Journal des débats (Hansard) of the Select Committee on the Evolution of the Act respecting end-of-life care
Version préliminaire
42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Monday, August 23, 2021
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Vol. 45 N° 14
Special consultations and public hearings on the Evolution of the Act respecting end-of-life care
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Intervenants par tranches d'heure
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Guillemette, Nancy
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Marissal, Vincent
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Hivon, Véronique
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Blais, Suzanne
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Hébert, Geneviève
9 h 30 (version révisée)
(Neuf heures trente et une minutes)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bonjour, tout le monde. Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission spéciale sur l'évolution
de la Loi concernant les soins de fin de vie ouverte. La commission est réunie
virtuellement aujourd'hui afin de procéder aux consultations particulières et
auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de
vie.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire
: Non, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Aussi, j'aimerais avoir le consentement de tous pour permettre au député
de Chomedey de participer à la séance. Consentement, Mme la secrétaire. Donc,
cet avant-midi, nous entendrons par visioconférence les groupes et témoins
suivants : la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec,
L'Association des groupes d'intervention en défense de droits en santé mentale
du Québec et la Fédération interprofessionnelle de la santé du
Québec.
Donc, sans plus attendre, nous accueillons
nos deux premiers invités : la Fédération des médecins omnipraticiens du
Québec représentée par le Dr Louis Godin, président, et le Dr Claude Rivard,
président de l'Association des médecins omnipraticiens Richelieu—Saint-Laurent.
Bienvenue et merci d'être avec nous, messieurs, ce matin. Donc, vous disposez
de 10 minutes pour nous présenter votre exposé et, par la suite, il y aura un
échange avec les membres de la commission. Donc, sans plus tarder, messieurs,
je vous cède la parole.
(Visioconférence)
M. Godin (Louis) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Je tiens d'abord à vous remercier, ainsi que Mmes,
MM. les députés, là, de nous donner l'occasion de vous exprimer notre position
concernant la consultation que vous menez dans le cadre de la Commission
spéciale sur l'évolution
de la Loi concernant les soins de fin de vie. Comme vous l'avez mentionné, je
suis accompagné du Dr Claude Rivard qui est un médecin de famille. Le Dr Rivard
est président de l'Association des médecins de Richelieu—Saint-Laurent, membre
du conseil d'administration de la fédération, mais aussi un médecin qui a été
très impliqué dans l'administration des soins… de l'aide médicale à mourir au
cours des dernières années.
Comme mentionné dans notre mémoire au tout
début, les médecins de famille sont probablement les professionnels les plus
impliqués dans l'aide médicale à mourir, plus de 85 % des aides… de
l'administration d'aide médicale à mourir au cours…
M. Godin (Louis) :
...mourir au cours des dernières années.
Comme mentionné dans notre mémoire au tout
début, les médecins de famille sont probablement les professionnels les plus
impliqués dans l'aide médicale à mourir. Plus de 85 % des aides... de
l'administration d'aide médicale à mourir au cours des... depuis
l'autorisation, il y a maintenant un peu plus de cinq ans, sont des médecins de
famille. Et donc les médecins de famille occupent une place très importante
dans ce secteur-là.
Nous allons aujourd'hui vous partager nos
avis concernant les deux questions que vous nous soulevez, soit l'élargissement
de l'aide médicale à mourir aux personnes en situation d'inaptitude ainsi que
l'élargissement de l'aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème
médical est un problème de santé mentale. Au-delà de notre position comme telle
sur ces deux sujets là, nous aurons des commentaires plus spécifiques en lien
avec ces deux situations là.
En ce qui concerne l'élargissement de
l'aide médicale à mourir aux personnes en situation d'inaptitude, d'entrée de
jeu nous vous signalons que nous sommes d'accord avec les modifications
législatives qui ont été apportées en juin 2021 suite à un consensus
exprimé par l'ensemble des parlementaires en vue de modifier la Loi concernant
les soins de fin de vie afin de permettre l'administration de l'aide médicale à
mourir aux personnes en fin de vie devenues inaptes à consentir.
Notre fédération est d'accord pour que
nous allions plus loin que ça. Nous sommes favorables à étendre la possibilité
d'aide médicale à mourir à l'ensemble des personnes inaptes, c'est-à-dire que
nous serons favorables à ce que les Québécois, même s'ils ne sont pas en fin de
vie, puissent à l'avance, sans limites de temps, à l'intérieur de directives
médicales anticipées, pour toutes conditions incluant les troubles
neurocognitifs, stipulent par écrit leurs volontés en prévision de leur
inaptitude possible à venir.
Naturellement, pour procéder dans cette
perspective-là, il y a certains éléments qui nous apparaissent importants
cependant de baliser. D'abord, c'est que toutes les considérations entourant
cette ouverture à l'aide médicale à mourir doivent être fondées essentiellement
et uniquement sur la volonté du patient et non pas sur celle d'un tiers. Cette
inaptitude devra être constatée par une équipe soignante de façon totalement
indépendante, sans influence extérieure. Et cette évaluation finale pour
déterminer l'inaptitude en fonction des critères qui auraient été déterminés
par le patient antérieurement, doit être le fruit d'une mécanique claire,
indépendante des intérêts des ayants droit par exemple. L'évaluation finale...
M. Godin (Louis) : …finale,
pour déterminer l'inaptitude en fonction des critères qui auraient été
déterminés par le patient antérieurement, doit être le fruit d'une mécanique
claire, indépendante des intérêts des ayants droit, par exemple. L'évaluation
finale attestant du respect des critères pourra, naturellement, se faire par le
médecin traitant mais pourrait aussi être, essentiellement, confiée à une autre
équipe de médecins en s'assurant, naturellement, que le médecin traitant puisse
être consulté dans ces cas-là.
Nous soulignons également que le médecin
qui administre le protocole médicamenteux puisse le modifier si le patient
inapte a un comportement qui pourrait supposer un refus ou qui rendrait son
consentement antérieur incertain.
En ce qui concerne l'élargissement aux
personnes souffrant d'un trouble de santé mentale seulement, nous sommes
également d'accord avec cette modification-là. Cependant, pour nous, un cadre
spécifique d'application devrait s'appliquer au-delà des règles actuelles, et
là, on entend par là deux éléments, un, qu'une évaluation soit faite par
deux médecins psychiatres pour déterminer de l'éligibilité d'un patient à
recevoir l'aide médicale à mourir, que la période d'évaluation soit
suffisamment longue pour permettre de s'assurer que l'évaluation est la plus
objective, et si un médecin de famille était un des médecins traitants de ce
patient-là, qu'il puisse être consulté.
Nous réitérons également que dans les
deux cas où il y aurait élargissement de la loi permettant l'admissibilité
à l'aide médicale à mourir, que les médecins qui l'administreront… parce
qu'encore… comme c'est actuellement le cas, une grande majorité de patients qui
recevront l'aide médicale à mourir le seront par un médecin qui, souvent, n'est
pas le médecin traitant de ces patients-là, donc que les médecins qui
l'administrent devraient avoir nécessairement le support nécessaire pour faire
leur travail.
Donc, en terminant, si je reprends les
principales recommandations, quant à l'inaptitude, on est… la fédération est
d'accord que les Québécois puissent bénéficier de l'aide médicale à mourir,
même s'ils perdent leur aptitude à y consentir avant son administration, que
les Québécois puissent, à l'avance, même s'ils ne sont pas en fin de vie, sans
limites de temps et à l'intérieur des directives médicales anticipées, pour
toute condition, incluant les troubles neurocognitifs, stipuler, par écrit, en
prévision de leur inaptitude future, que les considérations entourant
l'administration de l'aide médicale à mourir en situation d'inaptitude soient
fondées sur la volonté du patient et non pas sur celle de tierces personnes,
que l'inaptitude d'une personne soit constatée en fonction d'une mécanique
claire qui respecte les choix de celle-ci et par une équipe soignante…
M. Godin (Louis) : ...du
futur, que les considérations entourant l'administration de l'aide médicale à
mourir en situation d'inaptitude soient fondées sur la volonté du patient et
non pas sur celles de tierces personnes, que l'inaptitude d'une personne soit
constatée en fonction d'une mécanique claire qui respecte les choix de
celle-ci, par une équipe soignante indépendante, que l'évaluation finale attestant
du respect des critères par la personne puisse être faite par un autre médecin
que le médecin traitant, et finalement que le médecin qui administre le
protocole médicamenteux puisse le modifier si le patient inapte développe un
comportement qui pourrait supposer un refus ou qui rendrait son consentement
antérieur. À ce sujet-là. Le Dr Rivard, durant la période de questions,
pourra être beaucoup plus explicite sur... par des exemples précis.
• (9 h 40) •
Finalement, pour ce qui est des troubles
mentaux, que l'aide médicale à mourir soit admissible aux personnes dont le
seul problème médical est un trouble mental, que les demandes d'aide médicale à
mourir faites par des personnes atteintes d'un trouble mental soit l'objet d'un
cadre spécifique d'évaluation et d'application dans lequel l'expertise d'au
moins deux psychiatres est mise à contribution, que, le cas échéant, le médecin
de famille traitant puisse être consulté. Et nous réitérons qu'en aucune
circonstance le médecin ne puisse être obligé de procéder à l'aide médicale à
mourir.
Voilà, Mme la Présidente, succinctement,
les commentaires que la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec
voulait vous livrer en regard de cette consultation sur l'élargissement de
l'aide médicale à mourir. Et je vous remercie de votre attention, et nous
sommes naturellement disposés à répondre à vos questions. Merci.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Donc, nous allons maintenant
procéder à la période d'échange avec les parlementaires, en débutant par le
député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, tout le monde. Merci, Drs Godin et Rivard, pour
votre présentation qui est claire, concise et explicite. Là, vous avez ouvert
la porte, Dr Godin, à ce que Dr Rivard nous donne des exemples. Je
vais l'inciter à le faire. Mais, d'abord, je vais vous poser une question.
Tout ce que vous dites évidemment quant à
votre ouverture pour des patients devenus inaptes, c'est après, je présume, un
diagnostic. Ce qui exclurait, par exemple, des AVC, traumatismes crâniens ou
autres. Mais je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, là. Est-ce
qu'on part d'un diagnostic dans votre thèse?
M. Godin (Louis) : Non.
La discussion que nous avons eue et que nous avons partagée avec nos membres,
ça pourrait même être avant un diagnostic.
M. Marissal : O.K. donc
AVC, traumatisme...
M. Godin (Louis) : AVC,
traumatisme crânien sévère, etc. Naturellement que ça impliquerait
nécessairement que les conditions d'application, si on veut, la... ce qui...
alors que le patient décrirait dans quel état précis il veut se retrouver en
cas d'inaptitude, pour qu'il puisse recevoir l'aide médicale à mourir pourrait
être nécessairement précisé de façon très, très claire, et c'est probablement
un petit peu plus difficile de façon prospective dans des situations comme
celles-là que si vous avez déjà un diagnostic d'une maladie neurologique
dégénérative, par exemple.
M. Marissal : Oui.
Mais...
M. Godin (Louis) : … en cas
d'inaptitude, pour qu'ils puissent recevoir l'aide médicale à mourir, devra
être nécessairement précisé de façon très, très claire, et c'est probablement
un petit peu plus difficile de façon prospective dans des situations comme
celles-là que si vous avez déjà un diagnostic d'une maladie neurologique
dégénérative, par exemple.
M. Marissal : Oui, mais vous
savez probablement, pour avoir suivi nos travaux, que vous êtes un des rares
groupes témoins à aller là. C'est intéressant, je vous entends, puis ça fera
partie de nos réflexions, j'en suis sûr. Maintenant, j'ai très peu de temps,
puis vous avez grandement ouvert la porte au Dr Rivard… alors je ne vais même
pas poser la question, je pense que vous savez où je m'en vais, Dr Rivard, s'il
vous plaît, nous donner les… justement, dont vous parliez.
M. Rivard (Claude) : Mais,
tant que… Bon, d'abord, moi, j'ai… l'aide à mourir, j'ai participé à la
première qui s'est faite en décembre 2015, ça faisait deux heures que la loi
était votée, là, acceptée par l'Assemblée nationale, et puis j'ai fait
plusieurs centaines de procédures, j'ai plusieurs fois donné le soin dans
toutes les conditions possibles. C'est sûr que dans la dernière année ça a été
plus dans un cadre à la maison, parce que les gens voulaient plus mourir à la
maison qu'en établissement. Ça fait que j'ai eu à être confronté à plusieurs
situations différentes, différents diagnostics, autant… bien, surtout du
cancer, parce que c'est presque 70 %, 75 % des demandes, là, mais
depuis que le jugement Baudouin a été rendu, maintenant, à cette heure, la
personne n'a plus besoin d'être en… dans un… Le critère d'éligibilité de soin
de vie n'a plus besoin d'être là. Si vous ouvrez la porte à quelqu'un qui
risque, dans un futur immédiat ou à court terme… à court terme, c'est dans
l'année, l'année et demie, de devenir inapte, qui a déjà un diagnostic de
démence qui est avancée puis qu'on sait que la personne, elle s'en va vers un
stade de démence, ça peut être plus facile à considérer de la même manière dont
quelqu'un qui a un cancer stade 4, mettons, mais vous avez des exemples qui ont
été publics, où les gens ont un diagnostic de maladie neurodégénérative qui
évolue, et qui vont se faire dans plusieurs années avant que le critère
d'éligibilité, dit : Je ne suis plus capable de reconnaître mes enfants,
je voudrais recevoir l'aide à mourir, ou si je ne suis plus capable de marcher,
je suis couché dans un lit, et puis je ne suis plus capable de m'habiller, de
me laver, d'aller à la toilette seul, moi, je voudrais recevoir l'aide à
mourir. Chaque personne a une manière de voir comment il voudrait avoir des
soins de fin de vie prodigués. Mais le défi avec lequel on se retrouve, c'est
que les problèmes de fin de vie… d'abord, tout le monde va avoir une fin de
vie, c'est très démocratique, la fin de vie, hein, tout le monde va en avoir une.
Et à cause que tout le monde va en avoir une, les gens, ce qu'on leur demande,
c'est de choisir la manière dont ils veulent quitter ce monde. Et si un patient
est cardiaque, hyper…
M. Rivard (Claude) : …les
problèmes de fin de vie… D'abord, tout le monde va avoir une fin de vie, c'est
très démocratique, la fin de vie, hein, tout le monde va en avoir une. Et à
cause que tout le monde va en avoir une, les gens, ce qu'on leur demande, c'est
de choisir la manière dont ils veulent quitter ce monde. Et si un patient est
cardiaque, hypertendu, diabétique… tous ces gens-là sont à risque de développer
des problèmes d'embolies, embolies cérébrales, l'ACV, des choses comme ça. Et
ça, ça peut les amener vers ce qu'on appelle une… on a plusieurs types de
démences, mais il y a une démence qu'on appelle la démence vasculaire. Il y a
certaines maladies comme la Parkinson qui, à la fin, dans les derniers stades
de la maladie, il y a des problèmes cognitifs qui peuvent s'installer. Tous ces
gens-là… au-delà du cancer, tous ces gens-là ont un potentiel de demander
l'aide à mourir avec des critères qu'ils auront eux-mêmes décidés.
Là, vous entrez dans un… c'est un panier
de crabes qui vient de s'ouvrir, parce que vous avez quelque chose qui va
s'établir, pas sur une question de jours ou de mois, comme des cancers en phase
terminale, mais d'années. Et on risque d'avoir un problème au niveau du suivi
médical. Il faut absolument que la manière dont la demande a été faite soit
enregistrée, idéalement, en rajoutant une autre directive médicale anticipée,
idéalement, avoir l'avis qui… ou la demande du patient, qu'il soit filmé avant,
devant le professionnel de la santé qui va décrire au patient : Là, vous
allez me dire exactement qu'est-ce que vous voulez avoir comme soins de fin de
vie.
Tu sais, quelqu'un qui arrive, qui
dit : Moi, si je ne suis plus capable de reconnaître mes enfants quand je
vais devenir dément, là, je veux avoir l'aide à mourir, O.K.? La question,
c'est : O.K., si vous êtes capable de reconnaître encore un de vos trois
enfants, est-ce que vous voulez avoir l'aide à mourir quand même? Là, on ouvre
un débat, là, à savoir : On le sait que le patient va un jour oublier son
troisième enfant qui était plus son aidant naturel, mais est-ce qu'il veut
avoir l'aide à mourir donnée dans ce cadre-là? Comprenez-vous? C'est…
alors, là, on a des évaluations qui doivent être faites sur… bien faites
initialement, et si moi, un jour, je prends ma retraite ou, moi-même, je meurs,
et c'est qui moi qui a évalué le patient, et c'est moi qui a obtenu sa demande
avec un consentement éclairé, bien, moi, je ne suis plus là dans cinq ans ou
10 ans, et là il faut donner le soin. Bien, le médecin qui va donner le
soin, lui, il veut être sûr que le consentement a vraiment été éclairé quand il
a été demandé… et les conditions dans lesquelles le patient demande d'avoir
l'aide à mourir sont remplis, telles qu'il les a exprimées quand que lui était
apte.
Alors, on a besoin de quelque chose qui
est comme central, qui va faire en sorte que ces demandes-là vont être ou
enregistrées, et/ou il va y avoir des critères stricts, à savoir : Moi, je
veux avoir l'aide à mourir quand je ne serai plus capable de faire telle,
telle, telle chose. Comprenez-vous? Et il faut que cinq ans plus tard, 10 ans
plus tard, le médecin soit capable de dire : Les conditions sont remplies.
M. Marissal : Je comprends. Je
vous remercie. Je n'ai plus de temps…
M. Rivard (Claude) : …faire en
sorte que ces demandes-là vont être ou enregistrées et/ou il va y avoir des
critères stricts, à savoir : Moi, je veux avoir l'aide à mourir quand je
ne serai plus capable de faire telle, telle, telle chose, comprenez-vous, et il
faut que cinq ans plus tard, 10 ans plus tard, le médecin soit capable de
dire : Les conditions sont remplies.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Marissal : Je comprends. Je
vous remercie. Je n'ai plus de temps. Dr Rivard, merci pour la réponse, Dr
Godin, également. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Nous allons continuer les échanges avec la députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour à vous deux. Merci beaucoup d'être là. J'ai aussi, moi aussi, autour de
quatre minutes, mais j'aurais beaucoup, beaucoup de questions. Dr Rivard, quand
on a eu un forum, en janvier 2020, organisé par la ministre de la Santé, sur
toute cette question de l'inaptitude et de l'aide médicale à mourir, je me
souviens que vous vous étiez levé, vous aviez fait une intervention très
pertinente en disant : Moi, j'en fais de l'aide médicale à mourir, mais
est-ce que je vais être à l'aise de pousser la seringue, si je reprends vos
mots, avec un patient à mes côtés qui n'est pas là pour le demander, qui n'est
plus apte à le demander?
Et donc, aujourd'hui, j'aimerais vous
entendre sur le niveau de confort de vos collègues et si vous pensez qu'il va y
avoir beaucoup de médecins, au sein de votre fédération, qui vont être
confortables pour administrer l'aide médicale à mourir à des personnes qui ne
sont pas aptes à le demander.
M. Godin (Louis) : Si vous…
• (9 h 50) •
Mme
Hivon
: Oui.
M. Godin (Louis) : …je me
permets de parler au nom de l'ensemble des médecins. Vous savez, Mme Hivon,
vous étiez là, lors de la première vague, appelons ça comme ça, là — ce
n'est peut-être pas un bon terme à propos ce matin, mais — et on se
posait un peu cette question-là : Est-ce qu'on aurait des médecins qui
seraient prêts à? Et finalement on s'aperçoit aujourd'hui que c'est un service
qu'on a rendu accessible à la grandeur du Québec et on a quand même un nombre
significatif de médecins qui administrent l'aide médicale à mourir. On pense
que s'il y a élargissement et si, naturellement, la mécanique pour connaître
les critères, là, d'inaptitude sont bien balisés, un peu comme le Dr Rivard
vous l'exprimait, on aura des médecins qui seront prêts à administrer l'aide
médicale à mourir pour répondre à cette demande-là. Est-ce que ce sera tous les
médecins qui en font actuellement? Ça, sûrement que non, je veux dire, mais, en
même temps, nous, on pense qu'on aura les médecins qui accepteront
d'administrer. Mais, je le répète, ça repose beaucoup sur comment ce sera
balisé, ce sera encadré. Il ne faut pas qu'il y ait de doute dans la mécanique
d'évaluation, sur le fait que la volonté que le patient a exprimée a bien été
tenue en compte à l'intérieur de ça.
À partir de ce moment-là, les
consultations que l'on a eues et les échanges qu'on a eus, avec nos membres,
nous laissent croire que, sans beaucoup de doutes, là, qu'il y aura
suffisamment de médecins pour répondre à cette demande-là.
Mme
Hivon
: Puis
vous n'avez pas… merci, Dr Godin. Vous avez bien exposé les difficultés…
M. Godin (Louis) : ...à partir
de ce moment-là, les consultations que l'on a eues et les échanges qu'on a eus
avec nos membres nous laissent croire, sans beaucoup de doutes, là, qu'il y
aura suffisamment de médecins pour répondre à cette demande-là.
Mme
Hivon
: Puis
vous n'avez pas... Merci, Dr Godin. Vous avez bien exposé les difficultés de
trouver l'adéquation parfaite entre les volontés exprimées, quelques années
avant, et le moment venu d'exercer l'aide médicale à mourir.
Vous n'avez pas parlé, dans votre
présentation, de la notion de souffrance, donc j'étais curieuse de savoir
comment vous la faites entrer en jeu. Évidemment, c'est un critère de l'article
26. Est-ce que, dans votre optique, seuls les critères... c'est-à-dire, les
éléments qui sont donnés à l'avance doivent être suivis, et donc le médecin
doit exécuter la demande si c'est je ne reconnais plus mes proches, si c'est
quand je deviens incontinente, si c'est quand je commence à faire de l'errance,
sans évaluation de la souffrance, ou vous devez, dans votre optique, évaluer la
souffrance?
M. Godin (Louis) : Bien,
écoutez, je laisserais peut-être le Dr Rivard compléter là-dessus. Mais
lorsque... Évaluer la souffrance de ces gens-là au moment où ils sont rendus
inaptes, c'est quelque chose de très difficile à l'intérieur de ça, parce qu'on
parle d'une demande anticipée. Je voudrais recevoir l'aide médicale à mourir
lorsque je ne reconnaîtrai plus mes enfants, lorsque je serai incontinent, etc.
Je présume... Si je fais ça, c'est que je présume que j'aurai une souffrance à
ce moment-là.
Mais ça, c'est la grande question qu'on a
toujours eue. Quel est le degré réel de souffrance d'une personne, lorsqu'elle
est rendue inapte, à l'intérieur de ça? Parce que, lorsqu'on fait une demande
anticipée d'une telle condition, c'est que moi, si je fais cette demande-là, je
présume que, quand je vais être dans cette condition-là, j'aurai une souffrance
qui sera, pour moi, insupportable. La grande difficulté, c'est qu'on n'a jamais
pu évaluer justement quel est le degré de souffrance d'une personne inapte,
parce que ses propos et ses réflexions sont naturellement teintés par sa
condition. Donc, ça, c'est un enjeu qui va toujours demeurer, et pour lequel on
n'a pas de réponse à l'intérieur de ça.
Et un des éléments qu'on mentionnait dans
notre mémoire, qu'on disait, il faut que le protocole puisse être ajusté si, à
la toute fin, le patient aurait un comportement qui peut laisser planer un
doute sur son consentement. Et le Dr Rivard pourra compléter, parce que c'est
un commentaire qu'il nous apportait souvent, comme d'autres médecins. J'ai un
patient qui est inapte, je m'apprête à administrer l'aide médicale à mourir. Il
a un comportement physique de retrait, il retire son bras ou, je veux dire, il
devient un peu plus agité. Est-ce que c'est parce qu'il refuse de consentir ou
est-ce que c'est un autre élément, là, qui pourrait provoquer cette...
M. Godin (Louis) : …je
m'apprête à administrer l'aide médicale à mourir, il y a un comportement
physique de retrait, il retire son bras, ou, je veux dire, il devient un peu
plus agité. Est-ce que c'est parce qu'il refuse de consentir ou est-ce que
c'est un autre élément, là, qui pourrait provoquer cette chose-là? Donc, la
question que vous soulevez, Mme Hivon, elle est excessivement difficile à
répondre, et, honnêtement, je ne prétends pas avoir… pouvoir vous éclairer
énormément là-dessus. Puis je ne sais pas s'il y a beaucoup de scientifiques
qui pourront vous éclairer là-dessus, sur la souffrance d'une personne inapte,
comment elle, elle l'évalue alors qu'elle est inapte.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, c'est tout le temps que nous avions. Nous allons passer à un
nouvel intervenant avec la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Bonjour, M. Godin, bonjour, Dr Rivard.
M. Rivard (Claude) : Bonjour.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Je
vais poursuivre sur… la députée de Joliette. Vous recommandez que le médecin
qui administre le protocole médicamenteux puisse le modifier si le patient est
inapte à développer un comportement qui pourrait supposer un refus ou qui
rendrait son consentement antérieur incertain. Pouvez-vous préciser les
situations auxquelles vous faites référence à l'intérieur de ces
recommandations?
M. Godin (Louis) : Je vais
laisser le Dr Rivard vous exposer ça, Mme la députée.
M. Rivard (Claude) : Au niveau
pratico-pratique, quand il y a une prestation d'un soin d'aide à mourir sur un
patient, quand le patient est en fin de vie, il est apte, il va… on est obligé
de lui demander deux fois avant de lui donner le soin : Monsieur,
madame, êtes-vous sûr que c'est aujourd'hui que vous voulez partir? Et s'il
nous dit oui, on va ouvrir la trousse, on va sortir nos médicaments.
Avant de donner le médicament… Le
médicament, le protocole, au Québec, est intraveineux. Ailleurs, au Canada, on
a… on peut avoir un choix d'avoir une médication qui est autoadministrée, qui
est liquide, mais au Québec, le soin ne se donne qu'intraveineux, donc dans des
veines. Il n'y a personne qui se promène avec des accès veineux continus, sauf
des gens qui ont des «port-a-cath», là, qui ont déjà des accès qui leur ont été
donnés sur de la chimio, là. Mais en gros, ce qu'il faut faire, c'est insérer
un cathéter dans une veine, deux cathéters, parce qu'on a tout le temps un
cathéter de backup au cas où, quand on fait du périphérique. Alors là, si le patient,
il est apte et il veut avoir le soin d'avoir l'aide à mourir, il va accepter
d'avoir les deux cathéters d'installés et puis il va dire oui aux
deux fois… la… deux… les deux fois où je vais poser la question. La
deuxième fois, quand je vais dire : Monsieur, madame, êtes-vous sûr que
vous voulez partir là, là, vous voulez mourir là? Puis ils disent oui, la très,
très grande majorité du temps.
Quand quelqu'un est inapte, lui, la
souffrance… il a eu de la souffrance quand il a fait sa demande, mais là, le
degré de souffrance, comme l'indique Dr Godin, peut être dur à évaluer.
C'est sûr qu'il y a eu de la souffrance antérieure et c'est sûr que…
M. Rivard (Claude) : …ils
disent : Oui, la très, très grande majorité du temps. Quand quelqu'un est
inapte, lui, la souffrance… il y a eu de la souffrance quand il a fait sa
demande, mais là le degré de souffrance, comme le dit le Dr Godin, peut
être dur à évaluer. C'est sûr qu'il y a eu de la souffrance antérieure et c'est
sûr que l'état de ce patient-là amène une souffrance au niveau de la famille, O.K.,
mais ce patient-là ne se souvient plus qu'il a demandé l'aide médicale à mourir
cinq ans auparavant.
Alors, quand on va vouloir installer les
cathéters, il va réagir, il ne voudra peut-être pas vouloir avoir les
deux cathéters d'installés ou, quand il va y avoir un cathéter d'installé,
il va l'arracher. Est-ce que ça veut dire : Non, je ne veux pas le soin?
Alors, est-ce que ça, ça veut dire qu'on est… Puis la dernière affaire qu'on
veut par rapport à un patient qui est apte, et qui veut avoir le soin d'aide
médicale à mourir, et qui dit : Oui, je le veux, c'est avoir quelqu'un qui
se débat ou encore qu'on soit obligé de contentionner et d'attacher pour
installer les… Je peux vous dire que ça change complètement la manière dont le
soin est donné et ce n'est pas vécu du tout de la même manière par la famille.
On oublie le choix de musique, puis, si tu veux prendre des bulles ou un porto
avant, là, ce n'est pas ça du tout, là, ça devient comme une exécution. Et ça s'est
déjà vécu en Europe, O.K., où les patients ont été contentionnés et ça a fini
devant les tribunaux.
Et, à cause de ça, si les gens en
condition d'inaptitude ont accès à ce soin-là, dans ce temps-là, il va falloir
changer le protocole actuel qui va permettre de faire en sorte de donner une
sédation orale au patient ou encore geler la peau pour faire en sorte que le
patient ne souffre pas à l'insertion du cathéter. Ça suppose qu'on change la
recette des médicaments qui sont donnés avant de donner l'aide à mourir pour
éviter d'avoir à donner le soin dans des conditions qui vont rendre le deuil de
la famille difficile pour tout le monde. Est-ce que c'est clair?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
C'est très clair, Dr Rivard. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Je céderais la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Godin et Dr Rivard. J'aime
beaucoup votre intervention, Dr Rivard, par rapport à ce que vous avez dit
que vous avez été même un des premiers lors de, vous étiez présent, lors de la
première administration. Je sens dans votre intervention depuis tantôt que vous
avez des images, vous avez même des histoires, et pouvez-vous me dire combien
de personnes depuis… en tout cas, que vous avez été témoin, combien le nombre à
peu près, là, en pourcentage, approximatif, de personnes qui auraient refusé au
deuxième consentement, que finalement ils ont décidé de reporter ça un petit
peu plus tard? Est-ce que c'est arrivé à… Combien, à peu près?
M. Rivard (Claude) : Au
deuxième consentement?
• (10 heures) •
Mme
Hébert
:
Oui, parce qu'avant cet été, là, ça prenait un deuxième consentement, là, pour…
la personne devait consentir pour qu'on lui administre le soin d'aide médicale
à mourir…
10 h (version non révisée)
Mme
Hébert
:
...au deuxième consentement, que finalement ils ont décidé de reporter ça un
petit peu plus tard. Est-ce que c'est arrivé à... Combien, à peu près?
M. Rivard (Claude) : Au
deuxième consentement?
Mme
Hébert
:
Oui, parce qu'avant cet été, là, ça prenait un deuxième consentement, là,
pour... La personne devait consentir pour qu'on lui administre le soin d'aide
médicale à mourir.
M. Rivard (Claude) : Oui.
Mme
Hébert
:
Oui. Alors, combien qu'il y en... Est-ce que c'est arrivé qu'il y ait des gens
que, finalement, ils ont décidé que, non, rendus au deuxième, tu sais, juste
avant que vous l'administriez, qui ont dit : Ah non! Je vais attendre
encore un peu. Je veux une semaine, reporter deux semaines. Est-ce que c'est
arrivé? Y a-tu un... Savez-vous à peu près...
M. Rivard (Claude) : La
journée où, le soin, il faut... où il faut qu'il soit prodigué, O.K.?
Mme
Hébert
:
Oui.
M. Rivard (Claude) : J'en
ai... J'ai donné le soin à plusieurs centaines de patients, là. O.K.? Zéro.
Mme
Hébert
:
Parfait. C'était...
M. Rivard (Claude) :
C'est arrivé...
Mme
Hébert
:
Oui.
M. Rivard (Claude) :
...quelques fois que des patients qui avaient fait des demandes d'aide à
mourir, qui avaient eu une deuxième évaluation médicale, c'est arrivé rarement.
Et je les compte sur les doigts d'une main, ces gens-là, ils n'ont jamais été
capables de me donner de date. Ça fait que, s'ils ne sont pas capables de me
donner une date, je ne peux pas décider pour eux.
J'ai aussi environ 80 cas qui ont
fait les demandes, ont été évalués comme étant jugés éligibles pour recevoir
l'aide à mourir par moi, mais quand le deuxième médecin est arrivé pour faire
son évaluation, ces gens-là ont perdu leur aptitude. Ou carrément ils l'ont
demandé tellement tard que toutes les évaluations avaient été faites au niveau
médical, mais ils sont morts avant de recevoir le soin. Alors, ça, j'en ai à
peu près 80 de ces patients-là qui ont... qui sont décédé ou qui n'étaient plus
éligibles selon les anciens critères de la loi.
Mais des gens qui, une fois que je suis
rendu dans la chambre, à qui je demande une deuxième fois vous êtes sûrs que
c'est là, là, que je veux partir, zéro.
Mme
Hébert
:
Parfait. Merci. J'aurais une autre question par rapport à... On sait qu'on est
une population vieillissante au Québec. On entend beaucoup de nos aînés qui
sont souvent en CHSLD, qui veulent mourir, mais ils n'ont pas nécessairement un
diagnostic, ils n'ont pas une maladie neurocognitive, mais ils se sentent
oubliés. Des fois, on entend ça, que les gens se sentent... qu'ils ont été
oubliés, hein, qu'on ne vient pas les chercher. Ils veulent mourir. Pensez-vous
que... C'est parce que je sais que vous êtes positionnés que ça ne prend pas
nécessairement un diagnostic éventuellement parce que, là, avec le critère de
fin de vie qui vient de tomber, pensez-vous qu'on pourrait banaliser la mort
puis qu'on pourrait avoir beaucoup plus de gens qui vont le demander parce que,
finalement, la vie... Ils n'ont plus de proches, ils n'ont plus personne autour
d'eux, ils ne sentent plus qu'ils ont leur place dans la société, ils se
sentent comme un fardeau. Pensez-vous qu'on pourrait en arriver à banaliser la
mort?
M. Godin (Louis) : C'est
une question difficile que vous posez. Je pense que c'est une question qui va
demander beaucoup de... une réflexion encore beaucoup...
Mme
Hébert
:
…autour d'eux, ils ne sentent plus qu'ils ont leur place dans la société, ils
se sentent comme un fardeau. Pensez-vous qu'on pourrait en arriver à banaliser
la mort?
M. Godin (Louis) : C'est une
question difficile que vous posez. Je pense que c'est une question qui va
demander beaucoup de… hein, une réflexion encore beaucoup plus profonde, comme société,
à savoir comment on accompagne et comment on traite nos gens en fin de vie dans
ces conditions-là, à savoir… Je veux dire, est-ce que c'est l'isolement? Est-ce
que c'est le fait d'être seul, d'avoir perdu… Souvent, ces gens-là vont avoir
perdu leurs enfants, particulièrement pour les gens qui vivent très âgés,
auront perdu leur enfant, vont… C'est leur… tout leur réseau personnel, là, je
veux dire, qui va avoir disparu. Ils peuvent se poser ce questionnement-là.
Moi, je pense que ça relève beaucoup plus
de comment, je veux dire, on supporte nos gens en fin de vie à l'intérieur,
c'est quoi, leurs conditions qu'on leur donne dans les CHSLD, dans nos résidences
pour personnes âgées, quels sont… l'environnement de vie qu'on leur permet
d'avoir accès. Lorsqu'on sera sûr que toutes ces conditions-là seront remplies,
probablement qu'à ce moment-là on aura… pourra avoir une idée beaucoup plus
objective sur la souffrance réelle qu'ont ces gens-là par rapport à la… qui
fait qu'ils demandent l'aide médicale à mourir et éviter que ce soit beaucoup
plus leurs conditions de vie en général dans lesquelles ils sont qui motivent
cette demande-là plutôt qu'une souffrance, là, soit psychologique ou physique très,
très intense qui pourrait les motiver.
C'est sûr que c'est un élément, c'est une
question, là, importante que vous soulevez. C'est difficile pour moi de vous
répondre de façon précise. Ce n'est pas un risque zéro, il y a des risques que
l'on ait à l'intérieur de ça… Mais, en même temps, si on regarde notre
expérience passée que l'on a eue jusqu'à date avec l'aide médicale à mourir, je
pense qu'une grande majorité d'intervenants conviennent que finalement c'est
une bonne décision que l'on a prise comme société de donner à notre population
cet accès-là, mais il ne faut pas perdre de vue… il ne faut pas que ça devienne
l'exitus principal de notre fin de vie, il faut s'assurer qu'on est bien
capables d'accompagner nos aînés, nos gens qui sont… qui souffrent d'une perte
d'autonomie sévère pour qu'ils puissent avoir des conditions de vie qui sont
acceptables dans les milieux où souvent on doit les héberger parce qu'ils ne
peuvent plus rester à la maison, souvent avec beaucoup de solitude parce que
leur réseau social a disparu avec le temps. Mais, à votre question principale,
je dois vous dire que le risque zéro n'existera pas là-dedans non plus. Mais il
faut en être conscient comme société.
Mme
Hébert
: Merci,
Dr Godin. Est-ce qu'il me reste un peu de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je pense que j'ai… on a un autre collègue qui veut intervenir. Merci.
Mme
Hébert
:
Merci, Dr Godin, merci, Dr Rivard, pour vos réponses.
M. Rivard (Claude) : Plaisir.
M. Godin (Louis) : Merci,
madame.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, je céderais la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Godin, bonjour, Dr Rivard…
La Présidente (Mme Guillemette) :
…on a un autre collègue qui veut intervenir. Merci.
Mme
Hébert
:
Merci, Dr Godin, merci, Dr Rivard, pour vos réponses.
M. Rivard (Claude) : Au
plaisir.
M. Godin (Louis) : Merci,
madame.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, je céderais la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, Dr Godin. Bonjour, Dr Rivard. C'est très intéressant
de vous entendre, d'entendre des spécialistes aussi en la matière, vous avez
aussi administré ce soin-là, d'aide médicale à mourir. Moi, je voudrais plus y
aller, plus au niveau du cadre légal, parce que vous faites une recommandation
au niveau déontologique et organisationnel, que soit adopté, pour permettre aux
personnes qui ne sont pas en fin de vie, pouvoir faire une demande d'aide
médicale à mourir advenant une perte de leurs aptitudes dans un futur lointain.
On sait que vous en avez parlé tout à l'heure, c'est quand même assez difficile
à ce niveau-là. Mais au niveau déontologique, quelles évolutions, modifications
devraient, selon vous, être apportées à la pratique des médecins dans ce cadre-là?
M. Godin (Louis) : Je vous
dirais, je vais laisser le Dr Rivard compléter, mais, moi, brièvement, je vous
dirais par rapport à ça, c'est qu'une fois qu'on aura pris la décision de
qu'est-ce qui maintenant… jusqu'où on peut aller, il faut que les règles soient
claires et qu'elles soient connues des médecins, et ça, rapidement avec le
moins d'équivoque possible, que ce soit sans équivoque à l'intérieur de ça. Et
la même chose, je vais dire, pour les obligations déontologiques que l'on aura,
comme médecin, à l'intérieur de ça. On sait qu'actuellement, par exemple, là,
je vais dire, l'homologation de mandat d'inaptitude peut prendre, des fois, des
délais, là, qui sont relativement importants. Si on a fait, je vais dire, un
élément important dans ce qui permet l'administration de l'aide médicale à
mourir, il faut que les modifications, il faut que le cadre juridique soit
précisé rapidement. Et là, si on parle… c'est pour ça qu'on a parlé du cadre
juridique, on parle du cadre déontologique, mais on parle aussi du cadre
organisationnel, il faut éviter qu'on se retrouve, pendant une longue période
de temps, avec du flou à l'intérieur de tout ça parce que ça, ça met les
médecins dans une position excessivement difficile.
Puis je laisserais peut-être Dr Rivard
compléter là-dessus, parce qu'il a, naturellement, beaucoup plus d'expérience
que moi, là, dans ce domaine-là.
M. Rivard (Claude) : Au niveau
légal, je reviens à ce qui avait été dit avant, posé comme question auparavant,
une société est évaluée sur la manière, dont elle prend en charge, puis qu'elle
s'occupe des gens qui sont le plus fragile puis ceux qui ont besoin de plus
d'encadrement. On est évalué, comme société, comme ça. Si vous élargissez la
prestation du soin aux gens qui ont des problèmes de santé mentale ou qui
deviennent inaptes ou qui vont devenir inaptes dans le futur, il faut qu'il y
ait des balises légales sur comment on est capables de faire ça sans problème.
Déjà là, au niveau des forums spécifiques sur l'aide médicale à mourir au Québec,
tu sais… puis ailleurs au Canada aussi, on se pose des questions, à
savoir : Qu'est-ce qu'on va mettre sur les constats de décès…
M. Rivard (Claude) : ...il faut
qu'il y ait des balises légales sur comment on est capables de faire ça sans problème.
Déjà là, au niveau des forums spécifiques sur l'aide médicale à mourir au Québec,
tu sais, on a... puis ailleurs au Canada aussi, on se pose des questions, à
savoir qu'est-ce qu'on va mettre sur les constats de décès.
Les patients, là... Tantôt, on parlait du
patient en CHSLD, là. Et à cette heure, ils n'ont plus besoin d'être en fin de
vie, là. Ça fait qu'un patient qui est sur la track 2, qui n'est plus en fin de
vie, puis qui fait de l'arthrose lombaire, avec une sténose spinale... qui
n'est plus capable de marcher... qui amène énormément de douleur peut théoriquement
demander l'aide médicale à mourir aujourd'hui, sans qu'il y ait des changements
législatifs de faits. Mais nous autres, comme médecins, comme praticiens, on
écrit quoi sur le constat de décès? Arthrose lombaire? Tu sais, dans ce
temps-là, est-ce que l'Institut de la statistique ou encore le législateur va
revenir, dire : Aïe! on ne décède pas d'arthrose lombaire. Le syndrome de
glissement, c'est quelque chose qui est extrêmement large, ça, là, là.
• (10 h 10) •
Mais, tu sais, il faut déterminer un
nouveau type... de donner des balises pour un nouveau type de pratique que,
nous autres, on n'a jamais faite avant, jamais. Et au niveau légal, quand on...
Ça, c'est les balises que vous avez à nous donner. Au niveau déontologique, il
faut que notre collège nous donne un guide de pratique qui nous permet de
donner une médication orale pour faire en sorte que le patient soit capable
d'avoir des cathéters intraveineux d'installés, alors que ça, ce n'est pas
permis au Québec, ni au niveau légal ni au niveau déontologique.
Et les aspects organisationnels... Je ne
sais pas si vous vous en rendez compte, mais partout au Québec, quelqu'un qui
fait une demande pour une aide à mourir en vue d'une perte d'autonomie future,
il faut que vous ayez un système qui garde ces demandes-là en storage, jusqu'à
tant qu'à un moment donné la demande est activable par je ne sais pas qui,
comprenez-vous?
Avez-vous... Vous-même, avez-vous essayé
de faire vos directives médicales anticipées?
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Non, je ne les ai pas faites encore.
M. Rivard (Claude) :
Lancez-vous dans l'aventure. Ça va vous prendre une couple de mois.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
J'ai fait un testament, par contre, là, mais pas de directives...
M. Rivard (Claude) : Mais ce
n'est rien comparé à des directives médicales anticipées, là. Je vous le dis,
c'est un parcours du combattant. Ce n'est pas la maison d'Astérix, là, mais ça
ressemble énormément à ça si vous voulez faire des directives médicales
anticipées au Québec. Et le problème, nous autres, qu'on a, comme praticiens, c'est
que la décision, elle vient du patient, mais nous autres, on n'y a pas accès.
On a énormément de misère à avoir accès aux directives médicales anticipées du
patient. Ça fait qu'au niveau organisationnel il y a quelque chose à régler là,
là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je vous remercie...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
...merci des précisions. C'est intéressant, là, quand vous amenez des exemples
concrets comme ça. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, nous allons terminer cet échange avec le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup, Dr Godin, Dr Rivard. Écoutez, vous parliez
dernièrement de la complexité de l'affaire, et surtout, comme on est devant...
La Présidente
(Mme Guillemette) : ...cet échange avec le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme
la Présidente. Merci beaucoup, Dr Godin et Dr Rivard.
Écoutez, vous parliez dernièrement de la
complexité de l'affaire, et surtout, comme on est devant les gens qui ont un
rôle primordial dans les soins de vies, dans les soins d'accompagnement des
gens en circonstances très difficiles, et dans l'accompagnement vers un
déclenchement d'un voeu d'aide médicale à mourir. Alors, la complexité est
tellement grande, et le fardeau, si j'ai bien compris, sur vous et vos membres
est davantage complexifié compte tenu de votre indication que vous êtes
ouverts, en quelque part, à des directives médicales anticipées sans
diagnostic.
Vous avez déjà constaté que l'évaluation
de souffrance lorsque quelqu'un est inapte est tellement difficile, alors je
veux que vous nous parliez un petit peu, dans un premier temps, de la capacité,
la volonté de vos membres d'assumer cette responsabilité accrue, de nous parler
de votre rôle accru pour assurer qu'il n'y ait pas dérive. La volonté peut être
claire et éclairée, mais est-ce que ça respecte les critères de
l'article 26 actuel? C'est assez lourd, ce qu'on est en train de décrire.
Pouvez-vous nous en élaborer et aussi nous indiquer des pistes où il y a des
balises à ajouter pas juste sur le plan légal, mais sur le plan évaluation de
la souffrance et de la qualité libre et éclairée d'une telle demande?
M. Godin (Louis) : Vous
soulevez plusieurs questions, je vais essayer de résumer mes réponses, là. La
capacité... si on vous a mentionné comme groupe que l'on était d'accord avec
l'élargissement pour les personnes inaptes et pour les personnes souffrant de
troubles mentaux seulement, c'est parce que, d'un côté, on pense qu'il y a là
souvent des éléments de souffrance dans le quotidien de patients que l'on a à
accompagner, je vais dire, au fil du temps, qui ont des conditions de vie qui
peuvent être très, très difficiles et amener une souffrance soit physique ou
mentale très, très importante, là, même s'ils sont inaptes à nous l'exprimer.
Et je pense qu'on a, comme groupe de professionnels, la capacité, je vais dire,
de répondre à ce soin-là.
Cependant, ce que l'on vous dit, c'est
qu'une fois qu'on aura pris cette décision-là, il y aura là, à partir de ce moment-là,
un travail pour bien encadrer tout le processus à l'intérieur de ça,
c'est-à-dire déterminer comment ça se fait, comment va se faire le suivi,
comment va se faire l'évaluation. Si la demande a été faite il y a deux ans, il
y a cinq ans, il y a 10 ans, est-ce que c'est la même façon? Est-ce
qu'on...
M. Godin (Louis) :
...moment-là, un travail pour bien encadrer le processus à l'intérieur de ça,
c'est-à-dire déterminer comment ça se fait, comment va se faire le suivi,
comment va se faire l'évaluation, si la demande a été faite il y a deux ans, il
y a cinq ans, il y a 10 ans. Est-ce que c'est la même façon? Est-ce qu'on
demande uniquement à un médecin de le faire? Est-ce qu'on peut demander qu'il y
ait une deuxième opinion à l'intérieur de ça? Qu'est-ce qu'on fait si le
médecin traitant ou le médecin de ce patient-là n'est pas capable de prendre la
décision? Sur quels critères on se base?
Pour nous, une fois que... Je vous
avouerais honnêtement que la réflexion précise qu'on a faite, on n'a pas
élaboré toute la mécanique précise qui devrait nous mener à ça. Mais c'est
clair que cet exercice-là devra être fait, parce que sinon, c'est là que ça
amène un risque important de dérives ou de situations inappropriées, parce
qu'il y aura du flou à l'intérieur de tout ça. Ce que l'on a vécu actuellement,
c'est relativement facile, parce qu'on a quand même une longue expérience des
gens qui sont en fin de fin, avec des pathologies précises.
On est capables d'établir des pronostics,
on est capables et on fait affaire avec des personnes aptes actuellement. Donc,
c'est beaucoup plus facile à l'intérieur de ça. Là, c'est toute une question
d'éducation qui devra être faite, de bien déterminer les critères que l'on va
mettre à l'intérieur de ça. À la rigueur, je vais dire qu'il y a un processus
de réévaluation que l'on met, entre le moment où vous dites : Moi, là,
dans 15 ans ou dans 20 ans, si je souffre de telle condition dans telle
situation, je voudrais avoir accès à l'aide médicale à mourir, on pourra
peut-être même dire : Bien, on va avoir un processus de réévaluation. Ce
processus-là, votre désir que vous avez émis lorsque vous aviez 40 ans,
peut-être, lorsque vous en aurez 60, on ne voit plus nécessairement la vie de
la même façon et notre perception de la souffrance par rapport à ce que l'on
peut faire est peut-être fort différente à 60 ans qu'elle l'est à 40 ans.
Donc, il y a là, tout un cadre qu'il va
falloir déterminer et je vous avouerais honnêtement qu'en vue des consultations
qui nous ont été demandées, on n'a pas eu... on n'a pas poussé ce processus-là
aussi loin que ça. Mais tout ça devra être bien encadré, bien évalué. On va
avoir une série de cas d'espèce qu'on va devoir dire : Bien, dans telle situation,
on ferait quoi? Puis dans telle autre situation, on ferait quoi? Ce serait un
élargissement, là, je vous dirais, important, là, parce que là, on ne parle
plus de gens qui sont simplement en fin de vie, avec une maladie que le non
sait le pronostic est irréversible. On parlerait de quelqu'un qui, même s'il
avait un diagnostic, je vais dire, à l'intérieur de ça, quel va être vraiment
son évolution. Ça n'évolue pas toujours très, très rapidement, donc il est
possible que l'évolution de la condition médicale, même si elle est
diagnostiquée, s'étende sur...
M. Godin (Louis) : …on
parlerait de quelqu'un qui, même s'il avait un diagnostic, je vais dire, à
l'intérieur de ça, quel va être vraiment son évolution, ça n'évolue pas toujours
très, très rapidement, donc il est possible que l'évolution de la condition
médicale, même si elle est diagnostiquée, s'étende sur plusieurs années. Donc,
jusqu'à quel point, je veux dire, on ne devra pas rebaliser puis revalider,
mais je pense que c'est un chantier à construire, oui.
M. Rivard (Claude) : Si je
peux rapidement ajouter, pour le bénéfice de tous les députés présents, il va y
avoir un mouvement au niveau terrain, qui va… il va y avoir une certaine
frilosité, disons, on va être francs, là, par rapport à la prestation de ce
soin-là à des patients qui ne sont pas aptes, et, un peu comme il y a des
médecins qui n'ont aucun problème à pratiquer un avortement en bas d'un certain
nombre de semaines, mais en haut d'un certain nombre de semaines, ils ne le
feront pas. Alors, il y a des médecins qui sont praticiens en aide médicale à
mourir aujourd'hui qui vont le faire, ils vont continuer de le faire selon les
anciens critères de la loi, sans problème, c'est-à-dire le patient, il va
falloir qu'il soit en fin de vie, il va falloir qu'il soit apte et tout ça.
Mais il y a… les médecins qui vont vouloir élargir et pouvoir donner le soin à
des patients qui ne sont pas nécessairement en fin de vie ou encore qui ne sont
plus aptes ou qui ne deviendront plus aptes dans plusieurs années, il va y en
avoir moins, et il va y en avoir encore moins si les balises légales,
déontologiques et organisationnelles pour la prestation de ce soin-là ne sont
pas claires et précises. Si on n'a pas les moyens, le soin ne se donnera pas ou
se donnera très peu, il va y avoir quelques praticiens qui vont être
hyperspécialisés à : Moi, je donne l'AMM aux patients qui sont en
situation d'inaptitude et qui l'ont demandé avant et… Parce que c'est…
contrairement à un patient qui est en soin de fin de vie, ou qui est en
échéance de quelques jours ou mois, là, on parle d'années, alors c'est des
évaluations qui sont déjà beaucoup plus compliquées, plus de longue haleine que
la prestation d'un soin à quelqu'un qui est en fin de vie, là, comprenez-vous,
là. En anglais, ils disent : «It's a whole new ballgame», puis c'est vrai,
là. Ça fait que si vous ne l'encadrez pas assez au niveau légal, on oublie ça.
Là, il risque de manquer de docteurs par une certaine frilosité à accomplir cet
acte-là, à donner le soin, dans le contexte.
• (10 h 20) •
M. Birnbaum : Merci. Je me
permets une petite question, Mme la Présidente, ma collègue aurait une question
aussi. Mais très vite, peu importe où on se situe sur l'élargissement, il y a
une obligation, évidemment, que d'équité et d'accessibilité, que dans chaque
région, éloignée ou non, l'aide médicale à mourir soit accessible. Là, on
comprend qu'un médecin individuel peut se désister. Est-ce qu'il y a des
mesures de nécessaires pour assurer l'accès, c'est-à-dire qu'un médecin soit
disponible dans chaque coin du Québec pour administrer, selon les balises,
l'AMM?
Une voix : Bien, c'est clair qu'à
partir du moment où il y a un élargissement des critères, il faudra s'assurer
que cet accès-là, il soit…
M. Birnbaum : …nécessaire pour
assurer l'accès, c'est-à-dire que le médecin soit disponible dans chaque coin
du Québec pour administrer, selon les balises, l'AMM?
M. Godin (Louis) : Bien,
c'est clair qu'à partir de moment où il y a un élargissement des critères, il
faudra s'assurer que cet accès-là y soit partout à la grandeur du Québec. Et il
y aura nécessairement, je vous dirais, un grand travail, là, de formation
auprès de nos médecins, d'éducation auprès de la population pour bien faire
comprendre, je veux dire, quelles sont les règles qui vont baliser tout ça, et
c'est quelque chose qui devra se préparer, je pense. Si on décide, demain
matin, dans une semaine, c'est maintenant, c'est go et on peut y aller
là-dedans, je veux dire, on va peut-être avoir des difficultés de rendre ça
accessible à tout le monde.
Mais, quand on regarde l'aide médicale à
mourir telle qu'elle s'applique aujourd'hui, pour avoir été là et avoir la
responsabilité comme président de la fédération de s'assurer que nos membres
offrent le service, on avait les mêmes interrogations, je vous dirais, en 2015,
2016, mais il y a eu formation, il y a eu information qui a été donnée à la
fois aux professionnels, aux gens qui les accompagnent, à la population, et
aujourd'hui, on peut dire que le service est accessible, là, je veux dire,
partout au Québec, là, de façon régulière. Mais, ça ferait partie de… ça va
faire partie des défis d'application de ça autant chez les personnes inaptes
que même chez les gens qui souffrent de troubles mentaux, là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. C'est tout le temps que nous avions pour cet échange. Merci beaucoup, Dr Godin,
merci, Dr Rivard, donc, pour votre contribution aux travaux de la commission.
Ça sera pour nous… Vos réponses seront pour nous sujet de longues discussions.
Donc, je suspends les travaux quelques
instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités.
(Suspension de la séance à 10 h 23)
(Reprise à 10 h 26)
La Présidente
(Mme Guillemette) : Nous accueillons maintenant l'Association des
groupes d'intervention en défense de droits en santé mentale du Québec et leurs
représentants, Mme Doris Provencher, directrice générale, et
M. Claude Moreau, président. Donc, merci d'être avec nous ce matin. Vous
disposez de 10 minutes pour votre intervention. Et par la suite il y aura
un échange avec les membres de la commission. Donc, sans plus tarder, je vous
cède la parole.
M. Moreau (Claude) :
Bonjour, Mme la Présidente, et mesdames et messieurs les députés. Fondée en
1990, l'Association des groupes d'intervention en défense de droits en santé
mentale du Québec, l'AGIDD-SMQ, a pour mission de lutter pour la reconnaissance
et l'exercice des droits des personnes vivant ou ayant vécu un problème de
santé mentale. Nous devons préciser que l'AGIDD-SMQ n'utilise jamais les termes
«maladie mentale» et «troubles mentaux». C'est pourquoi, lorsqu'il est question
des personnes visées par le mandat de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi
concernant les soins de fin de vie, nous parlerons des personnes vivant un
problème de santé mentale. Il est important de mentionner que notre mémoire ne
se concentre que sur l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour les
personnes vivant un problème de santé mentale.
À l'automne 2020, l'AGIDD-SMQ a
décidé de lancer, et ce, malgré la crise sanitaire qui sévissait depuis
mars 2020, une consultation auprès de ses groupes membres qui sont formés
majoritairement...
M. Moreau (Claude) : …que sur
l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour les personnes vivant un
problème de santé mentale.
À l'automne 2020, L'AGIDD-SMQ a
décidé de lancer, et ce, malgré la crise sanitaire qui sévissait depuis mars
2020, une consultation auprès de ses groupes membres qui sont formés
majoritairement de personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale.
Malheureusement, les conditions virtuelles nécessaires pour la consultation
n'ont pas permis à l'ensemble des groupes de réaliser la consultation auprès de
leurs membres. De plus, n'ayant pas été capable de se réunir physiquement,
L'AGIDD-SMQ n'a pas de position officielle. Néanmoins, nous avons reçu les
réponses des six groupes membres et nous avons, en parallèle, mené l'exercice
avec les membres des conseils d'administration, et des équipes de travail de
L'AGIDD-SMQ, et du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du
Québec.
Tout en reconnaissant que l'aide médicale
à mourir pour raison de santé mentale suscite beaucoup d'émotion, de peur et de
questionnements, nous avons demandé aux personnes qui vivent un problème de
santé mentale de dépasser leurs craintes, appréhensions et croyances. Nous
avons offert des espaces de parole afin que les personnes participantes
puissent exprimer leurs questionnements, craintes et espoirs que la possibilité
d'obtenir l'aide médicale à mourir pour raison de santé mentale suscitaient
chez elles.Ensuite, nous leur demandions de réfléchir et de se positionner sur
la possibilité de demander l'aide médicale à mourir sur la base d'un problème
de santé mentale, premièrement, en identifiant les motifs et les conditions
acceptables pour son application, ensuite, en identifiant les motifs d'une
position défavorable à son application.
Nous avons remarqué trois grands constats.
D'abord, il y a une méconnaissance de la pratique de l'aide médicale à mourir.
Ensuite, les gens veulent de l'aide pour vivre dans la dignité et ont besoin
d'espoir. Enfin, des personnes qui vivent un problème de santé mentale doivent
être consultées et impliquées en ce qui regarde l'aide médicale à mourir pour
raison de santé mentale. Dans le mémoire, tout ce qui est en italique est la
parole des gens consultés.
Je donne donc la parole à Mme Doris
Provencher, directrice générale.
• (10 h 30) •
Mme Provencher (Doris) :
Alors, bonjour, Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés. Merci de nous
accueillir à cette commission.
Donc, pour faire suite, bien, lorsqu'on a
compilé les réponses que nous avons reçues, on s'est rendu compte qu'il y avait
11 grands thèmes qui ressortaient : les droits, la crédibilité et la
capacité des personnes à prendre leurs propres décisions, le monde de l'aide
médicale à mourir versus l'application de la loi P-38 — la
loi P-38, c'est la loi qui hospitalise les personnes contre leur volonté,
la Loi de protection des personnes qu'on appelle aussi — avoir tout
essayé avant, l'accès et la disponibilité des services, le thème de la
souffrance, aide médicale à mourir versus le suicide, choisir pour la personne,
le lien avec les proches, l'attitude de la psychiatrie…
10 h 30 (version non révisée)
Mme Provencher (Doris) : …la
Loi de protection des personnes, qu'on appelle aussi — avoir tout
essayé avant, l'accès et la disponibilité des services, le thème de la
souffrance, aide médicale à mourir versus le suicide, choisir pour la personne,
le lien avec les proches, l'attitude de la psychiatrie et finalement le rôle du
médecin et du psychiatre. Donc, c'étaient ces grands 11 thèmes qui
ressortaient.
On ne peut pas vous présenter chaque thème
parce qu'on a juste un petit… 10 minutes, donc, mais ce qu'on veut faire
ressortir, c'est l'importance d'améliorer — ça, ça sortait beaucoup,
et je pense que vous l'avez entendu d'autres intervenants — c'est
améliorer l'accessibilité et la qualité des services afin de vivre dans la
dignité, et pas seulement dans le réseau public et le biomédical mais
l'ensemble des services. Étant… mais étant donné… on connaît très bien la
réalité des personnes, on tient à faire ressortir certaines particularités
qu'elles vivent.
Parce que ce qui peut paraître ordinaire
pour le commun des mortels, ça peut se révéler un obstacle majeur pour des
personnes qui vivent un problème de santé mentale. Par exemple, la perte de
crédibilité qui vient avec le diagnostic. On ne l'entend plus, la personne, et
surtout, on ne l'écoute plus, aussitôt que le diagnostic tombe, elle perd sa
crédibilité. Donc, ce n'est plus une personne, c'est une maladie.
Comment accueillir une demande d'aide
médicale à mourir avec ces préjugés? Comment ça va être accueilli? Comment
éviter que la fameuse P-38… si la personne demande l'aide médicale à mourir,
est-ce qu'elle va être considérée dangereuse pour elle-même? Donc, on va la
garder… Est-ce qu'on… vraiment… est-ce qu'on va entendre, vraiment, sa demande?
L'essai de tous les traitements avant
d'accorder l'aide médicale à mourir. On dit que ce sont les traitements que la
personne, elle va juger tolérables. En santé mentale, ça veut dire quoi, là?
Étant donné… déjà, vous savez, il y a… déjà, légalement, on impose des
ordonnances de traitement, des autorisations judiciaires de soin, alors
qu'est-ce qui va nous… qu'est-ce qui peut nous rassurer, en disant que si la
personne a fait cette demande-là, on ne va pas lui mettre une ordonnance de
soin sur le dos puisque c'est un des traitements qu'elle n'aura pas essayés?
L'approche biomédicale est au coeur de la
pratique psychiatrique, et ça, on a des millions… des millions, excusez-moi,
j'exagère un peu, on a des milliers de témoignages qui viennent confirmer que
la souffrance des personnes, là… n'ont pas toujours nécessairement considérée.
Pourquoi que ça changerait dans le cadre d'une demande d'aide médicale à
mourir? C'est pour ton bien. Mon Dieu! Que c'est une phrase que les personnes
qui vivent un problème de santé mentale entendent tout le temps. Est-ce qu'on
va être capable de passer par-dessus le soi-disant bien de la personne pour,
vraiment, encore une fois, entendre la demande et la croire?
La souffrance et, pour plusieurs, les abus
de droit que les personnes ont vécus…
Mme Provencher (Doris) : …les personnes
qui vivent un problème de santé mentale entendent tout le temps. Est-ce qu'on
va être capable de passer par-dessus le soi-disant bien de la personne pour vraiment
encore une fois entendre la demande et la croire?
La souffrance est pour plusieurs les abus
de droit que les personnes ont vécus et vivent encore dans le système
psychiatrique. Ça a laissé de la méfiance qui peut faire en sorte… beaucoup de personnes
sont même terrorisées à l'idée d'y retourner.
Malheureusement, le temps alloué dans le
cadre de cet exercice ne nous permet de vous transmettre comme on le voudrait
ce que les personnes qui sont passées par le système psychiatre nous a confié
depuis plus de 30 ans. Mais je peux vous affirmer que la société ne sait
pas ce qui se passe dans ce domaine vraiment. Si vous voulez en savoir plus,
bien sûr, l'AGIDD, on est toujours prêts à collaborer, à vous informer sur ça. Toujours,
hein, vous savez, notre angle, ce sont les droits.
Donc, dans votre réflexion, s'il vous
plaît, on vous invite vraiment à tenir compte de cette réalité. C'est pourquoi
il faut que vous entendiez la parole des personnes qui vivent un problème de santé
mentale. Ce n'est pas juste les experts qui vont vous confirmer ça, puis ce
n'est pas les intervenants non plus, puis ce n'est même pas moi, mais c'est, en
quelque part, c'est il faut que vous entendiez la parole.
Alors, la position, comme mon collègue
Claude vous disait, l'AGIDD n'a pas de position malgré ce que j'ai entendu — ça
a l'air qu'on en a une — on n'a pas de position. On a demandé aux
personnes participantes de réfléchir sur la possibilité que l'aide médicale à
mourir soit autorisée. Il y a trois grands thèmes qui sont ressortis.
Un, les critères et balises à instaurer
pour encadrer ce type de demande. Et ça je vous invite la page 40 et 41 de
notre mémoire, il y a plusieurs idées qui sont ressorties… que les personnes
ont ressorties.
Deux, les professionnels qui devraient
être impliqués. Ça va, il devrait y avoir deux psychiatres, donc il
devrait y en avoir trois, le médecin famille, une psychologue, même quelqu'un a
parlé d'un avocat, par contre, ça retarderait la machine, mais, en tout cas, il
y a plusieurs intervenants qui sont nommés.
Le lien avec les proches. Les gens, ce qui
nous disent : Il faut prendre soin des proches, hein, qui vont… d'une
personne qui recevrait l'aide médicale à mourir, c'est important, mais c'est
nous autres qui décident. Il ne faut pas que les proches viennent interférer
dans ma décision de moi, et ça, ça a été bien clair.
Il y a différentes questions, aussi, que
vous retrouverez à la page 44 qui ne s'intégraient pas ou moins bien dans
les 11 thèmes.
On a quatre grandes recommandations.
On demande au gouvernement de développer
des outils d'information clairs et accessibles sur la pratique de l'AMM. Parce
que ce qu'on entend beaucoup, c'est parce que les gens ne savent pas ce que ça
veut dire dans la vraie vie, ne savent pas, au niveau de la pratique, qu'est-ce
que ça représente. Pour les personnes, bien, je pense que le besoin
d'information, c'est pour les intervenants aussi, parce qu'on entend toute
sorte de choses. Donc, informer le monde…
Mme Provencher (Doris) :
...ne savent pas ce que ça veut dire dans la vraie vie... dans la vraie vie, ne
savent pas au niveau de la pratique qu'est-ce que ça représente pour les
personnes, mais je pense que le besoin d'information, c'est pour les
intervenants aussi parce qu'on entend toutes sortes de choses.
Donc, informer le monde, travailler de
concert, bien sûr, avec les personnes et avec le milieu communautaire et
alternatif en santé mentale pour l'amélioration et la diversité de l'offre de
services. S'il vous plaît, il y a un tissu communautaire et alternatif en santé
mentale extraordinaire au Québec. On n'est pas reconnu à notre juste valeur. Ça
aussi, on est prêt avec nos collègues à vous en informer plus. Voilà.
Respecter les droits des personnes. Ça a
l'air étrange quand je dis ça. Sauf que, vous savez, les organismes de
promotion, vigilance et défense de droits ainsi que les groupes de promotion et
de vigilance en santé mentale, ils reçoivent des milliers de demandes par année
qui touchent particulièrement le réseau de la santé et des services sociaux.
Alors, on le nomme parce que ce n'est pas tout à fait... C'est encore... Il y a
encore place à amélioration. Et ne pas discriminer aussi les personnes. Et ça,
vous allez le voir dans les... ce que les gens nous ont dit, ils veulent être
traités comme tout le monde.
La non-conclusion. Parce que, pour nous,
ce n'est pas la fin, cette commission. C'est le début de quelque chose. Ça
aussi, vous en prendrez connaissance, mais je vous invite à lire attentivement.
Il y a une citation d'un homme qui est engagé pour le respect des droits
humains, et particulièrement pour les gens qui vivent un problème de santé
mentale dans notre non-conclusion, M. Dainius Pūras, qui est
pédopsychiatre. Alors, je vous invite à le lire et à vous en imprégner. On
espère que vous allez emprunter la voie du respect des droits humains qui
devrait être la base d'à peu près tout.
Je veux vous laisser avec une citation, ce
que les personnes ont demandée à l'AGIDD, on trouve ça à la page 15 de
notre mémoire, c'est «que l'AGIDD-SMQ soit capable de faire comprendre que les
gens en santé mentale sont capables d'expliquer leur besoin/souffrance de façon
éclairée s'ils le veulent et qu'ils sont capables d'assumer leurs décisions».
Alors, c'est le message, le principal message qu'on voulait vous transmettre.
Nous avons terminé.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Donc, sans plus tarder, je
cède la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
:
Oui. Bonjour à vous deux. Merci beaucoup de votre présentation. Très heureuse
que l'on puisse vous entendre. Donc, votre message pour l'autodétermination et
le respect des personnes qui vivent avec un problème de santé mentale est
toujours aussi clair. Et il est bien reçu, je peux vous en assurer. Évidemment,
votre position, elle est moins arrêtée que certains groupes, ou professionnels,
ou individus qui sont venus nous voir. Et là je veux juste être certaine...
Mme
Hivon
:
...et le respect des personnes qui vivent avec un problème de santé mentale est
toujours aussi clair et il est bien reçu, je peux vous en assurer. Évidemment,
votre position, elle est moins arrêtée que certains groupes ou professionnels,
ou individus qui sont venus nous voir. Et là je veux juste être certaine, votre
recommandation n° 4, vous dites quand même «que
le gouvernement s'engage à ne pas discriminer les personnes vivant avec un
problème de santé mentale en ne leur offrant pas, si tel est leur désir et
selon la loi, l'aide médicale à mourir».
• (10 h 40) •
Donc, je comprends que vous nous dites que
vous n'avez pas d'opposition formelle. Mais est-ce que je comprends que vous
avez quand même une petite tendance à dire qu'on ne pourrait pas séparer
problèmes de santé physique versus problèmes de santé mentale ou si, par cette
recommandation-là, en fait vous nous dites simplement que, si on décide d'aller
de l'avant, que, dans l'application des choses, de bien faire attention de ne
pas discriminer?
Mme Provencher (Doris) :
Si je peux me permettre, je pense que les jugements qu'il y a eu sont assez
clairs. Je veux juste dire aussi quand on dit qu'on n'a pas de position,
L'AGIDD, sa position, c'est les droits des personnes, et ça, c'est on ne bouge
pas là-dessus. Alors, quand il y a deux jugements, dont un de la Cour suprême
qui va dans le sens de dire : C'est discriminatoire d'évacuer une
catégorie ou des catégories de personnes, bien, nous, c'est qu'on dit, c'est
discriminatoire, selon ces deux jugements-là, d'effectivement d'écarter les
gens qui vivent un problème de santé mentale. C'est reconnu. Bien sûr, ça
prend... ça va prendre des balises, bien sûr, il y a des choses, mais ce que
les jugements nous disent, c'est ça, il ne devrait pas y avoir de
discrimination. Je ne sais pas si je réponds, peut-être pas.
Mme
Hivon
:
Oui, vous répondez, mais en fait vous vous tournez vers les jugements, c'est
très habile. Mais en fait c'est qu'il y en a qui nous disent : même si,
légalement, on pourrait dire qu'il y a une discrimination, il y a des
impératifs plus grands, des préoccupations plus grandes qui nous amènent à
avoir un traitement différencié. Là, il y a des gens qui nous ont dit
carrément : Ce n'est pas la bonne voie à suivre de regarder ça d'un point
de vue de discrimination. Je comprends que vous, évidemment, de votre point de
vue de défense des droits des personnes qui ont un problème de santé mentale,
vous nous dites : On ne peut pas accepter qu'il y ait une discrimination.
Est-ce que je vous suis correctement?
Mme Provencher (Doris) :
Il y a ça et il y a aussi le fait qu'il y a beaucoup d'intervenants qui l'ont
nommé. On parle beaucoup au nom des personnes puis on parle beaucoup pour leur
bien et on ne les écoute pas. Alors, si on les écoute vraiment, qui sommes-nous
pour aller dire à une personne : Non, bien non, toi, tu as un problème de
santé mentale, tu n'es pas capable de décider, et ça ne se peut pas que tu
fasses une telle demande, moi, je le sais ce qui est bon pour toi? Hein, c'est
ça aussi qui est au coeur du sujet. Est-ce que, comme société, on va continuer
à décider pour les personnes comme on le faisait dans les grands hôpitaux
psychiatriques...
Mme Provencher (Doris) :
…santé mentale, tu n'es pas capable de décider, ça ne se peut pas que tu fasses
une telle demande. Moi, je le sais que c'est bon pour toi, hein, c'est ça aussi
qui est au coeur du sujet. Est-ce que, comme société, on va continuer à décider
pour les personnes, comme on le faisait dans les grands hôpitaux
psychiatriques, c'est-u ça qu'on veut, comme société? Ce que les personnes nous
disent, et je vous invite, je ne sais pas, peut-être, je ne sais pas si vous
avez pu voir un peu les gens qui parlent. C'est sûr que c'est un
échantillonnage, c'est sûr que ça va dans tous les sens, mais ça fait 30 ans,
moi, que je travaille en défense des droits, puis ce que les gens nous disent,
là, ils ont des choses à dire, puis c'est leur vie, c'est leur décision, alors
pourquoi qu'ils ne seraient pas écoutés, comme tout citoyen et citoyenne du
Québec, dans leur demande? Et si la loi, les jugements leur permettent
certaines choses, parce qu'il y a des lois qui leur en enlèvent, hein, la P-38,
ça m'enlève un droit qui est fondamental, qui est ma liberté, puis je n'ai pas
commis de crime. Alors, donc s'il y a une loi qui me donne un droit de prendre
ma décision puis de la mettre de l'avant, je suis honnête, je suis un citoyen
puis une citoyenne, comme… au Québec, comme tout le monde. C'est ça aussi qui
est… excusez, là.
Mme
Hivon
: Oui.
C'est pour ça aussi que c'est important de vous entendre, parce que vous êtes
la voix de beaucoup, donc, de ces personnes qui vivent avec un problème de
santé mentale. Nous, on a eu quelques témoignages de personnes qui vivent avec
un problème de santé mentale, qui ont décidé de venir nous parler directement.
Je vous dirais que ceux qui sont venus, ce n'est vraiment pas scientifique
n'est-ce pas, donc il y en a quand même plusieurs qui nous ont fait état de
leur réalité, et qui fait en sorte que leur maladie a évolué d'une manière à ce
que, finalement, il y a eu de l'espoir, leur situation a été mieux
diagnostiquée, mieux traitée, et donc ce qu'ils auraient pu considérer comme la
seule solution possible, l'aide médicale à mourir, finalement, heureusement
nous disent-ils, pour certains, qu'ils n'ont pas emprunté cette voie-là, parce
que là ils vivent dans des conditions beaucoup mieux. Je voulais savoir si vous
estimez que, s'il y a ouverture, on…
La Présidente (Mme Guillemette) :
C'est tout le temps qu'on avait, Mme la députée.
Mme
Hivon
: Ah!
désolée.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Mais je vais me permettre de continuer un peu dans la même veine que vous. Il y
a plusieurs intervenants qui sont venus nous partager des situations, ils nous
disent que — puis ça, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur le lien
thérapeutique et sur l'espoir — ils nous disent que de permettre
l'aide médicale à mourir pour les personnes vivant avec un trouble de santé
mentale uniquement, ça serait dangereux pour le lien thérapeutique entre les
intervenants et les personnes vivant avec les troubles de santé mentale, et ça
pourrait aussi… ils pourraient abandonner tout espoir, là, et demander rapidement
l'aide médicale à mourir. Donc, je ne sais pas, là, M. Moreau ou Mme
Provencher, mais…
La Présidente (Mme Guillemette) :
…et les personnes vivant avec les troubles de santé mentale, et ça pourrait
aussi… il pourrait abandonner tout espoir, là, et demander rapidement l'aide
médicale à mourir. Donc, je ne sais pas, là, M. Moreau ou Mme Provencher, mais
j'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Moreau (Claude) : Bien, je
vais peut-être intervenir à ce niveau-là. Bien, je pense qu'au contraire le fait
qu'une personne ait accès à l'aide médicale… une personne, vivant un problème
de santé mentale, ait accès à l'aide médicale à mourir, ça pourrait être une
raison justement, là, de voir… de continuer à essayer de se rétablir. Il ne
faut pas que les gens n'aient pas cette option-là, c'est comme frapper un mur
pour eux autres. Ça ne veut pas dire nécessairement que les gens vont… juste,
l'important, c'est que les gens aient le droit, l'important aussi, c'est de
voir si on peut éviter ça aussi.
Moi-même, je suis une personne vivant un problème
de santé mentale, puis présentement, moi, je me considère bien rétabli puis je
considère qu'il n'y aurait peut-être pas de situation où est-ce que je
demanderais l'aide médicale à mourir pour une raison de santé mentale. Mais je
veux avoir le choix, par exemple, je veux avoir le droit de le faire, je pense,
ça, c'est important, puis ça ne veut pas dire nécessairement qu'une personne
qui le demande va aller jusqu'au bout.
Mme Provencher (Doris) : Et,
pour enchaîner, ça ne veut pas dire, parce qu'une personne, elle le demande,
qu'on va lui octroyer aussi. C'est comme on prend acquis, je le demande, je
l'ai. Bien non, il y a tout un processus qui se met en place, il y a tout… et
ça, on l'oublie, c'est comme on ne l'entend pas dans les commentaires des gens.
Et puis oui, l'espoir, moi aussi, il y a plein de gens qui m'ont dit ça. Le
premier réflexe, à un moment donné, c'est ça. Sauf qu'une personne, là, si
elle, elle considère qu'elle a tout fait puis elle a essayé pour elle tout ce
qui était faisable, on va lui dire : Attends encore deux, trois ans pour
te trouver… C'est sûr que ça prend des conditions, il faut travailler en
parallèle. Bien, est-ce que… qui suis-je pour aller dire à une personne :
Attends deux, trois ans, ça va aller mieux? Comment… C'est ça.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Et au niveau du temps justement, à quel moment, on pourrait considérer qu'une
personne qui vit avec un trouble de santé mentale, ce serait assez, là, pour
cette personne-là, ce serait quoi, le signal?
Mme Provencher (Doris) :
C'est elle, c'est elle qui va nous le dire. C'est elle qui vit la souffrance,
ce n'est pas vous ni moi, ni personne ici, c'est comment elle se sent. Ce
qu'elle vit dans son intérieur, ça lui… comme tout le monde, comme tout le
monde ici. Ce n'est pas différent parce que j'ai un problème de santé mentale,
c'est ça que je veux que, moi, en tout cas, que je voudrais que vous
compreniez…
Mme Provencher (Doris) : …ce
n'est pas vous ni moi ni personne ici, c'est comment elle se sent. Sa vie, dans
son intérieur, ça lui… comme tout le monde ici, ce n'est pas différent parce
que j'ai un problème de santé mentale. C'est ça que je veux… que moi, en tout
cas, que je voudrais que vous compreniez. Il y a des particularités, mais
l'être humain, là, les joies, les peines, c'est pareil. Alors, tu sais, c'est
comme une personne qui a… physiquement, on ne se demande pas c'est qui… et la
loi est claire, si c'est la personne… la demande, il faut qu'elle vienne de la
personne. Mais est-ce qu'on va l'écouter? Est-ce qu'on va l'entendre? C'est ça,
la crainte… à cause de nos préjugés.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je céderais la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Moreau, bonjour, Mme Provencher.
C'est très intéressant de vous entendre, d'entendre M. Moreau, en tout
cas, de vous entendre à la… ce que vous avez dit tout à l'heure, tu sais, qu'on
donne le droit, ce n'est pas nécessairement que je vais le prendre, au moins
que j'aie le droit. Puis les questions de mes collègues aussi, en tout cas,
c'était très pertinent.
Puis moi, ça me ramène un peu à votre
recommandation numéro… la… vous avez une recommandation, vous dites que le
gouvernement devrait développer des outils d'information clairs et accessibles
sur la pratique de l'aide médicale à mourir. Donc, je ferais un lien avec ce
que vous avez dit, M. Moreau, Mme Provencher, est-ce que vous êtes capables
de développer un petit peu plus là-dessus ou de m'en dire davantage, là? Quand
vous dites : Ils devraient tout mettre en oeuvre pour rejoindre les
personnes qui vivent un problème de santé mentale, oui, mais aussi les balises,
si vous êtes en mesure, quelles seraient les balises aussi pour encadrer ça au
niveau du soin de l'aide médicale à mourir?
M. Moreau (Claude) : Bien,
moi, je dirais que… je pense que c'est une des peurs qui a été évoqué, là, dans
le mémoire, là, puis par les gens lors des consultations, c'est que ça… les
gens ont peur que ça devienne obligatoire, tu sais, ça l'air peut-être bizarre
à dire, mais il y a… Je pense qu'il y a quand même suffisamment de commentaires
à ce niveau-là, là. Puis les gens qui ont des problèmes de santé mentale, ils
veulent des soins, ils veulent que… ils ne veulent pas mourir, ils veulent
vivre, ils veulent vivre dans la dignité avant de… Puis si ça, ce n'est pas
possible, de vivre dans la dignité, au moins mourir dans la dignité si tel est
leur désir.
• (10 h 50) •
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Allez-y, Mme Provencher, je sens que vous avez…
Mme Provencher (Doris) :
Bien, c'est ça, pour les balises, comme je vous disais, là, à la page 40
et 41, il y a différents éléments que les personnes ont nommés, d'être
accompagné, par exemple, parce que la personne… pour avoir une personne qui
l'accompagne qui n'est pas nécessairement sa famille, ses proches. Donc, il y a
certaines balises, mais c'est parce que, comme disait Claude, les gens… on
parle de la mort ici, là, hein? Il faut bien le dire…
Mme Provencher (Doris) : …que
les personnes ont nommés, d'être accompagnées par exemple. Est-ce que la
personne pourrait avoir une personne qui l'accompagne qui n'est pas nécessairement
sa famille, ses proches? Donc, il y a certaines balises. Mais c'est parce que,
comme disait Claude, les gens… On parle de la mort ici, là, hein, il faut bien
le dire. Donc, les gens ne savent pas ce que ça veut dire exactement. Juste — c'est
ça — de penser : Je la demande, je l'ai, déjà, c'est une
méconnaissance de ce que c'est. Donc, nous, dans notre consultation, on a mis
des éléments dans les conventions, on a expliqué aux gens, avant, les
jugements, puis c'était quoi, puis la loi, puis les critères, puis le… Ça se
fait. Alors, il va falloir avoir, à notre avis, que le gouvernement mette…
fasse… fasse de l'information ou qu'il soit clair. Vous savez, nous, dans le
communautaire, on parle de l'éducation populaire autonome. Donc, c'est des
outils… il faut qu'il y ait des outils qui soient compréhensibles, mais qui
soient sur les lois, les droits et ce que c'est aussi dans la pratique. Moi, ça
m'a beaucoup… Excusez-moi, je veux juste… je vais terminer. J'ai lu le fameux
jugement Truchon-Gladu, que… j'ai beaucoup aimé… ici, et c'est là… il y a un
chapitre où c'est le Dr Naud qui explique comment ça marche, comment ça se
passe dans le quotidien, qu'est-ce qui arrive… Ça m'a fait comprendre autre
chose, moi, et c'est ça que je trouve que les gens ne savent pas. Vous savez…
C'est ça. Je vais m'arrêter ici.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K.
Bien, merci beaucoup, Mme Provencher, merci. C'est tout pour moi, Mme la
Présidente, parce que je pense que j'ai d'autres collègues qui ont des
questions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, oui, je céderais la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
…Mme la Présidente. Merci, Mme Provencher, M. Moreau. Vous savez, il y a deux
juridictions dans le monde qui ont autorisé l'aide médicale à mourir pour les
personnes qui ont des troubles de santé mentale, puis, eux, ils ont imposé
plusieurs balises très, très sévères pour encadrer cette pratique-là, donc…
dont une qui est celle d'un… qu'un médecin peut statuer qu'une personne, elle
n'a pas suffisamment tenté de traitements raisonnables avant d'avoir l'aide
médicale à mourir. Puis, on s'entend là-bas, ce n'est pas un soin de fin de
vie, c'est l'euthanasie. Et nous, on lui a donné un autre nom : c'est un
«soin de fin de vie». Là, le critère de fin de vie a tombé, donc c'est sûr
qu'on vient d'élargir la possibilité. Mais, à ce que j'entends dans votre mémoire,
c'est que vous semblez défavorables à ce qu'il y ait cette balise-là
potentielle qu'un médecin peut statuer qu'il n'a pas suffisamment tenté de… que
la personne n'a pas suffisamment tenté de traitements pour avoir… ou de faire
une demande.
Alors, moi, je voudrais savoir comment
s'assurer que l'aide médicale à mourir, ça ne devient pas simplement une forme
de suicide assisté, quand on demande de respecter les droits sur la vie…
Mme
Hébert
:
...qu'il n'a pas suffisamment tenté de... que la personne n'a pas suffisamment
tenté de traitements pour avoir... de faire la demande.
Donc, moi, je voudrais savoir comment
s'assurer que l'aide médicale à mourir, ça ne devient pas simplement une forme
de suicide assisté quand on demande de respecter les droits sur la vie d'une
personne. Donc, j'aimerais savoir, là... Est-ce que c'est... Est-ce qu'on va
en... Est-ce que ça prend plus cette forme-là?
Mme Provencher (Doris) : Je
ne sais pas, Claude... Ou, en tout cas, écoutez, je veux rectifier... Ce n'est
pas qu'on est... comment... Ce qu'on vous dit, notre connaissance de la santé
mentale, de la psychiatrie, de comment sont traitées les personnes au niveau de
leurs droits, au niveau... Ce n'est pas tout le monde, là, on s'entend, mais le
système... C'est que... Qui va décider que c'est le dernier traitement que tu
dois essayer? Moi, là, comme... à un moment donné, je vais voir mon
cardiologue, il me dit : Je veux... écoutez, un traitement, là, qui
pourrait vous... Je peux refuser, hein?
Bien, si notre questionnement... Au niveau
de la santé mentale, il y a 400 000 personnes, ou à peu près, d'après...
au Québec qui sont sous autorisation judiciaire de soins. Ça, ça veut dire, ces
personnes-là sont obligées, de par un jugement, de prendre un traitement pharmacologique.
Qui m'a... Qui peut me rassurer qu'une personne qui vit un problème de santé
mentale, quand on va lui dire : Tu n'as pas tout essayé...
Dans notre mémoire, on parle... Vous
savez, les électrochocs, l'électroconvulsivothérapie, là, hein, ça se donne encore
au Québec. Il y en a plus de 15 000 à peu près, en moyenne, de séances
d'électrochocs au Québec. Et il y a des médecins qui sont... qui trouvent que
c'est une... qui y sont plus favorables que d'autres. Si la personne, elle
tombe sur un médecin qui est plus favorable, est-ce que, pour lui, ça va
être : Bien là, il faudrait que tu essaies, là, ça, c'est vraiment... Qui
va déterminer? Quand le médecin discute, propose un... pas de problème, mais
qui va décider, en bout de piste? C'est ça, notre question.
Puis, bien là, je m'excuse, en
psychiatrie, c'est un autre monde, que vous ne connaissez peut-être pas. Tant
mieux pour vous. Mais c'est un autre monde. Alors, c'est notre crainte. Ce
n'est pas qu'on est pour ou contre, mais sauf que la réalité qu'on voit sur le
terrain, c'est ça. Alors, est-ce que ça va vraiment changer dans le cadre de
l'application des soins de fin de vie? C'est la question que l'on soulève.
Je ne sais pas si ça répond...
Mme
Hébert
:
Oui. Bien, je continue dans la même veine. Puis sachez que ce n'est pas
personnel. Je...
Mme Provencher (Doris) : Non,
non...
Mme
Hébert
: On
discute, puis c'est... on est là pour ça aujourd'hui.
Mme Provencher (Doris) :
Exact, exact, exact.
Mme
Hébert
:
Donc, il y a un critère qui est important. Il y a un critère qui est avancé et
irréversible, donc, du problème de santé mentale. Donc, s'il y a ce critère-là,
là...
Mme
Hébert
:
…puis sachez que ce n'est pas pas personnel, je…
Une voix
: Non, non.
Mme
Hébert
: On
discute puis on est là pour ça aujourd'hui.
Une voix
: Exact,
exact, exact.
Mme
Hébert
:
Donc, il y a un critère qui est important. Il y a un critère qui est avancé et
irréversible, donc du problème de santé mentale. Donc, s'il y a ce critère-là,
là, qui est avancé, irréversible, comment qu'on va s'assurer qu'il n'y a pas
tous les traitements raisonnables… vont avoir été tentés pour en arriver là,
là? Parce qu'il y en a, là, qui… il y en a plusieurs expats qui nous ont dit
qu'il n'y avait pas d'incurabilité à la santé mentale. Donc, moi, j'aimerais
savoir, là, avec ces deux critères là, comment qu'on va s'assurer que tous
les traitements raisonnables n'ont pas été tentés?
Mme Provencher (Doris) : Je vous
remercie, Mme Hébert, de la question de l'incurabilité. C'est drôle, hein,
quand… Moi, je me suis promené… bien, au Québec, en tout cas, avec une
formation qui s'appelle L'Autre côté de la pilule, et ce que j'ai vu, ce que
les gens disaient, là, tu sais, mettons, le cas classique, tu as 20,
25 ans, 19 ans, 20 ans, première psychose, tu commences à
l'hôpital en psychiatrie, on te médicamente. Et qu'est-ce qu'on dit aux gens?
Ah! Bien là, c'est pour la vie, ma pitoune… Oh! excusez. C'est pour la vie, là,
il va falloir que tu prennes des médicaments pour le reste de ta vie parce que
tu as un diagnostic x, y. Et là, tout à coup, arrive sur cette question, woups!
ça ne l'est pas, incurable. Moi, je le crois que ce n'est pas incurable, parce
que j'ai des exemples à la pelle des personnes qui étaient condamnées, puis on
disait que c'était fini pour eux, la vie, là, bien, aujourd'hui, là, qui donnent
de la formation, qui sont sur des C.A., qui rouvrent des congrès, qui rouvrent
des affaires… moi, je n'y crois pas.
Mais ce qu'on dit aux gens, ce que le
système psychiatrique a toujours dit aux gens : C'est terminé, c'est
incurable, ça ne reviendrait pas. Là, ça ne l'est plus. De que c'est, on se fie
à quoi? Moi, je pense qu'il faut se fier aux personnes. Je le sais, je suis
plate, je reviens toujours avec ça, mais c'est vraiment de revenir aux
personnes. Moi, il y a des gens que je connais qui en ont sept, diagnostics, ça
va de la dépression à la schizophrénie. Qu'est-ce qui… un pour chaque jour? Je
ne sais pas. Mais c'est comme… on se fie à quoi? C'est sur ce que la personne,
elle vit, ce qu'elle nous dit, c'est sa souffrance. Elle a besoin de médics,
bien sûr, qu'elle en prenne, elle veut essayer… ça la… vous voyez? C'est ça que
je veux dire.
Alors, les grands experts qui sont venus
vous voir, je ne doute pas, sûrement, qu'ils sont connaissants. Le discours…
c'est drôle, le discours, il change d'une décennie à l'autre ou d'un thème
abordé à l'autre, alors. Mais que si la personne, elle a la conviction qu'elle
n'a pas tout essayé, ou qu'avec son médecin ils décident de... elle embarque
dans… pour essayer autre chose, ça la regarde. Mais est-ce qu'on va lui
imposer? C'est ça, la question.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
• (11 heures) •
Mme Provencher (Doris) :
Nous avons peur que oui…
11 h (version non révisée)
Mme Provencher (Doris) :
...que, si la personne, elle a la conviction qu'elle n'a pas tout essayé, ou
qu'avec son médecin ils décident de... elle embarque dans pour essayer autre
chose, ça la regarde. Mais est-ce qu'on va lui imposer? C'est ça, la question.
Une voix : Merci.
Mme Provencher (Doris) :
Nous avons peur que oui.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la députée. Donc, je
céderais maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme
la Présidente. Merci, Mme Provencher, M. Moreau, et merci pour la
vigilance, le travail de vos membres tout au long de la pandémie et avant, et
je suis sûr, après. C'est un travail de défense tellement, tellement important.
Écoutez, votre message est en quelque part
clair, mais vous allez convenir avec nous que la complexité qui suit votre
demande en quelque part d'un traitement équitable et transparent, et réel des
gens atteints des maladies de santé mentale, il y a des complications qui
viennent avec ça d'assurer que la volonté et les décisions libres, et éclairées,
et respectées, vous allez convenir avec nous, dans des cas de santé mentale
sont davantage compliquées.
J'aimerais vous mettre devant un scénario.
Là, on a deux questions primordiales devant nous. Et, un, c'est d'élargir
l'accès, peut-être, aux gens atteints des problèmes exclusifs de santé mentale.
Il n'y a pas de façon d'évacuer la qualité de ces demandes et le respect
nécessaire de l'article 26 actuel. Y a-t-il d'autres balises à ajouter? On
ne peut pas s'évacuer de toute cette question. Dans cette optique, j'aimerais
avoir vos commentaires sur un scénario que je vais inventer. Dans un premier
temps, est-ce que des balises sont en place pour adresser telle situation? Dans
un deuxième temps, est-ce que le scénario que je vais vous donner devrait être
assujetti à la possibilité de l'aide médicale à mourir?
Une madame qui souffre d'une dépression
qu'elle décrit comme intolérable, clinique depuis 18 mois. Elle a dans son
passé deux tentatives de suicide. Là, elle a subi plusieurs traitements dans sa
vie. En même temps, c'est une mère de famille avec des enfants qui l'aiment,
qu'elle aime. Elle a, dans sa vie, réussi à avoir un emploi permanent avec des
résultats satisfaisants dans certaines périodes de sa vie, mais au moment de
cette directive qu'elle offre, et elle est apte, elle est devant une souffrance
qu'elle juge intolérable, qui perdure, qui a perdu depuis... a perduré depuis
18 mois. Comment est-ce qu'une telle situation devrait être...
M. Birnbaum : …qu'elle offre,
et elle est apte, elle est devant une souffrance qu'elle juge intolérable, qui
perdure, qui a perdu depuis… a perduré depuis 18 mois. Comment est-ce qu'une
telle situation devrait être traitée actuellement ou dans l'avenir?
Une voix : Claude, est-ce que
tu veux…
M. Moreau (Claude) : Bien,
personnellement, moi, si une personne vit une telle… dans un tel scénario, une
personne demandait l'aide médicale à mourir, je mettrais beaucoup de bémols sur
son cas, là, parce que 18 mois, je comprends, là, il y a des gens qui souffrent
bien plus longtemps que ça, puis qui ne demandent pas nécessairement l'aide
médicale à mourir, ou qui ne font pas de tentative de suicide, là. Surtout si
une personne a déjà fait des tentatives de suicide, je ferais très attention,
si je serais un des médecins, là, à m'occuper de ce cas-là. Moi, c'est mon
opinion personnelle. Je ne suis pas psychiatre, je ne suis pas... je n'ai
aucune qualification médicale pour ça. C'est juste une opinion, là, que je vous
dis, là, personnellement, ce que moi, je ferais.
N'empêche, il faut quand même porter
attention à sa demande. Il faut quand même, là, prendre en compte sa demande.
Il faut voir s'il n'y a pas d'autre chose à faire. Comme je vous disais, le
simple fait de demander l'aide médicale à mourir, des fois, ça donne espoir aux
gens, de voir que c'est possible. Ça peut être une solution, probablement une
solution à utiliser en dernier recours, mais une solution quand même.
Mme Provencher (Doris) : Un
peu dans le sens... Moi aussi, j'aurais du mal à répondre à ça parce qu'il y a
tellement de critères. C'est, en discutant, est-ce qu'on lui offrirait les
services d'un psychologue? Est-ce qu'on lui... C'est de voir avec eux.
Et moi, j'avais posé une question... Je ne
sais pas combien qu'il y a de suicides au Québec. Cette personne-là, dans notre
exemple... Elle fait sa demande... et là vous allez me trouver tordue
probablement... qu'elle fait sa demande, qu'elle est refusée, O.K., puis elle
décide de se suicider. Je vous mets ça de même. Parce qu'une personne qui veut
mourir, hein, elle va le faire, elle va réussir à le faire. Peut-être que, si
elle avait attendu, elle s'en serait sortie. C'est ce qu'on souhaite. Mais
c'est une réalité que vous ne pouvez pas fermer les yeux non plus. Il y a des
gens qui se suicident. Il y a des gens qui se suicident dans la valise de leur
voiture, avec... hein? Alors donc, il y a ça aussi que vous devez tenir en
compte comme législateur.
J'ai entendu des commentaires, de dire :
Est-ce qu'on va devenir le pays pour l'aide médicale à mourir pour les gens qui
ont des problèmes de santé mentale?...
Mme Provencher (Doris) :
...dans la valise de leur voiture avec... Alors donc, il y a ça, aussi, que
vous devez tenir en compte comme législateur.
J'ai entendu des commentaires de
dire : Est-ce qu'on va devenir le pays pour l'aide médicale à mourir pour
les gens qui ont un problème de santé mentale? Je ne sais pas, mais est-ce que
notre société est assez ouverte? Elle a été assez ouverte pour l'offrir à des
gens en fin de vie. Hein? Ce n'est pas partout dans le monde qu'on offre cette possibilité-là.
Alors, maintenant, on est rendus à une autre étape. Les gens qui ont des
souffrances physiques intolérables aussi, qui juge qu'ils sont rendus au bout
de la corde? Qui juge ça? Puis je ne suis pas dans la peau, moi, de la personne
qui a une... qui a une déficience et qui a... Je ne suis pas dans sa peau. On
va l'écouter, hein?
Pourquoi je ne l'écouterais pas? Parce
qu'elle a un problème de santé mentale? Ça ne veut pas dire tout de suite bing,
bang! Mais on peut-u l'écouter puis travailler ça avec la personne au lieu de
partir avec notre idée : Ah bien, non, bien, ça fait juste 18 mois?
Ah bien, non, mais c'est tel diagnostic. Ah bien, non, la... On peut-u
l'écouter et être ouvert? Peut-être que, là, ça ne marchera pas. Mais on
peut-u...
M. Birnbaum : Je veux...
Je vous suis, mais j'insiste que ma question est basée sur le respect réel, et
certain, et établi de la volonté de la personne. Moi, je ne parle pas
d'imposer...
Mme Provencher (Doris) :
D'accord.
M. Birnbaum :
...n'importe quoi. Et vous allez convenir que ce n'est pas toujours facile. Il
y a des gens qui ont grande inquiétude, je ne sais pas si je la partage, que
d'étendre l'aide médicale à mourir aux gens qui souffrent des problèmes de santé
mentale risque d'être une pente glissante qui va avoir un impact sur le nombre
de suicides au Québec. Comme je dis, est-ce que je partage ça? Comment vous
réagissez à ce danger exprimé par plusieurs des témoins devant nous?
Mme Provencher (Doris) :
Qu'il y aurait plus de suicides si l'aide médicale à mourir est... C'est quoi,
le... C'est quoi, le lien? Pourquoi qu'il y aurait plus de suicides?
M. Birnbaum : Que les...
Bien, que les gens vont voir ça comme un recours parce qu'ils souffrent dans...
dans la ponctualité, peut-être pas toute la vie, et ils vont avoir... Ils vont
prendre, quoi, cette option et peut-être, si ce n'est pas accessible dans un
délai, ils vont passer à l'acte ultime. Quelques-uns nous ont parlé de cette possibilité.
Comment vous réagissez à ça?
Mme Provencher (Doris) :
Je ne sais pas, Claude, mais moi, je... Je ne vois pas le... Je ne vois pas le
lien. Peut-être même qu'au contraire, si la personne elle fait une démarche, et
qu'on l'écoute, et que la démarche arrive au bout pour dire : Bien, non. Finalement,
non, ça ne convient pas pour la situation. La démarche qu'elle va avoir faite,
là, une vraie démarche, là, ça va peut-être l'aider, au contraire. Moi, je ne
suis pas... Je ne suis pas d'accord avec... Parce que c'est accessible, ça va
faire augmenter le taux de suicide? Moi, je ne...
Mme Provencher (Doris) : …la
démarche qu'elle va avoir faite, là, une vraie démarche, là, bien, ça va peut-être
l'aider, au contraire.
Moi, je ne suis pas d'accord avec :
parce que c'est accessible, ça va faire augmenter le taux de suicide. Moi, je
ne crois pas ça, personnellement. Je ne sais pas… Claude?
• (11 h 10) •
M. Moreau (Claude) : Bien,
moi, d'après ce que je connais des… qu'est-ce qui se passe dans les autres
pays… Je pense aux Pays-Bas. Il y a l'aide médicale à mourir pour les gens
vivant un problème de santé mentale, puis il n'y a pas d'impact, il n'y a pas
eu d'impact sur l'augmentation des suicides, il n'y a pas eu une augmentation
des suicides, là, d'après ce que j'ai pu comprendre, de que je connais de cette
situation-là, là.
Une personne qui veut se suicider, elle va
le faire si elle veut vraiment le faire, là. C'est plate à dire, mais c'est ça.
Bien souvent, une tentative de suicide, c'est un appel au secours. C'est pour
ça que c'est important, les organismes de prévention au suicide, là, c'est
important, les programmes de sentinelles, c'est important, là, qu'il y ait de
la publicité dans les médias de la part du gouvernement.
Bon. Je ne crois pas qu'il y ait une
relation de cause à effet entre les problèmes de santé mentale… Il serait
peut-être intéressant de fouiller dans les statistiques pour voir s'il y a une
relation de cause à effet entre les problèmes de santé mentale et le suicide.
C'est sûr qu'une personne qui se suicide n'est pas vraiment, là, dans son état
normal, là, elle a atteint généralement un désespoir, là, sans bornes où est-ce
qu'elle considère que la seule solution, c'est d'en finir. À ce moment-là, ce
n'est pas… elle n'est pas dans son état normal. Ça, je suis bien d'accord avec
ça. Est-ce qu'elle a nécessairement un diagnostic de problèmes de santé
mentale? Non. Il y a bien des gens, là, je crois, qui se suicident, mais ils
n'ont pas d'antécédents de problèmes de santé mentale.
Puis je ne crois pas… Moi, je ne crois pas
que ça va avoir un impact, que l'aide médicale à mourir pour les personnes
vivant un problème de santé mentale va avoir un impact sur le taux de suicide.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, c'est tout le temps que nous avions, M. le député. Je céderais la
parole maintenant au député de Rosemont.
M. Marissal : En fait, pour…
Bien, tu sais, ce que disait mon collègue de D'Arcy-McGee, en fait, c'est qu'il
y a des gens, notamment l'Association québécoise de prévention du suicide, qui
nous ont dit que les gens qui sont vraiment au bout du rouleau, là, qui ont pas
mal tout essayé, qui vivent avec des problèmes de santé mentale depuis des
années, des années et des années, qui se sentiraient justement écoutées et
rassurées de pouvoir faire une demande d'aide médicale à mourir, et, si on leur
refuse, ils vont prendre ça comme un nouvel échec qui pourrait les conduire
éventuellement à poser le dernier geste définitif. C'est la façon dont on nous
l'a expliqué…
M. Marissal : ...de
pouvoir faire une demande d'aide médicale à mourir. Et si on leur refuse, ils
vont prendre ça comme un nouvel échec qui pourrait les conduire éventuellement
à poser le dernier geste définitif.
C'est de la façon dont tous les... on nous
l'a expliqué. Je ne sais pas. Je ne suis vraiment pas un spécialiste là-dedans.
Et par ailleurs on a nous a aussi dit l'inverse, c'est que le fait de pouvoir
le demander apaiserait beaucoup les gens et qu'ils ne commettraient pas l'acte,
justement, parce que c'est possible de le demander. On ne le saura problème jamais,
mais cela dit, il y a beaucoup de gens, et puis je réfère encore une fois à l'association
de prévention du suicide au Québec qui nous ont dit carrément, puis je ne crois
pas me tromper de témoin, là, parce qu'on en a entendu quand même pas mal
depuis trois semaines, mais qui nous on dit carrément que ça serait indécent
d'ouvrir, puis je les cite, ce n'est pas moi qui le dis, ce serait indécent
d'ouvrir l'aide médicale à mourir pour les troubles mentaux dans l'état actuel
des soins au Québec. C'est bien placé pour parler de l'état des soins de santé
mentale au Québec. Qu'est-ce que vous... Quelle réaction ça provoque chez vous
quand on dit, par exemple, que ça serait indécent d'ouvrir cette possibilité parce
qu'on connaît justement l'état des soins en santé mentale au Québec?
M. Moreau (Claude) :
C'est sûr que si vous regardez dans le mémoire, les gens... Il y a beaucoup de
gens qui disent qu'ils ne veulent pas nécessairement demander l'aide médicale à
mourir. Ils veulent avoir des soins. Ils veulent avoir des soins, ils veulent
être considérés comme des personnes à part entière. Ils veulent vivre, mais ils
veulent aussi avoir la possibilité de demander l'aide médicale à mourir si
jamais besoin est, là. Il y a des gens qui ne veulent pas retourner... Il y a
entre autres un témoignage d'une personne qui a été hospitalisée, là, plusieurs
fois, là, puis qui dit carrément qu'elle préférait l'aide médicale à mourir que
de retourner en psychiatrie. Puis je comprends parfaitement son point de vue,
même si je ne suis pas d'accord avec, là.
M. Marissal : Hum-hum. Je
comprends bien.
Mme Provencher (Doris) :
Deux choses.
M. Marissal : Mais vous
prenez le...
Mme Provencher (Doris) :
Deux choses.
M. Marissal : Oui, dans
les... Oui, allez-y, Mme Provencher.
Mme Provencher (Doris) :
Si je peux me permettre.
M. Marissal : Oui, allez-y.
Mme Provencher (Doris) : Par
rapport aux personnes qui seraient refusées, par exemple, l'aide médicale à
mourir puis qui pourraient aller se suicider. Pourquoi que, dans les balises
qui seraient là, on ne pourrait pas prévoir quelqu'un, un poste, un suivi,
hein...
M. Marissal : Un suivi,
oui.
Mme Provencher (Doris) :
...pour justement une personne, pour la suivre, pour l'aider à surmonter ça ou
de prévoir en tout cas, enfin, ça. Ça, c'est la première des choses. La
deuxième des choses, je trouve que le mot est un peu fort, là, «c'est
indécent», là. Oui, il manque de services, et pas juste dans le biomédical. Je
le dis, je le répète, dans les organismes communautaires, on sauve des vies,
hein? On se le fait dire régulièrement. Donc, le tissu commentaire, je ne sais
pas, pour moi, c'est autre chose.
M. Marissal : Hum-hum.
Mme Provencher (Doris) :
Est-ce qu'on va améliorer les services parce que peut-être la personne pourrait
demander l'aide médicale à mourir? Ça fait que si, finalement, l'aide...
Mme Provencher (Doris) :
...c'est pour ça que je l'ai dit, hein? On se le fait dire régulièrement. Donc,
pour moi, le tissu communautaire, c'est autre chose. Est-ce qu'on va améliorer
les services parce que peut-être la personne pourrait demander l'aide médicale
à mourir? Ça fait que si finalement l'aide médicale à mourir pour raison de
santé mentale n'est pas accordée, on n'améliore pas les services? C'est deux
choses, à mon point de vue.
Moi, je trouve — excusez-moi, je
vais reprendre le temps — un petit peu indécent de mêler les deux.
M. Marissal : Moi, je n'ai
plus de temps, Mme la Présidente. Est-ce qu'il y a...
Une voix : Excusez-moi.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup à M. Moreau et Mme Provencher d'avoir été avec nous aujourd'hui.
Donc, sur ce, je suspends les travaux de la commission, le temps d'accueillir
nos nouveaux invités.
Une voix : Merci à vous. Bonne
chance.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 16)
(Reprise à 11 h 20)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, la commission reprend ses travaux.
Nous accueillons maintenant la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec et sa
représentante, Mme Nancy Bédard, présidente, qui est accompagnée de Mme Suzanne
Prévost, conseillère syndicale. Donc, bienvenue, merci d'être avec nous
aujourd'hui.
Vous disposez de 10 minutes pour nous
présenter votre exposé, et il y aura par la suite un échange avec les membres
de la commission. Donc, sans plus tarder, je vous cède la parole, Mme Bédard.
Mme Bédard
(Nancy) : Donc, bonjour, Mme la Présidente. Mmes, MM. les
parlementaires, merci de nous accueillir aujourd'hui à cette commission spéciale.
Je me présente, effectivement, Nancy Bédard, je suis la présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec et je suis
accompagnée aujourd'hui par Suzanne Prévost qui est du secteur sociopolitique.
On est heureuses, vraiment,
de venir partager avec vous notre réflexion concernant les enjeux liés à
l'élargissement potentiel de l'aide médicale à mourir pour les personnes…
Mme Bédard (Nancy) :
...présente. Effectivement, Nancy Bédard. Je suis la présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec. Et je
suis accompagnée aujourd'hui par Suzanne Prévost, qui est du secteur
sociopolitique. On est heureuses, vraiment, de venir partager avec vous notre
réflexion concernant les enjeux liés à l'élargissement potentiel de l'aide
médicale à mourir pour les personnes en situation d'inaptitude et pour les
personnes dont le seul problème médical est un trouble mental.
En tout premier lieu, nous souhaitons
saluer la volonté des élus de poursuivre la démarche de réflexion collective
dans le même esprit qui a précédé l'adoption de la Loi concernant les soins de
fin de vie. Nous croyons que toute la question du recours de l'aide médicale à
mourir repose sur un choix de société, et la consultation actuelle permet de mener
ce débat de façon large et démocratique.
En tant qu'organisation syndicale vouée à
la défense des professionnels en soins, mais également à celle des patientes et
des patients du réseau public de santé, nous nous sentons particulièrement
interpellés par ces enjeux en raison non seulement de l'importance du droit de
mourir dans la dignité, mais également du rôle et de l'expertise des
professionnels en soins quant aux soins de fin de vie. En effet, vous le savez,
les infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes ont vécu la réalité
terrain des soins de fin de vie et, par le lien étroit et privilégié qu'elles
ont avec les patients, leur contribution à la discussion est, selon nous,
incontournable. Tout d'abord, en ce qui concerne l'élargissement potentiel de
l'aide médicale à mourir aux personnes en situation d'inaptitude, nous sommes
favorables à la possibilité de faire une demande anticipée d'aide médicale à
mourir sous certaines conditions.
La FIQ a toujours défendu la liberté de
choix des individus en fonction de leurs besoins, de leurs désirs, de leurs
valeurs et de leurs croyances. Par ailleurs, compte tenu de l'impossibilité
d'obtenir un consentement libre et éclairé pour les personnes inaptes, nous
voulons vous partager certaines de nos préoccupations et réflexions, lesquelles
sont le fruit de la pratique des professionnels en soins. D'entrée de jeu, nous
sommes favorables à l'idée qu'une personne puisse consentir, de manière
anticipée, à recevoir l'aide médicale à mourir en prévision d'un diagnostic de
maladie neurodégénérative ou d'un accident soudain qui entraînerait de graves
séquelles. Nous croyons qu'il ne devrait pas être nécessaire d'obtenir au
préalable un diagnostic de maladie grave et incurable pour formuler une demande
anticipée d'aide médicale à mourir dans la mesure, par contre, où la personne
respecte les critères permettant l'acceptation de sa demande au moment venu. La
demande anticipée devrait facilement… pourrait être modifiée ou retirée et
devrait contenir l'information détaillée sur la souffrance et les conditions de
vie que la personne anticipe et juge, pour elle, intolérables.
Advenant un élargissement de l'aide
médicale à mourir pour les personnes inaptes, il nous semble essentiel de
mettre en place des conditions permettant aux personnes et leurs proches de
recevoir…
Mme Bédard (Nancy) :
…la souffrance et les conditions de vie que la personne anticipe et juge, pour
elle, intolérables.
Advenant un élargissement de l'aide
médicale à mourir pour les personnes inaptes, il nous semble essentiel de
mettre en place des conditions permettant aux personnes et leurs proches de
recevoir des soins empreints de dignité. Pour ce faire, le soutien et la
formation doivent être disponibles autant pour les usagers que pour les professionnels
en soins. En effet, l'accompagnement d'une personne dans un processus d'aide
médicale à mourir est exigeant. Une forte charge émotive vient avec l'aide
médicale à mourir, et ce, autant pour la personne, ses proches que pour les
professionnels en soins. Il est essentiel, donc, que toutes ces personnes qui
sont dans un état de grande vulnérabilité puissent avoir accès à un soutien
psychologique approprié, si elles en ressentent le besoin, bien sûr.
Les professionnelles en soins qui
accompagnent la personne et ses proches, lors de l'administration de l'aide
médicale à mourir, doivent avoir la possibilité de s'absenter du travail après
l'AMM, advenant le cas où cette expérience aurait été éprouvante pour elles.
Également, dans l'éventualité où les proches pourraient avoir à déterminer le
moment d'exécuter la demande anticipée, ces personnes devront être accompagnées
et recevoir l'enseignement nécessaire pour assumer ce rôle. C'est le cas aussi
pour les professionnelles en soins, elles doivent pouvoir bénéficier d'une formation
complète portant autant sur l'encadrement légal et déontologique, que sur leur
pratique professionnelle et leur expertise clinique.
Pour ce qui est de l'élargissement de
l'aide médicale à mourir pour les personnes dont le seul problème médical est
un trouble mental, nous croyons qu'il est nécessaire de consulter des experts
du domaine de la santé mentale afin d'établir des lignes directrices claires.
C'est qu'en effet la question n'est pas simple, il nous apparaît essentiel de
vous soulever certaines inquiétudes. Depuis nos tout premiers débuts, nous
luttons contre toute forme de discrimination que pourraient subir les
individus. Nous défendons un droit d'accès équitable pour tous aux soins et aux
services sociaux. Donc, c'est à partir de cette prémisse que nous avons abordé
la question.
Le retrait du critère de fin de vie amène
de nouvelles possibilités pour ces personnes, et nous saluons la volonté des
élus d'y réfléchir et de consulter des experts à ce sujet. Les troubles mentaux
sont source de souffrance au même titre que les autres pathologies. Ainsi, il
est essentiel que les personnes souffrant d'un trouble mental aient accès aux
mêmes soins et services que celles aux prises avec un trouble physique, mais,
par ailleurs, cet accès doit être réfléchi et des critères doivent être
clairement établis. Dans l'éventualité où il serait possible, pour une personne
souffrant uniquement d'un trouble mental, de voir sa demande d'aide médicale à
mourir acceptée, nous considérons qu'un délai minimal devrait être respecté
entre le diagnostic et la demande. Nous devrions aussi nous assurer que…
Mme Bédard (Nancy) :
…établis. Dans l'éventualité où il serait possible, pour une personne souffrant
uniquement d'un trouble mental, de voir sa demande d'aide médicale à mourir
acceptée, nous considérons qu'un délai minimal devrait être respecté entre le
diagnostic et la demande. Nous devrions aussi nous assurer que la personne ait
eu accès à tous les soins et tous les services nécessaires à son mieux-être.
Finalement, la personne devrait avoir essayé au moins un traitement avant
d'avoir accès à l'aide médicale à mourir.
À notre avis, l'état de la personne
devrait être évalué non seulement par un psychiatre mais également par les
membres de l'équipe multidisciplinaire. Plusieurs balises devront être mises en
place en lien avec la durée, la sévérité et la persistance des symptômes. Des
lignes directrices claires devront être précisées en tenant compte de l'avis
des professionnelles en soins sur la question, et ce particulièrement pour les
professionnelles en soins oeuvrant dans les unités de psychiatrie et
intervenant en prévention du suicide.
Tout comme pour les personnes en situation
d'inaptitude, le soutien et la formation sont nécessaires pour les proches de
la personne et pour les professionnelles en soins. Aussi, pour que l'aide
médicale à mourir soit un soutien humain, la charge de travail globale des
professionnelles en soins doit être suffisamment allégée pour qu'elles puissent
s'y consacrer pleinement. Bref, l'élargissement de l'aide médicale à mourir
vient avec son lot de nouvelles pratiques, et l'information et le soutien,
autant clinique que psychologique, s'avèrent essentiels.
Nous sommes conscientes que la question de
l'organisation du travail entourant l'aide médicale à mourir ne fait pas partie
du mandat de la présente commission spéciale, mais cependant, nous croyons que
cet aspect doit faire partie des éléments de réflexion entourant un,
éventuellement, élargissement de l'aide médicale à mourir. On ne peut apporter
de tels changements sans tenir compte du rôle des professionnelles en soins
dans le soin de fin de vie, il faut leur donner la place qu'il leur revient et
leur donner le temps d'exercer pleinement leur rôle.
À ce titre, nous estimons que les
infirmières praticiennes spécialisées devraient pouvoir administrer l'AMM, cela
permettrait d'accroître l'accessibilité et la continuité des soins pour les
patientes et les patients qu'elles ont à leur charge. De plus, les IPS possèdent
la formation et les compétences nécessaires pour le faire. D'ailleurs, les IPS
de certaines provinces canadiennes peuvent déjà administrer l'AMM alors
qu'elles sont pourtant moins formées qu'au Québec.
• (11 h 30) •
Avant de conclure, nous souhaitons attirer
votre attention sur l'objection de conscience. Depuis les premières
consultations de l'aide médicale à mourir, nous avons toujours défendu le droit
des professionnelles en soins de se soustraire à cette pratique, et ce sans
qu'aucune sanction ne soit portée contre elles. Les soins de fin de vie sont
particulièrement… et l'aide médicale à mourir peuvent générer une souffrance
importante provoquée par des conflits entre les valeurs individuelles et les
actes professionnels qu'elles ont à accomplir. Les infirmières et infirmiers
auxiliaires et inhalothérapeutes ne devraient, en aucun cas, être contraints
d'intervenir à l'encontre de leurs convictions personnelles. Pour ces motifs,
nous demandons que soit maintenu le droit prévu à l'article 50 de la Loi concernant
les soins de fin de vie de refuser de participer à l'aide médicale à…
11 h 30 (version non révisée)
Mme Bédard (Nancy) :
…professionnels qu'elles ont à accomplir, les infirmières, infirmières
auxiliaires et inhalothérapeutes ne devraient en aucun cas être contraintes
d'intervenir à l'encontre de leurs convictions personnelles. Pour ces motifs,
nous demandons que soit maintenu le droit prévu à l'article 50 de la Loi
concernant les soins de fin de vie de refuser de participer à l'aide médicale à
mourir en raison de convictions personnelles.
En terminant, nous n'insisterons jamais
assez, les investissements dans le réseau de la santé sont essentiels afin de
rassurer la population sur ces deux questions. En aucun cas l'aide médicale à
mourir ne devrait être le résultat de considérations économiques ou sociales.
Le choix des personnes d'y avoir recours doit être basé uniquement sur leurs
intérêts, leurs valeurs et sur ce qu'elles considèrent comme une fin de vie
digne. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme Bédard. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée
de Saint-François pour le début de nos échanges.
Mme
Hébert
: Merci,
Mme la Présidente. Merci, Mme Bédard et Mme Prévost, d'être là,
d'être disponible pour ces consultations. C'est très important de pouvoir
consulter plusieurs intervenants, et votre vision vient nous apporter aussi quelques
éclaircissements.
Moi, j'aimerais savoir, dans votre
mémoire, vous mentionnez dans les cas pour l'aide médicale à mourir pour les personnes
qui ont des troubles mentaux que la personne ait au moins essayé un traitement
avant d'y avoir accès. Donc, en sachant que la nature est volatile,
imprévisible, on sait que, pour la santé mentale, ce n'est pas linéaire nécessairement…
les soins qu'on peut y avoir. Donc, ne pensez-vous pas que juste un seul
traitement, ça pourrait être insuffisant?
Mme Bédard
(Nancy) : La question est tout à fait pertinente, là. On a
consulté, là, plusieurs de nos professionnels en soins qui ont déjà participé
ou qui sont dans l'entourage, et surtout celles qui travaillent actuellement en
santé mentale. Et, dans l'ensemble de l'oeuvre, ce qu'il faut avoir avec ce
nouveau… cette nouvelle… élément, là, qui est majeur dans l'élargissement,
c'est que ce qu'on souhaite, c'est que tous ces gens-là aient eu le soutien et
que ce ne soit pas en apprenant un diagnostic ou, pour plein de raisons, elles
n'aient pas eu tous les éléments de soutien et de soins avant de prendre cette
décision, donc on parle d'un traitement. C'est ce que nos professionnels en
soins souhaitent avec l'expertise qu'elles ont, avec la proximité des patients,
c'est l'ensemble de l'oeuvre.
C'est sûr que le plus gros élément actuel
quand on consulte nos gens, c'est qu'ils savent que le soutien et les soins,
les services en santé mentale actuellement sont… il y a beaucoup de carences,
donc vous comprenez que quand on pose cette question-là chez nos professionnels
en soins ce n'est pas évident le sentiment qu'elles ont d'y répondre ou pas.
Donc, pour elles, c'est qu'elles y aient accès au traitement puis qu'elles
aient au moins…
Mme Bédard (Nancy) :
…et les soins, les services en santé mentale actuellement sont… il y a beaucoup
de carences, donc vous comprenez que quand on pose cette question-là chez nos
professionnelles en soins, ce n'est pas évident, le sentiment qu'elles ont d'y
répondre ou pas, donc, pour elles, c'est qu'il y ait accès au traitement puis
qu'elles aient eu au moins un cheminement des soins, incluant des traitements,
avant de pouvoir, si on veut, là, franchir le pas, là, sur ce soin, là, ce soin
médical, soin fin médical à mourir, mais, écoutez, c'est vraiment nos
professionnels en soins qui sont en première ligne, qui, eux, sont les
meilleurs, et elles veulent s'assurer que les gens aient au moins essayé des
traitements avant d'avoir accès à l'aide médicale à mourir.
Mme
Hébert
:
Donc, ce que j'entends, ce n'est pas juste un traitement, c'est des
traitements.
Mme Bédard
(Nancy) : Ça pourrait être, parce qu'un traitement peut
contenir beaucoup d'éléments. Donc, quand on parle d'un traitement, pour les
professionnels en soins, ça inclut plusieurs éléments, hein, que ce soit des
suivis, que ce soit tous les éléments qui sont offerts en soutien. Donc, ce
n'est pas juste la médication, hein, on… c'est inclusif, là, un traitement
global, là, peut inclure plusieurs éléments.
Mme
Hébert
:
Puis… Vous savez, bon, premièrement, le critère de fin de vie est tombé. C'est
un soin quand même pour… de fin de vie, c'est un soin que l'on a décidé
d'appeler ici au Québec. Moi, je veux savoir, par rapport à… que ce soit un
soin, puis c'est un soin qui est léthal, c'est fini après. On entend plusieurs
histoires, on en a eu, là, depuis le début des consultations, des gens qui nous
ont dit qu'à travers le temps, donc d'après moi ils ont eu plus qu'un
traitement, ou en tout cas un continuum, qu'à travers le temps, elles ont
réussi à… puis il y a des fois eu des différents diagnostics qui n'étaient pas
bons, mais qu'ils ont réussi à retrouver une certaine joie de vivre, à
apprécier la vie, après 20 ans de maladie, de dépression, de plein de problèmes
de santé mentale. Donc, j'aimerais savoir, dans cette optique-là qu'il faut
être prudent, il faut baliser, pensez-vous qu'il devrait y avoir un certain
nombre d'années pour appliquer les traitements ou le traitement?
Mme Bédard
(Nancy) : C'est difficile à venir établir un critère de nombre
d'années, hein. Quand on est sur le choix de critères de souffrance, bien, on
est, comme individus, aptes à savoir pour nous quelle sera la souffrance qui
pourra nous permettre, nous, de se dire qu'on ne va pas aller plus loin. Donc,
c'est vrai qu'il y a toutes sortes de témoignages, toutes sortes d'histoires,
dans toutes sortes de maladies, qu'elles soient physiques ou qu'elles soient
mentales. Cependant, quand on parle d'aide médicale à mourir bien encadrée avec
certains critères, je pense qu'il faut garder ce sens-là et se dire que chaque
individu doit déterminer quelle souffrance qui lui permettra de dire…
Mme Bédard
(Nancy) : ...qu'elles soient physiques ou qu'elles soient
mentales. Cependant, quand on parle d'aide médicale à mourir bien encadrée avec
certains critères, je pense qu'il faut garder ce sens-là et se dire que chaque
individu doit déterminer quelle souffrance qui lui permettra de dire :
Bien, moi, je n'irai pas plus loin, et c'est ce que je souhaite pour moi avoir
comme soin. Parce que vous l'avez très bien dit, l'aide médicale à mourir, ce
n'est pas un refus de traitement, c'est un soin qu'on demande avec des critères
lorsqu'on aura établi une souffrance, et je pense qu'il faut quand même garder
cette vision-là. L'idée, c'est de s'assurer qu'il y a des experts qui, eux,
sont encore meilleurs que moi, là, puis que je prétends ça, là, une équipe
multidisciplinaire, qui sont vraiment, là, sur la ligne pour être capables de
venir baliser ces critères-là. Et si on a confiance en ces critères-là, moi, je
fais confiance aux experts, je pense qu'il faut garder cette patinoire-là et,
après, c'est selon cette patinoire-là et ces critères-là que chaque citoyen,
chaque individu pourra déterminer que, ce soin-là, il souhaite s'en prévaloir.
Mme
Hébert
:
Mais vous savez que plusieurs critères sont divisés par rapport à
l'incurabilité des troubles mentaux. On parle de santé mentale. Puis il y a
certaines balises, là, si on veut s'inspirer de qu'est-ce qu'il se fait à
travers le monde, donc aux Pays-Bas, en Belgique, eux, ils ont mis des balises
qui étaient très sévères pour encadrer cette pratique-là, puis... dont une qui
est le médecin qui... il peut statuer que, la personne, elle n'a pas
suffisamment tenté tous les traitements raisonnables avant de faire une demande
d'aide médicale à mourir.
Là, moi, j'aimerais savoir : Est-ce
que vous pensez qu'en donnant beaucoup de pouvoir au droit de la personne à
l'autodétermination, qu'on n'en vienne pas à basculer plus vers un suicide
assisté qu'une aide médicale à mourir?
Mme Bédard
(Nancy) : C'est une préoccupation que nos professionnels ont
actuellement parce que vous comprenez que, dans notre rôle comme professionnels
en soins, depuis toujours, notre rôle, c'est beaucoup la prévention du suicide
et empêcher les gens d'aller au suicide justement pour tous les éléments qu'on
soulève pour un traitement, pour une stabilité, pour l'accompagnement, pour le
soutien. Donc, nos gens sont divisés, nous aussi, là-dessus actuellement, donc
c'est pour ça qu'on est... qu'on reste sous cette réflexion large là et qu'on
souhaite avoir plus d'avancées sur l'expertise. C'est un premier pas, donc
c'est sûr que ce premier pas-là devra être très, très encadré, mais en même
temps il y aura une évolution, dans le temps, de ça, donc il faudra le temps le
suivre, il faudra le regarder. Puis je pense qu'il ne faut pas que ce soit un
seul médecin qui puisse déterminer que ça ne peut pas. Je pense qu'on doit
avoir une équipe d'experts, une équipe multi autour des critères qui pourrait
faire en sorte que quelqu'un souffrant d'un trouble mental pourrait, selon les
balises établies, obtenir ce soin... ce soin...
Mme Bédard (Nancy) :
…un seul médecin qui puisse déterminer que ça ne peut pas, je pense qu'on doit
avoir une équipe d'experts, une équipe multi autour des critères qui pourraient
faire en sorte que quelqu'un souffrant d'un trouble mental pourrait, selon les
balises établies, obtenir ce soin, ce soin. Mais je pense qu'il faut y aller
avec prudence, effectivement, et c'est ce que j'entends des professionnels en
soins, surtout dans un contexte au Québec, actuellement, où le
sous-financement, et les services, et les carences de soins sont dans un état quand
même assez difficile. Donc, il y a énormément d'éléments actuellement qui fait
en sorte qu'il faut y aller de façon très, très prudente.
• (11 h 40) •
Mme
Hébert
:
Bien, merci beaucoup, Mme Bédard, de ce que j'entends. Puis, ce que
j'entends de votre intervention, c'est que, même au sein de vos membres que
vous avez, que c'est quand même divisé pour la santé mentale pour y avoir accès
et quoi que ce soit. Ce n'est pas majoritairement pour, là.
Mme Bédard
(Nancy) : J'ajouterais aussi à ça que plusieurs ont dit qu'ils
manquaient d'information, parce qu'il ne faut pas penser que tous les
professionnels en soins qui ne sont pas près, si on veut, des soins de fin de
vie actuellement sont aptes à réfléchir, là, de tous les aspects de ça, mais je
vous dirais… Donc, oui, effectivement, là, c'est divisé, ce n'est pas évident,
donc je ne peux pas… je ne suis pas… je ne peux pas vous dire oui, non. Mais la
question de l'accessibilité actuellement en santé mentale est beaucoup plus
préoccupante sur des éléments de questionnement par rapport à ce soin de vie là
et à l'ouverture en santé mentale, donc c'est pour ça que les balises, les
critères… et il faudra s'assurer si jamais la législation va jusqu'à cet accès.
Puis, en même temps, pour elles puis pour nous, ce qui n'est pas évident, c'est
qu'on est capables de dire que la souffrance psychologique vaut autant que la
souffrance physique dans le critère d'accessibilité aux soins de fin de vie.
Donc, ce n'est pas évident comme questionnement.
Mme
Hébert
:
Parfait. Bien, merci, Mme Bédard, ce que j'en retiens de votre intervention,
c'est qu'il faut prendre soin de la vie avant d'anticiper un soin vers la mort.
Alors, merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente. Je vais laisser la parole à
mes collègues.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je céderais la parole à députée de Soulanges.
Mme Picard : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, mesdames. Vous avez parlé que l'aide médicale à mourir
pourrait être administrée peut-être par une infirmière praticienne spécialisée.
J'aimerais vous entendre sur le rôle des infirmières tout particulièrement dans
tout le processus de la demande jusqu'à l'administration. Y voyez-vous… Comment
on pourrait bonifier l'offre au patient avec vous, les infirmières, pour donner
plus de place aux infirmières à travers le processus?
Mme Bédard
(Nancy) : Bien, il y a quand même plusieurs éléments. C'est sûr
qu'actuellement nos infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes,
nos infirmières praticiennes spécialisées…
Mme Picard : …bonifier l'offre
aux patients avec vous, les infirmières, pour donner plus de place aux
infirmières à travers le processus.
Mme Bédard
(Nancy) : Bien, il y a quand même plusieurs éléments. C'est sûr
qu'actuellement nos infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes,
nos infirmières praticiennes spécialisées, dépendamment des endroits, des
équipes, ils en font partie, là, on a quand même plusieurs professionnels en
soins, actuellement, qui sont dans le processus. C'est sûr que, pour nous, nos
infirmières praticiennes spécialisées pourraient aussi, là, faire
l'administration de l'AMM, comme ailleurs au Canada. Bien sûr que comme tout
médecin, actuellement, qui le font, il faut quand même avoir la formation
supplémentaire, là, puis l'encadrement qui vient avec, mais on est convaincus
qu'avec l'élargissement et l'application, là, de l'AMM faite par nos
infirmières praticiennes spécialisées, pourrait favoriser un meilleur accès,
soutien aussi, et au niveau de ce service.
Au niveau des professionnels en soins,
c'est sûr que ce n'est pas toujours évident, puis c'est pour ça qu'on a osé,
puis on le fait souvent en commission parlementaire, venir parler aussi de
l'organisation du travail, et de s'assurer que l'ensemble de l'équipe de soins,
quand on a de prévu, hein, parce que c'est quand même prévisible, là, un AMM,
qu'on puisse organiser le travail pour qu'on ait tout le temps nécessaire pour
faire en sorte que, dès le départ, on puisse accompagner les familles. Donc,
que ce soit dès qu'on a un début de discussion avec le patient ou la famille,
et tout au long du processus, parce que c'est à géométrie variable quand même,
les délais et les processus en ce sens-là, actuellement, on puisse favoriser
d'être capable de bien accompagner, bien répondre. Alors, que ce soit sur
l'enseignement, comment ça va se faire, nos professionnelles en soins préparent
aussi, hein, on a jusqu'à la dernière minute toute la préparation, le soutien,
autant à la famille, le patient, qu'on parle de la veille, du matin, c'est un
processus, là, cet accompagnement-là. Donc, la plus grande difficulté,
actuellement, c'est d'avoir le temps, parce qu'on sait, là, la surcharge de
travail, et je vous dirais aussi que la formation, la formation est à géométrie
variable, donc on a formé parfois des… certaines professionnelles en soins,
mais avec le temps on ne forme pas et on ajoute des professionnelles en soins,
dépendamment des besoins qu'on a, et nos professionnelles en soins, dans la
consultation qu'on a faite, ça ne répond pas vraiment à ce que ça demande.
Donc, souvent, une fois qu'elles l'ont vécu ou qu'elles l'ont fait, elles
voient certaines carences et elles demandent, si on veut, des ajustements à la
formation ou à l'accessibilité de la formation. Il faut être bienveillant, il
faut que le système, la gestion, l'organisation du travail comprenne que ce
processus est important et on doit avoir une vigilance puis une bienveillance
pour la préparation, tôt ou tard en amont…
Mme Bédard (Nancy) :
…ou à l'accessibilité de la formation. Il faut être bienveillant, il faut que
le système, la gestion, l'organisation du travail comprennent que ce processus
est important et on doit avoir une vigilance puis une bienveillance pour la
préparation, tant en amont qu'après. Et c'est pour ça, aussi, qu'on souhaite…
puis on fait certaines recommandations pour, après, le soutien, être capable de
débriefer, être capable d'avoir des rencontres, après, pour être capable de
discuter en équipe ou avec des professionnels, parfois, ça peut être… la personne
qui a vécu une difficulté, qui a un besoin. Parce que, sinon, elle va juste peut-être
quitter cette pratique puis elle va dire : Je ne veux plus la faire, pour
plein de raisons, parce qu'elle a manqué de soutien. Donc, c'est autant en
amont qu'après. Et je vous dirais qu'en amont, bien, bien sûr, là, c'est la
formation, beaucoup, puis de s'assurer qu'on est toujours, là, tu sais, prêt et
qu'on se sent bien pour le faire. Donc, voilà.
Mme Picard : Merci beaucoup
pour vos réponses.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. J'aurais beaucoup de questions mais je dois passer la parole à la
députée de Mille-Îles.
Mme
Charbonneau
:
Je suis désolée, Mme la Présidente, de couper votre élan comme ça mais le
temps… dans l'obligation que nous avons.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Allez-y.
Mme
Charbonneau
:
Mesdames, bonjour. Mme Bédard, Mme Prévost, c'est un plaisir de vous
entendre, c'est surtout intéressant de voir la place où vous situez les gens
que vous représentez, puisqu'on a entendu des gens de plusieurs organisations.
Quand vous dites l'IPS… et vous avez
raison, les IPS, à travers le Canada, ont des obligations qui ressemblent
différemment aux nôtres, et je vais rajouter qu'il a fallu se battre pour qu'il
y en ait puis qu'il a fallu faire en sorte qu'on leur donne un peu plus de
responsabilités… ce que vous faites, comme commentaire, c'est une
responsabilité supplémentaire, vous dites qu'ils pourraient être des
administrateurs. Est-ce qu'on peut voir là une responsabilité qui viendrait
peut-être s'ajouter en… Et je vous fais mon scénario, là, je vous dis où je
m'en vais, avec ça. Un peu plus tôt, on a entendu des médecins nous dire,
quelques fois, le deuxième arrive trop tard, arrive trop tard pour faire la
deuxième évaluation, pour dire que oui, le patient est là, devrait recevoir
l'aide médicale à mourir. Y a-t-il lieu de regarder une responsabilité qui
pourrait vous appartenir, appartenir aux IPS, pour pouvoir compléter une
demande en évaluation de recevoir l'aide médicale à mourir? Puisque vous seriez
aptes à administrer, puisque vous êtes aptes, j'imagine, à reconnaître la
douleur et la souffrance, dans la mesure où on est capable de le reconnaître,
voyez-vous une responsabilité qui pourrait s'adjoindre à celle du médecin, en
deuxième constat, pour voir si la demande du patient, elle est bien fondée?
Mme Bédard
(Nancy) : Ça m'apparaît tout à fait possible à partir du moment
où, nous, dans notre… dans nos recommandations, on dit qu'une infirmière
praticienne spécialisée… peuvent suivre un patient…
Mme
Charbonneau
:
...en deuxième constat, pour voir si, la demande du patient, elle est bien
fondée.
Mme Bédard
(Nancy) : Ça m'apparaît tout à fait possible à partir du moment
où nous, dans nos recommandations, on dit qu'une infirmière praticienne
spécialisée peut suivre un patient, peut être dans le processus, peut l'administrer.
Alors, elles peuvent travailler en étroite collaboration de pairage, si on
veut, avec un médecin pour justement assumer aussi cette responsabilité-là.
Donc, elles auraient toutes les compétences pour le faire.
Mme
Charbonneau
:
Merci. Ma deuxième question était : Dans votre mémoire, vous dites que
c'était... c'est important de pouvoir mettre un soutien en suivi de l'acte, aux
gens de la famille, hein, de milieu familial, mais aussi aux professionnels.
J'ouvre une parenthèse. On se rappelle
qu'on n'a pas le service partout, puis, en ce moment, il est plus difficile et
encore plus... je vais garder le mot «difficile», c'est plus gentil, mais c'est
très difficile d'avoir des services en psychologie, puis en suivi. Est-ce que
c'est un critère qui pourrait empêcher quelqu'un de recevoir l'aide médicale à
mourir puisque je ne pourrai pas soutenir l'équipe médicale, je ne pourrai pas
soutenir l'ensemble de sa famille? Et si à prioriser un soutien, bien
instinctivement, moi, je vous dirais : J'irais vers la famille parce que
c'est un lien affectif comparé au lien professionnel.
Mais si je ne peux pas offrir de soutien à
l'équipe médicale, est-ce que ça pourrait être un critère pour ne pas offrir
l'aide médicale à mourir ou de prolonger la date à laquelle l'éventualité du
soin pourrait arriver?
• (11 h 50) •
Mme Bédard
(Nancy) : C'est sûr que non. L'idée, ce n'est pas d'opposer un
à l'autre, certainement pas. Mais, quand on est en commission, en réflexion,
qu'on parle d'élargissement, je pense qu'il faut s'assurer de mettre tous ces
leviers-là en place pour être garant de succès pour tous. Puis, au final, c'est
le patient qui est garant du succès quand on s'assure que tous les leviers sont
à la disposition des professionnels en soins. Puis ce n'est pas tout le monde,
hein, ce n'est pas tout le monde qui en a nécessairement besoin, mais mais en
organisation, quand on sait qu'on offre ce soin, quand on sait qu'il peut y
avoir un élargissement, bien il faut mettre les choses en place. Si on n'en
parle pas, si on ne le met pas, si on ne parle pas de tous ces leviers-là, bien
on connaît le réseau. C'est les éléments qui ont été de côté puis ça va devenir
une problématique.
Donc, je pense qu'il faut s'assurer,
autant pour l'équipe qui donne le soin correct, qu'on fasse le cheminement
puis, au final, c'est toujours le patient qui bénéficie de ça
Donc, je ne veux pas mettre en opposition
l'un et l'autre. Le soin du patient p0uis le patientt, c'est toujours une
primauté pour nous, mais je vous dirais qu'avec tout ce qu'on a vécu dans les
dernières années, tout élément, à un moment donné, un, dans la balance des
inconvénients, fait en sorte que c'est le patient qui en paie le prix, puis là
je n'élargirai pas sur tout ce qui se passe dans le réseau actuellement, mais l'objectif,
c'est ça finalement, et je pense qu'on est capable de le faire, et il faut...
Mme Bédard (Nancy) :
…pour nous, mais je vous dirais qu'avec tout ce qu'on a vécu dans les dernières
années, tout élément, à un moment donné, un, dans la balance des inconvénients,
fait en sorte que c'est le patient qui en paie le prix, puis là je n'élargirai
pas sur tout ce qui se passe dans le réseau actuellement, mais l'objectif,
c'est ça finalement, et je pense qu'on est capable de le faire, et il faut
commencer à redresser. Et quand on élargit puis qu'on met des cadres de soins
en place, bien, il faut commencer à s'assurer que toutes les pierres sont en
place, parce que, quand on est déficient sur certaines pierres, bien, au final,
c'est le soin qui devient, si on veut, déficitaire de quelque chose.
Mme
Charbonneau
:
Je comprends que, dans le respect des gens, vous voulez qu'on reconnaisse
l'autodétermination et l'accessibilité peut-être, j'ai bien compris, puis je
vous dirais bien discrètement, je suis très d'accord avec vous. La charge
émotive qui vient avec une décision comme celle-là, elle est quand même assez
grande, mais je vous dirais, avec courage, vous dites aussi pour la santé
mentale. La santé mentale, on a entendu des gens qui étaient pour et des gens
qui étaient contre, hein, on est un peu en réflexion par rapport à l'ensemble
des témoignages que nous avons reçus. Vous nous parlez d'un délai minimal, vous
dites : Il faut qu'il y ait un certain délai minimal pour s'assurer. Il y
a certains regroupements qui nous ont dit : Bien, après un certain temps,
le délai amène le patient à trouver une qualité de vie. D'autres nous ont
dit : Bien, ce n'est pas le délai, c'est le fait de ne pas avoir de choix,
c'est le fait qu'on ne respecte pas cette personne-là dans sa demande
autodéterminée de dire : Je veux avoir le droit médical à mourir.
Quand vous nous dites : Il devrait y
avoir un aspect bien réfléchi, des dérives bien en place et un «délai minimal»,
qu'entendez-vous par «délai minimal»?
Mme Bédard
(Nancy) : C'est sûr qu'on n'a pas établi de délai, ce que nos professionnelles
en soins, notamment en santé mentale, par l'expertise, l'expérience qu'elles
ont, elles nous ont dit… puis, encore là, je le redis, hein, c'est vraiment l'élargissement
puis c'est quelque chose de nouveau où on a moins, si on veut, de données face
à certains stades ou certains éléments, notamment comme l'Alzheimer, c'est
différent un peu. Ce qu'elles souhaitent, parce que le choc d'apprendre que tu
as potentiellement une maladie mentale, entre le diagnostic et la demande,
bien, c'est de s'assurer que la personne… la personne a eu tout le soutien
autour d'elle, un peu ce que je disais tout à l'heure, pour ne pas tout me
répéter. Donc, c'est un peu ça.
Donc, pour nous, nos professionnelles en
soins, il n'y a pas eu de délai nécessairement, mais le délai, c'est ce que ça
veut dire, tu sais, il faut s'assurer qu'entre avoir le diagnostic, moi, je
peux vous dire… tu sais, on peut se dire aujourd'hui : Bien, moi, si
j'avais tel diagnostic demain matin en santé mentale, c'est sûr que je ne veux
pas ci, je ne veux pas ça. Mais quand tu as le choc de ça, puis après ça, ce
que tu peux décider, ce que nos professionnelles en soins disaient de par ce
qu'elles ont vécu…
Mme Bédard (Nancy) :
… Aïe! Moi, si j'avais tel diagnostic demain matin en santé mentale, c'est sûr
que je ne veux pas ci, je ne veux pas ça. Mais, quand tu as le choc de ça puis,
après ça, ce que tu peux décider, ce que nos professionnels en soins disaient
de par ce qu'ils ont vécu, c'est le délai : le délai du soutien, d'aller
voir les gens, d'être capable de voir des associations, c'est ce qu'ils
souhaitaient aujourd'hui à prime abord, là, en santé mentale.
Mme
Charbonneau
:
Quand j'ai un diagnostic médical d'une maladie comme le cancer — je
vais prendre celle-là, parce que c'est un exemple facile — j'ai le
cancer, mon médecin me l'apprend, c'est une mauvaise nouvelle pour tout le
monde, mais pour moi elle est… bien, elle «dévasteuse», puis je veux… je ne
veux pas aller plus loin dans le principe de soutien médical, alors je peux
refuser le traitement. Dans votre mémoire, vous dites : Il faut que le
patient en santé mentale ait au moins accès à un traitement. Ici, je suis devant
un médecin, je passe la… toute la catégorie de spécialistes que je dois voir,
on m'annonce l'éventualité que… c'est concret, là, il y a un problème de santé
mentale qui est évident, mais que je ne veux pas avoir de traitement, je veux
juste dire : Je ne veux pas vivre avec ça, j'ai vu mes parents vivre avec
ça. Je ne veux pas passer au travers cette période-là pour avoir une finalité
qui sera celle que je crois, puisque l'image et l'histoire dans ma tête, c'est
celle que j'ai vue chez mes parents. Pourquoi, de votre côté, vous dites :
Il faut absolument que le patient ait au moins un… la possibilité d'un minimum
d'un traitement?
Mme Bédard
(Nancy) : Comme je le disais tout à l'heure, pour nos
professionnelles en soins qu'on a consultées, notamment qui accompagnent les
patients actuellement, c'est difficile, cette question-là, et pour elles,
actuellement, les gens, ce qu'ils ont besoin le plus, c'est de s'assurer
d'avoir des soins, des services, du soutien, la première ligne,
l'accessibilité. Et c'est tellement ça qui ressort que c'est difficile, comme
professionnelles en soins, dans ce qu'elles voient, de se dire : Bien,
dans le cursus de quelqu'un qui a une maladie mentale ou qui apprend qu'il a un
trouble mental, le besoin en soutien puis en soins est plus élevé que la… ce
qu'il voit actuellement de personnes qui reçoivent un diagnostic et qui
pourraient, du jour au lendemain, se dire : Bien, moi, ça… tu sais, je
veux ce soin de fin de vie là rapidement. Donc, c'est vraiment dans le
contexte, la conjoncture, ce qu'elles ont vécu, puis ce qu'ils nous ont demandé
beaucoup, c'est de la prudence. Puis il faut comprendre que, comme
professionnelles en soins, ce que nous avons, nous, dans notre ADN depuis
toujours, c'est d'empêcher les gens de se suicider.
Donc, la question, puis je le dis très
humblement, la question est difficile actuellement pour une professionnelle en
soins. C'est pour ça qu'en même temps on remet beaucoup d'éléments dans les
mains d'experts aussi puis d'équipes…
Mme Bédard (Nancy) :
…ADN depuis toujours, c'est d'empêcher les gens de se suicider. Donc, la
question, puis je le dis très humblement, la question est difficile
actuellement pour une professionnelle en soins. C'est pour ça qu'en même temps,
on remet beaucoup d'éléments dans les mains d'experts, aussi, puis d'équipes
multi, pour des réflexions, parce que ce n'est pas tranché.
Donc, l'idée de soutien, d'investissement,
de traitement, elle est au sens large pour s'assurer qu'il y ait un certain
délai puis s'assurer que la décision du patient avec un trouble de santé
mentale… mais toujours dans la prémisse, et c'est là que les valeurs sont
difficiles pour les professionnelles en soins, dans la prémisse qu'on comprend
que la souffrance psychologique vaut autant que la souffrance physique. Mais
cependant, c'est tout le bagage puis l'ADN avec lequel on a travaillé avec les
années et ce qu'on voit à tous les jours qui rend difficile le noir ou blanc
puis de dire : On tranche, oui, en santé mentale, parce qu'il y a trop de
besoins de soutien, actuellement, et c'est plus ça qui ressort.
Donc, quand on consulte les gens, ils ne
sont pas prêts à être aussi avancés, si on veut, dans la réflexion que la santé
physique… même si, pour elles, il y a certains critères qui feraient en sorte
qu'elles seraient à l'aise, mais elles veulent vraiment s'assurer… Puis
honnêtement, j'ai parlé à quelques-unes, notamment, dernièrement, puis elles
disaient : C'est vraiment difficile, dans le contexte, on voudrait
tellement s'assurer que ce soit encadré, qu'il y ait des critères, que les gens
aient eu tous les traitements qui ça prend pour s'assurer que le… leur choix de
ce soin-là est tout à fait sur les bonnes bases, si on veut.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la parole au député
de Rosemont.
M. Marissal : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, Mme Bédard. Je me permets un petit
commentaire. Vous revenez souvent, dans vos recommandations, avec une idée de
consulter pour avoir des lignes spécifiques ou des directives, mais je n'en
trouve pas beaucoup dans votre mémoire, en tout cas, pas de façon précise. Puis
c'est un peu pour ça qu'on voulait vous entendre, c'est un peu ça qu'on fait,
là, de toute façon. Mais ce n'est pas un reproche, là, c'est juste qu'on
cherche des éclairages.
Vous disiez, par ailleurs, et ça, c'est
une question, vous insistez sur la nécessité de garder la question de
l'objection de conscience. Je pense que c'est fondamental, effectivement, là, y
compris pour vos membres. Mais si vous sentez le besoin, Mme Bédard, de le
préciser, est-ce que c'est parce que vous sentez qu'à l'occasion, il y a des
pressions ou que ce n'est pas bien respecté, suffisamment?
• (12 heures) •
Mme Bédard
(Nancy) : Non, pas du tout. C'est… dans les faits, c'est qu'en
même temps qu'on demande que, mettons, notre infirmière praticienne spécialisée
puisse, elle aussi, l'administrer, ce qu'on souhaite, dans cet élément, qu'on
souligne, c'est qu'on puisse aussi… et s'assurer surtout, tout comme les médecins,
que quand un médecin…
12 h (version non révisée)
Mme Bédard (Nancy) :
…qu'on demande que, mettons, notre infirmière praticienne spécialisée puisse
elle aussi l'administrer, ce qu'on souhaite dans cet élément qu'on souligne,
c'est qu'on puisse aussi… et s'assurer surtout, tout comme les médecins que,
quand un médecin fait valoir l'objectif de conscience, il a l'obligation de
référer le patient à un autre médecin ou il va aller voir son directeur
d'hôpital puis il va dire : Il faut que vous vous assurez que quelqu'un
d'autre prend en charge cette demande-là. Et ce qu'on souhaite dans le
maintien, mais surtout ce qu'on a eu comme échange avec certaines
professionnelles en soins qui avaient aussi cette préoccupation-là, c'est de
s'assurer que ce devoir-là et cette obligation-là soient aussi obligatoires
pour les IPS s'il faut, parce que, dans le code de déontologie actuellement, contrairement
au médecin, ce n'est pas écrit.
Donc, ce qui sous-tend tout ça, finalement,
c'est qu'on puisse, oui, comme la loi le précise actuellement, faire partie de
cette loi au niveau de l'article 50. Cependant, il faut aussi avoir le
levier pour s'assurer que le patient va tout de suite avoir quelqu'un qui va
pouvoir poursuivre avec cette demande.
M. Marissal : C'est bon. Par
ailleurs, vous insistez aussi beaucoup sur l'organisation du travail, sur le
temps nécessaire pour bien faire les choses, sur le personnel requis aussi pour
bien faire les choses. Peut-être nous éclairez là-dessus un peu, parce que,
dans l'imaginaire, je pense, là, du commun des mortels, là, ça s'applique ici,
dont je suis, c'est simple l'application de l'aide médicale à mourir. C'est essentiellement…
c'est quasiment une formalité, hein. On a une aide… une demande d'aide médicale
à mourir, on arrive avec l'équipement, puis le médicament, puis paf, c'est
fait, là, puis merci beaucoup. Mais vous nous dites que c'est plus compliqué.
Dans la perspective où il risque d'y en avoir plus, là, si d'aventure on ouvre
la loi, là, on élargit, qu'est-ce que vous voulez dire par prendre le temps? Et
peut-être nous éclairer sur comment ça marche vraiment, là, quand ça se
produit.
Mme Bédard
(Nancy) : Bien, c'est-à-dire qu'il y a quand même une
préparation, puis chaque famille est différente, puis chaque situation est
quand même différente, mais il y a quand même un élément… si on sait qu'à
10 heures, demain matin, on a un patient qui va obtenir ce soin, bien,
dans les… la veille certainement, là, et le matin tôt, il y a différents
éléments d'accompagnement qui peuvent être souhaités par la famille, qui
peuvent être souhaités aussi par le patient. Et la présence, la charge de
chacune des familles, elle est différente malgré que, pour plusieurs, on parle,
au final et après, que ça a été une expérience quand même forte en émotion, que
c'est positif, que ça s'est bien fait, on a des super beaux témoignages, mais
tout ça ne dépend pas juste… tu sais, c'est l'environnement inclusif…
Mme Bédard (Nancy) :
…la charge de chacune des familles, elle est différente, malgré que pour
plusieurs, on parle, au final et après, que ça a été une expérience quand même
forte en émotion, que c'est positif, que ça s'est bien fait. On a des super
beaux témoignages. Mais tout ça ne dépend pas juste… tu sais, c'est
l'environnement inclusif des gens qui sont autour d'eux, des gens sur chaque
quart de travail. Souvent, c'est le 24 heures qui vient, qui, même après…
ces gens-là ont besoin d'accompagnement, pour plusieurs raisons, ça peut être
des questionnements, ça peut être des demandes, ça peut être une façon qu'ils
veulent que les choses se fassent. Donc, ça prend… c'est la professionnelle en
soins, et l'équipe, qui est autour d'eux, qui rendent ce moment-là à la couleur
et aux besoins… la dignité… Et ce soin-là demande de l'accompagnement dans les
heures avant puis parfois après.
Et vous comprenez qu'actuellement, que je
sois dans un centre d'activité où j'ai un patient qui va l'avoir, bien, moi, si
ma charge de travail est de 12 patients puis qu'on est à moins
trois infirmière, je vais avoir mes 12 patients qui vont sonner, qui
vont demander. Et parfois, on a eu des gens qui nous ont dit : Bien, moi,
j'avais un patient qui n'allait pas nécessairement bien, c'est arrivé l'heure
avant, et là, ma collègue s'en occupait, j'étais quand même préoccupée, je ne
me sentais pas 100 % avec cette équipe-là… Donc, ça ne peut pas être un
soin… Puis, tu sais, on pourrait en parler sur chaque soin, actuellement, mais
je vais me concentrer là-dessus.
Mais cette période-là, pour qu'elle soit
une période où les familles et le patient vont sentir cette dignité-là, demande
un moment, demande du temps et demande des gens qui sont là, donc des
professionnelles en soins, autant le temps en termes de temps mais aussi le
temps mental, on doit être disposé pour accompagner les gens. Donc,
l'organisation. Et la chose qui est intéressante dans celle-ci, c'est qu'elle
est prévue d'avance. Donc, si elle est prévue d'avance, on doit être capable…
puis ce qu'on demande, c'est qu'au niveau de la bienveillance des
gestionnaires, de l'organisation du travail, on puisse avoir la journée, quand
on a un patient, pour que toute l'équipe puisse se réorganiser un peu et faire
en sorte que les gens qui accompagnent aient tout le temps, autant dans leur
tête qu'en travail, de pouvoir bien accompagner.
M. Marissal : Je vous entends
bien. Je vous remercie, Mme Bédard.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député. Avant de céder la parole à la députée de
Joliette, j'aurais besoin du consentement de tout le monde pour qu'on dépasse
un peu notre temps.
Des voix
: …
La Présidente (Mme Guillemette) :
Consentement. Donc, Mme la députée, la parole est à vous.
Mme
Hivon
:
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. J'ai très peu de
temps donc je vais aller droit au but. La plupart des groupes qu'on a entendus
nous ont dit qu'ils jugeaient qu'il faudrait avoir un diagnostic d'établi pour
pouvoir faire une demande d'aide médicale anticipée. Il y a eu quelques
exceptions, puis aujourd'hui, il y en a deux, quand même, notoires, vous et la
Fédération des médecins… voyons, la fédération des omni, juste avant vous, et
donc…
Mme
Hivon
:
…diagnostic d'établi pour pouvoir faire une demande d'aide médicale anticipée.
Il y a eu quelques exceptions, puis aujourd'hui il y en a deux quand même
notoires, vous et la Fédération des médecins… voyons, la fédération des omnis,
juste avant vous. Et donc je voulais voir, je n'ai pas eu le temps de l'aborder
tantôt avec les médecins, quand vous dites, puis je comprends très bien, là,
vous dites : On peut imaginer un cas d'AVC où on pourrait prévoir à
l'avance qu'on voudrait avoir l'aide médicale à mourir, je voulais vous entendre
sur deux éléments par rapport à ça, parce que vous-même, vous venez de dire
que, des fois, c'est difficile de se projeter, donc on veut avoir le maximum
d'information pour pouvoir, à l'avance ou au moment même, quand vous parlez des
troubles mentaux, pouvoir être vraiment bien enligné. La difficulté que je
vois, c'est que, par exemple, si on fait un AVC, puis on connaît les critères
de l'article 26, il faut avoir une maladie grave et incurable.
Donc, je voulais savoir si, dans votre
optique, c'est plus un état qui peut être grave et incurable ou si vraiment, si
on fait un accident ou un AVC, est-ce qu'on pourrait se qualifier en vertu du
critère de la maladie grave et incurable? Puis l'autre élément, c'est que
certains nous ont dit : Dans ces circonstances-là, souvent, un arrêt de
traitement va peut-être être suffisant puisque beaucoup de gens vont être
branchés à des respirateurs, vont avoir besoin d'hydratation artificielle, et
tout ça. Donc, je voulais vous entendre là-dessus.
Mme Bédard
(Nancy) :Effectivement, pour nous, c'est
plus un état, donc l'évaluation qu'on a faite, c'est d'établir des critères de
souffrance, des critères pour une personne qui va dire : Bien, pour moi,
avec ces éléments-là et cet état-là, je choisis ce soin, donc on est plus dans
l'état. En lien avec votre autre question, puis là j'aurais comme besoin…
Mme
Hivon
:
C'est la question du refus de traitement, c'est que certains nous disent que,
dans la plupart de ces cas-là, le refus de traitement peut être suffisant, il
n'y a pas… parce que beaucoup de personnes vont être branchées à un
respirateur, beaucoup de personnes, dans ces situations-là, vont avoir besoin
d'hydratation, d'alimentation artificielle. Je voulais juste vous entendre là-dessus.
Mme Bédard
(Nancy) : Bien, c'est quand même différent comme approche puis
comme choix de soins. Un refus de traitement, c'est une chose, mais le choix de
faire en sorte que je veux avoir le soin d'aide médicale à mourir, c'est un
soin pour nous. Donc, c'est deux approches différentes et c'est deux éléments
qui sont quand même un choix personnel que les gens puissent faire. Et, pour
nous, on souhaite quand même que ce soit un choix de soins de fin de vie, si on
veut l'aide médicale à mourir, plutôt que juste de dire qu'on met fin, là, à un
traitement puis on débranche. Alors, on peut s'acharner, là, puis je suis quand
même une professionnelle en soins, là, j'ai vu, là, des patients qu'on
branchait, qu'on retardait, puis il y a une chose qui est importante pour nous
et que les professionnelles en soins ont dit, c'est que, quand on fait,
nous-mêmes, ce choix…
Mme Bédard (Nancy) :
…de dire qu'on met fin, là, à un traitement puis on débranche. Alors, on peut
s'acharner, là, puis je suis quand même une professionnelle en soins, là, j'ai vu,
là, des patients qu'on branchait, qu'on retardait. Puis il y a une chose qui
est importante pour nous, et que les professionnels en soins ont dit, c'est
que, quand on fait nous-mêmes ce choix-là avec des critères établis, là, on l'a
très bien dit, ça enlève énormément de poids et de pression sur les proches et
les familles, tandis qu'il y a des discussions parfois qui… puis ça se fait de
façon différente, tandis que, quand on est dans des refus de traitements,
parfois, l'approche est différente et le choix de débrancher quelqu'un, même si
c'est son choix qu'il a fait, ça reste extrêmement pénible pour les familles
aussi. Donc, voilà un peu, là, la différence qu'on y fait.
Mme
Hivon
: Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Merci beaucoup, Mme Bédard et
Mme Prévost, d'avoir été avec nous ce matin.
Sur ce, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 15 heures… 13 h 15, pardon, cet après-midi.
Une voix
: Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci encore, mesdames, d'avoir participé aujourd'hui.
(Suspension de la séance à 12 h 10)
13 h (version non révisée)
(Reprise à 13 h 15)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bon après-midi. Donc, la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de
fin de vie reprend ses travaux. La commission est réunie virtuellement afin de
poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur
l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie. Cet après-midi, nous
entendrons les groupes suivants : l'Ordre des orthophonistes et des
audiologistes du Québec et Dr Pierre Viens.
Donc, sans plus tarder, j'accueille nos
premiers intervenants, l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec et
leurs représentants, Mme Marie-Claude Paquette, directrice du développement
professionnel, et M. Paul-André Gallant, président. Bienvenue, merci d'être
avec nous cet après-midi. Donc, vous disposez de 10 minutes pour nous présenter
votre exposé, et par la suite il y aura un échange avec les membres de la commission.
Donc, sans plus tarder, je vous cède la parole.
M. Gallant (Paul-André) :
Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente. Je tiens à remercier les membres de
la commission de nous recevoir aujourd'hui. Les présentations ayant été faites,
je propose qu'on aille directement dans le vif du sujet aujourd'hui.
Tout d'abord, nous vous avons transmis un
mémoire qui est basé sur la littérature internationale et les données
probantes. Nous espérons que ça va vous éclairer davantage. Mais, pour lancer
la discussion, on va vous rappeler pendant ces 10 minutes les grandes lignes de
ce mémoire.
Alors, tout d'abord, sachez, les
orthophonistes et les audiologistes, qu'est-ce qu'ils viennent faire dans ce
débat important. Alors, les orthophonistes et les audiologistes sont les
spécialistes de la communication humaine. La communication, c'est quoi? Bien,
en premier, minimalement, pour avoir une bonne communication, il faut un
interlocuteur, une personne qui va être… qui va écouter, donc l'autre. Puis
communiquer, c'est quoi? C'est entendre, comprendre, raisonner, s'exprimer,
exprimer nos pensées, nos idées. Communiquer, c'est un acte qui est fondamental
tout au long de la vie, dès la naissance jusqu'à la mort.
Donc, on a suivi attentivement la
commission. Les excellentes questions qui ont été posées aux participants
renforcent notre point de vue sur le fait que les capacités communicationnelles
sont au coeur des soins de fin de vie, et particulièrement au niveau de l'aide
médicale à mourir. Beaucoup de questionnements de la commission concernent
l'aptitude. Or, ce qui ressort, ce sont deux notions clés, à notre avis, qu'on
veut aborder ensemble. Donc, la première : le consentement éclairé. Qui
implique quoi? La transmission de l'information sur la maladie, son issue, son
traitement, et surtout la compréhension de celle-ci, et aussi la capacité…
M. Gallant (Paul-André) :
…deux notions clés, à notre avis, qu'on va aborder ensemble. Donc, la première,
le consentement éclairé. Qui implique quoi? La transmission de l'information
sur la maladie, son issue, son traitement et surtout la compréhension de
celle-ci. Et aussi la capacité à décider, c'est-à-dire l'autodétermination qui
passe nécessairement par l'expression de cette décision selon différentes
modalités.
Alors, je pose la question : Comment
consentir de façon éclairée et exprimer ses volontés quand la communication est
entravée? Voilà une question qui devrait être au coeur des critères des soins
de fin de vie. Sans la communication avec la personne, le personnel soignant et
les proches nagent un peu dans un flou qui peut être soit aveuglant,
perturbant, puis même mener à certaines dérives. L'évolution de la maladie
nécessite de maintenir le besoin de communiquer le plus longtemps possible
parce que les besoins de la personne évoluent avec celle-ci.
Alors, là-dessus, je passe la parole à ma
collègue Marie-Claude.
• (13 h 20) •
Mme Paquette (Marie-Claude) :
Alors, je ne vous apprendrai rien, certainement, si je vous dis que, dans la
loi fédérale, on a énoncé une série de mesures de sauvegarde, mais il y a
l'alinéa j qui nous a particulièrement interpellés puisqu'on demande au
médecin ou à l'infirmière praticienne et l'infirmier praticien, là, qui
auraient à décider d'administrer l'aide médicale à mourir, de s'assurer que la
personne… que : «si la personne éprouve des difficultés à
communiquer — c'est bien nommé comme ça — il faut prendre
les mesures nécessaires pour lui fournir un moyen de communication fiable afin
qu'elle puisse comprendre les informations qui lui sont fournies et faire
connaître sa décision». Donc, si on y va par étape, donc on parle des personnes
qui éprouvent des difficultés à communiquer, donc est privée de communication à
cause d'une maladie mentale, parce que ça peut aussi être dans ce cadre-là,
d'un trouble neurocognitif majeur, d'un trouble de l'audition. C'est sûr que ça
va limiter la capacité à comprendre l'information qui nous est donnée ou à
s'exprimer de manière verbale un problème ou un bris de communication.
Donc, ça va avoir des impacts sur la
personne et aussi sur cette capacité à consentir. Il faut donc que ces
personnes qui ont des difficultés à communiquer soient bien identifiées, puis
on espère qu'un professionnel, que ce soit un orthophoniste, un audiologiste ou
un professionnel de la santé sera présent pour évaluer ces personnes-là, bien
les identifier, puis ensuite, pouvoir mettre en place les moyens nécessaires
pour les capacités résiduelles de communication. Parce que c'est rare qu'il n'y
en ait plus du tout, il faut aller chercher aussi ce qui reste dans la
communication.
Donc, la deuxième partie de l'énoncé,
c'est de prendre…
Mme Paquette (Marie-Claude) :
…personnes-là, bien les identifier, puis ensuite, pouvoir mettre en place les
moyens nécessaires pour les capacités résiduelles de communication parce que
c'est rare qu'il n'y en ait plus du tout, il faut aller chercher aussi ce qu'il
reste dans la communication.
Donc, la deuxième partie de l'énoncé,
c'est de prendre les mesures nécessaires pour fournir un moyen de communication
fiable. Donc, Paul-André le disait tantôt, c'est clair que dans les mesures
nécessaires, la première mesure, c'est l'interlocuteur. Donc, quelqu'un qui est
à l'écoute, qui est disponible pour écouter, et ça va… et qui aura les
aptitudes, aussi, là, nécessaires pour recevoir l'information et la communiquer,
ça va déjà mettre en place un contexte favorable à la… à l'échange.
Ensuite de ça, l'environnement et d'autres
conditions aussi vont aider, c'est-à-dire, il faut faire attention au bruit, à
l'intimité, à la confidentialité, c'est sûr, trouver des moments où
l'attention, la fatigue, la disponibilité sont plus… seront, donc, plus
disponibles, là, chez la personne, le patient. Si la personne a une déficience
auditive à la base, s'assurer que ses prothèses auditives sont bien en place et
fonctionnelles. Et ça prend du temps, tout ça, donc c'est… dans les conditions
favorables à une bonne communication, c'est d'avoir du temps pour pouvoir être
en échange et en partage d'information aussi avec la personne. Donc, la… les… à
la base de tout ça, c'est une attitude favorable et un partage d'émotion, c'est
sûr, le sujet est tellement sensible et délicat.
Finalement, on parle aussi d'utiliser des
moyens de communication fiables. C'est sûr que, comme locuteurs tout à fait
fonctionnels, vous et moi, on utilise la parole, puis vous prenez votre
audition, votre compréhension, puis on a un échange réussi. Mais il y a
d'autres façons, aussi, de communiquer, que ce soit par écrit, que ce soit par
des gestes, et je ne vous parle pas nécessairement de LSQ, je vous parle aussi
de gestes naturels, de pictogrammes, de photos. Il y a des moyens, aussi, des…
plus technologiques, il y a des applications sur l'iPad qui facilitent des
échanges de communication. Tout ça devrait être des mesures qui sont mises en
place pour aider les gens à se comprendre mutuellement, autant… que ce soit le
médecin, le soignant ou le patient et ses proches, aussi.
Et pour que tout ça aboutisse à ce que la
personne puisse comprendre les renseignements qu'on lui a transmis, parce que
ça peut être quand même assez complexe, les enjeux légaux, juridiques, et
d'éthique, et de valeurs, associés à l'aide médicale à mourir, pour qu'après
ça, cette personne-là puisse nous donner sa décision, que ça soit dans le
processus, au début, dans les directives médicales anticipées, ou plus tard,
dans son processus.
Donc, reconnaître les gens avec des
difficultés, mettre en place les moyens nécessaires pour communiquer avec eux,
c'est pour nous un incontournable…
Mme Paquette (Marie-Claude) : …que
ce soit dans le processus au début, dans les directives médicales anticipées,
ou plus tard dans son processus. Donc, reconnaître les gens avec des difficultés,
mettre en place les moyens nécessaires pour communiquer avec eux, c'est, pour
nous, un incontournable.
M. Gallant (Paul-André) :
Donc, pour faire suite, je vais parler simplement des quelques recommandations
qui sont plus détaillées dans notre mémoire, mais dont je vais rappeler, là,
l'essentiel et qui semblent beaucoup liées au rôle que joue un orthophoniste,
un audiologiste auprès d'une personne avec des problèmes de communication. La
première chose, reconnaître, reconnaître que les difficultés de communication
peuvent surgir à tout moment de la vie, particulièrement dans des maladies
dégénératives et en fin de vie, et reconnaître que la capacité à
l'autodétermination et le consentement éclairé est directement lié à la
capacité de communiquer de la personne. Quand on reconnaît, on est capable de
détecter mieux, d'évaluer mieux et surtout de pallier mieux, et d'éviter des situations
où on pense qu'une personne est inapte alors qu'elle a simplement des difficultés
à comprendre ou à communiquer.
La deuxième chose, c'est de former, sensibiliser,
former le personnel soignant et les proches. Ici, l'orthophoniste, l'audiologiste
s'inscrivent davantage dans le débat comme des facilitateurs de ça. Donc,
aider, on l'a dit, Marie-Claude l'a dit, communiquer, ça prend du temps. Et, si
on a des facilitateurs pour ça, bien, les gens vont être beaucoup plus portés à
le prendre, ce temps-là, et surtout éviter de tourner le dos à ces besoins-là.
Et la dernière chose, c'est de préparer en amont, au-delà du diagnostic, il
faut accompagner les personnes, parce qu'intervenir précocement, par exemple,
si on a une personne qui a un diagnostic d'une maladie dégénérative, comme par
exemple l'Alzheimer, on est capable de prévenir la détérioration de la
communication et de, tout de suite, penser et mettre en place des éléments qui
vont maintenir le lien communicationnel le plus longtemps possible, et c'est
ça, le grand enjeu ici.
Donc, en conclusion, reconnaître tout ça,
c'est de permettre de répondre aux besoins de la personne en général, leur
besoin d'interaction avec les autres, leur besoin spirituel, leur besoin de
comprendre ce qui leur arrive, mais surtout d'exercer un contrôle sur leurs
soins médicaux, dont les soins vers la mort. Prolonger le lien communicatif
avec les proches et l'équipe soignante, c'est vital, l'intervention précoce
dans le processus, dès l'étape des directives médicales anticipées, en mettant
en place des moyens alternatifs de communication, ça permet d'être toujours en
phase, dans le fond, avec les besoins de la personne tout le long du processus.
Alors, de notre côté, ça fait le tour de notre 10 minutes, et nous sommes prêts
pour des questions de votre part.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, nous allons débuter la période d'échange avec la députée
de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. Gallant. Bonjour…
M. Gallant (Paul-André) : …
Alors, de notre côté, ça fait le tour de notre 10 minutes, et nous sommes prêts
pour des questions de votre part.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, nous allons débuter la période d'échange avec la députée
de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Alors, bonjour, M. Gallant, bonjour, Mme Paquette, ça me
fait plaisir de vous rencontrer aujourd'hui, puis merci pour votre témoignage
puis votre mémoire également, qui est fort intéressant. Je considère que, oui,
la communication, évidemment, et puis la façon de s'exprimer, la compréhension,
évidemment, c'est un élément hyper important en ce qui concerne l'aide médicale
à mourir.
Je veux revenir un peu en ce qui concerne
déficience intellectuelle. Vous l'avez touchée un peu dans votre mémoire, vous
avez aussi fait mention d'un témoignage d'un expert qui est venu au début de
notre commission. Parce qu'il y a plusieurs groupes, évidemment, qui
représentent les personnes handicapées, les personnes qui souffrent peut-être
d'une déficience intellectuelle et peut-être les moyens pour eux à communiquer.
Alors, j'aimerais vous entendre un peu en ce qui concerne… Vous avez touché un
peu à pictogrammes, photos, etc. Mais ce serait quoi, la vision pour s'assurer
que ces personnes puissent aussi s'autodéterminer, être autonomes, prendre des
décisions? En ce qui concerne la dignité pour eux, à l'intérieur de notre
commission, on fait une discussion en ce qui concerne, là, les soins de fin de
vie.
M. Gallant (Paul-André) :
Merci. C'est une excellente question, et la première chose que je répondrais,
c'est… La chose la plus importante à retenir, c'est que le problème avec la communication,
c'est qu'on la tient pour acquise, très souvent, et on ne va pas penser que la
personne a des problèmes de communication. Évidemment, dans une question de
déficience intellectuelle, souvent, ces problèmes de communication là sont
connus assez rapidement, et tranquillement, à mesure que la personne se
développe, on met en place des éléments qui permettent du moins d'avoir ce lien
de communication là. Alors, nous… Et des moyens en place, des moyens de
communication non orale, entre autres, pour des personnes qui seraient non
orales, et il y a des orthophonistes, évidemment, qui travaillent avec ces
personnes-là.
• (13 h 30) •
L'idée ici pour nous, ce n'est pas de dire
quand est-ce que la personne est jugée inapte ou pas à prendre ou pas une
décision, mais de tenir en compte que parfois les problèmes de communication
mettent vraiment un voile sur les réelles capacités. Donc, une personne qui a
de la misère à parler, par exemple, ou de la misère à s'exprimer, on va souvent
penser soit qu'elle a un problème intellectuel, cognitif ou qu'elle n'est pas
capable de prendre des décisions pour elle-même, alors que, quand on supporte
cette communication-là, bien, à ce moment-là, cette personne-là est capable
quand même d'avoir un certain contrôle et une autodétermination sur ses choix,
et c'est là tout ce qui est central. Nous, on ne se pose pas comme un défendeur
ou pas de l'aide médicale à mourir ou non dans ce…
13 h 30 (version non révisée)
M. Gallant (Paul-André) :
…bien, à ce moment-là, cette personne-là est capable quand même d'avoir un
certain contrôle, une autodétermination sur ses choix. Et c'est là tout ce qui
est central. Nous, on ne se pose pas comme un défendeur ou pas de l'aide
médicale à mourir ou non dans ce débat-là, mais on veut juste s'assurer qu'au
bout de la ligne on a donné toutes les chances à la personne de pouvoir avoir
un contrôle sur ses choix et de comprendre ce qu'il lui arrive.
Mme Maccarone : C'est bien,
puis merci beaucoup. Je vous soulève une préoccupation, je vous soulève une
préoccupation comme maman qui a vécu ça comme expérience personnelle, la
pénurie. Ce que vous dites puis ce que vous faites, j'y crois fondamentalement parce
que j'ai passé par là pour mes enfants qui n'ont pas demandé une assistance aide
médicale à mourir, ça fait qu'on parle pour ces personnes qui se retrouvent
peut-être dans une situation de vulnérabilité puis ils auront peut-être besoin
d'avoir un accompagnement. Que ferons-nous? Parce que ce que vous dites, c'est
primordial, c'est très important, mais… puis moi, j'habite dans la grande
région de Montréal, imaginez pour les gens qui habitent en région. Alors, ça
serait quoi votre recommandation? Que pouvons-nous penser comme recommandation
à l'intérieur de notre commission ou pour venir aider ces personnes, puis avoir
un accompagnement qui est essentiel, comme vous dites?
Mme Paquette (Marie-Claude) :
Bien, effectivement, l'enjeu, là, de l'accessibilité aux services, on est aussi
très préoccupés par ça. On ne s'en cachera pas, là, mais je pense qu'au-delà de
ça notre… Il faut vraiment comprendre que c'est la reconnaissance de la
communication qu'on veut qui soit bien entendue et on pense sincèrement qu'en
travaillant en collaboration avec les collègues infirmières, médecins,
psychoéducateurs, psychologues, neuropsychologues, peu importe, là, les gens
impliqués auprès de ces… les éducateurs, tu sais, les gens impliqués auprès de
ces clientèles vulnérables là, on pense qu'il y a moyen de trouver une façon
de, tous, mettre en place les mesures nécessaires pour communiquer avec les
gens. Oui, c'est sûr qu'en amont on a besoin de services. Oui, on a besoin que
ces gens-là puissent développer leur plein potentiel au niveau de leur
communication. Mais, à un moment donné, quand on est rendus à faire des choix,
des choix de soins, des choix de vie, des choix… il faut être capable de
reconnaître qu'il y a d'autres façons de communiquer avec des gens.
Et, comme je vous disais tantôt, il y a
des façons aussi de plus en plus technologiques, mais accessibles, aussi
disponibles, qui peuvent être intéressantes. Puis, au-delà de ça, il y a
toujours un moyen en tout cas de se mettre en relation dans le senti, dans le
partage, dans l'émotion. Mais je pense qu'il faut être vraiment sensible et
conscient, en tout cas, de ces possibilités-là. Puis je pense que ce qu'on
déplore puis ce qu'on nous rapporte, c'est qu'on lâche rapidement… on lance
rapidement la serviette en disant : Ah! bien, il n'a pas compris. Ah!
bien, il est inapte…
Mme Paquette (Marie-Claude) :
…l'émotion. Mais je pense qu'il faut être vraiment sensible et conscient, en
tout cas, de ces possibilités-là. Puis je pense que ce qu'on déplore puis ce
qu'on nous rapporte, c'est qu'on lâche rapidement la… on lance rapidement la
serviette en disant : Ah bien! Il n'a pas compris, ah bien! Il est inapte,
ah bien! Il est… tu sais, au lieu d'essayer de faire un petit bout de chemin.
Ça ne réglera pas tout, là, on est bien conscient, là, ça… Mais il faut prendre
le temps, on y revient, puis… pour essayer de bien accompagner ces gens vulnérables
là.
M. Gallant (Paul-André) : Peut-être
que je peux rajouter. Il serait peut-être utopique, à court terme, de dire
qu'un orthophoniste soit dans toutes les équipes, ou peu importe, mais c'est
pour ça que notre recommandation à la commission, c'est vraiment d'utiliser les
orthophonistes, les audiologistes comme des facilitateurs. Quand on sait qu'une
personne a des difficultés de communication — et pour le savoir, il
faut former le personnel, bien entendu — quand on le sait, à ce
moment-là, on peut utiliser des orthophonistes, audiologistes qui travaillent
dans d'autres secteurs, par exemple du CSSS, ou peu importe, pour venir juste
aider, faciliter quelque chose au sein de l'équipe elle-même. Là, actuellement,
c'est ça qu'on souhaite, au bout de la ligne, et je pense que c'est ce que la commission
souhaite aussi.
Mme Maccarone : Ça fait que peut-être
vous serez d'avis s'il y avait un centre d'excellence, par exemple, votre ordre
pourrait faire partie de ce centre pour offrir une formation, pour un
accompagnement ou même des évaluations.
M. Gallant (Paul-André) : Ah
oui! Puis je vous dirais que… je vais vous donner un exemple qui va être très,
très clair. Par exemple, la question des prothèses auditives, combien… je ne
sais pas si vous avez des parents, des gens qui sont en CHSLD ou des choses
comme ça, nous, c'est notre cas, on a beaucoup de témoignages comme ça où des
personnes ont dit : Ils n'ont pas compris, ou… mais on a oublié de leur
mettre leurs prothèses auditives, tout simplement, ils n'entendaient simplement
pas et on a jugé qu'elles étaient en perte cognitive à ce moment-là. Et ça,
c'est, à notre avis, très grave.
Donc, la formation va permettre,
probablement, peut-être pas de tout régler mais certainement de lever des
drapeaux rouges où quand on a besoin de services plus spécialisés en
orthophonie ou en audiologie, bien là, à ce moment-là, on peut le mettre en
place assez rapidement.
Mme Maccarone : Est-ce qu'il y
a des outils pour aussi accompagner les proches aidants en ce qui concerne ce
processus?
Mme Paquette (Marie-Claude) :
Bien, certainement. Moi, je pense que c'est… d'ailleurs, ils sont les premiers
facilitateurs à la communication, ça, c'est clair, auprès des gens qui ont des
difficultés. Puis après ça, clairement, il y a des choses… puis, tu sais, il y
a déjà… dans le mémoire, on a… on vous a envoyé aussi, là, un lien vers le
CIUSSS — Centre-Sud-de-Montréal qui, il y a 10 ans de ça, là, ce
n'est pas… a mis en place des outils élaborés par des orthophonistes pour aider
à… les personnes à faire un choix dans leur niveau de soin, les… que… pour
savoir si elles veulent de la réanimation ou pas. Ça fait que c'est des choses
pour lesquelles on est préoccupé mais qu'on…
Mme Paquette (Marie-Claude) :
…a mis en place des outils élaborés par des orthophonistes pour aider les personnes
à faire un choix dans leur niveau de soins, pour savoir s'ils veulent de la
réanimation ou pas. Ça fait que c'est des choses pour lesquelles on est
préoccupés, mais qu'on veut trouver des solutions aussi, qu'on veut essayer,
là, pas juste dire : Ah! il aurait besoin de, mais oui, mais qu'est-ce
qu'on peut mettre en place pour l'aider, là?
Mme Maccarone : On a déjà
demandé la question auprès d'autres personnes qui sont venues témoigner, mais,
tu sais, par exemple, quand on parle de compréhension, souvent, c'est un
langage, mettons, une personne qui souffre de l'autisme ou une personne qui
souffre d'une déficience intellectuelle vont utiliser des paroles pour
s'exprimer, un sentiment, puis ils vont dire : J'ai juste le goût de
mourir. Je vous hais. Puis ce n'est pas vrai, ce n'est pas nécessairement ça
qu'ils veulent évoquer ou ce n'est pas ça qu'ils veulent partager, mais c'est
un moyen, pour eux, de s'exprimer une douleur profonde qu'ils ressentent.
Qu'est-ce que vous nous recommandez, comme
membres de la commission, comme outils qu'on peut utiliser ou comme
recommandation, pour s'assurer que ces personnes auront, premièrement, une
façon pour eux de s'autodéterminer, d'être indépendants, de prendre des
décisions qui sont réfléchies dans la dignité, s'ils sont en train vraiment de
souffrir, mais aussi de s'assurer qu'il y a une bonne compréhension? Est-ce que
ce serait toujours de passer par votre ordre? Est-ce que ce serait toujours de
passer par des experts comme vous? Est-ce que ce serait de s'assurer, si on a
un doute, de faire une consultation? Ce serait quoi, le meilleur moyen de
s'assurer que, un, on les respecte, puis deux, qu'on a une meilleure
compréhension de qu'est-ce qu'ils veulent vraiment, comme décision, en ce qui
concerne l'aide médicale à mourir?
M. Gallant (Paul-André) :
Bien, je pense que vous l'avez nommé au début de votre question, les problèmes
de communication sont souvent la source… quand une personne s'exprime,
dit : Je veux mourir, oui, elle peut faire une dépression, oui, elle peut,
effectivement, souffrir énormément, mais aussi la difficulté à communiquer peut
rendre plus dépressif, plus découragé, plus… Donc, quand on n'a plus accès,
quand on ne semble plus avoir le contrôle de ce qu'on veut, de ce qu'on a, de
ce qui se passe, évidemment, ça a des répercussions sur notre propre santé
mentale. Donc, dans tous les cas, et c'est le lien probablement avec la
communication et la santé mentale, d'une part, le besoin de communiquer, s'il
est affecté, peut affecter notre santé mentale en tant que telle, et la santé
mentale, elle-même, pour la travailler, il faut communiquer avec la personne,
il faut lui parler, il faut échanger, il faut faire de la psychothérapie, par
exemple, peu importe.
Donc, à ce moment-là, c'est un double
problème, si on ne règle pas la capacité à communiquer, on peut soit travailler
dans le vide et/ou soit rendre la personne beaucoup plus affectée par tout ce
qu'elle vit qu'elle le serait sans problème de communication notamment. Donc,
l'expertise, à ce moment-là, pour s'assurer que ces éléments-là sont…
M. Gallant (Paul-André) : …on
peut, soit travailler dans le vide, et/ou soit rendre la personne beaucoup plus
affectée par tout ce qu'elle vit qu'elle le serait sans problème de communication,
notamment, donc, l'expertise, à ce moment-là, pour s'assurer que ces
éléments-là sont maintenus dans le temps. Et je le répète, encore une fois, on
parle des directives anticipées dans la commission, etc. Les directives
anticipées, c'est très bien. Même, avec ma collègue Christine Grou de l'ordre
des psys, vous parliez : Est-ce que c'est de la souffrance anticipée
versus la souffrance elle-même? Ce que ça note, c'est que c'est un processus,
hein. Quand on parle de directives anticipées, on veut quelque chose, mais la personne
change avec sa maladie. Et, si ce lien communicatif là n'est pas maintenu le
plus longtemps possible, alors là on devient dans le brouillard, l'équipe, les
proches, l'équipe traitante, tout le monde parce qu'on veut savoir :
Est-ce qu'elle maintient sa directive anticipée? Est-ce qu'elle est toujours en
accord avec ce qu'elle a… Donc, c'est toutes ces questions-là que ça pose. Ce
n'est pas tant, à notre avis, la question sur est-ce qu'elle est apte ou pas?
La question est de savoir : Est-ce qu'on a tout mis en place pour juger
qu'elle est inapte à… Et la communication, pour nous, c'est central à ce
niveau-là.
• (13 h 40) •
Mme Paquette (Marie-Claude) :
Puis je pense que, tu sais, vous posiez la question… Je vais juste me permettre
de poser la question. Est-ce qu'il faudrait à ce moment-là faire appel, par
exemple, à un orthophoniste ou faire appel à un professionnel ou… Moi, je pense
que oui, moi, je pense que oui. Moi, j'aimerais ça que la commission décide
que, si on reconnaît qu'il y a un problème de communication chez une personne
qui l'empêche de nous exprimer ses volontés ou pour lesquelles on a un doute
sérieux sur sa compréhension, puis qu'on y aurait peut-être accès, ou qu'on
serait capables d'aller plus loin avec elle dans le processus, moi, je pense
qu'on a des membres partout à travers le Québec, puis on pourrait travailler en
collaboration. Comme vous l'avez dit, on est très conscients, on n'est pas, là,
nombreux, nombreux, mais je pense qu'on peut travailler en collaboration avec
les collègues puis trouver ensemble une solution pour que cette
problématique-là de communication soit reconnue et adressée. Tu sais, au-delà
de la reconnaître, moi, je pense qu'il faut essayer de mettre en place des
mesures pour soutenir.
Mme Maccarone : La raison que
j'ai posé cette question, c'est pour être en mesure de poser ma prochaine
question puis c'est : Est-ce qu'il y a des diagnostics ou des occasions où
vous dirait que c'est clair, il y a un manque d'un bris de communication, il y
a un manque de compréhension de cette personne en ce qui concerne soit
l'orthophonie, audiologie, puis vous dirait que, c'est non, on ne peut pas,
Moi, je ne donnerais pas mon accord pour cette personne d'avoir accès à un soin
de fin de vie?
M. Gallant (Paul-André) :
Bien, je ne parlerai pas de diagnostic parce que je pense que c'est différent.
Diagnostic, on parle de maladies, puis l'évolution, c'est différent pour chaque
personne, bien entendu. Mais, bien sûr, qu'à un certain moment il n'y en a plus
de communication. Ça peut arriver, effectivement, qu'il y en a…
Mme Maccarone : ...soins
de fin de vie.
M. Gallant (Paul-André) :
Bien, je ne parlerai pas de diagnostic parce que je pense que c'est différent.
Diagnostic, on parle de maladies, puis l'évolution, c'est différent pour chaque
personne, bien entendu. Mais, bien sûr qu'à un certain moment, il n'y en a plus
de communication. Ça peut arriver effectivement qu'il n'y en a plus, mais je
crois qu'actuellement on pense qu'il n'y en a plus beaucoup plus rapidement
qu'on devrait le faire, et c'est tout ça le problème.
C'est drôle, ce matin, on en discutait parce
qu'on a écouté la commission puis, à un moment donné, il y a eu des questions
sur l'incontinence. C'est étrange ce que je vais dire aujourd'hui, mais je vais
vous parler d'incontinence comme communication. Mais c'est quoi,
l'incontinence? C'est l'impossibilité de sentir qu'on a besoin d'aller à la
salle de bain. Par contre, c'est beaucoup confondu avec le fait que la personne
n'est pas capable de dire qu'elle a envie d'aller à la salle de bain, et ça, ce
n'est pas de l'incontinence, c'est un problème de communication alors, et c'est
comme ça pour tout. Je parle de cet exemple-là parce qu'il est frappant, mais
c'est comme pour tout. À quel moment on juge que la personne est inapte si on
n'a pas, avant tout, je pense, vérifié? Est-ce que c'est parce qu'elle n'est
pas capable de le dire ou parce qu'elle ne comprend pas ce qui se passe?
Je pense aussi à des gens qui ont des
maladies incurables, des cancers, tout ça. Déjà, c'est très difficile, hein,
même quand on a toutes nos capacités de communication, recevoir un pronostic,
recevoir tout que qui s'en vient comme traitement, etc. C'est difficile à
comprendre. Il y a de l'émotion, il y a beaucoup de choses. Imaginez-vous une
personne qui a des difficultés à communiquer, comment c'est difficile
d'intégrer cette information-là. Et pour prendre une décision sur ses soins de
fin de vie, ou sur ses soins en général, il faut comprendre l'issue de ça. Donc,
cet accompagnement devient vraiment essentiel.
Mme Maccarone : Merci
beaucoup. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant
la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
:
Oui. Bonjour, M. Gallant, Mme Paquette. Bien heureuse de vous
entendre. Je veux vraiment poursuivre sur la question de l'aptitude. Est-ce que
vous diriez que, du fait des mauvaises évaluations des capacités de
communication de personnes, on a des diagnostics erronés d'aptitude ou
d'inaptitude?
M. Gallant (Paul-André) :
Veux-tu répondre, Marie-Claude?
Mme Paquette
(Marie-Claude) : Bien, peut-être, je vais vous répondre peut-être. Je
n'ai pas de... c'est sûr que je n'ai pas... qu'on n'a pas fait d'étude de cas
là-dessus non plus là-dessus, là, mais moi... puis on pense que rapidement on
arrive à cette décision-là sans peut-être avoir poussé assez longtemps, sans
avoir répété assez souvent, parce qu'on n'a peut-être pas parlé., mais souvent,
là, on a besoin de répéter l'information, on a besoin de retourner valider la
compréhension, on a besoin... c'est ça aussi, là, quelqu'un qui a des
difficultés de compréhension. Donc, peut-être que...
Mme Paquette (Marie-Claude) :
…avoir poussé assez longtemps sans avoir répété assez souvent. Parce qu'on n'en
a peut-être pas parlé, mais souvent, on a besoin de répéter l'information, on a
besoin de retourner valider la compréhension, on a besoin… c'est ça aussi, là,
quelqu'un qui a des difficultés de compréhension.
Donc, peut-être que ça se fait trop tôt.
On le connaît, le système, hein, ça va vite, on est coincé. Puis je pense que
les gens sont tellement bienveillants, là, surtout quand on parle d'aide
médicale à mourir. Je ne voudrais surtout pas que les gens pensent qu'on n'est
pas d'accord avec le processus actuel, mais… puis… Mais dans cette
bienveillance-là, moi, je pense qu'il faudrait aller peut-être un petit peu
plus loin dans le processus d'évaluation de l'aptitude, effectivement.
M. Gallant (Paul-André) :
J'ajouterais qu'au Québec, au niveau des soins communicationnels en fin de vie,
là, on n'est pas très avancé.
Mais à l'international, il y en a, des
études de cas qui ont montré qu'avec le support de la communication, on a
repoussé les limites de ce qu'on appelle l'inaptitude, d'une certaine façon. Et
je pense que c'est… une question qui est très importante et qu'il faut se
poser, dans le fond, c'est : Est-ce qu'on a mis en place — puis
le… l'alinéa de la loi le dit — est-ce qu'on a tout mis en place le nécessaire
pour s'assurer que la personne est en mesure…
On en a… on est, tous les deux,
cliniciens, hein, Marie-Claude et moi, puis on a travaillé avec des adultes
traumatisés crâniens très amochés, et tout ça, et des moyens de communication,
alors que personne ne pensait qu'ils existaient, qu'il y en avait, que la
personne était complètement neurovégétative, ou peu importe, puis on a réussi à
avoir des moyens de communication. Ça, dans la littérature, dans tout, il y en
a énormément, d'exemples de ça.
Est-ce qu'on prend le temps de le faire?
Je pense qu'il y a une volonté mais il reste que ça prend du temps. Communiquer
avec une personne qui a la maladie d'Alzheimer, ça prend du temps, communiquer
avec une personne qui a des grosses déficiences auditives, qui est âgée, qui a
des déficits cognitifs, ça prend du temps, et effectivement, parfois,
probablement qu'on tourne les coins ronds là-dessus.
Mme
Hivon
: Et
j'imagine que là, vous nous parlez… parce que notre commission porte sur la
question de l'aide médicale à mourir, donc vous nous parlez plus de situations
de fin de vie ou de demande anticipée, mais j'imagine que le défi est le même
pour une multitude de soins et de parcours dans notre système de santé, que ce
soient des refus de traitement, que ce soient des choix de traitement. Donc,
j'imagine que ce que vous nous amenez comme problématiques ou comme défis et
comme importance à consacrer à la communication, ça se… je dirais que ça se
répercute dans l'ensemble du système.
M. Gallant (Paul-André) :
Bien, c'est pour ça que je disais, d'entrée de jeu, que la communication, c'est
tout au long de la vie, à la naissance jusqu'à la mort. Si on peut maintenir
cette communication-là le plus longtemps possible, effectivement… Mais oui…
Mme
Hivon
: …la
communication, je dirais que ça se répercute dans l'ensemble du système.
M. Gallant (Paul-André) :
Mais c'est pour ça que je disais, d'entrée de jeu, que la communication, c'est
tout au long de la vie, à la naissance jusqu'à la mort, si on peut maintenir
cette communication-là le plus longtemps possible, effectivement. Mais oui,
dans plein d'autres endroits, dans le système de santé, autres que les soins de
fin de vie, entre autres, on a fait des mémoires sur les CHSLD, sur la
maltraitance, on a fait un mémoire sur la maltraitance communicationnelle, il y
a un lien avec ça. Si on passe droit sans se préoccuper de la personne, parce
que, dans le fond, elle ne fait pas de bruit, elle n'est pas jasante ou peu
importe, bien, on va aller s'occuper de celle qui en fait plus, ou, à
l'inverse, la personne qui a de la difficulté à exprimer ses besoins va
accumuler de la frustration, va avoir des troubles de comportement qui sont
associés, et on va l'étiqueter ayant des problèmes de comportement. Alors qu'à
la base, le problème, c'est qu'elle n'est pas en mesure de se faire comprendre
et d'exprimer adéquatement ses besoins.
Donc, c'est un lien qui existe partout.
Bien évidemment, on le calque sur les soins de fin de vie, où, là, il y a une
décision importante, où le contrôle sur ces soins devient encore plus sensible,
je dirais, et lié à des grandes émotions, puis en plus, où les proches, eux,
qui sont les interlocuteurs privilégiés de ces personnes-là, sont mis dans une
situation, parfois, qu'ils aimeraient tellement pouvoir savoir ce que l'autre
ressent, ce que l'autre pense, ce que l'autre a besoin. Et je pense que là, ça
devient... c'est là qu'on dit que ça devient fondamental.
Mme
Hivon
: Je
pense que je n'ai plus de temps, Mme la Présidente. Alors, je vous remercie
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Donc, je céderais la parole à la députée de
Soulanges.
• (13 h 50) •
Mme Picard : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour. Je vais profiter de votre présence parce qu'il y a une
personne qui est passée ici, en commission, et qui nous a dit qu'il y avait
déjà une demande d'aide médicale à mourir pour une personne qui souffrait
d'acouphène, parce que, selon elle, c'était une maladie intolérable, incurable.
Donc, j'aimerais avoir probablement votre avis sur cette affirmation-là, qui
m'a vraiment surprise. Et peut-être aussi, là, développer sur les diagnostics
comme tels, là, qui pourraient être problématiques pour vous, selon vous.
M. Gallant (Paul-André) :
Bien, à votre question directement, sur la question de l'acouphène, c'est...
l'acouphène, c'est une condition, effectivement, puis c'est une condition qui
peut être effectivement très difficile et qui peut exiger une grande souffrance
chez la personne. Donc, moi, je pense que, quand on parle d'un exemple comme
ça, c'est la souffrance que la personne vit autour de cette condition-là qui
est l'acouphène. Donc, pour ceux qui le savent, bien, l'acouphène, c'est
d'entendre finalement un son en continu qui est parfois fort, parfois
intolérable, qui... Et il y a des degrés d'acouphène, etc. Donc...
M. Gallant (Paul-André) :
...je pense que, quand on parle d'un exemple comme ça, c'est la souffrance que
la personne vit autour de cette condition-là qui est l'acouphène. Donc, pour
ceux qui le savent, bien, l'acouphène, c'est d'entendre finalement un son en
continu qui est parfois fort, parfois intolérable, qui... Et il y a des degrés
d'acouphène, etc. Donc, évidemment, l'acouphène, ça... C'est lié souvent à une
perte auditive en plus. Et par ailleurs on peut aider la personne à rendre plus
tolérant, si on veut, l'acouphène pour cette personne-là. Donc, ça, c'est une
chose. Est-ce que ça peut devenir une condition à ça? Ce n'est pas à nous d'en
juger, mais c'est surtout de dire : Est-ce qu'on a fait ce qu'il y avait à
faire pour soulager cette souffrance-là de cette personne-là? Parce que c'est
ça au bout de la ligne qui est l'enjeu principal à mon avis. Marie-Claude.
Mme Paquette
(Marie-Claude) : Ah oui! Tout à fait. Tout à fait. Puis d'ailleurs on
en avait parlé quand on a parlé de problèmes de santé mentale. C'est même
associé. Ça peut être vraiment quelque chose de très débilitant, un acouphène.
Ça fait que, oui, ça peut être souffrant. Mais de là à dire que ça devient un
diagnostic quand c'est hyper sévère. Tu sais, je... C'est pour ça que, pour
nous, rentrer dans des diagnostics, je pense qu'on n'est pas nécessairement là.
Ce n'est pas le propos, là, de notre venue.
Puis on pense que, dans le fond, il y a
une unicité aussi. Chaque personne est différente. Chaque histoire est
différente. Chaque contexte de vie est différent. Donc, essayons plutôt d'être
en contexte et en lien avec la personne puis d'être en... de savoir son senti,
le pourquoi, les causes, où elle est rendue dans son cheminement pour être
capable de l'accompagner vers les bons soins quand c'est... quand on peut
encore, ou carrément vers sa fin de vie qu'elle décide, là, qui devient la
solution à ses souffrances à ce moment-là ou à sa condition, sa maladie
incurable, là.
Mme Picard : Merci
beaucoup. Je vais passer la parole à une autre de mes collègues. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Je céderais la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Gallant et Mme Paquette. Vous
venez vraiment apporter une autre dimension, une autre vision, une perception
qu'on n'avait vraiment pas encore abordée aussi profond. Moi, j'aimerais
savoir, on parle de 480 audiologistes au Québec,
3 000 orthophonistes. Est-ce que vous avez sondé vos membres par
rapport à votre intervention aujourd'hui, là, par rapport à l'approche à l'aide
médicale à mourir, là, pour l'élargissement? Est-ce que vous avez sondé vos
membres?
M. Gallant (Paul-André) :
En fait, on a fait mieux que les sonder. Je vous dirais que ça fait deux ans,
avant la pandémie, là, juste avant la pandémie, deux ans que j'ai fait avec
Marie-Claude la tournée du Québec dans toutes les régions. J'ai rencontré les
orthophonistes et les audiologistes pour parler de toutes sortes de sujets.
Bien évidemment, les orthophonistes et audiologistes jouent un rôle pour des
enfants de zéro à des personnes âgées de 99 ans et plus. Donc, c'est sûr
qu'on a un champ d'exercice qui est très vaste, les orthophonistes et
audiologistes.
Donc, dans ces consultations-là, quand
c'est des consultations directes dans toutes les régions du Québec, c'est des
sujets...
M. Gallant (Paul-André) :
...rôle pour des enfants de zéro à des personnes âgées de 99 ans et plus. Donc,
c'est sûr qu'on a un champ d'exercice qui est très vaste, des orthophonistes et
audiologistes.
Donc, dans ces consultations-là, qui ont
été des consultations directes dans toutes les régions du Québec, c'est des
sujets qu'on a abordés, donc les préoccupations, comme Mme Hivon a bien dit, à
tous les niveaux, pas juste soins de fin de vie, mais aussi à tous les niveaux,
CHSLD, soins aux personnes âgées, etc., en déficience intellectuelle, autisme,
et tout ça. Donc, on a discuté, et on a... ils nous ont partagé ces préoccupations-là
de dire : On aimerait faire plus, on aimerait que ce soit davantage
reconnu, que d'avoir un appel d'un médecin, d'une équipe qui dise :
Pourrais-tu venir nous aider? Cette personne-là, elle a des difficultés à
communiquer, puis on n'est pas sûrs que... on n'est pas capable de l'aider,
mais on pense qu'il y aurait peut-être quelque chose qui pourrait être fait.
On a beaucoup ce réflexe-là, chez les
enfants, de faire tout ce qu'on peut, tout ce qu'il y a en notre pouvoir, entre
autres, les enfants qui ont des difficultés scolaires, à l'école, de mettre des
outils technologiques, de les aider au maximum. Mais la question reste aussi
pour ces personnes-là. Et ils nous disent... On est des personnes qui
travaillent, bien sûr, en réadaptation, avec un potentiel de réadaptation, mais
quand on parle de maladies dégénératives, on ne parle pas de potentiel de réadaptation.
On parle de maintien, de maintien le plus longtemps possible. Pas d'amélioration,
mais de maintien. Et ça, nos membres le disent haut et fort. On n'en parle pas suffisamment
souvent du rôle qu'on doit jouer dans ce maintien des capacités communicationnelles
là.
Je ne sais pas si ça répond à votre question?
Mme
Hébert
: En
partie. Alors, je vais poursuivre là-dessus, puis vous allez pouvoir sûrement
alimenter... Est-ce que, pendant, là... Depuis, là, que l'aide médicale à
mourir est un soin de fin de vie, ça a été adopté, puis qu'elle est octroyée,
ce soin-là est donné aux gens, est-ce que vous avez été sollicités à plusieurs
occasions pour une évaluation? Avez-vous été sollicités souvent?
M. Gallant (Paul-André) :
Bien, je pense... puis, Marie-Claude, tu pourras compléter... je pense qu'on
peut probablement compter sur les doigts d'une main les orthophonistes,
audiologistes qui sont présents réellement, là, dans les équipes, hein, de
soins de fin de vie, soins palliatifs, etc. Ce n'est pas... Encore là, c'est
pour ça qu'on est là aujourd'hui, c'est pour qu'on développe ce réflexe
davantage là. Par contre, c'est plus arrivé à d'autres niveaux, c'est-à-dire,
les personnes qui étaient en soins de fin de vie... Marie-Claude est une clinicienne
à qui c'est arrivé. Elle peut partager quand elle travaillait en traumatologie,
entre autres, où il y a une décision qui a été prise. On ne parle pas de soins
de fin de vie, mais davantage de débranchement ou de quoi que ce soit avec la
famille, etc., mais où les capacités communicationnelles étaient évaluées comme
étant nulles, là, à ce moment-là.
Mais je ne peux pas vous mentir, parce
que...
M. Gallant (Paul-André) :
…davantage de débranchement ou de quoi que ce soit avec la famille, etc., mais
où les capacités communicationnelles étaient évaluées comme étant nulles, là, à
ce moment-là. Mais je ne peux pas vous mentir, parce que vous dirais que non,
c'est que ça arrive très peu souvent encore aujourd'hui, puis c'est ce qu'on
déplore. Je pense qu'encore une fois l'idée n'est pas d'avoir un orthophoniste
systématiquement ou un audiologiste dans les équipes de soins palliatifs, mais
la question de la disponibilité plutôt que de l'accessibilité nous apparaît
importante, c'est-à-dire que si une personne, un orthophoniste est disponible
dans l'établissement ou, peu importe, dans le CSSS, et qu'il est dédié à ça, et
qu'on peut faire appel à lui dans les moments où on juge qu'on en a besoin,
pour nous, c'est la clé ici, et surtout si le personnel est formé bien pour
détecter ces problématiques-là.
Mme
Hébert
:
Parfait. Puis est-ce que… dans la séquence, là, vous dites : Vous êtes des
facilitateurs, vous aimeriez être au sein des équipes d'évaluation. Donc, vous
voyez-vous autant au début, lorsque la personne… disons qu'on élargit, puis on
peut le mettre aux personnes qui sont aptes, qui ont un diagnostic ou pas, là,
tout dépendant qu'est-ce qui sera décidé… Mais est-ce que vous vous voyez comme
au début du processus puis à la fin pour l'évaluation lorsqu'on demande,
disons, l'aide médicale à mourir, là, que la personne, elle a atteinte ou les
critères qu'elle avait fixés? Vous voyez-vous dans le continuum ou à quelle
séquence que vous vous voyez?
M. Gallant (Paul-André) :
Bien, en fait, on parle souvent d'évaluation. Et nous, ce qu'on dit, c'est qu'il
y a de l'intervention à faire. Donc, bien évidemment, à un certain moment, à un
certain point pour une personne qui a une difficulté à communiquer, il y a une évaluation
qui va se faire, bien entendu. Mais plus important encore, c'est qu'est-ce
qu'on va faire après pour l'accompagner? Donc, je pense qu'on se voit plus dans
un continuum, au besoin, rien qu'en ponctuel… parfois, c'est ponctuel, ce n'est
pas tout le temps. Mais la maladie comme la personne va évoluer. Donc, de façon
ponctuelle, à un certain moment, on pourrait faire appel à un orthophoniste ou
à un audiologiste pour dire : Qu'est-ce qu'on met en place pour la suite
des choses pour s'assurer que le lien est préservé, encore une fois, le plus longtemps
possible?
Donc, à votre question je dirais :
L'évaluation, c'est une chose, mais c'est beaucoup plus l'accompagnement qu'on
va vouloir faire au niveau de l'intervention. L'orthophoniste travaille
principalement en intervention auprès des personnes. L'évaluation, elle sert à
nous donner une photo à un certain moment, mais qu'est-ce qu'on fait avec ça?
Et souvent les équipes sont démunies, et c'est pour ça que l'orthophoniste ou
l'audiologiste devrait aussi faire de l'intervention qui est ponctuelle, pas en
continu. Je vous rappelle, on est dans le maintien souvent en maladie
dégénérative et non en amélioration. Mais, c'est à ce niveau-là qu'on se situe.
• (14 heures) •
Mme Paquette (Marie-Claude) :
Puis la littérature, les données probantes aussi des gens qui nous parlent,
nous nous disent clairement que plus on est haut dans le processus, par
exemple, pour soutenir la communication de quelqu'un, donc d'utiliser un…
14 h (version non révisée)
M. Gallant (Paul-André) : …en
amélioration, mais c'est à ce niveau-là qu'on se situe.
Mme Paquette (Marie-Claude) :
Puis la littérature, les données probantes, aussi, des gens qui nous parlent,
nous disent clairement que, plus on est tôt dans le processus, par exemple,
pour soutenir la communication de quelqu'un, donc d'utiliser un moyen de
suppléance à la communication, ou de l'identifier en tout cas, puis que cette
personne-là devient plus habile, dans le fond, à l'utiliser, bien, plus on va
être capables de le maintenir longtemps aussi, comme moyen alternatif à la
communication, que d'arriver à la dernière minute puis d'essayer de faire
utiliser quelque chose ou de voir, elle est-u bonne avec des pictos, elle est-u
meilleure avec des photos, je peux-tu lui donner un mot écrit pour soutenir, si
ce processus-là a été bien identifié au départ, c'est plus facile.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, Mme la députée, c'est tout le temps que nous avions.
Merci beaucoup, Mme Paquette et M. Gallant d'avoir été avec nous cet après-midi
pour éclairer cet aspect-là qui n'avait pas encore été abordé dans la
commission. Donc, la commission suspend ses travaux quelques instants.
M. Gallant (Paul-André) :
Merci à vous.
Mme Paquette (Marie-Claude) :
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
(Suspension de la séance à 14 h 1)
(Reprise à 14 h 08)
La Présidente (Mme Guillemette) :
La commission reprend ses travaux et nous accueillons maintenant le
Dr Pierre Viens, médecin de famille.
Merci, Dr Viens. Bienvenue à la commission
sur l'évolution sur les soins de fin de vie. Donc, vous disposez de
10 minutes pour votre présentation et, par la suite, il y aura un échange
un échange avec les membres de la commission. Donc, sans plus attendre, je vous
cède la parole.
M. Viens (Pierre) : Merci, Mme
la Présidente, de me donner la parole. Je me présente, Pierre Viens,
84 ans, médecin de famille qui pratique en soins palliatifs depuis
30 ans. J'ai donné l'aide à mourir à 160 personnes, la plupart à
domicile. En 2017, j'ai fondé la communauté de pratique AMM-Québec, un forum
d'échange et d'entraide qui regroupe, aujourd'hui, 140 médecins prestataires
d'AMM…
M. Viens (Pierre) : …médecin de
famille qui pratique en soins palliatifs depuis 30 ans. J'ai donné l'aide à
mourir à 160 personnes, la plupart à domicile. En 2017, j'ai fondé la
communauté de pratique AMM-Québec, un forum d'échange et d'entraide qui
regroupe aujourd'hui 140 médecins prestataires d'AMM à la grandeur du Québec.
Je peux donc dire que je connais bien la situation et les problèmes de l'aide à
mourir sur le terrain. Je suis aussi membre de la CAMAP, un forum similaire,
mais à la dimension du Canada qui regroupe, lui, plus de 600 médecins. Je suis
donc aussi en mesure de comparer les deux lois qui régissent l'AMM dans ce
pays.
Nous discuterons aujourd'hui de trois
choses : un, l'urgente rénovation de la loi québécoise en fonction de sa
nécessaire harmonisation avec la loi fédérale C-7, modifiée le 17 mars 2021;
deux, l'inclusion des demandes d'aide à mourir dans les DMA dans les cas de
maladie neurodégénérative cognitive, par exemple l'Alzheimer; et trois, la
souffrance du dément heureux. Certaines des idées traitées cet après-midi ne
sont pas dans le texte du mémoire qui vous a été remis.
• (14 h 10) •
D'abord, réparer la loi québécoise en
urgence. C'est bien de se préoccuper d'élargir l'accès à l'AMM aux maladies
neurodégénératives par les DMA. À mon avis, c'est pas mal plus urgent de
réparer la loi québécoise suite à l'expérience de plus de 7 000 cas depuis
cinq ans et demi en l'harmonisant avec la nouvelle loi fédérale. Depuis le 17
mars 2021, date d'entrée en vigueur de la loi C-7, le médecin prestataire
volontaire québécois doit se conformer à deux lois discordantes où il doit
choisir les sections et les clauses les plus restrictives. Les problèmes se
situent surtout au niveau du concept non défini de maladie versus celui de
maladie, handicap, accident de la loi fédérale. Mais le problème est surtout au
niveau du critère de fin de vie de la loi québécoise versus celui de mort
raisonnablement prévisible de la loi C-7.
Le critère de fin de vie est inopérant
depuis mars 2020, mais il est toujours là, tapi non seulement dans le texte de
loi, mais aussi et surtout dans la tête des médecins québécois et celle de la
commission de suivi. C'était tellement plus facile à l'époque et sécurisant de
fonctionner avec un critère exigeant un pronostic de moins de six mois pour
être admissible, mais c'était tellement plus injuste pour tous les malades
incurables souffrants et en déclin avancé où il était impossible de définir un
tel pronostic. Pour qu'un malade soit admissible à l'aide à mourir, bien sûr,
il faut qu'il ait une maladie grave incurable, rendue à un état avancé, qu'il
présente des souffrances constantes et intolérables et finalement qu'il soit
apte à décider. S'il est admissible selon ces quatre critères, on doit alors
déterminer si sa mort est raisonnablement prévisible, c'est-à-dire si le malade
est vraiment dans une trajectoire de fin…
M. Viens (Pierre) : ...qu'il
présente des souffrances constantes et intolérables et finalement qu'il soit
apte à décider. S'il est admissible selon ces quatre critères, on doit alors
déterminer si sa mort est raisonnablement prévisible, c'est-à-dire si le malade
est vraiment dans une trajectoire de fin de vie et que sa mort est prévisible
dans un délai pas trop lointain. Sinon, il devra être soumis à un délai de
90 jours où il est à risque d'inaptitude carrément et injustement déclaré
non admissible.
Le problème est que cette notion de mort
prévisible ne veut pas dire grand-chose pour le médecin prestataire moyen au
Québec. Pourtant, elle a été opérationnellement définie par les collègues
prestataires du reste du Canada depuis quatre ans. Qu'est-ce que Québec attend
pour ajuster sa loi avec la loi fédérale? Présentement, les médecins québécois
sont insécures face à toutes ces ambiguïtés-là.
Dans l'intervalle, je pense qu'il est
urgent que les médecins québécois et la commission de suivi, à l'instar de tous
leurs collègues du reste du Canada, soient opérationnellement familiarisés avec
l'utilisation du concept de mort prévisible tel qu'exposé dans la Loi C-7
et élaboré par la CAMAP.
La formation requise, si elle est confiée
à des collègues aguerris qui en ont l'expérience serait une affaire de quelques
heures pour les médecins prestataires au Québec. Il y va de leur sécurité
professionnelle dans l'administration de l'aide à mourir et de la plus
élémentaire justice pour patients souffrant de maladies chroniques
neurodégénératives.
Deuxième sujet, permettre l'aide à mourir par
les directives anticipées. Donc, depuis le 17 mars 2021, et je le
souligne clairement, tout patient apte ayant reçu un diagnostic d'Alzheimer est
admissible à recevoir l'aide médicale à mourir si son aptitude est conservée.
Je l'ai fait à quelques reprises et le Dr L'Espérance aussi l'a fait à
quelques reprises, et d'autres également.
Dans le fond, on n'aurait pas besoin de
directives médicales anticipées actuellement pour gérer les demandes d'aide
médicale à mourir des patients alzheimer précoce. Le patient alzheimer précoce
dont le diagnostic vient d'être posé satisfait aux quatre critères
d'admissibilité, et c'est à ce stade que les souffrances existentielles sont à
leur maximum. Un de mes patients alzheimer me disait récemment : «C'est
maintenant que la perspective de la démence me terrorise, pas quand je serai
devenu un légume heureux.»
Tout patient alzheimer encore apte à
décider, étant éventuellement admissible à l'aide à mourir, je pense même que
c'est maintenant le devoir du médecin qui pose un tel diagnostic de lui
proposer l'option aide à mourir...
M. Viens (Pierre) : …de la
démence me terrorise, pas quand je serai devenu un légume heureux. Tout patient
alzheimer encore apte à décider, étant éventuellement admissible à l'aide à
mourir, je pense même que c'est maintenant le devoir du médecin qui pose un tel
diagnostic de lui proposer l'option aide à mourir de la même façon qu'il a le
devoir de lui proposer des traitements médicamenteux disponibles ou les soins
palliatifs. C'est au malade de choisir et, pour choisir, il faut être au
courant des options disponibles, et ce, même surtout au stade précoce des
maladies neurodégénératives. Alors, faut-il continuer, avoir à inclure l'aide à
mourir dans des DMA spécifiques? Je pense que oui. Mais seuls les patients qui
ont reçu un diagnostic formel de maladie neurodégénérative, conduisant
inéluctablement à la démence, pourraient se prévaloir du refus de cette démence
en devenir, en rédigeant des DMA spécifiques détaillées où le patient décrirait
sa définition personnelle de ce qu'est pour lui un état de démence
inacceptable, compte tenu de ses valeurs, et donnant ainsi le signal exécutoire
de son aide médicale à mourir.
Dans ces DMA, il décrirait sa souffrance
existentielle présente qui est le vrai motif de son refus de la démence à
venir. Pour rédiger des DMA de ce type, le patient serait appuyé par une équipe
d'intervenants chargée de l'informer sur l'évolution de sa maladie et de ses
conséquences, répondre à ses questions. Cette équipe s'assurerait que les
directives anticipées contiennent tous les éléments nécessaires par leur
interprétation future, conformément au choix du patient, lorsque la démence
sera considérée comme complète. Et, entre autres, le futur médecin chargé de
donner l'aide à mourir à cette personne démente, qu'il n'a probablement jamais
vue, aurait cette assurance que les directives anticipées traduisent vraiment
ce que le patient voulait à l'époque.
Autre sujet, évaluer les souffrances lors de
l'inaptitude. Comme les DMA se réaliseront dans un contexte d'aide à mourir,
donc devant respecter tous les autres critères d'admissibilité, voyons comment
ces critères se présentent lorsque l'inaptitude sera devenue totale
conformément au désir du patient :
1.sa maladie est alors évidemment
grave et incurable;
2.le
déclin avancé des capacités cognitives est devenu total;
3.le
choix a été libre et éclairé;
4.il reste maintenant à
estimer les souffrances qu'on présume, selon ce que demande la loi, qu'on
présume être intolérables et incontrôlables.
Mais qu'en est-il du dément heureux, lui
qui a clairement dit, dans ses directives, qu'il choisissait librement de
mourir plutôt que de…
M. Viens (Pierre) : …quand il
ne reste maintenant à estimer les souffrances qu'on présume… selon ce que
demande la loi, qu'on présume être intolérables et incontrôlables. Mais qu'en
est-il du dément heureux, lui qui a clairement dit dans ses directives qu'il
choisissait librement de mourir plutôt que de vivre l'indignité de la démence?
Évaluer la souffrance d'un patient dément
est difficile, sinon impossible. Le dément heureux ou qui semble tel ne souffre
pas de façon intolérable. Que faire quand les directives anticipées qui
traduisent une souffrance existentielle majeure devraient être exécutées en
présence d'un dément heureux qui ne montre aucune souffrance expérientielle,
par exemple? Il faut distinguer la souffrance existentielle à l'origine de la
demande d'aide à mourir, essentiellement, le refus de la démence, des
souffrances expérientielles quotidiennes, c'est-à-dire les douleurs, la faim,
l'inconfort, etc. Le patient dément est incapable d'analyse, d'association
d'idées ou de mémoires, il n'est plus capable de remettre en question sa
souffrance existentielle telle qu'il la décrite dans ses directives anticipées,
et il n'est plus capable non plus de la communiquer. Il faut donc ne tenir
compte que des souffrances existentielles telles que dûment décrites dans les
DMA rigoureusement élaborées et exécutoires, d'où l'importance qu'elles aient
été rédigées par un patient pleinement informé, à ce moment-là.
Injecter l'aide à mourir est un geste
terrible, je l'ai fait 100 fois 100 fois. Je m'y suis fait, à ce
caractère de geste terrible, parce qu'au moment d'injecter la substance, comme
le dit gentiment la loi, j'avais conscience d'enlever la souffrance et non pas
la vie, et parce que nous étions capables, cette personne et moi, de nous
regarder lucidement dans les yeux au moment de ce dernier geste thérapeutique.
Donner l'aide à mourir n'est pas seulement le fait d'injecter une dose létale
de curare, c'est l'aboutissement d'un intense et profond échange de plusieurs
heures.
• (14 h 20) •
Je ne suis pas certain d'être capable de
pousser le piston de la seringue sur simple commande d'une DMA où je n'ai pas
eu l'occasion d'être impliqué, et c'est l'opinion d'un grand nombre de mes
collègues expérimentés, à moins que ces DMA soient explicites et aient… qu'ils
aient été rédigés dans le cadre d'un protocole garantissant que le patient
était lucide et surtout correctement informé. Alors, je vous laisse maintenant
la parole.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dr Viens. Je céderais maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Dr Viens, bienvenue, finalement, avec un petit délai, on a réussi à
vous entendre, et vous tombez bien, vous êtes le dernier témoin qu'on va
entendre après un véritable marathon.
Votre exposé est clair…
La Présidente (Mme Guillemette) :
…Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Dr Viens, bienvenue. Finalement, avec un petit délai, on a réussi à
vous entendre. Et vous tombez bien, vous êtes le dernier témoin qu'on va
entendre, après un véritable marathon. Votre exposé est clair, là, comme
d'ailleurs votre expérience sur le terrain, là, puis vous présentez les choses
avec lucidité puis je vous en remercie, c'est utile pour nous. Vous avez dit,
tout à l'heure, c'est le devoir d'un médecin, bon, je présume dans certaines
circonstances, là, après diagnostic, c'est le devoir d'un médecin d'offrir l'aide
médicale à mourir au même titre que d'offrir un traitement médicamenteux ou des
soins palliatifs.
Première question, est-ce que ça, ça ne
contrevient pas un peu à l'esprit de la première loi, où, justement, on voulait
éviter un… on voulait éviter justement qu'on donne une impression de pression
auprès d'un patient?
M. Viens (Pierre) : Je suis
d'accord avec vous que c'est ce qu'on pensait au début de la loi, mais, assez
rapidement, on s'est rendu compte qu'il fallait être capable de faire la
différence entre informer et, bien, je n'irais pas jusqu'à dire obliger,
progressivement, et ça, ça a été clair surtout avec nos collègues du reste du
Canada, qui fonctionnaient avec la loi C-14, mais la loi C-14 était, à ce
niveau-là, semblable à la loi québécoise. Et ils se sont aperçus rapidement
que, bien, il y a beaucoup de malades qui arrivaient en fin de vie, qui
auraient été admissibles à l'aide à mourir, en particulier parce qu'ils
remplissaient spontanément les critères d'admissibilité, mais qui n'avaient
jamais entendu parler de l'aide à mourir comme option, et la loi, bien,
recommandait de les informer correctement concernant les soins palliatifs puis
etc., mais pas l'aide à mourir. Et pourtant, c'était une option légale à ce
moment-là, à laquelle ils étaient potentiellement éligibles. Au point que la
CAMAP, le groupe de médecins dans le reste du Canada, a publié une série de
guides d'opération, de guides cliniques d'opération. Un de ceux-là porte sur
est-ce qu'on est légalement, ou moralement, ou éthiquement obligés d'informer
un malade de l'existence de l'aide à mourir s'il ne présente pas de
contre-indication à son admissibilité. Par exemple, est-ce qu'on n'est pas
obligés, en présentant les options de fin de vie, d'inclure…
M. Viens (Pierre) : …à mourir
s'il ne présente pas de contre-indication à son admissibilité. Par exemple, est-ce
qu'on n'est pas obligé, en présentant les options de fin de vie, d'inclure l'aide
à mourir à la condition que ce patient-là soit entre autres apte à décider à ce
moment-là? C'est sûr qu'il y est formellement interdit de présenter l'option
aide à mourir comme choix au malade si on sait d'avance qu'il n'y aura pas
droit. Alors, c'est dans ce sens-là, et ça, cette réflexion-là m'est venue tout
récemment. C'est pour ça, je vous disais au début que tout ce que je disais cet
après-midi n'était pas du texte du mémoire qui vous a été envoyé parce que ça
m'est apparu, tout à coup, comme simplement, une position logique de faire.
M. Marissal : Bien, oui, mais
c'est évolutif, hein, on le voit bien. D'ailleurs, avec le temps, des gens sont
revenus témoigner puis, quelques années après, on a évolué dans notre position.
D'ailleurs, on est en train nous-mêmes d'essayer de se faire une tête pour la suite
des choses. Je pense que c'est normal, c'était nouveau puis on est en
territoire nouveau ici, là.
À quel moment le médecin devrait-il, ça,
ce n'était pas clair pour moi, devrait-il dire au patient : Ça existe ça
aussi. C'est une des options.
M. Viens (Pierre) : Bon, écoutez,
on parle, cet après-midi, surtout, des situations de maladie neurodégénérative
qui conduit, comme l'alzheimer… bien, je vais me limiter à ça et non pas à
toutes les autres situations d'aide médicale à mourir dans les cas de cancer ou
d'insuffisance organique, etc. Mais, à quel moment on devrait aborder la
discussion avec le malade qui vient de recevoir un diagnostic d'alzheimer,
encore une fois, à condition qu'il soit encore apte à décider? Et les patients alzheimers
sont aptes à décider longtemps dans leur cheminement vers la démence.
L'aptitude à décider, c'est quelque chose de très spécifique, quasiment
technique. Et ça je peux vous le confirmer dans les… non seulement dans les
160 cas que j'ai faits, mais dans les milliers d'autres qui sont le fait
de nos 140 collègues. Ce n'est pas parce qu'on vient d'avoir un diagnostic
d'alzheimer qu'on est inapte à décider. Pas du tout.
Alors, selon moi, lorsqu'un patient reçoit
un diagnostic d'alzheimer, il reçoit une condamnation à la démence. Ça, c'est
clair. Cette démence-là va survenir dans… dans plus ou moins de temps, selon le
type de démence auquel il est soumis. Mais, déjà, un diagnostic d'alzheimer
formel, documenté signifie la démence à plus ou moins brève échéance…
M. Viens (Pierre) : …va
survenir dans… complète, dans plus ou moins de temps, selon le type de démence
auquel il est soumis. Mais déjà, un diagnostic d'Alzheimer formel, documenté
signifie la démence à plus ou moins brève échéance, il n'y a pas de temps à
perdre. Puis si, à ce moment-là, on a comme souci d'offrir au malade toutes les
options de sa fin de vie, parce que dès le diagnostic, il est en fin de vie, à
toute fin pratique. La loi de vie, il faut lui parler des traitements puis il
faut lui parler des soins palliatifs et tout, mais moi, je pense qu'il faut
lui… surtout lui parle d'aide à mourir, étant un choix pour lui. On ne peut pas
choisir entre deux choses si on en connaît seulement une.
M. Marissal : Je vous
remercie, Dr Viens. Je n'ai plus de temps, merci pour vos réponses.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député. Je cède la parole maintenant à la députée de
Joliette.
Mme
Hivon
:
Bonjour, Dr Viens. Heureuse que ça marche, cette fois-ci.
M. Viens (Pierre) : Bonjour,
bonjour, Mme Hivon.
Mme
Hivon
: Je
suis très heureuse de lire, dans votre mémoire, que vous n'avez pas escamoté
quelque chose qui, selon moi, est essentiel et sur lequel on a eu un éclairage,
je dirais, limité jusqu'à maintenant, c'est-à-dire à zone de confort du médecin
d'administrer l'aide médicale à mourir à une personne qui est devenue inapte.
Et je vous remercie de nous faire part de votre perspective là-dessus.
Il n'y a pas d'enquêtes qui ont été faites
là-dessus, certaines fédérations ont fait des sondages mais n'ont pas demandé,
au-delà d'être en accord avec le principe, combien seraient prêts à le faire.
Vous, vous êtes sans doute un des médecins, au Québec, qui pratiquez le plus l'aide
médicale à mourir dans des communautés de pratique et tout ça et vous nous
faites part de cet inconfort-là qui pourrait faire en sorte que vous ne
l'exerceriez pas avec une personne inapte. Vous nous dites que ça pourrait être
le cas, selon vous, de plusieurs de vos collègues expérimentés.
Est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus,
la préoccupation étant la suivante : de créer une possibilité mais d'avoir
très, très peu de gens sur le terrain qui ont un niveau de confort suffisant,
compte tenu de ce que vous exprimez et de l'importance de l'échange, d'avoir
tout fait le tour avec le patient, donc de rester plus dans le droit théorique
que l'exercice réel dans la pratique.
• (14 h 30) •
M. Viens (Pierre) : Bien, en
fait, je pense qu'il serait temps de trouver une façon d'écouter davantage les
médecins qui ont les deux mains là-dedans et qui sont, ultimement, responsables
et imputables pour poser ce geste-là. Actuellement, c'est ce qu'on appelle,
selon la loi, le premier médecin, le seul qui est responsable et imputable à
travers… parmi toute l'équipe multidisciplinaire. On s'est habitué au fait
qu'une demande d'aide à…
14 h 30 (version non révisée)
M. Viens (Pierre) : ...ce
qu'on appelle, selon la loi, le premier médecin, le seul qui est responsable et
imputable à travers... parmi toute l'équipe multidisciplinaire, où on s'est habitué
au fait qu'une demande d'aide à mourir, c'est le début d'un processus, c'est le
début d'un dialogue parfois très difficile avec le patient et sa famille.
Mais, moi, je peux vous dire, entre
parenthèses, entre humains c'est peut-être l'acte global thérapeutique le plus
exaltant que je n'ai jamais posé, en tout cas, là, au courant de toute ma
carrière, mais c'est un processus par lequel ce malade-là qui... on est vraiment
le «last call for the bar». Là, quand il demande l'aide à mourir, là, il n'y a plus
rien d'autre pour lui. La loi nous demande de vérifier pour être bien sûr qu'il
n'y aura rien d'autre. Mais je peux vous assurer que je n'ai jamais eu un seul
de mes 160 patients qui a changé d'idée, là, à travers tout le processus jusqu'à
la dernière minute. Bon.
On arrive à c'est que le processus d'aide
à mourir, ce n'est pas un geste, c'est un ensemble, c'est une situation où un
patient, dans le fond du baril nous demande si on pouvait avoir la bonté de
l'en sortir. Nous dit : Je pense que je peux te donner un coup de main. On
va se parler. On va voir ça ensemble. Puis on est souvent dans des situations
extrêmement difficiles où notre instinct de médecin, notre instinct d'être
humain compassionnel est malheureusement en confrontation avec les exigences
compréhensibles, mais les exigences de la loi, et ce n'est pas toujours facile
de...
moi, je décris ça à mes patients,
hein : Vous me présentez une demande d'aide à mourir, je vous regarde, de
ce que je sais de vous, je connais bien, le processus, je connais bien l'aide à
mourir, et je pense qu'ensemble, vous et moi, et la plupart du temps aussi
votre famille, vous et moi, on va être capable d'y arriver. Mais je lui
dis : Dans certains cas surtout, et particulièrement dans les cas de
maladies neurodégénératives que j'ai eu à gérer, attendez-vous à la traversée
d'un champ de mines pour arriver jusqu'au bout, dont ni vous ni moi n'avons le
plan du sentier qui passe au travers du champ. Donc, c'est une affaire qui
devient extrêmement personnalisée pour le médecin.
Alors là, je me suis dit à un moment
donné : Bon, on va s'embarquer, on va y arriver à une option où le malade
pourra... qui est en devenir de démence, pourra exprimer son souhait, puis là
ça se déroule...
M. Viens (Pierre) : …bon, on va
s'embarquer, on va y arriver à une option où le malade pourra, qui est en
devenir de démence, pourra exprimer son souhait, puis là, ça se déroule. Puis, à
un moment donné, lorsque le souhait devra être réalisé, lorsque le geste devra
être posé, par définition, dans le cas d'une demande par DMA, le patient est
devenu dément, il est devenu «incommunicado», il ne peut plus me parler et,
moi, je ne peux plus lui parler. Quand il fait sa demande, disons, ça peut être
quelques années après les DMA, bon, mais là, on constate à l'hôpital ou au
CHSLD ou au CLSC, je ne sais pas trop où, que oui, le patient avait défini sa
démence comme telle, là, de façon très détaillée, c'est le cas, donc on va
aller voir dans la liste des médecins volontaires qui c'est qui est de garde aujourd'hui
pour faire les DMA puis pour faire l'aide à mourir. Bien, si c'est moi qui est
de garde, là, je sais que je ne serai pas capable d'y parler à ce gars-là. On
n'aura pas de contact humain. On va fonctionner sur une modalité
bureaucratique, tu sais. C'est à moi qu'est devenu le tour de faire la job, là.
Si, à ce moment-là, je pense que je serais
quand même capable de pousser le piston — là, je parle pour moi, là — mais
je serai d'autant plus capable de pousser le piston, si j'ai un ensemble d'évidences
que ce patient-là, à qui je ne peux pas parler, qui ne peut pas me parler, à
une certaine époque pas trop lointaine, c'est ça qu'il était. C'est le message
qu'il me passe dans ces DMA, qui pourrait peut-être me permettre de faciliter
un peu l'humanisation du geste que j'ai à poser. Je ne veux jamais devenir un
outil d'exécution d'une DMA sur un mode bureaucratique, je ne serai jamais
capable de faire ça. Mais c'est en réfléchissant là-dessus que je me
disais : Il y a sûrement des moyens, et le message, cet après-midi,
c'est : Les DMA, oui. Je vous disais au début que ce n'était pas une
nécessité, mais c'est une option, et il faut qu'on travaille là-dedans, mais en
travaillant là-dedans, il faut prendre en considération aussi l'humanisation nécessaire
de la conclusion de ce processus-là.
Mme
Hivon
: Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme
Hivon
: Je
pense que c'est tout le temps que j'ai, hein?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui. Merci. Donc, nous allons poursuivre la discussion avec le député de Mégantic.
M. Jacques : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Dr Viens. J'apprécie beaucoup les mots que vous avez dits
précédemment. Et, dans un premier temps, vous avez parlé beaucoup, là, que les
gens soient informés des options…
M. Jacques : …merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Dr Viensm puis j'apprécie beaucoup les mots que vous avez
dits précédemment. Et, dans un premier temps, là, vous avez parlé beaucoup, là,
que les gens soient informés des options disponibles dès, là, le… que c'était la
responsabilité, entre autres, du médecin à informer les patients, là, des
options qui sont disponibles dans la… dans sa situation. Vous avez aussi parlé
de… que les gens, que les patients soient correctement informés. Et la façon de
les informer, est-ce qu'on ne parle que du médecin, on parle d'une équipe
multidisciplinaire, travailleurs sociaux, infirmiers, infirmières, médecins
spécialistes? J'aimerais ça vous entendre sur ces deux points-là pour
commencer, puis, après ça, je vais avoir d'autres questions pour vous, là, si…
M. Viens (Pierre) : O.K. Un de
mes principes, c'est l'équipe multidisciplinaire, si nécessaire, mais pas
nécessairement l'équipe multidisciplinaire. Bon. L'équipe multidisciplinaire,
oui, à la condition que l'équipe multidisciplinaire elle-même soit très
correctement informée et ne dise pas des n'importe quoi au patient. Je vous
rappelle que l'équipe multidisciplinaire ne se sent pas responsable ni
imputable du processus. Bon, à cette condition-là, O.K.
Dans ma pratique, bien, moi, je travaille
un peu dans le bois, là, dans la compté de Portneuf, j'ai une toute petite
équipe multidisciplinaire, soins palliatifs, deux très bons infirmiers puis un
très bon travailleur social, mais c'est des gars qui sont avec moi, dans l'aide
à mourir, depuis bientôt six ans, là, puis les 160 cas, on les a faits
ensemble, les trois, bon. Par contre, j'ai eu à intervenir dans beaucoup
d'autres circonstances avec des équipes que je ne connaissais pas, toutes des
bonnes personnes, nécessairement, mais je me suis aperçu, par expérience, qu'il
fallait faire attention, parce que les informations données, bien, ne m'étaient
pas, à moi, toujours satisfaisantes. Parce que je savais très bien que si on
parlait de ça au patient, bien, dans les faits, on n'arriverait pas à réaliser
ça. Bon. Mais je n'ai rien contre du tout l'équipe multidisciplinaire.
Quand je mentionne ce mécanisme, là, le
mécanisme d'encadrement qui permettrait au patient de bien réfléchir dans ses
directives anticipées sur ce qu'il va faire, pourquoi il va le faire, et tout,
c'est sûr que l'équipe multidisciplinaire, là, a un rôle, mais il faut se poser
la question avant : C'est, par exemple… on se l'est posée, nous, la
question, dans notre petite équipe : C'est quoi le rôle…
M. Viens (Pierre) : …sur ce
qu'il va faire, pourquoi il va le faire et tout, c'est sûr que l'équipe
multidisciplinaire, là, a un rôle, mais il faut se poser la question
avant : C'est… Par exemple, on se l'est posée, nous, la question dans
notre petite équipe : C'est quoi, le rôle du travailleur social là-dedans?
Et, en particulier, on demande au patient qui nous remet des demandes d'aide à
mourir… Bon. On se présente. Moi, je suis médecin responsable, c'est moi qui
vais vous injecter ça à la fin. Est-ce que vous sentez le besoin de rencontrer
le travailleur social? Y a-tu des questions au médecin? Et ce n'est pas
toujours évident, mais la plupart de mes patients disent : Non, non, non,
pas besoin de ça, je sais ce que je veux. Tu me dis que peut-être tu es capable
de me le donner, ça suffit. Hein? Mais, quand je parle du processus, là, il
faudrait que ça soit quelque chose de… Bien, il ne faudrait pas tomber dans la
bureaucratie encore une fois, là, mais il faudrait que le processus soit
suffisamment formulé puis formaté pour que ça soit la même chose au niveau de
tout le Québec, c'est-à-dire qu'on saurait qu'un patient qui vient d'être
diagnostiqué Alzheimer à qui on propose comme option l'aide à mourir, bien,
qu'on lui fournisse à ce moment-là tel type d'information, telle occasion d'en
discuter pour que je puisse savoir, moi, que le gars à Gaspé qui a fait une
demande d'aide à mourir puis qui est devenu dément, bien, on me demande si je
veux, si je suis disponible, aller l'injecter, je regarde tout ça puis je dis :
Oui, j'ai confiance que ça soit ça. L'équipe multidisciplinaire, là-dedans, il
faudra qu'elle s'insère.
• (14 h 40) •
M. Jacques : Parfait, Dr
Viens. Juste… Vous avez répondu à la collègue, là, de Joliette, là, par rapport
à la façon que vous puissiez avoir un contact avec le patient même si vous ne
connaissiez pas le patient, parce que vous allez arriver là, puis vous ne
connaissez pas le patient, puis là : Est-ce que vous êtes prêt à injecter?
Parce que vous n'auriez pas eu de contact avec. Est-ce qu'un support visuel ou
vidéo quelconque du passé de la patiente ou du patient qui pourrait nommer ses
volontés serait un apport important pour le médecin au moment de l'injection ou
quelque chose?
M. Viens (Pierre) : M. le
député, je pense que ce serait un apport essentiel. On ne parle ici de… pas du
même genre de DMA comme celle à laquelle on est habitués, où on coche et où
c'est même interdit d'ajouter quelque commentaire que ce soit aux coches qu'on
met. Là, c'est des… on parle de DMA d'un type différent, des DMA où le type,
idéalement, pourrait nous livrer son message de façon audiovisuelle. Ce serait
génial. Mais ça peut être fait comme ça en partie et aussi par écrit…
M. Viens (Pierre) : ...mais on
parle de DMA d'un type différent, des DMA où le type, idéalement, pourrait nous
livrer son message de façon audiovisuelle. Ce serait génial. Mais ça peut être
fait comme ça en partie et aussi par écrit. Autrement dit, c'est le médecin qui
prend contact de ça.
Et le malade lui-même, au départ, qui
prend cette décision terrible... Le gars qui vient d'avoir un diagnostic d'Alzheimer,
puis que... il est courant en partie, mais on lui explique qu'est-ce qui
l'attend... «Bien, je n'en veux pas, moi, de cette affaire-là», tu sais.
«Pourquoi tu n'en veux pas?», puis, etc. Puis là il faut que la personne soit
libre d'exprimer ça de quelque façon qu'elle le souhaite dans... à l'intérieur
de ses DMA. Il ne faut pas qu'il y ait des limites d'espace, ça, là. C'est un
geste qui est trop important, ça. On doit avoir le temps de le faire comme il
faut.
M. Jacques : Puis dernière
petite... mais rapidement parce que je veux laisser du temps à mes collègues,
là : Pourquoi pas de demandes médicales anticipées pour des gens, qui ne
sont pas diagnostiqués, qui pourraient avoir une maladie ou un accident
quelconque qui enlèverait toutes leurs capacités, là, cérébrales, mettons?
M. Viens (Pierre) : Non. Bien,
c'est parce qu'à ce moment-là ça voudrait dire... Moi, je ne sais pas si, à un
moment donné, je vais me faire frapper par un autobus, puis je ne serai pas
dans le coma de façon irréversible. Ou ça peut être un paquet d'autres
affaires. On ne peut pas, à ce moment-là, prévoir toutes ces situations-là. Il
ne faut pas que les DMA destinées à gérer des demandes d'aide à mourir soient
une espèce de gros panier où n'importe qui, à un moment donné, dise : Ah!
bien, moi, là, je veux mourir avec l'aide à mourir parce que mon père est mort
de ça, puis c'est génial, cette affaire-là. Bon.
Non, il faut que ce soit quelque chose de
suffisamment spécifique, notamment pour permettre d'avoir une information
correcte, et que ce soit une décision informée et correcte. À ce stade-ci,
j'aimerais que ce soit réservé aux maladies neurodégénératives, cognitives.
Bon, il n'est pas exclu que les choses vont évoluer, puis peut-être qu'on trouvera
d'autres façons, puis la société va évoluer aussi, hein? Quand ça a commencé...
M. Jacques : Dr Viens, Dr
Viens, c'est parce que je sais que les collègues veulent poser des questions.
Vous avez très bien répondu à ma question, ça fait que je vais donner la chance
à mes collègues de vous poser quelques questions. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Effectivement. Merci beaucoup, M. le député. J'ai la collègue de Saint-François
qui aimerait intervenir également.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Il me reste combien de temps?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Cinq minutes.
Mme
Hébert
:
Parfait. Merci, Dr Viens. Vous avez mis des mots, même, des nouveaux mots... On
n'avait jamais parlé de souffrance expérientielle. On parlait de souffrance
contemporaine, mais je vois qu'on a un nouveau mot maintenant dans notre
glossaire.
J'ai posé la question à Dr Rivard, et vous
y avez répondu tantôt, de...
Mme
Hébert
: …des
mots, même des nouveaux mots. On n'avait jamais parlé de souffrance
d'expérientielle. On parlait de souffrance contemporaine, mais je vois qu'on a
un nouveau mot maintenant dans notre glossaire.
J'ai posé la question à Dr Rivard, et
vous y avez répondu tantôt de dire que tous les cas que vous avez administré l'aide
médicale à mourir, lors du deuxième consentement, il n'y en a pas un qui a
refusé. Bien, c'est ce que vous avez dit?
M. Viens (Pierre) : Oui.
Mme
Hébert
:
Oui. Parfait. Moi, j'aimerais savoir… Je vois que mettez comme le doigt dessus,
il faut qu'il y ait un diagnostic qui amène à une démence éventuelle, parce
qu'on est capables de quantifier la souffrance existentielle, qui sont très
présente, comme vous l'avez dit, dès le début. On apprend la nouvelle, puis là
les gens, c'est là qui vivent l'anxiété, l'angoisse de qu'est-ce qu'il s'en
vient. Souvent, ils ont eu une expérience dans leur famille qui fait qu'ils ont
des images, ils ne veulent pas ressembler à ça, ils ont des peurs, des
craintes. C'est là que c'est intense. Donc, c'est plus facile, à ce moment-là,
de pouvoir discuter avec la personne, de regarder toutes les avenues de
traitement pour en arriver là. Vous avez même émis, d'après moi, la recommandation
de mon collègue, le député de Mégantic, de peut-être même filmer ce moment-là
pour que… on sait que ça peut prendre du temps une démence. Quelqu'un qui est
au stade 1, qui se rend, je ne sais pas, moi, tout dépendant de ses
critères, que ça peut prendre 10 ans. Il y en a que ça a pris même
15 ans.
Alors, dans tout ce processus-là, comment
qu'on doit réévaluer dans le temps ces demandes-là? Parce que, probablement,
que, quand la personne va… on va juger en fonction de ses demandes, ses
critères, ses balises à elle, on va en arriver à quelqu'un de la famille qui va
lever le drapeau ou le médecin dire : Hum, votre mère ou votre père est
arrivé à cette étape-là. Donc, comment dans le temps on peut réévaluer ça? Parce
qu'on sait qu'il y a plein de choses qui peut changer aussi.
M. Viens (Pierre) :
L'excellente question. Avant d'y répondre, je vais… Au début de votre
intervention, la notion de souffrance expérientielle, elle est nouvelle pour
moi aussi, Mme la députée. Et je vous réfère, par contre, là à mon mémoire qui
vous a été remis où je donne une référence très importante de l'article du
Pr Sumner de Toronto, et c'est là que j'ai appris moi-même qu'est-ce que
c'était que de la notion de souffrance expérientielle. Et ce document-là, je
pense, dans le cadre de la commission, devrait être un document qui devrait
être étudié de façon approfondie. J'en ai fait avec ma conjointe une traduction
en français, qui est une traduction officieuse, qu'il me ferait plaisir de vous
remettre, mais je ne doute pas qu'à l'Assemblée nationale il y a des
traducteurs qui se feraient peut-être un plaisir de ça.
Bon, pour revenir à l'autre, c'est-à-dire…
M. Viens (Pierre) : …J'en ai
fait avec ma conjointe une traduction en français, qui est une traduction
officieuse, qu'il me ferait plaisir de vous remettre, mais je ne doute pas qu'à
l'Assemblée nationale il y a des traducteurs qui se feraient peut-être un
plaisir de ça, bon.
Pour revenir à l'autre, c'est-à-dire
qu'est-ce… à partir du moment où tout ceci a été codifié puis rentré dans les
DMA… Puis incidemment, je ferai une petite remarque. Ce que je propose comme
solution, à la suggestion du député d'avoir un document audiovisuel, il faut…
tout ça, il faudrait que ça soit, si le patient le souhaite, tu sais… dans l'aide
médicale à mourir, on est toujours selon le choix du patient, bon.
Maintenant, une fois que c'est fait, à
quelle… Et vous avez raison de dire… la moyenne de survie des cas d'Alzheimer,
du début à la fin, c'est neuf à 10 ans. Donc, comme l'événement des DMA survient
plusieurs années avant la fin, il faut qu'on prévoie… c'est nécessaire qu'on
prévoie une succession et je dirais, je n'y ai pas réfléchi, là, mais je
dirais, peut-être annuellement, une sorte de révision modeste, pas nécessaire
de tout recommencer, jusqu'à temps que la… qu'on sente que la démence ou
l'inaptitude devient un problème.
Et ça, ça serait intéressant, d'avoir un
mécanisme, comme ça, chronologique de suivi pour nous permettre de détecter là
où ça devient dangereux, là où l'aptitude est menaçante. Et à ce moment-là, ce
n'est peut-être pas nécessaire… et le patient, peut-être, et ça, il pourrait le
dire dans ses DMA, le patient ne souhaite peut-être pas arriver nécessairement
à l'état de, comme disent les ados, de full démence, là, tu sais, pour qu'on
puisse lui donner l'aide à mourir. Mais… simplement un processus pas trop lourd
parce que les cas d'Alzheimer, bien, vous êtes sûrement au courant, là, en tout
cas, à mon âge, là, c'est 30 %, là, qui sont déjà embarqués là-dedans, ça
fait qu'il risque d'y avoir du travail, tu sais.
Mais ça serait à codifier. La même chose
quand on élaborerait le protocole d'encadrement du patient pour ça, bien,
demander une période de révision.
• (14 h 50) •
Mme
Hébert
:
Est-ce qu'il reste du temps, Mme la… Non.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Non, malheureusement. Mais on poursuit quand même les échanges avec le député
de D'Arcy-McGee.
Et avant de céder la parole à M. le
député, j'aurais besoin du consentement du tout le monde pour qu'on puisse un
peu déroger de notre horaire.
Des voix
: …
La Présidente (Mme Guillemette) :
Consentement. Donc, vous pouvez y aller, M. le député.
M. Birnbaum : Merci,
Mme la Présidente. J'ose croire que c'est très à propos que nos audiences
de cette deuxième phase se terminent avec vous, Dr Viens. La sagesse, la
sophistication, la sensibilité de vos…
La Présidente (Mme Guillemette) :
…vous pouvez y aller, M. le député.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. J'ose croire que c'est très à-propos que nos audiences de cette
deuxième phase se terminent avec vous, le Dr Viens. Sagesse, la sophistication,
la sensibilité de vos interventions nous frappent, ainsi que le bagage qui est
derrière ces réflexions. Si j'ai bien compris, 30 ans d'expérience en soins
palliatifs, vous avez accompagné beaucoup de patients vers l'aide médicale à
mourir, en plus d'avoir consulté et convoqué plusieurs de vos collègues à
travers le Canada. Alors, il me semble que c'est une intervention d'une
importance capitale pour nous tous. En quelque part, je suis frappé par un
paradoxe que vous décrivez, qui était déjà évident quelque part, c'est-à-dire
l'importance qu'on écoute et on respecte de façon minutieuse l'autonomie de la
personne qui fait la demande, en même temps, ironiquement, j'ai tendance à
comprendre que pour le faire, ça met un fardeau énorme sur le médecin qui
l'accompagne. Ce qui m'amène à deux grandes questions, pour moi en tout cas.
Dans un premier temps, comment est-ce qu'on s'assure que le fardeau, en quelque
part, reste sur l'individu, et pas sur le médecin, pour trancher sur
l'admissibilité de la demande, et peut-être pour moi, une préoccupation plus
grande, est-ce que vous êtes convaincu que ce… le genre d'intervention de
grande qualité que vous êtes en train de décrire va être disponible de façon
équitable et raisonnable à travers le Québec?
M. Viens (Pierre) : Quelle
question. On n'a pas le choix, il va toujours falloir que ce soit le médecin
prestataire qui demeure ultimement responsable. Depuis les débuts de cette
aventure de l'aide médicale à mourir, un des problèmes que j'ai eus, en
particulier parce que je pratique… je ne pratique pas dans un grand hôpital,
comme je disais tout à l'heure, je suis dans le bois avec mes infirmiers puis
mon travailleur social. La loi m'oblige, quand je reçois une demande d'une
personne que je ne connais ni d'Ève ni d'Adam, ce n'est pas un patient, ça, que
j'ai suivi depuis 20 ans, là, c'est une personne, c'est quelqu'un qui m'arrive
comme ça sur ma table, là, et je dois rapidement satisfaire les exigences très
rigoureuses et parfois très difficiles de la loi en termes de documentation, en
termes de connaissance, vraiment, que j'ai de ce patient-là, c'est extrêmement
lourd…
M. Viens (Pierre) : …et je
dois rapidement satisfaire les exigences très rigoureuses et parfois très
difficiles de la loi, en termes de documentation, en termes de connaissances vraiment
que j'ai de ce patient-là, c'est extrêmement lourd. Ce n'est peut-être pas pour
rien que, pour les 7 000 et quelques AMM au Québec depuis bientôt six ans,
il y a seulement environ 500 médecins qui ont décidé de plonger dans cette
affaire-là. Bon. Ce serait évidemment beaucoup plus facile — là il
faut que je fasse attention à mes paroles, là — si on avait plus de
compréhension et de collaboration du système de santé et de ses gestionnaires
et de ceux qui l'utilisent tous les jours.
Parmi les 500 et quelques médecins
volontaires, ce sont presque tous des médecins de famille, il y a une toute
petite poignée de spécialistes là. Il faudrait se poser aussi la
question : Pourquoi? Il y a tellement de choses qu'on a réalisées, nous,
depuis six ans, qui demanderaient vraiment plus d'investigations, tu sais,
comment faire, entre autres, pour arriver à ce que les médecins soient plus
collaboratifs dans les informations… Déjà, une demande d'aide à mourir adressée
à un médecin, surtout peut-être à un médecin spécialiste, c'est quasiment une
claque au visage qu'il lui fait. Le patient lui dit, par sa demande d'aide à
mourir : Tu n'as pas été capable de me guérir, donc je te demande de
m'aider à mourir. Mettez-vous dans la peau du spécialiste. Depuis Hippocrate et
même beaucoup avant, les médecins ont été toujours habitués, c'est quasiment
dans leur code génétique d'être les décideurs de l'affaire. Et là, on a une
situation qui est complètement à l'envers, c'est le patient qui ose dire au
médecin : Ce n'est pas de ta faute peut-être, mais tu n'as pas été capable
de me guérir, es-tu capable de m'aider à mourir?
La plupart des réponses que je vois dans
les dossiers qui me sont transmis après, cette dernière consultation là à
l'hôpital, souvent, ça a été : Je ne peux plus rien faire pour vous. Je
vous retourne aux mains de votre médecin de famille. Et j'aimerais bien que,
quand il nous les retourne aux mains du médecin de famille, ce soit avec
suffisamment d'informations et suffisamment faciles à obtenir… d'être capables,
nous, de retomber sur nos pattes rapidement avec cette personne-là. Mais ça
irait beaucoup plus loin que ça, là, c'est sûr qu'il y a tout l'autre aspect
aussi qui est, on est un groupe de volontaires…
M. Viens (Pierre) :
...pour nous capables, nous, d'être capables, nous, de retomber sur nos pattes rapidement
avec cette personne-là, mais ça irait beaucoup plus loin que ça, là.
C'est sûr qu'il y a tout l'autre aspect
aussi qui est on est un groupe de volontaires. Il y a une relève qui se dessine
tranquillement. Puis j'aime autant vous dire que, moi, j'ai hâte que la loi...
que soit clarifiée la discordance entre les deux lois parce que le jeune
médecin qui arrive là-dedans puis qui voit ça, ce n'est pas tellement attirant,
hein, puis il pense que c'est des volontaires qui sont chargés de faire un
travail difficile. La moindre des choses, c'est qu'on les respecte et qu'on
essaie aussi, autant que possible, de faire en sorte qu'ils ne soient pas
découragés dès l'entrée.
Et l'arrivée des maladies
neurodégénératives... plus largement que ça, depuis la disparition du critère
de fin de vie et de mort naturellement prévisible, comme critères, vous avez
maintenant la possibilité, pour toutes les personnes qui souffrent depuis des
dizaines et des dizaines d'années, qui n'ont pas une maladie typée, là, puis où
c'est absolument impossible de prédire qu'elle est, même grosso modo, leur
espérance de vie, bien là, ils font surface puis ils nous arrivent, hein? Et là
ils font surface, ces malades-là, et de plus en plus... en tout cas, moi, dans
ma pratique, la demande d'aide médicale à mourir, c'est une courbe qui s'en va
comme ça.
Là, je suis... la première année; j'en ai
eu 12. Là, je suis rendu à 160. Et ce qui s'en vient, ce n'est pas seulement
une augmentation de la courbe, ce sont des cas de plus en plus difficiles, de
plus en plus longs et requérant de plus en plus la collaboration des... un
patient en fibromyalgie depuis 30 ans, qui m'arrive, qui a été suivi par
42 médecins dans sept hôpitaux différents, avec un dossier qui ferait à
peu près trois pouces d'épais, et j'ai besoin d'aide si je veux lui dire :
Oui, je suis d'accord pour aller de l'avant avec toi pCestr arce que je vais
être obligé de passer à travers tout ça puis de me faire une idée en l'espace
de quelques jours. Mais ça, c'est des considérations pratiques que je ne vois
pas souvent. Tu sais, dans les délibérations des grands experts, là, bien,
c'est drôle, on dirait que, nous autres, on n'est pas là, là, tu sais, en tout
cas.
• (15 heures) •
M. Birnbaum : C'est
lourd. Est-ce que vous auriez eu à trancher en refusant une d'aide médicale à
mourir compte tenu que les circonstances de votre lecture ne rejoignaient pas
les critères actuels dans l'article 26 et est-ce que vous avez les mêmes
réflexions, craintes, peut-être...
15 h (version non révisée)
M. Birnbaum : ...penché en
refusant une demande d'aide médicale à mourir, compte tenu que les
circonstances de votre lecture ne rejoignaient pas les critères actuels dans l'article
26 et est-ce que vous avez les mêmes réflexions, craintes peut-être sur la
capacité de vos collègues à travers le Québec à trancher de façon négative si
indiqué?
M. Viens (Pierre) :
Definitivement... Sur les 160 cas — et ça, c'est mon expérience
personnelle, là, je ne représente pas ici la communauté de pratique que j'ai
fondée, c'est seulement l'expression de mon expérience puis de ma réflexion — sur
les 160 cas, j'en ai refusé trois pour des questions d'inaptitude, bon.
Les autres... il est arrivé en deux cas,
ça, c'est où un patient qui allait bien puis il lui arrive un accident à un
moment donné, il se présente à l'urgence et là, brusquement, comme un coup de
tonnerre dans un ciel bleu, l'urgentologue lui dit : Vous avez un cancer
du foie stade 4, vous êtes en fin de vie. Le gars, il ne s'attendait pas à ça
quand il est rentré avec l'ambulance. J'ai eu quelques cas où, en sortant de
l'urgence, le gars, tout de suite en sortant de l'urgence, a rempli sa demande
d'aide à mourir, en disant : Aïe, no way, moi, je veux avoir l'aide à
mourir. Bon, je les ai reçues, ces demandes-là, sauf qu'on s'est entendu avec
le gars, en disant : On va se laisser un temps de réflexion un petit peu,
là. On va laisser guérir le coup de batte que tu as reçu sur la tête puis on
s'en reparle.
Il y en a eu quatre comme ça, il y en a
deux qui sont encore là, au bout d'une couple de mois. Ils maintiennent leur
demande d'aide à mourir, mais, bon, bien, ça leur a donné l'occasion de se
revirer de bord un petit peu puis de voir. Mais il faut continuer de les
accompagner durant tout ce temps-là.
Quand je reçois une demande d'aide à
mourir, et je le dis carrément, madame, j'accepte votre demande, là, mais
moralement, c'est un contrat entre vous et moi qu'on va aller jusqu'à la fin.
Et parfois, jusqu'à la fin, bien c'était, à un moment donné, de s'apercevoir
que poursuivre le cheminement de toute la mécanique de l'aide à mourir, ça
devenait contre les intérêts du malade, trop dangereux et dans quelques cas,
j'ai été obligé de proposer l'autre option, qui est la sédation continue dans
ces cas-là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Dr Viens. Merci beaucoup, M. le député. C'est tout le temps que nous
avions malheureusement. Discussion fort intéressante, Dr Viens. Il y a un
nouvel éclairage que nous n'avions pas eu dans les dernières auditions. Donc,
je vous remercie beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission.
L'audition du Dr Viens met un terme aux
consultations particulières et aux...
La Présidente (Mme Guillemette) :
…discussion fort intéressante, Dr Viens, et un nouvel éclairage que nous
n'avions pas eu dans les dernières auditions. Donc, je vous remercie beaucoup
pour votre contribution aux travaux de la commission.
L'audition du Dr Viens met un terme aux
consultations particulières et aux auditions publiques dans le cadre des
travaux de la commission.
Et je dépose maintenant les mémoires des
organismes et personnes non entendus dans le cadre de nos travaux.
Nous avons assisté, au cours des derniers
mois, à 74 auditions, et je tiens à remercier l'ensemble des témoins que
nous avons entendus. Vous avez tous contribué à alimenter notre réflexion.
Merci aux collègues aussi d'avoir été présents lors de ces auditions, et
maintenant le travail commence.
Compte tenu de l'heure, la commission
ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 25 août 2021 à 9 h 30…
25 août 2021, à 9 h 30, oui, où elle se réunira en séance de
travail. Merci, tout le monde, et bonne fin de journée. Merci encore, Dr Viens,
de votre présence avec nous aujourd'hui.
(Fin de la séance à 15 h 4)