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Version finale

40th Legislature, 1st Session
(October 30, 2012 au March 5, 2014)

Wednesday, August 21, 2013 - Vol. 43 N° 33

Statutory order: Examination of the report on the implementation of the Tobacco


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Table des matières

Auditions (suite)

Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS)

Imperial Tobacco Canada ltée

Association canadienne des dépanneurs en alimentation (ACDA)

Réseau du sport étudiant du Québec (RSEQ)

Ministère de la Santé et des Services sociaux, Direction de la santé publique

Association pulmonaire du Québec (APQ)

Association des pneumologues de la province de Québec (APPQ)

Mémoires déposés

Remarques finales

Mme Hélène Daneault

M. Yves Bolduc

Mme Suzanne Proulx

Autres intervenants

M. Lawrence S. Bergman, président

Mme Diane Gadoury-Hamelin

M. Roland Richer

Mme Stéphanie Vallée

Mme Rita de Santis

*          M. Mario Bujold, CQTS

*          M. André-H. Dandavino, idem

*          Mme Riney Chen, idem

*          M. Éric Gagnon, Imperial Tobacco Canada ltée

*          M. Michel Gadbois, ACDA

*          M. Guy Leroux, idem

*          M. Alain Roy, RSEQ

*          M. Philippe Jacques, idem

*          M. Horacio Arruda,  ministère de la Santé et des Services sociaux,
Direction de la santé publique

*          Mme Marie Rochette, idem

*          M. Jean-François Therrien, idem

*          M. Mathieu Leroux, APQ

*          M. Gaston Ostiguy, idem

*          M. Alain Beaupré, APPQ

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder à des auditions publiques sur le mandat conféré par l'article 77, Loi sur le tabac, sur l'examen du rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur le tabac 2005-2010.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Non, M. le Président.

Auditions (suite)

Le Président (M. Bergman) : Alors, collègues, ce matin, nous avons le Conseil québécois sur le tabac et la santé, suivi d'Imperial Tobacco et l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation. Cet après-midi, nous allons recevoir Réseau du sport étudiant du Québec, le directeur national de la santé publique, l'Association pulmonaire du Québec et enfin l'Association des pneumologues. Nous allons ajourner nos travaux ce soir à 18 heures.

Alors, je souhaite la bienvenue maintenant au Conseil québécois sur le tabac et la santé. Je vous souhaite la bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Aussi, pour les fins de cette audition, mentionnez vos noms, vos titres et ceux qui vous accompagnent. Et le micro, c'est à vous, monsieur.

Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS)

M. Bujold (Mario) : D'accord. Merci beaucoup, M. le Président. Je suis Mario Bujold. Je suis directeur général du Conseil québécois sur le tabac et la santé. Et, au nom de mon organisme, je veux remercier, dans un premier temps, la commission de nous avoir invités à faire part de nos commentaires sur une analyse du rapport de mise en oeuvre et nos réactions à ce rapport-là.

Je vais vous présenter les deux personnes qui m'accompagnent ce matin. Il y a le Dr André-H. Dandavino, qui est médecin en pratique privée, qui est coroner, représentant de l'association Médecins francophones du Canada et président du conseil d'administration de notre organisme également, et Mlle Riney Chen, qui est adolescente, de toute évidence, et qui est préoccupée par le problème du tabagisme, et qui est engagée également dans le programme La gang allumée, qui est un de nos programmes, et qui est la première, en fait, adolescente à prendre la parole dans le cadre de ces audiences. Et c'est intéressant, parce qu'on parle beaucoup de notre souci de prévenir le tabagisme, eh bien, elle fait partie du groupe qui seront les adultes de demain et qui sont les adolescents d'aujourd'hui. Donc, on trouvait intéressant d'avoir son point de vue également ce matin.

Notre organisme oeuvre à réduire le tabagisme au Québec depuis plus de 37 ans, en collaboration avec un grand nombre d'intervenants. Notre mission est simple et claire : vers un Québec sans tabac. Donc, c'est l'orientation que nous nous donnons. Et notre vision est de réduire la consommation du tabac, au Québec, à 10 % en 2025.

• (9 h 40) •

J'étais ravi, hier, d'entendre les membres de la commission parler, dans le fond, de leur souci de faire avancer les choses, de faire progresser, d'adopter de nouvelles mesures pour réduire le tabagisme au Québec. C'est une très bonne nouvelle et ça correspond tout à fait à la vision que nous avons des choses également. Cette volonté que j'ai sentie des membres de la commission, elle est essentielle pour faire avancer les choses et sortir le Québec de la situation qu'on connaît depuis plusieurs années, où, comme vous le savez, il y a un taux de tabagisme qui stagne autour de 24 %. Et rappelons-nous qu'au Québec on compte toujours 1,5 million de fumeurs, que, chaque heure — donc, jour après jour — chaque heure, une personne meurt du tabagisme au Québec. On l'a déjà dit, le tabac, le tabagisme est la première cause de mortalité évitable au Québec. C'est vous dire toute l'ampleur de cette question-là. Et un fumeur régulier sur deux mourra de sa consommation de tabac. Donc, quand on n'a que ces quelques statistiques là, on voit que la situation a de quoi être très inquiétante et préoccupante, notamment pour le gouvernement.

Un fait important également, c'est que le tabagisme n'a pratiquement pas diminué durant la période qui a été couverte par le rapport de mise en oeuvre de la Loi sur le tabac. En fait, on est passés d'un taux de tabagisme à peu près similaire en 2005 et en 2010, il y a eu 1 % de différence, alors qu'on avait eu une baisse de 5 % entre 2000 et 2005. Donc, la dernière période qui couvre le rapport de mise en oeuvre de la loi, on voit que le tabagisme a beaucoup moins diminué que ce qu'on avait connu dans les années précédentes. C'est donc clair pour nous qu'il faut faire plus, il faut faire les choses de façon plus musclée, également, pour arriver à faire en sorte qu'on ait une meilleure situation en ce qui a trait au tabagisme au Québec.

Je le disais, le Québec compte 24 % de fumeurs. Notre province voisine, l'Ontario, a un taux de tabagisme de 19 %. Est-ce que le Québec n'aurait pas avantage à se doter de mesures beaucoup plus importantes, beaucoup plus efficaces pour arriver à atteindre un taux de tabagisme qui pourrait se comparer davantage à une province qui vit, dans le fond, dans une réalité qui est semblable à la nôtre?

Les membres de cette commission et, par leur entremise, le gouvernement du Québec ont devant eux une opportunité extraordinaire d'améliorer la santé publique, et à faible coût, parce que la plupart des mesures qui sont demandées dans le cadre de cette commission-là, ici, seraient très peu coûteuses, dans les faits, et permettraient de faire des gains importants en termes de santé publique. Évidemment, nous invitons à la fois les membres de cette commission et le gouvernement à faire preuve de courage politique en sortant des sentiers battus, pour le plus grand bien des Québécois, et nous permettre vraiment d'améliorer la santé publique de façon générale.

Je vais maintenant laisser la parole au Dr André-H. Dandavino, le président du conseil d'administration de notre organisme.

M. Dandavino (André-H.) : M. le Président, mesdames, messieurs, ce qu'on va faire, c'est un survol de certains des effets de la fumée secondaire sur la santé. Alors, la fumée secondaire a un impact important sur la santé des adultes et des enfants. «La fumée secondaire a un impact important sur la santé des adultes et des enfants.» Alors, je ne me répète pas, mais je me cite pour que tout le monde comprenne très bien l'importance de cette problématique. Cette fumée peut gravement affecter la santé de la population lorsqu'elle se propage dans les lieux fermés, soit dans les maisons, les voitures, les lieux de travail et dans certains lieux ouverts, même les terrasses, et autres lieux de proximité avec les fumeurs. Il n'existe aucun, aucun niveau sécuritaire d'exposition à la fumée secondaire, et sachez et rappelez-vous également qu'il n'y a… aucun système de ventilation ne permet d'éliminer totalement les particules de cette fumée nocive.

Les personnes qui ne fument pas et qui sont régulièrement exposées à la fumée secondaire ont un risque accru de cancer du poumon, de cancer des cavités nasales, de crise cardiaque, d'accident vasculaire cérébral, de problèmes respiratoires, de pneumonie, de bronchite, d'asthme et de toux chronique. La fumée secondaire aggrave aussi les conditions existantes d'asthme, de bronchite chronique et autres maladies respiratoires. Une exposition à la fumée secondaire aussi courte que de huit à 20 minutes est suffisante pour augmenter le rythme cardiaque et la tension artérielle, deux causes reliées aux accidents vasculaires cérébraux et aux crises cardiaques.

Dans ma pratique de médecine en GMF, et en clinique-réseau, et en médecine hospitalière, que je fais encore, je suis obligé, malheureusement, trop souvent d'annoncer à quelqu'un qu'il va mourir. Je suis obligé de leur dire qu'à partir du moment présent le chronomètre est parti. Alors, vous avez quelque chose à soutenir qui est difficile à soutenir, c'est le regard, le regard de ces gens qui sont, premièrement, incrédules, deuxièmement, qui sont un peu choqués, jusqu'à temps qu'ils réalisent leur situation. À partir de ce moment et avant que la sérénité approche, on doit les accompagner non seulement dans l'évolution de leur maladie, mais tous les à-cotés de cette maladie, c'est-à-dire arrêter de vivre comme ils vivaient auparavant, penser à ce qui s'en vient, les investigations, les examens, les temps d'attente dans les urgences parce qu'il va y avoir des surinfections, les temps des attentes dans nos lits d'hôpitaux. Et également ils vont être obligés de mettre de côté une partie de leur vie, c'est-à-dire la possibilité de jouer avec des petits-enfants, la possibilité d'aller les voir recevoir leurs diplômes, etc.

Mais, en plus de ça, cette maladie qui touche les gens… ces gens-là touche également, de façon directe, 40 personnes, c'est-à-dire 40 personnes que leur vie va changer, qui vont être obligées d'accompagner leur parent, ou leur conjoint, ou leur ami dans les salles d'urgence, les accompagner, prendre des journées de congé pour aller à l'hôpital pour les soutenir, qui vont être obligées également de mettre de côté leur propre vie pour aider cette personne-là. Alors, ces 40 personnes, ça veut dire que, chacun de nous, ici, multiplié par 40, on a déjà atteint beaucoup, beaucoup de personnes.

Et, à la fin, ces gens-là, il faut que je les prépare à souffrir quelque chose de difficile, c'est-à-dire avoir… manquer d'air. La douleur, je suis habitué à gérer la douleur; pour nous, c'est des recettes, là, c'est facile. On gère la douleur selon la demande du patient. Mais gérer la… manquer d'air, l'impression d'étouffer, c'est quelque chose de difficile, d'énorme. Alors, dans ma vie de tous les jours, ce qui me touche le plus, c'est le regard de ces personnes-là.

Alors, les travailleurs non-fumeurs exposés de manière involontaire à la fumée secondaire ont un risque de cancer du poumon augmenté de 16 % à 19 %. Ça, ça va jusqu'à 50 % pour les employés des restaurants et des bars. Les femmes enceintes régulièrement exposées à la fumée secondaire sont plus à risque de faire une fausse couche et d'avoir un enfant de faible poids. Les enfants exposés à la fumée secondaire présentent un risque accru d'infection des poumons, telle que la bronchite, la pneumonie, et souffrent également davantage que les autres d'otites, de toux chronique et de problèmes respiratoires. Alors, la fumée secondaire aggrave les conditions médicales déjà présentes chez l'enfant, telles que l'asthme et la bronchite, et de plus un enfant exposé à la fumée secondaire a davantage de risques de souffrir d'asthme qu'un enfant qui vit dans un environnement sans fumée. Mais aussi c'est des enfants qui vont attendre à la salle d'urgence, qui vont pleurer, c'est des parents qui vont se lever à 5 heures du matin pour se mettre en ligne dans une clinique pour avoir un rendez-vous, c'est des parents qui vont manquer ou perdre des journées d'ouvrage, et également c'est le commencement aussi de passer à la caisse enregistreuse, parce que tous ces problèmes-là reliés à l'utilisation du tabac de façon indirecte peuvent amener au système de santé des coûts, et des coûts plus importants.

Selon une récente enquête de Statistique Canada, les Québécois âgés de 12 à 19 ans sont plus exposés à la fumée secondaire dans les lieux publics comprenant des aires extérieures, tels que les entrées et les terrasses des restaurants, que les non-fumeurs plus âgés. Dans cette enquête, 27,6 % des Québécois âgés de 12 à 19 ans, soit presque 124 000 jeunes, 124 000 jeunes, ont déclaré avoir été exposés à la fumée secondaire dans les lieux publics comparativement à 17,9 % chez les 20 à 34 ans et 9,5 % chez les 35 à 44 ans, ce qui est important.

Or, si on regarde autour de nous, si on se compare un peu et si on arrête de se regarder, on peut savoir queplusieurs provinces ont adopté des lois qui interdisent de fumer sur les terrasses depuis quelque temps, soit Terre-Neuve-et-Labrador, l'Alberta, la Nouvelle-Écosse, et certaines municipalités ont aussi adopté des règlements qui vont dans le même sens, des villes comme Ottawa, Vancouver, Kingston, Thunder Bay et Saskatoon.

Autre point important, l'exposition à la fumée secondaire dans un habitacle restreint comme une voiture représente un risque évident pour la santé de ses occupants, particulièrement pour les enfants. Malheureusement, le Québec, dit société distincte — j'en suis même un peu gêné et même un peu outré — est la seule province canadienne, la seule province canadienne, à ne pas avoir légiféré pour interdire de fumer dans les voitures en présence d'enfants.

Ceux qui ont plus d'expérience de vie se rappellent qu'il y a 30 ou 40 ans, sur les autoroutes, on voyait des fumoirs ambulants, des bocaux avec plein de fumée, avec les deux parents qui fumaient en avant, et qui circulaient sur nos routes avec des enfants qui étaient embués. Heureusement, dans ce temps-là, à toutes les 15, 20 minutes, les enfants pouvaient espérer qu'on arrive à un poste de péage pour que le conducteur puisse baisser la vitre et enfin avoir un peu d'air libre. Et je ne voudrais pas que ceci soit retenu comme une solution, des fois que vous pourriez remettre des postes de péage pour ça.

Alors, finalement, la concentration de fumée secondaire sur les terrasses des restaurants et des bars, quand les gens sont à moins d'un mètre de distance, c'est-à-dire un peu plus qu'une longueur de bras, atteint souvent un niveau aussi élevé que la concentration de fumée secondaire que l'on peut retrouver dans un lieu intérieur. Le niveau des particules fines de la fumée de tabac dans un lieu extérieur où il est permis de fumer peut être jusqu'à 16 fois plus élevé que celui qu'on retrouve dans un lieu avoisinant qui est sans tabac. Si vous rajoutez la présence, sur les terrasses, par exemple, des toits, des petits toits ou des ombrelles, vous augmentez cette problématique.

Une étude…

• (9 h 50) •

Une voix :

M. Dandavino (André-H.) : Alors, compte tenu des risques pour la santé associés à des expositions de la fumée secondaire, nous recommandons d'interdire de fumer dans les terrains de jeu pour les enfants, sur les terrasses des restaurants, de protéger nos enfants en interdisant de fumer dans les voitures en présence d'enfants. Et également on pourrait également ajouter que, dans tout endroit public, que ça soit des édifices publics du réseau de la santé ou d'éducation de même que des endroits où il y a des activités sportives, de loisirs ou éducatives, culturelles ou artistiques, il soit interdit de fumer, pour empêcher que les gens soient en contact avec cette fumée, comme par exemple dans les logements où il y a une tierce personne, c'est-à-dire plus que d'un logement.

Alors, merci beaucoup de m'avoir permis de faire un bref survol pour remettre un peu de cette information.

M. Bujold (Mario) : Je vais maintenant laisser la parole à Riney Chen.

Mme Chen (Riney) : Bonjour. Selon les dernières statistiques, on sait qu'il y a 22 % des adolescents qui fument la cigarette ou le cigarillo, et ça, c'est principalement, entre autres, dû aux nouveaux produits qui sont mis sur le marché par les compagnies de tabac. Par exemple, des emballages comme celui-ci, il y a des belles couleurs, ça s'ouvre, on peut détacher facilement pour partager avec les amis, ou encore l'ajout de saveurs. Comme, ici, j'ai fraises et bleuets. La première fois que j'ai vu ces emballages, moi, vraiment, j'ai cru que c'était un emballage d'un paquet de bonbons. Et aussi celui-là, j'ai demandé à mon frère, puis mon petit frère, il m'a dit que ça avait l'air d'une tablette de chocolat, et je suis entièrement d'accord avec lui, ça avait l'air d'une tablette de chocolat, c'est délicieux, c'est bon. Et aussi cet emballage ici, c'est ma mère qui me l'a dit qu'il avait l'air d'un bâton de rouge à lèvres. C'est joli, c'est doré, c'est petit, c'est facile à transporter. Et donc ces produits, de même, sont faits pour attirer les jeunes fumeurs.

Et je sais… je suis convaincue que les compagnies de tabac, elles vont vous dire que non, ce n'est pas vrai. Mais moi, en tant que… faisant partie du public cible, je peux vous dire que cet emballage-là, quand je l'ai vu, j'ai vraiment voulu l'essayer pendant une fraction de seconde, alors que j'ai lu plein d'articles sur les méfaits de la cigarette.

Et donc moi, je ne comprends pas comment on peut laisser ces compagnies mettre en marché des produits pareils alors qu'on connaît les conséquences. Et, ces produits, on sait qu'ils sont une des principales causes de décès au Québec.

Et je suis ici aujourd'hui parce que je sais qu'au Québec on est capables de faire mieux que ça, je suis convaincue qu'on peut faire mieux que ça. Et donc, au nom de tous les adolescents qui, comme moi, désirent apporter un changement, qui sont préoccupés par le danger de ces produits, je propose d'abord qu'on standardise les emballages, comme par exemple celui-là, standardiser les emballages, incluant la couleur, les motifs où, comme vous voyez, on puisse facilement se débarrasser de l'avertissement qui est sur l'emballage, et aussi de standardiser les produits comme celui-ci, des cigarettes qui sont plus petites, plus minces pour attirer les filles comme moi qui veulent rester… qui veulent être élégantes. Et finalement, pour éviter que les compagnies de tabac trouvent d'autres moyens de contourner la loi, je voudrais qu'on impose un moratoire aux nouveaux produits pour les empêcher de mettre d'autres objets pareils sur le marché.

Le Président (M. Bergman) : Merci beaucoup, Mme Chen, merci pour votre présentation. Et maintenant, pour le bloc du gouvernement, Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Bonjour à vous. Bienvenue à cette commission. Écoutez, je voudrais, bon, remercier le Dr Dandavino pour votre présentation. J'ai trouvé que c'est une présentation empreinte d'empathie. Et, ce que vous nous avez présenté comme impacts du tabac, je trouve que ça a apporté beaucoup. Et, Riney, je trouve ça... je te félicite pour ton engagement, premièrement, comme adolescente, de prendre la peine de t'être préparée pour venir rencontrer des parlementaires. Et je pense que je débuterais avec quelques questions pour toi avant de revenir à M. Bujold.

Explique-moi qu'est-ce qui fait... Est-ce que je peux te demander ton âge?

Mme Chen (Riney) : 15 ans.

Mme Proulx : 15 ans. Qu'est-ce qui fait qu'une fille de 15 ans a décidé de s'impliquer dans cette cause, de s'engager dans cette cause de lutte au tabagisme? C'est quoi, ta perception des ravages du tabac chez les jeunes?

Mme Chen (Riney) : Bien, en fait, le fait que le tabac cause beaucoup plus de décès que les meurtres, les accidents de voiture, les suicides, tout ça réuni. Moi, je pense que c'est juste énorme puis que c'est plein de meurtres qu'on ne prend pas assez au sérieux.

Mme Proulx : Et tu nous présentes, là, plein de facteurs attrayants que l'industrie du tabac a développés pour aller chercher... en fait, susciter l'intérêt des jeunes. Est-ce que tu penses qu'il y aurait quelque chose qui pourrait être fait pour contrer ce facteur attrayant là? Toi-même, tu disais que tu as regardé ça et, même si tu es bien consciente des méfaits du tabac, tu as quand même eu une petite pensée que peut-être que ce serait le fun de le tester ou de le goûter tellement c'est intéressant. Mais est-ce que tu penses qu'il y a moyen, dans l'esprit des jeunes, de contrer ces messages-là pour les sensibiliser au fait que, s'ils vont de l'avant, les jeunes se font avoir carrément par des compagnies de tabac?

Mme Chen (Riney) : Bien, pour ça, moi, je pense que c'est la prévention qui est importante. Dans notre école, moi, je fais partie de La gang allumée de mon école, on fait beaucoup de prévention. Et c'est pour ça aussi... c'est grâce à ça qu'au début… Quand on a commencé — bien, pas moi, mais La gang allumée — à l'école, je pense que c'était 25 % fumeurs. Et, grâce à toute la prévention qu'on a faite, maintenant on est rendus à 2 %. Et ce 2 % là, il fume à l'extérieur du terrain d'école.

Mme Proulx : Mon Dieu! Donc, bravo! Bravo! C'est un impact quand même très, très concret, là. Et qu'est-ce que c'est, La gang allumée?

Mme Chen (Riney) : C'est un programme de... Je pense que...

M. Bujold (Mario) : Je peux peut-être donner plus de détails.

Mme Proulx : Oui, oui.

M. Bujold (Mario) : C'est un programme de mobilisation des jeunes à travers tout le Québec. Il y a vraiment plusieurs centaines d'écoles et de maisons de jeunes qui participent à travers le Québec. Et ce sont les jeunes qui définissent eux-mêmes des projets pour prévenir le tabagisme chez les autres jeunes.

Mme Proulx : Et est-ce que tu aurais un message particulier à transmettre à nous, les parlementaires, qui sommes là pour éventuellement voter des lois, et analyser des situations, et tirer certains constats?

Mme Chen (Riney) : Pas vraiment. Mais j'aimerais vraiment qu'on puisse améliorer la situation actuelle.

Mme Proulx : Donc, passer à l'action?

Mme Chen (Riney) : Oui.

Mme Proulx : Parfait, merci. M. Bujold… M. le Président, je peux aller de l'avant, oui?

Le Président (M. Bergman) :  ...

Mme Proulx : J'aurais une question. Vous avez mentionné, dans votre présentation, qu'on constate une stagnation de 2005 à 2010. Le rapport de mise en oeuvre démontre que le taux de... le niveau de tabagisme a stagné, alors que, dans la période de 2000 à 2005, on avait, si j'ai bien compris, constaté une diminution de 5 %. À quoi vous attribuez cette stagnation? Qu'est-ce qui fait qu'on n'a pas réussi à diminuer le taux de tabagisme? Est-ce que — et je vous soumets quelques pistes — la loi devrait être appliquée de manière plus coercitive? Est-ce qu'on a un manque du côté de l'application de la loi? Est-ce qu'il y a des éléments, dans la loi, qui ne sont pas là, qui devraient être là? C'est quoi, votre compréhension de cette stagnation?

Le Président (M. Bergman) : M. Bujold.

M. Bujold (Mario) : Merci, M. le Président. Dans une situation comme celle-là, c'est sûr qu'on ne peut pas identifier un seul facteur. C'est un ensemble de facteurs. On en a parlé hier, entre autres lors des audiences de la commission, la question de la taxation. On l'a dit à maintes reprises, mais je le répète : Les taxes sur les cigarettes, le coût des cigarettes et le fait de hausser son coût, c'est un élément extrêmement dissuasif pour les fumeurs. Ça les amène à cesser de fumer ou à ne pas commencer à fumer. Et malheureusement, au Québec, on a le plus bas taux de taxation au pays. Et, pendant les années dont vous parlez, 2005 à 2010, bien, la taxe est restée la même, et on n'a vraiment pas eu d'augmentation de ce côté-là. Ça, c'est un aspect en tant que tel.

Durant cette période-là aussi, on a connu un problème avec la contrebande, problème qui est beaucoup mieux géré maintenant, beaucoup mieux réglé, mais ça faisait en sorte aussi que l'attrait… ou la disponibilité des produits du tabac était beaucoup plus grande et facile d'accès, autant pour les jeunes que pour les adultes. Évidemment, ça, tout ça...

Dans les mesures qui ont été mises en place dans la loi comme telle, je pense que les mesures ont porté fruit, les mesures ont eu un bon effet. Mais c'est sur d'autres aspects parallèles à la loi où on aurait dû agir de manière plus importante, comme je disais, la taxation, mais aussi en termes de prévention. Riney parlait de l'importance de prévenir le tabagisme. Si on veut éviter que les jeunes commencent à fumer, il faut être présents, il faut avoir des moyens, il faut avoir des campagnes, il faut être... Il faut que le message passe de façon encore plus claire, parce que les jeunes se retrouvent dans un environnement où ils sont constamment sollicités, on le mentionnait, avec les produits... Alors, c'est facile et c'est attrayant, pour des jeunes, de tomber dans le piège du tabac. Et alors c'est pour ça qu'on doit contrer ça, par, vraiment, une sensibilisation, par une mobilisation des jeunes, par des actions dans ce sens-là.

Il y a les jeunes puis il y a les gens qui fument. En fait, c'est deux groupes importants. Parce que, les gens qui fument aussi… On le sait par différents sondages, 63 % des fumeurs veulent cesser de fumer dans les six prochains mois, selon les plus récentes données. Donc, ce n'est pas parce que les fumeurs ne veulent pas cesser, c'est parce que c'est difficile de se défaire de cette dépendance-là. Donc, je pense qu'on aurait pu faire davantage pour aider les fumeurs, faire davantage pour prévenir le tabagisme. Et on aurait probablement eu des meilleurs résultats avec tout ça.

• (10 heures) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Juste une dernière question pour Riney. Parce que vous parlez d'augmenter les taxes, et on entend, chaque fois qu'il est question de ça, l'industrie qui répond : Oui — ou d'autres groupes — si on augmente les taxes, on augmente la contrebande et on ne règle pas le problème, finalement. Mais en même temps je pense que c'est très intéressant ce que vous dites. Il y a deux groupes : il y a les jeunes qu'on tente d'attirer par tous les moyens vers le tabagisme, mais il y a les fumeurs qui sont déjà dépendants et qui cherchent, eux, à se défaire de cette dépendance.

Moi, j'aurai une question pour Riney. Dans ton école, tu mentionnais qu'il y avait à peu près 25 % des jeunes qui fumaient, et maintenant il n'y en a presque plus. Quand il y avait des fumeurs à ton école, est-ce que les jeunes fument uniquement de ces produits-là ou si tu as vu des jeunes fumer des cigarettes tout à fait banales et plates dans un Ziploc, des cigarettes de contrebande? Est-ce que la contrebande, c'est présent chez les jeunes, les cigarettes de contrebande?

Le Président (M. Bergman) : Mme Chen.

Mme Chen (Riney) : Bien — merci — en fait, ça, je ne pourrais pas le dire parce que je n'étais pas encore à cette école quand c'était à 25 %. Désolée, je ne peux pas... Mais j'ai...

Mme Proulx : Toi, est-ce que tu en as vu, des jeunes... Est-ce que, selon ta connaissance, les jeunes fument seulement ces produits-là ou s'ils fument des produits qui sont moins attirants?

Mme Chen (Riney) : Ça, je ne le saurais pas. Désolée.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Ah! Merci. Ça…

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Merci, M. le Président. Bonjour, merci d'être là. Merci, chère jeune fille, parce que de venir nous parler de ton expérience, ça nous donne aussi l'opportunité d'avoir accès à du terrain et à la réalité des jeunes. D'ailleurs, c'est un groupe qu'on veut s'attarder de façon importante, parce qu'on nous dit que, justement, quand les jeunes sont attirés vers la cigarette, ils deviennent des fumeurs potentiels pour plusieurs années de leur vie.

Alors, ce que je trouve intéressant, M. Bujold, vous avez parlé de Gang allumée, c'est le projet qu'il y avait dans ton école. Hier, on nous a parlé aussi... un groupe nous a dit que, oui, il y a de la sensibilisation, oui, mais il faut que ça soit soutenu, il faut que ça soit encadré, il faut... Il ne faut pas que ça soit lancé juste un peu comme ça, il faut qu'il y ait un support. Puis souvent, quand ça vient des jeunes eux-mêmes, ce que je trouve intéressant, quand ça vient des pairs, donc les jeunes du même âge, ça a plus d'impact sur la conscientisation des jeunes. Ça, c'est prouvé.

Alors, moi, ma question concrète, c'est : C'est financé par qui, Gang allumée? C'est qui qui vous supporte là-dedans?

M. Bujold (Mario) : C'est au bon...

Le Président (M. Bergman) : ...

M. Bujold (Mario) : Merci. C'est au bon endroit pour le dire. C'est le ministère de la Santé...

Mme Gadoury-Hamelin : O.K., qui finance...

M. Bujold (Mario) : ...qui finance, en collaboration avec les directions de santé publique à travers le Québec, effectivement.

Mme Gadoury-Hamelin : O.K. Puis ça peut s'implanter dans les écoles?

M. Bujold (Mario) : Oui. C'est un programme qui existe depuis plusieurs années, ça fait maintenant 17 ans que le programme existe. Donc, il y a eu beaucoup de travail, beaucoup de travail…

Mme Gadoury-Hamelin : ...parler, par exemple.

M. Bujold (Mario) : Ça se comprend, parce que vous n'êtes pas la clientèle cible, mais...

Mme Gadoury-Hamelin : Oui, c'est ça.

M. Bujold (Mario) : …mais c'est un programme qui est bien connu dans les écoles, dans les maisons de jeunes, et puis qui est très actif aussi.

Mme Gadoury-Hamelin : Qui est assez répandu, qui a descendu un peu partout...

M. Bujold (Mario) : Oui, oui, oui. C'est dans plus de 200 écoles à travers la province, 200 écoles secondaires, là.

Mme Gadoury-Hamelin : O.K. Ah, bien, je trouve ça intéressant, je vais...

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Je vais m'assurer que c'est bien implanté chez moi, parce que, la façon de rejoindre les jeunes, là, je trouve ça excellent.

Aussi, on nous a dit hier que les jeunes arrivent encore à se procurer des produits du tabac dans les dépanneurs, malgré le fait qu'on ne doit pas vendre à des mineurs, et tout ça. Puis ça, c'est assez présent. Ça, est-ce que tu peux nous parler de cette… Est-ce que tu as été consciente de cette possibilité-là? Les jeunes n'en parlent pas nécessairement?

Mme Chen (Riney) : Bien, justement, comme j'ai dit plus tôt, dans mon école, on n'a presque pas de fumeurs. Donc, c'est comme…

Mme Gadoury-Hamelin : Bien, bravo! Bravo.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Bravo. Écoutez, vous nous avez fait un bel exposé avec les conséquences. On en a entendu beaucoup depuis hier. Ça fait que je vous remercie. Moi, c'était tout ce que j'avais à poser. Puis je te remercie de ta présence.

Le Président (M. Bergman) : M. le député d'Argenteuil.

M. Richer : M. le Président. Bonjour, messieurs. Mlle Chen, félicitations! Merci d'être là. Je vais aussi commencer, si tu permets, par te questionner. Bien, les jeunes, vous êtes des cibles idéales dans différents domaines. Je pense à la mode, par exemple, où être bien habillé, porter des marques spéciales, c'est important, tous les produits électroniques, même, vous êtes un petit peu sollicités au niveau des crédits bancaires, et tout ça. Et, pour avoir passé beaucoup de temps, 34 ans de ma vie, dans des écoles, j'avais observé quand même qu'il y avait une pression sociale qui s'exerçait chez les jeunes. Est-ce que cette pression-là des jeunes fumeurs sur les non-fumeurs, elle existe? Les gens qui utilisent les produits dont tu nous as parlé, est-ce qu'il y a une pression sociale sur les jeunes non-fumeurs pour adhérer finalement? Est-ce que tu as pu observer ça?

Mme Chen (Riney) : Non, pas vraiment, parce que mes amis et moi, on n'est pas fumeurs. Disons que je ne pourrais pas dire, là, mais je pense que sûrement, oui. Comme le paquet que j'ai montré qui se détachait, c'est fait pour… on peut partager avec des amis. Donc, il y a sûrement que, si un copain commence à fumer, toute la gang va suivre, là.

Le Président (M. Bergman) : M. le député d'Argenteuil.

M. Richer : Merci. M. Bujold, d'entrée de jeu, tantôt, vous avez mentionné que vous souhaitiez qu'on sorte des sentiers battus. Vous nous avez indiqué quelques pistes à défricher. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, sur qu'est-ce que vous sous-entendez par le souhait de sortir des sentiers battus.

Le Président (M. Bergman) : M. Bujold.

M. Bujold (Mario) : Oui. Évidemment, Riney en a parlé aussi tantôt, la question des emballages, en fait tout ce qui touche la promotion des produits, que ce soient les saveurs dans les produits, qui sont ajoutées, que ce soit la question des emballages, on en a parlé aussi beaucoup hier, toute la question de… puis c'est ce qu'on demande aussi, qu'il y ait un emballage standardisé et neutre, comme ça s'est fait en Australie, toute la question aussi d'empêcher que de nouveaux produits soient mis en marché. Parce que c'est tout ça; ce qui demeure une force pour les compagnies de tabac, c'est l'outil promotionnel que représentent leurs produits. Et le fait d'aller dans cette direction-là, ce serait courageux, parce que ça ne s'est pas fait encore au Canada. On l'a vu en Australie, ça s'est fait puis ça s'est bien fait. Puis il y a d'autres pays qui sont en train de regarder ça. Mais ce serait vraiment un gain important pour le Québec et, en termes d'impact, ce serait quelque chose qui serait extrêmement profitable et prometteur. C'est un exemple.

Toute la question d'interdire de fumer aussi sur les terrasses des bars, des restaurants également, ça serait une mesure, là, qui nous permettrait de sortir des sentiers battus.

Alors, c'est des exemples de mesures comme ça, puis il y en a d'autres que vous retrouvez dans notre mémoire, mais essentiellement, là, c'est des mesures qui nous permettraient de vraiment faire un pas de plus dans la bonne direction pour réduire le tabagisme.

Le Président (M. Bergman) : M. le député d'Argenteuil.

M. Richer : Merci, M. le Président. Dans la conclusion de votre rapport, vous mentionnez que le bilan de mise en oeuvre est positif mais qu'il y a quand même des lacunes. Donc, pour vous, l'application vraiment stricte et intégrale de la politique actuelle ne sera pas suffisante, vous souhaitez qu'elle soit bonifiée.

M. Bujold (Mario) : C'est clair. C'est très clair. Et il y a des éléments, dans le rapport, où on ne savait pas exactement ce qui avait été fait. Il manquait un peu de précision sur certains éléments. On l'a relaté. Il y a des questions qui auraient été intéressantes de pouvoir traiter à l'intérieur du rapport pour nous donner un meilleur portrait de la situation et voir dans quelle mesure vraiment les mesures étaient bien respectées. Par exemple, sur les terrains d'école, on sait qu'il y a une problématique, que ce n'est pas bien respecté partout, que c'est variable, qu'il y a certains enjeux, mais le rapport ne mentionnait pas comment pallier à ces difficultés-là. Donc, ça aurait été, dans ce sens-là, souhaitable, là, que des éléments soient soulignés, mentionnés en termes de stratégie pour pouvoir améliorer les choses.

Il y a différentes mesures, même si globalement le bilan est très positif, il y a quand même différentes mesures, différents éléments qui peuvent être bonifiés et qui vont vraiment permettre, là, de mieux… à la fois protéger la santé des non-fumeurs mais aussi prévenir le tabagisme.

Le Président (M. Bergman) : M. le député d'Argenteuil.

M. Richer : Merci, M. le Président. Ça couvre ma question.

• (10 h 10) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste 1 min 30 s.

Mme Proulx : Bon, une dernière question, M. Bujold. Dans l'application de la loi, qu'est-ce que vous pourriez recommander pour favoriser une meilleure application, une meilleure surveillance? Est-ce que vous souhaitez… Par exemple, je prends votre exemple de cours d'école, comment on peut s'assurer de surveiller et de contrôler l'application de la loi, que ça soit dans les dépanneurs, la vente de tabac aux mineurs, dans les cours d'école? Comment vous voyez, là, une meilleure… une application plus rigoureuse de la loi? C'est quoi, les moyens qu'on peut se donner?

Une voix :

Le Président (M. Bergman) : M. Bujold.

M. Bujold (Mario) : Pardon, M. le Président. Oui. Il est certain que toute la question de l'inspection des lieux reliée à la loi, c'est important, ce travail-là, et ça doit être fait vraiment de façon continue et soutenue, et ça doit être fait de façon aussi à vraiment permettre des modifications dans des cas où il y a des problématiques particulières ou des difficultés. Donc, il faut que les milieux, par exemple, où il y a plus d'enjeux particuliers ou de difficultés à faire respecter la loi, il faut que ces milieux-là puissent être soutenus, puissent être aidés pour vraiment faire en sorte que la loi est bien respectée. Comme vous le savez, la responsabilité de voir à l'application de la loi, par exemple, dans les écoles relève de l'école, donc il faut que les gens dans l'école aient les outils nécessaires pour pouvoir bien faire leur travail et avoir les bons éléments qui vont faire que la loi va être bien respectée.

Je pense que la loi est très bien faite. Après ça, c'est de voir comment on s'assure que les gens concernés dans les différents volets, que ce soient les restaurants, les bars, les écoles, les hôpitaux, ainsi de suite… comment on s'assure que ces gens-là ont tout ce qu'il faut, ont tout en main pour bien permettre un respect de la loi optimal, là, dans tous ces milieux-là. Et je pense qu'il y a des choses, il y a déjà des pistes, on a déjà fait part aussi de suggestions dans ce sens-là au ministère de la Santé. Mais c'est de voir, après ça, qu'est-ce qui est fait concrètement, quelles sont les stratégies qui sont mises en oeuvre. Et évidemment il faut avoir les ressources. Parce que le Québec est grand, et, si on veut s'assurer que tous les milieux sont bien couverts et qu'on a suffisamment d'inspecteurs pour faire le travail, bien, il faut avoir les ressources nécessaires aussi.

Le Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au bloc du gouvernement. Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, et je prends la première question.

Dr Dandavino, vous avez mentionné la question, et l'importance, et le danger de la fumée secondaire, pouvez-vous nous parler, dans les garderies, dans les autos, sur les terrasses, la question de fumée tertiaire qui peut persister dans ces milieux longtemps après? Est-ce que vous pouvez nous parler de cette question de fumée tertiaire?

M. Dandavino (André-H.) : Alors, M. le Président, vous êtes déjà en avance, parce que la fumée tertiaire, ça va être une de mes prochaines causes. Évidemment, la fumée secondaire, c'est un problème que nous connaissons tous, mais évidemment on commence à trouver que les gens qui retournent à la maison avec des vêtements où il y a des reliquats de fumée, ça peut augmenter les problèmes de santé chez les personnes qui n'ont pas été mises en contact avec la fumée secondaire, mais même avec des éléments qui ont été en contact avec la fumée secondaire.

Et maintenant il y a des études qui commencent à dire que… surtout chez les enfants, en augmentation des taux d'asthme, d'otites, de surinfections. D'ailleurs, c'est la première question qu'on pose aux gens qui vont dire : Bien, je fume dehors ou je fume en dessous de la cuisinière, je dis : Oui, mais, quand vous fumez, vous transportez dans votre maison la fumée sur vous. Alors, l'enfant que vous prenez, vous cajolez, parce qu'il est bien beau, bien fin, bien smatte, là, puis que vous l'embrassez, bien, vous lui donnez un contact avec des éléments nocifs. Les éléments nocifs, il y en a des milliers, il y en a 69 dans une cigarette, qui sont cancérigènes, et ça, ça se retrouve dans le linge des gens, donc ça se trouve aussi dans les endroits où l'enfant vit.

Le Président (M. Bergman) : Alors, si quelqu'un est sur une terrasse pour longtemps où il y a beaucoup de fumée, est-ce que ça va sur les vêtements, la fumée tertiaire, et il peut apporter cette fumée tertiaire à la maison, vous dites?

M. Dandavino (André-H.) : …le transporter à la maison. De toute façon, là, s'il est sur une terrasse… Comme à Montréal, il y a des études qui ont été faites par un professeur de l'Université de Baltimore, the Johns Hopkins, qui montraient qu'à Montréal, si vous êtes sur une terrasse, il y a 16 fois plus d'éléments de fumée que dans un endroit où il n'y en a pas. Vous avez quatre ou cinq fois plus d'éléments nocifs de la cigarette, des produits de tabac que dans le smog de Los Angeles. Alors, vous transportez ça à la maison. Alors, quand on le transporte à la maison, c'est…

D'ailleurs, les non-fumeurs ou les anciens fumeurs, les ex-fumeurs ne sont plus capables de tolérer même l'odeur de la cigarette. Ceux qui ont cette… bien, malheureuse ou heureuse expérience savent qu'on transporte avec nous des éléments de la fumée et les éléments de la cigarette.

Le Président (M. Bergman) : Merci. M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'abord, félicitations pour votre présentation. Puis vous avez apporté des éléments nouveaux. C'est intéressant parce qu'on va pouvoir en discuter.

D'abord, M. Bujold, vous savez que l'objectif de la commission, c'est de voir la mise en oeuvre de la loi de 2005, et j'ai cru comprendre que, la loi 2005, vous l'avez trouvée quand même excellente pour l'époque. Puis, ce que je comprends également, il y a eu des nouveaux éléments, depuis ce temps-là, qui sont arrivés au niveau des emballages, nouvelles stratégies des compagnies de tabac. Mais, quand ça a été fait en 2005, ça avait été quand même une révolution : abolition du tabagisme dans les endroits publics, dont les bars. Je pense que, quelques années auparavant, il n'y a pas grand personnes qui auraient pu penser qu'on puisse le faire, également sur la publicité, la mise en place d'inspecteurs.

Globalement, la loi de 2005, est-ce que vous trouvez qu'elle a quand même été bien appliquée, sans dire que ce soit parfait, là, mais qu'elle a été quand même bien appliquée?

M. Bujold (Mario) : Oui, tout à fait. La loi a été bien appliquée dans l'ensemble des milieux concernés. Comme je le mentionnais, il y a eu effectivement certains endroits où il y a eu des problématiques particulières, puis le rapport en faisait état. Mais globalement ça a été bien appliqué, oui.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Puis ce que je comprends…

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Ce que je comprends également, là : on est rendus qu'il faut faire une nouvelle loi pour aller plus loin. Puis, au niveau mondial également, il y a des mesures qu'on regarde aujourd'hui qui n'avaient jamais été prises au niveau mondial, on parle… Des fois, on a l'impression d'être deuxième ou troisième puis comme si on était en retard, mais la réalité… Moi, j'ai rencontré hier l'ex-ministre de la Santé de l'Australie, ça fait juste un an ou deux que c'est en application en Australie; puis il y a toujours quelqu'un qu'il faut qu'il le fasse une première fois pour qu'il y ait une deuxième. Sur 224 pays, si on est deuxième, troisième, on ne serait quand même pas si pire que ça, là.

Le Président (M. Bergman) : M. Bujold.

M. Bujold (Mario) : Je pense qu'effectivement le Québec démontrerait jusqu'à quel point il est préoccupé par la question du tabagisme s'il adoptait une mesure comme ce qui a été fait en Australie avec des paquets standardisés et neutres. Ce serait une mesure extrêmement claire en termes de message à l'ensemble de la population. Au-delà de l'effet que ça pourrait avoir… Parce qu'évidemment, comme on le mentionnait, c'est un outil promotionnel extrêmement efficace. Les compagnies de tabac vous diront que ça ne cible pas les jeunes, que c'est pour les adultes, tout ça, et on les comprend de dire ça, là, mais on ne partage pas ce point de vue là, mais il y a vraiment là un avantage important en termes d'effet sur l'ensemble des consommateurs de tabac et particulièrement chez les jeunes, qui sont très attirés par les produits. Donc, le fait d'aller de l'avant avec une mesure comme celle de l'Australie serait un grand pas dans la bonne direction.

Vous disiez : Toute la question de l'interdiction de fumer sur les terrasses des bars, des restaurants. Effectivement, j'étais là au moment où le débat sur ces questions-là a eu lieu en 2004-2005, et c'était un gain important à ce moment-là. Mais maintenant on est rendus sept ans plus tard, la société a beaucoup évolué, la science a beaucoup évolué également, on a une meilleure compréhension des risques associés à la fumée secondaire. M. le Président, vous parliez tantôt de la fumée tertiaire également. Ce n'est pas des notions qui existaient ou qu'on connaissait bien il y a sept ans, alors qu'aujourd'hui, bien, la situation est très différente.

Et je pense qu'il faut être dans notre réalité de 2013 et regarder qu'est-ce qu'on peut faire en termes de gains. Et je le disais tantôt dans ma présentation aussi, hein : 24 % de taux de tabagisme au Québec, 19 % en Ontario. Qu'est-ce qui explique ça? On est dans des provinces qui vivent dans un environnement très semblable, en Amérique du Nord, dans un même pays. Alors, comment peut-on justifier, sinon que par des efforts, des mesures qui sont faits de façon différente ici, au Québec, que ce qui est fait en Ontario? Donc, c'est la preuve qu'on pourrait vraiment faire des gains importants en termes de santé publique.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Je vais vous donner une autre statistique : la Colombie-Britannique est à 15 %. Donc, il y a des objectifs à atteindre, mais je crois… En tout cas, sans vous sortir les études aujourd'hui, je pense que le Québec est parti aussi d'un plus haut taux de fumeurs, et culturellement, au Québec, ça a été plus difficile qu'en Ontario. Mais, à la fin, on veut tous atteindre le même objectif. Puis moi, j'adopte votre objectif de 10 % pour 2025, mais, avant d'atteindre 10 %, il faut descendre à 15 %. Et d'ailleurs vous avez utilisé un mot ce matin, vous voulez avoir des mesures «musclées»; moi, j'ai dit «des mesures costaudes». Ça fait qu'on se rejoint assez bien à ce niveau.

Dr Dandavino, bien, merci de la présentation, parce que vous avez apporté un nouvel élément, également, au niveau médical, la question de la dyspnée. Les gens ne se rendent pas compte… On parle souvent de décès suite au tabagisme, on ne voit pas de la souffrance au niveau des symptômes. Puis il faut avoir vu des gens, pendant deux, trois ans, à bout de souffle, incapables de respirer, qui, à la fin, vont mourir de leur dyspnée, puis que c'est plus difficile à soulager que la douleur.

On parlait de fumée tertiaire, je trouve que… Vous avez dit que ce serait votre prochain combat. Est-ce qu'on a des études, actuellement, assez fiables pour dire que cet élément-là de fumée tertiaire devrait être incorporé peut-être dans des mesures? Parce que ça, ça va être important. On parlait des terrasses, on parlait des autos, on parlait également… vous ne l'avez pas mentionné, mais on parlait également des immeubles à logements où, lorsqu'on fume dans les corridors, ça rentre dans les maisons, la question de la ventilation. Pensez-vous que ça va être un des enjeux importants, la question de la fumée tertiaire?

• (10 h 20) •

Le Président (M. Bergman) : Dr Dandavino.

M. Dandavino (André-H.) : Merci, M. le Président. Ce que vous avez expliqué, effectivement, c'est qu'on part de loin. Pas dans votre temps, vous êtes beaucoup plus jeune que moi, là, mais, dans mon temps, quand j'étais jeune, à l'urgence et sur les étages, les médecins et les infirmières fumaient. Quand j'ai commencé à la clinique, chez nous, on était la première clinique à interdire la cigarette dans nos salles d'attente. J'ai été obligé d'appeler la police pour faire sortir quelqu'un, les premières années, qui voulait… qui refusait d'arrêter de fumer dans la salle d'attente. Et on mettait des cendriers dans les salles d'attente où les gens venaient pour des problèmes d'asthme. Alors, on part de loin. Et ce que vous avez très bien expliqué, c'est que c'est une question de temps.

Maintenant, il y a de plus en plus d'études qui vont démontrer, surtout en pédiatrie, qu'il y a un effet nocif chez les enfants. Et puis il faut avoir entendu les enfants crier dans la salle d'attente pour une otite ou la mère qui est toute fatiguée puis qui est un peu presque enragée parce que ça fait trois heures qu'elle attend à l'urgence pour un problème semblable. Mais les études commencent à démontrer de plus en plus qu'il y a un effet direct entre la fumée tertiaire et les maladies, surtout en pédiatrie.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : M. le Président, j'attendais que vous disiez mon nom. D'habitude, je parle toujours avant. Merci, Dr Dandavino. Mais, pour mon âge, on n'en parlera pas là, mais moi, j'ai vécu une expérience similaire à vous — en passant, on n'a peut-être pas tant de différence que ça. En 1989, je suis revenu pratiquer à Alma, au Lac-Saint-Jean, puis j'ai été en Abitibi pendant sept ans auparavant, ma première garde à l'urgence, je vais dans la salle d'attente de l'urgence, puis il y avait des gens qui fumaient dans la salle d'attente de l'urgence. On parle de 1989. Et là je suis allé voir la personne puis j'ai dit : Vous devez… vous n'avez pas le droit de fumer ici. Puis elle m'a montré la pancarte, qu'elle avait le droit de fumer à l'urgence. C'était autorisé à l'époque de fumer dans l'urgence. Puis il y avait un secteur pour les enfants puis pour les parents non-fumeurs, puis il y avait un secteur pour les gens qui pouvaient fumer, mais c'était la même salle d'attente.

Ça fait qu'au Québec on a évolué énormément depuis ce temps-là. Et je pense que c'est des mesures qui, comme elles, ont été prises par… tous les gouvernements ont participé aux lois. Ce qu'il faut voir : il faut évoluer vers autre chose, et c'est cette autre chose là que l'étape va être importante.

Puis je vous dirais que les deux mesures qui sont les plus difficiles à passer en termes d'acceptation de société… malgré que la fumée dans les autos, c'est 80 % des gens de la population qui l'acceptent — ça, je pense qu'il va y avoir la discussion là-dessus — mais, sur les terrasses, ça, ça va être un enjeu. Puis ça va être pour ça que ça va nous prendre — on l'a vu hier avec l'association des dépanneurs — des études pour voir c'est quoi, la vérité scientifique, pour être capables d'argumenter de ce côté-là. Et, d'un autre côté, également, il faut comprendre la situation des gens des bars, que ça peut être un enjeu important pour eux autres au niveau financier. Donc, il y a peut-être un travail à faire à ce niveau-là. Puis moi, là-dessus, je vous dirais qu'il faut en avoir une discussion franche et honnête pour enfin atteindre l'objectif qu'on veut atteindre.

Mlle Chen, félicitations, hein? Parce que moi, les gangs allumées, parce que j'étais ministre de la Santé, je connais ça très bien. À chaque année… Je savais qu'on vous finançait, et, à chaque année, le ministère m'apportait des rapports très positifs sur votre façon de faire, et je pense que ça, ça a un impact direct quand on parle de sensibilisation. Qu'est-ce que vous faites comme activités dans votre école pour… avec La gang allumée? Puis comment ça fonctionne? Puis comment vous voyez l'avenir avec La gang allumée?

Le Président (M. Bergman) : Mme Chen.

Mme Chen (Riney) : Merci. Nos projets, est-ce que vous voulez que je vous parle de notre dernier projet? On a fait un vidéo. C'est mon frère l'acteur du vidéo. Et on est allés voir des adultes pour leur demander une cigarette, c'est mon frère qui est allé demander une cigarette, eh bien, les adultes, normalement ils disent non, qu'on ne peut pas : Tu es trop jeune pour fumer. Et après il partait en donnant un petit papier qui disait : Tu te préoccupes de ma santé, mais as-tu pensé à la tienne? Donc, on sensibilise les gens de même. Et notre vidéo, elle est sur YouTube. Et on a atteint… je pense que c'est 30 000 vues. On est vraiment fiers de ça.

Mais, moi, c'est sûr que… nous seuls, si on travaille… Si on est seuls, c'est sûr qu'on n'ira pas nulle part. Mais on est… Au Québec, il y a plein de groupes de jeunes comme nous, et je pense que, oui, ensemble on peut arriver à atteindre notre but.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : …laisser la parole à ma collègue.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci. Alors, merci beaucoup de votre présentation. Merci, Riney, de ta présentation. C'est très agréable d'avoir parfois un visage plus jeune autour de la table pour nous faire part… On a, à la maison parfois, des jeunes de ton âge qui nous en parlent, mais de l'entendre de quelqu'un d'autre, c'est toujours un plus.

J'aimerais connaître votre perception de la loi telle qu'elle est faite actuellement au niveau du rapport de mise en oeuvre, parce que vous êtes critique, dans votre mémoire, quant au rapport de mise en oeuvre, quant aux éléments qui sont manquants. Est-ce qu'à titre de législateurs on devrait être plus sévères, par exemple, à l'intérieur d'une prochaine loi, quant à ce que doit comporter le rapport de mise en oeuvre, quant à la… entre le délai du dépôt du rapport et l'audition devant la commission? Est-ce qu'il y a des éléments… Parce qu'au-delà de toutes les mesures novatrices auxquelles on peut penser… Puis, tu sais, c'est certain, vous nous demandez de faire preuve de courage politique. Ça, c'est une chose, on peut le faire. Mais, à l'intérieur de la loi, il y a aussi des mesures plus administratives, est-ce qu'il y aurait, à cet effet-là, des modifications qu'on devrait apporter ou est-ce que la loi, telle qu'elle est rédigée, pourrait être suffisante, là, on pourrait utiliser le même type de rédaction pour un prochain texte?

Le Président (M. Bergman) : M. Bujold.

M. Bujold (Mario) : D'une part, l'article 77, qui traite de la question du rapport qui doit être déposé à l'Assemblée nationale, rapport de mise en oeuvre de la loi, est extrêmement important. Je pense qu'il y a effectivement des délais qui pourraient être précisés, et il y a peut-être un cadre qui pourrait être davantage précisé dans la nature du rapport comme telle. Il y a un intervenant, hier, qui a mentionné qu'il serait utile que le rapport puisse être fait par un organisme externe du ministère pour être capable d'avoir une vue encore plus large et peut-être encore plus objective — quoi qu'on ne doute pas de l'objectivité du ministère, mais parfois c'est difficile de s'autoévaluer — et de pouvoir avoir un regard sur un ensemble d'éléments faits par, par exemple, un organisme comme l'Institut national de santé publique, qui pourrait très bien faire ce travail-là pour le compte du ministère. Mais, à ce moment-là, ça permettrait d'avoir peut-être un ensemble d'éléments encore plus complets en termes d'analyse, et de prévoir un délai pour le dépôt du rapport, mais aussi qu'il y ait des suites au rapport. Et je pense que ça pourrait être prévu, ça, dans un article de la loi, effectivement, qu'on puisse délimiter dans le temps... Parce qu'on le voit dans ce cas-ci il y a quand même eu un délai de trois ans, pratiquement, entre le dépôt du rapport et la commission. Donc, je pense qu'il serait préférable que ça puisse se faire dans un délai beaucoup plus court pour que le principe, qui est de faire aux cinq ans un bilan et une mise à jour en lien avec la loi, puisse vraiment être efficace en tant que tel.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau, il vous reste une minute.

Mme Vallée : Je vais laisser ma collègue...

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, il vous reste une minute.

Mme de Santis : Merci. Merci pour votre présentation. D'après Statistique Canada, en 2005, déjà, en Ontario, le taux de tabagisme était 16 %. Ça a monté et c'est à 16,7 % aujourd'hui. Donc, même en Ontario, il y a eu une certaine stagnation.

Maintenant, si on regarde ce taux en Ontario et on regarde le taux que nous avons ici, qu'est-ce que vous proposez qu'on fasse pour qu'on puisse vraiment atteindre 10 % d'ici 2025? Pourquoi, en Ontario, c'était 16 % en 2005? Ça n'a pas changé énormément. Comment nous, on peut arriver à 16 % et comment on peut arriver à 10 %?

Le Président (M. Bergman) : M. Bujold.

M. Bujold (Mario) : Il y a un ensemble de mesures qu'on doit prévoir. Il y a des mesures qui doivent être prévues dans la loi puis il y a des mesures qui doivent être à l'extérieur de la loi. La question de la hausse des taxes sur le tabac, je disais tout à l'heure, c'est un élément important.

Mme de Santis : Mais, en Ontario, ils sont les neuvièmes en rang pour les taxes. Alors, leur taxation, un peu plus que nous, pas beaucoup...

Le Président (M. Bergman) : Il ne reste plus de temps dans ce bloc, alors il y a un temps pour une très courte réponse. M. Bujold.

• (10 h 30) •

M. Bujold (Mario) : D'accord. Je vous dirais juste, en réaction à ça, que c'est peut-être ce qui explique aussi une certaine stagnation en Ontario, où le taux de taxation a peu changé, bien qu'il soit plus élevé que celui du Québec, en lien avec la question du tabac.

Mais, pour les autres mesures, c'est sûr que des mesures comme toute la question de la promotion, la question des emballages standardisés et neutres, la question d'un moratoire sur les produits, tout ça est une mesure qui pourra contribuer de façon claire, là, à faire en sorte que moins de jeunes, là, commencent à fumer et moins d'adultes aussi, toute la question du soutien des fumeurs également, pour les aider dans leur volonté d'arrêter de fumer. Ils sont très nombreux à vouloir le faire, mais ce n'est pas facile. On a déjà des ressources en place, mais je pense qu'on pourrait faire mieux au Québec, notamment plus en lien avec le réseau de la santé, et avoir plus d'implications du côté des professionnels de la santé, entre autres, de ce côté-là.

Le Président (M. Bergman) : Merci, M. Bujold. Le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre présence, c'est très apprécié. Évidemment, on a dit, d'entrée de jeu, que c'était l'examen du rapport de la mise en oeuvre de la loi, mais, depuis hier, on entend finalement les intervenants, à répétition, venir nous dire qu'on devrait aller au-delà de ça parce qu'il y a une stagnation dans l'usage du tabac au Québec. Alors qu'on était autrefois les leaders en matière de lutte au tabagisme, on a pris un peu de retard depuis les cinq dernières années. Alors, ce qu'on comprend aujourd'hui puis ce que je comprends de vos interventions, c'est de demander aux parlementaires d'aller plus loin qu'uniquement l'examen du rapport. Est-ce que je comprends que vous nous demandez de modifier la loi et d'aller plus loin dans nos mesures contre la lutte au tabac?

Le Président (M. Bergman) : M. Bujold.

M. Bujold (Mario) : Vous comprenez bien ce que je demande, effectivement. Je pense qu'il y a là une opportunité extrêmement précieuse, et pour les membres de la commission et pour le gouvernement du Québec, de faire des gains en termes de santé publique à peu de frais, hein? Dans une période de restrictions budgétaires, on vise toujours à ce que ça ne coûte pas cher. Ce ne sont pas des mesures qui vont coûter beaucoup d'argent au gouvernement mais qui auront des gains, et ça permettra de faire avancer toute cette question-là de ce problème de santé publique qu'est le tabagisme. Et c'est ça, je pense, l'optique dans laquelle on doit regarder ce travail d'analyse du rapport. C'est le point de départ, mais, très clairement, ça nous amène vers l'avant et vers d'autres mesures qui seraient beaucoup plus musclées ou, en fait, qui auraient vraiment une portée encore plus grande que ce qu'on a connu dans les dernières années.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Moi personnellement, j'aime bien l'expression anglophone qui dit : «When you're not first, you're last», et on a été précurseurs à bien des niveaux contre la... la lutte contre le tabac, et effectivement je pense qu'entre autres vos recommandations quant à l'emballage, quant à l'aromatisation feraient de nous encore une fois des leaders. Alors, c'est bien noté. Je pense que la commission aussi va en prendre bonne note.

J'aime aussi beaucoup le témoignage de Riney, finalement, aussi, qui nous indique que la sensibilisation, quand elle vient des jeunes… même auprès des adultes, je pense que le message passe mieux et passe plus facilement. Alors, j'aimerais ça que tu nous expliques, outre la vidéo, c'est quoi, les autres actions que vous avez posées pour arriver à des taux de 2 %. Parce qu'on aimerait ça se rendre à 2 % à l'ensemble du Québec. Alors, j'aimerais ça t'entendre là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : Mme Chen.

Mme Chen (Riney) : Merci. En fait, moi, l'année dernière, c'était ma première année dans La gang allumée, mais j'ai vu des projets des années précédentes. C'étaient pas mal tous des vidéos, par exemple, qui nous donnent une perception négative de la cigarette.

Mme Daneault : C'étaient plus des vidéos.

Mme Chen (Riney) : C'est ça. Donc, les années...

Mme Daneault : Concernant les bars à chicha, là... Parce que j'ai l'impression que nos jeunes, là, ont une méconnaissance, entre autres, du... C'est rendu une activité, là, entre autres pour les adolescents, d'aller dans les bars à chicha, puis tout ça. Est-ce que tu as l'impression que les jeunes savent ce qu'ils fument quand ils sont dans les bars à chicha? Parce que, moi, ce que j'ai comme impression dans ma pratique… Quand les jeunes viennent, ils disent que ce n'est pas du tabac, là. Ils sont convaincus que c'est une activité bien le fun, mais ils ne savent pas ce qu'il y a là-dedans. Est-ce que tu as la même impression que moi?

Le Président (M. Bergman) : Mme Chen.

Mme Chen (Riney) : Merci. Bien, en fait, moi-même, je ne sais pas vraiment c'est quoi. Je peux vous dire ça. Je ne suis jamais allée dans les bars, donc je ne sais pas.

Mme Daneault : Puis est-ce que tu as entendu des jeunes parler de chicha puis d'aller fumer de la chicha? Bien, est-ce que tu as l'impression qu'ils savent ce qu'ils fument quand il y a... ou pas du tout?

Mme Chen (Riney) : J'imagine que sûrement qu'il y a des jeunes, quand ils y vont, c'est plus comme... c'est des amis qui y vont, puis ils les accompagnent, qu'eux-mêmes, ils ne savent pas vraiment exactement c'est quoi puis que c'est mauvais pour la santé.

Mme Daneault : Ils ne savent pas que c'est plus concentré que du tabac, hein, certainement pas. On a du travail à faire là-dedans, donc.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Alors, Mme Chen, M. Bujold, Dr Dandavino, merci pour être ici, avec nous, aujourd'hui. Merci pour votre présentation, on l'apprécie beaucoup. Félicitations à vous pour être ici, avec nous, Mme Chen.

Je demande les gens d'Imperial Tobacco pour prendre leur place à la table. Et je suspends pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 35)

(Reprise à 10 h 37)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix :

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je demanderais aux gens d'Imperial Tobacco pour prendre place à la table.

Des voix :

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. Gagnon, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Et, si vous pouvez mentionner votre nom, votre titre et… Mais je suspends pour quelques instants. Je suspends.

(Suspension de la séance à 10 h 38)

(Reprise à 10 h 39)

Le Président (M. Bergman) : Alors, M. Gagnon, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation. Votre nom, votre titre, s'il vous plaît.

Imperial Tobacco Canada ltée

M. Gagnon (Éric) : O.K. Donc, Éric Gagnon, directeur des affaires corporatives chez Imperial Tobacco Canada.

Donc, M. le Président, membres du comité, bonjour. Merci de m'avoir invité… d'avoir invité Imperial Tobacco Canada aujourd'hui dans le cadre de l'examen du rapport de 2010 sur la Loi sur le tabac au Québec.

Je m'appelle Éric Gagnon. Je suis directeur des affaires corporatives chez Imperial Tobacco Canada, la plus grande compagnie légale de tabac au Canada. Je suis ravi d'être ici pour présenter la perspective de notre entreprise. À l'instar de toute autre entreprise responsable, nous estimons pouvoir contribuer de façon positive au processus réglementaire. Il s'agit d'un rôle que nous prenons au sérieux.

• (10 h 40) •

Imperial Tobacco Canada est une entreprise qui respecte de façon rigoureuse les lois et règlements qui régissent l'industrie du tabac, et nous commercialisons notre produit de façon responsable. Nous employons environ 300 Québécois, qui occupent des postes bien rémunérés, stimulants et enrichissants. Avant toute chose, Imperial Tobacco Canada reconnaît les risques pour la santé associés au tabagisme. Nous croyons que les produits du tabac ne devraient être consommés que par des adultes qui ont fait le choix de fumer en toute connaissance de cause et que les jeunes ne devraient pas fumer. Nous soutenons une réglementation efficace, raisonnable et basée sur des données concluantes, particulièrement celles visant à s'assurer que les enfants n'aient pas accès aux produits du tabac.

J'aimerais également rappeler aux membres du comité que l'industrie légale du tabac respecte plus de 200 règlements fédéraux, provinciaux et municipaux. Le Québécois moyen n'a pas vu de paquet de cigarettes dans un dépanneur depuis plus de sept ans. Lorsqu'un Québécois voit un paquet de cigarettes légal, 75 % de son emballage est recouvert d'une mise en garde de santé illustrée. Le Québécois moyen n'a pas vu de publicité sur le tabac depuis plus de sept ans. Le Québécois moyen n'a pas vu personne fumer à l'intérieur de son milieu de travail, dans un bar ou dans un environnement depuis plus de sept ans. Nous pouvons ainsi affirmer que la plupart des Québécois vivent essentiellement dans un environnement sans fumée.

La discussion d'aujourd'hui ne devrait pas servir à déterminer si nous sommes d'accord ou non avec le tabac, compte tenu que le tabac demeure un produit légal au Québec et au Canada. La discussion d'aujourd'hui devrait être un échange équilibré sur le rapport de 2010, sur la situation actuelle du contrôle du tabac au Québec et sur la façon dont les ventes de cigarettes illégales minent toute réglementation, existante ou nouvelle.

Passons maintenant au sujet qui nous amène ici aujourd'hui : le rapport de 2010 sur la mise en oeuvre de la Loi sur le tabac au Québec. Les conclusions du rapport de 2010 démontrent que la Loi sur le tabac du Québec est respectée. Les taux de conformité sont impressionnants, et les taux de tabagisme sont à la baisse. Comme l'indique le rapport de 2010, lorsque la Loi sur le tabac est entrée en vigueur en 1998, les taux de tabagisme chez les Québécois de 15 ans et plus étaient de 34 %, comparé à 22,5 % lorsque le rapport a été rédigé. Ces statistiques confirment que le Québec a connu une baisse significative de son taux de tabagisme au cours des 25 dernières années. De plus, la tendance à long terme affiche une baisse depuis des décennies.

Malgré cette tendance à la baisse, de récentes données ont suscité des préoccupations, soulevées par certains organismes de lutte au tabagisme. Ces groupes soutiennent que la stabilisation du taux de tabagisme découle des pratiques de l'industrie légale du tabac. C'est faux. Imperial Tobacco Canada croit qu'il existe deux grandes raisons qui expliquent cette stabilisation au Québec.

La première raison réside dans le marché illicite de tabac dans la province, lequel est hors de contrôle. Imperial Tobacco Canada espère que les membres du comité reconnaîtront que les ventes de cigarettes illégales demeurent un obstacle important au contrôle du tabac au Québec, comme c'était le cas en 2010, au moment de la publication du rapport.

La deuxième raison est peut-être plus difficile à accepter pour certaines personnes, mais elle demeure néanmoins importante : certains Québécois adultes choisiront toujours de fumer. C'est pourquoi Imperial Tobacco Canada insiste auprès du gouvernement pour qu'il adopte une approche prospective quant à toute décision en matière de contrôle du tabac.

Comme nous l'avons mentionné, notre compagnie respecte plus de 200 lois et règlements régissant la vente de produits du tabac. Les exploitants illégaux exercent leurs activités selon des règles complètement différentes, évitant impôt et réglementation, volant des milliards de dollars au gouvernement en revenus fiscaux et minant tous les efforts de santé publique en matière de contrôle du tabac.

Les organismes de réglementation qui souhaitent exercer une influence sur le taux de tabagisme doivent d'abord tenir compte de ce marché illicite. Toute politique de contrôle du tabac supplémentaire doit être envisagée de façon très prudente, puisqu'une réglementation accrue au sein de l'industrie légale a pour effet de rehausser l'avantage concurrentiel des trafiquants illégaux et mine chacune des mesures de contrôle du tabac mises en place par la province.

Un récent article publié dans le journal de l'Association médicale canadienne reconnaît que les gouvernements doivent aborder la question de l'accessibilité du tabac de contrebande s'ils souhaitent optimiser les bienfaits des initiatives de contrôle du tabac. L'article avance une explication très plausible pour cette stabilisation des taux de tabagisme, et je cite : «Puisque l'usage de cigarettes de contrebande a une incidence négative sur les taux d'abandon, les politiques de contrôle du tabac qui réduisent ou éliminent l'accès au tabac de contrebande peuvent avoir un impact significatif sur les comportements d'abandon au sein de la population. Pour optimiser les avantages en matière de santé publique et les initiatives futures de contrôle du tabac, des solutions novatrices qui abordent l'accessibilité au tabac de contrebande sont requises.» Fin de la citation.

Une cartouche de cigarettes illégales se vend entre 8 $ et 20 $, alors que le prix de détail d'une cartouche de cigarettes légales est de 66 $, voire plus élevé. En outre, les cigarettes de contrebande sont beaucoup plus accessibles, notamment aux mineurs, parce qu'elles sont vendues à des prix dérisoires par des contrebandiers qui n'exigent aucune preuve d'âge. Les trafiquants de cigarettes illégales ignorent également les exigences en matière d'étiquetage et d'emballage. Ils ne respectent aucune des lois qui régissent les ingrédients et les émissions, et ils ne sont soumis à aucun contrôle gouvernemental en ce qui concerne l'intégrité et la sécurité de leur processus de fabrication.

En termes clairs, le commerce illicite de cigarettes mine tous les efforts en matière de contrôle du tabac. Le gouvernement du Québec a reconnu le problème en indiquant, dans la conclusion du rapport de 2010, que le tabac illégal est l'enjeu numéro un en matière de contrôle de tabagisme au Québec. Le gouvernement a également reconnu le problème en demandant à la Commission des finances publiques du Québec de se pencher sur la question du marché illicite du tabac. La commission a publié un rapport tripartite unanime en février 2012, lequel contenait des recommandations pour aborder le problème de la contrebande. Reste à l'Assemblée nationale d'agir relativement à ces recommandations.

Passons maintenant à un autre sujet d'importance : les produits à risques réduits. Imperial Tobacco Canada croit au principe de réduction des risques liés au tabac. En rendant accessible une gamme de produits de tabac et de nicotine à risques réduits qui plaisent aux fumeurs adultes avisés, l'impact du tabagisme sur la santé publique peut être considérablement atténué.

Pour les adultes qui décident de continuer de fumer, nous demandons au gouvernement du Québec de mettre en place un cadre réglementaire responsable qui tienne compte des produits à risques réduits qui pourraient être offerts. Le gouvernement du Québec devrait envisager deux options relativement à un cadre réglementaire futur qui favoriserait la réduction des risques à titre d'option en matière de santé publique, soit les nouveaux produits de tabac et les cigarettes électroniques.

Certains groupes exigent une interdiction sur les nouveaux produits du tabac en se basant sur l'hypothèse selon laquelle ces produits sont conçus pour attirer les jeunes. Imperial Tobacco Canada soutient les règlements qui ont pour objectif de garder les produits du tabac à l'écart des enfants. Nous nous opposons toutefois au moratoire sur les nouveaux produits du tabac, puisque rien ne démontre qu'une interdiction de ces produits atteindrait cet objectif. De plus, nous désirons nous assurer que la portée d'un tel moratoire général est claire. À l'heure actuelle, la définition de nouveaux produits du tabac n'est pas claire.

Une interdiction générale des nouveaux produits du tabac mènerait à de nombreuses conséquences indésirables, une telle interdiction pourrait empêcher l'arrivée de nouveaux produits à risques réduits et des améliorations dans la fabrication des cigarettes pouvant atténuer l'impact environnemental.

Ceci étant dit, nous reconnaissons que des nouveaux produits lancés sur le marché justifient certaines critiques, si l'on se fie aux leçons tirées de l'expérience des petits cigares et cigarillos à saveur de friandise. Toutefois, le problème avec ces produits n'avait rien à voir avec le fait qu'ils soient nouveaux mais plutôt avec le fait qu'ils pouvaient être perçus comme ciblant les jeunes.

Dans le même ordre d'idées, certains groupes ont demandé que les cigarettes électroniques soient régies par la Loi sur le tabac. Une fois de plus, nous pressons le gouvernement du Québec de prendre le temps de comprendre ces produits de même que leur rôle dans la réduction potentielle des risques liés au tabagisme. Les points de vue diffèrent au sein des organismes de lutte au tabagisme quant au rôle potentiel que pourraient jouer les cigarettes électroniques dans la réduction des risques liés au tabac. Toutefois, plusieurs professionnels de la santé publique affirment que ces produits sont moins nocifs et pourraient s'avérer une composante efficace dans le cadre d'une approche exhaustive de la réduction des risques liés au tabac. Ils reconnaissent que c'est la combustion du tabac qui est la cause de la plupart des maladies liées au tabagisme et que la nicotine ne comporte pratiquement aucun risque, compte tenu des quantités inhalées avec les cigarettes électroniques.

En fait, François Damphousse, directeur au bureau du Québec de l'Association pour les droits des non‑fumeurs, a récemment affirmé dans un éditorial, et je cite : «…la communauté de la santé [devrait] se rendre à l'évidence que, peu importent les mesures mises en place, de nombreux fumeurs vont demeurer dépendants à la nicotine. La cigarette électronique pourrait s'avérer une option viable pour eux afin d'obtenir leur dose de nicotine tout en réduisant les risques pour leur santé.» Fin de la citation.

Nous sommes d'accord avec les nombreux professionnels et organismes crédibles de la santé publique qui croient que les cigarettes électroniques sont significativement moins risquées que les produits du tabac traditionnels. Ainsi, elles pourraient jouer un rôle efficace pour encourager les fumeurs à réduire leur consommation de cigarettes traditionnelles ou à abandonner le tabagisme.

• (10 h 50) •

J'aimerais maintenant aborder un sujet qui nous préoccupe tous : le tabac chez les jeunes. Tel que mentionné plus tôt, les enfants ne devraient pas fumer, point à la ligne. C'est pourquoi Imperial Tobacco Canada ne commercialise pas ses produits en ciblant les mineurs. Si des jeunes se trouvent en possession de produits du tabac, il y a eu une faille.

Les données démontrent que la méthode la plus utilisée par les jeunes pour se procurer des produits du tabac est le recours aux sources sociales, définies dans l'Enquête sur le tabagisme chez les jeunes comme étant les produits provenant de la famille ou des amis ou pris chez ces derniers. Ce sondage de 2010-2011 a révélé que 75 % des jeunes ont indiqué avoir accès aux produits du tabac grâce à ces sources. Il est pratiquement impossible de légiférer le bon sens ou les bons comportements parentaux. Toutefois, les efforts de sensibilisation peuvent être axés de façon à rappeler aux parents, proches et amis qu'il est irréfléchi de fournir des produits du tabac à des mineurs.

Pour aborder la question de l'accès aux produits du tabac chez les jeunes, le gouvernement du Québec doit mettre l'accent sur la sensibilisation et l'application des lois en vigueur. Nous savons qu'il existe encore un intérêt pour les petits cigares aromatisés et autres produits du tabac aromatisés. En 2009, nous avons pleinement endossé l'initiative du gouvernement fédéral visant à réglementer les petits cigares et nous avons soutenu l'interdiction d'additifs qui confèrent une saveur fruitée ou de friandise aux petits cigares ou aux cigarettes. Toutefois, une faille dans la réglementation adoptée par le gouvernement fédéral en 2009 a fait en sorte que les petits cigares aromatisés demeurent facilement accessibles. Imperial Tobacco Canada soutiendrait le gouvernement du Québec s'il met en place des règlements pour éliminer cette faille présente dans l'interdiction fédérale des ingrédients.

Imperial Tobacco Canada estime que le gouvernement fédéral a pris une décision éclairée et basée sur des données probantes lorsqu'il a choisi, au terme d'un examen, de ne pas inclure le menthol dans l'interdiction d'ingrédients. Les données probantes continuent de démontrer que les cigarettes mentholées sont actuellement l'option de choix d'un segment plus âgé de la population adulte. Ces cigarettes connaissent un recul depuis des décennies. Elles représentent un très faible pourcentage de l'ensemble du marché des cigarettes à environ 4,5 %.

Certains groupes ont milité pour que le menthol fasse partie des ingrédients interdits. Interdire les cigarettes mentholées ne ferait que limiter les choix des adultes qui décident de consommer ce produit, créer du mécontentement envers le gouvernement qui leur aurait enlevé ce choix et ultimement les pousser vers le marché de la contrebande pour se procurer des produits mentholés ou les pousser à opter pour des cigarettes sans menthol. Rien ne suggère que le fait de retirer les cigarettes mentholées du marché aura un impact sur le taux de tabagisme et sur la santé publique.

En conclusion, les taux élevés de conformité à la Loi sur le tabac sont impressionnants. Il est évident que le gouvernement du Québec est engagé à réduire l'impact du tabagisme sur la santé publique au Québec. Néanmoins, le taux de tabagisme stagne depuis quelque temps au Québec, après un recul à long terme. Il faut nous demander si d'autres facteurs permettent de contourner les strictes mesures du contrôle du tabagisme déjà en place au Québec. Il faut également nous demander ce que l'on peut faire pour les adultes québécois qui continuent de choisir de fumer en connaissant pleinement les risques pour la santé associés au tabagisme.

Nous sommes d'accord avec le rapport de 2010. Le plus grand défi en matière de contrôle de tabac au Québec demeure le commerce illicite de cigarettes. Le gouvernement du Québec doit axer ses efforts de façon à freiner l'offre de tabac illégal et à sensibiliser les Québécois quant aux conséquences sociales de cette activité criminelle.

Nous comprenons que le débat entourant le contrôle du tabac peut être émotionnel, surtout pour ceux qui militent en faveur d'une réglementation plus stricte. Mais ultimement l'aspect émotionnel doit être mis de côté pour laisser place à des politiques raisonnables, basées sur des données probantes et qui contribuent véritablement à améliorer la santé publique.

En résumé, nos recommandations au comité et au gouvernement du Québec sont : évaluer attentivement toute réglementation future sur le tabac et veiller à ce qu'elle soit raisonnable, efficace et basée sur des données concluantes; résister à la tentation de légiférer outre mesure l'industrie légale, alors que la contrebande de tabac continue de se propager dans la province; mettre en place des initiatives de sensibilisation quant aux conséquences sérieuses de fournir des produits de tabac aux mineurs; et, finalement, de ne pas oublier les adultes qui, malgré toute la réglementation en place et une connaissance des risques pour la santé, continuent de fumer.

Merci de nous avoir accordé votre temps ce matin. Encore une fois, ce fut un plaisir pour moi d'être ici pour représenter Imperial Tobacco Canada et tous mes collègues. Je répondrai volontiers à vos questions.

Le Président (M. Bergman) : Merci, M. Gagnon, pour votre présentation. Maintenant, pour le bloc du gouvernement, Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Gagnon. Écoutez, j'ai plusieurs questions à vous poser. Vous avez parlé notamment, dans votre présentation, là, de votre préoccupation pour le tabagisme chez les jeunes. Est-ce que vous considérez que l'industrie du tabac a une responsabilité, donc, par le fait même, vous, chez Imperial Tobacco, est-ce que vous considérez que vous avez une responsabilité dans la lutte contre le tabagisme chez les jeunes?

M. Gagnon (Éric) : Bien, en fait, oui, on a une grande responsabilité. Nous, on pense qu'on fait partie de la solution et non du problème, et c'est pourquoi qu'on a des standards très élevés en termes d'approches marketing qui ne sont pas axées sur les jeunes. Il faut comprendre qu'aujourd'hui l'industrie… Imperial Tobacco a 50 % du marché au Québec et au Canada, en fait, et donc nos stratégies, c'est vraiment d'aller chercher le 50 % du marché adultes qui ont décidé de fumer. Et donc notre objectif est loin, contrairement à ce qui peut être affirmé, d'essayer de mettre en place des initiatives qui pourraient inciter les jeunes à fumer. Et, tout à fait, oui, je pense qu'on fait partie de la solution.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui, merci. M. Gagnon, j'imagine que vous vous êtes intéressé à notre journée d'hier puisque vous veniez nous rencontrer en commission aujourd'hui. Donc, je ne sais pas si vous avez vu l'ensemble des produits qui nous ont été présentés, des paquets de cigarettes de tous formats, de toutes couleurs, aromatisées à toutes sortes de saveurs. Vous dites que vous avez 50 % du marché, donc est-ce que je présume bien de dire que vous produisez de ces produits qui nous ont été présentés hier?

M. Gagnon (Éric) : J'imagine, oui. Oui.

Mme Proulx : Et est-ce qu'on peut raisonnablement… parce que vous avez parlé d'être raisonnable dans la loi, dans les mesures qu'on va mettre de l'avant, est-ce qu'on peut raisonnablement penser qu'un paquet de cigarettes qui a l'air d'un paquet de bonbons et qui est aromatisé à la gomme balloune ne cible pas le marché des jeunes?

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : Bien, je pense que j'ai été clair qu'un paquet de cigarettes qui est aromatisé à la gomme balloune cible les jeunes, et c'est pourquoi qu'on a supporté le gouvernement fédéral qui a voulu bannir les saveurs aromatisées, et c'est pourquoi on le supporterait également. Imperial Tobacco Canada ne fait pas de produits aromatisés à différentes saveurs, là, que vous avez fait allusion. Donc, oui, on est tout à fait d'accord avec vous que des produits aromatisés avec des… gomme balloune, cerise ou quel autre produit ne devraient pas faire partie du marché, compte tenu des risques associés au tabagisme.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Et, concernant l'emballage, est-ce que vous ne pensez pas aussi que certains des emballages qu'on a vus, qui ne ressemblent pas du tout à des paquets de cigarettes et qui, avec toute la brillance qu'il y a, ressemblent beaucoup plus à un tube de rouge à lèvres, est-ce que vous ne pensez pas que ça, ça incite les jeunes filles? Est-ce que ce n'est pas quelque chose qui cible le marché des jeunes?

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : Bien, en fait, il faut revenir, je pense, à regarder la réglementation qui est en place aujourd'hui. Il ne faut pas oublier qu'il n'y a personne qui voit les paquets de cigarettes, dans un premier temps. Tu rentres dans un dépanneur, les paquets sont cachés. Donc, il n'y a personne qui peut affirmer voir un paquet puis dire : Ah! bien, aujourd'hui, j'ai le goût de fumer parce que le paquet est attrayant.

J'ai démontré, je pense, dans… bien, ce qu'on vous a remis, ce que j'ai dit, la raison pourquoi les jeunes commencent à fumer, c'est les sources sociales, et ce n'est pas l'attraction au paquet, contrairement à ce que certains groupes peuvent essayer d'affirmer. Et il ne faut pas oublier aussi qu'aujourd'hui 75 % du paquet, c'est un message de santé qui communique aux gens les risques associés au tabagisme.

Donc, je pense qu'il faut être… un petit peu relativiser quand on dit que les paquets sont très attrayants et avec plein de couleurs. Il faut mettre en perspective que 75 % du paquet, ce n'est pas très attrayant et ce n'est pas très… beaucoup de couleurs, parce que c'est un message de santé.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui, merci. On a quand même vu hier certains paquets où c'était très, très, très facile d'enlever l'enveloppe supérieure et d'avoir un paquet avec un message beaucoup plus attrayant concernant la saveur et le goût et que la mise en garde, finalement, est très facile à enlever. Donc, ça, ça fait partie d'un emballage qu'on nous a présenté, là.

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : Oui, mais, encore une fois, je peux vous rassurer qu'il n'y a personne qui enlève la partie, là, qui a été énumérée hier, parce que les cigarettes tombent. Donc, ce n'est pas l'objectif. L'objectif, c'est vraiment qu'aujourd'hui il nous reste 25 % du paquet pour communiquer différentes informations sur le produit à des adultes qui ont fait le choix de fumer en toute connaissance de cause. Et, encore une fois, le paquet, il est caché de la vue du public. Donc, quand quelqu'un se procure un paquet, c'est quelqu'un qui a déjà fait le choix de fumer, et il se procure un paquet basé sur les risques qu'il connaît, et c'est un choix personnel qu'il a fait.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui. Quand vous parlez, M. Gagnon, d'adultes qui ont fait le choix de fumer, on a eu hier le témoignage de Mme Bélanger qui est une survivante du cancer du poumon, et qui est venue nous dire qu'elle a fumé pendant 45 ans et qu'elle a tout tenté pour… Elle ne faisait pas le choix de continuer à fumer. Elle était devenue dépendante de la cigarette et elle a tenté par tous les moyens d'arrêter de fumer. Elle a été incapable. Et il y a une étude qui nous a été présentée aussi, encore ce matin, à laquelle on a fait allusion, qu'il y a 63 % des fumeurs actuellement qui souhaitent arrêter de fumer.

• (11 heures) •

Donc, je suis un peu inconfortable lorsque vous dites qu'ils font le choix volontaire de fumer, parce que ce n'est pas un produit banal, c'est un produit qui cause la dépendance. Alors, je ne sais pas quel est votre point de vue là-dessus. Est-ce que vous êtes conscient? Est-ce que vous reconnaissez que les produits du tabac, ce n'est pas un produit ordinaire, c'est un produit qui cause la dépendance?

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : Tout à fait. Oui, tout à fait. On reconnaît que c'est un produit qu'il est difficile d'arrêter, mais ce n'est pas impossible. Il faut savoir qu'il y a plus d'anciens fumeurs, au Québec et au Canada, qu'il y a de fumeurs. Donc, c'est possible d'arrêter de fumer, mais on reconnaît que c'est difficile, pour certaines personnes, de pouvoir arrêter de fumer.

C'est pourquoi aussi qu'on met beaucoup d'efforts à essayer de trouver des produits qui sont moins à risque. Et donc un des objectifs, c'est vraiment d'arriver avec des produits moins nocifs pour la santé, qui vont pouvoir permettre aux gens qui soit ont de la difficulté à arrêter de fumer ou qui veulent continuer à fumer mais reconnaissent les risques peut-être de se tourner vers une alternative qui est moins nocive pour la santé.

Deuxième élément de réponse, je pense qu'aujourd'hui... bien, pas aujourd'hui, mais en général, il y a quand même une certaine hypocrisie alentour du tabac, je crois. Parce qu'il ne faut pas oublier que les gouvernements fédéral et provinciaux sont partenaires de l'industrie du tabac depuis des décennies. C'est le partenaire senior de l'industrie. C'est le gouvernement qui a légiféré l'industrie du tabac. C'est le gouvernement qui a permis d'émettre des licences pour produire et vendre des produits du tabac. Donc, aujourd'hui, d'accuser l'industrie seule, sachant que le gouvernement savait les risques associés au tabagisme depuis des décennies, c'est un petit peu de la grande hypocrisie, je crois.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : J'aimerais ça que vous me donniez quelques informations sur vos activités de recherche et développement. Alors, j'imagine qu'Imperial Tobacco... Pouvez-vous me donner rapidement une idée de votre chiffre d'affaires? Quel chiffre d'affaires vous avez, Imperial Tobacco?

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : Bien, en fait, on est une entreprise qui n'est pas publique, on appartient au groupe British American Tobacco, donc nos chiffres ne sont pas publics. Mais, comme je vous dis, on a 50 % du marché au Canada, donc on est le leader du marché légal au Canada.

Mme Proulx : Donc, j'imagine que vous menez des activités de recherche et développement. Moi, j'ai un questionnement : Est-ce que vos activités de recherche et développement misent… ou visent le développement de produits ayant un impact moindre sur la santé, un impact nocif moindre, ou si vos activités de recherche et développement visent uniquement à augmenter votre part du marché, le 50 % que vous n'avez pas encore, à travers le développement de nouveaux produits, à travers le développement de produits plus attrayants, de nouveaux emballages, ou s'il y a une partie de vos activités de recherche et développement qui visent à diminuer l'impact sur la santé?

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : Il y a un énorme… beaucoup, beaucoup de projets de recherche qui sont axés à trouver des solutions pour mettre sur le marché des produits qui sont moins nocifs pour la santé. On l'a fait à travers notre compagnie mère, BAT, donc, on a un produit de cigarette électronique, par exemple, en Angleterre. Et donc il y a beaucoup, beaucoup d'éléments, et on croit que, si on se tourne vers le futur, beaucoup de gens vont vouloir s'orienter vers des produits moins nocifs pour la santé, compte tenu qu'on reconnaît les risques associés au tabagisme.

Au niveau de la recherche, oui, on fait de la recherche, mais je dois vous rappeler que l'industrie légale, elle est hautement réglementée, donc tout projet de recherche est très… doit être communiqué au gouvernement. Et donc tout ce que l'on fait est d'ordre public auprès du gouvernement, premièrement. Deuxièmement, nous n'avons aucune étude ou projet de recherche qui concerne les jeunes. On ne fait aucune approche auprès des jeunes et on ne fait aucune étude, aucune information concernant les jeunes. Ce n'est pas du tout ce qui nous intéresse, on a une politique stricte à l'interne de ne rien, rien, rien faire qui peut concerner les jeunes.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose. Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : Bonjour.

Mme Gadoury-Hamelin : Vous nous avez entretenus, entre autres, du dossier de la contrebande de façon importante dans votre mémoire. Alors, moi, j'avais une question à ce sujet-là. Il y a plusieurs indicateurs qui montrent une baisse, là, du taux de la contrebande de tabac. Est-ce que vous êtes d'accord avec les estimés du ministère des Finances, qui évalue maintenant, présentement, la contrebande à environ 15 %? D'après vous, qu'est-ce qui aurait provoqué cette baisse-là? Parce que c'était plus important que ces chiffres-là avant. Alors, pouvez-vous nous donner votre opinion là-dessus?

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : Oui, tout à fait. Je ne sais pas si le taux de contrebande, il est à 15 %, c'est très difficile d'évaluer, compte tenu que c'est une activité illégale. Donc, c'est-u 15 %, c'est-u 20 %, c'est-u 12 %? Très difficile pour nous d'évaluer le marché illégal.

On est d'accord qu'au cours des dernières années, probablement, le marché de la contrebande a diminué au Québec, principalement, pour différentes raisons. Je pense que le gouvernement du Québec, au cours des dernières années, a mis en place certaines initiatives qui ont aidé à diminuer le taux de contrebande. Je pense aussi que les gens sont un petit peu plus conscients que c'est une activité illégale, bien que ça ne soit pas tous les gens qui soient au courant. Donc, je pense que le taux de contrebande au Québec, oui, aurait diminué, mais, jusqu'à quel niveau, je ne pourrais pas vous dire.

Là où est-ce qu'on est un petit peu plus… qu'on trouve que c'est plus problématique, c'est : malgré le taux qui aurait potentiellement baissé, il y a toujours environ 100 ou 150 cabanes à tabac, au Québec, qui continuent à vendre sans respecter aucune des réglementations, et la GRC évalue qu'il y a encore 50 usines illégales, au Canada, qui fabriquent des cigarettes illégales. Donc, tant et aussi longtemps que les gouvernements ne voudront pas adresser le problème à la source, notre position, c'est qu'on a toujours un problème de contrebande au Québec et au Canada.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Certains fumeurs disent que… bien, pas nécessairement des fumeurs, mais d'autres personnes disent que ces produits-là de contrebande contiennent des… en tout cas, des produits qui sont encore plus nocifs pour la santé, et ça… Vous, c'est quoi, votre opinion là-dessus?

M. Gagnon (Éric) : Bien, c'est qu'en fait une cigarette, c'est une cigarette. Je serais mal placé de vous dire que les produits de contrebande sont plus nocifs, compte tenu des risques associés au tabagisme et à nos produits. Donc, ça ne sera pas pour moi de confirmer ça.

Ce qu'on peut vous dire, par exemple, c'est que nos produits sont produits avec des hauts standards de qualité, et donc on sait ce qui va à l'intérieur, contrairement aux usines illégales et à ces produits-là qu'on n'a aucune idée qu'est-ce qui peut aller à l'intérieur de ces produits. Et il y a des rapports médiatiques et des articles de journaux qui ont démontré qu'il y a plein de choses qui s'est retrouvé à l'intérieur des cigarettes illégales, dont je ne ferai pas l'énumération, là, mais donc plus à ce niveau-là. Mais, encore une fois, on reconnaît les risques associés à nos produits, également.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : O.K. On continue dans le dossier des cigarettes de contrebande. Vous nous avez parlé tantôt de prix comparatifs avec les cigarettes légales et qu'en raison du prix… dans votre mémoire, vous mentionnez qu'en raison du faible prix des cigarettes de contrebande ces cigarettes-là attirent plus facilement les jeunes, parce que… en raison, entre autres, du prix. Nous, par contre, on a écouté plusieurs groupes hier, puis aujourd'hui ça se poursuit, et les gens nous disent plus que la clientèle des jeunes n'est pas nécessairement la clientèle de la cigarette de contrebande, en tout cas les chiffres, ou les statistiques, ou les informations qu'on peut avoir. J'aimerais vous entendre là-dessus, compte tenu de ce que vous avancez.

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : Je pense que c'est un petit peu contradictoire, parce que les mêmes gens qui vous ont dit ça, c'est les mêmes groupes qui demandent d'augmenter les taxes énormément parce que, selon eux, c'est un frein important au tabagisme pour les jeunes. Donc, si vraiment le prix est vraiment si important, il va falloir qu'on m'explique comment ça que des paquets à 6 $ ou 8 $, ce n'est pas attrayant pour les jeunes. Donc, je pense qu'il faut prendre ça un petit peu avec un grain de sel.

Les études le démontrent, il y a beaucoup de couverture médiatique qui a démontré qu'il y a des jeunes qui se procurent des produits. Écoutez, on sait même qu'il y a des trafiquants illégaux qui vont dans les cours d'école, il paraît, achètent ça à 200… un sac de 200 cigarettes et vendent ça à 1 $ l'unité dans les cours d'école. Donc, si ça, ce n'est pas attrayant pour les jeunes, bien, je ne sais pas qu'est-ce qui l'est.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Un autre sujet aussi, vous nous avez parlé de la cigarette électronique, qui est un nouveau produit qui n'a pas encore… Toutes les études ne sont pas encore toutes terminées autour de ce produit-là. Vous nous avez vanté les mérites que ça pourrait être un moyen, pour certaines personnes, même d'arrêter de fumer. Par contre, moi, j'ai une préoccupation, parce que c'est un moyen aussi de devenir addictif à la nicotine, puis on sait très bien que… pour avoir été une ex-fumeuse. Je me suis débarrassée de ce problème-là depuis 25 ans et j'en suis très fière, mais, je veux dire, je sais très bien que ce n'est pas facile, la journée où est-ce qu'on décide d'arrêter de fumer, parce que c'est à plusieurs occasions qu'on pose le geste d'essayer, puis souvent le retour est facile. Puis je vous dirais que je me considère encore une ex-fumeuse potentielle. Parce que, la journée où certaines personnes, même après 15 ans, 20 ans, y retournent, des fois l'addiction est très rapide, puis les gens, même après avoir arrêté de fumer pendant 10, 15 ans, se remettent à fumer.

Alors, j'aimerais ça vous entendre, parce que… compte tenu qu'on sait ça, que ça, c'est prouvé, vous ne pensez pas que la fameuse cigarette électronique ne pourrait pas être un moyen aussi de rendre des gens addictifs à la nicotine, puis après ça que ces gens-là passent… ces jeunes-là ou… passent, après ça, à des produits plus standard… de cigarettes standard? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : Bien, en fait, encore ce matin, il y avait une étude qui est sortie, d'un professeur en sciences de la santé de l'Université de Boston, qui démontre que les gens qui utilisent des cigarettes électroniques, ce sont des gens qui fument. Ce n'est pas un tremplin pour des gens qui n'ont jamais fumé. Je pense qu'il faut faire attention, en tant que gouvernement, de ne pas légiférer la cigarette électronique à cause d'une idéologie qui est que ça ressemble beaucoup à une cigarette, et que ça imite la cigarette, et qu'il y a de la nicotine. Ce n'est pas un tremplin pour les gens de commencer à fumer. Les études le démontrent. Et même, aux États-Unis, en ce moment, il y a des études cliniques qui démontrent que les gens qui utilisent la cigarette électronique le font, que c'est des gens qui fument, et que le taux de succès des gens qui ont réussi à arrêter de fumer est passablement élevé.

Donc, je pense qu'il faut, encore une fois, avant de légiférer la cigarette électronique, bien comprendre son rôle potentiel en tant que produit moins nocif pour la santé et je pense qu'il y a un devoir du gouvernement de vraiment pouvoir mettre ce produit-là sur le marché pour les gens qui sont des fumeurs en ce moment.

• (11 h 10) •

Le Président (M. Bergman) : M. le député d'Argenteuil.

M. Richer : Merci, M. le Président. Vous avez discuté tantôt, avec ma collègue, de recherche et développement. Est-ce que vous considérez que vous pouvez faire quelque chose pour diminuer les effets néfastes de la fumée secondaire?

M. Gagnon (Éric) : Bien, en fait, la fumée secondaire… Premièrement, il y a plusieurs contradictions, à savoir l'impact de la fumée secondaire, tant au niveau de la communauté scientifique et de la communauté médicale. Donc, je pense qu'il faut continuer à voir quels sont les effets de la fumée secondaire.

Deuxièmement, je pense qu'en ce moment, si on prend au Québec… Étant moi-même un non-fumeur, j'ai fait le choix de ne pas fumer, je ne me sens pas du tout interpellé par les gens qui fument. Les gens qui fument aujourd'hui le font à l'extérieur. Il n'y a personne qui fume dans mon environnement de travail, il n'y a personne qui fume à ma maison, même les gens qui fument chez moi, ils vont dehors. Donc, je pense qu'aujourd'hui le cadre réglementaire est… l'approche du fumeur, elle est d'une cohabitation responsable entre les gens qui ont fait le choix de fumer et les gens qui ne fument pas.

Le Président (M. Bergman) : M. le député d'Argenteuil. Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : J'avais une autre question. Merci à mon collègue de me céder à nouveau la parole. Moi, j'aimerais vous entendre… On a eu l'opportunité d'entendre les gens de l'Australie, la représentante de l'Australie, qui est venue nous présenter ce que l'Australie a décidé d'endosser, l'emballage neutre au niveau des cigarettes. J'aimerais vous entendre, j'aimerais avoir votre opinion sur l'emballage neutre.

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : Oui. Bien, je pense qu'il faut faire attention, dans un premier temps, il faut comprendre un petit peu le contexte aujourd'hui. Et je ne sais pas jusqu'à quel point vous êtes au courant, mais en ce moment il y a différents pays qui s'opposent à l'emballage neutre. En Australie, ils ont amené ça au commerce… je l'ai en anglais, le World Trade Organization, là, le commerce international, et c'est en ce moment dans le processus d'évaluation. Donc, je pense que l'Australie est peut-être à la recherche, un peu, d'alliés dans sa lutte face aux autres pays qui s'opposent à l'emballage neutre.

Deuxième élément de réponse, je pense, que Mme Roxon a peut-être omis de vous émettre ou de vous communiquer, c'est que, jusqu'à maintenant, il n'y a aucune preuve tangible qui démontre que, depuis l'implantation de l'emballage neutre, il y a des gens qui ont arrêté de fumer. Et je pense que l'approche de certains pays, comme l'Angleterre, comme la Nouvelle-Zélande, et ce que nous, on pense qu'il devrait arriver au Canada, c'est, je pense, d'attendre de voir quel sera l'impact véritable des emballages neutres en Australie et par la suite prendre une décision éclairée.

Finalement, je pense que Mme Roxon a également souligné le fait que le problème de contrebande en Australie n'était pas le problème de contrebande qu'on a au Québec et au Canada. Et je sais que certaines personnes ne veulent pas l'entendre, mais la réalité est que les gens fumeurs, les adultes fumeurs qui ont fait le choix de fumer peut-être ne voudront pas payer 65 $ pour un paquet qui est neutre quand on peut se procurer un paquet semblable ou similaire pour 10 $. Donc, je pense qu'il y a tous ces éléments-là à prendre en considération avant vraiment de prendre une décision éclairée pour l'emballage neutre au Québec.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin à ce bloc du gouvernement. Le bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'abord, merci d'être ici, je pense que c'est important d'entendre les autres points de vue. Par rapport à la mise en oeuvre de la loi de 2005, votre évaluation puis l'évaluation de votre industrie, c'est une loi qui était bien faite, qui a été mise en place et que maintenant vous êtes d'accord avec les grands principes qu'il y a au niveau de la loi?

M. Gagnon (Éric) : Bien, en fait, nous, ce qu'on dit, c'est que la loi de 2005 à 2006, quand on regarde les taux de tabagisme, a bien fonctionné et que la loi en place aujourd'hui est respectée.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Vous êtes conscient que c'est inévitable qu'il va y avoir une nouvelle loi.

M. Gagnon (Éric) : Tout à fait. Et on reconnaît, comme je l'ai dit au début, à cause de la nature du produit, que c'est important d'avoir un cadre réglementaire pour les produits du tabac. Et ce qu'on demande, c'est que ces lois soient basées sur des données concluantes, et aussi qu'elles soient raisonnables, tenant compte que la cigarette est un produit légal, et qu'il y a une partie de la population adulte qui a toujours fait le choix de fumer.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Vous admettez que le tabac, les cigarettes causent des dommages puis augmentent les décès chez les personnes.

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : Je pense que j'ai été clair. J'ai été clair : on reconnaît les risques associés au tabagisme.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Vous reconnaissez qu'il y a une très grande dépendance avec les produits du tabac.

M. Gagnon (Éric) : On reconnaît que la nicotine peut être un produit dépendant.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Vous avez émis l'idée que vous ne vouliez pas que nos jeunes commencent à fumer.

M. Gagnon (Éric) : Tout à fait. Les jeunes ne devraient pas fumer. C'est un produit qui est nocif pour la santé et c'est un produit qui devrait être consommé par des adultes qui le font en toute connaissance de cause.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Les nouveaux produits du tabac que vous avez mis sur le marché, les emballages, il y a une évidence au niveau mondial… parce qu'elle était… Même la fille dans James Bond, le dernier qu'il y avait eu, fumait des cigarettes de ce genre-là. Ça, c'est du placement marketing, il y a une évidence que ça attire les gens à fumer.

M. Gagnon (Éric) : Je vais rectifier quelque chose…

M. Bolduc (Jean-Talon) : Ça allait bien, la réponse, jusqu'à date, il faudrait juste que je la donne plus claire encore.

M. Gagnon (Éric) : Non, non, non, je vais rectifier quelques données. Il n'y a aucun placement marketing de l'industrie du tabac. Donc, ça, je pense que c'est important de le souligner. Deuxièmement, je vous rappelle qu'au Québec les paquets sont cachés de la vue du public, et il n'y a personne qui commence à fumer à cause de l'emballage.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, mais est-ce qu'on est d'accord que, lorsque quelqu'un a son paquet de cigarettes, le sort en public, ça a quand même une visibilité?

M. Gagnon (Éric) : On est d'accord que 75 % du paquet qui est montré en public a un message de santé, premièrement. Deuxièmement, je pense qu'une personne qui n'a jamais fumé ce n'est pas à cause qu'elle voit un emballage qui a une forme x ou y qu'elle a le goût de commencer à fumer.

M. Bolduc (Jean-Talon) : O.K. Pour ce qu'il s'agit de l'emballage, je pense que, de ce qu'on entend jusqu'à date, la plupart des groupes nous disent d'y aller de l'avant avec un emballage neutre — on a eu un très beau témoignage hier de Mme Roxon — et je pense que le Canada… ou le Québec, en tout cas, va devoir suivre cette voie-là. Moi, je prends une position immédiate, là, je veux dire, c'est assez clair qu'on s'en va vers… là-dessus.

Advenant le cas qu'on décide de prendre cette position-là, l'industrie, historiquement, prenait toujours des moyens légaux pour combattre les mesures qui ont été prises, même s'ils savaient qu'à la fin ils allaient perdre. Est-ce que votre intention, ce sera de ne pas prendre de moyens légaux si le Canada allait… ou le Québec allait sur cette voie d'avoir des emballages neutres?

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : Nous, on considère que l'emballage neutre est illégal et, oui, on va prendre des actions légales.

M. Bolduc (Jean-Talon) : O.K. Ça fait que c'est clair au départ que vous allez prendre toutes les actions possibles au niveau légal, malgré le fait qu'il y a des fortes probabilités que vous ne gagniez pas.

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : Nous, on pense que c'est illégal de pouvoir s'approprier les marques de commerce de différents produits. Donc, nous, on va prendre les actions légales nécessaires.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Maintenant, le dossier des cigarettes électroniques. Est-ce que vous admettez que, les cigarettes électroniques, votre entreprise la considère comme une aide à cesser de fumer?

M. Gagnon (Éric) : Une aide à cesser de fumer?

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui.

M. Gagnon (Éric) : Tout à fait.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Au Québec, au Canada, tout produit qui est pour aider de cesser de fumer devrait être considéré comme un produit… soit au niveau matériel ou au niveau comme des médicaments, c'est considéré comme devant nécessiter des évaluations avant d'être mis sur le marché, pour savoir est-ce que ça marche ou ça ne marche pas. Êtes-vous d'accord avec ça?

M. Gagnon (Éric) : Écoutez, je ne connais pas tous les détails de l'industrie pharmaceutique, là. Ce que je peux vous dire, c'est que… Nous, ce que l'on dit, c'est que les cigarettes électroniques, ce n'est pas une cigarette, donc ne devraient pas être réglementées comme une cigarette.

M. Bolduc (Jean-Talon) : O.K. Mais fiez-vous sur ma parole, là, c'est comme ça que ça marche, O.K.?

M. Gagnon (Éric) : Si vous le dites.

M. Bolduc (Jean-Talon) : À partir du moment qu'on fait la mention que ça peut aider à fumer, théoriquement il devrait y avoir des évaluations scientifiques, et pas des évaluations bidon citées de chercheurs où on ne sait pas trop d'où ils viennent, là, mais, comme j'avais dit à des représentants de votre groupe, une bonne étude ou plusieurs études dans le New England Journal of Medicine, ça commence à être sérieux. Il n'y a pas eu d'étude comme ça jusqu'à date, à notre connaissance.

Et théoriquement, encore là c'est le principe de précaution, un produit ne devrait pas être vendu ou mis sur le marché tant qu'il n'a pas prouvé qu'il avait une efficacité. À partir de ce moment-là, la cigarette électronique, au Québec, actuellement, devrait avoir une limitation parce qu'on ne sait pas si ça va augmenter le tabagisme ou si ça va diminuer le tabagisme. Et, dans la non-connaissance, le premier principe de précaution, c'est de ne pas l'utiliser. C'est le même principe pour les médicaments, même principe lorsque vous allez acheter des appareils pour vous aider dans votre vie.

Donc, votre argumentation que vous avez faite en disant : Bien, on devrait le mettre sur le marché, c'est comme ça qu'on est arrivé, à un moment donné, puis qu'on a dû réglementer au niveau des médicaments. Quand un médicament faisait plus de tort ou nuisait à plus de personnes qu'il n'en aidait, à ce moment-là un produit ne devrait pas être sur le marché. Êtes-vous d'accord avec un raisonnement comme celui-là?

• (11 h 20) •

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : Bien, en fait, contrairement à ce que vous avez affirmé, il y a des études sur le marché qui démontrent que... il y a des études sur le marché qui démontrent que les produits... les cigarettes électroniques peuvent être une source importante pour diminuer le taux de tabagisme. Je pense qu'il y a des pays, comme l'Angleterre, qui ont pris des décisions éclairées. Ce que nous, on demande, c'est, au Québec et au gouvernement du Québec, avant de légiférer la cigarette électronique, de prendre connaissance de toutes ces études-là et de s'assurer de mettre un cadre réglementaire qui correspond au produit.

M. Bolduc (Jean-Talon) : On est chanceux au Québec, on a une organisation, qui s'appelle l'INESSS, qui pourrait nous donner un avis là-dessus. Puis, à partir de ça, on pourrait voir qui a raison. Mais, dans la non-connaissance... Parce que, quand vous me dites des études, là... Les gens qui se promènent, là… vous êtes capable de prouver que, sur terre, il y a des Martiens qui sont venus déjà, voilà plusieurs années, il y a des études qui vont vous démontrer ça; puis il y a des études qui vont vous démontrer à peu près n'importe quoi. Mais, des études faites scientifiquement, validées scientifiquement et qui disent... en tout cas qui se rapprochent beaucoup de la vérité, il n'y en a pas tant que ça. Et c'est toujours difficile quand on voit des gens qui viennent, puis ils nous disent toujours : On a eu ça à quelque part, et puis, dans le fond, la science, par la suite, révèle que c'est complètement le contraire. C'est pour ça que je vous disais : Quand vous... Si vous avez à prouver des études, ça prend des études qui sont acceptées par la communauté scientifique et qui ont été validées également par des organisations comme l'INESSS.

Pour la question des saveurs, ce que je comprends, c'est que vous êtes d'accord avec le principe qu'il n'y a pas de saveur au niveau des cigarillos ou de d'autres types de produits. Parce qu'au niveau du menthol 4,5 % des gens fument des cigarettes au menthol. Ça, vous seriez contre qu'on fasse une restriction à ce niveau-là?

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : Oui, parce que l'objectif du gouvernement au niveau des produits... des saveurs, en fait, c'est des produits qui sont attrayants pour les jeunes. Et les études démontrent que les produits mentholés sont utilisés par des adultes, et puis ce n'est pas un marché qui est en croissance. Donc, si l'objectif, vraiment, c'est de s'assurer que les jeunes n'aient pas accès à des produits, le menthol n'est pas inclus dans ces saveurs-là.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Maintenant, le sujet des produits qui seraient moins nocifs, développés par les compagnies de tabac. Moi, je vais vous donner ma position, puis je pense que c'est la position qui rejoint beaucoup la communauté médicale : c'est très risqué de commencer à promettre à des gens qu'il va se développer des nouveaux produits, ça les encourage pratiquement à continuer de la même façon. Et l'industrie,historiquement, a essayé de le faire avec les cigarettes douces, les cigarettes qui, semblerait-il, ne causaient pas plus de méfaits, sauf que, la réalité, des études ont démontré que c'était aussi dangereux.

Je sais que ça a toujours été nié par les compagnies pharmaceutiques, mais, historiquement... pas pharmaceutiques, les compagnies de tabac, mais, historiquement, là, je vous rappellerai que les compagnies de tabac, dans les années 50, niaient également que ça causait le cancer, malgré le fait qu'ils avaient des études qui prouvaient que ça donnait le cancer. D'ailleurs — on n'en parlera pas parce que c'est en cours — il y a une poursuite, quand même, de 60 milliards de dollars contre les compagnies de tabac. Je pense que c'est... Quand vous nous arrivez avec des arguments comme ça, puis je vais vous donner ma position personnelle, c'est beaucoup de sophismes, hein? Vous avez un raisonnement qui a l'air vrai mais qui, dans le fond, est faux. Et là-dessus je me méfierais puis j'avertirais la population du Québec de se méfier de ce genre de raisonnement là, parce que, dans le fond, ce n'est seulement que faire encore plus la promotion de produits.

Il n'y a seulement qu'une façon de se parer des effets néfastes du tabac, c'est de ne pas fumer. Et, tant que ce message-là ne va pas dans la tête de la population, on va avoir de la difficulté... D'avoir des mesures alternatives ou des mesures qui vont diminuer la dépendance, ça n'existe pas. Un vrai non-fumeur, c'est quelqu'un qui ne fume pas, point à la ligne. Et ça, quand vous êtes dans votre bureau puis que vous voyez des patients, quand quelqu'un vous dit, là : Je vais juste fumer un peu, ce n'est pas vrai, ça, il va recommencer à fumer. D'ailleurs, moi, j'ai vu une patiente il y a quelques semaines, ça faisait sept ans qu'elle avait arrêté de fumer. Elle a retouché la cigarette dans un party et elle a recommencé par la suite. Et je sais qu'une des stratégies pour avoir ces gens-là pour qu'ils recommencent, c'est d'avoir des emballages qui sont intéressants, c'est de les faire essayer dans certaines circonstances, et c'est le comportement qui fait que ça fait ça.

Donc, c'est pour ça qu'on va devoir en faire une, loi. On verra de façon... comment on va la faire pour que ce soit quand même… Comme vous dites, il faut que ce soit raisonnable, mais, pour une fois, on s'attendrait à ce qu'il y ait une grande collaboration des compagnies de tabac. Merci, M. le Président. C'est mon message.

Le Président (M. Bergman) : Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Gagnon. Vous parlez d'études. J'aime bien, quand les gens me parlent d'études, qu'on me produise les études. Donc, est-ce que vous auriez la gentillesse de nous envoyer les études dont vous parlez, à la fois en appuyant votre argumentaire que les cigarettes électroniques peuvent aider et à la fois en ce qui concerne le menthol? Parce que vous citez 4,5 %... Moi, tous ces chiffres-là, je suis toujours très cynique et j'aime voir exactement à quoi on fait référence.

Deuxièmement, vous faites…

Le Président (M. Bergman) : …envoyez ces études à la secrétaire de la commission, qui va les envoyer à chaque membre de la commission, s'il vous plaît. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Et on peut nous-mêmes se faire une analyse là-dessus.

J'aimerais aussi… Je ne comprends pas bien votre argument. Vous dites que les gens n'achètent pas les cigarettes basé sur l'emballage parce qu'ils ne le voient pas. Donc, pourquoi vous tenez tellement que l'emballage ne soit pas neutre? Si on ne le voit pas, ce n'est pas basé là-dessus que je vais choisir une cigarette, mais vous tenez à ce que ça ne soit pas neutre.

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : Ce que je vous dis, ce n'est pas exactement ça. Ce que je dis, c'est que les gens necommencent pas à fumer à cause d'un emballage. Il y a une différence. Donc, que ça soit n'importe quel produit, ce n'est pas parce que je vois un emballage x que j'ai envie de commencer à consommer ce produit-là. Je pense que les gens qui achètent des produits du tabac ont déjà fait le choix de fumer et après ça, à travers les produits qui sont disponibles, font un choix.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Alors, vous ne croyez pas qu'en voyant les emballages que d'autres personnes ont dans leurs poches, etc. Parce que, vos propres emballages, on peut enlever l'extérieur de certains et garder seulement l'intérieur. Ou, si je parle de vos cigarettes Vogue, par exemple, qui voulez-vous attirer avec ces cigarettes Vogue?

M. Gagnon (Éric) : Les femmes adultes qui ont fait le choix de fumer en toute connaissance de cause. Il y a des femmes qui ont fait le choix de fumer. Et, comme toute industrie ou comme tout autre produit, on a des produits qui sont pour les adultes hommes, il y a des produits qui sont pour les adultes femmes. Mais ce n'est pas parce que le produit, il est plus différent qu'il y a une jeune fille de 12 ans qui va dire : Moi, je vais commencer à fumer parce que le paquet, il est beau. C'est irrationnel. Je pense qu'il faut faire attention de…

Mme de Santis : Vous allez me dire que vous avez des études qui démontrent exactement ce que vous dites, que ça n'attire pas les jeunes filles de 12 ans qui vont voir quelqu'un avec cette affaire très sexy dans la main à aller demander pour la même chose même si, quand elle va chez le dépanneur, elle ne le voit pas directement? Vous avez des études qui démontrent ça?

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : On ne fait aucune étude auprès des jeunes. Donc, à partir de ce moment-là, on n'a pas d'étude auprès des jeunes, si je peux me permettre de répondre, et on… Encore une fois, le paquet… il y a 75 % du paquet que c'est un message de santé. Les gens qui rentrent dans un dépanneur ne voient pas le paquet. Quelqu'un qui n'a jamais fumé ne rentre pas dans un dépanneur et…

Et il faut revenir au cadre réglementaire qui est en place aujourd'hui et reconnaître que le cadre réglementaire, il fonctionne bien. Ça fait sept ans que les paquets sont cachés de la vue du public. Le message de santé indique aux gens que… 75 % du paquet indique aux gens qu'il y a des risques associés au tabagisme. Tous les gens qui fument aujourd'hui sont conscients des risques associés au tabagisme. Il n'y a pas une personne qui peut vous dire que fumer… il n'est pas au courant qu'il y a des risques associés au tabagisme.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Mon intérêt, c'est comment ces types de cigarettes pouvaient attirer les jeunes. Et les jeunes, ils ont besoin d'une certaine protection. Je ne parle pas des personnes aptes qui ont 18 ans et plus. Mais j'aimerais vous poser une autre question : Est-ce que vous connaissez l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation?

M. Gagnon (Éric) : Bien sûr.

Mme de Santis : Est-ce que vous les soutenez?

M. Gagnon (Éric) : Soutenez?

Mme de Santis : Est-ce que vous les soutenez financièrement?

M. Gagnon (Éric) : Bien, en fait, l'association… En fait, l'Association des dépanneurs ou, en fait, tous les dépanneurs, c'est les gens qui permettent de vendre nos produits dans un cadre réglementaire. Et donc, comme tout partenaire d'affaires, que ce soit à travers la chaîne de production, c'est des gens avec qui on travaille, tout à fait.

Mme de Santis : Est-ce que vous soutenez leurs projets spéciaux, comme des forums sur la contrebande ou leur autobus de luxe?

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : Comme tout partenaire d'affaires, on supporte des initiatives de nos partenaires. Il faut comprendre que la contrebande fait perdre 900 millions de dollars à l'industrie du tabac au Canada. Donc, comme toute entreprise qui perd 900 millions de dollars par année, je pense qu'on a le droit, en tant qu'entreprise légale, de pouvoir demander au gouvernement de mettre des règlements et des lois en place qui adressent cet enjeu. Si aujourd'hui je n'étais pas l'industrie du tabac, je pense que la contrebande aurait été réglée ça fait longtemps. Malheureusement, on parle d'un produit nocif, et donc c'est un crime qui est accepté par tout le monde, à cause qu'on a un produit nocif.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau, il vous reste trois minutes.

• (11 h 30) •

Mme Vallée : Merci. Alors, merci de votre présentation. Bonjour. Vous suggérez, dans vos recommandations, que le gouvernement déploie des efforts de sensibilisation plus intensifiés pour éliminer les sources sociales de tabac chez les jeunes. Ça, c'est à la page 16 de votre mémoire. Votre industrie vit de la vente du tabac. Vous nous dites : Nous, notre objectif, ce n'est vraiment pas de rejoindre les jeunes, au contraire. Donc, quel est le rôle qu'Imperial Tobacco pourrait jouer, justement, dans cette campagne de sensibilisation? Parce que ce n'est pas qu'au gouvernement à assumer les coûts d'une telle campagne de sensibilisation. Comme vous êtes des joueurs importants, de quelle façon vous pourriez, vous aussi, participer à cet effort-là et faire en sorte de sensibiliser les jeunes aux dangers de votre industrie, aux dangers des produits de votre industrie?

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : Je pense qu'on est ouverts à n'importe quelle discussion qui peut aider, mais je pense qu'aussi, quand on regarde le cadre réglementaire aujourd'hui, les risques associés au tabagisme sont hautementcommuniqués par les gouvernements, par… Je veux dire, encore une fois je me répète, mais il n'y a personne aujourd'hui qui peut dire qu'il n'est pas conscient des risques associés au tabagisme.

Donc, nous, il n'y a pas de problème. En fait, on le fait déjà en s'assurant que nos produits ne sont pas vendus aux mineurs, qu'ils ne sont pas… je cherche le bon mot, mais marketés, là, aux mineurs. Ce n'est pas ça du tout, notre objectif. Donc, je pense qu'on fait déjà notre part de responsabilité, mais, si le gouvernement veut travailler avec l'industrie, comme je vous ai dit, nous, on pense qu'on fait partie de la solution et non du problème.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : On a parlé tout à l'heure des emballages. Je me permets de prendre le temps qu'il me reste pour partager avec vous que j'ai beaucoup de difficultés à croire que vous ne ciblez pas les jeunes filles, les adolescentes. On avait tout à l'heure le témoignage d'une jeune adolescente qui se sentait très, très interpellée par les petits paquets qui ont été mis sur le marché, par les petites cigarettes. Elle n'a que 15 ans et elle se sent interpellée. Elle nous le dit qu'elle se sent interpellée par ça. Ma fille, qui a 13 ans, était ici hier après-midi, elle va se joindre à nous plus tard, se sent interpellée par ces produits-là.

Qu'est-ce que vous pourriez faire pour contrer cette problématique-là? Parce que les jeunes adolescentes nous le disent. Ce n'est pas des études, là, ce n'est pas des scientifiques qu'on a payés, c'est des jeunes qui sont en contact avec ces produits-là et qui nous disent : Moi, je sens qu'on me cible avec ça. Alors, comment vous pourriez contrer ça et contribuer socialement à empêcher la propagation du tabagisme chez les jeunes?

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : En fait, encore une fois, il y a une notion d'éducation à faire. J'ai une fille également, et mon objectif, c'est que ma fille ne fume pas, à cause des risques associés au tabagisme, et mon rôle en tant que parent, c'est de l'éduquer sur ces risques-là. Il y a 75 % du paquet qui est un message de santé. Je veux dire, jusqu'à un moment donné, il faut que les… Jusqu'où est-ce qu'on peut communiquer aux gens plus que ça? Le risque associé au tabagisme est hautement connu. Et, encore une fois, tu rentres dans un dépanneur, le paquet n'est pas perçu, n'est pas vu à la vue du public. Donc, à 75 % du paquet, je pense que les risques associés au tabagisme sont connus.

Et, non, les produits que nous, on met sur le marché ne sont pas pour attrayer les jeunes, ils sont pour les adultes qui ont fait un choix en toute connaissance de cause. Et il y a des femmes adultes qui ont décidé de fumer, et nous, on considère que c'est acceptable qu'en tant qu'industrie légale on puisse cibler ces femmes-là adultes qui ont fait le choix de fumer, comme on le fait avec les hommes.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du groupe d'opposition officielle. Maintenant, pour le bloc de la deuxième opposition, Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci, M. Gagnon, de votre présence aujourd'hui. On vous a entendu, depuis le début, mentionner à maintes reprises que la contrebande est une problématique pour ce qui est de la taxation au niveau des prix du tabac. Vous nous avez dit à plusieurs reprises, et vous avez… Vous vous êtes servi beaucoup de l'argument de la contrebande pour qu'on évite d'augmenter la taxation au niveau du tabac, alors qu'on sait très bien que c'est un outil qui incite à cesser, entre autres, l'usage du tabac.

Comment vous expliquez qu'en 2008 Imperial Tobacco a été reconnue coupable et a admis avoir… a plaidé coupable en cour à un chef d'accusation unique pour avoir aidé des personnes à vendre ou être en possession de produits du tabac fabriqués au Canada qui n'ont pas été emballés ou estampillés conformément à la loi sur l'accise, et ses modifications, et les règlements ministériels? Donc, Imperial Tobacco a admis participer à la contrebande, et ça, c'est en 2008.

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

Mme Daneault : Comment aujourd'hui, en 2013, peut-on faire confiance à Imperial Tobacco quand vous utilisez encore la contrebande comme un argument massue pour éviter qu'on taxe davantage les produits du tabac?

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : En fait, c'est un tout autre sujet, un tout autre enjeu, et le problème qu'on a aujourd'hui est complètement différent. On a 175 groupes de crime organisé... par la GRC qui disent que les gens vendent aux jeunes. Ces mêmes gens là, c'est les gens qui vendent de la drogue à nos jeunes. On a 50 usines illégales qui produisent des produits illégaux et on a une industrie qui ne respecte aucune des lois mises en place. Ce n'est pas moi qui le dis. Je peux vous en montrer des paquets, j'en ai plein. Aucun message de santé, aucune taxe. Les gens achètent ça, et donc il n'y en a pas de message de santé, là. Il n'y a rien là-dessus. Donc, les gens se rendent ou c'est livré chez eux, et c'est la réalité d'aujourd'hui.

Donc, vous m'apportez un problème qui est tout à fait différent, qui a été réglé dans le passé et que le gouvernement était au courant depuis longtemps, qu'on avait avisé le gouvernement qu'il y avait des produits qui entraient au Québec et au Canada. Donc, c'est un tout autre problème, et la réalité d'aujourd'hui, malheureusement elle est peut-être difficile à accepter, mais c'est qu'on a un problème de contrebande qui mine toutes les lois qui sont en place.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Mais on vous rappellera qu'en 2008 vous avez admis… votre compagnie a admis participer à la contrebande, et c'est un jugement qui a été fait, alors c'est là. C'est en 2008, il n'y a pas si longtemps. Alors, comment, en 2013, on peut faire confiance que ça ne se reproduit plus? C'est mon…

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : Bien, je peux vous assurer…

Mme Daneault : La deuxième question…

M. Gagnon (Éric) : Non… Est-ce que je peux répondre, M. le Président?

Mme Daneault : …mais j'ai eu votre réponse…

Le Président (M. Bergman) : Est-ce que vous avez une autre question? Peut-être la même question?

Mme Daneault : Non, ce n'est pas une question, parce qu'il y a répondu.

Ma deuxième question s'adresse quant au… quand vous parlez des formats. Vous nous dites que, dans le fond, le 75 % de l'emballage contient un message de santé. Alors, quand on regarde… j'ai mes lunettes, là, j'ai de la misère à lire. C'est sûr que, quand on regarde ça, ça peut être attirant, tout le monde le sait, tout le monde le voit. Alors, pourtant, vous nous dites que ce n'est pas attirant, 75 % du message est là.

Mais pourquoi, si ce n'est pas attirant, pourquoi, si on n'arrive pas… Ça, c'est encore vos paquets, en tout cas, on arrive à ouvrir et enlever une portion du message. Comment, si ce n'est pas attirant… Pourquoi, aujourd'hui, vous nous dites que, si on légifère pour réglementer les formats, pour les uniformiser, comme ça s'est fait en Australie… Puis je vous rappellerai que vous avez perdu en Australie, en cour, sur cette question-là. Alors, comment, aujourd'hui… Vous nous dites : Ce n'est pas grave, ce n'est pas attirant, il y a 75 % du message qui est… Comment, aujourd'hui, vous pouvez nous dire que vous allez poursuivre le gouvernement si on va vers une telle mesure puis pourtant en admettant que cette mesure-là, elle n'a pas d'impact?

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Éric) : En fait, plusieurs éléments de réponse. Premièrement, je pense que le cadre réglementaire en Australie est complètement différent de celui du Québec et du Canada. Donc, je ne suis pas un avocat de formation, mais on laissera en temps et lieu les choses… voir si le gouvernement décide d'aller de l'avant avec l'emballage neutre.

Deuxièmement, comme je l'ai dit à maintes et maintes reprises, notre objectif, c'est de pouvoir augmenter nos parts de marché avec les adultes qui ont fait le choix de fumer, et la manière de diversifier nos produits et de différencier nos produits, c'est à travers l'emballage. Ce n'est pas une raison pour que les gens commencent à fumer. Les gens ne commencent pas à fumer à cause d'un emballage qu'ils voient. Ce qu'on essaie de faire, c'est que les gens, les adultes qui ont fait le choix de fumer consomment nos produits, essayer d'augmenter notre part de marché à l'intérieur de la population adulte qui a déjà fait le choix de fumer.

Le Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin à ce bloc de temps. M. Gagnon, merci pour votre présentation. Merci d'être ici, avec nous, aujourd'hui.

Je demande aux gens de l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation de prendre place à la table. Et je suspends pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 39)

(Reprise à 11 h 41)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation. Messieurs, vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Si vous pouvez mentionner votre nom, votre titre et procéder avec votre présentation.

Association canadienne des
dépanneurs en alimentation (ACDA)

M. Gadbois (Michel) : Merci. Mon nom est Michel Gadbois. Je suis le président de l'Association québécoise des détaillants en alimentation et je suis vice-président pour l'Association canadienne des dépanneurs.

M. Leroux (Guy) : Et je m'appelle Guy Leroux. Je suis directeur des relations publiques, des affaires publiques et je suis responsable de la recherche pour l'association.

M. Gadbois (Michel) : Je vais commencer tout de suite. D'habitude, je n'écris pas, mais, compte tenu du temps qu'on a, j'ai un texte que je vais lire. Je trouve ça détestable, mais endurez-moi pour 10 minutes. De toute façon, ce que j'essaie de faire dans le texte, c'est résumer ce qu'on avait mis dans le mémoire.

Alors, l'AQDA, l'Association québécoise des dépanneurs en alimentation, est très heureuse d'avoir été invitée par la commission parlementaire sur la santé et les services sociaux à présenter son point de vue lors des auditions publiques sur l'examen du rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur le tabac 2005-2010.

L'AQDA est une association à but non lucratif vouée à la défense des intérêts des dépanneurs du Québec. Nous travaillons à améliorer leur environnement d'affaires de même que les pratiques responsables de l'industrie, telles que la prévention des ventes aux mineurs des produits réservés aux adultes. Les membres du conseil d'administration de l'AQDA comprennent des représentants de bannières de toutes tailles, et la majorité des dépanneurs au Québec sont membres d'office chez nous.

Nous nous engageons dans les enjeux d'affaires et réglementaires qui touchent de près nos membres et qui concernent les catégories de produits que nous offrons, qu'il s'agisse de la bière, du vin, de l'essence, de la loterie, du tabac, des breuvages, des aliments préparés, des transactions électroniques et de toute réglementation s'appliquant à notre secteur, et, je vous jure, il y en a beaucoup.

L'AQDA est affiliée à l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation, l'ACDA, qui présente d'un bout à l'autre du pays… qui est présente — je m'excuse — nous permettant d'avoir aussi une voix forte auprès du gouvernement fédéral.

Au nom de notre conseil d'administration et de tous nos membres, je tiens à remercier d'avance les parlementaires des différentes formations politiques de bien vouloir entendre et considérer notre point de vue. Le mémoire que nous avons déposé comprend huit recommandations, que je vais vous résumer ici rapidement, mais aussi trois grands thèmes sur lesquels j'aimerais insister. Mais auparavant un mot sur l'industrie des dépanneurs, une industrie à nulle autre pareille au Québec et que les Québécois apprécient grandement.

Dans chaque ville et village du Québec se trouve un dépanneur qui apporte une contribution exceptionnelle à la vie de la communauté. Le dépanneur fournit un service essentiel de proximité, permettant aux consommateurs de laisser leurs automobiles de côté et de se déplacer à pied pour s'approvisionner en biens de base, favorisant d'autant les échanges et les sentiments d'appartenance de la communauté. C'est d'autant plus vrai dans les régions éloignées, où les grandes distances font en sorte que la proximité d'un dépanneur est encore plus précieuse.

Le dépanneur crée des emplois locaux, souvent pour des jeunes qui acquièrent leur première expérience de travail. Le dépanneur permet à des pères et mères de famille ainsi qu'à plusieurs immigrants, de plus en plus nombreux, de gérer leur propre entreprise et devenir leur propre patron. Le dépanneur respecte les lois, les règlements, perçoit et remet les taxes aux gouvernements et s'engage au coeur de sa communauté en soutenant des activités sportives, de loisir ou même culturelles.

Vous trouverez à la page 3 de notre mémoire un résumé des faits saillants de notre industrie, soit près de6 000 dépanneurs, c'est-à-dire le quart de tous les établissements de détail au Québec; 42 000 emplois, soit quatre fois le nombre d'emplois du secteur minier, à titre d'exemple; et 3,5 milliards en taxes versés par année, soit assez pour couvrir toutes les dépenses, encore à titre d'exemple, aux familles, ou ajouter 1 milliard au Fonds des générations.

Ce que les chiffres ne montrent pas, c'est à quel point les propriétaires de dépanneur travaillent fort pour la réussite de leurs commerces, des gens qui, pour chacun d'entre… vous connaissez bien dans votre comté. À titre d'exemple, j'en nomme parce qu'on est en contact avec eux régulièrement : Édith Paré, du Marché Blainville dans le comté de Groulx, qui a un bel établissement jumelé à une boucherie; Fei Hao, un dépanneur de Sainte-Gertrude, dans le comté de Bourassa-Sauvé, d'origine chinoise — il nous a dit être convaincu, dans son cas, que la contrebande a repris cette année dans sa région — Deborah Graham, de Provisions d'Arundel dans le comté d'Argenteuil, une propriétaire depuis 25 ans qui s'est spécialisée dans le prêt-à-manger…

Une voix : Elle fait une excellente pizza, il paraît.

M. Gadbois (Michel) : Yogi Thambirajah, un dépanneur A.M. dans le comté de D'Arcy-McGee, d'origine indienne. Yogi gère le commerce seul avec sa femme. Il dit faire très attention de ne pas vendre de tabac aux mineurs parce qu'il a des enfants lui aussi. Yvan Dufresne, Dépanneur Chapdelaine, dans le comté de Jean-Talon, qui a acheté il y a trois ans, trois, quatre ans à peu près, mais qui s'inquiète du rendement de son magasin depuis deux ans. Vous voyez la très grande diversité des propriétaires, comment ils travaillent très dur, mais, la plupart du temps, pour un maigre profit, quand il y en a un, car leur marge bénéficiaire est extrêmement mince. Nous sommes donc très fiers de les représenter ici.

Au cours des dernières années, la stratégie gouvernementale de contrôle sur le tabac a eu des impacts très négatifs sur les revenus des dépanneurs, mais malheureusement pas pour les bonnes raisons. Si les ventes des dépanneurs baissent parce que le tabagisme baisse, tant mieux pour la santé publique. Que ce soit le tabac ou n'importe quel autre produit, les dépanneurs, vous le savez, ils sont habitués à des cycles de demande qui s'appliquent aux différents produits et finissent toujours par s'adapter. Ils ont quand même survécu, en grande majorité. Mais, si les ventes des dépanneurs baissent parce que les criminels détiennent une part significative du marché et parce que l'État, de toute évidence, n'a pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation, cela ne va pas dans le sens de l'intérêt public.

Nous sommes les premiers à souligner, dans notre mémoire, les progrès accomplis en matière de lutte à la contrebande au Québec depuis les sommets de 2008, au cours duquel la contrebande a atteint 40 % au Québec. Cela étant dit, la situation demeure fragile. C'est une bonne partie de notre message. Les gains sont éphémères parce que rien dans la fondation n'a changé. Le prix d'une cartouche légale est en moyenne de 77 $, tandis que le prix d'une cartouche de contrebande n'est que de 15 $, soit cinq fois moins. À une cartouche par semaine, il en coûte 4 000 $ par année à un fumeur de respecter les lois contre seulement 780 $ sur le marché noir. Opter pour la contrebande, c'est donc réaliser une économie annuelle de 3 200 $, ce qui représente, pour quelqu'un qui gagne 25 000 $ net, presque 15 % de son revenu disponible, une somme d'argent qu'il peut appliquer à d'autres dépenses, d'autant plus que n'importe qui au Québec a accès au tabac de contrebande sans réelle crainte de se faire prendre. Un sondage Léger Marketing que nous avions commandé révélait que 80 % des Québécois n'auraient aucune peur de se faire arrêter s'ils achetaient de la contrebande. Ça fait partie de notre deuxième message.

Je me tourne maintenant vers les membres de la commission qui sont appelés à se pencher sur des recommandations à la Loi sur le tabac et je demanderais combien d'entre vous ont déjà visité, au cours de la dernière décennie, une cabane à tabac à Kahnawake ou à Kanesatake. Peut-être que, dans votre rôle d'élu, vous ne pouvez pas y aller, mais je vous encourage fortement à y aller au moins une fois pour prendre conscience de cette réalité. Je vous rappelle qu'il y a 200 cabanes à tabac situées à moins de 30 minutes — 200 à moins de 30 minutes — du centre-ville. Cette réalité-là n'a pas changé depuis les huit dernières années. Combien d'entre vous, également, connaissez le nombre de manufactures illégales de cigarettes qui se trouvent sur la réserve de Kahnawake, juste sur la réserve de Kahnawake? Selon l'évaluation du ministère de la Sécurité publique, il y en a au moins 10. Nous avons même les photos, si vous voulez les voir, dans un de nos rapports. Elles sont toujours en place, et personne ne les a dérangées depuis les 10 dernières années.

• (11 h 50) •

Aujourd'hui, n'importe quel Québécois qui le souhaite, dans n'importe quelle région du Québec, peut se procurer du tabac de contrebande. La concurrence illégale et déloyale est répandue partout. En ce sens, les priorités à repenser puisque… je m'excuse. En ce sens, les priorités sont à repenser puisque le tabagisme a cessé de diminuer depuis 2005, année où la contrebande a réellement émergé. La consommation totale de contrebande, depuis le début des années 2000, équivaut, selon notre estimation, à 20 milliards de cigarettes, environ, soit l'équivalent de trois années sur 10. Ça veut dire que, sur 10 ans, il y aurait trois années que ça aurait été la contrebande pure qui serait sur le marché. Cela représente des revenus totaux de l'ordre de 1,5 milliard de dollars pour le crime organisé. Et, pendant ce temps, des centaines de dépanneurs ont fermé leurs portes à travers le Québec, marquant ainsi la victoire des contrebandiers sur les détaillants honnêtes.

Je vous mentionnais en introduction trois thèmes sur lesquels nous aimerions insister. Le premier thème rappelle que la commission a pour mandat de se pencher sur un rapport. Le rapport en question se concentre principalement sur les mesures décrétées par la loi et comment elles ont été implantées. Au chapitre des recommandations, une seule ressort clairement dans la conclusion, en page 37 du document, et je vous la lis : «Le commerce illicite de tabac représente le principal défi en matière d'accessibilité des produits du tabac et de lutte contre le tabagisme. L'ampleur de ce phénomène, qui atteindrait 30 % [au moment où le rapport a été présenté], a pour effet que deux réseaux de distribution approvisionnentactuellement les fumeurs : un réseau légal fortement encadré de même qu'un réseau illégal qui n'est soumis à aucune règle, et qui, en conséquence, contribue à atténuer considérablement l'atteinte des objectifs poursuivis par la Loi sur le tabac.»

Nous invitons les membres de cette commission à adopter cette recommandation du ministère de la Santé et surtout l'idée selon laquelle la lutte à la contrebande et la lutte au tabagisme ne font qu'un. Autrement dit, la lutte à la contrebande de tabac doit devenir la nouvelle priorité du gouvernement pour faire baisser le tabagisme, et, sur ce point, nous sommes 100 % d'accord avec le ministère de la Santé.

Même si la contrebande a diminué depuis la publication de ce rapport, le volume de ventes demeure ahurissant. En 2011, selon le ministère des Finances du Québec, la contrebande s'élevait à 15 %. On a souvent de la difficulté à évaluer 15 %. Ça paraît faible. Même, on le banalise. Si on prend les chiffres comme ils sont, étant donné que 7,7 milliards de cigarettes légales ont été vendues au Québec, cela représente un marché total de 9 milliards de cigarettes consommées, dont 15 %, soit 1,4 milliard de cigarettes, sont des cigarettes illégales. Donc, 1,4 milliard de cigarettes de contrebande consommées au Québec, c'est énorme, c'est gigantesque, c'est 150 000 paquets par jour, 150 000 paquets par jour de fumés au Québec. Produire, distribuer, transporter, vendre et écouler 150 000 paquets de cigarettes de contrebande par jour, ça prend une industrie criminelle très organisée. C'est ce qu'on appelle le crime organisé.

Arrêtons de paraître satisfaits ou de prétendre que ce problème est en voie d'être réglé. Si 1,4 milliard de cigarettes de contrebande sont consommées quotidiennement, pas moins de 260 000 Québécois, soit plus de 2 000 dans chacun de vos comtés, O.K., consomment quotidiennement des cigarettes de contrebande. Un quart de million de Québécois fument de la contrebande tous les jours. La banalisation de ce que représente 15 % de contrebande en prétendant que c'est une victoire est probablement l'un des plus grands défis auxquels nous faisons face auprès des législateurs, et ce n'est pas juste le problème du ministre de la Sécurité publique.

Cela m'amène à exprimer le second thème de notre mémoire : Pour être efficace, une politique de contrôle du tabac doit, d'abord et avant tout, s'assurer de contrôler la vente du tabac. Si, par vos politiques, vous convainquez les Québécois de cesser de fumer, bravo. Si, par vos politiques, vous stimulez la criminalité, la contrebande, le marché illégal et faites en sorte, comme en 2008, que 640 000 Québécois, environ, optaient pour la contrebande de tabac, cela mène tout droit aux effets contre-productifs.

Donc, le premier thème : le rapport vous recommande de faire de la lutte à la contrebande une priorité pour la lutte au tabagisme; le deuxième thème : une politique de contrôle de tabac se doit, d'abord et avant tout, de s'assurer du contrôle légal et réglementaire du marché; et le troisième thème : renforcer la vente légale et socialement responsable du tabac est un élément clé de cette politique.

Si on veut que le tabac soit bien contrôlé, on doit miser sur la vente légale et socialement responsable. Cela ne veut pas dire promouvoir les ventes du tabac, cela veut dire faire en sorte que ceux qui consomment du tabac le fassent en s'approvisionnant dans un réseau légal et réglementé. C'est fondamental pour l'intérêt public. Votre souci, en tant que législateurs, est de tenir compte du fait que les consommateurs ont présentement le choix entre le tabac légal et illégal et que, devant les difficultés depuis 10 ans de réduire à néant l'offre illégale de tabac, vous résisterez à la tentation prohibitionniste, qu'il s'agisse de prohibition par le prix, par le bannissement de produits ou par toute autre réglementation qui pourrait donner un avantage additionnel aux contrebandiers et inciter les consommateurs à se détourner du réseau légal, parce que la prohibition, sous quelque forme que ce soit, incite le consommateur à se tourner vers la contrebande.

Toutes nos recommandations vont dans ce sens, soit de miser sur le réseau légal et socialement responsable pour assurer à l'État un meilleur contrôle du tabac. Lutter contre le tabagisme, certainement, mais pas au détriment de l'offre légale et socialement responsable des produits.

Je peux terminer en reprenant chacune des recommandations que vous trouverez à la page 37 de notre mémoire, résumées. J'y vais?

Une voix : Oui.

M. Gadbois (Michel) : O.K. Parce que vous pouvez les prendre, elles sont résumées dans un tableau. Alors, recommandation n° 1 : Que le gouvernement se donne un objectif atteignable et mobilisateur de réduction de la contrebande au Québec, soit moins de 1 milliard de cigarettes illégales vendues d'ici 2016. Ce n'est pas impossible…

Le Président (M. Bergman) : En conclusion.

M. Leroux (Guy) : Oui, on conclut, là.

M. Gadbois (Michel) : Recommandation n° 2 — nous en avons huit : Que le gouvernement endosse la première recommandation du rapport 2012 sur la lutte de la contrebande de la Commission des finances publiques, soit de créer une commission mixte avec le gouvernement fédéral, l'Ontario, les États-Unis et les Premières Nations. Nous avons été très présents au fédéral et en Ontario pour pousser cette commission mixte. Elle est essentielle. Le Québec ne peut pas régler le problème tout seul.

Recommandation n° 3 : Que le gouvernement évite de hausser de nouveau les taxes pour ne pas inciter davantage les fumeurs à se tourner vers la contrebande, le temps au moins de véritablement contrôler ce fléau.

Recommandation n° 4 : Que le gouvernement lance une campagne de sensibilisation pour rappeler que l'achat de tabac sans taxe est illégal. Il s'expose à de fortes amendes.

Recommandation n° 5 : Que le gouvernement réinvestisse une portion significative des revenus additionnels issus de la hausse récente des taxes sur le tabac pour renforcer la lutte à la contrebande. La contrebande a aussi ces coûts-là.

Recommandation n° 6 : Que le gouvernement évite l'ajout de règlements devant restreindre la vente légale et socialement responsable et qui pourrait donner un avantage aux contrebandiers.

L'avant-dernière : Que le gouvernement prenne part, avec l'AQDA, à un projet pilote dans lequel la présentation d'une carte d'identité deviendrait obligatoire sur l'achat de tabac.

Recommandation n° 8 : Que le gouvernement enchâsse, dans le préambule de la Loi sur le tabac, un énoncé de principe reconnaissant la valorisation du rôle de la vente légale et socialement responsable du tabac dans le cadre de sa politique de contrôle.

Le Président (M. Bergman) : Merci pour votre présentation, M. Gadbois. Alors, le bloc du gouvernement, Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Gadbois et M. Leroux. Ça me fait plaisir de vous rencontrer. Alors, je vous remercie de votre présentation. J'ai trouvé beaucoup, beaucoup d'informations et beaucoup de données, et je trouve votre position quand même assez claire. Et j'en profite pour saluer tous les dépanneurs du beau comté de Sainte-Rose.

Une voix :

Mme Proulx : Oui, certainement. Écoutez, j'aimerais ça que vous nous résumiez un peu, en fait, la contribution de votre association à la lutte au tabagisme au Québec, à la lutte contre le tabagisme au Québec. Vous savez que c'est un enjeu… ça fait déjà deux jours qu'on en parle, c'est un enjeu non seulement de santé publique, c'est un enjeu de société, et toutes les parties prenantes de la société, notamment l'association des dépanneurs… Même, vous n'êtes pas les producteurs de tabac, vous n'êtes pas une compagnie de tabac, mais vous êtes quand même dans la chaîne, vous êtes les dépositaires et vous vendez les produits du tabac. Comment vous vous positionnez dans la lutte contre le tabagisme au Québec?

• (12 heures) •

M. Gadbois (Michel) : En fait, je dirais qu'on est sur le front, le premier front, qui est celui de s'assurer que les ventes soient faites légalement et que non seulement les revenus qui doivent revenir à l'État reviennent à l'État, mais qu'on exerce des contrôles sur la vente aux mineurs. C'est notre première responsabilité.

N'oubliez pas, essentiellement, vendre du tabac, c'est une permission qu'on a de l'État, ce n'est pas un droit, et cette permission nous demande de respecter un certain nombre de normes. Et on l'a fait, je peux vous dire, surtout depuis le début des années 2000, avec de plus en plus de restrictions sur le produit, restrictions qui ont été coûteuses pour nous, non seulement… Tout le monde pense que c'est dans la vente, mais, exemple, il a fallu tout refaire l'intérieur de certains magasins simplement pour cacher les produits, pour être capables de les rendre accessibles. On a perdu des revenus, parce que tout le monde sait que les produits qui sont sur nos comptoirs ou, avant, étaient près, sur les présentoirs, nous rapportaient de l'argent. On a perdu ces revenus-là aussi. O.K.

Maintenant, une des choses qu'on a mises en place, qui n'existaient pas auparavant, c'est de s'assurer que des détaillants aient accès à une formation sur des restrictions de vente. Donc, chez nous, le plus gros problème qu'on a, c'est le taux de rotation de nos employés. On a beaucoup de jeunes. Les jeunes sont de mauvais juges sur l'âge, hein? On a juste à se rappeler nous-mêmes que quelqu'un qui nous regardait... quand on regardait quelqu'un, quand on avait 16 ans ou 17 ans, on se trouvait très, très vieux. Donc, c'est d'éviter que des situations se fassent par inadvertance.

Et on doit former, dans nos magasins, les jeunes à toutes les fois qu'on les engage. On a créé pour ça un programme. On l'a même mis sur l'Internet pour qu'il soit plus ludique pour les jeunes. Je pourrais vous donner les détails de ce programme-là qui, en fait, oblige les jeunes à avoir 95 % comme note de passage. On pose des questions dessus. S'ils ne réussissent pas le 95 %, le propriétaire du magasin reçoit un avis et notre conseil de ne pas mettre ce jeune-là derrière le comptoir tant qu'il ne passe pas les examens. Alors, ils reçoivent ça, ce qui leur permet d'évaluer au moins la capacité des jeunes de comprendre les règlements, d'une part.

D'autre part, ce n'est pas tous les détaillants qui veulent procéder, disons, à l'abonnement de ce programme-là. Mais ce que nous, on a fait faire récemment… parce qu'on s'est rendu compte que, bon, c'est quand même leur droit, là, de ne pas participer à ça — si ça devenait obligatoire, vous m'en verriez très heureux, mais ça nous donnerait un avantage incroyable sur le marché, mais ça serait fondamental, c'est pour ça qu'on vous fait des propositions aussi là-dedans — mais, à la base, on a distribué, dans tous les magasins, un code de conduite. Et, quand vous voyez l'étiquette «pièce d'identité», c'est que ce détaillant-là, au minimum, a signé un code de conduite dans lequel il reconnaît les contraintes auxquelles il doit s'astreindre pour vendre des produits.

M. Leroux (Guy) : Un complément de réponse, M. le Président, puis-je?

Le Président (M. Bergman) : M. Leroux.

M. Leroux (Guy) : En page 11 de notre mémoire, vous avez un exemple très probant de la contribution des dépanneurs à la lutte au tabagisme. Vous avez une citation de Santé Canada dans leurs études qu'ils font sur la conformité des dépanneurs à ne pas vendre aux mineurs. On sait que notre conformité s'est améliorée de façon spectaculaire de 1995 à aujourd'hui. Ça a été avéré par le ministère de la Santé et des Services sociaux, ça a été avéré par Santé Canada. Puis Santé Canada, dans son analyse, dit que le fait qu'on ait été plus conformes à ne pas vendre aux mineurs, ça a permis de baisser le tabagisme chez les jeunes. C'est Santé Canada qui le dit noir sur blanc en conclusion de son étude. Alors, ça, je pense que c'est une excellente illustration du fait de notre rôle dans l'écosystème. Notre rôle, c'est vraiment de gérer ce produit-là de manière légale et réglementaire et surtout prévenir l'accès de ce produit-là aux jeunes, aux mineurs. Ça, c'est très, très important. Merci.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui. J'aimerais revenir sur ce que vous mentionnez dans votre mémoire. Vous parlez notamment de l'étude des mesures de lutte à la contrebande, là, de la Commission des finances et vous avez, à l'instant, mentionné, pour vous, l'importance d'aller vers une commission mixte. Et vous avez même ajouté qu'à votre avis le Québec ne pourra pas s'en sortir tout seul. J'aimerais ça que vous élaboriez et que vous nous expliquiez bien comme il faut votre point de vue là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : M. Gadbois.

M. Gadbois (Michel) : Merci. À ce moment-là, je change un peu de chapeau puis je mets mon chapeau de vice-président des affaires réglementaires à travers le Canada.

Peut-être pour l'expliquer, on est quatre régions qui se sont affiliées et on a créé l'association canadienne pour pouvoir avoir des relations directes avec Ottawa dans bien des dossiers. Vous comprendrez que, dans notre secteur... c'est un secteur commercial. Donc, à peu près 95 % des règlements, c'est des règlements commerciaux, donc dans lesquels le fédéral est très peu impliqué. Le seul qui ne relève pas de vous, malheureusement, j'adorerais ça, mais c'est celui sur les finances et les frais de carte de crédit, qui est un dossier énorme pour nous, très dispendieux, très coûteux, qui a été réglé dans d'autres pays mais pas au Canada. Par contre, on a participé à beaucoup de réunions. On a même participé à des réunions avec les chefs autochtones à multiples reprises. On est présents en Ontario, qui a d'ailleurs un taux de contrebande plus élevé que nous.

Si on met tout ça ensemble, on a été très impliqués, sur la place publique, à mettre le doigt sur la réalité de la contrebande. Parce que, comme je l'ai dit, notre plus gros problème, même à Ottawa, c'est la banalisation du taux de contrebande. Je vais même vous dire : On a fait fermer une cabane à tabac, la première à Winnipeg, qui s'était mise en place il y a à peu près un an et demi. On a réussi immédiatement à ce que le gouvernement intervienne puis ferme cette cabane à tabac là. Tout ça pour dire qu'on a été impliqués directement, et on continue à l'être, avec le gouvernement fédéral pour l'inciter… et le gouvernement ontarien, avec notre affilié en Ontario.

Ce n'est pas tout. Comme une grande partie de l'approvisionnement de la matière première nous provient des réserves mohawks mais du côté du territoire de l'État de New York, c'est un problème qu'il faut régler avec les Américains aussi, tout le monde alentour de la table. Le plus grand problème qu'on a, puis vous le savez, c'est que, malgré qu'on se soit assis souvent avec les groupes mohawks… Et je le dis spécifiquement : C'est le territoire, le commerce est contrôlé par des groupes criminels; ce n'est pas les autochtones qu'on traite de criminels. Eux ont des privilèges sur leurs réserves, ils s'en servent.

Une des choses qui est très difficile, c'est de leur faire comprendre, comme on a fait dans l'Ouest canadien, où est-ce qu'en déclarant les taxes… le gouvernement leur promettrait de rembourser ces taxes-là. Et même, exemple, en Alberta puis en Colombie-Britannique, ils ajoutent 10 % du revenu qu'ils retournent pour que ça soit ciblé dans des programmes pour les jeunes autochtones, des programmes surtout de bourses, etc.

Malheureusement, on n'a pas eu, historiquement, ce genre de relation là avec les réserves dont on parle, et ça a créé des problèmes. Et, la réalité dont on vous parle, bien, les chefs nous ont dit : Écoutez, on va être très francs avec vous, à part du fait qu'on peut revendiquer que c'est un droit fondamental, même qu'il y a des éléments religieux là-dedans, le tabac, pour nous, a été très, très payant, et il n'y a pas un gouvernement blanc, qu'ils nous disent, qui a été capable d'investir autant d'argent, dans nos communautés, qu'on a par retombées de ces activités-là. Alors, ils nous ont lancé le défi : Trouvez-nous une façon pour nos jeunes de trouver des revenus, des débouchés qui vont équivaloir avec ça, puis peut-être qu'on va être ouverts à abandonner ce trafic-là.

Ce n'est pas évident. Nous, on le sait que ce n'est pas évident. La seule chose qu'on vous dit, c'est que… Ma plus grande peur, c'est qu'on se satisfasse du 15 %, qui peut devenir 20 % très rapidement, 30 %, etc. Tant que ce problème-là n'est pas réglé, c'est un peu se lancer de la poudre aux yeux avec tout ce qu'on met en place, parce que ça ne réussira pas. Puis, en bout de ligne, je sais que c'est très égoïste, mais nous, on vous dit : Bien, ceux qui paient le prix, c'est nous autres, parce qu'on perd du marché. Il n'y a pas moins de tabagisme, O.K., parce qu'il y a une alternative. Et ce qu'il y a de terrible, c'est que, quand cette alternative-là est connue, elle est rarement abandonnée dans un contexte économique, parce que les gens réalisent que, coudon, ça coûte moins cher, O.K.? On n'a pas les ressources policières, on ne les aura jamais pour contrôler ça, à moins qu'on fasse des… qu'on bloque toutes les routes à l'issue de ces réserves-là, puis on sait qu'est-ce que ça va donner.

Alors, là-dessus, tout ce que je me permets de faire… Puis je sais que c'est agaçant, c'est comme si je mets le doigt pour une plaie, mais il faut appeler un chat un chat. On a cet éléphant, dans la pièce, qui s'appelle la contrebande, puis nous, on juge tout, c'est normal, à travers cette réalité-là, parce que c'est un transfert, c'est des vases communicants. Alors, dès qu'il y a une activité économique qui ralentit puis qu'il y a une alternative, bien, c'est ça, notre réalité. Et vous allez le savoir parce que nous, évidemment, on parle à nos détaillants, puis les détaillants, dans vos comtés, nous ont tous dit la même chose : Passez le message, O.K.? C'est très fragile, puis, dans certains de vos comtés, il y en a qui disent que la contrebande est repartie.

Maintenant, ce qu'il y a de triste, c'est que, dans tous ces aspects-là, une fois qu'on a mis des règlements ou une fois qu'on a haussé des taxes, vous le savez très bien que c'est impossible d'arriver ici, pour nous, et de vous dire : Bien, baissez les taxes, O.K., on va peut-être voir où est-ce que ça va. Il est trop tard, elles ont été doublées, O.K.? C'est impossible de revenir à des taux concurrentiels parce que le système est bien implanté. Ce qu'on vous dit, c'est que, quand vous allez mettre en place des règlements puis qu'on va peut-être voir, un an, deux ans après, un taux de contrebande augmenter, O.K., puis peut-être un taux de tabagisme augmenter, parce qu'ils sont beaucoup plus accessibles aux jeunes…

Et ce qu'il y a de triste, la GRC vous le dit, c'est que les jeunes, parce qu'ils ont moins de 18 ans, sont les premiers qui sont récupérés dans l'opération de revente. J'ai peut-être beaucoup de cheveux gris, mais je me rappelle comment c'était, je suis de la cohorte des premiers cégeps, O.K.? Les pushers, on les connaissait, ils étaient très populaires, ils faisaient beaucoup d'argent. Puis on les voit à l'école, O.K.? C'est eux autres qui ont la belle auto, puis tout le reste. Alors, le crime organisé est très intelligent dans la façon dont il fait l'exercice. Puis nous, on a choisi, pour ceux qui se rappellent, des études sur les mégots pour montrer, pour alerter la population que, écoutez, ça va dans vos écoles, c'est livré directement, ça fait partie de…

Alors, je sais que c'est ennuyeux puis je sais que ça a de l'air très intéressé de notre part, et ça l'est, sauf que, comme je vous dis, on est sur la ligne de front, O.K.? On essaie d'améliorer à 100 % notre contrôle de ventes. On va s'ajuster. C'est sûr qu'on va s'ajuster, les autres vous l'ont dit, à la baisse de vente de certains produits. Mais, quand elle est radicale, non, on ne peut pas s'ajuster.

• (12 h 10) •

M. Leroux (Guy) : Complément de réponse, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : M. Leroux.

M. Leroux (Guy) : La commission mixte, je vous remercie d'avoir amené ça sur le sujet, c'est la première recommandation de la commission sur la contrebande. C'est quelque chose qu'on appuie fortement, parce que c'est miser sur le dialogue. On le sait, le problème de la contrebande, ça touche la communauté autochtone, c'est très sensible. Et la communauté autochtone a des enjeux avec ça aussi. La présence du crime organisé dans leur territoire, par exemple, le fait que le tabac n'est pas réglementé dans leur territoire, que c'est accessible aux jeunes, c'est aussi un problème. Le fait que toutes les ventes de tabac dans la communauté, que ce soit Kahnawake ou Kanesatake, c'est de l'argent liquide non déclaré qu'ils ne peuvent pas mettre dans un compte de banque, hein, ils n'ont pas de compte de banque, alors, tout ça, c'est du brassage d'argent cash, et c'est très néfaste pour leur économie. C'est très néfaste pour leur économie personnelle aussi, parce qu'où est-ce que vous mettez ça, cet argent-là? Vous l'enterrez chez vous? Vous l'avez dans votre frigidaire, dans le congélateur?

Puis c'est toute cette économie-là au noir, puis on parle de centaines de millions, là. Ce n'est pas rien, là. Et j'entendais, quand on a eu la commission sur la contrebande, les réserves de Kahnawake venir dire : Oui, mais, au moins, on stimule l'économie; on stimule l'économie de Châteauguay, on stimule les commerces aux alentours. Oui, mais vous le faites avec de l'argent noir. Tout ça, ça pourrait être régularisé d'une certaine façon. Si on peut s'asseoir avec les communautés puis s'entendre. Parce qu'eux aussi ont un désir de régulariser la situation. Et la recommandation de la commission, très importante pour nous, parce que c'est de dire : Bien, assoyons-nous tous ensemble…

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

M. Leroux (Guy) : Assoyons-nous tous ensemble, les groupes autochtones, les gouvernements, pas seulement celui du Québec, celui de l'Ontario puis le fédéral, cherchons des solutions. Discutons puis cherchons des solutions.

Le Président (M. Bergman) : Merci. Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bonjour. D'ailleurs, on s'est vus, on s'est rencontrés pas plus tard que la semaine dernière, puis on était habitués. Puis vous allez voir que je vais vous donner… comment j'ai évolué par rapport à l'utilisation de la carte d'assurance maladie.

La première chose que j'aimerais vous demander, c'est : En 2005, il y a eu une nouvelle loi qui a été mise en place. Je crois que vous pouvez dire que, pour la partie qui vous concerne, la loi est, dans presque sa totalité, sauf quelques exceptions, respectée. Oui ou non?

Le Président (M. Bergman) : M. Gadbois.

M. Gadbois (Michel) : Je dirais oui. Vous savez, je répète toujours la même chose, on a une permission de vendre un produit légal, O.K.? Cette permission-là pourrait être révoquée. C'est un permis. Alors, nos détaillants, on leur répète constamment, même les immigrants qui sont moins habitués au cadre, qui ont peut-être plus peur du gouvernement que nos propres dépanneurs d'origine. Mais essentiellement, le message, on le regarde, oui, honnêtement, comme un privilège, O.K., un privilège qui stimule les ventes associées au tabac. Parce que le tabac, vous le voyez dans notre rapport, oui, ça rapporte des sous, mais ce n'est pas très payant, O.K.? Ce qui est payant, c'est que ça vous garde un consommateur qui revient constamment. Ça, c'est payant. Donc, on a tout intérêt à respecter et à appliquer toutes les lois. Puis on va toutes les appliquer. On n'a pas raison de ne pas le faire.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Puis, à ma connaissance, pour en avoir discuté avec vous, vous avez fait quand même beaucoup d'efforts pour sensibiliser les commerçants, leur expliquer que c'est important qu'ils suivent les lois. Et la conformité est quand même assez bonne, malgré le fait que, quand la loi a été mise, en 2005, il y avait eu des réticences, ne serait-ce que de ne plus avoir l'affichage des paquets de cigarettes.

Le Président (M. Bergman) :

M. Bolduc (Jean-Talon) : Deux minutes? Oui, O.K.

Le Président (M. Bergman) : M. Gadbois.

M. Gadbois (Michel) : C'est normal, parce que, d'abord, chaque détaillant, avec les petites marges que vous connaissez dans ce secteur-là, y voyait très clairement des revenus qui allaient disparaître. Alors, il essayait d'étirer la corde le plus longtemps possible. Mais nous, on est très clairs. Je veux dire, on ne défendra jamais un détaillant qui est hors-la-loi, je veux dire, que la loi s'applique à 100 % à celui qui… Notre responsabilité, c'est de s'assurer qu'il comprenne bien, O.K., l'application de la loi.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Vous avez beaucoup insisté sur la contrebande, puis on reconnaît que c'est une problématique à laquelle on va devoir s'attaquer. Vous avez fait mention verbalement que vous verriez peut-être des amendes pour les gens qui possèdent des produits illégaux du tabac. Est-ce que… Non? Vous n'avez pas fait cette mention-là? Il me semblait, tantôt, que vous avez dit : Des amendes par rapport au tabac illégal. C'est-u seulement ceux qui vendent ou celui qui possède, là, celui qui fume ce tabac-là?

M. Gadbois (Michel) : Bien, je vais vous dire…

Le Président (M. Bergman) : M. Gadbois.

M. Gadbois (Michel) : Excusez-moi. C'est vraiment une opinion personnelle, parce que, bon, on n'est pas des spécialistes là-dedans, ce n'est pas notre domaine. C'est juste que je me dis : Qu'est-ce que vous allez faire? Courir après le monde dans la rue? Demander de montrer leurs mégots? On réalise que c'est déjà assez coûteux avec le peu de ressources qu'on peut mettre au niveau de la répression.

Le Québec a mené le Canada en termes de sévérité de loi sur la contrebande, O.K., qui a été mise en place par M. Dutil, on le félicite. Ça a donné un exemple qu'on essaie de mettre en place en Ontario. Je peux vous le dire parce que j'ai fait une présentation parlementaire à Queen's Park justement pour leur dire pourquoi le retrait du permis de conduire est un pas énorme, même dans la jurisprudence canadienne, O.K., d'enlever le permis de conduire. Pourquoi? Parce qu'on savait que ce n'était pas la bagnole qui avait de la valeur, c'est l'individu avec sa capacité de transporter. Parce que c'étaient des récidivistes, O.K.?

Mais tout ça pour dire que ça demande énormément de ressources, puis, ces ressources-là, je vous dirais qu'au moins, si on augmente les taxes puis que le gouvernement est satisfait des revenus qu'il en retire, parce qu'il n'a pas atteint le taux d'élasticité encore trop loin où le retour est négatif, bien, on vous demande, dans une de nos recommandations, d'en investir une bonne partie dans le contrôle. Plus vous allez mettre de contrôle, plus les gens vont comprendre le message que c'est à risque. On a l'impression, en ce moment, que les gens regardent ça comme une espèce de jeu, O.K.? Excusez l'expression, mais c'est la plus claire au Québec : Si je suis capable de fourrer le gouvernement puis ne pas payer de taxes, je vais le faire, O.K.? Et c'est ça, la réalité qu'on entend.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Bon. Puis je crois que vous êtes d'accord également que la contrebande, c'est un élément, mais il y a peut-être d'autres éléments qu'on pourrait mettre en place pour essayer de diminuer le taux de tabagisme au Québec. Mais là on parle d'autres mesures qui nous ont été mentionnées à plusieurs reprises ici, on parle de la question des nouveaux produits, la question de la cigarette électronique, la question de l'aromatisation avec des saveurs. Vous, comment vous percevez ça?

Puis un endroit dans lequel vous pourriez être très interpellés, c'est la question de l'emballage neutre. Si le Québec décidait d'aller de l'avant, comme en Australie, avec un emballage neutre, est-ce que, pour vos commerçants, ça causerait un problème? Puis ce qu'on a entendu en Australie, juste pour vous donner une idée, c'est que… L'argument majeur, c'était que ça serait difficile de retrouver les paquets de cigarettes, puis, ce qu'on nous a dit, c'est encore plus facile parce qu'il s'était développé un système d'ordre alphabétique. Mais, à la fin, c'est la même cigarette et puis… excepté que ça nous permet d'avoir un emballage neutre puis possiblement avoir un effet sur la diminution du tabagisme.

Le Président (M. Bergman) : M. Gadbois.

• (12 h 20) •

M. Gadbois (Michel) : Je suis arrivé à la toute fin de la présentation. J'ai trouvé votre argument assez intéressant. Effectivement, je veux dire, ce n'est pas… je n'aurai jamais d'argument de gestion. Ils sont déjà cachés, O.K.? Alors, ce n'est pas l'argument que je mettrais sur la table.

Tout ce que je dirais, puis c'est vraiment plus une opinion personnelle qu'étudiée… Parce que, vous savez, toutes ces choses-là, on ne le sait pas tant que ce n'est pas mis en place. Ma première réaction, c'est : Si on banalise le paquet, c'est d'autant plus facile d'aller dans la contrefaçon. Il y en a déjà beaucoup en ce moment dans la contrebande. On s'amuse d'ailleurs avec les noms, je ne les ai pas, mais, si vous regardez dans le document, on s'amuse à prendre les noms des cigarettes puis à les jouer sur les paquets illégaux. C'est pour ça que je vous dis : On en apprend beaucoup quand on va là.

Il y a des réalités qu'on a vues… Je vous parle juste d'expérience, là. Le reste, on ne le sait pas. D'abord, en Australie, la situation est très différente, il n'y avait pas de contrebande, ou si peu que ce n'était pas un phénomène. Alors, ils sont chanceux, c'est une île : pas mal difficile d'amener des choses là-bas.

Mais, sur la réalité, par exemple, il y a eu C-22 — c'est-u ça, pour les petits cigares? — c'est au fédéral, où est-ce qu'on a… vous vous rappelez probablement, il y a eu vraiment une campagne pour éliminer les petits cigares, avec toutes les saveurs, etc. Bien, on vous a montré un graphique, là, dans notre mémoire, que ça a été comme exactement des vases communicants : en l'espace d'un mois, ils se sont tous retrouvés dans les réserves au cinquième du prix, et, dans les saisies, vous les voyez. C'est la seule façon qu'on peut mesurer, là. Puis je n'ai pas une expertise, on se fie à ce que la GRC nous dit. Bien, tous ces produits-là, ils se retrouvent au cinquième du prix dans les mêmes emballages. Au cinquième du prix, là, ça veut dire qu'on encourage encore beaucoup plus leur consommation et par revente sans contrôle aux jeunes, qui était le but essentiel. On rappelait au gouvernement fédéral… j'ai été au Sénat faire une présentation.

Alors, ce que je vous dis, c'est : Bon, la seule expérience que je connais, c'est celle-là. Le résultat, ça a été quoi? Bien, un transfert dans le marché illégal. Combien va être transféré? Est-ce que, véritablement, de mettre cet obstacle-là va diminuer la prévalence de ce produit-là qu'on veut faire? Probablement. À quel pourcentage? Je ne le sais pas. Mais ce que je vous dis, c'est que le problème qu'on a, c'est que… Si jamais à un moment donné, après deux, trois ans, on s'aperçoit que ça fait augmenter la contrebande, une question purement que je lance comme ça avec aucune expertise, c'est : Est-ce qu'on va les remettre sur le marché parce qu'on a encouragé la contrebande?

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Non, je pense que, là, le raisonnement ne tient pas, là. C'est un produit qui est rendu… mettons, qui n'est pas sur le marché. S'ils décidaient de le faire, ils pourraient le faire quand même. La seule affaire, c'est : quand c'est déjà sur le marché, c'est plus facile de le faire passer comme étant un produit légal. Donc, l'argumentation ne tient pas.

L'autre affaire, c'est qu'il faut quand même faire attention. Il y a un combat à faire contre la contrebande, puis je mets en garde l'association : Vous nous arrivez avec les mêmes types d'arguments que les compagnies de tabac pour faire de la promotion d'un produit puis, à ce moment-là, vous perdez votre crédibilité. Parce qu'on est quand même du monde qui est raisonnable, là, puis on voit tellement que le raisonnement, il est quasiment attaché, là. Faisons attention. Il y a des produits qu'on ne veut pas sur le marché, des produits qu'on doit contrôler. On est d'accord que tout devrait être légal puis il y a un combat contre la contrebande. Mais, lorsque vous utilisez ces arguments-là, là, on perd un peu de crédibilité, puis là ça devient un peu moins intéressant. Ça fait qu'il faut juste faire attention de la façon dont vous l'apportez, parce que, quand on va en faire la discussion sur un projet de loi, il va falloir qu'on soit plus des collaborateurs.

Puis ça, en passant, je tiens à vous le dire puis je vous l'ai dit quand on s'est rencontrés : Le dépanneur du coin, pour nous, il est important. Je suis un grand utilisateur de dépanneur, parce que, quand j'ai besoin des oeufs ou d'un pain, là, plein de l'essence, on y va, au dépanneur.

Donc, je pense que c'est important qu'on va le travailler ensemble. Et, comme j'ai dit aux propriétaires de bar, c'est important qu'on le fasse ensemble. Et il y a quand même un objectif, et là on va essayer de rester dans de l'argumentation qui est logique et raisonnable. Et utiliser ce que j'appelle des sophismes, là, c'est-à-dire ça a l'air vrai, là, ça plaît bien comme populisme, là, mais, dans la vérité, ça ne tient pas la route.

Le Président (M. Bergman) : M. Leroux.

M. Leroux (Guy) : Bon. On utilise la contrebande parce que c'est un effet pervers manifeste des réglementations qu'on a vues ces 10 dernières années. Je veux dire, ce n'est pas banal qu'il y ait aujourd'hui un quart de million de Québécois qui fument un produit que vous ne contrôlez pas; puis c'est un problème qui n'existait pas avant. C'est comme si vous êtes médecin, puis vous traitez quelqu'un qui a le cancer — je ne vous apprendrai rien — puis vous administrez un remède, mais, en voulant régler un problème, vous en créez un autre. Alors, c'est pour ça qu'on a mis la contrebande.

Mais, ceci étant dit, le tabagisme, au Québec, n'a pas baissé depuis 2004. Et moi, si j'étais à votre place, je me demanderais : Bien, est-ce que c'est parce qu'on n'a pas assez implanté le règlement? Je pense que vous en avez implanté beaucoup, de règlements, depuis les années 2000, beaucoup plus que dans la décennie précédente. Vous avez touché aux saveurs, vous avez touché aux emballages, vous avez monté les taxes, on a caché les étalages de tabac. Quand on a caché les étalages de tabac, on a dit : Oui, oui, oui, ça va faire baisser le tabagisme. Pas du tout. J'ai une citation de Santé Canada qui reconnaît que ça n'a eu aucun impact.

Oui à la réglementation, mais peut-être un petit peu plus de prudence quant à savoir : Est-ce que vous avez vraiment des preuves évidentes que tel règlement va faire baisser le tabagisme, ou c'est seulement des preuves… disons, des preuves intuitives, ou c'est encore de la réglementation innovatrice qui n'a pas été instaurée ailleurs, puis on dit : Bon, bien, ça a l'air de fonctionner, ça devrait fonctionner.

Bien, ici, c'est fantastique au Canada, parce que, prenez les taxes, on a un pays, on a 10 provinces, on a 10 taux de taxation différents, mais on a une façon de calculer le tabagisme depuis 15 ans, qui est la même. Alors, oubliez les études de l'OMS, regardez ce qui se fait au Canada, regardez comment le taux de taxation a été augmenté puis regardez comment le taux de tabagisme a évolué. Puis ce n'est pas vrai que, quand on augmente de 5 %, le tabagisme baisse de 5 %, là.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Sauf que…

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : …là-dessus, je vais vous arrêter, là, les études, même au niveau de l'OMS, sont très claires, là. Puis, vos études que vous me dites versus les études de l'OMS, on va s'entendre que l'OMS est pas mal plus crédible, là. C'est clair que, lorsqu'on augmente la taxation, le tabagisme diminue. Il y a eu un effet d'augmentation au niveau de la contrebande, qui est un effet très particulier dans un contexte très particulier, là. Mais ça n'empêche pas que le fait d'augmenter les taxes, ça a eu un effet. Donc, il ne faut pas utiliser l'argument que vous me donnez là pour commencer à défaire la validité de l'augmentation de la taxation.

L'autre élément qui est important, puis c'est là-dessus qu'il faut que… je pense qu'on va voir, c'est qu'il y a eu aussi des stratégies de la part de l'industrie du tabac pour justement contrecarrer les mesures qui ont été mises en place. Donc, ça peut aussi expliquer la stagnation. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne doit pas continuer à faire cet effort.

Ce que je retiens également — puis je vais laisser la parole à ma collègue : la question de l'utilisation de la carte d'assurance maladie pour valider, voir si la personne a 18 ans ou pas. Je pense que c'est une mesure, quand je vous avais rencontrés, à cause de l'utilisation qui… Au début, la carte d'assurance maladie n'a pas été mise en place pour servir de carte citoyenne. Mais je pense qu'il y a une réflexion à faire, actuellement au Québec, si ça ne pourrait pas être un outil pour justement s'assurer que, dans ces cas-là particuliers, ça ne pourrait pas être utile pour vous autres de réussir à limiter la vente de tabac aux jeunes. La question qui va venir, c'est : Si vous n'êtes pas quelqu'un du Québec et que vous allez acheter du tabac, vous n'avez pas de carte d'assurance maladie. Bien, il va falloir trouver une solution pour que, nos touristes qui sont des fumeurs, on puisse respecter ça. Ça, ça va être l'autre élément qui va venir.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau, il vous reste une minute.

Mme Vallée : Merci. Bien, en fait je voulais simplement… je vais vous passer le message suivant : Je pense qu'il n'y a pas un parlementaire, ici, qui n'est pas sensibilisé à l'importance de la lutte à la contrebande. Et puis, de notre côté, chose certaine, lorsqu'il y a eu une hausse de la taxe en novembre dernier, la taxe sur le tabac, on a été plusieurs à se lever puis à dire : Parfait, on hausse la taxe sur le tabac, mais haussons également les budgets associés à la lutte à la contrebande.

ACCES tabac n'est pas disponible dans toutes les régions du Québec. Moi, je le demande en Outaouais depuis plusieurs années. Et d'ailleurs je suis un petit peu étonnée que vous n'ayez pas fait de clin d'oeil à l'Outaouais, qui est une région qui est grandement touchée par la contrebande de cigarettes.

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Vallée : Et donc voici le petit message. Et la lutte à la contrebande ne devrait pas être mise en opposition à la lutte au tabagisme du tout.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin le bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le bloc du deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.

Une voix :

Le Président (M. Bergman) : Je m'excuse…

Une voix :

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Juste avant de… Merci de votre présence. Juste avant de commencer une question, je voudrais juste… Pour votre information, quand vous affirmez qu'en Australie il n'y a pas de problème de vente illégale de tabac, on a ici une information qui démontre que le tabac illégal australien provient de l'Indonésie, de la Chine, du Vietnam, de la Syrie, des Philippines, du Brésil et des Émirats arabes unis et représente 12 % de la vente illégale des produits du tabac en Australie, alors que nous sommes à 15 %. Alors, je voulais juste, pour votre information, mettre une… faire une petite mise à jour. Alors, quand on parle de… Ils ont quand même adopté des formats qui sont maintenant uniques.

Une voix :

Mme Daneault : Non, ce n'est pas une question, c'est simplement une information pour la commission et c'est dans un document du gouvernement du Québec. Je pourrais vous envoyer une copie et l'envoyer à l'ensemble de la commission, si vous voulez.

Alors, vous avez mentionné plusieurs statistiques et, entre autres, bon, la vente de tabac et la perte de revenus que vos commerçants ont subie depuis la loi, là, antitabac. Par contre, j'aimerais vous entendre sur le fait qu'il y a des points de service qu'en fait… En 1998, je ne vous apprends rien, quand on a retiré la vente des produits du tabac des pharmacies, on sait que ces points de vente là ont diminué beaucoup. Et, en 2005, on a retiré aussi les points de vente des pharmacies, bars et restaurants, ce qui a fait que, depuis 2005, les points de service sont passés de 20 000, au Québec, à 7 500 et se sont retrouvés en majorité dans vos commerces. Est-ce qu'il y a une étude qui a démontré une augmentation des revenus? Ou est-ce que ça a été étudié? J'aimerais vous entendre à cet effet-là.

Le Président (M. Bergman) : M. Gadbois.

M. Gadbois (Michel) : En fait, une étude, non, pas précisément. Il faut regarder aussi, je vous dirais, les cycles au niveau des dépanneurs. Mais je n'ai pas d'information immédiatement à vous donner. Mais je sais qu'on a demandé une rencontre dans votre comté. Je vais vous arriver au moins avec une réponse claire et précise là-dessus. En ce moment, j'avoue que je n'ai pas… Puis je ne chercherai pas à inventer une réponse, là, je n'en ai pas une. Mais c'est un bon point, je vais le regarder.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx, il vous reste 1 min 30 s.

• (12 h 30) •

Mme Daneault : O.K. Alors, bon, vous avez aussi souligné le fait que le nombre… les dépanneurs ont de la difficulté. Par contre, quand on regarde Statistique Canada, de 2007 à 2010, le nombre, l'augmentation de commerçants a passé de 3 %... c'est-à-dire de 7 509 à 7 725. Alors, j'essaie juste de comprendre où vous nous… d'où vous prenez vos chiffres. Et je pense aussi… Si je ne m'abuse, je pense que Couche-Tard fait partie de vos commerçants. Je voudrais juste vous signifier qu'on ne semble pas avoir de difficultés financières chez Couche-Tard, hein? Le titre en bourse a augmenté de 74 % en moins d'un an. Alors, quand vous nous arrivez avec ces argumentaires-là, de difficultés, j'aimerais savoir de quels chiffres on parle. Puis, si vous pouvez nous en transmettre une copie, ça serait apprécié.

M. Gadbois (Michel) : Évidemment, en première partie…

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, il vous reste une demi-minute pour la réponse.

M. Gadbois (Michel) : O.K. Le chiffre d'affaires du Québec, là, Couche-Tard, maintenant, représente à peu près 2 % de son chiffre d'affaires, puis, au Canada, c'est à peu près… je vous dirais, même pas 10 %. Ça fait que c'est très difficile de regarder… C'est un phénomène, on doit en être heureux…

Une voix : On est heureux. Ça, c'est sûr qu'on est heureux.

M. Gadbois (Michel) : … et le Québec est une pinotte, là, maintenant, qui a mis au monde ce phénomène-là. Tu peux peut-être juste terminer…

M. Leroux (Guy) : Bien, par rapport…

M. Gadbois (Michel) : …avec les chiffres.

M. Leroux (Guy) : Si vous permettez, par rapport aux chiffres, ce qui est compliqué, Mme Daneault, c'est le fait qu'un dépanneur, c'est quoi? Tu sais, ça va de quoi à quoi? La petite épicerie n'en fait pas partie. Alors, quand on regarde les statistiques, les codes SCIAN, par exemple, ce n'est pas tout à fait la même chose que les données sur lesquelles nous, on se repose pour définir la frontière, la bordure d'un dépanneur. C'est pour ça que vous voyez peut-être, des fois, des chiffres qui montrent une augmentation. Mais je vous assure que, ceux dont on se sert et qui font partie de notre rapport annuel qu'on publie chaque année, dont je vous ai mis un sommaire ici, on fait une étude très rigoureuse du nombre de points de vente qu'on a, et c'est comme ça qu'on a pu affirmer qu'il y a eu une diminution depuis 2008…

Le Président (M. Bergman) : Alors, M. Gadbois, M. Leroux, merci pour votre présentation. Merci d'être ici aujourd'hui, avec nous.

Collègues, pendant le lunch, vous pouvez laisser vos dossiers ici, sur la table. Et, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures, cet après-midi. Merci, collègues. Bon lunch.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

(Reprise à 14 h 3)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix :

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, la commission reprend ses travaux. Je vous rappelle que la commission est réunie afin de procéder aux auditions publiques sur le mandat conféré par l'article 77 de la Loi sur le tabac sur l'examen du rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur le tabac 2005-2010.

Alors, on reçoit maintenant le Réseau du sport étudiant du Québec et on reçoit avec nous M. Philippe Jacques et M. Alain Roy. Alors, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Alors, pour les fins d'enregistrement, vos noms, vos titres et la présentation.

Réseau du sport étudiant du Québec (RSEQ)

M. Roy (Alain) : Donc, Alain Roy, directeur général, Réseau du sport étudiant. Je suis accompagné de Philippe Jacques, responsable des programmes Vie saine au Réseau du sport étudiant du Québec.

D'entrée de jeu, au nom du RSEQ et surtout de l'ensemble des établissements d'enseignement que nous représentons, nous vous remercions de l'opportunité que la commission nous accorde aujourd'hui. Très intéressant de pouvoir émettre notre opinion sur ça.

Je ferais quand même une parenthèse pour vous parler un peu du Réseau du sport étudiant. Parce que, le sport étudiant, qu'est-ce que ça fait dans le tabac? Peut-être vous expliquer rapidement ce qu'on est et ce qu'on fait dans la vie, mais très, très brièvement.

Le RSEQ est un organisme à but non lucratif qui regroupe l'ensemble des établissements d'enseignement du Québec, du primaire à l'universitaire. Donc, tous les ordres d'enseignement sont membres chez nous. Le RSEQ fait la promotion des saines habitudes de vie auprès de tous les jeunes Québécois, et notamment… on a notamment mis sur pied, il y a plus de 10 ans, notre projet De Facto, la vérité sans filtre dans un souci de promotion de la santé et de prévention du tabagisme.

Bien que notre mandat premier est d'assurer la promotion du développement de l'activité physique dans les écoles du Québec, c'est le mandat qu'on a du ministère de l'Éducation, Loisir et Sport, dans le milieu scolaire, nous somme d'abord et avant tout un organisme qui favorise l'éducation, la réussite scolaire et la santé des jeunes, et c'est ça qui nous a amenés à nous impliquer dans la lutte contre le tabac.

Notre vaste réseau regroupe une centaine d'employés permanents. On a un répondant de nos activités dans chacune des écoles du Québec, du primaire, du secondaire, collégial et à l'universitaire, et on a 14 instances régionales, partout au Québec, qui déploient nos activités puis nos programmes Vie saine. On est très impliqués dans la promotion de l'activité physique, évidemment, dans la saine alimentation également et dans la lutte contre le tabac depuis plus de 10 ans.

En s'inspirant du contremarketing et en évitant d'être moralisateur, De Facto relève de façon percutante la vérité sur les pratiques de marketing pernicieuses de l'industrie du tabac, particulièrement auprès des jeunes, et sur les conséquences trop souvent banalisées de l'usage du tabac. Bien que notre projet rejoint directement l'ensemble des étudiants du secondaire, collégial et universitaire, nous impliquons activement nos 185 000 étudiants-athlètes comme ambassadeurs de la cause dans leur milieu. Alors, on a plusieurs outils, stratégies de marketing pour accompagner les jeunes à répandre la problématique et à parler de la problématique auprès de leurs collègues. On a plus de 300 écoles, donc, secondaires, collégiales, universitaires, qui sont impliquées dans notre projet de lutte contre le tabac.

Je vais laisser la parole à mon collègue Philippe Jacques, qui va vous expliquer les principales recommandations de notre mémoire, et je compléterai au besoin.

Le Président (M. Bergman) : M. Jacques.

M. Jacques (Philippe) : Oui. Merci. En fait, comme le mentionnait M. Roy, au Réseau du sport étudiant du Québec, on croit beaucoup aux saines habitudes de vie, donc on a des campagnes lutte au tabagisme, avec De Facto, on a des campagnes sur l'alimentation, sur l'activité physique. Et, au niveau de la lutte au tabagisme, c'est vraiment de la dénormalisation qu'on fait. Ce qu'on veut, c'est que ça ne soit pas normal que les produits du tabac, là, soient aussi populaires, aussi de tribune, de visibilité, et tout. Comme le mentionnait M. Roy, on a, entre autres, les étudiants-athlètes qui portent fièrement… vous avez sûrement déjà vu le logo De Facto sur des tee-shirts d'étudiants-athlètes. Donc, nous on est allés avec les — en anglais — «role models» que sont les étudiants-athlètes, de porter ces gilets-là pour montrer qu'ils s'affirment par rapport à l'industrie du tabac.

Et ce qu'on souhaite faire, comme on le fait dans d'autres campagnes, c'est d'éduquer les jeunes sur les stratégies marketing de l'industrie du tabac. C'est la raison pour laquelle, dans notre mémoire, on a mis la priorité sur des sujets qui touchent plus les jeunes, donc au niveau de l'interdiction des saveurs, les emballages neutres, le moratoire sur les nouveaux produits, les cigarettes électroniques.

Au niveau de l'interdiction des saveurs, seulement vous mentionner qu'il y a une demande. On travaille de près avec les autres organisations de lutte au tabagisme et on a regardé ensemble pour avoir… pour solliciter les gens du Brésil, qui, vous le savez peut-être, en septembre cette année, vont passer une loi qui interdit les saveurs dans les produits du tabac. On a reçu hier un document qui nous explique un peu leur démarche, tout ça, qu'on souhaitait vous soumettre, que vous avez peut-être reçu directement de leur part. On n'était pas certains au niveau de la communication, on a reçu le document hier, malheureusement il était en portugais, donc on l'a fait traduire rapidement avec des petits outils de Google, tout ça; on va le traduire plus officiellement, formellement. Si vous voulez, on pourrait vous envoyer une copie. C'est intéressant parce que ça conte les démarches qu'ils ont faites, ça conte les rencontres avec l'industrie, c'était quoi, là, les arguments de l'industrie pour ne pas aller de l'avant avec ça. Il y a un point également sur la situation du menthol, j'en reparlerai tout à l'heure. Ça fait qu'on pourra vous le faire suivre, là, dans…

Le Président (M. Bergman) : …envoyez le document au secrétaire de la commission, qui va l'envoyer à tous les membres.

M. Jacques (Philippe) : Parfait. Ça fait qu'on va le faire traduire comme du monde, puis on va vous le faire parvenir.

Une voix :

M. Jacques (Philippe) : Bienvenue. Donc, au niveau du Brésil, c'est intéressant, là, ce qui s'en vient au niveau de l'interdiction des saveurs. Nous, c'est sûr, comme je mentionnais, on travaille avec les jeunes, ça fait qu'on est très concernés. On a amené ici ce qu'on peut retrouver, là. Oui, il y a quelques vrais bonbons qui ont été glissés là, mais ça donne une idée de l'apparence, là, des produits avec les saveurs, à quel point ça peut avoir l'air d'objets chocolatés ou de friandises sucrées. C'est un petit peu difficile de croire, là, que l'industrie ne cherche pas à rejoindre les jeunes quand on voit des produits comme ça, que même nous, on se disait : Tabarouette! On a presque envie de l'essayer pour voir qu'est-ce que ça peut goûter, un produit comme ça, là. Ça n'a vraiment pas l'air des cigarettes traditionnelles, disons. Ça fait que c'est ce qui est en vente présentement, et supposément que ce n'est pas pour rejoindre les jeunes, là.

• (14 h 10) •

On a également fait des études. On a le projet Gobes-tu ça?, qui a été le plus gros projet au Québec de dénormalisation de la malbouffe, qu'on a travaillé au niveau des boissons sucrées, boissons énergisantes. Je vous en fais part parce qu'on a fait une étude auprès de 10 000 jeunes sur leur perception du marketing qui est faite à leur égard, puis il y a quand même des parallèles intéressants qui se font de plus en plus entre l'industrie du tabac et l'industrie des boissons énergisantes. Et on remarquait que les jeunes, dans les études qu'on a faites — ça aussi, on pourrait, si vous êtes intéressés, là, vous faire parvenir les documents, les rapports qu'on a produits — les jeunes, ils réalisent certaines stratégies marketing. Ils voient une publicité à la télé, par exemple, des choses comme ça, bon, ils comprennent, c'est de la publicité. Mais, il y a des trucs par rapport à des emballages, par rapport à des stratégies de prix, des noms, ils ne perçoivent pas l'aspect marketing. Ça fait qu'on trouvait que c'était intéressant parce que, si c'est des jeunes qui peuvent voir ce genre de produits là, ils ne vont peut-être pas toujours être conscients, là, du marketing qui est derrière ça, qui est peut-être plus facile pour un adulte de 18 ans et plus à reconnaître.

Donc, nous, ce qu'on demande, c'est l'interdiction des saveurs pour tous les produits du tabac, incluant le menthol. Intéressant, tout à l'heure, d'entendre que c'était 4,5 % des jeunes qui consomment… c'est-à-dire 4,5 % de la population de fumeurs qui consomment du menthol mais que ce n'est pas les jeunes, selon Imperial Tobacco. Nous, ce qu'on a comme chiffres au niveau de l'enquête sur les jeunes au Canada, qui a eu lieu en 2011, dans les 30 jours avant l'enquête, il y a 30 % des fumeurs, au secondaire, qui avaient consommé des produits avec du menthol. Ça fait qu'on n'est pas certains si le menthol est uniquement pour des personnes plus âgées, comme on le prétendait ce matin. Ça, c'est les chiffres d'enquête sur les jeunes, de 2011. Donc, 30 % des fumeurs du secondaire ont consommé des produits avec du menthol dans les 30 derniers jours. Et, au Brésil, de leur côté, ils mentionnent dans le document que le menthol est la saveur la plus populaire auprès des jeunes, selon leur recherche à eux. Donc, c'est ça au niveau de l'interdiction des saveurs.

Puis, bon, le menthol, on trouve aussi important… Juste mentionner ici, c'est un produit qui n'existe pas au Québec, c'est aux États-Unis, mais c'est des cigarettes qu'on peut comme craquer, puis par la suite on peut décider de la dose de menthol qu'on a dans notre cigarette. Ça fait que c'est important d'avoir des interdictions de saveur, tout ça, parce que c'est le genre de produit qui pourrait être en vente au Québec, sinon, prochainement.

Le deuxième point, au niveau des emballages neutres, on en a beaucoup parlé récemment, nous aussi, on recommande qu'il y ait des emballages neutres. Ça, c'est quelque chose aussi, dans notre étude avec Gobes-tu ça?, qu'on a remarqué au niveau des… si on parle de boissons énergisantes, qu'on voit des noms comme Rockstar, Monster, Red Bull, avec les signes, les taureaux, la puissance, la virilité; les jeunes ne voient pas nécessairement le marketing toujours derrière ça. Et nous, on trouve que des noms comme ça, comme au niveau des emballages pour le tabac… Comme on parlait, tout à l'heure, des cigarettes avec des looks minces, qu'on sait que beaucoup de jeunes femmes sont soucieuses de leur poids, de leur image corporelle, nous, on pense que c'est un marketing qui s'adresse directement à elles.

On entend des arguments par rapport à la contrefaçon. On voyait un article récemment sur l'Union européenne, sur les affaires intérieures, qui disait qu'à leur point de vue il n'y a pas plus de risque de contrefaçon avec des emballages neutres qu'avec les emballages actuels. Alors, c'est un argument qu'on entend souvent, qui est réfuté dans ce cas-ci. Et on voit également, en Australie, récemment, que les fumeurs perçoivent le produit comme moins intéressant depuis qu'ils achètent… ils sont certains que la cigarette a été modifiée, tout ça, ce qui n'est pas le cas. Ça fait qu'il y a une perception intéressante de ces gens-là que le produit est moins bon.

Très important aussi — bon, emballage, les saveurs au niveau des jeunes, le moratoire sur les nouveaux produits, on en a parlé — les cigarettes minces, les cigarillos, la cigarette électronique. On aimait le commentaire de M. Bolduc ce matin comme quoi, normalement, un produit, si c'est un vrai produit de lutte au tabagisme, il devrait attendre avant d'être sur le marché. Donc, nous, on recommande, comme l'ensemble des acteurs, qu'il y ait un… que la cigarette électronique, en fait, soit considérée comme les autres produits, donc soit analysée, tout ça, avant que ça ne se retrouve, là, comme c'est le cas, sur le marché.

Et tout ceci, comme je disais, parce qu'on travaille beaucoup avec les jeunes. Et on sait que l'âge d'initiation est de 13 ans, à la cigarette. Des études mentionnent qu'il y a seulement 3 % des jeunes qui pensent encore être fumeurs cinq ans plus tard, alors que, dans les faits, ils se retrouvent à être deux sur trois, à peu près le même taux que chez les adultes, à vouloir arrêter de fumer et ils ne réussissent pas. Donc, c'est superimportant. Nous, on travaille fort pour qu'ils ne commencent pas cette habitude-là.

Et ce qu'on souhaite — quand je parlais, au début, de dénormalisation — c'est que tout ça ne soit pas normal. C'est pour ça qu'on entend parler de campagne dans les dépanneurs, tout ça, sur le cartage, et tout. Pour nous, c'est comme si on rendait ça normal qu'on soit dans un monde qu'il y a autant de gens qui fument. On finit par faire quand même la promotion de fumer la cigarette en disant aux gens que c'est pour les 18 ans et plus, etc. Donc, on travaille fort sur la norme sociale, pour que ça ne soit plus perçu comme normal de fumer. Il nous reste du temps?

Le Président (M. Bergman) : Oui, certainement. Vous avez 4 min 30 s.

M. Jacques (Philippe) : Mon Dieu! Je ne sais pas si…

M. Roy (Alain) : Peut-être pour faire référence aux interventions de ce matin, au niveau des dépanneurs, on a vécu une expérience… De Facto se veut assez agressif dans nos stratégies de contremarketing, et on a voulu mettre des affiches De Facto derrière les comptoirs des dépanneurs en se disant : Bien, c'est là que sont les points de vente, et on va éduquer les gens. Et, dans les premières approches avec Couche-Tard, ils ont manifesté l'intérêt de le faire, et finalement on s'est aperçu qu'il y a eu des interventions d'ailleurs qui ont fait en sorte que le projet n'a pas fonctionné, et les messages qu'on voulait porter n'ont pas eu lieu. Donc, on doute un peu aussi de leur intérêt à s'impliquer activement dans cette cause-là. Notre expérience nous amène à douter de leur intention de vraiment lutter contre le tabac. Donc, c'est juste pour faire référence à nos expériences récentes, d'ailleurs.

Le Président (M. Bergman) : Alors, merci, M. Roy, M. Jacques, pour votre présentation. Maintenant, pour le bloc du gouvernement, Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Roy, bonjour, M. Jacques. Bienvenue à la commission. Je trouve ça très intéressant, l'analogie que vous faites entre le programme Gobes-tu ça? et les produits du tabac. Je trouve que c'est une… et ça se… je trouve que c'est tout à fait judicieux, là, c'est justifié. Je trouve que c'est une belle analogie.

Et l'autre chose intéressante que vous venez de mentionner, c'est un lien, aussi, qui… c'est la première fois que j'entends ce lien-là, c'est-à-dire le phénomène du cartage qui pourrait avoir comme effet pervers de normaliser l'usage du tabac après 18 ans. C'est comme si le message qu'on envoyait : Tant que tu n'as pas 18 ans, tu n'as pas le droit, mais ça ne vient pas lutter… ça ne vient pas renforcer la norme sociale, comme vous mentionnez, au niveau de ne pas utiliser de tabac. Le cartage, on le fait pour l'alcool, et l'alcool… C'est correct de consommer de l'alcool au Québec après 18 ans, mais ça ne devrait pas être correct de consommer du tabac après 18 ans. Et, si on se limite uniquement à cet aspect-là pour limiter l'accès au tabac des jeunes, de cartage… Je trouve que c'est un éclairage extrêmement intéressant que vous venez d'apporter, là. Moi, ça me fait réfléchir.

Je vous ramène maintenant au rapport de mise en oeuvre et l'analyse que vous en avez faite, et ma première question, c'est… On l'a constaté, il y a une stagnation du taux de tabagisme depuis 2005 à 2010. Et, selon vous, qu'est-ce qui peut expliquer le fait qu'on n'ait pas, entre 2005 et 2010, obtenu les mêmes résultats qu'on aurait pu obtenir entre 2000 et 2005, où, là, il y a eu une diminution? Qu'est-ce qui… Est-ce qu'il y a quelque chose qui manquait? Est-ce qu'il y a des éléments, là, que vous êtes en mesure de cibler?

M. Roy (Alain) : Bien, nous, c'est vraiment…

Le Président (M. Bergman) : M. Roy.

M. Roy (Alain) : Oui, merci. C'est vraiment comme on le souligne dans notre mémoire, en fait, c'est qu'on pense que la loi a été respectée — là, j'anticipe une question à venir — on pense que la loi a été respectée mais que, justement, l'industrie est futée, a trouvé les failles pour, entre autres, les cigarillos, avec les ajouts de saveurs. Les dernières études qu'on voyait, il y a plus de jeunes qui fumaient des cigarillos que des cigarettes. Donc, nous, on pense que l'interdiction des saveurs, les emballages neutres…

Même si les personnes mentionnaient, d'Imperial Tobacco, que les gens ne voient pas le produit, les jeunes, ils l'ont quand même, par la suite, avec leurs amis. Les gens voient le produit quand ils fument une cigarette, ils ne s'en vont pas se cacher nécessairement, donc leur entourage le voit également. Donc, nous, on pense… c'est qu'il y a… la loi a été respectée, mais ils ont trouvé des échappatoires pour pouvoir continuer de faire le marketing puis d'arriver avec des produits intéressants qui rejoignent, entre autres, les jeunes, selon nous.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui?

M. Roy (Alain) : Je me permettrais juste une parenthèse. Quand vous parliez de l'idée des 18 ans et des plus jeunes, toutes nos approches qu'on a faites dans l'élaboration de nos campagnes, on… C'est clair que les jeunes de 12, 13, 14 ans s'identifient beaucoup plus haut, vers les adultes, vers les produits qui sont plus attrayants. Donc, quand on regarde les approches marketing ou de contremarketing, on fait toujours référence à… Ce n'est pas vrai qu'après 18 ans toutes les stratégies qui sont adoptées ou que l'industrie met en place, elles rejoignent directement les jeunes de 12, 13, 14 ans. C'est comme s'il y a un écart de quatre, cinq ans qu'il faut considérer, là.

Mme Proulx : Justement, dans votre mémoire, vous parlez beaucoup du contremarketing. Est-ce que vous pourriez nous expliquer un peu plus ce que c'est que le contremarketing et nous donner peut-être des exemples concrets, là, d'application de cette stratégie?

Le Président (M. Bergman) : M. Jacques.

• (14 h 20) •

M. Jacques (Philippe) : Oui, merci. Le contremarketing, en fait… Mon exemple, ça va être encore avec les boissons énergisantes, là. Par exemple, ce qu'on a fait, c'est de montrer aux jeunes que les boissons énergisantes, c'est toute une question de marketing, c'est juste le look, le nom du produit, les promesses, les bénéfices qui sont vendus, mais que, dans le fond, on pourrait prendre une bouteille d'eau, avoir un superdesign, promettre des choses qui ne sont pas toujours vraies, et tout ça. Ça fait que c'est de les éduquer, dans le fond, les éduquer au marketing pour qu'après ça ils puissent avoir un regard plus sceptique, de se demander si c'est vraiment le produit qui est intéressant ou qui les intéresse ou si c'est tout ce qui va autour, puis qu'ils se rendent compte à quel point le marketing est puissant pour leur faire essayer ou consommer des produits que, si c'était vendu, présenté autrement, ils n'auraient peut-être pas eu d'intérêt à l'essayer.

Mme Proulx : Et... Oui?

M. Roy (Alain) : J'ajouterais encore — on travaille en équipe : Notre approche, c'est de ne pas être moralisateurs, puis faire appel aussi à l'intelligence des jeunes en les informant puis en leur démontrant qu'ils se font avoir dans la consommation, puis juste simplement leur démontrer les conséquences. Parce qu'on sait que, si tu dis à un jeune de ne pas fumer, que fumer, ce n'est pas bon, ce n'est pas l'approche qu'il faut employer avec des adolescents. Donc, toutes nos campagnes, nos stratégies de contremarketing sont paramétrées avec cette vision-là de faire appel à leur intelligence, pas d'être moralisateurs, pas de descendre ceux qui fument ou de... mais plutôt de les informer comment ils se font avoir, comment ils se... l'industrie est milliardaire, ils font des profits sur leur dos, puis, en bout de ligne, ils veulent les tuer.

Mme Proulx : Et comment vous évaluez...

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Pardon. Et comment vous évaluez la réaction? Est-ce que vous jugez que ça a un impact? Est-ce que les jeunes sont réceptifs à des stratégies de contremarketing? Est-ce que ça les fait prendre conscience, là, de certains aspects? Est-ce que vous trouvez que ça a un impact positif?

Le Président (M. Bergman) : M. Jacques.

M. Jacques (Philippe) : Merci. Oui, on le voit. On fait des études après nos campagnes, entre autres, auprès des jeunes et on voit qu'il y a plus de gens… Par exemple, l'an dernier, on avait une campagne sur la culpabilité, la responsabilité de l'industrie et on voit qu'il y a... de mémoire, c'était 83 % des jeunes qui estimaient que l'industrie est responsable de la mort des gens qui décèdent des causes du tabagisme. Et on pense qu'on travaille dans le sociétal. Ce qu'on souhaite, c'est que la norme devienne encore plus élevée, versus que les gens estiment que c'est de la faute aux fumeurs, qui est l'argument qu'on entendait plus auparavant. Ça fait que c'est comme ça qu'on évalue si on réussit à être efficaces avec ces campagnes-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Dans le rapport… Le rapport relate des problèmes quand même significatifs des jeunes qui sortent de l'école. Et vous recommandez, dans votre mémoire, au gouvernement, de supporter les écoles et... soit travailler avec les communautés dans cette problématique-là. Concrètement, est-ce que vous avez des recommandations spécifiques? Qu'est-ce qu'on peut faire, comme gouvernement, pour mieux supporter le réseau scolaire sur cet aspect précis des jeunes qui sortent de l'école et de la cour?

M. Roy (Alain) : Bien, je pense que… de soutenir des campagnes de prévention comme on le fait, je pense que c'est la voie de l'avenir. Le gouvernement le fait déjà, parce qu'on est supportés dans ce projet-là, mais on pourrait aller encore beaucoup plus loin, puis d'autres groupes de santé, aussi, pourraient appuyer ça. Je pense que…

Mme Proulx : À votre connaissance, est-ce qu'il y en a beaucoup, des groupes qui ont des interventions précises dans les écoles, auprès des plus jeunes?

M. Roy (Alain) : Bien, ce matin, on avait nos collègues des Gangs allumées, et nous, je pense qu'on est les deux principaux acteurs dans ça. Il y a probablement d'autres actions qui se font, mais je dirais que c'est les deux principales.

Mme Proulx : Vous êtes comme les deux groupes les plus organisés, là, à ce niveau-là.

M. Roy (Alain) : Les plus déployés, je dirais.

Mme Proulx : O.K., parfait. Merci.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Oui, merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci d'être là. Bon, effectivement, vous avez parlé des campagnes qui sensibilisent les jeunes au marketing, et tout ça, au contremarketing. Ce matin, on a vu aussi que c'était souvent par le biais des pairs, donc d'autres jeunes qui parlent à d'autres jeunes, ça a beaucoup plus d'impact qu'une approche moralisatrice, comme vous avez expliqué. Est-ce que vous avez mis ce genre de mesure là aussi? Vous êtes là-dedans?

M. Roy (Alain) : C'est vraiment exactement ce qu'on fait, c'est-à-dire qu'à chaque année on imprime, on donne, distribue dans les écoles 75 000 tee-shirts De Facto et on fait une intervention auprès d'eux pour qu'ils s'impliquent dans cette cause-là, qu'ils deviennent des ambassadeurs de la cause. Parce qu'on sait que les jeunes sportifs sont quand même des modèles importants à l'école : ils vont gagner un championnat, représentent leur école, tout ça, et c'est normalement des jeunes en santé et qui doivent parler. Des jeunes qui parlent à des jeunes, c'est une stratégie très importante, puis c'est ce qu'on utilise constamment.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Oui. Dans la dernière loi, on avait mis une interdiction de fumer à moins de neuf mètres de certains lieux qui touchent particulièrement les jeunes, les écoles et ce genre de... Pouvez-vous nousdire, vous, ces mesures-là, trouvez-vous que ça a été suffisamment encadré? Est-ce qu'il y aurait des choses qu'on aurait àfaire pour améliorer afin que cette mesure-là soit plus efficace, plus rigoureuse ou... J'aimerais vous entendre sur cet aspect-là.

M. Roy (Alain) : Pour avoir visité les écoles de façon régulière, moi, j'ai vu que ça a pris un certain temps à s'adapter. Maintenant, je pense que c'est assez bien géré, tous ces aspects-là. Je vous dirais qu'au niveau collégial, universitaire, c'est aussi une problématique. On regarde... on focusse souvent nos interventions sur le secondaire, nos jeunes de 18 ans et moins, mais, au collégial, il y a énormément de fumeurs, et je ne suis pas sûr que la règle de neuf mètres est aussi bien gérée qu'au secondaire. C'est ce que j'ai vu sur le terrain. Universitaire, je ne peux pas vous dire, mais, au collégial, il y a moins de contrôle, c'est moins encadré qu'au secondaire. Ça fait que moi, je vois... il y aurait quelque chose à explorer, là, pour voir davantage qu'est-ce qui se passe. C'est mon expérience du terrain.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Écoutez, je n'ai pas d'autre question qui me vient en tête présentement. Je vais laisser la parole à mon collègue.

Le Président (M. Bergman) : M. le député d'Argenteuil.

M. Richer : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci d'être là. On a parlé de marketing, là, des développements. Et, parmi vos sportifs, j'imagine qu'il y en a quand même un bon pourcentage de sports d'élite. Est-ce que vos athlètes d'élite sont influencés? Est-ce qu'il y a un pourcentage de fumeurs chez vos sports d'élite, vos sportifs?

M. Roy (Alain) : On n'a pas de donnée directement sur nos étudiants-athlètes, mais il y en a… La plupart ne fument pas parce qu'ils ont une préoccupation de performance. Plus on monte au niveau de l'élite... Je ne pense pas qu'un joueur de football du Rouge et Or aurait avantage à fumer, ça va le nuire. Puis on se sert beaucoup de ça pour démontrer aux autres jeunes que ça nuit. Puis on le fait aussi en alimentation, avec les boissons énergisantes, tout ça. Mais on n'a pas de statistiques précises là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : M. le député d'Argenteuil.

M. Richer : Merci. J'imagine que vous êtes régulièrement en contact avec les... le mot m'échappe, mais, au niveau des sports plus spécialisés, au niveau des réseaux, je ne sais pas, moi, de hockey, de baseball, de ça.

M. Roy (Alain) : Oh! absolument. Ça, c'est moins le quotidien de Philippe, mais c'est un peu le mien.

M. Richer : O.K. Ce constat-là est le même aussi au niveau des fédérations sportives?

M. Roy (Alain) : Oui. Par contre, les fédérations sportives n'ont pas les préoccupations santé que nous, on a. Ils sont beaucoup plus dans la performance sportive, alors que nous, on est dans l'éducation envers les jeunes. Donc, on a beaucoup plus de préoccupations. Et, comme on travaille avec les écoles, bien, on est tout le temps confrontés à la réussite académique puis à la santé de nos jeunes. Donc, on a une approche un peu différente que les fédérations sportives, qui sont beaucoup plus centrées sur les performances sportives. Nous, on veut le faire... Dans le fond, pour nous, le sport, c'est unprétexte à l'éducation des jeunes et à leur santé. Donc, on a vraiment une approche quand même assez différente dans ça.

M. Richer : O.K. Au niveau du suivi, la loi prévoit un dépôt de rapport d'activité aux cinq ans avec révision. J'ai posé la même question, parce que je considère que l'industrie du tabac est très, très active : Est-ce que, pour vous, réévaluer les lois, soit l'application de la loi actuelle ou d'éventuelles lois... d'une loi bonifiée, est-ce que cinq ans est un trop long délai ou ça vous paraît suffisant pour vérifier l'application des mesures qui sont contenues dans la loi, finalement?

Le Président (M. Bergman) : M. Jacques.

M. Jacques (Philippe) : Oui, c'est bon.

M. Roy (Alain) : Non. Moi, je vous dirais qu'un délai de cinq ans, ça m'apparaît suffisant, parce que c'est quand même un processus assez long. Mais c'est sûr que, on l'a vu, ils s'adaptent assez rapidement aussi. Ça fait que c'est important qu'il y ait une révision de la loi, puis maximum cinq ans. À mon humble avis, ça serait le plus bénéfique, là, parce qu'ils s'adaptent rapidement, ils déploient des stratégies pour atteindre leurs objectifs.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : J'ai une autre question qui m'est venue par la suite : Selon ce que vous nous avez dit, qu'au niveau du collégial c'est un problème, sur le terrain, qui est plus évident, est-ce que vous avez des pistes, par contre... La question, la sous-question, là, qui m'est venue par la suite, c'est : Est-ce que vous avez des pistes à nous donner, compte tenu que vous êtes souvent sur le terrain, que vous pensez... Qu'est-ce qui pourrait être efficace, dans le fond?

Le Président (M. Bergman) : M. Roy.

M. Roy (Alain) : Mon constat est que tous les programmes en saines habitudes de vie puis en lutte au tabagisme concernent souvent les 18 ans et moins. Et, après 18 ans, on dirait que le phénomène s'arrête, alors que ce n'est pas vrai, il se poursuit et s'accentue dans le cas du tabac. Et là on est probablement le seul qui se préoccupe de la clientèle collégiale et universitaire.

Ceci dit, on sait que ce n'est pas tous les jeunes qui sont au collégial et universitaire, hein? Là, il y a un décrochage qui se fait. Donc, il faudrait se préoccuper des 18-24 ans, à mon avis, dans la question de la lutte contre le tabac, davantage. Nous, on est un outil. Soutenir davantage ces approches-là mais développer de la prévention, des approches… des campagnes de prévention autour de cette clientèle-là, moi, je pense que ça serait essentiel et important. J'ai l'impression que c'est là que ça se passe, au secondaire, mais il ne faut pas oublier après le secondaire.

Le Président (M. Bergman) : Ça va?

Mme Gadoury-Hamelin : Ça va pour moi.

• (14 h 30) •

Le Président (M. Bergman) : Alors, maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, et je vais prendre la première question.

Dans votre mémoire, vous faites référence à l'interdiction de fumer sur les terrains des écoles primaires et secondaires, et vous faites référence au rapport de la mise en oeuvre de la Loi sur le tabac qui parle des problèmes où les jeunes sortent de la cour d'école pour aller fumer sur les terrains avoisinants, dans les abribus à proximité. Et vous faites référence à un petit moyen d'attirer l'attention : communication. Mais est-ce qu'il y aurait une solution concrète sur ce problème? Car c'est vraiment les jeunes et c'est le moment pour les décourager pour aller fumer hors des terrains de jeu et peut-être pour employer ces terrains pour jouer du sport au lieu d'aller fumer sur le terrain du voisin. Est-ce que vous avez des suggestions à nous faire sur cette question?

M. Jacques (Philippe) : Pour être honnête, question ressources humaines et financières, ce n'est pas quelque chose qu'on a beaucoup analysé et réfléchi. Mais, vite comme ça, c'est sûr qu'il pourrait y avoir des… Ce qu'on essaie de faire ressortir dans le mémoire, c'est que, oui, il y a un aspect législatif sur lequel on... Bon, l'interdiction des saveurs, emballage neutre, tout ça, on en a parlé. Mais, pour des cas comme ça, on pense que, oui, il y a du légal, mais il y a aussi de la prévention. C'est peut-être... je ne sais pas, il y a-tu des escouades qui vont voir ces gens-là? Il y a-tu, des fois, des campagnes d'affichage, et tout ça? On pense qu'il peut y avoir d'autres moyens de communiquer, mais, honnêtement, on n'est pas allés plus loin, là, dans les réflexions par rapport à ça.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bien, vous avez deviné la première question. Suite à la dernière loi qui a été mise en place, aujourd'hui on fait l'évaluation. Quelle est votre perception de la réussite au niveau de la mise en oeuvre? Ou il y a-tu des choses que vous voyez qui auraient dû être faites différemment?

M. Roy (Alain) : Je pense que c'est une réussite. La mise en oeuvre, c'est une réussite, on a fait des gains, mais visiblement l'industrie s'est adaptée, puis on a encore beaucoup de gains à faire, vu que les taux de tabagisme n'ont pas si progressé que ça. Donc, je pense que oui, pour répondre franchement, ça serait oui, mais il y a beaucoup plus... encore beaucoup de travail à faire.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Je vous dirais : Mais, après la prochaine loi, il va y en avoir encore, parce que c'est... il faut toujours s'adapter puis il faut accepter cette règle-là.

M. Roy (Alain) : Oui, c'est ça. Probablement. Absolument.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Votre organisation, le mandat premier, ce n'est pas le tabagisme.

M. Roy (Alain) : Non.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Est-ce que vous pourriez m'en parler un peu puis comment ça s'incorpore dans les pratiques quotidiennes? Et puis, également, qui vous finance, qui vous supporte, là?

M. Roy (Alain) : Notre financement provient à 60 % de nos membres, qui sont les établissements d'enseignement primaire, secondaire, collégial, universitaire. Il y a un 6 % de notre budget qui provient du ministère de l'Éducation, Loisir et Sport pour notre mandat sport. Et, dans nos campagnes De Facto, on reçoit un... Dans De Facto précisément, on reçoit un soutien du ministère de la Santé et des Services sociaux. Certaines campagnes au niveau de l'alimentation sont subventionnées par Québec en forme ou appuyées par Québec en forme.

C'est sûr que notre nom, Réseau du sport étudiant du Québec, ne nous amène pas directement dans le tabagisme, mais, comme je vous disais tantôt, notre mission, c'est l'éducation, la réussite scolaire des jeunes et la santé des jeunes. C'est ce qui nous a amenés là-dedans.

Pour vous faire image, lors de la réforme… Au début des années 2000, dans le milieu scolaire, il y a eu une réforme, et les professeurs d'éducation physique sont devenus des professeurs d'éducation physique et à la santé. Ils se sont retournés automatiquement vers nous en disant : Qu'est-ce que je peux faire pour enseigner la santé? Est-ce que mon sport étudiant, qui est un organisme, peut répondre aux besoins des écoles? Et c'est comme ça qu'on s'est investi corps et âme dans plusieurs projets d'activité physique, saine alimentation et tabagisme. C'est un peu comme ça qu'ils nous amènent là-dedans.

Et étonnamment, dans notre projet De Facto, notre milieu a vraiment pris le flambeau. Vous allez voir, dans tous les gymnases du Québec, il y a une affiche De Facto, sur la plupart des terrains, entre autres les universités qui sont… le football universitaire qui est notre porte-étendard. On a profité de l'occasion pour mettre des messages à la télé, De Facto, pour faire parler de la cause et on utilise souvent les étudiants-athlètes du niveau universitaire qui vont dans les écoles collégiales et secondaires parler de la problématique du tabac. Donc, c'est un peu comme ça que ça se vit au quotidien. Au quotidien, on organise le sport, mais il y a toutes sortes de campagnes de promotion qui se greffent à ça. Et, comme on est dans le milieu de l'éducation, bien, ça a été d'un naturel...

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bien, je trouve que c'est intéressant, parce que, là, on regarde comment… en focussant sur le tabac, qu'est-ce qui doit être fait, puis on regarde toutes les stratégies. Mais il y a cette stratégie-là, que j'appellerais une stratégie de convergence, où, plutôt que d'avoir une approche tabac, on a une approche santé générale, saines habitudes de vie. Puis, moi, à ma connaissance, les gens qui font du sport, je n'ai pas de statistiques précises, mais, en général, ce qu'on voit, c'est que, les gens qui font du sport, il y a un moins haut pourcentage de fumeurs que ceux qui ne font pas de sport. Donc, c'est une façon indirecte d'amener des gens à prendre leur santé en main. Puis, si tu fréquentes des gens qui fument moins, qui font plus de sport, généralement tu as moins, peut-être, de probabilités de fumer. Ça fait que je trouve que c'est une stratégie qui est intéressante.

Les prochains objectifs que vous vous fixeriez, en termes d'atteinte de votre clientèle cible, il y a-tu des nouveaux projets que vous voulez mettre en place qui vont aider les gens à cesser de fumer ou à ne pas commencer à fumer?

M. Roy (Alain) : Bien, on a un soutien financier intéressant pour la campagne De Facto, mais c'est sûr qu'on pourrait faire beaucoup plus. On veut faire une campagne… On essaie de plus en plus dans les médias sociaux, ça demande énormément de budget, et à la télé aussi, parce que, quand on veut contrer tout le marketing qui est autour puis qu'on veut faire du contremarketing, ça prend quand même beaucoup de sous. C'est sûr que d'avoir un meilleur soutien financier pour aller davantage accentuer nos campagnes, ça serait vraiment intéressant. Puis, comme je vous disais tantôt, les 18-24 ans, on est très préoccupés aussi par cette question-là, parce qu'on sait que les jeunes de 12, 13, 14 ans s'identifient à cette clientèle-là. Donc, automatiquement, en visant les 18-24, bien, on rejoint les plus jeunes. C'est un peu comme ça que… Je ne sais pas si…

Le Président (M. Bergman) : M. Jacques.

M. Jacques (Philippe) : Bien, pour compléter, en fait, on trouvait ça intéressant quand… On parle de dénormalisation, il y a quelques mois, j'entendais une histoire, qu'on trouvait intéressante, de deux jeunes filles qui parlaient d'un étudiant-athlète qu'elles admiraient beaucoup, qu'elles trouvaient hot, tout ça, mais il y en a une des deux qui a fini par dire : Ah, sauf qu'il fume, puis l'autre a comme fait : Yark! Puis on trouvait que c'était bien. Puis ce n'est pas une histoire qu'on aurait entendue avant, que des jeunes admirent quelqu'un puis… bon, peut-être au niveau du sport ou parce qu'il était cute, là, je ne sais pas toute l'histoire, mais de dire «yark» parce que l'autre lui mentionne : Mais il fume, c'est un fumeur.

Ça fait qu'on travaille beaucoup sur cette norme-là, et, comme le mentionne M. Roy, c'est au niveau des modèles aussi que ça donne. Oui, l'âge d'initiation est à 13 ans, mais ils s'initient aussi en voyant, justement, des plus vieux, et tout ça, fumer.

Et ce que vous mentionniez, également, je regarde mon propre beau-frère qui a commencé à courir, il y a à peu près deux, trois mois, un premier cinq kilomètres, je l'ai vu à un moment donné, il toussait, il s'arrachait les poumons, je me dis : Mon Dieu! Il a terminé sa course, il dit : Regarde, il dit, moi, j'arrête de fumer, il dit, ça n'a pas d'allure. Puis, dans les derniers mois, il n'a pas retouché à la cigarette. Ça fait que c'est sûr que le sport est une façon que tu te rends compte qu'à un moment donné ça ne fonctionne pas, c'est incompatible. Puis ça l'a amené à avoir des meilleures habitudes de vie depuis qu'il fait du sport, au niveau même de l'alimentation, mais ça va plus large que seulement la cigarette.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Si je comprends, la nouvelle stratégie, ce serait que les filles ne sortent qu'avec des hommes non-fumeurs. J'ai deux garçons, j'encourage ça, j'encourage ça. Et l'inverse serait vrai également.

Bien, écoutez, je veux vous féliciter du travail que vous faites, parce qu'on n'en entend pas nécessairement parler beaucoup au niveau public, parce que vous avez des clientèles cibles, puis il y a toujours des budgets qui sont limités, mais je vois que ça peut avoir des effets extrêmement importants. Puis, entre autres — peut-être juste pour terminer, avant que je laisse la parole — la question des ambassadeurs-athlètes, là, ça, c'est le principe du modèle, là, qu'on veut suivre. Et, comme de fait, quelqu'un qui ne fume pas, qui sert de modèle à d'autres, il y a moins de chances que les autres vont fumer également. Ça, ça doit être un modèle qui est assez porteur.

M. Jacques (Philippe) : Oui, c'est…

Le Président (M. Bergman) : M. Jacques.

M. Jacques (Philippe) : Merci. C'est effectivement porteur. Quand on fait les remises, aussi, des gilets, oui, c'est les étudiants-athlètes, mais c'est aussi… on essaie le plus souvent possible que ça soit le coach, l'entraîneur qui effectue cette remise-là, et tout. Ça fait qu'il y a une symbolique assez forte, parce que, quand tu es un jeune, tu es dans une équipe sportive, ton entraîneur, c'est comme le… j'allais dire, c'est Dieu, là, mais enfin vous comprenez, là, c'est vraiment… vous le voyez très haut, là, dans votre estime. Ça fait que, si cette personne-là porte ce message-là, y croit aussi, ça te donne vraiment envie, comme lui, de dire non à l'industrie puis de reconnaître ses pratiques.

M. Roy (Alain) : Et on sait que les équipes sportives, c'est ce qui représente mieux l'école. C'est donc les modèles qu'il faut utiliser, je pense, pour passer ces messages-là. C'est ça, vraiment, notre stratégie.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Merci, M. le Président. Merci beaucoup d'être là et de faire votre présentation. N'ayant pas de jeune chez nous, je ne vous connaissais pas tellement bien, mais vous apportez quelque chose de nouveau, et j'apprécie ça énormément.

Je me pose une question. Je regardais un rapport du Centre québécois de lutte aux dépendances, O.K.? D'après le rapport, 35 % de jeunes de 15 à 24 ans consomment la drogue. 35 %, c'est très élevé. Et ce n'est pas vendu dans des paquets sexys qui ressemblent au chocolat ou les bonbons, etc. Alors, cette question de prendre de la drogue ou de fumer la cigarette, est-ce qu'on est en train de l'adresser de la bonne façon? Je vous pose cette question. Si on regarde l'ensemble du problème, est-ce que… Vous, je présume que vous faites aussi de l'éducation quant à la drogue.

• (14 h 40) •

Une voix : Bien, dans le dopage sportif, donc… Mais je fais un parallèle avec.

Mme de Santis : O.K. Alors, est-ce que peut-être on peut réfléchir là-dessus pour quelques instants?

M. Roy (Alain) : Bien, mon parallèle que je ferais...

Le Président (M. Bergman) : ...

M. Roy (Alain) : Merci. Les boissons… Si on regarde le dopage sportif, parce que ça, c'est quelque chose qu'on regarde précisément, la consommation de boissons énergisantes, qu'on a étudiée dans le cadre de notre étude de 10 000 jeunes, amène une conduite dopante, c'est un phénomène direct, et les gens qui sont en dopage sportif nous... Plusieurs études le démontrent. Donc, de commencer à prendre des boissons énergisantes, ça t'amène à prendre d'autres choses. J'ai l'impression qu'on pourrait faire le même parallèle avec la cigarette. De fumer la cigarette, bien, ça pourrait t'amener à aller vers d'autres choses plus facilement que si tu n'es pas un fumeur.

Mais, au-delà de ça, je ne peux pas vous donner d'appui plus scientifique que ça, mais, dans le milieu du sport, c'est ce qu'on voit.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Une autre chose qui m'inquiète, c'est un... Je suis tout à fait d'accord que la mise en oeuvre de la loi de 2005, c'est positif. Sauf que, quand je regarde le taux de tabagisme, ça reste plutôt stable, «stagnating». D'après vous, pourquoi? Qu'est-ce qu'on devrait faire différemment? Parce que, pour chaque personne qui arrête de fumer, il y a quelqu'un qui commence, et la personne qui commence, très souvent, c'est quelqu'un de jeune.

Le Président (M. Bergman) : ...

M. Jacques (Philippe) : Oui. Nous, c'est ce qu'on recommande, en fait, dans notre mémoire. On pense que ça... Nous, on est persuadés que ces produits-là, ces saveurs-là, ces emballages-là ciblent les jeunes. On n'est pas les seuls à savoir que l'âge d'initiation est de 13 ans, les compagnies de tabac le savent également. Ça fait qu'on est certains que c'est des produits qui les ciblent. Donc, pour nous, d'interdire des saveurs, d'avoir des emballages neutres... Comme je mentionnais, déjà, en Australie, les fumeurs ont l'impression que leurs cigarettes sont moins bonnes. Les saveurs, il y a beaucoup de jeunes qui commencent avec le menthol, ou d'autres saveurs plus douces, ou, bon, la chicha parce que tu t'étouffes moins, tout ça. Ça fait qu'on pense qu'il y a une porte d'entrée là qui peut être fermée, le moratoire sur les nouveaux produits, la cigarette électronique.

Et, comme on le mentionnait aussi, des campagnes, nous, on croit que nous… et d'autres acteurs qui ont passé depuis hier ont également une influence avec des campagnes. Chacun a un peu ses sphères, nous, on est plus dénormalisation, il y en a qui sont sur autre chose, mais on pense que les campagnes également, c'est positif, là, de ne pas seulement voir l'aspect toujours législatif ou coercitif mais d'avoir aussi des campagnes de sensibilisation.

Et, comme on le mentionnait, nous, c'est avec des tons pas moralisateurs. On le sait qu'auprès des jeunes ça ne fonctionne pas. Ça fait que d'essayer de leur faire comprendre... Je refais le parallèle avec les boissons énergisantes parce que c'est vraiment un dossier chaud, que les jeunes voient ça comme la superboisson qui leur donne des pouvoirs magiques, alors qu'en fait c'est superproblématique, là, au niveau de la caféine, au niveau de l'excitation que ça donne, rythme cardiaque, palpitations, et tout. Ça fait qu'on est en train de démystifier auprès des jeunes ce produit-là, comme la caféine, en général, que tu as un certain «boost» puis après tu descends encore plus bas.

Donc, c'est ce qu'on recommande, d'y aller avec ce qu'il y a dans le mémoire, qui est la position commune des organismes, et d'avoir des campagnes de sensibilisation aussi pour rejoindre directement les jeunes.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Aujourd'hui, nous avons entendu dire que les jeunes obtiennent leurs... Il reste combien de temps?

Le Président (M. Bergman) : ...cinq minutes. Cinq minutes.

Mme de Santis : O.K. Dernière question. On a entendu dire que les jeunes obtiennent leurs cigarettes de leurs parents, des oncles, des tantes dans leur réseau social. Qu'est-ce qu'il faut faire pour s'assurer que les adultes qui fournissent les cigarettes à leurs enfants soient plus conscients de ce qu'ils sont en train de faire? Parce qu'il y a une certaine responsabilisation des parents qu'il faut aussi faire, d'après moi.

M. Roy (Alain) : Moi, en partant, j'avoue que je ne le sais pas à quel point c'est vraiment les parents ou d'autres jeunes qui procurent des cigarettes à ces jeunes-là. Des fois, j'ai l'impression que c'est les arguments qu'on entend de l'industrie pour dévier le sujet vers autre chose que d'y aller avec des lois. Je ne suis pas certain qu'il y a tant de parents que ça qui fournissent des cigarettes à leurs enfants, là. J'avoue que je suis un peu sceptique par rapport à ça, là. Je ne sais pas.

Mme de Santis : Mais est-ce qu'il y a une sensibilisation de faire aussi auprès des parents, d'être plus veillants là-dessus?

M. Roy (Alain) : Probablement. Probablement. C'est sûr que nous, on est plus directement impliqués directement dans les écoles puis auprès des jeunes. Mais, vous avez probablement raison, il y a peut-être quelque chose à regarder là. Mais je ne peux pas vous donner d'autres éléments de réponse que... Philippe, je pense, amène un point intéressant, qu'on pourrait être peut-être un peu sceptiques, des fois, sur l'ampleur de ces phénomènes-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Bonjour, merci. Bien, je vais prendre la balle au bond, parce qu'hier on entendait des intervenants qui nous ont amené des statistiques à l'effet qu'il y a quand même un nombre, un pourcentage important des jeunes qui sont hébergés ou qui sont pris en charge par la protection de la jeunesse qui consomment des produits du tabac. Et, pour être en mesure de consommer des produits du tabac, il doit y avoir un adulte quelque part qui les autorise à fumer à l'intérieur des établissements. Puis ce n'est pas des gens de l'industrie, là, c'est des gens de la Santé publique qui nous ont apporté ces chiffres-là, un peu pour nous sensibiliser et aussi pour nous amener à nous questionner sur l'interdiction de fumer dans tous les établissements du milieu de la santé et des services sociaux, incluant les centres jeunesse. Donc, peut-être simplement vous ramener ça, on a des parents… Puis, je vous dirais, peut-être en milieu défavorisé, là où l'éducation… il y a une éducation sociale qui reste à faire, on a beaucoup de jeunes qui fument avec leurs parents, malheureusement.

Et donc je comprends que vous, vous êtes dans le milieu scolaire, vous êtes là. Moi, je vous connais parce que j'en ai deux en milieu scolaire. Donc, je sais ce que vous faites, je sais ce que votre organisme fait auprès des jeunes puis j'en profite pour vous féliciter.

Je suis très curieuse sur les moyens qu'on peut prendre pour serrer la vis un petit peu aux difficultés d'application de la loi dans le milieu scolaire. Vous parliez tout à l'heure du milieu collégial, du milieu universitaire. Votre mémoire fait état aussi des écoles primaires et secondaires. Vous dites : Bien, on devrait sensibiliser davantage. Mais, vous, comme intervenants dans le milieu, qu'est-ce que vous verriez comme étant une mesure qui pourrait être mise en place, que ce soit par les commissions scolaires ou que ce soit par le gouvernement, pour justement serrer la vis et faire en sorte qu'on ne va pas permettre, ou on ne va pas tolérer — je ne dis pas «permettre», je pense plutôt «tolérer» — ou fermer les yeux sur des pratiques qui n'ont pas leur raison d'être?

Le Président (M. Bergman) : M. Roy.

M. Roy (Alain) : Je vous dirais qu'il faut aussi être prudents dans les ressources que les écoles ont pour appliquer tout ça, hein? Souvent, toutes les interventions en saines habitudes de vie, on dit : On va passer par l'école, on va passer par l'école. Mais les ressources… On se fait dire souvent que les écoles ont des ressources limitées, ont peu de ressources humaines pour gérer tout ce qu'elles ont à gérer. Et, je vous dirais, à mon avis, il y a quelque chose là qu'il serait important à regarder, et d'autant plus vrai au collégial, où ils n'ont pas ces préoccupations-là aussi importantes des ressources affectées à certains contrôles. En tout cas, de mon avis, il y a une question de ressources, là. Je ne sais pas si…

Mme Vallée : Mais disons…

Le Président (M. Bergman) : M. Jacques, est-ce que vous…

M. Jacques (Philippe) : Non, ça va.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Disons que, dans le meilleur des mondes, on a des ressources. Puis je comprends ce que vous me dites parce qu'on l'entend, nous aussi, beaucoup, à titre d'élus.

M. Roy (Alain) : …il y a une pression budgétaire incroyable sur le milieu de l'éducation, donc ça…

Mme Vallée : On en entend parler légèrement dans nos circonscriptions…

M. Roy (Alain) : Oui, j'imagine, j'imagine.

Mme Vallée : …avec des hausses de 30 % à 37 %. Mais là on n'est pas là-dessus. Mais, au-delà des ressources, avez-vous des idées de mesures qui pourraient être mises en place? La question des ressources viendra après, parce que, là, on apporte… Dans le fond, aujourd'hui, on apporte plein d'idées, puis après ça, bien, il y aura un travail à faire, à déterminer qu'est-ce qu'on priorise comme actions.

M. Roy (Alain) : Directement sur cet aspect-là, je ne pense pas qu'on a réfléchi à des idées par rapport à ça, mais on pourrait regarder ça. Une campagne de prévention… Nous, on a un réseau de communication important dans chaque école, donc on pourrait essayer d'explorer ça. Mais, pour l'instant, je ne suis pas… moi, il n'y a rien qui me vient en tête. Désolé.

Mme Vallée : …merci beaucoup.

Le Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au bloc de l'opposition officielle. Et maintenant, pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.

• (14 h 50) •

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci. Merci de votre présence, c'est très apprécié. J'aurais une question à vous poser. Parce qu'on assiste actuellement, au Québec, à un phénomène qui est en croissance de plus en plus chez nos jeunes, c'est la consommation de chicha, avec la pipe à eau, et qu'on semble méconnaître au niveau de la population, des jeunes. Même ce matin, je ne sais pas si vous étiez présents, mais notre invitée de 15 ans, qui est dans La gang allumée, n'était pas au courant non plus de ce que contient la pipe à eau ou la chicha, alors qu'on sait qu'une session de 60 minutes de chicha équivaut à 100 à 200 cigarettes puis en plus de contenir des métaux lourds comme du plomb, de l'arsenic et six fois plus de monoxyde de carbone. Alors, en plus, évidemment, elle peut être consommée à l'intérieur des bars et des endroits publics, puisqu'elle n'est pas encadrée par la loi québécoise sur le tabac.

Alors, ce phénomène-là, j'ai l'impression… en tout cas, moi, je le vis dans mon milieu, j'ai l'impression que les jeunes banalisent les sessions de pipe à eau, là, de chicha et n'ont pas l'impression de fumer l'équivalent de 100, 200 cigarettes, encore moins de monoxyde de carbone. Ils ont l'impression de prendre de l'eau un petit peu aromatisée aux pommes, aussi à ça. Alors, c'est un phénomène qui est croissant. Il y a 18 % des jeunes de 16 à 19 ans qui ont dit qu'ils avaient déjà consommé de la chicha lors d'une enquête récente, en 2010, alors que c'est 12 % dans l'ensemble du Canada. Est-ce que c'est quelque chose que vous avez adressé ou qui va être adressé à votre population?

M. Jacques (Philippe) : Oui. Bien, on est conscients du phénomène. Puis effectivement je pense qu'il y a beaucoup de gens qui ne sont pas au courant à quel point c'est encore plus dommageable que de fumer la cigarette, comme vous le dites. Par contre, comme on est le Réseau du sport étudiant, on est plus concentrés sur un peu ce qui se passe dans les écoles ou des trucs avec nos ligues sportives, etc. Ça fait que ce n'est pas, disons, une problématique qui a été discutée, là, avec notre réseau, là. On est plus là pour ce qu'on a proposé aujourd'hui ou des choses qui sont plus directement avec le réseau du sport. Mais on partage la lecture que vous en faites, là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci. Parce que, si je peux un petit peu partager avec vous, j'ai l'impression que même nos jeunes athlètes qui… non, qui ne fument pas la cigarette mais qui font des activités de bar à chicha puis qui vont… C'est des athlètes, là, je peux en témoigner, j'en ai connu quelques-uns, puis qui avaient l'impression qu'eux autres, là, une soirée… C'est des athlètes, là, c'est des jeunes athlètes qui ne fument pas la cigarette mais qui vont à une soirée dans un bar à chicha, puis qui ont l'impression que ce n'est pas dommageable, puis que ce n'est pas du tout la cigarette. Ça fait que, même auprès des jeunes athlètes, je pense qu'il y a une méconnaissance de l'envergure de la nocivité de ces substances-là.

M. Jacques (Philippe) : Je pense qu'on prend bonne note de regarder ça dans nos prochaines stratégies pour voir qu'est-ce qu'on peut faire dans ça puis aller explorer ça davantage.

Mme Daneault : Puis évidemment, le fait qu'il n'est pas soumis à la loi, bien, il y en a dans les bars. C'est le seul, dans le fond, produit du tabac qui se retrouve dans les bars, donc facile d'accès à l'intérieur même de nos bars. Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Bergman) : Vous avez à peu près deux minutes.

Mme Daneault : Bon, bien, je vais… O.K., merci. C'est rare que j'ai du lousse. Je vais revenir sur le menthol, parce qu'effectivement, ce matin, on a eu un groupe qui venait nous dire que c'était seulement 4 % de la population qui en consommait — Imperial Tobacco, entre autres — et qui nous disait que ça ne s'adressait pas à la clientèle de jeunes. Alors, ce que vous nous avez dit tout à l'heure, c'est : 30 % de la population, des jeunes, consomment le menthol. Est-ce que vous avez senti que c'était une façon, finalement, avec le menthol, qui, on sait, adoucit le goût du tabac… Est-ce que vous avez l'impression que c'est un incitatif pour eux après de les récupérer et de les faire venir dans la grande famille des fumeurs?

Le Président (M. Bergman) : M. Jacques.

M. Jacques (Philippe) : Juste préciser, c'est 30 % des fumeurs du secondaire, là. Juste préciser, ce n'était pas 30 % des jeunes, c'est 30 % des fumeurs du secondaire qui avaient fumé un produit avec du menthol dans les 30 derniers jours.

Mais, oui, on est convaincus. Puis ça sortait aussi dans les documents de l'industrie du tabac, là, qui datent… bon, certains datent d'il y a plusieurs années, mais qui ont été rendus publics, comme quoi c'étaient des stratégies de cibler avec le menthol, avec des saveurs fruitées, chocolat, fraise, etc., les jeunes, parce que le produit passe plus facilement. Parce que, le goût, il y a peu de jeunes qui vont fumer une… Il y en a sûrement qui ont déjà fumé une cigarette quand ils étaient jeunes, là, c'est rare que, la première bouffée, on trouve ça bon. Ça fait que c'est une façon d'amener les jeunes à s'habituer tranquillement à cette habitude-là, et par la suite, une fois qu'ils sont accrocs au produit, avec la nicotine et tout, bien, ils peuvent passer à d'autres types de cigarettes plus régulières, si on veut.

Le Président (M. Bergman) : M. Roy.

M. Roy (Alain) : Je vous citerais l'étude du Brésil qu'on a reçue hier. On a traduit rapidement, mais il y a vraiment une partie intéressante, puis c'est très, très… Il y a beaucoup de références à la fin, ça me semble une étude très solide scientifiquement. Ils disent : «Les produits du tabac à saveur de menthol sont les préférés des enfants et des adolescents au Brésil parmi les produits avec goût. Le menthol est le plus apprécié par les jeunes fumeurs. En outre, les références scientifiques et les documents internes de l'industrie du tabac démontrent clairement l'utilisation du menthol comme un outil pour accroître l'attractivité des produits du tabac.»

Ça fait que je trouve ça vraiment intéressant. Sûrement qu'il y a des parallèles qu'on peut faire au Québec avec cette étude-là.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Alors, M. Jacques, M. Roy, merci pour votre présentation, merci d'être avec nous aujourd'hui.

Et je demanderais aux gens du directeur national de santé publique de prendre place à la table. Et je suspends pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 14 h 56)

(Reprise à 15 heures)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on souhaite la bienvenue au directeur national de santé publique. Bienvenue. Et, pour fins d'enregistrement, vos noms, vos titres, et vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission.

Ministère de la Santé et des Services
sociaux, Direction de la santé publique

M. Arruda (Horacio) : M. le Président, Horacio Arruda, directeur national de santé publique et sous-ministre adjoint en santé publique au ministère de la Santé et Services sociaux du Québec, accompagné de…

Mme Rochette (Marie) : Je suis Dre Marie Rochette, directrice de la prévention des maladies chroniques et des traumatismes au ministère.

M. Therrien (Jean-François) : Jean-François Therrien, directeur de l'unité d'inspection et d'enquête au ministère de la Santé.

M. Arruda (Horacio) : Merci. Donc, je vais faire la présentation, et, pour ce qui est des questions, bien entendu ça me fera plaisir d'y répondre, et mes collègues ici, qui sont responsables du dossier, qui pourraient avoir les éléments plus techniques, pourront vous répondre aussi, comme tel.

Vous avez eu le dépôt… la présentation que je vais suivre, comme tel. J'ai aussi, si vous permettez, un état de situation où, compte tenu du fait… notamment quand on présente des chiffres, des proportions, des pourcentages, tout dépendamment de la source de données, de la méthodologie utilisée, on peut avoir des chiffres qui sont un peu différents, de telle sorte que ça peut entraîner un peu de la confusion. On a fait un petit état de situation hier pour vous donner les chiffres qui sont les chiffres que nous, on retient officiellement pour le suivi… l'évolution du plan de lutte au tabac au Québec. Ça ne veut pas dire que les autres chiffres sont complètement inappropriés. C'est qu'ils sont soit calculés avec une autre méthode ou etc., mais ça vous permet au moins d'avoir la même référence par rapport à nos chiffres, de telle sorte que je vous déposerai donc, tantôt, les données de cette situation.

Bon, écoutez, je vais essayer de ne pas trop répéter ce qui a déjà été dit, mais il y a quand même des choses qui sont importantes à se rappeler. Le tabagisme est la principale cause de mortalité évitable, et ça, je pense qu'il faut vraiment se souvenir. C'est évitable comme tel et, indépendamment des chiffres et des statistiques, ça devient toujours un drame humain quand on se fait annoncer... quand un médecin voit une radiographie pulmonaire subitement et que quelqu'un se retrouve avec… Encore, je tiens à vous dire, ce matin, j'ai appris qu'une des secrétaires de ma conjointe vient de se faire annoncer un cancer du poumon à 51 ans. Donc, il ne faut jamais oublier ces drames-là. C'est sûr que c'est une personne, mais ce sont des vies, ces chiffres-là. Ça fait que je tiens à insister. Et heureusement on a fait beaucoup de travail. Il y a eu une amélioration, il y a des changements importants par rapport au moment où j'étais, moi, au cégep, par rapport à la norme sociale au tabac, puis etc. Mais il y a encore beaucoup de travail à faire. Et, en prévention, je peux vous le dire, il faut répéter, répéter, recommencer, et tout relâchement peut entraîner un recul des différents éléments.

Donc, en 2002, il y a un peu plus de 10 000 Québécois qui sont morts du tabagisme, et malheureusement… probablement que ça va un petit peu en diminuant, mais il y a encore trop de gens qui meurent à cause du tabac. Un fumeur sur deux décédera à la suite de sa consommation de tabac. C'est beaucoup, un fumeur sur deux. Donc, quand on regarde qu'il y a encore 25 % de gens qui se mettent à fumer, en gros, on peut baisser à 21 %, 22 %, mais c'est encore trop de gens qui vont mourir des conséquences du tabac.

Vous avez vu aussi, Montréal le démontrait, qu'il y a des inégalités de santé. Il y a des secteurs, des endroits, dans la population, où les gens sont plus pauvres, plus vulnérables, moins d'éducation, beaucoup d'autres problèmes de santé déjà associés, beaucoup d'autres conditions de vie difficiles, mais, quand on surajoute le tabac, c'est autant d'années de vie de perdues qui sont…

La consommation et l'exposition de fumée de tabac provoquent de nombreuses maladies, vous le savez. Ça affaiblit la santé dans bien des conditions, ça crée des cancers, ça donne des maladies cardiaques, ça donne des maladies d'appareil respiratoire. Et donc ça, je pense que vous en avez eu sûrement état; on vous l'a déjà dit, on se le répète, mais il ne faut pas l'oublier et il ne faut pas l'oublier non plus que ça existe encore.

Il y a aussi, par rapport à d'autres types de menaces à la santé… parce qu'on pourrait comparer par… les aliments trop gras, ou etc. Il n'y a pas de seuil sécuritaire par rapport au tabac. Ça, je pense que c'est une chose qui est importante, là. Même des expositions à petites doses peuvent entraîner des cancers. Donc, c'est vraiment un cancérigène, ça a… La caractéristique d'un cancérigène, c'est que ça n'a pas de seuil sécuritaire pour ces produits, ni à leur exposition à la fumée. Donc, je pense qu'à mesure qu'on a des connaissances par rapport à la maladie on se rend compte que des expositions moins importantes, même de fumée secondaire, peuvent entraîner des conséquences pour la santé. Il ne faut pas, ça, l'oublier.

L'autre élément majeur qui en fait une caractéristique importante et qui aide notamment les industries à faire leur travail, c'est que c'est un produit qui provoque une forte dépendance. Donc, l'individu qui initie sa consommation de cigarettes va être un petit peu, entre guillemets, emprisonné, et, je dois vous dire, c'est aussi une dépendance qui attire d'autres dépendances. On sait aussi que les gens qui fument peuvent avoir aussi d'autres problèmes de toxicomanie. Donc, c'est-à-dire qu'il faut essayer au maximum d'empêcher l'initiation comme telle, parce que c'est ce qui permet de maintenir les taux et c'est ce qui permet à l'industrie d'avoir une clientèle continuelle. Et, quand on voit ce qui se passe, si vous me permettez, un peu dans les pays en voie de développement actuellement et auprès de nos jeunes, c'est très, très préoccupant.

Parce que ce n'est pas un produit comme les autres. C'est un produit qui… une fois qu'on l'a pris, on a rapidement une dépendance. Donc, c'est véritablement une drogue qui va entraîner énormément de difficultés. Parlez-en à ceux qui ont essayé de cesser. C'est possible de cesser, mais c'est faible.

Donc, ça demeure, qu'on le veuille ou non, un très important problème de santé publique. On sait très bien qu'il y a beaucoup d'autres déterminants par rapport aux maladies cardiaques, puis etc., mais ça demeure un problème de santé publique sur lequel on peut agir, sur lequel on peut avoir des taux beaucoup plus faibles et pour lequel des gains de santé sont importants.

Si on regarde votre page… Par rapport à la situation québécoise, c'est sûr qu'il y a des gains importants par rapport à l'adoption de la loi depuis 1998. Ça, c'est clair. On n'a qu'à regarder autour de nous par rapport à ce que c'était antérieurement, on n'a qu'à regarder par rapport à la norme sociale, par rapport à ce qu'on a acquis en termes de lieux sans fumée, puis etc. Par contre, ça affecte encore trop de personnes. Près du quart de la population québécoise âgée de 15 ans et plus sont encore en état de tabac, ils fument encore. Et les taux sont, je vous dirais, relativement stables pour ne pas dire stagnants au niveau de certaines populations, ou, s'il décroît, notamment chez les jeunes, il décroît très lentement avec un niveau d'accélération qui n'est pas celui qu'on souhaiterait, parce qu'il faut voir que chaque cohorte qui devient des fumeurs, c'est aussi plus de cancers et plus de maladies et conséquences par après.

Fait préoccupant, les jeunes adultes de 20 à 24 ans affichent la prévalence de tabagisme la plus élevée de tous les groupes d'âge, 32 %, et la situation est stagnante chez les 15 à 19 ans. Donc, on se rend compte, là, qu'il y a vraiment un enjeu là. Et, sans minimiser l'importance d'arrêter à tout âge ni parler des problèmes de cessation par après, l'initiation de jeunes, c'est autant de cohortes d'individus qui vont être exposés plus longtemps et qui vont prendre des habitudes comme telles, d'où l'importance d'agir là-dessus. Les hommes fument en plus grande proportion et plus de cigarettes que les femmes.

Le Québec, par rapport au Canada, on vous l'a sûrement démontré, on n'est pas parmi les… en tout cas, de ce côté-là, le Québec ne se distingue pas par sa performance. On est parmi les provinces qui performent le moins bien, avec la Nouvelle-Écosse et l'Alberta, et on a 6 % de plus de fumeurs au Québec comparativement à la Colombie-Britannique. Donc, ça veut dire qu'on peut abaisser le taux à 16 %, et même en deçà de ça, comme tel, c'est faisable. La Colombie-Britannique l'a fait, pourquoi on ne le ferait pas au Québec? Donc, ça, je pense que c'est important de voir que c'est réalisable.

Les habitudes commencent souvent à l'adolescence, d'où l'importance de suivre les indicateurs, les enquêtes auprès des jeunes du secondaire pour voir un petit peu comment se comportent ces cohortes-là. On sait que la transition entre le secondaire et le primaire, c'est une phase critique en termes de tabagisme. Il y a une réduction du tabagisme chez les élèves des écoles secondaires depuis 1998, et ça, il faut le mentionner. Donc, ça a marché, donc il faut continuer, à mon avis, à intervenir.

Mais on n'a pas atteint, à mon avis, des taux qui sont encore adéquats. On pense que, par exemple, si on combine notamment la consommation de cigares et de cigarillos chez les jeunes, le taux combiné est à 22 % en 2008 chez les jeunes d'études secondaires. Et je pense qu'on va en parler peut-être… Vous en avez entendu parler aussi, quelque part, c'est une clientèle qui est visée notamment par l'industrie du tabac, avec les saveurs, avec aussi la mise en marché, je vous dirais, de formats qui sont très, très intéressants chez les jeunes et notamment, aussi, avec l'enjeu de la cigarette électronique. Donc, quelque part, dans les faits, il faut voir, comme tout phénomène... C'est comme un peu l'univers à travers les bactéries, quand on introduit un antibiotique, la bactérie essaie de s'adapter à l'antibiotique pour contrecarrer. Bien, quand on met des éléments au niveau de nos lois puis de nos politiques, bien, les gens essaient de contourner puis de trouver d'autres façons comme telles. Donc, c'est une lutte, à mon avis, qui est continue et qu'il ne faut pas cesser jusqu'à, je vous dirais, la disparition du tabac comme tel, si un jour c'est atteignable, bien entendu.

Il faut voir aussi, par rapport à la situation des Québécois en termes d'exposition secondaire du tabac chez les 15 ans et plus, il y a eu quand même une réduction d'année en année, mais, en 2010, c'est encore 67 % des Québécois de 15 ans et plus qui avaient été exposés à la fumée de tabac au cours des 30 derniers jours, tous lieux confondus. Donc, il y a une amélioration, il y a des endroits où il y a moins d'exposition à la fumée secondaire, mais il y a encore de l'exposition significative sur laquelle on peut travailler.

Quand on s'attarde à l'exposition de la fumée secondaire ou la fumée de tabac chez les 15 ans et plus dans les lieux publics extérieurs, on s'aperçoit que, malgré les nouvelles dispositions législatives mises de l'avant en 2005, la situation ne s'améliore pas. Dans le fond, on a beaucoup réussi, je vous dirais, à appliquer les éléments de loi qui concernent les éléments intérieurs dans les établissements, puis etc., mais, au niveau de l'extérieur, on a un peu plus de difficultés, de telle sorte que l'élément de norme sociale ne s'est pas encore introduit un peu partout.

• (15 h 10) •

Donc, en termes de constat, on peut dire que, de manière générale, la situation s'est améliorée. Ça, je pense qu'on le reconnaît. C'est une bonne nouvelle, parce que c'est autant de vies, je vous dirais, qui vont être… qui vont avoir une meilleure, probablement, survie et une meilleure qualité de vie dans l'avenir. Mais, depuis 2005, on considère qu'on a peu progressé. Donc, il est temps, à mon avis, d'essayer de réinfléchir les courbes vers le bas par des actions nouvelles. Et le problème du tabagisme n'est pas réglé au Québec, et on peut faire mieux.

La lutte — prochaine diapositive — sur le tabac est vraiment sur une base, je vous dirais, d'une approche qui est intégrée. Le tabagisme est un phénomène qui est complexe; ce n'est pas une cause, un effet, il faut travailler différents déterminants de la santé. Et on a un modèle qui est un peu un modèle basé sur recommandation aussi des organisations internationales de santé publique — on me dit que j'ai cinq minutes, il faut que j'y aille — donc, dans le fond, agir sur la prévention de l'initiation, aider les gens à cesser de fumer puis mobiliser les acteurs autour de la chose; au point de vue de la consommation de tabac, favoriser l'arrêt tabagique puis protéger les non-fumeurs contre l'exposition. Et, bien entendu, on peut faire ça comment? On peut faire ça notamment par les politiques publiques et la législation, l'information, la sensibilisation et la mobilisation.

Sans qu'on peut faire de relation de cause à effet directe entre un élément et un autre, ça demeure très clairque les lois et les règlements, la taxation, les lois sont des instruments très efficaces et efficients qui viennent optimiser les effets des autres interventions. Donc, ça, je pense que, là-dessus, là, en tant qu'Assemblée nationale ou en tant que gouvernement, les politiques publiques en domaine du tabac ont eu des effets excessivement positifs pour la lutte contre le tabac.

Donc, le principe de la lutte… de la Loi sur le tabac du Québec, c'est la restriction de l'usage dans certains lieux, la restriction relative à la vente, à l'étalage et à l'affichage puis la restriction relative à la promotion, la publicité d'emballage. C'était ce qui a été fait jusqu'à maintenant. Il y a eu, dans la… Pour pas… Vous avez lu le rapport, vous avez un petit peu les principales nouveautés qui ont été introduites au cours de la période 2005-2010, qui sont ici présentées dans une série d'éléments, toujours en respectant les différents principes qu'on vous a dits. Pour la période 2005-2010, le Service de lutte contre le tabagisme a fait des activités qui tiennent de l'application de la Loi sur le tabac : des activités d'inspection, des activités d'enquête et des activités d'implantation de la loi — qui avait été révisée à l'époque — comme telles, avec des campagnes au grand public, puis etc.

Les principales… À la page 15 de votre présentation, le rapport sur la mise en oeuvre de la loi a fait certains constats, a dit que l'interdiction de fumer a été respectée à plus de 90 % dans les lieux fermés. Ça, c'est ce qu'on peut dire dans les faits. La conformité relative aux interdictions de fumer dans les lieux extérieurs visés était plus problématique. Donc, c'était ce qu'on observait. Puis, au chapitre des responsabilités qui incombaient aux détaillants du tabac, aux mineurs, étalage, publicité, la loi a été relativement bien respectée.

Par contre, on observe que l'industrie déploie des nouvelles stratégies pour assurer la pérennité et sa rentabilité, dont l'offre de nouveaux produits et de nouveaux emballages, depuis ce temps-là. Et, autour du rapport de 2005-2010, tout l'enjeu du commerce illicite et de la contrebande, c'est un enjeu qui était important, pour lequel on avait des préoccupations. Je tiens à vous le dire… Et, même, certains disaient que, si on durcissait la loi, on augmentait les taxes, on allait créer beaucoup trop de contrebande et que, dans le fond, on n'atteindrait pas notre objectif de santé publique. Par contre, quand on regarde les données du commerce illicite du tabac, on se rend compte qu'effectivement, autour de 2008, il y avait eu un commerce qui pouvait aller jusqu'à 30 % de la vente comme telle. Mais des mesures ont été prises au niveau du gouvernement du Québec pour combattre cela, et de telle sorte qu'en 2011 on estime que le taux de contrebande est à 15 %. C'est encore trop. Il faut continuer à y travailler, bien entendu. Par contre, c'est 15 % seulement comparativement à antérieurement. Et les actions qu'on porte sur les 85 % autres ont des effets de santé publique qui sont évidents. Et, selon les dernières données de 2012, les informations qu'on a obtenues du ministère, d'autres ministères, c'est toujours stable, à 15 %. Donc, la situation s'est grandement améliorée en termes de contrebande depuis 2008. Il faut maintenir les activités qui sont là, mais des gains sont encore possibles comme tels.

Et actuellement, aussi, on a des informations, vous avez une citation, là, qui nous provient de la Sécurité publique : Depuis la hausse des impôts sur le tabac de 4 $ la cartouche, le 21 novembre 2012, le ministère de la Sécurité publique n'a reçu aucune indication de la part des partenaires ACCES tabac à l'effet que le niveau de contrebande avait augmenté. Donc, dans les faits, là, les premiers indices, on aura à surveiller ça de très près, il ne faut pas relâcher les activités, mais ce n'est pas parce qu'on a augmenté les taxes que le niveau de contrebande… Je pense qu'il faut toujours associer augmentation de taxes ou interventions avec des mesures pour éviter les effets pervers potentiels, monitorer ce qui se passe comme tel, mais ce n'est pas un argument pour empêcher, à mon avis, d'aller de l'avant en termes de santé publique.

Bon. Depuis 2010, il y a eu, dans le cadre, je vous dirais, des orientations gouvernementales, la création de la Direction de l'inspection au MSSS avec une unité responsable de l'application de la loi. Il y a eu le maintien de l'ensemble des activités de tabagisme avec le développement de mesures législatives aux fins de la Direction de la prévention comme telle.

Pour l'avenir, un peu dans le même sens, si vous me permettez de voir un peu ce que les gens ont dit, c'est qu'actuellement on a eu un succès, un succès qui est maintenant, je vous dirais, dans un état de stabilisation. On sait qu'il y a des stratégies nouvelles des compagnies de tabac pour aller maintenir des clientèles nouvelles et on doit, à notre avis, tirer des leçons de tous les enseignements qu'on a faits, de l'évaluation et du bilan de la loi, et probablement aller de l'avant avec… je vous dirais, continuer les éléments en lien avec la promotion de la cessation du tabagisme, continuer à supporter ceux qui veulent arrêter de fumer, mais aussi s'attaquer aux stratégies que développe l'industrie du tabac, pour établir des politiques publiques qui vont aller encore plus loin, à mon avis, dans les enjeux en lien avec la publicité indirecte à travers les formatages, etc.

Ça fait que, dans les faits, ils se sont adaptés, un peu comme la bactérie, à nos antibiotiques. Maintenant, nous, on doit changer de niveau, d'aller avec un autre type de céphalosporine, etc., puis d'être en continuel monitoring de la situation. Vous savez, en santé publique, la mesure, c'est majeur, la surveillance de ce qui se passe, c'est majeur pour être capables d'ajuster notre thérapie.

Ça fait que, dans le fond, on a fait un bon pas, on a donné des traitements, les traitements ont traité une bonne partie, mais il reste encore un corps. Et n'oublions pas que, chacun des jeunes qui s'initient à la cigarette, il y en a probablement, s'ils n'abandonnent pas puis nos programmes ne fonctionnent pas, une survie… un sur deux va mourir de son tabac, et ça, je pense que c'est un héritage qu'on ne peut pas laisser à nos jeunes. On est en devoir de le faire. En tant que médecins de santé publique, je pense qu'on le sait, il y a des moyens efficaces pour le faire, et je pense qu'il faut, au contraire, augmenter… ne pas s'endormir sur les acquis mais augmenter les interventions pour s'adapter à la réalité.

C'est essentiellement le sens de mon message. Et maintenant on est là pour répondre à vos questions plus pointues, et avec mes collègues qui sont beaucoup plus sur le terrain que nous. Et je remercie tous les gens qui ont présenté avant nous dans ce message commun et je remercie l'Assemblée des décisions que vous prendrez, dans le futur, dans le bon sens, j'en suis convaincu.

Le Président (M. Bergman) : Dr Arruda, merci pour votre présentation. Alors, le bloc du gouvernement, et on commence avec Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Bonjour, Dr Arruda. C'est toujours un plaisir d'avoir l'occasion d'échanger avec vous sur toutes sortes de sujets touchant la santé publique. Donc, le rapport de mise en oeuvre pour la période 2005-2010, d'entrée de jeu, ma première question : Est-ce que vous considérez que le renforcement de la loi de 2005 a eu des effets bénéfiques sur la santé des Québécois? Et, si oui, pouvez-vous nous cibler de manière un peu plus précise les bénéfices, les principaux bénéfices, là, que vous avez constatés?

M. Arruda (Horacio) :Je vais y aller de façon générale, puis peut-être que ma collègue pourra compléter, parce qu'elle est responsable du programme, elle est plus au fait des éléments pointus.

C'est clair que la loi de 2005 est venue renforcer encore plus les éléments. On l'a vu, ça a continué à abaisser les taux, on a travaillé beaucoup sur la norme sociale. Mais la stagnation est beaucoup plus, je vous dirais, par après. Une loi, ça a ses effets, je vous dirais, à court terme, puis etc. Il faut les maintenir. Mais, comme il y a eu, je vous dirais, des ajustements du côté des compagnies pharmaceutiques, on se rend compte que, maintenant, elle doit être revue par rapport à ces éléments-là. Mais ça a eu effectivement des bénéfices, ne serait-ce aussi au point de vue que de clarification — et encore on en a d'autres à faire — clarification de certains éléments d'application de la loi. Parce que, quand on écrit une loi, il faut l'appliquer, puis on découvre des éléments, des choses couvertes, non couvertes.

Et je pense que, comme tout phénomène d'intervention de cette nature-là, pour changer les normes sociales... Et il y a ce qu'on appelle une approche étapiste, on ne peut pas changer le bateau à 180 degrés. Donc, dans les faits, en 1998, on a fait une première partie; en 2005, on était dans une autre phase d'amélioration; et maintenant on est peut-être rendus à un autre rendez-vous.

Mais, oui, effectivement, il y a eu des effets comme tels. Puis, comme je vous dis, c'est des phénomènes qui sont mouvants, il faut regarder ce qui se passe. Comme je vous dis, on crée une loi, les gens s'adaptent, il y a des phénomènes nouveaux, émergents. La problématique des saveurs, la problématique des nouveaux emballages n'étaient pas là. C'est une réaction de l'industrie aux lois qui étaient présentes. Donc, c'est un petit peu dans ce sens-là que moi, je répondrais, de façon générale. Mais, Marie, peut-être que tu as des éléments plus spécifiques?

Le Président (M. Bergman) : Dre Rochette.

• (15 h 20) •

Mme Rochette (Marie) : C'est sûr qu'il est toujours difficile d'isoler une mesure d'un ensemble d'éléments, parce que, comme on le mentionnait… il était mentionné tantôt, c'est une approche globale, donc plusieurs mesures à la fois, là, qui ont été implantées tout au fil de ces années-là. Ce qu'on voit, c'est que la protection des non-fumeurs semble meilleure. Il y a déjà eu un premier pas important avec la loi n° 98. 2005 est venu... on voit que les gens sont moins exposés, notamment dans les lieux intérieurs, à la fumée de tabac. Ça fait que je pense que ça, c'est un gain important.

Ce qu'on sait aussi, c'est que le fait de restreindre l'usage du tabac fait en sorte qu'il y a plus de gens qui vont être incités à cesser de fumer, donc certainement un effet aussi pour amener certaines personnes à cesser de fumer. En même temps, ce qu'on voit, comme le taux semble stagner, c'est que ça a été remplacé aussi par de nouveaux fumeurs, donc ce qui veut dire qu'il y a certaines mesures qui ne vont probablement pas assez loin pour contrer ce qui a été mentionné tantôt, des phénomènes émergents qu'on n'avait pas vu venir et qui sont venus un peu contrecarrer certains effets de la loi.

Un autre effet bénéfique, c'est l'effet de dénormalisation, si on veut, du phénomène du tabagisme. Les gens, notamment les jeunes, voient de moins en moins de fumeurs dans leur entourage, ont l'impression que c'est un phénomène qui est moins important. La contrepartie de ça, bien, c'est de donner l'impression que le phénomène n'existe plus, alors que, dans les faits, avec encore pratiquement le quart de la population québécoise qui fume, ce n'est pas un phénomène qui a disparu, loin de là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui. Vous mentionnez notamment, dans votre présentation, que la portée des mesures de prévention, de soutien à la cessation et de sensibilisation a atteint une certaine limite. Est-ce que ça vous préoccupe? Qu'est-ce qu'on peut faire de plus? Comment on peut intervenir, notamment par rapport aux mesures d'aide auprès des personnes qui souhaiteraient cesser de fumer?

Le Président (M. Bergman) : Dre Rochette.

Mme Rochette (Marie) : Au niveau des services de cessation, plusieurs services ont été mis en place au fil des années. Je pense qu'au Québec on a été, notamment, assez précurseurs, là, avec le remboursement des aides pharmacologiques. Donc, en ce sens-là, il y a une panoplie de services qui sont utilisés, qui sont offerts au Québec.

Ce qu'on se rend compte par contre, c'est qu'il y a des groupes de population, notamment les gens qui ont une consommation élevée, par exemple, d'alcool, consommation de drogue ou encore des problèmes de santé mentale, qui ont besoin d'une intervention qui est beaucoup plus intensive, beaucoup plus soutenue pour être capables de cesser la consommation de tabac.

Le phénomène des jeunes aussi, les jeunes fréquentent peu les services offerts de cessation tabagique. Ils ne se sentent pas interpellés par les services offerts par les CSSS. Donc, il y a de nouvelles formules qui ont commencé à être testées, notamment d'utiliser la messagerie texte. Ça, c'est quelque chose qui interpelle beaucoup plus les jeunes. Donc, trouver des nouveaux moyens pour s'adapter à cette clientèle-là. On les mentionnait, les 20-24 ans, c'est pratiquement le tiers de ces jeunes-là qui fument. Donc, ça prend des nouveaux moyens pour être capable de rejoindre cette clientèle. On a souvent l'idée, là, du noyau dur, coriace, là, pour lequel on ne peut plus faire grand-chose. Encore une fois, quand on a 20-24 ans, je ne pense pas qu'on puisse parler de noyau dur. Et c'est dans cette tranche d'âge là qu'on retrouve la proportion de fumeurs la plus élevée actuellement.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Dr Arruda, on a entendu, depuis deux jours, différents points de vue. On a entendu beaucoup de groupes qui sont venus témoigner. On a entendu l'industrie aussi. Et on a entendu notamment les gens d'Imperial Tobacco remettre un peu la responsabilité sur les parents et sur la société et nous dire que ce n'était pas tellement l'emballage qui peut favoriser le début, là, de… inciter un jeune, disons, à commencer à fumer. Et on entend les groupes dire : La responsabilité, c'est l'emballage et c'est l'industrie. J'aimerais ça avoir votre point de vue sur… et notamment parce que vous parlez d'un plan québécois d'abandon du tabagisme. Mais moi, j'irais un peu plus large. Quels sont les acteurs qui devraient principalement être interpellés si on voulait un plan québécois non seulement gouvernemental, mais un plan où on pourrait interpeller l'ensemble des acteurs? Lesquels vous cibleriez comme directeur de santé publique?

Le Président (M. Bergman) : Dr Arruda.

M. Arruda (Horacio) : Bon, il y a quelques éléments dans votre question, mais, par rapport à la question de l'emballage et puis qu'on doit responsabiliser les individus, là, j'ai bien mentionné tantôt que la cigarette, le tabac, ça crée une dépendance. Ça fait que, contrairement à un autre type de produit, là, ça crée une dépendance. Donc, ça… Et ça, les compagnies de tabac le savent très bien, O.K.? Et, si le format n'a pas d'effet, pourquoi ils se battent tant pour que le format… Il y a comme une contradiction dans leurs propos.

Et j'ai rencontré l'ancienne ministre de la Santé de l'Australie, qui nous raconte actuellement, là, jusqu'à quel point, là… Écoutez, si des gens mettent autant d'argent pour la forme d'une bouteille de parfum, pour vendre le parfum, là, c'est qu'il y a, à quelque part, en termes de consommation… L'allure de la cigarette, si les cigarettes ont des finesses maintenant, là, est associée à une symbolique puis à bien des éléments. Et on sait que, chez le jeune, le marketing, ça fonctionne bien. Pourquoi les paquets de cigarettes ressemblent à des iPod et des iPad? Ce n'est pas comme ça… Écoutez, si ça ne donne rien, pourquoi ils le font?

Ça fait que là, là-dessus, là, vous me permettrez de me poser de sérieuses questions. J'ai vraiment l'impression qu'au contraire c'est un outil très important, le marketing. Pourquoi, certains, maintenant, tabacs, la couverture sur le dessus avec les messages, on l'enlève, puis là on ne l'a plus, la couverture? Pour être capable de montrer la marque? Écoutez, je pense que quelque part, là-dessus, sans avoir même une étude contrôlée, les faits démontrent que l'investissement en publicité est toujours très, très rentable, et, quelque part… et, eux, s'ils contournent, c'est que ça a de l'effet. De ce côté-là, ça l'est.

Je pense que le phénomène du tabac, c'est effectivement un phénomène de société, et il faut interpeller l'ensemble des acteurs et des partenaires, l'entreprise privée, par rapport à ces programmes, qui sont impliqués. D'ailleurs, le plan de lutte, il est porté, bien entendu, par le réseau de la santé en lien avec ses CSSS, mais en lien aussi avec les autres ministères, l'école, le milieu, etc. Donc, c'est un plan, vraiment, qui s'adresse à l'ensemble de la société. Quand on interpelle, on interpelle les gens aussi par rapport à l'éducation, par rapport à l'éducation même à l'école, la santé, à résister aux pressions sociales, puis etc. Il y a des approches qui sont un peu systémiques. Ça fait que, déjà, le plan est de cette nature-là.

Mais je pense que, quelque part, si vous me permettez, une loi, des politiques publiques qui sont prises, nationalement parlant, sont reprises, un, dans le débat public comme tel, ce qui permet de remettre à jour les informations… Parce qu'effectivement, en même temps qu'on a fait des gains puis que, quelque part, on en voit moins, il y a encore beaucoup trop de gens qui fument, et les gens ont tendance à l'oublier. Ça fait qu'il faut remettre le dossier sur la place publique. Et ça permet aussi aux gens qui ont adopté localement des décisions, soit dans leur conseil d'établissement… Parce que, dans les faits, quand on regarde par rapport à fumer dans les terrains d'école, il y a des endroits où il y a eu des ententes entre la ville puis les terrains d'école. Mais, s'il y a un mouvement national supporté, ça permet d'émerger au niveau local. Parce qu'on croit beaucoup au potentiel des communautés locales, du milieu scolaire, au milieu de l'éducation. Ça fait que, quelque part, j'ai comme l'impression que c'est… ce sont… Ces acteurs-là font partie du plan, à mon avis, et, notamment dans les campagnes de communication, il faut le faire.

On fait appel à la responsabilité des individus, mais, vous le savez comme moi, comme dans n'importe quoi, les environnements ont des effets, et je pense que le fait qu'un jeune ait des modèles non-fumeurs, c'est majeur, à mon avis, ça va être majeur, le sport en éducation, puis etc. Ça fait que tout ça va ensemble.

Et on sait aussi que les gens qui fument ont aussi d'autres… peuvent avoir d'autres problèmes de toxicomanie, et il faut, bien entendu, comme disait le Dre Rochette, adapter nos services à des clientèles. À mesure que nos interventions fonctionnent pour une certaine proportion de la population, restent toujours des sous-groupes. Il y a toujours un noyau dur qui ne sera pas égal à zéro, il reste toujours d'autres sous-groupes qu'on peut travailler, adapter les interventions, toujours en les appuyant par des démarches populationnelles.

Mais c'est vraiment un problème de société, et, en tant que… puis, un, drame humain en premier, famille, enfants, petits-enfants qu'on va avoir. Deux, économiquement parlant aussi, c'est effectivement très rentable, parce que c'est des coûts pour la société quand on parle de vieillissement de la population, quand on parle de coûts de santé, si… C'est des coûts évitables de façon importante, qu'on pourra mettre sur d'autres maladies pour lesquelles on n'a pas encore de traitement comme tel. Mais celle-là, on l'a. Alors, agissons.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose. Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, M. Arruda, Mme Rochette, M. Therrien, que je connais. Alors, monsieur, j'aimerais savoir : Dans votre présentation, vous parlez d'évolution 2010 — puis je pense que je vais m'adresser un petit peu plus à M. Therrien, c'est parce que je pense que c'est votre créneau — restructuration du service de lutte, création d'une direction de l'inspection. Alors, ça, ça a été mis en place en 2010, c'est nouveau. Pouvez-vous nous parler un peu des gestes que vous posez? Qu'est-ce que vous faites sur le terrain par rapport à l'intervention au niveau du tabagisme? Ou peut-être…

M. Arruda (Horacio) : …Dre Rochette…

Mme Gadoury-Hamelin : …peut-être que je me trompe.

M. Arruda (Horacio) : …l'évolution, on va pouvoir préparer l'élément historique, puis M. Therrien va vous parler de… actuellement, parce qu'elle était là…

Mme Gadoury-Hamelin : Parfait.

M. Arruda (Horacio) : … depuis un petit bout de temps.

Le Président (M. Bergman) : Dre Rochette, après M. Therrien.

• (15 h 30) •

Mme Rochette (Marie) : Alors, j'étais là dans la période du rapport sur la mise en oeuvre. Donc, un service de lutte contre le tabac a été mis en place lors de l'adoption de la première loi. Les effectifs ont graduellement augmenté pour atteindre, je dirais, un sommet lors de l'implantation de la loi de 2005, parce qu'il y avait vraiment, je dirais, un blitz à faire pour s'assurer, notamment… Quand on parle d'interdiction de fumer dans les bars et les restaurants, c'est énormément d'établissements. Et M. Couillard, à cette époque-là, souhaitait que vraiment ce soit très bien observé, là, dès la première journée. Donc, beaucoup, beaucoup de gens avaient travaillé à faire la sensibilisation, à être très présents sur le terrain et à s'assurer que la loi soit appliquée dès le départ.

Évidemment, il y a eu des réaménagements, restructurations, départs, réajustements en termes de mandat, parce qu'on le voit dans les différents rapports d'information qui ont été publiés, il y a eu beaucoup de plaintes au départ. Puis finalement, d'année en année, tout ça s'est... je dirais, a diminué. Les gens ont de mieux en mieux compris la loi et s'y sont conformés graduellement. Il y a eu quelques réfractaires au départ, mais, de façon très graduelle, le nombre de plaintes a considérablement diminué.

Et, il y a deux ans, il a été décidé de consolider les activités d'inspection au ministère — et là je vais laisser la parole à mon collègue — en créant une direction de l'inspection qui couvre plus largement que les volets de lutte contre le tabac.

Le Président (M. Bergman) : M. Therrien.

M. Therrien (Jean-François): Oui, merci. C'est suite à la décision du sous-ministre à l'époque, M. Cotton, qui a intégré aussi tout l'aspect inspection résidences de personnes âgées. Donc, pour une économie d'échelle et pour une optimisation de tous les services déjà existants au niveau du service de lutte au tabac, donc services administratifs, si on parle de frais de transport, etc., donc à l'administratif, donc on a créé la Direction de l'inspection.

Au niveau tabac, on a conservé notre mandat. Et c'est important de dire qu'aujourd'hui nos inspecteurs qui se déplacent dans des mandats de tabac, ou dans des mandats plus résidences pour personnes âgées, ou la loi sur le bronzage aussi, qui est dans la santé publique, font l'inspection de tabac en tous lieux qu'ils visitent. Donc, on a 25 inspecteurs, environ, et, quel que soit le mandat qu'ils ont, tous les lieux ont une inspection de tabac associée au mandat, parce que tous les lieux sont visés. Donc, c'est qu'est-ce qui a été fait.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Oui. J'ai une autre question. Par rapport à la vente de produits de tabac pour les jeunes... bien, envers les mineurs, j'imagine qu'il y a des actions que vous faites, au niveau des inspections, à ce niveau-là. Pouvez-vous nous en parler un peu?

M. Therrien (Jean-François): C'est une de nos priorités au niveau du service d'inspection. On engage des jeunes, comme vous le savez, pour faire des tests d'achat au niveau des points de vente de tabac. À tous les ans, période estivale et autres périodes où ce que... Vous comprendrez que, comme ça a été dit hier, on ne peut pas avoir des jeunes quand ils sont à l'école, puis c'est compréhensible. Donc, oui, plus spécifiquement en période estivale. Et ces jeunes-là font les tests d'achat, et, suite à ça, il y a des rapports d'infraction qui sont émis.

On a resserré. À mon arrivée voilà deux ans, il y avait des avertissements qui étaient émis aux détaillants, etc. Depuis ce temps-là, moi, j'ai pris la décision de resserrer ce créneau-là, étant donné que la loi est en vigueur depuis x années, et de sévir immédiatement avec les suspensions associées avec les contrevenants à ce moment-là.

Mme Gadoury-Hamelin : Donc, si je comprends bien, il y a une application plus rigoureuse du règlement pour permettre, là, qu'il y ait des sanctions puis permettre aux gens...

M. Therrien (Jean-François): Plus contraignante au niveau des détaillants.

Mme Gadoury-Hamelin : O.K. Quand ils sont pris en défaut, à ce moment-là.

M. Therrien (Jean-François): Exact.

Mme Gadoury-Hamelin : O.K.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Je vais passer la parole à mon collègue.

Le Président (M. Bergman) : M. le député d'Argenteuil.

M. Richer : Merci, M. le Président...

Le Président (M. Bergman) : Il vous reste quatre minutes.

M. Richer : Dr Arruda, Dre Rochette, bonjour… plaisir de vous revoir. M. Therrien, bonjour.

M. Therrien (Jean-François) : Bonjour.

M. Richer : Un petit peu plus tôt dans votre présentation, Dr Arruda, vous avez mentionné que, l'augmentation de 4 $ la cartouche du 21 novembre dernier, vous n'aviez pas constaté de signe significatif sur l'augmentation de la vente illicite.

M. Arruda (Horacio) : C'est l'information qui nous a été transmise par le ministère de la Sécurité publique sur la base des observations terrain. Ce n'est pas une étude qu'on a faite, là, mais on n'a pas eu d'indice de... Les gens n'ont pas d'indice qu'il semble y avoir un phénomène augmenté de contrebande ou d'information par rapport à ces éléments-là. Mais, comme je vous dis, il faut maintenir la surveillance de ces éléments-là avec les mêmes méthodes qui sont faites habituellement. Mais il est encore trop tôt aussi; il faut dire que la loi a été introduite en novembre dernier. On n'a pas fait d'enquête toute particulière là-dessus, à ma connaissance. Par contre, les informations, là, tu sais, que… les gens, des fois, peuvent avoir une perception d'une tendance ou entendent parler qu'il y a des phénomènes qui s'installent. Pour le moment, il ne semble pas… ça ne semble pas être le cas.

Et par contre, comme je le dis tout le temps, ça ne veut pas dire qu'il faut relâcher les activités. Il faut les maintenir, il faut peut-être même les consolider continuellement, parce qu'on ne veut pas non plus d'un déplacement du tabagisme vers un phénomène illicite. Mais je pense que, de ce côté-là, les ministères concernés sont bien au fait. Ma préoccupation, c'est que ça ne devienne pas... Parce que souvent l'argumentaire, tout comme l'argumentaire que le paquet de tabac, ça ne change rien dans l'habitude… J'aimerais ça qu'on soit au clair par rapport à l'élément de la contrebande. Nous ne nions pas le potentiel de la contrebande, je pense que c'est là, ça a déjà été existant, mais il faut agir. Comme dans n'importe quelle intervention, il peut y avoir un effet pervers. À ce moment-là, qu'est-ce qu'on fait? Comment on traite l'effet secondaire? Mais il ne faudrait pas que l'effet secondaire empêche le traitement de la maladie, c'est dans ce sens-là que je le mentionnais.

Le Président (M. Bergman) : M. le député d'Argenteuil…

M. Arruda (Horacio) : …toujours référence à ma médecine. Qu'est-ce que vous voulez, j'ai une formation… je suis déformé…

Des voix : …

M. Arruda (Horacio) : Déformé, professionnellement parlant.

Le Président (M. Bergman) : M. le député d'Argenteuil, il vous reste une minute.

M. Richer : Merci. Merci, M. le Président. Alors, entièrement d'accord avec la nécessité de rester vigilants. Mais est-ce que j'ai compris, dans vos propos, que, compte tenu qu'il y a eu une augmentation récente, vous ne recommanderiez pas une nouvelle augmentation? Parce que ça a été suggéré.

M. Arruda (Horacio) : Ce n'est pas du tout le… Ce n'est pas du tout… Je n'ai pas dit que je ne recommande pas, je vous dirais : Ça fait partie des éléments qui doivent être regardés dans un élément de… Ici, le danger est autour de la mise en place du… la mise en oeuvre du plan québécois. En ce qui regarde les éléments de taxation, c'est dans une autre perspective, mais je pense que ça demeure, et on le sait, une mesure qui est très efficace. Si on compare le coût de la cigarette du Québec, il est moins cher qu'ailleurs. Donc, ça peut être une stratégie qui pourrait être évaluée comme telle, notamment aussi quand on sait que les revenus de taxation, quand ils sont réinvestis dans des éléments visant la prévention ou la santé ou dans les services, c'est plus acceptable par la population.

Donc, je pense que c'est — si vous me demandez mon opinion, là, sans commettre mon ministère par rapport à une mission… par rapport à ça — une chose parmi les choses à évaluer. Dans l'arsenal des interventions, dans les phases, c'est une chose à évaluer. Parce qu'il y a des pays, il y a des provinces qui ont des cigarettes avec des coûts plus importants. Et on sait notamment que l'effet de la taxation chez les jeunes est important. Et n'oubliez pas que moi, je… Et, en tout respect pour ceux qui ont déjà obtenu l'habitude ou qui l'ont, il faut les aider à s'en débarrasser. Moi, à chaque fois que je vois un jeune qui commence à prendre une cigarette, pour moi, c'est comme un échec de nos approches. Et la taxation, qu'on le veuille ou non, chez les jeunes, à moins que vous me prouviez l'inverse, c'est démontré comme étant un phénomène, une barrière importante. Donc, quelque part, ça fait partie des stratégies à développer.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps pour ce bloc s'est écoulé. Maintenant, le bloc pour l'opposition officielle, et je vais prendre la première question.

Dr Arruda, sur la page 19 et 20, pour l'avenir, vous indiquez, «mieux protéger les non-fumeurs de la FTE» et, sur la page 20, «protéger encore davantage les non-fumeurs de la fumée secondaire». Est-ce que vous avez une suggestion en relation de ces deux souhaits que vous avez faits pour l'avenir?

M. Arruda (Horacio) : Sans rentrer dans des éléments hyperpointus, c'est clair que, quelque part, on a beaucoup travaillé les environnements sans fumée à l'intérieur. Puis là, notamment à des endroits à l'extérieur, on parle du neuf mètres et plus. Il y a les terrasses, par exemple, qui sont un endroit où on peut encore fumer dans certains restaurants. Il y en a certains qui pourraient suggérer qu'on pourrait élargir, je vous dirais, la restriction de fumer comme telle. Il y a aussi… Si on regarde par rapport aux enfants, on est la seule province qui permet de fumer dans la voiture en présence d'un jeune enfant en bas de 16 ans. On pourrait… Donc, il y a encore des… je vous dirais, dans les endroits, où on pourrait être encore plus agressifs en termes d'application de la loi, ce qui permettrait de diminuer encore plus l'exposition des non-fumeurs à la fumée de tabac comme telle et ce qui permettrait aussi d'augmenter l'effet de la dénormalisation.

On a beau dire n'importe quoi, là, mais ça a un effet au niveau de la dénormalisation qu'on ne puisse plus fumer à l'intérieur du restaurant; ça change les pratiques. Il faut toujours le faire en tenant compte de certaines préoccupations, mais ça peut faire partie, à mon avis, d'un renforcement. Comme je l'ai dit, c'est une approche qui a été établie de façon étapiste. Souvent, c'est comme ça qu'on le fait. Dans certains milieux aussi. On voit même qu'il y a des projets pilotes par rapport à des milieux. Comme le milieu carcéral, il y a des endroits où on est en train d'essayer d'éliminer progressivement le tabac à l'intérieur des murs; après ça, ça a été à l'intérieur des cours. Ça fait que, quelque part, il y a d'autres endroits aussi, encore, où c'est permis; je sais que la direction de Montréal parlait, par exemple, dans certains milieux, en lien avec… qui ont des problèmes de santé mentale, là, par rapport à certains établissements, notamment dans les centres jeunesse, là, etc. C'est des choses qu'il faut évaluer. Il y a moyen, à mon avis, en faisant une bonne analyse, de progresser de ce côté-là, pour en arriver véritablement à un Québec sans fumée et qui respire mieux.

Le Président (M. Bergman) : Merci. M. le député de Jean-Talon.

• (15 h 40) •

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'abord, merci pour la présentation puis les tableaux. Puis je veux vous féliciter pour le beau travail que vous faites. Puis vous êtes une organisation… une direction qui est très, très crédible.

Je voudrais commencer par la question des chiffres. Lors des auditions, on entend des chiffres qui viennent d'à peu près partout, des études qui sont faites… on n'est pas toujours certains qu'ils sont bien faits ou qu'ils mesurent les mêmes choses. Est-ce que vous pourriez nous parler de votre méthodologie? Et est-ce que vous croyez que vos chiffres, la façon dont ils sont faits, sur une base annuelle, représentent la réalité?

Puis je vois que, dans vos sondages également, vous avez fait… on parle d'«est-ce que vous fumez ou pas». Mais : Est-ce que vous fumez la cigarette, les cigarillos, est-ce que vous fumez les deux?, je pense que vous avez des données là-dessus. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce que c'est la base, mesurer, c'est d'abord la première… si c'est une bonne façon d'améliorer.

Le Président (M. Bergman) : Dr Arruda.

M. Arruda (Horacio) :Je vais répondre généralement, je vais laisser Marie compléter par rapport aux détails. Je pense que les chiffres qu'on a sont là — je vais vous dire les chiffres officiels — sont ceux qui sont basés sur une méthodologie dont on connaît bien la méthode et pour laquelle on a des mesures qui sont sériées. Puis, quand elles ne le sont pas, on compare avec d'autres types d'études puis on essaie de… Donc, je pense que ça reflète bien, probablement, la réalité.

Est-ce qu'il y a d'autres chiffres qui sont adéquats? Si on prend un autre indicateur, si on décide qu'on prend, par exemple, comme en Australie, les 12 ans et plus… Puis il faut juste savoir de quelle proportion on parle pour être capable de comparer. C'est pour ça que je vous dis : Vous allez vous retrouver dans des rapports, dans la presse… ou les gens qui vont prendre des sorties, s'ils prennent tel genre de source… Nous, on a toujours essayé d'avoir la même méthode pour comparer dans le temps, parce que, si jamais on a un biais de sous-estimation ou de surestimation, s'il reste le même au niveau de la tendance, c'est mieux que de changer de méthode continuellement. Mais je vais laisser Marie…

Et je pense que l'affiche qu'on va vous déposer va vous permettre de vraiment mieux comprendre, là, comment on le fait, quand est-ce qu'on parle d'un taux combiné, cigarettes… on parle aussi, des fois, tabagisme quotidien versus avoir fumé dans les derniers 30 jours. Ça fait qu'il faut toujours regarder l'indicateur, lequel je mets. Habituellement, au ministère, quand on sort des chiffres, ce qu'on a sur notre site Web ou dans nos rapports, on essaie d'utiliser la même méthode. Puis, quand c'est différent, on explique, c'est une autre source de données. Marie.

Le Président (M. Bergman) : Dre Rochette.

Mme Rochette (Marie) : Alors, évidemment, l'enquête sur laquelle on se base principalement chez les adultes, c'est l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, qui est une enquête qui est faite à la grandeur du Canada mais pour laquelle l'échantillon québécois est très, très important; eux vont produire des données pour les 12 ans et plus. Comme on a fixé une cible, dans le programme de santé publique, qui est chez les 15 ans et plus, on attend toujours de faire faire les calculs pour avoir cette donnée-là. Donc, c'est la raison pour laquelle on a mis dans les graphiques la donnée pour 2009-2010. On sait que la donnée d'enquête pour 2011-2012 est sortie, mais on veut, encore une fois, utiliser le même taux pour les 15 ans et plus. Donc, on attend d'avoir ce chiffre-là pour être en mesure de dire : Bien, voici à combien ça se situe à ce moment-ci. Donc, ça, c'est vraiment comme notre principale étude sur laquelle on va se fier.

Il existe d'autres études qui portent de façon spécifique sur le tabagisme; ça, c'est une enquête générale. On sait… Puis c'est une hypothèse, mais, quand on regarde les études qui sont faites… des enquêtes qui sont faites sur le tabagisme de façon spécifique, ces enquêtes-là ont tendance à sous-estimer ou avoir une mesure un peu plus faible que la mesure de cette enquête-là canadienne. Et une hypothèse, c'est que les gens, quand ils sont questionnés sur leur santé en général, ont plus tendance à rapporter leur consommation de tabac, alors que, quand on les questionne spécifiquement sur le tabac, il y a comme une petite gêne à rapporter leur consommation.

Chez les jeunes, on utilise l'enquête qui porte sur le tabagisme, l'alcool, les drogues et le jeu, chez les élèves du secondaire. C'est une enquête qui va être répétée cette année. La dernière édition a été faite en 2008, elle va être répétée prochainement. Ça aussi, ça nous permet d'avoir vraiment des tendances. Et, chez les jeunes, on est préoccupés de la consommation des autres produits, donc les petits cigares, les cigares, et cette enquête-là nous permet d'aller chercher ce phénomène-là. Donc, on va généralement regarder le taux de tabagisme, dont de consommation de cigarettes chez les jeunes d'une part, et regarder aussi la consommation des autres produits; et cette enquête-là nous permet de l'avoir.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci. Par rapport au graphique, là, page 4, on dit généralement que, lorsque les gens atteignent l'âge de 18 ans, s'ils n'ont pas commencé à fumer, il est très peu probable qu'ils commencent à fumer. Quand je vois votre graphique, on voit qu'on a une grande amélioration au niveau des 15 à 19 ans. La lumière rouge : maintenant, on est rendus à 23 %. Par contre, quand on regarde les 20 à 24 ans, ils sont à 32 %. Est-ce qu'il y a un biais, dans le sens qu'à 15 ans ils fument moins puis, à 19 ou 20 ans, ils sont déjà à 32 %? Ou, encore, on peut espérer qu'au cours des prochaines années le 23 % va rester plus à ce niveau-là puis va être plus bas pour la cohorte qui vieillit, qui va être à 20-24 ans?

Le Président (M. Bergman) : Bien. Alors, Dre Rochette.

Mme Rochette (Marie) : Probablement que c'est un mélange de tout ça. Quand on regarde les statistiques chez les jeunes, la consommation de tabac va être plus faible en secondaire I, puis augmente au fur et à mesure qu'ils avancent en âge. Donc, c'est sûr que, quand on fait la moyenne, ceux qui arrivent à 17, 18 ans, là, qui arrivent en secondaire V, consomment plus de tabac que les plus jeunes. On dit qu'à peu près… Si ma mémoire est bonne, c'est autour de 77 % des gens qui vont commencer à fumer avant l'âge de 18 ans. Mais il y a quand même une proportion qui va commencer aussi après. Il ne faut pas la négliger. C'est sûr qu'on met l'emphase sur les tout jeunes, parce que c'est surtout là que va se faire l'initiation au tabagisme. Mais il reste quand même une frange non négligeable qui va commencer à fumer plus tard aussi.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Bien, je veux vous entendre pour une explication sur les 65 ans et plus, qui sont à un taux de presque 12 %.

Le Président (M. Bergman) : Dre Rochette.

Mme Rochette (Marie) : Je pense que vous nous avez donné la réponse hier.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui? J'aimerais ça vous… J'aimerais ça la faire valider…

Mme Rochette (Marie) : Oui? C'est…

M. Bolduc (Jean-Talon) : Parce que, moi, quand je parle ici, ils ne me croient pas. Mais j'aimerais ça le faire dire par quelqu'un qui est crédible.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bergman) : Dre Rochette.

Mme Rochette (Marie) : Bien, c'est sûr qu'on va retrouver, évidemment, une mortalité plus élevée chez les gens, au fur et à mesure qu'ils avancent en âge, due au tabac, donc, nécessairement, plus de fumeurs décédés que de non-fumeurs. Puis en même temps, bien, évidemment, la proportion est importante, de gens qui veulent cesser de fumer, et on sait que plus les tentatives sont répétées, plus la personne a des chances de réussir. Donc, plus elle va avancer en âge, plus elle a des chances d'avoir réussi un jour à arrêter de fumer.

Puis les maladies concomitantes sont aussi des éléments… Bon, je pense qu'hier on a eu un témoignage assez éloquent à ce niveau-là. Parfois, la maladie, malheureusement, c'est ce que ça prend pour que la personne, à un moment donné, cesse de fumer.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Vous avez abordé un sujet que je trouvais très intéressant : la cigarette électronique. Parce qu'on entend plusieurs points de vue. Il y a des compagnies qui favorisent à ce que ce soit sur le marché en disant que ça va aider. C'est même les compagnies de tabac qui vont nous dire que ça pourrait aider à arrêter de fumer; donc je mets un doute. Il y a des gens qui nous disent que ce n'est pas prêt du tout à être sur le marché; même que ça développe encore plus l'habitude de fumer, parce que ça garde le geste.

Est-ce qu'il y a eu des études de faites pour voir si c'était fiable ou pas? Puis, est-ce que vous trouvez que, si on n'a pas eu d'étude, on devrait s'abstenir d'avoir ce produit sur le marché puis peut-être faire évaluer par une organisation comme l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux, comme tout produit qui vient sur le marché par rapport à l'aide médicale à fumer, s'il a une efficacité? Souvent, eux autres, ils vont le faire dans la perspective : Est-ce que ça devrait être couvert ou pas par la Régie de l'assurance maladie du Québec? Mais on peut le demander également pour un avis ou pour savoir si un produit est efficace ou pas.

Le Président (M. Bergman) : Dr Arruda.

M. Arruda (Horacio) : C'est un produit qui est émergent mais qui est quand même pas mal distribué déjà. C'est un produit aussi qui a des caractéristiques différentes, qui ne sont pas toutes de la même nature. Je sais qu'il y a des gens qui disent : Ça devrait, avec la nicotine, servir pour l'abandon du tabac, etc. Puis moi, je pense que, compte tenu de l'impact majeur de l'initiation du tabac chez les jeunes, en termes d'impact à la santé potentiel, on est devant un phénomène dont on ne connaît pas encore adéquatement les choses. Je pense qu'il faut documenter avant de recommander un étalage de tout ça. Particulièrement, ce n'est pas un produit qui est nécessairement… Comprenez-vous? Dans le fond, il n'y a pas de… le bénéfice pour l'individu n'est pas si grand que ça par rapport au potentiel risque comme tel. Et, moi, à mon avis… On a émis un avis disant, un peu comme d'autres organisations, qu'il fallait être prudent par rapport à cette émergence-là. Et on a demandé notamment à notre institut de regarder les études qui sont là pour, un, documenter de quoi on parle, parce qu'il y a toute une série de choses.

Et je pense que, de la même façon que l'allure du paquet de cigarettes a un effet sur l'élément… Le fait de porter à sa bouche, c'est magnifique. C'est beau, hein, c'est élégant, mais ça joue sur le comportement humain. On sait que, dans le tabac… Il y a beaucoup de symbolique autour du tabac, en termes anthropologiques, puis etc., et, quelque part, moi, je pense que ça… Ce n'est pas pour rien que les compagnies de tabac trouvent ça très intéressant aussi, quelque part.

Vous m'excuserez, je porte de mauvaises intentions. C'est assez rare que je fasse ça, comme tel, mais, compte tenu de l'importance de la menace, je pense qu'il ne faut pas être trop naïfs. Je pense qu'il faut mieux documenter de quoi on parle. Il y a différents types de produits qui sont là-dedans, d'autres avec nicotine, d'autres sans nicotine. Mais il y a aussi, à mon avis, tout un élément en lien avec le geste.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de…

M. Arruda (Horacio) : Oui, Marie?

Mme Rochette (Marie) : Bien, si vous permettez?

Le Président (M. Bergman) : Dre Rochette.

• (15 h 50) •

Mme Rochette (Marie) : Juste pour préciser qu'actuellement il n'y a aucun de ces produits-là qui a été reconnu comme une aide à la cessation par Santé Canada. Donc, actuellement, même les produits ne peuvent pas s'afficher comme étant aides à la cessation, parce que, normalement, tout produit qui est à base de nicotine… avec un certain niveau de nicotine, pour avoir l'allégation de servir de thérapie de remplacement de la nicotine, doit passer le processus d'homologation de Santé Canada, et, pour l'instant, ça n'a pas été fait.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Par contre, les produits sont disponibles sur le marché. Mais là on a comme un effet pervers : le produit est disponible, les gens l'utilisent, puis là on entend dire toutes sortes de choses. Moi, je trouve que c'est un enjeu tellement important qu'il faudrait au moins avoir l'avis d'une organisation crédible. Puis tout le monde reconnaît, au Québec, comme la Santé publique, que l'Institut national d'excellence en santé et services sociaux émet normalement des avis qui sont objectifs. Je pense que c'est important, parce qu'à la limite, pour donner un exemple… S'il y a un produit qui est vraiment efficace, il faudrait qu'on le sache. Mais, si un produit est soit inefficace ou, à la limite, même dangereux, bien, je pense qu'il faut le savoir également.

Puis il y a un biais que… il faut avertir la population qui nous écoute : Il y a des personnes qui vont vous dire que ça a fonctionné. Mais, si trois personnes disent que ça fonctionne, puis il y en a 10 que ça fait qu'ils ont commencé à fumer, bien, dans nos études, c'est comme un médicament qui tuerait plus de patients qu'il en sauverait, il ne viendrait pas sur le marché. Donc, il faut avoir cette approche scientifique. Et, ce qui est efficace, on va l'utiliser, mais, ce qui est inefficace, il faut le dire.

Merci beaucoup. En tout cas, je trouve que c'est…

M. Arruda (Horacio) : J'abonde dans ce sens-là. De toute façon, l'avis disait qu'on avait à documenter. On ne recommandait pas son utilisation actuellement, puis il faut documenter la situation. Puis, dans les faits, il faut être capable d'avoir de quoi d'objectif, parce que c'est clair que, quand on avance quelque chose ou on interdit quelque chose, il faut avoir des raisons. Comme je vous dis, actuellement, je ne vois pas de bénéfice associé à son utilisation. On regardera, on le documentera, puis à ce moment-là on pourra prendre une position finale. Mais actuellement la précaution, dans ma perspective, elle est de mise.

M. Bolduc (Jean-Talon) : L'avis a été demandé quand à l'Institut national de…

M. Arruda (Horacio) : L'avis…

Mme Rochette (Marie) : Santé publique?

M. Bolduc (Jean-Talon) : Non, à l'Institut national d'excellence en santé et services sociaux. Vous avez parlé qu'il y a eu un avis de demandé.

Mme Rochette (Marie) : Oui, mais à l'Institut national de santé publique.

M. Arruda (Horacio) : À l'Institut national de santé publique, pas à l'INESSS.

Mme Rochette (Marie) : Parce qu'on était préoccupés des dimensions à la fois d'efficacité, comme aide à la cessation, mais également de toxicité, dangerosité du produit, puis également…

M. Arruda (Horacio) : On pourra regarder la…

Mme Rochette (Marie) : …l'effet sur la dénormalisation. Donc, c'est vraiment un ensemble d'éléments qu'on leur a demandé de regarder.

M. Bolduc (Jean-Talon) : C'est ça. Sauf que, dans leur structure, ce type de produit là, ce serait bon d'avoir soit un avis commun ou l'avis de…

M. Arruda (Horacio) : Oui, oui, on va regarder ça.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, il vous reste cinq minutes.

Mme de Santis : Merci, M. le Président. Moi, je suis vraiment confuse, et je vous explique pourquoi. D'abord, merci d'être là et merci de votre présentation. L'Ontario, les taxes, c'est 4 $ de plus que le Québec. L'Ontario, c'est 30 %, contrebande. Mais l'Ontario a un taux de tabagisme de 19,7 %. Maintenant, Nouvelle-Écosse, c'est plus que 25 $ de plus en taxe, et ils ont un taux de tabagisme plus élevé. Terre-Neuve, 27 $ de plus de taxe, c'est presque le même taux de tabagisme.

Je vous demande : Qu'est-ce qu'on fait en Ontario ou en Colombie-Britannique? Parce que Colombie-Britannique, ce n'est pas le plus élevé des taxes, c'est 7 sur 13, O.K., d'après les tableaux qui ont été présentés. Qu'est-ce qu'on fait, en Ontario, pour que le taux soit aussi moins élevé que nous? Parce que les mêmes produits sont en Ontario, qui sont au Québec. Je présume qu'il y a les «slims», les Vogue, les goûts de bonbon, etc., l'Ontario aussi. Alors, si on regarde simplement Ontario, qu'est-ce qui est différent?

Le Président (M. Bergman) : Dr Arruda.

M. Arruda (Horacio) : Je vais tenter une réponse, je vais faire compléter par mes experts. Mais, écoutez, je pense que la relation cause à effet n'est pas toujours directe. Il y a plusieurs facteurs qui peuvent expliquer un taux de tabagisme chez les populations. Il y a des caractéristiques associées à la population propre. Les Québécois n'ont pas nécessairement les mêmes caractéristiques culturelles que la Colombie-Britannique, que… même en termes d'activités physiques et de sport, culturellement. Donc, il y a ça qui est un élément, à mon avis, qui fait que ce n'est pas parce qu'il y a une taxe qu'il y a une mesure qui va nécessairement faire automatiquement qu'elle va avoir le même effet sur l'ensemble du phénomène comme tel. C'est un ensemble de mesures qui, en interaction, vont permettre à la fois d'obtenir des taux.

C'est difficile d'extrapoler, je vous dirais, là, d'une province à une autre, nécessairement. On doit regarder les tendances générales des différents pays. Ce qu'on sait, c'est que la taxation a des effets sur le taux de tabagisme chez les jeunes. C'est un peu démontré un peu partout, mais l'effet n'est pas tout à fait identique d'un territoire à l'autre. Je ne sais pas, Marie, si tu as de quoi de plus précis que ça à donner comme réponse.

Le Président (M. Bergman) : Dre Rochette.

Mme Rochette (Marie) : Je pense qu'on peut penser à plusieurs facteurs, effectivement. Le point de départ, je pense qu'on a un historique, au Québec, de consommation de tabac qui était historiquement très élevée. On a aussi… Ce qu'il faut voir également, c'est que les écarts de revenus sont également très fortement associés à la consommation de tabac. Donc, les plus démunis vont consommer beaucoup plus de tabac, pratiquement le double, que les groupes plus riches. Donc, on peut penser que des régions, des provinces qui vivent des difficultés économiques peuvent aussi avoir, en contrepartie, un taux de tabagisme qui pourrait être sensiblement plus élevé. On sait que certains groupes de nouveauxarrivants arrivent de pays où le taux de tabagisme est plus faible. Donc, à ce moment-là, ça aussi, ça peut avoir un impact.

Et je vous dirais qu'il y a aussi toute une question de mentalité. Je pense que, quand on regarde la consommation de tabac, par exemple, dans les lieux fermés, que ce soit dans les domiciles, c'est généralement au Québec qu'on est les champions au niveau de la consommation de tabac en présence de jeunes à la maison, alors que, dans les autres provinces, il y a comme une certaine… je dirais, les taux vont être plus faibles. On voit une évolution de cette mentalité-là, on voit une diminution au fil des ans, mais on reste quand même la province où ça va fumer le plus en présence d'enfants, en présence de d'autres dans des lieux fermés, et, ça aussi, probablement qu'il y a quelque chose de culturel autour de ça ou il y a une préoccupation qui est peut-être moins présente.

Donc, on pourrait énumérer, là, une liste de facteurs très importants. La taxation vient jouer, mais c'est un élément parmi beaucoup d'autres facteurs.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, il vous reste une demi-minute.

Mme de Santis : O.K. Vas-y, alors.

Mme Vallée : Justement, pour revenir…

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau, une demi-minute.

Mme Vallée : Excusez. Pour revenir à la taxation, vous avez, à la page 16 de votre mémoire, indiqué qu'il ne semble pas… vous n'avez pas d'information provenant de la Sécurité publique à l'effet qu'il y a eu un impact sur les activités de contrebande. Je me demandais : Avez-vous des données du ministère des Finances quant aux entrées de taxe? Est-ce qu'il y a eu une fluctuation comparative aux autres années? Parce que, bon, Sécurité publique, c'est une chose, c'est les plaintes, c'est les plaintes d'activité, mais directement on va voir s'il y a eu une baisse ou une hausse en fonction des variations des entrées de taxe au ministère des Finances et…

Le Président (M. Bergman) : Dre Rochette.

Mme Rochette (Marie) : Ce qu'on a, c'est la statistique de 2012. C'est la dernière statistique qu'on pouvait avoir du ministère des Finances. Malheureusement, il va falloir attendre encore un peu pour avoir…

Mme Vallée : Mais ça a été adopté en novembre.

Mme Rochette (Marie) : Bien, c'est ça. Donc, ce qu'on nous dit, c'est que… En tout cas, en 2012, quand on regarde l'estimé qu'ils font de la part de marché, les produits de contrebande étaient relativement stables, comparativement… étaient stables par rapport à 2011, et c'est la même chose au niveau des revenus de taxation. C'est quelque chose qui est en augmentation par rapport à ce qu'ils ont vu dans les années qui ont précédé. Maintenant, il va falloir attendre encore un petit peu pour être en mesure de voir l'effet, là, de l'augmentation de taxe.

Une voix :

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx, pour une période de cinq minutes.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci beaucoup d'être présents avec nous aujourd'hui et de nous éclairer avec des chiffres plus… très, très parlants. Il y a un chiffre… il y a un tableau sur lequel j'accroche encore et qui semble être encore une certaine tendance, même si, bon, effectivement, depuis 1998, on note une baisse de laconsommation de cigarettes dans la population québécoise, mais il y avait un phénomène qui était existant en 1998 puis qui semble être encore existant en 2008, c'est que la consommation de cigarettes est plus élevée chez les filles que chez les garçons. On était à 34 % en 1998 versus 26 %; aujourd'hui, on est à 16,6 % versus 13 % pour les garçons.

Est-ce qu'on a étudié certains… Parce qu'on sait que, de plus en plus, bon, on a des nouveaux éléments, entre autres, pour le cancer du sein. On a parlé beaucoup de cancer du poumon, mais, dans le cas de… chez les femmes, il y a le cancer du sein, de plus en plus on démontre qu'il y a un lien potentiel entre le tabac et le cancer du sein. Est-ce qu'on a… Puis on n'a pas entendu parler beaucoup de ça. Et il y a aussi un phénomène de culte de la minceur chez les jeunes femmes, qui associent, finalement, le fait de fumer pour garder leur poids et, bon, de ne pas arrêter de fumer parce que justement on pourrait prendre du poids. Est-ce qu'on a étudié cette portion-là de consommation de tabac chez la femme, qui semble être encore une fois plus élevée que chez les garçons? Et on sait que l'industrie s'oriente avec les cigarettes plus féminines. Ça marche, là, de toute évidence.

• (16 heures) •

Le Président (M. Bergman) : Dre Rochette.

Mme Rochette (Marie) : Je n'ai pas d'étude récente en tête, mais on sait que le culte de la minceur contribue notamment à faire en sorte que les jeunes femmes sont intéressées par la cigarette. Elles ont la croyance que ça va leur permettre de perdre du poids et de maintenir cette… de maintenir leur poids. Donc, ça, c'est sûr que c'est un élément.

On peut penser également, comme il était mentionné un peu plus tôt, que les paquets, qui sont faits pour être également très attirants pour… très élégants, contribuent également à faire en sorte que ça devient quelque chose qui est normal, qui est intéressant, qui est un phénomène d'émancipation également.

Donc, c'est probablement ces éléments-là. Mais je n'ai pas d'étude récente, là, que je peux citer, là, pour vraiment mettre le doigt sur les deux ou trois phénomènes les plus percutants sur lesquels on doit travailler, mais c'est certain que l'élément minceur ressort, là, dans les études que j'ai.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Est-ce qu'on a pris des mesures spécifiques pour le tabac et la femme et, bon, entre autres, le cancer du sein aussi? C'est peu connu. Moi, je le vis au quotidien, là, les femmes l'associent au cancer du poumon mais pas au cancer du sein. Puis on sait que les dernières études le démontrent, là, entre autres, avec le gène, là.

Le Président (M. Bergman) : Dre Rochette.

Mme Rochette (Marie) : On n'a pas eu jusqu'à maintenant d'approche très, très spécifique pour les femmes, notamment les jeunes femmes. Ça reste certainement quelque chose à regarder. Les interventions en milieu scolaire vont viser justement à s'adapter… Souvent, on va préconiser des approches où ce sont les jeunes qui font l'intervention auprès de leurs pairs. Donc, évidemment, eux-mêmes savent comment… sur quels éléments jouer pour être en mesure d'être le plus percutant possible pour leurs collègues ou leurs pairs. Donc, c'est le genre d'approche qui a été utilisée jusqu'à maintenant, mais on n'a pas fait, là, de programme spécifique à l'intention des jeunes femmes, pour l'instant.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Ça pourrait peut-être être une…

M. Arruda (Horacio) : Oui. D'ailleurs, on pourrait peut-être, dans les éléments de surveillance, regarder qu'est-ce qui se passe par rapport au taux de tabagisme chez les femmes qui ont développé un cancer du sein, là. Ça serait peut-être à regarder.

Mme Daneault : Par rapport à la santé de la femme, effectivement.

M. Arruda (Horacio) : C'est ça. C'est ça, oui. Dans les analyses différenciées qu'on peut faire.

Mme Daneault : Ma déformation professionnelle, évidemment. L'autre chose que… Il me reste-tu du temps?

Le Président (M. Bergman) : Juste une courte question, courte réponse.

Mme Daneault : O.K. Bon, bien, dans le fond, la question, c'était plutôt que… Finalement, on sent qu'il y a une stagnation dans la consommation des produits du tabac depuis les cinq, six dernières années. Alors, j'imagine que vous nous recommandez d'aller plus loin que seulement l'étude du rapport.

M. Arruda (Horacio) : Effectivement, comme je vous l'ai dit, comme dans toute intervention de prévention, il faut suivre les courbes puis, quand les courbes se mettent à stagner, il faut intensifier le traitement. Moi, je pense qu'on est rendus à aller dans une phase supplémentaire. Donc, il faut tirer des leçons de ce qu'on a appliqué jusqu'à maintenant, améliorer ce qu'on appliquait pour que ce soit plus facile à appliquer et peut-être identifier des nouvelles mesures qui vont être en mesure de contrecarrer, je vous dirais, l'émergence des nouveaux phénomènes — il y a des phénomènes nouveaux, là, notamment en lien avec tous ces paquets-là — et avec une priorité, bien entendu, de maintenir la promotion auprès des individus, maintenir aussi la cessation de tabagisme puis adapter nos services aux clientèles qui répondent moins, mais aussi, à mon avis, avec des changements, au niveau, éventuellement, de la loi, qui permettraient, à mon avis, de s'adresser aux phénomènes émergents et qui permettraient la mobilisation des acteurs, de remettre ce dossier aussi, je vous dirais, dans l'agenda de la population québécoise pour éviter… Chaque enfant, comme je vous l'ai dit… Pour moi, chaque enfant qui commence à fumer et qui deviendra fumeur régulier, c'est, à mon avis, quelque chose qui est évitable.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Dr Arruda, Dre Rochette, M. Therrien, merci pour votre présentation. Merci d'être avec nous aujourd'hui, on apprécie beaucoup.

M. Arruda (Horacio) : On vous remercie. Puis on a confiance en votre rapport pour éventuellement nous aider à avancer.

Le Président (M. Bergman) : Je demande les gens de l'Association pulmonaire du Québec pour prendre leur place à la table. Et je suspends pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 5)

(Reprise à 16 h 6)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix :

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Je demande à l'Association pulmonaire du Québec pour prendre leur place à la table.

Alors, Dr Ostiguy, M. Leroux, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Alors, pour les fins d'enregistrement, mentionnez les noms et vos titres, et vous pouvez faire votre présentation de 15 minutes.

Association pulmonaire du Québec (APQ)

M. Leroux (Mathieu) : Oui. Maintenant?

Le Président (M. Bergman) : Oui.

M. Leroux (Mathieu) : Oui. Mathieu Leroux, coordonnateur au développement, communications, Association pulmonaire du Québec.

M. Ostiguy (Gaston) : Dr Gaston Ostiguy, je suis pneumologue et je pratique au Centre universitaire de santé McGill. Je dirige, depuis l'an 2000, une clinique de cessation tabagique à l'Institut thoracique de Montréal. Ça se dit mieux en anglais : Montréal Chest. Et ça fait quand même... Je suis vice-président aux affaires scientifiques de l'Association pulmonaire du Québec, et c'est à ce titre-là que je viens présenter le mémoire, qui a été en grande partie rédigé par M. Leroux. Mais ça fait longtemps que je m'intéresse à la cessation tabagique. En fait, c'est depuis 1974. On a même assisté à la création du conseil canadien sur le tabac et la santé en 1974, dont le Conseil québécois sur le tabac et la santé est une filiale.

Le Président (M. Bergman) : Alors, on vous souhaite la bienvenue. Le micro est à vous pour votre présentation.

• (16 h 10) •

M. Ostiguy (Gaston) : Alors, je n'ai pas l'intention de lire le rapport. Vous l'avez probablement lu, et ça serait probablement un peu fastidieux. Je voudrais tout simplement insister sur les points qui nous apparaissent les plus importants et plus saillants et les recommandations ou les suggestions que l'on pourrait faire dans ce domaine-là.

Naturellement, d'abord, je dois quand même féliciter le gouvernement pour les deux lois qui ont été passées. On a fait quand même un progrès et des pas de géant depuis 1990. Mais malheureusement, depuis 2006 environ, la situation semble stagner. Le rapport dont on dispose à l'heure actuelle date de 2010, on est actuellement en 2013. Donc, à ce moment-là, il faut prendre également les données avec une certaine circonspection, mais probablement que les faits demeurent pertinents, mais c'est certainement le genre de choses qui auraient besoin d'être mises à date de façon plus régulière. Et, comme c'est mentionné à plusieurs reprises dans le rapport, il y a des pas de géant qui ont été accomplis. Ce n'est pas parfait, ce n'est pas du 100 %. Malheureusement, et ça a été souligné, il y a peu de solutions qui sont offertes ou qui ont été suggérées pour arriver à des pourcentages plus élevés de réussite.

L'autre chose aussi, c'est que l'on devrait se poser la question : Pourquoi, depuis 2006, la situation stagne? Alors, là aussi, on n'a pas beaucoup de pistes de solution. Naturellement, il n'y a pas beaucoup de gens qui s'intéressent aux fumeurs endurcis, ce qu'on appelle en anglais les «hard-core smokers», hein? C'est quand même quelque chose qui est très important. Et je peux vous dire, de par mon expérience à la clinique, que ces gens-là qui ont beaucoup de difficultés à cesser de fumer même s'ils souffrent de pathologies en relation avec leur tabagisme, ces gens-là se sont fait dire des dizaines de fois par leurs médecins qu'ils devaient cesser de fumer, ils ont tout essayé, et ça n'a pas fonctionné. Donc, il y aurait peut-être, également, besoin de s'interroger sur cette catégorie de gens qui ont de la difficulté à cesser de fumer.

Naturellement, l'Association pulmonaire du Québec, c'est la deuxième plus ancienne association bénévole au Québec. On n'a pas beaucoup de subventions gouvernementales, on vit des dons de la population. Et malheureusement, comme pneumologue et comme Association pulmonaire du Québec, on est en excellente position pour voir les dommages qui sont créés par le tabagisme. On le voit tous les jours, c'est notre pain quotidien.

Et on sait que ces maladies qui sont en relation avec le tabac réveillent relativement peu de sympathie dans la population. Il y a une excellente enquête qui a été faite il y a quelques années, enquête internationale sur environ une quarantaine de mille personnes, et 65 % des gens, là, n'avaient aucune empathie pour les gens qui souffraient de cancer du poumon ou de MPOC, parce que leur réponse était tout à fait ce à quoi on s'attend : Bien, ces gens-là, ils ont fumé, ils avaient juste à ne pas fumer, alors; tandis qu'on n'a pas les mêmes empathies pour d'autres sortes de cancer ou de pathologie.

Et l'Association pulmonaire du Québec est quand même la seule organisation qui s'intéresse aux problèmes respiratoires dans la population en essayant de subventionner la recherche, en faisant l'éducation du public et en essayant d'améliorer les soins aux patients.

Alors, dans les recommandations que l'on fait… Pourquoi on stagne depuis 2006? Eh bien, on sait que le tabagisme n'est pas aussi important dans toutes les régions du Québec. On n'a pas de données récentes là-dessus. Mais, si certaines régions réussissent mieux que d'autres, ça serait peut-être bon de savoir pourquoi. Naturellement, nous, étant au centre-ville de Montréal, on est très influencés par le problème de la contrebande. Un pourcentage important de patients qui viennent à la clinique achète des cigarettes de la réserve qui est de l'autre bord du pont et à des prix un peu ridicules. Et je sais que c'est un problème qui n'est pas facile. Parfois, essayer de s'attaquer à ces réserves indiennes, ce n'est pas toujours facile, ça fait peur à bien du monde. Mais ce qui est absolument inacceptable, et je pense qu'il devrait y avoir quelque chose qui est fait dans ce sens-là, c'est qu'on ne devrait pas accepter que les gens fassent la livraison à domicile de la cigarette de contrebande. Alors, ça, c'est… Et elles sont beaucoup plus fortes et beaucoup plus toxiques que les cigarettes commerciales. Et, si on ne peut pas empêcher les réserves indiennes de vendre des cigarettes, on pourrait au moins taper sur les doigts de ceux qui en font la livraison à domicile. Ça, c'est un point, là, qui nous préoccupe beaucoup.

L'autre point, bien, sur lequel je vais passer rapidement, c'est quand même le fait qu'on est tout à fait d'accord à ce qu'on punisse, d'une certaine façon, les gens qui fument dans les automobiles avec la présence d'enfants à bord des autos. Les enfants sont en pleine croissance. On sait, s'il y a un groupe d'individus qui est plus sensible à la fumée secondaire que les autres, eh bien, ce sont bien les enfants, alors il faut les protéger. Si les parents n'ont pas la décence de s'abstenir, bien, je pense qu'ils méritent peut-être d'être… qu'on leur tape un peu sur les doigts. Donc, à ce moment-là, ça, c'est une mesure que l'on encouragerait énormément.

Également, essayer d'aider, parce qu'on a un certain nombre de plaintes qui nous arrivent, d'aider les gens qui vivent dans des blocs-appartements de moins grande importance et qui subissent la fumée secondaire de leurs voisins ou… particulièrement dans les espaces communs. Moi-même, j'habite dans un condo où il y a 105 appartements, et un certain nombre de propriétaires se plaignent justement de la recirculation de la fumée de cigarette dans les corridors à cause des systèmes de ventilation. Alors, ça, on devrait peut-être essayer de faire quelque chose pour aider ces gens-là qui sont un peu démunis devant leurs propriétaires.

Une chose sur laquelle également on veut appuyer les autres organismes, c'est l'aromatisation des produits du tabac. Eh bien, c'est sûr que c'est quelque chose qui rend la cigarette plus douce pour les gens qui commencent à fumer et c'est un incitatif. Alors, ça, c'est inacceptable. Je pense qu'on devrait défendre l'aromatisation des produits du tabac.

Un point sur lequel on voudrait insister également, c'est qu'on trouve ça absolument inconcevable que l'on fume dans les établissements de santé. Je ne sais pas ce que ça a de l'air à Québec, mais, si vous venez devant certains hôpitaux à Montréal, c'est absolument dégueulasse. Devant l'entrée principale, vous avez un attroupement de fumeurs qui sont là. Souvent, le terrain est parsemé de mégots de cigarettes, les patients rentrent dans l'hôpital et doivent passer à travers un peloton de fumeurs. Ce n'est pas un très, très bel exemple à donner à la population. On défend que l'on fume dans les établissements scolaires, sur tous les terrains des établissements scolaires, je ne comprends pas pourquoi on ne ferait pas la même chose dans les établissements de santé. Je pense que c'est le plus mauvais exemple que l'on puisse donner aux gens que de permettre et de mettre à la vue de tout le monde des gens qui fument devant les entrées principales de nos établissements de santé.

Alors, c'est essentiellement les choses les plus importantes que je voulais souligner dans ce rapport. Et j'espère de ne pas en avoir oublié.

M. Leroux (Mathieu) : Si vous permettez, Dr Ostiguy...

M. Ostiguy (Gaston) : Oui, vas-y.

Le Président (M. Bergman) : Alors, monsieur... Merci, Dr Ostiguy. M. Leroux.

M. Leroux (Mathieu) : Oui. Juste un autre élément : moratoire sur les nouveaux produits de tabac. Pour nous, ça nous apparaît important, tout simplement pour arrêter d'être à la remorque de l'industrie. L'industrie, elle, n'a pas arrêté d'innover dans ses pratiques, dans ses façons de déployer son marketing. Et on croit qu'une des meilleures façons de pouvoir arrêter ça, c'est de mettre un grain de sable dans l'engrenage et de dire : Là, pour le moment, il faut arrêter, le temps d'étudier ça. Donc, on supporte un moratoire sur les nouveaux produits du tabac. Voilà.

Le Président (M. Bergman) : Merci. Merci pour votre présentation. Maintenant, pour le bloc du gouvernement, Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Bonjour, Dr Ostiguy, bonjour, M. Leroux. Ça me fait plaisir de vous accueillir à cette commission. Alors, je regardais un petit peu qui est l'Association pulmonaire, et, vous l'avez mentionné, vous existez depuis 1938 et vous êtes la seule organisation à promouvoir la santé respiratoire comme organisme sans but lucratif, là, au Québec. Alors, bravo, je vous félicite pour votre engagement dans cette cause-là et je comprends notamment votre préoccupation pour le tabagisme.

Et vous avez certaines données, là, qui sont clairement édictées, par exemple que le tabagisme est associé à 85 % des diagnostics du cancer du poumon, qui, lui, représente le tiers des décès par cancer au Québec, hein? Ce sont des données extrêmement préoccupantes...

Le Président (M. Bergman) : ...

• (16 h 20) •

Mme Proulx : Oui, oui. Et vous mentionnez aussi que le cancer du poumon tue chaque année deux fois plus de femmes que le cancer du sein. Ça aussi, c'est des données qu'on n'est pas toujours conscient de l'impact du tabagisme et jusqu'où ça peut aller.

Vous avez parlé du rapport de mise en oeuvre de la loi, vous avez mentionné qu'il y a eu des avancées extrêmement importantes qui ont été faites dans les dernières décades au Québec. Vous mentionnez toutefois une préoccupation pour la stagnation du taux de tabagisme, notamment depuis 2005-2006, et vous mentionnez, à la page 2 de votre mémoire, que le taux de tabagisme au Québec, qui est à 22,5 %, est encore supérieur à la moyenne canadienne, qui, elle, est de 20,1 %, et stagne, là, depuis quelques années, comme je le mentionnais. Vous dites aussi qu'il est à noter que le ministère de la Santé, dans le cadre du Programme national de santé publique de 2003-2012, s'était donné comme objectif de réduire le taux à 16 % et vous mentionnez que ce seuil est effectivement loin d'avoir été atteint.

Moi, j'aimerais savoir, selon votre vision, les constats que vous avez faits, qu'est-ce qui explique la non-atteinte de cet objectif et... parce que vous mentionnez, et je ne sais pas si… Je me permets de faire des liens avec autre chose que vous... des préoccupations que vous semblez avoir, notamment plusieurs problématiques de l'époque, avant 2005, qui existent encore, malgré l'application de la loi, au niveau des aires communes, au niveau des terrains d'écoles primaires et secondaires, la fameuse zone de neuf mètres et les points de vente.

Alors, est-ce que vous pensez que la loi a été appliquée de manière optimale? Est-ce qu'il y a encore du travail à faire? Est-ce que vous croyez que la solution, c'est des mesures plus coercitives d'application de la loi, notamment, là, je répète, les terrains d'école, la zone de neuf mètres et les aires publiques — vous venez de mentionner, là, les hôpitaux — ou si vous croyez que ça n'aurait pas d'impact et qu'il faut absolument aller vers un renforcissement? Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : Dr Ostiguy.

M. Ostiguy (Gaston) : D'abord, pour insister… ou renforcer les données que vous mentionniez tantôt, il faudrait aussi mentionner que la survie, à cinq ans, du cancer du sein, c'est 95 % et la survie, à cinq ans, du cancer du poumon, c'est 17 %, et que les moyens de dépistage du cancer du sein avec la mammographie, c'est quand même quelque chose de relativement efficace, et qu'à l'heure actuelle on n'a pas de moyen efficace et peu coûteux de faire la détection précoce du cancer du poumon. Donc, la seule façon d'éliminer ou de réduire cette maladie-là, c'est réellement, là, de faire disparaître le tabagisme. Alors, peut-être que, si les inspections étaient plus serrées, l'on pourrait, à ce moment-là, avoir de meilleures statistiques sur les choses qui ont été mentionnées. Et encore une fois, comme pour les écoles, que, sur certains terrains de certains établissements, les gens n'aient pas le droit de fumer.

L'autre point aussi — parce qu'on n'a pas de chiffre là-dessus — c'est la répartition des fumeurs, ce qu'on appelait des cohortes de fumeurs selon leurs années de naissance. Si on stagne à un certain niveau, est-ce que… Est-ce qu'il y a des groupes d'âge où ça stagne ou est-ce qu'il y a des groupes d'âge où ça augmente, est-ce qu'il y a des groupes d'âge où ça diminue? Ça, on ne le sait pas, et ça n'a pas été fait, malheureusement, et je pense que ce serait… ça devrait être fait pour savoir qui on devrait cibler. On ne traite pas tous les diabétiques avec la même dose d'insuline, on ne traite pas tous les hypertendus avec les mêmes antihypertenseurs. Actuellement, on approche le tabagisme comme si c'était une recette de tarte ou d'omelette : tout le monde passe par la même recette. Il faut commencer à penser à individualiser notre approche pour les gens qui veulent cesser de fumer. Et on sait que 70 % des gens qui fument voudraient cesser de fumer, et ça, il n'y a rien de fait pour essayer de personnaliser notre approche. Moi, quand je donne une conférence, j'ai une diapositive qui dit : «Personalize, personalize, personalize.» Et ça, ça n'a pas été fait et ça devrait, je pense, être fait.

Et également essayer de voir… Je pense qu'il y a quelqu'un dans le panel, ici, qui a mentionné les différences qui peuvent exister entre certaines provinces et entre certains groupes sociaux. On sait que plus les gens sont instruits, moins ils fument. Ça, ça insulte un peu mes confrères fumeurs, là, mais c'est ça pareil. C'est ça quand même. Alors, le tabagisme va en diminuant plus il y a d'éducation. Alors, c'est bien sûr que, si vous avez affaire à une clientèle du sud-est… ou du sud-ouest de Montréal ou du sud-est de Montréal, eh bien, vous courez la chance d'avoir plus de gens qui fument. Et comment dire à la jeune mère monoparentale qui vit sur le bien-être social, dont le seul plaisir est de s'allumer une cigarette à quatre heures de l'après-midi, avant que les petits reviennent de l'école, puis prendre un café, qu'elle ne devrait pas fumer? Ce n'est pas facile. Alors, c'est aussi en relation avec le niveau socioéconomique des gens.

Mais ça, ça serait bon que, justement, les statistiques dont on dispose soient plus détaillées selon les groupes d'âge et selon également les régions socioéconomiques du Québec, pour savoir exactement où on s'en va de façon à pouvoir cibler mieux nos interventions. Parce qu'à l'heure actuelle l'intervention est très généralisée et ça aurait besoin d'être plus personnalisé que ce que l'on fait à l'heure actuelle.

À l'heure actuelle, si on regarde les statistiques, c'est des choses qui sont préliminaires. Je ne peux pas vous fournir un article scientifique là-dessus, mais on a l'impression que, dépassé l'âge de 60 ans, ceux qui continuent à fumer, ce sont des fumeurs endurcis. Il y a quelques données là-dessus qui viennent des États-Unis et de la Grande-Bretagne. Et ces gens-là, ce sont des gens qui sont très dépendants de la nicotine, alors qui ont besoin d'une approche personnalisée. Je sais que la pharmacothérapie, ce n'est probablement pas, nécessairement, de votre ressort, c'est plus du ressort de l'INESSS, mais, quand même, là aussi, il faudrait peut-être, à un moment donné, faire des pressions pour qu'il y ait un petit peu plus de souplesse de ce côté-là pour nous faciliter la tâche.

Le Président (M. Bergman) : M. Leroux.

M. Leroux (Mathieu) : Oui. Juste une chose, pour poursuivre sur ce qu'a dit Dr Ostiguy. C'est sûr qu'on propose des mesures qui sont un peu plus coercitives, parce que c'est ce qui a été fait par le passé, et force est de constater que la situation s'est améliorée. Par contre, l'Association pulmonaire du Québec ne prône pas le bâton sans la carotte. On croit qu'il faut développer des programmes d'arrêt tabagique en milieu de travail, en milieu scolaire, dans la communauté, dans les CSSS, et ainsi de suite. On ne pense pas qu'on peut amener un interdit sans aider la personne à se sortir de ce qui est une très, très, très forte dépendance. Donc, voilà.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Merci. C'est très intéressant, ce que vous amenez comme approche personnalisée. Vous avez une grande préoccupation, puisque vous l'avez mentionné tantôt, pour ce que vous avez appelé les «hard-core smokers», c'est-à-dire les fumeurs invétérés et qui ont besoin d'aide. Et votre réflexion vous amène à penser à une stratégie personnalisée pour ces gens-là.

Comment vous voyez le rôle du gouvernement? Qu'est-ce que... ou comment vous voyez une approche ou un programme? Qu'est-ce que le gouvernement pourrait apporter pour... qui irait dans le sens de ce que vous préconisez comme approche?

Le Président (M. Bergman) : Dr Ostiguy.

M. Ostiguy (Gaston) : Le gouvernement dépense, à l'heure actuelle, déjà plusieurs millions de dollars chaque année pour la lutte antitabagique. Il y a très peu d'argent qui est consacré à la cessation tabagique en milieu hospitalier ou dans les cliniques médicales, ce qui fait que vous avez relativement peu de spécialistes en cessation tabagique au Québec. On peut les compter sur les doigts de la main.

À la Mayo Clinic, à Rochester, où vous avez le Dr Hurt, ça fait 10 ans qu'il dit que chaque hôpital devrait avoir un spécialiste en cessation tabagique. Pour, justement, les fumeurs endurcis, qui sont les plus susceptibles de bénéficier d'un arrêt tabagique, ça prend une approche spécialisée. Si vous avez un cas compliqué de métabolisme, si vous avez un cas compliqué de maladie cardiaque, vous allez voir un cardiologue, vous allez voir un endocrinologue. Alors, c'est la même chose pour le tabagisme.

Mais, à un moment donné, il faut dépasser la routine, la recette que l'on veut administrer à tout le monde, et, à ce moment-là, je pense qu'il devrait peut-être y avoir un certain... plus d'argent qui est consacré justement pour que chaque institution de santé puisse posséder de bonnes cliniques de cessation tabagique. À l'heure actuelle, justement, à McGill, on est en train d'instaurer — on a eu de bonnes réponses justement ce matin — le modèle d'Ottawa, qui n'est pas aussipersonnalisé qu'on voudrait l'être, mais déjà c'est beaucoup mieux que ce qui se fait dans la majorité des situations; parce qu'il reste que, pour la cessation tabagique, les deux piliers d'intervention demeurent la pharmacothérapie et le counseling. Les deux sont absolument nécessaires parce que c'est un mode de vie.

À notre clinique, c'est sûr qu'on a une clientèle qui est très limitée. On ne prend pas de fumeurs qui viennent de l'extérieur. Quelqu'un qui travaille chez Hydro-Québec ou à Place Ville-Marie, en bas, qui est en bonne santé, ce n'est pas notre clientèle. Nous, on prend des gens qui ont uniquement des dossiers médicaux au Centre universitaire de santé McGill, donc uniquement des gens qui ont de la comorbidité.

Et je dois vous dire que 50 % de notre clientèle a des problèmes de santé mentale : ils prennent des psychotropes, ont été hospitalisés pour des problèmes de santé mentale, et ont fait des épisodes dans le passé, et sont suivis par un psychiatre ou un psychologue. Les gens fument souvent pour contrôler leur humeur, hein? Il n'y a pas de meilleur produit que la cigarette pour contrôler l'humeur, hein? Quand les gens sont «down», bien, pour se donner un peu de pep, ils vont fumer; quand ils sont anxieux, pour se calmer, ils vont fumer. Et c'est souvent pour ça que… Même quand ils ont réussi à cesser de fumer, c'est pour ça qu'ils recommencent, parce qu'ils vont vivre une période de stress ou une période de dépression.

• (16 h 30) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Et, Dr Ostiguy, dans votre pratique et avec l'expertise de votre organisation, est-ce que vous avez été en mesure de cibler des mesures ou des pratiques qui ont un impact, qui aident le plus, qui sont les plus utiles dans la cessation du tabac? Est-ce qu'il y a quelque chose qui fonctionne mieux, là, avec les personnes qui ont des difficultés à cesser de fumer?

Le Président (M. Bergman) : Dr Ostiguy.

M. Ostiguy (Gaston) : Oui. Bien, je pense qu'à ce moment-là il faut adapter, individualiser la pharmacothérapie chez ces gens-là. Et ça nous a valu bien des téléphones de la part des pharmaciens, parce que, bon, à un moment donné : Coudon, votre docteur, il est-u fou? Il va vous tuer, là, avec… Les gens ressortent de la clinique avec deux patchs, puis des pastilles, et puis un inhalateur, et puis… ou encore du bupropion, alors une thérapie intensive qui est… Ils ont besoin d'une thérapie intensive, et ça prend également du personnel médical. Moi, je suis chanceux, j'ai une infirmière qui consacre quatre jours, à plein temps, par semaine pour faire le suivi téléphonique et le suivi, même, en clinique externe, pour essayer de modifier les modes de vie de notre clientèle. Alors, pour les gens qui sont… les endurcis, là, ça prend ce genre d'intervention, qui est faite à pas beaucoup d'endroits, tant à Montréal qu'à Québec.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Écoutez, je n'ai pas vraiment de question, mais je voulais juste prendre la peine de vous dire que je trouve ça très intéressant, l'approche que vous avez. On a entendu beaucoup de groupes dans les deux derniers jours, là, et puis vous apportez des nuances, puis vous personnalisez la chose, puis je trouve ça très intéressant, là, l'approche que vous nous apportez. Alors, je pense que c'est assez clair, votre discours. Je vous remercie.

Le Président (M. Bergman) : M. le député d'Argenteuil.

M. Richer : Merci, M. le Président. Dr Ostiguy, M. Leroux, merci d'être là. Effectivement, je partage entièrement les commentaires de ma collègue.

D'entrée de jeu, Dr Ostiguy, vous avez mentionné, vous avez constaté que la situation stagne depuis 2010 et, à juste titre, vous avez constaté qu'on est en 2013 et qu'on est en train de faire le travail qui aurait pu être fait il y a trois ans. L'article 77 du projet de loi précise une date fixe pour déposer le rapport, précise un délai fixe pour informer l'Assemblée nationale mais ne précise pas de délai pour que la commission parlementaire soit saisie. Donc, est-ce que ça serait une bonne idée de compléter la loi n° 77 et de fixer le délai où serait remise à la commission parlementaire l'étude du travail, pour éviter ces délais? Parce que, durant ce temps-là, l'industrie du tabac a été hyperactive. Donc, seriez-vous d'accord, est-ce que ce serait…

Le Président (M. Bergman) : Dr Ostiguy.

Des voix :

M. Richer : Pardon?

M. Ostiguy (Gaston) : Vous nous arrachez les mots de la bouche.

M. Richer : Ça me fait…

M. Ostiguy (Gaston) : Non, c'est bien évident que plus les mises en marche de certaines actions retardent, bien, plus, à ce moment-là, il y a de jeunes personnes qui commencent à fumer et plus il y a de gens qui continuent à fumer.

Vous savez, il y a un groupe également… là, je reviens à la personnalisation, il y a un groupe également auquel on s'intéresse très peu, ce sont les jeunes adultes. On voit les personnes plus âgées qui sont malades, on s'occupe énormément des adolescents, mais, les jeunes adultes entre 25 et 40 ans, qu'est-ce qu'on fait pour eux? À peu près rien, hein? Et pourtant ce sont eux qui commencent à élever leur famille, ils ne voudraient pas que leurs enfants fument, ils ont tous les incitatifs financiers possibles et impossibles pour cesser de fumer, si ce n'était que les réductions de primes d'assurance santé, d'assurance vie, d'assurance auto, d'assurance habitation, ils ont tous les «incentives», et il y a très peu… On s'adresse rarement à cette population, et réellement c'est une population qui serait là à cibler.

Et je pense qu'il est très intéressant de… Probablement que vous êtes au courant de la fameuse étude des «50 000 British doctors», là, qui a été fait par Peto, depuis 1965, où on dit que, si un individu, un homme — parce que c'étaient des hommes — arrête de fumer avant l'âge de 35 ans, il a très peu de risques de développer des maladies en relation avec son tabagisme. Et là, récemment, dans le BMJ, on vient également de publier une énorme étude britannique faite chez plus de 1 million de femmes, où également on dit que, si les femmes arrêtent de fumer avant l'âge de 35 ans, on prévient à 97 % les maladies qui sont en relation avec le tabagisme. Alors, c'est ce groupe entre 25 et 40 ans pour lequel on ne fait pas grand-chose à l'heure actuelle et qui mériterait d'être ciblé.

Le Président (M. Bergman) : M. le député d'Argenteuil… Excusez. M. Leroux.

M. Leroux (Mathieu) : Oui, je voulais juste ajouter par rapport aux délais. Vous parlez du temps qui passe. Bon, chaque année, chaque année, il y a des milliers de jeunes qui commencent à fumer. On sait que le taux de tabagisme stagne, ce qui veut dire que, lorsqu'une personne décède des causes de son tabagisme, il y a quelqu'un d'autre qui commence à fumer pour prendre la relève, pour que ce chiffre-là reste le même. Donc, trois ans d'attente, c'est des dizaines de milliers de jeunes qui sont exposés à la fumée secondaire de plus, c'est des milliers de jeunes qui comment à fumer de plus. Donc, oui, effectivement, d'avoir une date butoir pour pouvoir faire le travail et pouvoir proposer une nouvelle recommandation, ça nous semble important, effectivement.

Le Président (M. Bergman) : M. le député d'Argenteuil.

M. Richer : En complément, je pense l'avoir entendu, mais, en suivi : Il faut combien de temps à un jeune de 15 ans, 16 ans qui commence à fumer, là, pour devenir vraiment un accro, un fumeur invétéré? Ça se passe en moins de trois ans?

M. Ostiguy (Gaston) : Ah oui! En moins de trois ans. Il y a même des études, des publications qui ont été faites récemment que, seulement après un premier paquet de cigarettes, on peut devenir facilement accro. Il y a tout… On ne connaît pas tout, là, dans le tabagisme, hein? Et on commence à s'y intéresser de plus en plus, aux facteurs génétiques du tabagisme, parce que vous avez des métaboliseurs rapides, des métaboliseurs lents de nicotine, et c'est sûr que les métaboliseurs rapides courent le risque de devenir accro plus rapidement que d'autres. Mais faire un profil génétique, à l'heure actuelle, chez les fumeurs, ça serait dispendieux et assez compliqué, donc on ne le fait pas. Mais, pour ceux qui ont un profil génétique qui les prédispose à devenir dépendants — et souvent ça, ça se voit dans la famille — eh bien, à ce moment-là, ça… Vous dites trois ans, mais il y en a qui disent qu'après un premier paquet de cigarettes ils peuvent devenir accros.

Le Président (M. Bergman) : M. le député d'Argenteuil.

M. Richer : Merci. Ça va, en ce qui me concerne, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée, une minute.

Mme Proulx : Une minute. Bon. Simplement, vous avez parlé tantôt… vous avez mentionné, là, un aspect socioéconomique important et vous avez parlé d'un niveau d'éducation, mais je prendrais éducation dans son sens large, des campagnes d'information et de sensibilisation : Est-ce que vous pensez que c'est une piste intéressante et que ça a un impact? Est-ce qu'on est capable, à travers des campagnes d'information, de contrer l'agressivité des producteurs de tabac, qui sont créatifs et qui mettent de l'avant toutes sortes de formules pour attirer les jeunes?

M. Ostiguy (Gaston) : Bien, ça, je pense qu'à l'heure actuelle c'est déjà bien fait, là, il y en a déjà beaucoup dans ce domaine-là. Et ce n'est peut-être pas… En général, je pense que les gens sont fortement au courant de ce qui se passe. Malheureusement, depuis quelques années, un an ou deux, on n'a plus, sur les paquets de cigarettes, la quantité de nicotine, de monoxyde de carbone, des dérivés du goudron que chaque cigarette contenait. On m'a dit, à Ottawa, que c'était une donnée qui n'était pas très utile. Moi, je ne suis pas sûr de ça. Parce qu'il n'y a pas un fumeur qui fume de la même façon, hein, et je pense qu'au moins, si vous voulez faire une thérapie de remplacement de nicotine, eh bien, quand les gens sont craintifs, par exemple, d'utiliser des timbres de nicotine, ils fument 25 cigarettes par jour, à deux milligrammes de nicotine par cigarette, ça fait 50, puis là ils sont craintifs parce que vous leur prescrivez un patch de 21, c'est le genre d'information… Moi, quand ils viennent : Avez-vous votre paquet de cigarettes dans vos poches? Montrez-moi-le donc, hein? Et autrefois c'était une information qui était utile, et ça, c'est disparu, cette information-là, malheureusement. Moi, je pense qu'il faudrait y revenir.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement. Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, je prends la première question.

Vous avez une phrase qui m'intéresse beaucoup dans votre mémoire, qui n'était pas soulevée jusqu'à ce moment, vous dites : «…selon une étude du Conference Board du Canada, un employé fumeur coûte en moyenne 3 396 $ [...] à son employeur chaque année.» Je trouve ça très intéressant. Je me demande si vous avez la documentation du Conference Board du Canada, le 3 396 $, incluant les moments absents, baisse de productivité, etc., je trouve ça très intéressant sur le côté économique pour notre société.

• (16 h 40) •

M. Ostiguy (Gaston) : Si vous allez sur le site du Conference Board du Canada, si vous leur écrivez, il y a eu une première étude qui a été publiée, qui a été faite en 1995, et on arrivait sensiblement au même chiffre d'environ 3 500 $. Ça a été répété en 2005, on est arrivés à peu près exactement aux mêmes conclusions.

J'avoue que j'ai été impliqué comme expert témoin pour une compagnie, que je ne nommerai pas mais qui a réussi à faire bannir le tabac — et c'est une grosse compagnie, plusieurs employés — à faire bannir complètement le tabac sur ses terrains, compagnie privée. Et naturellement il y a eu des objections qui ont été créées. Alors, ça a été soumis au Tribunal administratif, et on est allés… Justement, on a apporté ce genre de chiffre là devant… au Tribunal administratif, et ça a été un des arguments qui a permis au juge, ou au commissaire, de donner raison à la compagnie de bannir, parce que ça coûte en termes de productivité, ça coûte en termes d'assurances pour la compagnie. Dans cette compagnie-là, ils avaient eu 150 décès prématurés reliés avec le tabac. Alors, tout ceci mis ensemble, et c'est très bien détaillé dans cette étude du Conference Board… qu'on arrive facilement à un chiffre conservateur, conservateur, de 3 500 $.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue, M. Leroux, Dr Ostiguy, que j'ai eu l'occasion de voir faire des présentations; puis le Dr Ostiguy est un... mais c'est probablement notre expert au Québec pour la cessation du tabac, et puis je sais qu'il en a fait une vocation. En tout cas, là, je ne sais pas si ça vous a amené à la sanctification, mais au moins vous vous en êtes occupé beaucoup.

Et puis je tiens à réitérer tout le respect pour l'association. Parce qu'il ne faut pas oublier que ce sont des gens qui sont très malades. Souvent — c'est vrai, ce que vous avez dit — les gens disent qu'ils sont responsables de leur maladie, mais je pense qu'il faut plus voir ça comme une dépendance, il faut être plus en support que de les culpabiliser. Puis on oublie souvent que la première cause d'hospitalisation au Québec, c'est les maladies pulmonaires. Quand vous regardez les hospitalisations dans chacun des hôpitaux du Québec, la première cause, en haut, là, c'est les maladies pulmonaires. C'est des gens qui reviennent à répétition, que l'espérance de vie, parfois, est limitée, mais qu'on voit souvent dans nos hôpitaux, nos urgences, puis c'est des gens qui sont très malades. Puis j'aimais beaucoup ce que le Dr Dandavino nous disait. Il disait : Soulager la douleur, on a les outils pour, mais soulager la dyspnée, là, c'est une autre difficulté.

Dr Ostiguy, j'utiliserais votre expertise aujourd'hui. Puis vous avez fait beaucoup de formation, on appelle ça de la formation médicale, à des députés. Le nombre de fois qu'une personne doit essayer d'arrêter de fumer avant de réussir, ça peut être à peu près combien, selon les études que vous avez?

M. Ostiguy (Gaston) : À l'heure actuelle, les statistiques, puis c'est… Parce que, nous, chaque personne qui se présente à la clinique répond à un questionnaire, et, en général, les gens ont essayé trois, quatre ou cinq fois, plus souvent quatre, cinq et six fois, d'arrêter de fumer. Mais, je le dis toujours, ça, ce n'est pas nécessaire. C'est parce qu'ils se sont pris de la mauvaise façon. On ne leur a pas donné tout le support qui était nécessaire pour… Et il y a également toutes ces mauvaises conceptions qui circulent chez les fumeurs : Bah! Ce n'est pas une maladie, c'est une habitude, donc je devrais être capable de changer mon habitude. Au lieu de prendre du Corn Flakes le matin, je pourrais prendre du Shredded Wheat, hein? Bien, c'est plus compliqué que ça, c'est une dépendance. Et l'autre chose qu'ils nous disent souvent : Bien, je n'ai pas de volonté. Ce n'est pas vrai, ça. Ils en ont, de la volonté, mais c'est difficile d'arrêter de fumer. Et, si on réussissait à enlever ça de la tête des gens, peut-être qu'à ce moment-là ça serait plus facile.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Je pense qu'une des notions qu'il faut dire aux gens, d'emblée, c'est : C'est une dépendance. Il faut vraiment le voir comme une maladie.

Lorsque quelqu'un a réussi à arrêter de fumer, c'est quoi, le conseil que vous lui donnez, le plus fréquent, pour ne pas recommencer?

M. Ostiguy (Gaston) : De ne jamais en allumer une.

M. Bolduc (Jean-Talon) : O.K. Parce que je voulais savoir, je voulais savoir si je donnais le bon conseil, là.

M. Ostiguy (Gaston) : Ne jamais en allumer une.

M. Bolduc (Jean-Talon) : C'est probablement le seul conseil que je dis après, là. Je dis : Si vous y retouchez une fois, vous êtes recommencé.

M. Ostiguy (Gaston) : C'est comme les alcooliques.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, c'est sage. Il y en a qui disent que c'est pire, mais, en tout cas…

M. Ostiguy (Gaston) : C'est vrai. Vous avez raison.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. J'aimerais avoir de l'information. Vous avez vu tout le dossier sur les cigarettes électroniques, qui a pris beaucoup de place dans nos discussions ici. Vous êtes un expert sur la cessation du tabagisme, vous connaissez toutes les aides. Les médicaments que vous disiez, on les prescrit régulièrement, puis il faut aider nos gens. Est-ce que vous pensez qu'il y a une place pour un outil comme ça? Est-ce que ça prend plus d'études? Puis là je ne veux pas avoir de biais en disant : Je suis contre d'emblée, là. Je veux dire, je pense qu'il faut avoir des études par rapport à ça, mais j'ai beaucoup de doutes. J'aimerais que vous me disiez qu'est-ce que vous en pensez.

M. Ostiguy (Gaston) : Bon, écoutez, dans des situations aussi complexes que celle-là, ce n'est ni noir ni blanc, c'est du gris. Alors, je dois vous dire qu'un bon nombre de patients qui viennent à la clinique utilisent des cigarettes électroniques avec ou sans nicotine. Avec nicotine, même si ce n'est pas permis au Canada, il y a quand même des gens qui en distribuent, et la majorité des gens se les font venir par Internet. Alors, c'est certainement quelque chose qui est à réglementer, à réglementer dans ce sens que c'est attrayant, c'est aromatisé. Donc, c'est sûr que, si on la rend disponible facilement comme ça chez les dépanneurs, eh bien, à ce moment-là, les jeunes vont essayer la cigarette électronique, et, en peu de temps, ils vont devenir accros, et là ils vont switcher — excusez mon anglicisme, là — ils vont aller vers la cigarette commerciale ou encore le pot, hein, la marijuana. Alors donc, ça a besoin d'être réglementé.

Maintenant, on voit trop souvent de gens qui disent que ça n'a pas été étudié. Non. Il y a des études qui ont été faites avec la cigarette électronique. Elles n'ont pas toujours été faites pour savoir si les gens voulaient s'en servir pour cesser de fumer. Il y en a qui ont été faites simplement pour savoir si c'était bien acceptable, autrement dit, si ce n'était pas trop irritant. Parce que vous avez ça sur le marché, vous avez ça sur le marché, ce sont des inhalateurs de nicotine. Alors, quelle est la différence entre ça et la cigarette électronique? C'est que ça, ce n'est pas aromatisé, et, en général, bon, les gens n'auront pas... D'abord, c'est assez dispendieux et ça se vend en pharmacie, même si ce n'est pas couvert par la RAMQ, ça se vend en pharmacie et c'est disponible au comptoir. Mais ça n'a pas un goût très, très agréable. Mais la cigarette électronique, malheureusement, elle est agréable au goût parce qu'elle est aromatisée. Et alors, à ce moment-là, c'est sûr que, si elle est rendue disponible, rendue disponible chez les dépanneurs comme ça, comme une barre de chocolat ou une bouteille de Coca-Cola, eh bien, à ce moment-là, c'est sûr que ça serait excessivement dangereux, ça serait un incitatif pour permettre aux jeunes de commencer à fumer.

Maintenant, est-ce que la cigarette électronique... Dans notre clientèle, la cigarette électronique — et dans la littérature aussi — a aidé des gens à cesser de fumer, a aidé les gens à diminuer considérablement leur consommation de tabac. Et c'est bien évident qu'à ce que l'on sache, à l'heure actuelle, elle est moins nocive que le tabac commercial, hein, ça ne contient pas les 7 000 produits différents que contient le tabac. Alors, essentiellement, ça contient de la nicotine et des arômes.

Mais, encore là, malheureusement, on ne s'est pas penché sur tout ce que ça pourrait contenir. Il n'y a pas de très, très bonnes analyses qui ont été faites. Par exemple, bon, est-ce que ça peut être totalement inoffensif? Bien, vous avez ici un individu qui a utilisé la cigarette électronique, il a développé une pneumonie lipidique — on n'a pas beaucoup de bons traitements pour guérir une pneumonie lipidique, c'est assez sérieux — parce que, dans sa cigarette électronique, il y avait des huiles, il respirait des huiles dans ses poumons. Alors, c'est important que…

Si on permet à la cigarette électronique d'être disponible dans certaines situations, dans les cliniques de cessation tabagique par exemple, eh bien, à ce moment-là, il faudrait absolument... Si on achète une boîte de soupe à l'épicerie, on sait ce que ça contient. Bien, il faudrait, pour les cigarettes électroniques, il y en a des dizaines sur le marché, mais, si on en met quelques-unes, on en accepte quelques-unes sur le marché, au moins savoir exactement ce qu'elles contiennent; ce que l'on ne sait pas. Maintenant, dans le cadre d'une clinique d'abandon tabagique, la cigarette électronique s'est avérée utile, et de par les articles qui ont été publiés dans des journaux sérieux et de par notre expérience.

L'autre chose aussi, c'est que vous avez des individus qui sont dans des institutions de soins prolongés avec une qualité de vie absolument effroyable, hein? Et moi, je me sens toujours un peu inhumain quand je vois de ces vieilles personnes descendre en chaise roulante dans le stationnement de l'hôpital, ils ont éteint leur oxygène, puis là ils s'allument une cigarette commerciale alors qu'il fait moins 20 ° à l'extérieur. Je pense qu'à ce moment-là ça ne nuirait pas à personne si ces gens-là pouvaient disposer d'une cigarette électronique dans leur lit d'hôpital, en attendant de... en attendant ce que l'on sait.

Donc, il y a peut-être certaines circonstances… Comme je dis, ce n'est pas noir et blanc, c'est gris. Il y a peut-être certaines circonstances où ça pourrait être utile, mais ça a besoin d'être réglementé et ça a surtout besoin que, celles qui sont mises sur le marché, on sache exactement ce qu'elles contiennent.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Dr Ostiguy, parce que je trouve que vous faites une belle nuance. Et puis ce que je comprends, quand c'est disponible au dépanneur, ce n'est peut-être pas ça qu'on devrait avoir, mais ça pourrait être un outil utilisé dans certaines circonstances. Ça, je pense que... des fois, les gens... J'ai dit à des gens, dans les derniers jours, qu'il y avait peu de crédibilité dans ce qu'ils apportaient, mais, vous, j'accorde beaucoup de crédibilité à votre expérience.

M. Ostiguy (Gaston) : J'en ai, des patients qui l'utilisent.

M. Bolduc (Jean-Talon) : L'autre élément, les compagnies de tabac nous ont fait mention qu'ils veulent développer des produits pour amenuiser les effets néfastes de leurs propres produits. Donc, c'est une stratégie, moi, ce que je disais, marketing. À votre connaissance, il y a-tu des nouveaux produits qui pourraient avoir cette efficacité-là ou on est encore dans le rêve?

Le Président (M. Bergman) : Dr Ostiguy.

M. Ostiguy (Gaston) : Est-ce que vous parlez de la cigarette moins nocive?

• (16 h 50) •

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Leur argument, c'est de dire : Vous savez, il va se développer des nouveaux produits, donc on peut continuer à fumer; un jour, il va y avoir quelque chose qui va être moins nocif.

Le Président (M. Bergman) : Dr Ostiguy.

M. Ostiguy (Gaston) : Bon, il faut savoir une chose, je reviens sur la personnalisation, l'individualisation de l'approche, c'est qu'il n'y a pas un fumeur qui fume de la même façon. Et ça, nous, on a un peu imité l'approche de la clinique Mayo. Et tous nos patients, quand ils viennent à l'hôpital, à leur première visite, ils ont une mesure de la cotinine sanguine, qui est un excellent marqueur, qui est un métabolite de la nicotine, qui est un excellent marqueur. Et, si la moyenne d'un fumeur a un taux de cotinine sanguine d'environ 200 à 250, on a des variations qui vont de 150 puis… On en a eu un qui était à 900. Il y en a un qui était à 900. Son médecin nous l'a envoyé parce qu'il avait probablement des problèmes de glandes surrénales, elle voulait mesurer… je m'excuse, je ne voudrais pas être trop technique, là, mais les catécholamines dans ses urines, et, comme ça interférait avec la… la nicotine interférait avec ce test de laboratoire, elle ne pouvait pas le faire.

Mais il n'y a pas un fumeur qui fume de la même façon. Alors, selon… Le nombre de cigarettes, c'est une chose, la quantité de nicotine que la cigarette contient, c'est une chose, et la façon dont les gens fument, c'est une autre chose. Et, pendant des années, les manufacturiers du tabac ont dit : Ah! Bien, oui, on va avoir des cigarettes plus douces, moins nocives. Tout ce que les gens font à ce moment-là, c'est qu'ils fument différemment : ils bouchent les pores qui existent dans le filtre, ils respirent plus profondément, ils retiennent leur souffle plus profondément, et, si vous mesurez leur cotinine sanguine, vous arrivez exactement au même résultat. Alors, ça, je pense qu'on a encore du chemin à faire avant d'avoir une cigarette moins nocive.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, j'ai eu ma réponse.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Dr Ostiguy, bonjour.

M. Ostiguy (Gaston) : Bonjour.

Mme Vallée : Je profite de votre expertise, peut-être, pour vous questionner sur toute la question de la chicha et des salons de chicha, des effets de cette fumée-là sur les jeunes, sur ceux qui en consomment. On parlait tout à l'heure des jeunes fumeurs auxquels on devait s'attarder, puis j'ai l'impression que ces salons de chicha là vont chercher justement cette clientèle-là, 18 ans et plus, jeunes, «trendy», qui cherche à trouver les moyens différents de s'amuser. Est-ce que, dans votre pratique, vous avez croisé des gens qui consommaient ça? Parce que, je dois vous avouer, on a eu des échanges ici entre les membres de la commission, on ne connaît pas beaucoup ça.

M. Ostiguy (Gaston) : Où demeurez-vous?

Mme Vallée : Moi, je demeure à Maniwaki.

M. Ostiguy (Gaston) : Bien, écoutez…

Mme Vallée : Il n'y en a pas, de salons de chicha, à Maniwaki, je dois vous dire.

M. Ostiguy (Gaston) : Non? Bon, bien, écoutez, moi, je vous inviterais à… Moi, je demeure actuellement à ville Saint-Laurent. Alors, je vous inviterais à venir vous promener sur Côte-Vertu, entre la 15 et Décarie, et vous avez des salons de chicha, là, à toutes les deux portes, parce que c'est un endroit très… avec énormément d'ethnies, et beaucoup d'ethnies qui viennent du Moyen-Orient. Donc, une belle journée comme ça, là, Côte-Vertu et Muir, là, vous allez avoir 50 fumeurs de chicha, là, qui sont là, qui fument à l'extérieur.

Mme Vallée : Mais je suis pas mal plus intéressée par les effets sur la santé que… De les voir, je vous avoue, ça ne m'intéresse pas particulièrement, c'est plutôt les effets sur la santé qui me préoccupent.

M. Ostiguy (Gaston) : Vous ne voulez pas l'essayer?

Mme Vallée : Non, pas vraiment.

M. Ostiguy (Gaston) : Bien, ça aussi, hein, c'est aromatisé, alors, ça aussi, c'est plaisant dans ce sens. Les gens qui préconisent le chicha ou le houka, bien, ils vont dire, bien, vu que c'est filtré dans l'eau, qu'il y a moins de problèmes. Mais, en fait, si on fait l'analyse des particules, des infraparticules inférieures à 2,5 microns, là, il s'en dégage quand même énormément dans la fumée de chicha. Et, dans ce contexte-là… Encore là, je peux vous dire que, même si on décèle une population avec des ethnies fort différentes, il y a très peu de gens qui viennent à l'hôpital, soit à la clinique externe ou… qui sont hospitalisés à cause de dommages pulmonaires en relation avec le fait de fumer de la chicha. Parce que, dans tout ça, il faut toujours prendre en considération qu'il y a la relation dose-effet, hein? Fumer une cigarette, on fume ça en l'espace de 10 minutes, 15 minutes, hein? Une pipée de chicha, là, ça peut durer une bonne partie de la soirée. Alors, la quantité que les gens consomment, ça, c'est une chose, hein? Il y a également la toxicité du produit qui en est une autre. Et, troisièmement, il y a toujours les mécanismes de défense que les individus ont.

Alors, théoriquement, il semble se dégager de la fumée de chicha autant de miniparticules que dans la fumée de cigarette, et, dans les salons où ça a été mesuré, si on mesure dans l'air ambiant, le taux de miniparticules est aussi important que dans les endroits où on fume la cigarette. Maintenant, les fumeurs de chicha, est-ce qu'ils sont d'aussi gros fumeurs que les fumeurs de cigarettes et est-ce que c'est dans ce contexte-là que ça a moins d'effets sur leur santé? Je ne peux pas répondre à votre question.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau, il vous reste 2 min 30 s.

M. Ostiguy (Gaston) : Mais…

Mme Vallée : Je vais céder…

M. Ostiguy (Gaston) : … — excusez-moi — mais l'Organisation mondiale de la santé le décommande.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, il vous reste 2 min 30 s.

Mme de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup. J'apprécie énormément comment vous nuancez vos réponses. Le monde n'est pas noir ou blanc, c'est très gris la plupart du temps.

J'aimerais revenir à quelque chose que vous avez dit. Vous avez dit qu'on devrait cibler un peu plus les jeunes adultes, mais vous avez aussi dit qu'on n'a pas besoin de campagne de sensibilisation additionnelle parce qu'il y en a assez. D'après vous, comment on devrait cibler les jeunes adultes? Qu'est-ce qu'on devrait faire?

Le Président (M. Bergman) : Dr Ostiguy.

M. Ostiguy (Gaston) : Bon. Je pense qu'il y a deux arguments auxquels ces gens-là sont très sensibles, hein, c'est le coût financier du tabagisme. Alors, ces gens-là, ils commencent, souvent, leur famille, alors ça coûte cher de fumer. J'en ai vu un ce matin, ça fait juste quatre semaines qu'il ne fumait plus, il dit : J'ai déjà mis de côté 1 600 $. En général, on calcule que ça coûte environ 3 000 $... Quelqu'un qui arrête de fumer sauve, épargne environ 3 000$, 3 500 $ par année. Donc, ils sont très sensibles à l'effet économique.

Ils sont sensibles également au fait qu'ils deviennent des pères ou des mères de famille et qu'ils ne veulent pas que leurs enfants fument. Et, troisièmement, peut-être que la meilleure façon aussi de les rejoindre, ça serait à travers leurs employeurs, à travers leurs employeurs. Ça se faisait beaucoup autrefois, ça se fait beaucoup moins maintenant. L'Association pulmonaire, pendant des années, allait dans l'industrie, rencontrait les employés pour leur parler du tabagisme. Et, depuis ce temps-là, il s'est développé beaucoup d'outils et beaucoup d'arguments qui pourraient peut-être les aider à les convaincre davantage.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci, Dr Ostiguy. Allo! C'est très, très agréable de vous entendre, effectivement, et l'expérience que vous avez aussi. Moi, j'aimerais vous entendre nous dire, bon, depuis le nombre d'années que vous traitez des patients pour… à la clinique, là, pour cesser de fumer, selon vous, c'est quoi, la méthode… Je sais que c'est personnalisé, mais il y a-tu une méthode qui est plus efficace que les autres?

M. Ostiguy (Gaston) : Bien, les bases des interventions demeurent une pharmacothérapie individualisée et un bon counseling pour que les gens évitent, à ce moment-là, ce qu'on appelle les incitatifs, les «cues» qui les portent à fumer, et ça, ça peut être fait… Ce n'est pas nécessaire que ce soit fait par un médecin, ça peut être fait par un autre professionnel de la santé. Et les deux sont nécessaires, et le suivi… 50 % des gens qui veulent cesser de fumer rechutent durant les deux premières semaines, elles sont cruciales. Et je dis souvent à mes confrères : Si vous voyez une pneumonie, vous n'attendrez pas trois mois pour faire une radiographie pulmonaire, si vous prescrivez de l'insuline, vous n'attendrez pas un mois avant de vérifier sa glycémie, hein? C'est la même… alors, pourquoi… C'est un peu une espèce de mauvaise habitude que les docteurs ont, c'est de donner des rendez-vous aux trois mois, hein? C'est comme si tout avait besoin d'être vu seulement aux trois mois. Mais, pour le tabagisme, c'est très important, et ça, ce suivi serré peut être fait pas nécessairement par un médecin, par un autre professionnel de la santé qui est habilité et qui est formé dans ce domaine-là.

Mais, quand on regarde les causes d'échec, bien, à part des situations émotionnelles qui sont importantes, c'est que les gens ont dit : Ah! ça fait deux semaines que je ne fume pas, je vais en prendre une, je vais l'essayer, je vais être capable. Les traitements, au départ, ne sont pas suffisamment intensifs. Les doses de pharmacothérapie que l'on administre ne sont pas assez fortes, le traitement n'est pas assez long. C'est peut-être des choses que je devrais dire à l'INESSS, pas ici, mais c'est ça pareil.

• (17 heures) •

Mme Daneault : Non, non, non, c'est bon ici.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci. Non, c'est excellent ici. Donc, ce qu'on recommanderait, c'est d'avoir un suivi plus serré dès qu'on prescrit une médication à des patients qui cessent de fumer, en dedans de deux semaines. Est-ce qu'on pourrait penser avoir… Parce que maintenant, de plus en plus au Québec, on a des groupes de médecins de famille qui sont impliqués dans le traitement, mais avec des infirmières qui supportent nos traitements. Est-ce qu'on pourrait penser que d'avoir… Je reviens : Est-ce que la thérapie individuelle est meilleure que celle en groupe? Est-ce qu'on pourrait… Bon, admettons qu'on voit un patient une première fois, on lui prescrit une médication, est-ce qu'on devrait le joindre à un groupe après? Parce qu'on sait, entre autres pour les alcooliques anonymes, que ça marche d'avoir un suivi de groupe et une thérapie de groupe qui fait que, bon, dans le fond, on en reparle, on se motive en groupe. Est-ce que, chez les fumeurs, c'est le même pattern ou pas du tout? Ou je…

M. Ostiguy (Gaston) : Là, je ne voudrais pas couper les jambes au Dr Gervais, là, mais nous, dans notre clientèle, les gens, on avait des sessions de groupe dans le passé. On les a abandonnées parce que les gens n'en demandent pas. Le genre de clientèle qu'on a demande un suivi personnalisé.

Maintenant, moi, je divise toujours les fumeurs en trois catégories. Il y a des gens, vous allez leur donner un peu d'information, un peu d'éducation, ils vont cesser de fumer. D'ailleurs, on le sait, 75 % des fumeurs cessent d'eux-mêmes de fumer, sans aucune intervention d'un professionnel de la santé et sans pharmacothérapie. Ils font ça d'eux-mêmes. Il y a des gens qui ont besoin d'un petit coup de pouce pour cesser de fumer, et, à ce moment-là, ils peuvent bénéficier de counseling et de pharmacothérapie. Et il y a les gens qui sont des gens très dépendants, qui ont besoin d'une approche beaucoup plus serrée et beaucoup plus sévère.

Alors, les sessions de groupe, je pense que ça dépend du genre de clientèle que vous avez. Si vous avez une clientèle d'individus qui est très dépendante de la nicotine, à ce moment-là ce genre de patients là ne demandent pas d'avoir une thérapie de groupe. Donc, on n'avait pas assez de gens, nous, qui le demandaient pour en faire. Mais, pour un autre groupe de fumeurs moins dépendants, ça pourrait certainement réussir.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Voulez-vous ajouter? M. Leroux.

M. Leroux (Mathieu) : Oui, j'aurais juste apporté une petite information supplémentaire. Vous avez parlé des groupes de médecine familiale. Oui, c'est vrai que c'est superpertinent, mais on a aussi, au Québec, les réseaux des CSSS, qui sont des centres de santé et de services sociaux dans la communauté, qui pourraient offrir des programmes d'aide en arrêt tabagique, qui pourraient aider là où le médecin ne peut pas être présent. Comme Dr Ostiguy disait, ce n'est pas obligé d'être un médecin qui fait le suivi individualisé. Ça peut être une infirmière, ça peut être… Nous avons des inhalothérapeutes à l'Association pulmonaire du Québec. Donc, pourquoi ne pas utiliser les réseaux que nous avons déjà pour offrir ces services de proximité là?

Le Président (M. Bergman) : Alors, malheureusement, le temps s'est écoulé. Dr Ostiguy, M. Leroux, merci pour votre présentation, merci d'être avec nous, ici, aujourd'hui. On vous remercie, on apprécie beaucoup.

Je demande l'Association des pneumologues de la province de Québec de prendre leur place à la table. Et je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 17  h 4)

(Reprise à 17 h 6)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, Dr Beaupré, on vous souhaite la bienvenue, l'Association des pneumologues de la province de Québec. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Pour les fins de transcription, votre nom, votre position, et le micro, c'est à vous.

Association des pneumologues de
la province de Québec (APPQ)

M. Beaupré (Alain) : Alors, je m'appelle Alain Beaupré. Je suis pneumologue, je m'occupe des maladies respiratoires. Je travaille à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont et je travaille également à l'Institut de cardiologie. Dr Bolduc, vous me connaissez pour traiter les malades pulmonaires à l'urgence. Et je m'occupe également de l'enseignement, je suis professeur clinique à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal.

Je suis ici comme représentant, comme président de l'Association des pneumologues de la province de Québec. Alors, notre sigle, c'est APPQ. Alors, tout de suite, je vous mets au parfum, parce que c'est toujours mélangeant. Alors, l'APQ, c'étaient les précédents, c'est l'Association pulmonaire du Québec. Ils représentent, de façon succincte, les malades, et nous, nous représentons les pneumologues. L'APPQ est une association syndicale, je fais partie de la FMSQ.

Avant d'aller plus loin, je dois vous dire que je suis bien conscient que je suis le dernier présentateur, que vous avez eu deux journées de présentation, que je vais redire ce que tout le monde a dit et puis que tout le monde est parti, comme d'habitude, à la dernière présentation. Donc, je présume que vous aurez moins de questions, qui seront moins longues, peut-être. Mais je vais faire mon possible, et puis je m'excuse à l'avance, c'est la première fois que je participe à une audience publique. Donc, je vais faire des impairs, je ne suivrai pas le protocole, mais la prochaine fois, ça sera meilleur.

Alors, je représente 245 pneumologues qui sont évidemment spécialisés dans la prévention, dans le diagnostic et puis le traitement des maladies respiratoires. On est évidemment concernés par la lutte contre le tabac. Vous comprenez qu'on est très bien placés pour voir les ravages du tabac, pour voir toutes les maladies que ça cause. Je n'ai qu'à mentionner le cancer du poumon, l'emphysème et la bronchite chronique, puis vous comprendrez qu'on est très sensibilisés à ces maladies.

Avant d'aller plus loin, je voulais remercier la commission pour l'invitation qu'elle a faite à l'association. C'est une première pour nous, et on apprécie beaucoup. Je voudrais aussi profiter de l'occasion pour faire un remerciement. Je ne sais pas s'il a été fait, mais il me semble pertinent quand j'ai regardé l'ensemble des documents. Je tiens à souligner le travail exceptionnel de tous les députés de l'Assemblée nationale qui, depuis 1998, ont participé, avec des votes, je crois, à l'unanimité, sans ligne partisane, à mettre en place des programmes antitabac. Je vous félicite, c'est le genre d'exercice qu'on apprécie, qu'on souhaite voir souvent.

La loi a eu des impacts positifs, et vous avez fait un rapport qui en témoigne. Je ne vais pas réviser le rapport avec vous, vous le connaissez, vous l'avez vu. Et je ne vais même pas parler des différents chapitres. Je pense que c'est inutile, tout le monde en a parlé. On reconnaît de façon globale, comme association, que le rapport est exact. On peut chipoter sur différentes conclusions, regarder la façon dont les chiffres sont pris, mais, en général, on conçoit, puis ça va, je dirais, avec la vision générale qu'on a de la société, que la loi a été efficace, qu'effectivement le tabagisme a diminué, en tout cas certainement, là, l'exposition à la fumée secondaire. Tout n'est pas parfait, il y a encore des choses à améliorer, mais on est contents de ce qui s'est fait puis, comme association, comme pneumologues, on apprécie le travail que vous avez fait.

Évidemment, on a noté les succès enregistrés, mais il y a encore des enjeux qui ne sont pas résolus, il y a beaucoup de chemin à parcourir, et on vous offre quelques commentaires comme ça qui vont sûrement recouper... Je n'étais pas là à toutes les… aux deux journées, mais, les deux heures auxquelles j'ai assisté, c'est évident que les gens disent beaucoup de choses similaires. Avant d'aller plus loin, je veux dire une vérité de La Palice, mais je ne sais pas si les gens l'ont dite, mais on souhaite le maintien intégral des mesures de la loi de 2005, au cas où il y aurait des gens qui auraient osé suggérer qu'il faudrait les diminuer. On espère, au contraire, que vous allez les maintenir, et on a même des recommandations pour peut-être les accentuer.

• (17 h 10) •

Je souligne à nouveau l'élément qui a été souligné par les trois présentateurs précédents : le tabac crée la dépendance. Il y a encore des Québécois qui fument, une partie de ceux-là sont des gens très dépendants qui ont beaucoup de difficultés à arrêter. Ils ont besoin de soins médicaux, ils ont besoin d'aide. Et ces gens-là ne sont pas des criminels, ce ne sont pas des monstres, et il faut s'en occuper.

En raison de cette dépendance au tabac — et vous avez, dans le document que je vous ai laissé, une série de mesures, que je vous ai mises à la dernière page, qui sont les recommandations sous forme d'un tableau plus facile à suivre — nous vous recommandons de résister et de ne pas criminaliser l'utilisation du tabac. Ce serait tout à fait contre-productif. Ce serait rendre criminels des gens qui sont dépendants du tabac, et on sait que la prohibition, ça ne marche pas. Au contraire, il faut continuer ce qu'a amorcé la loi, c'est-à-dire créer une société où ça devient de moins en moins acceptable de fumer, mais sans criminaliser la chose. Alors, je crois que c'est assez clair, et sûrement d'autres l'ont dit avant moi.

Dans le sens de l'arrêt du tabac, il y a plein de mesures qui sont notées dans le rapport, avec lesquelles on est tout à fait en accord. Et on en a ciblé trois qui nous semblaient importantes, elles ont été reprises par les gens qui ont passé avant moi.

La première, ce sont les cliniques d'abandon du tabac qui ont été développées dans les communautés. En passant, je me présente seul. Normalement, j'aurais dû avoir Gaston Ostiguy ici puis j'aurais dû avoir André Gervais à côté de moi, mais, comme on représentait différents organismes, je me retrouve seul. Mais vous comprenez que j'aurais eu Dr Ostiguy qui vous aurait parlé des cliniques d'abandon du tabac, elles sont très importantes — mais il vous a aussi décrit sa clinique au Montréal Chest — de cliniques hospitalières, et celles-là, malheureusement, ont été sous-estimées.

Les pneumologues que j'ai consultés… En passant, j'ai envoyé votre rapport aux 245 pneumologues par courriel. J'ai demandé qu'on me renvoie des courriels, des commentaires, et ce que je vous apporte, c'est le résumé synthèse de ceux qui m'ont répondu, et je viens un peu témoigner pour eux autres. Sans vous apporter de grandes statistiques, je témoigne pour les pneumologues et les patients. Alors, les pneumologues m'ont souligné le fait que ces cliniques hospitalières, qui sont très efficaces… Vous avez vu ce que fait Ostiguy, bien, il y en a d'autres qui le font. Il y a André Desjardins, de Sacré-Coeur, qui aurait pu être avec moi. Ça marche, mais c'est surprenant qu'il n'y en ait pas dans tous les hôpitaux, c'est surprenant qu'on ne les encourage pas, puis même, des fois, on ne les finance plus. Alors, je pense qu'il faut que vous preniez ça en note et que vous augmentiez ces cliniques.

Je souligne également les traitements pharmacologiques; Dr Ostiguy en a parlé beaucoup. Je veux souligner un point, c'est le remboursement de ces produits-là. Il y a deux choses qui, pour nous, doivent être améliorées. Le premier, c'est qu'on ne rembourse qu'un arrêt… un traitement pharmacologique par année. Vous comprendrez que ce n'est pas tout à fait pratique : si quelqu'un commence, essaie d'arrêter, rechute, veut recommencer, bien, il faut qu'il attende un an avant qu'on puisse rembourser à nouveau son produit. C'est peut-être économiquement intéressant pour le gouvernement, mais ce n'est pas intellectuellement valable pour un malade. Également, on les rembourse pendant trois mois, ce qui est insuffisant. Je vous donne un exemple pris entre autres, là, mais, le patient qui commence son traitement, qui tombe malade, qui est hospitalisé puis qui ressort, bien, ses trois mois vont être écoulés, puis il n'aura pas assez de temps pour arrêter de fumer. Donc, ceci devrait être évalué puis ça devrait être augmenté. Pour nous, c'est une mesure claire qui permettrait l'arrêt du tabagisme, toujours en fonction de la dépendance, puis particulièrement dans les clientèles très dépendantes que vous décrivait Dr Ostiguy tout à l'heure.

On a regardé la possibilité d'ajouter des mesures législatives additionnelles. Il y en a plein qui peuvent être suggérées. On a retenu quelques-unes qu'on voudrait vous soumettre, qui sauront ou pas vous plaire, mais qui, nous, nous semblent importantes. La première — Gaston vous l'a soumise — quant à nous, de voir nos patients qui doivent traverser le piquet non pas de grève, mais le piquet de fumeurs avant de rentrer à l'hôpital, ça nous semble illogique, et on vous suggère très fortement que l'ensemble du territoire des établissements de santé soit déclaré non-fumeur, pas juste la zone de neuf mètres autour. Ça n'a pas d'allure qu'on fume dans les établissements de santé, c'est clair pour nous.

C'est clair également qu'on devrait, pour nous en tout cas, continuer de diminuer l'exposition à la fumée secondaire en interdisant complètement de fumer sur toutes les terrasses des restaurants et des bars. On n'est pas inquiets. Ils ont crié fort, ils allaient faire faillite. Personne n'a fait faillite, ils sont encore là. Les gens se sont adaptés, puis ce n'est pas parce qu'on ne fumera pas sur les terrasses que les restaurants vont fermer puis qu'il va y avoir une crise économique au Québec. Au contraire, on diminuera l'exposition, et des employés et des personnes qui sont dans ces terrasses-là, à la fumée secondaire.

On pense aussi que, tant qu'à être logique, il faudrait interdire de fumer dans toutes les chambres des établissements d'hébergement et de l'industrie touristique. C'est peut-être drastique, mais en tout cas c'est sûrement logique si on croit que le tabac n'est pas quelque chose de souhaitable. Et, encore une fois, le fait d'avoir mis des mesures n'a pas fait faire faillite aux hôpitaux… aux hôtels, pardon, et je crois qu'on pourrait encore pousser un petit peu plus loin. Ça peut être étapiste, ça peut être tout fait en même temps, mais c'est sûrement un élément auquel on doit penser.

Dans les établissements d'hébergement chronique, ça, c'est compliqué. C'est effectivement une zone grise, Dr Ostiguy en a parlé, mais il reste qu'il y a des patients qui sont là qui sont des non-fumeurs, qui sont dans une chambre à côté d'un patient qui fume. En quelque part, ça ne marche pas. Est-ce qu'on doit avoir des fumoirs? Probablement, s'ils sont bien ventilés, s'ils sont bien faits, où les patients peuvent aller fumer. Mais de continuer à permettre à des patients, même chroniques, de fumer dans une chambre d'établissement chronique à côté de patients qui ne fument pas, en tout cas il y a quelque chose d'illogique là-dedans, tout en reconnaissant que ce n'est pas un sujet facile. C'est un sujet émotif puis peut-être pas facile, mais en tout cas on vous le soumet. On ose le soumettre.

On est assez d'accord avec l'idée des emballages neutres et standardisés. C'est clair que c'est quelque chose qui diminuerait l'attrait des produits du tabac, et on n'est pas trop inquiets de le suggérer.

J'ai osé… C'est un petit peu une recommandation personnelle, puis je vous prie de l'excuser puis de ne pas me crucifier pour celle-là, mais, en quelque part — pour être aussi transparent que l'était tout à l'heure Dr Ostiguy — s'il y a du produit de contrebande, il faut bien qu'il vienne d'en quelque part. Je veux bien croire que les gens qui font la contrebande le cultivent, le récoltent et le font sécher, mais il doit y avoir, peut-être, d'autres gens qui font ça et, si on peut prouver… tant mieux si ce n'est pas le cas, mais, si on peut prouver qu'il y a des gens qui les fournissent, ces contrebandiers-là, il devrait y avoir des sanctions pour ceux qui les fournissent. Ce n'est peut-être pas dans la Commission de la santé, mais c'est peut-être des commissions juridiques, mais, en quelque part, ça nous semblerait logique, de la même façon que Dr Ostiguy vous suggérait qu'on devrait surveiller ceux qui distribuent ces produits-là. Alors, est-ce que c'est faisable ou pas? Je sors de ma zone de confort. Ce n'est pas de la médecine, mais, en quelque part, on ose vous le proposer; puis, quand j'ai montré cette proposition-là, les gens l'ont acceptée.

Enfin, je termine en vous soulignant que le budget attribué à la prévention et à la lutte est intéressant. En faisant mes devoirs ce matin dans le train, je me suis aperçu que j'avais fait une erreur : ce n'est pas juste 20 millions, parce qu'il faut rajouter 12 millions pour les produits d'arrêt du tabac puis un autre 5 millions pour les cliniques antitabac, d'abandon du tabac. Mettons 32 millions, là, pour faire un chiffre rond, mais ça me semble un budget fort modeste comparé, mettons, aux taxes sur le tabac et comparé aux coûts qu'entraînent les maladies pulmonaires reliées au tabac. Donc, on vous suggère de trouver une façon de proposer une augmentation de ce budget-là, en particulier s'il pouvait servir à payer les remplacements pharmacologiques et à augmenter le nombre de cliniques, en identifiant bien ces choses-là.

Je termine — j'espère que je n'ai pas dépassé mon temps — en remerciant la commission, le gouvernement du Québec puis tous ses députés de leurs efforts, encore une fois, dans une ligne non partisane. L'APPQ appuiera toujours le gouvernement dans ses mesures pour diminuer le tabagisme. Et, encore une fois, le rapport montre bien les améliorations apportées mais le chemin qu'il reste à parcourir.

Alors, je termine là. Je ne pourrai pas répondre à toutes les questions statistiques précises — mes deux acolytes ne sont pas là — mais ça me fera plaisir de répondre comme médecin qui voit des malades, qui traite au moins trois cancers du poumon nouveaux par semaine puis qui en voit au moins deux mourir en les accompagnant, qui voit des patients souffrant d'emphysème, qui s'occupe du service des soins à domicile respiratoires de Montréal, qui donne de l'oxygène aux patients, puis qui, des fois, doit le refuser parce que ces patients-là fument encore. Je peux vous en raconter tant que vous voulez, mais c'est clair que, pour nous, il faut aider ces gens-là. Ce sont les plus dépendants du tabac. Il faut qu'ils arrêtent de fumer, puis tout ce qui a été dit, j'espère, va vous encourager à proposer des mesures qui vont diminuer… Même une petite diminution, c'est ça. Alors, j'arrête là, puis je sais que le temps est long, puis je vous laisse me poser des questions.

Le Président (M. Bergman) : Dr Beaupré, merci pour votre présentation. On apprécie beaucoup. Alors, le bloc du gouvernement, Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Bonjour, Dr Beaupré. Ça me fait plaisir de vous rencontrer.

• (17 h 20) •

Vous nous avez parlé un petit peu de votre clientèle, mais j'aimerais ça que, comme pneumologue, vous nous dressiez un portrait non seulement de votre clientèle à vous, mais de la clientèle moyenne des pneumologues et que vous nous fassiez un lien entre le tabagisme et le type de client, le portrait de votre clientèle et les liens que vous faites avec le tabagisme.

M. Beaupré (Alain) : Bien, écoutez, de façon approximative, là, mais je dois avoir 50 % de ma clientèle que je vois parce qu'elle fume. Alors, j'ai un conflit d'intérêts, là, en passant, je devrais leur dire de continuer à fumer pour continuer à travailler. Vous comprenez que ce n'est pas ce que je fais. Mais effectivement le nombre de malades que je vois à cause de ça, c'est impressionnant.

Chez nous, on a développé une forme d'expertise pour le traitement du cancer du poumon. On se concentre beaucoup... On est un centre suprarégional de niveau 3, pour ce que ça veut dire, là, mais, bref, ça veut dire qu'on voit beaucoup de cas de cancer du poumon qui nous sont envoyés. Puis c'est assez catastrophique de voir... Il y a des gens plus âgés où on dit : Bon, il faut qu'il arrive quelque chose, mais on voit de plus en plus de gens jeunes qui se présentent avec un cancer du poumon, avec une espérance de vie qui n'est pas très bonne, hein? Effectivement, ce que disait Dr Ostiguy tout à l'heure, si vous avez un cancer du sein, ce n'est pas le fun, mais vous avez des chances d'avoir des traitements efficaces puis peut-être que vous allez guérir puis vous allez peut-être avoir une très bonne survie.

Le cancer du poumon, même s'il y a des avancées, même s'il y a des choses, c'est un cancer hypocrite, il n'est pas détecté facilement. Quand il arrive avec des symptômes, il est souvent trop tard, il est avancé, on ne peut plus l'opérer, le guérir, il faut qu'on fasse de la chimio, de la radiothérapie. C'est des traitements lourds, pénibles, puis ça a des impacts sur le patient, sur sa famille, sur la société. Je peux vous dire, quand j'ai un patient comme ça devant moi, là, ce n'est pas le fun, puis c'est encore moins le fun quand je le revois six mois après, qu'il vient à l'urgence pour que je l'hospitalise pour décéder dans mes lits. C'est encore pire. Puis là, j'ai toute la famille, puis bon, hein?

J'ai tous les autres, mais… Ça, c'est toujours frappant, mais j'ai l'autre que c'est beaucoup moins frappant, mais c'est aussi pire, c'est mon patient qui fait de l'emphysème. Lui, il n'est pas en train de mourir, il va mourir pendant 10 ans essoufflé. Pendant 10 ans, c'est comme s'il avait monté deux escaliers, il n'est plus capable de respirer, même quand il ne fait rien. Puis il va être là 10 ans, à chaque seconde, à chaque minute, à chaque heure, il va avoir de la misère à respirer. Il va se retrouver avec de l'oxygène, il va faire deux pas, il faut qu'il arrête; je lui donne des pompes. Il va revenir à l'urgence, il va être hospitalisé, il va passer 48 heures et plus à l'urgence. Il va monter sur l'étage, je vais le soigner, il va sortir, il va revenir. Je lui envoie les soins à domicile. C'est une pauvre clientèle qu'on ne voit pas. C'est vrai qu'ils sont sous-estimés, les gens n'en parlent pas, ça ne suscite pas l'empathie.

Moi, j'ai arrêté de fumer quand j'avais 22 ans. Je fumais depuis 15 ans, je fumais un paquet et demi. Dans ma génération, tu étais un homme parce que tu fumais, tu avais ton paquet de cigarettes icitte, puis c'est de même. Mon premier patient que j'ai vu en médecine, c'était avec un gars qui s'appelait Gilles Provost, il était pneumologue. C'est souvent le premier patient qu'on voit, le premier médecin qui fait notre spécialité. Ce patient-là avait de l'emphysème. J'ai eu tellement peur quand je l'ai vu que j'ai dit : Moi, j'arrête de fumer, peu importe. Ça a été bon. J'ai même fait un accident d'auto tellement que j'étais en sevrage de mon tabagisme. Mais je n'ai pas recommencé. À chacun sa façon. Mais c'est une maladie. Vous me demandez de parler des maladies, c'est effrayant, ces maladies-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Est-ce que vous êtes en mesure de faire des liens, par exemple, avec la prévalence de certaines maladies, par exemple l'asthme? Est-ce que je me trompe si j'ai l'impression qu'il y a de plus en plus de personnes asthmatiques? Et est-ce qu'il y a un lien à faire avec, par exemple, l'exposition à la fumée secondaire du tabac?

M. Beaupré (Alain) : L'asthme n'est pas causé par le tabac. Ça, c'est le premier... Ce n'est pas comme la bronchite ou l'emphysème, qui est directement causé par le tabac. L'asthme est une maladie différente, mais elle est exacerbée par le tabac. Si vous êtes un asthmatique qui n'est pas bien contrôlé, qui a de la misère, puis vous avez quelqu'un qui fume à côté de vous, ce n'est pas évident. On sait aussi, chez les jeunes dont les parents fument, il va y avoir plus d'asthme. Est-ce que c'est quelqu'un qui avait déjà une tendance asthmatique, c'est plus développé parce que son parent fumait? Que je sache, là, actuellement, en n'ayant pas regardé la littérature d'hier matin, là, bien, il n'y a pas de relation directe, mais il y a sûrement une augmentation des symptômes si vous avez quelqu'un qui fume, encore plus si vous êtes asthmatique puis que vous fumez. Là, vous allez développer deux maladies : vous allez avoir votre asthme qu'on traite, qu'on traite, puis, pendant ce temps-là, vous fumez puis, de façon insidieuse, vous allez développer de l'emphysème. Ça fait que, là, vous allez vous retrouver avec un asthme qui ne part jamais. Ce n'est pas de l'asthme, c'est votre emphysème qui fait ça.

Alors, oui, ce n'est pas une bonne idée de fumer quand on fait de l'asthme, mais je ne peux pas dire à un asthmatique : Ton asthme est dû à ton tabac. Mais il n'est sûrement pas bien, parce que tu fumes.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui. J'aurais une question aussi un peu plus technique. Vous savez, on parle beaucoup, là, notamment, de l'impact de la fumée tertiaire, des particules qui peuvent demeurer et qui peuvent être cancérigènes. Si je prends quelqu'un qui est dans sa voiture, et qui fait deux, trois heures par jour dans la circulation, dans le gros trafic, et qui respire des émanations de gaz des automobiles, si je prends des personnes qui vivent à proximité des autoroutes, dans mon coin, par exemple, à Laval, où le trafic est là pendant des heures, est-ce que… quelle différence vous faites entre ce type de polluants auxquels on peut être exposé et la fumée secondaire? Est-ce que la fumée du tabac est nécessairement plus dommageable pour la santé que les autres polluants qu'on peut respirer?

Le Président (M. Bergman) : Dr Beaupré.

M. Beaupré (Alain) : Oui. Je vais essayer de répondre. Pour la partie secondaire, je vais faire une deuxième partie de réponse, mais la première, c'est que c'est certain que la première cause qui cause des problèmes pulmonaires, c'est la fumée de tabac. Donc, si vous êtes dans votre auto, puis vous fumez, puis vous êtes enfermé, puis vous en fumez une dizaine… C'est la première cause. À ça s'ajoutent d'autres causes. Si vous rajoutez la pollution, si vous rajoutez les particules, ça va juste augmenter encore votre risque. Si en plus vous travaillez dans l'amiante, bien là, vous avez gagné le gros lot. Là, là, vous êtes sûr d'en faire un ou presque. J'exagère, là, mais vos chances sont… montent de 40 fois. Alors donc, c'est une addition de choses.

Pour la fumée secondaire, là, vous me demandez de comparer. Est-ce que la fumée secondaire est pire que d'avoir la pollution à côté de l'autoroute? Honnêtement, je ne suis pas capable de vous répondre précisément, je n'ai pas… il faudrait… Vous me posez cette question-là, je prendrais Internet, j'irais regarder puis je chercherais des articles. Mais, moi, en tout cas, ce que je sais, c'est que la fumée secondaire en cause, vous avez… Dans votre rapport, on le dit, on met 209 décès, là, dus à la fumée secondaire. Puis je suis sûr que c'est sous-estimé, qu'il y en a beaucoup plus que ça. Ce n'est pas aussi pire que de fumer, en termes de nombre, mais on dit que la fumée secondaire est peut-être plus nocive. Alors là, on revient à ce que disait Dr Ostiguy, la dose, la quantité, l'exposition, la durée, tout ça va finir par faire… On disait… J'ai osé faire ça… On a une mauvaise blague qu'on disait : Si vous voulez vous débarrasser de votre conjoint, fumez, faites-le respirer la fumée secondaire. Bon, bien, alors vous comprenez; mais, tu sais, vous allez mourir avant. Alors, c'est ça.

Mais, ceci dit, moi, je ne nie pas la partie pollution. Le problème, c'est que souvent les gens apportent ça pour nier l'effet de la cigarette. Alors, je pense qu'il ne faut pas l'oublier, celui-là. Puis, oui, je suis prêt à rajouter la pollution, je suis prêt à rajouter le radon, tout ça va s'ajouter, mais je ne dirai pas que la cigarette n'a pas son impact, hein? Ça, jamais.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Oui, une autre question : L'impact du tabagisme sur le système de santé au Québec. Par exemple, des personnes qui doivent subir une anesthésie, il y a toujours la question où ça semble beaucoup plus risqué et compliqué pour des personnes fumeuses. Est-ce que vous êtes en mesure d'évaluer ou de nous démystifier un peu l'impact de traitement médical… pas nécessairement lié au tabagisme, mais quelqu'un pourrait se faire… devoir subir des traitements médicaux ou une intervention pour d'autres types de problèmes, mais ces personnes-là sont fumeuses. Est-ce que réellement c'est plus compliqué, c'est plus long, le rétablissement va être plus difficile?

M. Beaupré (Alain) : Ça fait partie de ma vie. Dans mes consultations qu'on me demande de voir, sur les étages ou à la clinique externe, on m'envoie des patients qui sont des fumeurs, qui ont des symptômes, et on veut que j'évalue quel est le risque opératoire qu'aura le patient, et, pour faire ça, je dois mesurer la sévérité de sa maladie. C'est ce qu'on appelle les épreuves de fonction respiratoire. J'envoie donc quelqu'un souffler dans une machine, je mesure le degré d'obstruction de ses bronches, je mesure si ça revient avec un médicament, ce qui serait plus de l'asthme, puis j'ai d'autres tests plus compliqués qui vont me montrer s'il y a de l'emphysème.

Pour simplifier, plus il est malade, plus les risques qu'il ait des complications postopératoires sont augmentés. Ça va dépendre du type de chirurgie. S'il est opéré pour un ongle incarné, vous comprenez que ça n'a pas d'importance. Si on l'opère pour un cancer du poumon, par hasard, le même gars que j'opère pour un cancer du poumon, c'est un fumeur qui fait de l'emphysème, vous comprenez que je dois évaluer. Puis il y en a qui seraient opérables et guérissables, il ne sera pas opéré parce qu'il est trop malade. Si je l'opère, il ne lui reste plus assez de poumon pour respirer. Alors, je vous ai donné les deux…

Alors, le spectre… Si vous êtes opéré pour une vésicule biliaire puis vous êtes un emphysémateux, vos risques, après l'opération, que vous ayez une pneumonie, que votre poumon ne fonctionne pas bien, que vous restiez à l'hôpital 10 jours de plus, que vous attrapiez un autre microbe parce que vous êtes resté 10 jours de plus sont nettement élevés. Alors, nous, on les voit, on évalue le risque, on regarde, si la chirurgie n'est pas urgente, on va dire : Il devrait essayer d'arrêter de fumer. On va donner des médicaments, on va essayer de l'améliorer, puis après ça, une fois qu'il est du mieux qu'on peut, on va le faire opérer. On ne peut pas empêcher quelqu'un d'être opéré. Mais il y a des gens qui ne seront pas opérés, par exemple, pour le coeur parce qu'ils sont trop malades des poumons, puis là le chirurgien cardiaque va avoir peur de faire une opération parce qu'il n'est pas sûr qu'il va passer à travers l'opération. Alors, certainement que ça a des impacts.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

• (17 h 30) •

Mme Gadoury-Hamelin : Oui. Bonjour, Dr Beaupré. Merci. Merci d'être là, vous êtes notre dessert.

Alors, écoutez, dans les recommandations que votre organisation fait, vous parlez de poursuivre l'implantation des centres d'abandon du tabagisme dans la communauté. Il existe les CAT, qu'on appelle, les centres d'abandon du tabac, qui sont rejoignables dans toutes les régions du Québec à partir du CSSS local. Est-ce que vous faites référence à ces groupes-là? Est-ce que vous trouvez… Est-ce que vous pouvez nous donner votre opinion sur la pertinence puis l'efficacité? Ou vous voulez qu'on en rajoute d'autres, ou… J'aimerais ça vous entendre sur ce sujet-là.

M. Beaupré (Alain) : Vous avez, je pense, dans le rapport de la santé publique, une bonne analyse de leur efficacité, du nombre, tout ça. Je pense que je me référerais à eux en disant… Ça semble être efficace, de toute évidence. Est-ce qu'il y en a assez? En tout cas, il y a encore des patients qui n'arrêtent pas de fumer. Est-ce que c'est parce qu'on ne les réfère pas bien?

Puis, en passant, moi, je fais mon propre acte de contrition, là. J'écoute tout ce qui s'est dit, je me dis : Comme président de mon association, j'ai comme une petite job à faire pour m'assurer que les pneumologues sont au courant de ce qui existe, de ce qui se fait, est-ce qu'ils ont reçu la formation pour bien les référer, pour bien les traiter. Parce que, dans… Je fais un autre aparté, là, mais l'association a aussi un comité de développement professionnel continu, et donc ça va sûrement être un des éléments que je vais rapporter de cette commission-là pour dire : Avons-nous fait la formation continue? Est-ce que tout le monde est mis au courant de ça?

Je reviens à votre question. En tout cas, s'il y en a assez, tant mieux, mais il faut les supporter, il faut les développer. Puis, à mon avis, il doit encore y avoir des besoins, il me semble d'avoir vu qu'il y avait des régions qui en avaient moins, qui doivent en faire, des ententes avec d'autres régions, des gens qui se déplacent. Tout ce qui facilite l'accès à des centres comme ça va être efficace, à mon avis. Encore une fois, il faut… C'est toutes des petites choses, mais, quand elles se rajoutent… Mais je comprends que vous devez aussi compter l'équilibre avec les sous que ça coûte, puis tout ça.

Je reviens, les centres dans les établissements de santé. Ça, c'est particulièrement important, parce que c'est là qu'on a nos pires, c'est là qu'on a les gens les plus malades. On ne va pas les guérir, mais on peut ralentir la progression de leur maladie. Je fais un autre aparté. L'emphysémateux qui fume a des fonctions respiratoires qui diminuent comme ça, là, c'est la chute libre comparativement à un normal. Si je le prends là, puis qu'il arrête de fumer, il ne va pas remonter, mais il va descendre moins vite. Ça fait que je lui donne quelques années de plus parce qu'il a arrêté de fumer, un peu moins malade, tout ça. Donc, c'est… Même quelqu'un qui est très malade, ça vaut la peine de l'arrêter de fumer, parce que je vais ralentir la progression de sa maladie, sans la changer, sans revenir en arrière.

Je ne sais pas si je réponds à votre question, mais je ne suis pas capable de vous dire le nombre, mais je peux vous dire qu'il y en a sûrement à augmenter.

Mme Gadoury-Hamelin : O.K. Bien, c'est un bon moyen. Il s'agirait d'accentuer puis de…

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson, il vous reste quatre minutes.

Mme Gadoury-Hamelin : Moi, ce que j'ai retenu tantôt, avec Dr Ostiguy aussi, c'est de personnaliser aussi cette approche-là en fonction du patient ou de la personne qu'on a devant nous, parce qu'il y a différents fumeurs aussi. Mais je peux vous dire aussi qu'au niveau de l'emphysème pulmonaire mon père est décédé d'un cancer du poumon, il a été malade, je ne me souviens même pas de l'avoir vu en santé tellement l'emphysème pulmonaire a affecté sa vie. Ça fait que je peux vous dire que je comprends ce que vous expliquez.

M. Beaupré (Alain) : Vous comprenez ce que je dis.

Mme Gadoury-Hamelin : Oui.

M. Beaupré (Alain) : Puis vous faites la preuve aussi que ce n'est pas juste le patient, c'est sa famille qui vit ça avec lui.

Mme Gadoury-Hamelin : Oui, tout à fait. Tout à fait, tout à fait. Moi et mon père, quand on voulait faire une sortie en famille, c'est nous, les enfants, qui l'habillaient. Il n'était même pas capable de mettre ses chaussures et de mettre ses bas. C'est nous qui faisions ce travail-là. Ça fait que…

M. Beaupré (Alain) : Ils ne sont pas capables de venir nous voir.

Mme Gadoury-Hamelin : Il y a des fumeurs invétérés, docteur, qui nous disent : Bien, moi, je continue à fumer, de toute façon il y a des gens qui meurent du cancer du poumon, qui meurent de maladies comme ça puis qui n'ont jamais fumé de leur vie.

M. Beaupré (Alain) : Il y en a toujours. Il y a toujours des exceptions qui confirment la règle.

Mme Gadoury-Hamelin : Oui, mais…

M. Beaupré (Alain) : Puis c'est des formes de rationalisation, hein? On se trouve une raison puis… C'est aussi… Souvent, on leur met de la culpabilité, hein? Donc, c'est une façon de se déculpabiliser en disant : Bien, ce n'est pas si grave que ça.

Écoutez, je ne les juge pas. Puis je pense qu'ils sont des exemples typiques de ce qu'on appelle la dépendance. Ces gens-là ne sont pas capables d'arrêter, ce sont les pires. Tu sais, quand vous êtes rendu là puis que vous continuez à fumer… Je vais aller plus dans l'emphysème. Mettons que, dans le cancer, je peux être tolérant jusqu'à un certain point. Si vous êtes en phase terminale d'un cancer puis que vous fumez, bon, ce n'est peut-être pas parfait, mais en même temps, tu sais, c'est la fin. Bon. Mais, si vous avez un emphysème, puis que je peux vous aider, puis que je pourrais vous donner de l'oxygène qui vous aiderait mais que je n'ose pas vous en donner parce que vous fumez puis que vous pourriez vous oublier puis vous brûler au troisième degré dans la figure, parce que vous avez allumé votre cigarette avec votre oxygène, ce qu'on voit…

Mme Gadoury-Hamelin : À ce point-là?

M. Beaupré (Alain) : Oui, oui, oui.

Mme Gadoury-Hamelin : Ah, mon Dieu!

M. Beaupré (Alain) : C'est un problème sur le plan légal, sur le plan des droits de la personne à recevoir de l'oxygène, en même temps le droit des autres qui sont dans le centre de ne pas passer au feu. C'est assez complexe, je dois vous dire.

Mme Gadoury-Hamelin : J'imagine. Mais je vous remercie de vos commentaires.

Le Président (M. Bergman) : M. le député d'Argenteuil.

M. Richer : Merci, M. le Président. Une première question, ma collègue, tantôt, qui parlait du pourcentage de clients, chez vous, qui avaient du cancer de poumon, vous avez parlé de 50 %, mais vous avez surtout…

M. Beaupré (Alain) : Non, non, non. J'ai parlé de 50 % de maladies reliées au tabac, ma clientèle n'est pas à 50 % de cancer du poumon, excusez.

M. Richer : O.K. D'accord. Mais vous avez aussi mentionné que les cas étaient diagnostiqués de plus en plus jeunes.

M. Beaupré (Alain) : Ça arrive, oui, effectivement.

M. Richer : Donc, un fumeur qui a un cancer du poumon en jeune âge, ce type-là a fumé moins longtemps. Est-ce que c'est la modification dans les produits du tabac qui joue? Non?

M. Beaupré (Alain) : Non, non. Souvent, c'est qu'il a commencé plus jeune, il a commencé plus jeune puis il a fumé plus. On a une façon de calculer la quantité de tabac que les gens fument, on regarde le nombre de paquets qu'ils fument puis pendant combien d'années. C'est une façon de comparer. Ça fait que, si vous fumez un paquet pendant 30 ans, on appelle ça 30 paquets-année. Si vous fumez deux paquets pendant 15 ans, ça fait 30 paquets-année pareil. Puis c'est une quantité, si vous voulez. Donc, ces gens-là, en général, ont commencé à 10 ans puis ils ont fumé rapidement deux paquets par jour, trois paquets, certains, puis on les retrouve comme ça.

Juste pour la petite histoire pour… vous posiez des questions sur les femmes tout à l'heure. Moi, quand j'ai commencé ma médecine puis que j'ai fini ma formation en 1980, le cancer du poumon chez les femmes, il n'y en avait pas beaucoup. On regardait une radiographie avec une tache puis on disait : C'est une femme, c'est n'importe quoi sauf le cancer du poumon. Maintenant, il y en a quasiment plus chez les femmes que chez les hommes, puis ça fait juste refléter le fait que les femmes ont commencé à fumer plus tard. Ça fait qu'elles nous ont rejoints, effectivement. Puis même, d'une certaine façon, ceux des hommes commencent à diminuer parce que les hommes ont commencé à arrêter de fumer avant les femmes. Ça fait qu'à quelque part, maintenant, quand je vois une tache, ça n'a plus d'importance le genre, homme ou femme, je pense à un cancer du poumon en premier, puis après ça j'élimine les autres choses.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps pour ce bloc est terminé. Alors, le bloc pour l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'abord, merci d'être ici, parce que j'ai l'impression d'assister à une formation médicale, ça fait que c'est bon, c'est bon pour nous…

M. Beaupré (Alain) : Vous avez fait la mienne aussi, là.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui? Bon. Je trouve ça intéressant, puis surtout quand on regarde qu'est-ce que ça apporte dans la société, le tabagisme, en termes de maladie. J'ai donné la statistique tantôt, la première cause d'admission à l'hôpital, c'est la maladie pulmonaire. Donc, déjà au niveau de l'hospitalisation, quand vous regardez dans les cancers, le cancer du poumon, c'est la première cause de décès du cancer; la deuxième, c'est le côlon. Puis, le côlon, maintenant on peut essayer de prévenir au moins 60 % par la prévention, par les tests de dépistage. Les cancers les plus fréquents chez la femme, c'est le sein puis, chez l'homme, c'est la prostate. Dans le sein, c'est 90 % qui vont survivre puis, dans la prostate, c'est 97 %. Ça fait que, quand on regarde la maladie pulmonaire, des problèmes secondaires au tabagisme, tu as la première cause d'hospitalisation puis tu as également la première cause de décès par cancer. C'est quand même impressionnant.

Au niveau de l'Association des pneumologues, comment vous percevez ça, l'évolution des maladies respiratoires dans notre société, en tenant compte du tabagisme mais également en tenant compte des autres facteurs, la pollution puis tous les autres facteurs qui pourraient jouer?

M. Beaupré (Alain) : On essaie d'avoir un impact. Vous comprenez qu'on est souvent au bout de la séquence. On voit les malades, on les traite. Certains d'entre nous se font des missionnaires. Gaston, c'en est un pour l'arrêt. Vous en avez d'autres dans la prévention, avec André Gervais qui était pneumologue, qui est transfuge maintenant en santé publique. Bon. Mais, oui, on fait ça.

On est intervenus au niveau de l'amiante. Je ne veux pas partir de débat, mais, si vous vous souvenez, l'Association des pneumologues, qui généralement ne se montre pas sur la place publique… en tout cas, sous ma gouverne, je ne sens pas un organisme politique — je respecte mes allégeances syndicales puis je suis plutôt «low-profile» — mais, au niveau de l'amiante, on a osé sortir et dire qu'on croyait qu'il ne devrait pas y avoir d'amiante au Québec, c'était inadmissible, tout ça, parce qu'il y avait les maladies, parce qu'il y avait le cancer, parce qu'on voyait ces maladies-là.

• (17 h 40) •

Au niveau du tabac, peut-être qu'on devrait sortir plus. On l'a fait, on le fait par nos autres membres. C'est évident que nous, on espère… Et c'est pour ça que je suis content d'être ici, pour venir passer le message si on pouvait diminuer l'utilisation du tabac; chaque fumeur de moins va nous aider. Mais ce n'est pas miraculeux, hein, malheureusement.

Vous parlez de dépistage, là, peut-être… Je vais ouvrir une parenthèse, parce qu'elle va être importante, celle-là, elle va vous arriver par la bande. Pour le dépistage du cancer du poumon, c'est vrai qu'il n'y a pas de méthode très économique pour dépister, mais il y a des études récentes qui montrent que, peut-être, un scanner annuel fait chez une population très ciblée de gens qui ont fumé plus que 30 paquets-année, qui ont entre 50 et 70 ans, là on pourrait diminuer un certain nombre de cancers du poumon, en faisant ces tests-là.

Ça va vous sembler superintéressant, il y a les coûts, puis nous, actuellement, on est encore en train d'évaluer les bénéfices, mais, les méfaits de ça… Parce que, pour chaque patient à qui on va faire des scans annuels, on va trouver des petits nodules qui ne sont pas des cancers, puis ces patients-là vont se retrouver dans l'engrenage avec plein de tests qui peuvent causer des effets secondaires. Donc, c'est un peu… Bien, vous l'avez eu dans d'autres types de cancer, mais, celui-là, on est à une charnière, là. Les États-Unis s'en vont vers ça, il y a de gros lobbys qui sont pour ça. Nous, nous hésitons un peu. Nous avons saisi l'INESSS, nous avons saisi le ministère pour essayer d'avoir des opinions là-dessus puis qu'on se prononce. Il y a le Dr Pineault, de l'INESSS, avec qui je travaille, où on essaie de se positionner; ce n'est pas facile. À mon avis, on n'y échappera pas, mais ça va être assez coûteux. Il pourrait avoir un certain effet, mais on va avoir aussi beaucoup d'effets secondaires pas intéressants.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : …ma source, j'ai vu ça, il y a eu une prévision dans le New England Journal of Medecine, puis on commence à voir cette tendance-là. Les gens disent que c'est prudent. Nous sommes chanceux au Québec parce que l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux devrait nous faire les recommandations. Puis ça, je vais vous dire ce que j'ai toujours dit, même quand j'étais ministre : Si c'est ce qui doit être fait, on devrait le faire. Et on va calculer les coûts également, mais, à un moment donné, si ça prend ça… On a mis en place le dépistage du cancer du sein, ça a coûté très cher à l'époque, mais ça donne des bons résultats. On est en train de mettre en place le dépistage du cancer du côlon, qui donne des bons résultats. En tout cas, moi, je fais de la clinique, là, puis récemment j'ai découvert plusieurs polypes par le dépistage, probablement des gens qui, dans 10 ans, auraient eu un cancer. Et, pas plus tard qu'hier, il y en a un qui est venu me voir pour avoir le dépistage. Il l'avait déjà fait, puis là il venait d'apprendre que sa soeur, dans la soixantaine, avait développé un cancer du côlon avec métastases. Ça fait que là son épouse lui a dit : Tu vas aller te faire dépister. Mais on va lui faire quand même une colonoscopie pour finaliser. Mais il reste qu'il y a des choses à faire. Mais la prévention, quand vous regardez à la fin, ça rapporte énormément.

Puis moi, je veux vous remercier parce que vous avez fait une très belle présentation, côté très humain. Et puis c'est des clientèles qui sont négligées. Vous l'avez dit vous-même, les MPOC, maladies pulmonaires obstructives chroniques, les emphysémateux, souvent, sans… c'est des fumeurs, les gens ont tendance à les blâmer. C'est comme s'ils étaient responsables, alors qu'il faut voir cette maladie-là comme une dépendance.

Ce que vous nous avez dit, ça reflète assez bien la philosophie de l'ensemble des professionnels de votre association.

M. Beaupré (Alain) : Je pense qu'on est assez homogènes dans cette façon de procéder là. Bon, il y aura toujours des gens différents, mais, grossièrement, oui.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Une dernière question. Vous savez, à un moment donné, il y avait eu toute cette notion-là, là, que, si vous êtes un fumeur, on ne devrait pas vous traiter ou… Quelqu'un m'a parlé récemment qu'en Suède, si vous n'arrêtez pas de fumer, on ne vous opérera pas. Comment vous percevez ça, cette mentalité-là?

M. Beaupré (Alain) : J'ai déjà été plus jeune, j'ai été plus extrémiste. On dirait qu'au fur et à mesure que je vieillis je deviens moins extrémiste. Puis je trouve que ce n'est pas des bonnes solutions que d'être à l'extrême, d'un côté ou de l'autre. Je ne suis pas un ayatollah de l'arrêt du tabac. Je ne suis pas un ayatollah des fumeurs. Je pense qu'il faut avoir des positions sensées ou aidantes, effectivement. Puis il y a des gens… tu sais, de refuser des traitements…

Moi, mon problème, c'est l'oxygène puis le tabac. Je suis vraiment mal pris avec ça, quand j'ai un patient qui est à l'hôpital, qui a été hospitalisé, il a 50 de PO2, il a besoin d'avoir de l'oxygène, mais il me dit qu'il va continuer à fumer chez eux. Puis c'est moi qui ai fait faire le «statement» par les pneumologues, puis le «statement», il dit : Quand tu fumes, tu ne prends pas d'oxygène. Puis là je suis déchiré, là, parce que, là, je me dis : Le patient, je le garde-tu à l'hôpital? Que c'est que je fais, là? Là, il faudrait que j'aie mon centre d'arrêt du tabac que je n'ai pas à Maisonneuve, il faudrait que je puisse arriver à le convaincre d'arrêter. J'essaie, je fais des choses. Je l'envoie en convalescence, puis il retourne chez eux. Puis là, à un moment donné, il nous a juré qu'il ne fumerait pas, puis là quelqu'un le poigne en train de fumer avec son oxygène dans le nez. Puis là j'ai l'appel du centre, paniqué, puis là je ne sais plus quoi faire. Là, je dis au gars d'arrêter, il ne veut pas arrêter, il continue. Là, il y a des fois, il faut que je prenne le patient, je l'envoie à l'urgence — vous allez être content — je l'envoie à l'urgence à Maisonneuve pour donner de l'oxygène, mais sous surveillance à l'hôpital, parce que je ne peux plus le laisser dans son centre, parce qu'il va mettre le feu au centre. En tout cas, c'est… Ça, là, c'est tout un problème, puis il est éthique, il n'est pas… je m'arrache les cheveux avec ça.

M. Bolduc (Jean-Talon) : La médecine, c'est plus que la science, c'est un art. Il faut savoir gérer ça. Je vais laisser la parole à…

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Merci beaucoup. Est-ce que vous pouvez nous dire si le taux de cancer du poumon, et le taux d'«emphysema», a augmenté ou resté plus ou moins au même taux depuis quelque temps?

Le Président (M. Bergman) : Dr Beaupré.

M. Beaupré (Alain) : Alors, ce qu'on sait, c'est que la seule maladie qui semble augmenter, là, quand on regarde les statistiques de gens qui fréquentent l'hôpital, tout ça, ce sont les maladies respiratoires. Les autres, il y a une certaine tendance à diminuer en proportion du nombre. Mais les maladies respiratoires, elles, n'arrêtent pas. Alors, ça a été bien démontré, là, que, comme disait le Dr Bolduc, c'est vraiment ça qui vient encombrer nos urgences, qui vient encombrer nos hospitalisations. Ça fait que, donc, grossièrement, ça augmente. Ça, je parlerais pour l'emphysème, tout ça.

Est-ce qu'on va voir une diminution? C'est que les diminutions sont très lentes, hein? Vous parliez tout à l'heure... je pense que c'est vous... en tout cas, je ne sais pas qui, là, mais il disait : Bien, on a fait des actes, mais est-ce qu'on a vu des résultats? Mais on ne peut pas les voir tout de suite, parce que, d'avoir cinq ans de diminution du tabac, vous allez voir cette diminution-là dans 25 ans, parce que ça prend 25 ans avant que ça arrive, si vous voulez. Donc, moi, ce que je vois actuellement, c'est les gens qui ont fumé il y a 25 ans. Donc, il y a 25 ans, ils n'avaient pas arrêté. Mais les hommes commençaient à arrêter. Parce que ce que je vois, c'est que la courbe des hommes s'est stabilisée, puis ils avaient des tendances à diminuer, puis celle des femmes montait. Mais c'est les femmes d'il y a 25 ans, qui avaient commencé à fumer.

Qu'est-ce qu'on va voir dans 20 ans? Je ne peux pas le... J'espère qu'on va voir des diminutions, puis qu'on va avoir été efficaces, puis on va avoir réussi à avoir des succès. Mais je ne suis pas capable… Il est trop tôt. Ça me prend ma boule magique pour être capable de vous le prédire.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Vous avez vu, pendant votre vie, beaucoup de patients qui ont fumé. Est-ce qu'ils vous ont raconté comment ils ont commencé à fumer et qu'est-ce qu'on aurait pu faire pour les empêcher de commencer?

M. Beaupré (Alain) : Bien, ceux que je soigne, en général, comment on aurait pu faire pour les empêcher... À l'époque, on ne t'empêchait pas. C'est : tu fumais, tu étais… tu ne fumais pas, tu n'étais pas normal. Tu sais, c'était le contraire. Ça fait qu'écoutez, là, les gens, personne n'essayait de les arrêter. Tu espérais fumer pour passer... c'était le rite de passage. Tu devenais un homme quand tu avais ton paquet de cigarettes en dessous de ta manche puis que tu fumais au restaurant du coin ou... Si tu ne le faisais pas, tu n'étais pas un vrai. Le gars qui ne fumait pas, c'était un drôle de bizarre.

Alors, comment on aurait pu les arrêter? Bien, avec les mêmes méthodes que maintenant on a. Mais, à l'époque, on n'a pas pu parce qu'on n'a même pas essayé.

Mme de Santis : Mais vous avez des patients qui sont plus jeunes, et eux... O.K. Mais moi, j'ai 59 ans et même moi, je savais que fumer, ce n'était pas une bonne idée. Et alors je ne sais pas...

M. Beaupré (Alain) : Vous le saviez mais pas avec la même emphase que maintenant. Vous le saviez, mais vous aviez des messages qui arrivaient des compagnies de tabac qui vous disaient : Non, non, non, ce n'est pas si pire que ça, ça dépend de la sorte de cigarettes. Vous aviez la société qui trouvait que vous étiez tout à fait normale, puis c'était légitime de fumer. Vous aviez le cow-boy de Marlboro qui fumait sur son cheval, vous aviez des images. Vous aviez la publicité à la télévision. Vous regardez les films, là, d'il y a 20 ans, là, c'est effrayant, ils fument tous. Ils passent deux paquets de cigarettes pendant le film. Tu sais, vous étiez inondés.

Puis ce qu'on a réussi maintenant, c'est ça, c'est de créer une société où le tabac n'est plus quelque chose de normal. C'est moins socialement acceptable. Puis c'est ça qui va faire, à la longue, qu'on va arrêter de fumer. En tout cas, c'est mon impression à moi.

Je donnais l'exemple de prendre un verre en allant au restaurant avant de revenir en auto. Quand j'avais 20 ans, là, tu prenais ta bouteille de vin, tu prenais ton auto, tu repartais puis tu te trouvais bon. Il n'y avait pas de problème. Maintenant, écoutez, là, il n'y a plus personne qui fait ça. Même, je regarde mes enfants, là, ils ont tous un chauffeur désigné. Mais c'est la société qui a tranquillement mis son empreinte sur la façon dont on se comporte, hein? Je pense que c'est la même chose avec le tabac.

Mais vous n'avez pas à vous sentir coupable de ne pas avoir arrêté de fumer ou d'avoir commencé, vous aviez tout ce qu'il fallait pour le faire. Maintenant, bien là, on essaie de faire le contraire. Mais il y en a encore qui vont être sensibilisés. Moi, si j'étais un pusher de cigarettes, là, je m'arrangerais pour aller au primaire, puis je trouverais les petits, puis je leur fournirais une couple de cigarettes, puis je leur dirais : Regarde si c'est bon. Alors, c'est ce qui arrive probablement. Puis là on voit se déplacer du secondaire un peu vers le primaire. Plus tu peux les accrocher jeunes, plus ils vont commencer à fumer, puis plus ils vont en fumer d'autres. Écoutez, là, c'est clair, là, si tu vends du tabac, tu vas tout faire pour qu'ils commencent le plus jeune possible, pour qu'ils soient accrochés le plus vite possible. Ça, là, c'est ce que je vous disais. Plus les compagnies vont s'opposer à des mesures qu'on veut faire... c'est parce que la mesure est superefficace, c'est clair.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Bonjour. J'aimerais vous entendre un petit peu plus sur les programmes intrahospitaliers, sur leur nombre actuellement au Québec et puis sur les difficultés, peut-être, d'implantation. Vous disiez qu'à Maisonneuve vous n'en aviez pas.

• (17 h 50) •

M. Beaupré (Alain) : Je n'ai pas... On en a eu à un moment donné, puis c'est comme si ça a été... Bon, là, vous allez me faire parler, là. Mais il y a quelques compressions, là aussi, n'est-ce pas? Bon, on a parlé des compressions en milieu scolaire. Il y en a eu quelques-unes dans le milieu de la santé, puis il y a des choix à faire. Ça fait que, là, à un moment donné, dans les choix qui ont été faits dans certains hôpitaux, ça a été le programme qui n'a pas été renouvelé ou qui n'a pas été soutenu. D'autres gens me disent : Bon, bien, regarde, mon programme, là, je ne suis pas sûr qu'il va continuer, tout ça. Alors, c'était ça, le sens de mon intervention, c'est qu'on ne néglige pas l'importance de ces programmes-là, et même qu'en quelque part… ce n'est peut-être pas correct, là, mais qu'on oblige les hôpitaux à en avoir, qu'ils ne puissent pas les sabrer, qu'ils ne puissent pas les arrêter, qu'ils soient obligés de les avoir. Je n'ai pas fait un recensement, là, de chacun des hôpitaux, comment qu'il y en a, puis tout ça, mais je sais que certains sont en péril, certains n'en ont pas, pour les meilleures raisons du monde, là. Parce que, l'administration, je ne lui jette pas la pierre, là, arriver à choisir entre ça puis d'autres choses…

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Cette recommandation que vous faites de poursuivre leur mise en place, de les maintenir, c'est parce que vous avez constaté leur efficacité?

M. Beaupré (Alain) : Vous avez entendu le Dr Ostiguy, là? C'est ça, c'est ce qu'il fait au Montréal… Le Montréal Chest n'est pas une grosse clinique externe seulement, là, tu sais, c'est aussi un hôpital où il y a des malades qui sont hospitalisés. C'est un hôpital qui se consacre aux maladies pulmonaires, aux emphysémateux, tout ça. Alors, lui, il prend cette catégorie-là puis, à l'intérieur de l'hôpital, il choisit ses malades, il les envoie à sa clinique, qui est située dans l'hôpital. Puis il a des succès avec ces malades-là. C'est pour ça que…

Vous savez, quand quelqu'un est à l'hôpital, c'est le moment parfait pour le faire arrêter de fumer : il est malade, il ne peut pas fumer à l'hôpital, à moins qu'il sorte puis que je le rencontre quand je rentre, là, il est en train de fumer sa cigarette quand j'arrive à l'entrée de l'hôpital, ça, ça arrive, mais, en théorie, il ne fume pas. Donc, c'est le moment où on peut parler avec lui, le convaincre, utiliser les outils de traitement pharmacologique.

Puis, écoutez, on avait des gens qui faisaient ça et qui étaient excellents, là. Pour une raison x, là, ils n'en font plus — je ne veux pas personnaliser mon hôpital, mais c'est le bon moment. C'est là, souvent, qu'ils vont arrêter de fumer. Mais, quand ils retournent à la maison, on ne les a pas éduqués, on ne leur a pas donné les patchs, on n'a pas pensé… comme docteur, je me suis fait pousser dans le dos pour donner mon congé le plus vite pour que ça marche, puis que la fluidité marche, puis qu'on monte… la surcapacité, puis envoie donc, mais là, avec tout ça, je me retrouve que je n'ai pas pensé à ça. Mais avant j'avais un système qui faisait que j'avais une infirmière qui regardait chaque patient qui fumait, elle venait le voir, elle parlait avec lui, elle lui remettait des recommandations, elle venait me voir : On pourrait-u prescrire ça?, puis ce genre de choses là, qui est une aide pour moi, qui faisait que c'était plus complet, ma façon de traiter, surtout ma façon de congédier. Parce que, si vous congédiez un gars avec rien, il a beau ne pas avoir fumé pendant 15 jours, quand il revient chez eux, dans son milieu, avec le monde qui fume autour, il va l'allumer, sa cigarette, puis il va recommencer.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Est-ce qu'on devrait prioriser certaines régions où le profil sociosanitaire a des… Parce qu'on a des études… Tout à l'heure, le Dr Ostiguy disait que les études ne sont peut-être pas suffisantes, mais, lorsqu'on gratte, nos agences de santé, sur le territoire, font des profils sociosanitaires de nos communautés — en tout cas, du moins, en Outaouais, on en a un — et on est à même de déterminer dans quels secteurs, surtout dans les MRC plus défavorisées, le taux de tabagisme est élevé. Donc, est-ce qu'il ne serait pas… ça ne serait pas une idée, peut-être, de cibler, dans les différentes régions du Québec, les endroits où le taux de tabagisme est élevé, pour mettre en place ce type d'équipe là en priorité?

M. Beaupré (Alain) : Ça, ça dépend effectivement des… Prenons Montréal. C'est sûr qu'il y a des secteurs, dont celui où je travaille, à Maisonneuve, avec… Bon, Maisonneuve, Hochelaga, qui sont des secteurs défavorisés où les niveaux sociaux sont moins élevés puis où il y a plus de fumeurs, c'est évident, ça, les… En bas de Westmount, à Saint-Henri, vous allez avoir la même chose. Alors, les hôpitaux qui sont là pourraient être favorisés. Mais, dans les autres régions, vous avez souvent un hôpital, c'est l'hôpital de la région, mais, tu sais, il faut… il y en a… Bon.

Mme Vallée : Il y en a plusieurs.

M. Beaupré (Alain) : …mais ça dépend lesquels, là, mais… Bien, je pense que chaque hôpital mériterait d'en avoir. Quant à moi, là, vous savez, chaque patient qu'on peut arrêter de fumer… Là, si vous me dites : On doit choisir, bien oui, on devrait choisir les hôpitaux qui ont les patients les plus défavorisés, que c'est… qui ont le plus haut taux de fumeurs. En même temps, on devrait aussi, peut-être, augmenter la concentration des centres d'arrêt du tabac dans ces régions-là. Là, je laisse la Santé publique gérer ce genre de choses là, mais je voulais juste souligner l'importance d'en avoir dans les hôpitaux, sans aller dans la cuisine exacte, parce que je pense qu'il y a des choix à faire à ce niveau-là comme ailleurs.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps pour ce bloc s'est écoulé. Pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Bonjour, merci de votre présence aujourd'hui, c'est très, très enrichissant. Effectivement, il y a quelques années, on n'avait pas la notion de dangerosité aussi importante, là, de l'usage du tabac. On se souviendra d'un de nos premiers ministres célèbres qui avait toujours sa cigarette à la bouche, et ça ne fait pas si longtemps de ça. Alors, on ne verrait pas ça aujourd'hui, je ne pense pas.

J'aimerais vous entendre parler un petit peu d'une notion qui est quand même assez nouvelle puis dont on commence à entendre parler de plus en plus, mais j'imagine que vous êtes plus à l'affût que nous là-dessus, la notion de fumée tertiaire. Parce que la notion de fumée secondaire, elle est quand même assez bien connue, mais, la notion de fumée tertiaire, de plus en plus, on en a parlé, j'aimerais vous entendre à cet effet-là.

M. Beaupré (Alain) : Bien, je ne serai pas un expert là-dessus, là. Je suppose que vous voulez parler de la fumée qui se dégage des tissus qui sont exposés...

Mme Daneault : Exact.

M. Beaupré (Alain) : ...tout ça. Bon. Moi, je n'ai pas révisé ça. Ça serait à mon expert à côté que j'aurais refilé la question, je lui avais demandé ça. Mais je suis ici...

Mme Daneault : O.K. On va le faire venir.

M. Beaupré (Alain) : Mais, si on en a parlé, si on a sorti ce problème-là, c'est sûrement parce qu'il existe. Mais là on fait du raffinement, mettons. C'est sûr que, si vous fumez vous-même, bien, vous êtes super à risque. Si quelqu'un fume à côté de vous puis que vous avez la fumée de l'autre, vous êtes à risque. Puis je pense que les produits qui se dégagent de ce qui est tout imprégné... On n'a qu'à être ancien fumeur, non-fumeur maintenant puis de rentrer dans une chambre d'hôtel où quelqu'un a fumé. Vous êtes tout à fait conscient qu'il y a quelque chose de pas correct là-dedans. Puis là, bien, je suppose que les articles, que je n'ai pas lus, bien honnêtement, doivent signaler que ces produits-là ont aussi leurs dangers. Je ne peux pas vous le classifier, mais je suis certain que ce n'est pas sans conséquence. Maintenant, c'est quoi, la proportion du risque par rapport... tu sais, si tu vas une journée dans une chambre d'hôtel par rapport à si tu es exposé à la fumée secondaire de tes parents pendant 10 ans puis par rapport à si tu fumes pendant 30 ans, là? Bon, bien, c'est toutes des gradations. Mais, oui, c'est tout à fait logique. J'accepte.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Bien, c'est parce que, de plus en plus, on parle de cas d'asthme, entre autres chez les enfants, qui seraient déclenchés par le contact de cette fumée tertiaire là, là. Mais, bon, effectivement, ce n'est pas... Ça commence, hein?

M. Beaupré (Alain) : Je ne ferai pas un cours sur l'asthme, mais vous savez que l'asthme, c'est des bronches qui sont hypersensibles.

Mme Daneault : Exact.

M. Beaupré (Alain) : Donc, les bronches se serrent. Moi, je ne suis pas sensible, je respire de la boucane, puis il ne se passe rien. Mais un asthmatique, qui a des bronches sensibles, qui va respirer des irritants comme ça, ses bronches n'aiment pas ça puis elles se serrent. Alors, bien, évidemment, si votre asthme n'est pas très bien contrôlé puis si vous êtes exposé, vous rentrez à quelque part comme ça... Ça va faire la même chose si vous avez des produits... si vous nettoyez votre four avec les «push push», là, bien, vous allez respirer ça, vous allez avoir la même chose si on peinture chez vous, si on fait de la friture. Juste comme le fait l'irritant, ce serait déjà important, mais en plus il y a peut-être des effets à plus long terme qui, là, sont plus inquiétants.

Je ne sais pas s'il y a eu des études qui ont montré que cette fumée tertiaire là — puis ça ne doit pas être facile à démontrer — faisait qu'il y avait plus de cancers chez quelqu'un. Déjà, ça n'a été pas facile de démontrer que la fumée secondaire causait des cancers. Longtemps, on l'a nié, puis on a fini par l'accepter; puis le chirurgien général des États-Unis l'a dit. Mais, la fumée tertiaire, là, il faut que je lise, là. Tu sais, là, vous venez de m'avoir à l'examen, là. C'est la question qui départageait les A plus puis les B plus, puis je n'ai pas passé mon plus, là.

Mme Daneault : Ce n'était pas ça, le but. C'était vraiment pour moi, parce que moi aussi, en lisant, là, en me préparant pour la commission, j'ai lu, j'ai commencé à découvrir la notion de fumée tertiaire. Puis, sincèrement, je vous posais la question pour m'aider, moi aussi. Alors, bon, on va lire tous les deux.

M. Beaupré (Alain) : Bon, bien, on va aller lire ensemble.

Mme Daneault : On va aller lire, c'est ça.

Le Président (M. Bergman) : Oui. Malheureusement, le temps s'est écoulé. Dr Beaupré, merci pour votre présentation, merci pour votre présence ici, on l'apprécie beaucoup.

Collègues, avant de passer aux remarques finales, je suspends pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise à 18 heures)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix : ...

Le Président (M. Bergman) : S'il vous plaît, collègues, à l'ordre!

Mémoires déposés

Collègues, avant de passer aux remarques finales, je dépose les mémoires des organisations qui n'ont pas été entendues en consultations, et je dépose avec M. le secrétaire.

Remarques finales

J'inviterais maintenant mes collègues à faire leurs remarques finales. Je cède donc la parole au deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Groulx, la parole est à vous pour vos remarques finales.

Mme Hélène Daneault

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Alors, d'entrée de jeu, je veux remercier évidemment tous les membres de la commission pour ces deux journées qui ont été fort intéressantes, en fait les membres du gouvernement, les membres de l'opposition officielle, mais tous les participants qui sont venus tour à tour nous mettre à jour, je pense, sur l'état actuel, au Québec, des effets du tabac et aussi la situation actuelle où on est rendus. Et on réalise qu'on a été, au Québec, longtemps en avance sur les méthodes utilisées contre l'usage du tabac et que peut-être que, depuis les cinq dernières années, on a senti qu'il y avait une stagnation quant à la baisse des fumeurs au Québec. Et finalement ça nous a permis aussi de réaliser qu'à certains autres endroits ils ont déjà pris de l'avance et adopté certaines mesures.

Alors, je pense qu'au tout début on devait... la commission avait pour but de vérifier le rapport, mais je pense qu'avec toutes les auditions qu'on a eues… après deux jours, j'ai l'impression qu'on est rendus maintenant plus loin qu'uniquement l'analyse du rapport. Et je pense qu'on est... le constat est clair : on doit ajouter à la loi actuelle certaines mesures afin d'améliorer davantage et d'atteindre les cibles qui étaient prévues, de 15 % de fumeurs au Québec pour 2015. C'est évident qu'avec... dans l'état actuel de la loi, on n'obtiendra pas ces cibles-là.

Et je pense qu'aujourd'hui on est en mesure, avec l'expérience de d'autres pays, de d'autres provinces, au Québec, de reprendre notre place de leader en mesures pour contrer les effets néfastes du tabac. Et, on le rappellera, ce sont des maladies qui sont évitables. Alors, il n'y a pas de raison, au Québec, qu'on ne reprenne pas notre place de leader. Et je pense qu'il faut le faire maintenant, et je presse l'ensemble des parlementaires à agir en ce sens-là. Et je vous assure de ma grande collaboration dès aujourd'hui. Je suis prête à m'y mettre demain matin pour l'ensemble...

Le Président (M. Bergman) : Merci…

Mme Daneault : …et la meilleure santé du Québec.

Le Président (M. Bergman) : Merci, Mme la députée de Groulx. Maintenant, j'invite le porte-parole de l'opposition officielle à faire ses remarques finales. M. le député de Jean-Talon.

M. Yves Bolduc

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais remercier tous ceux qui ont déposé des mémoires, fait des présentations. On a vraiment eu du travail de très haute qualité. Ce que j'ai remarqué également, c'est qu'on a eu plusieurs points de vue. La majorité s'entendent qu'il y a des mesures à prendre, la majorité des mesures semblent faire consensus. Mais on a quand même été corrects, parce qu'on a entendu des gens qui s'opposaient également à de nouvelles mesures; on a écouté également les compagnies qui... Imperial Tobacco, l'association des dépanneurs, différents groupes. Donc, pour moi, c'est important lorsqu'on fait une commission comme celle-là, ce n'est pas avoir juste un point de vue mais d'avoir tous les points de vue. Également, tous reconnaissent que le tabac, c'est une dépendance. Puis j'aime beaucoup ce qu'on s'est dit aujourd'hui puis hier, c'est-à-dire : Il ne faut pas culpabiliser les fumeurs, mais il faut plutôt être en aide avec eux autres.

Et, comme de fait, le Québec a été pendant longtemps un leader. Moi, je pense qu'on est encore un leader. Il ne faut jamais oublier, ce n'est pas parce que quelqu'un d'autre a fait quelque chose dans le monde qu'on tombe deuxième, là; c'est une évolution. Puis tout le monde a reconnu également que les lois, au cours des années, ont fait un certain travail, et, à chaque fois, il faut revenir, à tous les cinq ans, pour être capables de dire qu'est-ce qui doit être fait aujourd'hui, parce que ça a évolué.

L'objectif de la commission était d'abord une évaluation de la mise en oeuvre, et, jusqu'à date, tout le monde nous a dit que ça avait été un assez grand succès. Tout le monde nous a dit également qu'on devait faire plus, et je pense que c'est là qu'on en est rendus.

Lors de la commission, nous avons entendu plusieurs excellentes idées, et, même, la dernière présentation nous a soumis des nouvelles idées, entre autres, à la question de l'hébergement, les chambres dans les hébergements touristiques. Je pense qu'il faut tout prendre ça, prendre le temps de faire un bilan de notre commission et rapidement revenir pour proposer au Québec des nouvelles mesures pour qu'on se repositionne, mais qu'en étant le leader mondial… qui, en passant, va le rester jusqu'à ce qu'il y en ait un autre qui aille un petit peu plus loin une couple d'années après. Mais la proposition qui a été faite de continuer aux cinq ans, avec un rapport qui doit être fait… Puis moi, je suis d'accord qu'on mette peut-être, dans la loi, que ça soit évalué à l'intérieur d'une année, pour qu'on puisse réagir souvent. Donc, sur une période de six ans, on devrait être capables d'avoir une roue, à tous les six ans, de réévaluation au niveau de la loi pour, à la fin, atteindre l'objectif d'une diminution du tabagisme.

Je suis très content parce qu'on a eu des experts du côté médical qui sont venus nous présenter les méfaits que ça apportait, les complications, et je pense que ça demeure encore la première cause de… de cause qu'on peut… qui peut prévenir et les maladies et les décès.

Je ne ferai pas l'énumération de toutes les mesures qui ont été émises, mais il y en a certainement qui vont faire un consensus très rapidement. Il y a deux mesures que je sais que c'est plus difficile à… quand on discute, hein? La question de tabagisme dans l'auto, on ne comprend pas encore que ça puisse ne pas être fait, mais il y a encore du blocage à certains niveaux. Et également la question, je pense, qui est la plus difficile, là : Est-ce qu'on doit continuer à fumer ou pas sur les terrasses? Il y a plusieurs positions qui ont été émises. On va en faire la discussion, mais, ce que je sais, puis je l'ai dit hier, il faut qu'on ait des mesures costaudes, qu'on redevienne le leader. Et je pense que, rapidement, on devrait avoir un dépôt d'un projet de loi par le gouvernement, qu'il soit étudié, et, comme ma collègue de Groulx… Puis je suis certain que mes collègues de mon parti seraient d'accord pour collaborer, puis faire une discussion quand même franche, et ne pas faire de la politique avec un dossier comme ça, mais en faire un dossier de santé. Et c'est l'offre que je vous fais et que nous devrions faire.

M. le Président, je voudrais terminer par féliciter et remercier ceux qui ont présenté et préparé la commission. L'ordre des présentations, la qualité des présentateurs, les travaux, tout ce qui a été émis et puis la façon que ça a été fait, c'était vraiment un travail remarquable. J'aimerais que vous fassiez le message à tous ces gens-là qui ont bien travaillé; puis, pour qu'une commission se tienne au mois d'août, il y a des gens qui ont travaillé en juin puis juillet.

Également, remercier les gens du ministère, là, qui ont travaillé, qui ont collaboré. Et remercier mes collègues qui ont participé à cette commission. Puis remercier également les gens qui ont été ici, là, pour ces deux jours, et vous, M. le Président, vous avez géré ça de main de maître, et je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bergman) : Merci, M. le député. Maintenant, pour les remarques du groupe formant le gouvernement, Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Suzanne Proulx

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Alors, la Commission sur la santé et les services sociaux vient d'examiner le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi du tabac 2005-2010, un mandat spécifique que lui octroie l'article 77 de la Loi sur le tabac. Les auditions nous ont donné l'occasion d'entendre différents points de vue exprimés par des groupes antitabac, des représentants des marchands de produits du tabac, des représentants de l'industrie ainsi que des représentants du réseau de la santé et des services sociaux du Québec.

Le tabagisme demeure un important problème de santé publique, puisqu'il est associé à la principale cause de morbidité et de mortalité évitables en Amérique du Nord. Chaque année, il cause la mort de milliers de Québécois par l'entremise des nombreuses maladies qu'il cause, cancer, maladies cardiovasculaires, maladies de l'appareil respiratoire notamment, très bien décrites par notre dernier intervenant, le Dr Beaupré.

Une particularité du tabagisme, on l'a vu, réside dans le fait qu'il crée rapidement une dépendance. Les effets du tabagisme deviennent d'autant plus tragiques quand on considère qu'ils affectent encore près du quart de la population québécoise. Heureusement, le tabagisme ne reçoit plus aujourd'hui l'appui de la majorité de la population. La majorité des fumeurs, 63 %, disent même souhaiter mettre un terme à leur consommation au cours des six prochains mois.

Cette commission nous a permis de constater que la prévalence du tabagisme est relativement stable depuis 2006 et que ce sont aujourd'hui les jeunes fumeurs qui représentent un véritable défi pour la santé publique, puisque, contrairement à la population générale, les élèves du secondaire de même que les jeunes adultes consomment de manière significative d'autres produits de tabac que la cigarette, particulièrement les cigarillos et petits cigares.

• (18 h 10) •

L'objectif du Programme national de santé publique 2003-2012, qui est de réduire le taux de tabagisme à 16 %, n'a pas été atteint. Que devons-nous faire encore pour y parvenir? La Commission de la santé a entendu 14 groupes qui nous ont fait part de leurs constats sur le rapport de mise en oeuvre 2005-2010. Plusieurs recommandations pour atteindre l'objectif fixé par le directeur national de la santé publique nous ont aussi été soumises. Concernant les constats sur le rapport de mise en oeuvre, des groupes ont parlé d'un bilan positif mais incomplet; d'autres, de problématiques laissées pour compte; d'autres encore, de dispositions à améliorer ou de règlements à revoir. Pour certains, la loi ne paraît pas suffisamment contraignante, tandis qu'elle l'est trop pour ceux qui ont à l'appliquer.

Il a aussi été question du taux de respect de la loi qui, pour certaines mesures, devrait être amélioré. En effet, il est malheureux de constater que les terrains d'écoles primaires et secondaires ne se conforment pas tous à la loi. Un meilleur respect de la zone de neuf mètres a aussi été soulevé. La question des modalités d'inspection pour assurer la qualité d'application de la loi fait aussi partie des problématiques soulevées.

La stagnation de la prévalence du tabagisme, et ce, malgré les mesures adoptées lors de la révision de la Loi sur le tabac en 2005, a amené plusieurs groupes à proposer des recommandations qui nous portent à réfléchir sur la qualité d'adaptation des promoteurs des produits du tabac et sur la portée des mesures de prévention, de soutien à la cessation et de sensibilisation. Ces mesures pourraient-elles avoir atteint une certaine limite?

Pour la majorité des groupes, il ne fait aucun doute que tout doit être mis en oeuvre pour notamment intensifier les efforts de prévention chez les jeunes, améliorer l'accessibilité, l'utilisation et l'efficacité des services d'aide à la cessation pour tous les fumeurs, améliorer la connaissance du tabagisme au Québec, assurer un respect maximal de la loi et en faciliter l'application, contribuer à l'évolution de la norme sociale, soit par la débanalisation et dénormalisation en faveur du non-tabagisme, et protéger les gains réalisés à ce chapitre au cours des dernières années, et se donner les moyens de réagir rapidement aux phénomènes émergents qui peuvent miner les efforts de réduction du tabagisme.

Au cours de la période 2005-2010, il a aussi été observé que le commerce illicite du tabac est un problème qui peut saper les efforts de lutte contre le tabagisme. Les mesures fiscales de même que les restrictions d'usage, de vente et de promotion sont reconnues comme étant les plus efficaces parmi l'ensemble des actions mises en oeuvre. Le rapport de mise en oeuvre identifie aussi le commerce illicite comme une problématique significative. La part de marché des produits du tabac de contrebande serait passée à près de 30 % en 2008 à 15 % aujourd'hui. La mise en oeuvre de diverses mesures par Revenu Québec, le ministère des Finances, le ministère de la Sécurité publique et le ministère de la Santé a vraisemblablement contribué à la diminution de la contrebande au Québec. La Commission sur les finances publiques de 2012 est venue donner aux inspecteurs du ministère de la Santé le droit d'appliquer la loi de l'impôt sur le tabac dans les points de vente du Québec.

Nous avons finalement noté que l'application d'une loi est parfois lourde de conséquences et de responsabilités pour les commerçants, qui souhaiteraient avoir un meilleur support du gouvernement. Malgré cette lourdeur, plusieurs recommandations en faveur d'un renforcement de la loi ont été exprimées, les principales retenues étant la nécessité d'interdire les saveurs dans le tabac, l'importance d'établir un moratoire sur les nouveaux produits, le besoin de suivre les effets découlant de l'imposition d'un emballage neutre sur le taux de tabagisme des pays qui en on fait le choix, l'interdiction de fumer dans la voiture en présence d'enfants, l'importance de documenter l'utilisation de la cigarette électronique et de poursuivre les recherches sur la fumée secondaire et tertiaire, l'interdiction de fumer dans les édifices et dans le périmètre des établissements qui sont publics, l'importance de poursuivre la lutte à la contrebande du tabac, la possibilité d'interdire l'usage du tabac dans les immeubles de deux logements et plus, la nécessité de poursuivre les efforts pour aider les gens qui souhaitent arrêter de fumer, l'interdiction de l'achat de produits de tabac par les mineurs. Ces recommandations de même que les réserves qui ont été exprimées à leur égard devraient être considérées et analysées par le gouvernement avant de procéder à un renforcement de la loi.

Nous avons aussi constaté que le rapport de mise en oeuvre rendait compte de plusieurs mesures déjà existantes dont l'application demande à être revue ou appliquées selon une approche plus coercitive. Une plus grande transparence en matière de méthodologie, un suivi plus serré des mesures sur le terrain ainsi qu'un meilleur support pour ceux qui doivent appliquer la loi dans leurs commerces devraient être envisagés.

En terminant, je tiens, moi aussi, à remercier tous les participants, qui se sont parfois déplacés d'aussi loin que de l'Australie pour venir nous rencontrer, ceux qui ont pris le temps… tous les groupes qui ont pris le temps de travailler et de produire un mémoire et, bien sûr, tous mes collègues membres de la commission qui se sont engagés avec beaucoup d'intérêt et de concentration, je pense, dans ces deux jours de travaux intensifs. Merci.

Le Président (M. Bergman) : Merci, Mme la députée de Sainte-Rose, pour vos remarques finales.

Je vais suspendre les travaux pour quelques instants, et nous reprendrons pour la séance de travail dans quelques instants. Je suspends nos travaux.

(Fin de la séance à 18 h 15)

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