Journal des débats (Hansard) of the Select Committee on the Evolution of the Act respecting end-of-life care
Version préliminaire
42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Tuesday, August 10, 2021
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Vol. 45 N° 9
Special consultations and public hearings on the Evolution of the Act respecting end-of-life care
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9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures trente minutes)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
spéciale sur l'évolution des soins de fin de vie ouverte. Donc, la commission
est réunie virtuellement afin de procéder aux consultations particulières et
aux auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin
de vie.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire
: Non, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, cet avant-midi, nous entendrons, par visioconférence, les groupes
suivants : Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec,
le Conseil pour la protection des malades, et le Dr Laurent Boisvert.
Donc, nous accueillons sans tarder la
Confédération des organismes des personnes handicapées du Québec ainsi que
leurs deux représentantes, Mme Véronique Vézina, présidente, et Mme Nathalie
Boëls, directrice des dossiers. Donc, bienvenue et merci d'être avec nous ce
matin. Donc, vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, et par
la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission pour une
période de 35 minutes. Donc, sans plus tarder, je vous cède la parole.
Mme Vézina (Véronique) :
Merci, Mme la Présidente. Merci aux députés d'être présents aujourd'hui et
d'avoir accepté de nous entendre, là, sur l'accès ou l'élargissement de l'accès
à l'aide médicale à mourir pour les personnes qui sont notamment en situation
d'inaptitude ou ayant des problèmes, un problème unique ou un trouble de santé
mentale.
D'abord, vous présenter la COPHAN. LA
COPHAN est un organisme de défense des droits des personnes qui ont des
limitations fonctionnelles et de leurs proches, qui a été incorporé en 1985 et
qui représente une trentaine d'organismes provinciaux et régionaux qui
regroupent des personnes handicapées qui ont tout type de limitation. Le
fonctionnement de la COPHAN... bien, on est un organisme pour et par, donc on
appuie nos positions sur les compétences et l'expertise des personnes
elles-mêmes et des groupes qui les représentent.
C'est avec plaisir qu'on est ici aujourd'hui
pour vous faire part de notre position sur le débat quant à l'élargissement de
l'aide médicale à mourir, mais on souhaite uniquement porter à votre attention
tout l'élargissement avec les modifications qui sont apportées à la loi de
l'accès aussi à l'aide médicale à mourir à l'ensemble des personnes handicapées
qui auraient des problèmes irréversibles dégénératifs qui apporteraient des
souffrances soit physiques et psychologiques.
Il est important de noter que lorsqu'on va
parler d'inaptitude, aujourd'hui, on va parler d'inaptitude à consentir aux
soins...
Mme Vézina (Véronique) :
...aussi à l'aide médicale à mourir à l'ensemble des personnes handicapées qui
auraient des problèmes irréversibles dégénératifs qui apporteraient des
souffrances soit physiques et psychologiques.
Il est important de noter que lorsqu'on va
parler d'inaptitude, aujourd'hui, on va parler d'inaptitude à consentir aux
soins, puisqu'on sait que l'inaptitude, là, peut varier selon le champ de
compétence de la personne. Les principes sur... qui ont guidé, plutôt, notre
réflexion, sont les suivants. D'abord, l'autodétermination des personnes, qui
est un principe qui est très important pour nous, le respect de leur dignité,
leur aptitude à comprendre les enjeux entourant l'aide médicale à mourir puis
l'évaluation de leurs besoins, qui n'est pas basée sur un diagnostic, mais
vraiment sur la souffrance qui est vécue par la personne.
Pour débuter, bien, avant de vous parler
spécifiquement de l'élargissement de la loi à l'aide médicale à mourir pour les
personnes inaptes ou ayant un trouble unique de santé mentale, il est important
de rappeler que, pour nous, avant de mourir dans la dignité, comme on parlait
en 2010, il est important que les personnes puissent vivre dans la dignité au
quotidien. Et pour vivre dans la dignité au quotidien, bien, il y a des
conditions, des services, des soins qui doivent être donnés pour respecter...
qui respectent leurs volontés, plutôt, tout au long de leur vie, et,
éventuellement, bien, si elles veulent avoir accès à l'aide médicale à mourir,
bien, il faut leur donner accès à l'aide médicale à mourir.
Parmi les principes qu'on veut mettre de
l'avant, qui doivent encadrer l'accès à l'aide médicale à mourir pour
l'ensemble des personnes handicapées, il y a toute la question du respect de la
personne et de la dignité humaine sans compromis. Il est important pour nous de
rappeler qu'il y a plusieurs facteurs sociaux qui ont un impact sur la santé
des personnes. On parle entre autres de l'accès à l'éducation, au revenu, au
travail, à un milieu de vie décent, au logement puis aussi à l'accès aux soins
et aux services. Or, on sait qu'actuellement plusieurs personnes handicapées
vivent des inégalités sociales à cet égard et n'ont pas accès soit aux services
et aux soins qu'elles ont réellement besoin, que ce soit des services de santé
ou des services sociaux, n'ont pas toujours accès non plus à un revenu décent
et à des milieux de vie qui correspondent à leur situation.
Quand les services sont disponibles,
souvent, il y a des coûts qui y sont associés qui sont exorbitants parce
qu'elles ne sont pas assurées, il y a un manque de services qui sont
spécialisés, ou ils sont non accessibles à ces personnes-là. Donc, c'est un
aspect qui est important à prendre en compte, puisque l'accès aux services ou
les coupures de services, parce qu'il y a actuellement aussi beaucoup de
coupures de services, peuvent amener des personnes, par désespoir, à demander
l'accès à l'aide médicale à mourir, et on veut éviter qu'il y ait un dérapage
qui amènerait des personnes à demander l'accès à l'aide médicale à mourir parce
qu'elles répondent à tous les critères, mais pour des mauvais motifs.
Donc, pour nous, il est important que
l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir soit bien... pour les
personnes en situation de handicap, soit bien encadré, qu'il y ait des balises
claires, qu'il y ait des outils qui soient développés pour...
Mme Vézina (Véronique) : …qui
amènerait des personnes à demander l'accès à l'aide médicale à mourir parce
qu'elles répondent à tous les critères, mais pour des mauvais motifs.
Donc, pour nous, il est important que
l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir soit bien… pour les
personnes en situation de handicap, soit bien encadré, qu'il y ait des balises
claires, qu'il y ait des outils qui soient développés pour faciliter leur
compréhension et que ces outils-là soient développés avant l'entrée en vigueur
de la loi, mais qu'ils soient aussi faits en collaboration avec les organismes
qui représentent les personnes.
Il faut aussi s'assurer, comme deuxième
principe, que les personnes vont avoir accès à des services de qualité tout au
long de leur vie. Je le disais tout à l'heure, l'accès aux services à domicile,
aux services de réadaptation, le soutien qui est apporté aux proches, un revenu
décent, l'accès à un logement adéquat, bien, ce sont des enjeux, actuellement,
qui font que les personnes n'ont pas une qualité de vie qui est satisfaisante.
On voit, dans le rapport d'évaluation sur
l'efficacité de la politique À part entière concernant les activités permettant
de vivre à domicile, que de nombreuses personnes n'ont pas accès à des services
qui répondent réellement à leurs besoins, ce qui pourrait les amener à demander
l'accès à l'aide médicale à mourir.
On voit aussi… on a entendu parler
beaucoup, notamment avec le… l'histoire de Jonathan Marchand l'année dernière,
les milieux de vie. Il y a de nombreuses personnes qui, actuellement, ne vivent
pas dans des milieux de vie qui correspondent à leurs besoins et à leur volonté
d'être autonomes, donc c'est important qu'on entende et qu'on trouve des
solutions pour ces personnes-là. Parce que la solution, malheureusement, et on
l'entend de plus en plus fréquemment, est justement si on m'envoie dans ce
type… dans un type d'établissement comme un CHSLD, je préfère demander l'accès
à l'aide médicale à mourir. Ça fait qu'il faut faire attention à ces
dérapages-là aussi.
Il faut s'assurer aussi de tout mettre en
oeuvre pour soulager la souffrance physique et psychologique. C'est démontré,
dans de nombreux états et pays qui ont légalisé l'accès à l'aide médicale à
mourir, que les personnes qui ont accès à des services pour soulager la
souffrance ne demandent pas l'accès à l'aide médicale à mourir. Donc, c'est
important de bien développer ces services-là, de s'assurer qu'ils sont accessibles
aux personnes en situation de handicap, mais de s'assurer aussi qu'ils soient
mieux intégrés à l'approche médicale sans toutefois s'y limiter.
Il y a beaucoup d'approches thérapeutiques
qui ont été développées par le milieu communautaire, notamment, qui a des
approches alternatives qui, souvent, correspondent bien aux personnes
handicapées, donc il ne faut pas non seulement développer l'offre de service
pour soulager la souffrance dans le réseau public, mais il faut aussi s'assurer
de soutenir le milieu communautaire.
Et le quatrième principe que, moi, je vais
vous présenter, c'est toute la question de l'humanisation de la médecine et le
développement d'une meilleure formation pour les professionnels de la santé.
Malheureusement, encore aujourd'hui, il y a beaucoup de préjugés,
d'infantilisation aussi quant à la qualité de vie que peuvent avoir les
personnes en situation de handicap…
Mme Vézina (Véronique) :
…d'une meilleure formation pour les professionnels. Malheureusement, encore aujourd'hui,
il y a beaucoup de préjugés, d'infantilisation aussi quant à la qualité de vie
que peuvent avoir les personnes en situation de handicap. Et ça, ce n'est pas uniquement
dans la population en général, c'est beaucoup aussi des professionnels qui
portent un jugement à l'égard de la qualité de vie de ces personnes-là. Donc,
c'est important qu'on s'assurer d'améliorer et de développer une formation qui
permet de bien répondre et de ne plus avoir ce genre de préjugé là ou ce gendre
d'infantilisation auprès des personnes en situation de handicape.
Notre cinquième principe, je vais laisser
la parole à ma collègue Nathalie Boëls qui va vous présenter tout le principe
du consentement libre et éclairé et l'accès à l'information qui va être un
enjeu principal si on parle d'accès à l'aide médicale à mourir pour des gens
qui sont en situation d'inaptitude.
• (9 h 40) •
Mme Boëls (Nathalie): Bonjour. Merci, effectivement,
d'être présents, ce matin, pour écouter notre position et de nous avoir invités
à la présenter. Donc, effectivement, je vais revenir un peu plus, bien,
longuement sur le consentement libre et éclairé et le droit à l'information.
Dans le fond, le consentement libre et
éclairé aux soins est garanti par le Code civil du Québec, par l'article 10. Il
comprend beaucoup de choses : le diagnostic, la nature de la maladie ou de
la condition de santé de la personne, la nature et l'objectif des traitements
proposés, les risques associés à ces traitements, à des risques prévisibles, évidemment,
probables, les résultats escomptés, les chances de réussite, mais aussi les
risques associés aux traitements, puis présenter aussi les autres choix
possibles, et, pour chacun d'eux, évidemment, les risques et les bénéfices
aussi, et enfin, les conséquences d'un refus du traitement ou des alternatives
proposées.
Donc, ça, c'est capital pour une demande
d'aide médicale à mourir. C'est considéré comme un soin dans la loi. Donc, le consentement
libre et éclairé doit s'y appliquer. Pour s'assurer d'un consentement libre et
éclairé, il faut s'assurer, un, que la personne comprend cette information-là,
d'où le droit à l'information, à l'accès à l'information.
Pour ce qui nous préoccupe à la COPHAN,
c'est de s'assurer que la formation est disponible selon la déficience de la personne.
Pour les personnes aveugles, ça va être le braille par exemple. Pour les personnes
sourdes ou malentendantes un accès à l'interprétariat. Pour des personnes plus
en déficience intellectuelle, d'avoir du matériel…
Mme Boëls (Nathalie): ...c'est de s'assurer
que la formation est disponible selon la définition de la personne. Pour les personnes
aveugles, ça va être le braille, par exemple, pour les personnes sourdes ou
malentendantes, un accès à l'interprétariat, pour les personnes qui sont
déficientes intellectuelles, d'avoir du matériel de faible niveau de
littératie, voire avec des icônes ou autre, des images, pour être certaines
qu'ils comprennent ce qu'on leur explique.
L'autre enjeu aussi par rapport au
consentement libre et éclairé, c'est d'avoir un accompagnement tout au long du processus
de la personne, autant dès sa demande que tout au long du processus, des étapes
de l'explication, des évaluations cliniques, etc.
Enfin, on demanderait, advenant des
changements apportés à la loi, qu'il y ait des outils justement qui soient
développés, mis en place avant que la loi entre en vigueur, ainsi que des
balises pour encadrer tout le processus de la loi et spécifiquement le
consentement libre et éclairé des personnes.
Donc, pour rentrer dans le vif du sujet,
les questions qui étaient posées, les enjeux actuels de l'évolution de la loi,
pour l'accès à l'aide médicale à mourir des personnes inaptes, comme disait Mme
Vézina tantôt, on parle des personnes inaptes à consentir à un soin, puis par
souci d'autodétermination des personnes et du respect de leur dignité, on est
en accord de leur donner accès à l'aide médicale à mourir si tel est leur voeu,
si tel est leur souhait. Donc, de là découle une chose primordiale, c'est qu'on
ne veut pas que quelqu'un puisse demander l'aide médicale à mourir pour autrui.
C'est vraiment la personne qui va recevoir l'aide médicale à mourir qui doit
faire cette demande en son nom.
L'autre chose, c'est qu'on demanderait
aussi qu'il y ait une évaluation psychosociale, pas juste une évaluation
médicale, mais une évaluation psychosociale, parce que comme disait Mme Vézina,
une des raisons que l'on craint que les gens demandent l'aide médicale à mourir,
c'est par manque de services, par exemple, par désespoir, par profonde
détresse. Donc, on voudrait que ce soit évalué par un intervenant psychosocial,
et à la suite de la décision qui découlerait de l'évaluation psychosociale,
laisser un délai de 90 jours entre le moment où on dit que la personne est
admissible et le moment où l'aide médicale à mourir est administrée. Le délai
de 90 jours, dans ce cas-là, servirait éventuellement à trouver des solutions
qui conviendraient à la personne. Encore là, on ne veut pas...
Mme Boëls (Nathalie): ...un délai de
90 jours entre le moment où on dit que la personne est admissible et le
moment où l'aide médicale à mourir est administrée. Le délai de 90 jours dans
ce cas-là servirait éventuellement à trouver des solutions qui conviendraient à
la personne. Encore là, on ne peut pas imposer une solution, il faut que ça
corresponde aux besoins et aux souhaits de la personne.
En ce qui concerne les personnes qui anticipent
une perte d'aptitude, parce qu'elles viennent d'avoir un diagnostic clair d'une
maladie telle la maladie d'Alzheimer ou autre qui aura un impact quasi certain
à long terme sur ses capacités cognitives, là encore on est d'accord pour que
ces personnes puissent faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir dès
l'instant où elles ont leur diagnostic clair et qu'il y ait un délai de
90 jours entre la signature de la demande de la personne et
l'administration de l'aide médicale à mourir.
Pour ce qui est des personnes victimes
d'un accident inattendu, par souci d'autodétermination, comme pour toutes les
autres personnes, on est en accord qu'elles aient accès à l'aide médicale à
mourir, mais on ne veut pas que cette demande soit faite par anticipation ou
dans des directives médicales anticipées.
La raison pour laquelle on prend cette
position-là, c'est parce que par définition, un accident, on ne sait pas si ça
va arriver un jour dans notre vie. La plupart du temps, on ne le souhaite pas.
Donc, on n'est pas dans le cas des personnes qui anticipent une survenue
d'inaptitude. Donc, elles ne peuvent pas être dans le cas précédent des
personnes qui anticipent une perte d'aptitude.
Donc, si ça survient à la suite d'un
accident, elles font face à deux situations possibles. Soit après leur accident
elles sont encore aptes à consentir à un soin, mais elles ont des séquelles
permanentes, physiques et psychologiques permanentes, et persistantes, et
au-delà de leur capacité d'acceptabilité, là, elles vont être dans la situation
des personnes du jugement Gladu et Truchon, donc elles pourront avoir accès à
l'aide médicale à mourir. Si l'accident les a rendues inaptes, elles vont être
dans le cas des personnes dites toujours... qui ont toujours été inaptes, le premier
cas qui a été soumis par la commission d'aujourd'hui.
Donc, si la loi est changée pour donner
accès à ces personnes-là dites avoir toujours été inaptes à consentir à un
soin, elles auront, à ce moment-là, accès à l'aide médicale à mourir. Donc, en gros,
toutes les situations ou presque sont...
Mme Boëls (Nathalie): …donc, si la loi est
changée pour donner accès à ces personnes-là, dites avoir toujours été inaptes
à consentir à un soin, elles auront, à ce moment-là, accès à l'aide médicale à mourir.
Donc, en gros, toutes les situations, ou presque, sont déjà couvertes pour ces
personnes-là.
Enfin, pour les personnes qui ont
uniquement un trouble mental, par manque d'expertise, à la COPHAN, on ne
voulait pas se préciser clairement, oui ou non, mais on est d'accord pour qu'il
y ait un comité et une réflexion avant de prendre une décision sur ces
enjeux-là parce que, comme on pouvait le lire d'ailleurs dans le document de
consultation de la commission, même les experts en santé mentale ne s'entendent
pas sur une position claire à prendre sur cet enjeu-là, très important. Donc,
on demande à la commission de mettre en place un comité de réflexion avant de
prendre ces décisions-là.
Donc, c'est ça. Bien, c'est tout, j'ai
fini les trois points principaux. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup à vous deux. Nous allons maintenant pouvoir passer à la période
d'échange avec les députés de la commission. Donc, nous débuterions avec
Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Bonjour, mesdames, merci pour votre présentation. Alors, ma question, c'est
lorsque vous parlez de certains endroits, certains pays, qu'ils ont l'aide à
mourir, vous dites qu'il y a moins de demandes d'aide à mourir. J'aimerais que
vous élaboriez sur ce sujet. Et combien de demandes ont-ils annuellement?
• (9 h 50) •
Mme Vézina (Véronique) : En
fait, ce qu'on dit, c'est qu'on n'a pas les statistiques sur combien il s'en
fait dans chacun des pays, mais ce que les études et les démarches qu'on a
faites démontrent, c'est qu'à partir du moment où on a mis en place des
services pour soulager la souffrance, qui peut être physique ou psychologique,
et qu'on a trouvé des solutions pour l'atténuer, bien, les gens ne considèrent plus
que leur seule option est l'aide médicale à mourir. Donc, ce n'est pas… c'est
le fait d'avoir instauré un service d'accompagnement et de soulagement de la
douleur ou de la souffrance qui fait que les gens demandent moins accès à l'aide
médicale à mourir, mais aussi le fait d'avoir… de leur avoir donné des
conditions de vie qui sont plus décentes.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Parfait. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, nous passerions à la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour,
Mme Vézina, bonjour, Mme Boëls. Vous parlez d'un comité. Moi, je
serais intéressée à vous entendre sur lorsque la personne qui souffre d'une
certaine maladie ou qui a un handicap veut l'aide médicale à mourir, c'est sûr
qu'on ne veut pas que ce soit à cause qu'il n'y a pas assez de services, là,
donc…
Mme Picard : ...vous parlez
d'un comité. Moi, je serais intéressée à vous entendre sur... Lorsque la personne
qui souffre d'une certaine maladie ou qui a un handicap veut l'aide médicale à
mourir, c'est sûr qu'on ne veut pas que ce soit à cause qu'il n'y a pas assez
de services, là. Donc, quelle équipe, quel comité pourrait être formé? Qui
voyez-vous comme professionnels autour de la personne qui l'aideraient à
prendre la décision ou qui veilleraient à s'assurer... pour que la situation
soit bien évaluée, là, pour ce patient-là?
Mme Vézina
(Véronique) : Bien, je pense que la nécessité d'avoir une équipe
multidisciplinaire... bien sûr, il faut avoir des professionnels plus du corps
médical, mais il faut surtout avoir des professionnels psychosociaux qui sont
en mesure de voir et d'évaluer l'ensemble des services qui ont été mis à la disposition
des gens. La composition du comité pourrait varier en fonction de la problématique
de la personne. Je pense que ce qui est important, c'est d'avoir des acteurs
qui connaissent bien la situation de la personne, qui sont en mesure de non pas
juste regarder l'aspect médical, mais aussi de réfléchir à des solutions qui
pourraient atténuer la douleur ou la souffrance qui est associée à leur
condition.
Donc, je ne
pense pas qu'une composition très, très précise d'un comité serait adéquate. Il
faudrait que le comité, ce qui est certain, contienne des gens qui sont près de
la personne, qui connaissent bien le dossier de la personne, qu'il y ait des professionnels
médicaux, des professionnels psychosociaux et des gens qui puissent bien
accompagner cette personne-là dans leurs démarches, dans leurs demandes, pour
pouvoir s'assurer que ce qu'on propose, les solutions qui ont été proposées ou
les traitements qui ont été proposés sont adéquats pour bien répondre aux
douleurs ou aux souffrances de la personne et que le choix de demander l'aide
médicale à mourir est vraiment lié à leur condition physique ou psychologique
et non pas aux conditions de vie inadéquates ou au milieu de vie où elles se
retrouvent.
Mme Picard : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Je cèderais maintenant la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Mme Vézina, bonjour, Mme Boëls. C'est un plaisir de vous
entendre aujourd'hui. Moi, je veux revenir, là, sur les victimes d'accidents
inattendus. Vous dites, là, que les décisions, il faut qu'elles soient prises
après l'accident, un coup que l'accident est survenu. Je comprends que quelqu'un
qui est apte à consentir, ce que vous dites, c'est que la personne... je fais
un exemple, là, la personne serait quadraplégique, décide de ne pas vouloir
vivre dans un corps qu'elle ne peut plus contrôler. Puis, bien, on sait que les
gens finissent par, à un moment donné, s'acclimater à leur condition. La
première journée, tu veux mourir, mais après ça, tu réussis à cheminer dans ton
corps puis à avoir des activités, réussir à faire...
M. Jacques : …vivre dans un
corps qu'elle ne peut plus contrôler. Puis, bien, on sait que les gens
finissent par, à un moment donné, s'acclimater à leur condition. La première
journée, tu veux mourir, mais après ça, tu réussis à cheminer dans ton corps
puis à avoir des activités, réussir à faire certaines choses puis à faire…
pouvoir profiter quand même de la vie, là. Est-ce que, dans ces situations-là,
avec une capacité intellectuelle pour pouvoir continuer à fonctionner
intellectuellement, est-ce que vous mettez un délai? Est-ce que vous pensez
que… De quelle façon les gens vont pouvoir bénéficier de l'aide médicale à
mourir?
Mme Boëls (Nathalie): En fait… Bonjour,
M. François. Ou merci beaucoup de… Merci beaucoup pour votre question, ça
nous permet de revenir sur cette question-là. En fait, on ne s'oppose pas justement
à l'aide médicale à mourir pour ces personnes-là, mais la situation que vous
venez de décrire, c'est celle vécue par… qu'on a vu dans le jugement
Gladu-Truchon, exactement. Donc, avec le changement à la loi, ils vont pouvoir
accès à l'aide médicale à mourir. Donc, ça, c'est déjà fait pour ces personnes.
Donc, pour nous, dans le fond, on n'avait pas à se prononcer sur ce cas
particulier parce qu'il est déjà, entre guillemets, réglé.
Puis, l'autre chose aussi sur laquelle je
voulais revenir, c'est qu'on ne voulait pas que ce soit mis dans les directives
médicales anticipées, par exemple, dans ces cas d'accident, pour ne pas se
baser uniquement sur un diagnostic pour demander l'aide médicale à mourir. Puis
ça, c'est valable pour toutes les personnes, qu'elles soient inaptes à
consentir aux soins ou non parce qu'un diagnostic amène des séquelles très
différentes d'une personne à une autre, et toutes les personnes ne vivent pas
les mêmes séquelles de la même façon dans leur tête. Donc, si on veut vraiment
répondre aux besoins des personnes, il faut vraiment s'attacher à leurs
souffrances psychologiques et physiques et non pas juste sur leur diagnostic.
Alors, si on met ça dans les directives
médicales anticipées, c'est de se dire : Bien, moi, si après mon accident
je deviens tétraplégique, je ne veux plus le vivre. Mais on ne sait pas
finalement comment on va réagir à ça.
M. Jacques : Puis, si je
prends de l'autre côté les personnes inaptes à prendre des décisions — donc
on revient à ce qui se fait présentement avec les familles si jamais il y a une
mort neurologique, là, une mort cérébrale — je ne pense pas que ce
soit dans ces cas-là que l'aide médicale à mourir va arriver, parce que juste avec
le débranchement, là, du respirateur, ou certaines choses, bon, bien, il va y
avoir une mort, là, précipitée ou rapide dans les heures ou les jours qui vont
suivre. Mais je ne comprends pas…
M. Jacques : ...que l'aide
médicale à mourir va arriver, parce que juste avec le débranchement, là, du
respirateur, ou certaines choses, bon, bien, il va y avoir une mort, là,
précipitée ou rapide dans les heures ou les jours qui vont suivre. Mais je ne
comprends pas. Si une personne est inapte à prendre une décision suite à un
accident, on remet encore la décision à la famille, alors que la personne
pourrait avoir fait une directive médicale anticipée pour dire : Bien, écoutez,
moi, si jamais ça arrive, je veux avoir... recevoir l'aide médicale à mourir.
J'essaie de voir le jeu, là, entre la directive médicale anticipée puis le
recours au choix de la famille, là, à la fin de tout ça.
Mme Boëls (Nathalie): L'autre avenue aussi...
Oui, je m'excuse, Véronique.
Mme Vézina (Véronique) : Ah!
vas-y, Nathalie.
Mme Boëls (Nathalie): L'autre chose qu'on
voulait aussi, c'est de suggérer aussi une réflexion sur les directives
médicales anticipées, à savoir est-ce qu'on ne pourrait pas allonger la liste
des traitements qui existent présentement? Parce que présentement il y en a
cinq, la plupart d'entre eux, si on les refuse, amènent la mort. Mais est-ce
qu'il n'y aurait pas moyen d'allonger cette liste-là? Par exemple, le coma
n'est pas dans la liste. Donc, ça pourrait être une avenue.
Et puis de pousser aussi, de faire une
grande campagne de sensibilisation autour des directives médicales anticipées
auprès de la population québécoise pour les encourager à remplir ce
formulaire-là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député. Donc, je cèderais maintenant la parole à la
députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, mesdames. Merci beaucoup pour votre présentation fort intéressante.
Moi, ce que j'entends de vous, c'est vous cherchez vraiment à trouver un
équilibre entre le droit individuel et la nécessité de protéger des personnes
vulnérables.
• (10 heures) •
Ce que j'aimerais entendre de vous, c'est quelque
chose qui me préoccupe, c'est que pouvons-nous faire pour assurer qu'il n'y
aura pas de la maltraitance en ce qui concerne les personnes handicapées. Vous
avez fait vraiment un exposé de ce qui nous préoccupe tous en ce qui concerne...
on ne veut pas que ce soit un recours parce qu'il y a un manque de soins. Mais
aussi, autour de l'entourage, plus souvent, la culpabilité d'une personne
handicapée de sentir qu'ils amènent une lourdeur à leurs familles. Alors, que
pouvons-nous faire pour s'assurer... Puis vous avez évoqué quelques balises,
mais devons-nous se préoccuper de ce genre de potentielle maltraitance et que
pouvons-nous faire, comme commission... des recommandations que vous pouvez
partager avec nous pour s'assurer qu'on protège bien ces personnes qui se retrouvent
souvent en situation de vulnérabilité face à une demande...
10 h (version non révisée)
Mme Maccarone : ...pouvons-nous
faire pour s'assurer... Puis vous avez évoqué quelques balises. Mais
devons-nous se préoccuper de ce genre de potentielle maltraitance? Et que pouvons-nous
faire, comme commission, des recommandations que vous pouvez partager avec nous
pour s'assurer qu'on protège bien ces personnes qui se retrouvent souvent en
situation de vulnérabilité face à une demande potentielle d'aide médicale à
mourir?
Mme Vézina (Véronique) : Tout
à l'heure, on mentionnait la nécessité qu'il y ait une évaluation psychosociale
qui soit faite auprès de la personne qui n'est pas en fin de vie et qui demande
l'accès à l'aide médicale à mourir, qu'elle soit apte ou inapte, notamment pour
évaluer si ce sont les conditions de vie dans lesquelles elle est qui font
qu'elle demande l'aide médicale à mourir, mais aussi pour s'assurer qu'il n'y a
pas une influence externe qui vient influencer sa demande ou influencer sa
décision de demander l'aide médicale à mourir.
Et, quand on parle de l'influence externe,
vous parlez beaucoup de maltraitance qui pourrait être faite par un proche ou
de pression qui pourrait être faite par un proche pour avoir accès à des soins.
Mais il faut savoir qu'auprès de certaines personnes handicapées ce n'est pas
seulement les proches qui font de la maltraitance ou qui amènent cette
réflexion-là, parfois ce sont les prestataires de soins, parfois ce sont les
gestionnaires de services par les décisions ou les solutions qu'ils proposent.
Donc, il ne faut pas traiter la
maltraitance juste par la maltraitance des proches, il faut regarder comme il
faut la maltraitance au sens large et voir comment on peut éviter que ce genre
de situation là arrive et dénoncer, lorsqu'il y aura l'évaluation
psychosociale, ce type d'évaluation là pour s'assurer que si la personne,
finalement, après évaluation, on juge qu'elle n'aura pas accès à l'aide
médicale à mourir, bien, qu'elle ne demeure pas dans une situation où on lui met
de la pression, où on lui parle... où elle est perçue comme un fardeau, où on
ne lui propose pas de solution pour avoir des meilleures conditions puis avoir
accès aux services et aux soins dont elle a besoin.
Mais c'est vraiment par l'évaluation
psychosociale que ça doit passer, et c'est là qu'on va évaluer s'il y a
maltraitance, peu importe qui amène la maltraitance ou qui fait simplement de
la pression qui amène la personne souvent à se dévaloriser, à être perçue comme
un fardeau pour ses proches ou pour sa famille. Donc, c'est important que tout
cet aspect-là soit aussi encadré et évalué avant de donner accès à l'aide
médicale à mourir.
Mme Maccarone : Alors, ça
aligne bien avec la recommandation que vous avez faite, que nous avons besoin
d'avoir un comité. Quel serait le rôle du proche aidant au sein de ce comité,
en ce qui concerne la personne handicapée qui voudrait avoir accès à l'aide
médicale à mourir? Et on veut évidemment respecter l'autodétermination ou
l'aptitude et le respect de la dignité de la personne.
Mme Vézina (Véronique) : Le
rôle du proche aidant dans la décision de la personne ne doit pas être un rôle
d'influence, je vais dire ça comme ça. Il peut être là pour accompagner. Il
doit aussi être accompagné. Parce que, quand une personne prend la décision de
demander l'aide médicale à mourir, ça peut être difficile pour elle...
Mme Vézina (Véronique) : ...de
la personne ne doit pas être un rôle d'influence, je vais dire ça comme ça. Il
doit être là pour accompagner, il doit aussi être accompagné, parce que quand
une personne prend la décision de demander l'aide médicale à mourir, ça peut
être difficile pour elle, mais c'est aussi... ses proches vont aussi avoir
besoin de soutien, mais le proche ne doit pas être... ne pas influencer la
décision, mais on doit prendre en considération, par contre, les conditions
dans lesquelles le proche vit avec la personne, parce que souvent, ce qui
pouvait amener aussi la personne à demander l'aide médicale à mourir, c'est la
charge qu'elle ne peut amener auprès de ses proches. Elle ne veut plus que ses
proches soient obligés de subir ou de donner les soins dont elle a besoin.
Donc, la solution qu'elle trouve dans cette détresse-là, c'est de demander
l'accès à l'aide médicale à mourir pour soulager ses proches.
Donc, il faut les entendre, mais il ne
faut pas les entendre, pour qu'ils influencent la décision et pour comprendre
les conditions dans lesquelles la personne a à vivre actuellement.
Mme Maccarone : O.K. Et puis
là, vous avez parlé aussi du délai de 90 jours. Ce délai, mettons ... du 90
jours, ça serait renouvelé sur quelle base? Ça serait quoi, les critères, selon
vous, pour avoir un renouvellement si, mettons, l'équipe autour de la personne
dit que : ... certain, on veut continuer à faire une évaluation.
Mme Vézina (Véronique) :
Bien, en fait, l'évaluation est faite avant le 90 jours. Le 90 jours est plus
pour donner le temps à l'équipe de soins de peut-être envisager d'autres
solutions, les proposer à la personne, de voir aussi si la personne est toujours
confortable dans la décision qu'elle prend, malgré les solutions qu'on pourrait
lui proposer ou les conditions dans lesquelles elle se retrouverait. Donc,
c'est vraiment plus une période de réflexion, d'échange, de recherche de
solutions et, au bout de 90 jours, bien la personne a toujours la possibilité
de décider si, oui ou non, la demande qu'elle a faite est toujours légitime et
qu'elle veut toujours avoir accès à l'aide médicale à mourir.
Mme Maccarone : Devons-nous se
préoccuper aussi des critères, de la possibilité aussi souvent, en ce qui
concerne évidemment la cause des personnes handicapées ... quand on parle ...,
quand on parle des critères. Est-ce qu'évidemment tous les ... d'admissibilité,
comme, par exemple, pour une personne handicapée qui n'est pas en fin de vie?
Mme Vézina (Véronique) :
Bien, les critères qui sont prévus à l'article 26 de la loi doivent assurément
tous être respectés. Pour nous, ce sont les critères principaux et on doit aussi
s'assurer qu'à partir du moment où on répond à tous ces critères-là, qu'il n'y
a pas d'autres motifs qu'on nommait tout à l'heure, l'influence de proches, les
mauvais… l'absence ou l'insuffisance de services ou la… les mauvaises
conditions de vie, qui viennent influencer cette décision-là. C'est le critère
qu'on ajouterait.
Mme Maccarone : O.K. Et je
comprends que tout le monde veut… on veut reconnaître les droits et libertés
de...
Mme Vézina (Véronique) :
…qu'il n'y a pas d'autres motifs, qu'on nommait tout à l'heure, l'influence de
proches ou les mauvais… l'absence ou l'insuffisance de services ou la… les
mauvaises conditions de vie, qui viennent influencer cette décision-là. C'est
le critère qu'on ajouterait.
Mme Maccarone : O.K. Et je
comprends que tout le monde veut… on veut reconnaître les droits et libertés de
tous et de toutes. En ce qui concerne… vous avez parlé un peu des personnes qui
souffrent d'une déficience intellectuelle ou de l'autisme, mais vous avez aussi
évoqué la nécessité d'avoir une formation. C'est qui, qui devrait s'occuper de
cette formation? Et quel genre de formation envisagez-vous en ce qui concerne
les personnes qui vont avoir un accompagnement qui est beaucoup plus ardu et
profond, avoir une compréhension de ce qu'ils demandent en ce qui concerne l'aide
médicale à mourir?
Mme Vézina (Véronique) :
Bien, il existe déjà, dans les… je dirais, dans les cursus professionnels, des
programmes d'enseignement. Nous, ce qu'on voudrait, c'est qu'on ajoute un volet
qui concerne toute la question de l'accompagnement sur les soins de fin de vie
avec des spécificités en ce qui concerne certains groupes sociaux comme les
personnes handicapées. Et c'est certain que ces ajouts-là, dans les programmes
de formation, bien, devraient être faits en collaboration avec des personnes
qui vivent elles-mêmes la situation et des organismes qui les représentent,
comme la COPHAN.
Mme Maccarone : O.K. Merci
beaucoup, mesdames. Je passerais la parole à la députée… le député de D'Arcy-McGee,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. M. le député.
M. Birnbaum : Merci,
Mme la Présidente. Merci beaucoup à Mmes Vézina et Boëls pour votre
exposé assez lucide et pertinent. Vous nous mettez devant beaucoup de mises en
garde très bien entendues sur les services actuels et souvent les lacunes en ce
qui a trait à ces services, à la formation des gens qui travaillent avec le
monde handicapé. Je veux m'assurer que si, oui ou non, vous êtes en train, en
quelque part, d'exprimer une inquiétude d'un lien entre un élargissement de
l'aide médicale à mourir et un possible délestement ou diminution même plus
approfondie des services actuels. Est-ce que vous faites un lien qu'il y a
un danger qu'on va mettre un… d'emphase sur l'importance essentielle de
bonifier les services dont vous avez parlé advenant un accès élargi à l'aide médicale
à mourir?
Mme Vézina (Véronique) :
Bien, je vous dirais, on ne fait pas juste un lien, c'est un… pour nous,
actuellement, ce sont des faits. On peut mettre des noms et des situations qui
se sont passées récemment. M. Truchon, qui a demandé l'aide médicale à
mourir en mars… au printemps 2020, a clairement dit, dans une étude, juste
avant d'avoir… de se voir administré l'aide médicale à mourir, que s'il avait
eu les…
Mme Vézina (Véronique) : …des
situations qui se sont passées récemment. M. Truchon qui a demandé l'aide
médicale à mourir en mars… au printemps 2020, a clairement dit, dans une
étude, juste avant d'avoir… de se voir administrer l'aide médicale à mourir,
que s'il avait eu les services et les soins nécessaires, il n'aurait pas
demandé l'aide médicale à mourir. Il y a eu M. Tremblay, il y a quelques années
qui, suite à une obligation de se voir logé en CHSLD, a préféré demander à un
proche le suicide assisté. On a l'histoire de Jonathan Marchand , il y a à
peine un an, qui, pour pouvoir sortir de son CHSLD, a mis sa vie en danger en
allant faire un siège devant l'Assemblée nationale, et qui, aujourd'hui, est
rentré ou va rentrer dans son appartement, mais avec des conditions… parfois,
je dirais inhumaines où on lui dit : O.K., on te donne les services, tu
vas chez toi, mais, si ça ne fonctionne pas, tu reviens dans l'établissement et
tu n'en sors plus jamais.
Ce sont des faits, actuellement, les
services diminuent. On tente de développer des situations, mais sans
nécessairement impliquer et écouter les personnes directement concernées. Et,
parallèlement à ça, on élargit l'accès à l'aide médicale à mourir pour ces
personnes-là. Donc, ce n'est pas juste des liens ou un dérapage qu'on voit, ce
sont des faits qui sont déjà existants, des situations qui se sont passées, des
gens sur lesquels on peut mettre des noms, des événements. Donc, ce n'est pas
quelque chose qui s'en vient, qui risque d'arriver, c'est quelque chose qui est
déjà présent et qui risque d'être encore plus présent si on leur donne accès à
l'aide médicale à mourir, ou si l'aide médicale à mourir, pas juste leur donner
accès, ou si l'aide médicale à mourir devient une option pour eux.
• (10 h 10) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député. Donc, je céderais maintenant la parole à
au député de Rosemont.
M. Marissal : Ah! merci
beaucoup de votre… Merci, Mme la Présidente. Puis merci beaucoup de votre
témoignage puis votre apport à nos travaux, mesdames, c'est particulièrement courageux.
Puis je vous remercie de rappeler d'emblée qu'avant de mourir dans la dignité
il faudrait toujours qu'on garde en tête qu'il faudrait vivre dans la dignité.
On ne le dira jamais trop. Parce que, même si l'aide médicale à mourir est
devenue un soin légalement, il reste que c'est pas mal la solution définitive,
puis que, si on pouvait ne pas avoir à se rendre là, ça serait probablement
mieux.
J'ai entendu votre réponse à mon collègue
de D'Arcy-McGee, j'avais la même question et je vais aller plus loin. Vous
dites que le désespoir… la solution par désespoir existe déjà. Puis,
effectivement, il y a eu des cas. Hein, on ne peut probablement pas mettre un
pourcentage là-dessus, mais considérant l'état de certains soins au Québec, on
ne se rentrera pas la tête dans le sable, on sait qu'il y a des cas, et vous en
avez nommé quelques-uns.
Dans ce cas, et considérant ce que vous
venez de dire, Mme Vézina, avec beaucoup d'émotion, comment vous faites…
M. Marissal : ...on ne peut probablement
pas mettre un pourcentage là-dessus, mais considérant l'état de certains soins
au Québec, on ne se rentrera pas la tête dans le sable, on sait qu'il y a des
cas, et vous en avez nommés quelques-uns.
Dans ce cas, et considérant ce que vous
venez de dire, Mme Vézina, avec beaucoup d'émotion, comment vous faites le
passage de ce constat à votre acceptation de voir la loi élargie? Autrement dit,
sachant que des gens sont poussés vers l'aide médicale à mourir par désespoir,
parce qu'on a échoué à leur donner les services — et là je ne fais
pas de jugement de valeur, là, entendez-moi bien — qu'est-ce qui vous
permet de faire le pas pour dire : Nous devrions élargir la loi?
Mme Vézina (Véronique) : Si
on prend cette décision-là, c'est notamment parce que ça devient un choix
individuel ou personnel de demander ou non l'accès à ce soin. Par contre, c'est
pourquoi... on met énormément de mises en garde, parce qu'on ne veut pas que ça
devienne une option à l'absence d'autres solutions. C'est un soin de dernier
recours, c'est un soin qui doit être donné dans le cas où la personne a une
souffrance physique et/ou psychologique extrême, que la situation est
irréversible, que c'est dégénératif et que sa seule... malgré tous les
services, tous les soins, tout ce qu'on met autour d'elle, on n'est pas capable
de soulager cette douleur ou cette souffrance-là. Donc, c'est dans ces situations-là
qu'on veut donner accès à l'aide médicale à mourir.
Puis il y a des gens qui sont pour, il y a
des gens qui sont contre, mais, pour nous, c'est difficile de dire : Oui
pour certains, non pour d'autres. On veut que ça demeure un choix individuel,
et si on ne donne pas accès à l'aide médicale à mourir aux gens dont c'est le
souhait, et qui répondent à l'ensemble des conditions, et pour qui ce n'est pas
fait pour cause de désespoir, bien, je pense que c'est le principal motif
pourquoi on est d'accord à élargir l'aide médicale à mourir. Mais pas à
n'importe quel prix et pas à n'importe quelle condition.
M. Marissal : Je vous entends
bien, merci pour la réponse claire.
Quelle est la portée de l'évaluation
psychosociale que vous nous suggérez? C'est-à-dire, aurait-elle pour but
simplement de compiler, par exemple, des statistiques qui nous donneraient un
portrait après quelques années de qui demande l'aide médicale à mourir ou est-ce
que cette évaluation psychosociale pourrait, à la limite, renverser une
décision?
Mme Vézina (Véronique) : L'évaluation
psychosociale doit être faite avant qu'une décision quant à donner accès à l'aide
médicale à mourir soit rendue. Donc, elle peut... elle va servir à évaluer les
motifs ou les influences qui font que la personne demande d'aller à l'aide
médicale à mourir. L'évaluation psychosociale va servir parce que le médecin va
établir qu'elle répond, au niveau physique ou psychologique, aux différents
critères qui sont demandés. Mais l'évaluation psychosociale va venir évaluer...
Mme Vézina (Véronique) :
...les motifs ou les influences qui font que la personne demande à aller à l'aide
médicale à mourir. L'évaluation psychosociale va servir parce que le médecin va
établir qu'elle répond au niveau physique ou psychologique aux différents
critères qui sont demandés. Mais l'évaluation psychosociale va venir évaluer
justement si ce n'est pas une solution par dépit ou par défaut d'avoir accès à
autre chose ou d'être influencée par autrui. Et l'évaluation psychosociale,
bien, pourrait... en bout de ligne, devra dire si les motifs ou les raisons
pour lesquelles la personne demande à avoir accès à l'aide médicale à mourir
sont justifiés et que ce n'est pas... il n'y aurait pas d'autre solution qui
pourrait répondre aux besoins de la personne et qui pourrait soulager la
situation dans laquelle elle est.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Marissal : Je pense que je
n'ai plus de temps, Mme la Présidente, hein?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Non, merci, M. le député.
M. Marissal : Je vous
remercie.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Nous allons quand même pouvoir poursuivre les échanges avec la députée de
Joliette.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour à vous deux. Merci beaucoup de votre présentation. Tantôt, vous avez
dit : Pour les personnes qui sont inaptes, donc qui sont, j'imagine, par
exemple, inaptes de naissance ou inaptes de manière permanente, on est d'accord
pour qu'ils puissent avoir accès à l'aide médicale à mourir, mais on n'est pas
d'accord au consentement pour autrui. Alors, je ne comprends pas comment on
pourrait obtenir un consentement dans un tel cas. Je ne sais pas si quelque
chose m'a échappé, mais est-ce que vous pouvez préciser sur ce point-là?
Mme Vézina (Véronique) : Je
vais y aller. En fait, ce qu'on ne veut pas... Il y a des personnes inaptes
qui, en raison de leur condition, ne seront jamais en mesure de consentir aux
soins. Et ce qu'on ne veut pas, c'est qu'autrui ou un proche, un membre de la
famille puisse décider à sa place de lui donner accès ou de demander l'aide
médicale à mourir et même d'entreprendre une démarche pour qu'elle ait
éventuellement accès à l'aide médicale à mourir.
Par contre, parmi les personnes qui sont
souvent inaptes à consentir à un soin ou considérées inaptes à consentir à un
soin, il y en a qui, avec un accompagnement, des outils, pourraient elles-mêmes
prendre une décision. Et c'est pour ces gens-là qu'on veut s'assurer qu'elles
auront la possibilité de consentir à avoir accès à l'aide médicale à mourir.
Parce que souvent la compréhension n'est pas basée sur la capacité de la
personne à... bien, est basée beaucoup sur la façon dont on présente les
choses, dont on explique les choses. Souvent, on porte un... on va dire :
Elle est inapte à consentir parce qu'elle n'a pas compris ce que je lui ai
expliqué. Mais on se pose rarement la question sur : Est-ce que je me suis
ajustée pour bien lui expliquer?
Donc, avec des outils, un accompagnement
nécessaire, bien, on pourrait favoriser des personnes qui seraient considérées
inaptes à consentir à consentir au soin. Mais on est parfaitement conscient
qu'il y en a pour qui, peu importe comment on va leur expliquer, peu importe
comment on va leur présenter, ce sera toujours impossible, là, d'obtenir un
consentement...
Mme Vézina (Véronique) : …donc
avec des outils, un accompagnement nécessaire, bien, on pourrait favoriser des
personnes qui seraient considérées inaptes à consentir à consentir aux soins.
Mais on est parfaitement conscient qu'il y en a pour qui, peu importe comment
on va leur expliquer, peu importe comment on va leur présenter, ce sera
toujours impossible, là, d'obtenir un consentement. Bien, dans ces
situations-là, on ne voudrait pas que ce soit quelqu'un d'autre qui demande
l'accès à l'aide médicale à mourir à sa place.
Mme
Hivon
:
Parfait. Donc, je veux juste bien résumer. Si j'ai bien compris, donc, ces
personnes, qui sont inaptes de manière permanente, irréversible depuis la
naissance, il n'y a pas d'aptitude qui fluctue ou de possibilité d'obtenir,
donc, une évaluation qui conclurait à l'aptitude, vous dites : On oublie
ça, il ne peut pas y avoir d'aide médicale à mourir parce qu'on refuse le
consentement substitué. Pour les autres, qui peuvent avoir différents degrés de
fluctuation dans leur aptitude, il faut faire le maximum pour les accompagner
pour voir si on est capable de déceler une aptitude à consentir. Et si cette
aptitude-là existe, là il faut obtenir le consentement libre et éclairé, avec
tout l'accompagnement possible, comme vous avez bien expliqué tout à l'heure.
Je résume correctement.
Mme Vézina (Véronique) : Oui.
Mme
Hivon
: Oui.
O.K. Dans la situation actuelle, là, déjà, depuis que la loi existe, évidemment,
les personnes qui sont dans ces situations-là, d'inaptitude qu'on pourrait dire
fluctuante, qui peuvent avoir des déficiences mais qui ne sont pas profondes,
est-ce que vous avez des exemples où des personnes ont été accompagnées pour
obtenir l'aide médicale à mourir? Est-ce que vous avez répertorié des cas?
Parce que c'est comme pour tout autre soin, là, normalement, l'équipe doit bien
accompagner pour évaluer d'abord l'aptitude et ensuite obtenir le consentement.
Est-ce qu'il y en a, des cas répertoriés?
Mme Vézina (Véronique) :
Bien, je vous dirais, on n'a pas fait un inventaire des cas répertoriés mais on
a au moins un exemple d'une jeune femme qui est décédée d'un cancer il y a
quelques années, qui avait une déficience intellectuelle, à qui on a refusé les
soins de fin de vie parce qu'on considérait qu'elle n'était pas apte à
consentir aux soins. Donc, elle a dû tolérer, je dirais, toute la souffrance
associée à sa maladie jusqu'au dernier moment parce qu'on n'a pas considéré
qu'elle était apte à avoir… à consentir à l'accès à l'aide médicale à mourir.
Mais je n'ai pas un répertoire, c'est un exemple connu.
• (10 h 20) •
Mme
Hivon
: Non,
non, je comprends. Parce que c'était un défi. Puis on avait discuté,
d'ailleurs, avec la COPHAN, lors de la première mouture de ça. Et c'était… je
voulais savoir si les professionnels de la santé étaient plus exigeants dans
l'évaluation de l'aptitude pour l'aide médicale à mourir versus d'autres soins,
des traitements. Comme par exemple, si elle avait un cancer, j'imagine qu'elle
devait consentir à des traitements, est-ce que c'était elle? Est-ce que c'était
un consentement pour autrui? Donc, c'est ce genre de cas là qui m'intéressent.
Mme Vézina (Véronique) :
Bien, en fait, la personne a pu consentir à ses… à certains traitements, à
certains soins. Mais lorsqu'elle est arrivée en phase terminale et qu'elle a
demandé à avoir accès à l'aide médicale à mourir, malheureusement, malgré que
ses facultés cognitives n'étaient pas diminuées par rapport aux consentements
précédents qu'elle avait donnés, on ne lui a pas donné accès à l'aide médicale
à mourir.
Mme
Hivon
: O.K.
Merci beaucoup, c'est très intéressant.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, merci…
Mme Vézina (Véronique) :
…mais, lorsqu'elle est arrivée en phase terminale et qu'elle a demandée avoir
accès à l'aide médicale à mourir, malheureusement, malgré que ses facultés
cognitives n'étaient pas diminuées par rapport au consentement précédent
qu'elle avait donné, on ne lui a pas donné accès à l'aide médicale à mourir.
Mme
Hivon
: O.K.,
merci beaucoup. C'est très intéressant.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup à vous deux, Mme Vézina et Mme Boëls, pour
votre exposé aujourd'hui, votre échange avec les membres de la commission.
Donc, ça met fin à cette partie, et je
demanderais aux membres de la commission de rester avec nous pour accueillir le
prochain groupe. Merci encore, mesdames.
(Suspension de la séance à 10 h 22)
(Reprise à 10 h 25)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous reprenons les travaux. Merci d'être présents. Nous accueillons maintenant
le Conseil de la protection des malades, avec M. Pierre Hurteau, vice-président
du conseil d'administration. Donc, bienvenue, M. Hurteau. Vous avez
10 minutes pour votre exposé, et par la suite, il y aura un échange avec
les membres de la commission pour une période de 35 minutes. Donc, je vous
cède dès maintenant la parole.
M. Hurteau (Pierre) : Très
bien. Alors, je salue tous les membres de la commission et je vais d'abord lire
le court mémoire. Le CPM tient à remercier la commission de l'avoir invité à
soumettre son opinion sur la délicate question de l'élargissement de la Loi
concernant les soins de fin de vie. L'organisme fêtera bientôt 50 ans
d'existence vouée à la lutte et à la protection des droits des usagers de la
santé du Québec. Parmi ces droits, le respect de la dignité de l'usager, de son
autonomie, de ses besoins et de sa sécurité ont fait en sorte que le CPM a toujours
donné son accord de principe à l'aide médicale à mourir, soit durant la commission
parlementaire Mourir dans la dignité, où nous étions présents, le 28 septembre
2010, soit en commission parlementaire sur le projet de loi n° 52
sur les soins de fin de vie, le jeudi 26 septembre 2013, ou encore au sein du
groupe d'experts sur la question de l'inaptitude et de l'aide médicale à mourir
qui a...
M. Hurteau (Pierre) : …soit en commission
parlementaire sur le projet de loi sur les… n° 52 sur les soins de fin de
vie, le jeudi, 26 septembre 2013, ou encore au sein du Groupe
d'experts sur la commission… sur la question de l'inaptitude et l'aide médicale
à mourir, qui a déposé son rapport en 2019. J'étais, moi-même,
représentant du CPM sur ce groupe de travail. Cette prise de position n'a pas
empêché le CPM de militer quotidiennement pour l'amélioration du vivre dans la
dignité pour les usagers et les résidents en soins de longue durée.
Le jugement rendu dans la cause Truchon et
Gladu a changé la donne en matière d'aide médicale à mourir en rendant
inopérant le critère de fin de vie de la loi québécoise ou celui de mort
raisonnablement prévisible de la loi fédérale. Ce critère désormais absent
ouvre de nouvelles avenues, notamment pour les personnes souffrant de troubles
mentaux, puisque ces derniers ne sont pas létaux, de même que pour les
personnes souffrant de maladie physique sans être en fin de vie. Le président-directeur
général du CPM exprimait déjà le souhait de voir ce critère aboli en 2013.
Je cite : «Une personne qui rencontre les exigences du projet de loi pour
décider pour elle d'en finir, que cette personne-là, ou que ça soit… ou que sa
mort soit imminente ou pas, une fois que la personne lourdement handicapée,
adulte, apte, que cette personne-là devrait pouvoir en finir, que sa mort soit
immédiate ou non.» C'est un point de vue qui avait déjà été exprimé d'ailleurs
par le président du CPM en 2010.
Aujourd'hui, le CPM est appelé à se
prononcer sur deux questions, essentiellement. D'abord, doit-on rendre
accessible l'aide médicale à mourir aux personnes en situation d'inaptitude?
Deux, l'aide médicale à mourir peut-elle être offerte aux personnes dont le
seul diagnostic est un trouble mental?
• (10 h 30) •
À la première question, le CPM répond oui,
sans aucune hésitation, mais à certaines conditions. Une personne majeure
rencontrant les conditions suivantes devrait être autorisée à émettre des
directives anticipées requérant l'aide médicale à mourir : a) être
apte au moment d'émettre les directives, b) être informée d'un diagnostic
ou d'un pronostic de maladie grave et incurable, soit une maladie qui conduira
éventuellement à un déclin avancé et irréversible des capacités de la personne,
soit une maladie qui infligera éventuellement… affligera, pardon,
éventuellement la personne de souffrances physiques ou psychiques qu'elle juge
intolérables. Donc, l'obligation d'être apte à consentir à l'aide médicale à
mourir au moment où la demande est formulée, par anticipation ou non, demeure…
10 h 30 (version non révisée)
M. Hurteau (Pierre) : …éventuellement…
affligera, pardon, éventuellement la personne de souffrances physiques ou
psychiques qu'elle juge intolérable.
Donc, l'obligation d'être apte à consentir
à l'aide médicale à mourir au moment où la demande est formulée par
anticipation ou non demeure une condition sine qua non. Le consentement par
substitution est donc exclu, de même que les victimes d'accident vasculaire
cérébral, tout comme les victimes d'un traumatisme crânien grave entraînant des
séquelles graves, et irréversibles, et plongeant dans un état empêchant
l'expression d'un consentement libre et éclairé, de même que les personnes qui
n'ont jamais été considérées aptes à consentir à leurs soins.
Le CPM souscrit aux recommandations du
groupe d'experts sur :
1° le caractère non contraignant des
demandes d'aide médicale à mourir, ce qui permet au demandeur, à la personne de
confiance qu'elle aura désignée et à l'équipe soignante de suivre l'évolution
du pronostic et des traitements disponibles dans le temps;
2° la nécessité d'un formulaire
spécifique, à l'AMM, dont la durée de validité est indéterminée;
3° à la tenue d'un registre des demandes
avec l'obligation de le consulter;
4° la désignation, dans le formulaire de
demande, d'un tiers chargé de faire connaître sa demande anticipée et de
demander, en son nom, le traitement de sa demande, en temps jugé, opportun.
Le CPM répond également de manière
affirmative à la deuxième question. Toutefois, une attention particulière doit
être portée à l'aptitude décisionnelle de la personne qui demande l'AMM compte
tenu de la nature de la maladie qui pourrait l'affecter sérieusement. En effet,
l'aptitude au consentement demeure toujours que la maladie soit mentale ou
physique puisque c'est l'autodétermination et le respect de la volonté de la
personne qui doit toujours primer. Comme la maladie mentale est reconnue comme
étant un problème médical nécessitant un traitement, de la même manière, il est
difficile de discriminer sur la simple base d'un diagnostic et d'exclure de
l'AMM les personnes qui en sont affectées gravement, qui ressentent des
douleurs et souffrances à leurs yeux intolérables après avoir essayé différents
traitements. Tout en reconnaissant le droit à l'autodétermination des
personnes atteintes d'un trouble mental, le CPM est d'avis que les mesures de
protection additionnelles peuvent être prises en raison de la vulnérabilité de
ces personnes souvent aux prises avec le désir d'en finir avec leur vie. C'est
pourquoi nous croyons qu'un délai de quelques mois doit être appliqué à partir
de la date de la demande pour voir son exécution. De même, il faut exiger…
M. Hurteau (Pierre) : ...doivent
être prise en raison de la vulnérabilité de certaines personnes, souvent aux
prises avec le désir d'en finir avec leur vie. C'est pourquoi nous croyons
qu'un délai de quelques mois doit être appliqué à partir de la date de la
demande pour voir son exécution. De même, il faut exiger l'avis de deux
médecins, dont l'un est obligatoirement psychiatre.
En terminant, le CPM adhère pleinement à
la philosophie des soins de fin de vie s'inscrivant dans un continuum. À cet
égard, il ne peut que ... la nécessité d'améliorer l'accès à des soins
palliatifs de qualité et de consacrer l'effort important pour faciliter l'accès
à des soins et services en santé mentale, de même qu'un meilleur suivi de cette
clientèle. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. Hurteau. Nous commençons donc nos échanges avec le député de
D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente, et merci, M. Hurteau, pour votre exposé aujourd'hui ainsi que l'implication
très aidante de votre organisme tout au long de ce débat au Québec, qui est
dans sa deuxième décennie, au moins.
Vous parlez de la demande anticipée et, de
façon claire et nette, que les voeux exprimés et balisés comme il faut de la
personne doivent être respectés. En ce qui concernerait le déclenchement de ces
voeux exprimés par une personne identifiée, pouvez-vous en élaborer un petit
peu? Comment est-ce que les balises devraient être respectées et comprises de
façon très claire, de façon temporelle sur les ...? Comment on s'assure à la
fois le respect des balises de l'éventuelle loi ainsi que les voeux de la
personne concernée en tout ce qui a trait au déclenchement du traitement?
M. Hurteau (Pierre) : Bien, par
rapport à votre question, je pense que le CPM — d'ailleurs, je l'ai
dit assez clairement, là — le CPM suit, en quelque sorte, les
recommandations qui ont été faites par le groupe d'experts. Je ne parlerai pas
au nom du groupe d'experts, là, mais comme j'étais membre de ce groupe-là, qui
a travaillé pendant presque deux ans, il est clair qu'à partir du moment où il
y a possibilité de faire une demande anticipée, lorsqu'il y a un diagnostic qui
est posé, c'est sûr que la personne est comme sur une trajectoire, et c'est
pour ça qu'on pense que...
M. Hurteau (Pierre) : ...il y a
possibilité de faire une demande anticipée, lorsqu'il y a un diagnostic qui est
posé, c'est sûr que la personne est comme sur une trajectoire, et c'est pour ça
qu'on pense que, tout au long de l'évolution de la maladie, cette personne-là,
elle est accompagnée par une équipe soignante et elle a aussi désigné une
personne de confiance, une tierce personne qui la connaît et qui... c'est soit
l'équipe médicale, soit l'équipe soignante, soit... et souvent
multidisciplinaire, soit cette personne-là qui est la personne de confiance va
se rendre compte de l'évolution de la maladie et du moment où le temps est
venu, à partir de balises qui auront été définies par la personne elle-même
lorsqu'elle fera sa demande anticipée.
Alors, c'est à peu près ce que je peux
vous dire sur cette question-là, mais grosso modo, je répète, notre position,
c'est celle qui a été adoptée et balisée dans le rapport sur le groupe... le
rapport du groupe d'experts sur ce point de vue précis là, sur cette question
précise là.
M. Birnbaum : Nous venons
d'entendre de la Confédération des organismes de personnes handicapées des
mises en garde assez importantes. Ils partagent avec prudence votre voeu qu'on
respecte l'autonomie... l'autodétermination de chaque individu, mais ils
s'inquiètent beaucoup, surtout pour cette population, qu'un accès élargi à
l'aide médicale à mourir pourrait entraîner une diminution, en quelque part, de
services disponibles et accrus pour les gens en besoin. Est-ce que vous
partagez en quelque part cette inquiétude?
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
c'est-à-dire que je vous dirais que, comme j'ai dit à la fin de ma
présentation, lorsque... et ça a toujours été la position, c'est que ce n'est
pas parce qu'on accorde ou qu'on défend ce droit à l'autodétermination qu'on ne
doit pas en même temps s'assurer, et c'était aussi le voeu qui était exprimé
par le groupe d'experts, et c'était le sens, puis je vois Mme Hivon, là,
mais c'était le sens de la loi sur les soins de fin de vie, c'est que toute la
question des soins palliatifs, qu'on doit continuer d'en améliorer
l'accessibilité. Et la même chose en santé mentale, là, on connaît tous les...
M. Hurteau (Pierre) : …le sens — puis
je vois Mme Hivon, là — mais c'était le sens de la Loi sur les
soins de fin de vie, c'est que toute la question des soins palliatifs, qu'on
doit continuer d'en améliorer l'accessibilité. Et la même chose en santé
mentale, là, on connaît tous les problèmes de rupture de services,
d'accessibilité qu'il y a dans les questions des suivis des personnes qui ont
des troubles mentaux. Alors, il faut s'assurer de maintenir un très bon… un
niveau adéquat d'accessibilité à ces services-là de sorte que les… l'aide
médicale à mourir ne devienne pas une option parce qu'on n'est pas capable
d'avoir des services, là. Alors, c'est une question d'équilibre, là. Ce n'est
pas parce qu'on permet, comme on a permis à Truchon et Gladu, l'aide médicale à
mourir, qu'on n'a pas des obligations d'améliorer l'accessibilité aux soins,
là.
• (10 h 40) •
M. Birnbaum : Merci. Vous avez
parlé de l'importance d'assurer qu'il y a des balises accrues en tout ce qui a
trait aux troubles mentaux… et mental et l'accès à l'aide médicale à mourir.
Êtes-vous satisfait qu'il y a une façon non discriminatoire efficace et
compatissante d'élargir cet accès sans risque de dérive? On pense aux
intervenants, devant nous, qui parlaient des cas très sérieux, des tentatives
de suicide, des gens avec une histoire de dépression majeure pour une période
prolongée, par contre qui auraient retrouvé la vie heureuse et qui auraient
subi des traitements plus tard qui les rendaient en mesure de vivre de façon
très satisfaisante. Comment on assure des balises qui vont protéger ces
gens-là?
M. Hurteau (Pierre) : Bien, je
pense qu'on avait ce souci-là, c'est pourquoi qu'on a énoncé
deux conditions qui nous apparaissent essentielles, c'est qu'on doit
accorder un délai de quelques mois, on n'a pas défini, on n'est pas des
experts, là, sur le plan médical, mais on doit accorder au moins, il nous semble,
quelques mois, là, on n'a pas mis de chiffre, deux, trois ou quatre ou… mais
entre le moment où elle est demandée et où, là, il y a l'exécution de la
demande. Ça nous apparaît nécessaire. On a aussi demandé que…
M. Hurteau (Pierre) : ...deux,
trois ou quatre, mais entre le moment où elle est demandée et où là, il y a
l'exécution de la demande, ça nous apparaît nécessaire. On a aussi demandé
qu'il y ait deux évaluations, dont une soit nécessairement faite par un
psychiatre. Est-ce qu'il y a nécessité... ou entre deux psychiatres, ça, je
laisse le soin aux experts, mais au moins un, ça, ça noous apparaît nécessaire.
Maintenant, l'argument... je dis, on peut
arguer longtemps sur la question de... Ce n'est pas seulement dans le domaine
des troubles mentaux, mais il y a toujours possibilité, l'évolution de la
médecine, les innovations qui font en sorte qu'un diagnostic... un pronostic
qui est valable aujourd'hui, peut-être que dans un an, il pourrait être
modifié. Ce n'est pas quelque chose, à nos yeux, qui est absolument particulier
à la santé mentale.
M. Birnbaum : Oui, là, je vous
suis en ce qui a trait à l'horizon de traitement qui change. Par contre, ce qui
est unique dans le cas de la santé mentale, c'est cet aspect épisodique et,
comme je dis, des exemples nombreux de gens qui ont retrouvé une qualité de
vie, malgré une souffrance épouvantable pour les périodes de leur vie. Y a-t-il
une façon, à votre avis, de protéger un déarapge dans des cas de même?
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
nous, la seule façon qu'on voit, là, c'est les deux balises qu'on vous énoncé,
mais je vous rappellerais aussi, je me souviens très bien d'un cas, il y a
plusieurs années, d'une personne qui n'était pas en situation de santé mentale,
mais qui était lourdement handicapée physiquement dans un CHSLD, qui avait même
demandé à la cour — je crois que c'était le Manoir des Pins ou
quelque chose comme ça, dans les Laurentides — parce qu'il avait
refusé de
M. Hurteau (Pierre) : …quand
même dans le… on a bien énoncé que, pour nous, la santé mentale, elle a des
traitements médicaux, donc elle doit être traitée comme toute autre maladie et
ne pas être discriminée, et les personnes ont aussi droit à
l'autodétermination.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Merci, M. Hurteau, pour votre témoignage. Je n'ai pas vu dans
la liste de la commission votre mémoire. Je présume que vous ne l'avez pas
déposé…
M. Hurteau (Pierre) : Non.
M. Marissal : …que c'est plus
un aide-mémoire justement pour vous?
M. Hurteau (Pierre) : Oui,
c'est ça, on n'a pas déposé rien par écrit, là. Ça ne me fait rien de l'envoyer,
là, si c'est…
M. Marissal : Je crois que ça
serait apprécié, oui. Il y aura toujours le transcript, mais je pense qu'on a
les documents qui pourront nous servir de référence. En tout cas, moi,
j'aimerais bien avoir copie de votre…
M. Hurteau (Pierre) : O.K.
Oui, je vous comprends, parce qu'il y a beaucoup de stock, là, puis…
M. Marissal : Oui, c'est le
moins qu'on puisse dire.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Vous pourrez le faire parvenir au secrétariat de la commission.
M. Hurteau (Pierre) : O.K.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Je veux juste être sûr de bien vous comprendre, là.
M. Hurteau, quand vous avez dit, un moment donné, les consentements par
substitution ne peuvent pas être considérés, ne peut pas être considéré, est-ce
qu'on parle ici seulement dans les cas de troubles mentaux ou c'est,
généralement, vous êtes…
M. Hurteau (Pierre) : Non,
non, en général.
M. Marissal : …contre… du
consentement.
M. Hurteau (Pierre) : En
général. Oui, oui, c'est comme... Tout comme le groupe d'experts, là, qui a
exprimé cette position-là aussi, on n'admet pas un consentement par
substitution.
M. Marissal : Dans aucun cas?
M. Hurteau (Pierre) : Dans…
Comme, par exemple, un handicapé intellectuel de naissance, je veux dire, on ne
pourrait pas admettre, même s'il a atteint 18 ans, que ses parents, ou son
tuteur, ou «whatever», là, quelle que soit la personne se substitue à cette personne-là
pour demander l'aide médicale à mourir.
M. Marissal : Hier, on a
entendu quelques groupes dont Commission des droits de la personne… protection
du droit de la jeunesse… du droit de la jeunesse aussi, qui ont une position
totalement inverse à la vôtre prétextant que, puis, ça se défend, là, que la
charte des droits et libertés s'applique à tout le monde. Les enfants sont des
personnes aussi. Et que, même dans le cas d'enfant de moins de 14 ans, on
pourrait éventuellement considérer le consentement par substitution, le
consentement substitué dans des cas, évidemment, vous l'aurez compris, les cas
les plus lourds, évidemment.
M. Hurteau (Pierre) : Pardon?
M. Marissal : On comprend bien
la dernière extrémité à laquelle on en arrive. Vous êtes donc contre cette
position qui est prise par la commission.
M. Hurteau (Pierre) : Oui,
oui, je pense que…
M. Marissal : …par la
commission et peut-être par d'autres, je ne veux pas vous mettre spécifiquement
en opposition avec la commission…
M. Hurteau (Pierre) : Oui.
Non, non, mais, non, je réponds, là. Ce qu'on a dit, bien, ce que j'ai lu
tantôt, c'est que nous sommes contre le consentement par substitution, quelle
que soit…
M. Marissal : …cette position,
qui est prise par la commission, par la commission et peut-être par d'autres,
je ne veux pas vous mettre spécifiquement en opposition avec la commission, là.
M. Hurteau (Pierre) : Oui.
Non, non, mais, non, je réponds, là. Ce qu'on a dit, bien, ce que j'ai lu
tantôt, c'est que nous sommes contre le consentement par substitution, quelle
que soit la situation. On n'a pas examiné davantage. Comme je vous dis, aujourd'hui,
on est là, en train de se poser des questions sur l'évolution possible. Mais au
moment où on se parle, c'est là où on en est. Est-ce qu'un jour, on en viendra
à cela, après réflexion, tout ça? Je ne peux pas vous dire. Mais aujourd'hui,
c'est ça, notre position.
M. Marissal : Très bien, je
comprends. Ensuite, rapidement, les délais… le délai de quelques mois, que vous
n'avez pas quantifié, là… est-ce que ça s'applique, encore une fois, seulement
dans les cas de troubles mentaux? Ou c'est généralement…
M. Hurteau (Pierre) : Oui, ça,
c'est pour les troubles mentaux, oui.
• (10 h 50) •
M. Marissal : D'accord. C'est
ce que j'avais bien compris, mais je voulais juste être sûr. Vous ne pensez pas
que… M. Hurteau, que les gens qui arrivent, surtout dans les cas de
troubles mentaux, là, après des années et des années et des années, là, de
souffrances, de diagnostics, de contre-diagnostics, d'essais-erreurs de
médicamentation… médication, je vais le dire, vous ne pensez pas que ces
gens-là, quand ils arrivent à la décision de demander, ils sont rendus, pas
mal, au terminus, puis c'est un peu injuste de leur dire : Tu es
tributaire de la décision de quelqu'un qui va dire : Il faut que tu
attendes encore quatre, cinq mois?
M. Hurteau (Pierre) : Bien, je
ne sais pas si on peut parler d'injustice parce que je pense que, comme l'a
exprimé un peu le député, là, M. Birnbaum, je pense, là, c'est qu'au fond,
comme société, on doit quand même, comme cette maladie-là ne conduit pas… n'est
pas létale, disons, il faut quand même avoir certaines balises additionnelles
pour s'assurer que la décision, c'est la bonne. Et je pense que… je comprends,
là, ce que vous dites, je suis entièrement d'accord avec vous, et que
probablement que la personne ne changera pas d'idée, sauf que je pense que si elle
a attendu tout ce temps-là, et comme elle n'en mourra pas, là, je pense que
deux, trois mois, là, de plus, ça ne sera pas nécessairement fatal pour elle.
Mais je pense que c'est… comme société, on doit se donner des, comment je
dirais, des mesures additionnelles qui font en sorte qu'on soit assuré que ce
n'est pas quelque chose qui est pris à la légère…
M. Hurteau (Pierre) :
...comment je dirais, des mesures additionnelles qui font en sorte qu'on soit
assuré que ce n'est pas quelque chose, là, qui est pris à la légère.
M. Marissal : Très bien. Je
vous remercie. Je n'ai probablement plus de temps, hein, Mme la Présidente, je
présume.
La Présidente (Mme Guillemette) :
...peut-être à la fin, M. le député.
M. Marissal : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour. Merci beaucoup de votre présentation. Je veux vous amener sur une
question qui m'interpelle beaucoup, là, que je trouve très complexe à résoudre.
On a échangé avec les gens du comité d'experts par rapport à ça. C'est un peu
l'adéquation entre ce qu'une personne qui est encore apte et qui se projette
dans une maladie peut déterminer comme condition ou comme circonstances dans
lesquelles elle voudrait obtenir l'aide médicale à mourir, mais ensuite, le
moment venu, l'évaluation de la souffrance, de la présence de la souffrance
serait présente ou non.
Et hier on a eu Mme Nicole Poirier, de
l'organisme Carpe Diem, là, qui travaille beaucoup, beaucoup avec les personnes
atteintes d'Alzheimer, qui a des approches très novatrices, notamment avec de
l'hébergement dans la Mauricie, et, pour elle, le critère central doit demeurer
la souffrance. On peut projeter que si je ne reconnais plus mes proches, pour
moi, je veux avoir l'aide médicale à mourir. On peut projeter que si je ne peux
plus manger par moi-même, je veux l'aide médicale à mourir. Mais, au moment où
ça se concrétise, ça ne veut pas dire que ces circonstances-là vont être porteuses
de souffrance intolérable et constante pour la personne.
Donc, évidemment, là, il en est question
abondamment dans le rapport du groupe d'experts, mais je voulais avoir votre
lecture là-dessus, à vous, là, au nom de votre organisme, le conseil. Est-ce
que ces seules circonstances là qui seraient définies à l'avance devraient
donner ouverture ou on doit toujours s'assurer... ça a l'air drôle à dire, là,
mais de la présence du critère de la souffrance en temps contemporain, quand la
personne a perdu toute son aptitude?
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
comme j'ai dit dans la présentation, au fond, là, les critères qui sont dans la
loi demeurent toujours. Il faut toujours avoir 18 ans, il faut toujours
être apte à consentir et il faut toujours être affligé de souffrances
intolérables. On ne peut pas juste se baser sur le fait que je ne reconnais
plus mes enfants, là. C'est un ensemble de choses. Mais sur les critères, ça,
c'est une longue discussion au niveau du groupe d'experts sur la question des
souffrances, là...
M. Hurteau (Pierre) : …je ne
reconnais plus mes enfants, là. C'est un ensemble de choses. Mais sur le
critère, ça, c'est une longue discussion au niveau du groupe d'experts sur la
question des souffrances, là. Parce que la loi dit bien, la loi québécoise, et
la loi fédérale aussi, il y a un aspect subjectif dans l'évaluation de ces
souffrances-là. Ce n'est pas un… simplement une évaluation objective par une
équipe médicale, là. Donc, c'est… ça fait partie de… des… de l'évaluation de la
souffrance. C'est que c'est possible que ce que vous décrivez, comme le fait
que je ne reconnais plus mes proches, ajoutez d'autres choses, je ne sais pas
trop quoi, ça devienne un élément de souffrance, parce qu'on parle de
souffrance psychique aussi. La souffrance psychique, là, ce n'est pas évident à
évaluer, mais il y a certainement des composantes subjectives qui peuvent
varier d'une personne à l'autre. C'est pour ça que c'est important d'avoir une
tierce personne, aussi, qui connaît bien la personne, qui a un historique de
vie, qui sait quelles sont les valeurs que cette personne-là… à quelles valeurs
cette personne-là s'est rattachée tout au long de sa vie.
Mme
Hivon
: Je
vous suis. Mais une personne qui est devenue inapte, donc qui est rendue dans
les stades avancés de la maladie d'Alzheimer, va avoir beaucoup de difficulté à
exprimer, évidemment, ou verbaliser de la souffrance, donc souvent ça va être
par des signes externes que les experts nous…
M. Hurteau (Pierre) : Oui,
absolument.
Mme
Hivon
:
C'est ça. Et donc, ça m'amène juste à poser une question, là, très de base.
Plus j'évolue là-dedans, plus je me dis est-ce que, dans le fond, dans les
demandes anticipées, la personne devrait tout simplement dire : Si je
souffre de manière constante et inapaisable et que je remplis le critère de
l'article 26, je souhaiterais avoir l'aide médicale à mourir? Je lance ça,
là, juste parce qu'hier, c'est ce que Mme Poirier a un peu amené comme
réflexion, c'est-à-dire qu'on peut imaginer 56 circonstances, comme nous,
personnes relativement bien portantes, en début de maladie, mais qui
n'entraîneront pas nécessairement, lorsqu'on va être rendus à cette étape-là,
la souffrance qu'on avait anticipée. Donc, est-ce que le critère devrait être
tout simplement la présence ou non de souffrance plutôt qu'une description
exhaustive d'éléments qu'on pense qui pourraient nous causer de la souffrance?
M. Hurteau (Pierre) : Bon,
c'est une bonne question. Je ne sais pas, là, et vous dites que vous avez
discuté avec le groupe d'experts là-dessus, je ne sais pas qu'est-ce que le
groupe d'experts vous a dit là-dessus.
Mme
Hivon
: Non,
non, ne vous inquiétez pas, vous ne serez pas en porte-à-faux, je n'ai pas posé
précisément cette question-là. Ça m'est venu, hier, avec l'échange avec
Mme Poirier…
M. Hurteau (Pierre) : ...bon,
c'est une bonne question, je ne sais pas, là, et vous dites vous avez discuté
avec le groupe d'experts là-dessus, je ne sais pas qu'est-ce que le groupe
d'experts vous a dit.
Mme
Hivon
: Non,
non, inquiétez-vous pas, vous ne serez pas en porte-à-faux, je n'ai pas posé précisément
cette question-là. Ça m'est venu hier avec l'échange avec Mme Poirier.
M. Hurteau (Pierre) : O.K.
Non, mais c'est parce que... comment je dirais, oui, ça peut être ça, mais il y
a une sorte de redondance dans ça parce que ce critère-là est déjà dans la loi.
Alors, on ne peut pas l'éviter. C'est comme si, par exemple, si on pense qu'il
faut signer une déclaration de confidentialité, quand on travaille au gouvernement,
sinon on n'est pas soumis à la loi d'accès. Non, ça ne marche pas comme ça, la
loi est là, elle s'applique.
Mme
Hivon
: Je
pense que je n'ai plus de temps, hein, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Encore une petite minute, là, on va être généreuse.
Mme
Hivon
: O.K.
Merci. En fait, je suis tout à fait d'accord avec vous que c'est un peu
redondant ou ça devient un peu... ça devient très, très simple, c'est-à-dire
que ça veut dire que, quand tu fais ta demande anticipée, c'est que toi, tu
veux envoyer le message que, si tu es dans une situation de complète inaptitude
dans l'évolution de ta maladie et que tu en viens, avec une équipe médicale qui
va juger qu'il y a des souffrances constantes et inapaisables, tu veux obtenir l'aide
médicale à mourir, donc sans définir quel type de souffrance. Je ne vous dis
pas que c'est ça la solution, mais c'est que vu qu'on nous le fait ressortir
comme un noeud gordien de nos travaux à quel point il faut essayer de trouver
la concomitance entre ce que j'aurais demandé à l'avance puis... les gens vont
me dire, si je ne reconnais plus mes proches, si je ne peux plus m'alimenter,
si je deviens complètement incontinent, dépendant, avec le moment contemporain
où la personne est dans cette situation-là et qu'on doit évaluer s'il y a de la
souffrance, je soumets ça comme hypothèse de travail, de réflexion.
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
c'est possible. Je ne sais pas trop quoi répondre à votre question sinon que de
dire aussi, si c'est trop vague et imprécis, si la personne ne définit pas
certains éléments, peut-être qu'il y a des gens qui vont appliquer ça d'une
façon très large et d'autres d'une façon très restrictive. Alors, je ne suis
pas sûr qu'on est plus avancés, là.
Mme
Hivon
: Effectivement.
Mais merci de l'échange.
M. Hurteau (Pierre) : D'accord.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Saint-François.
• (11 heures) •
Mme
Hébert
: Merci,
Mme la Présidente. M. Hurteau, j'aimerais… je vais aller dans le même sens que
mes collègues, M. Birnbaum et M. Marissal, j'aimerais savoir, par
rapport aux deux balises, parce que vous nous avez dit deux balises...
11 h (version non révisée)
La Présidente (Mme Guillemette) :
…la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
: Merci,
Mme la Présidente. M. Hurteau, j'aimerais… je vais aller dans le même sens
que mes collègues M. Birnbaum et M. Marissal. J'aimerais savoir par
rapport aux deux balises, parce que vous nous avez dit deux balises pour la santé
mentale…
M. Hurteau (Pierre) : Oui,
oui.
Mme
Hébert
: On
va revenir au sujet de la santé mentale. Donc, vous avez dit deux balises, dont
une qui, entre la demande et l'administration, il doit se passer quelques mois.
On a, par le passé, lors des experts, et hier aussi, on a eu Mme Vrakas,
Mme Sénécal, on a plusieurs experts qui ont parlé que la santé mentale, il
y a un continuum de soins, il y a comme… c'est comme s'il n'y a pas vraiment de
maladie qui est irréversible et incurable, en tout cas, pour certains experts
puis certains psychiatres.
Moi, j'aimerais savoir, quand il y a des
gens qui ont eu des résultats… on a réussi, peut-être pas à soulager
entièrement la souffrance, mais qu'il y a eu un apaisement, puis qu'ils ont
trouvé une certaine joie de vivre. Mais, des fois, après 20 ans, puis il y
a eu plusieurs diagnostics, puis que maintenant ils sont à l'aise, si on a
permis trop tôt, vous ne croyez pas qu'il va y avoir des dérives? Je reviens
aux mêmes questions que mes collègues, mais j'aimerais que vous me rappeliez
vos deux balises, dont une que je vous ai énoncée, mais il y aurait-u des
mesures additionnelles qu'on devrait faire?
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
nous on s'en tient aux deux qu'on a énoncés. Je ne sais pas qu'est-ce que vous
voulez exactement dire par trop tôt. Si ça fait 10 ans ou 15 ans que
la personne, comme a expliqué M. Marissal, là, que la personne est
traitée, qu'elle est réfractaire à plusieurs traitements, ça fait 15 ans
qu'elle souffre, qu'elle a peut-être fait trois tentatives de suicide, je ne
sais pas qu'est-ce que ça prend de plus, là.
Mme
Hébert
:
Bien, je vous dirais que vous énoncez la situation, dont de Mme Vrakas que
ça a pris au-delà de 20 ans, plusieurs tentatives de suicide et elle
n'avait pas eu le bon diagnostic, donc elle n'avait pas eu la bonne molécule
pour l'aider dans son problème de santé mentale.
Mais, moi, ce que j'aimerais savoir, c'est
que là vous me dites : Si ça prend 10 ans, 15 ans. Est-ce qu'il
y a un nombre d'années d'abord pour être admissible? Avez-vous déterminé un
nombre d'années? Parce que là vous avez dit : Il y a deux balises entre la
demande et l'administration.
M. Hurteau (Pierre) : Non,
parce que… Non, pas vraiment, parce que, nous, on ne fait pas, outre les deux
balises qu'on vous donne, on ne fait pas de distinction vraiment particulière
entre la santé physique et la santé mentale. Je vous rappellerai que, dans les
cas de Truchon et Gladu, là, ces personnes-là, quand elles sont allées devant
le tribunal, là, ça faisait des années qu'elles endurent des souffrances, là,
ça faisait des années qu'elles endurent des souffrances…
M. Hurteau (Pierre) : …physique
et la santé mentale. Et je vous rappellerai que dans les cas de Truchon et
Gladu, là, ces personnes-là, quand elles sont allées devant le tribunal, là, ça
faisait des années qu'elles endurent des souffrances, là, ça faisait des années
qu'elles endurent des souffrances. Est-ce qu'il y avait le bon traitement? Je
ne le sais pas, moi, je ne suis pas médecin. Est-ce que… Bon, on peut toujours
se poser des questions comme ça, mais je ne pense pas qu'il y a une solution
simple à toutes ces questions-là. C'est un moment donné, on s'en remet au choix
de la personne.
Mme
Hébert
:
Parfait. Merci, Mme la Présidente.
M. Hurteau (Pierre) : Parce
qu'on a quand même… je veux dire, il y a quand même l'évolution d'une maladie,
là. La maladie doit être quand même sévère, il y a quand même des critères qui
sont là, là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, Mme la députée. Je passerai maintenant la parole à la
députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, M. Hurteau. Comment évaluer la demande anticipée de la personne si,
au moment de l'administration, elle ne montre aucun signe de souffrance
apparent ou semble dans un état de bien-être? Et mon autre question sera :
Pouvons-nous anticiper une souffrance sans l'avoir encore vécue tout en étant
certains qu'elle nous sera intolérable?
M. Hurteau (Pierre) : Je ne
suis pas sûr d'avoir bien saisi, là, mais pouvez-vous répéter la première
question?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
O.K. Évaluer la demande anticipée de la personne. O.K., mettons, on l'évalue.
Au moment de l'administration de l'injection, elle ne montre aucun signe de
souffrance et semble dans un état de bien-être. Comment peut-on évaluer de
donner l'injection?
M. Hurteau (Pierre) : Oui,
mais le critère de souffrance est toujours… doit toujours être présent, madame.
S'il n'y a pas de souffrance intolérable, il ne peut pas y avoir d'aide
médicale à mourir.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Ce
qui est difficile à évaluer, c'est une souffrance psychologique.
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
là, on revient à la question qu'on a discutée avec Mme Hivon, c'est
comment évaluer le moment. Il faut s'en remettre à certaines… Vous savez, les
personnes, des fois, ne peuvent pas exprimer, même, comme a dit Mme Hivon,
leur souffrance sinon qu'il y a quand même une équipe soignante. En plus, comme
la commission… le groupe d'experts l'a suggéré, ça prend une tierce personne de
confiance qui connaît la personne. Donc, c'est tous ces gens-là qui sont
habilités à déterminer, un peu, le moment, si la personne répond à ces
critères-là, puis dire : Bien, oui, le moment est venu…
M. Hurteau (Pierre) :
...personne de confiance qui connaît la personne. Donc, c'est tous ces gens-là
qui sont habilités à déterminer un peu le moment si la personne répond à ces
critères-là et dire : Bien oui, le moment est venu.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
O.K., mais ça veut dire que si quelqu'un est diagnostiqué cancer généralisé, il
n'est pas souffrant, alors il ne peut pas avoir de l'aide... ne peut pas avoir
l'aide immédiate à mourir. Il faut qu'il attende d'être souffrant. C'est ce que
je comprends bien.
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
moi, ce que je comprends de la loi, là, vous me corrigerez si je suis dans
l'erreur, mais le critère de souffrance physique et psychique est toujours dans
la loi, là, il n'a pas été enlevé, que ce soit la loi fédérale ou la loi provinciale.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Parfait. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Si je peux me permettre, M. Hurteau, l'aspect de la
santé mentale me touche particulièrement et, bon, on voit que vous êtes en
faveur de l'autodétermination de la personne, mais est-ce qu'on se doit... plus
tôt, vous parlez de deux balises, mais est-ce qu'on se devrait aussi de baliser
les refus de traitement?
Il y a sûrement des gens, bon, qui, après
une, ou deux tentatives, ou trois tentatives vont dire à leur psychiatre :
Regarde, je n'essaie plus rien, alors que le psychiatre, lui, dit : Bien,
il y a encore des solutions, il y a encore des options. Qui va décider que les
options sont.... on s'est rendus au bout des options, là. Est-ce que le refus
de traitement doit être balisé, selon vous?
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
moi, je pense, là, que c'est un peu un autre débat, si vous me permettez, dans
le sens où il existe déjà des balises. Moi, j'ai vu des cas, là, où les
psychiatres se sont présentés en cour à cause de refus de traitement, puis
dire : Bon, bien, demandez à la cour l'autorisation de traiter une
personne. Ça se fait, ces choses-là. J'ai même assisté à un procès là-dedans,
là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
O.K., la personne refusait un traitement puis le psychiatre est allé en cour
pour dire qu'il y avait encore...
M. Hurteau (Pierre) : Absolument.
La Présidente (Mme Guillemette) :
O.K. Et le résultat de ça, est-ce qu'on l'a, le résultat de ce jugement-là?
Est-ce que le juge a…
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
tout ce que je peux vous dire, dans ce cas-là, c'est que cette personne-là,
elle est toujours vivante, et elle va bien, et elle n'est plus sous traitement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
O.K.
M. Hurteau (Pierre) : Mais à
l'époque...
La Présidente (Mme Guillemette) :
…résultat de ce jugement-là? Est-ce que le juge a…
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
tout ce que je peux vous dire, dans ce cas-là, c'est que cette personne-là,
elle est toujours vivante et elle va bien et elle n'est plus sous traitement. À
l'époque, elle l'a été.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Ma préoccupation, dans cet aspect-là, c'est que ça ne devienne pas une option
au suicide, que de demander l'aide médicale à mourir, pour les gens qui
souffrent d'un trouble de santé mentale. Donc, c'était un peu, là…
M. Hurteau (Pierre) : Oui,
oui, je vous comprends.
La Présidente (Mme Guillemette) :
C'est un peu à ce niveau-là que, bon, je ne voudrais pas qu'on ait des dérives
ou des abus. Je crois qu'on avait le député de Rosemont, qui avait peut-être
une dernière question.
M. Marissal : Non, elle a été
depuis répondue, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Parce qu'il nous resterait 30 secondes, donc, si j'ai quelqu'un
qui a une autre question. Donc, merci beaucoup, M. Hurteau, pour votre
présence avec nous, aujourd'hui, ça a grandement éclairé et ça va grandement
aider et faciliter nos discussions pour la suite des choses. Et, bien, je
demanderais aux membres de la commission de demeurer avec nous pour accueillir
le prochain invité. Merci encore beaucoup, M. Hurteau.
M. Hurteau (Pierre) : Merci à
vous. Au revoir.
(Suspension de la séance à 11 h 10)
(Reprise à 11 h 19)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous reprenons nos travaux. Merci à tous. Et je souhaiterais la bienvenue
au Dr Laurent Boisvert. Donc, bienvenue parmi nous, merci d'être avec nous
ce matin. Donc, vous disposez de 10 minutes pour présenter votre exposé,
et par la suite il y aura un échange avec les membres de la commission pour une
période de 35 minutes. Donc, je vous cède la parole, Dr Boisvert.
M. Boisvert (Laurent) : Merci,
Mme la Présidente. Merci à la commission d'avoir accepté ma demande de vous
rencontrer. Je vais me présenter rapidement. Donc, Laurent Boisvert, je suis médecin
spécialiste en médecine familiale et depuis peu ex-urgentologue après
35 ans de pratique.
Je pratique l'euthanasie depuis décembre
2015 dès l'entrée en vigueur de la loi québécoise. Et depuis ce temps, j'ai
soulagé quelques centaines de malades, et ce, de façon continue.
• (11 h 20) •
Je vous présenterais trois malades que
j'ai accompagnés dans leur demande d'aide médicale à mourir. Deux des cas vont
aborder la question de l'aptitude-inaptitude. Et le dernier cas aborderait la question
de la maladie mentale.
Alors, le premier cas, et je vais me
permettre de le nommer parce que les membres de la commission ont peut-être
connu le cas qui a été largement public, le cas de M. Yves Monette, donc,
qui était un malade de 62 ans, qui était atteint d'une démence
frontotemporale, une démence somme toute atypique avec des symptômes qui
progressaient depuis déjà un bon bout de temps et qui allaient continuer à
progresser, évidemment, puisqu'il s'agit d'une maladie neurodégénérative. Les
symptômes, donc, étaient maintenant à un niveau où le... avaient atteint un déclin
qui était maintenant inacceptable pour le malade et qui lui provoquait des
souffrances intolérables.
Au moment de l'évaluation et dans les mois
qui ont suivi...
M. Boisvert (Laurent) : …les
symptômes, donc, étaient maintenant à un niveau où le… avaient atteint un
déclin qui était maintenant inacceptable pour le malade et qui lui provoquait
des souffrances intolérables. Au moment de l'évaluation et dans les mois qui
ont suivi, M. Monette a toujours conservé son aptitude malgré son
diagnostic de démence et les symptômes, et physiques et mentaux que ça pouvait
apporter. Et donc il répondait toujours aux critères d'admissibilité et il
pouvait donc être soulagé sans problème, et ça a été comme ça jusqu'à la fin,
et il est décédé au mois de juillet, tel qu'il l'avait demandé, accompagné de
très nombreuses personnes qui l'avaient supporté tout au long de sa maladie et
de sa demande.
Maintenant, on va passer à un deuxième
cas, encore une fois, un cas de démence, mais qui, dans le contexte, présente
un problème. Il s'agit d'une malade de 85 ans qui a un diagnostic récent
de démence d'alzheimer. Les symptômes sont frustes, c'est léger. Pour
l'instant, c'est un problème de légère désinhibition, les enfants ne
reconnaissent pas toujours leur mère dans son comportement, et de perte de
mémoire. Au moment où elle fait sa demande, elle est tout à fait apte, elle est
confortable, n'a pas de souffrance physique, psychologique ou existentielle et
elle voudrait pouvoir continuer à profiter de la vie, ce qui est tout à fait
compréhensible puis qui est tout à fait correct. Cependant, la malade veut être
soulagée lorsque le déclin va atteindre un certain niveau qui reste à définir,
mais elle sait que la maladie va entraîner un déclin et une dégénérescence
progressive, et qui peut… qui va, qui va… pas peut, mais qui va atteindre un
niveau qu'elle considère comme étant inacceptable. La famille supporte la
décision de la malade et comprend très bien que, dans le contexte actuel, on ne
peut pas faire une demande anticipée d'AMM.
Alors, en conséquence, tant la malade de
la famille que le médecin traitant avec qui je suis en contact demeurent à
l'affût d'une détérioration éventuelle de son aptitude, et, à ce moment-là, la
malade devra faire un choix qui sera de recevoir l'AMM à ce moment-là ou de ne
jamais le recevoir. Évidemment, il s'agit d'un choix qui est cornélien,
difficile, déchirant, qui vole des mois de… vole des mois, voire peut-être même
des années de bon temps, et à la malade, et à ses proches, justement, parce
qu'on ne peut pas faire de demande anticipée.
Alors, pour ma part…
M. Boisvert (Laurent) : …difficile,
déchirant, qui vole des mois de… vole des mois, voire peut-être même des années
de bon temps, et à la malade et à ses proches, justement parce qu'on ne peut
pas faire de demande anticipée. Alors, pour ma part, on n'a pas raison de faire
de discrimination entre un malade atteint d'un problème de démence, qui est
prêt à décéder parce qu'il a atteint son niveau de déclin et de souffrance, et
quelqu'un qui ne l'a pas nécessairement atteint mais qui l'atteindra de façon
inexorable. En conséquence, je pense qu'on a besoin de permettre la demande d'aide
médicale à mourir sur une base de directive anticipée, ce qui laisse au malade,
puis là je pense à des gens qui vous ont rencontrés et qui vous l'ont dit, qui
laisse au malade le temps qu'il veut bien continuer à vivre avec ses proches
dans la mesure où ça demeure acceptable dans sa… dans ses valeurs puis dans la
façon de voir la vie.
Cependant, évidemment, ça nous prend un
mécanisme, qui ne repose pas sur la décision du médecin, quant à savoir quand
est-ce qu'on applique l'aide médicale à mourir. Ça doit nécessairement faire intervenir
des tiers partis qui sont proches du malade, qui connaissent sa décision, qui
connaissent les critères d'application et qui, avec le médecin, prendront la
décision au moment où le malade l'aura décidé.
Malheureusement, il y a probablement des
malades qui n'ont pas vraiment de proches. Moi, j'en ai eu, des gens qui sont
décédés en ma seule compagnie parce qu'ils n'avaient personne autour d'eux. Il
va y en avoir d'autres, alors il y a un mécanisme, il faut prévoir, dans le
mécanisme, que quelqu'un puisse prendre la relève. Et puis à titre d'exemple,
j'ai mis par exemple la curatelle publique, qui est de toute façon déjà
impliquée dans des questions de soins et même de soins de fin de vie.
Maintenant, la maladie mentale. Il s'agit
d'une malade de 57 ans qui est atteinte d'une dépression chronique sévère
et qui fait de multiples rechutes. Elle est suivie en psychiatrie depuis plus
de 20 ans. Malgré son problème d'évolution, elle a connu des rémissions
intéressantes depuis ce temps-là avec l'aide de la psychothérapie, la
médication, voire même les électrochocs durant plusieurs années. Mais cette
fois-ci, la maladie est envahissante et ça dure maintenant plus que
18 mois et ça lui rend la vie carrément impossible. Elle est hospitalisée
depuis neuf mois. Elle a reçu de la médication de dernière intention, des
trucs qu'on ne fait pas souvent mais qui se sont montrés efficaces justement
dans ce genre de problème là, mais ça n'a pas donné de résultat. Elle a resubi
des électrochocs à quelques reprises sans résultat. Et on s'est même rendu à de
la…
M. Boisvert (Laurent) : ...de
dernière intention, des trucs qu'on ne fait pas souvent, mais qui se sont
montrés efficaces justement dans ce genre de problèmes là, mais ça n'a pas
donné de résultats. Elle a resubi des électrochocs à quelques reprises sans
résultat et on s'est même rendus à de la... Je vais vous le nommer, mais ça ne
fait pas régulièrement, là, la stimulation magnétique transcrânienne
répétitive. C'est le CHUM qui fait ça et elle a été hospitalisée pendant un
mois pour recevoir ce traitement-là, malheureusement sans résultat.
À ce moment-là, la madame se voit — puis
c'est une madame qui a déjà travaillé dans le domaine de la santé mentale dans
le passé — elle se voit désormais vivre en ressource institutionnelle
probablement pour le restant de ses jours, incapable de fonctionner de façon
autonome. Elle aborde la question de l'aide médicale à mourir à quelques
reprises dans les derniers mois pour finalement faire une demande formelle en
avril 2021.
Vous le savez tout aussi bien que moi que
les amendements à la loi fédérale ... en mars 2021 excluent la maladie mentale
comme seul diagnostic et la position du gouvernement québécois au regard de la
maladie mentale demande aux ...praticiens de ne pas pratiquer l'aide médicale à
mourir dans des cas comme ça. C'est malheureusement ce que j'ai à annoncer à la
malade lors de l'évaluation initiale de ... . La malade est complètement
décontenancée et devant les souffrances intolérables de la malade, il y a une avenue
qui semble carrément sans issue, pour en avoir discuté avec les psychiatres,
même si ces derniers ne sont pas d'accord avec le fait qu'elle fasse une
demande d'aide médicale à mourir, mais ils connaissaient la réponse.
Donc, une avenue sans issue et compte tenu
de son aptitude, parce que la madame est toujours et demeure toujours apte à
prendre ses décisions, je lui offre de rencontrer un avocat pour qu'elle soit
bien au fait de ses droits. La rencontre a lieu en mai 2021 et, suite à la
rencontre, la madame décide d'arrêter de s'alimenter et de s'hydrater jusqu'à
ce que mort s'ensuive. Mon rôle, ça permet de la supporter dans sa démarche et
d'organiser le support des professionnels qui vont l'entourer. Elle sait, par
ailleurs, qu'elle peut mettre fin à sa démarche quand elle veut et ça n'a absolument
aucune conséquence par rapport à sa prise en charge et la continuation de ses
traitements autrement.
Donc, finalement, elle entreprend sa
démarche de cessation d'alimentation le 7 juin, elle va cesser de s'hydrater le
30 juin et elle va décéder le 5 juillet sous sédation palliative.
• (11 h 30) •
Je pense que ce cas-là illustre que,
devant l'impossibilité d'avoir accès à l'AMM pour un problème de maladie
mentale, les malades sont obligés de faire appel à des alternatives plus ou
moins dignes pour se soulager. Et...
11 h 30 (version non révisée)
M. Boisvert (Laurent) : …je
pense que ce cas-là illustre que, devant l'impossibilité d'avoir accès à l'AMM
pour un problème de maladie mentale, les malades sont obligés de faire appel à
des alternatives plus ou moins dignes pour se soulager. Et, pour certains
d'entre eux, il y a un réel danger, et probablement que ça s'est déjà produit,
d'utiliser des moyens beaucoup plus violents et délétères autant pour le malade
que pour les proches. En refusant que les malades mentaux aient accès à l'aide
médicale à mourir, on discrimine ces gens-là par rapport à ceux qui ont des
maladies physiques et on stigmatise encore et toujours le problème de maladie
mentale. Pourtant, vous le savez aussi bien que moi, la Cour suprême ne fait
pas de distinctions entre la maladie physique et la maladie mentale dans son
arrêt Carter.
Il faut faire attention, pour ma part, de
ne pas mettre en place des mécanismes qui deviennent lourds autant pour le
malade, le professionnel que pour le réseau de la santé. Et là je fais
référence au mécanisme qui est proposé, entre autres, par l'association des
psychiatres, qui est, à mon sens, carrément inapplicable. Et, encore là, c'est
sous le prétexte que ces malades doivent être protégés contre eux-mêmes, alors
que la juge Beaudoin l'a bien écrit dans son jugement qu'il ne faut pas
que ça devienne un argument fallacieux. Les malades mentaux ont le droit d'être
soulagés lorsque leurs maladies, moi, c'est ce que j'appelle les cancers de
l'âme, deviennent… l'AMM devient la seule option disponible, et que le malade
qui est apte en fait la demande.
Alors, voilà, Mme la Présidente. Ça m'a
fait plaisir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dr Boisvert. Je céderais maintenant la parole au député de
Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Dr Boisvert, de votre témoignage qui est assez frappant
avec des cas en plus précis. Puis on sent aussi l'engagement puis même
l'émotion, là, chez vous. Je vous remercie d'ailleurs de votre grande humanité,
ce n'est pas des cas qui sont faciles.
La dame de 85 ans qui… un diagnostic
de démence, si j'ai bien suivi la séquence, en ce moment, elle ne peut pas
parce que ce n'est pas permis d'avoir un consentement anticipé. Donc, elle est,
tous les jours, puis peut-être même chaque heure de chaque jour, à attendre si
elle va passer de l'autre bord, puis il faut qu'elle tire la sonnette d'alarme
avant. C'est ça que vous dites parce que… ou bien non, il faut qu'elle décide
de la demander pendant qu'elle est encore jugée apte, ou bien non, elle bascule
de l'autre côté de la grande noirceur, puis là c'est foutu, elle ne l'aura
jamais. C'est ce que vous décrivez?
M. Boisvert (Laurent) : Oui,
exactement. La malade, bien, écoutez…
M. Marissal : Moi, je vous
entends mal. Je ne sais pas si je suis le seul d'avoir des problèmes de
connexions, mais ce n'est pas…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Non.
M. Boisvert (Laurent) : Là,
est-ce que c'est mieux?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui. On vous entend bien, Dr Boisvert. Je crois que le problème…
M. Marissal : ...puis là c'est
foutu, elle ne l'aura jamais. C'est ce que vous décrivez?
M. Boisvert (Laurent) : Oui, exactement.
La malade, bien, écoutez...
M. Marissal : Moi, je vous
entends mal. Je ne sais pas si je suis le seul à avoir des problèmes de
connexion, mais ce n'est pas...
M. Boisvert (Laurent) : Là, est-ce
que c'est mieux?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, on vous entend bien, Dr Boisvert. Je crois que le problème est du
côté du député de Rosemont.
M. Boisvert (Laurent) : Est-ce
que vous m'entendez, M. Marissal?
M. Marissal : Oui, je vous
entends bien.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci.
M. Marissal : Ça a gelé, je ne
sais pas si c'est de mon côté ou du vôtre, là, mais allez-y.
M. Boisvert (Laurent) : Oui,
ce que je disais, c'est qu'elle n'est probablement pas, elle,
personnellement... aux heures, mais vous avez tout à fait raison,
effectivement, c'est ce qui se passe. C'est que, autant la malade, et surtout
sa famille, et le médecin traitant est dans le dossier pour aussi suivre la
malade pour effectivement, le jour où ils vont voir qu'il y a des symptômes qui
mettent son aptitude à risque, entre guillemets, elle va être confrontée à
faire un choix.
M. Marissal : Vous, vous
dites, en quelque sorte, que si elle pouvait faire sa demande, sachant qu'elle
veut, puis qu'elle est consciente, puis que son entourage est d'accord, ses
enfants, sa famille, elle s'offrirait, en quelque sorte, une certaine quiétude
quant à ce qui lui reste à vivre plutôt que d'être sur le qui-vive.
M. Boisvert (Laurent) : Tout à
fait.
M. Marissal : O.K. Je
comprends.
M. Boisvert (Laurent) : Tout à
fait. Tout à fait.
M. Marissal : C'est éclairant
comme témoignage. Dites-moi donc, rapidement, parce que je n'ai pas tellement
de temps, en quoi la solution avancée par l'Association des psychiatres vous
paraît inacceptable? Et y a-t-il des... je présume que oui, là, mais je vais
poser la question pareil, là, en toute naïveté, là, y a-t-il beaucoup de
tensions dans la profession médicale entre les spécialités?
M. Boisvert (Laurent) : Bien,
pour répondre à la question concernant l'applicabilité, là, c'est un mécanisme
qui est lourd, de plusieurs côtés. De un, il y a le temps, il est question de
quasiment six mois de déroulement. Et ensuite de ça on fait impliquer de très
nombreux médecins, y compris de très nombreux psychiatres. Alors, vous savez
comme moi que s'en aller dans une solution comme celle-là avec le réseau
actuellement, ça serait compliqué à plusieurs égards, de un. De deux, ce n'est
pas... puis pour reprendre l'exemple que je vous ai présenté, ce n'est pas
absolument nécessaire dans tous les cas. Je ne vous dis pas qu'il n'y aura pas
des cas plus compliqués, plus complexes qui nécessiteront l'intervention de
plusieurs personnes et non seulement des psychiatres, mais il y a d'autres cas
où ça sera somme toute relativement facile à trancher. Donc, ça, c'est pour
l'applicabilité.
La deuxième partie, par exemple, la
tension, je n'ai pas très bien compris la question.
M. Marissal : Bien, je me
demande s'il y a des débats... oui, il y a certainement des débats, mais est-ce
qu'ils sont délétères dans la pratique, par exemple, de votre pratique, les
débats très lourds entre spécialistes, par exemple des psychiatres qui
diraient… qui seraient totalement en désaccord avec votre position et vous êtes
en désaccord avec leur proposition? Alors, je présume que ça doit faire des beaux
débats, là, quand même, à la machine à café, là.
M. Boisvert (Laurent) : Vous
avez tout à fait raison. Et le cas que je vous ai présenté...
M. Marissal : …très pratique,
les débats très lourds entre spécialistes, par exemple des psychiatres qui
diraient… qui seraient totalement en désaccord avec votre position et vous êtes
en désaccord avec leur proposition. Alors, je présume que ça doit faire des
beaux débats, là, quand même, à la machine à café, là.
M. Boisvert (Laurent) : Vous
avez tout à fait raison. Et le cas que je vous ai présenté a fait effectivement
l'objet du débat que vous avez décrit. Et compte tenu du fait que… Puis il y a
des mécanismes. Compte tenu, pardon, compte tenu du fait que la malade est
apte, les psychiatres ne peuvent pas s'opposer à sa décision. Et s'ils pensent
qu'elle n'est pas apte, bien, il y a des mécanismes qu'ils doivent mettre en
place et utiliser, ce qu'ils n'ont pas fait dans le cas présent. Mais vous avez
raison, il y a des cas où ça va faire effectivement l'objet de débats très
intéressants et, on espère, pas trop acerbes.
M. Marissal : Je pense que
j'ai écoulé mon temps. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député. Je céderais maintenant la parole à la
députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour. Dr Boisvert, merci beaucoup pour vos
témoignages. Je pense que c'est vraiment important qu'on aille cette vision-là
aussi, là, de votre part. Souvent, moi, je me pose la question parce que je me
dis avant tout, là, je crois que c'est une décision qui repose beaucoup sur
l'équipe médicale et puis on se doit de faire confiance à l'équipe médicale
autour du patient qui fait la demande. Comment ça se passe, quand un patient
vous demande l'aide médicale à mourir? C'est quoi, les processus qui
s'enclenchent? Comment on peut arriver à faire plus confiance, peut-être, aux
médecins qui prennent ces décisions-là? Pourquoi ce n'est pas connu, là, ce qui
se passe en ce moment au niveau de la prise de décision des médecins et de
l'aide qu'ils apportent?
M. Boisvert (Laurent) : Je ne
suis pas certain d'avoir compris votre question. Vous voulez voir… vous voulez
que j'illustre un peu le mécanisme, comment ça se déroule.
Mme Picard : Oui, parce qu'on
a… tu sais, souvent, je me dis, bien, il faut faire confiance à l'équipe
médicale qui aide le patient dans cette décision-là. Donc, comment ça se passe
lors de vos discussions avec les patients?
M. Boisvert (Laurent) : O.K.
Bien, écoutez, je vais vous faire ça rapidement, mais ce n'est pas très
compliqué. Moi, j'interviens dans le dossier lorsque le malade a fait une
demande formelle, hein. Vous savez que la demande, bon, ça peut être une demande
d'information, ça, c'est une autre paire de manches, mais là, allons-y avec la
demande formelle. Donc, le malade fait une demande formelle d'aide médicale à
mourir. Et comme vous le savez, la demande doit être traitée. Même si le
médecin qui reçoit la demande n'est pas d'accord, il doit s'assurer que la
demande est traitée. Alors, moi, j'arrive à ce moment-là. Et, là, bien, je
rencontre le malade et, bien, je lui pose une question bien facile, je lui
demande pourquoi il veut mourir. Et puis là, bien, il me raconte puis il me dit
pourquoi : Je suis malade, le déclin, les souffrances, etc. Et je dois
vous avouer que ce n'est jamais trop, trop compliqué. Il y en a, là, sur les
quelques centaines, il y en a quelques cas où là, c'est : Bon, bien, écoutez,
je vais parler à votre médecin traitant, je vais voir votre dossier médical…
M. Boisvert (Laurent) : …me
dit : Pourquoi, je suis malade, le déclin, les souffrances, etc., et je
vais vous avouer que ce n'est jamais trop, trop compliqué. Il y en a, là, sur
les quelques centaines, il y en a quelques cas où là, c'est : Bon, bien, écoutez,
je vais parler à votre médecin traitant, je vais voir votre dossier médical, je
vais parler à certains intervenants puis je vais vous revenir. Mais, dans la majorité
des cas, la décision se prend lors de la première rencontre avec le malade, et
je lui explique qu'un deuxième médecin devra être d'accord avec moi pour qu'on
procède. Et, ensuite de ça, bien, ce n'est pas trop compliqué, je leur dis à
peu près toujours la même chose : J'ai trois questions pour vous. Vous
voulez ça quand, vous voulez ça où puis vous voulez ça avec qui? Puis, moi,
j'accommode le malade à la très majorité des cas.
Mme Picard : Quand vous voyez
que la souffrance n'est peut-être pas justifiée, je ne sais pas si c'est déjà
arrivé dans un des cas, mais est-ce que vous aiguillez bien la personne aux
ressources qu'elles ont droit pour peut-être les aider à cheminer pour avoir
accès à certains des services? Est-ce que…
• (11 h 40) •
M. Boisvert (Laurent) : Les
seuls malades que je réoriente, que j'ai réorientés, c'est des malades pour qui
la demande était inadmissible, et elle était inadmissible… elle n'a jamais,
jamais, jamais été inadmissible sur la base des souffrances ou du déclin. Le
déclin et les souffrances, ça appartient au malade, je n'ai aucun moyen de
juger si le malade est souffrant ou est en déclin face à lui-même. Mais, mais
j'ai des malades à qui j'ai refusé en disant que la demande était inadmissible,
et la plupart du temps, c'est parce qu'ils ne sont pas atteints d'une maladie
grave et irréversible dans la très grande majorité des cas. Il y a eu certaines
demandes que j'ai refusées parce que le malade était imminemment inapte, mais
ce n'est pas arrivé souvent.
Mme Picard : Concernant,
justement, un patient qui serait inapte, en ce moment, un patient qui aurait
une déficience intellectuelle moyenne, son… corrigez-moi si je me trompe, mais
son tuteur ou la personne… le curateur ou la personne qui est en charge peut
décider de ne pas l'alimenter. Donc, ça reviendrait, j'imagine, au même que la
personne que vous décrivez qui avait des troubles mentaux, qui a décidé de ne
plus s'alimenter?
M. Boisvert (Laurent) : Ouf!
Là, on est face à un méchant problème, parce que je pense que, de façon
générale, on parle d'inaptitude mais pas au moment de la demande, on parle
d'inaptitude qui apparaît après qu'une demande ait été faite à un malade apte,
et c'est une différence fondamentale avec un patient qui, d'emblée, est inapte
et ne se rend probablement même pas compte de ce qui se passe. Alors là, là, je
n'ai pas de réponse à ça, mais là pas du tout.
Mme Picard : Merci. Merci, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Donc, nous passons maintenant à la députée de
Joliette…
M. Boisvert (Laurent) : ...là,
je n'ai pas de réponse à ça, mais pas du tout
Mme Picard : Merci. Merci pour
la présence.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Donc, nous passons maintenant à la députée de Joliette.
(Panne de son)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, Mme la députée, est-ce que vous nous entendez bien?
Mme
Hivon
: Oui,
une petite coupure de son au moment même où je devais entrer en scène. Désolée.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Je vous cède la parole.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour, Dr Boisvert. Merci beaucoup, c'est exactement de ce type d'éclairage
là très concret dont on a besoin pour alimenter nos travaux puis merci, j'ai eu
la chance de ... c'était vraiment une chance d'avoir eu un appel de M. Monette,
une des personnes dont vous nous avez parlé et votre humanité, je pense, fait
toute la différence dans sa vie. Donc, je suis heureuse de vous entendre à ce
sujet-là aujourd'hui.
J'ai un gros quatre minutes, j'aurais des
tonnes de choses que je voudrais approfondir avec vous, mais je vais me
concentrer sur deux. Un, la question de l'évaluation de la souffrance d'une
personne qui est devenue inapte à la suite, donc, et qui aurait fait une
demande anticipée. Donc, le cas numéro deux que vous nous avez soumis.
Comment... C'est votre patiente, là, elle vous exprime ce qu'elle ne voudrait
pas vivre, elle le noterait dans une demande anticipée, mais vous-même,
évidemment, vous venez de dire à quel point l'évaluation de la souffrance c'est
quelque chose de subjectif. Donc, quand on est rendus que la personne est
complètement inapte et qu'évidemment le critère de la souffrance doit
s'appliquer, comment fait-on pour évaluer cette souffrance-là de manière
contemporaine à l'administration de l'aide médicale à mourir?
M. Boisvert (Laurent) :
Je pense que, quand je disais que les critères sont à définir, c'est ça que le
malade va définir comme critère de souffrance au moment où ça va apparaître. Et
c'est sur cette base-là que ça devra être évalué. C'est-à-dire qu'il n'est peut-être
pas éminemment souffrant au moment où on appliquerait l'aide médicale à mourir
sur la base de sa demande anticipée, mais il a bien décrit sa souffrance au
moment où il a pris sa décision. Et c'est sur cette base-là qu'on établit que
le malade est souffrant même si, au moment où ça se passe, il ne l'est peut-être
pas, mais c'est parce que ce n'est plus la même personne.
Mme
Hivon
:
Donc, vous feriez entrer un peu en compte l'idée d'une souffrance anticipée
plutôt qu'une souffrance nécessairement contemporaine à l'administration de l'aide
médicale à mourir. Je veux bien comprendre. La projection de la souffrance qui
pourrait être vécue, même si la personne n'est plus exactement la même
personne, comme vous le dites très bien, au moment où les circonstances sont
réunies et qu'on n'est pas capable de dire qu'elle est souffrante et qu'elle
n'a pas l'air, mettons, souffrante.
M. Boisvert (Laurent) :
Exact.
Mme
Hivon
:
Selon vous, ce serait la souffrance anticipée qui devrait primer.
M. Boisvert (Laurent) :
C'est effectivement la souffrance définie par le malade au moment de sa... au
moment de la prise de décision de sa demande anticipée. C'est exact.
Mme
Hivon
:
O.K. Deuxième élément, c'est le...
Mme
Hivon
:
…qu'elle n'a pas l'air, mettons, souffrante, selon vous, ce serait la
souffrance anticipée qui devrait primer.
M. Boisvert (Laurent) : C'est
effectivement la souffrance définie par le malade au moment de la prise de
décision de sa demande anticipée. Exact.
Mme
Hivon
: O.K.
Deuxième élément, c'est le degré d'ouverture de la profession médicale, selon
votre expérience. J'ai posé la même question au Collège des médecins, ils
n'avaient pas vraiment de réponse précise là-dessus. On sait à quel point,
quand l'aide médicale à mourir a été introduite, il y avait quand même, dans
certains milieux, encore beaucoup de résistance et donc un nombre relativement
peu élevé de médecins qui acceptaient de pratiquer, l'aide médicale à mourir,
avec des personnes totalement aptes qui le demandaient avec insistance…
(Interruption)
Mme
Hivon
: Oh!
donc je me demandais si, selon votre expérience de la pratique, les médecins
vont être ouverts à offrir l'aide médicale à mourir à des personnes devenues
complètement inaptes qui ne seront pas capables de le demander elles-mêmes en
temps réel, donc leur niveau de confort par rapport à ça. Est-ce qu'on peut… Ma
crainte, par rapport à ça, c'est qu'on crée un droit ou une possibilité mais
qui demeure très théorique, faute de gens pour l'appliquer sur le terrain.
M. Boisvert (Laurent) : Très
rapidement, vous avez bien décrit la situation au début de l'aide médicale à
mourir. Mais cela dit, la situation a notamment… notablement, plutôt, évolué
dans le bon sens.
Il restera toujours qu'il y a ce que
j'appelle des aides médicales ou des euthanasies faciles puis des euthanasies
moins faciles. Et comme dans tout domaine en médecine, il y aura toujours un
certain nombre de cas qui devront faire appel à des gens qui ont beaucoup
d'expérience et qui sont prêts à faire des aides médicales à mourir plus
complexes, et ça, ça sera toujours le propre d'un nombre relativement restreint
de médecins, puis ça, je pense que c'est juste normal. Mais je pense que si on
donne ce droit… cela dit, je pense que si on donne ce droit-là, il pourra être
exercé et il y aura des médecins pour y répondre.
Mme
Hivon
: O.K.
Sans trop… parce qu'on peut s'imaginer qu'il pourrait notamment y avoir
beaucoup de personnes qui soient dans un contexte de CHSLD qui auraient fait ce
type de demande là, dans différents contextes, là, et qui seraient très
avancées dans leur trouble cognitif. Et pour vous, on va effectivement — et
heureusement les choses ont beaucoup évolué depuis le début — mais
pour vous, ça va être à peu près le même phénomène auprès des personnes
inaptes, la pratique va s'installer. Ce n'est pas une crainte énorme que vous
avez, compte tenu de votre connaissance de vos collègues.
M. Boisvert (Laurent) : Bien,
à moins qu'il y ait un tsunami de demandes, quand on donne ce droit-là, puis je
ne pense pas que ça soit le cas, mais effectivement, j'abonde dans le même sens
que vous, je pense que, oui, c'est une pratique qui va s'installer
progressivement et qu'il y aura des médecins. Et ça sera, je pense, plus facile
pour les médecins…
M. Boisvert (Laurent) : …à
moins qu'il y ait un tsunami de demandes, quand on donne ce droit-là, puis je
ne pense pas que ça soit le cas, mais effectivement j'abonde dans le même sens
que vous, je pense que oui, c'est une pratique qui va s'installer
progressivement et qu'il y aura des médecins. Et ça sera, je pense, plus facile
pour les médecins de soulager ces malades-là que des problèmes de maladie
mentale.
Mme
Hivon
: Hum-hum.
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Donc, je cède la parole à la députée
de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Boisvert. J'ai une préoccupation par
rapport à des auditions qu'on a faites au printemps avec des spécialistes, on
en a eu de… qui étaient de l'Angleterre, de la Belgique. Et on nous a mentionné
que… et on nous a souligné que, depuis nombreuses années qu'eux pratiquent dans
divers pays, en Europe, on va appeler ça l'euthanasie, parce que c'est le terme
qu'ils utilisent dans leurs pays, qui ont des niveaux de pourcentage, par
rapport à la population qui fait la demande pour cette euthanasie-là… Nous,
ici, au Québec, en temps de… je crois que ça fait sept, huit années qu'on le
pratique, on a atteint les mêmes niveaux. Puis eux, ça fait plus de
20 ans, 30 ans.
Alors, savez-vous pourquoi ici, au Québec,
les gens ont recours plus rapidement, ou ont plus accès, ou pourquoi nos taux à
nous ont atteint ce même taux au niveau… dans la population que ceux que c'est
des pays que ça fait 20 ans et 30 ans? Est-ce qu'il y a… est-ce que
vous êtes capable d'expliquer ça? Puis je profite de votre expérience
justement, parce que vous êtes… vous avez travaillé de nombreuses années
là-dedans.
• (11 h 50) •
M. Boisvert (Laurent) : Bien,
la seule chose que je peux voir, c'est qu'évidemment quand… si on retourne
20 ans en arrière puis on… mettons qu'on retourne 20 ans en arrière
au Québec puis que l'aide médicale à mourir est disponible, je ne suis pas
certain qu'on aurait une foule de demandes à ce moment-là, et donc la
progression s'est faite de façon très progressive dans ces pays-là pour
atteindre des niveaux qui, au Québec, si on atteint à peu près le même niveau,
puis ça, je ne pourrais pas vous le dire… mais si on atteint le même niveau,
c'est que c'est tout simplement que la population est plus ouverte à cette
option-là, cette option de fin de vie là qu'elle ne l'aurait été il y a
20 ans. Donc, moi, ça ne me surprend pas qu'en… la loi est en vigueur
depuis un peu plus que cinq ans, qu'il y ait eu une progression continue et qui
augmente toujours, et puis ça sera… ça va être comme ça, ça va continuer à
augmenter, c'est sûr, et il y a… je parlais du tsunami de demandes pour les
questions de demandes anticipées, mais pour avoir... pour les familles des gens
qui... la famille des malades reviennent souvent sur l'exemple de la démence.
Pour avoir accompagné des gens... des parents souvent qui sont décédés dans des
conditions pitoyables…
M. Boisvert (Laurent) :
...je parlais du tsunami de demandes pour les questions de demande anticipée,
mais pour avoir... pour les familles des gens qui... La famille des malades
reviennent souvent sur l'exemple de la démence, pour avoir accompagné des
gens... des parents souvent qui sont décédés dans des conditions pitoyables, de
dire : Aie! il faut qu'on puisse avoir accès aux directives médicales
anticipées. Ce n'est pas vrai qu'il faut continuer à laisser les gens vivre une
déchéance de ce type-là.
Donc, moi, c'est la seule explication que
je vois, c'est l'ouverture des gens puis que les gens se rendent compte qu'il y
a moyen de finir sa vie de façon digne, et quand on décide de le faire.
Mme
Hébert
:
Alors, ce que j'entends, c'est par rapport à notre expérience de vie. Il y a beaucoup
de familles, par rapport à l'expérience, qui ont accompagné quelqu'un, qui sont
plus propices à faire des demandes d'aide médicale à mourir ou de vouloir cette
aide anticipée là parce qu'ils ont eu une expérience négative face à la
maladie.
M. Boisvert (Laurent) : Tout
à fait.
Mme
Hébert
:
Parfait. Alors, dans cette optique-là, quand on parle de maladie mentale, on
voit que vous l'avez dit dans votre patiente qui est... Elle avait 55 ans
si je me souviens bien.
M. Boisvert (Laurent) :
Oui, 55 ans.
Mme
Hébert
:
Voilà. Alors, cette dame-là, vous avez dit que, pendant plus de 20 ans,
elle a vécu avec une santé mentale qui était avec des épisodes... qu'il y a eu
certains épisodes de joie ou d'apaisement dans sa souffrance, mais que, là,
après 18 mois de souffrance, là, elle ne voyait plus d'autres avenues,
puis qu'il y a eu différents traitements. Avez-vous des balises concrètes, là,
pour bien... Parce qu'on sent qu'au sein des psychiatres ce n'est pas... Ce
n'est ni noir ni blanc, là. C'est... Il y a... Puis la zone grise est... Bien,
c'est plutôt... C'est blanc ou c'est noir. Il n'y a pas de zone grise. Alors, est-ce
que vous avez des balises concrètes que... pour... qui pourraient aiguiller,
là, si jamais il y avait un élargissement pour ces personnes-là?
M. Boisvert (Laurent) :
Bien, les balises restent les mêmes que pour la maladie physique, c'est-à-dire
qu'on fait face à une maladie grave et irréversible. Et dans le cas de la
maladie mentale, on va parler de maladie réfractaire à toute forme de
traitement. Comme pour ma malade, quand elle demandait... Après l'ensemble des
traitements qu'elle a eus, elle demandait à son équipe de psychiatrie :
Bien, qu'est-ce que vous avez à m'offrir? La réponse qu'elle recevait,
c'est : Vous savez, madame, la maladie peut rentrer dans l'ordre
spontanément. Ça fait 18 mois qu'il n'y a rien qui fonctionne. Ça fait
neuf mois qu'elle est hospitalisée. Elle s'en va en ressources
institutionnelles. Et la réponse thérapeutique qu'on lui offre, c'est :
Vous savez, madame, votre maladie peut rentrer dans l'ordre spontanément.
Ça, c'est la même chose que si vous avez
un cancer du pancréas et que je vous donne la même réponse. J'ai tout essayé.
Je ne suis pas capable de traiter votre maladie, mais vous savez, parfois, des
miracles, ça arrive. Alors, c'est de la foutaise, ça. Donc, je veux dire, je
n'ai pas de balise précise, mais quelqu'un qui est atteint d'une maladie
mentale réfractaire qui ne répond plus aux traitements, bien, c'est comme un
cancer que je ne suis plus capable de traiter.
Mme
Hébert
:
Alors, est-ce que dans ce cas-là, il n'y aurait pas eu moyen de peut-être
offrir d'autres soins...
M. Boisvert (Laurent) : … Donc,
je veux dire, je n'ai pas de balises précises, mais quelqu'un qui est atteint
d'une maladie mentale, réfractaire qui ne répond plus au traitement, bien,
c'est comme un cancer que je ne suis plus capable de traiter.
Mme
Hébert
:
Alors, est-ce que, dans ce cas-là, il n'y aurait pas eu moyen de peut-être
offrir d'autres soins, de regarder d'autres avenues avec peut-être d'autres
psychiatres, si c'est… si eux ne répondent pas? Parce que, selon plusieurs
psychiatres, il n'y en a pas de situations qui sont incurables, irréversibles,
puis il y a toujours une évolution dans la santé mentale avec les soins. Je
prends les paroles, là, je ne suis pas médecin, mais c'est ce qu'on a entendu
par d'autres intervenants. Donc, est-ce qu'on n'a pas tué l'espoir avec ce
diagnostic-là?
M. Boisvert (Laurent) : Je
pense qu'en maladie mentale comme en maladie physique, il arrive un temps où il
y a des maladies qui ne répondent plus à aucune sorte de traitement. Et il y a
des psychiatres qui vous disent que ce n'est pas vrai, mais l'Association des
psychiatres vous dit que, oui, c'est vrai. Donc, à un moment donné, il reste tout
simplement à fixer la décision.
Mme
Hébert
: Merci,
Mme la Présidente. Merci, M. Boisvert.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Donc, je cède la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Dr Boisvert.
M. Boisvert (Laurent) :
Bonjour.
M. Jacques : Je voulais
revenir sur la demande médicale anticipée, entre autres sur votre dame de 85
ans, mais aussi sur… Ça pourrait être des membres de la famille qui ont vu
souffrir leur mère ou leur père et qui, au cas où ça arriverait dans leur vie,
voudraient faire une demande anticipée avant même de recevoir la maladie, ou
aussi, si jamais une personne aurait… avait un ACV, un AVC massif et qui serait
rendue inapte suite à ces problèmes de santé, ou autre chose, là. Vous vous
positionnez de quelle façon dans ces cas-là? Est-ce qu'une demande médicale
anticipée par papier avant la maladie, est-ce que vous seriez pour ça? Et pourquoi?
M. Boisvert (Laurent) : Pour
ma part, il y a un point qui est tout à fait incontournable, c'est qu'on ne
peut pas faire une demande d'aide médicale à mourir si on n'est pas atteint
d'une maladie grave et irréversible ou réfractaire, d'un. Et, de deux, au
moment de faire la demande, le malade doit être apte, et ça doit être cette
personne-là qui fait la demande de façon absolue. Alors, dans un cas où vous
voudriez faire une demande d'aide médicale à mourir en anticipant une maladie
dégénérative, moi, je… ça ne se fait pas, d'un, puis, de deux, si malheureusement
vous êtes rendu inapte par un accident aigu, aussi malheureux que cela puisse-t-il
être, moi, après ça, je vais essayer de vous assurer le confort nécessaire et
puis je vais…
M. Boisvert (Laurent) :
...dégénérative, moi... ça ne se fait pas, de un. Puis de deux, si, malheureusement,
vous êtes rendu inapte par un accident aigu, aussi malheureux que cela
puisse-t-il être, moi, après ça, je vais essayer de vous assurer le confort nécessaire
et puis je vais travailler avec vos proches. Maintenant que vous êtes inapte,
et que vous n'êtes plus en mesure de prendre des décisions, bien, on peut tout
à fait s'entendre pour dire que, si jamais il arrive un épisode aigu
quelconque, on vous soulage, point à la ligne, puis on n'essaie pas de vous
faire vivre plus longtemps.
M. Jacques : Donc, on fait une
euthanasie, là, passive, là, avec la médication en place, là, puis...
M. Boisvert (Laurent) : Bien,
je n'appellerais pas ça comme ça. Je dirais tout simplement que j'assure votre
confort pour vous permettre de terminer votre vie de la façon la plus
acceptable possible, et surtout de ne pas l'étirer si tout le monde qui sont
autour disent : Écoute, il n'aurait jamais voulu continuer à vivre de
cette façon-là.
M. Jacques : Parfait. Donc, de
dire à nos proches ce qu'on pense, c'est important.
M. Boisvert (Laurent) : C'est
fondamental.
M. Jacques : Exactement. Bien,
merci, Dr Boisvert.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député. Avant de passer la parole au député de
D'Arcy-McGee, j'aurais besoin du consentement de tous parce qu'on va dépasser
un peu notre temps. Donc, s'il y a consentement? D'accord. Donc, nous pouvons
maintenant continuer avec le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Et merci, Dr Boisvert. Vos témoignages ajoutent beaucoup à nos
réflexions, et votre franchise, et votre expérience, et compassion nous aident
à réfléchir sur les questions fondamentales devant nous.
Écoutez, je vais poursuivre un petit peu
sur votre troisième exemple, assez déchirant, et la question tellement
difficile de l'accès à l'aide médicale à mourir pour les gens atteints des
troubles de santé mentale. C'est... Je crois que ça devient évident qu'il
faudrait... dans le cas que vous avez décrit, il aurait fallu une solution
beaucoup plus humaine que la fin qu'elle aurait dû vivre.
• (12 heures) •
En même temps... et vous en avez parlé,
mais je veux poursuivre... en même temps, nous sommes devant un phénomène
tellement inexact, et je veux que vous nous aidiez à comprendre comment on peut
assurer le respect de l'autonomie, des voeux d'un individu apte, dans ce
cas-là, et la protection du bien-être de cette même personne. Comment est-ce
qu'on peut s'assurer que quelqu'un, devant une souffrance terrible qui est
présente, là, lorsqu'on est atteint de la dépression majeure et clinique... Et
ça peut perdurer, oui, même pour 18 mois, et ça peut être étanche aux
traitements.
En même temps...
12 h (version non révisée)
M. Birnbaum : ...que quelqu'un,
devant une souffrance terrible, qui est présente, là, lorsqu'on est atteint de
la dépression majeure et clinique. Et ça peut perdurer, oui, même pour
18 mois. Et ça peut être étanche aux traitements. En même temps, je suis
sûr, dans votre pratique, vous... comme dans mon expérience, on connaît du
monde qui aurait vécu de tels épisodes durant une longue période de temps, et peut-être
plusieurs épisodes dans leur vie, qui aurait eu avant et qui aurait après la
capacité de se réjouir, d'être là pour leurs enfants, leurs petits-enfants,
leurs parents. Comment est-ce qu'on assure qu'il n'y ait pas de dérive en ce
qui a trait à notre responsabilité de ne pas discriminer devant les gens
atteints de problèmes de santé mentale graves, qui ont besoin, on en convient,
d'avoir l'accès à cette procédure-là? Mais comment on protège aussi leur droit
de vivre et de récupérer?
M. Boisvert (Laurent) :
C'est effectivement une question grave et fondamentale qui se résume à une
chose. Il faut s'assurer que quelqu'un qui présente un épisode même qui peut
être prolongé effectivement de maladie mentale, d'avoir tout essayé pour
pouvoir continuer, s'en sortir d'une part, de reprendre le goût à la vie et de
pouvoir continuer à vivre. C'est sûr. On s'entend. Maintenant, il y a des... Je
pense que le mécanisme, c'est qu'il faudra, face à une demande d'aide médicale
à mourir dans un tel contexte, s'assurer que le tour de la question a été fait
avec les gens qui ont l'expertise nécessaire pour arriver à une décision de
dire : Écoutez, je pense que, comme dans le cas de ma madame, tout a été
essayé. On n'obtient pas de résultat. Elle ne reprend pas le goût à la vie. Et
au contraire elle voit très bien qu'elle est devant un... le dernier épisode de
sa maladie, qui l'amène dans une issue... en fait, qui l'amène là où il n'y a
pas d'issue. Et là ce qui reste, c'est des mesures, dans son cas à elle, des
mesures de survie en ressources institutionnelles et probablement de... et peut-être,
et peut-être de devenir une des nombreuses itinérantes du centre-ville de la
ville de Montréal.
Alors, devant une telle situation, la
malade a pris la... a fait le choix d'être soulagée par l'aide médicale à
mourir. Il ne faut pas s'imaginer que, des cas comme ça, il va en avoir des
foules, là. Je pense que l'association des psychiatres y a fait allusion. Ces
cas-là existent. Ce n'est pas la majorité des cas. Et je pense qu'on a
l'expérience et l'expertise nécessaires pour pouvoir arriver à une décision
qu'il pourra prendre un certain temps avec les équipes...
M. Boisvert (Laurent) : …que
des cas comme ça, il va y en avoir des foules, là. Je pense que l'association
des psychiatres en a… y a fait allusion, ces cas-là existent, ce n'est pas la
majorité des cas. Et je pense qu'on a l'expérience et l'expertise nécessaires
pour pouvoir arriver à une décision qui pourra prendre un certain temps avec
les équipes nécessaires pour savoir si on s'en va dans une direction ou dans
une autre.
M. Birnbaum : Et vous êtes
satisfait, en quelque part, que les balises, bon, actuelles, en tout ce qui a
trait à l'article 26, et tout ça… que les balises sont assez étoffées,
actuelles, pour donner les protections nécessaires?
M. Boisvert (Laurent) : Je
pense qu'on pourrait peut-être éventuellement, et… mais je ne suis même pas
sûr, parce qu'écoutez on me confronte à nouveau à une demande d'aide médicale à
mourir pour quelqu'un qui est atteint de maladie mentale. Moi, je n'ai pas
besoin de plus de balises que celles qui existent pour prendre la décision,
mais peut-être que je vais faire intervenir, comme dans le cas de la malade… il
est fort probable que je vais faire intervenir plusieurs intervenants avant de
prendre une décision.
Et ça m'est arrivé, en passant, de le
faire dans des cas de maladies physiques relativement atypiques, et je vous
dirais même, à la limite, plus ou moins reconnues par la profession médicale.
Je n'ai pas arrêté ma décision après avoir rencontré le malade, puis
dire : Oui, c'est bon, go, on y va. J'ai parlé à plein de monde, j'ai vu
des… j'ai relu des dossiers médicaux et j'ai même demandé à ce que les malades
soient rencontrés par d'autres médecins.
Et je pense que ça va être le propre des
demandes dans le domaine de la maladie mentale. Ça va être des demandes qui
vont faire intervenir plusieurs expertises avant de prendre une décision
finale.
M. Birnbaum : Merci beaucoup.
Ma collègue de Westmount—Saint-Louis, Mme la Présidente, aurait d'autres
questions. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Mme la députée.
Mme Maccarone : Oui. Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Boisvert. J'aimerais creuser un petit
peu plus en ce qui concerne ce que vous avez… vous disiez au début : On ne
veut pas de mécanismes lourds. Alors, je continue, dans le fond, le même
questionnement que mon collègue de D'Arcy-McGee.
Encadrer comment d'abord, qu'est-ce que
vous prévoyez? Parce que, là, vous parlez de faire des consultations. Alors,
est-ce qu'on devrait prévoir un comité d'experts? Combien de personnes? Combien
de proches aidants? Est-ce que les proches aidants, ils en feront partie?
Est-ce qu'il y a des disciplines spécifiées? Quoi faire avec, mettons, le Curateur
public? Est-ce que c'est une personne qui devrait y assister? Alors, à
l'intérieur de ça, ça a l'air de quoi comme encadrement, comme recommandations
pour accompagner la personne qui fait la demande?
Et deuxième question… bien, je vous laisse
répondre à celle-ci, puis j'aurai une deuxième question s'il reste… si on a du
temps.
M. Boisvert (Laurent) : Pour
ma part, je pense que les demandes d'aide médicale à mourir en maladie mentale
vont presque…
Mme Maccarone : ...accompagner
la personne qui fait la demande?
Et, deuxième question... Bien, je vous
laisse répondre à celui-ci puis j'aurai une deuxième question, si on a du
temps.
M. Boisvert (Laurent) : Pour
ma part, je pense que les demandes d'aide médicale à mourir en maladie mentale
vont presque essentiellement provenir d'équipes en psychiatrie, équipes
multidisciplinaires ou des équipes, donc, bref, traitantes en psychiatrie, qui
sont confrontées à des maladies très importantes et, encore une fois,
réfractaires à toute forme de traitement. Je pense que c'est de là que vont
venir les demandes, et moi, en ce sens-là, en ce sens-là, je pense que ce ne
sera pas vraiment très compliqué.
Donc, il risque d'y avoir quelques
demandes, effectivement, faites par des malades, de façon spontanée, comme
le... bien, spontanée... comme la malade que je vous ai présentée, qui n'est
pas parvenue de l'équipe de psychiatrie, et qui a nécessité, donc, une
annulation. Bon, pour ma part, il y aura toujours des équipes de psychiatrie,
il y aura toujours... non, il y aura toujours des psychiatres impliqués, un ou
des.
Et il risque d'y avoir aussi des équipes
de psychiatrie qui vont être impliquées dans... au départ, par rapport à des
demandes. En tout cas, je vois mal un malade mental demander l'aide médicale à
mourir s'il ne fait pas déjà l'objet d'évaluations, un suivi en psychiatrie.
Donc, on a déjà là des équipes spécialisées qui sont en place. Et, si ce n'est
pas le cas... parce que ça peut arriver... si ce n'est pas le cas, il faut...
puis ça, ça peut être effectivement une balise... il faut qu'il y ait... il
faut que la psychiatrie et les équipes psychiatriques soient impliquées dans
une telle décision, à un moment donné ou à un autre, dans le décours de
l'évaluation de la demande. Ça, ça m'apparaît tout à fait clair. Ça, c'est un
minimum.
Maintenant, est-ce qu'on a besoin de
comités, puis tout ça? Je ne pense pas. Mais on aura besoin des expertises
nécessaires pour arriver à une décision tout à fait éclairée et solide. Puis je
ne vois pas, de toute façon, de médecins, autant des psychiatres que des
médecins comme moi qui font de l'euthanasie, prendre une décision à la légère.
Mme Maccarone : Vous avez
évoqué au début, aussi, que vous avez accompagné un de vos patients à consulter
légalement c'est quoi, ses droits. Alors, est-ce que nous devons prendre aussi
en considération, aussi, un accompagnement légal, notaire en ce qui concerne la
demande? Et, deuxième question pour vous en ce qui concerne aussi le processus,
devons-nous considérer aussi, en vue de positif ou négatif, une demande faite
par autrui?
M. Boisvert (Laurent) : Bien,
je vais prendre la dernière partie. Vous dites : Est-ce qu'on peut
considérer que quelqu'un d'autre que le malade puisse faire une demande? C'est
ça que...
Mme Maccarone : Exactement.
M. Boisvert (Laurent) : Non,
non, d'aucune façon. La demande doit toujours provenir de l'individu. Ça ne
peut pas être autrement, un. Deux, dans le cas présent, il y a eu consultation
légale parce que l'aide médicale à mourir n'était pas admissible. Parce que...
M. Boisvert (Laurent) :
...non, d'aucune façon. La demande doit toujours provenir de l'individu. Ça ne
peut pas être autrement, un.
Deux, dans le cas présent, il y a eu consultation
légale parce que l'aide médicale à mourir n'était pas... n'était pas
admissible. Parce que, si ça l'avait été, on aurait... Ça se serait arrêté là.
Elle aurait eu son aide médicale à mourir au moment où elle l'aurait voulu. Ça
n'aurait pas été plus compliqué que ça. Elle remplissait absolument tous les
critères. C'est-à-dire qu'elle était souffrante, il y avait un déclin, elle
avait une maladie grave et irréversible puis elle était apte. Donc, on remplit
les critères de l'admissibilité.
Il y a eu consultation légale parce que je
faisais face à une malade qui était éminemment souffrante puis qui se
retrouvait... se retrouvait dans un cul-de-sac. Donc, il fallait qu'elle puisse
connaître l'étendue des possibilités. Puis, évidemment, dans une de ces possibilités-là,
c'est la possibilité de se laisser mourir. Et c'est ce que l'avocat lui a dit.
C'est un avocat spécialisé qui a dit : Écoutez, vous n'avez peut-être pas
droit, vous... Vous n'avez définitivement pas droit à l'aide médicale à
mourir — il lui a répété des décisions qu'on lui avait
données — mais vous avez le droit de vous laisser mourir.
• (12 h 10) •
Mme Maccarone : D'accord.
Alors, j'ose croire que probablement le rôle du... le CDPDV serait important
pour vous en ce qui concerne aussi la protection des droits et libertés des
personnes qui feront peut-être une demande à l'aide médicale à mourir.
M. Boisvert (Laurent) :
Ah! Je pense qu'effectivement il y a peut-être effectivement des... des cas où,
comme y faisait référence, là, M. Marissal, où il y aura des débats qui ne
seront pas tranchés et qui nécessiteront peut-être, effectivement,
l'intervention du tribunal pour faire valoir les droits de ces personnes-là. Je
pense qu'on va être confrontés à un moment donné à effectivement une affaire
comme ça. Et heureusement on a de l'expérience là-dedans, et les juges en ont.
Puis ils sont tout à fait en mesure de décider si une personne a le droit de
prendre sa décision.
Mme Maccarone : Parfait.
Merci beaucoup.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la députée. Merci,
infiniment, Dr Boisvert, pour la rencontre de ce matin. C'est très
enrichissant pour les membres de la commission et pour la suite de nos travaux.
Donc, compte tenu de l'heure, la
commission suspend ses travaux jusqu'à 13 h 15 cet après-midi. Donc,
ceci met fin à la rencontre Teams. Merci encore, Dr Boisvert.
(Suspension de la séance à 12 h 11)
13 h (version non révisée)
(Reprise à 13 h 17)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bon après-midi, tout le monde. La commission sur l'évolution de la Loi concernant les soins de
fin de vie reprend ses travaux.
Donc, la commission est réunie
virtuellement cet après-midi afin de poursuivre les consultations particulières
et les auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de
fin de vie. Et nous entendrons la Fédération des mouvements Personne d'abord du
Québec, Dr Pierre Viens, la Fédération québécoise des sociétés d'Alzheimer et
l'Office des personnes handicapées du Québec.
Donc, pour notre première audition, cet
après-midi, nous accueillons Mme Louise Bourgeois, présidente, et Mme Danielle
Gratton, coordonnatrice, de la Fédération des mouvements Personne…
La Présidente
(Mme Guillemette) : ...québécoise des sociétés d'Alzheimer et l'Office
des personnes handicapées du Québec. Donc, pour notre première audition cet après-midi,
nous accueillons Mme Louise Bourgeois, présidente, et Mme Danielle
Gratton, coordonnatrice de la Fédération des mouvements Personne d'abord du
Québec. Bienvenue, mesdames. Merci d'être avec nous cet après-midi. Donc, vous
disposez de 10 minutes pour nous présenter votre exposé. Et il y aura par
la suite un échange avec les membres de la commission d'une période de
35 minutes. Donc, je vous cède dès maintenant la parole.
Mme Bourgeois (Louise) :
Merci. Bonjour, membres de la commission. Je me présente, Louise Bourgeois,
présidente de la Fédération des mouvements Personne d'abord du Québec. Je suis
accompagnée de Mme Danielle Gratton, notre coordonnatrice. La Fédération
des mouvements Personne d'abord du Québec est un organisme de défense collective
des droits par et pour les personnes vivant avec une déficience intellectuelle.
Plus de 750 personnes vivant avec une déficience intellectuelle légère à
moyenne sont membres des mouvements et de notre fédération. Tous les jours,
elles s'impliquent pour défendre leurs intérêts et travaillent à faire
reconnaître leur droit à l'autodétermination. Elles informent, échangent leurs
points de vue, prennent la parole, siègent à des conseils d'administration et
prennent des décisions pour la gestion de leur organisme.
• (13 h 20) •
Nos membres suivent les dossiers de l'aide
médicale à mourir depuis longtemps. En août 2010, accompagnée de mon
vice-président... En août 2010, accompagnée de mon vice-président, j'ai
moi-même présenté notre premier mémoire devant la Commission de la santé et des
services sociaux. En octobre 2013, nous avons un deuxième mémoire... nous
avons fait un deuxième mémoire qui avait pour titre Dans le respect des
droits, de l'égalité, du libre choix jusqu'à la fin. L'aide médicale à
mourir est un choix personnel, et cela doit rester ainsi. Personne d'autre que
moi-même, que moi, et sous aucun prétexte, ne peut prendre cette décision à ma
place. Il est essentiel...
Mme Bourgeois (Louise) : ...est
un choix personnel, et cela doit rester ainsi. Personne d'autre que moi-même,
que moi, et sous aucun prétexte, ne peut prendre cette décision à ma place. Il
est essentiel que l'élargissement de la loi permette à... jamais à une autre
personne de prendre cette décision pour une personne qui est incapable de le
faire.
Nous demandons aux décideurs de prendre
tout le temps nécessaire pour s'assurer d'un élargissement de la loi sur les
soins de vie qui ne laissera aucune place aux possibilités d'abus ou de
dérapage. C'est probablement la décision la plus importante que'une personne
devra prendre. Alors, par respect à tous ceux qui pouvaient avoir à prendre
cette décision un jour, assurez-vous que cette loi ne finisse jamais en
histoire d'horreur parce qu'on n'aura pas pris le temps de bien faire les
choses.
Je cède maintenant la parole à la
coordonnatrice de la fédération pour la suite de la présentation.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Gratton (Danielle) :
Merci, Louise. Je veux d'abord vous dire que la période estivale, avec les
vacances, c'était loin d'être idéal pour mener une consultation sur un sujet
aussi important. Nous prévoyons terminer notre consultation dans les prochains
jours, parce qu'il y a juste une partie des membres qui ont pu y répondre avant
le départ pour les vacances d'été, et présenter un mémoire un peu plus
substantiel d'ici le 24 août prochain.
Mais nous aimerions, devant la commission,
vous parler quand même d'un sujet sur lequel nos membres se sont prononcés.
C'est, entre autres, sur le consentement libre et éclairé pour des personnes
vivant avec une déficience intellectuelle. Je n'utilise pas le mot «inapte»
volontairement, parce que ce n'est pas toujours évident d'évaluer l'aptitude ou
l'inaptitude.
Les personnes vivant avec une déficience
intellectuelle, comme d'autres groupes de personnes qu'on dit vulnérables, ont
besoin de conditions particulières pour exercer leurs droits à
l'autodétermination et au consentement libre et éclairé. La déficience
intellectuelle n'est pas une maladie, mais un...
Mme Gratton (Danielle) :
...personnes qu'on dit vulnérables ont besoin de conditions particulières pour
exercer leurs droits à l'autodétermination et au consentement libre et éclairé.
La déficience intellectuelle n'est pas une
maladie, mais un état. Ce diagnostic ne doit donc pas... ne doit servir qu'à
redoubler d'efforts dans le processus d'assurer une demande d'aide médicale à
mourir libre et éclairée, et non à refuser systématiquement une demande d'aide
médicale à mourir pour ces personnes. En présence d'une demande d'une personne
qui semble vulnérable, les médecins ou le personnel qui gravite autour d'elle
devraient prévoir un filet de sécurité supplémentaire qui pourrait ressembler à
rencontrer différentes personnes qui connaissent bien cette personne, avec son
autorisation évidemment. Ça pourrait être un travailleur social qui la suit
depuis longtemps ou un éducateur spécialisé parce qu'en général ils sont avec
un intervenant au niveau des CIUSSS ou des CISSS. Le médecin devrait aussi
vérifier que la demande vient de la personne en s'assurant que les mots qu'elle
utilise sont bien les siens et qu'elle ne subit pas de pressions de
l'extérieur. Au besoin, il pourrait demander à un conseiller en éthique
d'intervenir auprès de cette personne durant le processus.
Pour permettre un consentement libre et
éclairé ou une demande d'aide médicale libre et éclairée, il faut réunir
plusieurs conditions. Et nos membres croient fermement que c'est possible de le
faire. J'ai reçu quand même quelques commentaires des membres, puis je ne vous
les donne pas tous parce qu'il y en avait vraiment beaucoup. On les mettra dans
notre mémoire. Il y avait quelqu'un qui me disait : Il est important
d'avoir des informations claires. Si tu es assez apte pour prendre une décision
comme celle-là, une décision éclairée, ce doit être avec des informations
claires et précises parce que tu ne peux pas revenir en arrière. Il faut se
poser des questions et réfléchir.
Les membres nous ont suggéré une boîte à
outils avec plein de trucs à l'intérieur, dont des formulaires en langage
simple, avec des pictogrammes, le besoin... Répondre au besoin d'être
accompagné par une personne de confiance qui les connaît bien. D'autres outils
et d'autres conditions que nous développerons davantage dans notre mémoire.
L'aide médicale à mourir ne doit, et ça,
c'est très clair pour tout le monde, et ça l'était depuis le début, ne...
Mme Gratton (Danielle) : …par
une personne de confiance qui les connaît bien, d'autres outils et d'autres
conditions que nous développerons davantage dans notre mémoire.
L'aide médicale à mourir ne doit… et ça,
c'est très clair pour tout le monde, et ça l'était depuis le début, ne doit en
aucun cas devenir une solution que pourrait envisager une personne qui souffre
à cause d'un manque de services de santé, de soins palliatifs, de soutien ou
d'accompagnement. L'État doit assurer une réponse adéquate aux besoins des
personnes, qu'elles soient aptes, inaptes, qui vivent des situations de grande
souffrance, qu'elles soient physiques ou psychologiques.
Pour ce qui est des personnes touchées par
des problèmes graves de santé mentale et qui vivent de grandes souffrances, nos
membres ne se prononceront pas, parce qu'ils jugent qu'ils n'ont pas la
connaissance et l'expertise suffisantes pour le faire.
Donc, je laisse le mot de la fin à ma
présidente.
Mme Bourgeois (Louise) : …à
tous à condition que la demande respecte les conditions déjà prévues dans la
loi, mais elle doit aussi absolument être encadrée pour éviter des dérives
malheureuses. Merci à chacun de vous de nous avoir écoutées.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, mesdames. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée
de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour à vous deux, merci beaucoup de votre présentation. En fait, je voudrais
vous amener un peu sur ce qui se passe présentement, actuellement, parce que la
situation des personnes que vous représentez, donc, qui ont une déficience, et
vous faites bien la distinction pour ne pas vous embarquer dans toute la
question de l'aptitude et de l'inaptitude pour définir les personnes que vous
représentez… Mais, dans les faits, cette question-là, elle est centrale quand
vient le moment d'évaluer une demande d'aide médicale à mourir.
Et donc, dans l'état actuel des choses,
comme vous vous rappellerez probablement quand on avait échangé avec votre
mouvement lors l'adoption de la loi et de la commission, aussi, Mourir dans la
dignité, dans le fond, chaque évaluation doit se faire selon les circonstances,
les capacités, l'aptitude de la personne qui ferait une demande d'aide médicale
à mourir. C'est le cas présentement, parce que ce n'est pas parce qu'on a une
déficience, évidemment, qu'on est inaptes, même si notre aptitude peut fluctuer.
• (13 h 30) •
Donc, ce que je veux savoir, c'est que
depuis l'adoption de la loi, est-ce que vous avez des exemples de personnes qui
ont reçu l'aide médicale à mourir, donc des gens…
13 h 30 (version non révisée)
Mme
Hivon
:
...présentement parce que ce n'est pas parce qu'on a une déficience, évidemment,
qu'on est inapte, même si notre aptitude peut fluctuer. Donc, ce que je veux
savoir, c'est que, depuis l'adoption de la loi, est-ce que vous avez des
exemples de personnes qui ont reçu l'aide médicale à mourir, donc des gens dans
vos rangs, que vous connaissez, des membres de familles aussi que vous représentez,
et comment ça s'est passé?
Mme Gratton (Danielle) :
Moi, on a fait pas mal le tour. On avait ça dans notre questionnaire qu'on a
envoyé à tous nos organismes : Est-ce que vous connaissez quelqu'un qui a
vécu cette situation-là? De ma connaissance et de la connaissance des
personnes-ressources qui travaillent avec nos membres, personne dans nos
membres n'ont fait de demande ou n'ont eu une demande. Par contre, en
feuilletant les retours, puis c'est pour ça qu'on va continuer notre mémoire
après, parce que je n'ai pas reçu les réponses de tout le monde encore, mais
dans les réponses que j'ai déjà reçues, il y avait des cas où c'est un parent,
une tante ou un parent proche qui a vécu cette situation-là. Et le commentaire
était : Oui, ma tante... C'est arrivé à ma tante. Elle était... Elle
avait... Je ne me rappelle plus de l'exemple. Entre autres, là, je pense qu'on
parlait de cancer très avancé, là. Et ça s'est bien passé. Mais on n'en a pas eu
des tonnes, là. Je pense qu'il y avait... Sur cinq groupes, j'avais deux ou
trois personnes qui connaissaient quelqu'un de loin à qui ça s'était... c'était
arrivé.
Mme
Hivon
: O.K.
...directement des personnes que vous représentez et que...
Mme Gratton (Danielle) :
Non.
Mme
Hivon
:
Puis, par exemple, qui auraient eu un cancer ou une maladie grave...
Mme Gratton (Danielle) :
Non, ce n'est pas arrivé.
Mme
Hivon
:
Bon. O.K.
Mme Gratton (Danielle) :
Bien, pas dans nos rangs. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas une personne qui
a une D.I. dans la province à qui ce n'est pas arrivé.
Mme
Hivon
:
C'est ça. Parfait. Parce que c'est possible en ce moment avec l'encadrement
actuel.
Mme Gratton (Danielle) :
Oui, oui...
Mme
Hivon
:
Puis c'est à ce que je veux vous amener parce que vous insistez, je pense, beaucoup,
et avec raison, sur l'importance donc de ne pas vivre de pressions indues,
d'être certaine que tout ça vienne de la personne, de ses mots à elle, qu'il
n'y a pas d'influence extérieure. Puis un accompagnement peut être vraiment
adéquat. Puis dans l'article 29 de la loi, là, je ne vous tiendrai pas
rigueur si vous n'avez pas ça sous les yeux, mais il y a toute la liste des
éléments qu'on doit... qu'on doit appliquer avant de s'assurer que la personne
peut recevoir l'aide médicale à mourir.
Donc, on doit s'assurer du caractère libre
et éclairé de sa demande en s'assurant qu'elle ne résulta pas de pressions
extérieures. On doit s'assurer du caractère éclairé en l'informant du pronostic
de sa maladie, des possibilités thérapeutiques, des conséquences. On peut aussi
évidemment offrir à la...
Mme
Hivon
: ...on
doit s'assurer du caractère libre et éclairé de sa demande, en s'assurant
qu'elle ne résulte pas de pressions extérieures. On doit s'assurer du caractère
éclairé en l'informant du pronostic, de sa maladie, des possibilités
thérapeutiques, des conséquences. On peut aussi, évidemment, offrir à la
personne qu'elle s'entretienne avec ses proches si elle le souhaite. Elle n'est
pas obligée, mais si elle le souhaite, ou avec tout professionnel ou personne
significative pour elle.
Donc, je voulais savoir si, pour vous, ça,
a priori, c'est suffisant ou si vous dites : Bien, dans le fond, après
tant d'années de la loi, on se dit qu'il y a peut-être des risques plus importants.
Puis c'est pour ça que je vous posais la question sur la pratique. Quand vous
nous ramenez ces informations-là, aujourd'hui, puis ces préoccupations-là, en
quoi, dans la loi actuelle, vous jugez que ça ne va peut-être pas assez loin
pour s'assurer de ça? Parce qu'à l'époque, on pensait justement qu'on encadrait
bien ça.
Mme Gratton (Danielle) : Ce
n'est pas dans le sujet de l'encadrement que ça se passe. C'est dans la
manière. Puis on le sait, où on l'a vécu avec le curateur. Le curateur, avec le
changement de loi, doit maintenant tenir compte des intérêts et des préférences
de la personne. Il y a un très grand mouvement vers l'autodétermination. Et on
s'est rendu compte, avec lui, que, oui, les intentions étaient bien écrites,
mais qu'il n'avait pas les outils pour permettre à une personne de s'exprimer
clairement.
Et c'est là que ça se passe. C'est-à-dire
que j'ai une personne devant moi qui a une déficience intellectuelle, qui peut
avoir de la difficulté à émettre une opinion, mais il existe des moyens pour
qu'elle comprenne. Nous, on le vit tous les jours, ça. On utilise... On parle
de projets de loi avec nos 750 membres. La majorité de la population ne sait
pas c'est quoi, la loi. 52, Louise, elle le sait. Le projet de loi C-7, Louise,
elle le sait, c'est quoi. Parce qu'on a pris le temps de la vulgariser, de la
mettre en langage simple, d'ajouter des pictogrammes, de mettre tout ce qui
était nécessaire pour eux pour comprendre des sujets complexes. Et c'est là
qu'on veut insister. Oui, c'est écrit. «Vous devez vous assurer que vous avez
lu toutes»... Moi, je l'avais lu aussi. Puis c'est parfait.
Mme
Hivon
:
C'est dans...
Mme Gratton (Danielle) : C'est
parfait. Mais c'est dans l'application que ça ne se passe pas comme ça, puis on
le sait. On le sait parce qu'on le vit, que ce soit dans un CIUSSS, quand on
arrive pour... que ce soit dans une visite médicale, où le médecin,
quelquefois, s'adresse toujours à...
Mme Gratton (Danielle) : …puis
ça se fait, et c'est là-dessus qu'on va insister de notre côté, parce qu'on
aurait peut-être tendance, puis Dieu sait que Louise pourrait témoigner de ça,
de dire que la moitié, minimalement, des 750 personnes qui sont membres de nos organisations
pourraient être considérées comme inaptes, alors que dans la présentation que
Louise vous a faite, puis ce n'est pas pour rien qu'elle l'a faite, elle vous
dit que ces gens-là prennent la parole, prennent des décisions pour des
organismes. Ce n'est pas rien. Ils sont accompagnés, ils sont soutenus, ils ont
du matériel et des outils pour les aider. Bien, c'est ça qu'on demande. Elles
peuvent… Elles peuvent consentir, elles peuvent donner leur opinion, puis une
opinion peut être la leur à condition qu'on mette en place les conditions pour
le faire, et non juste d'écrire : Le médecin vérifiera que… tatati… Oui,
je sais qu'il va le faire, mais ce n'est pas ça que je veux dire. Comment il va
le faire, c'est beaucoup plus ça, puis je pense que c'est important que le
comment soit mis en place avant et non après l'élargissement de la loi.
C'est pour ça qu'on demandait… Louise,
elle disait : Prenez votre temps. C'est un sujet beaucoup trop… Bien, ce
n'est pas rien, décider de mourir, là, on s'entend, là. Et nos membres, ce
qu'ils nous disent, c'est : J'espère que le gouvernement va prendre le
temps de bien faire les affaires, parce que c'est une grosse décision, ça. Ça
va faire de la peine aux gens autour de moi si je me prononce parce que je
voudrais cesser de souffrir si on ne peut pas me soulager et que je le
demanderais, je le sais que je vais faire de la peine autour de moi. Ça fait
que prenez votre temps pour bien faire les choses. Voilà, peut-être que ça
répond…
Mme Gratton (Danielle) : …de
moi si je me prononce, parce que je voudrais cesser de souffrir si on ne peut
pas me soulager et que je demanderais… je le sais que je vais faire de la peine
autour de moi. Ça fait que prenez votre temps pour bien faire les choses. Voilà,
peut-être que ça répond.
Mme
Hivon
: Oui,
oui, merci. C'est une très bonne introduction, là, je pense que mon temps est
clairement écoulé, ça fait que je vais laisser mes collègues poursuivre.
Mme Gratton (Danielle) : Ah!
excusez, j'aurais peut-être dû…
Mme
Hivon
: Non,
non… merci, vous m'avez aidée, vous m'avez donné plus de temps.
• (13 h 40) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Non, mais c'était très intéressant. Dans ce temps-là, on se partage le temps,
c'était l'entente. Donc, merci beaucoup pour la réponse.
Vous parliez, bon, de s'assurer que les
mots soient bien les siens pour que la personne ait une information claire, précise,
que ce soit vraiment un consentement éclairé. Puis là vous avez parlé d'un
conseiller en éthique. Est-ce que vous pouvez m'en dire plus au niveau…
qu'est-ce que le conseiller en éthique pourrait… comment il pourrait venir nous
aider dans ce processus-là?
Mme Gratton (Danielle) :
L'éthique, chez nous… tu sais, c'est chaque personne qui est en soutien, parce
que nos décideurs… Louise, c'est mon patron, O.K.? C'est la présidente de mon
conseil d'administration, moi, je travaille pour eux, et ils me disent :
Danielle, voici les dossiers sur lesquels on veut que tu travailles, puis je
rends des comptes, je dois rendre des comptes. Mais… puis dans chacune de nos
organisations, on a des gens qui aident.
Ce groupe de personnes là est toujours,
toujours soumis à un code d'éthique, parce qu'on ne se le cachera pas… puis
j'ai une de mes personnes-ressources dans un des mes mouvements, là, qui a fait
un beau paragraphe là-dessus, les personnes qui vivent avec une déficience
intellectuelle veulent, et ça fait partie de leur personnalité, d'une certaine
façon… veulent plaire à leur entourage, à leur famille et même à moi, tu sais,
c'est sûr.
Donc, quand je soumets des choses, à
chaque fois, je dois faire attention de ne pas mettre de réponse dans leur
bouche, de ne pas influencer leur jugement, de présenter des enjeux différents,
tu sais, de… je dois toujours… Ça fait que, là, je suis dans l'éthique quand je
fais ça. C'est pour ça que je… on se disait : Bien, peut-être qu'un
conseiller à l'éthique qui sait que cette chose-là, là, ça fait partie de
l'éthique, ce n'est pas… c'est vraiment un comportement qu'on doit…
Mme Gratton (Danielle) :
...là, je suis dans l'éthique quand je fais ça. C'est pour ça qu'on se
disait : Bien, peut-être qu'un conseiller à l'éthique qui sait que cette
chose-là, là, ça fait partie de l'éthique, ce n'est pas... C'est vraiment un
comportement qu'on doit avoir. C'est vraiment une façon... Puis, oui, on l'a
développée, cette façon de comprendre que la personne, quand elle me parle, je
l'entends, c'est ses mots à elle, parce que je la connais. Mais le médecin ou
l'autre intervenant qui va être... peut-être ne le connaîtrait pas, mais le
conseiller en éthique, lui, il va avoir un jugement ou un regard par rapport à
tout ce qui est influence. Et c'est là qu'on pense que ça... Ce pourrait être quelqu'un
d'intéressant à avoir dans les équipes, là.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Parfait. Donc, ce que je comprends, si on y
allait vers l'équipe multisoins, infirmières, psychologues, médecins, travailleurs
sociaux, ce serait bien pour les gens en déficience intellectuelle d'ajouter un
conseiller à l'éthique à cette équipe-là. Bien, merci.
Mme Gratton (Danielle) :
Oui, parce qu'il y a tout un cadre éthique, oui.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci. Donc, je céderais la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, Mme Gratton. Bonjour, Mme Bourgeois. Je veux
revenir, là, sur de prendre le temps. Vous avez dit de prendre le temps. Je
veux... Vous savez, j'ai compris que pour les personnes en déficience
intellectuelle ou autres, il fallait qu'il y ait une maladie, là, vraiment...
Un cancer entre autres. On va prendre un cancer. Vous savez que chaque personne
qui reçoit un diagnostic de cancer qui est irréversible, un stade IV, ces
gens-là deviennent très, très, très vulnérables. Et quand on n'est peut-être
pas capable de comprendre l'entièreté des choses qui se passent dans notre
corps ou qui se passent, là, dans notre vie, parce qu'on a un diagnostic, là,
qui va arriver à la fatalité, je crois que, oui, c'est important de prendre le
temps pour prendre les bonnes décisions. Et il ne faut pas... Il ne faut pas
avoir... Comment je dirais ça? Il faut être capable de prendre les décisions en
sachant qu'on veut... on veut minimiser peut-être nos souffrances ou, à un
moment donné, on ne veut pas vivre une certaine partie de cette souffrance-là.
Donc, quand vous dites, on prend les
temps, on prend les temps... Nous, on va prendre le temps de, je pense, de bien
faire les choses. On est déjà là depuis quelques... quelques mois. On a fait beaucoup
de consultations avec les experts, avec les médecins, avec la population, avec
les organismes. Puis je pense que c'est un... C'est bon pour tout le monde parce
qu'on entend plein de gens qui ont des opinions divergentes et différentes,
mais qui ont quelque chose à dire pour l'entièreté des gens qui viennent nous
voir.
Donc, dans prendre le temps, là, vous avez
parlé des conseillers en éthique...
M. Jacques : ...on entend plein
de gens qui ont des opinions divergentes et différentes, mais qui ont quelque
chose à dire pour l'entièreté des gens qui nous... qui viennent nous voir.
Donc, dans... Prendre le temps... Là, vous
avez parlé des conseillers en éthique. Mis à part ça, quels éléments on a... ces
gens-là, ou les personnes en déficience, ou... des problèmes de santé mentale,
ou autres... quels genres d'intervenants, mis à part les conseillers en
éthique, pourraient les aider à prendre le temps pour bien comprendre les
choses? Vous avez parlé de pictogrammes, vous avez parlé de la façon de parler
aux gens, mais est-ce qu'il y a d'autres choses, là, qui pourraient être mises
de l'avant, là, pour que ça puisse avancer?
Mme Gratton (Danielle) : Bien,
tout à l'heure, j'ai entendu qu'on parlait d'équipes multidisciplinaires puis
je pense que ça doit être ça dans certaines situations. Je sais que, dans les
groupes qui ont répondu à notre consultation, on parlait aussi de travailleurs
sociaux. Parce qu'il y a aussi tout le contexte... Puis ça, c'est une chose
dont on ne vous a parlé maintenant, mais on vous en parlera dans le mémoire un
peu. Il y a tout l'aspect de la vie... des situations socioéconomiques, qui
rendent... qui peuvent amener une personne dans une situation de vulnérabilité.
Je ne vous cacherai pas que nous, on a,
depuis un bon moment... Les mouvements Personne d'abord, ce n'est pas juste ici
au Québec. On a nos partenaires à travers le Canada. Il y en a dans toutes les
provinces canadiennes, dans deux territoires. Il y en a dans 42 pays. On a des
discussions avec nos homologues anglophones, et ça se passe un peu différemment
chez eux. Je peux vous dire que, des fois, on a le choc des cultures. Et ils
ont amené souvent des exemples de personnes qui, dans le fond, même s'ils
amènent... Puis même dans votre document de consultation. À un moment donné,
j'ai lu un exemple... c'est plate, je ne l'ai pas ouvert... j'ai lu un exemple
puis j'ai fait : Bien, voyons donc, c'est impossible, cette personne-là ne
peut pas se prévaloir de l'aide médicale à mourir. On parle d'une situation
socioéconomique difficile, d'un manque de services, etc. Et ça, ça ne peut pas
être.
Et c'est dans ce sens-là que
l'intervenant, le travailleur social ou la personne, cette personne-là pourrait
être fort utile pour déceler, justement, si, par hasard, il n'y aurait pas
plutôt des améliorations à faire, non pas juste du côté de la pure santé, là,
tu sais, médicaments, soins palliatifs, etc., là, mais aussi des facteurs...
Mme Gratton (Danielle) :
…justement si, par hasard, il n'y aurait pas plutôt des améliorations à faire,
non pas juste du côté de la pure santé, là, tu sais, médicaments, soins
palliatifs, etc., là, mais aussi des facteurs socioéconomiques, c'est-à-dire
que ça peut être des facteurs familial… familiaux, excusez-moi… la langue et…
Ça pourrait être ça aussi qui met la personne dans une situation de détresse,
donc qui l'amène peut-être à faire une demande, alors qu'on pourrait régler
quelque chose en amont dans une situation qui est beaucoup plus sociale, je
vais dire ça comme ça. Ça fait que, oui, non seulement un conseiller à
l'éthique, mais quelqu'un d'un environnement aussi… travailleur social ou… qui
peut faire une analyse de ce côté-là aussi.
M. Jacques : Analyse juste de
la personne qui va faire la demande ou de la famille aussi qui pourrait faire
de la pression?
Mme Gratton (Danielle) : Oui,
bien, de la personne d'abord, mais évidemment de l'environnement de cette
personne-là. Puis l'environnement de cette personne-là, bien, oui, ça peut être
la famille, oui, ça peut être un milieu de vie, oui. Tu sais, présentement, il
y a des personnes… puis vous le savez, là, il y a eu quand même des cas, là, de
personnes qui avaient d'autres problématiques qu'on voulait transférer dans des
CHSLD où ce n'est pas un milieu de vie pour eux… puis que, finalement, a mis
fin à ses jours. Bon, ça fait que le problème, il n'était pas médical, il était
social. C'est son environnement qui faisait une pression sur cette personne-là.
C'est à considérer grandement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député.
M. Jacques : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Mille-Îles.
Mme
Charbonneau
:
Bonjour.
Mme Gratton (Danielle) : Ah!
je ne t'avais pas…
Mme
Charbonneau
:
Ha! Ha! Ha!
Mme Gratton (Danielle) :
Excusez.
Mme
Charbonneau
:
Mme la Présidente…
• (13 h 50) •
Mme Gratton (Danielle) :
Excusez…
Mme
Charbonneau
:
Je connais Mme la présidente, Mme Bourgeois, bonjour. Louise, ça va bien? Et je
connais Mme Gratton.
Mme Gratton (Danielle) :
…Francine Charbonneau, Mme la députée Francine Charbonneau… du cadre
de…
Mme
Charbonneau
:
Il n'y a pas de souci, Danielle. Je connais l'organisme depuis très, très
longtemps et j'ai toujours admiré la persévérance qu'ils ont eue pour défendre
mais surtout pour parler pour et avec les gens qui ont une difficulté ou des
défis supplémentaires.
Mme Gratton (Danielle) : Oui.
Mme
Charbonneau
:
Moi, j'aimerais ça vous entendre, parce qu'avec le député de Mégantic vous
l'avez approché un peu, mais j'aimerais ça vous entendre sur les gens qui
habitent avec vos membres, parce que vous avez des gens qui habitent seuls,
vous avez des gens qui habitent en coop, on va se le dire, mais il y a aussi
encore des gens qui habitent avec la famille. Je peux… je le sais que, des
fois, ça peut être un parent, mais des fois ça peut être aussi un oncle, une
tante, ça peut être quelqu'un qui est proche de la famille, mais…
Mme
Charbonneau
:
…parce que vous avez des gens qui habitent tout seuls, vous avez des gens qui
habitent en coop, on va se le dire, mais il y a aussi encore des gens qui
habitent avec la famille. Je peux… Je sais que, des fois, ça peut être un
parent, mais, des fois, ça peut être aussi un oncle, une tante, ça peut être quelqu'un
qui est proche de la famille, mais je sais que vous avez des gens qui ont ce
que, nous, on appelle dans notre langage des proches aidants dans le quotidien.
Quelquefois, c'est pour le transport; quelquefois, c'est pour s'assurer que la
médication est bien prise, que les soins sont donnés. Mais, sur vos 750
membres, il reste qu'il y a des gens qui les accompagnent, puis on se
demandait : Quelle est la place de ces gens sur une référence ou sur un
questionnement qui peut se faire sur l'aide médicale à mourir? Vous l'avez
approché un peu en disant : Bien, on pourrait peut-être questionner d'où
vient la question. Est-ce que ça vient de son environnement? Est-ce que ça
vient de sa famille? Mais, en même temps, prenons l'exemple contraire, prenons
des gens qui sont bienveillants, qui sont là pour les accompagner dans les
bonnes raisons puis qui veulent les faire cheminer de la bonne façon. Quelle
serait la place de ces gens qui ne sont pas des professionnels de la santé
reconnus avec un diplôme, mais qui sont des professionnels de la santé de la
personne parce qu'ils vivent avec elle au quotidien? Alors, je voulais savoir
si vous vous êtes penchées un peu sur ces personnes — quelquefois
c'est une, quelquefois c'est plusieurs — leur place dans
l'environnement de la personne qui demanderait l'aide médicale.
Mme Gratton (Danielle) : Oui.
On a tous les cas d'espèce dans nos membres, là, tu sais, que ce soient des
personnes qui vivent seules, qui vivent en couple, avec tous les deux une DI,
on a des parents, même; on en a qui vivent avec des personnes qui n'ont pas de
DI, qui sont en couple avec des gens qui n'ont pas de DI. Donc, il y a là aussi
un aidant, là, quelconque. Il y en a qui sont encore dans leur famille, bon, si
on arrive à la famille, là… Parce qu'il y en a qui habitent en ressources
résidentielles de toutes sortes, là, quatre personnes, six, huit, en tout cas,
bref.
Pour ce qui est de la famille, quelle est
la place? La place est la place que la personne va leur donner. Je suis plate
comme réponse, là, mais c'est un peu ça. Je suis obligée d'aller… de dire ça
comme ça. Louise a une excellente relation avec ses parents, hein? Tu as une
bonne relation avec ta mère, qui te soutient, mais tu habites seule en appart.
Oui. Mais, pour ceux qui habitent avec les parents, bien là, je vais vous dire…
ou les parents, ou la famille, on a de tout : on en a des bienveillants,
on en a qui… La première fois que j'ai assisté à un colloque avec ces
personnes-là, c'était sur le logement, et une certaine Catherine qui était
présidente de People First du Canada, qui était membre chez nous, on lui a posé
la question, quel était le plus gros handicap pour partir en appart, et c'était
un colloque de parents d'enfants ayant une DI. Elle a…
Mme Gratton (Danielle) :
...un colloque avec ces personnes-là. C'était sur le logement. Et une certaine
Catherine qui était présidente de People First du Canada, qui était membre chez
nous, on lui a posé la question : Quel était le plus gros handicap pour
partir en appart? Et c'était un colloque de parents d'enfants ayant un D.I.
Elle a répondu : Les parents. Alors, tous les parents ont cessé de
respirer pendant deux secondes et quart. Et il y a une mère qui a fait... qui a
pris son courage puis qui a dit à Catherine : Tu as raison. Mon fils, ça
fait des années qu'il me demande pour partir en appart. Puis, moi, je ne veux
pas.
Ça fait que c'est pour ça qu'on disait,
puis on va probablement peut-être... Tu me fais penser qu'on devrait
l'illustrer davantage. On va toujours partir de la personne. Et si elle, elle
dit : Moi, dans ce processus-là, j'ai besoin d'un accompagnement, et cet accompagnement-là,
et cette personne de confiance là, c'est ma mère, c'est ma soeur, c'est ma
tante puis c'est mon oncle. Bien, ça sera ma tante, ma soeur, mon oncle. Jamais
on ne partira à l'inverse parce que...
Mme
Charbonneau
:
Donc, le principe de l'autodétermination, Danielle, c'est là que tu loges puis
que l'ensemble de vos membres se loge parce que c'est la première... Puis je
voulais... Je voulais vous entendre, mais quelques fois, j'aime que tout le
monde entende cette réponse-là parce que ce n'est pas parce que j'ai une
déficience que je ne peux pas prendre de décision...
Mme Gratton (Danielle) : Exactement.
Puis il y a d'autres organismes en déficience intellectuelle. On s'entend, il y
en a beaucoup. Mais, des fois, on doit discuter longtemps, même avec nos
partenaires, parce que ce n'est pas toujours facile de réconcilier le point de
vue des personnes qui veulent le bien de cette personne-là et, la personne, ce
qu'elle, elle décide qui est bon pour elle. Ça fait que, donc, oui, c'est...
Mais nous, c'est toujours la personne en premier et ses choix.
Mme
Charbonneau
:
Je me permets une dernière pour laisser de la place à ma collègue de
Westmount—Saint-Louis, puis Danielle, fais plus court, parce qu'on veut te
poser plein de questions.
Mme Gratton (Danielle) :
Oups! Excuse.
Mme
Charbonneau
:
Moi, je me permets de te le dire parce que je ne suis pas la présidente puis je
te connais personnellement.
Mme Gratton (Danielle) :
Oui. Puis tu sais que je parle longtemps.
Mme
Charbonneau
:
Est-ce que... Est-ce que, dans votre volonté d'avoir du temps, il y a, là,
aussi une volonté de faire peut-être un processus quelque peu différent pour
quelqu'un qui aurait une déficience ou un défi supplémentaire pour pouvoir
prendre des décisions. Donc, un projet qui pourrait s'amener en disant :
Bien, quelqu'un qui est reconnu avec une difficulté, puis on ne va pas dans la
santé mentale, là, je reste avec votre clientèle, aurait besoin peut-être de
plus de temps, une boîte à outils, ça, je l'ai compris, peut-être un comité qui
accompagne, mais est-ce qu'il y a, là, peut-être une proposition qui pourrait
être intéressante pour vous? Puis je ne t'en reparlerai pas après, donc,
j'attends, Mme la Présidente, votre mémoire avec impatience à la fin août.
Bonne journée...
Mme
Charbonneau
:
...besoin peut-être de plus de temps, une boîte à outils. Ça, je l'ai compris. Peut-être
un comité qui accompagne. Mais est-ce qu'il y a là peut-être une proposition
qui pourrait être intéressante pour vous?
Puis je ne reparlerai pas après. Donc,
j'attends, Mme la présidente, votre mémoire avec impatience à la fin août.
Bonne journée.
Mme Gratton (Danielle) : Oui,
on travaille là-dessus dès demain.
Je ne le sais pas, en fait. J'avoue que,
dans les réponses qu'on a eues, on n'a pas beaucoup abordé ça, puis on va devoir
le faire. Ça fait que je n'ose pas me prononcer, compte tenu que je n'ai pas eu
de feed-back de mes membres. Est-ce que oui, dans cet élargissement de la loi,
les personnes concernées par l'élargissement, entre autres... donc, on parle de
nos clientèles... est-ce qu'elles devraient, oui, avoir un temps plus grand
pour pouvoir mieux prendre le temps de décider et permettre aux équipes de
travailler avec elles? J'aurais tendance à dire oui, mais je vais me garder une
petite gêne, hein, Louise? On va attendre que nos autres membres répondent
d'ici quelques jours à notre consultation.
Mme Bourgeois (Louise) : ...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée de Mille-Îles. Je cède la parole à la députée de
Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, mesdames, Mme Gratton, Mme Bourgeois. Je vais avoir une question
pour vous, parce que nous savons tous que les personnes qui souffrent d'une
déficience intellectuelle, souvent, font face à des stéréotypes, des
préjudices. Alors, face à une demande de l'aide médicale à mourir, c'est clair,
les professionnels ou surtout, peut-être, un médecin auront... question de
comment déterminer si la personne ayant une déficience intellectuelle a
vraiment compris.
Et étant donné que nous n'avons pas des
mesures nécessairement claires, standardisées... on attend tous avec impatience
vos suggestions pour la boîte à outils... que devons-nous faire comme recommandations
en ce qui concerne peut-être la formation de nos médecins ou de nos professionnels
pour avoir cette détermination puis compréhension qui est vraiment claire et
bien comprise?
• (14 heures) •
Mme Gratton (Danielle) : Oh!
mon Dieu, on m'a dit de faire court, hein? Bien, vous êtes au coeur de tout. Je
pourrais vous entretenir de ça pendant deux heures, tu sais, parce que tout se
passe là. Depuis que je suis à la fédération, puis ça va faire 15, 16 ans, là,
que j'y suis, puis... Vous disiez d'emblée : Ces gens-là vivent des
préjugés. Écoutez, je suis rentrée... Il y a 15 ans, on parlait de préjugés,
puis quand je parle avec mes membres, on parle encore de préjugés après 15 ans.
Est-ce qu'on a avancé? Oui, mais j'ai encore des situations que moi, j'ai
vécues avec ma présidente, mon v.-p., un membre, où la personne me parle, puis
je lui dis : Non, non...
14 h (version non révisée)
Mme Gratton (Danielle) : …on
parle encore de préjugés, après 15 ans. Est-ce qu'on a avancé? Oui, mais
j'ai encore des situations que moi, j'ai vécues avec ma présidente, mon V.P.,
un membre où la personne me parle, puis je lui dis : Non, non, c'est parce
que c'est Louise, la présidente, puis elle s'en va, elle ne veut pas lui
parler. Alors… et j'en ai vu dans le système de santé, dans les services
sociaux, j'en vois encore.
Puis, oui, on le fait présentement dans…
Je vais vous dire que la… je vais essayer de faire ça court, là, pour vous dire
la meilleure façon de monter et de démontrer une boîte à outils… ou de faire
changer la chose. Je dis que la fédération, ces mouvements mais surtout ses
membres contaminent, et c'est ce qu'on veut. À partir du moment où les gens
rencontrent une des 750 personnes, ils comprennent qu'on est rendus
ailleurs, qu'on est rendus ailleurs. Puis ce n'est pas juste ici, au Québec,
c'est un mouvement qui se passe partout depuis l'adoption de la convention
relative aux personnes handicapées de l'ONU, la ratification par le Canada,
l'inclusion, c'est là qu'on s'en va. On va reconnaître finalement que ces
gens-là, Louise, est une citoyenne comme moi, au même titre que moi, avec les
mêmes droits que moi, c'est tout.
Et qu'est-ce que ça prend? Ça prend juste
des bons outils puis un peu d'équipement, là, puis il y a des façons. Si nous,
on y arrive, là, avec notre gang, à parler du projet de loi de l'aide médicale
à mourir, d'un projet de loi sur la fiscalité, bien, c'est parce qu'on est
capables de parler de beaucoup de choses…
Une voix
: …
Mme Gratton (Danielle) : Vous
êtes plus au courant de l'actualité que la moyenne de la population.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Merci, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis. Je
céderais maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à Mme Gratton et Mme Bourgeois. C'était enrichissant de
vous entendre, on entend trop peu souvent ce genre de discours. Puis je vous
suggérerais de continuer à nous sensibiliser puis à sensibiliser la population.
On va essayer de faire le meilleur relais possible de notre côté pour le
travail qu'on a à faire ici.
J'ai une question un peu technique, là,
puis je veux juste être sûr de comprendre votre point. Vous disiez tout à
l'heure que vous ne retenez pas, vous rejetez, dans votre appréciation, la
notion d'aptitude ou d'inaptitude…
M. Marissal : ...meilleur
relais possible de notre côté pour le travail qu'on a à faire ici.
J'ai une question un peu technique, là,
puis je veux juste être sûr de comprendre votre point. Vous disiez tout à
l'heure que vous... Vous ne retenez pas. Vous rejetez dans votre appréciation
la notion d'aptitude ou d'inaptitude. Ce n'est pas sous cette base-là que vous
prenez vos décisions ou votre évaluation. Je comprends le pourquoi du comment. Maintenant,
comment on réconcilie ça avec la loi qui est devant nous ou même, éventuellement,
celle qui sera devant nous, qui s'appuie sur un des piliers d'aptitude et
d'inaptitude? Où est-ce qu'on se rejoint là-dedans, là?
Mme Gratton (Danielle) :
Vous comprendrez que, moi, je ne peux pas aller du côté... Quand je parle avec
mes membres et même avec d'autres personnes, qu'on soit une D.I. ou d'autres problématiques,
ou d'autres grands défis, je ne peux pas partir d'emblée avec un jugement par
rapport à l'aptitude ou l'inaptitude. Pas plus que j'utilise, et je le fais le
moins souvent possible, comme beaucoup de gens, d'utiliser le mot vulnérable
et, etc. Et je vais vous donner un exemple.
J'ai eu une membre qui avait parlé avec le
Protecteur du citoyen à un moment donné par rapport à un autre dossier, puis
qui parlait justement d'apte et inapte, là. Et puis... Et c'était Maud Richard,
Louise, qui parlait avec le commissaire. C'est parce que Louise connaît bien
Maud, Maud Richard. Alors, Maud a fait... À un moment donné, le commissaire
était là, Laura puis Nat. Là, elle fait : Écoutez-moi bien. Moi, quand je
fais mes toasts le matin, là, je suis tout à fait apte. Ils ne sont pas plus
brûlés que les vôtres. Mais, oui, quand je fais mon budget, oups! j'ai des
défis particuliers. Oui, je... À ce moment-là je suis en situation
d'inaptitude.
Mais elle dit : Écoutez-moi bien, là,
je ne suis pas inapte de... Comment qu'elle lui avait dit ça? Je ne suis pas
inapte mur à mur. O.K.? Et voilà pourquoi je n'utilise pas ça. Est-ce que la
mentalité ou les... Est-ce qu'il y aura... Selon moi, il y aura des changements
de paradigme dans le futur par rapport à cette notion-là. Je le regarde avec le
curateur qui, maintenant, même avec... Puis Dieu sait que les personnes qui
sont sous curatelle publique, puis soit en tutelle, maintenant, il n'y a plus
de curatelle, ont des situations d'inaptitude. Et il va devoir maintenant tenir
compte de leurs intérêts et de leurs préférences.
Donc, on a fait reculer cette notion-là en
disant : Ce n'est pas parce qu'on est inapte au point même d'être pris en
charge par la curatelle publique qu'on ne peut pas dire ce qu'on a à dire. Je
sais que ce n'est pas évident de le réconcilier avec la loi...
Mme Gratton (Danielle) :
...donc, on a fait reculer cette notion-là en disant : Ce n'est pas parce
qu'on est inapte au point même d'être pris en charge par la curatelle publique
qu'on ne peut pas dire ce qu'on a à dire. Je sais que ce n'est pas évident de
le réconcilier avec la loi, là, parce que...
M. Marissal : Merci beaucoup.
C'est simple. Après vous avoir entendue, en tout cas, Mme Gratton, ça vient
d'allumer deux, trois lumières entre mes deux oreilles, là, parce que...
Mme Gratton (Danielle) :
Merci, M. mon député.
M. Marissal : Ah! bien, je
vous en prie...
Mme Gratton (Danielle) : La fédération
et moi habitons votre quartier.
M. Marissal : Oui, je sais, je
sais. Je crois qu'on a quelques liens à l'occasion aussi...
Mme Gratton (Danielle) : C'est
ça.
M. Marissal : ...en tout cas,
mes attachés davantage que moi. Je suis honoré, d'ailleurs, de vous représenter
et je vais tenter de le faire correctement ici, en prenant notre temps. Je
considère comme vous que ça ne s'écrit pas sur le coin d'une table...
Mme Gratton (Danielle) : Non.
M. Marissal : ...une pareille
pièce législative. Je vous remercie, Mme Bourgeois puis Mme Gratton, de vos
réponses et de votre temps.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député de Rosemont. Donc, c'est tout le temps que nous
avions. Merci beaucoup à Mme Bourgeois et Mme Gratton pour votre partage et vos
commentaires pertinents pour cet après-midi.
Donc, nous allons accueillir nos prochains
invités. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 14 h 7)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 5)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous reprenons les travaux de la commission sur l'évolution des soins de fin de vie, et nous
accueillons, pour ce bloc, la Fédération québécoise des sociétés d'Alzheimer
avec Mme Sylvie Grenier comme directrice générale et Mme Nouha Ben Gaied,
directrice, Recherche et développement, qualité des services. Bienvenue,
mesdames, merci d'être avec nous cet après-midi.
Donc, vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les membres de
la commission pour une période de 35 minutes. Donc, je vous cède la
parole.
Mme Grenier (Sylvie) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Mmes, MM. les députés, merci de nous avoir
conviées à participer aujourd'hui aux travaux de la commission spéciale sur les
soins de fin de vie, et on espère ainsi alimenter vos réflexions sur
l'élargissement de l'aide médicale à mourir.
Mme la Présidente, vous nous avez
présentées, moi et ma collègue. Maintenant, je vous présente un petit peu la
Fédération québécoise des sociétés Alzheimer. Nous sommes un organisme à but
non lucratif, et on est le porte-parole de 20 sociétés Alzheimer qui,
elles, agissent partout à travers le Québec, et elles offrent des programmes et
des services aux personnes atteintes de troubles neurocognitifs de type de
maladie d'Alzheimer, ainsi qu'à leurs proches aidants. Notre fédération oeuvre
depuis maintenant plus de 35 ans à sensibiliser les différents publics au
défi de vivre avec une maladie cognitive…
Mme Grenier (Sylvie) : ...elles
agissent partout à travers le Québec et elles offrent des programmes et des
services aux personnes atteintes de troubles neurocognitifs, de types de
maladie d'Alzheimer ainsi que leurs proches aidants.
Notre fédération oeuvre depuis maintenant
plus de 35 ans à sensibiliser les différents publics aux défis de vivre avec
une maladie cognitive, à la stigmatisation encore très présente autour de ces
maladies et au soutien nécessaire, bien sûr, pour les personnes impactées. On
travaille aussi à la promotion, bien sûr, de la recherche biomédicale et
psychosociale. Notre fédération soutient ainsi les personnes atteintes et leurs
proches aidants en offrant de l'information, des consultations avec suivi, des
groupes de soutien, des répits-stimulation et, entre autres aussi, de la
formation.
Grâce à des partenariats que... et un
travail de collaboration avec les professionnels du réseau de la santé, nos
sociétés sont en mesure d'accompagner partout à travers le Québec, dès le
diagnostic, les personnes atteintes et leurs proches aidants, tout au long du
parcours... de leur parcours à travers cette maladie. Selon... Notre approche,
elle est centrée sur la personne. Donc, c'est la personne qu'on met au centre
de nos interventions parce qu'on reconnaît que la personne atteinte demeure une
personne à part entière en dépit de la maladie et qu'à ce titre elle a droit à
la dignité et au respect de ses valeurs et de ses choix. Donc, c'est tout à
fait dans le ton, si on veut, de l'aide médicale à mourir. Pour nous, c'est
important de toujours se souvenir de ça.
Suite à l'adoption de la loi n° 52, on a suivi de très près l'ensemble de l'évolution
des dossiers. Et en 2016, suite à un fonds qui a été octroyé à la Dre Gina
Bravo de l'Université de Sherbrooke, les sociétés... à travers le programme
canadien de recherche pour les sociétés Alzheimer, la fédération et 12 de nos
sociétés, on a accompagné la Dre Bravo et on a participé activement au
recrutement pour des personnes atteintes et des proches aidants dans le but de
connaître leur opinion par rapport à l'élargissement de l'aide médicale à
mourir aux personnes atteintes de troubles neuro-cognitifs et aussi des
critères pour cette implantation. Les résultats de la première étape de l'étude
avaient d'ailleurs été présentés lors d'une conférence de presse, en 2016
toujours, en compagnie de la chercheure principale et de Me Pierre Ménard,
du cabinet d'avocats Ménard, Martin. Donc, c'était déjà il y a cinq ans.
Notre position a toujours été claire au
niveau de la fédération et de nos membres, qu'on estime que les personnes
atteintes d'un trouble neuro-cognitif disposent des mêmes droits que toutes les
autres... tous les autres Québécois, y compris de se forger leur propre opinion
et de participer aux décisions concernant leur vie et précisément leurs soins
de fin de vie. On les encourage, ces personnes, à planifier leur avenir dès
l'annonce d'un diagnostic, de discuter avec leur médecin des différentes
options thérapeutiques et de prendre activement part à toues les décisions qui
les concernent tant et aussi longtemps qu'ils le peuvent et qu'ils le
souhaitent. Nous avons eu aussi l'occasion de...
Mme Grenier (Sylvie) : …ces
personnes atteintes à planifier leur avenir dès l'annonce d'un diagnostic, de
discuter avec leur médecin des différentes options thérapeutiques et de prendre
activement part à toutes les décisions qui les concernent tant et aussi
longtemps qu'elles le peuvent qu'elles le souhaitent.
Nous avons aussi eu l'occasion de
participer au Forum national sur l'évolution de la Loi concernant les soins en
fin de vie et de faire valoir les points de vue des personnes atteintes, la
réalité de vivre avec la maladie d'Alzheimer et de mettre en garde contre
certaines dérives qui pourraient avoir lieu de par la grande… vulnérabilité, je
vais finir par le dire, vulnérabilité de la clientèle qui est visée, vous me
comprendrez. Il y a, certes, un large consensus autour de l'élargissement de
l'aide médicale à mourir, mais pour ce qui est des personnes inaptes, ça
devient aussi très complexe, tant pour la personne que pour les proches aussi.
• (15 h 10) •
On a eu nous-mêmes l'occasion de le
constater à travers nos réseaux sociaux à plusieurs reprises… des craintes qui
subsistent par rapport au coma, et c'est pour ça qu'il nous apparaît important
de prendre part aujourd'hui, encore une fois, au débat sur la… et de les représenter
à travers la commission.
La Fédération québécoise des sociétés
Alzheimer défend totalement le droit à l'autodétermination des personnes, de
même que la nécessité pour ces personnes atteintes de troubles neurocognitifs
majeurs de pouvoir bénéficier des mêmes droits civils et juridiques que tous
les Canadiens. Cette volonté a clairement été exprimée par les personnes
atteintes elles-mêmes dans le cadre de la Charte canadienne des droits des
personnes atteintes de maladies neurodégénératives.
C'est dans ce contexte que nous
accueillons favorablement l'ouverture du débat de l'aide médicale à mourir aux
personnes inaptes, mais nous prenons… nous pensons que l'aide médicale à mourir
pour les personnes inaptes doit être encadrée et respecter plusieurs balises
claires. Il ne faudrait surtout pas que l'aide médicale à mourir anticipée soit
la réponse facile à notre manquement en tant que société à prendre soin de nos
aînés atteints de troubles neurocognitifs. Il ne faudrait pas que face à la
détresse de ces personnes proches aidantes et aux prises avec la maladie ou
encore le manque de ressources en maintien à domicile et en l'absence de soins
palliatifs adaptés qu'une personne décide de manière précoce d'avoir recours à
l'aide médicale à mourir.
C'est l'essence, je vous dirais… je vous
en ai fait une lecture, c'est ma première participation à une commission, donc,
mais… Et, pour nous, les balises doivent être claires, on est prêts à en
discuter, on entend nos gens, on entend nos familles, on sent qu'il y a une
volonté à aller vers ça, mais les étapes restent grandes à discuter avant d'y
arriver, pour nous.
Si vous me permettez, je passerais
maintenant la parole à ma collègue Nouha pour la suite de la présentation.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Merci,
Mme Grenier, merci, Mme la Présidente, messieurs les députés…
Mme Grenier (Sylvie) :
...mais les étapes restent grandes à discuter avant d'y arriver, pour nous. Si
vous me permettez, je passerai maintenant la parole à ma collègue Nouha pour la
suite de la présentation.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Merci, Mme Grenier. Merci, Mme la Présidente et MM. les députés. Dépendamment
du temps qu'il me serait accordé, on voudrait également revenir sur plusieurs recommandations
qui avaient été exprimées par, justement, par le rapport d'experts. Et il y a
plusieurs recommandations sur lesquelles, en fait, on aimerait apporter un
éclaircissement ou, du moins, apporter plusieurs de nos préoccupations, ici,
devant la commission, notamment par rapport à la recommandation 1. Il nous
paraît important que le diagnostic de la maladie d'Alzheimer soit posé, que le
diagnostic soit d'une maladie incurable et irréversible, qu'elle ait été discutée
avec la famille parce que, malheureusement, encore 50 % des personnes qui
reçoivent un diagnostic le reçoivent à un stade modéré à avancé de la maladie,
ce qui porte notamment préjudice à la personne elle-même puisqu'elle ne peut
plus prendre part aux décisions qui lui incombent de manière pleine.
Notamment, également par rapport à la
recommandation 2, est-ce qu'on va vers une demande d'aide médicale à
mourir anticipée ou vers une directive? Là, il nous paraît également important
dans, justement, dans le respect de l'autodétermination de la personne que ce
soit une directive et non pas une demande. Celle-ci pourrait notamment être
incluse dans les directives médicales anticipées comme une proposition
complémentaire ou supplémentaire que la personne aurait à demander au-delà des
cinq choix choix qui lui sont proposés dans les directives médicales
anticipées.
Également toute la discussion par rapport
à la personne tierce qui viendrait finalement enclencher le processus de l'aide
médicale à mourir? Là, encore, des balises et une définition claire et précise
de la personne tierce serait importante. Le rôle de cette autorité externe
impartiale. Souvent, c'est justement le Curateur public qui a été désigné comme
cette autorité, mais il nous paraît important que le Curateur public garde son
rôle administrateur et médiateur, et non pas de finalement de s'immiscer dans
des décisions personnelles.
L'évaluation également des souffrances des
personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer peut être... peut être évaluée et
également peut être définie avec des échelles validées par le corps médical. Et, je pense, c'est important également de se référer à ces
échelles-là. Et enfin, bien, on parle notamment du rôle d'un deuxième médecin,
le rôle de l'équipe, de l'équipe soignante multidisciplinaire. Il nous apparaît
également important que l'équipe multidisciplinaire soit composée minimalement
d'un médecin, d'un pharmacien, d'une infirmière, d'un travailleur social et
d'un proche.
Et enfin, encore une fois...
Mme Ben Gaied (Nouha) :
...le rôle de l'équipe, de l'équipe soignante multidisciplinaire. Il nous
apparaît également important que l'équipe multidisciplinaire soit composée
minimalement d'un médecin, d'un pharmacien, d'une infirmière, d'un travailleur
social et d'un proche.
Et enfin, encore une fois, comme l'a très
bien dit Mme Grenier, c'est le qui, et le comment et le quand qui sont
très importants dans les balises qui vont être... qui vont être déterminées
pour l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour les personnes inaptes, particulièrement
celles qui sont... qui vivent avec la maladie d'Alzheimer. Merci à vous.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci, mesdames. Donc, nous commençons maintenant
la période d'échange avec le député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux, mesdames. Toujours intéressant,
là, de vous entendre, surtout quand on parle aussi quand même des maladies
cognitives. Je pense qu'il y a quand même... Je pense que le mandat de la commission,
tout ça, porte aussi beaucoup à ce niveau-là. Est-ce que vous avec entendu le
témoignage ou quand Mme Sandra Demontigny a paru à la commission puis ce
qu'elle mentionnait? Parce que vous dites la personne... Vous êtes centrés beaucoup
sur la personne. Il y a toute la question du qui, du quoi et du comment. Vous
parlez de balises aussi. J'aimerais ça savoir un peu qu'est-ce que vous
proposez aussi comme balises, mais savoir aussi ce que vous pensez parce
qu'elle, elle a mentionné, puis on parle de la personne, donc, ça a l'air à
être... c'est très important, partir quand ça va être encore beau. Donc,
j'aimerais savoir un peu... que vous élaborez un petit peu plus là-dessus puis
qu'est-ce que seraient les balises pour la personne. J'aimerais ça vous
entendre là-dessus un petit peu plus.
Mme Grenier (Sylvie) :
Nouha, je te vois faire signe de la tête, oui.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Merci, M. Girard. Effectivement, oui, on a suivi plusieurs des échanges
que vous avez eus lors de la commission. Et notamment, bien, le témoignage de
Mme Demontigny. Il faut juste se rappeler pourquoi est-ce que les
personnes voudraient avoir accès à l'aide médicale à mourir. C'est soit parce
que, justement, il y a un historique familial. C'est un père, une mère qui en
était atteinte. C'est aussi la peur de la perte de dignité et d'autonomie.
C'est aussi de ne pas être un fardeau pour ses proches. C'est de vouloir vivre
une vie significative et digne jusqu'au bout et que la personne elle-même... ou
encore que la personne elle-même a été proche aidant d'une personne atteinte.
Et donc on se projette face, finalement, à
un inconnu. La maladie d'Alzheimer est une maladie, oui, universelle, mais elle se vit de manière très personnelle. Et chaque
personne va évaluer de manière très significative face à la maladie.
Effectivement, Mme Demontigny a également été porte-parole d'une de nos
campagnes de sensibilisation à la fédération. Et donc on est très
sensibilisés...
Mme Ben Gaied (Nouha) :
...mais elle se vit de manière très personnelle. Et chaque personne va évaluer
de manière très significative face à la maladie. Effectivement,
Mme Demontigny a également été porte-parole d'une de nos campagnes de
sensibilisation à la fédération. Et donc on est très sensibilisés à son... à
son témoignage, mais encore une fois il ne faudrait pas se projeter dans un
avenir inconnu parce qu'encore une fois ce que l'on voudrait maintenant dépend
beaucoup, en fait, de notre conception ou de notre connaissance de la maladie
en fonction, bien, finalement, de différents facteurs qui influencent notre
vie, nos choix, mais qui, dans le futur, pourraient ne pas se réaliser et donc,
effectivement, que l'aide médicale à mourir soit formulée de manière anticipée
pendant que la personne est encore apte et qu'elle puisse être ou non mise en
application lorsque le moment est venu nous paraît important pour, justement,
respecter les choix de la personne lorsqu'elle pouvait les exprimer.
Vous avez parlé justement des balises
claires. Il y a notamment les... La maladie d'Alzheimer ou les troubles
neuro-cognitifs évoluent selon sept stades. Les échelles... L'échelle de
Reisberg définit clairement les pertes à chaque stade. Et c'est à ce moment-là,
en fait, qu'il nous apparaît, par exemple, que l'aide médicale à mourir
anticipée ne devrait pas être demandée, notamment, avant le stade 6. C'est
à ce moment-là qu'il y a notamment des pertes de mémoire qui sont présentes
dans la durée. C'est également des difficultés de langage, donc des problèmes
de communication. De plus en plus c'est des problèmes de comportement, des
difficultés à s'alimenter, des difficultés à prendre soin de soi, des
difficultés également à s'hydrater. Il y a des infections également qui
apparaissent, des problèmes d'incontinence. Et donc c'est vraiment à des stades
où l'autonomie et la dignité de la personne sont affectées qui, là, nous
paraissent important de respecter.
• (15 h 20) •
Il y a également une autre échelle, les
profils ISO-SMAF où, là encore, on évalue l'autonomie de la personne par
rapport aux tâches de la vie quotidienne. Et encore une fois c'est des outils
qui sont à la disposition du corps soignant, et qu'il faut utiliser. Il y a
également des échelles pour évaluer la souffrance. Même si la personne n'est
pas en mesure d'exprimer verbalement ce qu'elle ressent en termes de souffrance
physique ou émotionnelle, mais elle peut quand même s'exprimer par des cris,
par des pleurs, par plus d'agressivité, plus de colère. Et surtout, lorsque
c'est sur la durée, où, là, effectivement, il y a une souffrance psychologique
de la personne.
Donc, vous voyez,
il y a quand même des... des échelles ou des données qui nous permettent de
dire quand est-ce que la personne est souffrante, quand est-ce qu'il est...
quand est-ce que le moment est approprié pour, justement, que l'aide médicale à
mourir soit donné. Parce qu'on ne voudrait pas non plus que les personnes
partent trop tard... trop tôt, pardon...
Mme Ben Gaied (Nouha) :
...il y a quand même des... des échelles ou des données qui nous permettent de
dire quand est-ce que la personne est souffrante, quand est-ce qu'il est...
quand est-ce que le moment est approprié pour, justement, que l'aide médicale à
mourir soit donnée. Parce qu'on ne voudrait pas non plus que les personnes
partent trop tard... trop tôt, pardon, alors qu'elles auraient encore eu de
belles années à vivre. On peut quand même vivre avec la maladie d'Alzheimer.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Je vous interromps un petit peu parce que je sais que mes collègues aussi
veulent intervenir. Donc, vous, là, vous dites, pas avant le stade 6.
Donc, là, vous mettez déjà une balise. Vous dites, pas avant le stade 6. O.K.
Et est-ce qu'une directive ou une décision pourrait être renversée aussi?
Exemple, là, ça va plus vite qu'on pense puis on n'est pas en mesure de
vraiment établir, là, le critère de la souffrance. On pourrait avoir aussi des
possibilités de renverser certaines décisions, bien, que ça soit pour devancer
ou retarder? Puis quel serait le rôle aussi des proches aidants dans…Qu'est-ce
que vous… Parce qu'ils jouent un grand rôle. Et ça va être tout, Mme la
Présidente, pour mes questions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Alors,
oui, effectivement, on ne voudrait pas encore une fois que les personnes
partent plus tôt que prévu, parce que tout dépend vraiment de l'encadrement des
soins, du soutien qu'elles vont recevoir durant leur parcours avec la maladie
d'Alzheimer.
Dans le cadre du stade six, je veux
dire, le déclin est prononcé, le déclin est également sur la durée, les pertes
de mémoire sont soutenues. Il y a un besoin d'aide pour accomplir les activités
de la vie quotidienne, comme s'habiller se laver. Il y a des difficultés avec
les notions abstraites, donc tout ce qui est le calcul, la tenue d'un budget.
Il y a une modification également de la personnalité, des émotions, à savoir,
également, de la confusion, de l'anxiété. Il y a également des problèmes
obsessionnels où, encore, la personne va avoir à répéter une activité toute simple
pendant un certain nombre de… sur une période de temps. Il y a une perturbation
du sommeil. Donc, vous voyez, à partir du stade six, l'autonomie et la
dignité de la personne sont affectées dans les troubles neurocognitifs, alors
qu'avant, bien, la personne peut encore demeurer fonctionnelle.
Pour ce qui est par contre du rôle des
proches aidants, et puis ça, ça rejoint un petit peu la question par rapport à
la tierce personne, bien, personne ne peut finalement prendre cette décision.
On le voit déjà dans les soins palliatifs où c'est une décision qui est quand
même très lourde de conséquences pour la famille. Il y a un côté émotif qui est
très important. Certaines familles vont vouloir se reposer sur l'expertise de
l'équipe soignante, justement, pour prendre les bonnes décisions. Et donc, si
la tierce personne fait partie d'un membre de la famille, à ce moment-là, il
faudra également considérer un soutien psychologique pour accompagner cette
personne dans son deuil. Mais, ce qui est clair, c'est qu'une définition,
justement, de cette tierce personne, de qui enclenche le processus et quand,
bien, nous paraît vraiment très importante dans le processus…
Mme Ben Gaied (Nouha) : …c'est
un membre de la famille, à ce moment-là il faudra également considérer un
soutien psychologique pour accompagner cette personne dans son deuil. Mais ce
qui est clair, c'est qu'une définition, justement, de cette tierce personne, de
qui enclenche le processus et quand, nous paraît vraiment très importante dans
le processus.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. le député. Donc, je céderais la parole maintenant à la députée
de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour,
mesdames. Je vais rebondir sur… où mon collègue... En fait, j'aimerais
savoir : Que feriez-vous dans le cas où une personne n'aurait pas de
proche autour d'elle?
Mme Grenier (Sylvie) : Je vais
y aller. Si une personne n'a pas de proche, bien, encore là, ça soulève beaucoup
de questions. D'abord, est-ce qu'elle a en fait des directives médicales… des
directives médicales anticipées? C'est une chose. Et est-ce qu'elle pourrait
avoir… Bon. Si elle n'a pas de proche, probablement qu'il y aura un curateur
public qui sera aussi en charge de la personne. Donc, comment… Et là, c'est
encore… Encore là, qui prendra la décision aussi? C'est certain que, quand on
est en début de la maladie, et vous avez un diagnostic, on ne vient pas inapte du
jour au lendemain, hein, ça ne se passe pas dans la nuit, là, le diagnostic ne
fait pas en sorte qu'on n'existe plus ou qu'on n'est plus là, comme on entend
souvent quand on parle de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Donc,
qui prendra en charge et, à ce moment-là, qui prendra les décisions? Ça va
appartenir finalement à un curateur, probablement. Et quand, aussi? Une
personne apte, même si on a eu un diagnostic et qu'on est encore apte, on peut toujours
faire notre demande d'aide médicale à mourir à travers… si on préfère, à
travers les directives médicales anticipées, faire aussi une demande d'aide
médicale à mourir anticipée. Mais, tant qu'on est apte, on peut faire cette
demande-là. Qui voudra l'administrer? Ça, c'est une autre question aussi. Donc,
ça fait aussi partie…
Pour le reste, il faudra que ça soit bien
indiqué dans la loi qui entoure l'aide médicale à mourir pour les personnes
inaptes.
Mme Picard : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je cède la parole à Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, mesdames. Lorsqu'on parle de démence heureuse, il y a... une cliente
souffrant de démence heureuse, est-ce qu'elle peut être brimée pour sa demande
d'aide médicale à mourir? Parce qu'elle est… tout va bien pour elle, là. Est-ce
qu'elle peut être brimée?
Mme Grenier (Sylvie) : Est-ce qu'elle
peut être brimée? Bien, j'ose croire que non. Qu'est-ce que c'est qu'une
démence heureuse aussi, quelle définition ça a? Est-ce que c'est pour la
personne, ou si c'est pour les proches autour? De qui on parle à ce moment-là?
C'est difficile d'y répondre. Et il n'y a pas deux maladies d'Alzheimer
pareilles, hein, chaque personne atteinte de la maladie d'Alzheimer va avoir un
parcours différent à travers la maladie, et c'est aussi l'entourage qui peut
faire une différence dans ça. Donc, mieux on est entouré, plus les gens sont
formés et/ou encore soutenus pour nous accompagner. Ça va faire en sorte que la
maladie aura toujours un impact certain, mais…
Mme Grenier (Sylvie) :
...chaque personne atteinte de la maladie d'Alzheimer va avoir un parcours
différent à travers la maladie. Et c'est aussi l'entourage qui peut faire une
différence dans ça. Donc, mieux on est entouré, plus les gens sont formés et/ou
encore soutenus pour nous accompagner, ça va faire en sorte que la maladie aura
toujours un impact certain, mais qu'elle sera peut-être moins difficile dans
l'accompagnement.
J'aime mieux parler d'accompagnement que
de parler de maladie d'Alzheimer heureuse. Bon, ça dépend pour qui on parle à
travers de ça, mais il ne devrait surtout pas y avoir d'impact négatif à cet
égard-là. Donc... Et encore là, c'est dans le qui pourra faire la demande. Si
cette personne-là est heureuse, bon, elle n'a pas de problème, on est... Est-ce
qu'elle est à la maison, est-ce qu'elle est en hébergement privé, public? Ça
fait aussi une différence. Qui s'en occupe, de cette personne-là aussi?
Donc, vous savez, je pense que la maladie
d'Alzheimer peut être certainement extrêmement difficile, puis je me suis
employée depuis 20 ans à accompagner des gens à travers cette maladie-là,
mais on a la preuve aussi qu'une maladie d'Alzheimer heureuse, c'est parce
qu'il y a des gens aussi autour qui sont en mesure d'accompagner et de prendre
des décisions que j'ai envie de qualifier d'heureuses aussi ou de pertinentes
pour cette personne-là, donc, et qu'on ne doit arriver à l'aide médicale à
mourir qu'en dernier recours, comme on le ferait pour toute autre maladie en
fait. Et c'est... Et c'est ça qui nous inquiète, nous.
Une voix
: Merci,
madame.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Moi, je... On parle de
troubles cognitifs. On parle beaucoup, là, dans cette section-là de maladie
d'Alzheimer. C'est facile... C'est plus facile avec les stades, 1, 2, 3, 4, 5,
6, 7, mais lorsqu'on arrive dans un trouble cognitif autre que l'Alzheimer,
quels seraient les signes qui pourraient nous guider? Parce que ce n'est pas si
coupé au couteau que ça, là, pour les autres types de troubles cognitifs.
Mme Grenier (Sylvie) :
Nouha.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Oui. Merci, Mme la Présidente, pour cette question. Effectivement, les troubles
neuro-cognitifs, on parle beaucoup la maladie d'Alzheimer parce que ça
représente plus de 60 % à 80 % des cas diagnostiqués. Les symptômes
des troubles neuro-cognitifs majeurs sont très similaires d'un trouble à
l'autre. Donc, si on parle de dégénérescence fronto temporale, par exemple, ça
va plus toucher le langage, le comportement. Si on parle de la maladie à corps
de Lewy, ça va être en fait un mélange entre la maladie d'Alzheimer et la
maladie de Parkingson, avec notamment aussi, en plus, donc, des hallucinations,
des idées délirantes. Si on parle de maladie vasculaire, la même chose, on
pourra avoir des symptômes qui sont bien spécifiques.
• (15 h 30) •
Donc, chaque... Même si, en fait, les
symptômes sont très similaires d'une maladie à l'autre, beaucoup se rejoignent.
Et malheureusement, dans les stades avancés de la maladie, et ça, quel que soit
le trouble neuro-cognitif, il va y avoir une perte d'autonomie, il va y avoir
une perte des capacités de la personne à exécuter...
15 h 30 (version non révisée)
Mme Ben Gaied (Nouha) : ...en fait, les symptômes sont très
similaires d'une maladie à l'autre, beaucoup se rejoignent. Et malheureusement,
dans les stades avancés de la maladie, et ça, quel que soit le trouble
neurocognitif, il va ya avoir une perte d'autonomie, il va y avoir une perte
des capacités de la personne à exécuter des tâches de la vie courante, et c'est
juste, finalement, quand est-ce que le symptôme va apparaître. Dans le cas de
la maladie, par exemple, frontotemporale, bien, ça va plus être une maladie qui
va affecter le langage. Dans la maladie d'Alzheimer, ce problème-là va arriver
plus tard. Dans le cas, par exemple, de la maladie à corps de Lewy, les
hallucinations vont apparaître dès les premiers symptômes. On va plus les voir,
dans la maladie d'Alzheimer, dans les stades avancés. Donc, il faut vraiment y
aller par, comment dire, une panoplie de symptômes, et surtout comment est-ce
que ça impacte la personne dans sa dignité, dans sa capacité à faire des
choses.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je cèderais maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup, Mme Grenier, Mme Ben Gaied, pour votre présentation
aujourd'hui et ainsi que pour le travail à travers le Québec en accompagnant
les gens atteints, les familles et en revendiquant pour eux aussi.
Quand on parle de la demande anticipée...
et je comprends que vous êtes parmi plusieurs qui comprennent et constatent
qu'il faut qu'un diagnostic soit présent, alors je prends ça pour acquis. Une
fois que ce diagnostic est présent, si je vous ai entendues, l'écart entre
l'aptitude et l'inaptitude peut être assez court. Est-ce que vous avez des
données pour nous aider à comprendre l'étendue de cette problématique-là, c'est-à-dire
est-ce qu'on parle d'une fenêtre qui est assez restreinte pour un bon pourcentage
des gens atteints d'un diagnostic qui n'auraient pas beaucoup de temps pour
évaluer leur propre voeu, leur propre situation? Est-ce que c'est un bon pourcentage
des gens qui se procurent un diagnostic qui n'ont pas grand temps avant que les
stages commencent à se manifester, et de façon assez vite?
Mme Grenier (Sylvie) : Je vais
commencer par un début de réponse. Ce n'est pas moi, la scientifique de
l'équipe, c'est Nouah, mais je vous dirais que nous, ce qui est clair, c'est...
et vous avez tout à fait raison que ça dépend des individus, qu'après un diagnostic
ça aille plus vite pour une personne que pour une autre, mais c'est souvent
quand est-ce que le diagnostic est posé. Et tout est là, pour nous. À partir du
moment où on a un diagnostic précoce, où, dès les premiers symptômes, les
signes précurseurs, on consulte et qu'on… parce que ça se peut qu'on ne soit
pas capable de déterminer que c'est la maladie d'Alzheimer, ça prend plusieurs
tests...
Mme Grenier (Sylvie) : …pour
une autre. Mais c'est souvent quand est-ce que le diagnostic est posé. Et tout
est là, pour nous. À partir du moment où on a un diagnostic précoce, où, dès
les premiers symptômes, les signes précurseurs, on consulte et qu'on… parce que
ça se peut qu'on ne soit pas capable de déterminer que c'est la maladie
d'Alzheimer, ça prend plusieurs tests, et même, en fait, le test ultime, qui,
lui, détermine si c'est ça ou pas, n'est pas accessible à tous, non plus. Mais
ça va faire toute la différence, aussi, dans la qualité d'accompagnement et la
qualité de vie avec la maladie d'Alzheimer à ce niveau-là. Un diagnostic
précoce permet, parce qu'on le sait maintenant, de faire de la prévention, de
travailler à faire en sorte de… de faire de la stimulation pour faire en sorte
que les individus puissent préserver le plus longtemps possible leur qualité…
leurs capacités et leur qualité de vie. Donc, déjà, ça, c'est une chose.
C'est certain que si, après trois ans
qu'on a vu des symptômes et que ça s'est aggravé, puis que, là, on demande au
médecin de poser un diagnostic, il va peut-être y avoir un diagnostic, mais vous
comprendrez que les chances de pouvoir travailler sur la stimulation et de voir
apparaître les autres signes plus tard sont plus minces. Donc, à ce moment-là,
le parcours entre le moment du diagnostic et les signes qui font en sorte que
la maladie prend de plus en plus de place chez l'individu vont être plus
rapides. Donc, ça, c'est d'abord une première étape, donc un diagnostic précoce
prévient en fait tout ce bout de parcours là.
Pour ce qui… là-dessus, je vais te
laisser, Nouha, aller avec le comment on peut le… qu'est-ce qu'on peut faire à
ce moment-là.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Merci,
Sylvie, merci, M. Birnbaum. Malheureusement, actuellement, 50 % des
personnes qui reçoivent un diagnostic de maladie d'Alzheimer sont à un stade
modéré à avancé et donc, bien, forcément, la fenêtre d'aptitude est très
restreinte. C'est pour ça qu'effectivement, un diagnostic précoce, notamment
avec le Plan Alzheimer Québec, doit être mis de l'avant. Il ne faudrait pas,
effectivement, que les gens, parce qu'ils ont reçu un diagnostic tardif, ne
puissent pas faire ce choix-là de manière éclairée. Et donc, bien, encore une
fois, là, on vient réduire leurs capacités et leur capacité
d'autodétermination. Là, on vient les discriminer, encore une fois, par rapport
aux autres Québécois qui pourraient avoir accès à l'aide médicale à mourir.
Actuellement, il y a eu — et je
pense que vous l'avez certainement vu dans les médias — il y a eu
déjà une personne, ici, au Québec, qui a eu recours à l'aide médicale à mourir
alors qu'elle était atteinte de dégénérescence fronto-temporale. Donc, l'aide
médicale à mourir, actuellement, permet aux personnes d'avoir recours à l'aide
médicale à mourir, mais on parle, là, vraiment, des personnes qui deviendraient
inaptes. Et effectivement, les délais peuvent être très réduits si le
diagnostic est donné de manière tardive puisque l'inaptitude va être déclarée
très rapidement, à ce moment-là.
M. Birnbaum : Oui. Je vous
écoute et je trouve ça très significatif. Parce que, comme dans plusieurs des
situations, des enjeux devant nous, sur le plan réel, on va…
Mme Ben Gaied (Nouha) :
...manière tardive puisque l'inaptitude va être déclarée très rapidement, à ce
moment-là.
M. Birnbaum : Oui, je vous
écoute et je trouve ça très significatif parce que, comme dans plusieurs des situations,
des enjeux devant nous, sur le plan réel, on va essayer de recommander les
balises les plus responsables et compatissantes que possible. Mais vous êtes en
train de nous dire qu'il risque d'y avoir un grand pourcentage ou un
pourcentage important, si j'ai bien compris, du monde qui va être atteint des
symptômes, qui va peut-être être en attente diagnostic, donc peut-être, et je
pense aux régions, la disponibilité dans les petits villages, des familles avec
moins de ressources autour d'eux, l'opportunité de se prévaloir, dans une
période d'aptitude, de ce choix-là, risque de ne pas être disponible pour
plusieurs. Est-ce que je comprends bien?
Mme Ben Gaied (Nouha) : En
fait, vous avez tout à fait raison dans le sens qu'il n'y a pas juste, en fait,
la disponibilité des ressources pour avoir recours à un diagnostic, il y a
aussi tous les stigmas, tous les préjugés qui entourent la maladie et qui
empêchent les gens d'aller chercher un diagnostic. Donc, une campagne de
sensibilisation pour faire valoir l'importance du diagnostic précoce et aussi
de faire valoir la possibilité de vivre encore avec la maladie d'Alzheimer et
d'avoir une certaine qualité de vie pour pouvoir justement faire des choix
aussi importants que d'avoir recours à l'aide médicale à mourir de manière
anticipée ou actuellement, voire même de rédiger les directives médicales
anticipées.
Donc, il y a quand même un certain
bénéfice à aller chercher un diagnostic, sauf que malheureusement on en a peur,
on a peur de la maladie elle-même, on est parfois aussi dans le déni, on ne
veut pas voir qu'effectivement on est dans des pertes cognitives, qu'on n'est
plus en mesure de faire certaines choses de la vie courante, que ça nous
affecte. Les gens, au début, sont bien conscients de leurs pertes et de leur
perte d'autonomie, mais c'est cette peur qui malheureusement les empêche
d'aller vers un diagnostic. On ne va pas parler des problèmes structurels, là, mais
déjà la stigmatisation qui entoure la maladie empêche les gens d'aller chercher
un diagnostic.
Et puis après, bien, se rajoutent à cela
aussi les délais pour recevoir un diagnostic. Généralement, un diagnostic se
pose en 18 mois. Donc, malheureusement, entre-temps, la personne a
continué à décliner. Donc, le moment où finalement la personne prend cette
décision d'aller voir son médecin, d'en discuter, et le moment où elle va
recevoir le diagnostic, on a déjà passé probablement une bonne année. Et donc,
bien, finalement, là, on réduit de plus en plus la fenêtre dans laquelle elle
va pouvoir actuellement prendre certaines décisions comme l'aide médicale à
mourir anticipée.
M. Birnbaum : Oui. Compris,
donc, toute l'importance de vos campagnes de sensibilisation, la formation des
intervenants...
Mme Ben Gaied (Nouha) :
...une bonne année. Et donc, bien, finalement, là, on réduit de plus en plus la
fenêtre dans laquelle elle va pouvoir actuellement prendre certaines décisions,
comme l'aide médicale à mourir anticipée.
M. Birnbaum : Oui.
Compris. Donc toute l'importance de vos campagnes de sensibilisation, la
formation des intervenants, et intervenantes, et tout, qui va au-delà de notre
mandat, mais ça touche primordialement aux questions devant nous, aussi. Une
fois qu'une demande soit déposée en bonne et due forme, il y a, comme vous avez
noté, le suivi et le déclenchement au moment voulu et approprié de cette
demande-là. Vous avez parlé, si j'ai bien compris, de votre constat que les
personnes tierces ont le rôle essentiel à jouer, et vous ne jugez pas à propos
que la personne clé soit le curateur. Est-ce que j'ai bien compris? Et si oui,
dans les cas, et il y aurait plusieurs, où il n'y a pas de toute évidence un
proche présent, comment faire?
• (15 h 40) •
Mme Grenier (Sylvie) :
Bien, je croirais que, dans le cas où c'est le Curateur public, c'est pour ça
que Nouha y a fait allusion tout à l'heure, elle l'a nommé, ça doit aussi...
C'est une décision qui doit se prendre avec l'équipe soignante. Ce n'est pas
une personne qui décide que c'est maintenant que ça devrait se terminer, pour
toutes les raisons qu'on peut imaginer, mais qu'il y a une équipe soignante
autour qui, elle, va aussi faire l'évaluation aussi de la qualité de vie de la
personne et de tout ce qui a trait au fait de pouvoir appliquer l'aide médicale
à mourir à ces personnes-là.
Donc, le Curateur public peut, comme n'importe
quel individu, peut poser n'importe quel diagnostic, peut poser n'importe quel
constat, mais pour nous l'équipe soignante a un rôle important à cet égard-là.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Et si je peux également rajouter un point par rapport, justement, à la personne
tierce, effectivement, ça a été pour nous un sujet de réflexion très important
à savoir, bien, qu'est-ce qu'on fait lorsque les personnes sont seules,
qu'elles sont isolées. Puis c'est malheureusement aussi une réalité dans notre société,
où, de moins en moins, les, je veux dire, les bulles familiales sont beaucoup
plus éclatées. Mais ce qui nous apparaît important, c'est que la personne doit
avoir un lien significatif, comme ça a été le cas, notamment, pour les proches
aidants durant la pandémie, c'est vraiment que le lien soit significatif avec
la personne puis qu'elle ait à coeur, également, l'intérêt physique et
psychologique de la personne atteinte pour que, justement, elle puisse poser ce
geste-là en toute quiétude.
Et par rapport au mandat du Curateur public,
ce qu'on privilégie, c'est vraiment cet intérêt significatif, donc le lien
humain, la connaissance des valeurs, des croyances, des préférences de la
personne. Avec une autorité externe administrative ou de médiateur tel que le
Curateur public, on risque de perdre ce lien humain là. C'est pour cela qu'on
aurait des réticences par rapport au rôle du Curateur public dans ce rôle
précisément pour...
Mme Ben Gaied (Nouha) : ...de
la personne, avec une autorité externe administrative ou de médiateur fait que
le Curateur public, on risque de perdre ce lien ... là. C'est pour cela qu'on
aurait des réticences par rapport au rôle du Curateur public du Québec dans ce
rôle précisément, pour enclencher ou pour faire connaître la présence d'une
aide médicale à mourir anticipée.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. le député. Je cèderais maintenant la parole au déjà de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Merci, mesdames, d'être là. Merci pour vos lumières.
Je veux juste être sûr de comprendre, là.
La grande, grande, grande majorité des gens, des témoins, des intervenants et
des intervenantes, surtout les intervenantes, d'ailleurs, je le note, nous
disent : Il faut toujours que ..., c'est assez généralisé, la demande, le
consentement anticipé, mais, à plus forte raison, la demande en situation
d'aptitude doit toujours venir de la personne qui veut bénéficier des soins de
fin de vie. Cest ce que vous dites aussi ou rajoutez-vous un intertitre, qui
dirait; Des fois, ça va tellement vite avec la malalaie d'Alzheimer puis c'est
diagnostiqué malheureusement trop tard que ça pourrait être dans les mains
d'une tierce personne que d'enclencher, sachant que c'était la volonté de la
persone. Mme
Grenier (Sylvie) : Nous, ce qu'on dit, c'est que sans directives
anticipéess d'aide médicale à mourir, il n'y a personne qui prend une décision. 17867 M. Marissal : O.K., très
bien. C'est ce que javais ocmpris, je voulais juste être sûr.
Vous avez parlé des sigmates autour de la
maladie d'Alzheimer. C'est lourd et ia encore beaucoup de tabous autour de la
maladie. Je ne sais pas comment formuler la question, mais qu'est-ce que vous
sentez, ressentez, mais comment vous qualifiez la très lourde impression que
quelqu'un qui a la maladie d'Alzheimer est condamné et est-ce que c'est, en
quelques sorte, un immense poids pour sa famille et ppour le réseau de santé.
Et je vais faire une sous-question tout à l'heure, vous sallez comprendre
pourquoi je vous pose cette question-là, mais être un peu cru, est-ce que vous
sentez effectivement qu'on identifie assez souvent les gens atteints
d''Alzheimer comme un poidss très, très lourd pour la société et la ...?
Mme Grenier (Sylvie) : Vous
avez tout à fait raison. C'est oour ça que les gens ne veulent pas de
diagnostic, c'est pour ça qu'il y a des gens qui ont un sentiment de perdre la
mémoire, ou pas des pertes, ils vont trouver toutes sortes de prétextes et avec
raison.
Première raison, c'est que c'est une
maladie qui est incurable. On peut... On peut soulager. On peut... On a... On
trouve... On travaille à faire en sorte que le parcours soit le moins difficile
possible, mais en même temps, ce sont tous les stigmas qui viennent autour. Les
gens ont peur d'avoir un diagnostic parce qu'on a l'impression que quand on le
dit les gens pensent que dans la nuit on devient plus inapte. Et tout ce qu'on
entend, c'est : Ah! Mais tu sais... Aussi une expression qu'on...
Mme Grenier (Sylvie) :
...possible, mais, en même temps, ce sera aussi tous les stigmas qui viennent
autour. Les gens ont peur d'avoir un diagnostic parce qu'on a l'impression
que... quand on le dit, les gens pensent que, dans la nuit, on devient plus
inapte. Tout ce qu'on entend, c'est : Ah! mais tu sais... Aussi, une
expression qui me fait sauter à chaque fois, c'est : Bien, tu sais, mon
oncle Roger, il est Alzheimer maintenant. On ne devient pas Alzheimer, on est
atteint d'une maladie. On ne dit pas à une personne qui a le cancer : Mon
oncle Roger, sais-tu quoi, ils ont diagnostiqué un cancer. Donc, on devient la
maladie, les gens deviennent la maladie, et à partir de là, on prend pour
acquis qu'ils ne comprennent pas, qu'ils ne sont plus là, hein? Combien de fois
on entend dire : Bien, ça ne sert à rien d'aller le voir, il n'est plus
là, il ne me reconnaît plus. Donc, ce sont des stigmas.
Les gens, c'est vrai que plusieurs vont
perdre... une bonne partie perdent aussi le sens de la parole, la locution,
mais ce n'est pas parce que tu ne parles plus que tu ne comprends pas non plus,
et on prend pour acquis les gens. Ce n'est pas parce que je ne me souviens pas
de ton nom que je ne sais pas que tu es mon fils. Mais les gens prennent pour
acquis, encore une fois, ce sont des stigmas, et tout ce que vous pouvez
voir... c'est comme si — l'image va être crue, moi aussi, là — c'est
comme si, du jour au lendemain, on devenait une loque et que, comme on ne sait
pas trop comment prendre soin des gens, comme on ne sait pas non plus comment
les approcher, bien, on se distancie aussi. Et ça isole énormément les gens, ça
va isoler énormément les proches aidants, et qu'à partir du moment...
Et pourquoi aussi c'est lourd, dans le
réseau de la santé? Parce que, comme certaines causes de la maladie vont faire
en sorte que les gens peuvent devenir plus tannants ou agressifs ou, en tout
cas, du moins... on va les médicamenter et, à ce moment-là, on les envoie en
résidence. Puis ce qu'on voit aussi, parce qu'on en a la preuve et on...
85 % de nos CHSLD, ce sont des personnes qui sont atteintes de la maladie
d'Alzheimer ou d'un autre trouble neurocognitif majeur. Et ces gens-là entrent
là, et pour toutes sortes de raisons, puis je ne suis pas là pour... bien, on
les médicamente, et à partir de là, ils perdent encore plus de leur autonomie,
et tout.
On a eu des projets, il y a le projet
OPUS-AP, qui est là, qui a fait ses preuves là-dedans, mais c'est un peu plus
compliqué. Mais de toute façon, vous avez raison, ce sont les stigmas qui sont
autour et c'est pour ça qu'on ne veut pas de diagnostic non plus.
M. Marissal : Je pense que
j'ai largement dépassé mon temps. Merci de votre réponse, Mme Grenier. Merci,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député. Donc, nous terminons nos échanges avec la députée
de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui.
Merci beaucoup à vous deux. J'apprécie énormément les échanges, j'aurais plein
de questions à approfondir avec vous. J'ai quatre minutes, donc je vous les
lance, O.K.? Parce que, comme ça, vous allez juger du temps que vous voulez
accorder à chacune.
Je continue sur la même voie que mon
collègue, tous les stigmates qui entourent la maladie, tout ce sentiment qu'on
devient un fardeau si on a un diagnostic. Tantôt, Mme Ben Gaied, vous disiez
que quand on a le diagnostic, là, tout de suite, il y a une foule de peurs qui
arrivent, on se projette, la peur de perdre notre dignité, notre autonomie. Et
donc comment...
Mme
Hivon
: …qui
entourent la maladie, tout ce sentiment qu'on devient un fardeau si on a un
diagnostic… Tantôt, Mme Ben Gaied disait que… vous disiez que, quand on a le
diagnostic, là, tout de suite, il y a une foule de peurs qui arrivent, on se
projette : la peur de perdre notre dignité, notre autonomie. Et donc,
comment fait-on pour un peu accompagner des gens qui vont vouloir faire une
demande anticipée, pour certains, en disant : Wow! Moi, je ne peux pas me
projeter là, moi, c'est intenable pour moi — parce qu'ils viennent de
recevoir ça comme un choc puis une tonne de briques — et s'assurer
que ça va être donné dans les bonnes circonstances? Donc, est-ce que, selon
vous, on doit se fier, je dirais, uniquement et d'abord à ce que la personne va
avoir prévu? Parce que plusieurs nous disent : Moi, quand je suis à tel
stade, je ne veux plus… quand je ne peux plus reconnaître mes proches, je ne
voudrais plus vivre; quand je ne mangerai plus, je ne serai plus autonome. Bon,
on connaît les exemples qui sont dits. Est-ce que, ça, c'est suffisant ou est-ce
qu'il faut… Parce que vous parliez très adéquatement des échelles pour évaluer
la souffrance. Est-ce qu'il faut aussi s'assurer que le critère de la souffrance
est rempli de manière contemporaine? Donc, mes collègues sont habitués de
m'entendre, c'est une question qui m'habite beaucoup. Mais, avec vous qui voyez
tellement de cas, est-ce que vous pensez qu'on doit avoir adéquation entre les
deux?
Et l'autre élément dont je trouve qu'on
parle très peu, c'est qu'une personne peut avoir la maladie d'Alzheimer, se
projeter en lien avec sa maladie, dire : Je ne voudrais pas vivre x, y, z
qui est lié à la maladie, mais elle peut aussi, dans… Parce qu'elle a la maladie
d'Alzheimer, mais elle demeure une personne avec toute sa complexité et sa
santé, avoir un cancer et souffrir de son cancer, mais être devenue inapte dans
l'évolution de sa maladie d'Alzheimer. Et donc, est-ce que des cas comme
ceux-là doivent aussi être prévus par demande anticipée? Parce que, sinon,
cette personne-là, on ne peut pas lui donner l'aide médicale à mourir si elle a
un cancer du pancréas très souffrant, alors qu'une personne apte, on pourrait
lui donner. Est-ce que, ça, vous avez réfléchi à ça aussi?
• (15 h 50) •
Mme Grenier (Sylvie) : Je te
laisse y aller, Nouha, cette fois-ci.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Excusez. Merci, Mme Hivon, pour votre question. C'est des… Vous voyez toute la
complexité autour de l'aide médicale à mourir pour les personnes ayant… qu'on
ne me reconnaît plus. Vous avez parlé justement de, bien, comment accompagner
la personne justement dans ce processus-là pour avoir recours à l'aide médicale
à mourir anticipée. Je pense que la discussion doit vraiment se faire avec le
médecin. On a beau, oui, se projeter dans l'avenir, mais il y a des faits, il y
a des échelles, il y a des pertes cognitives qui vont arriver, et on doit effectivement
avoir cette discussion avec le médecin pour vraiment prendre une décision éclairée
et surtout qui correspond à nos valeurs.
Après, bien, comment est-ce qu'on les
accompagne aussi dans ce cheminement? Bien, c'est aussi d'avoir le soutien à
domicile qui est aussi présent, d'avoir du personnel, des intervenants à
domicile qui sont formés aussi à la maladie…
Mme Ben Gaied (Nouha) :
…correspond à nos valeurs. Après, bien, comment est-ce qu'on les accompagne
aussi dans ce cheminement? Bien, c'est aussi d'avoir le soutien à domicile qui
est aussi présent, d'avoir du personnel, des intervenants à domicile qui sont
formés aussi à la maladie d'Alzheimer et qui vont accompagner adéquatement les
personnes atteintes avec une approche centrée sur la personne et non pas sur la
maladie, en misant sur les capacités de la personne et non pas sur leurs pertes
et vraiment en les accompagnant dans leur processus.
Maintenant vous avez très bien fait la
distinction, justement, entre, bien oui, on a la maladie d'Alzheimer… mais
87 % des personnes qui vont décéder de la maladie d'Alzheimer vont en fait
décéder d'autres raisons qui vont être d'une pneumonie, qui vont être,
notamment, d'une infection urinaire, des difficultés d'alimentation, et donc,
bien, la maladie d'Alzheimer en fait passe en second par rapport à l'infection
qu'ils auront, qu'ils ont eue et qui va certainement accélérer leur déclin
cognitif.
Est-ce qu'une personne ayant un cancer à
un stade terminal devrait avoir accès à l'aide médicale à mourir, alors qu'elle
est également atteinte d'un trouble neurocognitif majeur? Bien, tout va dépendre,
finalement, des critères qu'elle aura définis dans sa demande anticipée et du
niveau de souffrance qu'elle aura défini dans sa demande anticipée. C'est pour
cela que les balises, à ce moment-là, vont être très claires, devraient être
très claires pour définir, effectivement, bien, quelle souffrance va être
tolérée ou non, ou non par la personne pour justement lui accorder ou pas
l'aide médicale à mourir, même si elle est atteinte d'une autre maladie et
qu'elle est inapte.
Une voix
: Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup. Donc, pour votre intervention de cet après-midi,
Mme Ben Gaied et Mme Grenier.
Donc, nous accueillerons dans quelques
instants nos nouveaux intervenants.
(Suspension de la séance à 15 h 53)
(Reprise à 16 heures)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, bon après-midi. La commission reprend ses travaux. Et nous accueillons,
pour ce dernier bloc de la journée, l'Office des personnes handicapées du
Québec et leurs représentants, M. Daniel Jean, directeur général, ainsi
que M. Maxime Bélanger, directeur, Secrétariat général, communications et
affaires juridiques. Bienvenue, messieurs. Donc, vous disposez de
10 minutes pour faire votre exposé et par la suite il y aura un échange avec
les membres de la commission pour une période de 35 minutes. Je vous cède
la parole.
M. Jean (Daniel) : Merci.
Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés, bonjour…
16 h (version non révisée)
La Présidente (Mme Guillemette) :
...bienvenue, messieurs. Donc, vous disposez de 10 minutes pour faire votre
exposé, et par la suite il y aura un échange avec les membres de la commission
pour une période de 35 minutes. Je vous cède la parole.
M. Jean (Daniel) : Merci, Mme
la Présidente. Mmes, MM. les députés, bonjour. Je suis Daniel Jean, directeur
général de l'Office des personnes handicapées du Québec. Et je suis accompagné de
Maxime Bélanger, qui est directeur du Secrétariat général, communications et
affaires juridiques.
Avant toute chose, je tiens à souligner la
motion unanime de l'Assemblée nationale à l'origine de la Commission spéciale
sur l'évolution de
la Loi concernant les soins de fin de vie. L'aide médicale à mourir est un
sujet sensible qui soulève des questions délicates, qu'il faut aborder avec beaucoup
de prudence. En tant que société inclusive, il est essentiel d'ouvrir la
discussion sur ce sujet, et nous espérons que cette deuxième étape de
consultation apporte plus d'éclairage. Nous vous remercions d'accorder à
l'office le privilège de se faire entendre dans ce dossier.
Vu la mission de notre organisme, nous
sommes particulièrement interpellés par le sujet d'aide médicale à mourir, qui
soulève des enjeux importants pour les personnes handicapées. Je vous rappelle
que l'office est un organisme gouvernemental qui contribue à accroître la
participation sociale des personnes handicapées. Il soutient et conseille le
gouvernement pour toute initiative pouvant avoir un impact sur ces personnes.
L'office a une expertise unique, appuyée
par un conseil d'administration qui est composé majoritairement de personnes
handicapées provenant de divers horizons de la société civile. Les actions de
l'office s'appuient principalement sur la loi assurant l'exercice des droits
des personnes handicapées et la politique gouvernementale à part entière. De ce
fait, l'office agit sur les obstacles pouvant nuire à la participation sociale
des personnes handicapées. C'est le coeur de notre action. En réduisant les
obstacles, on améliore la qualité de vie et on augmente les opportunités de
participation sociale.
Cela m'amène à vous faire part d'une
première considération, qui va teinter, en quelque sorte, l'ensemble de nos
recommandations. Une demande d'aide médicale à mourir par une personne
handicapée apte à consentir aux soins et atteinte d'une maladie grave et
incurable de santé physique n'est pas un enjeu pour l'office. Nous reconnaissons
qu'elle a les mêmes droits que le reste de la population.
Cependant, nous sommes d'avis qu'avant
toute chose il faut accorder notre attention à s'assurer que les personnes
handicapées qui envisagent de se prévaloir de l'aide médicale à mourir ne le feront
pas en raison d'une souffrance ou d'un désespoir causé par un manque d'accès à
des services qui auraient pu, ultimement, améliorer les conditions d'existence
et leur participation sociale. Il faudrait éviter également qu'elles soient
motivées par l'impression d'être un fardeau pour leur famille et leurs proches.
Il faut comprendre qu'en travaillant en priorité à réduire les obstacles
empêchant l'accès aux services, il est possible d'améliorer la qualité de vie
de ces personnes, de répondre davantage à leurs aspirations. Le recours à
l'aide médicale à mourir doit donc être une option à considérer seulement si la
personne a pu bénéficier d'une telle approche. Cette mise en garde s'applique à
chacune de nos recommandations.
Aussi...
M. Jean (Daniel) :
...d'améliorer la qualité de vie de ces personnes, de répondre davantage à
leurs aspirations. Le recours à l'aide médicale à mourir doit donc être une
option à considérer seulement si la personne a pu bénéficier d'une telle
approche. Cette mise en garde s'applique à chacune de nos recommandations.
Aussi, soulignons que beaucoup de
personnes handicapées ont des profils similaires à ceux de l'affaire Truchon et
Gladu. Elles ont des incapacités significatives et permanentes sans pronostic
de fin de vie imminente et n'ont pas un trouble grave de santé mentale. C'est
pourquoi nous recommandons d'ajuster en conséquence les critères de l'article
26 de la Loi sur les soins de fin de vie. Il s'agit de la première et de la
plus importante recommandation de notre mémoire, qui vise à assurer que les
personnes qui pourraient être admissibles à l'aide médicale à mourir aient eu
d'abord accès à tous les soins et services possibles, que ceux-ci ne sont plus
en mesure de répondre à leurs besoins ou d'atténuer leurs souffrances et
qu'elles y ont renoncé en pleine connaissance de cause. L'affaire Truchon et
Gladu, à l'origine du retrait du critère de fin de vie, rend encore plus
crucial l'ajout de ce critère à l'article 26 en fonction des préoccupations que
nous venons d'énoncer.
J'aimerais maintenant aborder la question
des personnes en situation d'inaptitude, qui est une de nos principales
préoccupations. D'une part, le droit à l'autodétermination est capital, selon
les orientations de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes
handicapées, et d'autre part, la protection des personnes handicapées et
vulnérables est aussi clairement abordée dans cette loi et dans la politique à
part entière.
À ce sujet, nous trouvons important de
clarifier la situation des personnes qui n'ont jamais été considérées comme
aptes à consentir à leurs soins et qui ne seraient pas jugées aptes à consentir
à l'aide médicale à mourir, ar exemple, les personnes ayant une déficience
intellectuelle profonde. D'abord, il importe de bien distinguer la notion
d'inaptitude, sur le plan légal, de celle de l'aptitude à consentir aux soins.
Malheureusement, il est courant de penser qu'une personne considérée inapte
selon la loi le serait aussi pour consentir aux soins. Mais ce n'est pas le
cas. Un patient est considéré comme apte à consentir aux soins si, par exemple,
il est capable de comprendre la nature de sa maladie, le but des soins et les
risques associés à ceux-ci. La présomption d'aptitude à consentir aux soins,
incluant l'aide médicale à mourir, devrait être appliquée d'emblée à toutes les
personnes handicapées. Ce principe d'autodétermination doit ainsi s'appliquer
lorsqu'il est question d'une personne sous curatelle ou sous tutelle.
L'aide médicale à mourir n'est cependant
pas un soin comme les autres, c'est pourquoi, selon nous, l'aptitude de la
personne à y consentir doit être vérifiée attentivement par le groupe soignant.
Dans tous les cas, la personne doit formuler par et pour elle-même sa demande.
Aucune forme de prise de décision substitutive ne devrait être envisagée dans
aucun état.
Concernant la question d'une demande
anticipée d'aide médicale à mourir, cela amène des enjeux plus spécifiques.
Nous sommes...
M. Jean (Daniel) :
...dans tous les cas, la personne doit formuler par et pour elle-même sa
demande. Aucune forme de prise de décision substitutive ne devrait être
envisagée dans aucun cas.
Concernant la question d'une demande
anticipée d'aide médicale à mourir, cela amène des enjeux plus spécifiques.
Nous sommes d'avis que le respect du principe... d'autodétermination, excusez,
des personnes atteintes de maladies graves et incurables de santé physique,
devrait se traduire par la possibilité qu'elles puissent formuler une demande
anticipée d'aide médicale à mourir. Cependant, les experts entendus à la commission
soulignent la difficulté d'évaluer avec précision la souffrance d'une personne
qui n'est plus en mesure de l'exprimer clairement. Cela pourrait laisser planer
un doute sur les réelles volontés de la personne au moment d'administrer l'aide
médicale à mourir.
Des spécialistes estiment aussi que les
personnes atteintes de maladies... de ces maladies ont le droit de recevoir les
meilleurs soins possible pour lesquels il faut investir davantage. Pour éviter
des dérives potentielles concernant les demandes anticipées, nous jugeons
essentiel de renforcer les pratiques en vigueur pour assurer que les droits et
intérêts des personnes sont bien protégés. Nous recommandons ainsi la
participation d'un professionnel du réseau de la santé ou de la société civile
autre qu'un médecin au groupe soignant associé à la démarche d'aide médicale à
mourir. Ce professionnel devrait bien connaître la personne, ses besoins et les
services pouvant potentiellement améliorer sa qualité de vie.
Un autre sujet pointu abordé par la
commission concerne les personnes ayant des troubles graves de santé mentale
dont la seule condition particulière est ce trouble. Les points de vue à ce
sujet sont très divergents. Je n'entrerai pas dans les détails, vous les avez
déjà entendus, mais il en ressort qu'il n'y a pas de consensus sur le sujet
pour le moment. De plus, il est difficile de présumer de l'offre de services et
des développements à venir dans le monde médical... Excusez. En conséquence,
nous recommandons de ne pas aller de l'avant avec la proposition d'élargir
l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes ayant des troubles graves de
santé mentale sont la seule condition particulière est ce trouble, et ce, tant
qu'il n'y aura pas une évidence scientifique reconnue appuyant celle-ci.
J'aimerais maintenant terminer avec une
réflexion concernant le phénomène du suicide de manière plus globale. Nous
croyons que le débat sur l'ouverture potentielle de l'aide médicale à mourir
nous amène à soulever des préoccupations plus larges concernant les personnes
handicapées et la population en général. L'élargissement de l'aide médicale à
mourir entraîne des risques de dérive par rapport à la valeur de la vie des
personnes plus vulnérables. Le message envoyé pourrait être que l'interruption
de vie est une... la solution à la détresse que vivent les personnes
handicapées ou d'autres personnes plus vulnérables. Cela pourrait amener
certains à vouloir élargir l'accès à l'aide médicale à mourir dans d'autres
conditions et pour d'autres groupes vulnérables.
Vous comprendrez qu'il s'agit d'une pente
glissante. À cet effet, j'aimerais vous rappeler la mise en garde que je vous
ai partagée au début de ma présentation. Il faut, avant toute chose,
intensifier les services pour contrer les obstacles qui empêchent les personnes
handicapées de participer pleinement à la société. Nous avons...
M. Jean (Daniel) : …vous
comprendrez qu'il s'agit d'une pente glissante. À cet effet, j'aimerais vous
rappeler la mise en garde que je vous ai partagée au début de ma présentation.
Il faut, avant toute chose, intensifier les services pour contrer les obstacles
qui empêchent les personnes handicapées de participer pleinement à la société.
Nous avons, collectivement, le devoir de proposer les options de service et de
soutien adéquats pour les personnes handicapées et tous ceux et celles qui ont
des besoins spécifiques. Vivre dans la dignité implique de travailler à offrir
les meilleures conditions de vie à ces personnes.
C'est pourquoi l'office suggère à la commission
spéciale d'entreprendre des travaux sur la question d'aide médicale à mourir
pour mettre fin volontairement à sa vie dans une perspective visant l'ensemble
de la population. Un tel débat social concerne la société en général car il
touche les gens de tout âge et de toute condition. Je vous remercie de votre
attention.
• (16 h 10) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, messieurs, merci de votre présence et de votre
témoignage lors de cette commission spéciale. J'aurais quelques questions pour
vous, vous entendre… Merci pour votre présentation.
Ce que j'entends, c'est ce que vous cherchez,
c'est vraiment un équilibre, vraiment, entre le droit individuel et la
nécessité d'aussi protéger les personnes vulnérables. Alors, vous proposez
quand même des recommandations qui sont prudentes. Mais à l'intérieur de ceci,
on veut, aussi, reconnaître et respecter les droits et les libertés des
personnes handicapées. On a entendu plusieurs groupes, aujourd'hui, qui ont
manifesté ce point car c'est très important de s'assurer que chaque personne
peut avoir un accès ou de respecter leur droit de faire un choix qui est clair,
qui est libre.
Alors, je veux mieux comprendre le rôle
que vous occupez, parce que l'Office des personnes handicapées du Québec a
quand même un rôle très crucial, fondamental, vous accompagnez plusieurs
personnes dans leurs démarches, soit en manque de service ou de mieux
comprendre c'est quoi, leurs droits, etc., c'est vraiment fondamental. Parce
que vous êtes en train de dire qu'il y aurait peut-être des limitations en ce
qui concerne l'élargissement de la loi, exemple, on ne veut pas que ça soit
appliqué pour des personnes qui souffrent peut-être des difficultés de santé
mentale.
Que ferez-vous d'abord face à ces
personnes qui vont probablement venir vous voir si, mettons, on dit, comme
commission, nous recommandons… ce serait que, oui, ça ne devrait pas
s'appliquer envers ces personnes, puis ils viennent voir l'Office des personnes
handicapées du Québec parce qu'ils disent… profondément… Vous l'avez évoqué,
M. Jean, que c'est très difficile d'évaluer la souffrance d'une personne, plusieurs
experts nous ont témoigné de ceci. Alors, qu'allez-vous faire face à ces
personnes qui vont venir vous voir pour dire : Au secours, aidez-moi,
j'aimerais avoir un accès à l'aide médicale à mourir mais vous, vous pensez que
peut-être je ne devrais pas être éligible?
M. Jean (Daniel) : Mme…
Mme Maccarone : …c'est très
difficile d'évaluer la souffrance d'une personne. Plusieurs experts nous ont
témoigné de ceci. Alors qu'allez-vous faire face à ces personnes qui vont venir
vous voir pour dire : Au secours, aidez-moi, j'aimerais avoir accès à
l'aide médicale à mourir, mais vous vous pensez que peut-être je ne devrais pas
être éligible?
M. Jean (Daniel) : Mme la
Présidente, l'enjeu n'est pas simple. Effectivement, l'office a un rôle d'accompagnement
des familles puis des personnes handicapées pour avoir accès à des services
dans l'appareil gouvernement et aussi auprès des municipalités. On ne donne pas
nécessairement des services directs. C'est au ministère de la Santé, c'est les
ministères de services qui donnent les services directs, mais nous, on
accompagne les personnes. Et ce qu'on constate, c'est que, dans le fond, les
difficultés que vivent les personnes handicapées sont reliées à différentes
conditions, c'est-à-dire la condition de la personne, ce qui se passe dans son
environnement, puis dans le fond, comment elle peut exercer sa participation
sociale ou ses rôles sociaux. On ne peut pas dissocier ces éléments-là. Donc,
nous, souvent, ce qu'on constate, c'est que notre intervention avec les
ministères amène souvent à trouver des solutions où les difficultés qui étaient
vécues avant la prise en charge et après changent complètement le contexte de
vie. Donc, ce qu'on dit nous, on ne dit pas qu'on est contre toute forme d'aide
médicale à mourir, ce qu'on dit c'est que, dans une de nos recommandations,
c'est qu'on dit qu'on doit s'assurer que l'ensemble des services ont été donné.
Comme deuxième considération que
j'aimerais apporter à votre attention, c'est que la question de la souffrance
n'est pas spécifique aux personnes qui ont une problématique de santé mentale.
On la retrouve dans la population en général, on la retrouve chez les personnes
qui ont des problématiques de santé physique, on la retrouve dans différents…
Et notre propos à la fin va dans ce sens-là. C'est-à-dire que, nous, on ne dit
pas que les personnes handicapées ne devraient pas avoir droit à l'aide
médicale à mourir pour des questions de souffrances extrêmes, ce qu'on dit,
c'est qu'on ne doit pas viser ce groupe-là uniquement si on fait ce débat-là.
Faisons le débat pour l'ensemble de la société, parce qu'il y a des jeunes qui
ne vivent pas avec une problématique, un trouble grave de santé mentale, qui
vivent des souffrances extrêmes au même titre que des adultes aînés. Et, dans
le fond, on n'a pas d'étude probante actuellement pour dire qu'un groupe qui se
démarque d'un autre.
Mme Maccarone : O.K. Je sais
que le temps file. J'aimerais… parce que là on parle aussi beaucoup en ce qui
concerne les personnes qui souffrent d'une déficience intellectuelle ou de
l'autisme, hein, on a aussi eu des témoignages aujourd'hui qui ont été fort
intéressants puis qui vont vraiment pousser la réflexion pour nous ainsi que,
je pense, toute la population, tous les gens qui nous écoutent aujourd'hui.
Puis on avait discuté aussi qu'il y a des
préjugés, il y a des stéréotypes. C'est des difficultés dont ils font face, les
personnes handicapées. Que pensez-vous… parce que là vous nous avez parlé de
quelques balises en ce qui concerne peut-être le groupe d'expert qui devrait
accompagner, mais avez-vous autres recommandations qu'ils ne sont peut-être pas
à l'intérieur de votre mémoire en ce qui concerne…
Mme Maccarone : ...on avait
discuté aussi qu'il y a des préjugés, il y a des stéréotypes, c'est des difficultés
dont ils font face les personnes handicapées. Que pensez-vous... Parce que là
vous avez parlé de quelques balises en ce qui concerne peut-être le groupe
d'experts, qui devrait accompagner, mais avez-vous autres recommandations qui
ne sont peut-être pas à l'intérieur de votre mémoire en ce qui concerne
d'autres balises, d'autres recommandations? Formation, peut-être. J'avais
évoqué cette question avec le groupe précédent, comment déterminer si la
personne ayant une déficience intellectuelle, pas... Je comprends votre point en
ce qui concerne quelqu'un qui a déjà une déficience intellectuelle, considéré
inapte même avant ceci, avoir la conversation ou la discussion en ce qui
concerne l'aide médicale à mourir. Mais comment déterminer si cette personne a vraiment
compris et éviter qu'il y ait des préjugés, éviter qu'il y ait des stéréotypes
et donner un bon accompagnement à des personnes qui devraient s'autodéterminer
et avoir le choix de mettre en vigueur la loi qui devrait s'appliquer pour eux
aussi?
M. Jean (Daniel) : Oui.
C'est... Vous aimeriez que j'aborde la question des moyens concrets. Ce que je
vous dirais, c'est... une partie de ma vie, les 15 premières années, je
travaillais auprès des automutilateurs sévères. Donc, j'ai travaillé comme
intervenant, comme gestionnaire auprès de personnes qui voulaient
s'autodétruire, d'une certaine façon, c'est-à-dire qu'ils étaient... J'arrivais
dans des endroits où ils étaient attachés, avec une forte médication, un casque,
dans certains cas, de hockey ou de football sur la tête ou... genre de scènes
qu'on a déjà vues. Et ce que les gens disaient, c'est que leur vie, c'était,
dans cet environnement-là contrôlé, c'était ça, l'avenir de ces personnes-là.
Moi, j'avais été formé selon une approche qui est interdisciplinaire, qui vise
à dire : On ne part pas juste de la condition de la personne, on part de
l'exercice de la condition de la personne dans un environnement, donc les
moyens qu'on peut lui offrir et les habitudes de vie qu'on est capable de
l'amener à développer.
Ce que j'ai constaté avec le temps, c'est
que des personnes qu'on disait qui n'avaient pas d'avenir ont eu un avenir, ont
réussi à sortir. Le problème, dans le cadre de la commission... Nous, notre
propos, il est à deux niveaux. Il y a des personnes qui souffrent actuellement
puis qu'on n'a pas pris l'approche peut-être plus large avec une approche pas
juste médication, tu sais, médication sociale, qui permettrait d'élargir le
débat puis d'apporter... Nous, on pense qu'il faut continuer à travailler dans
ce sens-là.
Par ailleurs, dans ma pratique privée...
privée professionnelle mais qui remonte à quelques années, j'ai constaté qu'il
y a des situations où on n'est pas capable d'atteindre des résultats. Et c'est
là qu'on dit, donc, une des recommandations qu'on dit : Il faut élargir,
il ne faut pas juste avoir l'approche médicale, il faut avoir une approche qui
va aller chercher des éléments dans la communauté. Mais par ailleurs il faut
admettre qu'il y a des limites, O.K.? Et les personnes handicapées, comme les
autres personnes de la société, peuvent souffrir, et on n'a pas de solution. Et
pour ça il faut faire le débat pas...
M. Jean (Daniel) : …pas juste
avoir l'approche médicale, il faut avoir une approche qui va aller chercher des
éléments dans la communauté. Mais, par ailleurs, il faut admettre qu'il y a des
limites, O.K., et les personnes handicapées comme les autres personnes de la société
peuvent souffrir, puis on n'a pas de solution, et pour ça il faut faire le
débat pas spécifiquement sur les personnes handicapées, mais sur les personnes
qui souffrent et qu'on n'a pas réussi à trouver de solution. Mais on pense que
la meilleure approche, c'est de travailler sur les obstacles dans un premier
temps.
Mme Maccarone : Et quel serait
le rôle d'abord des proches aidants auprès de ces personnes? Parce que c'est quand
même particulier, quand on parle d'une personne peut-être qui souffre d'une
déficience intellectuelle, on sait que souvent elle veut plaire, ou une
personne qui a de telles difficultés. Est-ce que le rôle du proche aidant
devrait être différent, changé, modulé? Vous avez parlé de votre équipe. Est-ce
que le proche aidant devrait y participer? Puis comment assurer que la personne
peut être indépendante, autodéterminer son destin et aussi être entourée,
accompagnée des proches aidants?
M. Jean (Daniel) : Le proche
aidant ou les proches autour de la personne vont nous aider à comprendre. Les
troubles du comportement, moi, j'ai toujours dit que c'est les moyens de
communication. La souffrance nous permet de comprendre, O.K., avec les proches,
les proches aidants, ça nous permet de décoder ce qui se passe. Il y a des
personnes qui souffrent beaucoup parce qu'ils se sont fait une représentation
de leur condition, et, par préjugé ou par méconnaissance, ils ont… ils ne
voient pas d'issue, et souvent les proches vont pouvoir nous donner des
indications. Moi, dans ma pratique, dans le passé, c'était effectivement, pour
comprendre un… Si on veut vraiment aider quelqu'un, il faut le comprendre,
puis, si on veut le comprendre, bien, il faut aller chercher l'information là
où est-ce qu'elle est, dans les… là où sont les proches, et dans ses comportements,
et dans ses manifestations. Plus on va être proche des besoins de la personne,
plus on va être en mesure d'atténuer les souffrances. Mais il y aura toujours
des situations extrêmes.
• (16 h 20) •
Mme Maccarone : Dernière
question pour moi, ce serait en ce qui concerne la maltraitance, c'est-à-dire
s'assurer que nous protégions aussi les personnes handicapées, et on a aussi
parlé beaucoup de… Souvent, ces personnes peuvent se sentir comme elles sont un
fardeau. On ne veut pas qu'ils prennent les mauvaises décisions à cause de
peut-être des sentiments, ou une situation indue, ou, comme vous avez dit, un
manque de services ou de soins, par exemple. Avez-vous des recommandations ou
autres balises que nous devons prendre en considération en ce qui concerne des
mesures pour protéger ces personnes de la maltraitance ou de… en général en ce
qui concerne l'aide médicale à mourir?
M. Jean (Daniel) : Bien, dans
le fond, la… l'idée, c'est de… d'une part, de… Ce qu'on dit, nous, c'est qu'il
faut… La personne peut exprimer… Quand elle peut exprimer d'avance ce qu'elle
aimerait, pouvoir se prévaloir de cet acte-là, O.K., si elle arrive au terme
d'une souffrance, O.K., et qu'on…
M. Jean (Daniel) : ...l'idée,
c'est de... d'une part, ce qu'on dit, nous, c'est qu'il faut... la personne
peut exprimer, quand elle peut exprimer d'avance ce qu'elle aimerait, pouvoir
se prévaloir de cet acte-là, O.K., si elle arrive au terme d'une souffrance, O.K.?
Et qu'on dit : Il doit y avoir un test avec l'équipe de soignants, puis
les proches devraient être là. On parle de société civile, on parle aussi de
l'environnement, des personnes qui connaissent bien la personne pour être
capables de décoder.
Toute la question de la maltraitance,
bien, c'est la question de l'accompagnement. Ça, c'est un défi. On l'a vu,
quand on est en mesure de bien soutenir la famille, de bien soutenir la
personne, on est capable de prévenir. Mais c'est... la réalité est souvent un
effet de dominos, si on ne soutient pas la famille, si on ne soutient pas la personne,
la souffrance va être vécue à différents niveaux et peut se traduire par des
comportements inappropriés.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. S'il reste du temps, j'aimerais céder la parole à ma collègue.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Il ne nous reste plus de temps. On va peut-être revenir à la fin, Mme la
députée. Donc, je cèderais maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Messieurs, bonjour. J'ai très peu de temps, bien, c'est-à-dire
autour de quatre minutes. J'ai deux questions, je pense, quand même assez
lourdes. La première, concernant votre première recommandation, que je ne lirai
pas complet parce que, juste en la lisant, je vais perdre 30 secondes, mais
vous la connaissez par coeur, j'en suis sûr. Moi, je vois tous les mérites de
la vertu, là-dedans, mais je vois aussi un élément contreproductif, parce que
si on prend ça au pied de la lettre, on n'y arrivera pas, dans l'immense majorité
des cas, parce qu'on ne sera pas capable de rencontrer ces exigences que vous
amenez. On se retrouverait donc — c'est un débat qu'on a depuis
quelques jours, là — on se retrouverait donc à pénaliser doublement
ces gens qui n'ont pas reçu les bons services ou qui n'ont pas eu accès à tous
les services, puis ça, on l'entend tout le temps, puis ce n'est pas nouveau. Et
en plus, on leur couperait l'avenue vers l'aide médicale à mourir. C'est ainsi que
je le vois, en tout cas, parce que si nous devions effectivement respecter à la
lettre ce que vous nous proposez là, je pense qu'on aura un taux de succès
malheureusement très faible. Malheureusement, et je le dis vraiment
malheureusement.
Puis je vous lance la deuxième question,
si vous voulez disposer du temps : Pouvez-vous nous en dire un peu plus
sur ce que vous nous suggérez comme réflexion sur le suicide? Je ne suis pas
trop sûr d'avoir bien compris ce que vous nous proposiez. Merci.
M. Jean (Daniel) : O.K. La
première question, si je veux faire court, c'est... À l'époque, quand je
travaillais dans les centres de réadaptation, on a adopté une règle, on s'est
dit : Les contentions physiques, les restrictions physiques, les
contentions chimiques, on fait tout pour que ça disparaisse. On va travailler,
on va se donner cette contrainte-là. Et aujourd'hui, si on regarde
objectivement, là, O.K., la réalité dans les centres de réadaptation, on voit
qu'il y a des grands pas qui ont été faits...
M. Jean (Daniel) : ...les
contentions physiques, les restrictions physiques, les contentions chimiques,
on fait tout pour que ça disparaisse. On va travailler, on va se donner cette
contrainte-là. Et aujourd'hui, si on regarde objectivement, là, O.K., la réalité
dans les centres de réadaptation, on voit qu'il y a des grands pas qui ont été
faits.
Donc, ce qu'on dit, nous à l'office, c'est
que si on travaille sur les obstacles, on risque d'avoir des résultats. La
personne qui est en fauteuil roulant au deuxième étage, puis il n'y a pas
d'ascenseur, il y a un obstacle, là. Elle n'est pas capable de sortir dehors.
Donc, la souffrance, c'est la même chose. Si on n'est pas capable de bien
identifier l'obstacle que représente la souffrance dans la vie d'une personne et
de travailler avec, on a une difficulté. Donc, oui, ça peut paraître vertueux,
mais je suis convaincu qu'on est capables de faire des grands pas de ce
côté-là.
La dernière recommandation, c'est qu'on
inverse la logique d'une certaine façon. C'est comme si on disait :
Écoutez, si vous voulez élargir l'aide médicale à mourir aux personnes qui
souffrent et que, scientifiquement parlant, on n'est pas capables de trouver un
groupe qui souffre plus qu'un autre, ce n'est pas prouvé, ça. Nous, ce qu'on dit :
Inversez la logique. Faitres le débat pour l'ensemble de la population. Quels
sont les critères d'élargissement qu'on devrait faire? Et ça devrait
s'appliquer aux personnes handicapées. Dans le fond, vous voyez, c'est un
renversement de paradigme d'une certaine façon. Par contre, notre
recommandation qui va dans ce sens-là souligne tout simplement qu'on devrait
réfléchir là-dessus, mais on n'apporte pas de solution. Ça fait que je
comprends que vous restez sur votre faim là-dessus, effectivement. Mais quand je
parlais de suicide, c'est la volonté... En fait, le mot est un peu lourd, là,
mais c'est la volonté de mettre fin à sa vie par un acte médical. C'est à ça
qu'on fait référence.
M. Marissal : Je
préférerais dire, ici, que je poursuis la réflexion plutôt que je reste sur ma
faim. Puis je pense que ça va être comme ça pour encore un petit bout de temps.
On ne fait que commencer les travaux. Je vous remercie pour les précisions.
Merci beaucoup.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Vous auriez... Vous auriez encore du temps,
M. le député. Peut-être...
M. Marissal : Oui. Bien,
oui, effectivement, la recommandation 4. Vous suggérez d'autres personnes.
Ce serait élargi vers qui, vers quoi? Et qui en serait exclu d'office?
M. Jean (Daniel) : Bien,
l'idée, c'est que ce qu'on dit, le modèle sur lequel travaille l'office depuis
2009 avec la politique à part entière, c'est un modèle qui repose sur une
logique. Il y a les conditions de la personne, O.K., avec ses capacités puis
ses incapacités. On parle souvent des incapacités, mais elle a des capacités.
Il y a les facteurs environnementaux. Je vous donnais l'exemple de l'ascenseur,
si je n'ai pas d'ascenseur, j'ai des incapacités motrices, si je ne suis pas
capable de bouger. Puis il y a toute la question, O.K. des habitudes de vie. Ça
veut dire que si je travaille sur les obstacles pour sortir la personne de
l'étage, l'amener sur la rue, il faut après ça que je l'amène dans des
habitudes de vie où elle va pouvoir s'épanouir. Et c'est là, le défi, de
travailler sur des obstacles. C'est qu'on identifie où sont les blocages et on
s'assure de pouvoir les enlever.
Une logique que j'aime beaucoup souligner,
c'est que quand j'étais du côté des centres de réadaptation, je regardais
quelqu'un qui avait des troubles sévères du comportement puis je...
M. Jean (Daniel) : ...et c'est
là, le défi de travailler sur des obstacles. C'est qu'on identifie où sont les
bloquants. On s'assure de pouvoir les enlever.
Et une logique que j'aime beaucoup
souligner, c'est que, quand j'étais du côté des centres de réadaptation, je
regardais quelqu'un qui avait des troubles sévères du comportement puis
j'essaie de l'amener vers l'intégration d'activités de jour, ou socioprofessionnelles,
ou professionnelles. Parce que je lui donnais du sens à sa vie. Les
comportements déviants diminuaient, etc. C'est sûr qu'on n'en faisait pas des
professions au même titre, mais l'occupation, exemple, auprès des personnes
autistes était très intéressante comme résultat.
J'ai travaillé au ministère du Travail,
Emploi et Solidarité sociale et, quand je suis arrivé, bon, quand j'étais au
niveau de l'assistance sociale, on soulignait que, quand il y a des personnes
qui sont «contraintes sévères à l'emploi», bien, on va les amener dans des
programmes d'aide non active. Aujourd'hui, la pensée évolue, mais ce qu'on se
rend compte, autrement dit, c'est tout simplement de... la façon dont on va
voir la personne, ses capacités et ses incapacités... cet équilibre-là qui va
lui permettre de bouger ou pas.
Ça fait que la personne qu'on veut voir
ajouter, ce n'est pas une personne du monde médical. On veut voir ajouter une
personne qui connaît... Ça peut être un proche aidant, effectivement. Ça peut
être quelqu'un d'un organisme communautaire, ou un travailleur social, un
sociologue, etc., quelqu'un qui connaît l'environnement de la personne ou les
actions qu'on peut poser dans l'environnement pour changer le paradigme.
M. Marissal : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour. Merci beaucoup, c'est vraiment une très bonne présentation. Vous
cernez vraiment bien les enjeux.
Je veux poursuivre exactement là-dessus,
sur la recommandation 4. Donc là, on est dans le cadre de la demande anticipée.
La personne a un diagnostic. Et là ce que vous nous dites, c'est qu'il faudrait
prévoir la participation d'un professionnel du réseau et des services sociaux
autre que le médecin ou de la société civile. En ce moment, dans la loi
actuelle, ça parle déjà de l'importance d'avoir recours à l'équipe
multidisciplinaire. Donc, ce principe-là est dans la loi. Est-ce qu'il est
toujours appliqué, je ne le sais pas, mais en théorie, ça devrait. Donc, en
théorie, on va plus large que le seul médecin quand on traite, donc, et qu'on
accompagne la personne.
Vous, si je comprends bien de ce que vous
avez dit à mon collègue, ce que vous souhaitez davantage, c'est peut-être ce
que certains nous disent, un intervenant psychosocial ou une personne
significative à l'extérieur. Mais là, si on est dans le cas d'une personne qui
a un diagnostic de maladie d'Alzheimer, par exemple, et qui fait une demande
anticipée, on n'est pas dans le même contexte qu'une personne, par exemple, qui
a une déficience depuis longtemps, qui est accompagnée par certains organismes,
puis tout ça, là. On est quelqu'un qui est pas mal entouré de son médecin de
famille puis de ses proches. Ce serait quel type de personnes, dans ce cas-ci,
qu'on verrait?
• (16 h 30) •
M. Jean (Daniel) : Bien,
l'idée, c'est d'aller chercher… c'est d'aller dans la logique de la loi,
effectivement, une approche interdisciplinaire ou transdisciplinaire. Et ce
qu'on veut voir rajouter, c'est quelqu'un qui connaît bien les besoins de la
personne. Donc, ça peut passer par...
16 h 30 (version non révisée)
Mme
Hivon
:
…qu'on verrait.
M. Jean (Daniel) : Bien,
l'idée, c'est d'aller chercher… d'aller dans la logique de la loi,
effectivement, une approche interdisciplinaire ou transdisciplinaire. Et ce
qu'on veut voir rajouter, c'est quelqu'un qui connaît bien les besoins de la
personne, donc ça peut passer par le réseau de la santé, effectivement, par
quelqu'un de la société civile qui va aller capter un proche, parce qu'on voit
que c'est souvent par là que ça va passer, un organisme qui accompagne la
famille.
Mais l'enjeu, c'est si on veut agir puis
essayer de pouvoir aller le plus loin possible dans la façon d'atténuer les
souffrances, il faut coller le plus possible les besoins de la personne, il
faut la comprendre. C'est ça, notre enjeu. Et cette recommandation-là, ce n'est
pas une grande révolution par rapport à, effectivement, la loi, c'est juste un
trait qu'on souligne de façon plus intensive.
Mme
Hivon
: Puis
quand vous amenez, ensuite, à la recommandation 5, puis par la suite, les
deux autres paragraphes de votre page 12, vous parlez de l'importance de
vraiment informer la personne, de voir avec elle les autres alternatives, tout
ça, pour peut-être soulager sa souffrance ou tout ça. Là, on est encore dans le
cadre d'une demande anticipée. Donc, tout ça se ferait dans le contexte de sa
discussion avec le médecin pour s'assurer du consentement éclairé quand elle
fait sa demande anticipée.
Est-ce qu'encore une fois, vous trouvez…
parce que dans la loi actuelle, on prévoit ces mécanismes-là, pour avoir le...
ce qui doit être discuté avec la personne, est-ce que vous pensez, vu qu'on est
dans le contexte d'une demande anticipée, on doit aller plus loin et être plus
précis sur ce qui doit être discuté pour obtenir le consentement?
M. Jean (Daniel) : Bien, ce
qui m'embête un peu, oui, il faudrait essayer de… ce qui m'embête un peu, c'est
le profil des personnes handicapées. Quand on regarde les statistiques,
60 %, O.K., en fait c'est 64 %, là, la donnée exacte, 64 % des
personnes handicapées ont des douleurs — c'est variable, des fois,
c'est plus intensif, des fois, c'est cyclique — ont des douleurs,
donc des douleurs amènent la souffrance. Et là, on parle de, quand même, près
d'un million, dans la population du Québec.
Moi, ce que je dis, c'est que la
souffrance, j'entends bien… puis c'est le débat que vous avez à faire au sein
de la commission, hein, c'est comment mesurer cette souffrance-là, ces concepts
de douleur, de souffrance, et comment apprécier… ce qu'on dit, nous, du côté de
l'office, c'est que souvent, dans nos accompagnements des personnes handicapées
et des familles, entre ce qui est vécu quand on commence l'accompagnement et la
fin, c'est deux mondes, O.K. Ce qui était vécu au début était vécu comme étant
quelque chose de très anxiogène, il y avait une interruption de service,
souvent, les deux parents devaient rester à la maison, il y avait comme une
lourde difficulté, et à la fin, on avait trouvé des voies de passage qui
permettaient d'aller de l'avant.
Donc, ce qu'on dit, juste, dans le débat,
c'est qu'il y a deux axes sur lesquels il faut travailler. Il faut travailler
sur l'espoir d'atténuer la souffrance et il faut travailler, si on n'est pas
capable d'atténuer la souffrance, comment on est capable de s'assurer qu'on
répond…
M. Jean (Daniel) : ...on avait
trouvé des voies de passage qui permettaient d'aller de l'avant. Donc, ce qu'on
dit juste, dans le débat, c'est qu'il y a deux axes sur lesquels il faut
travailler. Il faut travailler sur l'espoir d'atténuer la souffrance et il faut
travailler... si on n'est pas capable d'atténuer la souffrance, comment on est
capable de s'assurer qu'on répond bien aux besoins de la personne. Et pour ça,
ça prend quelqu'un qui connaît bien la personne.
Et les membres de notre conseil
d'administration, c'est des personnes handicapées, majoritairement, et pour
eux, la question, dans le fond, de l'accompagnement, de ne pas faire prendre
une décision par quelqu'un d'autre, c'étaient des éléments fondamentaux dans
tout le débat qu'on a eu avec eux.
Mme
Hivon
:
Merci. C'est très clair.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. On parle d'accompagnement. Pour quelqu'un qui n'aurait
pas de proche, il y a, comme vous le dites, peut-être une équipe soignante,
mais est-ce qu'on pourrait parler d'un conseiller en éthique, peut-être, ou du Curateur
public? Puis j'aimerais peut-être vous entendre à ce niveau-là.
M. Jean (Daniel) : Bien, effectivement,
moi, dans ce que j'ai vécu dans le passé, quand on avait des personnes qui
n'avaient pas de cellule familiale autour d'elles, de proche, des personnes qui
connaissaient bien leur condition, on essayait d'évaluer les capacités. Il y a
des outils qui existent, aujourd'hui, pour évaluer les conditions de vie des personnes
handicapées à partir du modèle que je vous parlais, là, l'interaction entre les
facteurs individuels, l'environnement puis les habitudes de vie.
Et ces outils-là permettent effectivement
d'apprécier ce sur quoi on peut agir. Ça fait qu'effectivement, là, il faudrait...
Il y a un outil MHAVIE, là, entre autres, qui est un peu connu, qui permet
d'aller chercher ce type d'information là. Mais je pense que si on n'a pas de
proche qui nous permette de nous renseigner, là, il faut aller du côté des
approches documentées, scientifiques. Ou, effectivement, je n'avais pas pensé à
la question d'un spécialiste en éthique, mais ça pourrait être effectivement
aussi des bonnes voies de passage.
La Présidente (Mme Guillemette) :
C'est un autre groupe qui est venu en audition aujourd'hui qui nous ont apporté
cette voie-là, puis je voulais voir ce que vous en pensiez.
Vous recommandez que le critère... à
l'article 26, le critère de la loi, vous dites : «Elle a eu accès à des
soins, des services, du soutien et des opportunités de milieu de vie et de
participation sociale pouvant améliorer ses conditions de vie, avec l'accompagnement
requis pour s'en prévaloir, et ce, sans succès et sans autre alternative.» À
quel niveau d'accès et d'accompagnement il est possible de statuer, là, qu'on
en a assez fait, là, que le sans succès et le sans alternative, on l'a atteint,
et qui devrait être en mesure de statuer une telle question?
M. Jean (Daniel) : Au niveau...
Je parlais avec le directeur national de la santé mentale au ministère de la
Santé et des Services sociaux de la problématique de la santé mentale puis les
périodes de crise, puis il me disait que ça pouvait, une période...
La Présidente
(Mme Guillemette) : ...et qui devrait être en mesure de statuer
une telle question?
M. Jean (Daniel) : Oui. Au
niveau... Je parlais avec le directeur national de la santé mentale au ministère
de la Santé et des Services sociaux, puis la problématique de la santé mentale,
puis les périodes de crise. Il me disait que ça pouvait... Une période de
souffrance extrême pouvait durer de quelques mois à autour de 18 mois.
Hein? Il y a comme des épisodes. Et le signal d'alarme, c'est quand que tu as
franchi le 18 mois, là, puis que tu as essayé un paquet d'interventions,
médicaments, des interventions de plus de types dans la communauté aussi pour
amener, et que rien n'a fonctionné. Là, effectivement, l'équipe peut se poser
des questions.
Le lien que je ferais peut-être pour
illustrer comment que le modèle répond bien d'une certaine façon, c'est la
pandémie, ce qu'on vient de vivre d'une certaine façon. La pandémie nous a fait
vivre, tous les citoyens, on a tous vécu, de façon différente, mais on a vécu
une plus grande détresse et des plus grandes difficultés. On se rend compte que
quand on n'a pas accès à tous les services auxquels on voudrait avoir ou qu'on
n'a pas toute l'intervention qu'il nous faudrait, il y a une détérioration de
la qualité de vie puis une augmentation de la souffrance ou de la détresse.
Ça nous a aussi appris qu'on avait un bon
niveau de services avant puisqu'on veut le retrouver. Hein? Il faut voir aussi
la perspective dans... Nous, ce qu'on dit à l'office, là, c'est que c'est... Ce
que la pandémie nous enseigne, c'est que si on agit sur les conditions, les obstacles
des personnes, on peut atteindre des résultats. Mais ne soyons pas dogmatiques,
reconnaissons qu'actuellement la science a des limites par rapport à certaines problématiques,
autant au niveau des maladies neurologiques dégénératives, au niveau de la santé
mentale, que des automutilateurs sévères avec une déficience profonde ou
autisme. Il y a des enjeux là, là. Il y a des drames qui se vivent, là, puis
qu'on n'a pas trouvé de solution. Puis il faut être assez honnêtes pour
dire : Actuellement, on ne sait pas. Puis là, il faut poser la question à
la personne : Qu'est-ce que tu peux... tu veux faire de ta vie? Parce que,
là, actuellement, on n'a pas la réponse.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Je céderais maintenant la parole à la députée
de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Jean. Je voudrais vous amener par
rapport à quand on pense, là... Disons qu'on y va pour quelqu'un qui a un
diagnostic d'une maladie incurable, qui a un diagnostic irréversible puis qu'éventuellement
il risque de devenir inapte. Donc, si on parle, là, d'inaptitude... Alors, si
la personne veut faire une demande anticipée, avez-vous réfléchi à comment
ça... quelle forme ça pourrait être? Est-ce que ça doit être notarié? Est-ce
que ça doit être une demande simple faite avec le médecin? Comme les... Donc, est-ce
que vous avez pensé à la procédure qui pourrait être faite?
M. Jean (Daniel) : Sur
cet élément-là, non, de façon très claire. Mais est-ce que vous faites
référence à une problématique reliée à la déficience, ou à la personne
handicapée, ou une problématique de santé physique...
Mme
Hébert
:
…une demande simple fait avec le médecin comme les… Donc, est-ce que vous avez
pensé à la procédure qui pourrait être faite?
M. Jean (Daniel) : Sur cet
élément-là, non, de façon très claire. Mais est-ce que vous faites référence à
une problématique reliée à la déficience ou à la personne handicapée ou une problématique
de santé physique?
Mme
Hébert
:
Santé physique.
M. Jean (Daniel) : Santé
physique. Donc, pour nous, ce qu'on dit tout simplement dans le mémoire, c'est
qu'on colle les processus actuels. Ce qu'on a entendu du côté du curateur, vous
l'avez entendu en mai dernier, je crois, nous apportait des éclairages. On n'a
pas l'expertise pour aller plus loin là-dessus. Nous, le bout qui nous
intéressait, c'est l'autodétermination. C'est de dire : Bien, les
personnes handicapées ont des droits. Et il faut reconnaître qu'elle a aussi le
droit de demander une aide médicale à mourir lorsqu'elle a une maladie physique
incurable.
• (16 h 40) •
Mme
Hébert
:
Parfait. Si on va du côté de ma collègue, donc, Mme la Présidente, qui a amené
une question, puis je vous ai entendu parler de l'outil MHAVIE. C'est la
première fois que j'entends ça. Est-ce que vous êtes capable de m'expliquer un
petit peu plus c'est quoi cet outil-là?
M. Jean (Daniel) : Bien,
c'est un outil qui vise à identifier dans les différentes sphères de la vie de
la personne, dans le fond, c'est quoi ses capacités. Qu'est-ce qu'elle est
capable de faire puis ce qu'elle n'est pas capable de faire? Ça nous amène à
nous questionner : Où est l'obstacle et sur quoi on doit agir? Je vous
donne comme exemple, toujours la personne au deuxième étage, si on met un
ascenseur… qui est en une incapacité motrice, en fauteuil roulant, donc on
comprend qu'avec l'ascenseur elle est capable de descendre. Mais un coup
qu'elle est rendue dehors, elle n'est pas capable d'aller plus loin que la rue
parce qu'il n'y a pas de transport adapté, il n'y a pas d'élément. Donc là on
travaille sur les obstacles dans l'environnement.
Mais un coup que la personne est dehors,
est en train de marcher, est en train de prendre un transport, là, elle a soit
des rôles sociaux ou des activités de vie qu'elle doit réaliser pour être… pour
prendre sa place dans la société. Donc, cet outil-là nous amène à prendre en
considération chacun des éléments. Moi, quand j'ai travaillé avec des automutilateurs
sévères, paradoxalement, le taux de réussite était aux alentours de 70 %,
je vous dirais, là, O.K. 30 % des résultats étaient mitigés, là, O.K.? On
avait peut-être un 30 % qui était, vraiment c'était… on avait réglé une
partie du problème. Puis le groupe au centre, on avait réussi à maintenir un
équilibre. Il y avait moins de souffrance, la personne réussissait à se
réaliser. Et souvent, c'était en travaillant en équipe interdisciplinaire, et
en réduisant un petit peu la médication, puis en augmentant, O.K., les autres
façons d'aller chercher un sens à la vie.
Ça fait que ce qu'on se rend compte c'est
que la souffrance est alimentée par des facteurs internes, mais est alimentée
aussi par la représentation qu'on se fait de notre rôle dans la société ou de
notre place, etc., ou de la place que la famille ou les proches suit.
Mme
Hébert
:
Parfait…
M. Jean (Daniel) : ...un sens
à la vie. Ça fait que ce qu'on se rend compte, c'est que la souffrance est
alimentée par des facteurs internes mais est alimentée aussi par la représentation
qu'on se fait de notre rôle dans la société ou de notre place, etc., ou de la
place que la famille ou les proches...
Mme
Hébert
:
Parfait. Puis quand... J'aime ce que vous dites, là, qu'on peut atténuer une
portion de la souffrance. Mais si une personne, pour elle, la vie est
inconcevable si on n'a pas 100 % des souffrances qui sont atténuées,
est-ce qu'elle est quand même éligible à l'aide médicale à mourir? Ou parce
qu'on a réussi à rendre sa vie un semblant, là, de qualité, bien, on ne juge
pas qu'il y a une si grande souffrance, donc est-ce que c'est possible encore?
M. Jean (Daniel) : Là, il y a
un enjeu d'autodétermination, c'est-à-dire que la personne, je pense que c'est
elle qui doit choisir. Ma réponse serait de deux niveaux. L'autodétermination
de la personne handicapée, puis il ne faudrait pas que ça soit que les
personnes handicapées qui peuvent avoir droit à ça, O.K., au détriment des
autres groupes dans la population qui peuvent vivre des souffrances similaires
sinon pires mais qui n'auraient pas accès.
Ça paraît un peu paradoxal, ce que je vous
dis, mais l'office, son rôle, c'est d'assurer une pleine participation des
personnes handicapées. Donc, on n'est pas des spécialistes de l'approche
médicale. Mais ce qu'on dit, nous, c'est que les personnes handicapées ont le
droit d'avoir une place au soleil, puis, si elles souffrent, elles devraient
avoir les mêmes droits que tous les autres citoyens.
Mme
Hébert
:
Parfait. J'ai terminé, Mme la Présidente. Merci, M. Jean.
M. Jean (Daniel) : Plaisir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup. Ça met fin à notre présentation pour cet après-midi. Merci
beaucoup à messieurs, à vous deux, d'avoir été présents aujourd'hui, c'est très
formateur pour la suite de nos travaux et ça va nous éclairer grandement, j'en
suis certaine. Donc, sur ce, je vous remercie de votre collaboration.
Et, compte tenu de l'heure, la commission
ajourne ses travaux jusqu'à demain mercredi 11 août où nous reprendrons
notre mandat à 9 h 30. Merci et bonne fin de journée tout le monde.
(Fin de la séance à 16 h 44)