Journal des débats (Hansard) of the Select Committee on the Evolution of the Act respecting end-of-life care
Version préliminaire
42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Thursday, August 19, 2021
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Vol. 45 N° 13
Special consultations and public hearings on the Evolution of the Act respecting end-of-life care
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9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures trente et une minutes)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bonjour, tout le monde. Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance
sur la Commission spéciale sur l'évolution
de la Loi concernant les soins de fin de vie ouverte.
Aujourd'hui, nous procéderons aux consultations
particulières et aux auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant
les soins de fin de vie.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Non,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je demanderais également le consentement pour permettre au député de
Chomedey d'assister à la séance. Consentement? Merci, tout le monde. Donc,
bienvenue.
Et cet avant-midi, nous entendrons, par
visioconférence, les groupes et témoins suivants : la Fédération des
médecins spécialistes du Québec, le Regroupement des organismes de base en
santé mentale des régions de la Mauricie et du Centre-du-Québec et Mme Kim L.
Giard.
Donc, sans plus attendre, je vous présente
nos premiers invités de la journée, de la Fédération des médecins spécialistes
du Québec, avec leurs représentants, le Dr Vincent Oliva, président, et la Dre
Karine Igartua, conseillère. Donc, bienvenue, merci d'être avec nous ce matin.
La procédure, c'est que vous disposez de 10 minutes, comme on vous l'a expliqué
sûrement, pour faire votre exposé, et par la suite il y aura un échange avec
les membres de la commission pour une période de 35 minutes.
Donc, je vous cède maintenant la parole.
M. Oliva (Vincent) : Bonjour,
Mme la Présidente. Mesdames messieurs les parlementaires, bonjour à tous et à
toutes. On veut d'abord remercier la commission pour l'invitation qui a été
faite à la fédération. Moi, je suis le Dr Vincent Oliva. Je suis radiologiste
d'intervention et aussi président de la Fédération des médecins spécialistes,
accompagné du Dre Igartua, qui est médecin psychiatre et secrétaire du conseil
d'administration de la fédération, qui représente 10 000 médecins
spécialistes dans 59 spécialités médicales, chirurgicales et de laboratoire.
Donc, le mémoire de la fédération est basé
sur deux critères, le droit à l'autodétermination et le respect des volontés du
patient. Donc, moi, je vais aborder les demandes anticipées et de l'aptitude,
et laisserai à Dre Igartua d'aborder la question de l'aide médicale à mourir
pour les troubles mentaux...
M. Oliva (Vincent) : …de la
fédération est basé sur deux critères : Le droit à l'autodétermination et
le respect des volontés du patient. Donc, moi, je vais aborder les demandes
anticipées et de l'aptitude, et laisserai le soin à Dre Igartua d'aborder la
question de l'aide médicale à mourir pour les troubles mentaux. Si l'action de
prodiguer des soins de fin de vie est majoritairement confiée aux médecins de
première ligne, il n'en demeure pas moins que les médecins spécialistes sont au
coeur du continuum de soins de ces patients-là. Il y a différentes spécialités,
neurologues, gériatres, psychiatres, oncologues, pour ne nommer que celles-là,
qui accompagnent tous les jours les patients dans différents cheminements de
soins qui mènent bien souvent à la fin de vie. Donc, les médecins spécialistes
sont formés, évidemment, pour prodiguer des soins de confort, des soins
palliatifs, la gestion de la douleur, ils sont présents pour accompagner,
renseigner les patients sur l'évolution de leur maladie et leurs impacts sur
leur santé autant physique que mentale. Donc, les médecins spécialistes sont
vraiment au coeur des problèmes qui touchent l'aide médicale à mourir. Dans un
sondage mené par la fédération auprès de ses membres l'année dernière, il est
sorti que les médecins croient, dans une grande, grande majorité, presque
absolue, que l'équipe soignante doit respecter l'autonomie décisionnelle du
patient, même si… volonté est en contradiction avec celle de la famille. Il
s'agit d'un plaidoyer très fort parce que les patients ont droit à
l'autodétermination. Ils sont les spécialistes de leur corps et de leur esprit.
J'en profite pour mentionner que ces volontés sont trop souvent ignorées par
manque d'accessibilité dans le Carnet santé Québec ou encore dans le Dossier
santé Québec, dans le DSQ, donc ces informations ne sont pas toujours
présentes. Donc, les médecins spécialistes réaniment ou prodiguent des soins
qui ne sont parfois pas désirés et qui n'auraient pas dû l'être, faute d'avoir
obtenu l'information au bon moment, puis ça, on note que c'est une situation
qui ne devrait pas se produire en 2021.
Pour en revenir au coeur de notre
discussion, on se permet d'inviter les membres de la commission à considérer
trois cas d'espèce qu'on rencontre comme médecins spécialistes, dans le cadre
de notre pratique médicale, qui nécessitent une réflexion différente
relativement à des demandes anticipées d'aide médicale à mourir. Premièrement,
il y a le cas d'une personne qui perd l'aptitude entre le moment de la demande
et son administration. Donc, c'est une situation qui est actuellement prévue
par la loi dans un contexte donné. Deuxièmement, il y a celle d'une personne
qui reçoit un diagnostic de maladie grave ou incurable, et, en prévision de son
inaptitude, doit donc statuer. Autrement dit, un patient, des fois, reçoit un
diagnostic de cancer ou de maladie dégénérative, mais les symptômes de la
maladie ne sont pas encore apparus. Donc, on doit anticiper cette situation-là,
puis c'est une situation qui est un petit peu particulière. Puis un troisième
cas de figure, qui est encore plus hypothétique, mais c'est le cas, par
exemple, d'un patient qui est comme vous et moi, j'espère, qui est en parfaite
santé, et qui n'a pas de maladie dans l'horizon et qui est, par exemple, dans
un accident de la route…
M. Oliva (Vincent) : …qui est un
petit peu particulière. Puis il y a un troisième cas de figure qui est encore
plus hypothétique, mais c'est un… le cas, par exemple, d'un patient qui est,
comme vous et moi, j'espère, qui est en parfaite santé, et qui n'a pas de
maladie dans l'horizon, et qui est par exemple dans un accident de la route ou
un accident vasculaire cérébral, et donc qui se retrouverait éventuellement
dans une situation de souffrance qu'il n'avait pas anticipée, mais il pourrait
être dans une situation où il n'est pas apte à demander l'AMM, mais pourrait
prévoir que dans cette situation-là il aurait voulu recevoir l'AMM. Donc, encore
une fois, c'est une situation plutôt hypothétique, mais qu'on retrouve de temps
en temps, et ces patients-là, on croit, doivent pouvoir avoir un recours.
Donc, dans ces trois cas d'espèce, la
question de la souffrance et donc de son anticipation est différente. La notion
de consentement, la possibilité de le renouveler l'est aussi, et, entre un
diagnostic et l'administration de l'AMM, il y a plusieurs étapes, dont l'évolution,
la manifestation des symptômes, les différents traitements, etc. Donc, dans le
cadre de ce processus, le patient obtient l'ensemble des informations médicales
qui lui permettent de prendre une décision libre et éclairée. On croit donc que
les parlementaires pourraient envisager de prévoir un encadrement législatif
qui est propre à chacune de ces conditions médicales et, le cas échéant, faire
appel à des experts dans chacun des domaines de soins concernés pour pouvoir
prévoir justement les situations qui sont spécifiques à ces cas de figure.
Donc, certains éléments nous apparaissent importants en matière de demande
anticipée d'aide médicale à mourir. En particulier, au moment de rédiger la
demande anticipée, le patient est-il en mesure de prendre une décision libre et
éclairée?
Dans un tout autre ordre d'idées, nous
jugeons important d'aborder la question des délais entre… le cadre de la
dispensation de l'aide médicale à mourir de façon générale. La loi fédérale
vient créer deux catégories de patients, ceux dont la mort est raisonnablement
prévisible et ceux dont la mort ne l'est pas, et cette façon de faire vient
heurter l'idée fondamentale du respect de la volonté de la personne. Lorsqu'une
personne, en toute liberté, en toute conscience, en toute connaissance de
cause, prend la décision de demander l'aide médicale à mourir, lui imposer un
délai de trois mois, par exemple, de souffrance supplémentaire pourrait dans certains
cas s'apparenter à un discrédit de sa démarche, voire à une négation de sa
douleur. Donc, un tel critère semble contraire aux valeurs de compassion et
d'humanisme qui devraient imprégner la loi.
Donc, je cède maintenant la parole à ma
collègue, Dre Igartua, qui va nous parler de santé mentale.
Mme Igartua (Karine) : Merci,
Dr Oliva. Mesdames et messieurs les membres de la commission, les discussions
sur l'aide médicale à mourir répondent à un certain consensus social aujourd'hui,
mais il semble que ce consensus, il y en a qui questionnent s'il tient aussi
pour la maladie mentale. Je veux vous dire qu'il le devrait. Depuis longtemps,
pour les médecins, la santé mentale n'est pas dissociable de la…
Mme Igartua (Karine) : ...les
discussions sur l'aide médicale à mourir répondent à un certain consensus
social aujourd'hui, mais il semble que ce consensus, il y en a qui questionnent
s'il tient aussi pour la maladie mentale. Je veux vous dire qu'il le devrait.
Depuis longtemps, pour les médecins, la santé mentale n'est pas dissociable de
la santé physique. Les troubles mentaux affectent le fonctionnement physique du
corps, et l'état mental influence aussi la douleur physique. Les maladies
physiques ont un impact sur l'état mental d'une personne.
Donc, lorsqu'on évalue la condition
clinique et la souffrance, on doit tenir compte autant des aspects physiques
que psychiques, et j'ajouterais même des aspects culturels et spirituels. Il
est donc illogique, dans le cadre de l'admissibilité à demander l'AMM, de
distinguer la maladie mentale de la maladie physique.
• (9 h 40) •
Effectivement, l'admissibilité d'une
demande d'AMM doit se baser sur les critères de souffrance insupportable suite
à une maladie grave et incurable, et ce, quel que soit le diagnostic. La
maladie mentale ne peut donc pas être exclue d'emblée. Ce serait
discriminatoire et ne contribuerait qu'à une stigmatisation systématique des
maladies mentales.
Nous voulons être clairs, la fédération ne
souhaite pas promouvoir l'aide médicale à mourir mais plutôt reconnaître que la
souffrance liée aux maladies mentales est tout aussi légitime que d'autres
types de souffrance, et que tous les patients ont droit à cette même
autodétermination, quelle que soit la nature de leur maladie.
Certains diront qu'on ne peut se prononcer
sur l'aspect incurable des maladies mentales. Il est vrai que, comme pour
d'autres maladies chroniques, le pronostic des maladies mentales est variable
et n'est pas simplement déterminé par le diagnostic. Certains troubles dépressifs
répondront au premier essai d'un antidépresseur, d'autres nécessiteront
plusieurs modalités de traitement pour contrôler les symptômes, tandis que
d'autres resteront réfractaires à tous les traitements connus à ce jour. Mais
ceci est vrai des troubles anxieux et des troubles psychotiques, mais aussi du
cancer, des maladies inflammatoires, de l'épilepsie, etc.
Donc, les médecins spécialistes croient
qu'il est possible de prodiguer des soins exceptionnels pour guérir et soulager
de nombreuses pathologies, et on milite en ce sens pour que ce soit accessible
à tous les Québécois, mais on est conscients des limites de la médecine moderne
dans le soulagement de certaines souffrances.
Quand un patient a des symptômes
chroniques et sévères, avec une atteinte à sa capacité fonctionnelle qui
dépasse ses mécanismes d'adaptation, on doit considérer que la maladie est
grave. Et, lorsqu'il aura tenté tous les traitements qui lui sont tolérables et
qu'il n'a pas soulagement à ses souffrances, on pourra conclure que sa maladie
est incurable.
Je veux adresser rapidement deux mythes.
Il n'est pas vrai que le trouble mental rend automatiquement inapte et il n'est
pas plus vrai que le trouble mental rend toujours suicidaire. Donc, d'exclure
tous les troubles mentaux parce que certains seront inaptes ou suicidaires
serait un raccourci discriminatoire et contraire à l'humanisme du législateur.
Les médecins spécialistes savent évaluer
l'aptitude décisionnelle du patient. On sait apprécier la souffrance, en
considérant les symptômes, les limitations fonctionnelles, les facteurs
personnels, et on peut distinguer une...
Mme Igartua (Karine) : …serait
un raccourci discriminatoire et contraire à l'humanisme du législateur.
Les médecins spécialistes savent évaluer l'aptitude
décisionnelle du patient. On sait apprécier la souffrance en considérant les
symptômes, les limitations fonctionnelles, les facteurs personnels et on peut
distinguer une intention suicidaire d'une demande rationnelle de cesser de
souffrir.
L'Association des médecins psychiatres a
proposé une trajectoire d'évaluation de soin qui protège, et qui est prudente,
et qui reconnaît la légitimité des troubles mentaux, et qui prend en compte la
sensibilité des familles et des soignants, et le respect de l'autonomie des
patients. Certains diront que c'est complexe, que c'est difficile, mais ce
n'est pas parce que c'est difficile qu'on doit éviter de faire ce qui est juste
et humain.
Merci de votre écoute. Nous sommes honorés
d'avoir été invités à partager nos analyses avec vous.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup à vous deux. Donc, nous passons maintenant à la période
d'échange avec les parlementaires en débutant avec le député de Mégantic.
M. Jacques : Bien, merci,
Mme la Présidente. Bonjour, Dr Olivia et Dre Igartua, c'est bien
comme ça?
Mme Igartua (Karine) :
Bonjour. Oui, vous l'avez eu.
M. Oliva (Vincent) : Et
M. Oliva.
M. Jacques : Ah! j'ai mis…
j'ai écrit Olivia, c'est Oliva. Bien, désolé.
M. Oliva (Vincent) : Ça
arrive souvent.
M. Jacques : Bon, moi, je veux
aller directement, là. Vous avez fait trois cas de figure et j'aimerais ça
aller directement au troisième cas de figure, une personne qui fait une demande
anticipée, en fait, et que lorsque les… c'est une personne qui n'a pas de
diagnostic de maladie dégénérative, ou quelque soit le cas.
Donc, présentement, bon, on sait que ce
n'est pas possible. Je prends… on va prendre une personne qui fait un ACV
massif, qui entre à l'hôpital, il est sur respirateur. Il n'y a pas de mort
cérébrale, donc on… la famille pense qu'il est peut-être… et les médecins
peuvent penser qu'il peut y avoir une réhabilitation, il y a peut-être
10 % des chances que la personne revienne. Mais suite à tous les
traitements possibles et inimaginables, il n'y a aucune… la personne reste, là,
en n'étant plus capable de fonctionner, complètement.
Donc, dans cette optique-là, de quelle
façon vous suggéreriez que les… la… que la famille, les médecins, suite à une
demande qui aurait été faite, préalablement, au cas où ça arrive, de un… de
quelle façon la décision va être prise? Un. Deux, de… dans quel genre de
formulaire ces gens-là pourraient demander cette aide médicale à mourir là en
cas d'accident soudain? J'aimerais ça, énormément, vous entendre là-dessus,
c'est une question, là, qui me chicote beaucoup…
M. Oliva (Vincent) : C'est
une…
M. Jacques : ...dans quel genre
de formulaire ces gens-là pourraient demander cette aide médicale à mourir là
en cas d'accident soudain? J'aimerais ça énormément vous entendre là-dessus.
C'est une question, là, qui me chicote beaucoup.
M. Oliva (Vincent) : C'est
une très, très bonne question, c'est... Je vais commencer, Karine, puis, si tu
as des choses à ajouter, évidemment, tu pourras compléter. Mais c'est une question...
c'est une bonne question. C'est une question difficile, puis je ne prétends pas
avoir toutes les réponses.
Cependant, on rencontre des patients dans
ces situations-là de temps en temps. Par exemple, un patient, comme vous dites,
qui a subi un AVC massif, et puis qui n'est plus apte à demander l'aide
médicale à mourir. Mais on voit, de toute évidence, là, qu'il soit sur
respirateur ou pas, là... Parce qu'ils ne le sont pas toujours, là, puis ils
ont des soins de confort minimums, un tube pour les alimenter, puis on change
ces tubes-là périodiquement, puis ça leur fait mal, et puis ils ne peuvent pas
le dire, ils ne peuvent pas l'exprimer. Mais tout le monde qui est dans la
salle et qui donnent des soins à ce patient-là sont un peu mal à l'aise. Puis
le personnel soignant dit souvent, puis ça me frappe : Moi, si j'étais
dans cette situation-là, là, je ne voudrais pas vivre, tu sais. Parce que c'est
pénible de voir ça.
Puis vous dites 10 %. O.K., ça,
c'est... je veux dire, on rentre dans des chiffres, et puis c'est un peu
difficile de statuer. Mais bien souvent, là, il y a des patients, on le sait
qu'ils... pas, là. Tu sais, leur scan cérébral montre qu'il n'y a plus de
cortex cérébral.
M. Jacques : S'il y a une mort
cérébrale, c'est un autre cas, là....
M. Oliva (Vincent) : Bien,
ils ne sont pas en mort cérébrale, mais on voit que, tu sais, c'est un cerveau
qui ne fonctionnera jamais normalement, là. Tu sais, ils ne se réveilleront pas
miraculeusement d'un coma, là.
Donc, on voit ces situations-là de temps
en temps. Donc, c'est ce qui nous pousse un petit peu à dire : Il y a des
situations comme celle-là, là, qui justifieraient que le patient puisse en
bénéficier, O.K. Donc, comment, sur quel genre de formulaire, tout ça, c'est
des bonnes questions, puis le diable est dans les détails, mais certainement
qu'il faudrait que ce soit avant que l'événement arrive que le patient ou le
citoyen puisse dire : Bien, moi, si j'arrive dans cette situation assez spécifique,
là, avec des balises, bien, je voudrais pouvoir en bénéficier, de l'aide
médicale à mourir, tu sais.
Donc, il faudrait que, préalablement, tu
sais, il y ait un certain nombre de critères, avec des balises assez claires.
Parce que ce qu'on ne veut pas non plus, c'est que le médecin soit le juge de
la situation puis dise : Oui, lui, oui, lui, non. Il faudrait vraiment que
ce soit le patient qui dise : Moi, dans telle situation, si j'arrive dans
une situation clinique comme celle-là, où il y a de la souffrance, bien, je ne
veux plus vivre, puis j'aimerais que l'aide médicale à mourir soit mise en
application.
Donc, je ne sais pas...
Mme Igartua (Karine) :
Monsieur...
M. Oliva (Vincent) : Oui,
Karine?
Mme Igartua (Karine) : Je
rajouterais peut-être... M. Jacques, vous avez pris la situation la plus
complexe, parce que, quand on regarde quelqu'un qui a une maladie dégénérative
et qui veut faire des demandes anticipées, bien...
M. Oliva (Vincent) : …je ne
veux plus vivre, puis j'aimerais que l'aide médicale à mourir soit mise en application.
Donc, je ne sais pas…
Mme Igartua (Karine) :
Monsieur… Je rajouterais peut-être, M. Jacques… vous avez pris la situation la
plus complexe, parce que, quand on regarde quelqu'un qui a une maladie
dégénérative et qui veut faire des demandes anticipées, bien, il y a un
diagnostic puis il y a un docteur. Donc, quand… Donc, il y a moyen de discuter
du pronostic et de ce qu'on peut s'attendre qui va arriver plus tard et, dans
ces situations-là, dire : Bon, bien, moi, si j'ai telle, telle, telle
constellation de symptômes, dans ce… à ce moment-là, je ne veux plus vivre. Ce
qui est difficile dans le cas que vous évoquez, c'est qu'il n'y a pas de
médecin, parce que le patient, il n'est pas patient, là, c'est un citoyen en
santé qui fait une demande un peu seul, parce qu'on ne peut pas prévoir toutes
les éventualités d'accident possibles qui pourraient nous arriver. Donc, c'est
ça qui est difficile, parce que, quand on parle de l'aide médicale à mourir,
c'est un soin; pour avoir un consentement aux soins, il faut être libre et
éclairé; puis, pour être éclairé, il faut savoir à quoi on consent.
Donc, si on voulait ouvrir… si le législateur
voulait ouvrir cette porte-là, il faudrait que le… il y ait un formulaire qui
soit très, très, très détaillé sur quelles sont les circonstances cliniques,
puis ce ne serait pas nécessairement relié à un diagnostic, mais plutôt à une
condition clinique. Donc, est-ce que j'ai une mort cérébrale? Est-ce que j'ai
peu de réactivité? Est-ce que j'ai l'incapacité de communiquer? Est-ce que j'ai
l'incapacité de me nourrir? Il faudrait qu'il y ait une série de critères et il
faudrait que ça soit très clair dans le formulaire. Est-ce que tous ces
critères doivent être remplis pour que la demande d'AMM soit mise en
application? Mais c'est hyper complexe, ce que vous amenez comme question.
M. Jacques : Je le sais, puis
c'est pour ça que l'on… qu'on vous a aujourd'hui, puis je veux donc reconduire
quand même, là… Donc, si je comprends bien, pas dans un mandat d'inaptitude,
donc un formulaire authentique pour des gens qui voudraient se prévaloir d'un
droit plus tard. C'est ça que vous dites?
• (9 h 50) •
M. Oliva (Vincent) : Oui.
Mme Igartua (Karine) : Oui.
Mais, moi, je vous suggérerais que ça soit quelque chose qui soit… qui se… qui
devienne périmé, c'est-à-dire qui doit être renouvelé souvent, parce que le cas
de figure que je peux penser, c'est quelqu'un qui a 25 ans, qui a 30 ans, qui
est en pleine forme, qui est quelqu'un de très physique puis qui dit :
Moi, si je perds mes capacités physiques, je veux mourir. Peut-être que cette
personne-là, à 40 ans, ou à 50 ans, ou à 60 ans, n'aura pas la même vision de
la vie et des capacités, de ce que ça veut dire. Donc, de mettre en application
quelque chose qui aurait été décidé à 25 ans quand il y a un accident de moto à
50 ans ou un accident cérébral à 70 ans, je trouverais ça, pour la famille et
pour le personnel soignant, délicat de savoir : C'étaient-u encore les
volontés de la personne? Donc, un formulaire qui aurait besoin d'être remis à
jour à une fréquence périodique, là, on pourrait penser cinq ans, trois ans, je
ne sais pas, là, ce que…
M. Jacques : Maintenant,
c'est… là. O.K., je comprends.
Dernière question rapidement, là, parce
que mes collègues, ils veulent…
Mme Igartua (Karine) : …pour le
personnel soignant, délicat de savoir : C'était-u encore les volontés de
la personne? Donc, un formulaire qui aurait besoin d'être remis à jour à une
fréquence périodique, là, on pourrait penser cinq ans, trois ans, je ne sais
pas, là, ce que…
M. Jacques : Mais quand c'est…
O.K. Je comprends. Dernière question, rapidement, là, parce que mes collègues,
ils veulent prendre la parole aussi, là. Quand on parlait, là, des décisions,
quand la décision va être à prendre, si jamais il y a un formulaire, dans le doute,
là, mais si jamais il y a un formulaire, la décision va être prise par les
médecins soignants au moment… et la famille? La décision va être prise par les
médecins, la décision va être prise par qui, par une communauté d'intervenants?
Mais rapidement, s'il vous plaît, parce que je veux laisser les collègues poser
leurs questions.
Mme Igartua (Karine) :
Idéalement, par consensus, hein? Idéalement, tout le monde est d'accord.
Maintenant, la question se pose si les gens ne sont pas d'accord là où est-ce que
ça se passe, et je ne prétends pas avoir la réponse absolue. Je sais que les
médecins ne veulent pas que ce fardeau-là repose sur leurs épaules.
M. Oliva (Vincent) : …ou sur
une seule épaule, sur une seule paire…
Mme Igartua (Karine) : C'est
ça.
M. Jacques : Donc, un comité
mixte, là, travailleurs sociaux, médecins, famille, et autres.
M. Oliva (Vincent) : Oui.
Mme Igartua (Karine) : Oui.
M. Jacques : Parfait. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Donc, je céderais la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Oliva et Mme Igartua, plutôt,
docteurs, je m'excuse. Moi, j'aimerais savoir… je vais continuer sur la lignée
de pensée de mon collègue le député de Mégantic. Moi, j'aimerais savoir :
Est-ce que la question a été posée… parce que je vois que dans le mémoire, il y
a plusieurs… vous avez sondé vos membres, et on voit certains pourcentages.
Mais est-ce que vous avez sondé vos membres s'ils étaient d'accord avec un
diagnostic ou pas pour faire une demande anticipée? Est-ce que ça prend un
diagnostic d'une maladie ou, comme mon collègue l'a dit, quelqu'un… ils étaient
ouverts aussi, il y avait un certain pourcentage de médecins ou la majorité
était ouverte à ce qu'on puisse l'ouvrir à toute la population, éventuellement,
s'il y avait un accident, ou quoi que ce soit?
M. Oliva (Vincent) : Non, on
n'a pas… En fait, le sondage n'a pas couvert cette question-là. À ce que je
sache, là, le… puis ça a été fait l'an passé, là, mais le sondage n'a pas
couvert la question : Est-ce qu'il doit y avoir un diagnostic ou pas, là?
Mme
Hébert
: O.K.
Parfait, parce qu'il y a…
M. Oliva (Vincent) : C'est
nous qui soulevons cette question-là parce qu'on le voit dans notre pratique,
on voit qu'il y a ce genre de situations là où le patient se retrouve dans une
situation clinique dans laquelle personne n'aurait pu l'anticiper. Donc, c'est
nous qui soulevons cette question-là.
Mme
Hébert
:
Parfait. Alors… puis il existe déjà un document qui s'appelle les Directives
médicales anticipées. Croyez-vous que ce document-là…
M. Oliva (Vincent) : …dans
laquelle personne n'aurait pu l'anticiper, donc c'est nous qui soulevons cette
question-là.
Mme
Hébert
:
Parfait. Alors, puis il existe déjà un document qui s'appelle les Directives
médicales anticipées. Croyez-vous que ce document-là, quand même, fait le…
comme on dit, est capable de bien aiguiller, pour les gens qui l'ont rempli, si
jamais il arrive une situation dans ce contexte-là, trouvez-vous que les
questions qui sont posées, c'est suffisant, ou il faudrait vraiment ajouter l'aide
médicale à mourir?
Mme Igartua (Karine) : Le
document des directives médicales anticipées ne couvre pas l'AMM en ce moment,
donc ce n'est pas… ça pourrait être rajouté à ce document-là, mais ça ne fait
pas partie des questions en ce moment. Je pense que le document est bien fait,
malheureusement il n'est pas assez facilement accessible, il n'est pas assez
publicisé et, même quand il est rempli, on n'a pas accès à ça. Donc, c'est… le
problème… le document est bien, mais le système ClicSEQUR et tout ce qu'il faut
faire pour rentrer pour remplir ça, c'est beaucoup trop compliqué pour le
commun des mortels. Donc, ça a une utilité limitée parce que ce n'est pas
«user-friendly», comme on dit.
Mme
Hébert
:
Merci. Merci du commentaire, parce que c'est justement ce qui a été soulevé,
qu'il n'avait pas été assez publicisé, c'est une recommandation qui pourrait
être faite, mais de savoir que c'est aussi compliqué d'y avoir accès, donc
merci, ça alimente nos… les… comme on dit, nos points. Moi, j'aimerais savoir… Parce
que, là, vous savez, on discute, le critère de fin de vie a été enlevé, la loi,
elle a perdu une grande balise, que, au départ, qui avait été mise. Dr
Morisette nous a dit de faire très, très… il était intervenu puis il a dit de
faire attention, parce que, étant donné qu'on avait enlevé le critère de fin de
vie, ça ouvrait la porte assez large, ce que, contrairement à d'autres pays
comme les Pays-Bas et la Belgique avaient déjà d'autres balises. Moi, ce que
j'aimerais savoir, c'est qu'on voit, là, avec… dans le temps, là, qu'on parle
de 2017, 2018, 2019, 2020, comment que le nombre a quand même augmenté
considérablement ici, au Québec, pour faire des demandes d'aide médicale à
mourir, puis qui ont été administrées. Alors, n'avez-vous pas certaines craintes
qu'en élargissant la loi, on envoie un message à la population comme c'est un
soin de fin de vie qui, comment je pourrais dire, qui est banal, ou ne
pensez-vous pas qu'on pourrait encore voir augmenter le nombre?
Mme Igartua (Karine) : Moi,
j'aurais tendance à dire que ce n'est pas le message qu'on envoie à la
population, mais c'est plutôt le reflet d'une évolution de la pensée de la
population par rapport à la mort, par rapport… Et je pense que ce n'est pas
juste les médecins, là, je pense qu'on parle au niveau sociétaire. La vie à
tout prix, ce n'est plus une valeur aussi prisée que ce l'était…
Mme Igartua (Karine) : …la
population mais c'est plutôt le reflet d'une évolution de la pensée de la
population par rapport à la mort, par rapport… Et je pense… ce n'est pas juste
les médecins, là, je pense qu'on parle au niveau sociétaire, la vie à tout
prix, ce n'est plus une valeur aussi prisée que ce l'était. Donc, on est
beaucoup plus sensible à la qualité de la vie que de prolonger la vie à tout
prix, donc je n'ai pas cette inquiétude-là, qu'on est en train de créer une
valeur, je pense qu'on est plutôt en train de refléter des valeurs de la
société québécoise.
M. Oliva (Vincent) : Je suis…
si vous permettez, là, je suis d'accord avec ce que dit Dre Igartua. Puis
ce que je pense, c'est qu'on se rapproche, dans le fond, des volontés puis des
valeurs du patient, c'est ça qu'on fait. Alors, oui, ça… c'est sûr que ça amène
un courant un petit peu différent mais c'est un courant qui est déjà présent
chez les patients qui sont très malades, donc c'est ça qu'on reflète. C'est…
puis on… comme disait Dre Igartua, on n'en fait pas la promotion, de ça.
Nous, on vous dit les choses un petit peu comme on les voit, au mieux de notre
connaissance puis au mieux de notre perception.
Mme
Hébert
:
O.K. Quand vous dites que la population, la… est arrivée à une certaine… ça
fait partie de nos valeurs, on voit, dans certains… parce qu'il y a une
consultation présentement, en ligne, et on voit qu'il y a une certaine division
au côté de la santé mentale, on voit que ce n'est pas tout le monde qui est
arrivé au même niveau puis c'est très, très divisé, là, dans les commentaires,
autant dans les experts que dans la population. Donc, d'ouvrir jusqu'aux
personnes qui ont des troubles de santé mentale, qui incluent aussi la
dépression, est-ce que vous ne pensez pas que c'est risqué de voir certaines
dérives? Parce qu'on ne peut plus reculer, là, c'est un soin qui donne la mort,
donc si jamais on ouvre, ça va être difficile de reculer, après. Donc,
pensez-vous qu'on est prêt, actuellement, pour élargir aussi grand?
• (10 heures) •
Mme Igartua (Karine) : Vous
savez, l'Association des médecins psychiatres s'est penchée là-dessus pendant
plus d'un an, justement, à la demande de la Commission des soins de fin de vie
et ils ont pondu un document quand même assez volumineux qui décrit toute une
trajectoire de conditions d'évaluation pour une pratique sécuritaire de l'aide
médicale à mourir. D'ailleurs, ce document-là a été repris par le Sénat
canadien et a fait partie des discussions sur la clause crépusculaire qui a été
mise en place au niveau fédéral.
Donc, au niveau fédéral, l'argument a
été : C'est discriminatoire, on ne veut pas discriminer, on ne veut pas
traiter les patients avec des troubles mentaux comme étant des citoyens de
seconde zone qui auraient des droits moindres que les autres, par contre, on veut
s'assurer de protéger une population qui est potentiellement vulnérable.
Donc, il y a tout un…
10 h (version non révisée)
Mme Igartua (Karine) : …on ne
veut pas discriminer, on ne veut pas traiter les patients avec des troubles
mentaux comme étant des citoyens de seconde zone qui auraient des droits
moindres que les autres. Par contre, on veut s'assurer de protéger une population
qui est potentiellement vulnérable.
Donc, il y a tout un processus qui a été
suggéré par l'Association des médecins psychiatres pour vraiment venir baliser
ça, et je pense que c'est un processus qui est très rigoureux, et qui va venir
pallier, là, à des dérives potentielles.
Si vous me permettez, je vais revenir à
l'idée du patient déprimé et suicidaire. On a comme l'impression qu'une maladie
mentale, ça amène nécessairement quelqu'un à être suicidaire. Or, le symptôme
d'idée suicidaire, c'est quelque chose qui vient avec la dépression puis c'est quelque
chose qui vient avec les troubles de personnalité limite. Autrement, ce n'est
pas un critère des troubles mentaux. Donc, la plupart des patients avec des
troubles mentaux ne sont pas suicidaires.
Je pense que de faire… de dire : Parce
qu'il y en a qui vont être suicidaires, on ne peut pas considérer la demande de
personne qui a un trouble mental. C'est trop facile et c'est discriminatoire.
Le psychiatre est bien placé pour faire la distinction entre un symptôme
suicidaire d'une personne déprimée et un désir rationnel de cesser de souffrir parce
qu'il y a une souffrance psychique qui est intolérable et qui est soutenue.
Là, on ne parle pas d'offrir l'aide
médicale à mourir à une jeune de 21 ans parce que son chum l'a laissé puis
là elle ne voit plus la fin de la vie parce qu'elle est en peine, là. On ne
parle pas de ça. On parle de gens qui ont eu des années de souffrances, qui ont
eu plusieurs essais pharmacologiques, qui ont eu toutes les psychothérapies qui
existent, qui ont eu même les électrochocs, qui ont eu la stimulation
magnétique transcrânienne, qu'il n'y a rien qui a marché, puis ils souffrent.
Je pense que c'est inhumain de dire :
Toi, ta souffrance parce qu'elle est ici, elle n'est pas aussi valable qu'une
souffrance qui est en bas du coût. Je pense que c'est inhumain d'y aller comme
ça.
Mme
Hébert
:
Merci. Merci, Dr Oliva et Dre Igartua. Et je vais laisser la parole à
ma collègue s'il reste du temps.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Mais, malheureusement, il ne nous reste plus de temps, mais nous allons quand
même pouvoir poursuivre les échanges avec le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Et merci beaucoup les Drs Oliva et Igartua. Vous êtes évidemment
au coeur des soins de vie et dans son continuum, dans l'accompagnement et l'évaluation
des demandes de l'aide médicale à mourir. Compte tenu de ce rôle primordial, je
vais me permettre une question que je trouve à la fois existentielle, mais
très, très concrète. Une des questions très large devant nous, c'est de trouver
justement cet équilibre entre le respect de l'autonomie, de l'autodétermination
et de nous assurer…
M. Birnbaum : ...concrète. Une
des questions très larges devant nous, c'est de trouver justement cet équilibre
entre le respect de l'autonomie, de l'autodétermination et de nous assurer
contre les dérapages possibles, ce qui est une préoccupation, même, plus
présente quand on parle des troubles de santé mentale.
Bon, donc, ma question : Comment est-ce
que, dans votre rôle... C'est quoi, la vision de base pour s'occuper de vos...
Puis dans ces deux pôles de débats, c'est-à-dire l'autodétermination de la
patiente et l'évaluation de ses voeux, et aussi l'assurance que vous n'êtes pas
impliqués dans une demande qui ne rejoint pas les critères actuels sur l'article
26 ou d'autres critères qu'on ajouterait, vous avez un rôle solennel
d'arbitres, à quelque part. Comment... C'est quoi, votre philosophie de base
envers ces deux responsabilités, une aussi... l'autre que l'autre?
Mme Igartua (Karine) :
Vincent, veux-tu que j'y aille?
M. Oliva (Vincent) : Oui,
vas-y.
Mme Igartua (Karine) : O.K.
D'abord, la prudence. Je pense que c'est le mot le plus facile pour répondre à
votre question. Dans le doute, on s'abstient. Donc, ça ne veut pas dire qu'on
n'évalue pas une demande. Ça ne veut pas dire qu'on ne fait pas tout le
processus d'évaluation et de proposition des traitements alternatifs. Mais si
on a un doute sur les conditions cliniques, sur l'attitude du patient, sur le
caractère irréversible ou incurable, sur le caractère intolérable de la
souffrance, bien, on demande un deuxième avis. On demande un avis, peut-être,
de nos équipes multidisciplinaires ou d'un collègue. Je pense que les médecins
ne sont pas des gens, en général, impulsifs ou intempestifs, là. Je pense que,
dans le doute, on va s'abstenir.
Donc, il y a une différence entre
dire : On ne permet pas qu'une demande soit admissible parce qu'on a peur
d'une dérive, et de dire : On permet une demande, mais on n'accepte pas la
demande parce qu'on a peur qu'elle soit dans une dérive.
Je ne sais pas si vous comprenez la nuance
que j'essaie de faire?
M. Oliva (Vincent) : Si...
j'ajouterais peut-être un petit quelque chose, parce que vous avez utilisé un
mot, un terme, puis... Vous avez parlé d'arbitrage, mais je pense qu'il faut
s'éloigner de ça. Je pense que le médecin, là-dedans, ne doit pas être un
arbitre. Le médecin est là pour accompagner, pour conseiller, pour informer,
pour s'assurer que c'est vraiment ce que le patient veut, évidemment, dans un
contexte où il faut bien que tout le monde comprenne qu'il n'y a pas d'autre
solution à la souffrance, O.K., que la souffrance n'a pas d'autre...
M. Oliva (Vincent) : …le
médecin est là pour accompagner, pour conseiller, pour informer, pour s'assurer
que c'est vraiment ce que le patient veut, évidemment, dans un contexte où il
faut que tout le monde comprenne qu'il n'y a pas d'autre solution à la
souffrance, O.K., que la souffrance n'a pas d'autre solution médicale, ou
autres. Donc, à partir du moment où c'est une souffrance qu'on ne peut pas soulager,
bien, il faut qu'on s'assure que le patient comprenne bien ça et qu'on
s'assure, dans le fond, que c'est vraiment ce que le patient veut. Donc, c'est
vraiment au niveau de l'information, et plus que dans l'arbitrage, parce qu'on
ne veut pas être dans une position où on prend la décision à la place du
patient. Comprenez-vous? Ça fait que c'est une nuance quand même qui est
importante, parce que je pense que la notion d'arbitrage, il faut qu'on
l'évacue un petit peu de ce débat-là.
M. Birnbaum : Entendu et
compris. J'ai deux autres questions, et ma collègue de Westmount—Saint-Louis va
poursuivre. Je comprends ces précisions en ce qui a trait à l'arbitrage. Une
autre fois, ça ajoute une couche de complexité à votre rôle. Est-ce que la
fédération, brièvement, a un rôle à faire pour assurer que vos membres
comprennent la complexité de leur rôle et leurs obligations d'en embarquer de
façon très, très sérieuse?
M. Oliva (Vincent) : Oui,
définitivement. La fédération a un rôle de leadership et puis a aussi un rôle
d'éducation, parce que, comme vous savez peut-être, la fédération est plus
qu'un syndicat, on a une direction qui s'occupe de la formation continue des
médecins, et donc on est déjà impliqués, disons, dans le partage d'information
puis dans l'éducation des médecins dans ce contexte-là, puis on va continuer à
le faire.
M. Birnbaum : Merci, très
apprécié. Une question finale pour moi. Vous avez signalé à juste titre
qu'entre un diagnostic et l'administration il y a des étapes évaluatives, et
surtout en santé mentale, ça serait très, très important de suivre ces étapes.
Et vous nous auriez invités, je crois, de faire des recommandations pour
baliser ces étapes. C'est une grande question dont on n'a pas trop discuté
jusqu'à date. Est-ce que je peux vous inviter d'en élaborer un petit peu?
Mme Igartua (Karine) : Oui. Il
y a un document que si vous ne l'avez pas sous la main, on pourra certainement
vous le faire parvenir. C'est un document qui avait été écrit par l'Association
des médecins psychiatres, qui propose une évaluation qui, en fait, serait plus
que 90 jours, là, elle aurait une durée d'environ quatre mois, qui
impliquerait minimalement deux psychiatres pour faire ces évaluations-là,
l'implication de la famille, de l'équipe multidisciplinaire aussi.
On avait aussi suggéré un bureau régional
pour l'AMM qui aurait le…
Mme Igartua (Karine) : ...ce
serait plus que 90 jours, là, elle aurait une durée d'environ quatre mois,
qui impliquerait minimalement deux psychiatres pour faire ces évaluations-là,
l'implication de la famille, de l'équipe multidisciplinaire aussi. On avait
aussi suggéré un bureau régional pour l'AMM qui aurait le but de faire une
coordination provinciale pour assurer qu'il n'y a… aucun patient ni clinicien
n'est laissé à lui-même dans l'évaluation et le travail. Ce bureau-là va
assurer l'accès aux évaluateurs… mais aussi au bon déroulement du processus, et
ce qu'on suggère, c'est une surveillance prospective plutôt qu'une surveillance
rétrospective. Donc, c'est quand même
assez détaillé, les critères que les médecins psychiatres peuvent utiliser pour
déterminer l'aptitude, pour déterminer la souffrance et pour s'assurer, là,
qu'on n'est pas dans... face à un patient avec une crise suicidaire, là. Donc,
tout ça est assez détaillé. Si vous n'avez pas eu accès au document, ça va nous
faire plaisir, là, de vous faire parvenir le document de l'association des
psychiatres.
• (10 h 10) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci. Oui, vous pouvez nous faire parvenir le document, s'il vous
plaît, à l'adresse de la commission.
Donc, c'était tout pour vous, M. le
député? Nous passons maintenant la parole à Mme la députée des Mille-Îles
ou le député de Rosemont?
Mme Maccarone : Ce serait moi,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Allez-y, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci
beaucoup. Bonjour, Dre Igartua, bonjour, Dr Oliva, c'est un plaisir de vous
revoir.
Mme Igartua (Karine) : Oui,
bonjour.
Mme Maccarone : Les membres de
la commission ont beaucoup entendu des témoignages, qu'ils soient des
personnes, des individus qui ont souffert de troubles mentaux… puis nous disent
souvent que la progresse imprévisible des troubles mentaux, ça nous préoccupe.
Alors, pouvez-vous nous aider en ce qui concerne ce point si, mettons, nous
disons qu'on devrait élargir l'aide médicale à mourir pour des personnes qui
souffrent de problèmes de santé mentale? Mais, étant donné que les choses
changent beaucoup, et comme on a entendu des témoignages de personnes qui ont
dit : Ça fait 10 ans dans le passé, je ne voulais plus vivre, mais là
je suis rendu à une place dans ma vie où je me sens beaucoup mieux… un peu
souhaité. Alors, pouvez-vous nous aider à avoir une réflexion là-dessus? Parce
que je pense que c'est un enjeu très important.
Mme Igartua (Karine) :
Hum-hum. C'est sûr que la science progresse, hein, et qu'on a des traitements
aujourd'hui qu'on n'avait pas il y a cinq ans, qu'on n'avait pas il y a
20 ans, je le vois dans ma pratique, la façon dont on gère les
psychotropes est différente, ce qu'on connaît sur les psychothérapies. Mais ça,
c'est vrai aussi en cancer, c'est vrai aussi dans toutes les… la médecine
avance. Donc, on ne peut pas dire que parce qu'on va peut-être découvrir
quelque chose dans cinq ans qui va régler nos cas, qu'on doit ignorer la
souffrance actuelle ou qu'on doit dire que, bien, ce n'est pas incurable parce
que peut-être que plus tard, on va trouver quelque chose.
Je vais vous donner un…
Mme Igartua (Karine) : …la
médecine avance. Donc, on ne peut pas dire que parce qu'on va peut-être
découvrir quelque chose dans cinq ans, qui va régler nos cas, qu'on doit
ignorer la souffrance actuelle ou qu'on doit dire que, bien, ce n'est pas
incurable parce que peut-être que plus tard, on va trouver quelque chose.
Je vais vous donner un cas de figure, là,
d'un patient qui a évoqué l'aide médicale à mourir, donc un patient qui a
62 ans, qui a un trouble obsessif compulsif réfractaire depuis
30 ans. C'est un patient qui présentait des troubles d'apprentissage quand
il était jeune, il a une scolarité de secondaire II, mais il a quand même
réussi à travailler pendant une quinzaine d'années sur le marché du travail, il
s'est marié, il a une femme, il a des enfants.
Il a eu plusieurs, plusieurs essais
pharmacologiques, il a été hospitalisé à plusieurs reprises, il a eu des ECT,
il a eu de la kétamine… intraveineux, il y a eu quatre protocoles
différents de rTMS, tout ça a été un échec complet. À la dernière hospitalisation,
on a évoqué un placement en famille d'accueil parce que la situation devenait
trop lourde à la maison pour sa femme.
Donc, on a pu soulager, partiellement, sa
souffrance avec une pharmacologie très créative. Mais au cours du suivi, le
patient dit : Un moment donné, peut-être qu'assez, c'est assez, puis un
moment donné, peut-être que j'en ai trop, de souffrance.
Donc, c'est ce genre de cas-là, qu'on
parle. Et je pense que les histoires de peur, là, de… qu'on va se mettre à tuer
tout le monde qui est déprimé, là, je pense qu'il faut faire confiance que les
psychiatres ont un peu plus de jugement clinique que ça.
Et je vous dirais, la… le clivage qu'on
voit, dans le groupe de psychiatres, c'est parce que ça fait tellement partie
de notre formation, que d'être les porteurs d'espoir pour nos patients, on a
tellement été formés que même quand nos patients perdent espoir, que nous, on
garde espoir pour eux, que c'est difficile pour une partie des psychiatres de
dire, un moment… d'arriver à un constat, à un moment donné, de dire : J'ai
fait tout ce que je pouvais puis là je n'ai plus rien à offrir. Donc, je pense
qu'il faut comprendre le clivage qui existe, même, que ça soit parmi les
patients ou parmi les psychiatres, dans ce contexte-là, que nous, on a été
formés pour vraiment donner tout puis vraiment donner tout l'espoir possible.
Et je pense qu'il y a certains de mes collègues qui ont plus de difficulté à
dire, un moment donné : Je n'ai plus rien à offrir.
Je ne sais pas si ça vous aide, là, si ça
répond, un peu.
Mme Maccarone : Oui, oui.
Merci. S'il me reste du temps… je n'aurai pas de temps pour une deuxième
question.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Malheureusement, non, mais on peut continuer nos échanges avec la
députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour, merci beaucoup de votre présentation. Je vais aller dans le vif du
sujet parce que vous êtes enfin ceux à qui je peux poser la question. J'ai vu
les statistiques en lien avec votre sondage d'opinion, et vous allez trouver
que je cherche la petite bête, mais j'aurais aimé lire combien de médecins,
au-delà d'être favorables à l'idée, spécialistes, étaient prêts à pratiquer l'aide
médicale à mourir avec une personne devenue inapte. Parce qu'on peut s'imaginer
que c'est beaucoup plus…
Mme
Hivon
: …et
vous allez trouver que je cherche la petite bête, mais j'aurais aimé lire
combien de médecins, au-delà d'être favorables à l'idée, spécialistes étaient
prêts à pratiquer l'aide médicale à mourir avec une personne devenue inapte, parce
qu'on peut s'imaginer que c'est beaucoup plus complexe quand la personne n'est
pas là en temps réel pour nous donner sa volonté, son opinion, et je voulais
juste savoir si vous aviez des chiffres là-dessus, autant, je vous dirais, on
peut s'imaginer, chez les maladies neurocognitives des neurologues, des
gériatres et par ailleurs les psychiatres pour ce qui est des troubles mentaux,
si vous avez sondé ça, combien seraient prêts à exercer l'aide médicale à
mourir.
M. Oliva (Vincent) : Je ne
suis pas sûr qu'on ait sondé spécifiquement avec cette question-là, puis on se
disait justement récemment qu'on était dus pour un autre sondage. Alors, ça
fera peut-être l'objet d'un autre sondage. Mais le… disons que le… peut-être
que la réponse qui est la plus proche de votre question, c'est peut-être que
les médecins, disons, très majoritairement, veulent que les souhaits du patient
soient respectés. Donc, même s'il n'est plus apte, s'il l'a été, apte, et puis
que c'était clair pour lui que c'est ce qu'il voulait, bien, s'il est devenu
inapte, son aptitude préalable, tu sais, compte quand même, là, tu sais. Alors,
je ne sais pas…
Mme
Hivon
: Oui.
Et…
Mme Igartua (Karine) : En
fait…
Mme
Hivon
: Oui,
allez-y.
Mme Igartua (Karine) : Vous
amenez en fait quelque chose… Dans mes discussions avec les neurologues puis
les gériatres, là, vous amenez le facteur humain, qui est difficile. C'est-à-dire,
quand… Pour quelqu'un qui pratique l'AMM, d'avoir un patient qui te dit :
Oui, docteur, c'est ce que je veux, merci de soulager mes souffrances, au
niveau moral, pour le docteur qui le fait, c'est comme un… il y a comme une
espèce de protection là humaine, là, de dire : Je fais ce que le patient
devant moi veut. Quand on a un patient inapte devant nous, là, il y a un… il
faut être vraiment certain que c'est vraiment ça que le patient veut, parce que
sinon, on a trop l'impression de faire mal, on a trop l'impression de ne pas
survivre à notre serment d'Hippocrate, là, c'est… et c'est là qu'est la difficulté,
et c'est pour ça que les médecins ne veulent pas que ça soit entre nos mains de
prendre cette décision-là de dire oui. Il faut que la situation soit suffisamment
claire pour qu'on n'ait pas l'impression… pour qu'on n'ait pas de doute qu'on
est en train de faire vraiment ce que le patient veut, parce que c'est ça qui
est difficile, là, c'est vraiment, là… c'est là que ça va être… Le fardeau
humain, vous avez mis le doigt dessus, là, pour ceux qui la pratiquent, là, c'est
ça qui est difficile.
Mme
Hivon
: Puis
c'est une question qui m'habite beaucoup, parce que vous vous rappellerez qu'au
début de l'implantation de l'aide médicale à mourir, il y a quand même eu des
bonnes poches de résistance. Heureusement, on avait prévu plein d'encadrements
qui faisaient qu'on…
Mme Igartua (Karine) : ...le
fardeau humain... vous avez mis le doigt dessus, là... pour ceux qui la
pratiquent, là, c'est ça qui est difficile.
Mme
Hivon
:
C'est une question qui m'habite beaucoup parce que vous vous rappellerez qu'au
début de l'implantation de l'aide médicale à mourir il y a quand même eu des
bonnes poches de résistance. Heureusement, on avait prévu plein d'encadrements
qui faisaient qu'on ne pouvait pas laisser normalement un patient entre deux
chaises. Il y a quand même eu des situations très difficiles où on a fait
traîner des demandes, faute de médecins prêts à les faire. Donc, nous, on ne
peut pas créer une espèce de possibilité qui va être illusoire, parce qu'il n'y
aura personne, à l'autre bout du spectre, qui va être prêt à le faire.
Donc, moi, je vous invite... Si vous
faites un autre sondage, on va être très, très, très intéressés, autant pour la
demande anticipée qu'en psychiatrie. Parce que l'autre chose qu'on nous a
amenée, c'est que, dans les faits, il y a très peu de spécialistes, en ce
moment, qui font de l'aide médicale à mourir. On se rabat beaucoup sur les médecins
de famille, sur les généralistes. Et moi, je pense que ça tend à changer si on
ouvrait aux nouvelles possibilités de demandes anticipées.
Et donc je me demande quel rôle les
spécialistes vont être prêts à jouer là-dedans, ou est-ce qu'encore ils vont
dire : Bien, c'est plus... Je ne dis pas qu'en ce moment ils s'en
déchargent, mais la réalité de la pratique fait que ce sont souvent généralement
des médecins généralistes. Est-ce que vous avez le sentiment que ça va encore
être la vision dominante des spécialistes de s'en remettre davantage aux
généralistes?
M. Oliva (Vincent) : Ça
augmente, hein? Si on regarde le nombre de médecins spécialistes qui sont
impliqués dans, disons, la dispensation, là, de l'aide médicale à mourir, ça
augmente à chaque année de façon importante. Alors, j'ai l'impression qu'il y a
un équilibre qui va se créer. Puis, de fait, là, ce que je peux vous dire,
c'est que les spécialistes sont de plus en plus impliqués. Donc, je pense que
c'est une tendance qui va se maintenir.
• (10 h 20) •
Mme
Hivon
: Et
puis deux choses plus en lien avec les troubles mentaux. Donc, nous, on est
frappés ici, c'est certain, parce qu'on a les... vos témoignages à vous, puis l'association
des psychiatres, mais il y a beaucoup de psychiatres et de sous-groupes qui
viennent... Puis que je pense que, Dre Igartua, vous avez fait part aussi de ce
qui peut expliquer cette division-là, mais on n'a pas le choix de la constater.
Donc, ça nous fait nous demander aussi : Sur le terrain, est-ce qu'il ya beaucoup
de psychiatres qui seraient à l'aise de donner l'aide médicale à mourir?
Et mon autre question, c'est que certains
groupes, l'Association de prévention du suicide, mais des groupes
communautaires aussi qui accompagnent les personnes qui ont des troubles
mentaux, nous ont amené l'enjeu de dire : Ça va... des psychiatres
aussi... ça va changer la relation, le seul fait que la possibilité de demander
l'aide médicale à mourir existe, parce que ça va faire en sorte que, rapidement,
les gens que l'on traite, qu'on accompagne, risquent de nous le demander, et ça
va complexifier énormément le plan de traitement, l'espoir qu'on doit garder en
place. J'aimerais entendre votre réaction par rapport à cet argument-là.
Mme Igartua (Karine) : Je vais
répéter un petit peu ce que j'ai dit plus tôt. Ce n'est pas parce que c'est
difficile ou que c'est complexe qu'on ne doit pas faire ce qui est juste et
équitable. C'est vrai, c'est absolument vrai que ça va complexifier les choses.
Les psychiatres en parlent sur le terrain. Mais encore là, on ne parle pas
d'accorder l'aide médicale à mourir...
Mme Igartua (Karine) : …je vais
répéter un petit peu ce que j'ai dit plus tôt. Ce n'est pas parce que c'est
difficile ou que c'est complexe qu'on ne doit pas faire ce qui est juste et
équitable. C'est vrai, c'est absolument vrai que ça va complexifier les choses,
les psychiatres en parlent sur le terrain. Mais, encore là, on ne parle pas
d'accorder l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui en est à sa première
dépression ou à un trouble de personnalité qui est en crise suicidaire, ou un
trouble de… ou quelqu'un qui a un trouble d'usage d'alcool ou de gambling, qui
là vient de se mettre vraiment dans le pétrin puis qu'il est en crise.
Donc, c'est de distinguer la crise de la
souffrance chronique et intraitable. Est-ce que c'est complexe? C'est sûr que
c'est complexe. Est-ce que c'est faisable? Oui, c'est faisable. Je pense que,
quand on a sondé les psychiatres et avant de… parce que c'est moi qui ai mis en
place le comité qui a été… qui a piloté ce dossier-là pour l'Association des
médecins psychiatres. J'ai interviewé beaucoup de monde avant de choisir le
comité d'experts.
Et les psychiatres d'expérience me disent
tous : Écoute, dans ma pratique, j'ai peut-être une ou deux patients à qui
je pense pour qui ça aurait du bon sens. Donc, on parle quand même de quelque
chose de minoritaire, on ne parle pas que ça va être 10 % de nos patients
qui vont vouloir ça et qui… et pour qui, au bout d'une évaluation, on va
dire : Oui, c'est ça que ça te prend. Entre faire une demande puis que la
demande soit acceptée et acceptable, il y a une grosse marge, et je pense que,
oui, ça va complexifier notre travail, mais, de ne pas le faire, ça serait de
bafouer les droits à tout un segment de la population.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. C'est tout le temps que nous avions.
Une voix
: Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dr Oliva et Dre Igartua, d'avoir été avec nous et
d'avoir partagé, répondu à nos questions. C'est des propos qui sont très, très
éclairants pour la suite de nos travaux.
Donc, sur ce, je suspends les travaux
quelques instants le temps d'accueillir nos nouveaux invités.
Une voix
: Bonne fin de
journée.
(Suspension de la séance à 10 h 23)
(Reprise à 10 h 27)
La Présidente (Mme Guillemette) :
…la commission reprend ses travaux. Donc, nous accueillons maintenant le
Regroupement des organismes de base en santé mentale des régions de la Mauricie
et du Centre-du-Québec et leurs deux représentants, Mme Marjolaine Trottier,
infirmière clinicienne, experte en éthique de la santé, et M. Jonathan Lacasse,
codirecteur général. Merci, bienvenue parmi les membres de la commission. Donc,
vous disposez de 10 minutes pour nous présenter votre exposé, et il y aura un
échange avec les membres de la commission par la suite pour une période de 35
minutes. Donc, je vous cède maintenant la parole.
M. Lacasse (Jonathan) :
Bonjour. Merci beaucoup, Mme la Présidente, et bonjour à MM. et Mmes les
députés. Alors, merci, dans un premier temps, de nous accueillir à cette
commission spéciale, à laquelle on s'est inscrits tardivement. Alors, le
Regroupement des organismes de base en santé mentale, on regroupe les
organismes qui oeuvrent, là, sur le territoire de la Mauricie-Centre-du-Québec,
et on regroupe près d'une trentaine d'organismes. Et évidemment, comme bien
d'autres associations, depuis que le sujet sur l'aide médicale à mourir et la
santé mentale est sorti, ça nous préoccupe beaucoup. Donc, on a amorcé tout un
travail de consultation qui avait débuté en février 2020, et qui nous amenés,
là, à être là ici aujourd'hui après des consultations de nos membres et
également auprès de personnes concernées par la maladie mentale et les membres
de l'entourage.
Donc, ce matin on vient vous rencontrer
pour vous faire part de notre inquiétude par rapport à l'élargissement de cette
loi-là pour les personnes dont le seul motif est les troubles de santé mentale,
donc nos argumentaires vont beaucoup être orientés en ce sens. Donc, parce que,
finalement, à la lumière de tout le travail, puis c'est ce que Mme Marjolaine
Trottier va vous présenter, hein, on arrive comme à trois éléments importants
qu'on va élaborer, donc que les maladies mentales ne sont ni incurables ni
irrémédiables, que l'élargissement de la loi, lui, représente un potentiel
accru de stigmatisation puis de discrimination, hein, à l'égard, là, des gens
ayant des troubles de santé mentale, et, finalement, les symptômes de la
maladie mentale, puis le rétablissement des personnes, hein, fluctue dans le
temps, sur une longue période, en termes d'années, selon chaque personne.
Alors, sans plus tarder, je céderais la parole à Mme Trottier.
Mme Trottier (Marjolaine) :
Oui. Bonjour Mme la Présidente, merci, MM., Mmes les députés. Merci de nous
recevoir à la commission. Alors, nous avons travaillé sur un mémoire, alors
c'est à moi de vous présenter les trois principaux arguments et les
recommandations, là, de notre mémoire.
• (10 h 30) •
Alors, pour commencer, l'argument que les
maladies ne sont ni incurables ni irrémédiables, en fait, il n'y a aucune
preuve scientifique que les maladies mentales sont irrémédiables et incurables.
Il n'y a aucun consensus d'experts à ce sujet-là, et même l'association des
psychiatres du Québec qui ont écrit un document, le disent dans le document
qu'il y a…
10 h 30 (version non révisée)
Mme Trottier (Marjolaine) :
…l'argument que les maladies ne sont ni incurables ni irrémédiables, en fait,
il n'y a aucune preuve scientifique que les maladies mentales sont
irrémédiables et incurables, il n'y a aucun consensus d'experts à ce sujet-là.
Et même l'association des psychiatres du Québec, qui a créé un document, le dit
dans le document qu'il n'y a aucune preuve que les maladies sont incurables et
irrémédiables. Le groupe de conseil expert aussi, lui au Commissariat des Nations
unies s'est aussi positionné, là, pour affirmer ce fait. Alors, à notre avis,
considérant cela, les troubles de santé mentale ne répondent aux critères que
propose la loi. Ça, c'est le premier argument que nous avançons.
Et, plus encore, nous, ce qu'on pense,
c'est que d'affirmer cela, de dire que les maladies mentales sont incurables et
irrémédiable, c'est le summum de la stigmatisation et de la discrimination. Et
ça m'amène sur le second argument de… Nous, on pense que la loi, ça augmente le
potentiel de stigmatisation et de discrimination à l'égard des personnes ayant
des troubles de santé mentale. Et ça nous questionne beaucoup sur quel message
qu'on veut envoyer aux personnes qui sont déjà vulnérables. Est-ce que ça veut
dire que c'est mieux d'être mort que de vivre avec certaines vulnérabilités?
C'est prouvé, il y a des études qui
prouvent que c'est surtout des femmes, des femmes qui sont isolées, qui sont
appauvries, et qui souffrent de dépression, qui demandent l'aide médicale à
mourir, dans d'autres pays, comme les Pays-Bas et en Belgique. Alors, ça, ça
nous dit que c'est des femmes qui vivent déjà de la stigmatisation et de la
discrimination. Et on sait d'ailleurs, grâce à certaines études, que la
discrimination et la stigmatisation, c'est encore plus difficile à vivre que
les symptômes de la santé mentale.
Alors, à cause de cela, nous, on pense
qu'il faut vraiment agir au niveau de la santé… au niveau de la stigmatisation
et de la discrimination et que d'offrir l'aide médicale à mourir pour les
personnes qui souffrent de santé mentale, ça va augmenter cette
stigmatisation-là. Et nous sommes d'avis, parce que ça a été beaucoup discuté
comme argument, que de ne pas offrir à des personnes qui souffrent de santé
mentale, l'aide médicale à mourir, c'était une forme de discrimination, bien,
nous, on n'est pas d'accord. Nous, ce qu'on dit, c'est que la santé mentale ne
répond pas aux critères qui sont énoncés par la loi, et que de ne pas répondre
à certains critères, ce n'est pas de la discrimination. Si vous allez voir
votre médecin parce que vous souffrez d'un cancer et que vous ne répondez pas à
certains critères pour recevoir un certain soin, ce n'est pas de la
discrimination, c'est simplement parce que vous ne répondez pas à certains
critères. Bien, c'est la même chose. Présentement, on fait face à une maladie
mentale, vous ne répondez pas à certains critères pour recevoir l'aide médicale
à mourir parce que votre maladie n'est ni incurable ni irrémédiable. Il y a
encore de l'espoir, c'est ce que nous, on soutient.
Et ça m'amène au troisième argument, c'est
que les symptômes de la maladie mentale fluctuent dans le temps sur une longue
période, et on parle d'années. Et ce que la loi propose, c'est une évaluation
en termes de mois, ce qui est complètement ridicule, parce qu'on sait très
bien, selon les études, que la maladie mentale va varier en termes d'années. Et
il y a une incertitude pronostique au niveau de la santé mentale, les
psychiatres le disent dans leur document de l'association des psychiatres du
Québec. Il y a une incertitude pronostique, et le rétablissement est non
linéaire, ça…
Mme Trottier (Marjolaine) :
…complètement ridicule parce qu'on sait très bien, selon les études, que la
maladie mentale va varier en termes d'années. Et il y a une incertitude
pronostique au niveau de la santé mentale, les psychiatres le disent dans leur
document de l'Association des psychiatres du Québec, il y a une incertitude
pronostique et le rétablissement est non linéaire, ça fluctue dans le temps. Et
il y a beaucoup de symptômes qui sont négatifs, comme par exemple avec la
dépression, qui va teinter le jugement, il va y avoir des idées suicidaires. Et
les psychiatres le disent, c'est extrêmement complexe, de départager de…
qu'est-ce qui est une idée suicidaire de qu'est-ce qui est vraiment un désir de
mourir par rapport à une demande d'aide médicale à mourir. C'est extrêmement
complexe, même les experts ne savent pas comment ils vont faire pour départager
cela, et ils disent même que ça va se faire sur une évaluation en termes
d'années. Et ce que la loi propose, à notre avis, ne permettra pas de protéger
les gens qui cheminent dans ce discernement-là.
En dernier lieu, il y a le phénomène de
l'ambivalence qui est présent jusqu'au bout de la vie, autant chez les
personnes qui souffrent d'idées suicidaires que chez les personnes qui
demandent une... qui font une demande d'aide médicale à mourir, c'est
répertorié dans les études. Même qu'il y a des gens qui vont changer d'idée,
autant dans le phénomène suicidaire que dans le phénomène de l'aide médicale à
mourir, et ces gens-là se disent contents d'avoir changé d'idée, ce qui, à
notre avis, prouve qu'il y a toujours de l'espoir.
Et pour terminer, j'aimerais souligner le
fait que même l'administratrice en chef de la santé publique a été claire, le
secteur de la santé mentale est sous-financé au Canada, au Québec. L'accès à
des soins en psychiatrie est très difficile, ça varie d'une région à l'autre,
c'est très difficile d'avoir accès à des psychothérapies, il y a des listes
d'attente épouvantables. Alors, à notre avis, si c'est difficile d'avoir des
soins en psychiatrie, ça veut dire que les patients sont mal soignés. Et on
sait que plus il y a… moins il y a de services en santé mentale, plus il y a de
demandes d'aide médicale à mourir parce les patients ne sont pas soulagés.
Alors, nous, on pense qu'il faut investir
en santé mentale pour soulager les patients, et que ça, c'est une priorité, et
plus… c'est une priorité plus que d'offrir l'aide médicale à mourir. Alors,
s'il vous plaît, je vous demande d'insister sur l'espoir, de travailler sur
l'espoir et non sur la mort. Merci.
M. Lacasse (Jonathan) : Je me
permettrais de rajouter, en complément à ce que Mme Trottier a nommé,
hein? Comme vous le constatez, nos arguments sont résolument contre, ceci
étant, nous reconnaissons la liberté de choisir des personnes.
Mais maintenant, et surtout, ce que nous
voulons reconnaître, et c'est ce que permet aussi la commission et toutes les
discussions que suscite une telle thématique, c'est la grande reconnaissance
des souffrances psychologiques, qui a été longtemps un grand oublié. On a
souvent mis l'emphase sur la souffrance physique, mais la… Donc, nous, pour
nous, c'est très important de reconnaître cet élément-là. Maintenant, nous, ce
qu'on dit puis ce que nous démontre la pratique terrain communautaire, c'est
que l'espoir, il est présent, que le rétablissement…
M. Lacasse (Jonathan) : …qui a
été longtemps un grand oublié. On a souvent mis l'emphase sur la souffrance
physique, mais le… Donc, nous, pour nous, c'est très important de reconnaître
cet élément-là. Maintenant, nous, ce qu'on dit puis ce que nous démontre la
pratique terrain communautaire, c'est que l'espoir, il est présent, que le
rétablissement de chaque individu… Il n'existe pas de trajectoire, hein, de
trajectoire unique, de dire : On va… Comme par exemple pour un cancer, on
fait une chimiothérapie, on fait les traitements, puis il y a un résultat
attendu. Malheureusement, dans le contexte de santé mentale, c'est non
linéaire, le rétablissement, donc c'est ce qui fait qu'on ne peut pas se dire
que, si la… telle personne fait telle chose, ça va lui amener tel résultat.
Donc…
J'aurais envie de vous partager aussi une
citation. Nous, on a le privilège de travailler au sein d'une équipe avec un
pair aidant communautaire, qui est une personne concernée par la maladie
mentale puis qui avait envie de vous dire ceci aujourd'hui, il dit : «Moi,
en ce qui me concerne, hein, côté santé mentale…» Puis, lui, il entend des voix
puis il dit : «Bien que rétabli à 90 % depuis quelques années, il
reste un 10 % pendant lequel, presque quotidiennement, les voix me disent
de se suicider.» Il dit qu'il les ignore tout simplement et dédramatise la
situation. Il croit donc à une vie épanouie où le suicide n'est pas une
solution, tout comme l'aide médicale à mourir, qui est pour lui une sorte de
suicide déguisé et institutionnalisé. Donc… Puis, ça, c'est le genre de témoignages
qu'on a entendus dans le cadre de nos consultations à plusieurs moments, les
gens sont…
C'est pour ça qu'on est inquiets, tu sais,
c'est pour ça qu'on vient vous dire ce matin : Écoutez, il y a plein de
choses qui démontrent… qui nous allument des lumières rouges dans les questions
que vous avez à… dont vous aurez à trancher, et on se sentait vraiment le
devoir de venir vous partager notre inquiétude puis vous… mettre l'emphase sur
l'espoir, les histoires de gens qui… qu'on pensait qu'ils n'allaient pas
remonter une pente, mais… Des fois, c'est par une rencontre, tu sais, des fois,
c'est… On ne sait pas, malheureusement, qu'est-ce qui peut susciter l'espoir,
d'où l'importance de lui accorder tout le nécessaire au niveau, là, de ce qui
peut être fait en santé mentale, autant pour le réseau public que pour le
réseau communautaire. Donc, pour nous, c'est un peu un appel, là, un appel à
l'espoir puis à dire… Tu sais, là, lors de notre document de réflexion qu'on
avait fait, là, en février 2020, c'était : «Si les fleurs poussent sur le
trottoir, c'est qu'il y a toujours de l'espoir.» Je pense que vous avez tous
déjà remarqué des fois comment la nature peut nous épater à des endroits où on
s'y en attendait le moins. Bien, c'est le même principe, là, au niveau de la…
de tout le travail, là, qui peut être fait, là, au niveau de la santé mentale.
Moi, je pense que… Il y avait-u quelque
chose que tu voulais rajouter, Marjolaine?
La Présidente (Mme Guillemette) :
On peut passer à la période d'échange…
M. Lacasse (Jonathan) : Ou
les questions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
On peut passer à la période d'échange avec les députés, puis à la fin, bien, on
verra s'il y a des choses qui nous ont échappé. Bien, vous pourrez préciser.
Donc, je céderais maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mme Trottier, M. Lacasse, pour vos…
La Présidente (Mme Guillemette) :
...d'échange... on peut passer à la période d'échange avec les députés, puis à
la fin, bien, on verra. S'il y a des choses qui nous ont échappé, bien, vous
pourrez préciser.
Donc, je céderais maintenant la parole au
député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mme Trottier, M. Lacasse, pour vos propos assez clairs et
sérieux. Dans un premier temps, pour contextualiser vos recommandations,
pouvez-vous nous parler un petit peu de la façon que vous êtes arrivés à ce
point-là? Y avait-il une consultation, des discussions formelles, ou autres, avec
vos membres, associations, avec des individus? Comment vous êtes arrivés à vous
exprimer ainsi aujourd'hui?
• (10 h 40) •
M. Lacasse (Jonathan) : Donc,
dans un premier temps, nous, nous avions mandaté justement, notre regroupement,
là, Mme Marjolaine Trottier, pour faire un peu, là, une recension, là, de tous
les écrits et mémoires, là, qui étaient faits, là. On remonte, à ce temps-là,
là, aux alentours de mars ou février 2020, là. Il y avait eu la Commission sur
les soins de fin de vie, là, qui avait fait une consultation nationale à ce
moment-là, donc, nous, ça nous avait interpellés. Suite à ça, on a pondu
justement ce document-là, qui a été envoyé à nos membres.
Et quand la commission spéciale s'est mise
en place, on a relancé le dossier. Donc, on a mis à jour le document en
question, qui a été travaillé notamment, là, avec... Nous, notre conseil
d'administration, là, provient de... est formé de nos membres, issus de
plusieurs milieux. Donc, il y a eu, à des moments, des discussions et échanges
avec ces gens-là.
Et également, nous, on a en place, au
niveau régional, ce qu'on appelle la locomotive, donc, qui est un endroit où
les personnes concernées par la maladie mentale et les membres de leur
entourage travaillent ensemble dans une perspective de participation citoyenne.
Donc, ils ont été en mesure aussi de prendre acte de ce qu'on avait été
produire puis nous faire part de quelques recommandations.
Et également, sur notre territoire, on a
aussi des centres de prévention du suicide. On a trois centres de prévention du
suicide, avec lesquels on a eu aussi des rencontres de travail, qui s'associent
à notre démarche, mais qui, eux, font aussi dans les regroupements nationaux,
donc ont travaillé de pair, là, avec leurs regroupements, là, nationaux.
M. Birnbaum : D'accord, merci,
merci beaucoup. Le temps est limité...
M. Lacasse (Jonathan) : Oui,
effectivement.
M. Birnbaum : ...alors je vais
passer à une autre question. Vous avez noté, à juste titre, la réalité très
malheureuse que la disponibilité et... l'accès aux services en santé mentale
n'est pas au rendez-vous. Nous sommes très conscients... et ça risque d'être
une observation qu'on va faire, et il ne faut jamais nier ça. Par contre, vous
allez comprendre que ça ne nous permettrait pas d'évacuer notre responsabilité
d'adresser aux questions de l'élargissement possible de l'aide médicale à
mourir. Donc, votre réponse est assez claire.
J'aimerais vous mettre devant un scénario
que j'invente et d'avoir votre réaction sur trois choses, sur comment, ce cas
que je vais...
M. Birnbaum : …l'élargissement
possible de l'aide médicale à mourir, dont votre réponse est assez claire.
J'aimerais vous mettre devant un scénario que j'invente, et d'avoir votre
réaction sur trois choses, sur comment, ce cas que je vais inventer,
répond aux critères actuels dans l'article 26, sur la possibilité qu'il y ait
des bonifications d'un tel article qui s'adresserait… de façon satisfaisante à
cette demande, et troisièmement, si vous écartez, dans le scénario que je vous
offre, toujours la possibilité d'accès à l'aide médicale à mourir? Je veux vous
parler de quelqu'un avec un diagnostic d'une schizophrénie sévère qui, depuis
son enfance, n'a jamais réussi à faire des connexions affectives avec sa propre
famille, avec ses amis, n'a jamais complété, même, l'école secondaire, n'a
jamais réussi à travailler pour plus que quelques semaines, a été suivi à
plusieurs reprises presque de façon continue par des soignants de santé mentale,
qui est à la fois jugé apte, qui déclare son intention selon les critères,
comme il les voit, de se prévaloir de l'aide médicale à mourir. Est-ce que vous
jugerez cette personne, quand même, de votre recommandation, inéligible? Est-ce
que vous diriez que c'est l'espoir qui manque ou vous… Comment vous jugerez ses
voeux exprimés dans de telles circonstances?
M. Lacasse (Jonathan) :
Est-ce que…
Mme Trottier (Marjolaine) :
Est-ce que…
M. Lacasse (Jonathan) : Bien,
vas-y, Marjolaine, là, tu peux…
Mme Trottier (Marjolaine) :
Oui. Merci, M. le député, pour votre question. Bien, premièrement, ce qui me
vient, c'est énormément de compassion, là, pour cette personne-là, là, c'est
évident. En fait, c'est sûr qu'il n'y a pas de réponse facile à une situation
complexe comme celle-là. Ma réponse spontanée, c'est vraiment au niveau de la
prévention. Tu sais, dans le sens que, je l'ai dit tantôt, c'est : La santé
mentale est un secteur sous financé autant au niveau des soins, des services,
mais au niveau des études, au niveau de la recherche.
Alors, moi, je pense que l'espoir se situe
au niveau aussi de la recherche. Ça fait que c'est sûr que, tant que le secteur
de la santé mentale n'aura pas eu tout l'investissement nécessaire au niveau de
la recherche, et de la prévention des maladies de la santé mentale, et du
soutien et… J'en ai parlé dans mon exposé tantôt comment que la santé mentale,
c'était un problème de société par rapport au revenu de la précarité d'emploi,
des liens sociaux autant de la famille… Moi, en fait, je pense que c'est un
problème de…
Mme Trottier (Marjolaine) :
…la maladie de la santé mentale et du soutien, et j'en ai parlé dans mon exposé
tantôt, comment que la santé mentale, c'était un problème de société par
rapport au revenu, la précarité d'emploi, des liens sociaux, autant de la
famille… Moi, en fait, je pense que c'est un problème de société sur lequel on
peut agir. Ça fait que c'est sûr qu'il y a des cas qui sont vraiment plus
complexes, mais en agissant en amont, je pense que, oui, il y a de l'espoir.
Mais c'est sûr que c'est en termes de temps, aussi, que les solutions vont
arriver.
M. Lacasse (Jonathan) : Puis
si je pouvais me permettre de rajouter, M. le député, eut égard aux
recommandations qu'on met en place, il est… il nous apparaît évident qu'il est
important de s'assurer, avec la personne, qu'est-ce que la personne a fait,
aussi, en termes de son rétablissement, qu'est-ce qui lui a été proposé,
qu'est-ce qu'elle a exploré. Ça fait que c'est important que soit mis en place,
hein, tout un processus d'évaluation complet, psychosocial, là, tu sais, pour
bien… Parce qu'au final, je veux dire, la souffrance, elle est réelle et elle
est légitime, tu sais, on ne peut pas porter de jugement sur la souffrance.
Mais par contre, est-ce qu'on peut s'assurer… parce qu'on partage le même point
de vue, comment donner accès à quelque chose alors qu'actuellement… puis en
plus, il y a des disparités régionales, parce que dans votre exemple, on ne
sait pas où demeure votre personne, mais si elle est sur la Côte-Nord versus si
elle est à Montréal, dans un centre urbain, les services ne seront pas tout à
fait les mêmes, il y aura une plus grande…
Donc, tu sais, il y a tout un travail
d'investissement à faire, vraiment, au niveau de la santé mentale. Au final,
puis comme on l'a mentionné dans notre document, je veux dire, on reconnaît la
liberté de choisir de la personne, mais il faut vraiment s'assurer… parce qu'on
ne voudrait pas que ça devienne un outil d'intervention, on va le nommer comme
ça aussi, là, l'aide médicale à mourir ne doit pas être vue comme un outil
d'intervention parce que ça vient miner tout le travail qui est fait en
prévention et en amont sur le terrain.
Une voix
: Oups! Votre
micro est fermé.
Une voix
: Votre micro,
M. le député.
M. Birnbaum : Merci. C'est
justement où je veux m'en aller, avec une dernière question. Nous sommes tous
saisis de deux choses, l'importance primordiale de bonifier les efforts en
tout ce qui a trait à la prévention du suicide dans le financement des
organismes qui font un travail formidable en ce domaine, comme vous et autres,
et d'assurer que quelque changement que ce soit, qu'on aurait proposé, n'ait
pas l'effet de privilégier cette option, ça va sans dire.
Mais dans ce domaine très, très sensible,
je vous invite à être très, très clairs. Est-ce… Parce que c'est très sérieux.
Est-ce que vous êtes en train de suggérer qu'un élargissement de l'aide médicale
à mourir, balisée peut-être davantage et de façon très sérieuse…
M. Birnbaum : …mais dans ce
domaine très, très sensible, je vous invite à être très, très clairs parce que
c'est très sérieux. Est-ce que vous êtes en train de suggérer qu'un
élargissement de l'aide médicale à mourir, balisée peut-être davantage et de
façon très sérieuse avant l'implantation, suivie d'un examen d'un comité
médical, des proches aidants, et tout, très, très vigoureuse… est-ce que c'est
votre contention qu'il y a un lien direct que l'élargissement de l'aide
médicale à mourir risque de pas seulement banaliser, en quelque part, la fin de
vie, mais risque de faciliter les efforts des gens susceptibles à la… suicide,
d'en embarquer, d'aller à ce geste ultime?
M. Lacasse (Jonathan) : Je ne
pourrais pas aller, hors de tout doute, jusque là, mais ce qu'on constate déjà
sur le terrain, la difficulté qu'ont certains de mes membres à intervenir avec
des personnes qui n'attendent que ça, là, O.K., de pouvoir le faire. Donc, ce
que ça nous ouvre comme questionnement, c'est qu'à quelque part il y a un
espoir qui est complètement disparu… qui peut disparaître chez certaines
personnes sachant que… tu sais, pendant des années, on dit que le suicide n'est
pas une option, puis, et là on va permettre, même si c'est dans certains
critères précis, patati, patata, de dire : Bien, écoute, à quelque part,
tu vas pouvoir mettre fin à tes jours si tu réponds à x, y critères. Donc, j'ai
déjà, c'est ça, comme je disais, des membres qui ont à travailler, puis c'est
tout un défi, là, c'est tout un défi, parce que l'espoir est éteint ou le seul
espoir qui leur reste, c'est de dire qu'un jour ils vont y avoir accès puis
qu'ils vont pouvoir maintenant passer à l'acte.
• (10 h 50) •
L'autre élément aussi, ce n'est pas tant
aussi le passage… l'augmentation, peut-être, du passage à l'acte, ou autres,
que toute la question de la discrimination puis de la stigmatisation que cela
peut engendrer aussi, qui peut juste encore plus nourrir le fait que, bon,
écoute, là, si ça ne marche pas, va demander l'aide médicale à mourir, puis on
n'entendra plus parler. Je veux dire, tu sais, ça peut amener… Bien, et c'est
le genre de questionnements, parce que les familles, des fois, elles sont aussi
en détresse quand elles accompagnent les personnes concernées qui vivent des
moments plus difficiles.
Donc, tu sais, c'est pour que nous, on
vient avec des inquiétudes, avec des lumières rouges, tu sais, pour vous dire…
justement, vous l'avez dit, M. le député, c'est un sujet très important, là, tu
sais, c'est… puis qui a une incidence. Déjà, ce n'est pas encore en cours, puis
on constate déjà une incidence, là. Il y a même une table de prévention suicide
qui nous mentionnait qu'elle accompagnait une membre de la famille, puis
qu'elle en voulait justement à une… à quelqu'un du réseau de la santé qui avait
dit à la… à son membre concerné qu'il a juste à entendre que l'aide médicale à
mourir soit permise, tu sais, mais finalement la personne est passée à l'acte,
tu sais. Mais quand il y a des professionnels de la santé qui vont jusqu'à dire
ça…
M. Lacasse (Jonathan) : …à un quelqu'un
du réseau de la santé, qui avait dit à son membre concerné qu'il y a juste à
attendre que l'aide médicale à mourir soit permise, tu sais. Mais, finalement,
la personne est passée à l'acte, tu sais. Mais, quand il y a des professionnels
de la santé qui vont jusqu'à dire ça, écoutez, là, je veux dire, on est dans la
stigmatisation ou de la discrimination, là. Ça fait que vous avez un devoir,
là, de vous assurer… Donc, il y aura tout un travail à faire aussi au niveau de
la lutte à la stigmatisation, à la discrimination, là, au niveau de la santé
mentale, là.
Mme Trottier (Marjolaine) :
Et, si je peux me permettre, M. le député. Si ça devient une option de
traitement ou de soins, ça devient d'une certaine façon accessible, donc banal.
Ça, à mon avis, c'est comme une certaine façon de banaliser l'accès.
M. Birnbaum : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Bien, j'irais un peu dans la suite. On parle de
discrimination, de stigmatisation. Ce qui nous a été rapporté, ce qu'on a
entendu dans les derniers jours, les dernières semaines, c'est que les gens en
santé mentale pourraient se sentir, justement, ceux qui ont un trouble de santé
mentale, pourraient se sentir discriminés face à l'aide médicale à mourir s'ils
n'y ont pas accès, en lien avec la différence entre la santé mentale et la
santé physique, qu'on traiterait différemment la santé mentale de la santé
physique. Donc, j'aimerais vous entendre au niveau de la discrimination, parce
qu'il y a deux pans, puis là je me ferais l'avocate du diable. J'entends bien
ce que vous me dites, mais on a besoin d'avoir des réponses puis on a la chance
de vous avoir avec nous, donc on va profiter de ces moments-là.
Donc, j'aimerais vous entendre sur cet
aspect-là de la discrimination, aussi, des gens qui pourraient effectivement se
sentir discriminés parce qu'ils ont un trouble de santé mentale et parce qu'ils
n'auraient pas accès à l'aide médicale à mourir.
M. Lacasse (Jonathan) : Si je
peux commencer, juste, dans un premier temps, bien clarifier la nuance qui est
importante. Pour moi, il y aura discrimination si la personne qui a une
problématique de santé mentale, et qui a un cancer, et qui se fait refuser par
son cancer, il y a une fin terminale à venir, puis qu'il se ferait refuser son
accès par rapport au fait qu'elle a un trouble de santé mentale là, pour moi,
on est dans la discrimination. Ça, ça, c'est sans aucun doute.
Maintenant, par rapport au seul motif de
demander l'aide médicale à mourir, je reprends les arguments que
Mme Trottier a mentionnés tout à l'heure, hein, c'est-à-dire qu'on est
dans l'ordre du traitement, je veux dire, ou dans l'ordre du… Donc, de
dire : Si je vais rencontrer mon médecin pour un diabète, s'il va me
proposer une trajectoire x, bien, il ne faut pas que je me sente discriminé… tu
sais, je ne me sentirai pas discriminé si ce n'est pas ce que j'avais
nécessairement…
M. Lacasse (Jonathan) :
…traitement, je veux dire, ou dans l'ordre du… Donc, de dire : Si je vais
rencontrer mon médecin pour un diabète, s'il va me proposer une
trajectoire x, bien, il ne faut pas que je me sente discriminé… tu sais,
je ne me sentirai pas discriminé, si ce n'est pas ce que j'avais nécessairement
en tête comme traitement. Donc, il y a cet enjeu-là à tenir en compte. Je ne
sais pas si Mme Trottier veut compléter.
Mme Trottier (Marjolaine) :
Bien, en fait, Mme la Présidente, c'est ce que je disais tantôt, pour moi,
c'est une question de critères à établir. Et pour nous, les problèmes de santé
mentale ne répondent pas aux critères établis par la loi dans le sens que les
maladies mentales ne sont ni incurables ni irrémédiables, pour nous, c'est une
fausseté, c'est… il n'y a aucun consensus scientifique à ce sujet-là. Donc, en
ne répondant pas à ces critères-là, les problèmes de santé mentale ne sont pas
éligibles. Ce n'est pas de la discrimination, c'est simplement qu'ils ne
répondent pas à certains critères.
Les maladies mentales sont différentes des
maladies physiques. Ce n'est pas parce qu'elles sont différentes qu'elles sont
moindres, c'est qu'on les traite différemment. Comme M. Lacasse l'a dit,
si vous avez le diabète, que vous allez voir votre médecin, que vous demandez l'aide
médicale à mourir, probablement que votre médecin ne vous donnera pas l'aide
médicale à mourir. Et nous, ce qu'on demande, c'est que si vous avez un
problème de santé mentale, que vous allez voir votre médecin, que vous demandez
l'aide médicale à mourir, ce qu'on demande, c'est que le médecin refuse de vous
donner l'aide médicale à mourir parce que vous ne répondez pas à certains
critères, c'est ce qu'on demande. Pour nous, ce n'est pas de la discrimination,
c'est que vous ne répondez pas aux critères. Ce n'est pas parce que votre
souffrance, elle est moindre, c'est qu'elle est traitée différemment.
M. Lacasse (Jonathan) : Et
c'est vraiment le défi du rétablissement, Mme la Présidente, aussi, si
vous permettez, et de dire… c'est que le rétablissement est tellement unique et
individuel à chacun, hein? Comme je vous dis, si on avait les recettes magiques
qui permettraient de savoir une trajectoire linéaire, on aurait probablement peut-être
un discours différent, mais… Puis en plus, d'autant que ce qu'on entend des
personnes qui ont eu quelques tentatives de suicide… nous dire, aujourd'hui, à
quel point qu'elles étaient heureuses maintenant, tu sais. Mais c'est sûr,
c'est qu'on ne peut pas, malheureusement, prévoir les trajectoires de rétablissement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
On parle beaucoup d'autodétermination de la personne. Vous voyez ça comment,
face aux gens qui ont une problématique, un trouble de santé mentale? Ils
disent : Bien, nous aussi, on a le droit de choisir, on a la possibilité
et on ne doit pas nous enlever ce droit-là. Vous vous situez où, dans cette
affirmation-là?
Mme Trottier (Marjolaine) :
Bien, merci, Mme la Présidente, pour la question, on a réfléchi beaucoup à
cette question-là. Encore une fois, oui, c'est une question de droit, c'est une
question de critères, aussi. Si vous avez le cancer, que vous allez voir votre
médecin, que vous lui dites : Monsieur, j'ai le cancer, j'ai le droit
d'avoir tous les traitements possibles, donc je veux telle chimiothérapie…
Mme Trottier (Marjolaine) :
…fois, oui, un… c'est une question de droit, c'est une question de critères
aussi. Si vous avez le cancer, que vous allez voir votre médecin, que vous lui
dites : Monsieur, j'ai le cancer, j'ai le droit d'avoir tous les
traitements possibles, donc je veux telle chimiothérapie et je l'exige, c'est
mon droit, c'est possible que votre médecin vous dise : Non, madame, ce
n'est pas le traitement adéquat pour vous. C'est pareil pour les troubles de
santé mentale, ça se peut que le traitement de l'aide médicale à mourir ne soit
pas adéquat pour vous.
La Présidente (Mme Guillemette) :
O.K. Dans votre sondage, est-ce que vous savez combien de médecins seraient
ouverts à administrer l'aide médicale à mourir aux personnes inaptes? Est-ce
que ça a été mentionné, ça, dans votre sondage?
M. Lacasse (Jonathan) : On
n'a pas fait de sondage de cette nature-là, Mme la Présidente. On essaie
plutôt, à la lumière des lectures, là, de certains mémoires, là… on est allés
puiser nos informations.
La Présidente (Mme Guillemette) :
O.K., parfait, il n'y a pas eu de sondage.
M. Lacasse (Jonathan) : À
moins que madame… Non, il n'y a pas eu de… Nous, de nous-mêmes, de notre propre
chef, on n'a pas fait de sondage, là.
Puis l'autre élément que je voudrais peut-être
rajouter, sur l'importance aussi… Là, je sais qu'actuellement, le gouvernement
actuel, hein, a travaillé au nouveau plan interministériel en santé mentale,
hein? L'importance des ponts entre le réseau public et le réseau communautaire,
elle est primordiale. Et on est souvent vus comme une extension, si on veut, du
réseau de la santé, on a envie d'être vus comme des partenaires à parts égales
et que ça soit tenu compte aussi dans la… au niveau, là, des recommandations,
puis au niveau des actions qui sont à faire aussi, parce que combien de fois
qu'on entend des… combien de fois j'entends mes membres qui disent : On
veut… Parce que les portes d'entrée sont difficiles au niveau de… il y a des
problèmes d'accès, d'accessibilité.
Ça fait que c'est pour ça qu'on dit
souvent : Le facteur de désespérance, à quoi il… il faut se poser la
question : À quoi il est lié, ce facteur-là de désespérance? Puis… toute
la question de l'autodétermination, l'approche du rétablissement en santé
mentale repose sur la notion de la reprise du pouvoir sur la vie de la
personne. Puis, comme Mme Trottier l'a amené, pour nous, là, l'aide médicale à
mourir, ce n'est pas une voie de traitement possible, mais que, ceci étant, si
on est pour le permettre, il faut s'assurer autant que faire se peut d'y
restreindre l'accès, puis non pas dans un esprit d'empêcher, dans un esprit de
s'assurer qu'on n'échappe pas des potentiels avenirs, parce que c'est le
risque, et vous l'avez abordé… Oui.
• (11 heures) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Dans cet ordre d'idées là, M. Lacasse, on a entendu tout à l'heure la
Fédération des médecins spécialistes, qui tenait, je vais le dire comme ça, là,
à nous rassurer en disant qu'au niveau des troubles de santé mentale, il n'y a
pas tant de gens que ça qui seraient admissibles, selon les critères et selon
ce que tous les confrères, là, leur ont dit, ils disent peut-être un dans tout
un cas clinique, là, dans…
11 h (version non révisée)
La Présidente (Mme Guillemette) :
...au niveau des troubles de santé mentale, il n'y a pas tant de gens que ça
qui seraient admissibles, selon les critères et selon ce que tous les
confrères, là, leur ont dit. Ils disent, peut-être, un dans tout... un cas
clinique, là, dans toute la clinique d'un médecin.
Puis là vous me dites : Si jamais...
Tu sais, vous ouvrez quand même une petite miniporte, là, puis je vais mettre
le pied dedans. Vous dites : Si jamais on décidait d'ouvrir, il faudrait
mettre des critères très, très stricts. Est-ce que vous avez des critères, pour
nous? Et de un. Et de deux, est-ce qu'il y aurait un laps de temps, comme cinq
ans, 10 ans, une longitudinale... sur une ligne de temps, là, comment... dans
combien de temps, là, ce serait...
M. Lacasse (Jonathan) : En
fait, comme on mentionne au niveau des recommandations, comme bien d'autres, d'ailleurs,
on n'a pas mis de notion du temps. Puis ceci m'amène aussi à partager avec la commission
le fait que... Je comprends qu'il y a un délai qui a été imposé par le fédéral,
là, de... Là, on n'est plus rendu à 18 mois, mais au moment où ça a sorti, là,
ils parlaient de 18 mois pour permettre l'élaboration.
Moi, je pense qu'il y aura... C'est des
notions importantes. Est-ce que trois mois, ou six mois, ou cinq ans... C'est
un grand défi. Est-ce que, juste le temps d'une commission comme la vôtre,
c'est suffisant pour déterminer ou il faudra des... Tu sais, malheureusement,
on n'a pas... Considérant que les symptômes fluctuent dans le temps, puis que
le rétablissement aussi fluctue dans le temps, c'est très embêtant.
Je me permettrais de revenir sur...
Effectivement, ce qu'on a vu au niveau des chiffres, c'est peut-être un minime
pourcentage, O.K. Mais pensons-y... Je crois que c'est en Belgique ou aux
Pays-Bas, c'est quand même l'équivalent d'un autobus de 50 passagers, donc...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Par année.
M. Lacasse (Jonathan) : ...50
par année, O.K. Ça fait que c'est Les Éboulements à chaque année, si je
reprends une image forte, là. Donc, c'est des familles aussi qui sont touchées
à travers ça, là. On peut penser que ce n'est pas gros sur un nombre total.
Effectivement... Je ne me souviens plus des derniers chiffres, là, au niveau de
l'aide médicale à mourir actuellement. Mais effectivement, ce n'est pas... on
comprend que ce n'est pas un gros pourcentage, mais ça reste quand même
peut-être des potentiels, s'il y avait eu... quelle est l'analyse. Donc, c'est
toute la question. Qu'est-ce qui a été fait? C'est important de voir...
Puis là on n'a pas parlé du refus de
traitement. Si la personne, au cours de son rétablissement, elle a fait
beaucoup de refus de traitement, bien, qu'est-ce qu'on fait à partir de là?
Qu'est-ce qu'on... Parce que c'est un droit, là, aussi, le refus de traitement.
Donc, comment on en tient compte? Comment vous allez l'articuler, là, au niveau
de l'application, la question du refus de traitement? Puis si la personne, dans
ce qu'on lui propose, un coup qu'elle fait sa demande d'aide médicale à
mourir... Parce que je sais que, si on constate qu'elle n'a pas essayé, on peut
être en mesure de lui proposer de pister certaines choses, mais si, encore là,
il y a du refus de traitement...
Donc, il y a des zones qui nous disent
qu'il y aurait peut-être un travail... À partir du moment où on s'entend, O.K.,
on ouvre, mais on peut-u vraiment s'entendre, après ça, puis mettre en place ce
qu'il faut pour étudier ce serait quoi les meilleures, là... les meilleures
balises en mise en place? Donc, c'est un appel aussi à la commission de dire :
Bien, O.K., oui, on va peut-être élargir, mais il y aura peut-être un...
M. Lacasse (Jonathan) : …il y
a des zones qui nous dit qu'il y aurait peut-être un travail à partir du moment
où on s'entend : O.K., on ouvre, mais on peut-u vraiment s'entendre après
ça, puis mettre en place ce qu'il faut pour étudier ça serait quoi les
meilleurs, là, les meilleures balises en mise en place? Donc, c'est un appel
aussi à la commission de dire : Bien, O.K., oui, on va peut-être élargir,
mais il y aura peut-être un travail encore à faire pour qu'on puisse
déterminer. Puis on comprend l'élément que c'est important aussi au niveau de
médical, mais de ne pas avoir aussi une approche, aussi, psychosociale du soin,
du service en santé mentale.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. J'ai pris beaucoup de notes, ça m'éclaire beaucoup pour la
suite de nos travaux. Je vais céder la parole à la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour. Merci
beaucoup pour votre présence. Vous avez mentionné tantôt à mon collègue que les
proches ont vraiment une importance à travers tout le processus, qui ont
beaucoup de pression aussi, là. Quelquefois, là, vous avez mentionné que les
proches ont quand même une part importante. Est-ce que, selon vous, le rôle des
proches, est-ce que ce rôle devrait être consultatif ou exécutoire?
M. Lacasse (Jonathan) : Bien,
d'entrée de jeu, pour moi, c'est d'abord et avant tout consultatif, dans le
sens où, un peu… je veux dire, dans le sens où il faut y aller aussi en
fonction du rétablissement de la personne. Il y a des gens pour qui la famille
est impliquée, puis il y a d'autre pour qui… On parlait d'autonomie, justement,
là, tout à l'heure, ça fait qu'il faut passer par la lunette d'où est la
personne dans son rétablissement. Autant que faire se peut, il est souhaitable
que la famille soit aussi impliquée. Mais, si la personne en soi ne veut pas
impliquer la famille, je vois mal qu'on l'oblige à, tu sais, à forcer la note,
là, tu sais, dans le respect du rétablissement de la personne.
Une voix
: Merci
beaucoup. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, j'ai la députée de Saint-François, également, je crois, qui aurait une
question.
Mme
Hébert
:
Oui. Merci, Mme la Présidente. M. Lacasse, Mme Trottier, merci de vos
interventions. C'est sûr et certain, j'ai pris la note, là, que vous aviez dit,
par rapport à la discrimination puis la stigmatisation envers les personnes qui
souffraient de troubles mentaux. C'est une autre avenue que… c'est un autre
côté qu'on ne nous avait pas apporté, puis… ou peu, et je trouve ça intéressant.
Moi, je vous apporte… je vous mets une situation
qu'on nous a énoncée qu'un médecin qui donne l'aide médicale à mourir, qui a eu
à faire face, une dame qui a vécu plusieurs épisodes de dépression, donc elle a
un problème de santé mentale sur une quinzaine d'années, peut-être même
20 ans. Cette dame-là a quand même eu des épisodes de bonheur, de bonheur
ou de joie où ses souffrances ont été quand même atténuées… à avoir une
certaine joie de vivre. Mais là elle rechute…
Mme
Hébert
:
…donc elle a un problème de santé mentale sur une quinzaine d'années, peut-être
même 20 ans. Cette dame-là a quand même eu des épisodes de bonheur, de
bonheur ou de joie, où ses souffrances ont été quand même atténuées… à avoir
une certaine joie de vivre. Mais là, elle rechute, puis après plus de
18 mois de toutes sortes… on a essayé les traitements, elle est tannée,
elle est au bout du rouleau. Elle refuse tout traitement puis elle veut juste
mourir, mais elle n'a pas le droit à l'aide médicale à mourir, elle n'est pas
éligible. Puis elle fait sa demande, c'est refusé. Puis ils vont même jusqu'au
niveau juridique pour valider cette décision-là, puis l'avocat lui dit que non,
elle n'a pas le droit.
Donc, la seule avenue qu'elle a eue, que
le médecin a dit, bien, c'est que… vous pouvez arrêter de vous nourrir puis
vous allez mourir. Puis c'est ce que la femme a fait, elle a pris… elle est
allée en sédation palliative, donc elle a arrêté de s'alimenter puis elle est
décédée au bout d'à peu près quelques jours.
Donc, est-ce que vous craignez que si on
ne permet pas… sachez, là, que ce n'est pas une opinion, c'est vraiment une
question, mais est-ce que vous pensez que si on ne… dans certains cas, que
toutes les avenues, selon elle, là, parce que j'avoue qu'il y a un certain
refus de traitement, est-ce que vous pensez qu'on risque d'en arriver là, mais
que ça serait seulement quelques cas, donc que c'est… ce serait mieux de ne pas
élargir même si on arrive à des situations comme ça?
M. Lacasse (Jonathan) : Bien,
je référerais à nos recommandations, où on le mentionne. Je veux dire, parce que
même si nos argumentaires sont dans le contre, on est conscient, quand même, du
fait que c'est quelque chose qui est sur la table et qui ira de l'avant. C'est
pour ça qu'on dit : Écoutez, qu'est-ce qui a été fait? O.K. Puis là, on
repose sur le médecin, on a la vision des traitements médicaux qu'elle a eus,
mais ça, c'est souvent l'approche très médicale, O.K. Comme je disais tantôt,
il faut avoir une vision psychosociale : Est-ce que la personne est allée
chercher de l'aide dans la communauté auprès d'organismes communautaires,
auprès de centres de jour, auprès de… Donc, l'importance de développer vraiment
l'évaluation psychosociale puis de prendre en compte c'était quoi, le chemin de
rétablissement des dernières années pour qu'elle puisse explorer, tu sais? Au
final, on le reconnaît, la liberté de la personne, elle est quand même, là,
au-dessus, on est dans une société de droit, donc on le reconnaît, et elle
souffre, et on reconnaît cette souffrance-là.
Donc, nous, ce qu'on dit, c'est ça, c'est,
quand on parlait de limiter tantôt, mais c'est quoi qu'on peut mettre en place.
Alors, justement, est-ce qu'on pourra faire… on va regarder c'est quoi… on va
aller chercher d'autres avis, parce que lui, on dit que, dans ce cas-là,
peut-être c'eset le médecin de famille, mais est-ce qu'il y a un avis d'un
psychiatre qui est allé chercher dans le dossier pour pousser plus loin…
M. Lacasse (Jonathan) : …quand
on parlait de limiter tantôt, bien, c'est quoi qu'on peut mettre en place?
Justement, est-ce qu'on pourra faire… On va regarder c'est quoi, les… On va
aller chercher d'autres avis, parce que, lui, il est… on dit que c'est… Là, peut-être
que c'est le médecin de famille, mais est-ce qu'il y a un avis d'un psychiatre,
qu'il est allé chercher dans le dossier pour pousser plus loin? Est-ce
qu'aussi, là, au niveau, là, de… Est-ce que ça demande ce maintien dans le
temps? Est-ce qu'il y a eu des discussions, justement, là, aussi, là, avec la
famille? Est-ce qu'ils voient mal comment ça se passe à ce niveau-là? Donc… Et
il y a…
Mme Trottier (Marjolaine) :
Puis, si je peux me permettre, cette demande-là mise dans les recommandations
qu'on fait, c'est qu'on ne voudrait pas que ça soit fait dans un épisode
suicidaire, tandis que, là, c'est… elle passe à l'acte en plein dans un épisode
suicidaire, qui est contre-indiqué dans nos recommandations.
M. Lacasse (Jonathan) : Qui
est différent.
Mme Trottier (Marjolaine) : À
mon avis, c'est un cas pour Réseau de prévention du suicide, là.
Mme
Hébert
: O.K.
Alors…
La Présidente (Mme Guillemette) :
C'est tout le temps que nous avions, malheureusement, Mme la députée. Je
m'excuse, je pense que j'ai pris beaucoup de temps, mais, bon, c'est tout le
temps que nous avions, et je souhaite sincèrement remercier nos deux invités de
ce matin, M. Lacasse et Mme Trottier. Vos propos ont été très éclairants pour
la suite des travaux de la commission, et merci pour votre contribution.
Sur ce, nous suspendons les travaux
quelques instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités.
Mme Trottier (Marjolaine) :
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 10)
11 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 11 h 46)
La Présidente (Mme Guillemette) :
La commission reprend ses travaux. Donc, nous accueillons maintenant Mme Kim L.
Giard. Merci, Mme Giard, d'être avec nous via le téléphone. Donc, vous
disposez, à partir de maintenant, de 10 minutes pour nous présenter votre
exposé, et il y aura un court échange avec les membres de la commission par la
suite. Donc, je vous cède maintenant la parole.
Mme Giard (Kim L.) : Mme la
Présidente Nancy Guillemette, Mmes les députées Véronique Hivon, Marie
Montpetit, M. le député Gabriel Nadeau-Dubois, bonjour. Je me présente. Kim L.
Giard. Dans un premier temps, Mme la Présidente, je veux remercier le comité
d'avoir accepté ma demande de participation aux audiences publiques de la
Commission spéciale sur l'évolution
de la Loi concernant les soins de fin de vie. Je suis honorée de participer à
cette deuxième étape à titre de témoin. Cette implication représente pour moi
une opportunité unique et une grande responsabilité.
Après avoir été psychoéducatrice pendant
20 ans, agente de relations humaines et intervenante psychosociale dans le
réseau public du Québec et dans différents organismes communautaires, j'exerce
maintenant le travail d'intervenante en soins spirituels au sein de deux
centres hospitaliers du centre intégré universitaire des soins de santé et des
services sociaux de l'Estrie. Quotidiennement, j'accompagne des femmes et des
hommes traités notamment dans les services des soins palliatifs et des soins de
fin de vie. Dans ces lieux, j'ai rencontré plus d'une fois des personnes,
entourées de leur famille, à qui on administrait l'aide médicale à mourir.
Tel qu'inscrit dans les orientations
ministérielles de 2010, la spiritualité se définit de la façon suivante. C'est
le sens que la personne cherche à donner à sa vie, à ses souffrances et à sa
mort. Elle désigne également les valeurs de la personne, sa satisfaction
intérieure et sa soif d'accomplissement sur le plan de l'être. En résumé,
depuis 2011, dans le réseau de la santé et des services sociaux, la mission de
notre travail en tant qu'intervenantes et intervenants en soins spirituels...
Mme Giard (Kim L.) : …les
valeurs de la personne, sa satisfaction intérieure et sa soif d'accomplissement
sur le plan de l'être.
En résumé, depuis 2011, dans le réseau de
la santé et des services sociaux, la mission de notre travail, en tant
qu'intervenantes puis intervenants en soins spirituels, est d'offrir un soutien
moral qui a un accompagnement spirituel ou existentiel auprès des patients et
de leurs proches dans les périodes où ils doivent affronter la maladie, la
souffrance, la perte d'autonomie ou la mort, bref, dans les moments où ils
doivent vivre la vie sous toutes ses formes d'étonnement, de bouleversement, et
ce, dans un contexte de déséquilibre, de changement, de crise et parfois de
désespoir. Cette approche éthique qui vise à apaiser la souffrance psychique et
à sauvegarder la dignité de la personne malade contribue à soutenir aussi les
proches… En premier lieu, dans l'exercice de leur travail, les intervenants en
soins spirituels s'attardent au sens, le sens qui se dégage de toute vie comme possibilité,
ouverture, désir et finalement orientation de celle-ci.
• (11 h 50) •
L'intervenant, l'intervenante en soins
spirituels assure également une présence bienveillante, une écoute empathique
et un suivi compatissant au chevet du malade qui a exprimé, à titre d'exemple,
son refus de traitement ou sa volonté de cesser de poursuivre le plan des
traitements prévus. Sa présence se situe aussi dans le contexte où une demande
éclairée et volontaire d'aide médicale à mourir fut exprimée et que, suivant le
processus d'évaluation, elle fut refusée ou autorisée. Les préférences et le
besoin spirituel de l'usager sont considérés comme faisant partie intégrante
des soins et du processus de confort et du mieux-être. Ils font partie aussi
des discussions au moment de prendre les décisions d'arrêter vos soins qui peuvent
présenter un aspect éthique ou spirituel. Dans les services publics de la santé
et des services sociaux, la collaboration interprofessionnelle représente une
grande force pour assurer une qualité de soins.
La réponse aux besoins biopsychosociaux et
spirituels de l'usager exige de maintenir des communications suivies et
soutenues avec le patient et sa famille. Les réflexions reliées à
l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour les personnes en situation
d'inaptitude et les personnes souffrant de problèmes de santé mentale ont su
soulever l'importance d'évaluation de l'état global de la personne en portant
un regard sur toutes ses dimensions. À ce point, il me semble aussi nécessaire
de considérer l'ensemble des circonstances…
Mme Giard (Kim L.) : ...et les
personnes souffrant de problèmes de santé mentale ont su soulever importance de
l'évaluation de l'état global de la personne en portant un regard sur toutes
ses dimensions.
À ce point, il me semble aussi nécessaire
de considérer l'ensemble des circonstances cliniques. Jusqu'à présent, mon expérience
clinique m'a permis de croiser de nombreux visages, des visages souriants,
reconnaissants, mais surtout des visages souffrants, inquiets, désespérés ou
endeuillés. Sur les visages, la nouvelle information reçue d'un problème de santé
mentale récurrent ou d'un pronostic de vie réservé... Peu importe l'âge de
l'adulte, sa culture, son état d'abondance ou de disette matérielle ou relationnelle,
nous pouvons toujours lire la souffrance et l'inquiétude dans le regard de ses
torts passifs. Rencontrer un visage, c'est immédiatement rencontrer un appel
impératif à la responsabilité. «Le visage est la partie dénudée de l'homme et
de la femme, exposée, sans défense et qui, du même coup, convoque chacun à la
responsabilité», disait Lévinas.
Les délicates questions de consentement
anticipé et de l'admissibilité des personnes souffrant de maladies mentales
graves nous appellent à réfléchir sur l'accompagnement à bien vivre
présentement, avec ou sans limitations au plan de l'autonomie physique,
cognitive ou psychologique. La liberté est au coeur de l'humanisme. La liberté
signifie que nous déterminons, en toute indépendance, ce que nous voulons, ce
que nous apprécions ou, finalement, ce que nous décidons de choisir.
La réflexion sur l'accompagnement à bien
mourir appelle à nous questionner sur le comment accompagner à bien vivre. En
somme, Mme la Présidente, il est impératif de ne pas penser étroitement à
rendre durable la satisfaction de tous nos désirs, mais plus largement à rendre
durable ou à perpétuer notre liberté, notamment par le principe d'autonomie
préalable ou actuel, avec l'assurance d'une juste évaluation et d'une
pertinente mesure de protection.
En 2018, la Loi des services de santé et
des services sociaux stipulait que les établissements ont pour fonction
d'assurer la prestation des services de santé et des services sociaux de
qualité, qu'ils soient continus, accessibles, sécuritaires et respectueux des
droits de la personne et de leurs besoins spirituels. Le respect de la dignité
de la personne…
Mme Giard (Kim L.) : …que les établissements
ont pour fonction d'assurer la prestation des services de santé et des services
sociaux de qualité, qu'ils soient continus, accessibles, sécuritaires et
respectueux des droits de la personne et de leurs besoins spirituels. Le
respect de la dignité de la personne et de ses droits fondamentaux nous
rappelle la question fondamentale de la finalité du geste thérapeutique qui,
dans son essence, devrait toujours être orientée vers et pour le bien de la
personne souffrante. Des expériences cliniques partagées entre intervenants et
intervenantes en soins spirituels exposent parfois certaines tensions présentes
entre la vision biomédicale des soins et la décision jugée convenable par le
patient pour sa fin de vie. Ces interrogations ouvrent la porte à la thématique
de la qualité de vie souhaitable pour une personne, dont la vie est en train de
lui échapper, car la vie ne se réduit pas à la seule dimension biologique qu'il
faudrait entretenir par tous les moyens. Le respect des droits et des libertés
individuelles conduit à respecter la personne humaine dans toute la complexité
de son être et de son autonomie, qu'elle soit nommée préalable ou actuelle.
Les législations donnent une importance
première à la décision de la personne concernée. La primauté ou volonté
relative aux soins exprimée par une personne est, jusqu'ici, reconnue par la
loi. Mais la loi ne résout pas tout, le droit ne gère pas tout, à mon sens,
nous devons désormais reconquérir l'espace humain déshabité d'un monde
technique et scientifique qui a perdu son essence. Cette reconquête concerne le
regard que chacun d'entre nous porte sur le souffrant qui doit être considéré
comme un sujet à part entière et non comme un objet d'investigation, de
recherche ou comme un numéro de dossier. L'adolescente traitée pour un cancer,
le jeune adulte ayant un problème de santé mentale, le vieillard, mais aussi
les mendiants et les mourants font partie de notre humanité. Toute personne a
droit à un accès adéquat aux soins, cela relève tant de l'éthique que d'une politique.
Chacun, chacune compose notre collectivité, notre commune humanité, notre
commune réalité, quels que soit sa souffrance, son diagnostic, sa proximité
avec la mort.
Enfin, cette commission permettra une fois
de plus de sensibiliser le public à des personnes malades, dont l'espérance de
vie, dans des conditions convenables, peut se compter en année et…
Mme Giard (Kim L.) :
…diagnostic, sa proximité avec la mort. En fait, cette commission permettra une
fois de plus de sensibiliser le public à des personnes malades dont l'espérance
de vie dans des conditions convenables peut se compter en années et qui
méritent les efforts de la collectivité aussi bien pour la recherche que pour
l'accompagnement médical et humain. Merci pour votre écoute.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme Giard. Donc, je céderais maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mme Giard, pour vos observations. On vous entend parler de l'importance
dans le soin de vie et, sur ce continuum, dans le soin vers la fin d'une
présence spirituelle et que votre constat, si je vous ai bien comprise… que
l'accès à ce genre d'accompagnement, on en convient, très nécessaire, est assez
insatisfaisant et assez inégal partout au Québec, on… J'ai tendance à
comprendre ce message-là, et on n'a qu'à penser à nos CHSLD, et on est très
conscients du fait que ce besoin spirituel présent, peu importe notre condition
physique ou mentale, est un besoin primordial qui n'est souvent pas rejoint
dans notre système actuel. On comprend tout ça. Nous avons devant nous quand
même le fardeau de trancher sur quelques questions de l'ordre… très sérieuses en
ce qui a trait à l'élargissement de l'aide médicale à mourir.
Est-ce que je peux comprendre si vous avez
une recommandation très claire sur l'importance d'une présence, lors des délibérations
personnelles en tout ce qui a trait à une demande anticipée, de quelqu'un avec
une capacité d'accompagnement spirituel à chaque cas? Est-ce que c'est en
quelque part ça, une recommandation que vous feriez? Comment est-ce qu'on peut
concrétiser vos préoccupations?
• (12 heures) •
Mme Giard (Kim L.) : Bien, en
fait, le point que j'aimerais qui soit retenu dans ce court exposé, c'est tout
simplement que chaque professionnel ne travaille pas en silo puis qu'un
professionnel ne détient pas un pouvoir pour tout ce qui est des… on peut dire,
des informations, des vases communicants. Et puis peu importe — je me
répète — peu importe le professionnel de la santé… Puis nous aussi,
on fait partie du service de santé, les intervenants psychospirituels, les
intervenants en soins spirituels. Alors, qu'on soit là ou pas… Mais, si on est
là, on ne travaille pas en silo, puis il faut travailler avec les autres…
12 h (version non révisée)
Mme Giard (Kim L.) : …puis
nous aussi, on fait partie du service de santé, les intervenants
psychospirituels, les intervenants en soins spirituels. Alors, qu'on soit là ou
pas… mais si on est là, on ne travaille pas en silo. Il faut travailler avec
les autres membres de l'équipe pour avoir une vision juste de l'ensemble de la
personne, et la personne, évidemment, elle ne se résume pas à son diagnostic
physique, de maladie physique ou mentale, mais, tu sais, vraiment, avoir un
portrait d'ensemble et que ce soit entendu par l'ensemble des équipes… de
l'équipe des professionnels.
Donc, c'est ça, pour moi. Puis c'est
documenté, ce n'est pas juste moi, c'est documenté, qu'il y a vraiment une
force de travailler non seulement sur le corps mais sur l'âme, hein? «Body and
soul». Mais… voilà, c'est ce que je voulais seulement signifier, mettre en
lumière, l'interdisciplinarité pour le bien du patient.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Très rapidement, M. le député, si vous avez une dernière question.
M. Birnbaum : Bon, si vous
avez des observations à nous faire en ce qui a trait à la souffrance, est-ce
que, de votre lecture, une personne devant un diagnostic peut bien et
clairement et librement évaluer le niveau de souffrance qui serait intolérable
pour elle? Ou est-ce que c'est la souffrance contemporaine qui doit être jugée,
la souffrance au moment que cette personne aurait souhait la fin de vie?
Mme Giard (Kim L.) : O.K.
Pour moi, ce n'est pas de séparer l'un et l'autre en clivage ou en dichotomie,
mais c'est, bon, en continu, hein, de faire des mises à jour de l'état,
justement, la position de la personne face à la mort, face à son… sa situation
de souffrance. Il y a des douleurs physiques… parfois, évidemment, les douleurs
physiques qui ne sont pas soulagées entraînent, il va de soi, les douleurs… des
souffrances psychiques, des souffrances mentales. Donc là, c'est encore la…
hein, prendre soin, nous protéger, assurer que le patient, on lui a offert
toutes les ressources, et les outils ou en fait tout ce qu'il faut pour
soulager sa douleur physique, puis ensuite qu'on a aussi contribué, hein, par
le système de la santé, et services sociaux, et toutes les équipes
interdisciplinaires, qu'ils soient là pour aussi disposer d'outils pour
répondre et soulager la souffrance psychique qui est là.
Puis en même temps, bien sûr, il y a le
respect de la volonté du patient. Puis je vous dirais que pour l'avoir vécu, ça
évolue. Je connais, présentement…
Mme Giard (Kim L.) : …l'outil
pour répondre et soulager la souffrance psychique qui est là. Puis, en même
temps, bien sûr, il y a le respect de la volonté du patient. Puis je vous
dirais que, pour l'avoir vécu, ça évolue. Je connais présentement… La pensée
peut cristalliser un moment puis elle ne change plus, hein, vous le savez.
Puis, c'est ça, j'ai l'expérience présentement,
à l'hôpital, d'une personne qui a demandé au mois de juin l'aide médicale à
mourir, puis on décrivait cette personne comme un ermite, vivait tout seul, qui
n'avait aucun contact, puis, bon, qui ne parlait pas, puis qui était vraiment
seul. Mais, un mois et demi plus tard, il a renoué avec des membres de sa
famille avec qui il n'avait pas discuté, échangé depuis huit ans. Il y a
eu une réconciliation qui, à travers ça, pour faire un bref survol de la situation,
bien, il a goûté, ce patient en soins palliatifs, il a goûté à la beauté des
relations humaines qui ne connaissaient pas, et il repousse, il repousse, il ne
fixe pas de date pour l'aide médicale à mourir. Puis là il commence,
évidemment, à dépérir, là, il n'est pas à l'agonie, mais il est bientôt… il
sera bientôt évalué… des soins de fin de vie, là. Il y a de plus en plus, comme
les spécialistes le savent, là, de doses de… il y a de plus en plus de
médications, finalement, pour soulager sa douleur physique, mais il ne demande
plus l'aide médicale à mourir. C'est autorisé. Il y a ses amis, ses parents qui
viennent le visiter et puis son père qu'il n'avait pas vu depuis huit ans
et tout.
Donc, c'est juste pour refléter qu'une
position qui peut être prise à un moment donné de demander l'aide médicale à
mourir au préalable, hein, parce que là, c'est la question, une demande
anticipée… Bien, j'ai lu, hein. On parcourt les documents et tout ça. C'est
discuté qu'il y ait trois mois, six mois, cinq ans,
huit ans plus tard, la personne… on est en devenir, on n'est pas des
personnes fixes, cristallisées, on n'est pas des objets, on est des êtres
vivants, en mouvance constamment, puis notre pensée peut évoluer, puis c'est
bon de…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Giard (Kim L.) :
…justement, faire une mise à jour de la position de la personne.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme Giard. Vos propos sont très éclairants pour nous.
Merci, M. le député. Donc, c'est malheureusement tout le temps que nous avions.
Et compte tenu de l'heure, la commission
suspend ses travaux jusqu'à 13 h 15, cet après-midi. Merci encore,
Mme Giard, de votre participation à la commission.
Mme Giard (Kim L.) : C'est un
plaisir. Au revoir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Au revoir.
(Suspension de la séance à 12 h 06)
13 h (version non révisée)
(Reprise à 13 h 16)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bon après-midi. Donc, la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de
fin de vie reprend ses travaux.
Et, cet après-midi, nous poursuivons les
consultations particulières et les auditions publiques sur l'évolution de la Loi
concernant les soins de fin de vie. Nous entendrons donc Mme Catherine
Joly, M. Gordon Friesen, la Fédération québécoise de l'autisme, ainsi que
le DrPaul
Saba.
Donc, sans plus tarder, merci, Mme Joly,
d'être avec nous cet après-midi, et de nous présenter votre exposé, et de bien
vouloir répondre aux questions, après, des collègues. Donc, sur ça, vous avez
10 minutes pour votre exposé. Je vous cède maintenant la parole.
Mme Joly (Catherine) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour à tous et à toutes. C'est une lettre
ouverte que je vous présenterai. Je suis très heureuse de participer à cette
audience publique, et c'est une première pour moi, d'ailleurs. J'espère
grandement pouvoir toucher ses auditeurs par mes propos.
Tout d'abord, je prends quelques instants
pour me présenter. Je m'appelle Catherine Joly, j'ai 31 ans, je suis
assistante infirmière-cheffe, ma spécialité, les soins d'urgence. Je suis aussi
la fille d'une excellente mère, une mère aussi infirmière clinicienne, mais qui
a dû abandonner sa carrière lorsqu'elle a eu un diagnostic d'Alzheimer à l'âge
de 56 ans, il y a de cela bientôt trois ans. Tous ces éléments sont
importants à savoir, parce qu'ils vous aideront à comprendre davantage mon
raisonnement et mon expérience vis-à-vis de la maladie… particulièrement,
pardon, à mieux comprendre ma position… (panne de son) …à cette commission
spéciale sur l'aide médicale à mourir en situation d'inaptitude.
À mon avis, l'intention d'adapter la loi
pour… (panne de son) …en situation d'inaptitude est la meilleure décision…
(panne de son) …assurer le respect des volontés de plusieurs milliers de
Canadiens atteints de maladies graves dans les prochaines années.
Plusieurs enjeux seront abordés dans ma
présentation. D'abord, mon histoire, ma famille…
Mme Joly (Catherine) :
…pour…la meilleure décision… assurer le respect des volontés de plusieurs
milliers de Canadiens atteints de maladies graves dans les prochaines années.
Plusieurs enjeux seront abordés dans ma présentation, d'abord mon histoire, ma
famille, mes raisons personnelles relatives à la… et ensuite, je vous
partagerai mon opinion d'un point de vue davantage professionnel. Allons-y.
• (13 h 20) •
Le jour où ma mère m'a annoncé qu'elle
avait l'alzheimer : ouf. Nous avons éclaté en sanglots, sans vraiment dire
un mot, sachant toutes les deux très précisément ce que cela impliquait. Une
maladie sans traitement possible, sans issue, un long chemin parsemé de défis,
premièrement plus difficile pour ma mère, et… beaucoup plus difficile pour moi.
Elle se verrait perdre peu à peu le fil de ses idées, ses souvenirs, ses
connaissances, sa personnalité, et moi, je serais là, témoin et impuissante
face à sa déchéance. La seconde phrase que ma mère m'a dite après l'annonce du
diagnostic était : Tu ne me laisseras pas mourir en CHSLD, je veux mourir
lorsque je ne te reconnaîtrai plus, lorsque je ne serai plus capable de prendre
soin de moi. Ce n'étaient pas des paroles impulsives, vous savez, ce genre de
paroles lancées un peu sur le coup de l'émotion. Eh bien, non, ma mère m'a
demandé de lui promettre que je l'aiderais à partir comme elle le veut, avec sa
dignité. Depuis trois ans, lorsqu'elle me visite, elle me le rappelle
lorsqu'elle le peut. Malheureusement, je dois lui mentir. Je dois lui mentir en
disant que je ferai tout mon possible pour exaucer ses voeux, mais en sachant
très bien que, présentement, la loi ne permet pas l'AMM aux gens inaptes et que
le temps presse pour… ce temps qui lui glisse entre les doigts, à chaque
instant où elle perd un souvenir de plus. Mon coeur se déchire à chaque fois.
Si j'ai le malheur de lui dire la vérité concernant la loi actuelle, je dois
gérer une crise d'angoisse ou de colère : Pourquoi ne pourrais-je pas
décider du moment de ma fin, qui d'autre que moi peut détenir ce pouvoir de
choisir pour ma vie ou ma mort? Son plus grand souci, actuellement, est de
savoir qu'elle ne pourra pas mourir avec dignité. Imaginez-vous, elle tente de
profiter au maximum du reste de sa vie, sans avoir cette certitude, sans savoir
où et comment elle finira sa vie. Un mois après l'annonce du diagnostic, nous
étions chez le notaire pour remettre à jour le nécessaire, vous savez. Nous
avons même demandé à la notaire d'inscrire les volontés de ma mère concernant
l'AMM lorsqu'elle serait, par exemple, à un stade plus avancé de la maladie.
Disons que si la loi change, nous ne voulions pas passer à côté. J'ai contacté
des agences en Suisse, j'ai parlé à des députés, à des journalistes aussi, du
sujet, mais la maladie de ma mère progresse plus rapidement que le reste. Tout
cela m'amène à une réflexion : Pourquoi devons-nous nous battre pour faire
respecter les volontés de ma mère? Comment les intérêts de la personne malade
peuvent être aussi bien protégés par un mandat d'inaptitude, un testament ou
encore…
Mme Joly (Catherine) : …la
maladie de ma mère progresse plus rapidement que le reste. Tout cela m'amène à
une réflexion : Pourquoi devons-nous nous battre pour faire respecter les
volontés de ma mère? Comment les intérêts de la personne malade peuvent être
aussi bien protégés par mandat d'inaptitude, un testament ou encore des
directives médicales anticipées, mais lorsque cela concerne directement le
concept de la mort, l'aptitude à consentir est remise en question? Je
m'explique. Si la personne qui rédige ses papiers est considérée apte à le
faire, par exemple, suite à une évaluation médicale, et que le mandaté accepte
son rôle, je ne vois pas où est le problème. Pourquoi la validité de la
décision anticipée du moment de sa mort serait-elle remise en question et non
le reste? Toute sa vie sera entre les mains du mandaté, basé sur les demandes
préalablement établies par la personne, par exemple, la gestion de ses
finances, de ses biens matériels et même des décisions médicales relatives. La
raison… par les avocats et les éthiciens est que le caractère définitif relié à
la mort rend le sujet chaud et à risque d'abus, encore une fois, tout le reste,
non. Qui sommes-nous pour juger du niveau d'importance de tous ces
éléments énumérés ci-haut? Certaines personnes accordent davantage d'importance
à l'un ou à l'autre de ces éléments, certains seront plus matérialistes,
d'autres craignent de souffrir, d'autres craignent la mort. Pour moi,
l'autodétermination et le respect du droit à l'autonomie par le choix libre et
éclairé de la personne suffit amplement pour justifier d'offrir l'option de
soins d'aide médicale à mourir en situation d'inaptitude aux gens atteints ou
qui seront atteints de maladie dégénérative incurable. Depuis les dernières
modifications de la loi — pardon — nous avons accepté de
voir partir des gens atteints de troubles cognitifs encore aptes à consentir,
c'est un gain. D'ailleurs, les chiffres semblent parler d'eux-mêmes dans vos
documents.
Ma mère, elle, elle ne veut pas partir
avant le temps, elle est encore apte à consentir, mais n'est pas prête à
risquer de perdre encore quelques bonnes années. À ce jour, cela fait d'elle
une… exemple de situation, l'aide médicale à mourir en situation d'inaptitude
est nécessaire. Et maintenant imaginez-vous toutes les autres personnes
atteintes de problème de santé incurable au Canada, qui pourraient bénéficier
de ce type de soins dans les prochaines années.
Maintenant, d'un point de vue davantage professionnel,
j'aimerais… j'aurais aimé partager quelques réflexions et constats avec la commission.
D'abord, j'aimerais faire un parallèle intéressant avec le critère n° 6 de la loi sur l'aide médicale à mourir et ma pratique. Selon
moi, je vais réitérer le critère n° 6, que vous connaissez tous
probablement très bien, la personne doit éprouver des souffrances physiques ou
psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des
conditions qu'elle juge tolérables. Selon moi, il y a deux éléments de cet
énoncé difficiles à évaluer et à quantifier, la souffrance, mais aussi les
conditions que la personne juge tolérables…
Mme Joly (Catherine) : …la
personne doit éprouver des souffrances physiques ou psychiques constantes,
insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu'elle juge
tolérables. Selon moi, il y a deux éléments de cet énoncé difficiles à évaluer
et à quantifier, la souffrance mais aussi les conditions que la personne juge
tolérables.
En tant qu'infirmière, il est de notre
devoir d'inscrire nos évaluations de la douleur et de santé mentale et de
respecter le dire de notre patient. En d'autres mots, si un patient se présente
au triage en souriant et me dit qu'il a mal à 10/10 sur l'échelle de douleur,
je devrai inscrire et respecter son autoévaluation, évidemment, s'il a les
connaissances pour le faire. Notre évaluation devra alors davantage s'expliquer
par la présentation de la personne, c'est-à-dire une position antalgique, un
état général global qui est très affecté, une incapacité à fonctionner
normalement.
Ayant côtoyé quelque chose de… ayant
côtoyé, pardon, quotidiennement, des gens qui vivent de la souffrance, je peux
vous assurer que la douleur est quelque chose de très subjectif et personnel,
tant psychologique que physique. Vous comprendrez donc que le soulagement de la
douleur, par des conditions jugées tolérables, est donc, tout aussi, très
relatif et dépendant de la capacité de résilience du patient et de sa réponse
physiologique à la médication ou tout autre traitement. En ce sens, je pense
que la personne encore apte à le faire peut juger elle-même du niveau de
souffrance et de tolérance qu'elle sera prête à assumer ou à accepter dans le
cas d'une inaptitude incurable ou dégénérative, qu'il s'agisse de souffrance
physique ou morale.
Ensuite, j'aimerais aborder… j'aimerais
prendre quelques instants pour aborder la question des soins palliatifs, plus
précisément la sédation palliative continue.
Même si, dans la définition des soins
palliatifs, le but est de soulager leur souffrance sans hâter ni retarder la
mort, je pourrais vous énumérer plusieurs situations où la mort aurait dû
survenir bien avant ou sans vraiment que cela soit prescrit ainsi. Il s'agit de
sédation palliative. Parfois, nous savons que la prochaine dose qui sera
administrée causera la mort, pourquoi? Parce que les patients se retrouvent
souvent dans un état extrêmement léthargique, parfois en douleur, parfois
encombrés. Il s'agit de moments difficiles pour le patient, pour la famille…
qui voient leur proche ainsi, et pour le personnel soignant.
Je pense que l'AMM, en cas d'inaptitude,
ne remplacera pas à 100 % toutes ces situations mais cette loi pourra
possiblement aider d'innombrables familles à vivre une expérience différente
face à la mortalité. Être un malade et dépendant de votre famille, dans la
société dans laquelle nous vivons présentement, est assez complexe, je vous
épargne toutes les raisons. En somme, énormément de familles viennent aux
urgences avec une personne atteinte de troubles cognitifs ou de… ou même de
santé mentale. Les ressources externes sont de plus en plus réduites…
Mme Joly (Catherine) : …être
malade et dépendant de votre famille dans la société dans laquelle nous vivons
présentement est assez complexe. Je vous épargne toutes les raisons. En somme,
énormément de familles viennent aux urgences avec une personne atteinte de
troubles cognitifs ou même de santé mentale. Les ressources externes sont de
plus en plus réduites par les coupures budgétaires, sans compter le personnel
soignant qui quitte le réseau. Avoir une place en CHSLD peut prendre des
années, et d'autres se questionnent à savoir s'il s'agit là d'une bonne idée,
après l'hécatombe de la dernière année. Remarquez ici que d'offrir comme soin
l'AMM en cas d'inaptitude pourrait réduire cette pression sur le réseau, ce qui
m'amène à aborder le sujet des familles et proches aidants.
Les proches aidants jouent un rôle majeur
dans le maintien des patients à domicile. Ils jouent aussi un rôle très
important de liaison avec les professionnels de la santé. Je suis donc pour une
collaboration entre la famille et les professionnels de la santé pour évaluer
le bon moment, le bon moment, disons, que le malade voulait, disons, la demande
anticipée d'aide médicale à mourir. La seule inquiétude que j'ai à ce propos
est que, malheureusement, beaucoup de familles que j'ai côtoyées durant ma pratique
ne connaissent pas les volontés de leur être cher. Une sensibilisation à cet
effet devrait d'ailleurs être accompagnée. Les directives médicales anticipées
et la demande médicale anticipée, si tel est le cas, devraient être mises à
jour beaucoup plus régulièrement dans les dossiers de nos patients. En
conclusion, il est important de ne pas oublier que l'aide médicale à mourir en
cas d'inaptitude ne serait pas obligatoire, plutôt une option de soin, comme…
ou encore la sédation… Le choix reviendrait au patient, le moment, par
l'évaluation de la famille et les professionnels de la santé. Pour moi, ne pas
adapter la loi sur l'AMM est 100 % contre-productif, tant au point de vue…
que collectif. Cette loi aurait des impacts majeurs à plusieurs niveaux dans
notre société, d'abord sur chaque citoyen qui sera concerné un jour ou l'autre
par une situation de ce genre, et, par ricochet, cela aidera des milliers de
familles à leur offrir un sentiment de quiétude en ayant réalisé leur souhait
de mourir avec dignité. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme Joly. Donc, nous allons procéder aux échanges avec les
membres de la commission, en débutant avec le député de Rosemont.
Mme Joly (Catherine) : Oui.
• (13 h 30) •
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mme Joly pour votre prise de position claire et nette, pour
votre témoignage aussi, puisque ce n'est pas la première fois qu'on a des
témoins qui sont directement touchés, mais on n'est plus dans la théorie, là,
dans votre cas et dans d'autres cas, on est vraiment dans la pratique, une
pratique qui n'est certainement pas des plus faciles à vivre, puis vous avez
toute mon empathie pour la suite des choses avec votre mère, d'autant que vous
êtes infirmière, dites-vous, donc vous êtes habituée au réseau de santé. Je
veux revenir sur un des éléments que vous avez nommés, parce que votre
position…
13 h 30 (version non révisée)
M. Marissal : …les plus faciles
à vivre, puis vous avez toute mon empathie pour la suite des choses avec votre
mère. D'autant que vous êtes infirmière, dites-vous, donc, vous êtes habituée
au réseau de santé.
Je veux revenir sur un des éléments que
vous avez nommés, parce que votre position, je l'ai dit, elle a le mérite
d'être claire, là, alors je n'en débattrai pas. Vous dites votre mère vous a
dit : À partir… Tu ne me laisseras pas mourir dans un CHSLD. À partir du
moment où je ne te reconnais plus, prends les mesures pour que je meure, finalement.
Ça, c'est un critère qui revient souvent, hein, ce n'est même pas un critère,
là, c'est une volonté qui revient souvent soit je ne te reconnais plus, je ne
reconnais plus mes proches, soit je suis incontinent, incontinente, soit je ne
peux plus m'alimenter seule.
Mais comment, nous, là — à
supposer, là, qu'on recommande d'amender la loi puis de permettre, là, les consentements
anticipés même en cas d'inaptitude — comment on écrit ça dans une
loi? Puis je sais que vous n'êtes pas juriste, là, je ne veux pas vous mettre
en boîte, là, mais ma question c'est, est-ce que ce n'est pas un peu vague
comme critère ou comme balise de dire : Bon, bien, quand une personne ne
reconnaît plus ses proches, on peut donc déclencher l'aide médicale à mourir. Est-ce
qu'on n'aurait pas besoin de, et vous êtes dans le domaine de la santé, là, est-ce
qu'on n'aurait pas besoin d'avoir des indicateurs médicaux plus clairs que ça, par
exemple, le fameux statisme qui semble faire consensus… ça semble être assez
consensuel que c'est le moment où il n'y a plus de… de toute façon il n'y a
jamais de retour avec l'alzheimer, mais c'est le dernier stade avant la
déchéance inévitable? Excusez, la question est longue, là, mais ce n'est pas
des sujets très faciles qu'on peut résumer sur son fil Twitter, mettons. Alors,
je vais…
Mme Joly (Catherine) : Je
comprends, et c'est correct, là, je me sens à l'aise, très à l'aise de répondre
avec ça. En fait, je pense qu'effectivement il devrait y avoir des critères mieux
définis lorsque la personne demande préalablement l'aide médicale à mourir dans
une éventualité où elle sera inapte. Je pense que ces critères-là, comme vous
venez de le mentionner, en fait, c'est déjà écrit, évalué, c'est-à-dire, les
médecins ont déjà établi des chartes pour ce qui est des stades de la maladie.
Donc, je pense que, si déjà on se base sur ça pour l'aide médicale à mourir, on
part déjà d'un bon endroit pour aller de l'avant.
Je pense aussi que c'est de prendre en
considération que, quand la personne va être assise dans le bureau avec le
médecin pour parler, par exemple, d'une demande anticipée d'aide médicale à
mourir, la personne, évidemment, va vulgariser un peu, comme ma mère a
fait : Quand je ne te reconnaîtrai plus, je veux mourir, je ne veux pas
faire la balle de ping-pong. C'est-à-dire, elle ne veut pas faire de l'errance
dans un CHSLD ou dans tout autre endroit. Il y a des choses que, oui, les
patients vont vulgariser, mais c'est le devoir des professionnels de la santé
d'expliquer correctement au patient et à la famille…
Mme Joly (Catherine) :
...quand je ne te reconnaîtrai plus, je veux mourir. Je ne veux pas faire la
balle de ping-pong, c'est-à-dire je ne veux pas faire de l'errance dans un
CHSLD ou dans tout autre endroit. Il y a des choses que, oui, les patients vont
vulgariser, mais c'est le devoir des professionnels de la santé d'expliquer correctement
au patient et à la famille : O.K., ça représente quel stade pour vous?
Quel stade qui, pour vous, vous n'accepteriez pas finalement de vous voir
vivre? Où est-ce que serait la fin? Ce sont des choses qui peuvent être très
bien définies, encadrées par des formulaires puis je pense qu'à partir de là, on
peut facilement aller de l'avant avec ces éléments-là, là. Puis même que, pour
aller plus loin dans cette ligne de pensée là, ce formulaire-là pourrait être
détaillé ... faut autant pour les troubles cognitifs, pour les problèmes de
santé mentale et pour, par exemple, pour les accidents graves, comme les AVC,
ou ces choses-là.
Donc, le patient pourrait aisément
répondre à tous ces éléments-là dams un formulaire et il n'y aurait pas
d'ambiguïté, là, si, par exemple, la personne contracte une autre maladie, un
cancer, en cours de maladie ou quelque chose comme ça, on saurait sur quel pied
danser, disons.
M. Marissal : O.K. Est-ce
qu'il me reste du temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
On pourra peut-être revenir. Je vais faire une tournée, là, avec les autres
collègues puis on reviendra à la fin s'il vous reste du temps.
M. Marissal : Non, allez-y, je
vous en prie.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Alors, Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour. Merci beaucoup pour votre présentation, Mme Joly. Très clair et je
comprends parfaitement votre point de vue.
Vous allez me permettre, comme je l'ai
fait hier avec une autre témoin qui était très claire, vu que je n'ai pas beaucoup
de questions sur votre position, de me faire un peu l'avocat du diable, surtout
que vous êtes dans le milieu de la santé, c'est de vous amener sur les dilemmes
qui sont les nôtres.
Donc, la loi, elle est vraiment fondée sur
la notion de souffrance et donc, pour qu'une personne puisse avoir l'aide
médicale à mourir, la personne doit avoir des souffrances constantes et
inapaisables. Vous avez bien fait ressortir que l'évaluation subjective de la
personne entrait en jeu, évidemment, ça va de soi. Si on ouvre à la demande
anticipée, il y a comme un certain qui nous amène à dire qu'il faudrait revoir,
en quelque sorte, le critère de la souffrance. Pour nous, c'est un premier
défi, parce que toute la philosophie de la loi est basée là-dessus. Ce n'est
pas l'aide médicale à mourir sur demande comme ça, pour toute raison. C'est
avec des critères stricts, dont celui de la souffrance, parce que c'est vu
comme un soin, dans un continuum de soins.
Donc, je voulais savoir un peu si vous
avez réfléchi à ça puis une autre question, pour vous partager les tourments
qui nous habitent, c'est la question de jusqu'où va le rôle de l'État. Et, à
partir du moment où on accepterait, par exemple, qu'une personne peut donner
tout type de volontés à l'avance et qu'on devrait les respecter : Je ne
reconnais plus les miens, je suis incontinent, je ne veux pas aller en CHSLD...
Mme
Hivon
:
…c'est la question de jusqu'où va le rôle de l'État. Et, à partir du moment où
on accepterait, par exemple, qu'une personne peut donner tout type de volontés
à l'avance et qu'on devrait les respecter : Je ne reconnais plus les
miens, je suis incontinent, je ne veux pas aller en CHSLD, est-ce que c'est le
rôle de l'État d'offrir l'aide médicale à mourir pour toutes ces
circonstances-là, compte tenu du fait qu'il y a des personnes qui n'ont pas une
maladie neurodégénérative qui vont vivre ces situations-là?
Puis je peux penser, par exemple, à une
personne qui va être incontinente dans sa vie, je peux penser, par exemple, à
une personne lourdement handicapée qui n'a plus d'autre choix que d'aller en
CHSLD. Est-ce que l'État devrait dire à ces personnes-là aussi, si vous vous
dites : Moi, c'est la limite, je ne veux pas aller en CHSLD parce que je
suis handicapé, et là on ne peut plus m'offrir assez de soins à domicile?
Est-ce que l'État devrait aller jusqu'à donner l'aide médicale à mourir à ces
cas-là? Et, sinon, pourquoi on ferait une distinction?
Mme Joly (Catherine) : O.K.,
c'est des très bonnes questions, merci beaucoup. La première, c'est concernant
la souffrance, c'est le concept de la souffrance en soi. Comme j'ai essayé de
l'expliquer, là, du mieux que je pouvais dans ma présentation, je considère que
la souffrance, c'est quelque chose de très personnel. On est capables de
l'évaluer, évidemment, en écrivant des chiffres, en essayant de… je veux dire,
je mets de la chair autour de l'os, là. Quand je parlais de position
antalgique, c'est la présentation du patient, en fait, quand, par exemple, il
se présente au triage, des choses comme ça. On arrive à juger de l'état du
patient, de sa souffrance grâce à un tout, grâce à tous ces éléments-là.
Je pense que la souffrance peut être
évaluée, oui, directement lorsqu'on questionne le patient à dire où est-ce que
la limite serait. Oui, je comprends l'idée que c'est difficile, et d'ailleurs,
c'est un sujet qui ressort, là, du fait que comment on peut prévoir que la
souffrance, dans un avenir qu'on n'a pas connu, va nous affecter
personnellement. Je comprends que c'est… en fait, c'est loin d'être tangible,
là, c'est difficile d'évaluer ça.
Mais moi, je considère que ces
personnes-là qui savent très bien que la finalité de la maladie, la
dégénérescence et le fait que la maladie soit incurable les amènent dans un
état où ils vont mourir, ils vont être inconscients, pour la plupart, ils sont
très inconscients de leur environnement vers la fin. C'est tous ces éléments-là
puis les discussions qu'ils vont avoir eues à répétition avec les
professionnels en soins disant : Moi, je veux l'AMM, moi, je veux l'AMM. Ce
sont… c'est tous ces éléments-là, je pense, qui justifient ce… cette espèce
d'interprétation future là de la souffrance puis de la tolérance qu'ils ne
seront pas capables de passer au travers.
Après ça, j'ai aussi… j'entends aussi
dire : Oui, mais si la personne a l'air bien le jour de l'AMM ou…
qu'est-ce qu'on va faire? Tu sais, elle a l'air heureuse, pourquoi on… Oui, ça
ne sera pas une décision facile pour les proches et, oui, ça ne sera pas une
décision…
Mme Joly (Catherine) : …qui ne
seront pas capables de passer au travers. Après ça, j'ai aussi… j'entends aussi
dire : Oui, mais si la personne a l'air bien le jour de l'AMM, qu'est-ce
qu'on va faire, tu sais, elle a l'air heureuse, pourquoi on… Oui, ce ne sera
pas une décision facile pour les proches et oui, ça ne sera pas une décision
facile pour les proches aidants, mais il reste que c'est la volonté première du
patient. Je prime la volonté du patient même avant la famille, soit dit en
passant. Mais oui, je sais que c'est un dilemme assez chaud, assez chaud, mais
je pense que oui, je pense que les gens peuvent prévoir d'avance leur niveau de
tolérance face à… Je trouve que l'État… de bien des choses, donc je ne vois pas
pourquoi il y aurait une limitation à s'occuper de ces gens-là, qui, finalement,
se dirigent vers la mort, mais, on s'entend, là, c'est… surtout dans les cas de
ma mère, ça peut être… ça peut prendre des dizaines et des quinzaines d'années,
là, avant que la personne décède. Moi, je pense que l'État a un mot à dire, je
pense que l'État peut trancher. Là, après ça, vous avez mis en contexte le
trouble cognitif de ma mère, par exemple, puis l'incontinence d'une personne
que c'est son seul problème de santé, par exemple. La grosse différence entre
les deux, c'est l'autre critère dans la loi, dans le fond, qui explique que ça
doit être une maladie incurable et dégénérative. C'est ces deux éléments-là qui
font la nuance pour l'État de scinder, finalement, qui aura accès à l'aide
médicale à mourir et versus qui ne l'aura pas, à mon avis à moi.
• (13 h 40) •
Mme
Hivon
: Oui,
je vous entends, je vous entends très bien. Vous faites des bonnes nuances, je
vous amenais plus d'un point de vue philosophique dans le sens que le rôle de
l'État, à partir du moment où on a des critères, normalement, il faut les
respecter, y compris la souffrance, d'où tout notre gros noeud gordien, mais
ça, on va s'y arrêter. Mais c'était aussi de dire si c'est le rôle de l'État,
quand il n'y a pas nécessairement de souffrance contemporaine qu'on peut
évaluer, est-ce que ça devrait être le rôle de l'État aussi dans d'autres
circonstances, une personne handicapée dit : Moi, c'est la limite, je ne
veux pas aller en CHSLD, au même titre où une personne qui a une maladie
neurodégénérative le demanderait. C'est un peu le genre de question qui, plus
philosophiquement, dans notre rôle de parlementaire, nous habite aussi. Puis
moi, je suis juste curieuse… est-ce qu'il me reste du temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, on va continuer l'échange avec les collègues, peut-être que ça va
répondre à vos questions, sinon, si on du temps, on y reviendra.
Mme
Hivon
: O.K.
Merci beaucoup de l'échange, un gros quatre minutes, merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous allons continuer les échanges avec la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Joly, toujours intéressant d'avoir le
témoignage de personnes qui le vivent au quotidien, et en plus de votre travail
dans le milieu de la santé, ça vient teinter encore plus votre opinion. J'ai
une question, puis je ne sais pas si j'étais la seule dans mes collègues qui
avait cette situation, mais quand vous êtes intervenue tantôt ça n'arrêtait pas
d'être saccadé, donc j'ai…
Mme
Hébert
: …qui
le vivent au quotidien, en plus de votre travail dans le milieu de la santé, ça
vient teinter encore plus votre opinion.
J'ai une question, puis je ne sais pas si
j'étais la seule, dans mes collègues, qui avait cette situation, mais quand
vous êtes intervenue tantôt, ça n'arrêtait pas d'être saccadé, donc je n'ai peut-être
pas bien compris, puis peut-être que vous avez répondu, donc on va aller dans
le même sens que ma collègue la députée de Joliette. Êtes-vous en faveur, parce
que là je vois que vous êtes préoccupée aussi, puis probablement à cause de la
maladie de votre mère, vous aussi, ça peut vous impacter éventuellement parce
que c'est une maladie qui pourrait être héréditaire, l'Alzeihmer, est-ce que
vous êtes pour faire la demande anticipée? Est-ce qu'il faut avoir un
diagnostic ou non d'une maladie neurodégénérative ou d'une maladie qui est
incurable, irréversible?
Mme Joly (Catherine) : Moi,
je pense que les gens devraient, comme les directives médicales anticipées,
pouvoir remplir un document qui peut être à part de la directive médicale
anticipée, mais qui explique les volontés de la personne dans le cas de
troubles cognitifs dégénératifs, de problème de santé mentale, je pense qu'on
pourrait aussi, mais ça rentre… je pense que c'est quand même une autre
branche, parce qu'en plus, c'est de la chronicité, puis on parle de chronicité,
là, quasiment l'entièreté d'une vie pour que ces gens-là aient accès à ça, à
mon avis, de ce que j'ai compris de la commission, mais je pense par contre que
ça pourrait être vraiment rempli dans un formulaire avant même d'avoir un
diagnostic.
J'ai vu des patients, à maintes et maintes
reprises, se présenter dans les urgences pour des AVC massifs, embolies
pulmonaires massives, des gens qui ne reviendront jamais à eux-mêmes, à même 80 %
de leurs capacités. Et malheureusement, même si j'ai la famille autour, au
chevet du patient, qui me dit : Jamais, il n'acceptera, cette personne-là,
de vivre comme ça, nous devons le maintenir en vie parce que la loi ne permet
pas l'aide médicale à mourir dans un cas d'inaptitude. Alors, je suis pour
remplir un formulaire d'avance.
Mme
Hébert
:
Quand on parle de remplir un formulaire d'avance puis qu'on n'a pas eu
l'expérience d'une personne qui a vécu l'Alzheimer dans notre entourage, qu'on
n'a pas nécessairement eu l'expérience d'une personne qui a vécu un ACV, un
grave accident d'automobile, on n'a pas été confronté à ce qu'une personne peut
vivre puis imaginer. Parce que, par le passé ou dans les dernières
interventions, il y a beaucoup qui s'expriment par rapport à ce qu'ils ont
vécu, donc là ils sont capables de se projeter dans le temps parce que ce n'est
pas ça qu'ils aimeraient vivre ou faire vivre à leurs proches. Mais là quand
une personne, elle n'a pas été confrontée, comment réussir à la mettre dans le
contexte pour qu'elle puisse bien s'imaginer… puis on peut penser que la
personne, elle a 25 ans, elle n'a pas d'expérience de vie, puis qui ferait ça,
ça peut être difficile d'évaluer, là, que oui, moi, dans cette situation-là, je
mettrais fin…
Mme
Hébert
:
…réussir à la mettre dans le contexte pour qu'elle puisse bien s'imaginer, puis
on peut penser que la personne à 25 ans, elle n'a pas d'expérience de vie,
puis qui ferait ça? Ça peut être difficile d'évaluer, là, que, oui, là je veux,
moi, dans cette situation-là, je mettrais fin à… je voudrais avoir l'aide
médicale à mourir.
Mme Joly (Catherine) : Bien,
en fait, je continuerais la question en disant : Alors, comment on fait
pour décider pour les directives médicales anticipées? Parce qu'il s'agit aussi
de mesures qui sont prises, qui sont assez drastiques de décider de ne pas
intuber, de décider de ne pas faire de dialyse, de toute faire ces choses-là
amènera la mort. Donc, comprenez-vous mon raisonnement?
Mme
Hébert
:
Donc, moi, mon raisonnement c'est : Est-ce que c'est suffisant d'avoir les
directives médicales anticipées pour les personnes qui vivraient un grave
accident si, en refusant ces soins-là, ça va provoquer la mort?
Mme Joly (Catherine) : Je
pense que c'est un gros, gros devoir des professionnels de la santé d'expliquer
et de faire l'enseignement à ce propos à la famille et au patient lors,
finalement, de l'entente puis de la… tu sais, de… comment… la complexion des
formulaires, finalement. Mais je pense qu'une bonne majorité de la population,
sinon quasi la totalité, je ne veux pas m'avancer sur ça, on est en mesure de
comprendre ce que la mort signifie, on sait que c'est une finalité, on
comprend… Ça fait que, ça, pour moi, je pense que c'est des choses qui sont…
qui s'expliquent.
D'ailleurs, plus les médecins… je vous
dirais que, dans la nouvelle génération des médecins avec lesquels on
travaille, ce concept-là de se sentir beaucoup plus à l'aise de parler de la
mort avec la famille, des soins reliés à ça, est-ce qu'on va plus loin dans les
soins pour maintenir la personne en vie ou pas. Il y a une école de pensée qui,
dans le corps médical, est tellement meilleure, je trouve, parce qu'ils sont
beaucoup plus ouverts à discuter de ces éléments-là avec la famille. C'est des
sujets très chauds, très difficiles à aborder, et j'en ai fait partie plus
qu'une fois, mais c'est des sujets nécessaires à aborder, et je pense que ça
peut être fait, même si la personne, c'est difficile de se projeter dans
l'avenir, même si elle n'a pas vécu personnellement une situation de ce genre.
Évidemment, moi, je suis infirmière, je
côtoie la mort à l'urgence, j'en vois, j'ai peut-être ce concept-là qui est
beaucoup plus facile que chez M. et Mme Tout-le-Monde, mais je pense que c'est
un effort de sensibilisation et d'enseignement du corps médical pour aller de
l'avant de ce côté-là.
Mme
Hébert
:
Parfait. Et une dernière question. Justement quelqu'un qui comme vous avez un
proche qui vit avec un proche qui a l'alzheimer, vous, ça devient accessible,
alors, pour faire ces demandes anticipées d'aide médicale à mourir, même s'il
n'y a pas de diagnostic, alors, sur combien de temps qu'on devrait le revoir?
Donc, est-ce que c'est après cinq ans, 10 ans? Parce que la condition
et la situation de la personne peut changer. Elle peut être célibataire puis,
après ça, rencontrer quelqu'un…
Mme
Hébert
:
…pour faire ces demandes anticipées d'aide médicale à mourir même s'il n'y a
pas de diagnostic. Alors, sur combien de temps qu'on devrait le revoir, donc?
Est-ce que c'est après cinq ans, 10 ans? Parce que la condition et la
situation de la personne peut changer, elle peut être célibataire puis après
ça, rencontrer quelqu'un, tu sais, il y a plein de choses qui peuvent arriver
qui pourraient faire, en contexte, que peut-être qu'elle ne voudra plus avoir l'aide
médicale à mourir. Donc, je veux juste savoir, avez-vous réfléchi à cette
situation?
Mme Joly (Catherine) : C'est
une bonne question. Je suis peut-être un peu drastique sur le sujet mais je
pense qu'une personne qui a fait son testament, qui se marie entre-temps, qui
n'aura pas mis à jour à nouveau son testament, eh bien! C'est bien de valeur,
s'il décède entre-temps, ça va être ce qui est écrit sur le testament qui va
être valide, n'est-ce pas? Alors, j'aurais tendance à penser que si le document
a été rempli une fois, il est valide jusqu'à temps qu'il ait été, comme, remis
à jour.
Est-ce que, mandatoirement, le médecin
devrait remettre à jour les documents à un délai prescrit? Je pense que
cinq ans seraient réalistes parce que si on exigeait ça aux années, ça
ajoute une tâche, peut-être, administrative, là, un peu superflue, là, tu sais,
un moment donné. Mais un chiffre qui va être difficile à placer, je pense, là…
ça va être un chiffre qui va être difficile à placer. Mais moi, je considère
que, lorsqu'une fois… ça a été approuvé par le patient, c'est toujours valide,
jusqu'à preuve du contraire.
Mme
Hébert
:
Parfait. Merci, Mme la Présidente. Je vais laisser la parole, s'il en
reste, à mes collègues.
• (13 h 50) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, merci. Donc, je céderais la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour à Mme Joly. Je… le but de mon
intervention n'est pas là, mais vu que vous en avez parlé, je ne sais pas si
j'ai bien compris, mais seriez-vous en faveur que tout acte médical à mourir soit
fait de façon testamentaire ou proposeriez-vous qu'il soit plus intégré aux
DMA?
Mme Joly (Catherine) : C'est
une, aussi, très bonne question. Je pense que le sujet étant très sérieux et
très… je pense que… devant un notaire, ça amène une validité supplémentaire, ça
amène son interprétation, aussi, par les professionnels de la santé, avec
beaucoup plus de… c'est ça, beaucoup plus de sérieux. Est-ce que ça pourrait
être dans les directives médicales anticipées? Oui, ça pourrait l'être, aussi,
mais encore là, il faudrait que ça soit bien encadré, bien expliqué, il
faudrait qu'il y ait des lignes très claires de tous ces éléments-là. Parce
que, moi, je considère que les directives, comme je l'expliquais un peu à
Mme la députée avant, que… je considère que les directives médicales
anticipées sont… ce sont des… ne pas poser ces interventions-là, ce sont des…
ça pourrait entraîner des conséquences graves, dont la mort. Donc, pour moi,
l'un ou l'autre, si on les regroupe ensemble, ça serait O.K., mais je pense que…
Mme Joly (Catherine) : …à
Mme la députée avant, que je considère que les directives médicales
anticipées sont… ce sont des… ne pas poser ces interventions-là, ce sont des…
ça pourrait entraîner des conséquences graves, dont la mort. Donc, pour moi,
l'un ou l'autre… si on les regroupe ensemble, ce serait O.K., mais je pense
que, comme l'aide médicale à mourir, c'est beaucoup plus complexe. Selon moi,
ça nécessiterait vraiment d'être mis à part et d'être mieux détaillé.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K., parce qu'on convient qu'il y a des gens qui n'ont pas nécessairement tout
le temps les moyens d'aller chez les notaires, puis aussi il faut penser à eux,
puis on convient aussi que, parfois, les notaires, là… il y a quand même des…
il y a tout le temps une question de délai, là, quand on arrive chez le
notaire. Il faudrait aussi que les notaires soient consultés, parce que, quand
vient le temps de prendre cette décision-là, des fois, ça se fait aussi quand
les gens sont rendus presque… il y a bien souvent que ça arrive à… des fois,
c'est rendu à la fin, là, on parle, des fois, peut-être d'une question de
jours. Alors, peut-être aussi que les DMA pourraient aussi avoir une certaine
force de loi, mais il ne faut pas non plus qu'un vienne contrarier l'autre, là,
aussi, non plus, que ça soit contestable. Bon, mais je m'arrête là.
Je veux quand même continuer. Vous avez
parlé beaucoup du rôle des proches aidants et de la famille tout à l'heure dans
votre exposé. Et moi, je… on a entendu beaucoup d'intervenants, mais on a
entendu des intervenants qui sont aux prises avec des maladies
neurodégénératives. On a entendu des gens beaucoup parler au niveau de
l'Alzheimer, hein, Mme Demontigny, toute la question de la volonté aussi du
patient. Mais, à part ces gens-là, je n'ai pas vu… ou, en tout cas, c'est mon
point de vue, le rôle des proches aidants, on sait qu'il y a des familles qui
sont très unies, il y a des familles qui sont très responsables aussi pour
prendre des décisions. Et parfois j'ai senti que le rôle des proches aidants ou
de la famille n'était peut-être pas si… c'est ce que je sentais de certains
groupes, pas si important que ça. Mais je comprends qu'il y en a qui n'ont pas
de proche aidant, ils n'ont pas de famille, ça, c'est un autre problème. Mais
pour ceux qui ont des familles, qui en ont parlé… parce que vous avez vécu
aussi, vous êtes infirmière, vous avez toute une expérience de vie, vous dites
que vous avez côtoyé la mort. Donc, vous avez une… vous y allez de façon
rationnelle. J'aimerais que vous approfondissiez un peu plus au niveau du rôle
des proches aidants. Doivent-ils avoir un rôle important lorsque vient le temps
de la décision, autant que le médecin traitant?
Mme Joly (Catherine) : Ils
ont… c'est une très bonne question. Je suis contente d'en parler, en fait,
d'avoir cette question. Les proches aidants ont un rôle très important de
liaison avec les professionnels en soins. Donc, ce sera probablement les
premiers à constater que nous sommes rendus au stade de l'aide médicale à mourir
et qu'ils communiqueront, par exemple, avec les professionnels en soins. Ça
fait que, oui, les proches aidants, selon moi, doivent, avec les professionnels
en soins, aider à déterminer le moment opportun pour offrir le soin de l'aide
médicale à mourir. Je pense qu'ils ont leur place.
Cependant, les proches aidants, dans
beaucoup de situations, ne connaissent malheureusement pas bien les volontés
des personnes…
Mme Joly (Catherine) : ...en
soins, aider à déterminer le moment opportun pour offrir le soin de l'aide
médicale à mourir. Je pense qu'ils ont leur place.
Cependant, les proches aidants, dans beaucoup
de situations, ne connaissent malheureusement pas bien les volontés des
personnes. Je vous donne un exemple parmi tant d'autres. Lorsqu'une personne
décède, par exemple, on a une personne qui est décédée à l'urgence ou même à
l'extérieur, il faut proposer à la famille de faire le don de tissus. Même si
le patient, qui est le défunt, a signé sa carte d'assurance maladie pour les
dons de tissus, a même enregistré, dans son testament, comme quoi il voulait
faire ça, et que la famille refuse, on ne pourra pas procéder au prélèvement
des tissus, et de donner les tissus, et... bon.
Donc, vous comprendrez que les volontés de
la personne, même si elles ont été bien exprimées à la famille, et que c'était
très clair, et que ça semblait être O.K., mais que la famille décide, à la
dernière minute, que, oh non, ça, ça ne marche plus, moi, ça ne convient pas à
mes valeurs, alors malheureusement, on ne pourra pas respecter les volontés de
la personne.
Et dans ce cas-là, c'est pour ça que je
pense qu'une évaluation multiprofessionnelle, c'est-à-dire avec un travailleur
social, un médecin, peut-être un psychologue, même, qui a été dans le dossier préalablement,
là, on s'entend, là... Ce n'est pas quelqu'un qui est garroché dans le dossier
le jour même qu'il faut appliquer l'aide médicale à mourir, là, mais c'est des
gens qui connaissent bien le patient, puis tout ça. Dans ce cas-là, c'est nécessaire
qu'on ait des professionnels en soins qui peuvent trancher, finalement, parce
que, sinon, on ne respectera pas plus les volontés de notre patient qui veut
l'aide médicale à mourir.
Donc, c'est...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Dernière question. Dans votre... Excusez, je vous interromps parce que je sais
que le temps... Dans le comité multidisciplinaire, vous avez parlé...
La Présidente (Mme Guillemette) :
30 secondes, M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
La préposée, le préposé, ou l'infirmière, ou l'infirmier, est-ce qu'il doit
faire partie de ce comité-là?
Mme Joly (Catherine) : Oui.
Je pense qu'une infirmière c'est adéquat, oui.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci beaucoup.
Mme Joly (Catherine) : Ça me
fait plaisir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, je cède maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup, Mme Joly. Votre témoignage, comme vous l'avez dit,
est à la fois issu d'une expérience professionnelle ainsi que personnelle,
alors voilà toute sa pertinence. Merci pour votre témoignage et vos
recommandations.
Je vais aborder, un petit peu dans le même
sens que mon collègue de Lac-Saint-Jean... Le... Dans votre cas, si je peux me
permettre, on dirait que les voeux libres et éclairés de votre mère sont
évidents. Elle est entourée, et c'est clair. Ça risque d'être moins évident
pour plusieurs en situation de services éloignés, issus d'un milieu difficile,
avec des capacités aptes à trancher, mais... peut-être une capacité
intellectuelle limitée, et tout ça. Est-ce que vous avez d'autres balises à
nous proposer en tout ce qui a trait...
M. Birnbaum : …ceux d'un milieu
difficile avec des capacités aptes à trancher, mais peut-être une capacité
intellectuelle limitée, et tout ça. Est-ce que vous avez d'autres balises à
nous proposer en tout ce qui a trait aux maladies neurodégénératives pour
assurer que le choix libre et éclairé est évident? Je vous donne juste un
petit… un exemple possible pour revenir à la famille. La plupart des familles
des proches aidants sont bienveillantes, il y a des cas où cette bienveillance
n'est pas présente. Comment est-ce qu'on peut protéger la personne contre une
famille qui veut imposer ses voeux, qui ne sont pas nécessairement ou
facilement démontrablement, si je peux… les voeux de la personne et ceux du
diagnostic?
Mme Joly (Catherine) : C'est
une bonne question. Vous en avez beaucoup, des intéressantes. Je pense que,
pour éviter l'abus, d'un, le fait que le mandat… le fait qu'on pourrait avoir, par
exemple, soit dans un mandat, ou dans un testament, au moins dans une demande
anticipée pour l'aide médicale à mourir… avant qu'on puisse compléter tous ces
documents-là, là, qu'on ait un diagnostic de troubles cognitifs ou pas, il doit
y avoir une évaluation médicale qui confirme que vous êtes encore apte et que
vous remplissez et signez les formulaires de manière libre et éclairée. Est-ce que
la famille se doit d'être présente? Est-ce que la famille devrait être retirée
lors des discussions? Est-ce que c'est… Ça, je pense que c'est vraiment du cas
par cas et je pense que c'est au bon jugement de l'équipe de soins qui ressent
un quelconque préjudice, en fait, que… À ce moment-là, ce sera à réévaluer. Et
je pense que, dans la majorité des cas, il y a… dans la majorité des cas, ce
sont des gens bienveillants qui veulent l'aide médicale à mourir pour leurs
proches, et l'aide médicale à mourir est… c'est quelque chose que, même si la
famille aurait des idées malveillantes, c'est quelque chose qui va être… qui va
être souvent, surtout dans le cas d'une inaptitude, dans ce cas, même de
commission, ça va être appliqué souvent des années plus tard.
• (14 heures) •
Ça fait que la… même la famille ne peut
même pas dire : Ah! c'est parce que j'attends l'argent du testament
l'année prochaine, parce que ça peut être dans six ans qu'on va être rendu au
stade six de la maladie. Comprenez-vous? Ça fait que cette notion-là d'abus,
oui, je comprends, O.K., qu'il y a un risque. En même temps, ce serait… je
serais vraiment curieuse de voir les chiffres aux Pays-Bas puis en Belgique,
disons, d'abus ou de… tu sais, d'évaluation qui a été faite de tous les cas de
patients qui ont eu l'aide médicale à mourir. Est-ce que, réellement, c'est un
gros facteur de risque pour refuser d'aller de l'avant ou c'est… Comprenez-vous
ce que j'essaie d'expliquer, tu sais? Effectivement, ça… les risques d'abus, il
y en a, comme dans n'importe quel type de soin, n'importe…
14 h (version non révisée)
Mme Joly (Catherine) :
…patients qui ont eu l'aide médicale à mourir, est-ce que, réellement, c'est un
gros facteur de risque pour refuser d'aller de l'avant, ou c'est…
comprenez-vous ce que j'essaie d'expliquer? Tu sais, effectivement, les risques
d'abus, il y en a, comme dans n'importe quel type de soin, n'importe quelle
situation, mais je pense qu'avec la collaboration des professionnels de la
santé et la famille, on peut très bien déceler, en fait, les raisons pour
lesquelles le patient veut l'aide médicale à mourir.
M. Birnbaum : Vous allez
comprendre, évidemment, que nous sommes très préoccupés par l'obligation de
minimiser…
Mme Joly (Catherine) : Tout à
fait.
M. Birnbaum : …le plus que
possible les dérives, alors c'est une chose qui nous préoccupe. Y a-t-il une
façon de circonscrire dans les demandes des individus leur expression, ce qu'on
risque d'entendre souvent, d'inquiétude d'être un fardeau sur leur famille?
Dans un premier temps, est-ce que vous acceptez que ça soit une… de plusieurs…
mais un critère recevable? Si oui, y a-t-il une façon d'assurer que ça ne prend
pas une place prépondérante dans les voeux exprimés par un individu? Et
complémentaire, si je peux, est-ce que si… est-ce que vous trouvez que l'État,
et, bon, nous, dans notre étape, nous avons une obligation de prendre en
considération la possibilité que l'élargissement ferait en sorte qu'en réalité,
le nombre de demandes des gens devant des diagnostics de maladies
neurocognitives explose? Est-ce qu'on a une responsabilité de considérer cet
potentiel phénomène?
Mme Joly (Catherine) : Pour
ce qui est de la dernière question, je ne pense pas que vous avez à vous
responsabiliser du nombre futur de cas potentiels de gens qui aura accès à l'aide
médicale à mourir. En fait, moi, je le vois positivement, je le vois réellement
comme est-ce qu'il y aura une augmentation des cas? Si oui, «yes!», on a fait
notre travail, en fait, puisque s'il y a une augmentation des cas, c'est qu'il
y a beaucoup de gens qui souhaitaient avoir l'aide médicale à mourir et vivre
une mort dignement. Et moi, je le vois vraiment comme ça, je ne le vois pas
comme un dilemme, là, pas du tout. Puis, en fait, même comme… rapidement dans
ma présentation parce que je le sais que c'est un sujet très délicat, là, le
côté financier de la chose, là, mais je… Tant mieux si des gens ne sont plus,
malheureusement, de ce monde, si c'était leur volonté, évidemment, on s'entend.
Ils ne seront plus un fardeau pour leur famille, ils ne seront plus un fardeau
pour la société d'état. Moi, je le vois comme ça. C'est triste, et vous direz
que je suis peut-être sans coeur…
Mme Joly (Catherine) : …des
gens ne sont plus, malheureusement, de ce monde, si c'était leur volonté,
évidemment, on s'entend. Ils ne seront plus un fardeau pour leur famille et ils
ne seront plus un fardeau pour la société d'État. Moi, je le vois comme ça.
C'est triste, et vous me direz que je suis peut-être sans-coeur, mais je suis infirmière,
j'ai vu d'innombrables patients vivre comme ça, des familles épuisées, des
familles qui ne voulaient pas voir leur proche comme ça pendant 10 ans, et
des proches qui me répétaient que leur… que même le patient ne voulait pas
cette situation-là. Alors, je vous dirais que dans ma pratique, j'ai plus
souvent côtoyé ce genre de situation là que l'inverse.
Et pour la première question, si vous
voulez juste répéter rapidement. Je suis désolée.
M. Birnbaum : Sur le phénomène
du fardeau, comment est-ce que ça devrait, si oui, être circonscrit, la
préoccupation potentielle d'un individu de ne plus être un fardeau sur sa
famille?
Mme Joly (Catherine) : Je
pense que ce n'est pas tant le concept de fardeau pour la famille plutôt que la
définition, en fait, puis l'explication du patient lorsqu'il discutera avec le
médecin de l'aide médicale à mourir, des étapes dans lesquelles… lorsqu'il
atteindra une certaine étape de la maladie, c'est cette étape-là, par exemple,
qui… il ne tolérera pas plus que ça, comme souffrance morale ou physique. Donc,
ça ne serait pas le… tant le fardeau par la famille que la décision du patient
de… lorsqu'il voudra avoir la mort. Je ne considère pas que la famille devrait
avoir préséance sur les volontés… de ce que le patient voudrait.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Birnbaum : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Merci beaucoup, Mme Joly, d'avoir accepté de
répondre à nos questions, cet après-midi, et votre témoignage, aussi, ça
éclairera beaucoup et ça nous apportera à nous questionner à la suite de nos
travaux.
Donc, sur ce, la… nous suspendons les
travaux quelques instants. Merci pour votre contribution.
(Suspension de la séance à 14 h 5)
(Reprise à 14 h 11)
La Présidente (Mme Guillemette) :
La commission reprend ses travaux. Nous accueillons maintenant M. Gordon
Friesen. Bienvenue parmi nous aujourd'hui. Merci d'être là. Donc, vous allez
disposer de 10 minutes pour présenter votre exposé et, par la suite, il y aura
un échange avec les membres de la commission. Donc, sans plus tarder, je vous
cède la parole.
M. Friesen (Gordon) :
Bonjour, mesdames et messieurs. Merci de bien vouloir m'entendre aujourd'hui.
Mon nom est Gordon Friesen. Je suis simple citoyen. Cette commission a été
constituée pour regarder les applications scientifiques de l'aide médicale à
mourir comme les patients incapables, les troubles mentaux et les directives
anticipées. Mais pour bien accomplir cette tâche, je suggère qu'il faut
regarder d'abord non le contenu, mais le contenant, car ce contenant, l'aide
médicale à mourir, est un hybride instable dont…
M. Friesen (Gordon) :
...incapables, les troubles mentaux et les directives anticipées. Mais pour
bien accomplir cette tâche, je suggère qu'il faut regarder d'abord non le
contenu, mais le contenant. Car ce contenant, l'aide médicale à mourir, est un
hybride instable dont la justification de l'acte de l'euthanasie est
double : la volonté subjective du patient et l'évaluation objective
médicale et clinique.
Malheureusement, ces deux justifications
arrivent de souches éthiques différentes et e contredisent très souvent avec un
effet néfaste. Le pouvoir fédéral et le Québec définissent chacun l'aide
médicale à mourir et chacun, d'après leurs compétences, penchent vers un côté
différent de cette dualité. Le fédéral décriminalise et définit une sorte de
... ou de permission. Le Québec, tout seul au monde d'ailleurs, définit l'aide
médicale à mourir positivement comme soin médical.
Encore une fois, la nature d'un droit sur
une liberté subjective, la nature d'un soin sur la rigueur objective et
clinique et les deux ne se concordent pas nécessairement. Pourtant, il y a une
présomption que nous nous devons de réconcilier ces deux visions de l'aide
médicale à mourir. Et puisque le pouvoir fédéral a inclus les patients viables
avec la loi C-7, que le Québec soit obligé de maintenir et d'ajuster sa
définition à son tour. Mais, non, j'objecte avec la plus grande énergie à cette
proposition.
Quand la notion de fin de vie est centrale
à la définition médicale, et le Québec possède les compétences en santé, il n'y
a donc aucune raison que le Québec change sa définition. Il faut, au contraire,
défendre le modèle québécois et l'intention québécoise. Alors, au lieu de
réconcilier ce qui est irréconciliable, je suggère, pour cette occasion de
séparer définitivement les deux. Cela ne veut pas dire que les patients viables
ne peuvent pas chercher la mort assistée ni que les médecins consentants ne peuvent
pas les accommoder. Ils le peuvent, le gouvernement fédéral leur donne le
droit, mais dans ce cas, il n'y a ni validation éthique de l'État québécois ni obligation
professionnelle collective.
Regardons maintenant pourquoi le soin
médical et le droit de mourir sont irréconciliables. Nous connaissons très bien
le droit à l'autonomie. Selon cette vision, c'est le patient qui décide. Le
modèle médical, cependant, est moins bien compris. Le Dr Michel Marchand nous
apprend que la plupart des décès sont le résultat de décisions cliniques. Nous
savons que les situations cliniques de fin de vin cliniques fin de vie
concernent la mort inévitable, que les patients puissent exhiber une capacité
réduite ou inexistante, que la famille et le patient si fient le plus souvent
aux médecins. Selon cette vision, l'euthanasie est conçue comme tout soin
objectivement indiqué et proposé par le médecin...
M. Friesen (Gordon) :
…cliniques fin de vie concernent la mort inévitable, que les patients puissent
exhiber une capacité réduite ou inexistante, que la famille et le patient si
fient le plus souvent aux médecins. Selon cette vision, l'euthanasie est conçue
comme tout soin objectivement indiqué et proposé par le médecin, auquel consent
ou non le patient.
Même en fin de vie, cependant, la
juxtaposition des deux modèles crée des problèmes. En 2017, le Dr Yves Robert,
alors secrétaire du Collège des médecins du Québec décriait l'instrumentalisation
du médecin aux volontés du patient. Son objection n'avait rien à voir avec le
stéréotype du médecin moraliste et autoritaire. Dr Robert défendait
l'indépendance du jugement professionnel essentielle aux soins médicaux. En
même temps, certains voulaient que les discussions euthanasie ne pourraient
être ouvertes que par le patient, mais telles demandes nieraient le devoir de
prescription des soins également nécessaires. Nous voyons ainsi le jugement
objectif du médecin réticent possiblement annulé par la volonté du patient, et
la volonté du patient non suicidaire possiblement bousculée par l'autorité
d'une prescription d'euthanasie non sollicitée. Ce sont des conséquences d'une
cohabitation de justifications subjectives et objectives. Dans les deux cas,
les présomptions favorisent l'euthanasie, un peu comme une automobile avec deux
accélérateurs, mais aucun frein.
Pourtant, en fin de vie, les dégâts sont
limités par la mort imminente. Suite la loi C-7, par contre, ces circonstances,
surtout, n'existent plus. Le Dr Marchand, encore, a clairement averti cette
même commission que les ramifications éthiques, médicales de l'euthanasie
auprès des patients en fin de vie sont totalement différentes de l'euthanasie
auprès de ceux qui ne le sont pas. Par exemple, si une personne viable exige
que son médecin l'euthanasie, il exige la mise à mort d'une personne qui n'est
pas mourante. Si un médecin propose l'euthanasie d'une personne viable, sans
demande préalable, il utilise l'autorité médicale pour faire de la suggestion
suicidaire auprès d'une personne non mourante mais capable de survivre. Le
premier exemple est possiblement justifiable selon une éthique purement
autonomiste. Le patient décide. Tous les deux, pourtant, sont non
inadmissibles, utilisant une éthique purement médicale.
Alors, selon moi, le Québec ne peut pas
maintenir son régime de soins médicaux tout en abandonnant les limites
originales dans les situations cliniques de fin de vie. Une opportunité
d'action unique et ponctuelle. D'après le test présent, nous nous devons
absolument de disjoindre les deux éléments disparates subjectifs et volontaires
versus objectifs et médicaux qui fournissent les justifications doubles pour
cet…
M. Friesen (Gordon) : …les situations
cliniques de fin de vie… d'action, une qui est ponctuelle. D'après le test
présent, nous nous devons absolument de disjoindre les deux éléments disparates
subjectifs et volontaires versus objectif médical, qui fournissent la
justification double pour cet hybride qu'est l'aide médicale à mourir. De plus,
il serait de notre intérêt d'agir au plus vite, suite à l'événement de la loi
fédérale C-7, pour empêcher l'introduction de cette confusion conceptuelle dans
un espace clinique vastement plus élargi. Et pourtant, en disant agir, il
s'agirait plus justement de s'abstenir tout simplement, car deux régimes, deux
intentions, deux lois et deux compétences existent déjà. Le plus important,
l'essentiel est déjà accompli par les déclarations uniques au Québec de
l'euthanasie en soin médical, et plus particulièrement en soins de fin de vie.
La première étape, dans l'établissement de toute distinction entre deux
phénomènes, consiste précisément, dans notre définition formelle de l'une des
deux, et chez nous, cette étape est déjà franchie.
Face à l'élargissement des critères
d'éligibilité aux personnes viables, il ne faut que refuser leur… qu'ils soient
implicites. Non, ce n'est pas comme ça que le Québec a défini l'aide médicale à
mourir, et c'est le Québec qui possède les compétences dans cette matière. Le
pouvoir fédéral peut évidemment décriminaliser d'autres formes de mort
assistée. Il peut même autoriser, au sein du ministère, la possibilité de les
accomplir, mais rien n'engage les compétences en santé du Québec face à ces
morts hypothétiques, ni dans les garanties d'État ni dans les obligations
professionnelles. Et pour plus de certitudes, rien n'oblige l'extension des garanties
et des obligations créées par la loi n° 52 pour encadrer d'autres
pratiques non stipulées à cette occasion.
• (14 h 20) •
Manifestement alors, le Québec se trouve
devant une opportunité extraordinaire pour préciser et renforcer… sur le
départ, mais pas une opportunité seulement, car les agissements audacieux de
nos législateurs qui nous avaient projetés littéralement à l'avant-garde
mondiale dans cette matière nous imposent aussi un devoir certain. D'ici… notre
intérêt propre et notre devoir de clarté intellectuelle, dans un débat qui
implique tant d'autres personnes, combinent, en ce sens, pour nous amener
directement vers la conclusion finale de ce mémoire, soit la suggestion de
maintenir deux régimes de loi distincts pour accommoder deux phénomènes tant
différents.
Heureusement aussi une… de facteurs
ponctuels nous invite tout spécialement à l'adoption d'une telle
politique : la séparation des pouvoirs à l'avantage du Québec en matière
de soins de santé, la conséquence logique voulant que toute forme fédérale de
décriminalisation ne pousse aucunement à invalider les choix québécois de
politique médicale, une frontière…
M. Friesen (Gordon) :
…spécialement à l'adoption d'une telle politique. La séparation des pouvoirs à
l'avantage du Québec en matière de soins de santé. La conséquence logique
voulant que toute forme fédérale de décriminalisation ne pousse aucunement à
invalider les choix québécois de politique médicale. Une frontière naturelle
intuitivement compréhensible qui est sur la mort rapprochée pour fixer les
limites de l'interprétation médicale. Les circonstances historiques que les
législations québécoises et procédés saluent le gouvernement fédéral dans cette
matière. Et le fait très évident que la réflexion en français, et au Québec, se
soit avancée plus rapidement qu'ailleurs au pays, et ce, en particulier sous
l'influence… entretenue avec les pays étrangers.
Voilà alors le défi qui se présente à nous
et les avantages qui nous promet une réussite probable. Je vous remercie de
votre attention.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, nous débutons la période d'échange en commençant par la
députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui.
Merci beaucoup, M. Friesen. Vous savez, on a eu plusieurs journées
d'auditions et encore on découvre des nouveaux aspects, des nouveaux éléments,
et puis vous amenez vraiment une perspective nouvelle sur… vous jetez un
éclairage nouveau sur nos travaux, ça fait que je vous en remercie. Je vous
remercie du soin que vous avez pris aussi à vraiment faire le tour de la
question et toutes les nuances très intéressantes que vous apportez par rapport
aux deux approches, aux deux lois, aux deux philosophies. Et, c'est assez
simple, je pense, de base, à expliquer, hein, il y en a une qui se penche sur
la réalité médicale et un continuum de soins pour atténuer la souffrance et
l'autre est ancrée dans le Code criminel, dans le droit criminel, donc, c'est
deux approches complètement différentes à la base par les compétences.
Je vous dirais un peu, en boutade, que
c'est sûr que, si on avait toutes nos compétences et qu'on pouvait tout gérer,
je pense que, sur ce dossier-là, c'est un bon exemple où les choses pourraient
être beaucoup plus simples et complètes, mais le fait est qu'on vit dans ce
système qui est le notre jusqu'à, du moins, pour l'instant.
Donc, écoutez, je voulais juste, je
voulais juste… c'est sûr que ce n'est pas le coeur. On essaie de ne pas trop se
mêler de droit constitutionnel dans notre commission parce qu'on en a déjà
beaucoup, beaucoup sur la planche. Donc, on travaille dans les balises qui sont
les nôtres, dans la réalité qui est la nôtre. Et, dans ce contexte-là, je
comprends que vous vous êtes très attaché à la notion de fin de vie. Vous me
corrigerez, là, si je suis dans le tort. Puis je voulais vous amener sur une
des questions très précises qui nous occupe, c'est-à-dire la demande anticipée
qui, selon moi, est totalement ancrée dans notre droit civil, donc dans notre
compétence, c'est en lien avec le consentement aux soins, l'aptitude et
tout : Est-ce que, pour vous, cette demande-là, elle serait acceptable en
lien avec la loi québécoise? Et, si oui, est-ce que, pour vous, elle devrait
conserver le critère de fin de vie…
Mme
Hivon
:
…totalement ancrée dans notre droit civil, donc dans notre compétence, c'est en
lien avec le consentement au soin, l'aptitude et tout. Est-ce que, pour vous,
cette demande-là, elle serait acceptable, en lien avec la loi québécoise? Et si
oui, est-ce que, pour vous, elle devrait conserver le critère de fin de vie?
M. Friesen (Gordon) : Merci
beaucoup de cette question. Pour moi, la thèse… ma thèse de départ, c'est que
les définitions québécoises ne sont pas touchées par la décriminalisation
fédérale.
Moi, je pense que les directives
anticipées sont à peu près inévitables parce qu'il y a une pression politique
pour les produire, donc il va y avoir des directives anticipées. Pourtant, ça
ne peut pas se justifier, d'après moi, par une logique médicale, ça peut se
justifier par une logique autonome, une logique de droit de mourir, mais pas
une logique de soin médical, et je vais vous expliquer pourquoi. Même que le
cas que des directives anticipées est un exemple qui, vraiment, démontre
l'incohérence de la combinaison des deux puisque le médecin, lui, pour
agir comme médecin, objectivement, il doit croire que la barre de souffrance
intolérable est atteinte, non subjectivement, parce que la personne est
maintenant incapable, mais objectivement. Et donc, il n'y aurait pas de
problème avec une personne incapable qui atteint cette barre-là et qui subisse
l'euthanasie dans le contexte fin de vie.
Mais quand on a une situation où les
personnes qui veulent les directives anticipées, elles ne pensent pas en termes
de souffrance intolérable, elles pensent en termes de ne pas reconnaître leurs
êtres chers, ne pas être capables de fonctionner personnellement. Et c'est
impossible qu'on puisse établir, comme indice objectif médical, le fait de ne
pas être capable d'aller à la toilette tout seul comme étant une justification
médicalement indiquée, objectivement, de l'euthanasie parce qu'il faudrait
euthanasier tout le monde.
Alors, à mon sens, on ne peut pas rentrer
les directives anticipées à l'intérieur de la loi québécoise, on peut les
ignorer, tout simplement. Et le gouvernement fédéral, s'il veut les permettre,
il les permettrait et il y aurait une sorte d'évolution organique, de la
manière que ça se produit. Mais ça ne polluerait pas la logique pure du soin
médical telle que nous l'avons définie au Québec.
Mme
Hivon
: Vous
mettez sur… le doigt sur quelque chose qui, moi aussi, me préoccupe beaucoup,
là, c'est la logique québécoise et la présence de…
M. Friesen (Gordon) :
...organique dans la manière que ça se produit, mais ça ne polluerait pas la
logique pure du soin médical, tel que nous l'avons défini au Québec.
Mme
Hivon
: Vous
mettez le doigt sur quelque chose qui, moi aussi, me préoccupe beaucoup, là.
C'est la logique québécoise et la présence de la souffrance. Elle est aussi
dans la loi fédérale, ceci dit, mais la logique de la loi est différente. Mais s'il
y avait souffrance réelle, concomitante au moment de l'administration, donc,
qu'on passait d'un concept, qu'on entend beaucoup, de prévoir le moment... ne
plus reconnaître mes proches, l'incontinence, et tout ça, à une logique,
vraiment, de souffrance, objectivable, que l'équipe soignante peut voir, peut
déterminer, par des crispations des patients, de l'errance, de l'anxiété, des
hallucinations, bon, tout ça, est-ce que, pour vous, ce serait alors
acceptable?
M. Friesen (Gordon) : Moi,
non. Ce que je vois, ce que je vois, c'est deux logiques différentes. La
logique médicale, c'est une logique rigoureuse, dans laquelle on veut bien
définir les choses. Et quand on parle... quand on utilise un mot, on veut que
ça ait le sens qu'on lui donne. Tandis que, de l'autre côté, le monde qui
veulent avoir les directives anticipées, dans la logique d'autonomie, leur
intérêt... et c'est parfaitement compréhensible qu'on voie ça comme un droit...
leur logique, c'est d'englober le plus possible le décor pour entrer dans ce
contenant-là, donc de jouer sur les mots, d'introduire des définitions, dans
les lois, qui sont ambiguës, et de cette façon-là, de continuellement descendre
la barre à leur sens.
Mais la logique médicale, c'est de tenir
une objectivité, une définition précise. Quand on utilise un mot, ce mot-là
veut dire quelque chose. La souffrance a une réelle signification, quand on
parle de souffrance incoercible, que ça veut dire quelque chose.
Alors, je me dis, non, la loi
québécoise... il n'y a pas de nécessité qu'on change la loi québécoise. Comme
j'ai dit à... peut-être un peu trop souvent déjà insisté, c'est le fait que la
décriminalisation... On décriminalise le pot, on décriminalise la prostitution,
peut-être, on décriminalise un paquet d'affaires, mais ça ne veut pas dire
qu'on est obligés de les rentrer dans les définitions de comportement
médicalement indiqué. Tu sais, je veux dire, le simple fait que ce ne soit pas
contre la loi ne veut pas dire que nous devons trouver une place pour ça en
dedans de notre système de soins de vie.
Mme
Hivon
:
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la parole au député de Rosemont.
• (14 h 30) •
M. Marissal : Oui. Merci, Mme
la Présidente, puis j'en profite pour vous remercier et remercier les collègues
de votre flexibilité pour accommoder, notamment, moi.
Alors, j'y vais tout de suite. M. Friesen,
merci de votre exposé. Vous vous êtes présenté...
14 h 30 (version non révisée)
La Présidente (Mme Guillemette) :
…maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Oui. Merci, Mme
la Présidente, puis j'en profite pour vous remercier et remercier les collègues
de votre flexibilité pour accommoder, notamment moi. Alors, j'y vais tout de
suite. M. Friesen, merci de votre exposé. Vous vous êtes présenté, d'entrée de
jeu, comme un citoyen ordinaire, visiblement vous avez une connaissance plus
qu'ordinaire des lois et vous y avez mis, vraisemblablement, beaucoup de
réflexion et de jus de cerveau. Je vous remercie, comme ma collègue de
Joliette, c'est vrai que vous apportez quelque chose qui… et c'est tout à votre
honneur, après une trentaine de témoins, je pense, n'avait pas été apporté, là,
dans la deuxième phase. Alors, vous avez quand même mis le doigt sur un point.
Je peux comprendre votre point, juridique, légaliste, là, je ne sais pas
exactement quel terme employer, mais vous savez, nous, on est devant la
réflexion, devant la tâche de peut-être revoir la loi, peut-être de la changer,
peut-être d'en élargir la portée, puis il y a des gens qui sont venus, là, la
témoin juste avant vous, la dame avant vous, je ne sais pas si vous avez pu
l'entendre, mais ce n'est pas la première. On en a eu plusieurs, ils sont venus
nous faire des vibrants plaidoyers pour qu'on inclue, dans la loi, les
directives anticipées, notamment parce qu'ils ont des proches qui sont atteints
d'alzheimer, de démence, puis ils ne peuvent pas le faire de façon anticipée,
puis ils ont peur, à un moment donné, de basculer puis de ne plus être capables
de demander l'aide médicale à mourir. Ces gens-là aussi, on doit les entendre,
puis… Est-ce qu'il n'y a pas un risque, là, en partant dans des… juridiques,
puis je ne le dis vraiment pas de façon péjorative, là, dans des grands, grands
débats juridiques de très, très haut niveau, qu'on manque l'essentiel, c'est-à-dire
que, si on décide d'aller dans le sens de permettre des directives anticipées,
nous devrions le faire, et le faire dans la loi qui est la nôtre.
M. Friesen (Gordon) : Encore
une fois, là, je pense que c'est une… c'est certain que ça va arriver, et je ne
vois pas pourquoi ça doit se faire à l'intérieur de la loi médicale du Québec.
Je veux dire, il y a tellement de choses qui se font à l'intérieur de la
profession médicale, qui ne sont pas proprement médicales, qui ne sont pas des
soins médicaux. La chirurgie esthétique, par exemple, c'est une grande
industrie, ce n'est pas classifié comme un soin médical. La circoncision,
l'avortement, ce sont toutes des choses qui sont faites par les médecins, parce
qu'il faut que les médecins les fassent, s'ils vont se faire, et ils sont
légales, mais ils ne sont pas définis, indiqués comme des soins médicaux.
Indiqué comme ça, quelque chose comme un soin médical, c'est très précis. Vous
avez un pansement sur votre plaie, vous ne dites pas : Oh! j'aimerais
mieux avoir un pansement comme elle a, la voisine. Non, ce n'est pas le…
M. Friesen (Gordon) : … Mais
ils ne sont pas définis, indiqués comme des soins médicaux. Indiquer comme ça… quelque
chose comme ça soin médical, c'est très précis. Vous avez le pansement sur
votre plaie. Vous ne dites pas : Oh! j'aimerais mieux avoir un pansement
comme elle a, la voisine. Non. Ce n'est pas le pansement qui vous est indiqué,
madame. Voyez-vous? Ce n'est pas du tout la même chose, comme… Quand on a deux
choses tellement différentes, je veux dire complètement irréconciliables, la justification
éthique subjective et la justification éthique objective, quand vous descendez,
vous allez continuellement descendre la barre de ce qui est permissible en
fonction de justifications subjectives. Mais, quand tu le fais, tu descends
aussi…
Si tu les lies ensemble… Je veux dire,
partout au monde ils sont liés ensemble. Ici au Québec, on a une chance inouïe
de les séparer. Seulement en tenant notre terrain spécifique dans ces cas-là,
on essaie les deux et on ouvre une conversation au monde qui est extrêmement
importante à avoir, parce que maintenant, la façon que c'est, c'est que, si… Et
c'est pour ça que le monde sont opposés au C-7. C'est que, quand on permet à la
personne qui veut mourir de mourir en disant : Je meurs pour cette raison
et cette raison… Et, si on regarde ça du côté médical, on dit : O.K.
Maintenant, c'est médicalement indiqué que le monde qui ont ces conditions-là
meure. Mais, à ce moment-là, vous ouvrez les portes à une pression de la part
de la société et des médecins. Le médecin, par exemple, il a droit de prescrire
et prescrit un soin. Si vous avez quelqu'un comme moi qui est passablement
amoché, et le médecin dit : O.K., vous vous plaignez, vous avez des
douleurs, je ne peux rien faire, donc, «you know», c'est intolérable… vous avez
ce risque qu'on peut vous euthanasier. Ça peut être une agression épouvantable
psychique pour des gens qui ont un nouveau diagnostic et tout ça. Personne n'a
nié ces faits-là, mais ils ont passé la loi C-7 pareil. Pourquoi? Parce que
c'était tellement important de revendiquer le choix personnel.
Moi, je suis en train de dire qu'il faut
revendiquer la rigueur scientifique du médecin et ne pas vandaliser toute la
profession et la… médicale pour permettre aux volontés. Mais je ne dis pas
qu'on doit arrêter le monde de le faire.
M. Marissal : Je comprends
bien.
M. Friesen (Gordon) : Ça,
c'est la différence. Ça, c'est la différence que j'amène dans le débat, c'est
que ce n'est pas nécessaire de les empêcher pour faire ça.
M. Marissal : Très bien. Je
vous entends bien puis je n'ai plus de temps, alors je vous remercie beaucoup
pour vos réponses et votre mémoire. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Donc, je cède maintenant la parole au député de
D'Arcy-McGee…
M. Friesen (Gordon) : …dans le
débat, c'est que ce n'est pas nécessaire de les empêcher pour faire ça.
M. Marissal : Très bien. Je
vous entends bien puis je n'ai plus de temps, là. Je vous remercie beaucoup
pour vos réponses et votre mémoire. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Donc, je cède maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Et merci, M. Friesen, pour votre témoignage lucide, et
original, et rigoureux.
Premièrement, je vous ai entendu, si je ne
m'abuse, en parlant du fait que l'aide médicale à mourir n'est pas nécessairement
un soin. On va se rappeler qu'au Québec aux yeux de la loi, oui, c'est un… ça
fait partie d'un continuum de soins médical. Je vous ai entendu, et on prend
note de vos arguments sur votre interprétation d'une marge de manoeuvre du Québec
sur le plan légal et la dichotomie, la dualité très importante que vous mettez
devant nous. Quand même, je tiens à vous rappeler que ce n'est pas seulement
ces questions juridictionnelles ni les décisions récentes devant les tribunaux
qui font en sorte que nous sommes ici. Il y a une volonté exprimée de façon
diverse, au Québec, pour repencher sur le débat, et spécifiquement, notre
mandat, en quelque part, est conçu selon ce constat qui est l'intérêt à ce que
l'État examine, au Québec, l'idée d'élargir accès à l'aide médicale à mourir.
J'aimerais bien comprendre votre lecture,
pas légale, mais de la question d'autodétermination. Parce que vous avez parlé beaucoup
d'assurer une objectivité et une implication davantage de l'évaluation
médicale. En toute franchise, il n'y a pas beaucoup de fédérations de médecins
ou de médecins qui ont donné écho à cette préoccupation que vous avez offerte.
Mais tout cela est un pendule en quelque part : Comment peser et évaluer
un souhait librement et clairement offert par un individu, en tout ce qui a
trait son souhait de l'aide médicale à mourir, avec des balises claires et
nettes, ainsi que des critères, surtout médical, dans la loi actuelle, dans l'article 26
au Québec? Alors, j'aimerais vous entendre sur la place de l'autodétermination,
de l'autonomie de l'individu vis-à-vis le rôle du médecin traitant.
• (14 h 40) •
M. Friesen (Gordon) : O.K.,
oui. J'ai commencé ma réflexion dans cette matière en 93 avec l'épisode
Rodriguez, et même avant ça, en 91… 81, il y avait un film qui s'appelle Whose
Life Is It Anyway?, puis il parlait exactement d'une situation comme la
mienne…
M. Friesen (Gordon) : …O.K.,
mais j'ai commencé ma réflexion dans cette matière en 93 avec l'épisode
Rodriguez, et même avant ça, 91… 81, il y avait un film qui s'appelle Who's
Life Is It Anyway?, puis il parlait exactement d'une situation comme la
mienne, une personne qui est blessée médullaire, qui voulait absolument se
suicider. Puis c'est tout le film, c'était l'idée de la… comment c'était
courageux. Bon, j'ai embarqué de… avant de prendre la question plus largement,
j'ai discuté avec d'autres handicapés en ligne, dans les forums internet, et la
conversation était divisée. C'était divisé entre ceux qui croyaient qu'on
devrait avoir le droit et ceux qui voulaient vraiment mourir, et ceux qui
voulaient vraiment mourir, c'était un nombre très limité. Ceux qui voulaient
qu'on ait le droit, par contre, c'était beaucoup plus substantiel. Et c'est là
que j'ai compris que la différence entre le médical et la volonté. Mais surtout,
je me suis dit à ce moment-là, comme il y avait un courant représenté par les
prédécesseurs, le Conseil des Canadiens avec déficiences qui s'appelait la
coalition des organismes provinciaux des handicapés, à ce moment-là, et ils
prenaient, dans le cas Rodriguez, la thèse suivante que oui, Mme Rodriguez
devrait avoir le droit de se tuer, mais seulement si tout le monde, et
absolument tout le monde, avait le droit de se tuer, parce qu'il n'y a pas de
différence entre une personne malade et une personne qui n'est pas malade.
C'est juste une… la différence, c'est la nature de le malheur, et par des
raisons bizarres, on a pris ce malheur médical, puis on dit c'est
différent, et on vient permettre à ces personnes-là de se tuer. Alors,
«anyway», sur le devant de mon site web, la première ligne, ça dit que je crois
que, très possiblement, le droit de mourir est une extension nécessaire de la
liberté de l'être humain. J'accepte cette thèse-là, je ne l'aime pas, mais je
l'accepte. Par contre, le monde n'ont pas eu le courage de prendre ça
franchement de cette façon-là. Ils voulaient trouver une façon pour justifier
ça en y mettant le manteau médical, et ça, ça marche très bien dans le contexte
très réduit de fin de vie, quand on est devant une mort évidente et les
souffrances sont réelles et tout ça. Ça, c'est la thèse qui a fait en sorte que
le monde, ils ont développé un consensus. Ils ont dit oui, ça se peut. Mais
quand vous allez en dehors de ça, vous arrivez dans une place où le médecin… je
veux dire, le médecin, le pauvre médecin, je veux dire, actuellement, il est
accusé d'être insensible s'il ne veut pas tuer son patient. C'est… O.K.,
prenons les…
M. Friesen (Gordon) : …je veux
dire, le médecin, le pauvre médecin, je veux dire, actuellement, il est accusé
d'être insensible s'il ne veut pas tuer sa patiente. Je…
O.K., prenons les patients incapables. Si
on dit que cette personne-là devrait être morte parce qu'elle a signé une
directive anticipée, pourquoi la personne dans le CHSLD, à côté de lui, avec
les mêmes symptômes… pourquoi on me permet de vivre? Quelle est la différence?
Moi, je maintiens qu'il n'y a pas de
différence entre les deux, sauf le contrat actuel. Alors, si on veut accepter
une relation contractuelle, que je stipule certaines conditions et vous signez
en bas de mon nom, et ça vous engage à me tuer quand je vais remplir ces
conditions-là, et si on décide qu'on veut légaliser, c'est de cette manière-là,
je ne peux rien dire contre ça. J'accepte ça en fonction de la souveraineté de
la personne.
Mais à penser qu'on a une personne en
CHSLD qui présente des symptômes et une autre à côté de lui avec les mêmes
symptômes, il y a une des deux qu'on va tuer mais pas l'autre, moi, je… quelle
attitude le staff de ce CHSLD vont-ils avoir à l'égard de leurs patients
survivants? Je ne crois pas que ça se peut, éthiquement.
M. Birnbaum : Bon, j'aurais
plusieurs autres questions, mais j'aimerais céder la parole, si je peux,
Mme la Présidente, à ma collègue de Westmount—Saint-Louis. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis, la parole est à
vous.
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, M. Friesen. Je veux continuer le
questionnement de mon collègue de D'Arcy-McGee. Pour reprendre votre exemple,
je ne sais pas si, peut-être, on peut regarder ça. Vous l'avez évoqué, au
début, que la souffrance est subjective, alors n'est-ce pas que la personne a,
qui est hébergée en CHSLD, qui est peut-être apte, et personne b, qui habite
aussi en CHSLD, qui est aussi apte, pourront faire des choix différents suite à
la souffrance qu'ils sont en train de subir, parce que c'est subjectif, parce
qu'eux-mêmes, ils ont dit que : Pour moi, je ne suis pas capable de vivre
de cette façon? Et pour personne b, qui dit : Bien, pour moi, c'est
tolérable. Alors, n'est-ce pas, un peu, de la subjectivité en ce qui concerne
aussi l'autodétermination puis le choix pour sa personne?
M. Friesen (Gordon) : Oh!
j'en conviens parfaitement, que la subjectivité… je ne conteste pas la
légitimité de la subjectivité, ce que je conteste, c'est de la mettre dans le
contexte médical. C'est tout… le problème, c'est qu'on a présumé, depuis le
début, qu'on parle d'une chose, qu'on parle de l'aide médicale à mourir et
qu'on parle de jusqu'où peut aller l'aide médicale à mourir. Ça… tu sais, je
veux dire, c'est comme un tir à la corde, c'est un…
M. Friesen (Gordon) :
...médical. C'est tout... Le problème, c'est qu'on a présumé, depuis le début,
qu'on parle d'une chose, qu'on parle de l'aide médicale à mourir et qu'on parle
de jusqu'où peut aller l'aide médicale à mourir. Ça semble, ça... Tu sais, je
veux dire, c'est comme un tir à la corde. C'est un compromis, on comprend le
compromis. On a partie A, partie B, ils tirent dans un sens, et on a un
compromis. Non, moi, je dis : On est en train de parler de deux choses entièrement
différentes. On est en train de parler d'un droit de mourir, et on est en train
de parler d'une raison objective pour mettre du monde à mort. C'est deux choses
différentes, à mon sens.
Mme Maccarone : Mais si on ne
parle pas d'un contexte médical ou un contexte légal, est-ce que nous n'avons
pas la responsabilité de le faire de cette façon pour s'assurer qu'on protège
aussi les personnes vulnérables, pour s'assurer qu'il n'y aura pas de
maltraitance, par exemple? Tu sais, est-ce que c'est ça, le rôle de l'État?
Est-ce que c'est ça, le rôle, peut-être, des législateurs?
M. Friesen (Gordon) : Ce qui
est le plus époustouflant dans tout ça, c'est que toute cette façon de vouloir
protéger les vulnérables finit par les jouer en tort. Par exemple, j'ai lu,
dans les mémoires des organismes d'handicapés... ils parlent des conditions
pour les incapables, euthanasie chez les incapables. Ils parlent des conditions
préalables, nécessaires pour assurer une pratique éthique. Et là ils procèdent
à toute une série de conditions qui impliqueraient, en théorie, l'engagement de
ressources qui n'existent pas, de professionnels qui n'existent pas en nombres
suffisants.
En fait, ils créent un nombre de
conditions absolument irréalisables. Ils... Avec une parfaite logique, ils nous
font la démonstration que nous ne pouvons pas avoir une pratique éthique sans
ces conditions, sans le remplissage de ces conditions. Mais on dit qu'on veut
procéder pareil, donc sciemment. On veut procéder sciemment à une pratique qui
est non éthique. C'est vraiment quelque chose.
Puis là ils parlent de... même, ils
parlent d'incapables puis ils disent : C'est correct en autant qu'ils ont
une décision éclairée. Mais comment peuvent-ils avoir une décision éclairée? Et
là quand c'est médical, puis quand on dit que c'est indiqué dans certaines
circonstances, le docteur, il prescrit quelque chose, il propose quelque chose.
Le commun des mortels, il est très influençable face à son médecin.
Alors là, vous avez un médecin qui croit
que telle personne... Je veux dire, le médecin croit, de bonne foi, que telle
personne serait mieux d'accepter l'option euthanasie. C'est une autorité
immense. Maintenant, transférons ça dans le champ des incapables, d'une
personne avec une... avec des capacités mentales...
M. Friesen (Gordon) : …de
bonne foi, le médecin croit que telle personne serait mieux d'accepter l'option
euthanasie. C'est une autorité immense. Maintenant, transférons ça dans le
champ des incapables, d'une personne avec des capacités mentales,
intellectuelles très limitées qui est liée par un intense lien de confiance et
affection avec certains de ses soignants, et ses soignants, ils disent :
Bien, Jean-Paul, écoute votre médecin. Et lui, il dit : Bien, est-ce que
ça va être bon? Ils disent : Bien oui, c'est bon. C'est épouvantable,
c'est inadmissible.
Mme Maccarone : Alors, vous,
est-ce que vous seriez d'avis, d'abord, pour les patients qui refusent des
soins, d'abord, on devrait, oui ou non, là, leur offrir l'aide médicale à
mourir? Les personnes qui souffrent, on a dit que c'était subjectif, on ne nie
pas ça. Alors, je souffre, mais… je souffre d'un cancer, je ne veux plus avoir
accès aux soins, c'est fini, même chose pour une personne qui souffre d'un
problème de santé mentale qui dit que je ne veux plus avoir accès aux soins.
Alors, selon vous, on devrait poursuivre ou non avec l'aide médicale à mourir
pour ces personnes?
• (14 h 50) •
M. Friesen (Gordon) : À
l'intérieur du schéma du soin de fin de vie, le médecin peut avoir le droit de
suggérer ça à son patient. Suggérer la mort à un patient viable, je ne peux pas
voir comment ça pourrait être éthique pour un médecin, et la raison, parce que
vous avez… vous ne le savez pas, ce que le futur va amener. Je vais vous dire,
dans ma catégorie des blessés médullaires, comme j'ai dit, il y a une montagne
de livres et de films qui ont été produits à l'éloge des courageux qui se sont
tués dans ces circonstances-là, mais quand vous étudiez la littérature, le
nombre de personnes dans ces cas-là qui se sont tués, ça, c'est… le 1 %
seulement. Ça, c'est 20 fois plus élevé que la normale, mais c'est
seulement 1 %.
Alors, est-ce que vous allez, d'une façon
éthique, suggérer à une personne comme ça l'aide médicale à mourir, quand
99 fois sur 100, vous pouvez avec confiance prévoir une adaptation
positive? Et ce n'est pas juste les blessés, là, je parlais des médullaires,
c'est tous les blessés catastrophiques, c'est pareil, la courbe est pareille.
Puis là, quand vous considérez les maladies dégénératives comme, encore une
fois, Mme Rodriguez, ce n'est pas pour rien que la société SLA n'a pas appuyé
la demande de Mme Rodriguez, c'est parce qu'ils savaient que la vaste majorité
de leur membership était contre ça. C'était… le monde…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. Friesen. Nous allons continuer les échanges. Désolée,
Mme la députée, c'est tout le temps que nous avions. On va continuer
les échanges avec le député de Mégantic.
M. Jacques : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Friesen. Je veux vous amener un peu, là, sur deux
cas…
La Présidente (Mme Guillemette) :
…désolée, Mme la députée. C'est tout le temps que nous avions. On va continuer
les échanges avec le député de Mégantic.
M. Jacques : Bien, merci, Mme
la Présidente. Bonjour, M. Friesen. Je veux vous amener un peu, là, sur
deux cas.
Le premier cas, je vais prendre mon épouse
qui était en phase terminale, un cancer stade 4, qu'elle n'aurait jamais
accepté d'avoir recours à l'aide médicale à mourir. Jamais, au grand jamais. Par
contre, il y a des cas, des gens à côté qu'eux sont prêts à recevoir l'aide
médicale à mourir, donc, dans un choix, l'autodétermination est très
importante.
Puis je reviens là-dessus, mais je viens
aussi avec vos cas en CHSLD. Vous dites : Il y en a un patient qui n'irait
pas en CHSLD parce qu'il aurait de l'alzheimer, il recevrait l'aide médicale à
mourir, et l'autre à côté qui ne recevrait pas l'aide médicale à mourir parce
que ce n'était pas son choix, de un, bien, n'aurait pas les soins nécessaires à
sa condition.
Moi, j'ai beaucoup de difficultés à
entendre ça parce que, dans la vie, je pense qu'on a des choix à faire. Il y en
a qui vont… n'accepteront pas la souffrance, mais il y en a aussi qui
n'accepteront pas de mourir, et qui ne veulent pas mourir, et puis qu'ils
veulent vivre le plus vieux possible même s'ils ne savent pas qu'est-ce qui va
se passer puis comment… qui sont là… même qui sont là.
Je vais prendre mon père, là, mon père,
son but, c'est de vivre le plus vieux, le plus longtemps possible, et ma
grand-mère a été 14 ans dans un CHSLD à ne plus savoir ce qu'il se
passait, puis mon père, malgré tout ça, va essayer de vivre le plus vieux
possible, même en considérant qu'il pourrait avoir l'alzheimer. Donc, j'ai un
peu de difficultés à comprendre votre position, puis aussi que la personne
n'aura pas de soins si elle choisit de rester. Alors, vous les mettez tous les
deux sur le point égal, puis moi, je ne les vois pas, vraiment pas sur le point
égal, puis j'aimerais ça que vous me… autour de ça, là.
M. Friesen (Gordon) : Mais je
pense que je me suis mal exprimé, d'abord, parce que, ce que je voulais,
c'était de créer une question de normalité clinique…
M. Jacques : Oui, ça, je l'ai
compris.
M. Friesen (Gordon) : Je veux
dire, dans le sens que les infirmières et les médecins ne sont pas des
«automatons», ils ne sont pas robots. Et, si on normalise l'aide médicale à
mourir à l'endroit d'une certaine population présentant certains symptômes,
comment on peut demander de ces professionnels-là de ne pas s'indigner, finalement,
dans la présence des patients qui présentent les mêmes symptômes, qui
s'obstinent à vivre, tu sais? Justement, je m'en vais dans votre sens de votre
père. Personnellement, j'ai survécu en état handicapé comme ça depuis
40 ans maintenant et je n'ai pas l'intention arrêter, mais…
M. Friesen (Gordon) : …qui
s'obstinent à vivre, tu sais.
Justement, je m'en vais dans votre sens de
votre père. Personnellement, j'ai survécu en état handicapé, comme ça, depuis
40 ans maintenant, et je n'ai pas l'intention d'arrêter. Mais ce n'est pas
«abnormal», là, ce n'est pas… c'est normal. Je veux dire, moi, je dis que nous
ne serions pas là si nos ancêtres n'avaient pas fait tout ce qu'ils n'ont pas
seulement pu… Je veux dire, c'est… pour que notre espèce est arrivée, aujourd'hui…
on n'aurait pas pu faire ça si le «default position» n'était pas la survie.
C'est la survie. Et c'est… quand on regarde, comme j'ai dit, les blessés, les…
je veux dire, même en cancer terminal, comme vous dites, avec votre femme… et
je vous offre mes condoléances vis-à-vis de sa condition, et tout ça, vous êtes
un homme, évidemment, qui connaît la vie.
En Belgique, aux Pays-Bas, là où
l'euthanasie est légale depuis tout ce temps-là, où c'est proposé à tous les
patients, parmi ceux qui sont le plus aptes à le faire, et ils le font en plus
grand nombre, c'est-à-dire précisément les terminaux, les cancers terminaux, il
y a exactement 10 % de ces patients-là qui acceptent, 90 % qui
refusent.
Alors, c'est la situation de normalité,
c'est la notion de normalité. Nous sommes en train de se faire faire la
définition de normalité par un certain nombre de personnes atypiques, une
Mme Rodriguez, une Mme Gladu, contré par une foule de personnes qui
font le choix contraire.
Alors, moi, je vous dis nous ne parlons
pas d'une chose, l'aide médicale à mourir n'est pas une chose, ça… Il y a
deux choses totalement distinctes qui ont été classées de force dans le
même contenant et on appelle ça aide médicale à mourir. Ma suggestion, c'est
que nous disions, ici, au Québec, on a défini quelque chose, ça, ce quelque
chose là, c'est la… les soins de fin de vie et les fins de fin… soins de fin de
vie incluent l'euthanasie. Mais ça, ça ne veut pas dire que l'euthanasie est
limitée à ce contexte-là, mais nous avons défini ce contexte-là et vous… nous
allons maintenir la priorité de ce contexte.
M. Jacques : Rapidement, parce
que je veux laisser la place à mes collègues, là, puis ça se peut que je vous
coupe, là. Dans le fond, vous, là, vous avez eu un écrasement de la moelle
épinière ou fracture de la colonne vertébrale, vous avez perdu l'usage de,
probablement, vos… certains membres. Et si une personne… vous, vous avez toute
votre tête, entièrement, toute votre tête… puis il n'y aura pas…
M. Jacques : ...un écrasement
de la moelle épinière, une fracture de la colonne vertébrale, vous avez perdu
l'usage de probablement vos... certains membres et si une personne... Vous,
vous avez toute votre tête entièrement toute votre tête puis il n'y aura pas
des... Je présume que l'état que vous avez depuis 40 ans n'a pas changé, c'est toujours
le même.
M. Friesen (Gordon) : Oh!
non. Je vieillis.
M. Jacques : Bien là, on
vieillit tous.
M. Friesen (Gordon) : Non,
mais je vieillis avec cette condition-là.
M. Jacques : Exactement.
M. Friesen (Gordon) : Je veux
dire, ça devient de plus en plus compliqué, la discipline devient de plus en
plus compliquée, Ça se multiplie.
La chose est, il n'y a personne qui veut
mourir. Tu sais, l'idée de vouloir mourir, c'est atypique. Ce n'est pas normal,
O.K.?
M. Jacques : Exact.
M. Friesen (Gordon) : Alors,
ce qu'on est en train de dire, le député plus tôt...
M. Jacques : O.K., M. Friesen,
je vous coupe, parce que je veux laisser le temps à mon collègue, qui avait
d'autres questions, là, différentes.
M. Friesen (Gordon) : Merci
beaucoup.
M. Jacques : Je m'excuse.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député, mais malheureusement, on n'a plus de temps avec M.
Friesen. Ça termine ici nos échanges.
Donc, merci beaucoup d'avoir été ici avec
nous et d'avoir partagé votre vision. Ça va éclairer beaucoup et ça va nous
questionner beaucoup pour la suite des travaux. Donc, la commission suspend ses
travaux quelques instants...
M. Friesen (Gordon) : Merci.
• (15 heures) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
...et je vous encore de votre présence.
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 8)
La Présidente (Mme Guillemette) :
La commission reprend ses travaux. Nous accueillons maintenant la Fédération
québécoise de l'autisme et leurs représentants, Mme Lili Plourde, directrice
générale, et M. Tommy Bédard, président. Merci. Bienvenue d'être… Bienvenue,
merci d'être avec nous cet après-midi. Vous disposez de 10 minutes pour votre
échange, et il y aura par la suite une période d'échange avec les membres de la
commission. Donc, je vous cède maintenant la parole.
M. Bédard (Tommy) : Donc, merci,
Mme la Présidente, et merci, Mmes et MM. les députés. Donc, oui, je suis Tommy
Bédard. Je suis le président de la Fédération québécoise de l'autisme et je suis
aussi le directeur général de la Société de l'autisme…
La Présidente (Mme Guillemette) :
...période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous cède
maintenant la parole.
M. Bédard (Tommy) : Donc, merci,
Mme la Présidente, et merci, Mmes, MM. les députés. Donc, oui, je suis Tommy
Bédard. Je suis le président de la Fédération québécoise de l'autisme, et je
suis aussi le directeur général de la Société de l'autisme de l'Abitibi-Témiscamingue,
et père d'un enfant autiste de 11 ans.
• (15 h 10) •
Donc, présentation de la Fédération
québécoise de l'autisme, bien rapidement. Donc, la fédération est présente
depuis 45 ans. C'est un regroupement provincial de 75 organismes qui ont en
commun les intérêts de la personne autiste, et ceux de sa famille, et de ses
proches. 16 de ces organismes sont des associations en autisme présentes dans
chacune des régions du Québec. Les autres organismes sont des membres associés
à la fédération et proviennent de différents réseaux communautaires, scolaires,
santé et services sociaux et privés.
La mission de la fédération est de
mobiliser tous les acteurs concernés afin de promouvoir le bien-être des
personnes, sensibiliser et informer la population sur le trouble du spectre de
l'autisme, TSA, ainsi que sur la situation des familles, et contribuer au
développement des connaissances, et à leur diffusion. Cette mission se traduit,
entre autres, de la façon suivante, la défense des droits, l'information et la
formation, la promotion et la vie associative.
Mme Plourde (Lili) : Bonjour.
Merci beaucoup de nous accueillir aujourd'hui. Nous sommes ici pour faire
entendre nos inquiétudes sur l'élargissement potentiel de l'aide médicale à
mourir pour les personnes dont le seul problème médical est un trouble mental.
Plusieurs personnes autistes ont un trouble mental associé. L'apparition de ces
troubles de santé mentale, liée au manque de services à l'âge adulte, sont des
facteurs déterminants dans le fait que deux fois plus de personnes autistes que
non autistes se suicident au Québec, selon un rapport de l'INSPQ datant de
2017.
Dans le final du rapport, on indique qu'il
faut explorer la surmortalité chez les personnes autistes et identifier les
déterminants sociaux de la santé pouvant contribuer à la dégradation de la
santé mentale et physique des personnes autistes. Plusieurs groupes ont déjà
fait les mêmes remarques. L'aide médicale à mourir ne peut pas être la solution
aux souffrances provoquées par manque de services. Il faut plutôt aider les
personnes à vivre.
La situation actuelle au Québec peut
amener les personnes vers la pauvreté, l'itinérance, l'isolement. Les
difficultés à trouver un travail, à fonder une famille, à créer des liens sont
aussi des facteurs qui mènent vers un mal de vivre généralisé. De plus,
plusieurs personnes sont suivies en santé mentale sans qu'on prenne en
considération leur diagnostic d'autisme, sans que le personnel ait les
connaissances nécessaires, amenant des solutions souvent partielles et non
adaptées.
Plusieurs adultes ayant des traits
autistiques n'arrivent pas à obtenir de rendez-vous pour une évaluation dans le
réseau public. Les équipes ne prennent pas leurs besoins spécifiques en
considération. Vous comprendrez donc nos inquiétudes. Il est important de
développer une gamme de services adaptés aux personnes autistes, plutôt que de
leur présenter le suicide comme une alternative acceptable.
Nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour
faire des consultations, considérant la période des vacances, mais les
personnes autistes qui ont répondu trouvent décourageant de ne jamais avoir de
réponse à leurs besoins, sous prétexte que la société n'arrive pas à les
comprendre. Elles déplorent le fait que les professionnels qui les entourent ne
sont pas outillés pour les aider à...
Mme Plourde (Lili) : …nous
n'avons pas eu beaucoup de temps pour faire des consultations, considérant la
période des vacances, mais les personnes autistes qui ont répondu trouvent
décourageant de ne jamais avoir de réponse à leurs besoins sous prétexte que la
société n'arrive pas à les comprendre. Elles déplorent le fait que les
professionnels qui les entourent ne sont pas outillés pour les aider à
comprendre le monde neuroatypique. Tout comme d'autres groupes, nous
recommandons de faire preuve de prudence. L'ensemble des présentations faites
lors de cette commission démontrent bien que la question ne fait pas consensus
et qu'il faut continuer de réfléchir. Il est nécessaire d'obtenir une évidence
scientifique reconnue avant d'élargir l'aide à mourir aux personnes dont la
seule condition particulière est un trouble de santé mentale.
M. Bédard (Tommy) : En ce qui
concerne l'élargissement pour les personnes en situation d'inaptitude, nous
avons la même ligne de pensée que la majorité des groupes partenaires. En aucun
cas, il ne peut y avoir de décision substitutive pour les personnes autistes
qui sont jugées inaptes à consentir par elles-mêmes. Nous prônons
l'autodétermination des personnes. Si la personne, avec les outils appropriés,
est bien encadrée, désire bénéficier de l'aide médicale à mourir pour une
maladie amenant à une fin de vie, il serait discriminatoire de lui refuser. Par
contre, il faut s'assurer d'un consentement libre et éclairé. De même, la
discussion ne doit jamais être amorcée par le médecin.
Si une personne jugée inapte désire mettre
fin à ses souffrances alors qu'elle n'est pas en fin de vie, doit-on lui
permettre? Plusieurs groupes qui nous ont précédés ont insisté beaucoup sur le
fait que l'AMM ne doit pas devenir la solution devant le manque d'options et de
services. Il faut tout mettre en oeuvre pour soulager sa souffrance, humaniser
la médecine, s'assurer d'une meilleure formation des équipes qui entourent la
personne. Il faut surtout mettre sur pied une gamme de services complète pour
soutenir les personnes dans toutes les étapes de leur développement.
Il est important de mettre des balises
claires, de s'assurer que la composition du comité qui prend des décisions est
multidisciplinaire et prend en considération tout le côté psychosocial, pas seulement
médical. Il doit pouvoir analyser les services qui ont été offerts à la
personne ou le manque de services. Il faut s'assurer qu'il y aura des personnes
autistes impliquées dans le développement des balises et outils ainsi que sur
le comité multidisciplinaire, qui vont mieux comprendre la personne qui formule
une demande d'AMM. Il faut s'assurer qu'il n'y a pas de pression externe, tant
de la famille que le personnel médical. On entend beaucoup de choses en
autisme, enfants non scolarisables, troubles graves du développement, agression
et automutilation, etc. Il ne faudrait pas que les préjugés puissent amener à
penser que l'AMM peut être une solution.
Encore une fois, il est important
d'insister sur le droit à vivre dans la dignité avant de parler d'AMM.
Plusieurs personnes vous l'ont déjà exprimé, si M. Truchon avait eu les
services, dont il avait besoin, il n'aurait pas fait de demande d'AMM. Encore
une fois, il faut faire preuve de prudence.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Ça conclut votre exposé.
Mme Plourde (Lili) : …
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci. Donc, nous allons maintenant passer à la période d'échange avec
les membres de la commission, en débutant avec la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour. Merci
beaucoup…
La Présidente
(Mme Guillemette) : …merci. Ça conclut votre exposé? Parfait,
merci. Donc, nous allons maintenant passer à la période d'échange avec les
membres de la commission en débutant avec la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour. Merci
beaucoup pour votre présence, ici, aujourd'hui. Vous avez parlé beaucoup de consentement
substitué, vous avez même dit qu'on ne devrait vraiment pas aller de ce
côté-là. Pourtant, on sait que beaucoup de personnes que, depuis leur… de personnes
autistes que, depuis leur jeune enfance, ont toujours eu… n'ont jamais été
capables de consentir par eux-mêmes. Ils ont toujours eu d'autres personnes qui
ont pris les décisions pour eux. Souvent, c'est les parents, mais, au cours du
temps, ça pourrait être un tuteur, ou peu importe. Qu'est-ce qui fait, selon
vous, que cette décision-là d'aide médicale à mourir est différente, est un
soin différent des autres auxquels les tuteurs ou les parents ont eu à prendre
comme décision au cours d'un cheminement d'une personne autiste?
Mme Plourde (Lili) :
Bien, l'aide médicale à mourir, c'est un soin de fin de vie, donc ça appartient
à la personne de prendre la décision ou non de prendre cette décision-là. Par
contre, on pense souvent que plusieurs personnes autistes sont inaptes à
prendre des décisions qui les touchent, mais on sait qu'avec certains outils
bien encadrés, avec des normes bien établies, une personne autiste qui désire
l'aide médicale à mourir pourrait, là, bien comprendre les enjeux. Puis, ce qui
est important là-dedans, c'est de s'assurer qu'elle comprenne les enjeux, et en
autisme, on sait que c'est ça le défi, c'est d'arriver à comprendre les enjeux.
Puis, si la personne n'arrive pas à comprendre les enjeux, à ce moment-là, il
ne peut avoir de décision substituée. Ça ne peut pas être quelqu'un d'autre qui
prend la décision pour elle.
Mme Picard : J'aimerais
aussi vous entendre sur le rôle des personnes proches aidantes autour des
personnes autistes. Est-ce que vous pensez que la personne proche aidante qui
accompagnerait une personne autiste aurait un rôle exécutoire ou consultatif
dans la d'aide médicale à mourir?
Mme Plourde (Lili) :
Consultatoire.
Mme Picard :
Consultatoire, définitivement. D'accord.
Ensuite, quels spécialistes voyez-vous
près des personnes autistes? Vous en avez mentionné quelques-uns dans votre
exposé, mais racontez-moi un peu comment vous voyez ce comité multi qui serait
là lors de la demande, et le comité peut-être qui serait là aussi lors de
l'administration ou juste un petit peu avant, là, et qui prendrait la décision.
Mme Plourde (Lili) : Il
ne faut pas que ça soit juste un cadre médical. Il faut vraiment y aller avec
tout le côté psychosocial, donc ça prend des gens qui sont spécialisés dans
leur domaine. Mais on va le répéter souvent, si une personne autiste fait une
demande d'aide médicale à mourir, il faut qu'on s'assure que les outils, que la
façon dont on voit... il faut qu'il y ait des gens autour de la table qui
comprennent l'autisme. Tommy, tout à l'heure, m'a donné un... m'a fait une
belle réflexion sur...
Mme Plourde (Lili) : …si une
personne autiste fait une demande d'aide médicale à mourir, il faut qu'on
s'assure que les outils… que la façon dont on va… il faut qu'il y ait des gens
autour de la table qui comprennent l'autisme. Tommy, tout à l'heure, m'a donné
un… m'a fait une belle réflexion sur comment ça pourrait se passer avec l'aide
médicale… avec… comment ça pourrait se passer si… Bon, j'ai… je ne sais pas si
tu t'en rappelles. Vas-y donc, dans ce que tu m'as dit tantôt, Tommy.
M. Bédard (Tommy) : C'est
qu'en fin de compte, c'est qu'une personne autiste, toutes personnes autistes
confondues, va se fier à ce qu'on va lui présenter comme étant l'option la
meilleure. Donc, si la première personne est un médecin, ou peu importe la
personne, et lui dit : Maintenant, tu es terriblement malade, puis ta
meilleure option, c'est de mourir, ce que la personne autiste va… Bon, O.K., il
n'y a plus d'autre option, c'est seulement celle-ci. Il peut y avoir d'autres
options. Donc, ce qu'on a peur… Ou que ce soit complètement l'inverse, qu'on
ait une personne qui viendrait… pas entacher — j'essaie de trouver le
mot exact — mais qui viendrait comme nuire au sain consentement de la
personne.
Mme Picard : Merci beaucoup
pour vos réponses. Mme la Présidente, je vais laisser place à mes collègues.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je vais me permettre une question, avant de céder la parole, sur la
notion de l'autodétermination, justement. On dit : Bon, c'est peut-être
des personnes inaptes, mais ils ont quand même le plein pouvoir sur leur vie.
J'aimerais vous entendre plus là-dessus, comment on peut faire en sorte de
protéger nos personnes les plus vulnérables tout en respectant l'autodétermination
des individus.
• (15 h 20) •
Mme Plourde (Lili) : Encore
là, pour les protéger, il faut que les personnes qui vont les soutenir dans la
prise de décision comprennent bien le fonctionnement interne d'une personne
autiste, comment on doit les interpeller, comment on doit leur expliquer,
comment on leur présente les choses pour qu'elles puissent prendre une décision
en comprenant toutes les conséquences, puis surtout qu'ils comprennent les
options qui existent. Tout est dans la façon dont on explique les choses.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je céderais la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Bonjour, M. Bédard, bonjour, Mme Plourde, merci pour votre présentation. Vous
dites que le taux de suicide chez les jeunes entre 1 et 24 ans est très élevé,
et les statistiques que vous nous avez données sont de 2017. Est-ce qu'il y a
eu augmentation depuis ce temps? Ma première question. Et ma deuxième question
sera : Quel… Puis vous… lors de votre discussion, vous dites souvent qu'il
manque de ressources, qu'il manque beaucoup de ressources dans le système,
manque de personnel, ces choses-là, et des ergothérapeutes. Quelle serait la
solution pour contrer tout suicide, selon vous…
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
…lors de votre discussion, vous dites souvent qu'il manque de ressources, qu'il
manque beaucoup de ressources dans le système, manque de personnel, ces
choses-là, et des ergothérapeutes. Quelle serait la solution pour contrer au
suicide, selon vous?
Mme Plourde (Lili) : En fait,
les derniers chiffres qu'on a, c'est le rapport de l'INSPQ de 2017, puis ce
rapport-là ne touche que les personnes de 1 à 24 ans. Ça fait qu'on sait que,
si le rapport touchait les autistes de plus de 25 ans, on aurait des chiffres
probablement les mêmes ou plus élevés, mais on n'a pas de statistiques
récentes, on sait que la COVID a été extrêmement difficile pour les personnes,
ça a amplifié beaucoup la détresse qui était déjà existante, ça a amplifié
aussi l'apparition de trouble mental comme, par exemple, l'anxiété. Ça fait
que, présentement, la situation ne s'est pas améliorée, et probablement qu'elle
s'est dégradée. Le manque de services… là, on va parler des personnes autistes
qui sont plus… ce qu'on appelait le syndrome d'Asperger, autiste léger, besoins
légers, etc., selon les différentes versions de DSM. Ces personnes-là ont très
peu de services à l'âge adulte et sont beaucoup laissées à elles-mêmes. Les
dossiers sont fermés, on ne leur offre pas de soutien résidentiel, on ne leur
offre pas de soutien professionnel. Il y a des études qui démontrent qu'il y a
toute la même chose en déficience intellectuelle aussi, que ça augmente, il y a
des personnes qui sont itinérantes, parce qu'à partir du moment où leur réseau
social n'existe plus, bien, les personnes sont comme laissées à elles-mêmes, et
comme la résolution de problèmes est plus difficile, elles ne savent vers où
aller chercher du soutien. Donc, le manque de services à l'âge adulte a des
conséquences assez graves et… Puis c'est ça, présentement, rendus à 21 ans,
souvent, les services, même des fois avant, les services cessent, puis comme je
disais aussi, c'est extrêmement difficile d'aller chercher une évaluation au
public pour un adulte, pour une évaluation en vue d'un diagnostic. Puis on sait
que les femmes sont diagnostiquées très tard, donc le fait que c'est difficile
d'aller chercher un diagnostic amplifie les troubles de santé mentale parce que
moins t'as de services, moins tu comprends ce qui passe, plus tu risques de
développer d'autres problèmes. Ça fait que le manque de services aux adultes a
tout cet impact-là.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Pourquoi les femmes sont diagnostiquées plus tard? Je suis curieuse.
Mme Plourde (Lili) : Je ne
ferai pas la même joke que je fais des fois. En fait, c'est que l'autisme,
c'est quatre garçons pour une fille. Que ce soit… peu importe l'âge, c'est
supposé être quatre garçons pour une fille. Diagnostiqué, chez les femmes, plus
profil Asperger, on parle de dix garçons pour une fille, donc les femmes
passent clairement à travers des mailles du filet. Pourquoi? Parce qu'à
l'école, elles ne sont pas tannantes. Ça fait que dans la vie, si tu veux avoir
un suivi, sois tannant, ça fait que les petits garçons sont souvent plus tannants,
les petites filles moins, ça fait qu'il se passe complètement à travers les
mailles du filet. Il y a une excellente clinique à Montréal, Autisme et
Asperger Montréal, Isabelle Hénault, qui a développé un profil féminin du
syndrome d'Asperger, qui explique en gros pourquoi les femmes sont si
difficiles à diagnostiquer, elles vont l'être plus à l'âge adulte, mais
pourquoi? Première grossesse, première relation de couple, emploi difficile à
garder, donc encore une fois, ce n'est pas…
Mme Plourde (Lili) : …Il y a
une excellente clinique à Montréal, Autisme et Asperger Montréal, Isabelle
Hénault, qui a développé un profil féminin du syndrome d'Asperger, qui explique
en gros pourquoi les femmes sont si difficiles à diagnostiquer, elles vont
l'être plus à l'âge adulte, mais pourquoi? Première grossesse, premier…
première relation de couple, emploi difficile à garder. Donc, encore une fois,
ce n'est pas l'autisme, c'est vraiment les troubles d'anxiété, les difficultés
sociales qui vont apparaître, qui vont faire qu'elles vont se diriger vers un
diagnostic au privé parce que c'est extrêmement difficile d'avoir un diagnostic
au public.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci beaucoup, madame. Je laisse la place à un de mes collègues.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Nous allons continuer nos échanges avec le député de Mégantic.
M. Jacques : Je vais ouvrir
mon micro…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Votre micro, ça va aller plus… ça va aller mieux, M. le député.
M. Jacques : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, Mme Plourde, bonjour, M. Bédard. Je
veux juste finir, là, rapidement, là, sur ce que vous avez dit, là, pas
diagnostiquées parce que les petites filles sont plus tranquilles en classe.
Mais au niveau des problèmes académiques, est-ce qu'ils sont aussi importants
que les autres? Parce qu'on sait qu'il y en a qui n'ont aucun problème
académique, que ça va super bien, là. Mais au niveau académique, est-ce
qu'elles ont plus de difficulté?
Mme Plourde (Lili) : Pas
nécessairement, pas nécessairement, c'est… oui, ça peut aller super bien, là,
difficulté parfois à finir le secondaire, aussi, mais au point de vue
académique, ça peut se passer super bien.
M. Jacques : Parfait.
M. Bédard (Tommy) : Si je
peux… si vous me permettez.
M. Jacques : Oui.
M. Bédard (Tommy) : Ce qu'on
voit habituellement, du point de vue académique, le passage au primaire se fait
quand même de façon simple, ça fonctionne. Dès qu'on arrive au… vers le
passage… du passage au secondaire, c'est là que l'adolescence arrive, c'est là
que, là, on va vraiment plus voir les filles autistes apparaître.
Parce que, pour ajouter, aussi, au
diagnostic féminin, c'est que, oui, elles ne sont pas tannantes en classe, mais
ce sont… les femmes, appelons-les les jeunes filles, appelons-les comme ça,
vont tenter d'imiter, donc elles vont se faire un idéal pour imiter, pour bien
fonctionner en société, fonctionner en groupe. Quand on arrive au secondaire,
il n'y a plus personne pareille, tout le monde prend son… sa propre identité,
donc là, ça devient des problématiques scolaires et tout le monde rentre dans
le même bateau.
M. Jacques : Donc, le cadre,
là, n'est plus là, il y a trop de disparités dans le cadre, là, pour pouvoir…
bon. Vous avez parlé, là… le suicide, de un, de deux, bon, la condition de
l'autisme, là, en parlant plus des asperger, au niveau d'aide médicale à mourir,
parce ce que je pense que c'est là que vous êtes, là, par rapport à tout ça.
Vous avez parlé qu'il y avait des troubles qui étaient amenés, là, avec
l'autisme, vous avez parlé d'anxiété. Est-ce qu'il y a… c'est quoi, toutes les…
tout ce qui est amené, là, à l'adolescence ou entre… on parlait, dans…
entre 12 et 24 ans, où… et plus tard, là. Mais c'est quoi, les
troubles qui s'ajoutent à ça? Juste… j'essaie de me faire une tête, là, dans ce
que vous dites, là.
Mme Plourde (Lili) : Dans le
rapport de l'INSPQ, il y a une longue liste, rapport que je n'ai pas à côté de
moi. Je ne sais pas, Tommy, si… Il y a une longue liste de…
M. Jacques : …et plus tard, là,
mais c'est quoi, des troubles qui s'ajoutent à ça, juste… j'essaie de me faire
une tête, là, dans ce que vous dites.
Mme Plourde (Lili) : Dans le
rapport de l'INSPQ, il y a une longue liste, rapport que je n'ai pas à côté de
moi… Il y a une longue liste de troubles qui peuvent se rajouter. On le dit
souvent, ce n'est pas… souvent, bien, c'est comme le handicap versus être en
situation de handicap, là. L'autisme, souvent, ce n'est pas tant problématique
que tout ce qui vient autour, là, c'est…
M. Jacques : Donc, il n'y a
aucune condition dans tout ça, là, dans tous les ajouts qu'il peut y avoir, qui
pourrait mener à une incapacité, je dirais, physique et mentale totale.
Mme Plourde (Lili) : Si je
comprends bien votre question, mettons, si on prendrait la situation d'une
personne autiste avec des grands besoins et une déficience intellectuelle profonde,
là, à ce moment-là, je ne pense pas qu'on pourrait parler d'une aptitude à
consentir.
M. Jacques : Elle serait une
personne inapte à ce moment-là, là. Mais des cas que vous me parlez, là, si je
comprends bien, là, on parle de personnes aptes.
Mme Plourde (Lili) : Aptes.
M. Jacques : O.K. Donc, est-ce
que dans ces personnes aptes là, qui ont des troubles autres que l'Asperger ou
l'autisme, là, on va l'appeler comme ça, anxiété, troubles… ça peut être de
comportement, je ne le sais pas, là, ça peut être un amalgame de plein de
choses, ces gens-là, ils ont sûrement une souffrance, là, je comprends qu'ils
doivent avoir une souffrance intérieure puis émotive, mais est-ce qu'il y a une
condition particulière qui pourrait les amener à… je vais dire à vouloir
demander de l'aide médicale à mourir, mais qui serait concevable par des
médecins ou des psychiatres ou des gens du milieu de la santé?
Mme Plourde (Lili) : Si je
comprends bien votre question, je pense que oui. Je vais redonner l'exemple que
la SQDI a donné quand ils ont fait leur présentation, qui m'a marquée beaucoup,
moi : Une personne avec une déficience intellectuelle avec des acouphènes,
aux Pays-Bas, qui a fait une demande pour l'aide médicale à mourir et qui l'a
obtenue, parce qu'elle avait des acouphènes. Ça, pour moi, ce n'est comme pas
une raison. Qui sommes-nous pour juger de la souffrance ou non des autres, mais
il y a d'autres solutions que de proposer l'aide médicale à mourir quand un
autre trouble… et la, comme je disais, la difficulté, avec l'autisme, c'est de
bien s'assurer que la personne a compris qu'il y avait des options.
• (15 h 30) •
M. Jacques : Oui. Ça, vous
l'avez bien expliqué tantôt, mais, tu sais, je me dis, anxiété, bien, il va y
avoir des suivis, il va y avoir des psychologues, il va y avoir des gens, là,
qui vont intervenir…
15 h 30 (version non révisée)
Mme Plourde (Lili) : …c'est de
bien s'assurer que la personne a compris qu'il y avait des options.
M. Jacques : Oui, ça, vous
l'avez bien expliqué tantôt, mais, tu sais, je me dis : Anxiété, bien, il
va y avoir des suivis, il va y avoir des psychologues, il va y avoir des gens,
là, qui vont intervenir dans le milieu pour pouvoir donner des ressources à ces
gens-là.
Écoutez, j'ai un de mes amis que son fils
de 12 ans est… a un autisme, là, sévère, là, que je côtoie régulièrement,
là, tu sais, mais si on parle… j'ai un autre copain, là, qui a… son fils, il
fonctionne, il est en secondaire III, il fonctionne très bien, là. Donc,
tu sais, lui, il va développer peut-être de l'anxiété à un moment donné. Bon,
il va falloir qu'il soit traité pour ça. Bien, vous comprenez, là, que…
Mme Plourde (Lili) : Oui.
M. Jacques : J'ai beaucoup de
difficultés à concevoir que quelqu'un, là, qui souffrirait d'autisme puisse
accéder à l'aide médicale à mourir. J'ai… je ne suis pas là, là. C'est pour ça
que j'essaie de comprendre, là, vraiment, là.
Mme Plourde (Lili) : Bien,
c'est pour ça qu'on dit qu'il faut continuer… tu sais, là, il y a plusieurs
autres groupes qui l'ont dit : Il faut continuer de se pencher sur la
question. Si la personne est en fin de vie, elle a un cancer, entièrement
d'accord que si elle est apte à consentir, oui, entièrement d'accord avec vous.
M. Jacques : Une personne
autiste, si elle a… dans le fond, là, c'est la seule condition de l'autisme,
c'est là, là, que ça ne fonctionne pas pour vous, là.
Mme Plourde (Lili) : Bien, le
fait… c'est… il faut s'assurer… on ne peut pas demander l'aide médicale à
mourir parce qu'on est autiste, mais, en même temps, il y a d'autres groupes
qui l'ont dit : Qui sommes-nous pour juger des souffrances psychologiques
de quelqu'un? Entièrement d'accord avec vous, ce n'est pas à nous de juger, on
ne peut pas juger pour personne d'autre, il faut juste s'assurer que tout est
bien compris.
M. Jacques : O.K. Je pense
qu'il ne me reste plus beaucoup de temps, là, puis il y a peut-être un
collègue, là, qui voudrait prendre la parole.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Malheureusement, M. le député, il ne nous reste plus de temps, sauf que nous
allons pouvoir continuer les échanges avec la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Mme Plourde.
Mme Plourde (Lili) : Bonjour.
Mme Maccarone : Bonjour,
M. Bédard, c'est un plaisir de vous voir avec nous aujourd'hui en
commission. Je veux revenir un peu… vous me connaissez, le spectre de
l'autisme, nous savons que c'est un spectre qui est très large, très grand, qui
englobe plusieurs comorbidités. Il y a plusieurs difficultés.
Alors, je veux nous ramener un peu à
l'idée des stigmatismes et des préjugés en ce qui concerne les personnes
autistes. Entre autres… souvent, il peut y avoir des difficultés de langage, de
compréhension ou des problèmes sociaux. Il y a ceux qui sont non verbal aussi,
mais ça ne veut pas nécessairement dire qu'ils souffrent peut-être d'une
déficience intellectuelle ou qu'ils ne sont pas aptes. Alors, je veux seulement
savoir, selon vous, est-ce que possible pour une équipe soignante d'évaluer la
souffrance d'une personne autiste?
Mme Plourde (Lili) :
Souffrance psychologique?
Mme Maccarone : Souffrance psychologique,
souffrance aussi, on peut dire : Physique, parce que, pour une personne
autiste, des fois, on a des difficultés sensorielles, des fois, nous avons des
difficultés…
Mme Maccarone : …possible pour
une équipe soignante d'évaluer la souffrance d'une personne autiste?
Mme Plourde (Lili) :
Souffrance psychologique?
Mme Maccarone : Je peux
prendre psychologique, souffrance aussi, on peut dire physique, parce que, pour
une personne autiste, des fois, on a des difficultés sensorielles, des fois,
nous avons des difficultés à s'exprimer. Alors, est-ce que ça serait possible
pour cette équipe d'identifier et d'évaluer la souffrance d'une personne
autiste?
Mme Plourde (Lili) : Je ne
suis pas spécialiste. Je ne sais pas jusqu'à quel point on peut évaluer cette
souffrance-là, parce que les personnes, souvent, ont beaucoup de difficultés à
exprimer elles-mêmes ce qu'elles vivent, ce qu'elles sentent. Par contre, de
plus en plus d'adultes autistes qui prennent la parole et qui demandent à être
entendus pour elles-mêmes. Puis il y en a beaucoup qui nous dise qu'elles ne
sont absolument pas malheureuses, comme personne autiste, elle va être
malheureuse dans le moule dans lequel on essaie de les rentrer. Ça fait que je
ne sais pas jusqu'à quel point on est apte à évaluer la souffrance. Tommy, je ne
sais pas si…
M. Bédard (Tommy) : Il existe
déjà des outils, pour les plus jeunes, qui permettent de mettre une image sur
une souffrance ou un malaise. Est-ce qu'on a tous ces outils-là présentement en
main, on ne les a peut-être pas présentement. Je suis sûr qu'il y a déjà des personnes
qui travaillent là-dessus, peut-être aller voir du côté universitaire en
recherche, d'après moi, il y a moyen. S'il n'y a pas quelque chose, ça serait vraiment
quelque chose qui serait à faire. Parce que souvent les personnes, comme Lili a
dit, ne sont pas nécessairement capables verbaliser la douleur ou l'inconfort,
quoi que ce soit, puis, et pour eux, la seule douleur, c'est d'être dans notre
monde qu'elles ne comprennent pas. Mais, avec des personnes qui sont spécialisées
des personnes autistes, on serait en mesure d'idéalement bien conceptualiser l'environnement,
ou la douleur, ou l'inconfort dans lequel la personne vit.
Mme Maccarone : D'abord, ça
m'amène à une prochaine question. J'ai lu votre mémoire puis, parmi les recommandations
que vous partagez avec les membres, vous disiez que c'était très important de
s'assurer un consentement clair. Je vous donne un exemple, parce que la question,
ça serait : Comment s'assurer que nous aurons un consentement clair d'une personne
autiste? Ma fille qui est autiste, qui a des difficultés à s'exprimer quand
elle est en colère, quand les choses ne vont pas bien, hein, puis, écoute, elle
ne maîtrise pas une langue en particulier, elle va dire : Je veux juste
mourir… ça ne va pas bien. Mais elle ne veut pas avoir accès à l'aide médicale
à mourir, elle veut s'exprimer. C'est sa façon d'utiliser ce qu'elle a comme
langage pour dire : J'ai mal, je ne suis pas bien. Alors, comment
s'assurer qu'on a un consentement clair d'une personne autiste qui souffre, qui
va peut-être dire : Moi, j'aimerais avoir accès à l'aide médicale à
mourir?
Mme Plourde (Lili) : C'est
tellement un bon exemple, c'est tellement… ça l'arrive tellement souvent ce
genre de… Vous savez qu'il y a beaucoup d'enfants qui se font…
Mme Maccarone : ...un consentement
clair d'une personne autiste qui souffre qui va peut-être dire : Moi,
j'aimerais avoir accès à l'aide médicale à mourir.
Mme Plourde (Lili) :
C'est tellement un bon exemple. C'est tellement... Ça arrive tellement souvent,
ce genre de... Vous savez qu'il y a beaucoup d'enfants qui se font expulser des
écoles parce que... Je vais te tuer. Il ne veut pas tuer personne. C'est sa
façon. Il a vu ça quelque part à la télé ou sur son ordinateur. Il a vu ça quelque
part. Ça fait que c'est des façons de s'exprimer qui peuvent porter à
confusion. Puis c'est pour ça que ça nous inquiète autant, de... qu'on dise qu'on
a encore des travaux à faire avant de... avant de l'élargir comme ça parce que quelqu'un
qui comprend mal l'autisme peut très mal interpréter ce qu'une personne va lui
dire.
Mme Maccarone : C'est tout
à fait... Puis ça m'amène à savoir est-ce qu'il y a des balises que nous
pouvons... Parce que vous avez aussi évoqué dans votre mémoire la nécessité
d'avoir des balises. Avez-vous des recommandations de ce que nous pouvons mettre
en place pour s'assurer qu'on protège les personnes vulnérables ou les
personnes en situation de vulnérabilité parce que ce n'est pas... ce n'est pas la
même chose, et aussi respecter l'autodétermination d'une personne autiste parce
que, d'emblée, comme j'ai mentionné, c'est un spectre, hein? C'est grand. On
peut avoir des personnes qui ont un diagnostic d'autisme qui sont capables de
s'exprimer, qui sont capables d'être autonomes et de faire des choix dans leur
vie. Puis on a autres personnes qu'on va se questionner, est-ce que c'est vrai.
Oui, ils sont aptes, mais ils ne sont peut-être pas en mesure de s'exprimer
d'une façon claire, mais on veut respecter aussi leur dignité.
Ça se peut qu'ils souffrent... Mettons une
personne autiste qui souffre, tu sais, d'un cancer, malheureusement, tu sais,
c'est pour personne. Alors comment... Quelles balises aurons-nous besoin de mettre
en place selon vous pour s'assurer qu'on protège ces personnes, mais aussi
respecter l'autonomie de la personne? ...quoi clair.
Mme Plourde (Lili) : Je
ne suis pas clinicienne. Je n'ai pas d'exemple à vous donner, là, mais c'est
clair que ça prend un comité avec des gens qui viennent de différents horizons,
avec des personnes autistes sur le comité, pour mettre des balises en place.
Puis c'est quand même un travail, tu sais, qui est... qui est quand même assez
long parce qu'il faut quand même baliser tellement de choses. Ça serait, ça, ce
que je répondrais, là, au moment actuel.
Mme Maccarone : Et le
rôle des proches aidants. On a tous fait un peu... Auparavant vous avez dit
catégoriquement que ça serait un rôle d'accompagnement, de consultation. Mais
quand on parle d'une personne autiste qui a besoin souvent d'avoir un proche
aidant, ou un parent dans notre cas, qui peut aider à s'exprimer, ou d'être la
voix de cette personne, voyez-vous peut-être le rôle un peu différent quand on
parle d'une personne autiste qui est en train de souffrir à cause peut-être
qu'il a un autre diagnostic physique, maladie?
Mme Plourde (Lili) :
Bien, je vais faire un petit peu un lien aussi avec la Loi de la curatelle
publique qu'on est en train de modifier, la loi dans laquelle on prévoit
justement qu'un proche aidant peut accompagner la personne dans différentes...
Mme Maccarone : …qui est en
train de souffrir à cause peut-être d'un autre diagnostic physique, maladie.
Mme Plourde (Lili) : Je vais
faire un petit peu un lien aussi avec la Loi de la curatelle publique qu'on est
en train de modifier la loi dans laquelle on prévoit justement qu'un proche
aidant peut accompagner la personne dans différentes actions. C'est clair qu'on
dit tout le temps : Le parent est le plus grand expert de son enfant, ça
fait que oui, clairement, que le parent peut être consulté, peut aider à
traduire l'information de son enfant vers les autres et des autres vers son
enfant, mais ça prend… tu sais, il faut faire attention, parce qu'on le sait,
il y a souvent des pressions qui sont faites de la part de l'entourage des
personnes pour faire une demande d'aide médicale à mourir. Ça fait qu'il faut
quand même être prudent puis s'assurer que tout le monde est neutre, je vais le
dire de même, que tout le monde est neutre, là, dans le processus.
• (15 h 40) •
M. Bédard (Tommy) : En fait,
c'est qu'il y a plus d'une voix, plus d'une seule personne qui apporte… pas un
diagnostic, mais son observation pour que ce soit clair. Donc, en comité, si on
a différents acteurs et si les différents acteurs connaissent l'autisme, déjà
là, on est en mesure de, sans doute, favoriser, à savoir si ce que la personne
demande est vrai ou ce que le proche aidant présente est validé.
Mme Maccarone : Et les
différents acteurs sont qui?
M. Bédard (Tommy) : Si on
parle du fameux comité qu'on mentionne depuis tantôt, ça pourrait être des
spécialistes, ça pourrait être des psychologues, des pédopsys, on parle des
jeunes plutôt, des psychologues.
Mme Maccarone : On dit
enfants, nous, on dit enfants, parce que même s'ils sont adultes, ce n'est pas
nos bébés, là, mais on dit enfants majeurs, oui.
M. Bédard (Tommy) : Nos
enfants majeurs, dans ce cas, oui, tout à fait, mais vraiment toute personne
qui serait en mesure d'évaluer cognitivement la demande faite. Donc, on a plein
de spécialistes que je ne saurais nommer ici présentement, mais on en a tout
plein. Puis il y a plein de gens qui sont outillés présentement en autisme qui
pourraient transmettre l'information, il y a des formations, sans doute, qui
doivent exister. Donc, si chaque personne du comité est outillée, connaît la
base de l'autisme, je pense qu'on est gagnant en observation et en jugement.
Mme Maccarone : Et les
personnes sur ce comité devront connaître la personne ou c'est suffisant qu'il
soit un spécialiste en autisme?
M. Bédard (Tommy) : Très
bonne question, très bonne question. N'étant pas ce spécialiste, moi, je crois
qu'une personne externe serait une très bonne personne à ajouter parce que, justement,
elle n'aura pas de sentiment associé. Mais, encore là, ce n'est pas mon métier
d'analyser ce genre de situation, mais je crois que toute personne externe
serait quand même assez intéressante. Il y aurait, du moins, une observation
plus claire et moins centrée sur les émotions, les sentiments.
Mme Maccarone : Vous avez dit,
plusieurs fois, non seulement dans votre témoignage puis les réponses aux questions
aujourd'hui, souvent que ça prend des gens qui comprennent…
M. Bédard (Tommy) :
...c'est quand même assez intéressant. Puis il y aurait du moins une
observation plus claire et moins centrée sur les émotions et les sentiments.
Mme Maccarone : Vous avez
dit plusieurs fois, non seulement dans votre témoignage, puis les réponses aux questions
où je leur dis souvent que ça prend des gens qui conprennent à c'est quoi être
autiste, c'est quoi un diagnostic d'autisme, puis vous l'avez aussi évoqué dans
votre mémoire. Alors, vous avez une occasion de partager avec nous aujourd'hui
parce que, c'est vrai, il y a un manque de compréhension, il y a un manque de
services, il y a un manque de soins. Quels sont les points les plus saillants,
les plus importants? Puis on peut faire le lien aussi, s'il vous plaît, avec
l'aide médicale à mourir. Peut-être une personne autiste qui est en train de
souffrir, quels sont les points les plus importants que vous pensez seraient
nécessaires que les membres de la commission comprennent en ce qui concerne une
personne autiste pour mieux comprendre peut-être une demande ou la nécessité de
protéger une personne autiste qui ferait une demande?
Mme Plourde (Lili) : Ce
qui nous inquiète beaucoup, quand on parle d'élargir l'aide médicale à mourir
aux personnes qui ont un trouble de santé mentale, c'est... présentement, on a
tendance à travailler beaucoup en silo. Tu sais, ça vient avec le manque de
services aux adultes où on a tendance à travailler beaucoup en silo. Je ne veux
pas porter de blâme à personne, mais je vais donner un exemple de ce qui est
arrivé :
Un institut en santé mentale, deux
employés d'un institut en santé mentale pour trois personnes différentes,
personnes autistes avec un trouble de santé mentale associé, qui ont appelé
leur organisation régionale en demandant de l'aide, leur association de parents
régionale, en demande de l'aide parce que ça faisait des mois qu'ils avaient
demandé de l'aide de leur CRDI — on va utiliser les vieilles
appellations du système de santé — ça faisait des mois qu'ils avaient
demandé de l'aide de leur CRDI pour les aider à mieux... à outiller le
personnel pour mieux soutenir les personnes qui ont un double diagnostic. Ça
faisait des mois qu'ils l'avaient demandé, puis ils n'avaient pas eu de
soutien.
L'organisme communautaire est allé, mais vous
comprendrez bien que ce n'est pas sa job, c'est la job... tu sais, le réseau
doit... ne peut pas travailler en silo et doit se soutenir.
Ça fait que c'est pour ça que, quand on
voit des situations comme ça, que, quand on dit qu'il y a un manque de
connaissances, c'est à cause de ça, les... il faut créer des liens. Est-ce
qu'il faut créer des équipes à l'intérieur des institutions de santé mentale,
des équipes multi, pour mieux soutenir les personnes autistes qui ont des
troubles associés? Mais ce qui est clair, c'est que... parler avec une personne
autiste, vous le savez, madame, vous savez que ça ne se compare à rien. C'est
différent. Ça fait qu'il faut s'assurer que les personnes... je ne sais pas si
j'ai bien répondu à la question, mais c'est... oui...
Mme Maccarone : C'est
parfait. J'aurais aussi voulu entendre, mettons, comme par exemple, moi, je
rajouterais que, souvent, les personnes vont s'exprimer en noir et blanc.
Souvent, il y a un manque de gris à l'intérieur de la façon qu'ils vont parler
ou de leur compréhension. Alors, en ce qui concerne l'équipe autour de la...
Mme Maccarone : …j'aurais aussi
voulu entendre, mettons, comme par exemple, moi, je rajouterais que, souvent,
les personnes vont s'exprimer en noir et blanc, souvent il y a un manque de
gris à l'intérieur de la façon qu'ils vont parler ou de leur compréhension,
alors en ce qui concerne l'équipe autour de la personne ou l'équipe qui va
entourer une personne autiste, qui va prendre une décision… quelque chose que
j'espère qu'ils vont prendre en considération. Alors, je voulais peut-être vous
entendre en ce qui concerne ces points qui sont les plus importants, parce que
les personnes autistes, oui, ils sont tous différents, mais il y a quand même
quelques similarités entre ces personnes. Alors, s'il y avait des choses les
plus importantes que vous pensez sont pertinents à partager.
Mme Plourde (Lili) : Vite de
même, je n'ai pas de... Tu sais, on parle beaucoup… tu sais, c'est parce qu'il
existe, au Québec, on utilise principalement le ICI avec les personnes
autistes, mais, tu sais, il existe d'autres méthodes aussi, il y a d'autres
façons de fonctionner. La méthode SACCADE, qui est une façon de comprendre le
fonctionnement interne des personnes, qui peut être une base aussi de comment
on communique, qu'est-ce qu'on… comment on… Tu sais, il y a l'âge
chronologique, mais il y a l'âge de développement aussi, comment on s'assure
que la personne est bien au stade qu'on pense qu'elle est rendue. Tu sais, les personnes
autistes sont souvent bien fortes pour faire semblant, pas juste les femmes
autistes, les hommes autistes aussi. Ils sont forts pour faire semblant, ça
fait que, tu sais, nous autres, on dit tout le temps : Quand tu parles
avec une personne autiste puis que tu lui poses une question, tant et aussi
longtemps que vous n'avez pas la même compréhension, dit dans des mots
différents, on recommence, parce qu'on n'est pas à la même place, là. Ça fait
que comment on s'assure que la personne est bien rendue où est-ce qu'on pense
qu'elle est rendue, et que sa perception de ce qui se passe autour d'elle,
c'est la même, autant pour elle que pour nous? Ce n'est pas clair, ma réponse,
mais…
Mme Maccarone : Bien, c'est
l'évaluation de l'aptitude, puis on… nous le savons tous, ce n'est pas
seulement pour les personnes autistes que c'est complexe, mais c'est
l'évaluation de l'aptitude, ça prend des normes. Alors, ça serait évalué par
qui, et le comment, je pense que ça serait important à identifier.
Mme Plourde (Lili) : Oui, puis
évalué par plusieurs personnes. Tu sais, ça ne peut pas être juste un médecin,
on l'a dit, il faut que ça soit une composition multidisciplinaire, ça prend…
Tommy les a nommés tantôt, ça prend des psychiatres, ça prend des intervenants,
tu sais, les intervenants terrain qui travaillent avec les jeunes, qui souvent
ont une bonne compréhension de ce qui se passe. Ça prend plusieurs spécialistes
autour de la table pour faire une bonne analyse, la même chose que pour une
évaluation pour un diagnostic… à un enfant, ce n'est pas juste une personne qui
fait une évaluation. Ça fait que c'est un peu la même chose, pour être sûr
qu'on voit tout puis qu'on touche à tout.
Mme Maccarone : …merci beaucoup.
Mme Plourde (Lili) : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Merci beaucoup, M. Bédard et Mme Plourde, d'avoir été
présents avec nous et d'avoir répondu à nos questions cet après-midi. Merci
pour votre contribution à la commission, et sur…
Mme Plourde (Lili) : …même
chose pour être sûr qu'on voit tout puis qu'on touche à tout.
Mme Maccarone : …Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Merci beaucoup, M. Bédard et Mme Plourde,
d'avoir été présents avec nous et d'avoir répondu à nos questions cet
après-midi. Merci pour votre contribution à la commission.
Et, sur ce, nous suspendons les travaux
quelques instants.
Des voix
: Merci. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bonne fin d'après-midi.
Des voix
: Au revoir.
(Suspension de la séance à 15 h 48)
16 h (version non révisée)
(Reprise à 16 h 03)
La Présidente (Mme Guillemette) :
La commission reprend ses travaux. Donc, nous accueillons le Dr Paul Saba, médecin
de famille, accompagné de Me Natalia Manole, avocate. Merci, merci d'être avec
nous cet après-midi. Donc, vous disposez de 10 minutes pour nous présenter
votre exposé et, par la suite il y a aura une période d'échange avec les
membres de la commission. Donc, sur ce, je vous cède dès maintenant la parole.
M. Saba (Paul) : Merci,
membres de la commission, et je vais partager ma...
La Présidente (Mme Guillemette) :
…Donc, vous disposez de 10 minutes pour nous présenter votre exposé et,
par la suite, il y a aura une période d'échange avec les membres de la commission.
Donc, sur ce, je vous cède dès maintenant la parole.
M. Saba (Paul) : Merci,
membres de la commission. Et je vais partager ma présentation avec
Me Manole. D'abord, mon nom est Dr Paul Saba, je suis médecin de
famille à Lachine, je suis aussi président du conseil des médecins de l'Hôpital
de Lachine.
La maladie mentale est l'une des
principales causes d'invalidité au Québec. Environ 20 % de la population
québécoise vivra une maladie mentale au cours de sa vie. Pourtant, moins de la
moitié de ceux qui souffrent de la maladie mentale cherchent une aide
professionnelle. Environ 1 100 Québécois vont se suicider chaque
année. Il est bien connu que même Elon Musk, le fondateur de Tesla et de
SpaceX, a le syndrome d'Asperger. Si la Loi visant l'aide médicale à mourir est
élargie et si M. Musk décide de déménager et de venir un citoyen du
Québec, du Canada… des gens comme ce dernier pourraient être euthanasiés.
La récente pandémie de COVID a augmenté la
dépression parmi les Canadiens, avec le plus grand impact sur les groupes
marginalisés, y compris les jeunes adultes, les personnes handicapées, les
pauvres, ceux qui ont des troubles de santé mentale préexistants, les
autochtones, les femmes et ceux qui s'identifient comme LGBTQ2+.
Le médecin de famille est souvent le
premier point de contact pour une personne ayant un problème de santé mentale.
Plus de 50 % des personnes atteintes de troubles mentaux reçoivent des
soins de santé mentale de leur médecin de famille, souvent sans la
participation d'autres fournisseurs de soins. Cependant, pour être en mesure de
prodiguer des soins de santé mentale optimaux, le médecin de famille a besoin
d'être soutenu par des psychiatres et des psychologues, des spécialistes
auxquels les patients n'ont pas toujours un accès rapide.
En fait, notre système de… social de santé
est déficient pour les personnes atteintes des troubles mentaux. Il n'offre pas
toutes les options thérapeutiques requises permettant d'espérer que le consentement
est véritablement éclairé, c'est-à-dire fait en toute connaissance de cause.
La population ayant des problèmes de santé
mentale est également susceptible de se suicider…
M. Saba (Paul) : …requises
permettant d'assurer que le consentement est véritablement éclairé,
c'est-à-dire fait en toute connaissance de cause. La population ayant des
problèmes de santé mentale est également susceptible de se suicider et de
chercher l'aide à l'euthanasie. J'ai récemment parlé à un thérapeute
travaillant dans le domaine de la prévention du suicide. Elle avait comme
patiente une femme de 26 ans qui voulait désespérément mourir à cause d'une
dépression. La thérapeute a réussi à la convaincre de vivre pour s'occuper de
son chien. Parce qu'il y a toujours une raison de vivre, mais en tant que
soignants nous devons trouver cette raison pour que la personne veuille vivre.
Personne ne veut vraiment se suicider, les
gens veulent simplement mettre fin à la souffrance. Nous devons les aider à
soulager leur souffrance. Dans ce mémoire, je veux vous montrer qu'il n'est pas
dans l'intérêt des Québécois d'élargir les critères de tuer nos concitoyens et
tous ceux qui souffrent de problèmes de santé mentale et de déclin cognitif. Au
Québec, nous avons la responsabilité d'améliorer notre système de santé pour
les personnes atteintes de problèmes de santé mentale, incluant un accès rapide
aux psychiatres, psychologues et travailleurs sociaux. Nous devons aussi
assurer des logements abordables, des revenus adéquats pour manger, les
traitements adéquats pour soulager les douleurs physiques, tels la
physiothérapie. Pour les personnes atteintes de déclin cognitif, nous devons
investir davantage dans la recherche et le développement de traitements
prometteurs pouvant non seulement ralentir la progression de maladies, mais
inverser la déficience cognitive. Nous devons offrir plus de support pour les
aidants naturels. Le Québec va devenir une société qui donnerait un jour les
meilleurs soins aux personnes souffrant d'un problème de santé mentale ou d'un
déficit cognitif plutôt que de les tuer, et peut-être même un jour de les
guérir.
Merci, et je cède la parole à Me Manole.
Mme Manole (Anamaria Natalia) :
Alors, bonjour, membres de la commission. Je suis avocate en droit civil, en
litiges civils, et en fait je dois vous faire part de mes observations à la
cour. Donc, récemment, j'ai des dossiers où les personnes qui sont atteintes de
maladie mentale contestent en fait le fait d'avoir signé un…
Mme Manole (Anamaria Natalia) :
...civil, en litige civil, et en fait, je dois vous faire part de mes observations
à la cour. Donc, très souvent, j'ai des dossiers où les personnes qui sont
atteintes de maladie mentale contestent, en fait, le fait d'avoir signé un
document, et la raison étant le consentement vicié. Donc, très souvent, en
fait, pour l'achat d'un immeuble, pour l'achat d'une voiture, peu importe, en
fait, la personne considère qu'elle n'était pas apte, en fait, à donner son consentement.
Et c'est le même consentement dont on a besoin pour signer une voiture ou un
immeuble. C'est le même consentement pour l'aide médicale à mourir.
• (16 h 10) •
Et je dois vous avouer que, dans tous les
dossiers judiciaires où j'agis en tant qu'avocate à la cour, et où on se pose
le problème du consentement de la personne, il y a au moins deux experts qui
ont des opinions contradictoires, toujours sur la capacité de la personne à
donner son consentement. Donc, à la lumière du mémoire qui vous a été présenté
par Dr Saba, et suite aux débats, en fait, parlementaires, je vous soumets
qu'il est évidemment très difficile de se prononcer sur l'aptitude d'une
personne atteinte d'une maladie mentale de donner un consentement libre et
éclairé lorsque, même pour l'achat d'une voiture ou un immeuble, on se dispute
à la cour, pendant des jours et des jours, avec des experts psychiatres, qui
donnent des avis contradictoires.
Selon l'article 4 du Code civil du Québec,
toute personne est apte à exercer pleinement ses droits civils. C'est une
présomption, mais cette présomption est très... est renversée très facilement
lorsqu'il y a un diagnostic de maladie mentale. Donc, c'est à ce moment-là, en
fait, que le juge doit se prononcer sur... après avoir écouté les experts
psychiatriques, par exemple, quelle est la position qu'il va retenir pour
décider, voilà, si la personne a été apte ou non de... en fait, à consentir aux
soins, par exemple, ou à signer un contrat.
Donc, le tribunal est également souvent
appelé à se prononcer en matière de refus de soins médicaux. Les personnes
souffrant de maladie mentale refusent un traitement, et la cour, après avoir
écouté les experts, décidera si elle va ordonner des soins malgré l'absence de
consentement de la personne. Une analyse des jurisprudences nous permet de
constater que, dans la majorité des cas, c'est la protection de la personne qui
prime, au détriment des droits de la personne ou de la personnalité. Autrement
dit, très souvent, c'est... le droit de la personne de refuser des soins est
écarté...
Mme Manole (Anamaria Natalia) :
…jurisprudence nous permet de constater que, dans la majorité des cas, c'est la
protection de la personne qui prime, au détriment des droits de la personne ou
de la personnalité. Autrement dit, très souvent, c'est le droit de la personne
de refuser des soins… est écarté par le tribunal au profit de la protection de
la personne.
Le juge met en balance les risques et les
bénéfices attendus. Très souvent, c'est le meilleur intérêt de la personne qui
prime et non pas ses droits de la personne ou de la personnalité. Dans cette
perspective, le juge favorise l'intervention la moins invasive possible mais
qui aura des effets bénéfiques sur la santé de la personne.
Force est de conclure qu'on favorise la
protection de la personne au détriment de la protection de son droit à
l'autodétermination, et ce, même quand cela n'a pas pour effet le décès de la
personne.
On est d'accord sur le fait que, si le
désir de mourir était un symptôme de la maladie mentale, le consentement de la
personne serait vicié. Or, dans la plupart des cas, le désir de mourir est
effectivement un symptôme de maladie mentale. J'ai inclus, dans le mémoire, les
sources, en fait, de ces études.
Selon une étude menée par l'École de santé
publique de l'Université Harvard, neuf personnes sur 10 qui ont tenté de
se suicider ne se sont pas suicidées suivant un traitement. Donc, ils ont tenté
de se suicider et, suite à un traitement, ils sont, finalement, ils sont
décédés d'une cause naturelle.
Donc, l'étude constate qu'avec le bon
traitement, les crises suicidaires disparaissent.
Les études démontrent qu'au moins
90 % des gens qui ont mis fin à leurs jours étaient affectés par une
maladie ou trouble mental, diagnostiqué ou pas, au moment de leur suicide.
Ce sont donc les mêmes personnes, celles souffrant
de maladies mentales, neuf sur 10, qui ont eu des tentatives de suicide, qui
finalement ne veulent plus mourir grâce aux traitements médicaux.
Maintenant, quelques mots sur l'opinion
des psychiatres. J'ai pris connaissance de la position de l'Association des
psychiatres au Québec qui est favorable, en fait, à la légalisation de l'aide
médicale à mourir aux personnes atteintes de maladies mentales.
Mais je dois vous dire que les conclusions
des études que j'ai citées dans mon mémoire sont en ligne avec l'expérience des
psychiatres. Je dois vous dire que les membres de l'association ne sont pas
d'accord nécessairement avec la position de l'association.
Et, dans une étude de l'année 2017, on
mentionne qu'une grande partie des psychiatres ont eu des patients dans le
passé qui se sont rétablis d'une maladie mentale mais qui auraient probablement
demandé de recevoir l'aide médicale à mourir si elle avait été disponible.
La même étude indique que seulement
29,4 % des psychiatres canadiens…
Mme Manole (Anamaria Natalia) :
…de l'année 2017, on mentionne qu'une grande partie des psychiatres ont eu des
patients dans le passé qui se sont rétablis d'une maladie mentale, mais qui
auraient probablement demandé de recevoir l'aide médicale à mourir si elle avait
été disponible. La même étude indique que seulement 29,4 % des psychiatres
canadiens, qui incluent les psychiatres québécois, étaient en faveur de la
légalisation de l'aide médicale à mourir pour les maladies mentales.
Donc, l'association des psychiatres du
Québec ne reflète pas la position de ses membres. Selon le sondage aux
Pays-Bas, les résultats ne sont pas différents des nôtres. Sur les
1 456 médecins qui ont répondu, dont la majorité avait même pratiqué
l'aide médicale à mourir, 66 % ont trouvé inconcevable qu'ils administrent
l'aide médicale à mourir pour une maladie psychiatrique. Donc, il faut regarder
cette étude-là, elle est très importante dans un pays qui a une tradition, en
fait, de la légalisation de l'aide médicale à mourir. Je vous remercie beaucoup
pour votre attention.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, nous allons maintenant passer à la période d'échange avec
les membres de la commission, en débutant par le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Me Manole et le Dr Saba pour la clarté de vos interventions.
Pour bien situer vos propos, est-ce que je peux comprendre que votre évaluation
de la loi actuelle sur l'aide médicale à mourir au Québec, c'est que c'est non
fondé et pas… et ça ne va pas dans la direction que vous auriez souhaitée?
Et, une deuxième question, est-ce que,
pour situer vos interventions, vous rejetez la loi qui est basée sur la vision
que l'aide médicale à mourir dans les conditions très strictement balisées est
un continuum de soins de santé? Est-ce que je vise précisément?
M. Saba (Paul) : …je pense
que je vais essayer de répondre à vos questions. Comme vous savez, ma position
était toujours que l'ouverture à l'aide médicale à mourir va élargir. Même au
départ, quand la loi est passée pour les gens en phase terminale avec une
souffrance intolérable, la position était : Il ne faut pas ouvrir la
porte. Même Dr Barrette a dit qu'on va avoir juste quelques-uns qui vont
demander, puis, l'année dernière, il y a plus que 2 000 qui étaient
euthanasiées… qui a commencé pour les gens en phase terminale, maintenant,
élargie pour des gens avec des handicaps et la loi fédérale… mais maintenant
est passée, je pense, pour l'année prochaine, prévue pour créer des conditions
pour élargir pour les gens avec des problèmes de santé mentale.
Et ma position, il faut…
M. Saba (Paul) : …maintenant
élargi pour des gens avec des handicaps, et la loi fédérale, maintenant, est
passée, je pense, pour l'année prochaine… pour créer des conditions pour
élargir pour des gens avec des problèmes de santé mentale. Et ma position, il
faut utiliser une loi «notwithstanding», en français, je pense… pas exactement
dérogation, «nonobstant», une clause «nonobstant», on l'a déjà utilisée, pour
dire c'est un trop grand danger pour la population du Québec, parce que le gouvernement
a une responsabilité de protéger nos personnes qui sont marginalisées, des gens
avec de la santé mentale comme j'ai décrit. Me Manole a levé la situation que
neuf sur 10 des gens qui ont survécu à une tentative de suicide, après avoir
survécu, selon Harvard, l'étude Harvard, ils ont décidé de vivre. C'est
différent des gens qui demandent l'aide médicale à mourir, c'est 100 % qui
ne va pas survivre, pas 90 % qui va survivre, 100 % qui ne va pas
survivre.
• (16 h 20) •
Donc, c'est clair et net, et dans la
position que j'ai, dans toutes les raisons pour les gens qui ne doivent pas
être euthanasiés, toute la complexité, les changements de condition de vie, la
situation sociale, psychosociale des choses qui changent. Et nous avons une
responsabilité comme société, et je peux vous… M. le député, même si vous
n'êtes pas député présentement, mais vous savez que le gouvernement doit agir
pour aider, pour ajuster, pour élargir le filet social, pas le filet du
suicide, élargir les soins. Et je sais que le gouvernement du Québec est mal
pris, parce que le gouvernement fédéral ne donne pas les moyens adéquats. Et
nous devons combattre pour avoir plus de support du gouvernement fédéral, pas
plus de lois d'élargir le suicide assisté, parce que, malheureusement, je pense
que le gouvernement fédéral voit ça comme une calomnie, même s'ils ne disent
pas ça, parce que même j'ai cité des médecins, cité dans la littérature qu'ils
ont dit que ça va faire une économie. Les médecins ont constaté ça dans un des
articles, dans Journal of Family Medecine.
M. Birnbaum : Si je peux,
parce que le temps… merci, mais le temps est limité. Est-ce que je peux
comprendre donc qu'une de vos inquiétudes ou un de vos constats, c'est que
cette commission, le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada, par
souci d'efficacité, de la possibilité d'épargner des ressources en santé, soit
mentale ou santé médicale, cherchent à élargir l'accès…
M. Birnbaum : ...le gouvernement
du Canada, par souci d'efficacité, de la possibilité d'épargner des ressources
en santé, soit mentale ou santé médicale, cherche à élargir l'accès médical à
mourir. Est-ce que c'est ça, votre constat?
M. Saba (Paul) : Oui.
Moi, je ne pense pas que, vous comme commission, vous êtes à part, même si vous
représentez des partis politiques différents...
M. Birnbaum : Pas ici.
Pas ici. Juste pour clarifier, voilà une commission transpartisane où nous
sommes, parmi les 125 élus du Québec, sans couleur, qui délibèrent. Ça,
c'est... sont très importantes.
M. Saba (Paul) : Voilà.
Oui. Et j'espère que vous allez... Et je vous respecte, et je pense que vous
agissez en bonne foi. Le danger pour élargir, c'est que, dans nos hôpitaux, et
je siège souvent aux réunions qui disent : Il faut faire des économies. Il
faut faire des économies. On ne doit pas penser. Si un article apparaît dans
nos journaux qui dit qu'il y a un avantage financier, je pense que, dans les
pensées, les administrateurs, ils ne vont pas pousser trop fort pour les gens
de ne pas demander l'aide médicale à mourir.
Et on voit beaucoup de publicités sur la
télévision pour encourager, de publicités du gouvernement, pour... Vous avez le
droit. Et plutôt que demander vous avez le droit, il faut plutôt insister que
vous avez... nous avons une responsabilité comme société d'élargir la gamme des
services. Il ne faut pas... Et il faut fermer la porte. Il ne faut pas élargir
l'aide médicale à mourir. C'est déjà... Ça existe déjà. J'insiste qu'on ne doit
pas élargir, surtout pour ces gens pour qui on voit beaucoup d'aide
socioéconomique, familiale, des choses... Les situations changent. C'est très
variable. Et comme l'étude de Harvard l'a démontré, si des gens appellent une
première tentative, c'est de vivre à 90 %. Ils n'ont pas une deuxième
chance quand on donne une injection.
Mme Manole (Anamaria
Natalia) : Si vous me permettez en fait d'ajouter quelque chose. En
fait, donc, la différence entre les personnes qui souffrent d'une maladie
physique et celles qui souffrent d'une maladie mentale, évidemment, il y a
un... Il y a un élément de plus, en fait, qui s'ajoute au problème du
consentement. Donc, dans le problème de la souffrance physique, justement, la position
du Dr Saba était à l'effet qu'il n'y a pas... il n'y a pas de soins
palliatifs, un accès aux soins médicaux en général pour que le consentement
soit libre et éclairé.
Et dans la situation, maintenant, qui se
pose avec les maladies mentales, il y a un facteur de plus. C'est la capacité
physique, tout simplement, de la personne de donner un consentement libre et
éclairé. Et comme je disais, justement, dans ma présentation, les psychiatres,
ils sont... sur la capacité de la personne de donner un consentement pour
acheter une voiture...
Mme Manole (Anamaria
Natalia) : ...c'est la capacité physique tout simplement de la personne
de donner un consentement libre et éclairé. Et comme je disais justement dans
la présentation, les psychiatres qui sont en France sur la capacité de la personne
de donner un consentement pour acheter une voiture. Comment est-ce qu'on va
faire une commission de 100 psychiatres, et ils vont voter, pour voir si
la personne est apte ou pas à donner son consentement pour l'injection léthale?
Donc, c'est ça, la différenceentre la situation antérieure avec les souffrances
physiques et la situation de la personne atteinte d'une maladie mentale. Il y a
un élément de plus qui s'ajoute au consentement. Et dans la plupart des cas,
comme nous l'avons indiqué en fait dans les études, le désir de mourir est un
symptôme, dans la plupart des cas, de la maladie, c'est un symptôme de la
maladie mentale. Dans les autres maladies en fait, c'est le désir de la
personne de mourirm, mais c'est un symptôme en fait.
M. Birnbaum : Y a-t-il un
danger de créer deux dichotomies qui n'existent pas vraiment? Vos
préoccupations, Dr Saba, sur la disponibilité des services, le manque
d'accès aux services est criant. On l'a entendu de plusieurs, et nous sommes
très sensibles. Est-ce que vous êtes en train, par contre, de suggérer que le
moindre élargissement à l'aide médicale à mourir va faire en sorte que ce
manque de services va s'accroître parce qu'on va moins concentrer sur la nécessité
d'offrir des services? Voilà une des dichotomies qui me préoccupe. Est-ce que
vous êtes aussi en train de dire que, baliser de façon claire et nette, de
considérer des demandes d'accès médical à mourir risque en quelque part de
promouvoir l'option de la suicide? Deuxième dichotomie, c'est ça que j'entends de
vous. Est-ce que c'est ça?
M. Saba (Paul) :
Absolument, oui. Je ne peux pas prévoir si le gouvernement va dépenser plus ou
moins, dans l'avenir, pour les services sociaux. Je ne peux pas me prononcer,
mais c'est sûr, ils sont manquants.
Deuxièmement, quand vous faite la
promotion, si... quand le médecin dit : Voici vos options. Et les options,
y compris le suicide assisté, l'euthanasie, c'est comme le médecin donne une
approbation. Moi, je n'avais jamais suggéré un consultant que je sais qu'il n'est
pas le meilleur pour mes patients et peut nuire à sa sécurité et sa vie. Mais,
avec le suicide assisté, c'est 100 %, ça va nuire à sa vie.
Et j'ai cité, dans mon livre Fait pour
vivre, un médecin dans le pays belge… Pays-Bas, avant, et toujours il
dit : Vous avez une option pour l'euthanasie...
M. Saba (Paul) : …100 %,
ça va nuire à sa vie. Et j'ai cité, dans mon livre Fait pour vivre, un
médecin dans les pays belges… Pays-Bas, avant, toujours, il dit : Vous
avez une option pour l'euthanasie. Il a dit quand il a suggéré l'euthanasie,
neuf sur 10 de ses patients ont accepté l'euthanasie. Il a dit : Je
ne vais plus utiliser ce mot euthanasie — ici, au Québec, on dit aide
médicale à mourir — et comme il ne suggère plus ça, neuf sur 10
ne cherchent pas l'euthanasie ou l'aide médicale à mourir. Donc, le fait que le
médecin fait une suggestion, c'est comme une promotion.
M. Birnbaum : Justement,
est-ce que c'est votre constat que plusieurs de vos collègues médecins au
Québec, lorsqu'ils vont faire le bilan des traitements possibles… un de leurs
patients, admettons, atteint d'une maladie très grave, soit mentale ou
physique, est-ce que c'est votre constat que plusieurs de vos collègues, en
respectant leurs obligations d'Hippocrate et professionnelles, vont, en dedans
d'une liste de traitements possibles, vont dire : Bon, on peut intervenir
avec un traitement x, on peut faire de la chimiothérapie ou on peut se…
recourir à l'aide médicale à mourir. C'est votre perception, c'est que… comme
ça que vous collègues vont agir advenant l'élargissement?
M. Saba (Paul) : Oui. Et je
siège sur un comité et j'ai constaté ça, même dans mes expériences personnelles
où même un de mes collègues médecins a insisté, malgré que la direction a dit
que le patient n'a… ne… n'a pas…
Une voix
: …
M. Saba (Paul) : …elle ne
mettait pas aux critères… insistait sur les critères. J'ai été obligé de faire
venir un troisième médecin pour, un peu, calmer le feu. Parce que les gens
deviennent tellement pro-aide médicale à mourir que c'est difficile, des fois,
de calmer le feu, pas tous, mais certains.
Et c'est ça qui est apparent, parce que
c'est une grande minorité. Même, vous voyez, dans les recherches pour
l'Association psychiatrique du Canada, la majorité des psychiatres, même des…
70 % des psychiatres, et aussi au Québec, dans leurs études, étaient
contre l'extension de l'aide médicale à mourir pour les gens avec des problèmes
psychiatriques.
M. Birnbaum : Écoutez, j'ose
croire que le médecin que vous venez de citer sera susceptible, et je l'espère,
à être rayé par son ordre.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Donc, nous poursuivons nos échanges avec la députée
de Joliette.
• (16 h 30) •
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour à vous deux. Merci de votre présentation. Pour poursuivre dans la même
veine que mon collègue de D'Arcy-McGee, moi aussi, j'espère que si des
collègues voient des collègues ne pas respecter la loi, faire des gestes
illégaux, que les autorités sont saisies, notamment, évidemment…
16 h 30 (version non révisée)
Mme
Hivon
: …oui,
bonjour à vous deux, merci de votre présentation. Pour poursuivre dans la même
veine que mon collègue de D'Arcy-McGee, moi aussi j'espère que si des collègues
voient des collègues ne pas respecter la loi, faire des gestes illégaux, que
les autorités sont saisies, notamment, évidemment, le Collège des médecins et
plus s'il le faut. L'autre remarque que je voulais faire, c'est qu'il est très
clair dans la loi que la demande, en tout temps, doit provenir de la personne.
Ce n'est pas une offre, ce n'est pas un médecin qui suggère, c'est une demande
qui doit venir du patient. Alors, ça aussi je voulais juste le rappeler, que c'est
quelque chose qui, à travers tous les débats, a toujours été souligné à grands
traits, puis, Dr Saba, vous ne serez pas surprise que je revienne sur la
question des coûts quand vous laissez entendre que cela serait mis de l'avant
pour faire des économies. Je ne pense pas du tout que c'est le cas, ça n'a
jamais été une motivation, bien évidemment, et c'est important pour nous de
s'inscrire en faux contre cette idée, et je vous dirais même qu'il y a beaucoup
de médecins qui nous disent que c'est une charge de travail très, très
considérable, et que ces évaluations-là, les documents à remplir, le travail de
la commission des soins de fin de vie, ce sont en soi aussi des coûts. Donc, je
ne veux pas m'embarquer là-dedans, parce que je ne pense pas que c'est une
analyse économique qu'on doit faire, mais je trouvais ça quand même important
de remettre les pendules à l'heure sur ce sujet-là.
Par ailleurs, je comprends très bien votre
point de vue sur la question des troubles mentaux. Vous savez qu'une partie des
raisons pour lesquelles on débat de la question des troubles mentaux, c'est
parce que le critère de fin de vie a été invalidé par les tribunaux, donc ce
n'est pas le législateur seul qui a décidé de faire ce débat-là, il est forcé
aussi par cette décision-là et peut-être que ma question s'adresse davantage à
Me Manole, mais vous savez qu'à la base de ce questionnement-là, c'est beaucoup
une question de discrimination potentielle qui pourrait être invoquée si les
troubles mentaux étaient exclus. Donc, je sais que vous êtes d'abord une
spécialiste en litige civil, mais j'aimerais avoir votre point de vue sur cette
question-là. Est-ce que c'est inévitable, selon vous, que l'argument de la
discrimination va faire son chemin?
Mme Manole (Anamaria Natalia) :
Bien, en fait, Mme la députée, justement, je travaillais avec Dr Saba dans le
dossier sur l'aide médicale à mourir pendant quelques années, et c'était
justement suite à l'arrêt Carter, qui a été rendu par la Cour suprême, et pour
l'instant c'est, en fait, l'arrêt de la Cour suprême, c'est le dernier arrêt de
la Cour suprême qui a été rendu en la matière, et dans cet arrêt-là on parlait
justement de souffrance physique. Donc, je crois que vous faites référence à
l'affaire Truchon évidemment, ici au Québec, mais…
Mme Manole (Anamaria Natalia) :
...c'est le dernier arrêt de la Cour suprême qui a été rendu en la matière et
donc, dans cet arrêt-là, on parlait justement de souffrances physiques. Donc,
je crois que vous faites référence à l'affaire Truchon, évidemment, ici, au Québec,
mais, en fait, la Cour suprême s'est déjà prononcée dans l'arrêt Carter, ...
Carter, sur la souffrance physique. Les personnes, en fait, qui avaient fait
appel avaient demandé à la cour en Colombie-Britannique la permission d'avoir accès
à l'aide médicale à mourir et souffraient de maladies physiques.
Et donc, la Cour suprême s'est prononcée
sur ce sujet-là. À cette époque-là, ce n'était pas une question de maladie
mentale seulement. Donc, c'est maintenant qu'on se pose cette question-là, mais
la Cour suprême elle-même, elle n'a pas considéré que c'était discriminatoire
envers les personnes atteintes de maladies mentales, de parler des personnes
qui souffraient de... qui avaient des souffrances physiques. La Cour suprême
n'a jamais dit que cette règle-là ou que sa position s'appliquait également aux
personnes qui étaient atteintes d'une maladie mentale uniquement, jamais.
Donc, je ne sais pas, si on allait devant
la Cour suprême en ce moment, si la Cour suprême serait prête à déclarer que
oui, l'aide médicale à mourir serait discriminatoire de ne pas appliquer cette
loi aux personnes atteintes de maladies mentales.
Mme
Hivon
: Tout
à fait. Je vous suis parfaitement. La question n'était pas à l'attention des
tribunaux. En fait, la raison pour laquelle je vous pose la question, c'est
que, et revue dans la loi fédérale du fait du retrait du ... de fin de vie ou
de mort raisonnablement prévisible, compte tenu que le critère est une maladie
et incurable, qui, à l'origine, évidemment, vu qu'il fallait être en fin de
vie, n'incluait pas la maladie mentale parce que la seule maladie mentale ...
en fin de vie, c'est comme si ça prend une exclusion expresse, puisque les
critères actuels pourraient inclure la maladie mentale, d'où ma question, à
savoir si la prochaine étape, ça serait de dire qu'il y a une discrimination,
mais j'entends très bien votre point de vue.
Et puis, moi, j'ai très peu de temps, donc
peut-être que mon temps tire à ma fin... à sa fin...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Allez-y, on a un petit peu de temps.
Mme
Hivon
:
Autre petite question, vous ne l'avez pas abordée, mais j'imagine que votre
position est la même pour une éventuelle demande anticipée, c'est-à-dire que
vous vous opposez, je présume, mais vous me donnerez votre point de vue sur la
question des demandes anticipées en prévision d'une inaptitude.
Mme Manole (Anamaria Natalia) :
Premièrement, en fait, je veux juste retourner à votre point précédent, en ce
qui concerne la discrimination. Non seulement la Cour suprême ne s'est pas
encore prononcée sur la maladie mentale pour l'aide médicale à mourir, mais si
on parle, en fait, de la discrimination, c'est sûr qu'on va parler, par la
suite, des enfants... Donc, c'est sûr qu'on ouvre la porte, en fait, à toutes
sortes de discriminations. C'est ce que le Dr Saba disait, en fait, dès le
début de sa lutte contre l'aide médicale à mourir, c'était que, lorsqu'on ouvre
cette porte, en fait...
Mme Manole (Anamaria Natalia) :
...pour l'aide médicale à mourir. Mais si on parle, en fait, de la discrimination,
c'est sûr qu'on va parler, par la suite, des enfants... Donc, c'est sûr qu'on
ouvre la porte, en fait, à toutes sortes de discriminations. C'est ce que le Dr
Saba disait, en fait, dès le début de sa lutte contre l'aide médicale à mourir.
C'était que, lorsqu'on ouvre cette porte, en fait, après tout le monde, c'est
sûr qu'on va dire c'est discriminatoire, quand les enfants, les personnes
malades mentales, et... aussi à la cour.
Je dois vous avouer que le gouvernement,
le Procureur général du Québec et celui du Canada, justement, ils avaient pris
la position que pas du tout. Ça s'applique uniquement aux personnes en fin de
vie qui souffrent, qui ont des maladies physiques. Et ils ont même convaincu la
cour du fait que ça ne l'élargit pas, ça ne s'applique pas aux personnes qui
souffrent de maladie mentale, ça ne s'applique pas aux enfants, donc. Et après,
on a ouvert la porte, en fait, à ces personnes, on ouvre la porte, en fait, à
ces personnes-là également. Donc, on peut continuer le débat sur la discrimination.
Bon, maintenant, pour retourner à votre deuxième
question, l'argument, ce n'est pas le même, en fait. Donc, pour la demande par
anticipation, hein, c'est sûr, ce n'est pas la même situation que la personne
qui est déjà atteinte d'une maladie mentale, là, où on se pose la question si
elle est apte à donner son consentement lors de la demande. C'est sûr qu'ici
c'est difficile de se prononcer parce qu'on n'a pas... De toute façon, moi, je
crois que le consentement, c'est sûr... Il y a une absence de consentement, en
fait, pour une personne qui souffre d'une maladie neurodégénérative. Un déclin
cognitif, il y a déjà une absence de consentement lors de l'administration de
l'aide médicale à mourir.
Donc, à mon avis, le problème, c'est...
dans le cas de la personne atteinte d'une maladie mentale, elle est inapte à
donner son consentement lors de la demande et lors de l'administration de
l'injection létale. Et dans le cas de la personne qui fait la demande par
anticipation, bien, c'est lors de l'administration. Donc, c'est sûr qu'à mon
avis les deux... dans les deux situations, aux deux moments, en fait, il
devrait y avoir... Je veux dire... Mais ce n'est pas possible d'avoir un
consentement... mais à mon avis, ce n'est pas possible de l'avoir, donc. En
théorie, mais en pratique, c'est impossible.
Mais, oui, il faut avoir un consentement
lors de la demande et lors de l'administration. Sauf que, comme le Dr Saba le
disait, c'est que, dans une société, bon, disons, qui offre plus de soins, en
fait, où le délai d'attente n'est pas de six mois pour consulter un psychiatre,
peut-être que cette personne-là ne demanderait jamais, en fait, l'aide médicale
à mourir.
Mme
Hivon
:
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, je passerais la parole à la députée de
Saint-François.
Mme
Hébert
:
...Mme la Présidente. Merci, Dr Saba et Me Manole…
Mme Manole (Anamaria Natalia) :
…demanderait jamais, en fait, l'aide médicale à mourir.
Mme
Hivon
:
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, je passerais la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
: Mme
la présidente, merci. Dr Saba et Me Manole…
Mme Manole (Anamaria Natalia) :
Excusez-moi, on ne vous entend pas.
Mme
Hébert
:
Vous ne m'entendez pas?
Mme Manole (Anamaria Natalia) :
Bien, très, très peu. Très mal en fait.
• (16 h 40) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
On ne vous entend pas tellement fort. Mme la députée, peut-être, montez votre
volume.
Mme
Hébert
:
Attendez.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Non, ça va mieux. Oui.
Mme
Hébert
: Est-ce
que c'est mieux?
M. Saba (Paul) : Oui, un peu
mieux.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Est-ce que vous entendez mieux?
M. Saba (Paul) : Oui, oui.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui.
M. Saba (Paul) : Oui,
j'entends. Oui, merci.
Mme
Hébert
:
Vous entendez ma délicate voix?
M. Saba (Paul) : …
Mme
Hébert
:
Donc, bien, je vous remercie pour votre intervention. Je comprends que… Je vais
allez dans le même sens un petit peu, là, je vais continuer sur le discours de
ma collègue, la députée de Joliette, dans le sens qu'on a un critère de fin de
vie qui a été invalidé par les tribunaux, on a la loi fédérale qui est C-7, qui
est plutôt du côté… qui a… qui vient faire une ouverture, on sait qu'en
enlevant notre critère de fin de vie qui était une balise dans notre loi, là, présentement,
on ouvre la porte à beaucoup de possibilités. C'est sûr qu'il y a toujours le
critère souffrance qui est encore là de maladie grave, incurable, mais ça
l'ouvre quand même la porte à avoir accès à l'aide médicale à mourir. Puis il y
en a beaucoup que, quand que ça ne fonctionne pas nécessairement… ce que j'ai
entendu, puis vous saurez, Me Manole, de m'aguiller, je ne suis pas du
tout qualifiée en droit… mais il y a des gens souvent, si ça ne fonctionne pas au
Québec, bien, ils vont aller du côté du Canada pour revendiquer ou pour
poursuivre leur demande, là, pour y avoir accès.
Le but de ma question, c'est de
savoir : Avez-vous pensé? Parce qu'il faut mettre… il faut remettre une
balise, il faut en mettre des balises pour être capables de bien encadrer la
loi qu'on a décidée. Et, au Québec, je sais que vous utilisez l'euthanasie,
mais au Québec, on a rendu cette euthanasie un soin de fin de vie dans un
continuum de soins. Ce n'est pas la seule offre, il y a plein d'autres soins…
fin de vie, mais ça fait partie de l'offre que la personne peut demander pour
terminer sa vie. Donc, est-ce que vous avez réfléchi à avoir certaines balises
qui devraient être mises pour nous aiguiller? Parce que c'est ça qui est l'enjeu,
là.
M. Saba (Paul) : Oui… Bien,
je vais répondre à ça. C'est une bonne question. L'Organisation mondiale de la
santé ne reconnaît pas l'euthanasie comme continuum de soins, ils mettent les
soins palliatifs à part. C'est au Québec et quelques pays qui…
Mme
Hébert
: …qui
est l'enjeu, là.
M. Saba (Paul) : O.K. Je vais
répondre à ça. C'est une bonne question. L'Organisation mondiale de la santé ne
reconnaît pas l'euthanasie comme continuum de soins, ils mettent les soins
palliatifs à part. C'est au Québec et quelques pays qu'ils disent que l'aide
médicale à mourir… Et en Belgique, ils disent «l'euthanasie»; aux Pays-Bas,
«l'euthanasie». Au moins, c'est un peu plus franc avec ce qu'ils font, c'est à
part, ce n'est pas un continuum. C'est ici au Québec qu'on le reconnaît comme
un continuum. Moi, je préfère qu'au lieu de… mettre ça à part, O.K., et,
disons, regardons le besoin des vrais soins. Pour moi, ce n'est pas un soin,
ça, c'est afin d'éliminer des gens, tu sais, comme… Même que dire «scraper»
quelqu'un, ce n'est pas, peut-être, l'idée de tout le monde de scraper
quelqu'un, mais c'est vraiment… ils finissent leur vie rapidement.
Des balises. Je dis : Il n'y a pas de
balises pour mettre fin à quelqu'un. Tu peux mettre n'importe quelles balises,
mais c'est en fin de compte : la personne ne va pas survivre, O.K. Et,
toujours, on était en train de changer les balises, ce qu'on fait maintenant.
C'est pourquoi j'ai insisté… on ne devrait pas, jamais, ouvrir la porte,
n'empêche ce que le fédéral dit. On n'est pas obligés de suivre le premier
ministre du Canada. N'importe ce que son gouvernement est en train de mettre en
place, nous avons les… la clause… oui, «notwithstanding», je pense que c'est…
Mme
Hébert
:
«Nonobstant».
M. Saba (Paul) :
…«nonobstant», oui, «nonobstant», et nous pouvons faire de mieux que le reste
du Canada. Il y a des gens qui veulent par exemple chercher des traitements au
Mexique. Est-ce qu'on doit avoir tout le panier de services qu'ils font, des
charlatans qui font toutes sortes de traitements? Moi, pour moi, l'aide
médicale à mourir, c'est un traitement de charlatans, c'est-à-dire qu'on n'a
plus de… on a décidé : il n'y a plus rien à faire, on va donner l'accès.
On a des soins palliatifs qui soulagent les souffrances. Ça, c'est les mêmes…
l'Association médicale mondiale, 110 pays, plus de 10 millions… personnes
disent que ce n'est pas un soin, on ne doit pas suivre cette ligne de
traitement, ce n'est pas un traitement.
On est ici au Québec, et malheureusement…
Je suis né au Québec, mon père est né au Québec, je me considère une personne
souche du Québec, parce qu'on peut s'identifier. Moi, peut-être, je peux dire
que je suis un Québécois de souche, malgré que mes parents, grands-parents
venaient du Liban, mais, tu vois, aujourd'hui, on peut s'identifier comme on
veut.
Mais, en vérité, on peut faire du mieux
que le restant du Canada, le restant du monde, nous avons des gens très
scolarisés. On a des champs de recherche les meilleurs du monde, et nous devons
faire du mieux. On doit faire plus de traitements, donner un plus grand support
pour nos gens marginalisés. C'est ça que…
M. Saba (Paul) : …du mieux que
le restant du Canada, le restant du monde. Nous avons des gens très scolarisés.
On a des champs de recherche, les meilleurs du monde, et nous devons faire du
mieux. On doit faire plus de traitements, donner un plus grand support pour nos
gens marginalisés. C'est ça que je souhaite.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, Mme la députée. C'est tout le temps que nous
avions. Merci, Dr Saba et Me Manole, d'avoir été avec nous aujourd'hui et
d'avoir répondu à nos questions.
Donc, sur ce, je suspends les travaux de…
nous ajournons les travaux jusqu'à lundi le 23 août, à 9 h 30, où la
commission reprendra son mandat.
Merci encore à vous deux pour votre
collaboration.
(Fin de la séance à 16 h 46)