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Version finale

29th Legislature, 3rd Session
(March 7, 1972 au March 14, 1973)

Wednesday, September 20, 1972 - Vol. 12 N° 92

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Commission spéciale sur le problème de la liberté de la presse


Journal des débats

 

Commission spéciale sur le problème de la liberté de la presse

Séance du mercredi 20 septembre 1972

(Dix heures quinze minutes)

M. BACON (président de la commission spéciale sur le problème de la liberté de la presse): A l'ordre, messieurs!

Le président M. Robert Lamontagne, député de Roberval, qui sera avec nous dans quelques minutes, m'a demandé de le remplacer pour l'ouverture de la présente séance.

M. HARDY : Est-ce qu'on peut compter sur votre objectivité, M. le Président?

M. LE PRESIDENT: Toujours. UNE VOIX: Sur la rapidité.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'inscris une motion pour détails. Un verre d'eau, s'il vous plaît.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: M. le Président, la semaine passée, nous avions prévu au départ que le doyen de la faculté de droit de Laval, M. Reid, viendrait expliquer le travail qu'on lui avait demandé de faire sur le secret professionnel. M. Reid viendra la semaine prochaine. Cette semaine, nous avons les représentants de SORECOM. Avant de donner la parole à M. Soucy Gagné, il y aurait peut-être lieu de faire certaines corrections dans le document que vous avez, le document no 2. Vous avez la liste des tableaux; la page a été inversée. Pour le tableau no 1, on dit: Page 36. Il y aura des corrections de pages à faire; si vous voulez prendre note de ça au fur et à mesure que nous le ferons.

Le tableau no 1, au lieu de la page 36, se retrouve à la page 29 ; le tableau no 2, à la page 30.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, le tableau no 1 ?

M. VEILLEUX: Le tableau no 1 à la page 29, le tableau no 2, à la page 30. Si vous prenez votre document, vous les avez ici numérotés; il s'agira de changer les numéros.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): C'est cela qu'il fallait nous dire. Nous ne sommes pas pressés.

M. VEILLEUX: La page 29 au lieu de la page 36, la page 30 au lieu de la page 37.

M.GAGNON: Liste des tableaux. La page 29 au lieu de la page 36.

M. VEILLEUX: La page 30 au lieu de la page 37.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bon, recommencez donc ça ici.

M. LE PRESIDENT: Au lieu de la page 36, vous avez la page 29. Au lieu de la page 37, c'est la page 30.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord.

M. LE PRESIDENT: C'est parce que j'étais voisin du député de Saint-Jean.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ensuite, M. le Président?

M. VEILLEUX: Chaque personne a son crayon pour faire la correction?

UNE VOIX: Oui, M. le professeur.

M. VEILLEUX: La page 33 au lieu de la page 40.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): La page 33 au lieu de la page 40.

M. VEILLEUX: La page 35 au lieu de la page 42.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un vrai "décomptage" de voix, ça. La page 35 au lieu de la page 42.

M. VEILLEUX: La page 36 au lieu de la page 43.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que c'est tout?

M. VEILLEUX: La page 37 au lieu de la page 44.

M. HARDY: C'est un tissu d'erreurs.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le rapport est dans la même veine?

M. VEILLEUX: La page 39 au lieu de 46. Si le député de Chicoutimi a lu le rapport comme il se doit, ce sont les seules erreurs qu'il a pu constater à l'intérieur.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est déjà assez important.

M. VEILLEUX: Page 44 au lieu de 51, 45 au lieu de 52, 49 au lieu de 56 pour les tableaux 10 et 11.

M. GAGNON: C'est assez pour mêler les journalistes.

M. VEILLEUX: Page 50 au lieu de 58, 51 au lieu de 59.

UNE VOIX: Au lieu de 58.

M. VEILLEUX: Non, page 50 au lieu de 58, 51 au lieu de 59, 52 au lieu de 60, 54 au lieu de 62, 56 au lieu de 64. Vous rêverez à la page précédente parce qu'il y a eu... Mais là, ça dépend du...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Page 50 quoi, dites-vous?

M. VEILLEUX: Page 56 au lieu de 64.

M. HARDY: On se croirait à l'Assemblée nationale.

M. GAGNON: C'est comme dans les tramways, avancez en arrière!

M. VEILLEUX: Page 73 au lieu de... M. TREMBLAY (Chicoutimi): Page 81. M. VEILLEUX: Page 81.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): On commence à comprendre.

M. VEILLEUX: Page 74 au lieu de 82 et 80 au lieu de 87.

UNE VOIX: Bravo!

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, M. l'instituteur, on vous donnera une pomme.

UNE VOIX: Cala nous éclaire beaucoup.

M. VEILLEUX: Nous avions donné un travail supplémentaire à la firme SORECOM, soit un projet de cartographie qui visualiserait, d'une certaine façon, ce mémoire. Le travail de cartographie nous a été remis et a été envoyé au ministère des Communications pour impression; le ministère des Communications nous communique que l'impression des cartes n'est pas encore terminée.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ils ne se sont pas entendus sur l'entrepreneur.

M. PAUL: C'est parce que Pelletier n'a pas dit oui encore.

M. VEILLEUX: Comme ce travail portait sur la pénétration des médias, l'intensité de pénétration des mass media au Québec et la propriété, il y aurait peut-être lieu d'entendre, au début de cette séance, les représentants de la firme SORECOM résumer ou dégager les principaux points de ce travail.

M. LE PRESIDENT: Le représentant de SORECOM.

Société de recherche en communications

M. GAGNE: Merci M. le Président. Je regrette de vous imposer une extinction de voix et je vais essayer d'être le plus bref possible.

Je voudrais tout d'abord vous dire que ce travail a été fait en collaboration avec...

M. LE PRESIDENT: Excusez, monsieur, est-ce que vous pourriez vous identifier auparavant, s'il vous plait?

M. GAGNE: J'allais justement m'identifier. Mon nom est Soucy Gagné, je représente la firme SORECOM et mon collègue, à ma droite, est M. René Pelletier, qui a collaboré étroitement à ce travail et qui a réalisé une grande partie des travaux techniques de cet inventaire.

Je m'excuse encore une fois de vous imposer cette laryngite, mais c'est le hasard des circonstances qui a voulu que ça arrive aujourd'hui.

A titre de préambule, j'aimerais souligner que le rapport que nous vous avons présenté n'a aucune prétention de découvrir l'Amérique. Il s'agit tout simplement d'un travail qui a permis de rassembler des données souvent très éparses et de donner une vue presque à vol d'oiseau de la situation ou plutôt de la géographie des moyens de communication dans le Québec. Le principal défaut est peut-être celui de n'avoir pu tracer comme il le faudrait l'ensemble des cartes qui auraient mis les données recueillies à la portée du plus grand nombre. Le problème est intensifié par le fait que nous n'ayons pas ce matin les quelques cartes que nous avions pu faire dessiner pour aider à comprendre visuellement le phénomène. Quant aux faiblesses ou aux ambiguïtés du rapport ou de cet inventaire, vous aurez tout le temps et tout le loisir évidemment de les souligner durant les minutes qui vont suivre.

Tout d'abord, un rappel des objectifs. Dans le texte ou dans le rapport que vous avez là, les objectifs qui nous avaient été donnés par la commission se lisaient comme suit: "La commission suggère la mise sur pied d'un inventaire systématique des media écrits et électroniques disponibles au Québec. Elle espère voir dégager de cet inventaire trois types principaux d'information, à savoir les structures des réseaux, les zones de pénétration et l'intensité de cette pénétration. Après des échanges entre la firme SORECOM et la commission, il a été entendu qu'à toutes fins pratiques l'inventaire porterait sur trois dimensions qui ont les titres suivants:

L'accessibilité de l'information au Québec; la consommation des media ou l'utilisation des media et, enfin, la concentration de la propriété des media. Dans votre rapport, au chapitre 3 — je vous fais grâce des chapitre 1 et 2 puisqu'il s'agit d'introduction générale et de méthodologie — dans les pages 26 à 46, intitulé "La pénétration des media", on peut dénombrer deux réalités. Je pense que c'est bon de se mettre ceci à l'esprit. On a essayé de dégager le nombre de media entrant dans une région ou

dans chacune des régions administratives du Québec. Il s'agit des choix.

La deuxième dimension est le nombre de media offrant des services dans une région, c'est-à-dire le nombre de media ayant son centre de production dans la région administrative, donc deux dimensions.

Quant au chapitre 4, il précise l'intensité de cette pénétration, c'est-à-dire que cette intensité de pénétration a été mesurée de deux façon pour la radio et la télévision, à savoir le nombre d'heures en moyenne d'écoute par semaine et un indice de syntonisation hebdomadaire. Dans le cas des journaux, nous avons utilisé la mesure suivante: le taux de pénétration ou encore le nombre d'exemplaires qui entre dans les régions administratives par 1,000 habitants.

Evidemment, vous allez voir un peu partout que nous brisons nos statistiques par comté de façon à vous donner une image beaucoup plus détaillée de la réalité. Parce que vous donner seulement les régions administratives fait en sorte que cela cache une partie de la réalité.

Nous avons voulu aller beaucoup plus dans les détails en vous donnant les comtés. Par contre, dans le corps même du rapport, nous ne traitons pas des comtés comme tels.

Nous y faisons allusion, nous mentionnons le cas de comtés qui sont très bien servis, où l'intensité de pénétration est très forte, mais nous mentionnons aussi le cas de comtés qui, exceptionnellement, ou à l'occasion, reçoivent un service qu'on pourrait appeler inadéquat par rapport à ce que d'autres comtés reçoivent.

Quant au chapitre 5, on y traite de la propriété, plus précisément de cette concentration, c'est-à-dire du nombre de media, que ce soit la radio, les journaux ou la télévision, qui sont possédés par le même propriétaire ou un groupe de propriétaires dans l'ensemble du territoire québécois ou dans une région administrative donnée.

Maintenant, si vous le voulez bien, je vais passer à quelques faits saillants qui, à notre point de vue, ressortent et qu'il est bon de mentionner, même si on ne peut pas en faire la liste complète, puisqu'il s'agit d'un inventaire dont les faits sont nombreux. Nous avons donc retenu quelques faits et c'est évidemment en fonction de ce que nous pensons qu'il pourrait être intéressant d'entendre ici ce matin. Quelqu'un d'autre aurait pu insister sur d'autres faits et j'ai l'impression que durant la lecture, vous avez souligné certains faits qui vous intéressent plus particulièrement. Encore une fois, ce rapport est un document de travail, ce n'est pas un rapport qui préconise une politique ou quoi que ce soit.

Au plan de la pénétration, quels sont les faits que nous pouvons dégager? Tout d'abord, il y a des écarts entre certaines régions dans la pénétration, au plan des media qui y pénètrent et des media qui y ont leur domicile. Ce fait peut en rassurer certains comme en inquiéter d'autres. Par exemple, la région de Montréal — je pense ici à la région administrative qui comprend également Granby — a le plus grand nombre de media qui y sont localisés, soit plus de 20 stations de radio, quatre stations de télévision, huit hebdos qu'on appelle nationaux, c'est-à-dire ceux qui ont une distribution dans l'ensemble du Québec, treize hebdos régionaux qui y sont édités, en ne comptant que ceux qui sont membres de l'ABC.

Evidemment, on a été obligé de se restreindre aux statistiques dont on pouvait disposer, parce qu'il y a un grand nombre de journaux régionaux pour lesquels nous ne pouvions recueillir de statistiques dans le cadre normal des travaux qui existaient déjà. Enfin, il y a sept quotidiens dans la région administrative de Montréal alors que dans la région de l'Outaouais — c'est important, selon nous, de le souligner — on compte trois stations de radio, une station de télévision et aucun autre medium qui émane de la région elle-même. La région de l'Outaouais n'est pas pour autant dépourvue de choix. Ceci est assez important à souligner aussi, puisque douze stations de radio peuvent être captées par une partie ou l'autre de sa population. Y pénètrent également 4.7 postes — vous allez trouver curieux de voir des fractions de station, mais c'est en terme de moyenne — de télévision, 5.9 hebdos nationaux et 4.8 quotidiens.

Cette pénétration ne s'étend pas nécessairement sur l'ensemble du territoire. Cela ne veut pas dire que c'est accessible à chacun des citoyens. Autrement dit, chacun des citoyens n'a pas la même facilité d'aller chercher son journal ou de syntoniser l'une ou l'autre station. Cela veut dire que sur le territoire, il y a un nombre minimum de personnes qui peuvent, à un moment ou l'autre, capter ces stations ou acheter ces journaux.

On constate aussi l'absence de quotidiens dans cinq régions administratives sur neuf qui émanent de la région; l'absence d'hebdomadaires nationaux dans huit régions sur neuf; l'absence d'hebdos régionaux, ou locaux, dans une région. Il n'était pas de notre mandat de statuer sur la normalité ou l'anormalité de ces écarts, ni d'analyser leur portée sociale, mais nous les portons toutefois à votre attention, tels que nous avons pu les dégager.

Quant à la consommation, le deuxième aspect qu'on a voulu étudier dans ce chapitre, on a pu l'établir à l'aide des statistiques de BBM, Bureau of Broadcasting measurement.

Ces statistiques. montrent qu'on écoute la radio, en moyenne, dans toutes les régions, à peu près 17 heures par semaine et qu'on regarde la télévision 27 heures. Vous pouvez tirer vos conclusions de ce fait-là mais c'est une réalité qui, d'un certain point de vue, a son importance. Malheureusement, nous n'avons pas de mesure du nombre d'heures de lecture des journaux, par semaine, de façon à pouvoir faire une comparaison. Je crois que l'enquête que nous allons mener dans les prochains mois, nous permettra d'établir, d'une certaine façon, ou de

faire des estimations assez valables, du nombre d'heures de lecture des journaux et des hebdos dans toute la province.

C'est sur le plan des hebdos et des quotidiens que nous observons les plus fortes différences d'une région à l'autre. Il entre environ 572 copies d'hebdos nationaux par 1,000 foyers à Montréal, contre 275 dans la région de la Côte-Nord. Les écarts entre les régions sont encore plus considérables sur le plan des quotidiens, soit 647.7 copies dans la région de Trois-Rivières contre 242.8 copies dans celle du Nord-Ouest. Encore une fois, nous nous limitons à vous donner les faits. Nous observons toutefois qu'il ne suffit pas d'être à proximité des centres d'édition ou des centres de production pour avoir une forte consommation des quotidiens. D'autres facteurs entrent en ligne de compte qui, entre autres, pourraient être un réseau de distribution adéquat.

Si nous résumons, et ce sera un peu plus court, le chapitre sur l'intensité de pénétration des média, voici ce que nous pouvons dire grosso modo: Comme nous savions que la très grande majorité des foyers québécois a, au minimum, un appareil de radio et de télévision, et que ces foyers ont presque tous accès à, au moins, une station de radio et de télévision, nous avons voulu établir à quel point ils s'exposaient à ces deux media.

C'est un phénomène tellement général, l'accès à au moins un médium, que si ce n'est pas une mesure de comparaison valable, on peut tout simplement le mentionner. Il ressort que la plupart des populations des régions s'exposent un nombre équivalent d'heures par semaine à la télévision. On observe le même phénomène dans le cas de la radio.

Pour vous donner des exemples, dans la région de la Côte-Nord, on s'expose en moyenne 13.1 heures par semaine et dans la région de Québec 17.8 heures, à l'écoute de la radio. Il n'est pas dit ici s'il s'agit d'une écoute attentive ou non. Ce sont les mesures extrapolées des mesures des ratings ou des cotes d'écoutes qui sont toujours données par l'organisme BBM. Du côté de la télévision, les écarts sont moins grands. On remarque, dans les Cantons de l'Est, une écoute moyenne de 25.7 heures, sur la Côte-Nord, 29.7 heures. C'est probablement une compensation du fait qu'on écoute moins la radio, mais ce n'est pas la seule explication. Il doit y avoir d'autres phénomènes.

Voilà maintenant pour l'intensité. Regardons maintenant le phénomène de la propriété. Je vais être bref ici, encore une fois. Le phénomène de la propriété a été passablement en état de changement, depuis une dizaine d'années, et il serait difficile d'en faire un inventaire parfait. Depuis la parution de notre rapport, nous avons pu constater certains changements dans celui de l'achat des stations montréalaises de Canadian Marconi par Multiple Access, dont vous avez entendu des échos dans les journaux, récemment. L'histoire de la propriété des média nous a appris qu'il suffit de quelques années seule- ment pour qu'un groupe se taille une place de géants, au coeur de l'information. Exemple: le groupe Desmarais — Parisien — Francoeur, qui, de 1964 à 1967, a établi un contrôle sur quatre hebdomadaires et quatre quotidiens, soit 81 p.c. du tirage global des hebdos et 40 p.c. du tirage total des quotidiens. Je pense toujours aux hebdos nationaux, donc un groupe d'information. Les hebdos dont on a considéré l'étude ici sont les hebdos d'information. Un fait mérite d'être souligné: c'est que pour suivre les transactions qui peuvent s'opérer dans ce domaine stratégique du droit à l'information, il faut avoir les instruments adéquats, l'équipement, les techniciens, les spécialistes et tout.

N'eût été la collaboration du CRTC qui suit le phénomène au jour le jour et qui a les instruments pour le faire, notre travail aurait été largement handicapé pour, au moins, les média radio et télévision.

Sur le plan de la concentration proprement dite dans le domaine de la radio et de la télévision, quatorze propriétaires ou groupes de propriétaires, soit environ 20 personnes, contrôlent 50 stations de radio sur 78 et 10 stations de télévision sur 19. Ceci a été mentionné à la page 65 du rapport; je vous le mentionne tout simplement.

Pour la presse écrite, six quotidiens sur treize sont la propriété de deux groupes. Quant à la façon dont cette concentration des média se fait sentir sur l'ensemble du territoire, il faudrait un appareil technique dont on ne dispose pas ici, à savoir des projections ou des cartes.

Mais pour le groupe Beaubien, pour n'en mentionner qu'un évidemment, qui possède huit stations de radio sur 41 stations de radio privée, en plus de 30 stations de radio privée sur 41 stations de radio privée du Québec, ceci couvre 66 unités géographiques sur les 68 unités utilisées dans l'étude.

Cela correspond environ à l'ensemble des comtés, moins les comtés de Montréal qu'on a considérés comme une unité. Il y avait une vingtaine de comtés dans cette unité, ce qui fait que ça ne correspond pas à l'ensemble des comtés. Ce même groupe possède CJBR TV de Rimouski, station qui a la deuxième plus forte cote d'écoute dans la région du Bas Saint-Laurent et de la Gaspésie.

Vous avez pu voir que nous nous sommes seulement arrêtés aux aspects strictement factuels de cet inventaire. Les conclusions qu'on peut en tirer sont multiples et il appartient, évidemment, à la commission de les utiliser en fonction de ces objectifs particuliers. Je vous remercie de votre attention et nous sommes bien disposés à essayer de répondre à vos questions et peut-être clarifier aussi certaines ambiguïtés.

Je regrette également qu'on ait dû faire une correction dans la liste des tableaux. Ce sont des choses qui se présentent; nous aurions aimé mieux que ça ne se présente pas mais parfois, ça se produit dans les urgences de la dernière

heure. Nous voulions que le rapport entre à l'intérieur d'un délai précis.

Nous remercions aussi la commission de nous avoir accordé certains délais et de nous avoir permis d'étudier ce phénomène qui, à mon sens, pour le Québec, constitue un phénomène extrêmement important puisqu'il touche à l'information. Merci.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Le député de Chicoutimi.

M. VEILLEUX: Monsieur...

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Partant de la synthèse et des conclusions de l'enquête que vous avez faite, vous mentionnez que le phénomène de monopole n'existe pas comme tel mais qu'un phénomène de concentration existe. Pourriez-vous faire la distinction, dans votre esprit, entre ce que vous concevez comme monopole et ce que vous concevez comme concentration, pour pouvoir en arriver à cette conclusion?

M. PELLETIER (René): La différence que nous pouvons faire n'est pas théorique; c'est une différence qui est bien pratique, c'est-à-dire que le terme monopole comme tel implique des aspects juridiques et moraux pour lesquels nous n'étions pas outillés pour juger. Bien souvent, ce qui s'est produit dans la recherche, quand vous regardez les résultats, c'est que la concentration se produit...

Quand on parle de concentration, c'est souvent au niveau de la consommation soit des quotidiens ou des hebdos ou de l'audition de la télévision ou de la radio, ce n'est pas strictement sur le plan juridique. Pour parler de monopole ou lieu de parler de concentration, il aurait fallu avoir un aspect juridique dans la recherche que nous n'avions pas, que nous n'étions pas habilités à faire, autrement dit. Ce n'était pas dans -notre mandat de parler de monopole.

M. VEILLEUX: A la page 83, vous mentionnez qu'il y a un grand total de 171 unités électroniques de diffusion d'information au Québec. Quand vous parlez du total global d'unités électroniques, immédiatement dans le même paragraphe, est-ce que vous soustrayez de ces 171 unités, celles qui appartiennent au secteur anglophone, ou si le secteur anglophone s'ajoute à ces 171 unités?

M. PELLETIER (René): C'est compris dans les 171.

M. VEILLEUX: C'est compris dans les 171.

M. GAGNE: Nous n'avons pas établi, d'une façon générale, de distinction entre les media anglophones et francophones. Nous les avons considérés comme des choix dans les deux cas. De la sorte, s'il y avait trois stations anglophones dans une région administrative et deux stations francophones, nous considérions la région comme ayant cinq media, accès à cinq media.

M. VEILLEUX: Quand vous parlez de choix, avez-vous toujours à l'esprit les définitions de choix et de service que vous donnez à la page 25 de votre document?

M. GAGNE: Exactement.

M. VEILLEUX: Je pense que vous avez peut-être omis involontairement de définir ces deux termes: choix et service. J'invite les membres de la commission à lire ces définitions à la page 25 qui sont extrêmement importantes, puisqu'elles nous permettent après ça de mieux nous situer à l'intérieur du document, lorsque vous dites que le choix exprime le nombre de media qui pénètrent dans une région, indépendamment du fait que leur centre de production soit ou non installé dans cette région.

M. GAGNE: Exactement.

M. VEILLEUX: Quand vous parlez de service, le service d'une région est le nombre de media qui y sont installés, c'est-à-dire qui y possèdent leur centre d'édition et de production principal.

M. GAGNE: On peut les considérer dans ce cas-là comme émanant de la région ou comme la chose de la région, disons avec les nuances qui s'imposent, parce qu'il n'est pas rare que ce soit un produit implanté là par des gens de l'extérieur.

M. VEILLEUX: Mais quand, dans votre document, vous parlez d'une station réémettrice installée dans une région, est-ce que dans les données que vous avez émises à l'intérieur de ce document, elle constitue un service ou un choix?

M. GAGNE: Un choix, oui. Nécessairement un choix. Je pense que l'illustration de ça, c'est la présence de Radio-Canada dans toute la province. C'est considéré comme un choix, mais non un service régional.

M. VEILLEUX: D'accord.

M. GAGNE: Quoique, dans certains cas, Radio-Canada a aussi des services régionaux, c'est-à-dire qu'elle est installée sur place et offre la production. A ce moment-là, on la considère comme non seulement un choix, mais aussi un service émanant de la région.

M. VEILLEUX: Parce qu'à ce moment-là,

dans votre esprit, ça permet, si on prend comme exemple Radio-Canada, de donner une information régionale lorsque Radio-Canada a un poste de cette nature.

M. GAGNE: Comme faisant partie de la personnalité, si on peut utiliser ça entre guillemets, de la région, émanant de la région.

M. VEILLEUX: D'accord.

M. GAGNE: Parce qu'il y a des gens de la région qui s'expriment, il y a des choses qui viennent de la région, c'est local.

M. VEILLEUX: A ce moment-là, ça devient un service et si la station ne fait que réémettre, c'est dans le secteur-"choix".

M. GAGNE: Du choix, exactement.

M. VEILLEUX: Dans votre travail ici, vous parlez des hebdomadaires, vous divisez les hebdomadaires en nationaux et régionaux. Parmi les régionaux, vous n'en nommez que 35 et vous dites, à moins que je ne me trompe, qu'il y en a effectivement 150, je crois. Est-ce qu'il y aurait possibilité de la part de la commission d'en connaître éventuellement les noms, et de savoir la différence entre 150 et 35 des hebdomadaires dits régionaux?

M. GAGNE: Non seulement y a-t-il possibilité mais, dans la recherche que nous sommes en train de faire pour la commission, nous sommes à faire l'inventaire de la consommation par la population québécoise de tous les journaux, locaux et hebdomadaires, et cela dépasse les nombres qui sont inclus dans cet inventaire. Je vous ai expliqué tout à l'heure la raison pour laquelle nous nous limitions à cela. C'est pour des raisons strictement techniques. C'est que nos sources d'information se limitaient à ces media. Il aurait fallu faire des enquêtes spéciales et c'était hors-cadre. Est-ce que cela répond à votre question, M. Veilleux? Dans la prochaine étape, nous pourrons vous dire exactement ce que les gens consomment sur le plan des hebdos régionaux ou des journaux régionaux, parce que le mot "hebdo" a l'implication d'une fois par semaine et cela sera plus large que cela.

M. VEILLEUX: Est-ce que le travail d'enquête que vous ferez auprès du public vous permettra, au niveau de la radio et de la télévision, d'avoir des données qui pourraient être différentes, au niveau des heures d'écoute, de celles qui sont données ici dans le document?

M. GAGNE: II pourrait y avoir des erreurs d'ordre statistique qui sont normales dans ce genre d'étude. J'ai l'impression que tout dépendra des recoupements que nous allons faire et à la condition que nous respections les mêmes recoupements que le BBM, nous devrions en arriver approximativement aux mêmes choses. Il n'y a pas de raison de croire que cela différera. Par contre, nous aurons des précisions au niveau du contenu des journaux qui sont lus et au niveau du contenu de programmes que nous n'avons pas ici.

M. VEILLEUX: A la page 71, vous parlez du réseau TVA, qui vient d'être mis sur pied. Vous dites qu"'il ne constitue pas un réseau de propriété tel que défini lors de nos rencontres avec la commission." Est-ce que, dans votre esprit, ce réseau ne pourrait pas constituer —je sais que cela n'entre peut-être pas dans votre travail comme tel — un réseau d'information dans le sens du contenu d'information? Et, à ce moment-là, est-ce qu'on demeure toujours dans le secteur de la concentration ou si on en arrive au secteur des monopoles?

M. GAGNE: Je ne suis pas sûr d'avoir compris, M. Veilleux.

M. VEILLEUX: Vous ne faites que le mentionner puisque...

M. GAGNE: Malgré que le réseau...

M. VEILLEUX: ... ce réseau venait d'être créé au moment où vous avez fait ce travail.

M. GAGNE: Oui.

M. VEILLEUX: Vous dites qu'en soi, le réseau TVA n'est pas un réseau de propriété.

M. GAGNE: Non.

M. VEILLEUX: Et si, à la même heure, dans toute la province, le réseau TVA émet une nouvelle ou des nouvelles identiques...

M. GAGNE: Exactement.

M. VEILLEUX: ... est-ce que, dans votre esprit, cela constitue une concentration de contenus d'information ou un monopole de contenus d'information?

M. GAGNE: Dans cette optique, nous n'avons pas abordé le problème sous cet angle et je pense que vous avez là un point assez particulier et qui mérite d'être examiné. Il peut y avoir des conventions entre des propriétaires pour diffuser les mêmes catégories d'informations de sorte qu'à toutes fins pratiques, le public n'a pas de choix. Dans ce sens, c'est une forme non pas de monopole — je pense que le mot monopole ne serait pas adéquat ici — c'est du consortium, ce sont des ententes cachées ou tacites, informelles, peu importe, mais, en réalité, je dirais que c'est un consortium limitant le droit à la variété de l'information, pour le moment. Nous pourrions peut-être trouver

un concept beaucoup plus éclairant et plus brillant que celui-là. Mais c'est un phénomène particulier et il n'est pas impossible que des phénomènes comme ceux-là se glissent et s'amorcent pour des raisons d'économie.

Je pense qu'on doit être alerte face à des possibilités de cet ordre-là, parce que déjà il y a des conventions entre les journaux. Cela fonctionne beaucoup mieux quand les gens sont propriétaires parce qu'ils peuvent imposer une politique. Là, c'est plutôt des conventions, des ententes, des pactes. Merci.

M. VEILLEUX: Le réseau TVA constitue des ententes entre différentes stations privées, de propriétaires différents, à une heure donnée de la journée où l'on émet une information au niveau de toute la province, est-ce juste?

M. GAGNE: C'est possible et remarquez que dans certains cas cela peut être des ententes très heureuses s'ils veulent donner une meilleure information internationale. D'ailleurs les journaux déjà font un travail dans ce sens-là. Ils sont groupés pratiquement en coopérative pour donner une information qu'on suppose être la meilleure du point de vue international mais par contre du point de vue du lecteur, si c'est monolithique à un point où vous n'avez qu'une seule version de la réalité internationale, cela pose des problèmes sérieux au point de vue de la variété. Et dans notre société, le postulat de la variété des sources, c'est presque un principe d'une meilleure qualité d'information mais ce n'est pas toujours vrai techniquement parlant.

M. VEILLEUX: Je cherche quelque chose dans le document. S'il y en a d'autres qui ont des questions à poser, en attendant que je le trouve.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. Gagné, dans l'analyse que vous faites au tableau qui apparaît à la page 39, vous donnez une certaine liste d'hebdomadaires. Vous parlez de la "pénétration des hebdos régionaux du Québec dans leur comté d'édition, leur tirage total et le nombre des comtés qu'ils atteignent."

J'ai l'impression que vous avez utilisé ici une notion de région qui, dans un cas que je vais vous signaler, ne correspond pas à une réalité sociologique et même socio-économique. C'est ainsi, par exemple, que vous parlez globalement de la région du Lac-Saint-Jean, alors qu'en réalité cette région est en fait constituée de deux régions, le Lac-Saint-Jean et ce qu'on appelle la région du Saguenay proprement dite. C'est pour cela que n'apparaît pas, par exemple, dans la liste des hebdos que vous avez dressée, un des plus vieux hebdomadaires de la région Saguenay-Lac-Saint-Jean —j'emploie les deux termes maintenant — L'Etoile du Lac, de Ro- berval, qui couvre toute la région dite du Lac-Saint-Jean, qui pénètre un peu à Chicoutimi, pour ceux qui s'y intéressent. Ainsi n'apparaissent pas non plus le quotidien Le Lac-Saint-Jean...

M. GAGNE: Le quotidien?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pardon, l'hebdomadaire Le Lac-Saint-Jean, d'Alma, et celui de Saint-Félicien qui s'appelle La Voix du Lac-Saint-Jean. Ce sont quand même là trois hebdomadaires régionaux en ce qui concerne le Lac-Saint-Jean dont un est l'un des plus vieux hebdos du Québec. Il ne faut pas oublier cela.

Alors, là il y a quand même une notion de région qui me paraît assez confuse.

M. GAGNE: M. Pelletier aimerait répondre à votre question. Comme première remarque, je suis tous à fait d'accord avec vous pour dire que notre notion de région était handicapée par une réalité qui était la réalité des régions définies comme régions administratives.

C'est une partie de ça. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons tenté de donner en annexe, autant que possible, des tableaux par comté pour briser cette réalité qui, globalement, ne veut pas dire grand-chose, n'a pas une signification trop précise du point de vue des analyses socio-économiques. Par contre, il y a des raisons techniques.

M. Pelletier pourrait préciser pourquoi ces journaux ne sont pas parmi ceux que nous avons mentionnés.

M. PELLETIER (René): En théorie, sur le plan socio-culturel, je suis bien d'accord avec vous pour dire que, si vous avez deux ou trois hebdos qui couvrent la région entière du Lac-Saint-Jean, qui sont des hebdos très enracinés dans le milieu et qui ont quand même un bon tirage, il faut en tenir compte. Sur le plan pratique, à l'intérieur de cet inventaire-là, il a fallu se limiter aux outils qu'on avait en main dans l'état de la situation actuelle; ce qui fait que si ces hebdos ne sont pas membres de l'ABC — ce qu'on peut supposer puisque l'ABC ne nous en fournit aucun chiffre — ils sont donc absents de la liste.

Ce n'est pas une question qui va demeurer sans réponse puisque la deuxième partie de notre enquête va procéder par sondage et alors on pourra aller recueillir l'information chez les gens eux-mêmes, comme ABC aurait pu le faire par les journaux. Ce sera donc complété par la deuxième partie.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Je suis content que vous me disiez cela parce que, si on parle de la variété de l'information, des possibilités d'information, il est important de tenir compte de ces hebdomadaires qui n'ont pas une diffusion nationale mais qui sont quand même, dans des milieux déterminés, des moyens de

communication, de diffusion qui sont très importants en raison de leur âge et en raison des territoires qu'ils desservent.

Dans votre compilation, dans l'analyse que vous avez faite au sujet des quotidiens qui pénètrent dans diverses régions du Québec — j'ai revu ce matin le document que j'avais déjà lu rapidement, je vous le confesse — est-ce que vous avez tenu compte de la pénétration de quotidiens qui ont des éditions dites régionales, comme c'est le cas chez nous, par exemple, pour le journal Le Soleil? Il a une édition régionale pour le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Vous savez, on n'édite pas le journal Le Soleil de la façon dont on le faisait autrefois en y mettant une page ou deux concernant telle région. Il y a vraiment maintenant une édition du Soleil faite spécialement pour le Saguenay-Lac-Saint-Jean. A telle enseigne que moi, lecteur du Soleil, je dois acheter les deux éditions pour savoir ce que le Soleil publie en ce qui concerne la région de Québec et savoir ce que le Soleil publie en ce qui concerne ma région.

Sur le plan de la nouvelle nationale ou internationale, c'est substantiellement la même chose. Même le cahier des arts du samedi n'est pas fait de la même façon; il est conçu pour la région. Je ne sais pas si on a adopté la même façon de procéder dans la région du Bas-du-Fleuve et de la Gaspésie. Vous savez qu'il y a également une édition du Soleil pour le Bas-du-Fleuve et la Gaspésie. J'ignore toutefois si les gens du Bas-du-Fleuve et de la Gaspésie qui s'occupent de cette édition ont la même autonomie qu'ont ceux qui s'occupent de celle du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Je voudrais savoir si vous avez tenu compte de cela dans ce que vous appelez la pénétration, la variété de l'information, les sources d'information, etc.

M. GAGNE: Strictement parlant, nous n'en avons pas tenu compte pour les mêmes raisons qui vous ont été données tout à l'heure à savoir que, strictement d'un point de vue des statistiques, les documents que nous consultons n'en tiennent pas compte, malheureusement. Cependant, je reconnais que du point de vue du choix, dans cette hypothèse, les gens du Saguenay-Lac-Saint-Jean auraient, à toutes fins pratiques, deux journaux quotidiens comme choix, avec des nuances, à cause des éditions.

Ce seraient les implications qui ressortent de votre intervention. Mais effectivement, nous n'en avons pas tenu compte, malheureusement. Je ne vois pas comment, dans cette partie, nous aurions pu en tenir compte sinon le mentionner. Je pense que l'erreur ou le manque que nous avons pu avoir ici, c'est de ne pas l'avoir mentionné. Les compilations des statistiques proprement dites n'étaient pas possibles de ce point de vue mais nous aurions pu, au moins, le mentionner, j'en conviens.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, dans le mandat qui vous a été confié pour la rédaction du document que nous avons, on avait demandé que vous fassiez un relevé des hebdomadaires, prenons le cas des journaux, quotidiens, etc... avec les régions de pénétration et ainsi de suite. Est-ce que vous vous proposez d'examiner le problème de la pénétration de quotidiens qui sont publiés en dehors des régions? Prenez une région comme la nôtre. Il est bien évident que, chaque matin, il arrive tant de milliers d'exemplaires du Devoir, de la Presse, de Montréal-Matin, de la Gazette, du Star, même du Globe and Mail etc., dans certains coins de la région du Lac-Saint-Jean, en somme tous les quotidiens du Québec, même l'Action, quoique là c'est beaucoup moins important. Est-ce que, dans le document actuel, vous n'en tenez pas compte? Dans les recherches ultérieures que vous allez poursuivre, dans votre analyse, allez-vous tenir compte de cette présence de ce que nous pouvons appeler les quotidiens, appelons cela nationaux, à défaut d'autres termes?

M. GAGNE: Effectivement, M. Tremblay, statistiquement parlant, nous en tenons compte, ici. Mais ce n'est peut-être pas assez précis soit dans les tableaux annexes à savoir si dans telle ou telle région, entre tel ou tel journal. Alors, c'est plutôt dans les tableaux annexes que nous donnons ces précisions. Dans le corps même du travail, on donne le nombre de journaux quotidiens qui entrent dans telle région. Comme dans le Lac-Saint-Jean, je pense que c'est un peu plus de cinq, on y inclut probablement le Devoir, la Presse, le Soleil, l'Action, enfin, un certain nombre de journaux de cet ordre. Dans ce sens nous en tenons compte. Et dans la deuxième étape, nous en tenons compte aussi mais de façon plus détaillée. Nous saurons, par exemple, quel est le pourcentage de gens de la région 4, 5 ou 6, qui lisent chacun des quotidiens publiés au Québec — il y en a 13; nous allons le savoir — et un peu la fréquence de lecture et ce qui les intéresse dans le contenu de ces quotidiens. Je ne sais pas si cela répond suffisamment à votre question.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui. C'est cela. Je m'étais rendu compte que vous en aviez tenu compte dans une certaine mesure; mais statistiquement, dans les tableaux que vous nous présentez, nous ne voyons pas les incidences de cette pénétration. Lorsque vous parlez de variété, de l'information, des sources d'information et de la qualité éventuellement, il est important de savoir si les gens ont d'autres moyens de se renseigner ou s'ils sont captifs des moyens qui se trouvent situés dans la région déterminée.

M. GAGNE: Nous pouvons énoncer comme hypothèse seulement que tout le problème du degré de captivité des régions, en terme d'accès aux media, est très probablement en fonction

du système de distribution qui existe. Or, je pense que l'examen de ce phénomène de distribution mériterait qu'on s'y attarde grandement, à mon point de vue, parce que ça implique évidemment des coûts et nous pouvons très bien comprendre un propriétaire de journal qui ne veut pas, disons, se rendre à Gaspé ou à Rouyn-Noranda. Mais du point de vue de l'accessibilité en information, cela pose des problèmes très sérieux. Je pense que nous devrions nous pencher sur ce problème.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez raison parce qu'il y a quelques années, le journal La Presse, à Montréal, avait établi un certain nombre de bureaux dits régionaux où on entretenait quand même un personnel et qui coûtaient passablement d'argent. On s'est rendu compte que ce n'était pas tellement rentable, étant donné le peu de clients qui achetaient la Presse et aussi le peu de nouvelles que la Presse pouvait diffuser et qui eussent intéressé par exemple, les habitués de la Presse, les abonnés de la Presse qui couvrent d'abord le Montréal métropolitain et diverses régions du Québec, mais de façon un peu partielle ou fractionnaire.

Maintenant, je voudrais vous poser une autre question au sujet de l'appréciation que vous pourriez donner de ce qu'on appelle, dans le jargon du métier, la couverture qu'assurent des media comme la radio et la télévision; et je vais l'illustrer. Vous savez que chez nous, il y a quand même deux stations de télévision et six stations de radio. Il y a une station de télévision qui est un poste dit affilié à Radio-Canada; c'est la station de Jonquière. Par conséquent, tout ce que véhicule Radio-Canada et qui est d'intérêt national est véhiculé dans notre région. Il reste à la station de télévision un certain nombre d'heures pour programmation locale. Donc, l'information, la qualité de l'information, les sources d'information de Radio-Canada, tout cela pénètre dans la région. D'autre part, vous avez une station privée, la station CJPM, qui, elle, sans être nécessairement affiliée à Télé-Métropole est quand même un relais de Télé-Métropole et diffuse ainsi un certain nombre d'émissions provenant du canal 10 et par son système de TVA donne une information qui est celle de l'agence qui semble vouloir prendre une certaine expansion avec des accords avec d'autres stations, même avec Radio-Canada. Vous avez, particulièrement lorsqu'il s'agit des informations, une partie d'informations dites nationales — appelons cela comme cela — et après cela, vous avez une partie régionale. Radio-Canada, d'ailleurs, a réorganisé son système d'informations, dans la région chez nous, et procède de la même façon, tant pour sa station de radio que pour la station de télévision qui est un poste affilié. Vous avez donc là, au moins au moyen de deux stations, une couverture de l'événement québécois ou de l'événement national ou international qui est quand même relativement satisfaisante.

Dans le cas des stations de radio privées, il s'agit, bien entendu, d'une programmation locale et très localisée parce qu'il y en a une à Roberval, à Dolbeau, à Alma, à Jonquière et à Chicoutimi, de sorte que vous avez une information régionale et souvent très localisée. Je ne sache point, à moins que je fasse erreur — mon collègue de Roberval peut me le dire — qu'aucune de ces stations n'utilisent des agences, comme TVA par exemple. C'est une information strictement régionale. Par conséquent, même si en apparence, en raison du nombre de stations de radio et du nombre de stations de télévision, la région semble être passablement bien équipée, il reste que l'auditoire est en quelque façon captif de deux stations de télévision et des stations de radio. Evidemment, nous songeons à ce problème du câble, par exemple, antenne communautaire et câblodis-tribution, qui pourrait permettre évidemment une pénétration d'autres stations dans notre région. A ce propos, je voudrais vous poser une question en ce qui concerne la région de Québec.

Là, vous avez centré votre attention et fait porter vos recherches sur ce qui existe au Québec: hebdos, journaux, media électroniques. Est-ce que vous vous proposez, dans les recherches que vous entendez poursuivre, d'examiner le phénomène de la pénétration par le moyen de media qui viennent directement de l'extérieur?

A Québec par exemple, si nous n'avions que Radio-Canada et la station privée de langue française ou l'autre station de langue anglaise qui est reliée à Radio-Canada, nous n'aurions en réalité que trois stations. Or, ce n'est pas le cas puisque, par le moyen du câble, il y a quand même treize stations qui pénètrent ici, à part les stations FM.

Est-ce que vous allez examiner ce phénomène particulier? Lorsque je parle de treize stations, évidemment, je comprends les stations américaines. A ce propos, je fais une parenthèse en ce qui concerne notre région; à partir de 8 h 30 ou 9 h le soir, la radio américaine, dans la région chez nous, pénètre avec une très grande facilité, de la même façon que nous captons très facilement les stations de Rimouski, de Matane, de New Carlisle. Nous captons également les stations de Montréal, mais beaucoup plus difficilement les stations de Québec. Je parle des stations de radio.

La télévision, nous l'avons par d'autres moyens. Vous voyez que le phénomène de la couverture est beaucoup plus grand chez nous, quand nous examinons tous ces facteurs, que nous ne pourrions le croire à l'examen rapide, un peu superficiel, des chiffres que vous nous apportez. J'aimerais savoir si vous allez — c'est très difficile de cerner tout cela — examiner ce phénomène de pénétration par des moyens dont, peut-être, vous ignoriez l'existence.

Je ne fais pas une présomption d'ignorance, mais est-ce que vous savez que, par exemple

chez nous, nous prenons aussi facilement New Carlisle que Chicoutimi? Par ailleurs, nous avons du mal à prendre CHRC Québec, CKCV, Québec, CBV Québec et nous prenons très facilement CKAC Montréal et difficilement, la station de Radio-Canada de Montréal.

Il y a quand même là un ensemble de media qui pénètrent chez nous et dont beaucoup de gens ignorent la présence et l'existence, y compris les stations américaines en très grand nombre le soir.

M. GAGNE: J'ai l'impression que votre question est complexe, dans ce sens que la réalité que vous décrivez est complexe et importante en même temps. Par contre, l'effort que nous avons l'intention de faire dans la prochaine étape, ce sera au moins de dégager l'importance de ce phénomène; peut-être pas étudier le phénomène à fond, la complexité, les détails, les implications de ce phénomène mais, au moins, en étudier l'ampleur relative.

Je donne un exemple; on peut très bien déceler que les gens ont effectivement accès à des stations américaines et à des stations d'autres régions, d'autres provinces et que, par ailleurs, ils n'en utilisent que très peu. Le phénomène, si, objectivement, il existe, l'utilisation que les gens en font est tellement faible qu'à ce moment, ce n'est peut-être pas d'un grand intérêt de s'y arrêter.

On pourrait s'y arrêter pour d'autres raisons mais, du point de vue de la consommation, cela n'a peut-être pas grand intérêt. Je suis convaincu que l'étude que nous allons conduire, qui est le sondage, l'enquête proprement dite auprès de l'ensemble du territoire va nous dégager au moins l'ampleur du phénomène.

Je me souviens très bien qu'en 1960, on faisait une étude à Montréal et à Québec pour essayer de saisir l'importance relative de la consommation des moyens de diffusion américains à Montréal et à Québec et, du côté francophone, c'était un phénomène vraiment marginal. Même le phénomène des francophones allant vers les stations d'expression anglaise est aussi un phénomène marginal en 1960. Et encore récemment, en 1970 ou en 1969, un petit examen de ce côté nous a montré qu'il n'y avait pas tellement eu de changement en dix ans. Il semble que, grosso modo, les francophones sont attachés à leurs média, que les anglophones sont attachés aux leurs et que les communications des deux groupes à ce niveau-là sont relativement faibles. Le phénomène n'est pas tout à fait identique pour les anglophones, à Montréal du moins, parce qu'ils consomment considérablement, à mon sens, dans une forte proportion, les media américains.

Maintenant, étant donné l'avènement de la télévision par câble, il se peut que le phénomène change, mais pour autant que je sache, il n'y a pas eu de changement draconien à moins qu'il ne se développe dans les différentes régions des programmes spéciaux par câble. Et on va au moins saisir l'ampleur de ce phénomène dans l'étude qui s'en vient.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Voyez-vous, ce qui m'intéresse dans ce que vous venez de dire, c'est l'aspect consommation. Je vous ai donné des exemples, il reste à déterminer quelle est l'importance de la consommation que l'on peut faire des stations américaines chez nous. Je sais qu'elle est minime. Par exemple, chez moi, je peux prendre Nashville, Tennessee. C'est quand même assez loin du Lac-Saint-Jean et du Saguenay. Alors, combien de gens peuvent-ils être à l'écoute de cette station à un moment donné de la soirée? Je ne le sais pas. Mais, ce qui m'intéresse et ce qui serait intéressant, lorsque vous aurez complété l'étude, ce sera d'avoir une vue d'ensemble du phénomène de la consommation afin de déterminer les lieux où devront être installés les systèmes d'antenne communautaire, par exemple, tout le système de câblodistribution, afin d'assurer en même temps qu'une information complète à tous égards, une qualité d'information, une variété d'information, toutes choses dont sont privés beaucoup de gens, particulièrement — et vous l'avez signalé dans votre étude — dans la région du Nord-Ouest ou de l'Abitibi où la pénétration reste quand même passablement faible. Ces gens-là sont, à toutes fins utiles, victimes, des auditeurs captifs.

Maintenant, je reviens au problème des publications proprement dites; on a parlé de concentration versus monopole, ainsi de suite, ce n'est pas le sujet... Oui, monsieur.

M. PELLETIER (René): J'aimerais faire référence à la première partie de votre question.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, je vous en prie.

M. PELLETIER (René): Vous avez parlé du localisme des stations de télévision et de radio du Lac-Saint-Jean. Vous avez parlé des auditoires captifs et vous parlez ensuite de qualité d'information: L'information est-elle complète? Est-elle de qualité? Je suis très heureux que vous souligniez le problème, puisque ce rapport touche l'inventaire des récepteurs et des émetteurs de la communication. C'est peut-être incomplet de travailler seulement avec ça si l'on ne touche pas le problème du message comme tel et du contenu qui n'étaient pas dans notre mandat...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord.

M. PELLETIER (René): ... mais si je peux me permettre ici de faire une suggestion, c'est que si on parle d'émetteurs et de récepteurs, ça peut risquer de fausser la réalité et il peut y avoir des gens qui ont accès à dix postes de radio et qui disent la même chose, alors que,

dans la région à côté, il y a trois postes de radio qui disent des choses différentes. Alors, il y aurait peut-être intérêt à fouiller de façon plus ou moins sommaire ou creuser en profondeur le problème du message comme tel qui est diffusé par les différents émetteurs de la province.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): C'est exact. C'est ce que je vous signalais tout à l'heure, par exemple, avec les stations de radio chez nous.

Une station va annoncer qu'il y a eu un accident à Dolbeau. Evidemment, tout de suite la station de Chicoutimi vous la raconte deux minutes après et la station de Jonquière fait la même chose et également celle d'Alma. Donc, nous avons la même nouvelle cinq ou six fois dans la journée. Et Dieu sait si ces répétitions finissent par être ennuyeuses. Là, il y a une question de contenu et de qualité et de variété de l'information, parce qu'on ne peut pas répéter à la journée longue que Mme Unetelle s'est fait tuer en traversant la rue. C'est bien tragique mais, une fois que nous le savons, nous pleurons et c'est fini.

C'est là le problème à notre avis. Et dans le cas des publications écrites, vous allez sans doute, dans votre analyse, examiner, en termes de consommation toujours, la question de la pénétration d'un ensemble de publications hebdomadaires ou mensuelles, journaux, revues, etc. Prenez par exemple les périodiques, les mensuels. Vous n'avez pas examiné encore ce phénomène. Ce sont quand même des véhicules assez importants. Vous allez examiner ces choses, essayer de dégager des statistiques sur leur pénétration, sur leur influence éventuelle.

Il y a une dernière chose qui me préoccupe, encore que ce n'est pas dans votre mandat de porter un jugement là-dessus, il appartiendra à la commission d'en discuter plus longuement, et c'est la question de la propriété des media d'information et des conséquences que cela peut avoir sur la qualité de l'information, la variété de l'information, en ce qui concerne les stations de radio et de télévision, sur la programmation, sur la langue, etc. L'autre jour, nous avons discuté avec un autre témoin — j'y fais simplement référence sans analyser le témoignage — de ce problème de l'organisation de l'information à l'intérieur de ces entreprises de presse qui existent. Quand votre étude sera complétée et que nous aurons une idée en termes de consommation, nous pourrons nous attaquer aussi au problème de la qualité, c'est-à-dire au contenu de cette information afin de dégager, de tirer des conclusions et de voir si le public d'abord est bien servi, en ce sens qu'il a à sa disposition des moyens multipliés et multiples et divers de se renseigner. Nous chercherons aussi si le public, d'autre part, a les moyens de s'instruire et de s'éduquer et de se cultiver par les media qui sont à sa disposition et quels sont par ailleurs, étant donné les carences que nous avons déjà notées, que nous constatons et celles que nous découvrirons à la suite de vos études, les moyens que les pouvoirs publics devront prendre afin d'intensifier la multiplication des media d'information, de quelque nature qu'ils soient, pour que, justement, le public ne soit pas, en réalité, obligé de suivre perpétuellement la même diète, de se voir servir le même menu tous les jours avec des variantes plus ou moins apparentes. Et, en passant, je le note ici, sous forme de réflexion personnelle, je regardais, par exemple, la programmation des stations de radio et de télévision — je parle de la radio et de la télévision d'Etat — pour l'automne qui commence. Quand on examine cela assez sérieusement, à l'analyse, les titres des émissions sont changés mais le contenu reste le même. Il y a très très peu de modification en profondeur.

C'est un problème, et j'ai nettement l'impression que si l'on mettait l'accent sur la câblodistribution, sur l'assistance pour la création des antennes communautaires, l'on pourrait quand même tirer de chacune des régions, à même les ressources de la région, des moyens de donner aux régions, et même à l'ensemble du Québec, une information qui soit — je parle de tout le contenu de l'information, je ne parle pas seulement de la nouvelle — de meilleure qualité.

Cette information aurait un contenu beaucoup plus varié et toucherait davantage à des réalités, à des préoccupations socio-économiques, socio-culturelles qui concernent plus spécifiquement le Québec.

En terminant, M. Pelletier et M. Gagné, je vous dis ceci: L'examen, quand même assez superficiel du rapport que vous nous avez fourni, ne nous fournit pas encore suffisamment d'indices — ce n'était pas votre mandat — sur les habitudes d'écoute, cela viendra ultérieurement, sur les moyens techniques qui pourraient avoir des incidences sérieuses sur l'évolution du contenu linguistique des media d'information. Certes, il y a des journaux de langue anglaise — les lit qui veut — il y a des stations de radio et de télévision de langue anglaise, est-ce qu'elles sont trop nombreuses, est-ce qu'elles sont insuffisantes? Il va nous falloir examiner ce problème-là et il va nous falloir examiner aussi un problème qui, jusqu'à certains égards, reste insoluble. C'est que, quoi qu'on fasse, quoi qu'on veuille faire, à partir du moment où on installe un câble, la télévision et la radio anglaises peuvent pénétrer dans des régions où jamais elles n'avaient pénétré. C'est ce qui pourra se produire chez nous quand il y aura un câble de la nature de celui qui existe à Québec, ou qui existe à Montréal, la radio de langue anglaise et la télévision de langue anglaise pourront pénétrer très aisément chez nous. D'ailleurs il a été question tout récemment d'une station du genre FM de langue anglaise à Chicoutimi.

Voilà, messieurs, les brefs commentaires que j'avais à faire et les quelques questions que j'avais à vous poser, parce que ce rapport n'est qu'une partie des études que vous poursuivez à l'heure actuelle. Je vous remercie du travail que

vous avez fait. Naturellement, il n'est pas question ici de juger de la qualité de votre travail, mais ce que vous nous soumettez, comme information, nous fournit, à mon avis, ample matière à analyse et va nous permettre, avec vous et avec les autres travaux qui viendront, d'avoir une idée beaucoup plus précise du problème de l'information et aussi de l'influence, bonne ou mauvaise — cela reste à déterminer — de cette sorte de concentration de ce qu'on appelle les entreprises de presse et, partant, cela va nous inciter aussi à essayer d'inventer des formules législatives ou autres qui permettront de briser ces concentrations, si tant est qu'on doive le faire, et qu'on puisse le faire aussi sans préjudice aux droits de ceux qui ont investi et sans préjudice également aux citoyens qui peuvent très bien manifester leur satisfaction à l'égard de la situation qui prévaut actuellement dans le Québec. Je vous remercie, messieurs.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: M. le Président, à titre d'information pour les membres de la commission, une simple question. Vous m'avez répondu avant la commission, mais j'aimerais que vous redonniez la réponse pour le bénéfice des membres de la commission. A la page 102, au tableau 4 a), vous donnez le nombre de postes de télévision pénétrant dans les différentes unités géographiques regroupées en régions administratives. Dans ce tableau 4 a), si je regarde plus spécifiquement à la page 103, pour l'unité géographique Saint-Jean, vous mentionnez qu'il y a cinq postes de télévision qui y pénètrent.

Je peux vous dire que sans l'aide d'un câble, on peut capter, à Saint-Jean, quatre postes de langue française, quatre postes de langue anglaise, sous VHF et UHF, deux postes de langue anglaise.

A Saint-Jean, on peut capter Radio-Canada en français, deux postes du Vermont, Radio-Canada en anglais, Sherbrooke, Mont Washington, Télé-Métropole, Trois-Rivières et deux postes UHF du Vermont.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous prenez Sherbrooke chez vous?

M. VEILLEUX: Oui, nous captons Sherbrooke. Pourquoi indiquer, à la page 103, 5 au lieu de 10?

M. PELLETIER: La question de pouvoir capter...

M. VEILLEUX: Excusez, un instant. Je tiens à dire aux membres que nous recevons à l'instant les fameuses cartes tant attendues.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ils se sont entendus sur l'entrepreneur. Ils ont donné le contrat.

M. VEILLEUX: Vous pouvez y aller.

M. PELLETIER (René): La question de savoir combien de postes de télévision ou de radio les gens peuvent capter dans une région ou dans un comté n'est pas posée par les experts de la BBM de façon pure, c'est-à-dire combien les gens peuvent en capter en théorie ou en principe. Voici ce sur quoi BBM se base pour dire qu'un poste de radio entre ou n'entre pas dans une région: il faut que ce poste ait une consommation supérieure à 1 p.c. de la population. Ce qui fait, bien souvent, que des postes, comme vous dites, qui peuvent être captés par le UHF exigent un certain équipement technique, au moins une antenne, chose que la majorité de la population ne possède pas. Comme la consommation de ce poste est infime par rapport aux autres postes, ce poste n'est pas présenté comme choix. La question est toujours liée à la consommation; elle n'est posée en théorie ni par BBM, ni par notre inventaire.

M. VEILLEUX: Pour faire suite aux propos du député de Chicoutimi, d'après vous, est-ce que le CRTC pourrait posséder les données complexes que mentionnait le député de Chicoutimi tout à l'heure lorsqu'il disait qu'à Chicoutimi on peut capter Nashville au Tennessee? Lorsque le CRTC donne des permis à des postes ou qu'il y a des ententes — je ne sais pas si c'est au niveau international ou national — pour que tel poste ferme avec le coucher du soleil et ouvre avec le lever du soleil, est-ce que le CRTC pourrait avoir ces données?

M. GAGNE: Nécessairement, le ministère de l'Education ou le CRTC comme intermédiaire du ministère de l'Education à Ottawa peut fournir des cartes ou des données extrêmement techniques sur le fonctionnement des ondes dans telle ou telle région, sur les ondes de bonne réception. Je ne peux pas garantir à quel point il peut en donner pour telle région mentionnée et à quelle rapidité il peut le faire. Je sais pertinemment que les démarches que j'ai personnellement faites ou que M. Pelletier a faites dans le passé ont toujours été examinées. Je ne peux pas dire s'il va le faire exactement, mais je pense qu'il est assez bien disposé à donner l'information, surtout depuis la création du CRTC. On avait auparavant le BGR, c'était plus difficile parce que, semble-t-il, il était moins bien organisé à ce point de vue. C'est une question hautement technique.

M. VEILLEUX: Pour le bénéfice des membres de la commission, est-ce que vous pourriez donner des explications sur les fameuses cartes, pour nous aider à comprendre?

M. GAGNE: Effectivement, les cartes que vous recevez, dans notre plan, nous avions prévu les inscrire au fur et à mesure du rapport pour illustrer certaines parties des résultats. Malheureusement, pour toutes sortes de consi-

dérations, ça n'a pas été possible et comme nous ne voulions pas retarder la parution du rapport, nous avons retardé la parution des cartes.

Par contre, les références sont assez exactes, pour quelqu'un qui prend la peine de les examiner. Je pense, par exemple, à la carte 1; nous disons pourquoi nous avons présenté cette carte.

Nous avons localisé sur la carte les différents postes de la radio privée et d'Etat au Québec. Cette carte a été conçue à partir des renseignements contenus dans le Canadian Advertising, le CARD, et des postes de radiodiffusion au Canada. Cette carte fait toujours la référence exacte au tableau du rapport et nous pouvons très bien voir, à vol d'oiseau, dans un coup d'oeil rapide, où sont localisées les stations de radio et de télévision. Donc,ces informations sont données par le CRTC; je pense que Radio-Canada a ses propres cartes là-dessus, mais nous avons voulu en faire une version récente et c'est ce qui explique que vous l'ayez en première place.

Maintenant, la carte no 2 indique la localisation des postes de télévision installés au Québec.

M. VEILLEUX: J'ai sur la carte no 1 une question qui pourrait s'appliquer à d'autres. Vous mentionnez: un poste, propriété de Radio-Canada, un autre sigle pour affilié à Radio-Canada et finalement un poste privé. Est-ce que vous avez posé sur cette carte les postes réémetteurs de Radio-Canada? Quelle différence faites-vous entre le choix et le service? Je reviens toujours à cette question.

M. GAGNE: Prenez la réémission, ce qu'on peut appeler, la rediffusion, dans le cas de CHAU-TV, c'est un cas qui m'a toujours frappé à cause du grande nombre de réémetteurs. Je pense qu'il en avait jusqu'à neuf, peut-être qu'il est rendu plus loin maintenant. Or, c'est localisé à des endroits où il n'y a rien qui se diffuse de là, sinon que cela retransmet, que cela facilite une meilleure qualité d'image. Ces stations, on les apporte comme telles, à ce niveau-ci.

M. VEILLEUX: D'accord.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pourriez-vous m'expliquer exactement ce que vous appelez réémission ou réémetteur? Vous venez de faire mention d'un poste.

M. GAGNE: Le poste réémetteur est tout simplement une construction, une antenne qui permet de capter mieux que les stations de radio que vous avez dans votre maison le poste ou la station mère et le retransmet au poste local de radio ou de télévision.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais pas en différé. Il ne retransmet pas en différé. C'est tout simplement une sorte de moyen d'amplification pour permettre à des stations qui n'auraient pas le nombre suffisant de kilowatts pour capter. Je comprends. Merci.

M. GAGNE: C'est cela.

M. VEILLEUX: Ou à cause des accidents géographiques, par exemple, des montagnes ou...

M. GAGNE: C'est un problème purement technique.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: Etant donné l'heure, M. le Président, je serai bref. Je veux d'abord remercier et féliciter les auteurs du rapport qui nous fournissent une abondante matière pour notre analyse et notre réflexion. Je suis sûr que c'est très utile, dans un champ où nous avions quand même peu d'information, malgré le rapport de la commission Davey. Je voudrais poser trois questions. Vous avez noté qu'il y avait un degré de concentration beaucoup plus élevé dans le champ des hebdomadaires, même si ce n'était pas votre mandat de rechercher les causes. Est-ce que vous avez fait quand même des hypothèses, quant aux raisons qui expliquent cette concentration?

M. PELLETIER (René): En fait, comme vous le dites, vu que ce n'était pas dans notre mandat, nous pouvons avoir des hypothèses sur un plan strictement individuel ou sur le plan de la recherche, mais nous n'avons pas inclus ces hypothèses dans le rapport, justement parce que cela relevait beaucoup plus d'une analyse économique du phénomène que nous pourrions peut-être faire mais qui n'était pas dans le mandat précis du présent rapport. Nous avions à décrire l'état de la situation actuelle au Québec de la façon la plus exhaustive et précise possible mais, de là à expliquer pourquoi l'état est tel, c'était une autre question qu'on peut toujours se poser.

M. GAGNE: Nous pouvons tenter de donner une explication au sens commun, pour commencer. C'est qu'à toutes fins pratiques le type d'information que diffusent les hebdomadaires, c'est un type d'information d'intérêt peut-être plus général. Le rythme aussi de la publication étant plus lent, il est probablement plus facile, à mon sens, pour un organisme de créer de toutes pièces une série d'hebdomadaires avec des adaptations locales. A ce moment-là, vous avez une économie au niveau des moyens techniques d'impression et vous ne faites que des variantes, par ce qu'on voit assez souvent, ce sont des gens qui possèdent plusieurs hebdomadaires et qui ne sont pas nécessairement des gens de la région

même où ça paraît. Ils vont faire un hebdomadaire pour cette région mais ce ne sont pas nécessairement des gens de cette région. C'est un peu plus facile à administrer. Moi, j'énoncerais cette première hypothèse pour le moins — donc capacité d'utiliser des sources identiques et de distraire — parce qu'il y a un intérêt général qui est à peu près identique, d'une région à l'autre, alors que pour les quotidiens, cela ne se pose pas de la même façon, parce qu'il y a une commande au jour le jour. Je ne sais pas si l'expérience de l'abandon des journaux dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean n'est pas liée justement à une incapacité des quotidiens de vendre leur publicité localement. Je crois qu'il y en a peut-être qui ont de meilleures explications que nous par rapport à ça, mais, comme disait M. Pelletier, on n'a pas vraiment essayé d'énoncer même des hypothèses à ce niveau-ci. On s'est peut-être trop limité aux faits, d'une certaine façon.

M. PELLETIER (René): On pourrait peut-être aussi rapprocher le phénomène de la concentration que vous soulevez du phénomène de la concentration dans d'autres domaines aussi. Le nombre de titres de journaux du début du siècle à aujourd'hui a diminué. Il est 40 fois plus petit ou 20 fois plus petit qu'il était en 1900 ou en 1910. A ce moment-là, ça relève, jusqu'à un certain point, d'une concentration de gestion et d'administration d'entreprises comme ça se passe dans d'autres domaines. On a eu, par exemple, le phénomène des magasins à succursales qui est à peu près du même ordre. Autant il pourrait être difficile, aujourd'hui, d'ouvrir une épicerie du coin, autant il peut être difficile de lancer un hebdomadaire régional. A ce moment-là, ça suppose le mouvement inverse, c'est-à-dire qu'augmenter le nombre de titres est très difficile, mais non pas impossible, mais cela suppose une intervention qui est extérieure au marché comme tel.

M. GAGNE: Cela suppose aussi qu'on ne peut pas utiliser des moyens du bord qui étaient utilisés auparavant. Je pense que cette dimension est extrêmement importante et, par contre, embarrassante. Ce qui se produit, à toutes fins pratiques — et je pense que c'est une des dimensions qui m'apparaït assez grave par certains côtés — c'est que des gens ont des choses à dire localement ou régionalement et ne réussissent pas à se donner les moyens, à cause de tout un appareillage technique de concurrence qui vient de l'extérieur, pour le dire. J'ai déjà assisté à des interventions des gens du Nou-veau-Brunswick —je parle des gens du Nou-veau-Brunswick parce que c'est cette expérience-là qui m'a surtout frappé — qui étaient un peu angoissés par le fait qu'ils ne recevaient pas d'informations suffisamment locales. Pourtant, ç'aurait demandé, à mon sens, dans le nord-est du Nouveau-Brunswick, une intervention de l'extérieur, parce que les gens sont un peu trop démunis et peut-être aussi qu'aujourd'hui ça suppose que les gens soient suffisamment politisés, au sens très large du terme, pour pouvoir se mettre ensemble et décider d'investir ensemble, pour pouvoir s'exprimer ensemble. Je me dis: Ces choses-là relèvent peut-être maintenant plus d'une intervention de l'Etat pour leur faciliter techniquement ces modes d'expression. D'ailleurs, ce sont des considérations que nous avons faites avec le temps, parce que ces barrières font que les gens ne réussissent pas à s'exprimer localement et personne n'ose investir.

Il faut en voir la cause; une des causes du moins réside dans la concurrence qui vient de l'extérieur et qui est très forte.

M. CHARRON: M. Gagné, une sous-question à celle du député de Bourget sur le phénomène de concentration. Je sais que nous verrons les effets mauvais ou bons de la concentration, en partie dans l'autre analyse, celle de la qualité de l'information et de la consommation telle que perçue par les gens qui le font pour se permettre de se faire un jugement sur l'effet de la concentration, sur la qualité de l'information...

Mais je crains qu'une question ne demeure entre les deux analyses et que, même lorsque vous nous remettrez le deuxième rapport, nous soyons insatisfaits parce qu'il y a un phénomène qui sera important d'étudier — je l'ai mentionné la semaine dernière devant un autre témoin — ce serait celui de la méthode de gestion que ces entreprises, concentrées ou non, puissantes ou moins puissantes, peuvent avoir sur chacun de leurs journaux. Par exemple, quant à la concentration assez élevée des hebdomadaires, votre enquête vous a-t-elle permis de découvrir si elle a amené, sur le plan de la gestion, de l'administration, une centralisation à l'extérieur de ladite région qui affecterait éventuellement la qualité de l'information?

Je m'explique. Si un consortium, ou un groupe d'individus, d'hommes d'affaires, possède des hebdomadaires qui couvrent quatre ou cinq régions — on pourrait prendre un exemple, vous en mentionnez — est-ce que ç'a amené à un seul endroit la concentration de la politique éditoriale de l'hebdomadaire qui serait émise, à Montréal et diffusée, via la propriété de ces hommes-là, dans les quatre ou cinq régions avec quatre ou cinq hebdomadaires différents par exemple?

Quant à moi, je n'ai pas d'objection à savoir qu'un seul homme pourrait posséder cinq journaux. C'est "comment" il les conduit ces cinq journaux-là. Là, le danger peut arriver. Si c'est un bonhomme qui les possède mais qui laisse l'initiative aux endroits et à la population de s'exprimer, le danger est écarté. Si c'est un bonhomme qui contrôle ses cinq entreprises d'une façon dictatoriale et que c'est sa pensée à lui que les journalistes qu'il emploie, les éditorialistes qui lui sont soumis doivent transmettre, le danger vient d'apparaître.

Est-ce que l'enquête que vous avez faite, et

qui est excellente, a permis de conclure sur les méthodes de gestion et d'administration de ces entreprises concentrées?

M. GAGNE: La réponse est définitivement négative. On ne peut pas essayer de laisser croire que ça répond à des questions aussi dramatiques, aussi importantes que celle-là. Par contre, je pourrais faire une réflexion tout à fait personnelle par rapport à vos préoccupations.

Je me dis ceci: On peut très bien faire une analyse très serrée des changements qui se sont opérés dans la nature de l'information, l'homogénéité de l'information d'une série de journaux que possède une seule personne ou un seul groupe de personnes, et découvrir que ça devient de plus en plus homogène, de plus en plus partisan, de plus en plus fermé à tel ou tel courant d'idées.

Je pense que c'est à peu près l'avis de tout le monde que ça ne sera pas bien vu de la commission que des phénomènes comme ceux-là se produisent. Par contre, on peut très bien voir un autre cas où la concentration a justement amené une multiplication, une ouverture et là, le problème technique, méthodologique ou théorique est de savoir à quoi attribuer précisément qu'avec une structure, prise dans un sens très général, une propriété identique, vous arriviez à des résultats, du point de vue de la qualité, de l'hétérogénéité de l'information, complètement différents.

C'est un dilemme assez important. Je me dis qu'il y a cette première interrogation qu'on peut se poser. La deuxième, à mon sens, c'est que je suis à peu près convaincu qu'il y a des types de structures, de propriétés, qui prêtent flanc à des abus dans un sens ou dans l'autre.

Je pense que c'est probablement à ce niveau qu'il va falloir travailler pour essayer de trouver la formule qui ne sera pas idéale, parce que ce sera probablement difficile à trouver, mais la formule de compromis ou la formule qui optimalise la variété, qui optimalise l'ouverture aux événements, qui optimalise l'ouverture aux différents types d'idéologie et autres. Je ne sais pas si je me fais comprendre...

M. CHARRON: Oui.

M. GAGNE: C'est une question tellement importante, que je ne crois pas non plus qu'avec la prochaine étude, on puisse y répondre. Je crois que ça suppose des études très, très spécialisées. Et j'imagine, à ce moment-ci, une étude sur des cas par exemple — et l'étude de cas est toujours dangereuse par certains côtés — pour permettre à la réflexion d'avancer, où vous essayeriez de voir si l'avènement d'une nouvelle structure dans une période de temps suffisamment longue a vraiment changé les contenus, pour comparer les mêmes structures, deux mêmes structures, mais situées dans des contextes différents, ou plusieurs structures. Mais, c'est une étude extrêmement compliquée et très importante. Qui est bien placé pour faire ça? Je pense que c'est probablement une équipe multidisciplinaire qui pourrait faire un travail adéquat à ce niveau; c'est ma conviction.

M. CHARRON: Vous admettez que les deux enquêtes, celle-là et la prochaine...

M. GAGNE: J'admets.

M. CHARRON: ... nous conduisent au bord de cette question, mais n'y répondent pas.

M. GAGNE: Elles ne pourront pas résoudre ce problème.

M. CHARRON: Et c'est pourtant là, il me semble, qu'une grande partie du problème et des décisions qui devraient, évidemment, découler de la commission...

M. GAGNE: Cela va sûrement amener des éclairages.

M. CHARRON: Oui, d'accord.

M. GAGNE: C'est comme le disait M. Pelletier tout à l'heure; il y a des choses qu'on ne peut pas dire si on n'analyse pas les contenus, le message, comme on ne peut rien dire si on n'analyse pas la disponibilité des gens. On a beau transmettre des messages d'une très grande qualité, d'une très grande variété, à des heures où les gens ne sont pas disponibles, on ne rend pas un service adéquat, à mon sens, à la situation.

M. CHARRON: D'accord. Notez que si nous joignions une analyse de contenu sérieuse au résultat de l'enquête que nous avons en main actuellement, il nous serait probablement possible de tirer des conclusions qui porteraient en ce sens. Mais, je pense que l'indice d'erreurs serait trop élevé pour nous permettre de dire que nous avons trouvé ce qu'il faut faire.

M. GAGNE: C'est ça. Cela nous permet d'être sensibilisés, d'être avertis. C'est un peu une tradition à créer que des choses comme celle-là se fassent, des études comme celle-là se réalisent. Mais qu'une étude puisse donner des conclusions, c'est assez téméraire de le penser.

M. CHARRON: J'ai une autre sous-question sur le phénomène de la concentration. Oui?

M. LEDUC: Une petite remarque. J'imagine que l'étude dont vous venez de discuter est une étude qui devrait se faire à très long terme. Ainsi, si on donnait à quelqu'un le mandat de faire cette étude à l'intérieur d'une période de six mois, je crois que ce ne serait pas assez long pour pouvoir faire une évaluation sérieuse de la situation.

M. GAGNE: Je préciserais le long terme, par exemple, M. Leduc ou Dubuc.

M. LEDUC: Leduc, de Taillon.

M. GAGNE: J'ai bien compris. Alors, je préciserais dans ce sens: on pourrait très bien faire une étude longitudinale ou à long terme, en prenant des situations qui se sont passées et dans le domaine des journaux, parce que vous avez probablement des copies des journaux qui relèvent d'assez loin en arrière. Cela devrait être aussi longitudinal parce qu'un genre d'étude comme ça ne peut pas se discontinuer, il faut maintenir ça en vie.

M. LEDUC: D'accord.

M. CHARRON: Votre étude a mené ses hypothèses en incluant les périodiques ou les moyens d'information anglophones et les moyens d'information francophones. Je crois que vous avez répondu ça à une question tantôt.

M. GAGNE: Oui.

M. CHARRON: Sur le phénomène de la concentration, est-ce qu'on peut dire que la propriété concentrée des moyens d'information est plus élevée dans l'information visant les francophones que celle visant les anglophones ou l'inverse? Est-ce que l'analyse de votre enquête permet de tirer des conclusions?

M. PELLETIER (René): C'est plus concentré en ce sens que, par exemple, si on prend le medium que nous avons considéré le plus important sur le plan de l'information, c'était le medium quotidien, les gens qui se déplacent pour acheter un quotidien ont plus de chances de le lire et de s'informer que les gens qui syntonisent le poste de télévision ou de radio et qui peuvent seulement l'écouter discrètement.

M. CHARRON: D'accord.

M. PELLETIER (René): A ce moment-là, il est évident que le phénomène de la concentration est plus fort; il y a deux quotidiens de langue anglaise qui ne sont pas possédés par le même propriétaire alors qu'il y a quatre quotidiens sur treize qui sont possédés par un groupe mais dire cela, je ne sais pas. A ce moment-là, il faudrait peut-être élargir les limites que nous nous étions fixées ici Les anglophones peuvent s'informer, s'abreuver à des sources qui ne sont pas québécoises et peut-être à ce moment-là ont-ils une information aussi concentrée que nous en s'abreuvant à Toronto.

M. VEILLEUX: Est-ce que l'information dans le secteur anglophone aurait plus de chances— si je peux m'exprimer ainsi —d'être concentrée, étant donné le pourcentage moindre d'anglophones et partant de propriétaires anglophones?

M. GAGNE: Du côté de la télévision et de la radio...

M. VEILLEUX: Je regarde Canadian Marconi à la page 159.

M. GAGNE: Le phénomène de Canadian Marconi est une illustration qu'ils ne sont pas nécessairement servis par un échantillon très grand de propriétaires. Il y a une concentration de ce côté. Par contre, du côté des journaux, ils ont quand même deux grands quotidiens seulement à Montréal et un à Sherbrooke. Techniquement, c'est quand même assez difficile pour moi de parler.

M. LAURIN: Ma deuxième question, M. le Président, porte sur l'information internationale. Si je comprends bien ce que vous avez dit tout à l'heure, il semble bien que le Québec constitue une sorte de marché captif en cette matière. Vous avez parlé de monolithisme. Presque tous les media s'alimentent ou s'abreuvent aux mêmes sources d'information. Est-ce que vous pourriez nous dire à quelle source d'information ils s'alimentent? Est-ce que c'est la Canadian Press? Est-ce que ce sont les agences américaines d'information? A quoi est dû ce monolithisme?

M. GAGNE: Je n'ai pas très fraîches à la mémoire les études faites à la commission Laurendeau-Dunton, malheureusement. Mais si mes souvenirs sont relativement bons, c'est à ce moment-là, soit en 1965 — que j'ai étudié cette question. Nous avions découvert qu'à toutes fins pratiques, la Presse Canadienne recevait ses nouvelles internationales par l'intermédiaire d'une agence américaine de presse en grande partie et qu'il y avait eu des tentatives — cela a duré quelques années, cela n'existe plus — d'utiliser les ressources de l'agence France-Presse. Cela faisait au moins deux sources principales d'information au niveau des nouvelles internationales.

Par ailleurs, Radio-Canada avait des correspondants et il fallait aussi entrer ce facteur dans le cadre général des informations qui venaient jusque dans la population. Vous aviez également certains journaux qui envoyaient des correspondants.

Mais le problème actuel pour les journaux — je pense aux quotidiens (parce que ce sont eux) et aux stations de radio et de télévision — c'est que malgré l'effort très sérieux que Radio-Canada a fait pour avoir des correspondants à travers le monde... Je dis "à travers le monde", c'est un monde relativement petit; même s'il y a des gens qui couvrent l'Afrique... Quand vous couvrez l'Europe de l'Angleterre ou de la France, cela fait une couverture d'assez loin. Je pense que la situation actuelle — les journaux seraient très bien placés pour le dire — ne permet pas de donner une information très variée, d'autant plus qu'il manque, dans les journaux, des spécialistes dans certaines ques-

tions pour couvrir certains événements particuliers.

Alors, vous avez aussi le problème que les journaux francophones n'ont pas nécessairement les moyens d'envoyer des spécialistes couvrir tel ou tel événement, soit en Europe, soit en Asie. Il y a, évidemment, les correspondants étrangers qui envoient de l'information. Je pense que poser un jugement négatif ou positif pourrait être très injuste à l'endroit des efforts que peuvent faire présentement les journaux, la radio ou la télévision d'expression française au Québec. Je pense que cela mérite l'examen. Sans porter de jugement, disons que cette situation m'inquiète personnellement, parce que j'ai l'impression qu'actuellement les journaux sont livrés à eux-mêmes d'une certaine façon, à savoir, à leurs propres moyens. Ils ne sont peut-être pas de taille à répondre aux défis que représente une bonne information, le fait de donner une bonne information internationale, ici, dans la province.

M. LAURIN: Est-ce que vous voyez un rôle pour l'Etat dans ce domaine, soit comme coordonnateur, "subventionneur" ou "régie-menteur"?

M. GAGNE: Vous me lancez sur un terrain qui n'est pas de ma spécialité. Par contre, on ne peut pas ne pas avoir d'opinion là-dessus. Je pense que c'est trop important pour ne pas avoir d'opinion. Je suis toujours étonné devant le fait que l'Etat n'ait pas déjà trouvé des moyens. Par contre, je comprends très bien les réticences traditionnelles à l'intervention de l'Etat; elles sont culturelles, elles sont ancrées dans les réflexes des journaux, des journalistes, des propriétaires. Personnellement, je ne comprends pas qu'il n'y ait pas eu plus d'efforts pour essayer de briser un peu cette barrière culturelle, à mon sens, de nos préjugés, par rapport à un rôle possible de l'Etat. Je peux répondre d'une façon aussi générale que cela et remarquez que je n'ai aucun intérêt dans ce domaine, sinon celui d'avoir regardé un peu le phénomène comme chercheur depuis une quinzaine d'années.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Si le député de Bourget me le permet, je voudrais vous poser une question, M. Gagné, à ce sujet. Vous parlez de la possibilité du rôle de l'Etat. Je vous demande peut-être de faire un effort d'imagination. Quelle pourrait être, selon vous, l'attitude de l'Etat, son action positive, dans ce domaine? Par quels moyens pourrait-on, en évitant que l'Etat devienne une sorte de canal de l'information, aider à diversifier les sources auxquelles s'alimentent quotidiens, etc., tous les media d'information?

M. GAGNE: Vous allez peut-être être surpris de ma réponse. A mon avis, la première étape à faire, ce serait d'en discuter avec les personnes intéressées, à savoir, les media d'information. Remarquez bien que cela apporte toutes sortes de complications — je suis de cet avis — mais c'est ma façon de réagir à cela.

C'est d'en discuter avec eux franchement, ouvertement. Je crois que ce serait faire faux pas que de vouloir heurter de front les gens qui sont intéressés, qui oeuvrent là-dedans et qui ont des croyances qui remontent à des décennies.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous croyez que cette attitude réfractaire ou même hostile à une intervention de l'Etat existe encore? Vous, la voyez-vous?

M. GAGNE: II y a encore sûrement des relents de cette attitude. Je crois qu'il y a des partisans des deux options, des deux positions. C'est peut-être en discutant-, l'Etat discute et un organisme discute avec eux. Je ne dirais pas qu'il y a un blocus. Je ne le crois pas car ce serait assez difficile aujourd'hui. Mais je me réfère simplement à des perceptions très personnelles.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je m'excuse auprès du député de Bourget; je n'en fais pas une question politique; mais j'ai souvenir — et j'ai des documents là-dessus — d'une proposition qu'avait faite M. Johnson au moment où il était chef de l'Opposition. Il avait suggéré la création d'une agence de presse qui fût de langue française et qui pût s'alimenter à d'autres sources qu'à celles qui existent déjà. Il avait même suggéré l'assistance de l'Etat au point de vue financier. Je me rappelle que cela avait provoqué tout un remous; on avait dit: Bon, c'est de l'interventionnisme; l'Etat veut constituer un monopole, diriger l'information. C'est pour ça que je vous pose la question, à savoir si vous sentez encore cette sorte de réticence et même d'hostilité.

M. GAGNE: Je dirais qu'il n'y a pas nécessairement d'hostilité systématique et de principe, bref une fin de non recevoir face à cette possibilité. Ayant rencontré des gens dans le domaine de la presse, je pense que je peux nommer M. Gilles Roy qui s'est beaucoup penché sur le problème des agences de presse. C'est une personne qui a beaucoup réfléchi à ce problème et qui a discuté pendant longtemps en comité sur toutes sortes de possibilités d'améliorer la situation du point de vue de l'information, dans le milieu francophone. A ce niveau, on a conscience que le milieu francophone n'est peut-être pas aussi bien placé que le milieu anglophone.

La commission aurait peut-être intérêt à consulter ou à entendre un type de ce calibre ou avec cette expérience.

M. LAURIN: Dans un domaine différent mais quand même connexe, vous avez dit que la

distribution, particulièrement dans certaines régions, est extrêmement difficile en ce qui concerne aussi bien la presse quotidienne que la presse régionale, jusqu'à un certain point. On peut dire que ce phénomène de la distribution dépend entièrement des forces du marché d'une économie libre.

Pensez-vous qu'en s'en tenant uniquement aux forces du marché on puisse régler ce problème de la distribution ou si, là aussi, il faut penser à d'autres formules, que ce soit la formule coopérative qui vient du milieu ou, encore une fois, une assistance quelconque de l'Etat, soit qui favoriserait les coopératives, soit qui coordonnerait les efforts ou qui aurait même un certain pouvoir d'initiative dans un certain domaine?

M. GAGNE: L'expérience passée donne une réponse à votre question. Il reste encore des régions qui n'ont pas facilement accès à beaucoup de journaux. Je pense que les journaux peuvent regretter cette situation et c'est assez normal.

M. LAURIN: Pour les revues aussi. Je pense, par exemple, au sort différent que connaît le Reader's Digest mensuel par rapport à certaines revues comme Relations, Maintenant ou...

M. GAGNE: II faut penser à toutes ces choses. Je ne vois pas vraiment comment... C'est peut-être par manque d'imagination; M. Tremblay va me dire qu'avec un petit effort d'imagination on pourrait peut-être arriver à imaginer une entreprise privée réussissant à servir encore mieux l'ensemble des citoyens. L'entreprise privée peut nous dire: Nous ne pouvons pas forcer les citoyens, s'ils ne veulent pas mettre le prix. Mais encore une fois, dans ce contexte ce sont les gens moins favorisés qui paient la note, celle de ne pas être informés. Je ne vois pas comment, dans le système actuel, on peut favoriser une meilleure distribution sans une intervention de l'extérieur et comment devra s'exprimer cette intervention. Je pense que c'est une responsabilité publique d'utiliser les moyens ou de favoriser les organismes, les groupes, les citoyens ou qui vous voulez. La loi du marché n'a pas démontré qu'elle pouvait résoudre, jusqu'à maintenant, ce problème. Je n'ai pas la compétence pour répondre adéquatement à votre question. Je n'ai que des sentiments à ce...

M. LAURIN: Est-ce que vous pensez que l'équilibre entre la poussière d'individus que constituent les citoyens et les entreprises ne peut être rétabli que par l'intervention d'un tiers?

M. GAGNE: Oui et je prends l'exemple de Radio-Canada. L'entreprise privée aurait pu, difficilement au début, desservir l'ensemble du territoire. Il y a eu une intervention — savoir si

Radio-Canada doit continuer, c'est un autre problème — à un moment donné et la durée de cette intervention est aussi une question ouver--te. D y a des antécédents d'établis.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Sur le même sujet, me permettez-vous une question? Vous parliez tout à l'heure, M. Gagné, du problème des défavorisés, des gens qui, en raison de leur situation économique, ne seraient pas favorisés en ce qui concerne l'information périodique.

Ainsi, le député de Bourget parlait des périodiques, revues, ainsi de suite. J'aimerais — évidemment, je ne sais pas si c'est possible, ici, dans le cadre de l'enquête que vous allez continuer — savoir s'il serait possible d'avoir une idée quantitative de la consommation que font les gens dits défavorisés d'un certain nombre de publications à sensation. Si on va dans les kiosques, on ne peut quand même pas nier la distribution de tous les journaux de fin de semaine — enfin appelons-les comme ça — Echo-Vedettes, Nouvelles illustrées etc., toute la série qui nous raconte les boires et les déboires et coucheries des artistes ou des pseudo-artistes, il y a une immense distribution, par tout le territoire, il y a une immense consommation. Quand vous voulez vous procurer une de ces publications par curiosité ou par je ne sais trop sous quelle impulsion, vous vous rendez compte qu'après une journée ces kiosques sont déjà vidés, il n'y a plus rien. On est dans un problème de qualité et, d'autre part, un problème de quantité de consommation. Est-ce que dans les régions dites défavorisées ou chez les gens dits défavorisés, il serait possible de savoir s'il y a consommation et quel peut être le pourcentage de cette consommation de ce type de publications? Je raccroche ça à l'autre question que vous posait tout à l'heure le député de Bourget, quand il vous demandait si le type d'entreprise de presse, la concentration a une influence sur la qualité, sur le mode de pensée. Mon collègue de Roberval peut en témoigner, actuellement, dans la région, nous assistons à un phénomène de pénétration d'un journal qui a fait connaître, outre les publications auxquelles je viens de faire allusion, dans le domaine du quotidien, une forme de "sensa-tionnalisme", de partisanerie — pardonnez-moi le mot qui est de l'argot le plus vulgaire — de "dégueulasserie" que nous n'avions jamais connue avant que ne pénètrent chez nous le Journal de Québec et le Journal de Montréal. Je veux savoir si, dans les milieux défavorisés, il y a une grosse consommation de ce genre de publications hebdomadaires.

M. GAGNE: Je peux vous répondre dans ce sens-ci. Nous allons faire un inventaire de la consommation, par rapport à différents types de journaux et par rapport à certains journaux ou revues ou magazines. A ce moment, vous pourrez décider, ou l'électeur pourra décider, pourra voir jusqu'à quel point les moins favori-

ses lisent telle ou telle revue ou publication soi-disant de bonne ou de moins bonne qualité, de bon ou de moins bon goût. Alors, ce sera possible. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce sera possible?

M. GAGNE: Oui. Maintenant, ce ne sera peut-être pas la liste complète, tout va dépendre de l'importance de la consommation de ces publications. Par contre, quand vous avez fait votre intervention, je me suis senti obligé de faire une mise au point par rapport à mon intervention de tout à l'heure, à savoir qu'il faut être conscient du fait que ce n'est pas seulement en favorisant la lecture des meilleures revues et publications que nous allons régler le problème de la qualité de la lecture.

C'est qu'il y a tout un travail avec la population elle-même et je pense qu'il faut partir de ses intérêts pour cheminer avec elle dans des sphères d'intérêts qui diffèrent, mais en partant toujours de ce qu'elle est, parce que vous pouvez lui donner accès à la meilleure information et elle va peut-être — mais pas nécessairement — aller vers cette information.

C'est un droit strict, à mon sens, pour le citoyen de pouvoir avoir accès à l'information comme on a accès à l'éducation et je pense qu'analogiquement, le phénomène consistant à rendre disponible l'information de toute sorte est un phénomène analogue à celui de l'éducation.

Les gens, me semble-t-il, ont un certain droit d'accès à cela. Des interventions ont été faites par l'Etat pour favoriser cette chose. Je crois qu'il y a une réflexion à faire en prenant cette analogie. C'est mon propre cheminement que j'étale ici, mais il me semble que c'est assez important de ne pas avoir peur de considérer qu'après tout, il y a eu un effort conscient, concerté des autorités pour donner des services en éducation et que la même chose devrait peut-être être pensée dans le domaine de l'information.

M. LAURIN: Une dernière question, M. le Président. Vous avez donné une réponse au député de Saint-Jean concernant le réseau TVA.

Vous avez décrit cette organisation comme une sorte de monopole, de consortium, dont l'influence peut toucher le contenu de l'information et vous avez ajouté que ceci devrait peut-être inquiéter les membres de la commission. J'aimerais beaucoup que vous soyez plus précis sur le genre d'inquiétude que les membres de la commission devraient entretenir sur ce phénomène.

M. GAGNE: Je devrais modifier le mot "inquiétude" par le mot "intérêt"; je pense qu'il est plus neutre. J'ai bien spécifié à la suite de cette intervention et en prenant conscience que le mot "inquiétude" était peut-être un peu trop fort et trop engagé, que ça pourrait être une chose excellente comme ça pourrait être une chose néfaste du point de vue de la variété. Alors, dans ce sens-là, je pense que ça devrait intéresser la commission.

M. LAURIN: Notre intérêt devrait porter sur quelle conséquence heureuse ou malheureuse, selon vous?

M. GAGNE: Justement, moi, je crois qu'on pourrait se demander si ces consortiums, ces regroupements facilitent une plus grande variété, une meilleure qualité de l'information, plus de rectitude dans l'information, des choses comme ça. S'ils ont de meilleurs spécialistes, parce qu'ils sont plus gros, ils peuvent investir davantage et, en formant une espèce de coopérative, ils peuvent investir davantage dans les spécialistes, ce que des groupes individuels ou des unités trop parcellaires ne peuvent pas faire. Alors, ça peut apporter de la qualité. Par contre, ils peuvent aussi miser sur l'économie et la facilité. Et s'ils avaient tout le champ, ce serait inquiétant, à mon sens, ce serait inquiétant parce qu'Us peuvent en abuser. C'est un pouvoir, c'est un droit qu'ils ont, d'ailleurs on les laisse agir librement et ils peuvent utiliser à leurs fins personnelles un droit de fonctionner qui, à mon sens, est d'abord pour le public.

M. LEDUC: Vous ne voyez pas le même problème, par exemple, à Radio-Canada.

M. GAGNE : Radio-Canada, évidemment, ce n'est pas moi qui le dis, c'est toujours un problème, un problème en soi, en ce sens que s'il n'y avait que Radio-Canada et s'il n'y avait qu'une source, si tout était concentré et si la machine n'était pas organisée de façon à permettre la variété des sources d'information, ça pourrait être assez néfaste pour la qualité et la diversité de l'information.

Je ne porte pas un jugement sur Radio-Canada fonctionnant aujourd'hui, mais sur la structure elle-même qui est l'idée d'une seule source d'information.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Au sujet, justement, de TVA et Radio-Canada, je vous donne une source qui n'est peut-être pas de la meilleure qualité. Je lisais hier soir, consultant l'horaire, TV-Hebdo qui parlait de la possibilité et même d'un commencement non seulement de dialogue, mais d'entente de Radio-Canada en vue de participer au système de TVA. Alors, quand vous nous incitez à examiner ce problème, à en faire l'objet d'un intérêt particulier, je crois qu'il va nous falloir devoir tenir compte aussi de cette possibilité, une sorte de grand réseau TVA auquel participerait également la société Radio-Canada. Je vous donne cela sous toutes réserves, parce que j'ignore si celui qui écrivait l'article dans TV-Hebdo rêvait en couleur ou s'il faisait des projections. Mais, il

semblerait selon lui que Radio-Canada serait à la veille d'entrer dans le jeu et de participer, à sa façon, à l'organisation ou à l'alimentation de TVA.

M. LAURIN: Afin de garder les avantages dont vous parlez et de minimiser les...

M. GAGNE: Est-ce que vous me posiez la question ou si vous faisiez une considération?

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Je faisais une considération en vous demandant si justement à supposer que cela se réalise, qu'on mette en commun ces moyens d'information qu'a le réseau TVA actuellement, que Radio-Canada y participe, est-ce que vous ne voyez pas un autre phénomène de concentration qui serait préjudiciable à la qualité, à la variété de l'information?

M. GAGNE: Cela se peut très bien.

M. LAURIN: Afin, encore une fois, de garder et même d'augmenter les avantages de cette formule et d'en minimiser les conséquences malheureuses ou d'en pallier les inconvénients, est-ce que vous préconisez l'instauration de plusieurs consortiums ou est-ce que vous favorisez également une intervention de l'autorité publique par l'instauration de mécanismes de surveillance ou d'organismes de contrôle?

M. PELLETIER: Personnellement, je verrais l'intervention beaucoup moins au niveau d'un contrôle ou d'une régie qu'au niveau d'une aide à l'installation purement technique et matérielle de nouveaux titres de journaux, de nouveaux postes de radio plus locaux, plus régionaux, plus adaptés au milieu dans lequel ils diffusent. Alors, cela pourrait être des subventions à l'équipement, des subventions à l'investissement à long terme. Il peut y avoir plusieurs formules, on sait que ces formules deviennent de plus en plus complexes; il peut y avoir des formules mixtes, privées, publiques ou des subventions purement..., des prêts tout simplement. Je vois cela strictement sur le plan technique et matériel pour fournir à des gens qui veulent installer, par exemple, un poste de télévision communautaire dans une région, les moyens financiers de se donner un instrument technique pour communiquer entre eux tout simplement, sans nécessairement contrôler le contenu. De toute façon, toutes les questions de régie ou de contrôle des journaux et autres, tant qu'on en parle simplement sur le plan de la propriété, j'ai l'impression qu'on pose une demi-question parce qu'en fait, il faut s'occuper aussi du contenu et, à ce moment, établir une régie du contenu, je crois que c'est plutôt dangereux.

M. LAURIN: D'ailleurs, il y a un précédent maintenant, puisque pour la première fois, un journal important d'une métropole vient de recevoir une subvention d'équipement. Je pense que c'est le premier exemple auquel nous avons assisté au Québec. Maintenant que la barrière est franchie, on pourrait peut-être penser à ce genre de subvention à d'autres types de propriété.

M. GAGNE: Dans cette optique, au fond, je trouve que la philosophie derrière cette approche, c'est de faciliter aux gens qui ont des choses à dire, l'expression de ce qu'ils ont à dire. Dans le passé, il y a des régions qui ont été tellement handicapées parce que techniquement, elles n'avaient pas les instruments, qu'il y a des choses qui n'ont pas été dites. Il y a des initiatives, strictement au point de vue de la réflexion régionale, qui n'ont pas été prises. Je pense que, cela peut peut-être contribuer à une certaine attitude qui fait que les régions veulent faire régler leurs problèmes par Québec ou par Ottawa et non pas participer elles-mêmes à l'élaboration de solutions, en collaboration avec les pouvoirs publics. Je me dis qu'on touche là un problème de mentalité et cela peut aller très loin, au point de vue de la vision qu'on se fait de la société.

Ce sont tout simplement des considérations qu'on ne peut pas ne pas faire à un moment ou l'autre, même à travers ces statistiques.

M. LE PRESIDENT: Le député de Gaspé-Nord.

M. GAGNON: Brièvement, en regardant votre rapport, j'ai l'impression, lorsque vous nommez des régions, que la Gaspésie est le territoire à partir de Québec en descendant. Vous parlez de la Gaspésie, du Lac-Saint-Jean, de Québec, de Trois-Rivières, des Cantons de l'Est, de Montréal. Je ne sais pas si ça serait utile, aussi bien pour les législateurs que pour les media d'information de la région, que ce soit divisé de façon que la région de la Gaspésie puisse comprendre les comtés de Matane, Gaspé-Nord, Gaspé-Sud, Bonaventure; que le Bas-du-Fleuve comprenne Rimouski, Rivière-du-Loup, Matapédia et que celle de l'Est du Québec parte de Lévis en descendant.

Je crois que ce serait utile si on pouvait différencier tout cela. C'est un peu le problème qui se pose également dans le Lac-Saint-Jean et Chicoutimi, comme l'a relaté le député de Chicoutimi. Mais il y a un problème important sur lequel j'aimerais connaître votre opinion, c'est l'information à apporter sur le plan local, régional, provincial et même international.

Dans ma région, il se pose un problème. Les postes de télévision et de radio de Matane ont été vendus à Radio-Canada. Ce qui était CKBL-Télévision est devenu CBGA-TV; la même chose pour la radio. Ce qui laisse supposer que Radio-Canada pénètre dans cette région avec ses nouvelles qui sont de Montréal, de Québec ou internationales. C'est bien beau, ça fait bien notre affaire, mais, au niveau de l'information locale ou régionale, tout est disparu. A Montréal, même si Radio-Canada ne parlait pas de la région de Montréal, il y a 22,

23, 24 postes de radio et de télévision qui sont là pour informer les gens et si Radio-Canada donne également cette information, il y a répétition.

Dans notre région, avec l'achat de ces postes de télévision et de radio, depuis le 1er septembre, l'information locale et régionale est totalement disparue. Je ne sais pas si cela va vous obliger à repenser le problème, à ajouter un addendum pour constater qu'il y a une lacune pour la population de cette région afin que nous puissions, que ce soient les hommes publics ou les organismes, faire pression auprès des autorités propriétaires pour que cette lacune soit comblée, parce que c'en est une vraie. Je crois que les nouvelles locales ou régionales reflètent un peu la culture dans des cas particuliers, l'économie d'une région, son aspect social. Lorsque c'est disparu, on est un peu comme des orphelins, on se dit: Qu'est-ce qui se passe autour de nous, alors qu'on sait ce qui arrive dans les quatre coins du monde? J'aimerais, si c'était possible, que ce territoire soit repensé pour nous donner les suggestions, du moins, les lumières.

M. PELLETIER (René): Votre question me permet de préciser deux choses. Tout d'abord, disons que cet inventaire, ce rapport a été fait à un moment précis dans le temps. C'était inévitable, évidemment.

Peut-être pourrait-il y avoir lieu d'établir un processus ou de mettre quelque chose sur pied de façon à mettre ce document à jour, puisque la réalité peut changer non du tout au tout, mais très rapidement. C'est une chose. Pour la deuxième chose, je reviendrai un peu sur le point dont je parlais tantôt à propos du localisme de l'information au Lac-Saint-Jean. Justement, cette recherche porte sur les émetteurs et la deuxième partie porte sur les récepteurs, alors que ce qui lie ces deux unités, c'est le message comme tel et nous n'avons pas cela dans notre mandat, de faire des études du message. Mais disons que, par exemple, on présente une carte dans cela, on expose le marché des éditeurs de Québec, celui de Montréal et celui de Trois-Rivières, cela suppose qu'on se préoccupe du problème que vous soulevez, en ce sens qu'on pose l'hypothèse que les gens de la Gaspésie, n'ont peut-être pas d'autre choix que celui de recevoir de l'information montréalaise ou québécoise, ou de l'information régionale traitée à la montréalaise ou à la québécoise. C'est un peu cette hypothèse que nous avions en tête quand nous avons fait la carte, mais de là à vérifier exactement la qualité ou la diversité de l'information locale, régionale, internationale ou nationale à laquelle les gens ont accès dans ces régions, cela dépasse complètement le... La question est très intéressante, mais nous ne sommes pas équipés pour y répondre.

M. GAGNON: Vous n'avez pas encore la juridiction.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Pelletier, justement à ce propos, je signale à mon collègue que nous avions, avec Radio-Canada, le même problème en ce qui concerne l'information dite régionale. On a pallié l'inconvénient en organisant un système d'information qui fait aussi large la part au régional qu'au national. C'est ainsi, par exemple, qu'il y a un Présent national, il y a un Présent régional et que lorsqu'il y a les informations, soit par télévision ou par radio, il y a toujours deux parties. Il y a la partie qui porte spécifiquement sur la grande information et la partie qui porte sur l'information dite régionale. Je sais que Radio-Canada entend réorganiser ses services de la même façon dans diverses régions du Québec, sauf peut-être dans la région de Montréal.

J'aimerais, avant de terminer, M. le Président, poser une question à ces messieurs au sujet des statistiques qui sont données concernant la distribution, si vous voulez, la consommation des différents journaux, la Presse etc., et les tableaux qui se trouvent à la fin. Ces statistiques sont basées sur des chiffres de quelle année?

M. PELLETIER (René): C'est le rapport de l'ABC. Je n'ai pas la date exacte. C'est en 1970. Il a été publié en 1971.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, c'était le rapport évidemment...

M. PELLETIER (René): C'est que celui de 1971 n'était pas sorti au moment où on a fait ce travail.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'était le seul rapport commodément disponible à ce moment-là?

M. PELLETIER: C'est ça.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: M. le Président, si les députés n'ont pas d'autres questions, il me reste à remercier, au nom des membres de la commission, MM. Gagné et Pelletier de s'être prêtés à nos questions. Il est fort probable que lorsque la deuxième partie du travail demandé à SORECOM sera terminée, on pourra se permettre de revenir à certains moments sur les documents qui ont été déposés en première partie.

On pourrait ajourner les travaux de la commission, M. le Président, à la semaine prochaine, le 27, pour entendre M. Reid et Mme Kathleen Beausoleil présenter le travail que nous leur avons demandé relativement au secret professionnel. Merci.

M. LE PRESIDENT: La commission ajourne ses travaux. Merci, bonne santé et bonne voix.

(Fin de la séance à 12 h 41).

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