours en audition. On a Sherbrooke à faire, on a Gatineau à faire, on a Saint-Jérôme à faire, il faut retourner à Montréal, on a cinq ou six jours à faire de nouveau à Québec. On va entendre tout le monde. Il y a beaucoup d'opinions, et c'est pourquoi je dis: toutes les opinions sont reçues et sont les bienvenues devant la commission.

Mais je veux juste vous assurer qu'il n'y a pas de conclusion, on n'est pas là encore, loin de ça, si ça peut vous rassurer quant à la question de nos intentions, pourquoi nous sommes ici un beau vendredi où il commence de sentir l'hiver à Rimouski, le 19 novembre. Alors, je ne sais pas si ça peut vous rassurer, mais je tiens à insister sur ces points.

Mme Labrecque (Doris): Je vous remercie, mais je... Ici, à la commission, peut-être que vous êtes sincères, mais ce n'est pas la première fois que je me présente pour des choses comme ça, pour des discussions. Et puis, sans rentrer trop dans les détails, pour les éoliennes, je me suis déjà déplacée pour les éoliennes, je ne voulais pas d'éolienne chez nous, puis je suis partie de chez nous parce que j'en avais sept autour de la maison.

Alors, le gouvernement décide ce qu'il veut, quand il veut, comme il... tu sais. Je suis partie de chez nous. J'ai perdu ma terre. J'avais une terre, j'avais un lot, puis j'ai quitté tout ça pour me ramasser dans un petit quartier, avec un petit bout de terrain, à faire vivre mes chèvres dans une petite cabane que j'ai été obligée de construire vite fait.

Alors, aussi, je veux dire, je crois que vous êtes sincères là, mais souvent les décisions peuvent être prises... Comme les gaz de schiste, que le monde sont en désaccord, je ne peux pas être sûre que ça ne passera pas pareil, même si le monde sont en désaccord. Parce que la population est en désaccord pour ça, puis il y a des grosses chances que ça passe pareil. Alors, ici, je ne peux pas dire que ça va être pareil, pas pareil, je ne le sais pas.

Le Président (M. Kelley): Mais, comme je dis, vous insistez sur l'importance de la vie politique dans notre société. Il y a toujours des décisions à prendre pour des gouvernements, peu importe un gouvernement libéral, un gouvernement du Parti québécois, un gouvernement de l'Action démocratique, un gouvernement de Québec solidaire, tous sont possibles. Chaque gouvernement, peu importe sa couleur, va être toujours appelé de prendre des décisions sur lesquelles il y a des pour et des contre. Parce que, si c'était facile... Et, comme député, je peux parler au nom de tous mes collègues, le monde qui vient nous voir dans nos bureaux de comtés, règle générale, c'est les dossiers difficiles. Parce que, si ce serait facile, le renouvellement de leur permis de conduire, si c'était facile, on le fait sans l'implication du bureau du député. Mais c'est malheureusement, quand quelqu'un arrive dans mon bureau, qu'il a 86 ans et on a décidé de suspendre son permis de conduire, est-ce que, moi, je dois voir le bien-fondé de la décision des fonctionnaires? Mais c'est difficile, parce que peut-être, à 86 ans, il peut toujours conduire, peut-être, à 86 ans, c'est le temps de permettre à quelqu'un d'autre dans la famille d'avoir le permis de conduire. Je prends ça juste comme un exemple. Mais la politique est là toujours pour les décisions difficiles dans notre vie collective. Et je pense qu'aujourd'hui on veut faire un débat sur des éléments de notre vie collective, c'est-à-dire comment organiser les services et les soins en fin de vie, et ça, c'est les questions qu'on aimerait aborder aujourd'hui.

Vous en avez invoqué plein d'autres. On aime la consommation d'énergie dans notre société, mais on ne veut pas la produire. Alors, ça va venir d'où? Je ne sais pas. Alors, on ne veut pas avoir les terminus pour les gaz naturels liquéfiés, on ne veut pas de ça, mais on aime chauffer nos maisons avec le gaz naturel. Alors, ça doit... Un autre débat pour une autre journée. Mais, vous avez raison, Mme Labrecque, ce sont les choses qui sont très importantes. C'est pourquoi nous avons insisté, comme commission, de se déplacer, d'aller à neuf villes au Québec, parce qu'on trouve que c'est très important d'écouter les citoyens comme vous, comme toutes les autres personnes. Et on va essayer, dans la mesure du possible, dans un rapport final, de refléter le plus grand nombre de témoignages possible. Mais nous allons entendre pas loin de 300 personnes, il y a tous les commentaires que nous allons recevoir dans les périodes de micro ouvert, alors est-ce que notre rapport final va plaire à tout le monde? Impossible. Impossible. Mais je veux vous assurer qu'on va aller faire notre mieux possible.

Mme Labrecque (Doris): Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Mille-Îles.

**(11 h 30)**.

Mme Charbonneau: Merci, M. le Président. Députée de Mille-Îles, mère de trois enfants, qui n'a pas été à la maison depuis lundi passé, puisque j'ai choisi de mettre ma face sur le poteau et de participer à notre démocratie. Je vous le dis un peu à la blague, parce que, votre frustration, je la partage en partie, en partie, parce que je fais partie d'un gouvernement où il y a 125 personnes, et quelquefois, malheureusement, ma décision, ce n'est pas celle qu'on prend, puisqu'elle se noie dans les 125 voix qu'on entend et qu'on doit faire de façon démocratique.

Je vous le dis, parce que je vous ai entendue quand vous avez dit: Il y a des décisions qui se prennent qui ne me ressemblent pas, que, moi, je ne voulais pas. Je partage ça avec vous, mais en même temps c'est noyé dans la voix de l'ensemble. Et, comme disait monseigneur quelques minutes avant: Des fois, les décisions qu'on prend... la plupart du temps sont des décisions qui représentent l'ensemble et non juste quelques personnes. Par contre, je vous entends. Je vous entends et je trouvais intéressant de A jusqu'à G, puisque les exemples que vous donnez sur l'aspect de l'humain et son désespoir, sa pensée philosophique sur la vie et la mort, j'ai le goût de mourir parce que. Et vous l'avez bien situé, des fois un peu froidement, mais les mots sont tellement importants, vous l'avez bien dit, du gars qui fouille dans les vidanges à la jeune fille qui a des décisions à prendre parce que sa vie a été peut-être un peu... elle va changer de parcours parce qu'elle a décidé de faire des choses qu'elle aurait peut-être dû attendre à 18 ans pour faire. Et je pense... vous l'avez bien cerné, et il y a plusieurs groupes qui sont venus nous dire: Quel message donne-t-on si on permet le suicide assisté mais qu'on dit aux jeunes de ne pas mourir, de ne pas prendre le chemin du suicide?

Par contre, on essaie de vraiment faire valoir le fait qu'on est en fin de vie, on parle de la fin de vie, des gens qui souffrent à la fin de vie. Mais vous avez bien fait de nous rappeler que cet aspect du désespoir existe dans la société.

Je veux revenir sur deux choses: la première, l'euthanasie, le suicide assisté -- vous n'avez pas dit suicide assisté, mais j'ai compris que vous l'englobez, là -- existent déjà. Vous l'avez dit, des médecins l'ont dit, on l'a entendu, des médecins sont venus nous dire: Ça se fait, mais on n'en parle pas. Et ma collègue l'a très bien cité tantôt, elle a dit: Si ça se fait, il n'y a pas de médecin qui passe en cour en ce moment, il n'y a personne qui va lever la main pour dire: Vous n'auriez pas dû. Parce qu'il y a des gens qui le demandent, des gens qui disent: Je suis tanné, je souffre, je veux passer à autre chose, aidez-moi. Et, dans ce moment de désespoir là, il y a une entente qui se fait peut-être entre le médecin et son patient qui dit: Je comprends, je comprends puis je ne peux plus rien faire pour toi que d'attendre que tu meures, parce que je suis ton médecin puis je vais te traiter.

Dans cette optique-là, dans cette même optique là, là, quand on sait, entre vous puis moi -- on va faire semblant qu'on est juste tous les deux tout seuls, c'est dur parce qu'en arrière de vous il y a bien du monde, mais, dans cette optique-là -- en sachant que ça se fait déjà mais qu'on ne le sait pas, puis on ne le saura pas puisque ce n'est pas légalisé, ce n'est pas annoté, il n'y a pas un médecin qui va écrire dans son tableau de bord: Cas A, tué à 10 heures, il ne l'écrira pas parce que ce n'est pas ça qu'il a fait, il a soulagé, si jamais il y avait une partie qui était... je n'ose pas dire «légalisée», parce que ce n'est pas vraiment ça qu'on cherche à savoir, mais s'il avait un droit de faire ça, le médecin, et qu'il devait tenir un livre de bord, croyez-vous que ce serait plus intéressant de savoir qu'est-ce qu'ils font que de ne pas savoir ce qu'ils font?

Mme Labrecque (Doris): Ça aurait été bien que le ministre de la Santé soit ici, quand même, à la commission. Moi, personnellement, ça fait des années que je souffre, O.K., je suis une personne souffrante. J'ai toute ma tête, je suis capable encore de beaucoup de choses, mais je souffre puis je n'ai aucun médicament qui m'enlève ma douleur. Alors, je vous le demande, vous qui êtes membre de la commission puis que vous voulez que les gens meurent dans la dignité, qui va me donner ma piqûre? Qui va me la donner? Quel médecin va vouloir me donner ma piqûre, moi, pour que j'arrête de souffrir? Je vais voir le médecin, moi, puis je lui dis: J'ai mal, je suis fatiguée, j'ai mal, je dors mal, je ne suis pas bien, j'ai mal, je veux mourir. Qui va me donner ma piqûre?

C'est ça. Tout le monde va avoir le droit de demander sa piqûre? N'importe qui va avoir le droit à vouloir mourir? Vous donnez le droit aux gens de mourir, vous légalisez la mort, puis n'importe qui, après ça, va demander la mort. Ils vont arriver devant les médecins, ils vont arriver à l'hôpital: J'en ai jusque-là, je n'en peux plus, j'en ai jusque-là. Les eaux sont polluées, on dit ci, ils font le contraire, on veut ça, on ne l'a pas. Je n'en peux plus, piquez-moi, faites quelque chose. Qui qui va autoriser ça? L'autorisation que vous allez donner, c'est de permettre aux gens de mourir quand ils le veulent. On ne sera pas ici, l'année prochaine, si vous donnez l'autorisation, il n'y aura plus personne ici, vous allez tuer tout le monde. Des détresses, il y en a partout. On vit dans un monde de détresse.

Le Président (M. Kelley): M. le député d'Orford.

M. Reid: Oui. Merci, M. le Président. Moi, je suis un gars très positif. Et je regarde votre mémoire, puis je vais essayer de trouver de quelle façon on peut le regarder de façon positive parce que je trouve qu'il est très négatif. Mais je voudrais faire une petite remarque personnelle, moi aussi. Quand vous dites: Faites-moi rire, les décisions sont déjà prises, mon opinion citoyenne ne pèsera pas lourd sur la balance, écoutez, je suis à 550 km de la maison ce matin. À la maison, depuis le début de la semaine, j'ai quitté ma femme, notre deuxième mariage, et mon petit gars de trois ans. J'aimerais ça être avec mon petit gars de trois ans. Si c'était pour niaiser, je ne serais pas ici. On se comprend-tu? On est ici pour vous écouter, puis on vous écoute.

Et ce que je vais essayer de faire, vous me direz juste si je passe à côté, je vais essayer de regarder de façon constructive, là, votre mémoire, parce que vous avez réfléchi, ça paraît, puis vous avez fait des cas pour montrer des affaires qui n'auraient pas d'allure. Puis ça, je pense que je le comprends. Et je voudrais juste les prendre un par un puis que vous disiez après ça si j'ai bien compris ou si je n'ai pas bien compris.

A, vous dites: Se débarrasser d'un parent malade mental, ça n'a aucun maudit bon sens. Est-ce que c'est ça? Vous donnez un exemple de quelqu'un qui voudrait faire ça, hein? Il y a quelqu'un... c'est quelqu'un dans la parenté qui a tué du monde, qui est malade mental, etc. Là vous dites: Là, on va le piquer pour s'en débarrasser. Ce que vous dites, là, ça, ce n'est pas une façon de faire les choses.

B, quelqu'un sur le BS. Moi, ce que je comprends de ce paragraphe-là, c'est se débarrasser des pauvres par des piqûres, ce n'est pas une bonne façon de régler les problèmes d'une société non plus.

Ce que je comprends de votre C, ma jeune fille de 14 ans qui veut mourir, c'est que ça n'aurait pas bon de sens de commencer à permettre aux jeunes qui ne voient pas de porte ouverte, parce qu'on sait qu'il y en a, nous autres, quand on a un peu de vécu, ça n'aurait pas de bon sens de leur permettre de se suicider, c'est ça que je comprends de ce que vous me dites.

D, ce que je comprends, c'est que le suicide, là, affecte... même des gens qui sont moins jeunes, qui ne voient pas de porte ouverte, là, ce n'est pas bon, ce n'est pas ça dans notre société qu'on veut faire et, quand on parle... ce que vous dites, là, c'est: Il ne faut pas ouvrir la porte à des choses qui faciliteraient le suicide «at large» comme ça.

Le E, une femme de 75 ans, ce que vous dites, ce que je comprends dans votre paragraphe, c'est que ça n'aurait pas de bon sens de se débarrasser de sa mère alcoolique qui est prise de jeux compulsifs parce qu'on veut s'en débarrasser, des problèmes que ça nous cause. Ce n'est pas une façon de vivre dans une société.

Et F, ce que vous dites, c'est qu'il y a des enfants qui veulent l'héritage de leurs parents, qui veulent les pousser au suicide, ce n'est pas une façon de faire dans notre société. Moi, c'est ce que je comprends.

Et G, vous dites: Un itinérant qui a de la misère, ce n'est pas une façon pour une société de se débarrasser des pauvres en les poussant au suicide. Et vous dites aussi... Vous le dites par la négative; moi, j'essaie de le dire par la positive, mais je pense qu'on parle de la même chose, vous me direz si j'ai raison. Vous dites aussi: Il n'est pas question pour un gouvernement de commencer à essayer de régler les soins de santé en se débarrassant des malades en les poussant au suicide plutôt que de les guérir.

Si c'est ce que vous dites, là, on a déjà entendu ça, puis on le comprend très bien et on met ça dans nos cartons, puis c'est certain que ça fait partie de nos discussions. Je voudrais juste être sûr que j'ai bien compris ce que voulez dire.

Mme Labrecque (Doris): Oui, vous avez bien compris.

M. Reid: O.K. Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Merci, Mme Labrecque. Vous savez, je pense que ce qui est la beauté d'une société démocratique, c'est qu'on puisse faire les débats le plus ouvertement possible. Et ce qui est fantastique, c'est que, même des gens comme... toutes les opinions sont entendues. Et, moi, je crois beaucoup dans la vertu du débat, mais j'y crois à ce point que, même des gens qui estiment qu'on ne débat pas de quelque chose qui est valide, comme je pense que c'est un peu votre cas, je pense que vous estimez qu'on n'aurait même pas dû mettre en place la commission, moi, je pense que le débat est tellement important que c'est même important d'entendre des gens comme vous qui viennent remettre en cause la pertinence même de la commission qu'on a mise en place parce que vous devez sentir que, de par nos interventions, c'est sûr que, nous, on pense que c'est un débat important.

C'est sûr que si, nous, on s'y est investi depuis près d'un an maintenant -- la motion a été adoptée en décembre dernier -- c'est parce qu'on pense que ce débat-là doit se faire, et c'est pour ça qu'on se promène partout au Québec et qu'on y met beaucoup d'énergie. Mais c'est certain qu'on est là pour entendre tous les points de vue, y compris les plus confrontants pour nous aussi. Alors, je veux vous dire qu'on reçoit ça.

Ceci dit, je pense qu'on peut aussi vous faire part de notre point de vue, et vous pouvez y répliquer aussi. Moi, je voulais simplement vous dire que je lis un peu votre mémoire, comme mon collègue d'Orford vient de le faire... Parce que, quand je l'ai lu une première fois, je me suis dit: Quel message fondamental Mme Labrecque veut nous passer? Et, moi, je pense... Parce qu'évidemment, quand on le prend à la lettre, les cas que vous énumérez, évidemment, il n'y a personne qui se dit en faveur d'une aide à mourir ou de l'euthanasie qui est venu nous parler de cas comme ceux-là parce que ça choque l'entendement pour moi, pour, je pense, tous les membres de la commission, pour, y compris, les gens qui plaident pour que, dans certaines circonstances, il puisse y avoir une aide à mourir.

**(11 h 40)**

Je pense que personne serait d'accord qu'une société puisse aller vers... de permettre l'euthanasie dans des cas comme ceux-là. Puis les législations des pays où on a considéré, où on a ouvert ce droit-là, qu'on pense à la Belgique, aux Pays-Bas, à l'Oregon, évidemment, ils ont des balises très, très strictes, et c'est quand il y a une maladie terminale, quand il y a des souffrances incontrôlables, quand la demande vient de la personne elle-même, qu'elle a été répétée dans un espace-temps, qu'il y a deux médecins qui ont validé que la personne était apte. Donc, il y a beaucoup, beaucoup de balises.

Donc, je me suis dit: Quel message elle veut nous envoyer? Puis je pense que le message que vous nous envoyez, c'est qu'il faut être conscient comme société que, si on ouvre, il faut aussi savoir le message que ça peut envoyer puis comment on veut comme société, un peu comme monseigneur le disait avant vous, comment comme société on veut réfléchir par rapport à la mort et à la fin de vie. Donc, je le reçois comme ça, mais j'espère que, de votre côté aussi, vous recevez le fait que les cas dont vous nous parlez, ce ne sont pas des cas dont personne nous a demandé de prôner une ouverture par rapport à ça.

Et quand vous dites: Vous savez, j'ai très peur parce que, si c'était légalisé, dans un an, il n'y aurait plus personne ici, je veux juste vous dire que dans les pays où ça a été légalisé, vous le savez sans doute, ça varie entre 0,2 % et à peu près 1,5 % à 2 % de cas qui sont des décès qui sont liés à une demande active de mourir. Donc, ça n'a pas été le bar ouvert, puis on tue les gens, là. Donc, je pense que c'est juste important de mettre ça en perspective. Puis je voulais savoir si, vous, votre message c'est de dire que, même s'il y a des balises les plus strictes possible, vous pensez que ça doit quand même demeurer quelque chose d'inadmissible à cause de l'impact possible. Est-ce que je vous décode correctement?

Mme Labrecque (Doris): Je peux vous répondre par la loi sur l'avortement. Quand on a parlé de la loi sur l'avortement, c'était juste dans le cas où la vie de la mère ou la vie de l'enfant était en danger, hein? L'avortement est rendu un moyen de contraception. Alors, c'est tout ce que je peux vous répondre.

Il y a des lois. Moi, si je veux mourir, je vais aller où il y a une loi qui me donne le droit de mourir dans la dignité. Je veux mourir, je vais aller voir mon avocat, voir mon docteur, voir qui qu'il faut. Je veux mourir. Oui, mais madame, vous êtes... Je veux mourir. J'ai le droit de mourir, il y a une loi qui me permet de mourir dans la dignité. J'ai 55 ans, là, puis mon chèque de pension, je ne le veux pas, il va être trop petit. Je veux mourir tout de suite. Je veux arrêter, c'est...

Vous allez permettre à n'importe qui de mourir n'importe quand. Les lois, c'est toujours contestable. Vous avez une loi, ça va en cour, ça... Tu sais, des lois, c'est de la discrimination, c'est... la charte me permet de vivre puis là... Pourquoi la loi ne serait pas permise à tout le monde? Pourquoi faire une loi qui est permise juste, comme vous pensez, à un 2 % de la population? Pourquoi faire une loi pour 2 % de la population, hein? La loi, là, pour attacher dans l'auto, ce n'est pas pour 2 % de la société, hein? Les excès de vitesse, c'est pour tout le monde, même pour les ministres et les députés. Je ne sais pas si vous payez vos contraventions, mais c'est... Vous y avez droit aussi, hein? La loi, c'est pour tout le monde. Il y a une loi pour tout le monde. O.K. Alors, s'il y a une loi qui me donne le droit de mourir, pourquoi je ne prendrais pas la loi? C'est contestable, les lois. Merci.

Le Président (M. Kelley): Est-ce qu'il y a d'autres... M. le député de Rimouski.

M. Pelletier (Rimouski): Oui. Merci, M. le Président. Mme Labrecque, votre mémoire est très surprenant puis, comme disait mon collègue d'Orford, il est amené à la négative. Mais, quand même, il y a des choses qui nous parlent dans ça parce que tous les cas que vous nous mentionnez, à mon avis, ça n'a rien à voir avec le suicide assisté ou l'euthanasie comme on parle ici.

Dans votre premier cas, moi, c'est quelqu'un qui pourrait être sentencié. Ce serait la peine de mort parce que c'est un criminel, mais la peine de mort n'existe plus au Canada.

Mme Labrecque (Doris): ...sur l'euthanasie.

M. Pelletier (Rimouski): Mais pas dans ce cas-là. La peine de mort n'existe plus au Canada, puis ce qu'on fait au Canada avec les criminels, on les met en prison pour les empêcher de nuire dans la société puis essayer aussi de les récupérer pendant qu'ils sont à l'intérieur puis peut-être un jour en faire des bons citoyens. Puis, si ce n'est pas possible, ils vont rester en prison. Mais il n'y a plus de peine de mort.

Les autres cas, c'est un peu... Moi, je qualifierais ça dans mon langage, là, je ne suis pas ni médecin ni avocat, mais, dans mon langage, c'est ni plus ni moins que des meurtres qu'il s'agirait. Puis on dit: Quelqu'un dans notre société a de la misère, il demande à mourir, on va le tuer. Ce n'est vraiment pas dans mes... C'est très surprenant pour moi d'entendre ça ce matin.

Vous savez, dans notre société, on vit dans un système capitaliste. Il y a des riches puis, à l'autre extrémité, il y a des pauvres. Puis entre les deux, bien, il y a toutes sortes de personnes, des moins riches, moins pauvres, et ainsi de suite. Il y a aussi, dans notre société, des gens qui sont en très bonne santé, puis ils vont être toute leur vie en très bonne santé, puis ils vont décéder à 99 ans sans avoir vu un médecin; par contre il y en a d'autres qui, dès leur naissance, commencent à être malades et puis ils sont malades toute leur vie. Puis, entre les deux, il y a toutes sortes de personnes. Puis ça, c'est comme ça hier, puis c'est comme ça aujourd'hui, puis ça va toujours être comme ça.

Maintenant, moi, ce que je retiens de positif dans votre mémoire, c'est la possibilité de vivre dans la dignité. Puis là on fait beaucoup allusion dans les programmes sociaux qui existent dans notre société, qu'on essaie de jour en jour d'améliorer avec les disponibilités financières évidemment qu'on a puis aussi les connaissances qu'on a. Quand vous parlez de quelqu'un qui est sur le BS, et puis qui n'a pas de logement, puis ainsi de suite, bien il y a, dans notre société, des programmes de logements sociaux, il y a des programmes de garderies pour les enfants, puis, vous savez, placer un enfant dans une garderie, faire garder un enfant six heures, sept heures par jour, ce n'est pas le délester sur la responsabilité de d'autres, là, les parents en demeurent encore responsables.

Puis, moi, je pense, en terminant, c'est qu'il ne faudrait pas associer mourir dans la dignité, suicide assisté, et ainsi de suite, il ne faudrait pas dire que c'est un programme social. Les programmes sociaux, à mon avis, c'est complètement autre chose. Vous parlez, dans un cas, de quelqu'un qui est pauvre, qui vit sur le BS puis, à un moment donné, perd son BS, et ainsi de suite. Ce n'est pas possible, ça, quelqu'un qui perd son BS, il y a une raison. Vous parlez d'un cas particulier, mais ce n'est pas possible perdre de son BS quand on n'a pas d'autre revenu, il faut qu'il arrive quelque chose pour le perdre, son BS.

Alors, c'est ça. Moi, je suis d'accord avec vous qu'il faut, comme assistance, permettre aux gens, à nos citoyens d'avoir accès à des programmes sociaux pour les aider de plus en plus à vivre dans la dignité. Je pense que, si je revire votre mémoire un peu à l'envers, là, ce que je retiens, puis ce qu'on peut entendre ici à la commission, c'est un message de travailler davantage sur l'accessibilité des citoyens aux programmes sociaux qu'il peut exister, puis peut-être les améliorer, puis en mettre d'autres sur pied si c'est nécessaire. Mais, moi, je pense que c'est plus sur cet aspect-là que je verrais votre message, Mme Labrecque.

Mme Labrecque (Doris): Merci beaucoup. Moi, je ne vois pas d'augmenter les programmes sociaux. D'abord, le gouvernement n'a plus d'argent pour les pauvres, n'a plus d'argent pour les hôpitaux, n'a plus d'argent pour l'éducation. Alors, je ne peux pas dire au gouvernement... Mais pourquoi les gens n'ont pas d'emploi? Pourquoi ces gens pauvres là n'ont pas d'emploi? Pourquoi un employeur se fait offrir par le gouvernement un programme et engage des assistés sociaux pendant six mois, puis après ça, quand il a fini son contrat, parce que l'employeur est subventionné pendant six mois pour accueillir des assistés sociaux, puis quand il n'a plus sa subvention, l'employeur, il se débarrasse des assistés sociaux. Puis, pendant ce temps-là, bien, ça paraît bien dans les statistiques du gouvernement, il y a moins d'assistés sociaux. Ce n'est pas ça. Les gens ont besoin de vrai travail. C'est ça qu'il faut donner aux gens.

Les éoliennes, là, c'est bon pour l'économie du gouvernement, ça rapporte de l'argent à l'Hydro-Québec, mais l'argent de l'Hydro-Québec on ne la voit pas. Mon compte d'Hydro, moi, il n'a pas baissé, il augmente, hein? Pourtant, l'Hydro, elle reçoit plus d'électricité des éoliennes qui m'ont écoeuré la vie pendant six mois, hein? Ça n'a pas baissé mon compte d'Hydro, moi, d'avoir sept éoliennes autour de la maison, puis les éoliennes des autres, pas les miennes. Si au moins ça m'avait rapporté 3 000 $ chaque, je ne serais pas ici aujourd'hui, je serais peut-être dans le Sud pour l'hiver, hein?

Mais, tu sais, il faut donner aux gens quelque chose pour qu'ils vivent. Parlez plutôt de vivre dans la dignité, travailler pour vivre dans la dignité. Rencontrez les gens pour leur demander qu'est-ce qu'ils suggèrent pour que les gens puissent vivre dans la dignité. Demandez aux entreprises qu'est-ce qu'ils peuvent faire pour que les gens vivent dans la dignité. Vous savez, je lis les journaux, j'écoute les nouvelles, il y a des gens qui travaillent, ils sont en emploi puis ils ont besoin d'aide alimentaire. Est-ce que c'est normal que quelqu'un qui travaille n'a pas d'argent pour nourrir ses enfants? Les enfants vont à l'école pour déjeuner. Est-ce que c'est normal, ça? Ce n'est pas mourir dans la dignité qu'il faut, c'est vivre dans la dignité, travailler pour que les gens vivent dans la dignité.

Votre petit 2 %, les médecins s'en occupent. Votre petit 2 % qui meurent, les médecins s'en occupent, ils ne les laissent pas souffrir. Faites une loi pour les gens, pour qu'ils vivent dans la dignité. Votre petit 2 %, inquiétez-vous pas pour eux autres, la médecine s'en occupe. Les gens qui sont très souffrants puis qui veulent mourir, les médecins s'occupent d'eux autres. Les maisons de fin de vie, ils finissent leur vie tranquillement, la médecine les aide à finir leur vie tranquillement. Occupez-vous pas des 2 %, la médecine s'en occupe; occupez-vous des 98 % qui vivent. Merci.

**(11 h 50)**

Le Président (M. Kelley): Dernier court commentaire, Mme la députée de Champlain?

Mme Champagne: Oui, un court commentaire. C'est que, comme ma collègue et mes collègues, probablement, quand j'ai lu votre mémoire, il était un appel, un appel à vivre dans la dignité. On l'a, je pense, tous bien saisi. Mais l'un n'empêche pas l'autre. Et vous dites de grandes vérités à travers vos questionnements, là. Mais non, un meurtre est un meurtre, il faut juste distinguer tout ça. Et, si me trompe, dites-le-moi, là, parce que ça en fait plusieurs qu'on entend, et ma collègue, qui n'en a manqué aucun, les a tous entendus, les a commentés et continue à le faire. Non, et je vous rassure -- si c'est le cas, on va aller voir ailleurs si on existe, là -- mais je ne suis pas venue dans cette commission-là parce que je sais que d'avance on va piquer tout le monde au Québec, là. Alors, moi la première, je n'y tiens absolument pas, inquiétez-vous pas.

Donc, je ne le vois pas comme ça. Mais je vois votre mémoire comme un appel à tous, un appel à vivre dans la dignité en nous disant: N'oubliez pas les 98 %, là. J'ai bien saisi, et c'est ça que je reçois de votre mémoire, comme on en a reçu d'autres à la grandeur du Québec. Je viens de la région de Trois-Rivières, où la population est très vieillissante. Alors, non, on ne piquera pas toutes les personnes âgées, les personnes aînées parce qu'elles sont un poids lourd pour la société. Je vous garantis d'une chose, c'est que je vais m'y mettre s'il le faut, mais ça n'arrivera pas. Mais votre vrai message -- puis est-ce que je me trompe? -- c'est: S'il vous plaît, préoccupez-vous également de tous les autres problèmes qu'on a dans notre société. Et dites-vous qu'on peut faire ces deux choses-là, on peut penser à ces deux choses-là en même temps, je le crois.

Mme Labrecque (Doris): En partie, je dirais qu'il faut laisser, abandonner la commission sur mourir dans la dignité. Changez votre titre, collez «Vivre dans la dignité» puis questionnez les gens. Vivre dans la dignité, demandez-leur, il y a des gens qui sont bourrés d'idées, hein? On est 6, 7 millions au Québec, on a des gens bourrés d'idées. Accueillez-les, puis accueillez leurs idées, puis, après ça, vous verrez qu'est-ce que vous pourrez faire pour que les gens vivent dans la dignité.

Comme je vous ai dit, votre petit 2 %, la médecine s'en occupe déjà. Vous n'avez pas besoin de faire de loi pour le petit 2 %, la médecine ne les laisse pas tomber. Mais la société laisse tomber les pauvres, les gens qui sont dans la misère, hein? Le casino, la loterie, ça me fait rire, la boisson c'est géré par l'État, le jeu c'est géré par l'État, puis anciennement c'était la mafia qui faisait ça. Il reste juste au gouvernement de gérer la prostitution puis là tout va y être.

Mais vous ne vous occupez pas... vous donnez des problèmes à ces gens-là, vous vous causez des problèmes, vous donnez des problèmes. Des joueurs compulsifs, j'en connais dans ma propre famille, ma mère est une joueuse compulsive, hein? Qui qui va lui venir en aide? Elle a des fins de mois qu'elle ne mange pas. Qui qui va lui venir en aide? Elle est toute seule, hein? Il n'y a personne qui vient l'aider. La société ne fait rien pour elle, la société l'invite à aller jouer, hein, jouer puis rêver de gagner, rêver de sortir de sa pauvreté puis de sa misère. Parce que, les gens qui jouent, ils veulent améliorer leur vie aussi, puis, un jour, ce sera leur tour, hein? Ce n'est pas moi qui l'ai dit, demandez à Loto-Québec: Un jour ce sera ton tour.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, il me reste à dire merci beaucoup, Mme Labrecque, pour votre contribution à notre réflexion. Je vais suspendre quelques instants et je vais demander à la Dre Louise La Fontaine de prendre place à la table des témoins, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 11 h 54)

 

(Reprise à 11 h 58)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Et encore une fois je suis encouragé de voir tout le monde dans la salle qui veut, d'une façon informelle, continuer notre débat, mais il nous reste un témoin avant la pause à midi. Alors, si je peux demander à tout le monde de prendre place. Merci beaucoup.

Mais, comme j'ai dit, je suis très encouragé de voir autant de personnes dans la salle qui veulent continuer la discussion, mais notre prochain témoin est Mme Louise La Fontaine. Alors, sans plus tarder, pour une présentation d'une durée de plus ou moins 15 minutes, Mme La Fontaine, la parole est à vous.

Mme Louise La Fontaine

Mme La Fontaine (Louise): Alors, merci de me donner la parole. Je veux mentionner d'entrée de jeu que je vais prendre la parole aussi au nom de la Maison Desjardins de soins palliatifs et aussi au nom des gens que j'ai l'honneur et le privilège d'accompagner.

Je voudrais d'abord aussi remercier les membres de la commission pour l'accueil qui a été fait au document initial qui a été déposé, document qui n'était pas du tout dans une forme de mémoire traditionnel mais que vous avez accepté d'accueillir comme mémoire, puisqu'il s'agissait d'une réponse au document que le Collège des médecins avait produit sous le titre Pour des soins appropriés au début, tout au long et en fin de vie. J'ai donc retravaillé un petit peu la forme et tout le contenu qui est énoncé aujourd'hui est dans ce document.

Je vais insister sur quelques points: le mourir ou le vivre, la question du soin, les compétences, le légal et l'éthique, et l'impact sociétal. Puis je vais terminer avec quelques pistes de réflexion.

**(12 heures)**

Louis-Vincent Thomas dit en parlant de la mort: Mais d'abord la mort n'est pas un événement. C'est un très long processus et on ne sait pas vraiment quand elle commence. La question du mourir dans la dignité pose la question intrinsèque du vivre dans la dignité, puisque la dignité dont on parle ici en est une incarnée dans une personne unique, vivante. Ainsi, toute la réflexion qui émane de cette démarche du mourir dans la dignité devrait être pensée dans une recherche de dignité de tout être vivant unique.

Pour nous et pour les fins de notre discussion, il y a deux éléments à questionner dans ce mourir dans la dignité: évidemment, la condition de fin de vie et la réalité de la mort, le dernier souffle de vie qui est une réalité humaine universelle et sur laquelle nous ne pouvons absolument rien.

Selon nous, la pertinence du discours actuel doit porter sur le comment nous vivons, et cela, jusqu'au dernier souffle. Ainsi, nos commentaires traiteront plus spécifiquement de la question des soins appropriés en fin de vie et son impact social. L'idée d'inscrire par le Collège des médecins la question de l'euthanasie dans un cadre plus large de soins appropriés nous semble valable, puisque trop souvent et de façon simpliste le débat sur l'euthanasie se veut dichotomique. Pourtant, les témoins du proeuthanasie, tout autant que les personnes qui sont contre l'euthanasie, s'appuient souvent sur les mêmes principes et valeurs: respect, autonomie, dignité, mais en y accolant des définitions tout à fait différentes. Il nous faut donc sortir de ce mode de pensée dans un contexte élargi de soins appropriés, et c'est ce que le Collège des médecins souhaitait faire.

Les soins appropriés. Mais d'abord, qu'est-ce qu'un soin? Les soins appropriés sont d'abord et avant tout des soins. Soigner, c'est viser le confort, le soulagement de la douleur et de la souffrance chez la personne unique. Ce geste, s'il se veut éthique, doit s'inscrire dans une relation de personne à personne, de sujet à sujet et dans une recherche du bon soin. Cela appelle d'abord ce qu'on appelle un espace thérapeutique ou une rencontre véritable entre le soignant et la personne soignée, une reconnaissance aussi et un partage des compétences, des responsabilités de chacun. De façon implicite, sont exclus pour nous des soins appropriés l'acharnement thérapeutique et l'abandon de la part des soignants, puisqu'il s'agit de postures unilatérales ne s'inscrivant pas dans une rencontre thérapeutique véritable.

Pour sa part, la recherche du bon soin ne peut faire l'économie d'un partage de compétences de chacun. Je pense aux compétences que les familles, par exemple, ont de la personne que l'on soigne et des compétences plus d'ordre médical, nursing ou spécialisées que, nous, nous pouvons avoir. Les soins appropriés logent donc dans ce creuset d'une communication entre les soignés, et très souvent dans une vision systémique du soigné et des proches, et les soignants. Bien que cet énoncé est un peu théorique, il nous semble essentiel de s'y appuyer. Les soins appropriés naissent d'un processus décisionnel à travers cette rencontre de ces soignants et de ce soigné.

Pour ces raisons, les conclusions par le Collège des médecins voulant que l'euthanasie puisse être considérée comme un soin approprié à certains moments ne tiennent pas la route, selon nous. L'euthanasie, qui signifie tuer par compassion, n'est tout simplement pas un soin, puisque ce geste nous éloigne de ce lieu de communication en plus de soustraire le soignant de sa responsabilité de soigner sans abandonner. Je passe ici sous silence le fait que le Collège des médecins ait dissocié la question de l'euthanasie et celle du suicide assisté. Ce serait intéressant de s'y arrêter à un moment donné, pourquoi.

C'est encore moins un soin approprié, puisqu'il existe d'autres alternatives pour soulager la douleur et la souffrance, qu'elles soient physiques, morales ou existentielles chez la personne malade, chez les proches et chez les soignants. Il est vrai que, lorsque la maladie s'installe, la douleur provoque une espèce de coupure dans la trajectoire de vie des gens, des personnes qui sont atteintes et de leur famille. À ce moment-là, la douleur vient littéralement couper, hein, les liens affectifs, interférer dans le monde relationnel. C'est un élément au niveau de la commission et du dépôt du projet du Collège des médecins qui est très peu traité, pour ne pas dire presque pas.

Voilà une souffrance importante chez plusieurs personnes non soulagées qui a un impact social majeur. Mais tuer, même par compassion, ne permet pas de soulager cette souffrance, cette rupture puisqu'il ne permet pas de rétablir cette coupure. Euthanasier une personne est la façon la plus radicale de couper tout lien avec son monde. L'euthanasie n'a pas sa raison d'être, à mon sens. Des conditions de souffrance appellent beaucoup plus, selon nous, à la mise en place de soins palliatifs éthiques, offerts, accessibles, par des personnes compétentes.

Les compétences respectives. Le document produit par le groupe de travail du Collège des médecins porte en filigrane l'importance de la reconnaissance des compétences respectives et du processus décisionnel que nous comprenons comme le comment-faire. La réalité actuelle la plus fréquente au Québec est qu'en plus du manque d'accessibilité des soins la compétence des soignants, j'entends la compétence académique pure et aussi la compétence au plan du comment, du savoir-être, du savoir-faire, est trop souvent déficitaire.

Depuis plusieurs années, j'ai le privilège de soigner, d'accompagner des personnes en soins palliatifs et leurs proches. Je suis à la fois clinicienne en soins palliatifs, responsable d'une équipe multidisciplinaire, détentrice d'une maîtrise en éthique qui traite sur les soins palliatifs. Je suis actuellement doctorante en théologie dont le projet parle des soins palliatifs. Donc, j'ai réfléchi sur ce sujet. Je ne fais pas étalage de mes compétences pour l'étalage de mes compétences mais pour que vous compreniez que, ce que je dis, j'en suis témoin et j'y ai réfléchi.

Lorsqu'on entend des soignants sur le terrain, on entend trop souvent un discours différent de ceux des institutions comme le Collège des médecins ou les fédérations des médecins parce que l'expérience et le vécu sont différents -- un autre sujet de réflexion pour la commission. Et la réalité est que les personnes ne souhaitent pas mourir mais veulent cesser de souffrir. Tous les exemples que vous venez d'entendre, c'était de la souffrance. Ma réalité est que les soignants, qu'ils soient médecins ou autres professionnels, qui pratiquent l'euthanasie, vous l'avez dit, vous l'avez entendu, mais, moi, ma compréhension, elle est différente, ce n'est pas un choix. Ils pratiquent l'euthanasie, ils le font souvent par manque de compétence technique, soit les besoins de formation pharmacologique, les autres techniques de soulagement des divers symptômes et/ou en raison d'inconfort personnel.

Ma réalité est que trop souvent la souffrance des proches n'est pas entendue, elle ne peut être donc soignée, de telle sorte qu'elle influence considérablement, cette souffrance des proches, la prescription inappropriée des narcotiques, par exemple, à la personne. Nous sommes ici au coeur du problème. Pour viser la qualité de vie et maintenir la dignité de chacun, il y a une obligation pour les soignants de travailler selon les guides de bonnes pratiques, de développer leur savoir-faire et leur savoir-être. Les lacunes dans les compétences des soignants ainsi que leur difficulté à travailler en interdisciplinarité sont aussi des freins à la dispensation des bons soins, rendant difficile le maintien de la dignité de l'être humain jusqu'au dernier souffle.

Il y avait des exemples de souffrance tout à l'heure, et j'ai entendu: Ça ne peut pas être pareil, ce n'est pas des gens en fin de vie. C'est comme si les derniers moments de la vie n'étaient plus de la vie. Autre question de réflexion.

Le légal et l'éthique. Si l'euthanasie se voit légalisée, cela ne garantit en rien que la population aura accès à des soins plus appropriés. La réponse à un problème lié à des questions d'ordre éducationnel et éthique des soins ne se retrouve pas dans une solution légale. Un des moyens pouvant être mis à la disposition des soignants pour atteindre cet objectif est la formation et non le légal: un, par l'enseignement des processus de délibération éthique et par sa mise en application et, deux, par l'enseignement des savoir-faire et être, par une pratique réflexive jumelée à de l'information auprès de la population.

Ce n'est pas seulement auprès de M. et Mme Tout-le-monde qu'il y a confusion dans les termes. J'ai des confrères, des consoeurs qui confondent l'arrêt de traitement, l'euthanasie, l'acharnement, l'abandon de leurs patients. Si la qualité des soins -- entendons par le fait même qu'ils sont appropriés -- et la recherche de dignité nous préoccupent, l'objectif risque beaucoup plus d'être atteint par cette façon que je viens de vous énumérer. Encadrer les soins appropriés, même en changeant ce qu'ils sont, par exemple en y introduisant l'euthanasie, ce que je ne souhaite pas, ne garantit en rien du comment ces soins seront prodigués. Et c'est là, selon nous, le véritable enjeu.

**(12 h 10)**

C'est à l'intérieur du cadre légal existant que nous devons, en premier lieu, nous appliquer à travailler, comme nous l'avons mentionné. Ainsi, la connaissance de ce qui se joue entre la personne malade et ses proches, ce qu'ils sont, ce qui les constitue, leur compréhension de la situation sont autant d'éléments qui serviront à choisir les bons soins. Ça sous-tend l'idée d'un consentement éclairé, d'une éducation à la population concernant, par exemple, ce que je mentionnais, la notion de soins appropriés, l'arrêt de traitement, les niveaux de soins, les soins disponibles qui peuvent atténuer les souffrances des personnes et ceux des proches.

Les choix de société. L'accessibilité des soins dans la société fait aussi problème. En fait, les choix de traitement, leur disponibilité et leur accessibilité sont des constituants non négligeables pouvant influencer la qualité du soin à prodiguer à une personne malade et à ses proches. Pour cette raison, nous ne pouvons soustraire de la réflexion du mourir dans la dignité la question de l'allocation des ressources et leur accessibilité en vue d'offrir des soins appropriés. S'il n'existe aucune possibilité d'offrir un soin par manque de ressources, bien que le processus décisionnel soit bien orienté de façon consensuelle vers un choix singulier, peut-on encore parler de soin approprié s'il n'est pas accessible?

Nous constatons donc que la question de l'offre de service pour soigner des personnes souffrantes doit faire l'objet d'un débat social qui pourrait avantageusement s'inscrire dans la question des soins appropriés. Dans un contexte de ressources limitées, cela met en lumière un autre aspect de la question, soit le système de valeurs sur lequel notre société s'appuie et souhaite s'appuyer pour décider du choix de traitement à offrir à tous ou à certains groupes dans notre société.

J'assiste souvent à des situations catastrophiques où le processus de choix de traitement ne respecte pas le cadre de consentement éclairé et des soins éthiques. Ces situations ont un coût énorme, au plan financier pour la société, par des traitements futiles et, au plan humain, dévastateurs. Beaucoup de ces coûts humains et financiers pourraient être évités s'il y avait des soins éthiques centrés sur la personne et sur les proches. Les proches, j'entends les familles, mais au sens large.

Je félicite la commission pour faire participer la population au débat actuel. Moi, je suis d'avis que c'est bien. Cela devrait se poursuivre à travers les questions traitant aussi de l'allocation des services de santé, de leurs coûts financiers, leur impact social et moral qui n'est pas, je le répète, mis sur la table actuellement. L'impact social, il est sous-entendu et sous-traité. De plus, l'impact social, comme je le dis, de décriminaliser l'euthanasie ne semble pas avoir été considéré au sérieux et avec rigueur. Cela représente un manque grave à nos yeux.

L'euthanasie s'inscrit dans une société donnée, et une analyse systémique est essentielle avant de penser modifier le cadre légal. Ma conclusion: l'euthanasie ne doit pas être décriminalisée, car il y a des alternatives à la souffrance de chacun. Malheureusement, ces alternatives ne sont pas accessibles soit par manque de ressources, ou/et par manque de compétence des soignants, ou/et par manque d'information et d'éducation à notre population.

Deux, je m'objecte à décriminaliser l'euthanasie parce que l'impact pour ceux qui y survivront n'est pas étudié de façon sérieuse. Ce n'est pas suffisant de regarder ailleurs ce que ça a donné, alors qu'on sait très bien que même avec un cadre légal ailleurs il y a à peu près un cas sur cinq qui ne respecte pas le cadre légal, et il y a de l'euthanasie qui se fait quand même à l'extérieur de ces cadres légaux là. Nous pensons ainsi aux proches, aux familles, aux soignants qui y participent. Nous approchons actuellement des gens pour traiter en soins palliatifs qui craignent le mot «soins palliatifs» parce qu'ils ont peur qu'on les tue, et ils souffrent parce qu'ils ne veulent pas recevoir de ces soins. Qu'allons-nous faire lorsque l'euthanasie fera partie des soins? Quel lien de confiance on va pouvoir obtenir avec nos patients?

Donc, prendre soin. Nous pensons aux proches, aux soignants qui vont y participer et à l'ensemble du tissu social dans lequel cela va se produire. Nous croyons qu'à ce moment-ci un changement dans la législation ne permettrait pas d'atteindre l'objectif visé, soit une bonne qualité de soins pour le vivre jusqu'au dernier souffle dans la dignité.

Nous proposons de travailler d'abord en premier lieu à informer, éduquer la population sur ce que sont de bons soins appropriés puis de s'assurer de leur accessibilité pour tous. Déjà, le rapport Lambert, Lecomte, je pense que c'était en 2000 ou avant, parlait de cela, des lacunes. Cela implique une volonté sociale politique d'investir les ressources nécessaires et de former des soignants professionnels de meilleure façon, tant au plan théorique, clinique, qu'au plan humain. Lorsque nous aurons accompli cet état de choses, nous pourrons alors reviser, ou réviser ou revoir le cadre légal afin de nous assurer qu'il encadre bien les choix éclairés que notre société aura faits et mis en place, mais d'une façon consensuelle, dans une approche respectueuse et dans une éthique de prudence et de discussion.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Dre La Fontaine, pour votre contribution. Je suis prêt maintenant à ouvrir la période d'échange avec les membres de la commission. Et je vais céder la parole à Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau: Merci, M. le Président. Bonjour. À chaque commission, c'est intéressant de voir que chaque intervenant apporte des points qui nous sont quelquefois rapportés de différentes façons. Mais vous touchez à des points qui ont soulevé chez nous beaucoup de questionnement.

Les proches. Vous parlez des proches aidants, je pense que c'est bon de le faire, mais les proches, la famille rapprochée. On a eu des gens qui sont venus nous dire aussi: N'oubliez pas que la famille, c'est un terme qu'on utilise pour parler de gens affectifs alentour de nous et quelquefois la famille ce n'est pas mon frère, ma soeur, ça peut être quelqu'un qui fait partie de ma vie depuis longtemps, mais qui n'a pas de lien biologique avec moi.

On a eu, au début de nos rencontres, une famille qui est venue nous rencontrer. Et une famille, la famille de M. Laurent Rouleau. M. Rouleau avait une maladie dégénérative et restait en région et, un jour, après avoir discuté avec sa famille à plusieurs reprises des options qui lui étaient présentées, il a attendu que sa femme parte pour le travail, que ses enfants soient tous occupés à l'extérieur pour poser ce qu'on appellera un geste malheureux, puisqu'il sentait dans sa santé et dans la maladie qu'il avait une perte d'autonomie tranquillement qui s'en venait.

Donc il a posé le geste malheureux et il a -- je vais le dire comme ça -- essayé de s'enlever la vie. Il a essayé parce qu'il n'a pas réussi: il a pris sa vieille 12 dans sa grange puis il s'est tiré deux fois parce que, la première fois, ça n'a pas marché. Malheureusement -- je dis malheureusement parce que la suite de l'histoire n'est pas plus joyeuse -- il n'a pas réussi. Alors, on l'a trouvé à bout de souffle sur le bord de sa terre, on l'a amené à l'hôpital et, à l'urgence, les mesures qui sont mises en place pour quelqu'un qui essaie de se suicider, c'est la survie, la vie. Parce que, malgré tout, tout ce qu'on dit puis tout ce qu'on étudie, la vie c'est plus fort que tout.

Donc, la médecine s'est mise en place alentour de lui, et sa conjointe est arrivée. Et là il a pris sa conjointe par le bras puis il a dit: Là, là, je ne veux pas. Laissez-moi partir. Et tout s'est mis en branle pour qu'on puisse le rencontrer, psychologue, médecin, voir jusqu'où on va, pour finalement lui donner cette permission ultime de dire: Il a le droit de refuser les traitements, il a le droit de refuser les soins. Et sa conjointe, qui était contre le fait même qu'on puisse penser qu'on s'enlève la vie après une maladie ou à cause d'une maladie, a dû le laisser partir aussi.

Je vous le raconte parce que, pour nous, ça a été un moment très touchant. Et j'imagine que vous en vivez régulièrement des moments beaucoup plus touchants, là, par rapport à votre vécu et dans votre quotidien. Mais la famille est venue nous voir et, encore il y a une semaine, la belle-soeur et le beau-frère sont venus nous voir pour nous en reparler encore. Ils sont venus nous voir pour nous dire: On s'est fait voler. On n'a pas compris sur le coup, puis, après ça, ils nous ont expliqué. Eux, ils se sont fait voler un moment privilégié qui s'appelle la fin.

**(12 h 20)**

Et les enfants qui accompagnaient la conjointe de M. Rouleau, qui étaient éplorés nécessairement, parce que juste de raconter l'histoire c'est très touchant, nous disaient: On aurait aimé savoir ce qu'il était pour faire, mais il nous a protégés parce qu'il ne voulait pas qu'on l'empêche, ou qu'on l'assiste. Et ils ont fini par nous dire: Savez-vous quoi? De façon consensuelle, là, unanimement même dans la famille, on a décidé qu'on était pour. Pourquoi? Bien, parce que, si on avait eu le privilège de connaître la fin, on aurait aussi eu le privilège de faire ce passage-là. Et, malgré le fait que l'histoire qu'ils nous racontaient était bouleversante, ils nous ont aussi appris que les gens autour, la famille vivait aussi la mort, même si ce n'est pas elle personnellement qui mourait.

Et, dans les maisons palliatives, on sait que souvent, à côté de la fourmilière de gens qui se promènent alentour de cette personne-là, il y a des bénévoles, il y a aussi la famille qui est mise à contribution, et tout, et tout. La semaine passée, ce qui nous a un peu étonnés, c'est que, là, on a eu la belle-soeur et le beau-frère qui sont venus nous voir pour nous dire: On veut vous parler de M. Rouleau. On est restés un peu surpris parce qu'ils étaient au début des interventions puis ils revenaient. Puis ils avaient un peu le même discours, à savoir, quand on a une maladie dégénérative, on n'a pas nécessairement le droit à une maison de soins palliatifs parce qu'elle est reconnue pour les cancéreux, pour les gens en fin de vie. C'était leur perception. Je vous entends quand vous bougez, mais c'était leur perception. Alors, eux, ils sont venus nous dire: Les gens qui ont des maladies où on ne peut pas...

Puis, pour les gens qui vont nous suivre toute la journée, vous allez voir, je suis fatigante là-dessus, mais, quand je ne peux pas arrêter de traitement parce que ça ne change rien à ma maladie, quand je dois juste attendre que mon corps décide lui-même, quand on me dit que je vais mourir de façon naturelle mais que je suis bourré de chimio puis que je n'en peux plus, c'est quand que j'ai le droit de mourir? C'est quand? Et c'est à cette question-là que, nous, on est confrontés quand ces gens-là viennent nous voir pour dire: Vous devriez, pour des gens en situation exceptionnelle, après une analyse exhaustive de trois médecins, un psychologue -- ils nous soumettent quasiment une équipe multidisciplinaire pour prendre la décision -- vous devriez accorder cette décision. Les gens qui viennent nous voir ne vivent pas toujours le après comme vous le vivez. Donc, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme La Fontaine (Louise): Bien, dans l'exemple que vous donnez, il y a tout, hein, il y a tout. C'est difficile de donner une réponse courte parce qu'il y a, je pense, l'aspect de l'information. Quand vous dites: Bon, les maisons, ça existe juste pour les gens qui... Non. Dans la politique gouvernementale, hein, c'est pour tout le monde, et chez nous, c'est tout le monde. On a des insuffisants cardiaques qui nous arrivent, des gens avec des maladies dégénératives neurologiques. Oui, nous, c'est la fin de vie, mais on fait des soins palliatifs à domicile, on fait des soins palliatifs à différents endroits. Je pense qu'aussi on entend dans votre exemple le soutien de cette famille-là, hein? Vous avez raison de vous soucier de ces proches-là. Voyez l'impact que ça a eu. Voyez l'impact. Voyez l'impact, moi, d'une famille...

En fait, j'ai plusieurs exemples. J'ai eu le plaisir et l'honneur de pouvoir interviewer, faire un petit vidéo de deux personnes: une qui est décédée un mois après que je l'ai eue sur caméra et qui disait qu'il ne se sentait pas à la fin de sa vie et qui disait: Moi, je pense que je suis pour l'euthanasie, au début de l'entrevue. Et plus elle avançait dans l'entrevue, plus elle nous disait exactement ce qu'on entend souvent: Bien moi, là, quand je sais de toute façon que je vais mourir dans quelques semaines, si c'est juste une question de quelques semaines, là, puis que je vais laisser... Mes enfants, ils ont d'autres choses à faire que ça, là, puis ils sont occupés, puis ils ont leurs enfants, puis ils sont loin, puis je ne suis pas pour les déranger pour ça. J'aimerais ça, moi, avoir l'euthanasie, hein? C'est ce que la dame disait.

Et, à la fin de l'entrevue qui a duré 15 minutes, ce n'était pas une heure, elle disait: Finalement, je ne le sais plus trop. Je vais peut-être le savoir quand je vais être rendue là. Et on a eu le privilège d'accueillir ses trois filles et madame à la maison. Et, pendant tout ce temps, moi, je me suis dit: Elle va nous demander l'euthanasie, c'est comme rien. Jamais. Jamais elle n'a demandé l'euthanasie. Pourquoi? Parce qu'on a permis la communication entre ses enfants, ses proches, on a expliqué, on a soutenu les proches et on a soutenu madame là-dedans. Alors qu'elle pensait qu'elle serait un fardeau pour ses proches, c'est devenu un moment... Et pourquoi on baisse les bras sur ça? Je ne comprends pas que notre société baisse les bras sur ça. C'est devenu un moment de croissance, un héritage pour ses filles, et ses filles ont été capables de pleurer avec elle et ont été capables de lui dire: C'est le plus beau cadeau, maman, que tu nous fais. On va rester avec toi puis, nous, ce n'est pas un fardeau de rester avec toi. Et les filles ont laissé leur famille puis tout ça pour être avec leur mère, sachant que c'était un moment de vie d'une intensité de vie extraordinaire. J'ai un fils qui accompagne sa mère actuellement à la maison, que j'ai vu ce matin avant de venir, qui m'a dit: J'étais très, très proche de ma mère, je découvre ma mère en fin de vie.

Il y a des gens qu'on euthanasie parce qu'on bourre de narcotiques, parce qu'on ne sait pas bien les soigner en gardant le plus possible leur lucidité, et on leur enlève de la vie. Moi, je dis: En soins palliatifs, on donne de la vie -- c'est drôle à dire, hein -- parce qu'on donne de la présence aux gens puis ça, c'est le tissu social, c'est notre tissu social. J'ai un monsieur d'une maison funéraire qui dit: Depuis que la maison est ouverte, c'est bizarre, les familles qui viennent nous voir, elles sont déjà sereines, elles sont moins prises dans leur... elles ont déjà fait un bout.

J'ai fait un deuxième petit vidéo comme ça avec le frère d'une dame qu'on a accompagnée. Il est rentré dans la maison en disant: J'espère que ce ne sera pas trop long puis si vous pouvez essayer de régler ça, là... C'était lourd pour lui, là, c'était souffrant pour lui de voir sa petite soeur, comme il l'appelait. Bon. On a pris cette dame-là, on lui a donné du confort physique, elle a commencé... Elle aimait peindre. Elle a peint. Elle a peint une toile qu'elle n'a pas terminée puis que le monsieur a gardée, puis c'est... il témoigne de ça, de la signification, du sens et de l'intensité de vie en fin de vie, que jamais -- et je n'exagère pas -- jamais on n'aurait vus si on ne s'était pas appliqués à bien soigner cette personne et ce monsieur qui dit: Il y avait toujours une main sur mon épaule à côté: Est-ce que vous avez besoin de quelque chose? Soigner une personne en soins palliatifs, c'est, dans la définition des normes, soigner les proches autour du lit, les gens dans la maison en même temps que la personne malade. Et, quand on fait ça, c'est bien.

Le Président (M. Kelley): Courte question, M. le député d'Orford.

M. Reid: Merci, M. le Président. Vers la fin de votre mémoire, le paragraphe 5, Les choix de société, vous dites: «Nous constatons donc que la question de l'offre de service pour soigner les personnes souffrantes doit faire l'objet d'un débat social qui pourrait avantageusement s'inscrire dans la question des soins appropriés», et vous expliquez un peu en disant, puis je ne vais pas tout lire, là, mais: «Dans un contexte de ressources limitées, cela met en lumière un autre aspect de la question, soit le système de valeurs sur lequel notre société souhaite s'appuyer pour décider des choix de traitement à offrir à tous ou certains groupes...» Et vous assistez souvent, dites-vous, à des situations catastrophiques où le processus de choix de traitement ne respecte pas le cadre de consentement éclairé et les soins éthiques.

Ça me rappelle un témoignage d'une autre femme médecin, dont je ne me rappelle pas du nom, qui faisait partie des spécialistes lors d'une première série de rencontres que nous avons eue et qui a dit, en quelque part vers la fin du témoignage ou des échanges, que, oui... Elle dit: Vous savez, la médecine, aujourd'hui, a la capacité de transformer des mourants en malades chroniques pour plusieurs années. Et elle se disait justement -- et ça me fait penser un peu à ça, et je voulais vous demander de commenter rapidement, là, si on est sur le même sujet -- elle disait: Nous avons, comme société et comme médecins, une réflexion à faire sur ça. Est-ce qu'on parle de la même chose, là? Sensiblement, en tout cas.

Mme La Fontaine (Louise): Je ne peux pas deviner ce qu'elle avait dans sa tête quand elle...

M. Reid: Non. Oui, oui.

**(12 h 30)**

Mme La Fontaine (Louise): ...elle parlait de ça mais, moi, ce que ça me dit, l'écho que ça me donne, c'est: Les valeurs, est-ce qu'on veut... Je comprends que tout le monde veut bien vivre, hein, puis on ne veut pas de douleur, puis on ne veut personne... Bon. Quand on est dans une bulle plus technoscientifique et on a beaucoup de pouvoir parce qu'effectivement on peut prolonger des vies, si le focus n'est que sur la prolongation, si on n'est pas dans une relation, comme j'expliquais, de soins véritables, on va prendre les devants comme médecins, comme spécialistes et on va expliquer à la personne que nous avons un traitement, par exemple, hein, de radio ou de chimio. Et, loin de moi de penser... là, je suis pour tous ces traitements-là, là, entendons-nous, mais, dans une certaine mesure, et ça dépend de comment le processus justement est fait. La personne doit toujours et a toujours le droit de dire: Je veux ce traitement et je ne le veux pas ou je cesse ce traitement. Ça, ça a toujours existé, c'est dans notre loi. Mais le problème, c'est que la façon dont c'est présenté souvent n'est pas d'une façon toujours, je dirais, qui donne l'éclairage approprié. Et, une fois même... même à l'occasion, on donne toute l'information, mais on ne se soucie pas de... Quand c'est de façon éthique, il y a consentement, on doit s'assurer: Qu'est-ce que vous avez compris de ce que je vous ai dit? Et ça, ce n'est pas nécessairement fait. Les gens rentrent dans une machine et prolongent leur vie mais pas toujours avec ce qu'ils auraient souhaité.

M. Reid: J'ai besoin de quelques secondes de plus, M. le Président. Je sais que vous êtes tolérant. C'est parce que souvent on le...

Le Président (M. Kelley): On est supposés de terminer à 12 h 15. De toute évidence, je suis très tolérant.

M. Reid: Oui. C'est que... Est-ce que c'est un débat de société ou c'est un débat médical? J'aimerais ça que vous nous éclairiez un peu. Pourquoi c'est un débat de société et pas uniquement un débat qui appartient à la médecine?

Mme La Fontaine (Louise): Bien, il y a la dimension... Ce n'est pas... Je pense que ça dépasse le cadre médical, parce que, quand on est à discuter de la qualité de vie d'une personne, je ne vois pas pourquoi ce serait le médecin qui décide unilatéralement que ce traitement-là va donner une bonne qualité de vie. La qualité de vie d'une personne effectivement doit se regarder dans une communication, hein, et de vérifier, valider la compréhension. Moi, je pense que c'est pour ça que je l'ai inscrit dans un contexte plus global.

Est-ce que notre valeur sociétale, c'est les sous? Est-ce que c'est l'économie? Est-ce que c'est aussi en pendant en équilibre des valeurs humanitaires? Il faut qu'on regarde ça ensemble. Complexe, mais...

M. Reid: Ça répond à ma question.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Rimouski.

M. Pelletier (Rimouski): Merci, M. le Président. Bonjour, Mme La Fontaine. Merci d'être là. Moi, j'aimerais vous entendre parler du suicide assisté, qu'est-ce que vous en pensez. Vous avez parlé beaucoup d'euthanasie, mais j'aimerais vous entendre sur le suicide assisté.

Mais, avant ça, une question que je me pose et que j'ai posée à certaines personnes à un moment donné dans ma vie. Parce que je vous ai parlé de mon beau-père tout à l'heure, mais il y a une quinzaine d'années, c'est mon premier beau-père, on a vécu la même chose, puis mes parents sont partis aussi entre-temps. Et je me suis toujours posé la question, puis vous avez répondu un peu en répondant à ma collègue de Mille-Îles, là, c'est: Où est la ligne? Lorsqu'on donne des soins à une personne en phase terminale, puis on lui donne des injections pour contrer la douleur, puis on sait que ces injections-là, que ce soit de la morphine ou autres, c'est dur pour le coeur, puis ainsi de suite. Souventefois, le patient va décéder d'un arrêt cardiaque, par exemple, même s'il a un cancer du foi, ou peu importe.

Elle est où la ligne entre le soin, le soulagement de la douleur et l'euthanasie? Est-ce qu'il y en a une, ligne?

Mme La Fontaine (Louise): Je suis contente que vous me posiez la question, parce que, quand je faisais référence à de l'euthanasie que je voyais, je me demande si c'est de l'euthanasie qui est pleinement consciente, de certains confrères, parce que c'est un peu de cet ordre-là. La ligne, elle est dans l'intention, pour moi elle est dans l'intention. Si j'administre une médication analgésique de quelque ordre qu'elle soit, si je l'administre en fonction... Et j'explique ça à mes patients régulièrement: si la douleur est là, on va couvrir la douleur pour ne pas que vous soyez souffrant, hein, et il n'y a pas de limite. Mais, si la douleur est là et que je vous donne ça, je vais vous faire délibérément un arrêt respiratoire. Alors, pourquoi on a donné ça? L'objectif visé est de tuer la personne, et pour moi c'est inacceptable.

Quand on maîtrise bien nos choses, quand on vise vraiment à soutenir la personne, et à la soulager, et à ne pas l'abandonner, pas plus que notre société... tous les membres de la société, on doit soulager. Et c'est ça, c'est la visée qui fait la différence. Ça fait une différence morale et ça se traduit par des compétences sur le terrain, sur une façon d'être, des compétences techniques aussi.

M. Pelletier (Rimouski): Mais les personnes, le patient en question puis les membres de sa famille, et tout ça, ils ne le sauront jamais, eux.

Mme La Fontaine (Louise): Non. Mais, nous, on le sait, ce qu'on fait...

M. Pelletier (Rimouski): Oui. Oui.

Mme La Fontaine (Louise): ...avec nous-mêmes.

M. Pelletier (Rimouski): Oui. J'aimerais ça vous entendre parler du suicide assisté, parce que, dans votre mémoire, là, au début, dans le point 2, vous avez parlé de donner une définition des soins, vous dites que soigner, c'est viser le confort, le soulagement, la douleur et la souffrance. Évidemment, ici, votre rapport fait référence à des gens qui sont en phase terminale. D'ailleurs, où vous travaillez actuellement, c'est ça. Mais, en fait, dans les soins, on peut rajouter aussi viser la guérison puis viser l'autonomie. Bon. Vous avez sûrement déjà entendu parler de Virginia Henderson, qui est un modèle de soins, qui vise beaucoup à procurer chez le patient l'atteinte de son autonomie le plus vite possible.

Chez une personne en phase terminale, parler de guérison, c'est difficile, là, mais on peut parler... on peut encore parler d'autonomie. Si on peut encore parler d'autonomie, est-ce qu'on peut parler de suicide assisté?

Mme La Fontaine (Louise): Moi, je pense que le suicide assisté, c'est tuer quelqu'un. Est-ce qu'on donne de l'autonomie à quelqu'un en lui donnant accès... en lui disant: C'est permis de te suicider? Moi, dans ma compréhension, non. Si je veux essayer de viser plus d'autonomie chez la personne, il faut regarder. Est-ce que c'est une autonomie fonctionnelle qu'elle veut? Qu'est-ce qu'on met derrière le mot «autonomie»? Dans notre société, ce qui est valorisé, c'est la fonctionnalité. On est fonctionnel. On est autonome si on est capable de se brosser les dents tout seul, de se laver les fesses tout seul, de faire nos choses tout seul. La journée où on n'est plus capable, et particulièrement avec l'arrivée des baby-boomers, je pense... Ce n'est pas pour rien que la question se pose de façon plus incisive, là, dans notre société, là. Il y a des dilemmes, là, à ce niveau-là et au niveau financier, à mon sens. Mais l'autonomie fonctionnelle, hein, alors que pour moi l'autonomie n'est pas que fonctionnelle, hein?

Quand on trouve une utilité, hein, et qu'on trouve une place dans une société, et, dans cette place-là, qu'on sent qu'on a une utilité, une valeur, la question de la fonctionnalité diminue, l'importance de la fonctionnalité diminue, parce que, sinon, ça voudrait dire que, si on est handicapé, hein, incapable de bouger, toujours sur un fauteuil roulant, on a moins de dignité parce qu'on est moins fonctionnel, on est moins autonome. Un bébé qui naît, qui dépend de tout le monde, parce qu'il dépend de tout le monde, il a moins de dignité, il est moins fonctionnel? On associe souvent la dignité à être autonome et, à autonome, on colle, sans le dire, fonctionnalité.

Et ça, je pense que c'est toujours en filigrane et ça vient comme teinter l'aspect de: Je veux rester digne. Je veux rester digne. Je ne veux pas qu'on... quand ça va être rendu à me laver les fesses, là, je ne veux pas être là. Moi, j'ai vu des gens alités, sans être capables de bouger, et une grande dignité. La dignité, c'est dans la personne, dans ce qu'elle ressent puis c'est dans le regard de l'autre aussi, hein? C'est arrivé à tout le monde de se sentir regardé du haut et de façon plus ou moins disgracieuse ou avec un peu de... hein? Quel sentiment ça donne chez soi quand on se fait regarder comme ça, hein? Un sentiment de manque de valeur.

Alors, si on regarde nos gens en fin de vie comme ça, si on regarde les gens qui ont une perte au niveau de la fonctionnalité, si on a l'impression que, parce qu'ils sont comme ça, ils sont indignes, on a un problème, puis là ce n'est pas juste en fin de vie.

M. Pelletier (Rimouski): Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Joliette.

**(12 h 40)**

Mme Hivon: Oui. Merci beaucoup, Dre La Fontaine. Très intéressant de vous entendre. Je pense que vous dites des choses qui sont largement partagées. Puis, d'entrée de jeu, vous disiez qu'autant les gens qui militent pour une ouverture vers l'euthanasie que ceux qui militent fortement contre souvent leurs assises sont les mêmes, c'est-à-dire que les principes sont les mêmes, mais ils ne leur accolent pas la même réalité. Et je pense que, quand vous dites que les soins palliatifs peuvent faire de grandes choses, qu'il s'y trouve des histoires extraordinaires et qu'il y a beaucoup de gens qui, dans un cadre théorique, quand ils se projettent dans leur vie, disent: Ah, moi, je voudrais pouvoir être aidé à mourir, vont changer d'idée, je pense que vous avez tout à fait raison puis je pense que beaucoup de gens qui sont venus revendiquer le droit d'une ouverture vers une aide à mourir... médicale à mourir étaient conscients de ça aussi.

Mais ce qu'on entend beaucoup, c'est que, si les soins palliatifs... C'est parce que vous faisiez référence à l'histoire de la personne qui est entrée avec ses trois filles et que ç'a été des moments excessivement riches. Et on a entendu beaucoup d'histoires comme ça où il y a eu effectivement des moments excessivement riches. Mais on a eu aussi des gens qui sont venus qui nous ont dit que leurs parents, leurs conjoints ont été accompagnés dans des maisons de soins palliatifs extraordinaires, mais il y a eu un moment où on a atteint en quelque sorte des moments moins riches, parce que l'agonie se prolongeait, la personne dépérissait. Et la personne elle-même, elle, ce qu'elle souhaitait, c'est que ça se termine. Et les proches qui souffrent aussi avec cette personne-là voulaient l'accompagner. Eux, est-ce qu'ils voulaient que ça se termine? Non. Ils auraient voulu garder leur mère, là.

Je me souviens d'une fille à Saguenay qui a amené la photo de sa mère, et je dois vous dire qu'elle avait l'air d'avoir aimé et partagé la vie de sa mère de manière très intense. Mais elle, elle est venue nous dire: La fin de la vie de ma mère n'a pas été comme ma mère l'aurait souhaitée, bien qu'elle ait été entourée de par ses proches et de par une équipe soignante extraordinaire, parce que, dans les dernières semaines, elle voulait mourir. Elle n'en pouvait plus. Elle était accompagnée, elle n'était pas dépressive, là, diagnostiquée, elle avait des bons soins de confort, mais pour elle ça n'avait plus aucun sens.

Et, moi, ce que je veux savoir... C'est que les soins palliatifs ont une approche très, très centrée sur la personne, ses accompagnants, et on veut respecter le plus possible les souhaits de cette personne-là. Mais, quand le souhait profond de cette personne-là, revendiqué, répété, c'est: S'il vous plaît, je sais que ma mort est éminente... Parce que vous parlez des personnes handicapées, et les gens qui viennent nous voir disent: Il faut faire une grande différence parce que les gens handicapés ont la vie, dans le sens qu'il peut y avoir des conditions médicales plus ou moins sévères, mais on n'est pas face à une mort éminente comme on peut l'être dans certains cas. Donc, qu'est-ce qu'on fait quand... Puis mon collègue y faisait référence, à la notion d'autonomie. Mais qu'est-ce qu'on fait quand la personne dit: Si vous voulez vraiment tenir compte de mon individualité et de mon humanité, vous allez m'aider en me donnant la piqûre qui, oui, plutôt que de juste me soulager à court terme, va faire en sorte que vous allez me soulager pour toujours?

Mme La Fontaine (Louise): Si je reprends votre exemple, on est en fin de vie, et, la personne, c'est une agonie qui n'en finit plus, la famille semble correcte, mais c'est la personne qui ne trouve plus de sens, hein, crise existentielle, souffrance existentielle, que j'appellerais. Ça, quand vous racontez ça, je voyais une dame qui a eu un super de bel accompagnement, qui a été sereine jusque... à peu près jusqu'à la fin, mais, à un moment donné, on a vu, chez cette dame-là, au niveau de l'humeur, quelque chose a changé: une personne qui n'était pas en dépression, une personne qui était très sereine mais qui espérait ardemment que ça se termine. Elle trouvait que, ce qu'elle avait vécu, il n'y avait pas beaucoup d'autre chose à rajouter, hein?

Et c'est une souffrance, hein? C'est d'abord et avant tout une souffrance. Alors, à cette souffrance-là, on a répondu en étant en lien avec elle, en lui disant qu'on entendait cette souffrance. Et, vous savez, si vous saviez que juste le fait de dire: Nous entendons cette souffrance et nous sommes là, ça a un effet bénéfique. Et on a dit: On ne peut pas, on ne peut pas te tuer, mais on peut te soulager, par exemple. Est-ce que c'est vraiment ça que tu trouves difficile, de voir les minutes s'égrener et que ça n'en finisse plus? Oui, c'est ça. Souhaites-tu qu'on dorme tout le temps? Oui, c'est ce que je souhaite. As-tu des choses à dire à ta famille avant qu'on procède? Il y a une façon éthique de le faire, nommée et puis identifiée dans le dossier. On a tout fait ça. La dame a dit: Je suis prête maintenant. Ça s'est fait une journée. Le lendemain elle a dit: Je suis prête. Et on a procédé à la sédation, hein? Et cette dame-là, elle est décédée, je pense, deux jours et demi à peu près, là je vous dis ça sous réserve, après. Et la famille était heureuse, et je pense que, la dame, on a répondu à son besoin, qui était une souffrance de voir le temps s'égrener à n'en plus finir.

Je n'ai pas le sentiment d'avoir euthanasié, ça n'a rien à voir avec l'euthanasie. J'ai apaisé une souffrance existentielle et j'ai déjà légalement les moyens, la compétence pour le faire avec une sédation, qui, dans ce cas-là, a été pratiquée d'une façon particulière, parce que les sédations sont faites en fonction des conditions et des situations.

Mme Hivon: Mais, pour des gens qui viennent nous voir, c'est un excellent exemple, parce que des gens nous disent: Mais elle est où la ligne? Et mon collègue y faisait référence tout à l'heure, quand on est rendu là, elle est où la ligne entre dire: Madame, ce que je peux vous offrir, c'est de vous endormir... Ça va peut-être être deux jours, je le disais tantôt, cinq jours, sept jours. Il y a des cas, il y a un médecin qui nous a dit: Cas exceptionnel, ça a duré trois semaines et demie, je pense. La famille n'en pouvait plus, l'équipe soignante n'en pouvait plus parce qu'il y avait comme... Mais elle est où la ligne entre dire: Regardez, vous faites vos adieux, vous dites à vos proches tout ce que vous avez à leur dire et demain on vous endort de manière irréversible, elle est où la ligne, comme société, entre ça et dire: Vous avez dit vos adieux, vous avez le sentiment d'avoir fait le tour, vous n'en pouvez plus et donc on vous donne une injection létale? Elle est où? Je comprends la différence au niveau de l'intention, mais, moi, je parle globalement.

Mme La Fontaine (Louise): Elle est énorme. L'intention peut faire une grosse différence pour la personne qui... le soignant. Quand je disais: Il faut se préoccuper de ceux qui vont continuer à vivre. La personne qui est morte, elle est morte, hein, entendons-nous, mais les personnes qui vont continuer à vivre, O.K.? Le processus, le processus qui fait que ça s'est bien fait, O.K. -- que je change ma loi ou pas, ça ne donnera aucune protection sur la qualité de ce processus-là -- le processus dans la façon dont c'est fait, la compréhension que les gens ont d'une continuité au niveau du soutien, de la souffrance de cette personne-là, quand la personne meurt, ces proches-là vivent avec cette notion-là.

Comment ces personnes vont vivre -- et là je ne le sais pas plus que vous, mais je me questionne sérieusement -- si on dit: Ça y est, on euthanasie quelqu'un, êtes-vous d'accord? Oui, je suis d'accord. O.K. Comment on vit après quand on a donné, hein, la piqûre pour tuer véritablement, dans l'intention de tuer? Comment on vit, comme proche? Déjà, souvent, les gens se disent, quand ça a super bien été puis qu'on a visé le confort: J'aurais peut-être dû en faire plus, j'aurais peut-être dû... hein, une espèce de culpabilité de vouloir faire toujours plus. Alors là, on leur mettrait l'idée que: Bien oui, on a tué votre mère, ou votre père, ou votre frère. Comment on vit comme ça? Moi, ça, là, cet aspect social là, là, j'aimerais beaucoup qu'on l'étudie avant d'aller vers une légalisation. Quel impact ça va...

Comment se fait-il que, quand on le fait bien, ça a un impact bénéfique sur notre société, notre petite société, chez nous? Comment ça se fait? Est-ce qu'on peut penser que, si c'est fait d'une autre façon, ça n'aura pas d'impact? Ça va avoir un impact social. De quel ordre sera-t-il? Il faut réfléchir sur ça.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, il me reste à dire merci beaucoup pour votre témoignage, le partage de vos expériences professionnelles et personnelles.

Avant de suspendre, juste rappeler, on va recommencer à plus ou moins 13 h 45. Et, pour toutes les personnes qui s'intéressent à participer aux périodes de micro ouvert, à la fin de l'après-midi, vers 15 h 15, voir M. Lessard-Blais, qui est debout à côté de l'arbre de Noël. Sur ça, je vais suspendre jusqu'à 13 h 45.

(Suspension de la séance à 12 h 48)

 

(Reprise à 14 h 4)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité reprend ses travaux.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de procéder à la consultation générale et les auditions publiques sur la question de mourir dans la dignité.

Je veux souligner l'arrivée de notre collègue de Matane. Bienvenue parmi nous. Un petit peu éloigné, mais dans votre région. C'est un accueil très chaleureux et intéressant aujourd'hui. Alors, merci beaucoup pour votre présence, ainsi que notre député hôte, le député de Rimouski, ici. Bienvenue aussi.

Avant de commencer, nous avons reçu quatre ou cinq demandes pour participer au micro ouvert. Alors, s'il y a d'autres personnes dans la salle qui aimeraient le faire, juste ça va nous aider, pour la planification de la fin de l'après-midi, le nombre de personnes qui veut faire une courte déclaration ou commentaire sur qu'est-ce que vous avez entendu aujourd'hui.

Sans plus tarder, nos prochains témoins sont le groupe de L'Envolée, représenté, entre autres, par son président, M. Régis DeRoy. Alors, est-ce que c'est vous qui allez lancer la balle, M. DeRoy, ou...

L'Envolée

M. DeRoy (Régis): Non, c'est Mme Banville.

Le Président (M. Kelley): Mme Banville. Alors, Mme Banville, la parole est à vous.

Mme Banville (Lucie): Bonjour. Bonjour. Je me présente. Lucie Banville, coordonnatrice du groupe L'Envolée. C'est un groupe de bénévoles qui font de l'accompagnement en soins palliatifs et fin de vie.

Je veux d'abord remercier la commission de nous accueillir ici, parce que nous faisons partie de la région 11. Et, si ce n'était pas de nous accepter ici, on n'aurait pas pu présenter notre mémoire, parce que nous sommes les seuls de la région 11 qui ont présenté un mémoire.

Donc, je commence en disant que l'amour et la compassion présents dans l'approche pluridisciplinaire favorisent une mort digne et paisible. L'accompagnement en soins palliatifs par des bénévoles: un plus pour sécuriser et diminuer l'anxiété du malade et de sa famille.

Dans le présent mémoire, nous ferons la présentation de ce groupe de bénévoles, nous donnerons les raisons qui ont conduit à la formation de L'Envolée et imaginerons le futur de celui-ci.

L'intérêt et la volonté communes de plusieurs personnes ont permis la naissance d'un groupe de bénévoles pour accompagner le plus sereinement possible. Le malade ainsi que sa famille sont en droit de recevoir les meilleurs services d'accompagnement et de répit. L'intervention des bénévoles se situe dans une perspective de complémentarité avec le personnel soignant en fonction de leurs compétences et de leur disponibilité.

L'identification des lacunes en accompagnement d'un malade en soins palliatifs amène le démarrage d'un comité de professionnels au Centre hospitalier des Monts en décembre 2000. Je n'ai pas dit que nous venons de Sainte-Anne-des-Monts, en Gaspésie.

Le comité L'Envolée est créé suite à un protocole d'entente entre le comité administratif, qui a cinq membres, et le Centre d'action bénévole des Chic-Chocs.

Le vieillissement, l'éloignement des enfants et l'isolement ont créé des besoins à la clientèle en soins palliatifs. Au début, pas de subvention, on s'autofinance -- là, nous sommes en 2000 -- et, en 2004, en raison des accompagnements à domicile, la politique en soins palliatifs de fin de vie nous a permis de profiter d'une subvention récurrente de 2 500 $, qui est indexée au coût de la vie à chaque année, nous donnant ainsi l'occasion de mieux se structurer, encadrer les bénévoles dans la formation et d'apporter soutien dans l'accompagnement en fin de vie sur notre territoire.

La formation des bénévoles est de 45 heures. Elle comprend la philosophie des soins palliatifs, la découverte de soi et la relation d'aide, les besoins fondamentaux de la personne ainsi que les besoins religieux et spirituels, l'approche et l'accompagnement en fin de vie, les techniques de déplacement du malade de façon sécuritaire, comprendre la douleur et son soulagement pour mieux accompagner, et les aspects légaux, et la confidentialité.

La formation, pour nous c'est très important. On sait que, le bénévole d'accompagnement en soins palliatifs, ce n'est pas n'importe quoi et ce n'est pas n'importe qui non plus qui peut le faire ou que ça prend une formation adéquate pour les aider à faire cet accompagnement.

Chaque bénévole s'engage à accompagner quatre heures par semaine soit au CSSS, au CHSLD, en résidence privée ou à domicile. Les quatre heures par semaine, les bénévoles, le but de l'accompagnement, c'est vraiment pour donner un répit à la famille. Donc, majoritairement, les accompagnements, c'est de 20 heures le soir à 8 heures le matin. Simplement que c'est du cas par cas, quand les familles ne peuvent plus répondre à la demande, on regarde, lorsqu'on fait l'évaluation, si le besoin peut être sur un 24 heures, et c'est certain que, si l'accompagnement est sur 24 heures, ça prend beaucoup de bénévoles, et, des fois, c'est restreint, mais on essaie le plus possible de répondre à la demande.

**(14 h 10)**

Avant d'être autorisé à faire seul un accompagnement, le bénévole doit faire deux accompagnements supervisés avec un bénévole expérimenté. Le premier accompagnement a eu lieu en résidence privée à l'été 2001. L'Envolée, à ses débuts, comptait neuf bénévoles. Présentement, en juillet 2010, il y a 36 bénévoles qui sont actifs, avec un total de 1 150 heures d'accompagnement pour l'année 2009-2010.

Nos bénévoles apportent un plus dans le système de la santé dans la région de la Haute-Gaspésie. Ils suppléent à la demande, autant dans le milieu hospitalier, au CHSLD qu'à domicile, pour permettre un répit à la famille et une présence sécurisante auprès des personnes atteintes d'une maladie incurable en phase terminale.

Pour l'accompagnement à domicile, ce que je veux ajouter, c'est que le bénévole ne remplace pas la famille, il supplée, c'est-à-dire que, s'il n'y a pas de personne dans la famille qui est présente, les bénévoles de L'Envolée ne sont pas présents, parce que c'est des bénévoles, ce n'est pas des intervenants, ce n'est pas des préposés, ce n'est pas les auxiliaires familiaux. Et, quand on présente le service, c'est vraiment présenté comme ça.

Accompagner la personne dans la dernière étape de sa vie et assurer à sa famille le soutien approprié est l'essentiel de la mission de L'Envolée. Le désir de pouvoir mourir à la maison est une demande souvent manifestée aux intervenants du milieu de la santé qui manquent de ressources pour combler les besoins.

Actuellement, dans notre région, notre groupe de bénévoles n'a jamais eu de demande concernant l'euthanasie et le suicide assisté. C'est pourquoi nous n'aborderons pas ces sujets mais nous exprimerons notre opinion sur l'amélioration de l'offre des soins palliatifs qui permet d'éviter à des personnes en fin de vie de demander l'aide à mourir.

Notre expérience dans les soins palliatifs nous démontre que le soulagement de la douleur et la présence d'une équipe pluridisciplinaire avec les bénévoles sont un préalable pour la personne en fin de vie. Il demeure quand même un manque d'intégration entre les bénévoles et l'équipe pluridisciplinaire pour une prise en charge efficace.

La présence attitrée et disponible d'un psychologue formé dans les soins palliatifs à l'intérieur de l'équipe pluridisciplinaire serait bénéfique pour tous les intervenants et les bénévoles. C'est sûr que, dans le milieu, il y a des psychologues, mais il n'y en a aucun qui est attitré aux soins palliatifs.

Cependant, nous constatons que, lorsque la partie du traitement curatif est terminée, ce ne sont pas tous les malades qui bénéficient de soins palliatifs et de l'accompagnement. Dans notre milieu, il y a encore trop de gens qui meurent en établissement, au CH et au CHSLD. Dans le système actuel, les milieux de soins ne peuvent répondre adéquatement aux besoins du malade et de sa famille dans sa phase préterminale et terminale. La mobilisation d'un lit pour l'équipe administrative devient problématique mais inhumaine pour le malade si l'on considère que les soins médicaux ne peuvent plus rien pour lui. Ce facteur entraîne une augmentation de l'anxiété chez le malade qui se sent une charge pour ses proches et souhaite parfois mourir plus rapidement.

Devant cette situation qui revient de plus en plus souvent nous déplorons qu'à ce jour il n'existe pas pour nous des ressources intermédiaires de quelques lits autorisés par l'agence Gaspésie--Les-Îles-de-la-Madeleine. Ces lits réservés aux soins palliatifs aideraient à mourir dans la dignité, avec moins de contraintes, en sécurité et entouré de la famille.

Espérons que les dirigeants de la société vont comprendre la valeur du bénévolat, ressource indispensable au mieux-être de la population. Il importe d'intégrer les bénévoles au milieu environnant. Ils doivent être impliqués dans les décisions et se sentir concernés par la gestion de leur bénévolat.

Reconnaître l'apport des bénévoles, c'est aussi favoriser le maintien des compétences par une formation continue: stages, congrès, conférences par des sommités en soins palliatifs, en relation d'aide, etc.

Puisque l'intervention des bénévoles se situe dans une perspective de complémentarité avec le personnel soignant selon les champs d'action définis, il serait souhaitable que la subvention accordée à l'organisme communautaire soit révisée pour former davantage de bénévoles et assurer des heures de coordination plus équitables. Nous, ce qui est accordé, c'est 10 heures de coordination par semaine. En ce qui nous concerne, le budget octroyé est insuffisant pour assurer la charge de travail de coordination et l'augmentation de la demande de service.

Le soutien et l'accompagnement des grands malades prêts à dire adieu à la vie passe avant tout par le respect -- ici, on s'excuse, il y a une faute, c'est «prêt», p-r-ê-t, au lieu d'être «près de», c'est une erreur de frappe -- respect du cheminement du malade, respect lié au savoir-écouter, à la disponibilité, à l'humilité et au sentiment de se rendre utile.

Le bénévole ne connaît pas le malade, ignore tout de son passé, de ses valeurs et de ses croyances. Il chemine pas à pas avec lui, il est là également pour les proches que les événements bousculent et perturbent. L'accompagnement prend tout son sens dans le soulagement de la douleur morale.

Accompagner, c'est reconnaître à l'autre le droit de ce qu'il est, de ce qu'il vit, de ce qu'il ressent à l'instant présent. C'est regarder et accueillir avec amour tout ce que les yeux de l'autre peuvent vouloir me dire au-delà des paroles. C'est aussi vivre une relation humaine unique et privilégiée.

La qualité de présence est évidemment essentielle: une présence compatissante au diapason de la souffrance de l'autre, une présence affective qui apporte réconfort et soutien.

Par la parole, le geste et la qualité du regard que je pose sur la personne malade, je lui confirme qu'elle conserve toute sa grandeur et sa dignité d'être humain au-delà de la maladie et de la déchéance physique.

Comme conclusion, il faut intégrer davantage les bénévoles d'accompagnement en soins palliatifs. Par leur présence gratuite, en cohérence et en continuité avec l'équipe soignante, ils apportent un supplément de qualité du temps qu'il reste à vivre. Par leur expérience, ils sont aussi une aide précieuse pour les familles souvent désemparées qu'ils peuvent écouter et soutenir. Les bénévoles sont le signe de ce devoir d'humanité qui incombe, au-delà des professionnels de la santé et des familles, à l'ensemble de la société.

Notre véritable souhait pour l'avenir est d'être partie prenante de l'équipe interdisciplinaire en soins palliatifs au CSSS de la Haute-Gaspésie. Il nous faut aussi réussir à vaincre la résistance de quelques familles à intégrer la présence des bénévoles. Une collaboration assidue et continue de tous les intervenants qui côtoient la clientèle en soins palliatifs fera en sorte que les proches et sa famille comprendront les bienfaits de cette ressource d'accompagnement.

Nous sommes convaincus qu'une équipe structurée et disponible à la clientèle en soins palliatifs favorisera la réponse à des besoins et à des réactions face à l'angoisse, à la proximité de la fin, à la peur de ne pas être soulagé, à la peur d'être délaissé et à celle de ne pas être compris. Merci.

**(14 h 20)**

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Banville. On va passer maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission. Je suis prêt à céder la parole à Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau: Bonjour.

Une voix: Bonjour.

Mme Charbonneau: C'est un mot qu'on essaie de ne pas utiliser souvent, parce qu'on se l'est fait reprocher, mais c'est rafraîchissant de vous entendre.

Je vous avoue avec un peu de taquinerie que j'ai eu le plaisir de vous voir ce matin. Vous étiez en train de déjeuner, et il n'y avait qu'un seul homme à votre table.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Banville (Lucie): Mais il y en a, des hommes, dans les bénévoles.

Mme Charbonneau: Dans le principe du bénévolat.

Mme Banville (Lucie): Oui.

Mme Charbonneau: Mais je vous le dis en vous taquinant, puisqu'il y a quelqu'un, probablement qui vous connaissait bien puis qui fait partie de votre équipe de bénévoles, qui est arrivé après.

Mme Banville (Lucie): Oui.

Mme Charbonneau: Moi, j'étais assise à une table, seule, et ce que j'ai vu, c'est quelqu'un... je vous le dis comme je le sens, là, quelqu'un de votre famille qui arrivait. Parce que, quand elle est arrivée, vous avez posé les questions d'office: Tu es arrivée depuis quand? Tu couches où? Tu as-tu déjeuner? Tu veux-tu te joindre à nous? J'ai senti -- je ne savais pas que je vous voyais, vous, aujourd'hui, à la table devant nous -- mais j'ai senti qu'il y avait une espèce de côté de grande famille, là, et je le comprends plus maintenant que vous terminé votre présentation. La seule chose qui me peine, c'est que le seul gars, il est président, mais, bon.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Charbonneau: Ça, c'est mon côté à moi, là, vous n'êtes pas obligés d'être d'accord avec moi.

Le Président (M. Kelley): ...pas de problème avec les présidents qui sont masculins, ça arrive parfois dans la vie.

Mme Charbonneau: Mais il faut en rire un peu. Donc, mon premier mot va aller pour la reconnaissance de votre lien de grande famille que vous aviez. Puis le deuxième sera, avec beaucoup d'humilité, vous dire merci. Merci, parce qu'on entend des messages de toutes sortes. Puis je pense que les gens dans la salle, depuis ce matin, ont entendu avec nous différents messages. Et le principe même de se donner à l'autre pour le soulager, pour l'entendre, pour l'accompagner, ce n'est pas simple. Ce n'est pas simple, surtout qu'on aborde, nous, en commission, un sujet qui est encore très tabou, malgré qu'on fait ça depuis des temps et des temps, c'est-à-dire qu'on meurt. On meurt, et la mort fait partie de nos familles, de notre vie, et souvent de façon tragique, des fois de façon extraordinaire, mais la mort est là. Toutes les familles ne sont pas prêtes à la même chose, et, parce que vous y êtes, des fois ça rend les choses plus faciles. Donc, c'est pour ça je vous dis «bien humblement», parce que le service que, moi, je rends est tout à fait différent, mais, de vous avoir dans la vie des ces familles, ça doit êtres excessivement précieux.

Puisque vous avez choisi de ne pas nécessairement vous prononcer sur le sujet en titre, je vais aller dans votre sujet, le bénévolat. Plusieurs choses surgissent en moi, dans le principe même du bénévolat, parce qu'on a entendu des jeunes parler des maisons palliatives; on a entendu parler de la formation de nos gens qu'on appellera nos soignants, les infirmières, les médecins; on a entendu des choses qui nous ont fait un peu frissonner: les vétérinaires ont plus de formation en euthanasie et en accompagnement de la douleur que nos médecins. On a trouvé ça un peu épeurant, mais on a compris par contre que, même dans le monde médical, la mort, c'est quelque chose qui n'est pas nécessairement... c'est un peu un échec, la mort, hein? Quand un médecin voit son patient partir, il n'a pas nécessairement réussi à le sauver, donc ce n'est pas toujours simple.

J'aurai deux questions. La première, 45 heures, 45 heures pour faire face à la chose la plus difficile qui existe, la maladie qui mène à la mort! Qu'est-ce qu'on peut avoir comme suggestions de gens d'expérience comme vous sur ce 45 heures-là? C'est-u assez? Ça en prend-u plus? Qu'est-ce qu'on aimerait entendre? Qu'est-ce que vous aimeriez entendre comme bonnes nouvelles? Puis ça serait trop facile de me parler de sous. Parlez-moi pas de sous, parlez-moi... Ne quantifiez pas en argent, quantifiez-moi en besoins, ce que vous aimeriez avoir comme bonnes nouvelles pour vous aider, vous, gens au service des autres, nous, à vous aider.

Mme Banville (Lucie): Je ne sais pas quoi vous répondre. Dans le sens que: Est-ce que 45 heures, c'est assez?, je dirais que oui. Pour la partie théorique qu'elles reçoivent, je crois que les futures bénévoles ne s'attendent pas à cet engagement de don de soi et de tout ce que peut comporter la maladie et cette étape de vie qui fait qu'on est changé physiquement, on est bouleversé, on a une famille qui est toute, des fois, désorganisée. Ça fait que, dans ces situations-là, c'est comme un survol que l'on fait, puis il faut toujours considérer, dans cette formation-là, qu'on s'adresse à des bénévoles.

Moi, je suis infirmière de profession et je viens de prendre ma retraite, mais il faut -- je suis encore infirmière dans mon âme -- il faut être conscient qu'on ne peut pas aller autant dans ce qu'on a connu dans notre carrière, mais il faut doser ça, puis il faut être attentif aux bénévoles qu'on a devant soi, et de repérer le sérieux de l'engagement qu'ils ont, et ça, dans le 45 heures de cours, on ne le sait pas. Mais on sait que les gens sont capables de s'exprimer. Il y a des gens... il y a des bénévoles qui se questionnent pourquoi qu'on en a autant. Mais, quand ils arrivent... ils ont fait leur première année d'accompagnement, ils ont dit: Ça, on le sait, pourquoi. Et, tu sais, ils ont leurs cartables, ils ont les notes de cours, ils ont tout, et, la formation continue, ils ont un deux heures par cinq semaines de formation qui les nourrit et qui fait aussi qu'il y a un partage d'expérience qu'ils ont.

Ça fait que je vous dirais que, oui, le 45 heures, il est assez. Ce qui est un peu plus difficile, c'est la formation continue, qui fait que, des fois, hein, si on a besoin d'aller chercher des ressources... Mais il y a une très bonne collaboration. Et ce que je peux vous dire aussi, quand on parle d'avancer, quand on dit qu'on veut faire partie prenante de l'équipe interdisciplinaire, on travaille beaucoup avec l'établissement. On a travaillé fort l'année passée, parce qu'on se sentait seul. Il faut être accepté, il faut dire que c'est eux qui nous font rentrer dans le système. Donc, on a vraiment besoin d'eux, et ce n'est pas de façon égale.

C'est facile des fois à la base, les infirmières qui sont sur le terrain, les travailleurs sociaux qui sont sur le terrain, c'est plus facile de nous intégrer, surtout... On dit «le domicile» parce qu'à l'hôpital c'est plus facile, hein, à domicile les gens sont plus craintifs. Mais ce qu'on veut, c'est un peu plus haut, que les bénévoles, là, ce n'est pas n'importe qui qui arrive, que c'est un bénévole qui est capable de prendre une partie que le système n'est pas capable de donner. Est-ce que ça répond à la question?

Mme Charbonneau: En partie. En partie. Ça me laisse un peu sur mon appétit.

Mme Banville (Lucie): Oui.

Mme Charbonneau: Mais, ceci dit, il y a d'autres questions, vous allez voir. J'en ai une dernière, puis après ça je passe la parole à mon collègue parce qu'il en a, lui aussi. Dans le monde du bénévolat, il y a toutes sortes de possibilités, on peut adresser toutes sortes de choses, on peut faire du bénévolat dans une bibliothèque, on peut faire du bénévolat dans une école. Vous avez choisi un monde qui est tout à fait particulier.

Par contre, on se demande tout le temps comment on fait pour recruter un bénévole, comment on fait pour alimenter son appétit, parce que, on va se le dire entre nous deux, là, souvent, quand on donne, on reçoit. Et, quand on le dit à un bénévole qui en fait, ils font tous comme vous faites à la table en ce moment, c'est-à-dire vous me faites signe que, oui, parce qu'effectivement, quand on donne, on reçoit.

Croyez-vous que, dans le principe de bénévole, si on pouvait faire de la reconnaissance d'acquis, c'est-à-dire qu'après tant d'heures, après tant d'accompagnements, je deviens quelqu'un qu'on reconnaît par, je vais dire une idée folle un peu, mais un certificat, un crédit, qui fait qu'on pourrait vous voler quelques heures par trois mois pour vous envoyer dans une autre région pour dire: Voici comment on fait notre bénévolat puis comment on traite la personne à domicile? Parce que, dans les milieux urbains, ça se passe à l'hôpital, ou dans des maisons de soins palliatifs, ou des CHSLD, mais, la relation à domicile, elle est peut-être un petit peu plus complexe, hein, c'est plus grand, c'est plus froid. Dans un milieu comme le vôtre, souvent, bien, c'est le contraire, hein, on essaie de développer un service à la maison, de garder notre monde en famille.

Donc, est-ce que le principe de reconnaissance d'acquis, par rapport à ce que vous faites dans l'accompagnement puis dans l'expérience que vous avez, ferait en sorte que vous pourriez recruter des gens qui pourraient éventuellement, après ça, diriger une carrière ou refaire une carrière dans quelque chose, qui est toujours en lien avec ce à quoi vous les avez amenés à faire du bénévolat?

**(14 h 30)**

Mme Banville (Lucie): Est-ce qu'il y a quelqu'un qui peut répondre, autre que moi?

Mme Fournier (Denise): Je ne le sais pas. Je ne le sais pas vraiment. Je penserais peut-être que oui, mais je ne suis pas sûre nécessairement de ça parce qu'on ne l'a jamais essayé. C'est quelque chose de nouveau en fin de compte, là. Je me dis peut-être, je ne le sais pas.

Mme Banville (Lucie): La question, on peut dire: Est-ce que ça valoriserait vraiment, hein, puis est-ce qu'il y aurait une plus grande crédibilité dans la population?

Mme Charbonneau:...

Mme Banville (Lucie): Oui. Ça serait peut-être profitable. Je ne le sais pas. Ce qui me vient en tête, là, c'est O.K., reconnaissance, mais le point, espérons qu'il n'y ait pas de jalousie dans les... Tu sais, je veux dire, pourquoi qu'elle, pourquoi que, pourquoi que. C'est peut-être... Peut-être qu'on n'est pas assez fiers de ce qu'on est, de ce qu'on donne.

Mme Charbonneau: Et pourtant, et pourtant.

Mme Banville (Lucie): Et pourtant et pourtant.

Mme Charbonneau: Et, quand vous dites que quelquefois les familles ont un petit peu de difficulté, peut-être que si vous aviez un document qui dit: Moi, j'ai accompagné quatre autres familles, je pense que je suis capable de vous aider, peut-être que la porte ouvrirait plus. Mais c'était juste parce que je réfléchissais à haute voix avec vous. M. le Président.

Le Président (M. Kelley): M. le député d'Orford.

M. Reid: Merci, M. le Président. Ma collègue avait amorcé la question de formation, etc. Moi, vous savez, nous, on va avoir à discuter de beaucoup de choses, mais un des éléments qui est clair, c'est qu'on n'aura pas à discuter si oui ou non il faut donner une impulsion aux soins palliatifs parce que c'est évident, c'est unanime, et tout le monde en parle. Et, moi, je voudrais profiter de votre présence et de votre connaissance comme groupe de bénévoles pour vous demander, quand on parle de besoins, vous avez parlé de certains besoins, juste de nous donner quelques détails.

Bon, la formation, vous en avez donné quand même un peu, quelques heures par mois. Par contre, ce que vous dites, c'est... j'imagine que ça encourt certains coûts pour faire venir quelqu'un, par exemple, ou des choses comme ça.

Psychologue. Est-ce que c'est l'aide d'un psychologue ou la participation d'un psychologue dans le but d'aider les patients directement ou dans le but d'aider et de donner un bon soutien aux bénévoles?

Mme Banville (Lucie): Je pense...

M. Reid: Ou les deux.

Mme Banville (Lucie): C'est les deux.

M. Reid: Les deux. O.K.

Mme Banville (Lucie): C'est les deux. Parce que ce n'est pas nécessairement au sein des bénévoles direct, mais c'est au sein de l'équipe, quand on sait que tout le monde est occupé, tous les psychologues sont occupés, puis qu'on ne veut pas attitrer...

M. Reid: Oui.

Mme Banville (Lucie): On ne veut pas attitrer. C'est que des fois il y a des situations qui sont vraiment bouleversantes. Nous autres, on a vécu quelques cas assez compliqués, puis les bénévoles, en voulant dire: Si ça continue de même, là, nous autres, on...

M. Reid: Je comprends. C'est qu'un bénévole n'a pas nécessairement cette compétence ou cette connaissance qu'un psychologue pourrait avoir pour dénouer un problème particulier...

Mme Banville (Lucie): C'est ça.

M. Reid: ...dans le contexte des soins palliatifs.

Mme Banville (Lucie): C'est ça.

M. Reid: O.K., merci, je comprends bien ça, maintenant.

Mme Lemieux (Marjolaine): Je voudrais ajouter un commentaire...

Le Président (M. Kelley): Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Marjolaine): ...qui est... Excusez-moi.

M. Reid: Allez-y, allez-y.

Mme Lemieux (Marjolaine): Je voudrais ajouter un commentaire dans le sens qu'il n'y a pas nécessairement un psychologue dans notre territoire à nous qui est alloué aux soins palliatifs. Donc, c'est au travers des personnes âgées, soins palliatifs. Donc, la personne qui est allouée pour une période de temps, elle va aller au plus urgent. Donc, ça crée des besoins, il y a des difficultés, là.

M. Reid: Oui, oui.

Mme Lemieux (Marjolaine): On a des besoins, mais on n'a pas de réponse.

M. Reid: D'accord, O.K. Vous êtes...

Mme Lemieux (Marjolaine): Donc, ça pourrait tout englober ça.

M. Reid: C'est parce qu'il y en a plusieurs, je vais aller un peu plus rapidement, mais... Bien, juste une question, parce que, dans d'autres groupes de bénévoles, j'ai vu qu'il y a des dépenses parfois qu'encourent les bénévoles, surtout s'il y a un peu de distance dans une région. Moi, je regarde par exemple dans ma région, il y a quand même des kilométrages, etc. Est-ce que, ça, il y a un besoin d'aide, au moins pour payer l'essence, des choses comme ça? Comment ça fonctionne? Est-ce que de ce côté-là vous avez des...

Mme Banville (Lucie): Non, il y a...

Une voix: ...

Mme Banville (Lucie): Oui, oui, c'est...

M. Reid: C'est bénévole, y compris pour l'essence, et tout ça?

Mme Banville (Lucie): Oui, oui, oui.

M. Reid: O.K., O.K.

Mme Banville (Lucie): Ils réclament leur kilométrage. Simplement, des fois, il y a beaucoup de bénévoles, comme Sainte-Anne, là, Sainte-Anne-des-Monts, les bénévoles ne réclament aucun...

Mme Fournier (Denise): Ils sont bénévoles jusqu'au bout.

M. Reid: D'accord.

Mme Banville (Lucie): Ils sont bénévoles et ils ne réclament rien.

M. Reid: Même dans l'essence?

Mme Banville (Lucie): Même dans l'essence, oui, c'est ça.

M. Reid: C'est vraiment admirable, là.

Mme Banville (Lucie): Tu sais, on a quand même... je ne vous dirai pas qu'on ne fonctionne pas avec ça, là, c'est O.K., mais, si on a une vision d'avenir... Puis je vous dirai qu'il y a beaucoup de formations que c'est moi qui les prépare, et je vous dirai qu'avec la coordination, les évaluations, le soutien des bénévoles, et tout, c'est beaucoup d'heures pour 10 heures par semaine.

M. Reid: Bien, c'est ça.

Mme Banville (Lucie): Tu sais? Donc, c'est dans cette optique-là, là, que, si on veut développer des besoins, il faudra qu'on regarde, qu'on révise avec nous ces...

M. Reid: C'est exactement pour ça qu'on est là aussi, et je pense que notre préoccupation va être davantage ça que de dire oui ou non aux soins palliatifs, on va tous dire oui. Mais, une fois qu'on a dit oui, qu'est-ce qu'on peut dire de plus dans notre commission quand on aura terminé, l'amélioration?

Et ma dernière question rapidement, M. le Président, c'est...

Le Président (M. Kelley): Prenez le temps.

M. Reid: O.K. Alors, c'est justement cette question de coordination, puis on a la coordinatrice avec nous. 10 heures par semaine, comme vous dites, vous devez souvent sûrement en faire plus. Comme on voit des fois des employés syndiqués qui disent: Dites-le pas à mon syndicat, mais je vais en faire plus.

Mme Banville (Lucie): Je vous dirai, cette année, j'ai fait du temps complet pas mal. Parce que, tu sais, dans la structure, la formation des nouveaux bénévoles, moi, j'ai tout revu le contenu avec chaque formateur et...

M. Reid: Juste pour bien comprendre ce que ça veut dire, est-ce que vous pourriez nous donner une idée? Moi, j'ai des suggestions, bien pas des suggestions mais des questions qui me viennent naturellement. Ça veut dire, j'imagine, toute la logistique, la coordination?

Mme Banville (Lucie): Oui, c'est ça.

M. Reid: Il faut savoir qui va où, quand, et etc. Ensuite, ça veut dire, bon, ce qu'on pourrait appeler la dotation en termes de gestion, c'est-à-dire pas l'accueil des bénévoles mais le recrutement des bénévoles.

Mme Banville (Lucie): C'est ça.

M. Reid: Et bon, la formation par la suite, etc. Ça veut dire aussi, j'imagine, un aspect qui correspond à la gestion des ressources humaines en entreprise, c'est-à-dire que les bénévoles vivent toutes sortes de choses, donc il faut... ils demandent, puis vous essayez d'organiser l'aide éventuellement. Comme on parlait tantôt d'une aide psychologique, ce serait la coordination aussi qui organiserait ça.

Mme Banville (Lucie): C'est ça, oui.

M. Reid: Et c'est ça, les bénévoles en difficulté, parce que ça peut arriver, ils vont voir qui, la coordinatrice?

Mme Banville (Lucie): Bien oui, c'est ça.

M. Reid: Et donc est-ce qu'il y a d'autre chose dans... C'est beaucoup, là. En fait, vous êtes à plein temps là-dessus. Si vous dites, si on va dans l'avenir, donner 10 heures à quelqu'un qui est à plein temps, peut-être qu'il faudrait peut-être penser à avoir quelque chose pour avoir une aide plus rémunérée ou quelque chose comme ça comme...

Mme Lemieux (Marjolaine): On le fait, là, mais ça ne veut pas dire que si, un jour...

Le Président (M. Kelley): Madame?

Mme Lemieux (Marjolaine): Lemieux, moi. Vous vous êtes trompé tantôt...

Le Président (M. Kelley): O.K. Lemieux.

Mme Lemieux (Marjolaine): C'est moi, Lemieux. Ce n'est pas grave.

M. Reid: Ah! O.K. Il y a une inversion?

Des voix: ...

Mme Lemieux (Marjolaine): C'est parce que si, elle, tu sais, à un moment donné, elle... ça va prendre quelqu'un qui va donner autant de temps pour...

M. Reid: C'est ça.

Mme Lemieux (Marjolaine): ...presque rien, je veux dire.

M. Reid: Elle en a pour plusieurs années encore à être bonne comme ça sûrement mais...

Mme Lemieux (Marjolaine): Bien, j'espère, parce que la journée qu'elle va partir on...

M. Reid: Non, mais il reste que c'est ça. Mais je comprends que vos commentaires sont dans une optique de si on veut développer, et on sait qu'au Québec c'est nécessaire de développer les soins palliatifs. Un des éléments clés, sinon l'élément clé du développement des soins palliatifs, c'est le bénévolat, ça, c'est clair.

Mme Bourdages (Agathe): Mais, lorsqu'on parlait de formation, une façon aussi d'aller chercher de la formation, c'est d'aller dans des congrès, des choses comme ça. On est en région éloignée, donc si on veut y assister, les coûts sont encore plus élevés que pour certaines autres régions. Alors, c'est aussi... les budgets ne sont pas nécessairement en fonction.

Le Président (M. Kelley): Dernier court commentaire, Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau: Mme la coordonnatrice, ou M. le président, un des deux, qu'adviendrait-il si un bénévole viendrait vous voir pour vous dire: À la maison y, la personne n'arrête pas de me demander de mourir? Je veux juste savoir comment vous, parce que c'est une question, vous le savez, puis, nous, on l'a là, c'est lourd, là, on s'en parle juste entre nous autres puis on trouve ça lourd. Mais, vous, là, parce que, tu sais, on parle de bénévolat, on parle de gens engagés, on parle de gens qui veulent accompagner, mais, là, j'ai un citoyen qui souffre, puis, là, il le fait à répétition, là. Puis, vous, vous êtes pris avec cette question-là, là.

Mme Banville (Lucie): La meilleure réponse que je peux vous donner, là, quand on parle de faire partie prenante d'une équipe interdisciplinaire, c'est ça. C'est là. Parce que, seule, la coordonnatrice ne peut pas... dans le commun des mortels, je ne peux pas, moi non plus, autre qu'avoir la même écoute que le bénévole a, mais, moi, c'est le point principal dans cette question d'euthanasie, c'est la force d'être une équipe.

Mme Charbonneau: Vous êtes une belle équipe interdisciplinaire, madame. M. le président.

Mme Lemieux (Marjolaine): On ne souhaite pas ça à personne, avoir cette demande-là, comme bénévole.

Mme Charbonneau: Non, non. Non, non. Non, non. Mais c'était...

Mme Lemieux (Marjolaine): J'ai travaillé dans le milieu, puis ce n'est pas...

Mme Charbonneau: C'était une question pour nous éclairer nous parce que vous êtes une équipe vraiment extraordinaire.

**(14 h 40)**

Mme Lemieux (Marjolaine): Non, non, je sais. Je sais que ça pourrait nous arriver. Oui, c'est sûr.

Mme Charbonneau: Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Matane.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Je tiens à vous saluer à mon tour. Je me sens particulièrement interpellé par votre témoignage, évidemment comme député de la Haute-Gaspésie, où vous évoluez depuis maintenant une dizaine d'années. Je veux vous remercier pour votre témoignage que l'ensemble des membres de la commission ont l'occasion d'entendre ainsi que les gens qui sont présents, témoignage qui est empreint d'un humanisme certain, d'une compassion, d'une dévotion à l'égard des gens souvent les plus vulnérables.

Et Dieu sait que, chez nous, les besoins sont importants, population qui est vieillissante, vous le savez, où la pression sera de plus en plus forte sur le réseau de la santé, mais également sur toutes les ressources qui viennent en aide aux gens qui sont en fin de vie. Et c'est extrêmement important d'avoir des gens qui sont là, mais il ne faut pas les prendre pour acquis, parce que vous êtes des bénévoles. Et votre initiative elle origine de la base, elle origine de besoins que vous avez constatés, même de manquements, j'irais jusqu'à dire, à l'époque, en 2000, au CSSS de la Haute-Gaspésie, et cette initiative-là, citoyenne, elle est devenue structurée, elle est devenue animée, elle s'est multipliée. Je pense vous êtes passés de quoi? de quelques bénévoles à une trentaine de bénévoles à peu près, de souvenir. Je veux vous remercier pour ce que vous faites.

Évidemment, vous avez des témoignages régulièrement de gens proches, des gens de la famille qui sont là pour vous le témoigner, mais également des gens qui vous observent à distance, que sont les parlementaires, que sont les intervenants de d'autres sphères d'activité.

Ceci étant dit, évidemment j'aurai quelques questions à vous poser quant à certaines préoccupations que vous avez dans votre mémoire. Notamment vous faites référence... ce n'est pas numéroté, mais c'est en haut d'une page, c'est dans le droit de mourir dans la dignité, à la fin, vous dites: «Devant cette situation qui revient de plus en plus souvent, nous déplorons qu'à ce jour il n'existe pas, pour nous, de ressources intermédiaires de quelques lits autorisés par l'Agence [de santé] [Gaspésie--Les Îles]. Ces lits réservés aux soins palliatifs aideraient à mourir dans la dignité, avec moins de contraintes, en sécurité et entouré de la famille.»

Il y a deux aspects importants, quant à moi, dans ce que j'observe en Haute-Gaspésie. Il y a d'abord les gens. Le plus important, c'est les gens qui accompagnent et qui sont là, qui sont là pour assister, mais il y a le lieu aussi. Et dans bien des cas, idéalement, on connaît les gens chez nous, ils sont attachés à leur maison, et c'est le propre de la ruralité. Autant que possible, ils veulent être chez eux, une maison souvent qu'ils habitent depuis des dizaines d'années. Mais, si ce n'est pas le cas, si ce n'est pas possible pour toutes sortes de raisons, les gens qui habitent en coopérative d'habitation, en appartement, etc. Et là, c'est là que rentrent en ligne de compte toutes les ressources du système de la santé.

Pouvez-vous me préciser votre demande -- parce qu'on a accueilli à l'Assemblée nationale, en janvier dernier, le président de l'agence de santé, et cette question-là, je vous avoue qu'on la connaît moins, l'ensemble des intervenants qui étaient là -- me le préciser et voir comment, nous, on peut, par exemple, à travers nos réseaux, faire des propositions concrètes? Parce que, bien que vous n'abordez pas de façon très directe la question que ma collègue de Mille-Îles vous a posée, que je trouve très judicieuse d'ailleurs, parce qu'un jour viendra où vous serez confrontés à ces questions-là, en attendant, vous avez une proposition très concrète. Moi, j'aimerais que vous puissiez la préciser et voir comment, nous, on peut faire cheminer ça, dans une optique d'ailleurs où notre collègue le député de Jean-Talon, le ministre de la Santé, viendra pour vous écouter bientôt, à ce qu'il me disait, là, encore tout récemment.

Mme Banville (Lucie): Bien, vous savez qu'on n'aura jamais une maison de soins palliatifs à Sainte-Anne-des-Monts, inutile. Ce qui a été travaillé dans les années, je dirais -- là, on est en 2010 -- 2005, 2006, peut-être jusqu'à 2007, il y a un médecin, qui maintenant n'est plus avec nous, Dr Francis Lévesque, qui a investi beaucoup dans les soins palliatifs, et son objectif c'était d'avoir une ressource intermédiaire, un lit ou deux lits -- je sais que ça va au prorata de la population pour l'autorisation -- ce qui fait qu'il y a des personnes, quand on dit que la phase aiguë est terminée et que c'est le palliatif qui entre en ligne de compte, qui mobilisent des lits, il y a des personnes qui... On ne sait pas, hein, quand est-ce qu'elle va mourir, hein? Il y en a qui aimeraient bien ça, dans le système de santé, dire: C'est fini, puis dans quatre jours il est mort, puis on va avoir notre lit après. Donc, si vraiment on saurait que c'est possible pour nous d'avoir des ressources intermédiaires où les personnes sont...

Une voix: ...

Mme Banville (Lucie): ... -- bien, non, ce n'est pas ce que je veux dire -- qui sont capables de prendre en charge ces personnes-là... Ces gens-là, c'est parce que les familles ne sont pas capables de ramener ça à la maison parce que c'est trop pour eux. Puis ce serait un intermédiaire entre le lit de l'hôpital et des fois le domicile, ce serait peut-être une ressource intermédiaire pour travailler avec ces gens-là, avec l'équipe et de ramener ces gens à domicile pour leur faire comprendre que, oui, autour d'eux, ils sont capables de vivre ce moment-là.

Il y a des gens qui sont tout seuls, on ne peut pas les retourner à la maison tout seuls. Ils vivent, ils sont obligés d'être à l'hôpital parce qu'ils n'ont plus personne. Des fois, il y a des gens... On a dit tantôt que les personnes étaient âgées. Si vous avez deux personnes dans la famille, les enfants sont à Montréal, le monsieur a 84 ans, la madame a 82 ans, elle n'est pas capable de ramener ce monsieur-là à l'hôpital. Si on avait les lits, si on avait un ou deux lits, ce ne serait peut-être pas assez parce que les besoins sont là, mais au moins si on avait cette ressource-là qui est identifiée pas juste aux personnes âgées qui ont eu une fracture de la hanche puis qui sont là...

M. Bérubé: Qu'importe l'âge.

Mme Banville (Lucie): ...pour nous, ce serait un plus dans notre région. Est-ce que ça répond?

M. Bérubé: Absolument, puis c'est quand même une offre, je pense, qui est fort légitime puis qui n'est pas exagérée, là, quelques lits, et c'est la première fois qu'on me le pose de cette façon-là, et je trouvais intéressant de l'entendre.

Des cas d'isolement, il y en a des cas nombreux. Vous savez que, les parlementaires, souvent on est touchés par des événements comme la mort. On écrit une petite note quand on connaît les gens. Souvent on se rend compte que des gens très âgés vivent seuls dans leur résidence, des gens de 80, même de 90 ans. Moi, j'en connais à Sainte-Madeleine-de-la-Rivière-Madeleine, à La Martre, à Marsoui, à Cap-Seize, bon, on connaît notre territoire, et ça me fascine à chaque fois. Et, quand on cherche parfois les enfants, parce qu'on a toutes sortes de situations, parfois même il faut disposer du corps, hein, ça se rend au bureau de député ce genre d'enjeu là, on n'a pas accès à trouver les enfants ou des proches. Alors, ça fait partie de la vie. Alors, je comprends que ces quelques lits là sont d'une grande importance puis démontrent aussi dans le réseau qu'on est ouverts à faire de la place à cette réalité-là.

Tout à l'heure, quelqu'un faisait référence au fait que, dans le domaine médical -- je pense, c'est ma collègue de Mille-Îles qui disait ça -- la mort, c'est encore quelque chose qu'on occulte parfois. Alors, de reconnaître cette réalité-là chez nous, c'est important, et je retiens cette recommandation-là.

Vous dire également que vous faites référence, évidemment, l'essentiel de votre action, c'est du bénévolat. Quels sont les obstacles à la participation d'un plus grand nombre de bénévoles? Évidemment, là, toute la société québécoise repose en grande partie sur le bénévolat quant à sa solidarité, mais, chez nous, là, je la connais cette solidarité-là gaspésienne. Elles sont très sollicitées, ces personnes-là, disponibles. Qu'est-ce qui fait hésiter les gens à s'impliquer chez vous? Et comment l'État, les parlementaires, les organisations peuvent contribuer à rendre les choses plus faciles?

Vous me dites, vous avez parlé tantôt de formation. C'est sûr que, si on permet des formations, ça valorise, ça rend plus intéressant de se mettre à jour, de rencontrer, de sortir vous-même de votre isolement, de rencontrer des gens de partout au Québec. Est-ce que ça passe par ça? Augmenter la tarification pour le... Je prends quelques exemples comme ceux-là, puis je vous écoute.

Mme Banville (Lucie): Bien, je pense que le meilleur, là, notre visibilité, là, c'est l'expérience des bénévoles, le partage des bénévoles dans la communauté qui fait qu'un va en chercher un autre. Et il y a des gens qui, aussi, quand on fait du recrutement, là, tu peux avoir 15 bénévoles intéressés, mais il t'en reste sept.

M. Bérubé: Oui, c'est ça.

Mme Banville (Lucie): Puis il faut avoir aussi en tête que ce sont des bénévoles, hein? Ça veut dire que sur 36 bénévoles, tout dépendant des besoins, si on a un accompagnement, c'est correct. Si on en a deux, ça devient plus corsé, si on en a trois, on n'est pas capables de répondre à la demande. Ce n'est pas une question de sous, ça, nécessairement, c'est une question de volonté de vouloir être bénévole et de respecter l'engagement qu'on a.

M. Bérubé: Vous savez que c'est d'ailleurs la racine latine, «bénévolat», ça veut dire «qui veut bien», en fait. Mais c'est la racine latine du terme «bénévolat».

Mme Banville (Lucie): C'est ça. Et on doit respecter les gens qui doivent partir parce que leur fille a accouché, ils sont malades, tout change. Ils étaient corrects dans leur engagement, des circonstances arrivent, il faut composer avec ça.

M. Bérubé: Un dernier élément, puis je veux permettre à mes collègues de ma formation politique de poser d'autres questions. Dans le domaine de la santé, les professionnels de la santé, quels qu'ils soient, comment ils vous perçoivent, vous, les bénévoles, quand vous entrez au centre de soins de la Haute-Gaspésie?

Mme Banville (Lucie): Je dirais de mieux en mieux.

M. Bérubé: De mieux en mieux?

Mme Banville (Lucie): De mieux en mieux, oui, c'est ça.

M. Bérubé: Plus qu'hier, moins que demain?

Mme Banville (Lucie): Oui, parce qu'on fait notre place, hein? Ça fait que, donc, quand on...

M. Bérubé: Continuez.

Mme Banville (Lucie): On prend conscience de toute cette richesse de temps pour l'établissement, et la qualité de présence des bénévoles, puis juste le fait qu'on a insisté que les bénévoles étaient formés et qu'ils sont conscients aussi de quelle formation ils ont, et l'ouverture qu'ils ont de nous... l'accessibilité de contacter la coordonnatrice et les échanges qui se font de plus en plus. C'est favorable, c'est favorable pour le...

**(14 h 50)**

M. Bérubé: Merci, merci beaucoup madame... Ah! Un complément?

Mme Lemieux (Marjolaine): Le bénévolat qu'on fait, nous autres, c'est surtout de nuit, de 8 heures le soir à 8 heures du matin, oui. On n'a pas besoin de personnes, ou à peu près, de jour. Ça fait que c'est de nuit, ça fait que ça rebute plusieurs personnes, c'est sûr. Puis, du bénévolat, bien là, c'est... Il y avait une autre affaire, puis je l'ai oubliée. Ça reviendra.

M. Bérubé: Vous savez quoi? Je ne suis pas tellement loin de vous, à Sainte-Anne-des-Monts, on va rester en contact pour la suite. Et soyez assurés que, vos recommandations, je les porterai auprès des instances. Merci de votre témoignage. Je ne sais pas combien on a de temps pour mes collègues encore?

M. Pelletier (Rimouski): Toi, tu as fini.

Le Président (M. Kelley): Oui, je sais que votre collègue de...

M. Bérubé: J'ai terminé.

M. Pelletier (Rimouski): Toi, tu as fini.

Le Président (M. Kelley): ...Rimouski veut poser une question. Alors, M. le député de Rimouski.

M. Pelletier (Rimouski): C'est ça que je lui disais, M. le Président, lui, il a fini. Je voudrais vous souhaiter...

M. Bérubé: Je termine dans la dignité, au moins.

M. Pelletier (Rimouski): Je voudrais vous souhaiter la bienvenue à Rimouski. Vous savez que, puis M. le Président est d'accord avec moi sûrement, vous êtes dans le plus beau comté du Québec, ici, à Rimouski.

Le Président (M. Kelley): Entre autres.

Une voix: On va se garder une petite gêne.

M. Pelletier (Rimouski): Je vous félicite pour le travail que vous faites. C'est une dimension un peu exceptionnelle que vous amenez à cette commission, mais c'est une dimension extrêmement importante parce que le bénévolat, au Québec, dans tous les domaines, c'est devenu essentiel, hein? On ne peut pas imaginer un Québec sans bénévoles, ce serait complètement différent, puis, ça, si le ministre des Finances était ici, il vous le dirait, ça serait vraiment un gros casse-tête pour lui puis pour toutes les Québécoises et les Québécois aussi.

Mais, moi, j'aurais seulement une question, étant donné que mon collègue de Matane a à peu près tout pris le temps qui nous était alloué. J'aurais une question. Vous savez que, lorsqu'on va dans des endroits puis on assiste des personnes qui sont malades, qui nous quittent, par exemple, qui sont en phase terminale, il y en a dans des hôpitaux, dans des maisons de fin de vie, dans les résidences, et ainsi de suite, il y a des endroits où il y a des bénévoles, il y a des endroits où il n'y a pas de bénévoles, ça dépend des maisons, puis ça dépend aussi de l'initiative des gens en place.

Moi, ma question, je vous demanderais: À qui profite le plus votre travail, par exemple? Est-ce que votre travail profite plus à la personne malade que vous assistez, ou profite plus à la famille, aux aidants, ou profite aussi aux personnes soignantes, permanentes, là, qui peuvent se retirer un peu si vous êtes là? Alors, à qui profite plus votre travail dans ces gens-là? Et puis c'est quoi le rapprochement que vous faites entre votre travail et le fait que les personnes par exemple en phase terminale vont mieux mourir dans la dignité?

Une voix: Toutes ces réponses.

Mme Banville (Lucie): Je ne sais pas si c'est moi qui répond ou il y a quelqu'un d'autre qui veut répondre?

Des voix: ...

Le Président (M. Kelley): Mme Banville.

Mme Banville (Lucie): O.K. Bon, attends un petit peu, il faut que je retrace votre première question: À qui profite? À qui profite? Moi, je dirais profite beaucoup à la famille quand on va à domicile et qu'ils savent qu'ils peuvent dormir une bonne nuit, qu'ils sont en sécurité, que leur être cher est bien accompagné.

À la personne malade quand l'ouverture de celui qui est malade est capable de se confier, si on peut dire, exprimer des choses que des fois il n'ose pas parce que la famille est trop bouleversée. Et les bénévoles entendent beaucoup de confidences quand la famille est partie et qu'ils sont seuls avec le malade. Et, pour le bénévole, c'est un point positif qui lui fait dire que sa disponibilité est profitable et riche parce qu'il sait qu'il fait du bien à l'autre.

Pour le système, il faut faire attention, parce que des fois... on n'est pas un fourre-tout. Donc, c'est favorable, oui, mais on n'est pas là pour pallier les manques du système, et c'est très clair, et il faut le redire souvent. Mais, quand le système... Vu que c'est eux qui évaluent en premier les besoins et qu'ils savent que la personne ne sera pas seule et que la famille sera accompagnée, ça, c'est profitable.

En fin de compte, votre question, elle profite aux trois, à différents niveaux, mais qui fait que, oui, cette personne-là, les bénévoles aident à mourir dans la dignité parce qu'ils ne sont pas seuls.

M. Pelletier (Rimouski): En fait, ça profite aux trois, mais vous me les avez donnés un peu dans l'ordre, par importance, j'imagine.

Mme Banville (Lucie): Oui, parce que, je dirais, en...

M. Pelletier (Rimouski): Famille...

Mme Banville (Lucie): Parce que, je dirais, en premier c'est la famille, parce que c'est la famille qui est comme bouleversée avec ça.

M. Pelletier (Rimouski): Oui. Puis qu'un patient en phase terminale peut nous quitter, mourir dans la dignité plus parce que vous êtes là, j'imagine que c'est le deuxième point que vous avez développé quand vous avez dit que, des fois, la personne bénévole qui peut établir un bon contact avec la personne malade, des fois, elle peut permettre au patient de s'exprimer, des fois, plus librement, plus profondément.

Mme Banville (Lucie): Plus librement.

Mme Lemieux (Marjolaine): Plus qu'à leur famille, des fois, plus qu'aux membres parce que les membres -- c'est ça qu'elle disait -- sont bouleversés.

M. Pelletier (Rimouski): Merci.

Le Président (M. Kelley): Ça va? Alors, il me reste à dire merci beaucoup pour votre présence ici. Je veux faire écho aux commentaires de mon collègue d'Orford. Au-delà du besoin des soins palliatifs, je pense, ça, c'est acquis, mais comment les organiser, c'est quoi les modèles différents, qu'est-ce qu'on peut faire dans un comté urbain, c'est très différent, qu'est-ce qu'on peut faire dans une région comme la vôtre, avec les distances et les personnes plus dispersées sur le territoire.

Alors, nous avons pris bonne note de vos suggestions. Le rôle de coordonnatrice, on l'a compris, est exigeant. Alors, merci beaucoup, et je veux dire, pour le répit que vous donnez aux familles et insister sur le bénévolat. Dans mon comté, on a la chance d'avoir une maison des soins palliatifs avec les professionnels, les infirmières, les médecins, mais, avant tout, un corps de bénévoles qui fait un travail extraordinaire aussi d'accompagnement des personnes à ces moments difficiles de la vie. Alors, bravo, bonne continuité. On a appris beaucoup par votre présence parmi nous aujourd'hui.

Je vais suspendre quelques instants et je vais demander à M. André Pelletier de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 14 h 58)

 

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! Comme je dis, le président est toujours très heureux de voir... On veut continuer nos discussions d'une façon informelle, mais on a un prochain témoin qui est devant nous, et je veux souligner son engagement citoyen parce que, malheureusement, on est incapable, comme commission, d'aller partout, partout au Québec, et M. André Pelletier est de Baie-Comeau, de mémoire, et voulait tellement participer dans notre réflexion. Alors, je ne pense pas qu'il a nagé -- apparemment le fleuve est un petit peu grand -- mais il s'est déplacé de Baie-Comeau pour venir ici, à Rimouski, pour participer dans notre réflexion. Alors, bravo, M. Pelletier.

On va vous permettre une quinzaine de minutes pour vous exprimer, suivi par une période d'échange avec les membres de la commission, en rappelant qu'après le témoignage de M. Pelletier il y aura la période de micro ouvert. Alors, s'il y a des personnes qui veulent faire un court commentaire ou déclaration, on va faire ça après le témoignage de M. Pelletier et l'échange avec les membres de la commission.

Alors, M. Pelletier, la parole est à vous.

M. André Pelletier

M. Pelletier (André): Merci, M. le Président. Ayant constaté que le prophète ne se déplaçait pas à la montagne, la montagne s'est déplacée pour rencontrer le prophète.

Je veux d'abord, d'entrée de jeu, remercier le gouvernement du Québec de permettre la tenue de cette commission parlementaire et féliciter Mme Hivon pour son pouvoir d'influence auprès du gouvernement pour avoir réalisé cette commission spéciale.

Le suicide assisté, jamais au nom de la vie. Me voici aujourd'hui devant vous pour apporter ma contribution à l'évolution de notre société québécoise quant au droit de mourir dans la dignité. J'ai visionné plusieurs séances de travail de la commission et j'ai vu de nombreuses personnes bien nanties en connaissances socio-juridico-communautaires se présenter devant vous et vous faire part de leur savoir, de leurs intérêts, de leurs préoccupations, de leurs appréhensions.

Depuis que vous êtes en chemin sur les routes du Québec, à bord de la commission parlementaire sur le droit de mourir dans la dignité, vous avez rencontré, entendu maintes histoires vécues. Vous avez écouté des théoriciens, des praticiens. À travers les diverses professions, les divers groupes d'intervenants, vous avez été invités à dire les vraies choses à faire, à utiliser les bons mots, à dicter les bons comportements à privilégier pour qu'en fin de vie terrestre nous puissions quitter la planète dans la dignité. Votre pèlerinage devrait vous permettre d'atterrir bientôt et de recommander à vos collègues législateurs les balises à proposer, entre autres, aux intervenants en droit d'assister toute personne en fin de vie. Votre tâche est colossale et votre responsabilité couvre un champ très étendu au niveau du savoir-être et du savoir-faire.

Le point que j'aborde aujourd'hui devant vous est vital et, me semble-t-il, non traité à ce jour devant la commission sur le droit de mourir dans la dignité. L'appellation de suicide assisté largement véhiculée ces temps-ci n'est définitivement pas appropriée. Il nous faut en comprendre toutes les implications futures et nous devons en prendre conscience dès maintenant.

Depuis plus de 40 ans, je m'implique à fond en région Côte-Nord et j'ai reçu en 1987 une reconnaissance provinciale de la part de l'Association québécoise de suicidologie, notamment pour avoir rencontré des étudiants dans les écoles, organisé de la formation en collaboration avec le Centre de prévention du suicide de Québec. Et tantôt on a eu des bénévoles ici. Et je vais ouvrir une parenthèse pour dire que j'ai reçu l'an passé le prix Hommage bénévolat-Québec, la Médaille de l'Assemblée nationale et d'avoir été applaudi à l'Assemblée nationale par quelques-uns parmi vous. Je ferme la parenthèse.

Mon cheminement comme conseiller auprès du Tribunal de la jeunesse pendant près de 25 ans et mon implication comme bénévole m'ont appris à choisir les bons termes, les bons mots. Vous conviendrez avec moi que les mots choisis sont importants, autrement on ne se comprend pas, on interprète ce que l'on dit, bref tout s'en va de travers. Je précise ici que je suis tout à fait d'accord à donner à un être en pleine possession de ses moyens, avec l'assistance de personnes compétentes en semblable matière, le pouvoir, le droit de dire: Je ne veux plus souffrir. La médecine ne m'accordant aucune possibilité de guérir, étant assuré de souffrances interminables qui mettront également dans l'embarras les êtres aimés dans mon entourage, je veux que l'on m'aide à mourir.

**(15 h 10)**

Pour moi, la situation d'une personne qui se suicide se compare à celle d'une personne en affaires qui se retrouve en situation constante de perte financière et, en fin de compte, acculée à la faillite. Dans les deux situations, cette personne ne voit pas d'alternative, pas de mesure de rechange, aucune issue vivable, pas de solution en vue sinon que de fermer les portes, déclarer faillite. Ainsi en est-il de la personne qui n'est plus capable, ne veut plus souffrir. Dans certains cas, les gestes posés ont été annoncés à l'avance, mais pas décodés. Dans d'autres cas, il ne sera pas ou peu possible d'intervenir à cause du silence souffrant de la personne en détresse.

Là où je m'insurge par rapport au projet de loi, c'est sur la pertinence de l'appellation de suicide assisté. Dans la société, on se mobilise pour prévenir le suicide, on ouvre des centres d'intervention, de prévention du suicide, on forme des intervenants, on nous invite à être à l'écoute de tout signe de détresse avant-coureur de suicide possible, que ce soit chez un de nos proches ou un de nos collègues de travail. On organise d'importantes rencontres, comme le mois dernier, ici à Rimouski, la problématique du suicide est très préoccupante, il nous faut donc intervenir.

Dans le projet de loi sur le droit de mourir dans la dignité, on nous casse les oreilles avec l'appellation de suicide assisté. Et il me semble avoir entendu certains propos inquiétants, surtout quand on parle d'euthanasie de façon presque désinvolte. Je suis certain que l'on trouverait ridicule que je propose l'ouverture de centres d'intervention de suicide assisté. Certaines régions du Québec ont tristement un taux élevé de suicide chez les jeunes. On entend de plus en plus parler de suicide chez les personnes âgées. On dit que 39 % chez les 50 ans et plus tentent de se suicider dans l'Est du Québec.

Je vous dis avec force qu'il ne faut pas, qu'il ne faudra plus jamais parler de suicide assisté, cela n'a aucun sens. La très grande majorité des personnes avec qui j'ai partagé ma vision des choses se sont montrées en accord avec ma démarche pour dénoncer l'appellation de suicide assisté. J'ai contacté par courriel plusieurs parlementaires. Au bureau du premier ministre, on m'informait: «Nous sommes sensibilisés à ce que vous soulevez. De nombreux termes sont utilisés. Une partie du travail de la commission sera d'obtenir un consensus sur la définition des divers éléments. Croyez en ce sens que vos propos alimenteront notre réflexion.» Fin de la parenthèse.

Beaucoup de gens vous ont parlé du danger de dérapage face à tel ou tel type d'intervention. Qu'on ne vienne pas me dire que les mots ou, pire encore, que leur signification n'ont pas d'importance. Les mots sont le véhicule de notre pensée, qu'elle soit personnelle ou collective, comme présentement avec ce projet de loi. De grâce, il ne faut pas enchâsser dans une loi l'expression de suicide assisté. Parlons du droit de mourir dignement, du droit d'aider une personne à mettre fin à son parcours terrestre, à ses souffrances. Parlons de son droit de dire: Je veux arrêter de souffrir, je veux qu'on m'aide à mourir dignement. Surtout, ne pas dire dorénavant que la loi va nous permettre de faire des suicides assistés.

Je vous invite séance tenante, et tout le monde ici présent, à faire un exercice de réalité avec moi. Vous êtes chacun, chacune un intervenant, une intervenante en prévention, en intervention, en accompagnement de personnes vivant la problématique du suicide. Vous bénéficiez de la formation appropriée, vous êtes compétents, expérimentés, aguerris. Cela fait deux, voire trois heures que vous accompagnez une personne, que vous cherchez à trouver une solution alternative, une mesure de rechange, pour installer en elle une lueur d'espoir, un regain de vie. Vous êtes fatigué, épuisé. Vous vous remettez même en question, à certains moments. Vous avez utilisé au maximum votre expertise. Vous ne pouvez recevoir de l'aide de personne. Vous êtes mal à l'aise, vous cherchez une issue et vous vous dites: Que faire? Vous changez alors de registre et vous vous apprêtez à offrir à la personne en détresse, en processus de suicide, une solution alternative, celle du suicide assisté, la loi vous le permet maintenant. Trouvez-vous cela exagéré? Trouvez-vous cela ridicule? Quels seront les paramètres que la loi va dicter? Quels seront les bons gestes à poser?

Après avoir cheminé à travers cette simulation, persistez-vous, qui que vous soyez, encore à parler de suicide assisté? Je suis tenté de dire que, comme société, nous avons et nous aurons un grave problème non résolu. On me dira: À peu près tout le monde parle de suicide assisté. On en parle dans les lois de certains pays. Et comme un ado je vous dirais: Et puis après?

Il n'est pas nécessaire de répéter les erreurs des autres. Il n'est pas nécessaire d'utiliser les mots et les expressions non appropriés. J'aurai été l'un des seuls peut-être à réclamer un remue-méninges, à insister auprès de vous, Mmes, MM. les législateurs, à ne plus utiliser l'expression de suicide assisté et je me dirai: J'aurai voulu faire évoluer le débat.

En terminant, j'ai une importante invitation à vous faire. À ce que je sache, à ce jour, vous avez reçu et entendu des adultes à votre commission parlementaire. Aucun jeune de 12, 14, 16, 18, 20, me semble-t-il, n'est venu s'exprimer. Pensons que, dans 10 ans, 20 ans, ce seront eux les intervenants qui nous aideront à mourir dans la dignité. Posons donc un regard tout neuf sur un futur rapproché.

Je vous invite à associer les centres d'intervention de prévention du suicide, les maisons de jeunes et les directions de la protection de la jeunesse à travers le Québec pour recevoir et entendre de façon appropriée ce que ces jeunes citoyens ont eux aussi à dire sur le sujet. Pensons qu'ils seront nos adultes et, qui sait, nos parlementaires, nos législateurs de demain. Ne pas les mettre à contribution constituera, à mon point de vue, une très grave erreur. Une récente étude des dossiers de jeunes sous la responsabilité de la DPJ révèle que près de 18 % parmi eux ont vécu la problématique du suicide au point de tenter de se suicider. Dans ce contexte, je suis très inquiet quand je pense à l'appellation de suicide assisté. Je vous remercie, messieurs dames les législateurs, de votre écoute au nom de la vie.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Pelletier. Une courte précision: vous avez évoqué la notion d'un projet de loi, et je veux vous assurer qu'il y a un document de consultation mais il n'y a pas de projet de loi, on n'est pas à ce stade. Si jamais ça va arriver, on n'a même pas conclu ça encore. Alors, je veux juste une petite précision.

Et on a eu un témoin, je pense, de 18 ans, et un endroit où on voit la participation des jeunes, c'est notre questionnaire en ligne, parce que beaucoup des personnes qui ont pris la peine de le remplir sont les jeunes. Mais vous avez raison -- et il y a quelques jeunes qui sont venus témoigner -- je pense c'est très important de les entendre aussi parce que c'est un enjeu pour l'ensemble de la société québécoise, pas juste pour les personnes d'un certain âge. Alors, votre commentaire, c'est bien reçu.

Je vais maintenant aller à la période d'échange avec les membres de la commission, et en rappelant que c'est une demande d'intervention dans notre jargon. Alors, on a environ 15 minutes à diviser entre les membres. Alors, si on peut poser les questions les plus précises possible. Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau: Merci, M. le Président. Je veux vous taquiner en partant parce que vous me semblez avoir un sens de l'humour incroyable. Page 5: «Vous bénéficiez de la formation appropriée, vous êtes compétents, expérimentés, aguerris.» Je garde cette page-là, je la mets dans mon miroir de chambre de bain puis, à tous les matins, je vais la lire. J'en ai besoin.

M. Pelletier (André): Et bon bien vous en fasse, chère madame.

**(15 h 20)**

Mme Charbonneau: Vous disiez qu'on n'a pas beaucoup entendu de jeunes, et le président vous a dit qu'on en avait entendu. Et vous faites bien de nous rappeler que le mot suicide est lourd de conséquences. Et on a eu le regroupement des gens pour le suicide au Québec qui sont venus nous rencontrer aussi pour nous sensibiliser par rapport à ce mot-là. Difficile de choisir un autre mot quand on veut définir les choses, mais j'entends ce que vous dites quand vous dites: Soyez prudents dans l'utilisation de vos mots. D'autant plus qu'on fait de la politique, chaque mot est pesé, mesuré, et vous avez raison de nous le rappeler.

Mais il y a quelque chose que vous adressez dans votre mémoire ou dans votre texte que peu de gens ont adressé, puis, ça, je vous en félicite: le suicide chez les personnes âgées. Parce que, malheureusement, quand on dit suicide, on pense souvent à nos jeunes qui sont dans un moment de vie où... Nous, on se l'est dit et on se l'est fait dire que la première peine d'amour peut être dramatique. Et vous avez sûrement eu devant vous des jeunes qui ont vécu des choses qu'ils pensaient qu'ils étaient les seuls puis qu'ils voulaient passer à autre chose. Mais il faut aussi se rappeler que le suicide touche tous les âges, tous les gens. Et cette pensée magique de: Je vais en finir puis je n'aurai plus de problème, elle semble fort simple. Donc, quand vous dites que vous n'adressez pas quelque chose d'important ou que... pas d'important mais que, dans le fond, le mot «suicide», c'était le but de votre... je pense que le suicide chez les personnes âgées, c'est quelque chose qu'il faut adresser.

Ma question, ma seule et unique: Est-ce que j'adresse de la même façon le suicide chez un jeune que chez les personnes âgées, d'après votre expérience à vous? Je le vois comment?

M. Pelletier (André): La personne qui est en processus de suicide, comme je l'ai comparé à une personne qui est en affaires, c'est une personne qui est en constante... déficitaire puis veut arrêter de souffrir. Il n'y a personne qui veut se tuer, il n'y a personne qui veut mourir. Et se suicider, ce n'est pas une décision. Jamais, dans aucun cas. C'est un arrêt de souffrance ultime. Que ce soit visuel, que ce soit à cause de la santé, une souffrance psychologique ou autre, la personne ne veut plus souffrir, elle est en déficit puis elle dit: Je ferme les portes, point à la ligne. Mais malheureusement, beaucoup de monde ne les écoute pas.

Mme Charbonneau: On ne les entend pas.

M. Pelletier (André): Mais je veux juste vous dire une chose, Mme Charbonneau, ce n'est pas une invitation que je vous fais de trouver un autre terme, je vous dis: Ne l'utilisez plus, le mot «système assisté», je l'ai entendu quatre fois aujourd'hui.

Mme Charbonneau: Puis vous allez continuer à l'entendre.

M. Pelletier (André): Puis je ne veux pas vous en blâmer.

Mme Charbonneau: Mais vous allez continuer à l'entendre, puisqu'il fait partie du texte, puis, par respect pour les gens qui se sont engagés dans le processus, ici comme ailleurs, on va se rendre jusqu'au bout. Mais je vous entends, puis, pour la suite des choses, croyez-nous.

M. Pelletier (André): Vous aurez eu la constante de ma détermination, madame.

Le Président (M. Kelley): M. le député d'Orford.

M. Reid: Merci, M. le Président. Rapidement. D'abord, je vais vous féliciter pour votre feuille de route exceptionnelle. Et vous savez de quoi vous parlez quand vous parlez de lutte au suicide. Le suicide chez les jeunes, on sait tous comment c'est incroyable, là, parce qu'on dit: Ça ne se peut pas qu'un jeune de 17 ans n'ait pas de porte ouverte, là, ça ne se peut plus, tu sais? Il y a des portes qui sont juste... il ne les a pas vues, il ne les voit pas.

Et les suicides chez les aînés, c'est une autre affaire, puis peut-être qu'on n'en a pas assez parlé. Moi, je sais que, dans mon comté, on a fait des choses communautaires, là, pour briser l'isolement. Parce que c'est une des sources, là, quand les gens sont tout seuls, ils sont isolés, finalement à un moment donné ils n'ont plus de fenêtre avec le reste de la société, puis c'est un des problèmes, là. Et je sais qu'il y a des gens qui étaient sur le bord du suicide, qui sont devenus des bénévoles puis que ça fait six ans, huit ans, ils font une vie fantastique puis ils sont heureux comme ce n'est pas possible. Donc, il y a vraiment des choses à faire encore et de l'aide à donner.

Juste pour être très précis sur ce que vous dites, vous parlez de l'effet des mots. Et mettons qu'on élimine ce mot-là pour dire tout autre mot, au-delà de l'effet des mots, il y a l'effet de ce qui existe. Si jamais on proposait d'ouvrir une porte et que le Parlement décidait d'ouvrir une porte dans ce sens-là, il n'y a rien de tout ça qui est fait là, mais si jamais, avec des mots qui seraient mieux choisis, comment vous voyez qu'on peut éviter ou limiter les effets négatifs?

On nous a dit, là, l'Association québécoise de prévention du suicide nous a dit: C'est un mot... le mot lui-même, là, est porteur de quelque chose de négatif, il faut absolument l'éliminer par la suite, une fois que la consultation est finie. Mais comment est-ce qu'on peut éliminer l'effet potentiel négatif sur, disons, le suicide, si on va dans ce sens-là? Il y en a qui disent: Il n'y a pas moyen d'éliminer, ça va avoir un effet épouvantable. La décision n'est pas prise, mais, si on allait là, est-ce que vous pouvez nous donner quelques indices, là, des possibilités ou des moyens? Est-ce que c'est une campagne qu'il faut? Est-ce que vous avez des idées là-dessus?

M. Pelletier (André): C'est une excellente question dont la réponse n'est pas à donner de but en blanc, là. Mais je me dis, la journée où on aura enlevé, dans le vocabulaire, «suicide assisté», déjà on a réglé une partie du problème. Déjà, quand les médecins vont arrêter de parler de suicide assisté et les avocats, etc., déjà on aura réglé une partie du problème puis on aura déconnecté intervention, prévention du suicide puis suicide assisté. Ça ne marche pas. Et il faut trouver d'autres termes, le droit d'aider quelqu'un à mourir, le droit d'aider la... un terme qui signifiera l'accompagnement, etc., mais surtout pas «suicide assisté». Je vais insister jusqu'à la fin. Pas jusqu'au suicide, mais jusqu'à la fin.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pelletier (André): Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Bonjour, M. Pelletier. Merci beaucoup pour votre propos. Effectivement, c'est quelque chose qui a été un peu évoqué mais moins par la terminologie, plus par la réalité du suicide assisté. Et en ce sens votre contribution est effectivement unique et importante pour nous.

Moi, je veux bien saisir. Je veux d'abord vous dire que je pense que, comme commission, on s'est donné un vaste défi, un vaste mandat, rien de simple. Mais on était très soucieux qu'il n'y ait pas de tabou dans le débat et qu'on puisse aborder toutes les questions, retourner toutes les pierres, et une manière de le faire c'était aussi de mettre dans le débat les termes que l'on entend généralement et qui sont associés à ces réalités-là dans des législations qui existent déjà.

Donc, je suis très sensible à ce que vous dites et je pense que ça va nous alimenter beaucoup, mais on n'avait pas le choix, selon moi, d'aborder les termes «euthanasie» et «suicide assisté» dans le cadre du débat parce qu'on sait, par exemple, qu'en Oregon, à Washington, ce sont des lois sur le suicide assisté. On sait, par exemple, que Sue Rodriguez, devant son débat devant la Cour suprême, demandait le suicide assisté. Donc, pour nous, c'est important que les bases soient communes, que l'on discute des mêmes réalités. Après, à savoir, si jamais il devait y avoir une ouverture, est-ce que ces termes-là devraient être repris? Ça, c'est une autre paire de manches, puis je suis tout à fait bien votre raisonnement là-dessus et puis je pense qu'effectivement il faut se poser les questions.

Mais, moi, ce que je veux savoir, c'est... vous dites, je crois que c'est à la page 2, en bas de la page 2 de votre mémoire, vous dites: «Je précise [...] que je suis tout à fait d'accord pour donner à un être en pleine possession de ses moyens [...] le pouvoir, le droit de dire: Je ne veux plus souffrir. La médecine, ne m'accordant aucune possibilité de guérir [...] je veux qu'on m'aide à mourir.» Vous, vous appelez beaucoup ça l'aide à mourir. Juste en passant, petite parenthèse, moi, des fois, c'est une expression que j'utilise. Il y a des gens qui sont venus dire: Arrêter d'utiliser «aide à mourir» parce que ce n'est pas assez clair, il faut que vous soyez claire, est-ce que vous parlez d'euthanasie ou de suicide assisté?

Ça fait que je fais juste vous lancer ça un peu en boutade parce que c'est difficile des fois de... Mais, moi, je pense qu'«aide à mourir», c'est un vocable qu'on peut explorer aussi parce qu'il touche différentes réalités. Mais, moi, de ce que je décode de votre présentation, vous dites: Attention au terme «suicide assisté» parce que c'est très lourd, mais vous semblez ouvert à l'idée que, dans certaines circonstances, il puisse y avoir une aide à mourir. O.K.

M. Pelletier (André): Oui.

Mme Hivon: Vous savez...Oui. Allez-y.

M. Pelletier (André): Et je vais même plus loin, de vous dire, faire attention, je vous demande de ne plus jamais l'utiliser.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Hivon: Oui. J'ai compris ça. C'est très clair. Il n'y a pas de doute. Mais, dans les définitions, vous avez sans doute lu notre document, moi, ce que je veux comprendre, c'est que ces deux termes-là qu'on utilise beaucoup, «euthanasie» et «suicide assisté», ils réfèrent à des réalités différentes. Euthanasie, c'est dans un contexte, je dirais, médical où c'est un médecin qui, par exemple, met fin à la vie de quelqu'un par une injection létale à la demande de la personne, bon, on sait, bon, le contexte, alors le suicide assisté tel qu'il existe, par exemple, dans deux États américains, c'est une prescription qui est donnée au patient, oui par un médecin, mais que lui fait remplir et prend à sa convenance, après qu'il y ait eu évidemment des balises puis qu'on dise: Il a une maladie finale, terminale, bon, tout ça.

Vous, quand vous dites que vous êtes ouvert à la réalité mais pas aux termes, ça, je comprends, à quelle réalité des deux vous référez, celle en milieu médical, balisée avec l'aide d'un médecin dans un contexte de fin de vie, par exemple, ou via une prescription où c'est la personne qui, elle-même, passe à l'acte au moment qu'elle le souhaite, pas nécessairement dans un contexte médical?

M. Pelletier (André): Je trouvais bien l'approche du médecin, ce matin, qui nous disait finalement, après avoir consulté la personne, avoir vérifié comment la personne vivait, tout son entourage, etc., en disant à la personne: Est-ce que vous êtes prête? Est-ce que vous acceptez telle ou telle façon de décéder?, elle lui aidait finalement à s'endormir puis à mourir tranquillement. C'est plus de cette façon-là que je le vois, que de dire finalement... la personne dit: Je suis tanné, il n'y a pas de consultation. Il m'apparaît important qu'il faut qu'il y ait le plus possible un consensus entre les personnes vivantes et les personnes intervenantes avant qu'une décision soit prise. Je réponds à votre question de cette façon-là.

Mme Hivon: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Alors, bonjour, M. Pelletier. C'est clair, net et précis, il y a deux mots que je n'emploierai pas aujourd'hui parce que vous êtes là. D'accord? Bon. Je ne veux pas me faire sentencer, là.

**(15 h 30)**

M. Pelletier (André): Mais vous allez les emprunter quand je serai parti?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Champagne: Non, pas du tout. Pas du tout parce que ce sont des mots qui heurtent, ce sont des mots qui heurtent, que ce soit dans la Mauricie, d'où je viens, ou que ce soit ailleurs dans notre tournée. J'en ai fait moins long que ma collègue, ici, qui est la vice-présidente de la commission, mais suffisamment de mémoires lus et de mémoires envoyés par Internet, par des jeunes également. On a même des écoles où ça a été comme quasiment un devoir qu'on a donné aux élèves. Et on en a reçu un tout dernièrement, que je n'ai pas lu encore, et ce sont sept, huit, neuf, peut-être même 10 jeunes qui se sont prononcés sur ces termes-là, termes que vous n'aimez pas. Et je ne perds pas connaissance, là, en vous entendant, parce que ce sont des termes qui me heurtent, moi aussi. Ce n'est pas des termes qu'on aime entendre. Et on se bat tous, dans nos régions, on a tous des groupes de prévention suicide, on a tous des comités qui vont dans les écoles. Je le fais moi-même, M. Pelletier, aller dans les écoles pour dire aux jeunes qu'il faut persévérer, il faut tenir à la vie, il faut tenir également, là, à un avenir parce qu'on a un avenir quand on a, surtout, 15, 16 et 17 ans, encore plus que jamais.

M. Pelletier (André): Et même à nos âges, madame, on a encore de l'avenir.

Mme Champagne: Et même à nos âges, bien évidemment. Je suis une prétendante, un jour, à l'âge de la sagesse, n'est-ce pas? Bon. Et je l'ai déjà atteint un peu, mais pas encore, j'ai encore un grand bout de chemin à faire. Bon.

Ceci étant, ma collègue a posé la question, et je la trouve très importante. Vous êtes en accord sur l'idée de mourir dignement. Il y a toutes sortes de façons de mourir dignement. Comme tout à l'heure, une dame nous disait que c'est bien important également de vivre dignement. Ça va de soi. On peut vivre dignement, et, comme la mort, c'est comme quelque chose de naturel et que je n'ai pas le choix, je ne le contrôle pas vraiment, alors donc, un jour, ça va arriver. Et, moi la première, je veux mourir dignement.

Et je veux bien, bien, bien, bien saisir, là, à partir du moment où on le sait, et je le dis, même, je l'argumente avec mes collègues pour avoir vécu ça dans nos propres familles... On vient tous de monde normal, on ne descend pas d'aucune autre planète, en passant. Donc, on a tous des frères, des soeurs, des pères, des mères qui un jour ont eu à passer par la mort, et on a vu de l'aide des gens qui les ont accompagnés sur leur lit de mort, et on a cru tous comprendre que la dernière injection a libéré la personne de sa souffrance. Mais je ne pense pas qu'on ait voulu les tuer; on les a accompagnés dignement dans la mort en faisant qu'ils ne souffrent plus.

Alors, quand vous nous dites qu'il faut qu'on aide à mourir dignement quelqu'un, qu'on la soulage de ses souffrances, je comprends que vous ne voulez pas qu'on la tue; vous voulez qu'on la soulage à tout jamais. C'est bien ça?

M. Pelletier (André): Bien, en plus, madame, je suis commissaire aux libérations conditionnelles. Ne faites pas ça, je ne vous libérerai pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Champagne: Bon. Alors, j'ai bien compris. Donc, on s'entend même sur le fait qu'il y a des mots que vous ne voulez pas entendre, mais vous n'êtes pas seul et isolé dans votre cas. Nous, on ne se prononce pas. D'abord, on ne peut pas se prononcer parce que plus vous nous parlez, plus je pense que des fois on se questionne, d'accord? Non, il n'y a pas de loi comme telle, puis je ne la vois pas, moi non plus, possible maintenant. On répond à ce qui se passe ailleurs et surtout, je voulais le dire, à des demandes de gens, autant dans mon secteur à moi, chez moi, dans ma région, comme mes collègues. On vient nous dire: Pourquoi tu m'empêcherais, moi, de vouloir mettre fin à une vie qui est absolument inacceptable? Puis on est aussi heurtés par cette question-là que par les mots que vous ne voulez pas que je dise et que je ne dirai pas.

Donc, on se comprend sur les mots. Et merci de votre témoignage. C'est... je ne dirai pas «rafraîchissant» parce qu'on l'emploie, à un moment donné, à toutes les sauces, là, mais ça vient apporter une autre couleur. Et votre fermeté et votre volonté de nous empêcher de dire des mots, c'est tout à votre honneur.

M. Pelletier (André): Bien, c'est plus, ça va au-delà d'un désir que vous n'utilisiez pas le vocable, madame. Parce qu'on fait des interventions pour aider des gens à trouver une autre raison pour continuer à vivre, pour s'enrichir, pour devenir quelqu'un. C'est ça, c'est cette dichotomie entre faire des interventions pour ne pas que les gens se suicident puis, là, on va faire des petits suicides assistés.

Mme Champagne: J'ai bien compris. Merci.

M. Pelletier (André): Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Alors, mes deux collègues veulent intervenir. Alors, si on peut faire ça le plus court possible. Le député de Matane, suivi par le député de Rimouski, mot de la fin. Alors, M. le député de Matane.

M. Bérubé: Merci, M. Pelletier. Là, je comprends que vous avez emprunté le Camille-Marcoux pour vous rendre ici.

M. Pelletier (André): On peut rester ensemble, je retourne juste lundi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bérubé: Très bien. Alors, la traverse, c'est Matane, on attend le nouveau bateau, d'ailleurs, vous le savez.

M. Pelletier, évidemment, il y a ce vocable-là, puis je comprends que c'est votre expérience en prévention, en intervention auprès notamment des jeunes, mais pas uniquement des jeunes, qui fait en sorte que vous ne voulez pas que tout le travail qui a été fait, consenti soit un peu, là, mis à mal par ce vocable-là. Je suis d'accord avec ça, mais, ceci étant dit, ça n'occulte pas cette réalité qui existe entre un jeune, par exemple, qui a des pensées suicidaires pour une rupture amoureuse, un échec de vie, une situation familiale, qui est souvent jeune mais qui peut être plus vieux versus quelqu'un qui est dans une situation ou vit une maladie incurable.

Je pense à plusieurs personnes qui me font part de témoignages, notamment des gens qui ont la sclérose en plaques, cette maladie-là et d'autres, le cancer, des gens qui voient leur espérance de vie réduite et leur qualité de vie mise à mal. Et la question qu'ils nous posent, ma collègue le dit: De quel droit, nous, législateurs ou membres de la société québécoise, pourrions-nous empêcher, par une législation ou par notre choix moral, de le faire?

Je comprends que ce n'est pas votre intention, et que l'idée est de faire une distinction entre des gens qui ont d'autres choses à vivre et pour qui il n'y a rien d'insurmontable, des fois il faut voir les choses d'une façon autre, donc tu peux avoir des pensées, on est là pour t'accompagner, te dire qu'il y a de belles choses à vivre, versus des gens pour qui on se rend bien compte qu'il ne faut pas leur faire de faux espoirs en leur disant: Continue de vivre, etc. Et, moi, je fais confiance aux gens.

Donc, ce que je comprends, en terminant, c'est que vous faites cette distinction-là. Et, même si on retiendra probablement que c'est le choix de vocable qui est votre leitmotiv principal, vous faites cette distinction-là entre les deux types de personnes qui pensent à mourir?

M. Pelletier (André): Oui, parce que le jeune puis la personne qui est en phase terminale, c'est quand même deux choses, là. Le jeune, c'est qu'il ne voit pas aucune perspective, c'est plus criant de ne pas voir de perspective. La personne adulte, la personne qui a une maladie incurable, qui est en phase terminale, elle veut carrément arrêter de souffrir, elle ne voit pas nécessairement d'avenir, elle est plus pognée: Je suis tannée de souffrir, quand est-ce que ça va arrêter? C'est plus là-dessus que d'autre chose.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Rimouski.

M. Pelletier (Rimouski): Merci, M. le Président. Bonjour, M. Pelletier, bienvenue sur la Rive-Sud. On est probablement parents, mais ça remonterait peut-être à La Rochelle ou à l'île de Ré, dans ce coin-là?

M. Pelletier (André): Ou peut-être d'une fille de vie qui est arrivée à Québec, là.

M. Pelletier (Rimouski): C'étaient les filles du roi, M. Pelletier. Dans la question de mourir dignité, on parle beaucoup de... on a parlé tout à l'heure avec des bénévoles, on a parlé ce matin avec Dre La Fontaine que vous avez citée, d'ailleurs, Dre La Fontaine qui nous a surtout parlé d'euthanasie, parce qu'elle est vraiment contre l'euthanasie. Vous, vous nous parlez des mots qu'on ne peut pas prononcer. Ce mot-là, d'ailleurs, cette expression-là, M. Pelletier, apparaît 14 fois dans votre texte que vous nous avez présenté. J'ai pris le temps de les compter.

M. Pelletier (André): Vous savez une chose, je suis bricoleur, puis quand on veut planter un clou, ça prend un marteau. Ça prend une «opération Marteau» pour frapper dessus.

Le Président (M. Kelley): C'est un autre débat pour une autre journée, s'il vous plaît.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bérubé: Voulez-vous vraiment embarquer là-dedans?

M. Pelletier (André): Je faisais juste allusion au truc publicitaire de RONA Dépôt qui font une opération marteau de ce temps-ci.

Le Président (M. Kelley): C'est ça que j'ai compris.

M. Pelletier (Rimouski): Ah bon, O.K.. Alors, M. Pelletier, j'en reviens à ma question, c'est que, tout à l'heure, à l'intermission, je parlais avec quelqu'un dans la salle, une grande dame qui est infirmière, qui a une maîtrise en éthique, mais c'est surtout une grande dame parce que c'est la mère de mes enfants, puis elle me faisait penser à un thème, puis ça me fait penser à une question que j'ai à vous poser: Si vous assistez quelqu'un, par exemple, qui est en phase terminale et puis vous avez le choix entre le respect de la vie ou le respect de la personne, est-ce que vous prioriseriez la vie, le respect de la vie au détriment de la personne ou le respect de la personne au détriment de la vie?

M. Pelletier (André): C'est une question à 100 000 $.

M. Pelletier (Rimouski): Une question d'éthique.

M. Pelletier (André): Mais, je vais vous dire, en respectant la personne dans son cheminement, dans son désir, dans sa façon d'évoluer, dans ce qu'il est possible ou non possible, on va aussi respecter la vie.

Le Président (M. Kelley): Sur ce, M. Pelletier, merci beaucoup. Avec la vice-présidente, nous avons assisté au colloque de l'Association québécoise de la prévention du suicide. C'est un travail que vous faites qui est très, très important, un enjeu majeur pour la société québécoise. Alors, continuez votre bon travail dans ce domaine parce que c'est un enjeu qui nous préoccupe. C'est un petit peu en parallèle de nos travaux de la commission, mais c'est très, très important. Alors, bravo pour cet engagement communautaire.

Sur ce, je vais suspendre quelques instants et je vais demander à la première de nos témoins, qu'on va écouter dans la période de micro ouvert, Marie-France Bouchard, de prendre place à la table, s'il vous plaît. Et je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 40)

 

(Reprise à 15 h 42)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président (M. Kelley): Mesdames et messieurs, à l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président (M. Kelley): Oui. Chers collègues, membres de la commission, M. le député de Matane, M. le député de Rimouski. Un élément qu'on a ajouté à la forme traditionnelle d'une commission parlementaire, c'est cette notion de micro ouvert. C'est de permettre aux personnes dans la salle de faire des courts commentaires à la fin de nos sessions. À chaque séance, on veut faire quelque chose qui est extraordinaire ou battre un record, alors nous avons un record aujourd'hui parce qu'on a 10 demandes de personnes qui veulent prendre... Alors, je vais essayer d'être le plus discipliné possible. Je vais vous accorder un temps de parole de trois à quatre minutes. Je vais vous indiquer quand il reste une minute.

Alors, je vais demander à tout le monde d'être le plus concis possible parce qu'en principe on termine dans deux minutes. Alors, on risque de dépasser le temps qui est alloué, mais... Notre deuxième personne qui va intervenir, c'est Lise Dolbec, alors, si elle peut être pas loin. On va commencer avec Mme Marie-France Bouchard, mais je vais... Il n'y aura pas d'échange avec les membres de la commission, c'est vraiment le tour aux citoyens et aux citoyennes de vous exprimer, et on va faire ça en cavalcade un petit peu. Mais, si on peut commencer avec Mme Marie-France Bouchard, s'il vous plaît.

Mme Marie-France Bouchard

Mme Bouchard (Marie-France): Alors, bonjour, M. le Président, Mmes et MM. les commissaires. Alors, je veux m'adresser à vous, à votre coeur humain pour présenter ce commentaire qui représente la pensée de tous ceux et celles de mon entourage qui n'osent pas écrire ou parler, se disant que cela ne servirait à rien, que leurs paroles n'intéresseraient personnes, étant donné qu'ils ne sont pas spécialistes dans le domaine de la vie et de la mort. Mais le sujet touche tout le monde: les bien portants, les personnes âgées, les jeunes, les riches, les pauvres qui sont en santé aujourd'hui, peut-être malades demain.

Qui se sent à l'abri de la maladie ou de la vieillesse? Qui de nous veut prendre la responsabilité de décider d'une telle loi quand on sait qu'elle risque d'occasionner d'énormes malentendus entre les membres d'une même famille, entre le patient et son médecin, entre les êtres en qui nous pourrions avoir une confiance tranquille?

Qu'auraient à dire nos pères et nos mères et tous ceux déjà disparus? Car une loi décriminalisant l'euthanasie et le suicide assisté ouvrirait une grande porte pour régler tous ces cas qui nous pèsent et que nous avons plutôt tendance à fuir, car nous fuyons souvent tout ce qui demande beaucoup de notre temps, de notre personne parce que tout cela nous empêche de se réaliser personnellement -- je veux être libre, faire uniquement ce qui me plaît -- mais on oublie la richesse humaine des relations d'aide dans ce monde.

L'euthanasie et le suicide assisté régleraient les cas difficiles à administrer. En les éliminant, nous serions tranquilles, nous aurions plus de temps et plus d'argent pour financer tous ces projets plus populaires. Nous n'aimons pas partager ces sentiments désagréables qu'engendre la maladie physique ou mentale, les angoisses et la détresse de la souffrance ou de la mort, mais ce n'est pas en éliminant les malades et les vieillards que nous serons plus tranquilles face à ces éventualités. Ne serions-nous pas plus inquiets qu'on abrège nos jours à nous, advenant le cas qu'on juge notre état trop lourd pour la famille ou pour la société?

Nous vivons malheureusement dans une société où tout est chacun pour soi. La souffrance fait peur à chaque individu. Comme la maladie, la mort nous fait peur, et ce n'est pas en éliminant les malades et les personnes âgées, en assistant les gens dépressifs qui veulent en finir que nous serons plus sécures face à ces éventualités. Au contraire, en plus d'être malades, nous aurions le souci qu'on veuille abréger nos jours parce que nous sommes trop malades. Le système médical est, rappelons-nous, fait pour soigner, aider et prolonger la vie. Nous avons droit aux soins médicaux en tout temps et dans toutes situations, particulièrement celles qui nous sont les plus difficiles.

Nous jouissons d'un privilège extraordinaire et nous agissons comme des enfants gâtés qui voudraient maintenant décider qui a droit de vivre ou de mourir. Cette loi amènerait de manière subtile ou carrément claire à se débarrasser de ceux qui ne sont pas trop souhaités ou ceux qui ne sont plus productifs. Vivons-nous déjà dans une société matérialiste au point de ne plus reconnaître la valeur de la vie? Des premiers battements de notre coeur jusqu'aux derniers, notre instinct lutte pour notre survie chez tout être vivant normalement constitué.

Si quelqu'un désire mettre fin à ses jours, ne devrions-nous pas lui offrir une aide psychologique ou psychiatrique car, dans ce cas, habituellement, c'est ce que nous faisons avec le commun des mortels? Ces êtres sont en détresse, angoissés et ont peur des suites de leur maladie, alors que nous savons maintenant que les soins en fin de vie sont très performants, et ils le seront toujours davantage. Ne devrions-nous pas plutôt chercher à les rassurer, à les entourer en leur apportant le plus de sollicitude possible?

Dans une société sans malades, sans personnes âgées ou handicapées ayant de la difficulté à se mouvoir où on n'y verrait que des personnes dans la force de l'âge, de moins en moins de bébés, surtout si ceux-ci présentent des anomalies, des failles, enfin, parce qu'imparfaits, nous aurions une société parfaite? Est-ce là la société que nous désirons léguer aux enfants qui nous survivront?

Je ne parlerai pas des sondages biaisés au sujet de la réponse des médecins à certains sondages, car, sur le sujet, plusieurs en ont fait allusion en se présentant à cette commission. Mes inquiétudes concernent les dangers d'une telle loi, et je voudrais vous donner l'exemple de l'expérience vérifiée de la...

Le Président (M. Kelley): Et je vous invite d'arriver vers la conclusion, parce qu'on est déjà à cinq minutes...

Mme Bouchard (Marie-France): Oui, j'y arrive.

Le Président (M. Kelley): O.K.

Mme Bouchard (Marie-France): L'expérience vérifiée de la décriminalisation de l'avortement. On disait que ce projet de loi visait à permettre l'avortement thérapeutique seulement dans les cas extrêmes de viols ou dans les risques évidents pour la santé de la mère. Expliquez-moi pourquoi, au Canada, en 2009, plus de 100 000 femmes ont été avortées? Au Québec, toujours en 2009, 26 000 femmes ont eu recours à ce moyen qu'on voulait uniquement thérapeutique. Est-ce que ces avortements ont servi seulement les cas extrêmes? Désolée, mais je ne le crois pas. Je dirais plutôt que c'est devenu, pour des centaines de personnes, un moyen contraceptif. Comment ignorer ces faits quand on nous dit qu'il n'y aura pas de débordement? La nature humaine est d'une fragilité, d'une sensibilité tout à fait adaptable à tout ce qu'on veut lui vendre.

Enfin, quand serons-nous suffisamment réveillés pour avoir un esprit critique et savoir que les décisions que nous prenons ont des conséquences importantes, et pas seulement toujours celles souhaitées? Je suis heureuse de pouvoir apporter ce point de vue qui semble rabat-joie et négatif, mais ces discussions ne sont pas banales et donnent une direction grave de conséquences à notre société, une ouverture à bien d'autres façons de répondre à un très petit pourcentage de personnes qui souhaiteraient pouvoir utiliser ce qui deviendrait un droit. Plutôt barbare, à mon avis. Et dites-moi pourquoi, si ces pratiques s'exercent...

Le Président (M. Kelley): Comme je dis, honnêtement, en conclusion, s'il vous plaît.

Mme Bouchard (Marie-France): C'est fini.

Le Président (M. Kelley): O.K.

**(15 h 50)**

Mme Bouchard (Marie-France): C'est fini. Et dites-moi pourquoi, si ces pratiques s'exercent déjà sans causer de problèmes comme on le disait ce matin, pourquoi vouloir à tout prix une loi qui inviterait tout le monde à suivre le courant? Rappelons-nous un certain slogan qui a circulé dans notre région pendant plusieurs années: Tout le monde le fait, fais-le donc. La nature humaine ne ressemblerait-elle pas un peu à ça? Cela faciliterait un peu trop les choses, j'en ai vraiment peur.

Alors, je vous remercie de votre attention et de permettre à la population de s'exprimer.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. C'est juste... j'essaie de protéger le droit de parole de tout le monde. On a neuf autres personnes, c'est pourquoi je dois juste limiter le temps. C'était une période de quatre minutes qui en a duré sept. Alors, Mme Dolbuc... Dolbec, pardon.

Mme Lise Dolbec

Mme Dolbec (Lise): Oui. Oui. Alors, bonjour tout le monde. Moi, je viens en tant que citoyenne. Ce que j'essaie d'inculquer à mes enfants, c'est que, quand on nous donne la parole, bien, c'est ça, il faut la prendre. Alors, c'est sûr que je relève un petit peu un défi parce qu'il y a beaucoup de gens qui ont dit de très belles choses, qui passent avant nous. Vous êtes pas mal vers la fin, alors on relève un petit peu le défi. Je relève aussi le défi que m'ont lancé mes enfants, hein? Évidemment, on a parlé un peu de la question, alors: Pourquoi tu ne vas pas donner ton avis? Alors, moi, j'ai huit enfants, j'ai six, actuellement, jeunes adultes et deux adolescents. Alors, je m'exige aujourd'hui ce que je leur exige à eux, hein? Alors, je me dis à moi-même: «Let's go».

Alors, je suis aussi infirmière et j'ai aussi une certaine expérience auprès de gens qui sont, selon moi, très, très malades, présentent des diagnostics importants. Vous avez parlé tantôt de sclérose en plaques, on peut parler d'asthme très sévère, même fatal, on peut parler d'arthrite rhumatoïde, des diagnostics qui sont très, très lourds. Et ce que j'ai réalisé, justement, c'est que, moi, j'avais une perception personnelle de ces diagnostics-là. Et, quand je regarde, des fois, un dossier médical, bien, je suis vraiment très peinée, très attristée, mais, quand je rencontre les personnes, je suis toujours agréablement surprise et heureuse de mon contact avec eux.

Alors, une petite anecdote pour illustrer ça, c'est, à un moment donné, c'est ça, c'est le jour de l'An, je travaille le matin du jour de l'An et j'ai affaire à justement une madame qui a le cancer. Je ne crois pas qu'elle soit en phase terminale, mais, quand même, plus de petits cheveux, puis tout ça, puis je sais que, quand je vais ouvrir la porte, je vais être en contact avec cette madame-là qui n'a certainement pas une santé suffisante pour retourner chez elle pour le jour de l'An. Et je vous avoue que je suis un peu... bien, j'ai la gorge nouée. Et, quand j'entre, elle me dit: Bonne année, garde. Alors, j'ai eu comme justement ce choc-là de réaliser que, moi, qu'est-ce qui m'habitait, c'étaient des sentiments de tristesse, j'ai la gorge nouée, et on me dit tout bonnement: Bonne année, garde. Alors, c'est quoi? C'est la grosse confrontation. Cette personne-là attendait peut-être de la visite, était contente, était... Alors, bon. Alors, ça, c'est un point que je veux faire ressortir, c'est la vision du bien-portant, de la personne en santé sur la maladie, sur la mort, la maladie, les gros diagnostics, les traitements, chimiothérapie, respirateur. Non, quand on est en bonne santé, non, on ne veut pas ça. Mais, quand on est dans les bottes du malade, quand on est dans la position, dans la chaise de l'autre personne, ça change beaucoup.

Et, moi, je me suis demandé pourquoi les gens dont le dossier médical m'attriste énormément et que je rencontre et que j'ai beaucoup de joie, c'est que je me dis: C'est ça, ces gens-là, bien, ils ont une vie, pour dire comme les adolescents, ils ont une vie, et ça, ça veut en dire long, hein? Bon. Qu'est-ce qu'ils ont de différent? Bon. Deux choses. Une chose quand je dis: Ils ont une vie, et que c'est très respectable, à mes yeux, c'est que ça fait toute référence au point... vous avez parlé l'autonomie, la prise de décision. Quand tu es malade, tu as ça aussi, et c'est ce contact-là que je sens quand je dis ça.

Et deux éléments que je veux faire ressortir, c'est: un, entre autres -- ce que je vous disais, qu'est-ce qu'ils ont de différent, eux, ils sont aux prises avec une lenteur d'exécution, une lenteur parce qu'ils ont des limitations, parce qu'ils ont certains déficits qui leur amènent des déséquilibres physiques, qui leur amènent des problèmes à se mobiliser à cause de la douleur. Alors, ils sont plus lents et, en 2010, qu'est-ce qu'il y a de pire que la lenteur? Ça, c'est un problème que tout le monde connaît, la lenteur. Et je ne sais pas si je suis la première à en parler, mais, en tout cas, tant mieux.

Et, quand je me suis mise à considérer ma venue, je me suis dit: Bon, bien, l'agonie, c'est quoi? Qu'est-ce qu'il y a dans l'agonie? Alors, l'agonie est souvent accompagnée effectivement de souffrances comme on en a parlé, mais d'une lenteur, hein, d'une lenteur, que ce soit une lenteur réelle, une lenteur de perception, d'émotion, l'émotion de l'autre qui nous dérange, l'émotion que nous procure la vue de la personne qui s'en va tranquillement, qui est paisible, tout ça.

Alors ça, c'est une chose que je me suis dite, bien on est aussi confrontés à la lenteur. Et pour parler de mots, comme monsieur voulait tantôt utiliser, bien, quand on dit abréger, ça veut aussi dire raccourcir, hein? Raccourcir, s'il n'y a pas un peu cet élément-là, en tout cas, de temps, de lenteur... En tout cas, c'est un mot qu'on utilise quand on dit abréger, abréger l'agonie, abréger les souffrances, cette lenteur-là. Mais il y a quand même quelque chose.

Tantôt, je parlais que les gens malades, tu sais, l'autonomie, la prise de décision, mais je pense que les gens mourants aussi. Qu'est-ce que je veux dire par là? C'est que, moi, aujourd'hui, je suis une personne en santé et j'ai à prendre des décisions, à évoluer dans un certain panorama, hein? Bon, comme là, exemple, je peux être un peu préoccupée, qu'est-ce que je vais faire pour souper, hein? Ça, c'est, bon, très concret pour une personne en bonne santé, mère de famille. Maintenant, si j'apprends que j'ai le cancer, je vais considérer d'autres choses. Je vais considérer: Ah! Telle personne, ça fait longtemps que je ne l'ai pas vue. Ah! J'ai tel conflit avec telle personne, il faut que je règle ça. Mon testament, mes enfants, bon. Et là, rien que le fait d'avoir des enfants... J'ai vu tellement des femmes lutter, là, mais accepter des traitements, là, vraiment, là, pour la simple et unique raison qu'elles ont des enfants. Elles ont des enfants, alors elles font tout, tout, tout qu'est-ce qu'aujourd'hui moi, je ne ferais pas, là, mais que, hein, quand tu as des enfants, là, qu'est-ce que tu ne ferais pas et jusqu'où tu n'irais pas, hein? Bon.

Alors, ça aussi c'est une chose, et puis, pour conclure, je dirais que c'est ça, la personne mourante a aussi des objectifs personnels très, des fois, subtils et qu'on ne constate, des fois, qu'à la fin. Je dirais juste ceci, que vous avez sûrement eu des paroles de rapportées quand une personne décède, c'est: Bien, ah! bien, là, on aurait dit qu'elle attendait quelqu'un. Ah! bien, on aurait dit qu'elle attendait que telle personne sorte. Ah! bien, peut-être qu'elle avait ces objectifs personnels là de dire ça.

Alors, je voulais faire une petite finale avec la dernière minute de jeu, parce que je suis souvent sur les bancs de l'aréna, mais il y a ça aussi, hein? On a mal joué en troisième, mais le coach, hein, temps mort, dernière minute de jeu. Alors, ne portez pas atteinte à la dernière minute de jeu qui est effectivement très importante dans la vie de chacun de nous. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. J'invite maintenant Pierre Beaudry comme prochain. Et, après ça, ça va être Danielle Ouellet. Pierre Beaudry.

M. Pierre Beaudry

M. Beaudry (Pierre): Tout d'abord, bonjour tout le monde. J'hésite toujours à venir dans ces espèces de rencontres où je trouve qu'il y a beaucoup de blablas qui vont mener nulle part, mais je me suis enfin décidé à venir à celle-là parce que je la trouvais assez importante. Alors, ancien professeur, curé retraité, j'ai eu la chance de rencontrer beaucoup de sortes de monde, d'enfants au secondaire qui ont passé toutes les sortes d'émotions, de situations, tout ce que vous voudrez aussi, d'accompagner, dans les milieux où j'ai travaillé, des personnes que parfois certains dans la société voudraient voir disparaître.

La première question... Je trouve que nous avons actuellement, nous vivons un débat de société majeur, qui n'est pas récent, qui a commencé dans les années soixante, soixante-dix quand, les gens de notre époque, nous avons rêvé à une sorte de grand soir égalitaire qui nous mène à une véritable folie dans laquelle nous sommes actuellement.

Si je nous écoute ou si j'écoute une partie de la société, pour avoir eu la chance de voyager dans plusieurs endroits du monde, surtout dans des endroits d'immense pauvreté, je pense exactement pour l'instant -- tout à l'heure, je pensais à ça, là -- je pense qu'en Haïti ça serait peut-être bon de leur envoyer une cargaison de pilules de cyanure actuellement pour qu'ils puissent cesser de souffrir, pour qu'ils puissent cesser d'avoir peur. Pourtant, si vous allez à Cité Soleil, si vous allez à cité moustique, si vous allez dans les endroits les plus pauvres d'Haïti, n'arrivez surtout pas avec l'espèce de dialogue ou de discours qu'on entend ici aujourd'hui, vous allez sortir avec une poignée de roches en arrière de la tête.

**(16 heures)**

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beaudry (Pierre): Ce n'est pas de ma faute.

Le Président (M. Kelley): Mais le timing était bon.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beaudry (Pierre): On n'était même pas arrangés ensemble. Si vous ouvrez cette boîte de Pandore, je vous souhaite bonne chance. Je ne sais pas comment, si jamais vous l'ouvrez, je ne souhaite pas que vous l'ouvriez, mais si vous ouvrez cette boîte de Pandore, je ne sais pas comment vous allez faire pour arrêter les dérives une fois qu'elles vont commencer. J'ai bien aimé, dans ce que la première intervenante vient de dire tout à l'heure, je me souviens, à l'époque où nous avons discuté dans la société du droit à l'avortement, nous avons mêlé deux sujets extrêmement importants et nous avons manqué de logique d'une façon absolue. Je me souviens qu'à l'époque, comme a dit cette dame, nous avions promis, le gouvernement nous avait promis, en tant que société nous nous étions promis qu'il y aurait des balises extraordinaires, que tout serait fait non seulement pour aider les femmes en souffrance parce qu'elles ne savaient pas quoi faire avec l'enfant qui s'en venait, mais aussi tout faire pour sauver l'enfant qui s'en venait. Nous sommes extraordinairement fiers d'apprendre cette année, très heureux d'apprendre cette année qu'au Québec nous avons eu 26 000 avortements. Je suis persuadé qu'à l'époque, je suis persuadé qu'à l'époque personne n'avait imaginé que nous irions à un tel niveau de barbarie et de saloperie.

La deuxième question que je me pose est la suivante. J'ai travaillé en Gaspésie. À un moment donné, j'allais rencontrer un de mes amis qui travaillait au centre Ross à Gaspé, et il y avait un étage, là, pour les personnes qui étaient très, très gravement malades. Et je me souviens d'une dame qui était alzheimer profonde, rendue dans un état quasiment végétatif. Et le médecin qui la traitait, qui était un de mes amis, me disait ceci: à un moment donné, parce qu'il y avait eu de la visite, il y avait une des personnes qui étaient sorties, elle avait dit une phrase à peu près comme celle-ci, là: J'ai-tu hâte qu'elle meure. Et le médecin m'avait dit: Pierre, le problème de madame, que je ne nommerai pas, le problème de cette dame, ce n'est pas elle. Elle, elle ne souffre pas. Elle, elle meurt goutte à goutte. Le problème de cette dame, c'est sa famille. Et, dans ce que vous vous préparez à ouvrir, cette dame serait morte immédiatement parce que les gens de sa famille, surtout ceux qui s'étaient, avec le droit, je pense, arrogé le pouvoir de décider pour elle...

Il me reste une minute?

Le Président (M. Kelley): Oui.

M. Beaudry (Pierre): O.K. Arrogé le pouvoir de décider pour elle, je suis persuadé qu'aujourd'hui la personne qui avait le droit de décider pour elle aurait demandé au médecin de la faire sauter.

Alors, avant d'ouvrir la boîte de Pandore, je vous demande simplement d'y penser, d'y penser à deux fois. Je sais qu'il y a des dérives. Je sais déjà, pour avoir eu des confidences -- vous vous doutez, de par ma profession, que j'en ai -- d'avoir eu des confidences où des gens ont carrément tué d'autres personnes pour soulager les souffrances. Je le sais. Mais de là à en faire une loi, il y a toute une différence. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Beaudry. Prochain intervenant, c'est Danielle Ouellet. Et le prochain après va être Gaston Bourdages. Et bienvenue Mme Ouellet.

Mme Danielle Ouellet

Mme Ouellet (Danielle): Merci. Bonjour, M. le Président, mesdames messieurs. Vivre dure toute la vie, mourir, seulement un instant. Tant que la personne est vivante, on doit la considérer comme telle et utiliser tous les moyens dont nous disposons pour qu'elle ne souffre pas, et la médecine a fait de grands pas en ce sens.

La souffrance... Est-ce que vous m'entendez bien? Parfait. La souffrance fait partie de la vie et parfois nous donne de grandes leçons de vie. Je pense à ces gens qui ont grandement souffert, qui sont passés près de la mort, qui ont même parfois sauvé des vies. Il y a eu un contexte malheureux, ils ont fait du bien avec ça. Ils ont redonné à la société, comme un cadeau, cette souffrance qui était transformée. La souffrance, elle n'est pas juste négative.

Loin de moi l'idée de faire l'éloge de la souffrance mais, puisqu'elle existe, puisque nous ne pourrons jamais l'anéantir, force nous est d'y faire face debout, de vivre avec; elle existe.

Notre légitime part de la souffrance et de la mort nous aveugle-t-elle à ce point que nous cherchons des solutions dans la mort? Paradoxal. En tant que société, on doit soulager celui ou celle qui souffre. Ça, je pense qu'on est tous et toutes d'accord ici. On doit aussi l'aider à bien vivre avant qu'il ne meure et c'est là qu'on doit mettre tous nos efforts, c'est là qu'on peut intervenir. Pas dans la mort, dans la vie.

On ne doit pas se tromper de cible, parce que vouloir la mort sera toujours, selon moi, un geste de désespoir. Il faut soulager le désespoir et trouver les solutions. Quelques-unes existent déjà, bien que l'accessibilité est limitée: je parle notamment, on en a parlé beaucoup ce matin, des soins palliatifs dans un contexte intime et sécuritaire pour le malade et ses proches, s'il en a.

Ceux qui travaillent tout près du «vivant-qui-va-mourir» -- et je mets des traits d'union entre «vivant-qui-va-mourir» -- savent de quoi je parle. Les intervenants en soins palliatifs, ceux qui sont en première ligne, rencontrent aussi des gens qui voulaient mourir et qui ont changé d'idée parce que maintenant entourés et aimés. Ah l'amour! Ça change le monde. Ce n'est pas comme quand on gagne à la loterie, hein? La loterie, ça ne change pas le monde, mais, l'amour, je pense que ça change le monde.

Je ne crois pas que les personnes qui travaillent en soins palliatifs soient en général pour l'euthanasie ou le suicide assisté. Je ne sais pas si M. Pelletier est là ou il m'entend. Il est là, donc on va parler... on parlera, bien, changeons donc pour la mort assistée peut-être. Alors, c'est ça, les gens qui travaillent en soins palliatifs, je ne suis pas sûre qu'ils sont en général pour l'euthanasie puis, pourtant... Veut-on se donner les moyens -- et, quand je dis moyens, je parle de moyens pécuniaires -- pour aider les personnes malades à mourir dans la dignité? Dans notre belle et grande société, devrions-nous redonner la place première à l'être humain au lieu de trop souvent le placer dans une colonne de chiffres où on a réussi à le tasser, à l'isoler? Comment parler de mourir dignement quand on n'a même pas réglé la question de vivre dignement? L'un ne va pas sans l'autre. Le gouvernement est-il prêt à investir? C'est aussi la question ou la réponse, ou l'une des réponses.

Et j'achève, il me reste quelques petites lignes. Je pense aux jeunes, à ceux qui sont fragiles, aux personnes abandonnées, aux personnes malheureuses. Je crois qu'eux aussi ils peuvent se sentir en fin de vie par le seul fait qu'ils n'ont plus d'espoir. Envisageront-ils un jour la mort comme solution à leurs souffrances, puisque la porte pourrait être ouverte ou entrouverte?

Quel exemple donne-t-on aux jeunes, aux jeunes qui pensent au suicide? Ils ont besoin de balises, de repères. Sommes-nous en train de leur montrer la porte de sortie? Et je termine. En tant que société, en tant que personne, en tant qu'être humain, l'une des solutions que nous sommes en train d'envisager pour soulager la souffrance, c'est la mort? J'ai un peu de misère avec ça, la mort comme solution, parce que, la mort, c'est irréversible. Merci.

**(16 h 10)**

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Ouellet. Prochain, c'est Gaston Bourdages. Et, pour les membres de la commission, M. Bourdages a également soumis un mémoire écrit, mais il va faire une courte présentation maintenant, mais il a également soumis un mémoire écrit à l'intention des membres de la commission. M. Bourdages.

M. Gaston Bourdages

M. Bourdages (Gaston): M. le Président, mesdames et messieurs membres de la commission, merci à vous d'exister. Votre réflexion, par direct ricochet notre réflexion, se veut porteuse de vie. Merci aussi à vous pour cette tribune. J'y vais ici de mes réflexions, aveux et questionnements sur ce besoin, ce goût et cette envie de mourir dans la dignité.

La mort, inéluctable, voire irréductible compagne de la vie. La vie, incontournable rendez-vous avec la mort. Personne n'y échappe. Et, un jour, vous et moi, nous y serons conviés. Je porte dans mon coeur, dans mon esprit et dans mon âme de tragiques expériences de la mort que je ne souhaite à aucun être humain sur cette planète. Je suis en mesure de me demander si la dignité était au rendez-vous de cette dramatique journée et moi aussi de questionner: Qu'est-ce, au juste, que mourir dans la dignité? L'inverse est-il alors possible? Est-ce que mourir dans la souffrance est preuve de mort dans l'indignité? Le sujet est fort délicat. La mort, thème de vie où se rencontre le monde même de nos constitutions humaines, à savoir émotionnel, les sentiments, rationnel, la logique, et spirituel, l'âme. Si ce besoin de mourir dans la dignité m'habite, qu'est-ce alors pour moi que de vivre dans la dignité? Oups! Je souris parce que, là aussi, j'ai frappé un mur, heureusement sans trop de dommages.

Avec et malgré des recherches grammairiennes effectuées, je n'ai, à date, trouvé de définition du mot dignité me satisfaisant. Vous, vous en pensez quoi? Avec ce qui précède, face à ma propre mort, je demande de mourir serein, si possible les zygomatiques en action. Je me propose deux mots, peut-être même trois. Et je me suis ravisé: Oui, je me propose trois mots. Le premier emprunté de Baudelaire qui, à sa mort, aurait dit: Enfin! À ce mot, tout près, un micromètre même, j'y ajoute: Merci! Oui, merci à la vie, petit et grand v, merci à l'amour, merci à toutes celles et à tous ceux m'en ayant témoigné, à Denise, de façon très particulière. Bref, merci à tout ce qui m'a permis d'être et, dans la foi m'habitant pour aujourd'hui, demain, je verrai, merci à Dieu.

Quant au troisième mot, il appartient à la famille des pardons. Oui, je demande pardon, je pardonne et me pardonne. Puissent la vie, l'amour et plus encore, et pourquoi pas, la mort me venir en aide. Dans un minimum de synthèse de ce que j'ai entendu, écouté et vu aujourd'hui, deux particulières et fort personnelles questions me sont montées. Je vous les partage. Puisse votre dignité m'être possible, disponible et accessible. C'est un aveu que je fais, qui est public autrement. Ma première question: Puis-je prétendre au droit de vivre dans la dignité, moi qui ai enlevé la vie? Dans ce même esprit, m'est-il permis de croire du droit de mourir dans la dignité, moi qui ai enlevé la vie?

En conclusion, vous et moi avons rendez-vous avec cette réalité qu'est la finalité humaine. Puisse-t-elle nous être pleine de sérénité, de dignité et, j'ose, porteuse de vie. M. le Président, membres de la commission.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Bourdages. Prochain témoin, c'est Mme Lise Beaulieu. Après ça, ça va être Cindy Morin. Alors, Mme Beaulieu.

Mme Lise Beaulieu

Mme Beaulieu (Lise): Alors, bonjour.

Le Président (M. Kelley): C'est votre tour.

Mme Beaulieu (Lise): Merci...

Le Président (M. Kelley): Bienvenue.

Mme Beaulieu (Lise): Merci, bonjour. Alors, lorsque je me suis présentée ici ce matin, je ne pensais pas venir ici cet après-midi. Alors, je vous le dis, alors je suis un petit peu nerveuse, je n'ai rien d'écrit. Un peu spontanément, je veux vous faire part un petit peu de quatre témoignages de ma vie personnelle pour vous aider à poursuivre votre réflexion en regard de cette question de mourir dans la dignité.

Alors, c'est complexe, c'est des questions qui sont complexes et c'est une question, pour moi, qui a évolué et qui évolue encore. Peut-être, demain matin, je vais penser d'autre chose.

Le Président (M. Kelley): Bienvenue dans le club.

Mme Beaulieu (Lise): Je vais commencer -- alors, j'ai quatre expériences, là, à vous raconter, je vais le faire brièvement -- à vous parler du décès de mon père, il y a quelques années. Il a su qu'il était atteint du cancer. Quand il a su ça et qu'il me l'a appris, pour lui, la mort commençait déjà là. On lui avait dit qu'il avait à peu près six mois à vivre et, lorsqu'il s'est retrouvé à l'hôpital, là, où c'est devenu plus critique, de par son tempérament, sa personnalité, un homme qui aimait décider et qui n'aimait pas qu'on décide pour lui, il a demandé, et j'étais présente, au médecin de lui donner une piqûre pour que ça finisse là. C'est ce qu'il a demandé au médecin. Le médecin lui a dit: M. Beaulieu, je ne peux pas faire ça. Mon père est mort un mois plus tard et là il avait eu un grand échec parce qu'il n'avait pas décidé pour lui, pour sa vie.

À ce moment-là, moi, je peux vous dire que, quand il a posé la question, mon interprétation à moi, je ne suis pas sûre que c'était ça vraiment qu'il voulait. Mais c'est mon interprétation à moi, on n'est pas dans la peau des autres comme tel. Je pense qu'il voulait éviter de souffrir, de se voir dépérir. Ici, bon, vous ne connaissez pas la région mais quand tu es à l'hôpital puis on dit: On va vous envoyer au foyer, vous allez être mieux, c'est plus beau, lui, le foyer, c'était la mort. Alors, il est allé au foyer. Je lui ai dit: Tu as une belle chambre, des belles couleurs, un beau drap, des beaux arbres, une belle vue, c'est autrement qu'à l'hôpital. Il s'en foutait carrément, c'était loin de ses préoccupations, il savait qu'il allait mourir. Alors, il est mort un mois plus tard. C'est ma première expérience que je veux vous donner.

Pas longtemps après, j'ai lu un livre qui s'intitule Jeanne, de Louise Tremblay-D'Essiambre, qui raconte la vie d'une vie d'une femme atteinte d'une maladie incurable et, lorsque j'ai eu fini ce livre-là, j'ai dit: Mon père avait raison de demander la piqûre. Puis, moi, c'est ça que je veux. Si ça m'arrive, c'est ça que je veux. Alors là, ma position était très claire. Mais, là, ça a changé, ça a changé un petit peu.

Lorsque, moi, j'étais enceinte, j'ai été malade énormément durant ma grossesse et j'ai été entre la vie et la mort longtemps. Durant ma grossesse, là, de 26 semaines jusqu'à l'accouchement, j'ai eu des traitements, je dirais de l'acharnement thérapeutique, jusqu'à la fin de ma grossesse. Lorsque j'ai accouché, j'ai accouché d'une fille, d'un enfant qui a la trisomie 21. Alors, j'ai eu tout un choc, vous pouvez vous imaginer. Dans la société qu'on vit, encore aujourd'hui, ce n'est pas ce qu'on souhaite. Bon. Ce n'est pas ce qu'on souhaite. Alors, j'ai eu un choc. Qu'est-ce qui m'est arrivé dans ma détresse, c'est que j'ai souhaité mourir et je voulais que mon enfant meure. Alors, je peux vous dire que, si ça aurait été légal, si l'euthanasie et le suicide assisté avaient été légaux, et ça aurait pu être des options qui se seraient offertes à moi, j'aurais sûrement pris cette option-là dans l'instant où j'étais en état de choc, alors dans une détresse totale, ce qu'on rencontre souvent, entre parenthèses, chez des gens qui vivent des souffrances puis qui veulent se suicider, c'est ça. Alors, évidemment bien je suis ici aujourd'hui puis j'ai une belle fille. À matin, je voyais M. Reid présenter la photo de son enfant, ça fait que je vais vous présenter la photo de la mienne aussi. Alors, c'est une belle fille de 13 ans, et je suis heureuse qu'elle soit en vie et moi aussi, aujourd'hui.

**(16 h 20)**

Par contre... Excusez un peu l'émotion. Si vous voulez la voir, là, on est des fois un peu curieux. Avec la question de l'euthanasie et mon point de vue, quand je vous dis qu'il a changé, demain matin, si mon conjoint et moi, pour x raison, on tomberait malades, on mourrait ou on aurait un accident, on ne serait plus là... Mon enfant présente une déficience intellectuelle, elle ne serait pas en mesure de prendre une décision concernant sa vie, c'est sûr et certain. Alors, par rapport à l'euthanasie, ça m'inquiète énormément de savoir qu'il pourrait y avoir une personne, même qui pourrait avoir des bonnes intentions, juger de la qualité de sa vie ou pas.

Je fais une autre petite parenthèse. J'ai oublié de parler de mon autre situation, c'est ma belle-mère. Elle n'est pas décédée, elle reste dans un foyer de personnes âgées, elle fait un peu d'alzheimer, elle est incontinente. Ce qu'on entend, tout le monde, dans les mots de tout le monde, c'est: Ah! elle n'a plus de qualité de vie, hein? Tout le monde dit ça facilement. Elle n'a plus de qualité de vie. Pourtant, elle est venue, la semaine passée, jouer au Yum chez nous. Elle a manqué se tromper avec son verre d'eau, elle a voulu avaler les dés. On a ri mais ce n'est pas drôle dans le fond, mais elle a eu du plaisir, elle est retournée dans son foyer. Ça fait que je me dis: De quel droit qu'on peut être pour juger de sa qualité de vie? Elle ne se plaint pas. C'est sûr qu'elle a des incapacités. Mais on entend souvent ça: Il n'a plus de qualité de vie, il faudrait qu'il meure. Bien là... Ça fait que ça aussi, la notion de qualité de vie, du jugement vers une autre personne, je voulais aussi porter votre attention là-dessus.

Et, bien, je voulais revenir à ma fille. Évidemment, ça serait difficile pour elle de décider, alors c'est une question qui me préoccupe. Et, pour faire une parenthèse -- on a vu bien d'autres sujets qui ont été traités aujourd'hui -- le programme, qui a été adopté par le gouvernement du Québec, de dépistage de la trisomie 21 est, pour moi, un programme qui promeut l'euthanasie. Alors, c'est sûr, c'est un programme qui dit en quelque sorte: C'est un paquet de troubles, puis on n'en veut pas. Alors, c'est sûr qu'il va y en avoir moins, puis on a vu qu'il y a des dérapages dans d'autres pays. Alors, moi, je pense qu'elle a droit à sa place, à sa vie aussi. Alors, merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup et un des objectifs de la commission, c'est d'entendre les vraies histoires des vraies familles québécoises. Alors, vous avez très bien fait ça. La dernière fois que la société canadienne a fait ce débat, c'était autour de la vie de Sue Rodriguez, et c'est un débat devant les tribunaux, qui a une certaine valeur aussi. Mais les membres de la commission insistent qu'il y ait une très grande place pour les témoignages des experts, mais également une grande, grande place pour les témoignages des citoyens, des citoyennes. Alors merci beaucoup d'avoir partagé des moments difficiles, parfois, de votre vie, mais riches aussi en humanité.

Prochain témoin, c'est Mme Cindy Morin, suivie par Marie Couture.

Mme Cindy C. Morin

Mme Morin (Cindy C.): Bonjour.

Le Président (M. Kelley): Bienvenue.

Mme Morin (Cindy C.): Merci. Je viens un peu poursuivre le témoignage de Mme Beaulieu qui vient juste de passer. Je viens au nom de l'Association de la déficience intellectuelle de la région de Rimouski. Ça paraît dans ma voix, je suis un petit peu stressée. C'est sûr qu'on...

Le Président (M. Kelley): On n'est pas si méchants que ça.

Mme Morin (Cindy C.): O.K., merci. Ça m'aide. Donc, c'est sûr que ce que je veux dire aujourd'hui, c'est qu'on a peur des risques de dérapage, c'est sûr. On parle beaucoup de l'avortement. Malgré qu'au départ il y avait des balises qui étaient très bien établies au niveau de l'avortement, il y a eu des dérapages et puis, en ce moment, bien, ce que, nous, on trouve terrible, c'est justement le programme de dépistage prénatal contre la trisomie 21. Donc, on met fin à la vie de foetus qui sont viables, mais qui ne répondent peut-être pas nécessairement aux critères de la société d'aujourd'hui. Ce qu'on a peur, c'est qu'en plus, avec la recherche qui avance toujours, bien c'est qu'il va y avoir des portes ouvertes sur encore d'autres maladies, d'autres états.

Donc, mon questionnement, celui des parents, c'est le suivant: malgré les balises qui vont être encore une fois bien établies, on a peur qu'il y ait encore une sélection face à notre clientèle et qu'elle soit touchée, car plusieurs personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle n'ont pas nécessairement la capacité de prendre des décisions éclairées. De plus, on a aussi peur que la société décide, encore une fois, que ces personnes ne méritent pas de vivre aussi longtemps, parce que leur apport à la société n'est pas celui qui est reconnu par tout le monde.

Donc, comme vous avez dit au début, ça touche peut-être un 2 % de la population, même dans les pays où c'est accepté. Donc, je pense qu'il y a des moments où c'est opportun de le faire. Pourquoi ne pas continuer de le faire quand c'est vraiment nécessaire? Mais est-ce qu'on est obligés d'ouvrir la porte grande pour toutes les possibilités qui peuvent être peut-être pas nécessairement bonnes pour tout le monde? Donc, c'est ce que je voulais dire aujourd'hui.

Le Président (M. Kelley): Vous avez très bien fait ça, Mme Morin. Merci beaucoup. Marie Couture, suivie par Lucie Plante. Bienvenue Mme Couture.

Mme Marie Couture

Mme Couture (Marie): Bon, d'abord, merci à la commission de nous permettre de débattre du sujet, parce que c'est vraiment très important, en tout cas pour moi et pour beaucoup de gens, avec la population vieillissante, les maladies dégénératives très importantes, donc c'est un débat qu'on doit avoir. Merci aussi à tous ceux qui travaillent en soins palliatifs. On l'a vu, là, c'est la base de mourir dans la dignité, que ce soit de n'importe quelle façon, c'est la base, c'est d'avoir des bons soins palliatifs. Donc, merci à ceux qui travaillent bénévolement et de façon rémunérée, on a besoin de ce service-là.

Mourir dans la dignité, je pense que... en tout cas, j'espère que les gens s'entendent que la dignité ça peut être de mourir en décidant que ce soit l'euthanasie, le suicide assisté ou encore de poursuivre la maladie jusqu'à la fin. D'être digne, c'est ça, c'est d'être capable de choisir ce que l'on veut en fin de vie.

Et pourquoi j'ai décidé de venir? Parce que ce matin, quand je suis arrivée, je ne m'étais pas dit: Je vais aller au micro. Sauf que, toute la journée, j'ai entendu les gens parler de jeunes qui veulent se suicider, de personnes défavorisées qu'on pourrait euthanasier, puis ça, ça me choque l'oreille parce qu'il me semble que le débat ce n'est pas ça. Il me semble que le débat -- puis je l'ai écrit pour être sûre que... -- c'est: Est-ce que l'on va permettre à une personne ayant un diagnostic de fin de vie ou une maladie dégénérative de choisir comment elle veut sa fin de vie? Puis, souvent c'est émotif ou c'est...

Et ça m'a agacée un peu que les gens pensent qu'on va euthanasier les gens sur le bien-être social, les dépressifs, les Haïtiens parce que ça ne va pas bien ou... Il faut remettre le débat... Et je pense que, ça, les gens manquent d'information, parce que j'ai parlé beaucoup avec des personnes âgées et ils sont très inquiets parce qu'ils se disent: Si j'ai l'alzheimer, je ne veux pas qu'ils m'euthanasient. Ou encore je voyais dans le journal que, si on avait fait ça à Chantal Petitclerc quand elle a eu son accident, on n'aurait pas une médaillée olympique. Oui, mais ça n'a pas rapport, là, dans le débat. En tout cas, quant à moi, Chantal Petitclerc, même avec son handicap, avait plein de choses à faire dans la vie, ce n'était pas une fin de vie, ce n'était pas une maladie dégénérative.

Une voix: ...

**(16 h 30)**

Mme Couture (Marie): Non, non, c'est ça, c'est un accident. Donc, c'est sûr qu'il y a des choses à faire ou... En tout cas, moi, je voulais... Dans les médias, on en parle et souvent je trouve qu'on met des choses que ce n'est pas de ça qu'on veut parler dans la Commission spéciale mourir dans la dignité. C'est vraiment pour les personnes en fin de vie ou avec des maladies dégénératives.

Et aussi l'histoire du consentement. Moi aussi, une petite expérience personnelle, ça va être vite. C'est que mes beaux-parents, mes deux beaux-parents sont morts en l'espace de 15 jours à l'été, ma belle-mère c'était par l'alzheimer et mon beau-père par le cancer. L'alzheimer, ma belle-mère, ça faisait des années qu'elle était au foyer d'accueil, attachée quand elle était assise, sinon c'était couchée, elle ne mangeait plus, elle ne bougeait plus les bras, il n'y avait plus rien. Jamais, même si je suis en faveur de l'euthanasie et du suicide assisté, jamais j'aurais demandé ou j'aurais essayé de faire valoir ce point-là pour madame parce que, elle, elle n'en avait jamais parlé, ce n'était pas quelque chose qui l'avait préoccupée. Dans sa tête, ça allait être... elle allait mourir de façon naturelle... j'ai de la misère avec le naturel, là, mais de sa maladie ou... Elle n'en a jamais parlé. Donc, dans ce temps-là, même la famille, si tu n'a pas le consentement du malade, tu ne devrais pas... ou si tu n'as pas un consentement ou des discussions avec la famille avant que ça arrive, je pense que la loi devrait, s'il y a une loi, là... C'est sûr qu'il faut tenir compte de ces choses-là. Si la personne n'en veut pas, elle n'en veut pas. Quand même tu es mandataire, il faut...

Puis, même chose pour le cas du beau-père. Lui, il aurait aimé que ça aille plus vite, parce que c'était un cancer puis c'était vraiment galopant, mais ce n'est pas encore assez vite pour lui. Puis il a perdu rapidement conscience suite à l'effet des médicaments, et ça, il n'aurait pas voulu vivre ça, et c'était une de ses peurs de souffrir et d'être inconscient, de laisser les médecins décider à sa place. Puis c'est personnellement, moi, ce que j'ai peur, c'est de laisser la médecine décider à ma place quand est-ce qu'ils vont me donner la sédation terminale. C'est tout.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Couture. Un été très difficile dans votre famille. Le prochain témoin, c'est Lucie Plante suivie par Jean-Yves Gagnon.

Mme Lucie Plante

Mme Plante (Lucie): Bonjour.

Le Président (M. Kelley): Bienvenue.

Mme Plante (Lucie): Merci. Moi aussi, j'ai comme besoin -- ça fait baisser un peu la nervosité -- de dire que je me sens très nerveuse de m'adresser à vous mais aussi à ceux qui sont en arrière de moi. Alors, merci de nous permettre de nous exprimer ici, à Rimouski, sans qu'on ait à aller à Québec ou ailleurs.

Je voudrais juste me présenter, je suis une infirmière de 30 ans d'expérience et je travaille en soins palliatifs. Et, dès qu'on a commencé à parler de la commission spéciale mourir dans la dignité, je me suis sentie interpellée vraiment beaucoup. C'était récent que je travaillais en soins palliatifs, mais ça venait me chercher moi. Et je pense, et c'est des opinions personnelles que je vais vous confier, je pense que, lorsqu'on se prononce sur la dignité, sur soit arrêter la vie par l'euthanasie ou le suicide assisté pour d'autres situations, c'est toujours en référence à nous-mêmes, hein? Les gens disent: Moi, je ne voudrais pas, je ne voudrais pas être prolongé, je ne voudrais pas souffrir.

Et, quand on côtoie des gens qui vivent des maladies enfin terminales, ce n'est pas toujours ça qu'on entend. Il y a des gens, ils veulent vivre. Je pense qu'il n'y a personne ici qui veut mourir, peut-être... en ce moment, là, je ne pense pas. Peut-être moi, là, je me sens un peu molle sur ma chaise, là. Je pense qu'on ne veut pas mourir, on ne veut pas que notre vie s'arrête, on ne veut pas avoir un accident en sortant d'ici. On ne veut pas mourir, mais on ne veut pas souffrir, on ne veut pas de malaise. Et c'est la même chose, on ne veut pas ça pour nos proches, pour les gens qu'on aime.

Et, quand le débat commence, et que les gens se prononcent, et que j'ai vu: 70 % des Québécois seraient en faveur de la... je me suis posé des questions et j'ai lu. Et je suis allée sur le site et je me suis inspirée, j'ai lu les mémoires des gens. Souvent, je pense que les gens ne savent pas c'est quoi l'euthanasie, ne savent pas... Le suicide assisté, oui, je pense qu'on peut avoir une bonne idée c'est quoi. Ils ne savent pas, des soins palliatifs, c'est quoi.

Quand j'entends des gens qui parlent de la morphine -- quel mauvais mot, hein, «mort fine» -- ça ne donne pas la mort, la morphine, ça soulage. Quand on entend des gens qui pensent que parce que leurs gens s'en vont en soins palliatifs on va précipiter la mort ou autre, ce n'est pas ça non plus. Alors, quand il n'y a plus rien à faire, tout reste à faire. Et, moi, je trouve que ça définit bien les soins palliatifs.

Et je ne veux pas être trop longue, je veux seulement vous dire que ça ne fait pas très longtemps que je travaille auprès des gens qui sont en fin de vie et leurs familles. Et que de témoignages de gens nous disent que ça a été triste, ça a été difficile, quand les gens reviennent nous témoigner de ce qu'on a peut-être pu faire pour eux, pour les soulager, pour les aider à passer au travers. C'est sûr que les gens, quand ils sont morts, ils ne peuvent pas venir nous dire que: Ah! Avoir su, hein, c'était bien, hein, ce que vous avez fait pour moi. Mais, par contre, les familles reviennent et disent qu'ils ont eu tellement du bon temps. Parce qu'il y a du temps, alors avec un petit... des fois, on ne sait pas, ça peut être quelques heures, des fois c'est quelques semaines, et c'est arrivé quelques mois en soins palliatifs, les gens ont eu le temps de vivre. Et la mort, c'est une étape de la vie, c'est une fin de quelque chose, mais c'est de la vie jusque-là.

Et, à la question... des gens me demandent des fois comment je fais: Ça doit être triste, hein? Ça doit être triste dans une maison de soins palliatifs? Non, ce n'est pas triste. Oui, des fois, il y a des éclats de rire, oui il y a de la bonne humeur, il y a de l'humour. Et, avec les gens en fin de vie, ce n'est pas le temps d'être tristes, ce n'est pas ce qu'ils veulent: ils veulent du confort, ils veulent des sourires, ils veulent du pétillement dans les yeux des gens qui vont auprès d'eux pour leur offrir, je dirais, du bon temps, des bons soins.

Et le souhait que je fais, c'est que les Québécois, avant de se prononcer, devraient peut-être aller lire sur le site et le document pour savoir qu'est-ce que c'est que de l'euthanasie et qu'est-ce que c'est des soins palliatifs. Et je souhaite vraiment que toute cette commission, les déplacements, les gens qui vont parler, ça va faire avancer les soins palliatifs. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Plante. C'était très bien dit. Jean-Yves Gagnon. Et, après Jean-Yves Gagnon, notre dernier intervenant va être Marc-Antoine L'Heureux. Alors, M. Gagnon.

M. Jean-Yves Gagnon

M. Gagnon (Jean-Yves): M. le Président, Mmes et MM. les commissaires, d'abord me présenter, Jean-Yves Gagnon; je suis le directeur général de la Maison Marie-Élisabeth en soins palliatifs ici, à Rimouski. Ça me fait plaisir de vous rencontrer.

Le Président (M. Kelley): Bienvenue.

M. Gagnon (Jean-Yves): Et souligner aussi l'apport de notre député, M. Irvin Pelletier, qui non seulement est notre député -- il est absent -- mais je vais en profiter pour dire aussi que...

Une voix: ...

M. Gagnon (Jean-Yves): Je comprends, j'étais avec lui aussi pour le soutenir. Et non seulement c'est notre député, mais c'est un grand contributeur à la maison, et je tiens à l'en remercier.

D'abord, souligner tout l'apport important des bénévoles et des employés à la maison de soins palliatifs. Nous sommes ouverts depuis le 8 mars dernier et nous avons eu à accueillir tout près de 75 personnes chez nous.

C'est un moment assez spécial pour moi aujourd'hui et je voudrais peut-être, suite aux remerciements, dire, là, pourquoi nous sommes là. Nous sommes là d'abord pour accueillir, accompagner, aider, soutenir, soulager. On a parlé beaucoup de compassion, on a parlé aussi de faire une différence auprès des personnes malades en fin de vie. Je pense qu'on le fait, et on le fait aussi dans la mesure où, tout au cours de ces expériences, nous apprenons, nous apprenons dans le cadre non seulement de plans de formation formalisés, mais nous apprenons aussi avec les familles, les proches, les aidants, les bénévoles qui travaillent à domicile.

Et aussi je veux souligner la grande collaboration de notre centre de santé ici, à Rimouski-Neigette, qui a mis en place un département de soins palliatifs et avec lequel nous communiquons quotidiennement pour s'interroger sur les personnes qui auraient besoin d'un soutien de notre part de façon quotidienne.

Il faut voir aussi que les personnes qui arrivent chez nous le font de façon volontaire. Moi, je les trouve extrêmement courageux, parce que c'est des personnes qui prennent une décision éclairée de venir chez nous, de venir mourir chez nous. Et des fois je fais un peu d'humour avec ça mais c'est... je ne voudrais pas être mal interprété, mais, nous, on n'a pas ce qu'on appelle le petit livre à la sortie où on demande aux gens s'ils ont apprécié leur séjour, ils peuvent difficilement y répondre.

Je suis venu vous parler peut-être au micro cet après-midi juste pour un terme, un terme qui m'a frappé énormément, et c'est le terme «intention». On a parlé d'intention en lien avec l'euthanasie et les soins de confort. Notre député a posé une question à cet égard-là en disant: Moi, il m'est arrivé une expérience personnelle dans ma vie lorsque mon beau-père est décédé, et je ne savais plus si c'était l'euthanasie ou le soin de confort, et on lui a répondu: Bien, l'intention était de donner des soins de confort.

L'intention, au niveau de la commission, je pense que c'est un terme très important que l'on doit retenir. Quelle est l'intention en regard de toute la démarche qu'on est en train de faire aujourd'hui. Pour moi, ça m'apparaît très important.

**(16 h 40)**

C'est la même chose lorsque la personne malade fait un choix de venir chez nous, quelle est l'intention, pourquoi elle le fait. On ne peut pas souscrire à toutes les situations ou aider à toutes les situations dans lesquelles on doit intervenir, mais il faut le faire dans le cadre d'une intention. Et, pour moi, lorsqu'on nous parle d'intention, on nous parle d'intention à différents niveaux. Là, on était sur un plan médical, donc on a une corporation au niveau des médecins. Est-ce que la seule intention des médecins de soulager ou de donner du confort peut mettre fin à la vie? C'est une grande question. Est-ce que cette seule intention là... Lorsque, par exemple, nos parents -- parce que, moi, je suis un baby-boomer -- nous tapaient, ou lorsqu'à l'école on recevait des punitions physiques, c'était dans l'intention de nous corriger, mais est-ce que l'intention était bonne?

Ce terme-là, «intention», moi, m'a frappé énormément. Et j'attire l'attention de la commission sur une chose: le fait que, par exemple, vous ayez pris la route, ayez consacré autant de temps à parler d'euthanasie, de... assisté...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gagnon (Jean-Yves):...et de personnes en fin de vie, quelle était l'intention?

On existe depuis des siècles. Il y a plusieurs personnes qui sont décédées autour de nous, des personnes qu'on a connues, qu'on a aimées, qu'on a assistées ou qu'on a accompagnées. Tout ce qu'on veut faire, nous, dans le réseau des soins palliatifs, c'est d'accueillir et de soutenir les personnes de façons différentes parce qu'elles sont toutes différentes puis que les familles aussi ont des objectifs différents lorsqu'elles viennent chez nous pour accompagner les personnes malades. Je ne peux pas m'exprimer autrement que de dire: Quelles étaient leurs intentions? Est-ce que c'était de les envoyer chez nous parce qu'ils n'en peuvent plus? Peut-être.

On est aussi à un virage important au niveau de ce qu'on appelle du noyau familial. On vit de plus en plus dans de petits espaces qui limitent nos interventions ou nos moyens de support au niveau des personnes en fin de vie ou des personnes malades de façon générale. Donc, à cet égard-là, je pense qu'on va devoir se doter de ressources quelque peu différentes pour fins d'accueil des personnes qu'on ne veut plus accueillir ni en hôpitaux ni en CHSLD et qu'on dit qu'on veut maintenir à domicile mais dans quel domicile? Pour moi, c'est une grande question et c'est extrêmement important.

Donc, je vous salue. Et je veux dire à Mme Morin, qui a travaillé en déficience intellectuelle ou qui supporte les personnes déficientes intellectuelles, pour y avoir travaillé durant une trentaine d'années: Faites confiance aux personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle, elles ont un apport tout à fait incroyable et important au niveau de notre société. Et je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Gagnon, pour votre contribution. Et continuez votre travail auprès de la... de la Maison Marie-Élisabeth ici. Dernier témoin, c'est M. Marc-Antoine L'Heureux.

Une voix: ...

Le Président (M. Kelley): Oui, mais...

Une voix: ...

Le Président (M. Kelley): Oui. Qui est temporairement absent. Alors, qu'est-ce que je vais faire... Une commission ne se déplace pas seule. Alors, avant de terminer nos travaux, je termine toujours avec des remerciements. Ça prend une équipe de son parce que tout est enregistré. Vous pouvez écouter le débat au site Web de l'Assemblée nationale grâce à nos techniciens, Christian et Joël, au coin, merci beaucoup, comme d'habitude.

Il y aura une équipe qui va réfléchir sur tous vos commentaires, qui va nous aider de préparer un rapport. Alors, aux recherchistes qui sont parmi nous, merci beaucoup pour votre présence. Il y a l'équipe d'accueil, il y a l'équipe de la sécurité et également Mme Laplante, la secrétaire, qui est de loin la meilleure secrétaire de toutes les commissions parlementaires. Merci beaucoup à tous les citoyens de Rimouski qui ont participé dans notre discussion. C'est formidable.

Des voix: ...

Le Président (M. Kelley): Oui. Alors, M. L'Heureux. Alors, si vous pouvez terminer notre présence ici, à Rimouski, la parole est à vous.

M. Marc-Antoine L'Heureux

M. L'Heureux (Marc-Antoine): Alors, merci beaucoup de me permettre de prendre la parole aujourd'hui. Je voudrais dire que je suis élève en techniques de travail social au cégep de Rimouski. Ça a enflammé beaucoup de débats dans nos groupes à savoir si on devait permettre ou non le suicide assisté et l'euthanasie. Règle générale, le monde ont pris faveur pour le suicide assisté et l'euthanasie. On a regardé ça en fait ensemble et puis on s'est dit que le rôle, excusez-moi, généralement des personnels soignants, c'est -- excusez-moi -- d'accompagner leurs patients dans le respect et la dignité; c'est aussi de respecter leurs valeurs et leurs convictions personnelles. Dans ce sens-là, je crois qu'on devrait respecter les convictions personnelles des gens, et ce, même si ça ne fait pas notre affaire, même si, bon, on n'est pas nécessairement d'accord avec ces choix-là, y compris même quand la personne souffre psychologiquement et physiquement.

Mais je ne crois pas qu'on devrait ouvrir le droit à l'euthanasie et au suicide assisté «at large». Ça devrait être très encadré. Par exemple, la mise sur pied de comités éthiques dans les hôpitaux, ce qu'il y a mais qui sont très, très peu utilisés, je crois, dans les hôpitaux, parce qu'il ne faudrait pas que ça devienne une mode. Par exemple: Je souffre un peu et, bon, suicide assisté. Il faudrait, je crois, que ce soit bien, bien structuré, puis que ce ne soit pas uniquement le choix du patient, que ça passe par des comités éthiques, des médecins, des gens qui vont pouvoir dire: O.K., c'est fini. Tu n'as plus aucune chance, là, tu souffres énormément, on va te laisser ta chance. Puis, bon, c'est un peu dans ce sens-là que je me positionne. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Et, sur ça, merci beaucoup aux gens de la région ici. Nous avons eu une journée très intéressante, des débats très, très fructueux pour nous autres. Alors, bonne fin de semaine à tout le monde.

Et, sur ça, je vais ajourner nos travaux à jeudi le 25 novembre, à 10 heures, à la salle Sherbrooke B de l'Hôtel Delta à Sherbrooke, afin de poursuivre notre consultation et nos auditions. Merci beaucoup et bonsoir.

(Fin de la séance à 16 h 47)

Document(s) related to the sitting