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Version finale

40th Legislature, 1st Session
(October 30, 2012 au March 5, 2014)

Wednesday, October 9, 2013 - Vol. 43 N° 45

Special consultations and public hearings on Bill 52, An Act respecting end-of-life care


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Table des matières

Auditions (suite)

Toujours vivant/Not Dead Yet

Mme Jocelyn Downie

Mme Margaret Somerville

Association québécoise en éthique clinique (AQEC)

Mme Annie Tremblay

Autres intervenants

M. Lawrence S. Bergman, président

Mme Suzanne Proulx, vice-présidente

Mme Véronique Hivon

Mme Stéphanie Vallée

Mme Hélène Daneault

M. Yves Bolduc

*          M. Christian Debray, Toujours vivant/Not Dead Yet

*          Mme Amy E. Hasbrouck, idem

*          Mme Delphine Roigt, AQEC

*          M. Michel Lorange, idem

*          M. Pierre Gagnon, accompagne Mme Annie Tremblay

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures vingt-trois minutes)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Non, M. le Président.

Auditions (suite)

Le Président (M. Bergman) : Alors, collègues, ce matin, on reçoit Toujours vivant/Not Dead Yet. Bienvenue à notre commission parlementaire. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Et je vous demande de nous donner pour transcription vos noms et vos titres. Et le prochain 15 minutes, c'est à vous.

Toujours vivant/Not Dead Yet

M. Debray (Christian) : Merci. D'abord, nous vous remercions de nous avoir invités.

Je m'appelle Christian Debray, je suis technicien-administrateur et directeur adjoint de Toujours vivant/Not Dead Yet. Amy Hasbrouck, la présidente, est une défenseuse des droits des personnes en situation de handicap depuis plus de 30 ans. Elle est impliquée dans le mouvement des personnes en situation de handicap contre l'euthanasie, le suicide assisté et les pratiques similaires pendant 17 ans. Elle détient un bac en journalisme et un bac en droit. Elle a participé au processus du Americans with Disabilities Act. Elle a fait de nombreuses représentations à des conférences, devant les corps législatifs et dans les médias. Auteure de plusieurs articles dans les journaux en Amérique du Nord et au Moyen-Orient, elle a rédigé un mémoire dans l'affaire de la tutelle de Robert Wendland à la Cour suprême de la Californie, en 2001. Elle est l'auteure, en 1997, d'un exposé : Misplaced Mercy : Processus and Sentencing of Parents who Kill their Disabled Children.

Toujours vivant a été lancé en janvier 2013. C'est un projet du Conseil des Canadiens avec déficiences pour informer, unifier et donner la parole aux personnes en situation de handicap qui s'opposent aux pratiques de discrimination de fin de vie.

Toujours vivant/Not Dead Yet se prononce sur le projet de loi n° 52. Nous applaudissons les mesures pour étendre les soins palliatifs. Nous sommes d'accord que la sédation palliative intermittente soit disponible. Nous ne sommes pas d'accord avec la sédation palliative terminale ou continue. Nous rejetons totalement l'aide médicale à mourir. L'euthanasie concerne des droits des personnes en situation de handicap. Tout le monde est susceptible à l'euthanasie, a une incapacité. Les personnes ayant des incapacités ne sont pas en fin de vie, mais nous sommes sur la ligne de front du système médical et nous affrontons les maladies et pronostics graves sur une base régulière. Presque tout le monde qui demande l'euthanasie a une incapacité, y compris les personnes atteintes d'une maladie terminale. Ce projet de loi ne se limite pas aux personnes atteintes d'une maladie terminale, malgré ce que dit Mme la ministre Hivon. La personne doit avoir une maladie grave et incurable, ça veut dire beaucoup de conditions chroniques qui causent des limitations fonctionnelles telles que la sclérose en plaques, le diabète, les maladies neuromusculaires, le lupus, etc. La personne doit être en déclin avancé et irréversible de ses capacités. Ça peut décrire n'importe quelle incapacité sévère et plusieurs conditions secondaires telles qu'une pneumonie ou une plaie de lit grave. De plus, les pronostics sont souvent faux. Et, pour la souffrance, d'avoir une incapacité, ce n'est pas de la souffrance. Parmi ceux qui demandent le suicide assisté dans l'Oregon, la grande majorité le font en raison de problèmes liés aux handicaps, pas à cause de la douleur. C'était le cas du Dr Donald Low qui se plaignait des conditions reliées à l'incapacité. Les personnes qui demandent le suicide assisté ou l'euthanasie à travers les médias sont capables de se suicider, mais ce n'est pas ce qu'elles font. Il n'y aurait aucune proposition pour l'euthanasie sans la dévaluation et la discrimination contre les personnes en situation de handicap.

La discrimination. Toujours vivant/Not Dead Yet veut la prévention du suicide pour tous. Quand une personne non handicapée, telle qu'une victime de violence ou un conjoint en deuil, est suicidaire, cette personne reçoit des services de prévention du suicide, même jusqu'au point d'être enfermée dans un hôpital psychiatrique. Quand une personne ayant une déficience dit qu'elle veut mourir, on lui offre l'euthanasie presque automatiquement. La supposition que c'est rationnel pour une personne avec une déficience de vouloir mourir est basée sur le biais, les préjugés et de la fausse information. C'est la discrimination et la dévalorisation qui diminuent la qualité de vie et nous mettent en danger. Pour un sondage complètement objectif — veuillez regarder une feuille qu'on vous a distribuée — je vous prie de lancer une recherche Google sur la phrase incomplète, en anglais malheureusement : «Disabled people should». Google va offrir plusieurs options, pour compléter la phrase, basées sur le total de toutes les recherches.

En août 2013, une femme de Newcastle, Ontario, a reçu une lettre haineuse d'une voisine suggérant qu'elle euthanasie son petit-fils autiste. Le grand public a condamné le geste haineux, contrairement au cas d'Annette Corriveau, en 2012, qui a eu de l'approbation générale pour sa campagne pour tuer ses deux enfants avec déficiences. Lorsque la société permet l'euthanasie, elle dit que certaines vies valent moins que d'autres. Plus de 90 % des tentatives de suicide échouent. Ce sont des appels au secours. Qu'en est-il du droit des personnes handicapées d'appeler à l'aide?

• (11 h 30) •

La discrimination mène à la mort dans un processus de quatre étapes. Premièrement, on commence avec la condition physique. On a besoin d'énergie, de patience et de flexibilité pour fonctionner. Deux, ajouter les barrières et discriminations externes. Les insultes, injustices et blessures infligées par la société peuvent vaincre même l'esprit le plus fort. Troisièmement, quand nous cédons au désespoir, le filet de sauvetage prévention du suicide qui devrait nous rattraper est retiré. Cela mène à un voyage à sens unique, quatrièmement, qui est vu comme la résolution douce à une vie tragique, ce qui est faux.

Les précautions et les balises sont insuffisantes et inefficaces. Le Conseil des Canadiens avec déficiences et le National Council of Disability, aux États-Unis, ont chacun fait une étude sur ce qui serait nécessaire pour assurer la sécurité des droits des personnes en situation de handicap si on permettait le suicide assisté ou l'euthanasie. Les deux groupes ont déterminé que les démarches nécessaires seraient encombrantes, impratiques, donc une prohibition complète est toujours la meilleure solution. Les aînés et les personnes handicapées sont deux fois plus susceptibles à l'abus financier, émotionnel et physique que les personnes non handicapées. Permettre l'euthanasie entraîne l'abus mortel. La complaisance acquise est un danger pour les personnes de tout âge avec n'importe quelle déficience. D'après la loi n° 52, les héritiers pourraient remplir les formulaires pour la sédation palliative terminale ou l'aide médicale à mourir. Les balises sont inefficaces. Par exemple, même la balise ultime, la prohibition, ne prévient pas les euthanasies illégales. Le système judiciaire ne poursuit pas ces cas vigoureusement. La pression financière et sociale peut amener quelqu'un à demander l'euthanasie par désespoir. Les évaluations d'aptitudes ne sont pas conçues pour détecter ou écarter le deuil ou des problèmes traitables qui peuvent conduire à des sentiments suicidaires.

Là où le suicide assisté et l'euthanasie sont légaux, les problèmes et les abus ne sont pas détectés quelquefois pour des raisons simplement administratives. De permettre que quelques personnes privilégiées… de contrôler quand et comment elles meurent ne vaut pas de mettre en danger un grand nombre d'aînés et de personnes handicapées. Le Québec et le Canada ont rejeté la peine capitale en raison du refus de la possibilité que même une seule personne puisse être tuée à tort.

L'autodétermination. Le choix est une illusion. Le suicide n'est pas illégal, mais ce n'est pas un droit. La plupart des gens qui demandent l'aide médicale à mourir pourraient se suicider eux-mêmes. La loi actuelle donne à chacun le droit de mourir par refus des traitements médicaux, même si cela entraîne la mort. L'aide médicale à mourir donne tous les pouvoirs au médecin, du diagnostic, des possibilités de traitement, de la détermination de compétence, pour demander la mort et de tuer. Est-ce vraiment de l'autodétermination? Le choix de mourir est une illusion. La discrimination, le manque d'accès aux soins palliatifs, de services et soutien à domicile et les droits civils limitent la qualité de vie des personnes âgées et handicapées. Si quelqu'un meurt dans la douleur, ce n'est pas un problème médical, c'est un problème de priorité sociale. Une personne ne peut pas faire un choix libre et éclairé de mourir tant qu'elle n'a pas le choix d'où et de comment vivre. Cette loi me rappelle ce qu'a dit Henry Ford : Vous pouvez avoir n'importe quelle couleur tant que c'est du noir. Toute personne à limitation fonctionnelle… La dignité concerne le contrôle et l'autodétermination de la vie, pas comment on fait pipi.

Quelques principes légaux. Mourir n'est pas un droit, c'est un fait. Le traitement identique n'apporte pas toujours la justice. On a besoin d'un traitement équitable pour réparer les injustices. Lorsque les médecins sont payés par l'État pour tuer des patients, ça devient une action de l'État dont l'État est le responsable. Lorsque les termes ne sont pas définis dans la loi, ils seront définis par les tribunaux dans un processus long, pénible et coûteux où l'échéance n'est pas assurée.

Ce que vivent les personnes avec déficiences au Québec… nous sommes 30 ans en arrière sur les États-Unis.

Discrimination et dévalorisation : les personnes en situation de handicap affrontent des signes de dévalorisation sur une base quotidienne. Options de vie : les CHSLD : on n'a aucun contrôle sur sa vie. Les routines quotidiennes de manger, dormir, s'habiller, se laver et utiliser les toilettes sont dictées par l'horaire de l'établissement, non pas par ses besoins physiques. Parents : un manque d'aide du gouvernement peut dire que les aidants naturels sont souvent surchargés et épuisés physiquement et psychologiquement, une situation qui peut mener à l'abus. Agences des soins à domicile : les préposés sont formés dans certaines techniques qui sont censées marcher pour tous, mais qui le font rarement convenablement. La préposée peut être une personne différente d'un jour à l'autre. Elle n'est pas responsable envers la personne en situation de handicap mais envers l'agence. Accès : les soins de santé, les installations, les équipements ne sont pas accessibles. Cela veut dire que les diagnostics et soins de santé sont retardés ou refusés. Sans normes, exigences et applications, les promesses de la charte sont vides.

Projet de loi n° 52 : c'est écrit de façon vague et imprécise. Comment est-ce que les gens vont être tués? À quelles normes légales les médecins doivent se conformer? Qu'en est-il des administrateurs qui font les politiques et les références? La loi est décidée pour tuer les personnes plus que la douleur. L'aide médicale à mourir est un voyage à sens unique. Limitations aux soins palliatifs : les services seront disponibles en tenant compte des ressources humaines, matérielles, financières dont les établissements disposent. La loi n'exige pas que les personnes reçoivent une gamme complète de services palliatifs avant d'être tuées. La loi n'est pas harmonisée avec les lois existantes, la loi des mandats, comme les notaires nous l'ont fait remarquer. Il y a des différences entre les documents et les applications. Qui est admissible à l'aide à mourir? Les termes dans la loi sont imprécis, comme beaucoup d'autres groupes vous l'ont fait dire.

Définitions, absences dans la loi : sédation palliative terminale, aide médicale à mourir, personnes en fin de vie, état qui requiert des soins de fin de vie. Définitions confuses : soins de fin de vie, soins palliatifs. On ne peut ni… On ne veut ni l'acharnement ni l'euthanasie. Le milieu, soins palliatifs, marche mieux pour la plupart. Urgence de soulager la douleur versus urgence de tuer : les périodes d'attente. Balises faibles et manquantes : on saute.

Pensées finales. On doit penser. On doit peser les préférences d'un petit nombre contre les vies de beaucoup de personnes. Les soins palliatifs soulagent la douleur et la détresse pour 95 % des personnes. La grande majorité des personnes qui veulent vraiment mourir peuvent se suicider. Pour le petit nombre de personnes qui sont si malades qu'elles ne peuvent pas se suicider, il y a la sédation palliative. On ne doit pas aller plus loin que de fournir les soins palliatifs à tout le monde. Merci.

Le Président (M. Bergman) : M. Debray, merci pour votre présentation. Alors, le bloc du gouvernement. Mme la ministre.

• (11 h 40) •

Mme Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Debray, Mme Hasbrouck, bienvenue. En fait, je dis «bienvenue», mais vous êtes des assidus de nos travaux. Donc, nous vous entendons.

Écoutez, c'est certain qu'il y a des choses dans ce que vous dites qui me font réagir. C'est votre droit de vous exprimer comme vous le souhaitez, évidemment. Mais c'est sûr que je pense que l'utilisation de termes comme «tuer», c'est un langage que vous pouvez utiliser, mais c'est à mille lieues de la philosophie et de la volonté de ce projet de loi là, parce que, bien évidemment, «tuer», quand on regarde la définition, c'est «causer la mort [d'une personne] de manière violente». Et ici on est dans une logique où c'est accompagner la personne en fin de vie le mieux possible, avec toute la philosophie qui est un continuum de soins, pour que ses souffrances et ses douleurs puissent être apaisées. Et l'aide médicale à mourir vient dans un contexte très exceptionnel, très balisé, mais où surtout c'est à la demande de la personne elle-même, de manière répétée, une personne en fin de vie.

Alors, pour moi, évidemment, vous allez comprendre, je pense que c'est important d'entendre tout le monde. Nous vous entendons, mais c'est important, pour moi, de recadrer ça dans l'esprit, bien sûr, du projet de loi. Avant peut-être de vous poser quelques questions… Vous savez qu'on a entendu plusieurs groupes de personnes handicapées ou qui représentent des personnes vulnérables, la COPHAN, l'Office des personnes handicapées du Québec, le Protecteur du citoyen, les regroupements aussi de personnes atteintes de maladies mentales, et elles ont, comme vous avez vu, montré de l'ouverture par rapport à l'aide médicale à mourir, ce qui n'est pas votre position.

Et j'aimerais savoir, je dirais, en deux temps… premier temps, quels sont vos liens avec, je dirais, les personnes handicapées en général au Québec, avec les groupes. Qui sont vos membres? Parce que je comprends que vous êtes un projet qui émane du conseil canadien, donc, des déficiences, mais un projet dans quel but? Et qui sont vos membres, qui vous représentez? Et quels sont vos liens avec les autres organismes, puisque vos positions sont différentes? Et comment vous expliquez cette divergence de positions avec d'autres organismes au Québec?

Le Président (M. Bergman) : M. Debray.

Mme Hasbrouck (Amy E.) : Je vais répondre à cette question.

Le Président (M. Bergman) : Mme Hasbrouck.

Mme Hasbrouck (Amy E.) : Oui. Merci. Quels sont nos liens avec les autres groupes au Québec? On n'a pas beaucoup de liens. On les a approchés et parlé et on s'est accordés qu'on n'est pas d'accord, plus ou moins.

Le Conseil des Canadiens avec déficiences a pris des positions, il y a 20 ans, sur cette question suite au cas de Tracy Latimer, qui est une fillette qui a été tuée en Saskatchewan. Elle avait la paralysie cérébrale, elle a été tuée par son père. Et, dans le cas Rodriguez, le Conseil des Canadiens avec déficiences a pris la position que c'est la dévalorisation des personnes handicapées qui est la source et le fond du mouvement vers le suicide assisté et l'euthanasie, et ça, c'est basé sur les membres. Ce n'est pas évidemment tous les membres du Conseil des Canadiens avec déficiences qui sont d'accord. Les groupes au Québec… La COPHAN, qui est un membre du CCD, comme j'ai dit, n'est pas d'accord. Mais il y a beaucoup de personnes ayant des incapacités au Québec qui ne sont pas représentées de façon individu par ces organismes en partie parce que ces organismes sont en grande partie des fournisseurs de services, et, quand on fournit des services, on n'est pas nécessairement là pour représenter les intérêts, pour défendre des droits. Deuxième : une grande partie de ces organismes reçoivent des fonds du gouvernement et sont peut-être un peu contraints par ce fait. On ne reçoit pas des fonds du gouvernement du tout.

Et troisième : on a fait cette recherche… moi-même, depuis plus de 20 ans, parce que j'ai commencé dans le métier de l'abus des personnes ayant des incapacités, et ça m'a menée directement à cette question. Et ici et ailleurs j'ai fait ces recherches. Ça m'a menée à cette position basée sur mes expériences aux centres de vie autonome, dans la défense des droits des personnes avec des maladies mentales pendant ma carrière comme avocate aux États-Unis et avec mes recherches sur l'abus des personnes ayant des incapacités.

Comment est-ce qu'on fait la justification ou explique la différence d'opinions? Je crois que j'ai expliqué ça déjà.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Évidemment, je veux juste vous dire que, pour avoir des relations très fréquentes avec les organismes qui représentent les personnes handicapées, je dois vous dire que le fait qu'ils offrent des services et le fait qu'ils reçoivent du financement de l'État ne les empêchent pas du tout, souvent même, d'avoir des positions différentes du gouvernement, et ils revendiquent plusieurs choses. Et je pense que c'est quand même périlleux de remettre en question leur représentativité.

Ceci dit, pour moi, c'était important de comprendre un peu, parce que vous êtes un nouvel organisme dans le décor, donc, un peu la réalité plus spécifique de Not Dead Yet. Mais je ne veux pas m'arrêter indûment à cette question-là, je veux aborder tout de suite la question peut-être du signal ou de ce qu'on pourrait envoyer comme message de dévalorisation auprès des personnes handicapées ou des personnes aînées. Et, pour moi, je vous le dis, on se rejoint là-dessus, c'est fondamental qu'on valorise toujours, toujours… et qu'on travaille toujours à plus d'inclusion, et qu'on travaille toujours à améliorer, je dirais, l'accès aux services, la présence, l'intégration sociale des personnes handicapées, leur valorisation dans la société. D'éviter la discrimination, de lutter contre la discrimination, pour moi, ça, c'est fondamental. Et je dois vous dire que je suis un peu surprise de vous entendre dire : Bien, vous savez, il y a des gens qui peuvent se suicider, puis, dans le fond, on n'a pas à s'occuper de ça.

Je trouve que c'est un message très contradictoire que vous nous envoyez aujourd'hui si on regarde justement le message et toute la prudence à laquelle nous a appelés hier l'Association québécoise de prévention du suicide. On n'est justement pas dans une logique de dire aux gens : Dans le fond, si ça ne va pas bien, qu'importe un peu où vous êtes dans votre vie, puis tout ça, bien arrangez-vous avec votre affaire. En fait, c'est tout à fait l'inverse, et je veux le redire, on est dans une logique d'accompagnement des gens qui ont des maladies graves et incurables, pas des personnes qui ont un handicap ou une situation qui peut s'améliorer, une situation irréversible, des souffrances constantes et intolérables et des personnes en fin de vie. Et vous m'avez entendue parce que vous êtes ici à assister à nos travaux. Je le répète toujours, c'est fondamental. Mais ces personnes-là qui sont en fin de vie, et qui souffrent, et qu'on n'arrive pas à soulager… je pense aussi que, comme société solidaire, on doit tenter d'apporter les meilleures réponses à ces personnes-là.

Et je vois que vous remettez en cause, par exemple, la sédation palliative continue ou terminale, qui fait consensus, je dirais, dans le milieu des soins palliatifs, à savoir que c'est une pratique qui existe et qui est là pour soulager. Donc, j'aimerais ça que vous m'éclairiez sur ces points-là pour comprendre pourquoi, en fait, vous vous situez, je dirais, dans une position qui, même à cet égard-là, est peu partagée.

Le Président (M. Bergman) : M. Debray.

M. Debray (Christian) : Mme Hivon et M. le Président, d'abord, il y a plusieurs choses que vous avez mentionnées. Premièrement, la demande par la personne, quand elle est faite, disons, en fin de vie, pour utiliser vos propres termes, c'est toujours en cas de détresse de la personne et souvent c'est perçu comme le seul moyen pour sortir de cette détresse, et il n'y a pas d'évaluation psychologique. Ça cause automatiquement un problème.

Deuxièmement, au niveau de la représentativité, c'est assez simple. Dans le conseil canadien, le CCD, là, il y a des divergences. Nous, on a le mandat de défendre les personnes qui sont contre, O.K., et ils seront majoritaires dans le CCD mais pas uniques. Dans le cas de la COPHAN, c'est exactement la même chose, à l'inverse ils sont majoritaires pour, mais il y a des groupes qui sont contre, O.K., et plusieurs… Alors, en quelles proportions? Je ne peux pas vous le dire, mais chacun des deux groupes est fractionné. Ensuite, pour ce qui est du suicide, la contradiction que vous avez relevée avec la prévention du suicide, c'est faux. On est tout à fait en lien avec et tout à fait dans la même façon de penser. Tout le monde a le droit à la prévention du suicide, c'est ce qu'on dit, pas l'inverse. Pas tout le monde a le droit à une mort planifiée ou quelque chose, là. Tout le monde a le droit à la prévention du suicide, quel que soit son état, O.K.?

La meilleure réponse pour tout, pour nous, c'est les soins palliatifs effectués correctement. Toutes ces demandes-là n'existeraient pas, toutes les douleurs peuvent être soulagées. Le soulagement extrême, c'est la sédation, c'est une mise en état non conscient qui peut être permanent ou pas, mais on ne doit pas le planifier comme étant permanent. Parce que, si on le planifie comme étant permanent, c'est causer la mort, c'est tuer, O.K.? Si on le planifie comme un soin, et c'est ce que les médecins en soins palliatifs nous ont dit, si on le planifie comme un soin contre la douleur et que malheureusement la personne meurt pendant ce temps-là, bien c'est une mort naturelle.

Et c'est toute une nuance et c'est la nuance justement que les médecins en soins palliatifs nous ont dite ici, en commission.

• (11 h 50) •

Mme Hasbrouck (Amy E.) : J'aimerais ajouter une couple de choses. Madame, vous avez dit qu'on ne dévalorise pas des personnes ayant des déficiences, et je dois vous contredire, pardon, parce qu'on a des chartes des droits et libertés, et les garanties, là, ne se sont pas réalisées.

On n'est pas égaux. Des personnes ayant des incapacités ne sont pas égales, d'aucun sens. Et ça, c'est une dévalorisation systémique, de base… individus, on est dévalorisés tout le temps. On a des gens, en guise d'être polis ou d'aider… on est toujours envahis, l'espace personnel, les gens nous poussent, tiennent mon bras avec ma canne et nous poussent, ou n'importe quoi, sans nous demander. Ça, c'était une dévalorisation. Et enfin vous avez devant vous un exemplaire de ce sondage objectif de ce qu'on voit quand on fait des recherches sur Google : «Disabled people should die or be killed.» Ça, c'est les premier et deuxième résultats. Ça, ça veut dire que, dans l'environnement, en général, ça, c'est la réponse aux gens. Et la dévalorisation et comment… et on la connaît tout le temps. Je sais ce que vous voulez être la réalité, mais je suis ici pour vous dire que ce que vous voulez, ce n'est pas la réalité vécue par les personnes ayant des incapacités. Vous avez demandé, pour les personnes qui ont de grandes souffrances… Et je veux remettre l'emphase sur les options de soins palliatifs que les gens des maisons de soins palliatifs ont dites, que jusqu'à 3 % à 5 % peuvent être soulagés physiquement et émotionnellement par les soins palliatifs.

Pour ceux qui restent, il y a la sédation intermittente et…

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Hasbrouck (Amy E.) : O.K. En conclusion, on doit faire une balance entre ces besoins et le danger qui vient aux autres avec des incapacités, parce qu'il y a des gens, on admet, il y a des gens qui sont euthanasiés sans leur consentement, sans leur demande. Et ça, de perdre des vies comme ça, ça, ce n'est pas acceptable.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement. Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, M. Debray, Mme Hasbrouck, merci beaucoup. Bienvenue. C'est un plaisir de vous entendre. Et, comme on le disait en tout début de séance, je pense qu'il est important d'entendre tous ceux et celles qui souhaitent se faire entendre sur cet important projet de loi, et je suis très heureuse de voir que vous avez la possibilité aujourd'hui de vous exprimer.

Vous avez, Mme Hasbrouck, parlé tout à l'heure, là, suite à une question de la ministre… vous avez mentionné que les garanties de la charte n'étaient pas égales pour tous. Vous avez débuté en parlant de ça. Et, moi, c'est venu me chercher, parce que, depuis la semaine dernière, on a entendu des groupes qui plaidaient en faveur du projet de loi n° 52 et qui plaidaient en mettant en avant-plan le droit à la dignité prévu à la charte et, entre autres, la commission des droits de la personne et de la jeunesse. Hier soir, on a eu des avocates qui sont venues nous indiquer que le projet de loi devait aller encore plus loin, devait en plus être ouvert, on devait ouvrir l'aide médicale à mourir aux personnes inaptes, et tout ça justement basé sur les droits prévus à la Charte des droits et libertés. Puis je suis persuadée que vous avez des réactions face à ce que vous avez entendu puisque vous étiez présents dans la salle lors de ces auditions-là.

Puis j'aimerais avoir votre réaction face à ces arguments-là qui ont été apportés devant nous puis avec lesquels, nous, on devra éventuellement travailler.

Le Président (M. Bergman) : Mme Hasbrouck.

Mme Hasbrouck (Amy E.) : Oui. Merci. Les gens parlent de droit de décider, et on a déjà le droit de décider pour… Si on veut vraiment avoir la mort, on peut ou se suicider ou avoir la sédation palliative pour ne pas être exposés à nos douleurs.

Ça, c'est un choix qui est déjà disponible. Ce que je parle, c'est deux parties de choix qui ne sont pas disponibles. Le premier, c'est que les personnes ayant des incapacités n'ont pas de choix là où… comment vivre à cause des choix, des priorités politiques de notre société ici. Maintenant, on n'a pas assez de programmes… pas de programme, mais assez de priorités pour les gens de vivre dans la communauté avec les préposés qui gèrent eux-mêmes… On peut vivre dans la communauté avec les préposés qui sont envoyés par une agence, mais ça, ce n'est pas le contrôle pour la personne, ça, ce n'est pas l'autodétermination de la personne. La deuxième chose, c'est : quand une personne exprime une sorte de désespoir qui mène à l'euthanasie ou le suicide, ça, c'est traité différemment si la personne a une incapacité ou non. Si une personne a une grande perte, comme de perdre une conjointe, et la personne dit : Je ne peux pas vivre sans ma conjointe, j'ai perdu… je ne peux pas vivre sans… on dit : On peut continuer de vivre, on donne le conseil, on donne le service pour prévenir le suicide. Mais, si la personne perd les jambes, on dit : Oui, on comprend pourquoi tu voudrais mourir. On te donnerait de l'euthanasie.

Ça, c'est la différence. Et cette situation va dans les critères qui sont maintenant écrits dans le statut. Et, malheureusement, vous dites que ce n'est pas pour les personnes ayant des incapacités. Mais ce qui est écrit là, dans la loi, ça peut inclure ces personnes ayant des incapacités, et il n'y aura personne, après que la loi est passée, et cinq ans dans l'avenir, il n'y aura personne pour dire : Non, mais ce n'est pas ce qu'on voulait dire. Donc, ça doit être très, très clairement indiqué dans le statut. Mais, pour moi, la question d'euthanasie n'est pas un choix, parce qu'on n'a pas le pouvoir de décider où et comment vivre comme personne handicapée.

Donc, on ne peut pas dire qu'il y a un choix libre et éclairé à faire. On ne doute pas de la capacité des personnes ayant des incapacités de faire les choix, on dit que vous ne donnez pas le choix, pour des personnes, à le faire.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Donc, si je comprends bien, je veux juste m'assurer de bien comprendre, vous dites : Actuellement, dans la société actuelle, les personnes qui sont atteintes d'un handicap n'ont pas la possibilité de vivre pleinement dans la dignité puisqu'on n'adapte pas… ou on ne permet pas aux personnes handicapées, pour toutes sortes de raisons, que ce soient des raisons budgétaires, des raisons de politique ou d'orientation, on ne leur permet pas de vivre comme elles voudraient vivre. Et donc peut-être d'apaiser leur souffrance de cette façon-là est le seul choix qui pourrait être mis à la disposition… étant l'aide médicale à mourir. Et donc, pour vous, avant de penser à mettre en place l'aide médicale à mourir, il faudrait d'abord prioriser les soins, ou adapter davantage, ou permettre davantage aux personnes atteintes d'un handicap d'évoluer pleinement…

Mme Hasbrouck (Amy E.) : D'abord…

Mme Vallée : …plutôt que de donner ce choix de l'aide médicale à mourir. C'est ce que je comprends?

Le Président (M. Bergman) : Mme Hasbrouck.

Mme Hasbrouck (Amy E.) : Exactement. Exactement, c'est ça. Parce que d'abord on doit avoir les soins palliatifs pour tout le monde avant de même aborder la question de l'euthanasie. On n'a pas ça. Ça ne vaut pas la peine de créer toute une bureaucratie autour de l'aide médicale à mourir sans concentrer tous nos efforts sur les soins palliatifs. Ce n'est pas juste une question… On va faire les soins palliatifs d'abord. On doit faire tous nos efforts là.

Deuxième, on doit le… possible pour des personnes ayant des incapacités d'avoir un chez soi où elles contrôlent les soins qu'elles reçoivent. Pas juste qu'elle aura un préposé, mais qu'elle aura assez de temps avec le préposé pour faire ses activités quotidiennes et qu'elle va embaucher et surveiller le préposé. Elles devraient avoir accès dans les lieux publics, pour aller au restaurant. Elles devraient avoir accès aux transports en commun, aux emplois, pas de discrimination aux emplois, en éducation, en tout le... assez de logements accessibles. Ça n'existe pas, là. Et, comme ça n'existe pas, on est des citoyens de troisième classe, on n'a pas de choix.

• (12 heures) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Dans les balises mises en place par l'article 26, ce qu'on comprend, puis surtout des interventions de la ministre, c'est que l'aide médicale à mourir n'est pas mise en place dans un cas de handicap qui permet à une personne d'évoluer mais bien dans un cas où la personne est atteinte d'une maladie grave et incurable, qu'il y a un déclin avancé et irréversible de ses capacités. Et donc ces critères-là excluraient, par exemple, l'exemple que vous aviez donné, dans votre présentation, de quelqu'un qui perd ses jambes.

Et donc est-ce que vous croyez qu'il devrait, à ce moment-là, parce qu'on a eu des échanges sur cette question-là, y avoir la notion du caractère imminent de la mort ou un élément additionnel? Parce qu'il ne faut pas non plus passer le message que l'aide médicale à mourir serait admissible pour les gens atteints d'un handicap en général parce que je ne pense pas que ce soit l'intention qui est derrière le projet de loi.

Le Président (M. Bergman) : Mme Hasbrouck.

Mme Hasbrouck (Amy E.) : Je crois que l'aide médicale à mourir ne devrait pas être accessible, et il y a une seule raison : on a la meilleure intention, on veut faire le meilleur pour chaque personne, on veut avoir des hôpitaux où tous les médecins sont compatissants, où les installations sont modernes, et propres, et salubres, on veut avoir des cloches qui ne sont jamais ignorées, mais ce n'est pas le monde réel. On a vu hier un article dans... un reportage des Pays-Bas où une dame aveugle a été euthanasiée. Ça, on dit toujours : Ça ne va pas arriver ici. Mais, malheureusement, ça arrive ici. Les choses comme ça, ça arrive, et on ne veut pas. Si on peut mettre l'aide médicale à mourir... se passer, ça va arriver ici.

Tu voulais dire quelque chose?

M. Debray (Christian) : S'il vous plaît, M. le Président.

Mme Hasbrouck (Amy E.) : Oui, c'est ça.

Le Président (M. Bergman) : M. Debray.

M. Debray (Christian) : O.K. Oui. J'ai une petite intervention supplémentaire. Pour ce qui est des demandes des personnes pour élargir la loi, c'est déjà un indice de dérapage annoncé. Les gens vont demander plus et plus, à tort ou à raison. Pour l'instant, nous, on dit que c'est à tort. Mais c'est un dérapage. C'est la loi de Murphy, hein, l'erreur maximum : si on peut y penser, ça va arriver. Ensuite, le fait d'ouvrir, ne serait-ce qu'un tout petit peu, la porte, de donner le droit à quelqu'un de tuer volontairement — j'utilise le mot «tuer», là, parce que c'est dans certains dictionnaires, entre autres le Larousse, là — de tuer une personne, aussitôt qu'on ouvre cette porte-là, même un tout petit, petit peu, c'est une boîte de Pandore, regardez ce qui va sortir.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau, il vous reste une minute pour une question et la réponse.

Mme Vallée : Question-réponse. Je voulais juste simplement vous entendre parce que, dans votre mémoire, il y a une phrase quand même assez choc. Vous dites : «Permettre à quelques personnes privilégiées de contrôler quand et comment ils meurent ne vaut pas de mettre en danger un grand nombre d'aînés et de personnes handicapées.»

Qu'entendez-vous par «personnes privilégiées»?

Le Président (M. Bergman) : Mme Hasbrouck, dans une...

Mme Hasbrouck (Amy E.) : Oui. Dans notre recherche, on voit que... et on peut voir, par exemple, de la dame au… oui, Manitoba, qui est allée en Suisse pour se suicider, Dr Low… une grande partie des gens qui s'annonce dans les médias, qui veut de l'aide médicale à mourir ou du suicide assisté sont des gens qui ont de l'argent, qui ont en général beaucoup de contrôle dans leur vie, en général. Donc, ce sont des gens qui médiatisent leur demande de se suicider. Et notre «concern», c'est un tout petit nombre de personnes qui demandent ça, et, si on fait une exception pour ces gens, ça va mettre en danger beaucoup d'autres personnes. Je veux juste faire...

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Hasbrouck (Amy E.) : O.K. Pour la question de, si on tue des gens… il y a des confusions de termes. Je sais que ce n'est pas agréable, mais on doit appeler un chat un chat.

Le Président (M. Bergman) : Maintenant, pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci de votre présence. Je comprends la crainte que vous avez vis-à-vis les gens handicapés qui... et qu'il pourrait y avoir du dérapage.

Pourtant, quand on regarde l'expérience dans certains autres pays où on a permis… eux, ils appellent ça l'euthanasie, on réalise qu'après 10 ans d'application plus de 85 % des cas qui ont eu recours à l'euthanasie sont atteints de cancer. Et je pense que le principe de la loi, c'est justement de pouvoir permettre à des gens qui sont en fin de vie, vraiment en fin de vie, et qui demandent l'aide médicale à mourir, qui sont aptes à le demander… puissent en bénéficier. Je comprends que, pour vous, ce n'est pas une option, mais en même temps je voudrais savoir pourquoi, selon vous, ce n'est pas une option de permettre à quelqu'un de le libérer de ses souffrances à sa demande. Qui sommes-nous pour lui refuser… autant que ceux qui sont pour l'aide médicale à mourir?

Alors, j'aimerais juste vous entendre au niveau plus philosophique, là. Pourquoi on devrait plutôt prioriser la volonté d'un tiers que la volonté de la personne qui est atteinte d'une maladie en phase terminale et qui souffre?

Le Président (M. Bergman) : Mme Hasbrouck.

Mme Hasbrouck (Amy E.) : Merci. La première partie de ta question pose un petit problème, parce qu'il y a beaucoup d'études sur ce qui se passe dans les pays où c'est légal.

Il y a des études qui sont basées sur les rapports des médecins qui font des euthanasies, et ces études disent ce que tu viens de... vous venez de dire, désolée… Il y a d'autres études qui prennent des décès dans ces pays, et ils retracent les pas de ces décès pour voir ce qui s'est passé à tous les gens, et il y a beaucoup... Dans ces études, on voit que beaucoup de gens qui... où ce n'était pas rapporté comme une euthanasie, c'était en fait une euthanasie. Donc, on peut voir les rapports qui disent que 95 % des gens sont morts de cancer, mais la vérité, c'est : il y a beaucoup plus d'euthanasies qui ne sont pas rapportées, et ça touche d'autres populations. Deuxième, vous demandez pourquoi on ne peut pas laisser des gens arrêter leurs souffrances. Ça, c'est la fonction de soins palliatifs. La mort n'est pas la fin d'une souffrance. Arrêter la souffrance est l'arrêt, la fin de souffrance. Le projet de loi, lui, ici, c'est : ne gérez pas pour tuer des gens au lieu de finir leurs souffrances. Comme disaient des gens des maisons de soins palliatifs, la grande majorité des gens qui demandent à mourir, quand on soulage leurs difficultés soit émotionnelles ou physiques, la demande disparaît.

Il y a beaucoup de gens qui... leur demande, c'est mitigé par des émotions, conflits et il y a beaucoup d'études qui regardent l'état émotionnel des gens qui demandent l'aide médicale à mourir.

Le Président (M. Bergman) : S'il vous plaît.

Mme Hasbrouck (Amy E.) : Donc, je dirai enfin que de soulager la souffrance et pas de tuer, c'est de fournir les soins palliatifs efficaces ou la sédation.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Mme Hasbrouck, M. Debray, merci pour votre présentation. Merci d'être avec nous ici et partager votre expertise.

Collègues, notre prochain témoin, Mme Downie, est à Halifax. Nous allons l'entendre par l'intermédiaire de la visioconférence. De plus, il y aura un service de traduction simultanée puisque Mme Downie va s'exprimer en anglais.

Je vais suspendre nos travaux pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 12  h 10)

(Reprise à 12 h 16)

Le Président (M. Bergman) : So, Mrs. Downie, welcome to our commission, and we are happy to have you at the commission of health and social services. And, as you said in your memoir to us, this is the democracy at its best.

You have 15 minutes to make your presentation, followed by an exchange with the members of the commission. So I would ask you to begin now, give us your name and your titles, and you commence your presentation.

(Visioconférence)

Mme Jocelyn Downie

Mme Downie (Jocelyn) : Thank you very much. My name is Jocelyn Downie, and I am a professor in the faculties of Law and Medicine at Dalhousie University.

First, I would like to thank you for the invitation to speak with you today. This is, indeed, a momentous process, and I am grateful to have the opportunity to be a part of it.

Second, I'd like to commend Madam Hivon for introducing this bill and the other members of the Select Committee on Dying with Dignity for the leadership they took on the issue.

Third, I would like to commend the Select Committee for the approach they took to their task. The approach taken to get us to today was remarkable for many reasons, not least because it was so highly consultative, so evidence-based and so non-partisan. But I'm not engaging in hyperbole when I say that witnessing this process has restored some of my faith in participatory democracy.

Fourth, I would like to commend the authors of the bill on the result. Several elements of the bill deserve special praise, both by way of compliment, but, more importantly, to reinforce their significance so as to encourage their protection throuhg any process of revising this bill. In particular, I would like to signal out the following results.

The bill clearly establishes the right to receive palliative care. It also clearly establishes the obligation for institutions to offer palliative care and to have appropriate policies and programs in place to meet that obligation. Traditional palliative care is an essential, albeit not sufficient, element of quality end-of-life care. As a society, we owe it to those who are dying to give them better access to high quality palliative care, and this bill will help to make that moral obligation a legal one. The bill clearly articulates the basis for the legislative action, autonomy and dignity, and this articulation can serve us a touchstone for the design and the implementation of the regime that will follow the passage of this bill, if I may be so bold as to presume that. The bill addresses the full spectrum of care, ranging from the withholding and withdrawal of consent to a potentially life-sustaining treatment through to medical aid in dying. It recognizes the right of patients to be offered the full continuum of care. And the bill recognizes the need to regulate with respect to all providers, that is, both health care professionals and institutions, with institutions explicitly including hospitals, hospices, public and private facilities, and health professional regulatory bodies. This enshrines the shared nature of the responsibilities with respect to end-of-life care.

The bill establishes reporting obligations, so, for example, Québec will be able to know, and will be the only province in Canada able to know, the rates of terminal palliative sedation, a practice that we know is going on throughout Canada but about which we have inadequate knowledge, oversight and control. And the bill establishes a robust oversight system, including inspection powers, review of every case and regular reporting on cumulative data. This is essential to ensure that the system has and deserves the trust of the public. And, of course, the bill recognizes terminal palliative sedation and medical aid in dying as a part of appropriate end-of-life care in some circumstances and provides for the protection of the vulnerable while respecting autonomy.

Even if the bill was not altered in any way, I would strongly encourage the National Assembly to pass it. In my remaining time, however, I would like to offer some comments on a very few specific elements of the bill, and these are offered in a spirit of constructive criticism, that is, identification of some potential problems and suggestion of some potential solutions, all motivated by and geared toward the fundamental purpose of the bill, as articulated in the bill.

• (12 h 20) •

So, first, Terminal Palliative Sedation, division I. The importance of this section cannot be overstated. This section makes it clear that informed consent is required for terminal palliative sedation. This will make it clear that inform consent is required for terminal palliative sedation. This will make it clear that non voluntary, non informed terminal palliative sedation is not legally permitted. And, in the absence of clear law and policy, it is currently happening. We just do not and cannot know how often. This needs to be stopped, and this bill will help stop it, at least in Québec.

This bill also makes it clear that terminal palliative sedation is legally permitted. This prevents the situation in which the patient desires terminal palliative sedation, and yet the health care team doesn't provide it for a mistaken fear of prosecution. Terminal palliative sedation with the free and informed consent of the patient or his substitute decision maker is a morally defensible method or relieving suffering and should be available. This bill will make it more readily and responsibly available. One concern I have, though, is that «terminal palliative sedation» is not defined. There is provision in the bill for the professional orders to establish clinical standards, and the council of physicians, dentists and pharmacists established for an institution to adopt clinical protocols for terminal palliative sedation. To a certain extent, this makes good sense. However, I have a concern about leaving the definition of terminal palliative sedation entirely to these entities. Do you mean by the expression that the sedation is terminal or that the sedation is only to be available to those who are terminally ill?

I would urge you to define «terminal palliative sedation» explicitly in the bill, specifically as, quote: «Potentially life-shortening, deep and continuous sedation intentionally combined with withholding or withdrawal of artificial hydration and nutrition.»

Furthermore, there is considerable variability in policy and practice across the country as to when people believe what you are calling «terminal palliative sedation» should be available to individuals. Some think only when death is truly imminent, for example, within hours or a couple of days. Others think that when death is two weeks, two months or six months away. I believe that it would be a mistake to leave the establishment of the limits on eligibility to terminal palliative sedation solely to the medical profession, as it is as this bill is currently drafted. The limits are a matter for a society to determine through the legislature. This is a social, moral issue, not an empirical, medical one. In other words, the legislature should determine who gets terminal palliative sedation, and the physicians, dentists and pharmacists determine how they get it.

I would urge you to adopt the position, consistent with the purposes of the bill, that terminal palliative sedation should be available with informed consent when death is imminent, to be defined in the bill has, quote: «When the withholding or withdrawal of artificial hydration and nutrition will not shorten the life expectancy», and, quote: «Or, when death is not imminent, when the conditions set out for medical aid in dying are met.»

Second, Medical Aid in Dying, division II. Of course, this section has received the most attention and rightfully so. Of course, as is obvious from my previous writing and speaking on this topic, I support this section. This will enable how health care providers to better meet the needs and respect the autonomy of their patients at the end of life. It will reduce suffering, give control to patients and provide great comfort. Even for those who never choose to walk through the exit door, knowing that the door is not locked can give one great comfort.

I would encourage you to push for a bit more clarity, though with the respect to a few elements, and consider four changes to the bill as proposed.

First, «medical aid in dying» is not defined. This leads one to have to try to discern what is captured by the term by drawing inferences from various parts of the bill. It's clear that it includes the provision of a lethal injection. It is not clear whether it includes, for example, the case in which the physician provides a prescription for a lethal drug, the patient fills the prescription, and the physician dissolves the drug in a liquid and hands it to the patient to drink. The ambiguity comes from the fact that section 29 requires that the physician must administer such aid personally. It would be useful to clarify that. Just as writing a prescription for an antibiotic for someone with pneumonia is administering medical aid, so too is writing a prescription for a lethal drug in the circumstances outlined in section 26. It is important to clearly allow for this as some patients would autonomously choose this kind of medical aid over a lethal injection, and some physicians may also find it a kind of medical aid that they are more comfortable providing.

Second, I would urge you not to limit section 26.1 to «illness», but rather to include «condition», such that the clause reads, quote: «Suffer from an incurable, serious illness or condition.» It seems manifestly unfair that you could have two people suffering from the same decline in capabilities, the same constant and unbearable physical or psychological pain, one of whom has an illness, for instance cancer, and so can access medical aid in dying, and one of whom who has a condition, for instance third and fourth-degree burns over 65% of her body suffered five years ago, and so cannot access medical aid in dying. The cause of the same physical or psychological symptoms or state seems irrelevant to whether someone should have their autonomy respected as they seek to have their suffering ended. This would be analogous to saying that a refusal of treatment by a competent person with an illness must be respected, but a refusal of treatment by a competent person with a condition need not. That is, a person like Nancy B. would be able to demand a removal of the respirator, but a person with severe burns would not. Yet, the existing law clearly and rightfully allows both of these individuals to refuse treatment and compels respect for such refusals.

Third, subsection 4 should be worded to reflect the position that it is for the person suffering to determine whether the pain is tolerable, which I assume to have been the intention of the drafters. As currently worded, the section could be interpreted to mean that the pain is objectively unbearable, that is, determined by a third party. I would argue that the pain should be judged by the person. Therefore, subsection 4 should be written, quote: «Suffer from constant physical or psychological pain that the person deems unbearable, which cannot be relieved in a manner that the person deems tolerable.»

Fourth, the qualifier — quote — «which cannot be relieved in a manner the person deems tolerable» should not apply only to subsection 4, but rather also to subsection 2. It doesn't make sense to compel the patients to undergo treatment for their illness that they deem intolerable when you won't compel them to undergo treatment for their pain. Subsection 2 should then be written as, quote: «Suffer from a serious illness or condition which cannot be cured in a manner the person deems tolerable.»

Third, Advance Directives. As others have before me, I would urge you to reconsider the apparent exclusion of medical aid in dying from the advance medical directives regime. Since title III doesn't define «care», it appears that section 26 limits medical aid in dying to the presently competent as it uses the present tense, quote: «Only a patient who meets the following criteria, a patient must «be capable», the patient must «request». Similarly, section 28 appears to limit medical aid in dying to the presently competent, quote: «Before administering medical aid in dying, the physician must be of the opinion that the patient meets the criteria.» I would also urge you to make it clear that terminal palliative sedation can be requested through an advance directive.

Given the purpose articulated for the bill, it should be possible to request terminal palliative sedation and medical aid in dying through an advance directive. Just as we see respecting refusals of treatment through advance directives as respecting a patient's autonomy, so too we should be respecting requests for terminal palliative sedation and medical aid in dying as such. It is important to emphasize here that the same protections as apply for a contemporaneously requested palliative sedation and medical aid in dying would apply, that is, section 26, subsection 2 through 4, in the context of advance directives.

So, with those comments, I thank you for your attention, I turn the floor back over to you, and I welcome your questions and our discussion.

Le Président (M. Bergman) : Thank you, Mrs. Downie. Now, for the exchange with the members of the commission, first, an exchange with the Government Members. Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, bienvenue, Me Downie, Pre Downie. Donc, c'est la deuxième fois qu'on a la chance de s'entretenir ensemble. Il y a quand même eu beaucoup de choses qui se sont passées depuis la dernière fois. On vous avait entendue au tout début du processus, quand on avait entendu les experts. Donc, je vous remercie à nouveau de votre précieuse contribution.

Peut-être juste pour situer notre approche par rapport à des approches qui existent dans d'autres juridictions, en fait notre approche, elle n'est calquée parfaitement ni sur ce que l'on voit, par exemple, aux États-Unis ou sur ce que l'on voit en Europe. Aux États-Unis, vraiment, le critère premier, je dirais, c'est la fin de vie, et eux, ils viennent vraiment mettre une balise, et la logique, c'est la fin de vie, ce n'est pas la souffrance. En Europe, c'est l'inverse. C'est la souffrance qui est, je dirais, le fil conducteur. Donc, la personne n'a pas nécessairement à être en fin de vie, mais elle doit être dans des états de souffrance importants. Nous, la personne doit être en fin de vie, et le critère de la souffrance doit aussi être présent, avec toutes les autres balises que vous avez regardées attentivement. Je voulais juste le spécifier pour bien, je dirais, situer notre approche.

Premier élément, la sédation. Donc…

Mme Downie (Jocelyn) : Can I interrupt? Sorry, just for one second. There's… The translation is gone. Yes.

Mme Hivon : Est-ce que c'est revenu?

Mme Downie (Jocelyn) : Yes.

Mme Hivon : Oui?

Le Président (M. Bergman) : O.K. On peut continuer.

Mme Downie (Jocelyn) : Yes, I've got it now.

Mme Hivon : O.K.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

• (12 h 30) •

Mme Hivon : Parfait. Alors, ma première question aurait trait à la sédation palliative terminale.

Ici, il y a eu beaucoup de débats sur le fait que les experts en soins palliatifs nous disent qu'on devrait plutôt utiliser l'expression «sédation palliative continue» plutôt que «terminale». Si vous avez des commentaires là-dessus, je serais intéressée à les entendre, mais je veux vous dire que vous… En fait, la définition qui était présente, et la réalité que l'on veut mettre de l'avant dans le projet de loi, c'est… la définition, elle était présente dans le rapport de la commission, c'est «l'administration d'une médication à une personne de façon continue dans le but de soulager sa douleur en la rendant inconsciente jusqu'à son décès». Donc là, je vois que vous, vous proposez d'amener l'élément du retrait de l'hydratation et de l'alimentation, qui, de ce qu'on a compris des experts, va de soi, parce que sinon ce ne serait pas une bonne pratique, donc, médicale de faire une sédation continue en maintenant l'hydratation, par exemple. Donc, déjà, je vous dis qu'avec ce que vous amenez comme éléments de définition je ne pense pas qu'on aurait nécessairement un consensus avec le corps médical.

Et ça m'amène au deuxième point, c'est de dire que, le protocole et la manière d'administrer la sédation palliative terminale ou continue, je pense que c'est très important de laisser ça justement aux experts et aux ordres professionnels concernés. Et c'est un grand souci que nous avons, justement, comme dans les autres lois de santé, de ne pas se mettre, en fait en voulant définir des termes, je vous dirais, de manière trop précise, à substituer le jugement du législateur à un jugement médical et clinique.

Donc, en termes de quand c'est approprié, quand ça ne l'est pas, tout le lien avec l'hydratation, je serais très mal à l'aise, comme législateur, qu'on embarque dans le détail de ça. Donc, j'aimerais avoir vos commentaires sur cet aspect-là.

Le Président (M. Bergman) : Professor Downie.

Mme Downie (Jocelyn) : Certainly, certainly. And it is very important to leave the clinical protocol of, you know, what kind of sedation you would use — for instance, to achieve continuous and deep sedation — to the health care providers. The two pieces, though, that I would suggest shouldn't be left solely to the development of clinical practice guidelines or protocols are with respect to the length of time and end this issue of combining it with hydration, nutrition.

Because, for instance, on the issue of the length of time, how close to death do you need to be, If you look at some of the policies that have been developed in Canada — not even including looking across the world, just within Canada — you will find them range from allowing it, thinking that it's allowed if you are within two days of death, through to being permissible six months from death… anticipated death. So, you could… those are very different circumstances of why you would be allowing it and when you should allow it. Because, for instance… pick an example, I have advanced cancer, I'm expected to die within two days. So, deep and continuous sedation, combined with the withholding, withdrawal of artificial hydration, nutrition, is not going to shorten my life in any way. So, that's one thing.

But if I have ALS and I say: OK, I'm projected to die in about six months, now, I want to go in, I want to say to the doctor: I would like deep and continuous sedation, and I'm refusing all hydration and nutrition, which is my legal right to do, I'm going to die within two weeks. And, whether you should be allowed to have access in that circumstance, I don't think it is a medical question. I think that's a social question. It's analogous to the medical aid in dying, that you've made a decision to say: We believe this is appropriate end-of-life care. You didn't leave that to the health care providers, you're saying that this is a social matter for us to determine. So, similarly, I'd say: When it's outside, when it is… the withholding, withdrawal of the hydration, nutrition is going to be the cause of death, so your disease isn't going to kill you for a while, that should be for you to determine and not leave it to the physicians. It's a moral question.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Pour vous dire, on a eu des échanges nombreux sur cette question-là avec les experts qui sont venus en soins palliatifs. Et, pour les experts en soins palliatifs, c'est une pratique qui existe déjà. Le besoin est là, comme on nous en avait témoigné à de multiples reprises, de venir clarifier via des protocoles qui seraient uniformes et donc introduits partout.

Mais je dois vous dire qu'à la lumière des échanges qu'on a eus avec le corps médical je ne pense pas qu'il serait d'avis que c'est le législateur qui va venir dire précisément le nombre de jours ou le contexte. Je dois vous dire que, quand on les a entendus, ça avait l'air assez consensuel que c'était, par exemple, dans les deux dernières semaines, quand on pensait qu'il restait peut-être deux semaines à vivre, et que sinon, si on était avec une personne qui a la maladie de Lou Gehrig, ou tout ça, les questions sont soulevées de manière beaucoup plus importante. Et donc il semblait y avoir un consensus à cet égard-là. Vous pourrez répliquer, si vous voulez, sur ça, mais je veux par ailleurs passer à la question de l'aide médicale à mourir, parce que je sais que je n'ai pas beaucoup de temps et je veux maximiser les échanges avec vous. Je veux juste amener un élément très important. Vous nous dites que ça vous apparaît non fondé, en quelque sorte, de venir exclure la personne qui pourrait être un grand brûlé et qui souffrirait, par exemple, de la même manière qu'une personne qui serait en fin de vie pour une autre raison. Mais, justement, je veux juste vous dire, toute notre approche, elle est basée sur la fin de vie, sur le fait que la situation de la personne, elle est irréversible et qu'il n'y a aucun espoir d'amélioration de sa situation, alors que, dans le cas que vous nous soumettez, un grand brûlé, c'est vrai qu'il peut être en grande souffrance, je le conçois parfaitement, mais la situation n'est pas nécessairement irréversible. La situation peut s'améliorer, et surtout la personne n'est pas en fin de vie.

Alors, j'aimerais… Je ne sais pas si j'ai mal compris le sens de votre intervention, mais, enfin, moi, je veux recadrer que, se situant dans l'idée d'un continuum de soins en fin de vie, et c'est une balise fondamentale, cette situation-là, pour nous, elle ne cadre pas avec ce qui est présenté.

Le Président (M. Bergman) : Professor Downie.

Mme Downie (Jocelyn) : Yes. I may have picked an unfortunate example. Because I think often we do think of burns as something that you treat and you cure. But there actually are circumstances in which you can be so severely burned. And, in fact, the pain is not curable, it will never improve. And there can be extreme pain. I was looking for something, an example of something… I could have used neuralgia, perhaps, where it isn't an illness, that's causing the ambiguity over the notion of illness as to what's causing the circumstance. So the argument is more that the criteria, those criteria that you lay out, the limits that you lay out — I'm not taking exception to — it's just if those limits are caused by those exact limits that you have: the incurable, irreversible decline of capabilities, all those things are in place, but it's just caused by something other than an illness, I didn't see why you would limit it to the cause, the nature of the cause, as opposed to the criteria that you lay out, which relate to the curability, the pain and suffering, the loss of capabilities.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Vous comprenez qu'on parle d'une situation de fin de vie, donc j'essaie juste de voir quel pourrait être… Ça m'aiderait en fait si vous trouviez des exemples de ce que vous voulez illustrer, parce qu'il faut être en fin de vie, et donc tous les autres critères doivent être, je dirais, conjugués. Donc, je vois mal comment ça ne serait pas lié à une maladie grave et incurable. Mais vous pouvez nous revenir là-dessus aussi si vous avez des exemples plus précis. Peut-être le dernier élément, c'est la question des directives médicales anticipées et la question du fait que l'aide médicale à mourir est exclue. Donc, vous plaidez pour l'inclusion et, je veux juste vous entendre, sur quelle base, précisément? Parce que souvent c'est l'argument de la discrimination, donc, qui vient. On a entendu ici certains intervenants en lien avec cette question-là, dont la Commission des droits de la personne du Québec.

Mais est-ce que votre argument fait en sorte que vous estimez que ça devrait aussi être ouvert à d'autres catégories de personnes que seulement, par exemple, les personnes majeures et aptes, comme par exemple des personnes inaptes depuis la naissance ou des personnes mineures?

• (12 h 40) •

Le Président (M. Bergman) : Professor Downie, you have about two minutes to answer that question.

Mme Downie (Jocelyn) : OK. Very clearly, I'm distinguishing between people who were previously competent and express wishes while competent and are no longer competent. That's the group that I want to advocate for having access, not a group who have not yet been competent or never would be competent.

So an adult who has never been competent I don't think would have access. They can't write an advance directive because you must be competent when you write the advance directive. And I'm not arguing to expand to those who are incompetent because that is not grounded in the principle of autonomy. Allowing access to medical aid in dying for that group of people is not bounded in autonomy. The category that I'm arguing for, with respect to advance directives, is still grounded in the principle of autonomy, which is at the heart of your bill. So I think this is entirely consistent with the philosophical foundation of your bill, it's about respecting autonomy, but what it's saying is: Those who are competent should be able to express their wishes such that, at the point in the future they become incompetent, those wishes are respected. And I would draw the analogy to withholding and withdrawal of life-sustaining treatment. We allow people to make decisions that directly result in their death through an advance directive, precisely on the basis of respect for autonomy. As we are saying, while you're autonomous, you get to say what should happen, and that governs once you become incompetent, but this does not extend, and it doesn't slip into allowing for those who have never been competent, never will be competent, because that, providing medical aid in dying to that group, is not justified by reference to the principle of autonomy.

Le Président (M. Bergman) : This concludes the exchange with the Government. Now, for the exchange with the Official Opposition, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Thank you, Mr. President. Mrs. Downie, thank you very much for your presentation.

We have been hearing a lot of groups that have different opinions on the bill, and one idea that has been put forward was to make a distinction between the palliative care and the end-of-life care. Le Collège des médecins has pleaded in favor, and a lot of physicians actually involved in palliative care are not very comfortable with the fact that in this bill we are putting together palliative care and end-of-life care such as the terminal palliative sedation and the medical aid in dying.

I would like to have your opinion on this matter because it seems to be one big problem: some physicians are not comfortable with it and say: We should do as it has been done in other Legislatures, make two distinct or different pieces of legislation to address these medical acts that are completely different.

Le Président (M. Bergman) : Professor Downie.

Mme Downie (Jocelyn) : OK. The first thing is, I think that it's an extraordinarily important signal that you send by covering them both in… it's actually three categories, and I'll come back to that in a second, by covering it all in one bill.

It says that palliative care, and medical aid in dying, and withholding, withdrawal of life-sustaining treatment, they are all part of the continuum of good end-of-life care, and it's such… it's an important signal. It also… and what you've done, with respect to what you've said about palliative care, is incredibly important because you have committed to improving access to… quality of palliative care. We're not talking sedation here, just good palliative care. And to have that at the same time, in the same piece of legislation is profoundly important both because it's very important to do, we need to improve palliative care throughout the country, and to put it together shows that you see how they are inextricably bound up. Neither is the only answer. For some people, it would be medical aid in dying; for some people, it would be palliative care; for some people, it would be what you're calling «terminal palliative sedation», but they should all be options. And, by separating them out, I think you lose some very important signaling effects and also some coherence to your approach. Because you also have the capacity that… when you've got it all in one bill, the oversight system is consistent. And I would fear that if you start to move into having multiple pieces of legislation, you may lose that, and you may lose the coherence of the foundation too, because what you are able to say is: This is the purpose, these are the purposes behind our approach to caring for the dying. And those purposes should be the same, whether you're giving them palliative care or medical aid in dying, it's about respecting autonomy, preserving dignity, alleviating suffering, and so on. They're all the same. So that works that way.

      The one thing I would say is, I think part of the confusion and the desire to distance palliative care from medical aid in dying comes about because of the category of terminal palliative sedation. Because it is peculiar, there's just no denying, that if what it is is this… is the deep and continuous sedation, combined with artificial hydration and nutrition being withheld, outside of that two-week window, which is permitted under policy in various places in Canada, so the notion… if you're being told that all… it's only within two weeks, that's just simply not true. If it's outside that window, it is causing the death in a very direct and obvious way, and I think a number of palliative care physicians are uncomfortable with being associated with that. So that's why, in some places also, it's worth thinking about using an entirely different label for that category so that it doesn't blur. We just go straight to what it is, and it doesn't make people feel uncomfortable about what's the difference between palliative care and this. Because a lot of palliative care docs, and nurses, and others don't want to think that they ever contribute causally to death, and, yet, this category can. It very clearly can. Because we're not talking here about what we used to talk about: the ever increasing levels of morphine that might shorten life. But nobody is certain. That's not what we're talking about anymore. So it's this category.

      So it's another reason to think about maybe pushing even further than saying: Define terminal palliative sedation. It's actually to say: Use a different category for what you're wanting to address, which is the deep and continuous combined with… And that might help people see: Here's palliative care over here, which is just… it is simply not causing, here is this category, and then here is the lethal injection category. And then we look at them from the perspective of what's the philosophical foundation for allowing them.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Thank you. This is very interesting, which brings me to the question I had when you had your exchange with the Minister: Should we apply the conditions of section 26 to terminal palliative sedation? Should we put it within the same frame of condition so that we put aside the situation that you had mentioned about the fact that some people are actually, in this time, in Canada, asking for sedation way before they actually are in their end of life?

Le Président (M. Bergman) : Professor Downie.

Mme Downie (Jocelyn) : Yes. I think what I would recommend is that where death is imminent, and you define it as within… within the amount of time that the actual… the withholding, withdrawal of the hydration, nutrition isn't going to play any kind of a causal role in death, so, you know, within a couple of days, even up to two weeks, then it just simply is on a basis of informed consent, because that's just a kind of treatment, it's not causing death in any way, it's not contributing to death, so it should be informed consent.

However, when it's playing a part in shortening life, which is what it does when it's outside that window, I think, on the logic of your bill, it should be subject to the conditions of medical aid in dying. Because I don't think you want to open that up, that somebody could actually… And this would be possible. If the health care providers, in setting up their protocols, embrace a couple of protocols that are in B.C. right now, you will be setting up a situation where somebody could access terminal palliative sedation when they're not expected to die for five months and not meet your conditions of medical aid in dying. So they wouldn't have to be, you know, facing the irreversible loss of capabilities, and so on. And I don't think that you want to do that, I think it may just not have come up, it may not have surfaced as «this is the implication of the way this is drafted», and it's an implication of the way that what's being called «terminal palliative sedation» is evolving as a practice both in Canada and in Europe.

• (12 h 50) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : So, what you're telling us today is that in B.C., right now, it is possible for someone to ask for terminal palliative sedation or whatever it's being called even though they are not in the last days of their life.

Mme Downie (Jocelyn) : Right. Because the policy is to talk about in exceptional circumstances, they'll say: It's within days or exceptionally beyond that.

So they allow for the exception, which means it can go outside that window. But, if you ask a lot of people, they don't know that, even people who work within those institutions. But, if you look at their policies, that what's there. And you get this huge variability. When people have been studying in other countries and the people have studied it here, you see this huge variability across institutions about precisely that, whether… So does it say… Because the other… if it's only for existential suffering. So they will say: It shouldn't be only for existential suffering, except in unusual circumstances, which means: Sometimes, it can be. So, I don't think that you want to leave that door open. And it's… There's a room on the other side of the door that people want to go to.

So, I would just try and frame what… your approach to terminal palliative sedation in light of your objectives. And I think your objectives would be to allow it on… just with informed consent, when death is truly imminent. And if you were outside that imminent place, you would say: If you would meet the criteria for medical aid in dying, then you can have that kind of terminal palliative sedation. Because that makes sense, because then what you're doing is, you're giving someone an option, who doesn't want a lethal injection, but does want the deep and continuous sedation, and saying: And then I refuse all hydration, nutrition. So you're being consistent in your approach to the categories of request. You want to do that because otherwise you'll see that variability, and you can be opening up to it happening in circumstances that I don't… I don't think you… I'm reading into the bill, but I don't think you want to be having that.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau. Il vous reste 1 min 30 s.

Mme Vallée : Thank you. It's very… You're bringing up ideas and things that we were not necessarily aware of. I just want… I would like to hear you. You said something when you talked about the advance directives, that the people that… who have not been competent, there is no ground for the autonomy argument that has been put forward. I just would like to hear you a little bit on this statement.

Le Président (M. Bergman) : …only one minute left in this exchange. Professor Downie.

Mme Downie (Jocelyn) : OK. Well, I understand the autonomy to be the capacity for self-determination, and so it requires the capacity to understand the nature and the consequences of the decision being made.

If you have never been competent, you don't have autonomy to be violated because you don't have that capacity. It's violating a capacity. To violate autonomy is to violate a capacity. And if you're incompetent and have never been competent, there is no violation there. We look after… When we have someone who is incompetent, we make substitute decisions for them, and if they've never been competent, we make it on the basis of best interests judgment. If they've been competent, we make it on the basis of what's called «a substituted judgment». That's autonomy based, because we're saying: What would they have wanted? Because they were competent, we look at… we think about that. But if they've never been competent, we don't turn to autonomy to justify our decisions for medical treatment for children, we turn to a best interest standard.

So it's just a completely different philosophical basis. You're not violating anybody's autonomy if you don't respect the wishes of someone who's not competent.

Le Président (M. Bergman) : This ends the exchange with the Official Opposition. Now, for the exchange with the Second Opposition Group, Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Thanks to Mrs. Downie to be with us. We heard a lot of groups who are telling us to be careful about including people incompetent who had… give advance directives. And the major argument was essentially the difficulty to determine the level of sufferance who will bring you to the medical aid of dying. So I'd like to hear you about it, about this issue.

Le Président (M. Bergman) : Professor Downie.

Mme Downie (Jocelyn) : Right.I think what you want to do is make sure that you're linking the assessment of suffering to the individual. That's why we're saying that it's the person who has to assess the pain, not a third party. And, by doing that, I think you can do some of that by projection. So what I'm saying is: When I am this... I am now competent and I say: If I am in x, y and z state, then I would deem my suffering to be intolerable. So, I'm doing a... It's a future-oriented assessment of pain. So it's still... It's not saying: You need to try and find some other way at the time of assessing the person's pain. Because it's true. You can do that. You can get a subjective assessment of pain. You can get some feedback from them because we have pain signals, and you can read certain things, but that wouldn't be sufficient.

So what I think you're having to work into this is this recognition that I would be saying: In those circumstances, I would find that pain to be intolerable. And you can do that.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : You think we can more define… to have a group of doctors or specialists to define more what is a real high level of sufferance?

Mme Downie (Jocelyn) : No. I think suffering is so subjective. So what one person can bear and lives with daily is something that somebody else would say: That's utterly unbearable to me, intolerable to me. And so I would not want to try and go down that path of having other people adjudicate pain. That is one of the issues that came up in the Netherlands, is: because of the way that they set up their system, the physician plays a part in determining the intolerability, and that's actually a problem. I think, conceptually, it's a problem, and, pragmatically, it's a problem.

And so I would go to the conceptual coherence of saying: It's for the individual to determine what kind of suffering is not tolerable to them, what kinds of treatments for suffering do they reject, and then they can reject them or request in advance.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx, il vous reste une minute.

Mme Daneault : No thanks. It's okay for me.

Le Président (M. Bergman) : So, thank you very much, Mrs. Downie. This ends the time that we have for an exchange with you. And we appreciate you being present by videoconference and sharing you're expertise with us. We thank you very much.

Et, collègues, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures aujourd'hui. Merci beaucoup. Thank you very much.

Mme Downie (Jocelyn) : Thank you very much and good luck.

Le Président (M. Bergman) : Thank you, Mrs. Downie.

(Suspension de la séance à 12  h 58)

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre, sans plus tarder, les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.

Je souhaite la bienvenue à notre invitée, qui s'exprime en anglais, et vous avez la possibilité d'avoir la traduction avec les items devant vous.

Mrs. Somerville, I want to welcome you to the Health and Social services Commission. I understand that you'll be expressing yourself on a presentation of 15 minutes. My colleagues on both sides of the House… all sides of the House will have a chance to ask you some questions. So if you could just give us your name and your title, and go ahead with your presentation of 15 minutes. Thank you.

Mme Margaret Somerville

Mme Somerville (Margaret) : Thank you, Mr. President. My name is Margaret Somerville, I'm the Samuel Gale Professor of Law, Professor in the Faculty of Medicine, Founding Director of the McGill Centre for Medicine, Ethics and Law, all at McGill University in Montréal.

I appreciate your invitation to give evidence before the committee regarding Bill 52, but it actually presented me with a very difficult decision, and that's because, as I don't need to tell you, that Bill 52 deals with the management of legalized euthanasia. And we don't manage that which we believe to be inherently wrong, we prohibit it. And I believe that euthanasia, that is, a physician acting with the primary intention to kill a patient, whose death results from that act… I believe that's inherently wrong and therefore should remain legally prohibited. And I'm not alone in that belief by any means. But, if you wanted an authority for it within the Canadian context, the majority judgement of the Supreme Court of Canada, articulated by Justice Sopinka, at page 609, that's exactly what that judgement says: «The reason why we won't allow this is because it's inherently wrong.» And what I was concerned about is that my appearance here could be perceived as my being complicit in helping you to develop Bill 52's management guidelines for euthanasia.

So, for the record, I want to say that I totally reject legalizing euthanasia, Bill 52 and any such guidelines.

And I further submit to you that even if you don't believe that euthanasia is inherently wrong and assess its ethical acceptability from a utilitarian perspective, the risks and harms of legalizing it far outweigh any benefits, and, therefore, from that perspective as well, it should remain prohibited. Legalizing euthanasia would create a risk of abuse of some the most vulnerable members of our society, those who are old, sick, fragile and mentally ill or who suffer from a disability. Even if such abuse were very rare in practice, augmenting the risk of it cannot be justified.

Now, you've already heard my arguments and views on two previous occasions, at least the committee as it was then constituted has, so, as you would presume, my goal today is to try to persuade you to reject Bill 52. However, despite that I will deal with some issues that it raises, and this is just a selection of the issues, because it raises so many issues, you... one couldn't possibly deal with them in 15 minutes.

First of all, Bill 52 seeks to legalize euthanasia by redefining homicide by lethal injection, which it calls «medical aid in dying», as a form of medical treatment, and I think it does that by confusing the act of euthanasia with other acts which are not euthanasia. It puts it within the context of palliative care so that an argument can be made that there's a continuum of care, and this is no different from refusals of life support treatment or proper pain management when there is some risk that it could shorten life. I totally disagree with that. The primary intentions in refusals of treatment and in pain management are not to kill the person, they're to relieve pain in one case, and they are to respect the person's right to inviolability, not to be touched without their consent. And so everybody's got the right to refuse treatment.

In other words, I believe that euthanasia is different in kind from those interventions, not different in degree. And I don't know whether anybody has put it before you yet, but there is a relatively new internationally recognized declaration and interesting for us as Quebeckers. It's called the Declaration of Montréal, and what it establishes is that, for health care professionals, to leave a person in serious pain is actually a breach of human rights, and that declaration has now been approved by the World Health Organization, and it's recently been adopted or affirmed by the World Medical Association.

So, there is never a question that pain management must be provided, absolutely, absolutely, must… but pain management is a traditional medical treatment, it is acceptable as a medical treatment. A doctor killing a patient has never been regarded as a medical treatment, and I don't think that it should be regarded as a medical treatment. And what you can do is, you can look through the Hippocratic Oath. In fact, what that oath did was separate the two roles of doctors. In the… Over 2 500 years ago, which was when the Hippocratic Oath was formulated, the medicine man in human tribes was both the physician and the… he was a healer and the killer. And what the Hippocratic Oath did was separate those two roles so that physicians became the healers and no longer were the killers. What Bill 52 would do is put those two roles back together and, in doing so, overturn 2 500 years that have established a very strong medical ethos.

Second point I want to make is the undefined terms, euphemisms, ambiguous language in Bill 52, and I would assume that that has been adopted to make the bill less likely to be rejected by undecided members of the general public, to create confusion, which can help to get the euthanasia approved by the public and, I would think, too to bring it within the legislative jurisdiction of the provincial Legislature. And, as you know, it doesn't use the word «euthanasia», and this is a huge source of confusion. Even the Québec college of physicians and surgeons… because I've looked at their testimony, and they recommended to you that you have to use the word, and that we've recently — and I believe this has also been presented to you — seen a survey where 40% of the people surveyed didn't know what euthanasia was. A large percentage of them thought that medical aid in dying was just palliative care or refusal of treatment, and that's this Ipsos Marketing survey, which, I understand, you have had presented to you. And it's not just the general public as such who are confused about this, the doctors are confused as well, if the reports we're seeing of their evidence is correct. Dr. Yves Robert appeared before your committee, and he said that he believed that the person had to be dying in order to have access to euthanasia. Well, that's not correct if you look at Bill 52, you do not have to be terminally ill. And, again — I believe that it's been proposed to you — if you want to do this, you should say that that's what you want to do.

As well, if you want a very recent example, this morning's Globe and Mailand there's a column by Lysiane Gagnon about Bill 52, and she makes rather… I can't remember whether it's three or four pretty serious mistakes in this. First of all, she thinks that Bill 52 has to do with assisted suicide, which, I think, is highly doubtful, particularly if you take into account the background to Bill 52, where assisted suicide was rejected. And it was also said in some of the evidence — I think it was again Doctor Robert — that that's not considered medical treatment. And so I would strongly urge that, if you're going to do this, which I certainly hope you will not do, but if you do, at least, make clear what you're doing. It's a fairly serious situation if the doctors who would be using these provisions in this bill don't understand what the provisions mean, don't understand who would have access to euthanasia.

• (15 h 20) •

And the other part where, I think, there's a problem is this idea that euthanasia and… I guess it's euthanasia, is part of the normal course of palliative care. As you probably also have been told, around 90% of palliative care physicians reject that and… a very large percentage of physicians reject that. It's a fact around the world that the single biggest group of people who do not approve of euthanasia are in fact physicians, and you have to ask yourself: Why might that be? And I would suggest to you it's because they know what it really involves. I think they know what it would mean for medicine.

And, even if they're not going to do it themselves, and they're allowed not to do it, although I'll come to that in a moment, you still have to consider: What would it be like to be working in an institution where your governing body, the… you give in that bill… you give the power to make the rules for clinical protocols to the Council of Physicians, Dentists and Pharmacists, that you know that your colleagues have approved of this, and you're working in a milieu where you know your colleagues are giving lethal injections to their patients? I know from the people who've spoken to me that that's very upsetting for a lot of them. They don't want to work in a milieu where that is true. I think you also need to look very closely at the evidence that was gathered from both the Netherlands and Belgium… about the physicians over there that is apparent in the reports that you've looked at. In fact, at one point, the Dutch medical society was very concerned about the mental well-being of the physicians in the hospitals where euthanasia was being carried out. And recently they've been lamenting the fact that patients can't… who want euthanasia — this is in the Netherlands — can't get access to it, so the Dutch Government has set up six mobile euthanasia units, which have doctors and I don't know how many nurses in them, but they will go to your home and carry out euthanasia for you.

I'd also recommend to you… If you want to know what it really is like in those countries, you can see a case of euthanasia being carried out. There's a new film — I've referred to it in the submission that I've given to the committee — it's called End Credits. I tried to get permission to share it, but I've been unable to do so, so far, not because the people refuse, but because I haven't been able to contact them. And, in it, it takes two cases. My understanding is that the people who made the film were actually pro-euthanasia, but it's not a euthanasia advocacy film, it's really sort of just a here's-what-happens film. And it films a young woman, she's probably in her mid-thirties… they don't give you an exact diagnosis, she's mentally ill, she wants euthanasia, she doesn't want to go on. She says at one point… you know, she doesn't feel she's got any friends, that life is not worth it. She seeks to have permission to donate her organs for transplant after she's euthanized. The committee that supervises that, because Belgium is now using organs from euthanized people for transplant… And the committee refuse to her that permission, but then you see the whole scene of the doctor actually carrying out the euthanasia. She walks over to a couch, she lies down, and he euthanizes her.

Now, I know you'll say: Well, nothing like that would happen here, but I've been following this issue for over 30 years and what you have to understand is that when you start off, that you say: Well, it's OK here because… This a heart-wrenching case in which… give up for that, you get used to it, and we know this ethical progression that has… the first thing that happens when we hear about something… You talk about doctors killing their patients, most people say: Yuck! And that's what we call the «ethical yuck factor», that's your moral intuition and your emotions saying: This is wrong. And then we get used to it and then we think: Well, maybe it's not so bad. So then we think: Well, we're neutral about it. And eventually we approve of it, and then we move on from there, and we expand the circumstances in which we use it. And we can see, in Belgium and the Netherlands, that's happened. Children can now be euthanized in the Netherlands, Belgium is looking at doing that, and there's no question that there are people with Alzheimer's being euthanized, and that's a concern that that would happen here as well.

So there's a whole lot of reasons why I would argue to you that we should not do this. As to your advance directives authorization of euthanasia, I don't know any other country that has actually authorized that, so that's a very unusual… a sort of widening of who can have euthanasia.

In the same film, End credits, the other case that they filmed, it's a very old man who's very debilitated, and he has actually given an advance directive that he wants euthanasia. And then his nephew is there, and the nephew is saying to the doctors who are trying to ask the old man: Are you sure you still want it… and the nephew says: Yes, yes, he said he wanted it, and he's not competent now, so he can't change his mind. And suddenly the old man kind of… He goes from old, crouched… standing, suddenly he wakes up and he says: What? You mean you want to kill me? And he freaks out, and the doctor is... And he eventually dies a natural death.

But those are the sorts of things that you've got to anticipate if you're going to do this.

La Présidente (Mme Proulx) : En conclusion, Mme Somerville.

Mme Somerville (Margaret) : En conclusion. Well, the other think I'd talk to you about is this terminal palliative sedation which is a form of slow euthanasia. If you want to have an example of where that it has been… that had tremendous abuse of it, it's in what's called the Liverpool Care Pathway in the United Kingdom, and it's now being revoked. So, you know, I plead with you not to go ahead with this legislation. That would be… You know, I think it's a tremendous affront to our shared societal values that we think…

Although you might have the most merciful reasons that you feel are worthwhile to use, it nevertheless is extraordinarily destructive of those values, especially of respect for life. Thank you.

La Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup, Mme Somerville. Alors, nous allons débuter le premier bloc d'échange avec le gouvernement. Mme la ministre.

Mme Hivon : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, Pre Somerville, qui a été mon professeur aussi. Donc, ça fait deux de mes anciens professeurs qui sont ici. Visiblement, vous ne devez pas trouver que j'ai développé les bonnes voies pour répondre à certains enjeux. Nous n'avons aujourd'hui pas le même point de vue, mais je suis très heureuse qu'on puisse en parler et en débattre très ouvertement, comme on l'a fait à l'occasion des travaux de la commission spéciale.

Premièrement, je pense que c'est important de réitérer qu'il n'y a absolument aucune volonté de confondre les gens. Depuis le tout début des travaux, la volonté, c'est évidemment de bien expliquer, de faire beaucoup de pédagogie. Il va y avoir une vaste compagne d'information, si ce projet-là va de l'avant, autant sur le fond du projet de loi, sur tous nos développements en soins palliatifs et sur la question des directives médicales anticipées. La différence entre l'aide médicale à mourir et l'euthanasie, c'est que l'aide médicale à mourir sous-entend que, dans tous les cas, ça doit provenir de la demande de la personne en elle-même, par elle-même, pour elle-même et qu'on est dans un contexte médical, ce qui ne sont pas deux éléments qui vont de pair avec l'idée de l'euthanasie en elle-même. Je voulais juste souligner ça. L'autre chose, je pense, qui est très, très importante, c'est que… Parce que vous avez dit qu'il y a des erreurs. Vous faisiez référence à un article de ce matin. Moi, je veux juste vous dire que, si on s'arrêtait et qu'on ne légiférait pas à chaque fois qu'il y a des journalistes qui font des erreurs de fait… en politique, je dois vous dire que l'exception, c'est plutôt quand… un article, il n'y a pas d'erreur parce que ça arrive souvent quand même qu'il y a des petites erreurs, et donc je pense qu'il ne faut pas que ça nous arrête à dire qu'il faut faire de la pédagogie, au même titre où… Est-ce qu'il y a de la confusion dans le corps médical? Moi, je vous dirais que, quand on a commencé les travaux il y a quatre ans, il y avait de la confusion à savoir les différences, déjà, dans le corps médical, entre les soins palliatifs, des fois l'arrêt de traitement, l'augmentation de la morphine versus la sédation continue.

Donc, je pense que les occasions sont importantes de toujours faire de la pédagogie, de démystifier chacune des réalités. Mais, au même titre où les gens avaient très peur de ce que c'était, les soins palliatifs, et ils ne savaient pas exactement c'était quoi, je ne pense pas que c'est une raison en soi de dire : On va arrêter de faire de la pédagogie. Il faut toujours améliorer la connaissance des gens, il faut toujours travailler très fort, et c'est ce qu'on veut faire avec ce projet de loi là, qui aborde beaucoup d'éléments.

• (15 h 30) •

Et il y a cette volonté et cette nécessité, oui, de toujours mieux accompagner les gens, de mieux expliquer les réalités, je suis tout à fait d'accord avec vous, mais, ce défi-là, à tous égards, dans notre société, puis quand on adopte des lois, et tout ça, je pense qu'il est toujours le nôtre et qu'il faut toujours travailler pour mieux faire comprendre les réalités, mais qu'en soi, si on estime qu'une chose est bonne à faire, notre défi, c'est d'expliquer comment tout ça va s'articuler; et ça, c'est un défi. Et c'est tout un défi d'information que nous voulons mener.

Je voulais aussi différencier, je pense que c'est très important. Parce que vous prenez beaucoup d'exemples des autres juridictions, donc je vous suis, mais il y a une énorme différence entre les autres juridictions et nous. Si on regarde les États américains, par exemple, eux, ils sont dans une logique, je le disais ce matin, de fin de vie. Donc, c'est ça, le critère de base, ils n'ont pas un critère de souffrance. Donc, c'est vraiment l'autonomie de la personne avec la fin de vie, mais ce n'est pas : Est-ce que la personne est souffrante? En Europe, Pays-Bas, Belgique, ce n'est pas la fin de vie, l'idée, c'est la souffrance de la personne, donc : Est-ce que la personne souffre d'une manière telle qu'elle peut avoir accès, donc, à l'aide médicale à mourir? En Belgique, il y a deux catégories : si c'est vu à brève échéance, il y a les critères; mais, si c'est vu à plus longue échéance, il y a d'autres critères qui viennent s'appliquer. Mais la base, c'est toujours la souffrance. Ici, c'est les deux. Là, je tiens à le redire parce que vous avez tantôt dit : Il n'y a rien qui dit que la personne doit être en fin de vie. Tout le projet de loi est sur les personnes en fin de vie.

Donc, la personne, c'est un critère fondamental, c'est la première balise, doit être en fin de vie. Et, l'autre élément, évidemment la souffrance est une des balises avec toutes les autres balises de l'article 26. Donc, ça, je voulais juste… Vous pourrez répondre évidemment à ces éléments-là.

Puis, ma question, c'est… Votre argumentation, votre réflexion, elle est beaucoup basée sur la protection des personnes vulnérables. Il y a plusieurs personnes qui sont venues nous dire que l'état actuel des choses était beaucoup plus risqué pour la protection des personnes vulnérables parce que justement il n'y a pas d'encadrement et qu'il y a toutes sortes de manières de contourner les choses qui ne sont pas nécessairement la meilleure manière de protéger. Mais surtout les principaux acteurs dans notre société qui protègent les personnes vulnérables sont venus nous dire qu'ils étaient en faveur du projet de loi. Je pense à la Protectrice du citoyen, je pense aux représentants des comités d'usagers, je pense à la confédération des organismes de défense des personnes handicapées, à l'Office des personnes handicapées.

Donc, pourquoi votre opinion devrait être plus importante, sur la protection des personnes vulnérables… que ceux qui représentent des personnes vulnérables eux-mêmes?

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Somerville.

Mme Somerville (Margaret) : OK, Madam Hivon. You raised a lot of issues.

First of all, you said it would be in a medical context. But, under the bill, the euthanasia can be carried out in the home, or it can be carried out in a nursing home, or a residence, so those are not normally regarded as a normal medical context. I strongly disagree with you that there is no difference between adequate pain relief treatment that could shorten life and euthanasia. There's a massive difference, as I hope I taught you, and…

Mme Hivon : Je n'ai pas dit ça, par exemple.

Mme Somerville (Margaret) : There's a massive difference between the primary intentions in those cases.

In the case of the pain relief treatment, the primary intention is to relieve the pain. And, indeed, I also have a background as a pharmacist, and properly treated… pain relief treatment, it's very rarely that that would raise a risk of shortening life. If it is properly prescribed and given, it will relieve the pain. But there is an occasional case where you can't, and, in that case, I would… what we would have to consider is palliative sedation, which is not the same as palliative terminal sedation. Again, there's an intention element there. You have a huge faith in pedagogy. As having taught for 35 years, I don't have the same faith that we can teach people to restrict themselves in their interpretation of what they… how they would use this legislation. Moreover, as to the pedagogy element, as somebody who teaches from time to time in the medical school, and I know from my medical colleagues… can you really imagine walking into a class of bright-eyed, bushy-tailed medical students who are there to save the world, and in particular to save their patients, and teaching them how to kill their patients? Because that's what we're going to have to do with euthanasia.

If it's going to be done, it has to be done competently. And that appendix to the submission that I made to you is an article that Dr. Don Boudreau, my colleague in the medical school, and I wrote for the British Medical Bulletin. They asked us to write it, and it's called Euthanasia is not medical treatment, and we give the reasons in that why it's not. You say that this legislation would only apply at the end of life, but that's not obvious from the legislation itself, and it can certainly be interpreted otherwise. And, yes, I am concerned about protection of vulnerable people, but it's not the only thing I'm concerned about, and it's not the only reason that I object to this legislation. The other harms that I'm concerned about are the impacts on important societal values.

In a secular society like Québec, the two major institutions that carry the value of respect for life are medicine and the law, and we're going to change the law to allow killing, and we're going to authorize doctors to do it? So they will necessarily be harmed not only by what they do, but by the values they carry, that euthanasia will be normalized and become the norm. Ask yourselves: If we legalize this now, how do you think your great-great-grandchildren will die? We just got the latest figures from the Netherlands and Belgium, and the rate of death from euthanasia is rising very rapidly: it's something, now, around 4% to 6%. And, as well, there's been a huge increase… 13% increase in the use of terminal sedation. And you know what that is, I don't need to go into it: seriously harmful effects on health care institutions, professions and professionals and — I really add this — patients' trust in all of those. We hear stories, from those countries, of patients refusing pain relief treatment because they're frightened the doctors are going to give them a lethal injection. We've also got the evidence of people being euthanized by nurses who are not supposed to carry it out without a doctor being involved and without the patient knowing they're being euthanized or having given their consent to it.

So, you know, I just think that there are so many arguments against this. And we can manage without it. We can do more now to relieve suffering and pain than we could ever do in the past. So why, now, we're suddenly thinking this is a great idea, that we need this?

La Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup, Mme Somerville. Ceci met fin au premier bloc d'échange avec le gouvernement. Nous allons poursuivre avec le premier bloc de l'opposition officielle. La parole est au député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci beaucoup. Un, je suis content de vous rencontrer aujourd'hui, et, oui, je vais parler en français, ça va être plus facile pour moi.

Mme Somerville (Margaret) : OK. A bit soft…

M. Bolduc (Jean-Talon) : Je pourrais m'exprimer en anglais, mais, dans ce sujet-là, j'aime autant le faire en français.

Merci d'être ici aujourd'hui. Puis c'est un honneur de vous rencontrer, malgré le fait que je ne partage pas la façon dont vous approchez le dossier. Quand vous avez commencé, vous avez parlé d'utilitarisme, qui est le principe, là, comme si on voulait que ces gens-là meurent sur le principe que peut-être pour la société ils sont un fardeau, ça pourrait coûter moins cher. C'est dans ce sens-là que moi, je l'ai pris, c'est-à-dire : c'est pour le bien du plus grand nombre, on peut sacrifier quelques personnes pour le bien du plus grand nombre. Moi, ce n'est pas l'approche que je vois, au niveau éthique, dans ce dossier. Dans ce dossier, au niveau éthique, c'est le principe d'autonomie et un autre principe qui est un principe de compassion. On offre le choix à des gens, lorsqu'ils arrivent à la fin de leur vie, la possibilité de mourir plus tôt dans des conditions médicales acceptables. Je pense, c'est une meilleure réponse que le suicide assisté puis c'est une meilleure réponse également… que ces gens-là, à la fin, trouvent que leur vie n'est plus digne. Et c'est le choix de la personne.

Donc, la façon dont vous l'apportez, il y a une logique, mais, moi, comme médecin, ce n'est pas la logique du tout que j'emploie.

Également, dans votre argumentation, vous dites que les médecins — vous avez beaucoup insisté — les étudiants en médecine, les collègues de travail… Moi, je pratiquais dans des établissements puis j'ai pratiqué dans certains établissements où qu'il y avait des arrêts de grossesse. Et Il ne faut pas oublier aussi, au niveau de l'histoire de la médecine, il y a eu une époque où ce n'est pas le patient qui décidait, c'est le médecin qui décidait pour le patient, et on les gardait en vie le plus longtemps possible. Jusqu'à l'arrivée des soins palliatifs, c'était de les faire vivre le plus longtemps possible. Et j'ai vu des patients mourir avec des solutés puis mourir également. Ils s'obligeaient à les gaver pour le principe qu'ils devaient avoir une qualité de vie, alors que les soins palliatifs nous ont montré que ce n'était pas la bonne façon de faire.

• (15 h 40) •

Donc, cet argument qu'au niveau des médecins… Puis moi, je suis médecin, j'ai fait le serment d'Hippocrate. Je tiens à dire que je suis là pour mes patients, mais je suis là aussi pour la compassion envers les patients, que, dans certaines circonstances, lorsqu'eux autres le demandent, lorsque, médicalement, ça pourrait être acceptable — là, je parle de l'éminence de la mort — oui, on peut aider quelqu'un à décéder.

Également, je vous rappellerais qu'au niveau des soins palliatifs ça ne fait pas si longtemps que ça qu'on accepte le principe qu'on va donner de la morphine à très bonne dose, quitte à créer un coma, la sédation. Et là c'est le principe du double effet, c'est-à-dire qu'on les soulage, ils sont inconscients, puis on est très conscient qu'à un moment donné ils vont mourir. À ma connaissance, autour de la table, excepté quelques personnes, l'ensemble du corps professionnel et également les gens des soins palliatifs sont d'accord que c'est la bonne médecine, c'est ça qu'on doit faire. Et je pense qu'au niveau de la société il y a une évolution, et cette évolution-là nous amène peut-être aujourd'hui à nous poser la question : Est-ce qu'on peut offrir le choix aux gens, dans certaines circonstances très balisées? Ce qui est le but du projet de loi.

Donc, je respecte la façon dont vous l'apportez, mais je dois vous avouer que la plupart des gens… Puis on a eu des commentaires, là, les gens nous parlent toujours de tuer. Bien, moi, je ne suis pas d'accord, on n'est pas en médecine pour tuer. Le principe éthique qu'il y a en arrière de ce dossier, ce n'est pas un principe d'utilitarisme, c'est un principe d'autonomie avec de la compassion. Ça, c'est l'approche que moi, j'ai dans ce dossier-là.

La Présidente (Mme Proulx) : Mme Somerville.

Mme Somerville (Margaret) : …that you really meant it, that medicine was not there to cure, because that would be the end of Bill 52.

So we're looking at autonomy. What we move to is this idea of what sometimes is called «radical or intense autonomy», that that is the preeminent value in every situation, and that's very apparent in the Dying with Dignity report that the committee did for the Government, and it's apparent too, it's even stated in Bill 52. But, you know, there are even some feminists who are rethinking that. And there's a concept called «relational autonomy», that we can't just look at one person in isolation and say: Well, they say that's what they want, so let's do it. We have to look at the impact that that has, first of all, on other people close to them; secondly, on the society as a whole. And, thirdly, and really importantly, with an issue like euthanasia, you cannot adequately look at it, either ethically or legally, just at the level of the individual. And let's take an individual who wants it, you have to say: What will be the impact on institutions? What will be the impact on health care professions? What will be the impact on society? What will be the impact on society's values? And, in a lot of these discussions, all of that is simply ignored. As well, even when people say that they want euthanasia… I don't know if you've had a look at the work of Dr. Harvey Max Chochinov? Have you… do you… aware that he's… I mean, his work is wonderful in this respect. He showed in one of these studies that people who said they wanted euthanasia changed their minds, on average, every 12 hours and that a lot of them were really asking another question: Am I still worth it? Am I too much trouble? Do you still want me around? So, I think we've got to be enormously careful with just saying: Well, this person says they want it, so let's do it.

You gave me the impression that you might think that I'm in favor of vitalism, that is, you keep people alive as long as you possibly can. I'm not in favor of vitalism, I'm just not in favor of killing people. And, with respect to the example of palliative care and that we do use morphine for people, if that's done with the intention of killing the person, that's euthanasia. And some people tell you: Well, that is being done in our hospitals. But then I'd ask you to think: If our law, where that would currently be first-degree murder, is not being obeyed, why do you think the restrictions in Bill 52 would be obeyed?

So, if our physicians are not obeying the law now, when it's the most serious crime on our books, why would they obey Bill 52?

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Mais je pense que vous poussez le raisonnement à l'extrême.

C'est d'ailleurs pour ça qu'on doit mettre des balises dans ce projet de loi là. On ne parle pas de gens qui vont mourir comme… deux ou trois ans ou qui décident de par eux autres mêmes qu'à un moment donné c'est le temps de mourir. Les conditions sont qu'à un moment donné on sait que, dans une brève échéance, ces gens-là vont mourir, ont une grande souffrance, et à la limite ça devient un geste de compassion.

Le raisonnement que vous dites également, vous dites : Tout le monde autour, il faut regarder au niveau des institutions, au niveau de la société, au niveau des autres. Oui, il faut en tenir compte. D'ailleurs, ça a toujours été mon discours ici, il faut voir les impacts que ça a sur la famille. C'est pour ça non plus qu'on ne peut pas rendre ça trop facile. Il y a des règles qu'on doit se mettre en place de façon à s'assurer que la personne sait ce qu'elle veut. Et, si la personne sait ce qu'elle veut, l'environnement autour est d'accord avec ça, moi, je vous dirais, oui, on peut aller de ce côté-là.

Pour ce qu'il s'agit de la loi, moi, en tout cas, ce que j'ai vu beaucoup dans la société, la loi est en retard sur l'éthique, et, à un moment donné, au niveau de la société, on a accepté des choses qu'on faisait, c'était accepté au niveau moral et au niveau éthique, et les lois ont dû être changées après. Et moi, je pense, c'est ce type de dossier là qu'on va avoir. À un moment donné, il y a une évolution dans nos sociétés. La preuve, on n'est pas les premiers au monde à le faire, il y a déjà quatre pays qui le font. Et puis, au niveau médical, il y a des médecins qui sont prêts à le faire, il y a des patients qui sont prêts à l'avoir.

Ma réponse aux gens qui s'opposent à ça : Si vous ne voulez pas l'avoir, c'est votre choix, et vous n'avez pas à empêcher les autres de faire un choix qui est différent, indépendamment de nos concepts au niveau de la société.

Le Président (M. Bergman) : Doctor Somerville.

Mme Somerville (Margaret) : I agree with relieving all pain and suffering within the constraints of not intentionally killing somebody.

And I think that you can be compassionate, I think you can do that. In the rare cases where it's not otherwise possible, you would use palliative sedation, for example, with severe neurological pain that can't be otherwise relieved, but to stop at that line that we've honored for thousand of years, that it is incompatible with the healing mission of medicine for doctors to kill their patients, I mean, that's what we've abided by… and there is a huge amount of wisdom in that. And I think that we do have to be compassionate, I agree with you about that. And I'm appalled. I mean, I've offered to take a free criminal negligence case against any doctor that deliberately leaves a person in pain. I think it's appalling that that would happen, but we don't kill, and that's where I object.

I mean, I would urge you to give fully adequate support to palliative care so that everybody who needs it can get it. And it is the right to refuse treatment, it is the right to have all the pain and suffering relief you need. But we don't go that other… It's not an incremental step, it's a difference in kind, that we step over a line and we say, you know: I will give a lethal injection.

Now, I don't know how many of you have ever had an animal that you've had to have euthanasia for, and I even have huge reservations about whether we should do that, but I can accept that. But, when you're there and you see the veterinarian walk in with a steel tray with the lethal injection on it, it's a very frightening scenario. And I think that the reason that doctors are the biggest group against this is because they understand that. I think that they've got the experience that allows their imagination to tell them properly what this involves, that their intuitions tell them it's wrong.

You know, we, humans, have actually got a moral intuition against killing other humans. And, when the Americans were sending people… soldiers to Vietnam to fight in close hand-to-hand combat, they had to psychologically deprogram them in order to get them to be able to kill. They couldn't do it, and we know that.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Juste une question. Moi, j'accepte que vous pensiez comme ça, que vos valeurs vous disent que ce n'est pas un bon projet de loi. Est-ce que vous, vous pouvez accepter qu'on peut penser différemment?

Le Président (M. Bergman) : Doctor Somerville.

Mme Somerville (Margaret) : You know, I deal with university students three days a week, and they all think differently.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.

• (15 h 50) •

Mme Hivon : Merci, M. le Président. J'aurais deux grandes questions pour vous, parce qu'on est à un niveau quand même assez élevé de considérations dans la discussion. Le premier, c'est pour faire suite un peu à ce que mon collègue disait : Qu'est-ce qu'on fait face à des enjeux comme ceux-là quand on constate que l'évolution de la société est beaucoup plus loin que l'état du droit et de la médecine, je vous dirais? Et là vous allez me dire : On ne peut pas se fier qu'à des sondages. Je suis plutôt d'accord avec vous.

Je pense, ceci dit, qu'on ne peut pas complètement mettre de côté les sondages quand ils sont constants depuis 20 ans. Et là tout le monde peut venir dire : Les gens ne comprennent pas, on n'a pas assez expliqué, ce n'était pas clair. Moi, je me dis, à un moment donné, quand il y a une constance sur une période de 20 ans, qu'il y a différents termes, différentes définitions pour la même réalité, qui est de dire : Permettre à quelqu'un de mettre fin à sa vie parce qu'elle souffre, qui est la logique qui est demandée dans les sondages… Il y en a eu pendant la commission. Il y en a un vraiment où on définissait les termes. Il y en a un encore juste après le dépôt du projet de loi. Puis, je vous dis, l'appui est très, très fort.

Ça, c'est un élément. Mais l'autre élément, c'est que le Barreau avait fait une recension de tous les cas où on s'était rendu… des rares cas, parce qu'en plus il n'y a pratiquement pas de poursuites… jamais, mais les rares cas où on s'était rendu à un procès d'un médecin pour une fin de vie qui n'aurait pas suivi les règles… jamais un jury n'a condamné un médecin dans un cas comme ça. En fait, il n'y a jamais eu de peine, il n'y a jamais eu d'emprisonnement. Mais, même quand ça a été devant un jury, il n'y a jamais même eu de déclaration de culpabilité et, au Québec, il n'y a même jamais eu de poursuite.

Donc, nous, on est législateurs. Donc, je veux bien qu'on vienne nous dire : Il faut faire attention à ça, il faut faire attention à ça. J'en suis et je pense qu'il faut être prudent et j'ai l'audace de penser que le projet de loi est très prudent. Mais il y a aussi toute une évolution de la société. Je veux dire, on est venu consacrer le principe de l'autonomie, on n'accepte pas la souffrance en fin de vie non plus. Et pour les gens ces distinctions-là que, oui, plusieurs personnes font, parce qu'ils disent : Ce n'est pas l'intention, ce n'est pas exactement la même chose… je vous suis, là. Quand on est juste sur l'intention, on peut faire des distinctions entre l'arrêt de traitement, l'aide médicale à mourir, l'augmentation de doses de morphine. Je vous suis là-dessus. Mais pour les gens, compte tenu de l'évolution de la société, de la consécration de l'autonomie de la personne, de la prolongation de la vie dans certaines situations qui font en sorte qu'on assiste à des agonies, à des souffrances bien réelles… et je redis : Des experts en soins palliatifs nous ont dit que de 5 % à 6 % des gens en fin de vie qui reçoivent les meilleurs soins palliatifs, on n'arrive pas à les soulager, moi, je me dis, au nom de quoi on va dire : On va laisser ces gens-là souffrir et on ne tiendra pas compte des demandes et de l'évolution de la société?

Le Président (M. Bergman) : Doctor Somerville.

Mme Somerville (Margaret) : Yes. Thank you, Mr. Chairman. Well, with respect to your first question about the polls, democracy and ethics are not necessarily coexistent, and just because a majority wants something doesn't mean that it's right. If it did mean that, then the Nazis were ethical. So that's a first point.

And, secondly, this idea of progress, I think that's worth thinking about. But, you know, there's a very interesting statement by C.S. Lewis, he says: We all want progress, but, when we're on the wrong path, the man who turns around soonest and goes back to start again makes the most advance.

As to the Bar, I really am very puzzled about the Bar, except that I would perhaps say that there's an old and wise saying in the law, that hard cases make bad law. And I think what is happening here is that a lot of… a few hard… really hard cases, where our heart could go out to these people — and I would put among that Dr. Donald Low who made that very moving video — that, when we respond to that, that makes bad law. The way I think we should respond to that is with a concept that is called «moral regret», that is, we say to them: We think this is ethically wrong, we know you want it, we understand your suffering, we will do everything we can, but, with the regret that our refusal will hurt you, we can't do that.

As to people being jailed, there's just been… not that it's relevant directly here, but there's just been a case in Australia where a young man has been jailed for allowing his mother to die. And so I don't know whether we'll get that here or not, but, anyway, I think all of those points can be responded to.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Je veux juste dire que, non, au contraire, on ne pourrait pas ici, en vertu de cette loi-là, avoir, je pense, c'est très important de le dire, un jeune homme qui aide sa mère à mourir.

Au contraire, je pense qu'on a des cas comme ceux-là qui sont d'une tristesse inouïe, parce qu'on imagine ce que les gens et les familles ont vécu, parce qu'il n'y a pas les réponses adéquates non plus à ces personnes-là en fin de vie. Mais on est dans une tout autre logique.

Mais moi, je veux juste vous dire, quand je dis : La notion de jury, là, je veux bien que les sondages… Vous dites… Je suis tout à fait d'accord avec vous. Ça peut arriver que les sondages ne nous disent pas la bonne chose puis qu'il ne faut pas suivre les sondages aveuglément, là. Et je dois vous dire que, si c'était ça, on n'aurait jamais fait quatre ans de travaux, on aurait dit : Les gens sont pour, puis on va faire une loi. Justement, on fait ça pour aller au fond des choses. Mais je pense que, quand on base, par exemple, notre système de droit criminel sur un système de jury en disant : C'est le jugement par les pairs de ce qui est, dans une société, acceptable ou non moralement, légalement, mais je pense que quand même ça doit avoir un facteur indicateur assez fort. Et là on voit que cette évolution-là a fait en sorte que, non, il n'y a jamais de jurys qui ont condamné, pas de manière globale, en disant : Dans tous les cas, ça va être correct, mais en regardant la situation qui leur était soumise et en disant : On ne pense pas que c'est moralement répréhensible, donc on ne condamne pas.

Moi, je veux juste vous dire que, comme législateurs, quand même il faut tenir acte de ça, il faut tenir compte de cette évolution-là de la société, du jugement par les pairs, de ce qui est acceptable ou non. C'est ça aussi, une évolution.

Le Président (M. Bergman) : Doctor Somerville.

Mme Somerville (Margaret) : Yes. I would suggest to you that, if you really want to know what people are judging and what they think… that you make a suggestion that we have a new group of people in our society, that there'll be a special group who will be trained and who will carry out euthanasia. They're not doctors, we don't pollute medicine with this awful killing aspect, but we have, for the people who want it, these people, and… I mean, one suggestion has been that those people should be a group of lawyers because lawyers train to understand the law and to apply it strictly. That is not my original suggestion, it's in a journal called Perspectives in Biology and Medicine.

What that does is, it takes the medical cloak off euthanasia, it takes off this: We are just being kind and most of all… and it says: Don't look at the person who's doing it and thinking they're an unethical person — because doctors, on the whole, are ethical — but look at what the act is and then say : Do I really approve of that? And I'd be very interested to see what Canadians or Quebeckers, in particular, think about that.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre, il vous reste 1 min 30 s.

Mme Hivon : O.K. Donc, ma dernière question, c'est : Qu'est-ce qu'on fait avec les gens dont on n'arrive pas à soulager les souffrances?

Donc, est-ce qu'il faut leur dire : Malheureusement, vous devez continuer à souffrir? Parce que, je comprends, la sédation palliative continue, c'est la réponse que tout le monde nous fait, mais en même temps il y a des indications, des situations où la sédation palliative continue n'a pas sa place, là, si quelqu'un s'hydrate encore ou… elle ne devrait pas être là. Donc, c'est quoi, la réponse?

Le Président (M. Bergman) : Doctor Somerville.

Mme Somerville (Margaret) : …if you're using palliative sedation properly, and you've got a case where the primary intention is to relieve the pain, and that's what you're doing, and you've got no intention to kill the person, and you give… treatment it is that they should be having and need, that is not euthanasia, and that does relieve the pain. You don't suffer pain when you're under general anaesthetic, and this has the same effect as what that does.

Le Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au bloc du gouvernement. Pour le bloc de l'opposition officielle, je vais prendre la première question moi-même. I'll take the first question for the second bloc of the Official Opposition.

Doctor Somerville, you talked, in one of the documents I read in the British Medical Bulletin, of the question of trust, and there's a quotation here: «Trust is of paramount importance to a successful doctor-patient encounter and is indispensable to the implicit and moral contract between the profession and society.»

Can you talk to us a little bit about the possible loss of trust of a doctor who has participated in shortening the life of a patient, perhaps under a proposed bill which would be adopted possibly by the National Assembly?

• (16 heures) •

Mme Somerville (Margaret) : Mr. President, I can tell you about an incident. It was a while ago, it was 1989, and I was chairing a debate between a doctor called Dr. Pieter Admiraal, from the Netherlands, and a lawyer called Pr. Alexander Morgan Capron, from the University of Southern California, and Doctor Admiraal was pro-euthanasia, and Professor Capron was anti-euthanasia. And Doctor Admiraal, at that time, said that he personally had carried out over 1,200 cases of euthanasia, and somebody said to him that: How could you do that, you know, it's like mass killing? And he gave a very interesting answer. He said: Well, I am an anesthetist, and I am trying to give anesthetics, so what I do is I just give the first half of a general anesthetic, where I put the person to sleep and paralyse them, and I just don't give the second half, which is resuscitation. And I think that must necessarily affect trust, certainly, in that doctor, that: He is so used to doing it, would he do it to me?

But also I think in the medical profession in general we hear stories from the Netherlands of people going across the border to Germany, old people, because they're frightened that they'll be euthanized in one of the Dutch hospitals. We also hear about nurses and doctors' reluctance to participate in this. One of the stories that I heard was that a lot of the nurses check off sick when they know there's going to be euthanasia carried out. I also am under the impression that, contrary to what we might just assume, that most doctors don't carry out euthanasia and don't want to do so and that there are a few doctors in a given hospital who do most of the cases of euthanasia in the Netherlands. And, as to trust itself, we've seen a massive change in the nature of trust. Actually, it's now pervasive in a lot of areas of society, but it originated in medicine. And what that is, it's a change from what we call «blind trust», and that's based on the principal that says: Trust me, because I know a lot more than you, I am a person in authority, I know what's best for you. So they pat the patient on the head and say: Be a good boy or girl, and I'll look after you, and I'll act in your best interest. People don't accept that anymore. And what we've had it changed to is what's called «earned trust», and it says: Trust me, because I will show that you can trust me, and I will earn your trust.

And I think that authorizing doctors to be able to kill their patients — I want to use those words — would undermine earning that trust in a very serious way, because it's not just the individual doctor whom patients trust, it's the whole health care profession, and this goes to trust in the health care professions.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Une voix : …

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Thank you, Mr. President. Mrs. Somerville, I am very interested with one statement that you made in the beginning of your presentation, and that we find on page 6 of your factum is the fact that, according to your understanding, the terms are so vague and undefined that there's a reason behind it all.

The fact that the terms in Bill 52 are not defined gives an opening or makes it in a way to create confusion. And I'd like to hear a bit more on this issue because we've been… Ever since the beginning of the consultation, there's been a lot of plea about the need for clear terms, defined terms, to make sure that not only for us, as legislators… to be clear on what we're about to pass, but also for the people to know what we're really talking about. Because «medical aid in dying» is a very large term, and it could include a lot of things, as we have heard. So, I'd like to hear a bit more about…

Mme Somerville (Margaret) : …the medical aid in dying, to begin with. You know, we all want medical aid when we're dying, and, as we saw in that recent survey, people thought it meant «palliative care», and «pain relief», and «rights to refuse treatment» when it was to burdensome, etc.

And if you know the history of where this term came from, you didn't make it up. Where it comes from is in the early days of the pro-euthanasia advocacy. The organisations like Dying With Dignity, and I've debated Dr. Philip Nitschke quite… in Australia on several occasions. They did surveys to find out how people reacted, and what they found was that if they use the word «euthanasia», there was a certain percentage of people, quite large in the early days, who said: Absolutely no. They understood it meant doctors killing their patients, and that was not on. So, then they tried «position-assisted suicide», and that was a bit more acceptable, more people went for that. And then they tried, I think, «medical aid in dying», and a lot more people went for that. And then a lot of the… well, you know, the few doctors that were in favor of this, for instance, Dr. Timothy Quill in the United States, they started to talk about the «last act of good palliative care». So, your bill reflects that end part where, first of all, you are putting this into the context of a continuum of palliative care, and you aren't using the words that made people react to say: We don't want that.

And what I suggest is happening there, because I'm actually very interested in how we know what is and isn't ethical… And, over the years, I've done quite a bit of work in many... At the beginning, it was sort of very hypothetical. One of my colleagues told me I was dangerously on the edge of… But what we're now finding out through scientific research is that we actually know about ethics, including through moral intuition and what I would call «examined emotions and imagination», and those things warn us about: There is something wrong ethically here. And the way that we elicit those responses is about the choice of words that we use. We, humans, are communicating animals, and those words affect us deeply. And we're not… Well, this research on how we make ethical decisions also shows that we're not aware of those influences operating. And I believe that when we get to the stage of using our reason, which we must use and which is extraordinarily important, that what we use reason for is what I call a «secondary verification mechanism». We look at what we've decided, and we use the reason to check out: Does it make sense from a reason-basis will? And, in fact, some of the research that's published in the journal Nature shows that people with damage to the emotional centers of their brain and who can reason do not make good moral ethical decisions.

So, there is a whole lot of new research that's relevant to how we make these decisions, and so that choice of words is extraordinary important. It's the same thing as taking the medical cloak off euthanasia, that gives people different moral intuitions, different emotional responses.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé.

Doctor Somerville, we want to thank you very much for appearing before us, sharing your expertise with us on this very important subject.

Et je demanderais à Me Delphine Roigt, avec ses collègues, pour prendre place à la table.

Et je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 16 h 8)

(Reprise à 16 h 10)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, Me Roigt, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. S'il vous plaît, donnez-nous votre nom, votre titre, ainsi que ceux qui vous accompagnent. Et le prochain 15 minutes, c'est à vous.

Association québécoise en éthique clinique (AQEC)

Mme Roigt (Delphine) : Parfait. Merci. Alors, je suis Delphine Roigt, éthicienne clinique et avocate, présidente de l'Association québécoise en éthique clinique. Je suis accompagnée d'Émilie Guévin, qui a participé à la recherche et à la rédaction sur le mémoire, donc Me Émilie Guévin, et Michel Lorange, qui est vice-président de l'Association québécoise en éthique clinique. Merci.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, je tiens d'abord à vous remercier de l'invitation qui m'a été faite de venir partager mes réflexions sur cet important projet de loi. D'entrée de jeu, puisque j'avais l'opportunité de m'adresser à vous en tant qu'éthicienne clinique et avocate, j'ai décidé, avec mes collègues éthiciens cliniques, de le faire aussi à titre de présidente de l'Association québécoise en éthique clinique.

Nous vous présentons donc le fruit de la réflexion de l'AQEC — on va réduire à l'acronyme — dont les membres ont une grande expertise dans le réseau de la santé et des services sociaux ainsi que dans le développement de la formation en éthique clinique pour les professionnels de la santé et pour les gens qui désirent accéder à la profession d'éthicien, si cela se peut, mais ça sera une autre discussion. Cette réflexion est soutenue par des fondements théoriques, évidemment, mais surtout par de nombreuses années sur le terrain à constater que, dans le domaine des soins, l'application stricte du droit n'est souvent pas suffisante pour permettre une mise en oeuvre qui fasse sens pour toutes les personnes impliquées, qui soit justifiée dans les circonstances et qui permette d'élaborer un plan d'action qui respecte à la fois les valeurs du patient et celles des soignants. Nous vous présentons aussi, en annexe du mémoire qui vous a été soumis, des commentaires spécifiques sur les articles du projet de loi sur lesquels on ne reviendra pas aujourd'hui dans notre présentation. Nous nous sommes attardés à ceux qui, selon nous, poseraient le plus de difficultés d'application, compte tenu de notre expérience sur le terrain.

Donc, la réflexion amorcée au Québec concernant les soins en fin de vie touche particulièrement des éthiciens cliniques qui, de façon quotidienne, sont interpellés par des soignants, des patients, des familles et des gestionnaires qui doivent prendre des décisions parfois difficiles, toujours porteuses de valeurs. Ce projet de loi vient notamment créer de nouveaux actes cliniques, imposer de nouvelles obligations pour les soignants et les établissements du réseau de la santé et services sociaux, créer de nouveaux droits pour les patients, leurs proches et, en ce sens, modifier certains rapports entre des valeurs portées de façon individuelle, professionnelle et collective. Nous souhaitons que l'éthique clinique puisse, autant que faire se peut, faciliter la prise en compte de ces valeurs dans un processus qui soit respectueux des individus qui porteront ces valeurs.

Nous effectuerons donc quelques commentaires généraux sur le projet de loi pour ensuite vous présenter nos sept recommandations.

D'abord, une offre des soins palliatifs bonifiée et étendue à l'ensemble du Québec, qui est l'idée principale du projet de loi. Donc, nous soulignons évidemment la volonté affirmée des parlementaires de donner un accès à tous les Québécois à des soins de vie de qualité, y compris à des soins palliatifs. Nous soulignons aussi l'approche interdisciplinaire préconisée dans l'offre et la prestation de soins en fin de vie. Les approches collaboratives font maintenant partie de la pratique courante de la formation des professionnels, et il importe d'appuyer fermement ces initiatives dans tous les établissements du réseau mais aussi d'un établissement à l'autre afin d'assurer la continuité et la cohérence des interventions pour les patients.

Or, il importe de reconnaître qu'il y a encore beaucoup à faire à différents niveaux avant de conclure à cet accès aux soins de fin de vie en continuité et en complémentarité pour tous. D'une part, les soins palliatifs, que l'on parle d'approche palliative ou d'unité de soins palliatifs, sont loin d'être accessibles : manque de lits destinés aux soins palliatifs; manque de professionnels formés; difficulté de plusieurs médecins de passer du curatif au palliatif; préjugés des soignants, des patients, des familles; de même que refus de certains patients et proches d'une approche palliative et difficulté de la société en général à accepter la fin de vie. D'autre part, des difficultés à instaurer les formulaires de niveau d'intervention thérapeutique, ou les formulaires qu'on appelle les formulaires de niveau de soins, et surtout les enjeux liés à leur encadrement par un processus de communication interdisciplinaire avec le patient et ses proches nuisent aussi à la capacité de tous de voir et d'accepter l'arrivée de cette fin de vie. La difficulté pour plusieurs professionnels à passer du curatif au palliatif est une réalité encore plus exacerbée dans les milieux de soins tertiaires et quaternaires.

Plusieurs médecins ont de la difficulté à faire corréler les objectifs de soins avec les objectifs de vie et la capacité de collaborer du patient, notamment parce qu'ils connaissent parfois mal leurs patients dans leur dimension psychosociale et spirituelle, qu'ils ne sont pas prêts ni capables d'établir des niveaux d'intervention thérapeutique dans les règles de l'art. L'arrivée du projet de loi aura nécessairement un impact sur ces médecins, qui recevront des demandes d'aide médicale à mourir, et leur capacité de pouvoir y répondre adéquatement dans le respect du patient, d'eux-mêmes et des autres membres de l'équipe qui devront mettre en oeuvre ces demandes.

Beaucoup de facteurs auront ainsi un impact sur l'accessibilité à des soins, dont, notamment, les pratiques professionnelles, l'organisation des services dans un établissement et des décisions à différents paliers. Nous n'aborderons évidemment pas ces facteurs ici, mais nous croyons que la promulgation de la Loi concernant les soins de fin de vie amènera des modifications importantes à tous ces niveaux.

L'aide médicale à mourir, un processus humain, attentif aux personnes y participant. Notre souci principal, dans la réflexion que nous avons menée concernant l'aide médicale à mourir influencée par notre pratique auprès de nombreux établissements au cours des ans, consiste à ne pas laisser le poids moral de la décision et du geste à une seule personne : ni le médecin, ni le patient, ni un proche. Nous proposons une approche plus prudente invitant à prendre un temps d'arrêt compte tenu de l'importance de la décision et de l'irréversibilité de l'acte une fois posé. La légalisation de l'aide médicale à mourir amènera des changements majeurs dans les pratiques professionnelles et organisationnelles du réseau. Nous estimons que l'aide médicale à mourir n'est pas un geste anodin et qu'il ne faut pas banaliser les effets qu'elle aura sur les patients, leurs proches, les professionnels et les équipes soignantes. Nous anticipons que de demander et de poser un tel geste, de même que de le refuser dans certains cas, engendrera de la détresse morale pour laquelle nous devons prévoir des mécanismes pour prendre soin et tenir compte des valeurs de toutes les personnes impliquées. La légalité d'un acte n'a pas toujours l'effet de le rendre acceptable d'un point de vue moral ou d'empêcher le malaise qu'il peut susciter aux personnes qui y participent.

En ce sens, il est primordial d'instaurer une structure simple et flexible qui aura pour fonction d'aider les professionnels, l'ensemble de l'équipe soignante, les patients et les proches à prendre du recul par rapport à la décision. Plusieurs recherches démontrent que le fait pour les intervenants d'une équipe de ne pas avoir participé à la réflexion sur une décision de fin de vie peut engendrer de la détresse morale. Nous croyons que les décisions liées à l'aide médicale à mourir auront ce même impact si elles ne sont pas prises dans une démarche de collaboration interprofessionnelle avec le patient et ses proches.

Les sept propositions, donc, de l'AQEC. D'abord, modifier la définition de «soins de fin de vie» dans l'article 3 du projet de loi. Nous sommes très sensibles aux commentaires formulés par la majorité des professionnels oeuvrant actuellement dans le domaine des soins palliatifs, lesquels ont de grandes réticences avec la légalisation de l'aide médicale à mourir et l'ajout de ce nouveau soin. Il faut savoir que pour plusieurs d'entre eux, au-delà des considérations déontologiques ou légales, c'est le sens même du soin et de leur intervention qui est inexorablement modifié. Il faut aussi savoir qu'au cours des 20 dernières années les spécialistes des soins palliatifs ont dû souvent mener des batailles dans leur établissement pour garder le peu de lits qu'ils ont, pour que leurs collègues leur réfèrent des patients en temps opportun, pour qu'ils soient intégrés plus tôt dans les soins de certaines clientèles afin d'aider la prise en charge optimale de la douleur et pour changer une certaine perception négative du public.

Il faut donc, dans un souci éthique, tenter à la fois de respecter les demandes légitimes des citoyens qui veulent des soins de fin de vie, dont l'aide médicale à mourir, qu'on nomme l'autonomie, tout en respectant les professionnels qui donneront ces soins, donc, respecter leur désir de bienfaisance et de non-malfaisance. Pour ce faire, nous suggérons de recadrer le processus pour y voir une opportunité de rencontre humaine, une démarche dans une décision partagée au lieu d'une réponse à un droit ou à une obligation, une approche d'éthique relationnelle au lieu d'une approche utilitariste ou déontologique.

Les soins de fin de vie comportent une quantité d'interventions et d'actes thérapeutiques à la fois cliniques, psychologiques, sociaux et spirituels qui visent à accompagner une personne dans le processus qui mènera à sa mort. Cela peut se faire sur une durée plus ou moins longue, selon la maladie en présence, la capacité du médecin, du patient et des proches d'accepter cette fin de vie imminente et les soins et interventions qui seront alors offerts et donnés. Nous rejoignons ainsi la position émise par différentes instances quant au fait de reformuler la décision de soins de fin de vie afin de ne pas l'assimiler ou la réduire à celle de soins palliatifs.

Deuxième recommandation : assurer une démarche interdisciplinaire à tous les niveaux et la prise en compte des dimensions biologiques, psychologiques, sociales et spirituelles.

Conformément à une vision globale de la personne et aussi à l'esprit de la Loi sur les services de santé et services sociaux, le patient en fin de vie doit pouvoir voir l'ensemble de ses besoins pris en compte et évalués afin d'établir un plan de soins qui corresponde à ses besoins et ses valeurs. Le projet de loi n° 52, bien qu'il aborde la question de l'interdisciplinarité, fait bien peu de place à toutes ces étapes nécessaires à l'évaluation d'un patient en vue d'établir ses besoins et ensuite de proposer un plan de soins et services interdisciplinaires. On insiste beaucoup sur le rôle du médecin, mais il importe, selon nous, que la détermination de l'ensemble des soins de fin de vie se fasse en interdisciplinarité, surtout lorsque l'on vise la continuité et la cohérence.

• (16 h 20) •

          Le modèle traditionnel d'un médecin avec son patient dans une dyade est plutôt rare dans la pratique — merci — particulièrement dans les établissements à mission universitaire. Refaire l'histoire d'un patient et connaître ses besoins physiques, psychologiques, sociaux requiert nécessairement cette approche interdisciplinaire.

Mettre en place une structure de réflexion éthique pour les demandes d'aide médicale à mourir et les soins de fin de vie qui soulèvent des enjeux particuliers.

La réflexion éthique est inhérente à la pratique des soins. Plusieurs professionnels de la santé ont d'ailleurs été sensibilisés aux concepts éthiques lors de leur formation professionnelle. Or, la connaissance des principes théoriques ne permet pas nécessairement d'assurer une meilleure prise de décision au chevet. L'exercice de la médecine et des autres professions de la santé s'effectue aujourd'hui dans un contexte éminemment complexe où les conflits de normes et de valeurs sont inhérents à la pratique. Nous constatons dans notre pratique de consultation, par exemple, que, dans un CSSS, sur 92 consultations effectuées en 2012-2013, plus de la moitié touchaient les limites de l'intervention qui ne sont pas convenues entre l'usager et le soignant; 43 % des consultations touchent à des problèmes de communication quand le personnel n'aborde pas l'orientation clinique avec le patient; et 37 % des consultations touchent à des situations qui concernent les droits des usagers. Or, les consultations en éthique arrivent souvent beaucoup trop tard dans l'épisode de soins, alors que les conflits sont bien installés, les positions, ancrées, la communication, brisée. C'est en ayant ces situations en tête que nous proposons une approche proactive et préventive afin de s'assurer d'une meilleure délibération et d'une prise de décision qui tiendra compte des valeurs des personnes impliquées.

D'ailleurs, plusieurs établissements se sont conformés aux récentes exigences du processus d'Agrément Canada leur demandant d'instaurer des structures en éthique dans les établissements. Ces structures sont donc présentes et devraient être utilisées afin de soutenir les équipes, les patients et les proches quant aux demandes d'aide médicale à mourir et dans les problèmes soulevés par la fin de vie et les soins. Nous suggérons que ces instances soient incorporées aux équipes de professionnels formés aux soins de fin de vie qui seront interpellés par l'application du projet de loi.

Assurer un processus. Quatrième proposition : assurer un processus de discussion continu autour des questions de fin de vie et non pas seulement respecter les volontés.

Donc, le projet de loi présente un programme clinique de soins de fin de vie qui devra être élaboré par les établissements et laisse l'essentiel de cette gestion interne au conseil des médecins, dentistes et pharmaciens. Nous suggérons que, pour assurer l'interdisciplinarité, la continuité et la cohérence des soins, l'ensemble des conseils cliniques, donc conseil multi, conseil des infirmiers et infirmières, soient impliqués dans l'établissement d'un programme interdisciplinaire de soins de fin de vie. Il ne faut pas oublier que la continuité doit être assurée tout autant à l'intérieur que d'entre différents établissements. Arriver seulement à identifier une personne responsable constituera en soi un grand défi.

Cinquièmement : incorporer la notion d'objection de conscience pour les autres professionnels de la santé. Dans la mesure où les médecins peuvent faire valoir l'objection de conscience pour refuser de donner suite à une demande d'aidemédicale à mourir et étant donné que le projet de loi n° 52 encourage une approche interdisciplinaire, nous croyons important que d'autres professionnels puissent eux aussi exercer cette objection de conscience. Comment, en effet, pourrait-on légitimement n'accorder ce droit qu'aux médecins?Bien que plusieurs codes de déontologie professionnels prévoient des énoncés à l'effet qu'un professionnel ne doit pas participer à un acte qui va à l'encontre de ce qui est généralement admis dans l'exercice de la profession, ce type d'objection de conscience n'est pas aussi fort que ce que l'on retrouve dans le Code de déontologie des médecins. De plus, il demeure souvent qu'une hiérarchie dans les établissements fait en sorte que certains professionnels deviennent des exécutants pour d'autres professionnels. Les professionnels de la santé qui sont sous l'égide du Code des professions et de leur propre code de déontologie doivent chacun être en mesure de poser leur propre jugement clinique dans une situation donnée et pas seulement mettre en oeuvre des requêtes effectuées par d'autres.

Sixième recommandation : promouvoir les directives médicales anticipées, mais dans un contexte de maladie fatale, de fin de vie de même que des soins appropriés et proportionnés dans une relation thérapeutique.

Prévoir les soins que l'on voudrait recevoir au moment où l'on deviendrait inapte et que la fin de vie est envisagée ou qu'un traumatisme subit nous laisse dans un état que l'on jugerait inacceptable est une chose, déterminer à l'avance les soins et services que l'on voudrait recevoir en cas d'inaptitude de manière générale en est une autre. Une personne peut déterminer à l'avance certains soins ou certaines manoeuvres qu'elle refuserait si elle devenait inapte. Cependant, le verbe «déterminer», que l'on retrouve à l'article 45 du projet de loi, fait en sorte qu'une personne pourrait décider unilatéralement des soins, ce qui pourrait donc impliquer des soins jugés disproportionnés ou inappropriés. Une personne ne devrait pas pouvoir exiger de tels soins. Il faut aussi savoir que, dans le cadre de notre pratique, nous avons plus souvent eu affaire avec des demandes de traitement inappropriées par des patients ou leurs proches, voire même des demandes d'acharnement thérapeutique. Nous avons aussi beaucoup de demandes de professionnels qui s'interrogent sur les limites de l'intervention lorsque le patient ne collabore pas, qu'il nuit au traitement.

Le droit à l'autodétermination ainsi mis de l'avant dans notre société peut donc avoir des effets pervers.

Finalement, septième recommandation : être sensible aux aspects éthiques et au sens que ces changements apporteront pour les patients.

Alors, la volonté d'encadrer les soins de fin de vie est légitime, et nous ne pouvons qu'appuyer les mesures qui permettront aux Québécoises et Québécois d'avoir accès à une fin de vie digne, qui respectent leurs valeurs et qui leur permettent de recevoir les soins les plus appropriés dans les circonstances. Or, pour plusieurs personnes, qu'il s'agisse de citoyens, de médecins ou d'autres professionnels de la santé, la fin de vie n'est pas envisageable, elle demeure l'ennemie à vaincre, elle fait peur, elle ne fait pas l'objet de discussions, de réflexions.

Rendre accessibles les soins de fin de vie, y compris les soins palliatifs, la sédation palliative et l'aide médicale à mourir, c'est forcer plusieurs individus à faire face à la mort, celle des autres, mais aussi la leur. À une époque où les valeurs sont relatives, où les rituels ont été mis de côté, où l'autonomie était érigée en dogme dans les rapports entre les individus mais aussi entre les individus, et l'organisation, et l'État, il faut s'attendre à ce que ces changements provoquent des bouleversements. À l'heure actuelle, notre expérience en éthique clinique sur le terrain nous laisse aussi à penser que les intervenants qui feront face aux décisions et aux gestes d'aide médicale à mourir n'ont pas la formation ni le soutien nécessaires pour gérer la complexité des situations de fin de vie ainsi que la charge émotive qu'elles véhiculent pour tous. Il est donc impératif qu'une réflexion éthique interdisciplinaire se fasse en amont des décisions ainsi qu'en rétroaction, ce qui permettra à la commission que vous voulez former de pouvoir avoir des données plus qualitatives au lieu que seulement quantitatives sur le type d'acte qui est posé et qui permettra aussi au CMDP d'avoir d'autre chose à dire que de parler des protocoles cliniques.

En conclusion, nous espérons que nos commentaires et réflexions seront utiles au processus en cours. Nous sommes reconnaissants d'avoir été invités et d'avoir pu apporter un point de vue différent mais qui rejoint tout de même celui manifesté par plusieurs groupes et individus lors des audiences de la commission. La recommandation la plus importante, pour nous, demeure celle invitant à procéder à une délibération éthique lors d'une demande d'aide médicale à mourir afin que toutes les dimensions de la personne soient prises en compte, de même que soit réalisée une clarification des enjeux et valeurs. Ce processus permettra de faciliter la mise en oeuvre de la décision et son adhésion par tous parce qu'elle fera sens et non pas seulement parce que c'est ce que le patient désire ou ce que la loi exige. La demande de mort ne doit pas être l'option «faute de mieux» mais l'option la meilleure dans les circonstances.

La réflexion doit donc précéder la modification de la norme. C'est ce que vous proposez avec les réflexions en cours depuis deux ans. Mais il ne faut pas oublier qu'en rendant l'aide médicale à mourir légale on ne règle pas le malaise éthique des individus qui la demandent, ni celui de leurs proches qui y assistent, ni celui de ceux qui doivent y répondre en acceptant ou en refusant. Merci.

Le Président (M. Bergman) : Merci, Me Roigt, pour votre présentation. Maintenant, pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Bonjour. Merci, M. le Président. Donc, bonjour, Me Roigt, M. Lorange et Me Guévin, donc, merci beaucoup d'être parmi nous. Je pense que vous apportez un éclairage différent et très intéressant.

Donc, je vais avoir un certain nombre de questions, évidemment. Peut-être juste vous dire, d'entrée de jeu, parce qu'il y a beaucoup de gens qui viennent nous faire des commentaires excessivement pertinents et à différents points de vue… puis moi, je veux juste dire qu'on ne peut pas tout mettre et tout régler dans un projet de loi non plus. Donc, ça, c'est important de garder ça à l'esprit. Un projet de loi, c'est là dans un objectif assez clair. Par ailleurs, on a voulu mettre quand même beaucoup d'éléments pour qu'on ait l'approche la plus cohérente, la plus globale en fin de vie pour pouvoir accompagner correctement et le mieux possible les gens en fin de vie. Mais c'est certain que, je vous dirais, quand on parle de médecine, de manières d'approcher les choses, de comment on va travailler avec les patients, les familles, l'interdisciplinarité, je pense qu'il y a un bout qui peut être fait dans un projet de loi, mais il y a beaucoup, beaucoup de choses évidemment qui relèvent de la pratique de la médecine, des équipes de soignants, de comment on organise les choses dans les établissements. Donc, je ne dis pas que c'est ça, votre intention, que tout ce que vous nous avez dit, c'est que ça se retrouve dans le projet de loi, mais, ça, je pense que c'est important. Parce qu'un projet de loi, ça a un objectif, c'est de venir établir un cadre juridique et non pas de venir tout réformer les pratiques ou la manière de faire en médecine, et tout ça.

Je trouve ça très intéressant, bon, tout ce que vous abordez en lien avec l'interdisciplinarité, les comités d'éthique aussi. J'étais curieuse de savoir, parce qu'en fait, là, évidemment, compte tenu de la loi, vous l'abordez beaucoup sous l'angle, par exemple, de l'aide médicale à mourir, mais évidemment, à chaque jour, il y a des décisions d'arrêt de traitement qui se prennent, de refus de traitement. Et donc il n'y a pas de… il n'y a rien qui existe dans la loi concernant, je dirais, comment on répond à ces demandes-là, comment on peut faire intervenir ou non le comité d'éthique.

Donc, comment, concrètement, est-ce que vous êtes… Parce que, pour moi, il y a des décisions excessivement difficiles qui doivent se prendre au quotidien puis, moi, je vous dirais, qui doivent être pas mal aussi difficiles, sinon plus, qu'une question d'aide médicale à mourir pour une personne pour qui il peut rester trois ou quatre jours à vivre versus un enfant qui est… à qui on décide… qui a 12, 15 ans… est-ce qu'il va prendre une autre chimiothérapie quand il est déjà très, très malade? Qu'est-ce que ça va avoir comme effet quand on sait que, par exemple, il n'y a à peu près pas de chances que les choses aillent mieux? Une personne qui décide d'arrêter un traitement, d'être débranchée, bon, tout ça, là... Donc, il y a des décisions, je dirais, tout aussi complexes, sinon plus qui se prennent au quotidien pour des gens qui ne sont pas nécessairement en fin de vie, des décisions d'arrêt de traitement, alors que les traitements pourraient avoir potentiellement un effet très bénéfique.

Donc, comment c'est? Est-ce que c'est beaucoup entre le médecin et le patient, ces décisions-là, je dirais, au quotidien? Est-ce que l'équipe interdisciplinaire, et le reste de l'équipe, est impliquée? Les infirmières? Les comités d'éthique? À quel point vous êtes impliqués ou non?

• (16 h 30) •

Mme Roigt (Delphine) : Ça dépend des médecins, ça dépend des patients, ça dépend des établissements. Il y a autant de façons de faire.

Il y a des équipes qui vont fonctionner plus en interdisciplinarité que d'autres. Il y a des gens… il y a des établissements où les structures en éthique sont plus incorporées dans l'établissement, plus connues par les soignants, ce qui fait en sorte que les gens vont plus facilement nous incorporer dans la prise de décision quand il y a des questionnements. Mais ce qui ressort beaucoup, je vous dirais, et là je ne porte pas de jugement, mais ce qui ressort beaucoup dans tous les milieux où j'ai travaillé dans les 15 dernières années et en parlant avec mes collègues, c'est : on a beau faire du travail incroyable au niveau des organisations, au niveau des facultés d'enseignement des sciences de la santé pour favoriser l'interdisciplinarité, ce n'est pas simple. Ce n'est pas simple et ce n'est pas toujours bien fait. Et c'est encore très hiérarchisé, c'est encore très… on travaille encore beaucoup en silo, malgré tout. Donc, il y a… Je ne dis pas qu'il n'y a rien qui a été fait. Il y a des endroits où ça fonctionne bien, il y a des choses, dans certaines équipes, où c'est plus mis de l'avant. Mais les endroits, de façon, je dis, peut-être pas majoritaire, mais souvent ce n'est pas… Évidemment, ça ne peut jamais être parfait, mais ce qu'à la fois les médecins, les infirmières, les travailleurs sociaux, même les préposés aux bénéficiaires nous disent le plus, c'est le manque de communication, c'est le fait qu'on ne sait pas où on est-ce qu'on s'en va avec le traitement, c'est le fait que le patient n'a pas été informé de certaines choses, c'est le fait que le patient est incohérent ou n'agit pas en conformité avec les demandes qu'il nous fait. Et là les soignants nous disent : Bien, on fait quoi maintenant? Comment on peut continuer les soins si en même temps lui, il ne fait pas…

Donc, c'est très, très, très complexe et, dans une société, un peu comme on le disait dans notre présentation, où les droits individuels prennent beaucoup, beaucoup de place… ce que je ne dis pas, que ce n'est pas correct, mais ça fait en sorte que tout de suite on érige deux pouvoirs. On érige le pouvoir du professionnel, qui veut demeurer quand même assez autonome dans sa façon de travailler, et le patient. Mais là le professionnel, il est autonome avec d'autres gens aussi. Donc, dans quelle mesure ces autres gens-là lui permettent aussi de faire… Je veux dire, ça arrive tellement souvent qu'il y a des gens qui viennent me voir, puis on se rend compte que la décision d'un professionnel empêche ce professionnel-là d'exercer son rôle à lui auprès du patient parce qu'il n'y a pas de communication. Donc, je sais que vous ne pouvez pas tout régler dans le projet de loi, puis ce n'est pas ça, l'objectif, mais déjà, en positionnant très fortement… Et je reprends les propos de M. Bolduc par rapport à la compassion et à l'autonomie : le fait de l'ériger, votre projet de loi, de cette façon-là vient renforcer quelque chose qui est déjà très présent et problématique dans notre réseau de la santé.

Donc, j'insisterais davantage sur l'interdisciplinarité, et, le fait de laisser tout le pouvoir à l'interne aux D.G. et au conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, bien, on vient encore favoriser… ou nuire à l'interdisciplinarité qu'on semble vouloir créer. Donc, je sais que les protocoles cliniques vont devoir être faits, mais, si vous ne le mettez pas dans votre projet de loi, ça va être beaucoup plus facile pour certains de dire : Bien, de toute façon, c'est le CMDP qui décide.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Je vous dirais que, pour certains, on va déjà loin dans le projet de loi en s'immisçant dans certaines prérogatives des établissements, là, parce qu'on dit comment ça va devoir être élaboré, et tout ça. Là, on viendrait dire… on irait encore plus loin en disant, dans le fond : On va vous dire comment il faut que vous consultiez, donc, les autres membres, les autres équipes, les…

Hier, les infirmières allaient un petit peu dans le même sens que vous, là. Je ne vous dis pas que je ne considère pas ça, mais je vous dis juste que, oui, il faut regarder c'est quoi, notre rôle aussi, versus ensuite l'autonomie, le rôle des établissements et que ce travail-là… ou, je dirais, cette sensibilisation et cet avancement, qui doit être fait vers l'interdisciplinarité, à laquelle j'adhère, là… Mais je pense aussi que tout le monde a sa sphère d'autonomie là-dedans, y compris les établissements, qui… oui, certaines obligations sont créées après, à savoir jusqu'où on doit leur dire et leur donner la recette pour qu'ils appliquent les obligations qu'on crée. Il faut quand même, je pense, faire attention à cet égard-là.

Donc, il y a certaines choses qu'on peut peut-être faire. Déjà, il faut voir qu'il y a un certain nombre de choses qui sont demandées aux établissements et jusqu'où on peut aller.

Je vous le dis, là, je ne dis pas que je ne vous entends pas, mais je veux que vous compreniez que, quand je dis aussi qu'un projet de loi ne peut pas tout régler, il ne peut pas venir définir comment on travaille tous ensemble en collégialité puis qu'on échange l'information entre les différents professionnels. Et il y a une limite à ce qu'une loi peut faire et ce qu'on peut imposer aussi, comme gouvernement ou législateurs. Donc, je comprends votre intention. Je comprends aussi que c'est votre rôle de venir nous faire part de ça. Mais je pense qu'il faut aussi comprendre l'objectif puis les limites aussi d'un projet de loi pour arriver à ça. Tantôt, vous disiez, puis je pense que c'était intéressant, mais en même temps ça me fait me questionner, vous disiez : Il faut en venir à une décision partagée. Moi, je dirais qu'il faut… Puis vous insistez beaucoup sur le dialogue continu, la discussion continue. Je pense, oui, que… et moi, j'espère, je le répète souvent… On a consacré, à l'article 2 du projet de loi, l'importance d'une communication constante et continue, ouverte, transparente, parce que je pense qu'il y a de grandes lacunes là, dans les relations patient-équipe soignante, je vous dirais. Donc, ça, je pense que, si, en fin de vie, on peut améliorer et avoir une meilleure communication, c'est certainement fondamental. Et je pense qu'une communication continue puis un dialogue continu pourront mener à la meilleure décision possible.

Mais la décision, elle revient toujours au patient. Donc, c'est pour ça que je sens que, chez vous, il y a peut-être une volonté… ou vous n'adhérez pas complètement à ça quand vous parlez de décision partagée. Puis on a eu un médecin de soins palliatifs qui est venue nous faire un témoignage aussi de jusqu'où elle était allée à échanger avec son patient pour lui expliquer son point de vue à elle. Mais moi, je dois vous dire que, de ce que je comprends de tout ce qui est consacré comme principes, que ce soit dans le Code civil ou de l'évolution, je dirais, du droit et de la médecine à cet égard-là, l'autonomie décisionnelle du patient, c'est un principe très fort.

Et donc, au bout du compte, c'est la décision du patient, me semble-t-il, des gens viendraient nous dire ça. Donc, je veux comprendre ce que vous voulez dire quand vous parlez de décision partagée.

Le Président (M. Bergman) : Me Roigt.

Mme Roigt (Delphine) : Merci. Je vais vous dire ce que j'enseigne aux soignants quand je leur enseigne.

Quand on leur pose la question : Qui décide des soins? et qu'ils me répondent : Les patients, je dis : Non, il y a d'abord une réflexion, un jugement clinique qui est élaboré par un médecin, un soignant, une équipe. Il y a une offre qui est faite à un patient en fonction évidemment de ce qu'on sait de lui. On a fait des tests, on ne fait pas ça dans le vide. Et là le patient accepte ou il refuse, et là la discussion commence. La discussion commence dans la mesure où : J'accepte ou je n'accepte pas. J'accepte, mais je ne suis pas trop d'accord avec ça, et là on entre dans une discussion. La décision partagée, pour moi, c'est là qu'elle se situe.

Quand on arrive puis qu'on me dit : Au bout du compte, c'est le patient qui décide, oui, tout à fait, mais ça ne crée pas une obligation positive systématique pour le soignant de l'exécuter, O.K.? Et c'est ce petit bout là… ce petit, petit bout là que plusieurs citoyens ne comprennent pas. Plusieurs citoyens, dans la façon d'aborder leur relation thérapeutique… puis peut-être qu'on les a… c'est une société de cette façon-là, là, de toute façon, donc on oppose toujours les droits des uns à ceux des autres. La dynamique du contrat entre un patient puis son médecin fait en sorte que c'est comme si on mettait deux pouvoirs qui se confrontent. Mais l'idée que je vais venir demander un soin puis que, l'autre, sa job, c'est de me le donner, bien ça ne fonctionne pas.

Donc, c'est pour ça qu'on amène beaucoup la question de la discussion, et tout ça, surtout pour la question de la fin de vie, parce qu'on est très conscient que plus on a une relation thérapeutique avec un médecin, ou des soignants, ou avec une équipe, plus on va être capable tôt, dans un processus, par exemple, de maladie dégénérative, de maladie chronique terminale, hein… Les gens qui ont des maladies pulmonaires obstructives chroniques, les maladies rénales, les maladies cardiaques, on sait qu'à brève échéance, pour ceux qui ne peuvent pas avoir accès à des transplantations, que la mort va éventuellement survenir. Pourquoi on attendrait deux semaines avant qu'ils meurent pour commencer à parler de fin de vie?

Donc, avec ces gens-là, quand on a une réflexion avec une discussion en continu, la décision partagée, c'est là qu'elle s'élabore, c'est dans ces moments-là. Et d'ailleurs, les recherches le démontrent aussi, c'est dans ces moments-là où le médecin va être capable de faire une sorte d'entente avec son patient, et là la loi va pouvoir le permettre, de dire : Je ne t'abandonnerai pas. Quand tu vas être rendu au point où tu n'en pourras plus, je vais pouvoir t'accompagner parce que maintenant j'ai les outils pour le faire.

• (16 h 40) •

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour le premier bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. J'ai adoré votre présentation, et puis on pourrait jaser des heures de temps. Je partage 95 % de ce que vous dites. Il y a un petit 5 %, 10 %, je pense, qu'il faudrait discuter, avoir cette éthique de la discussion pour être capables de voir où on s'entend.

La question de la décision partagée, je vous comprends, mais à la fin il faut quand même que ce soit le patient qui décide. Et vous avez abordé quelque chose. C'est des situations très, très complexes, et souvent les gens arrivent dans ce type de dossier puis ils pensent qu'il y a seulement un canal, alors que chaque professionnel a sa façon de faire. Et il faut comprendre que chaque patient est un cas particulier. Et la relation entre le professionnel et le patient, c'est ce qui fait que ça va bien ou ça ne va pas bien.

J'ai adoré des suggestions, entre autres toute la question de l'éthique clinique, là. Moi, j'ai vu souvent… Puis, ce que vous appelez des consultations, j'en ai fait dans mon établissement. Quand les gens étaient en difficulté puis ils ne savaient pas quoi faire, moi, j'étais président du comité de bioéthique régional, ça fait que j'avais une facilité, on m'appelait puis on discutait. Ce que nous constatons, c'est que la plupart des professionnels n'ont pas à vivre ça si souvent que ça. Vous avez des équipes de soins palliatifs qui sont habituées, mais souvent c'est le médecin de famille. Le patient rentre à l'hôpital. À un moment donné, le patient est… On en vit tous, mais on n'est pas nécessairement familiers… puis avoir de la facilité à traiter ce type de dossier. Une des suggestions que je vois, qui est intéressante… Moi, je pense, 85 %, 90 % des cas, là, généralement, ça va bien. C'est la loi de Pareto. Les gens savent ce qu'ils veulent, le médecin qui sait comment se conduire, ils se connaissent bien. C'est toujours des périodes difficiles. La mort, en passant, il y a juste une personne qui la vit, c'est la personne qui décède, là, il faut comme s'entendre là-dessus. Il y a beaucoup d'entourages qui ont à le vivre également, mais, à la fin, là, il y a une personne qui décède. Ça fait que 85 %, 90 % vont bien.

Il y a un 5 % à 10 %, c'est des cas plus complexes. Et, lorsqu'on arrive dans le processus décisionnel, habituellement, le 85 %, 90 %, la loi, elle serait là, elle ne serait pas là, ça irait quand même bien. L'autre 5 %, 10 %, il faut trouver peut-être des mécanismes pour aider les gens à passer à travers.

Et c'est là que ça devient intéressant, votre idée de comité d'éthique ou d'avoir une instance, un endroit où des discussions pourraient se faire, où en tout cas les gens pourraient être supportés. La difficulté, c'est qu'on ne pense pas qu'on puisse mettre ça dans la loi à ce moment-ci. Mais il reste qu'en appliquant cette loi-là, si elle passe, à un moment donné, on va pouvoir, devoir constater que, si chacun des CSSS a l'obligation d'offrir l'aide médicale à mourir, est-ce qu'il ne faudrait pas se poser la question : Est-ce que chacun des CSSS ne devrait pas avoir l'obligation d'avoir un comité d'éthique clinique où ces cas-là pourraient être référés ou encore avoir accès à un comité d'éthique clinique? Là, je pense, en région, parfois c'est mieux d'avoir un comité d'éthique central, où on fait seulement qu'un coup de téléphone, si ce n'est pas compliqué, ou encore on pourrait amener un cas en discussion où, là, à ce moment-là, sans dire que ça fait force de loi, qu'il puisse y avoir des recommandations.

Ça, ça augmenterait notre niveau probablement de résolution de ce type de situation à 97 %, 98 %. Il y a toujours un 2 %, 3 % que c'est des cas qui sont difficiles.

Je ne sais pas comment est-ce que vous voyez ça puis, dans votre réflexion, parce que vous avez fait quand même une bonne réflexion, si on ne devrait pas commencer à penser, à un moment donné, à instaurer ce mécanisme pour s'assurer qu'il y ait un… pas un droit d'appel, mais un endroit de discussion où les gens pourraient faire une meilleure réflexion pour ces cas particuliers, mais en tenant compte, puis c'est là-dessus que je veux votre opinion également, qu'il y a 90 % des cas qu'on devrait laisser ça entre le patient, le professionnel et l'entourage.

Le Président (M. Bergman) : Me Roigt.

Mme Roigt (Delphine) : Merci. Deux commentaires. Bien, évidemment, je ne peux pas être contre le fait qu'on veut favoriser des instances éthiques dans le réseau de la santé. C'est mon leitmotiv depuis les 15 dernières années.

Sur la question du 85 %, 90 % puis 5 %, 10 %, j'ai toujours dit que… j'ai toujours dit, puis je me trompe peut-être, mais, dans mon expérience, que c'est ceux qui ont le plus besoin d'éthique qui ne nous consultent pas. Parce que ceux qui sont venus une première fois puis qui voient que c'est un processus qui est agréable, qu'on est là pas pour juger la pratique, mais qu'on est là pour ensemble trouver la meilleure solution puis dégager les valeurs, les émotions puis être capable d'avoir un lieu sécuritaire, sécurisant… je ne sais pas comment le mettre, là, mais où ça peut se faire, parce qu'il n'y en a pas beaucoup, de ces lieux-là, dans les milieux de soins, ça permet déjà de dire : Bien, peut-être que je ne suis pas d'accord avec ce que le patient me demande ou peut-être que j'ai un malaise, mais je comprends les valeurs qu'il y a derrière, je comprends le sens de sa demande et je suis capable d'y adhérer parce que, ça, je suis capable de le respecter.

Le travail que l'on fait au quotidien, essentiellement c'est ça. Donc, quand vous me dites : Le 5 % à 10 % versus le 85 %, 90 %, bien, je me dis : Bien, le 85 %, 90 %, ils peuvent le vivre, le malaise, quand même. Ce n'est pas parce qu'il y a un conflit. Ça leur ferait peut-être juste du bien de venir dire : O.K., je ne suis pas dans le champ, j'avais vu les choses de cette façon-là. Je n'avais pas pensé. Ah, peut-être que j'aurais pu travailler avec la travailleuse sociale. Puis pas besoin de voir l'éthicienne, là. Quand on parle de structure, c'est une structure interdisciplinaire dans laquelle il y a quelqu'un en éthique, parce que ça aide, on trouve, d'avoir quelqu'un qui est formé. Ça, c'est la première raison.

La deuxième raison pour laquelle j'hésite, c'est la question de la reddition de comptes dont on a parlé dans nos commentaires sur le projet de loi en lui-même. La reddition de comptes, telle que demandée aux établissements, est très mécanique, est très quantitative. Et il n'y a rien à ce moment-là qui nous permet de savoir comment ça s'est passé, comment les proches ont réagi, comment le patient a réagi avant, comment l'équipe… Est-ce qu'il y avait… Bon, etc. Comment on peut mieux apprendre des prochaines situations si on ne se fait pas finalement un genre d'inventaire des situations? Puis je ne dis pas : Peut-être toute la vie, là, mais les deux premières années, les cinq premières années de mise en place du projet de loi, pour au moins avoir du matériau vraiment… entre autres, vous en parlez dans le mandat de la commission, pour avoir des experts qui viendraient vous en parler.

Bien là, il y aurait les gens déjà sur le terrain. Faire des recherches. On a déjà des données cumulées. Donc, moi, je trouve que ça viendrait bonifier le processus.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. On discute pour discuter. Mon expérience que j'ai eue, que j'ai vécue, moi, c'est qu'à partir du moment qu'on a formé un comité d'éthique clinique il y a un apprentissage de tout le groupe qui se fait en même temps et puis il y a une progression.

Parce qu'on est dans un dossier où est-ce que, si les gens s'imaginent que, du jour au lendemain, tout va bien fonctionner, ce n'est pas comme ça. Mais il y a un apprentissage qui se fait. Puis même ceux qui n'ont pas eu de cas finissent par rencontrer des gens, des infirmières, des pharmaciens. Puis il ne faut pas oublier que les pharmaciens, dans tous les cas de soins palliatifs, sont très, très impliqués. Et souvent, nous autres, compte tenu que c'est des petites équipes en pharmacie, puis on a des grandes équipes au niveau des soins infirmiers, souvent c'est plus les pharmaciens qui nous amènent des problématiques. Puis le soulagement de la douleur, entre autres, c'est beaucoup, maintenant, le travail du pharmacien, en collaboration avec les médecins, avec l'application par les infirmières. Ça fait que, tout ce travail-là interdisciplinaire, vous le retrouveriez au niveau de l'éthique clinique. Et l'objectif… Au début, quand on demande des redditions de comptes, les gens, là, c'est comme un professeur, un étudiant, on aime moins ça. Mais, comme professionnels, travailler interdisciplinaire avec un comité auquel on pourra avoir recours, dans les cas difficiles, pour être évalués… Pour les cas qui ne sont pas trop difficiles, qui n'ont pas besoin, moi, personnellement, je trouve que, quand quelqu'un est à l'aise, puis ça va bien, puis tout le monde semble satisfait, il ne faut pas rentrer de la bureaucratie ou une étape de plus, ne serait-ce que de dire : Bien, on va-tu faire de l'éthique clinique pour faire de l'éthique clinique? Gardons nos énergies pour les cas qui vont être plus difficiles, puis il va y en avoir.

Entre autres, vous parliez de la question de la futilité des traitements. C'est un grand élément. Là-dedans, c'est qu'à un moment donné le patient peut vouloir quelque chose, mais, si le médecin juge que c'est un soin futile, il faut qu'il soit capable de lui dire non. Et, si le patient n'a pas de satisfaction, il va peut-être aller chercher une autre instance pour expliquer pourquoi c'est comme ça. Mais ça, ce seraient des mécanismes, ça, qu'il serait très constructif à mettre en place. À partir du moment qu'on met une obligation d'offrir l'aide médicale à mourir, moi, dans ma tête, il faut qu'on ait du soutien à quelque part. Puis, quand les gens nous disent : On va mettre de l'aide, les gens s'imaginent que c'est des psychologues, des travailleurs sociaux. Ce n'est pas ça, là. Ça prend des gens qui font une réflexion. Puis moi, pour, encore là, l'avoir vécu, j'ai vu partir d'un établissement où on installait des solutés à des gens en fin de vie à, à la fin, on était beaucoup plus dans le «tender love, care», là, où est-ce qu'on aide les gens à mourir pas avec des solutés dans le bras, mais beaucoup plus avec de la compassion. Moi, ça serait la réflexion que je ferais.

Puis le projet de loi ne peut pas prévoir ça, sauf que, lorsqu'on va discuter du projet de loi, une des réflexions qu'on devrait se faire : C'est quoi, le mécanisme qu'on offre aux professionnels dans des situations difficiles de façon à ce qu'ils puissent consulter, puis apprendre, puis surtout agir pour le bien de leurs patients?

Le Président (M. Bergman) : Me Roigt.

• (16 h 50) •

Mme Roigt (Delphine) : Le médecin peut être à l'aise, mais l'équipe ne le sera pas. Puis souvent c'est la décision du médecin qui va primer. Et nous, on travaille beaucoup avec les équipes qui ont des problèmes parce qu'ils ont l'impression que le médecin a posé des gestes ou a pris des décisions unilatérales sans les consulter. Donc, ça, pour moi, je reviens encore là-dessus, je suis désolée, mais c'est un peu la réalité, pour nous.

J'avais un autre commentaire puis j'ai oublié, mais…

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : …on se rejoint à un endroit. Moi, je ne cherche jamais à toujours être d'accord à 100 % avec le monde, là.

Mme Roigt (Delphine) : C'est juste que vous êtes médecin, ça fait que vous avez votre propre cadre théorique aussi. Je me permets le commentaire.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : …j'ai une bonne formation là-dessus aussi puis je crois beaucoup dans l'interdisciplinarité, dont, entre autres… Je suis d'accord avec vous sur un autre point : on a beaucoup donné au CMDP, mais on n'a pas assez tenu compte du CI, du CM. Même au niveau de la commission, ça prend les autres professionnels. On parle des travailleurs sociaux également. Et, le problème, lorsqu'on fait une loi puis on donne tout de suite l'autorité à un endroit, les autres, avec le temps, sont négligés.

L'autre élément que j'ai aimé dans votre présentation, c'est qu'on a tendance à dire, bon : DSP, CMDP, directeur général. Je pense qu'il faut le revoir plus dans une perspective interdisciplinaire et peut-être laisser le choix à l'établissement : c'est quoi, les meilleures personnes, pour être capables d'agir à différents niveaux. À ce moment-là, sur le long terme, on va se créer une équipe interdisciplinaire beaucoup plus forte que de donner le pouvoir seulement qu'aux médecins. Et je sais que c'est… On a tendance, comme médecins, des fois à dire : C'est nous autres qui prenons la décision, mais, dans ce monde-là, on n'est pas là. Surtout que, moi, ce que j'ai vu souvent, je le rappelle, au niveau des pharmaciens, c'est souvent eux autres qui sont le plus près des patients, parce qu'ils les voient, puis, l'avantage du pharmacien et souvent de certaines équipes de soins palliatifs, ils s'occupent de tous les patients, tandis que, si tu es médecin de famille dans certains établissements, tu vas avoir un cas à l'occasion, ça fait que tu en vois moins. Ça fait que c'est pour ça, je pense, qu'il faut partager à ce niveau-là.

En tout cas, j'ai beaucoup, beaucoup aimé votre présentation.

Le Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. J'aimerais ça que vous reveniez… Je pense que vous l'avez dit tout à l'heure, le nombre de situations, je ne sais pas, vous parliez de 47 % que les comités d'éthique regardent qui ont un lien avec la fin de vie. Est-ce que vous nous avez dit ça ou il n'y avait pas de donnée sur la fin de vie comme telle? Vous aviez comme trois catégories, là.

Mme Roigt (Delphine) : Dans les catégories qu'on avait, 54 % des consultations touchaient les limites, sur 92.

Donc, ce qu'il faut savoir aussi, là, c'est que la majorité des comités d'éthique ou des instances en éthique n'ont pas de statistique. Donc, vous êtes chanceux qu'on puisse vous en amener. 54 %, donc, des consultations touchaient les limites des interventions qui ne sont pas convenues. Donc, c'est la question des niveaux de soins, la question de… On ne sait pas vraiment ce que le patient veut, on a un plan de soins qui n'est peut-être pas clair, clair avec ses objectifs à lui parce que ça n'a pas été vraiment établi. 43 % des consultations touchent à des problèmes de communication, quand le personnel n'aborde pas l'orientation clinique avec le patient, donc quand il y a des décisions un peu unilatérales qui sont prises, puis ça, c'est dans un CSSS, là. Et 37 % des consultations touchent à des situations qui concernent les droits des usagers. Je vous dirais que, moi, dans ma pratique, en général, et, ça, on n'en a pas parlé dans notre présentation, mais il y a des commentaires qui ont été faits sur le projet de loi à cet égard, dans ma pratique, la majorité des consultations qu'on a, ça concerne l'aptitude à consentir ou à refuser des soins. Et donc c'est pour ça que là-dessus on a fait beaucoup, beaucoup de commentaires. Vous verrez ce que vous en faites.

Mais ce n'est pas simple, la détermination de l'aptitude. Vous semblez prendre une tangente, dans le projet de loi, qui reprend finalement les critères de Pinel ou de la Nouvelle-Écosse, avec les cinq questions, mais il reste quand même qu'il y a beaucoup de milieux où… Comment on le met en oeuvre, tout ça? Puis la cinquième question, c'est : Est-ce qu'il y a quelque chose dans l'état du patient qui fait qu'il pourrait ne pas comprendre ce qu'on vient de lui expliquer, finalement? C'est souvent là, quand vous savez que 40 % à 60 % de la population québécoise est analphabète fonctionnelle, quand on a des troubles de cognition importants, on a des troubles de santé mentale non diagnostiqués, des fois aussi des problèmes de littératie, et tout ça, ça vient… Ce n'est pas simple, la détermination de l'aptitude, ou en tout cas… Et on ne veut pas rendre les gens inaptes, parce qu'on se rend bien compte… ça aussi, c'est des choses qu'on a beaucoup dans nos milieux, où il y a des… on va chercher des ordonnances de traitement ou d'hébergement, avec toute la compassion et la bienfaisance, mais qu'on ne peut pas mettre en oeuvre finalement parce que le patient est quand même assez apte pour refuser puis ne pas collaborer. Donc là, des fois, là, les clients… les soignants viennent nous voir, mais ils nous disent : Bien, on fait quoi? Mais je dis : Vous avez… comment dire, vous êtes allés chercher la loi, la norme qui est valide, mais vous ne pouvez pas la mettre en oeuvre.

Donc, il faut trouver… Donc, ça aussi, c'est des questions qu'on soulevait, nous. C'est surtout des questions d'aptitude.

Le Président (M. Bergman) : Ou. M. Lorange.

M. Lorange (Michel) : Si je peux me permettre d'ajouter un commentaire, en partant des statistiques. Puis il y a certains établissements qui ont mesuré que les niveaux de soins, de façon générale, quand les patients en avaient besoin, n'étaient pas complétés plus qu'à 30 % ou 40 % des cas.

Qu'est-ce que ça veut dire? Avec les statistiques qui signifient la même chose, ça veut dire que c'est difficile d'aborder les questions de fin de vie ou de fin de traitement avec une personne, quelle qu'elle soit, quelle que soit la condition. C'est difficile, et souvent on l'évite. Vous dites : Un projet de loi ne peut pas tout régler. Mais, en même temps, de ne pas dire... On doit avoir, dans la question la plus difficile, c'est-à-dire aider une personne à mourir… ne pas avoir de délibération éthique qui soit dans un mécanisme déjà présent, ça veut dire qu'il va arriver des situations. Puis, je rejoins ce que M. Bolduc dit, probablement que la plupart des situations, ça va bien aller, mais il va y avoir des situations où on n'aura pas abordé ça, et là ça va être tout croche, puis on va le faire de façon un peu cavalière, et il va y avoir des malaises partout dans l'équipe, dans la famille, Et c'est ça qu'on veut éviter.

C'est pour ça qu'on se dit : Dans ces situations délicates, il doit y avoir des mécanismes de délibération éthique, permettre à chaque personne d'exprimer ses valeurs et de le faire en groupe pour aller chercher une certaine neutralité et permettre de le faire en paix, comme soignants après ça en disant : Au moins, on a pu s'exprimer.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Je dois vous dire que vous n'avez pas à me convaincre sur le bien-fondé de ça puis d'une telle démarche.

Ce sur quoi je ne suis pas convaincue, mais je ne pense pas que c'est ça nécessairement que vous demandez, c'est de systématiser ça pour tous les cas, parce que je pense justement que ça ne serait pas nécessairement un plus. Et je pense aussi qu'il faut faire attention à une chose. C'est pour ça que je vous dis : Là, on fait un projet de loi sur la fin de vie, je pense que c'est très important. Mais les problèmes que vous soulevez n'ont pas trait qu'à la fin de vie. Et il y a aussi ça qu'il faut garder à l'esprit, parce que, si on vient mettre des choses dans un projet de loi en fin de vie, est-ce qu'a contrario ça veut dire que pour le reste ce n'est pas nécessaire? Et donc, alors qu'il y a des... C'est pour ça. Moi, je reviens là-dessus, parce que je trouve ça très important, là.

C'est la même chose pour l'aptitude. Là, c'est qu'il y a des groupes, puis c'est normal, là. Mais là, l'aptitude, en fin de vie, c'est certain qu'il y a des défis là, puis après vous on va entendre des gens qui vont venir nous parler spécifiquement de ça. Je pense qu'il faut en être très conscient. Mais elle est là aussi présente quand quelqu'un accepte des soins qui peuvent être invasifs, qui peuvent ne pas donner nécessairement les résultats escomptés, et je pense que traditionnellement, compte tenu aussi que c'est plus facile et que la communication peut être plus difficile quand on refuse des soins, ou quand on est en fin de vie, ou tout ça, c'est plus confortable pour l'équipe des fois que la personne accepte, même si on se dit : Pas sûr que c'est la bonne affaire, puis on va être moins porté, dans ce temps-là, à se compliquer la vie, je vous dirais, alors qu'on devrait peut-être se la compliquer.

Mais tout ça pour vous dire que je reçois 10 sur 10 ce que vous nous dites, et ça va mijoter aussi sur comment on peut travailler ça, donner une impulsion, puis je serais très intéressée aussi, éventuellement, à ce qu'on puisse regarder ça plus étroitement. Mais, pour moi, c'est qu'on ne peut pas, quand on est dans des questions aussi fondamentales d'organisation, de communication, de dialogue, d'éthique, je dirais, compartimenter fin de vie versus tout le reste de la relation équipe soignante. Là, je ne dis pas «médecin-patient», je dis «équipe soignante-patient».

Je sais que vous aviez la main levée. Non, ça va?

M. Lorange (Michel) : J'attends, j'attends.

Mme Hivon : O.K. Bien, vous pourrez commenter. Non, je voulais revenir sur deux choses peut-être plus pointues : l'objection de conscience et les soins futiles, deux choses très importantes.

Le Président (M. Bergman) : Il vous reste trois minutes.

Mme Hivon : Trois minutes. C'est bon. Donc, les soins futiles. Je suis 100 % d'accord avec vous, il ne peut pas y avoir de droit créance de dire : Je veux tel soin, alors que le jugement du médecin dit : Ça n'a aucun sens, dans les circonstances, de venir vous donner des antibiotiques, exemple, alors que votre décès est imminent ou... Bon.

Je dois vous dire, on s'est posé la question à savoir s'il fallait écrire ça noir sur blanc dans le projet de loi, et, vous savez, c'est dans le Code de déontologie des médecins. Donc, ça n'a pas l'air de vous convaincre, mais... Non? Bon. Alors, je vais vous entendre. La question, je vous dis, c'est un réel défi. Il y a beaucoup de choses importantes dans le Code de déontologie des médecins. Et, si on se met à mettre une chose et pas les autres, qu'est-ce que ça envoie aussi comme signal? Parce que l'article 50 du Code de déontologie... Là, j'ai demandé qu'on me les sorte, parce qu'on a eu ce questionnement-là, puis finalement on ne l'a pas mis dans le projet de loi. Il y a l'article 50 qui vient dire ça, que… donc «ne [peut] fournir un soin ou émettre une ordonnance que si ceux-ci sont médicalement nécessaires». Donc, c'est fondamental, c'est là. Mais il y a aussi : «…ne doit pas diminuer les capacités physiques, mentales ou affectives d'un patient, sauf si cette diminution est requise pour des motifs préventifs, diagnostiques ou thérapeutiques.»

Donc, vous savez qu'il y a beaucoup d'éléments là-dedans qui, en fin de vie, sont importants aussi. Et donc, si on se remet dans la loi, ce n'est certainement pas une approche, en général, dans notre tradition civiliste de tout remettre comme ça. Donc, il y a un enjeu. Ça, c'est plus un enjeu de légiste.

• (17 heures) •

Le Président (M. Bergman) : …minute pour la réponse.

Mme Hivon : L'autre chose, l'objection de conscience, moi, je pense que les ordres... On ne peut pas venir, nous, prévoir dans le projet de loi quelque chose que les ordres professionnels n'ont pas prévu eux-mêmes. Le cas des infirmières en est un. Dans leur Code de déontologie, ils ne sont pas allés à prévoir cette obligation-là, donc on ne la prévoit pas, mais on prévoit que, pour ceux qui l'ont prévue, évidemment ça doit être respecté.

Mme Roigt (Delphine) :

Le Président (M. Bergman) : Me Roigt, il reste seulement une minute pour la réponse.

Mme Roigt (Delphine) : Merci. Pardon. Je ne veux tellement pas perdre mon temps. Objection de conscience, je suis d'accord. C'est juste qu'on voulait vous sensibiliser à la réalité terrain parce que ça aussi, c'est un enjeu.

Quand on a un médecin qui peut s'objecter mais que, l'infirmière, on lui dit : Bien là, si c'est un soin qui est acceptable, vous devez le faire, c'est plus difficile pour elle à gérer. Donc, ce qu'on... Dans le fond, on voulait vous sensibiliser. Ce qu'on travaille, nous, à notre niveau, c'est avec nos organisations, avec les équipes, les supérieurs, les gestionnaires pour leur dire comment on peut permettre à nos autres soignants de manifester leur objection de conscience sans se faire taper sur les doigts, bon, etc. Donc, c'était plus pour vous sensibiliser.

La question des soins futiles. Écoutez, moi, j'adore le Code de déontologie des médecins. Je dis toujours qu'il est tellement clair que je ne comprends pas pourquoi les médecins, quand ils veulent ne pas faire des soins disproportionnés ou inappropriés, ne s'en prévalent pas plus. C'est certain que j'entends les craintes de poursuite, puis souvent...

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Roigt (Delphine) : ...souvent, c'est ça, le problème. Je vais juste vous dire une chose : Procréation médicalement assistée. Est-ce que présentement tous les cas où des femmes ont accès à la procréation assistée sont des cas de fertilité? Non. Donc, il y a encore des médecins qui donnent des soins qui ne sont probablement pas appropriés dans les circonstances, bien que le code soit clair. Je me dis juste : Mentionnez, dans votre projet de loi : «Soins inappropriés, proportionnés dans un jugement clinique.» Vous venez de répondre à la question.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement. Pour le deuxième bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup. Je vais plutôt orienter mes questions sur les modifications que vous proposez à différents articles du projet de loi, parce qu'on n'a pas eu... On a parlé beaucoup d'éthique, et c'est superimportant, mais il y a des modifications qui, à mon avis, sont aussi tout aussi importantes, et j'imagine que, derrière chaque modification, il y a une réflexion.

À l'article 2, vous modifiez, vous suggérez d'inclure la notion de besoins biologiques, psychologiques, sociaux et spirituels dans l'évaluation du traitement, là, de la personne en fin de vie. Alors, j'aimerais vous entendre sur cette question. Pourquoi ajouter ces éléments-là?

Mme Roigt (Delphine) : Parce qu'effectivement ces besoins...

Le Président (M. Bergman) : Mme Roigt.

Mme Roigt (Delphine) : Pardon, je suis tellement... Ces besoins-là, c'est souvent ceux-là qui sont un peu mis de côté. Évidemment, le besoin clinique, physique, c'est le premier, il est pris en charge. Mais, toute la question du psychologique, social et spirituel, surtout quand on parle de questions de fin de vie, on pense que c'est encore plus important de l'aborder. C'est, pour moi, ce qui va permettre d'assurer l'interdisciplinarité davantage et le soutenir. Puis c'est conforme évidemment à la Loi sur les services de santé et les services sociaux quand on parle de personnalisation des soins.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Vous ajoutez également, à l'article 2, une modification qui est quand même importante et puis qui s'inscrit peut-être dans le cadre de certaines recommandations qu'on a eues. Dans votre définition de «soins de fin de vie», vous suggérez que… la modification, en fait, qu'on retire «palliatifs» après le mot «soins», donc que les soins de fin de vie soient définis comme les soins offerts aux personnes en fin de vie, y compris les soins palliatifs, la sédation palliative terminale de même que l'aide médicale à mourir. Donc, c'est une distinction qui est quand même substantielle parce qu'on incluait au départ «soins palliatifs», et puis on a eu toutes sortes de commentaires, entre autres, provenant des gens qui oeuvrent en soins palliatifs, qui n'étaient pas du tout à l'aise avec la façon dont c'était présenté.

Donc, j'aimerais vous entendre un petit peu sur cette suggestion que vous nous faites.

Le Président (M. Bergman) : Me Roigt.

Mme Roigt (Delphine) : C'est exactement dans la même veine. On était très sensibles aux arguments des spécialistes des soins palliatifs. Je me souviens, je ne retiens pas les noms, mais le chef de soins palliatifs, par exemple, de McGill, disait : S'il y avait je ne sais pas combien d'ingénieurs qui vous disaient que tel plan de pont est voué à tomber puis que vous ne l'écoutiez pas, ça serait… Bon. Comment ça se fait que, parce que tout le monde en soins palliatifs vous dit que ça n'a pas de bon sens, vous ne les écoutez pas, là? Je paraphrase, je suis désolée. Mais, pour nous, c'était d'avoir cette sensibilité-là d'abord. Dans un deuxième temps, les soins de fin de vie, ce n'est pas que les soins palliatifs. Et d'ailleurs, quand on parle des formulaires de niveau de soins, le problème que l'on a, au lieu de parler de soins de confort, quand on parle de soins palliatifs, il y a une réaction viscérale, même de plusieurs patients qui disent : Un instant, je ne suis pas rendu en soins palliatifs. Et là il faut leur expliquer : Non, non, c'est une approche palliative parce qu'éventuellement... puis là on veut soulager votre douleur. Donc, le mot «soins palliatifs» est vraiment très, très, très chargé, et donc on se disait : Bien, ce sont les soins. Les soins de fin de vie, c'est des soins qui sont offerts, hein, en fin de vie.

Donc, il y a une pléiade de soins qui peuvent être offerts, y compris évidemment les soins palliatifs, la sédation terminale de même que l'aide médicale à mourir. C'était vraiment pour essayer de trouver une façon de rallier tout le monde.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Dans cette ligne-là, on a eu — puis vous avez sûrement entendu — des suggestions de groupes nous disant : Il faut faire une distinction entre les soins palliatifs et les soins de fin de vie. On devrait prendre les soins palliatifs, les traiter de façon tout à fait indépendante, ne pas les associer à l'aide médicale à mourir. C'est surtout ça, je pense. La sédation palliative comporte moins d'objections, mais l'aide médicale à mourir, pour certains spécialistes qui oeuvrent en soins palliatifs, est difficilement acceptable.

Qu'est-ce que vous pensez? Parce que ça fait partie des propositions qui nous ont été faites. Ça fait partie des choses avec lesquelles on doit jongler, et j'aimerais avoir votre opinion là-dessus d'un point de vue un peu différent.

Le Président (M. Bergman) : Mme Roigt.

Mme Roigt (Delphine) : Comme on vous a mentionné en début de présentation, la raison pour laquelle ça accroche autant pour ces personnes-là — et là je présume, hein, j'analyse, j'observe — c'est que vous venez changer de façon incroyable le sens qu'eux-mêmes donnent à leur pratique.

Vous venez proposer même une définition différente de ce que l'Organisation mondiale de la santé propose. Ce n'est pas anodin, ce n'est pas n'importe quoi. C'est comme : Toi, tu penses que tu fonctionnes d'une façon, puis, tout d'un coup, on vient te dire que c'est autre chose. Donc, moi, le comment on va le faire, en autant qu'on respecte de part et d'autre l'esprit des deux, s'il faut que ce soit un projet de loi distinct... peut-être pas un projet de loi, mais un aspect distinct ou pas, moi, à la limite, ça sera à vous de décider, mais je pense qu'on ne peut pas faire abstraction de ce que ça va vouloir dire pour ces gens-là qui, pour certains, je le répète, se sont battus pendant des années pour avoir leur place. Ça fait seulement quelques années que les soins palliatifs sont une spécialité en soi, là. Avant, là, c'était presque comme : Bon, on va l'envoyer en soins palls. Tu sais, il y avait un petit peu de la méconnaissance, là, entre collègues, et tout ça, un peu comme la distinction qu'on sent encore entre médecin spécialiste puis médecin omnipraticien. Donc, c'est important d'être à l'écoute pour essayer de trouver la solution qui va être la meilleure dans les circonstances puis qui va respecter.

Donc, nous, on propose un changement de mots qu'on pense qu'il pourrait en partie alléger, dans l'inconscient, si on veut, cette lourdeur-là ou ce sens du soin. S'il faut en faire une distinction plus précise dans un projet, ou dans une annexe, ou quelque chose comme ça, libre à vous de le faire, mais on ne peut pas ne pas entendre.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : La notion de fin de vie est aussi une notion qui est interprétée de façon très, très différente par les groupes.

Est-ce que vous auriez une référence pour nous? Est-ce que vous pourriez... Est-ce que vous avez, vous, une idée de ce qui pourrait être considéré comme la fin de vie dans le cadre de ce projet de loi là? Parce que c'est tellement élastique comme notion, et puis ça aussi, ça fait en sorte qu'il y a énormément de crainte face au projet de loi, vu que la fin de vie n'est pas clairement définie. Pour certains, la fin de vie, comme notre éminent collègue nous dit, la fin de vie commence au moment de notre naissance. Et donc ça peut faire en sorte que certaines personnes, certains groupes ont des appréhensions démesurées face à l'adoption éventuelle du projet de loi.

Est-ce que c'est un élément avec lequel vous avez jonglé, comme on peut dire?

Le Président (M. Bergman) : Me Roigt.

• (17 h 10) •

Mme Roigt (Delphine) : Jongler, oui, évidemment. Je ne peux pas dire que je suis spécialiste des termes, de la terminologie pour être capable de vous donner une opinion. J'imagine que M. Doucet demain va pouvoir bien répondre à votre question là-dessus.

Par contre, chaque cas est un cas d'espèce. La fin de vie, c'est quelque chose qu'on essaie d'arrêter pour que ça fasse du sens, pour qu'on puisse savoir qu'on parle de la même chose quand on parle entre nous ou quand un médecin ou une équipe parle avec un patient. Mais la fin de vie, c'est plus ou moins loin… plus ou moins long, pardon. C'est pour ça aussi, par exemple… C'est la confusion que créent un peu les soins palliatifs tels qu'on les organise présentement. Quand on a des critères d'un mois à trois mois pour entrer dans les soins palliatifs, ça veut dire qu'avant tu n'es pas assez en fin de vie pour y avoir accès, tu es un peu entre les deux, puis on… mais : Ah, dès qu'on va être sûr que tu vas être dans un à trois mois, là par contre tu vas y… Ça ne fonctionne pas, ça ne fonctionne pas.

Donc, la seule chose que je peux vous dire, c'est : Il va probablement falloir s'arrêter à une définition plus claire dans le cadre de ce projet de loi là pour être capable de mieux guider la pratique, mais il va toujours demeurer un gris qu'on ne peut pas… Une fin de vie dans une maladie dégénérative, ce n'est pas la même chose que dans un cancer. Puis, quand on regarde, par exemple les courbes pour les maladies cardiaques, les maladies cardiaques, les gens ne vont pas bien, on pense qu'ils sont en fin de vie puis, woups, ils reviennent, puis là on en a encore pour un… Donc, chaque maladie a sa propre fin de vie.

Le Président (M. Bergman) : Alors, malheureusement, le temps s'est écoulé. Me Roigt, M. Lorange, Me Guévin, merci d'être avec nous ici aujourd'hui et partager votre expertise. Je demande Dre Annie Tremblay, Dr Pierre Gagnon pour prendre place à la table.

Et je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 17 h 12)

(Reprise à 17  h 15)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, on reçoit aujourd'hui Dre Annie Tremblay et Dr Pierre Gagnon. Bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. S'il vous plaît, encore donner à nouveau vos noms, vos titres, et le prochain 15 minutes est à vous.

Mme Annie Tremblay

Mme Tremblay (Annie) : Dre Annie Tremblay, psychiatre spécialisée en oncologie à l'Hôtel-Dieu de Québec du CHU.

M. Gagnon (Pierre) : Pierre Gagnon, psychiatre spécialisé en psycho-oncologie, Hôtel-Dieu de Québec du CHU et Maison Michel Sarrazin.

Mme Tremblay (Annie) : On y va? Nous tenons d'abord à vous remercier du temps que vous nous offrez aujourd'hui pour échanger et réfléchir avec vous dans le cadre de cette vaste réflexion sur le mourir et la fin de vie, dont les travaux actuellement se concrétisent, là, à travers un projet de loi sur les soins en fin de vie. Vous comprendrez qu'on est ici pour dialoguer, alors vous n'avez pas de document papier. On ne vous a pas déposé de mémoire. On s'est préparés, ne vous inquiétez pas. Mais pour nous c'est vraiment une opportunité de dialogue aujourd'hui. C'est comme ça un peu qu'on a pris votre invitation.

Depuis les travaux de la commission préparatoire où nous avions été présents, nous avons, bien entendu, suivi avec attention l'ensemble des travaux. Nous avons beaucoup parlé avec nos collègues de toutes les disciplines, notamment à travers le Réseau de soins palliatifs, et on a aussi parlé avec les personnes malades, en phase palliative ou non, particulièrement les personnes atteintes de cancer, qui, nous vous le confirmons, sont très interpellées par les travaux actuels. Moi, je vous remercie. Vous avez coloré le dialogue dans mon bureau de façon très régulière au courant des dernières années. Ça a été des échanges très riches.

Nous souhaitons échanger avec vous aujourd'hui sur certains aspects du projet de loi de façon spécifique — c'est notre idée — notamment en lien avec certaines préoccupations, certains souhaits reliés à des conséquences cliniques, organisationnelles et à l'impact sur l'expérience de la fin de vie que nous pensons que le projet actuel pourrait avoir. Nous souhaitons être aujourd'hui, dans ce dialogue avec vous, constructifs. Nous voulons contribuer, si c'est le choix du Québec, en adoptant le projet de loi n° 52… donc, nous voulons contribuer à faire bénéficier notre société d'un projet de loi enrichi des autres expériences à travers le monde, enrichi de l'expérience des patients que nous rencontrons et de la littérature scientifique qui, même depuis les débuts des travaux de la commission, se sont de plus en plus enrichies de l'expérience des autres pays en matière de soins en fin de vie. Bien entendu, vous comprendrez, comme psychiatres spécialisés en oncologie et soins palliatifs, notre propos va demeurer fortement coloré de notre expertise, de notre champ de travail face à la compréhension de la détresse psychologique, qui est encore trop souvent, malheureusement, reliée à la fin de vie, et encore plus particulièrement aux soins de mort hâtive, comme le sont les demandes d'euthanasie et de suicide assisté.

Nous allons nous permettre des suggestions de modification spécifiques à l'intérieur du projet de loi que vous avez proposé et nous avons eu le souci de vous proposer des choses que nous voulons maintenir dans l'esprit que nous avons compris du projet de loi, qui, à notre compréhension, était clairement de vouloir développer une vision où la fin de vie allait bénéficier d'un continuum de soins, qui incluent les soins palliatifs, la sédation et l'aide médicale à mourir, et de bien préciser l'encadrement et l'organisation de ces soins. Alors, nos suggestions vont vraiment aller dans cette idée-là de favoriser un continuum des soins intégrés et une organisation qui va favoriser ces valeurs-là.

Nous avons en fait quatre rubriques principalement que nous voulons regarder avec vous. Je vais laisser Pierre regarder la première avec vous, qui interpelle principalement l'article 26 concernant les critères d'admission pour l'aide médicale à mourir.

• (17 h 20) •

M. Gagnon (Pierre) : Alors, comme plusieurs, possiblement, nous, on aimerait que soit mieux définie l'aide médicale à mourir. Est-ce que le terme «euthanasie» a voulu être évité sciemment? Bon, les sondages, vous les avez vus, là : les gens ne comprennent pas ce que c'est, même les médecins, même les médecins en soins palliatifs, même les psychiatres. Alors, «aide médicale à mourir», ça peut être extrêmement vaste. Est-ce qu'un médecin qui accompagne son patient passivement, c'est de l'aide médicale à mourir? Alors, je pense qu'il faudrait que ce soit... on pense qu'il faudrait que ça soit défini, c'est-à-dire : Est-ce que c'est d'administrer une substance dans le but de provoquer la mort? Disons-le clairement si c'est ça. Alors, ça cause vraiment une ambiguïté. Alors, on a de la difficulté à se prononcer sur quoi que ce soit tant que ça n'est pas défini. Je ne crois pas qu'il y ait de définition opérationnelle, alors il faudrait la faire ici.

Ensuite, définir la fin de vie, deuxième point dans ce volet-là. C'est bien de définir la fin de vie — on en avait discuté avant — parce qu'avec les critères actuels un patient atteint de schizophrénie sévère, incurable, avec un pronostic de vie de 30 ans correspond aux critères actuellement. Il y en a d'autres, hein, dans la littérature : des cas de dépression chronique sévère, des gens qui ont des pronostics de plusieurs décennies, des fibromyalgies. Des gens dont le pronostic n'est même pas diminué correspondent à ça, évidemment, je ne sais pas… le patient, qui est belge, qui a eu un changement de sexe raté, qui s'est fait euthanasier… Alors, il faut vraiment définir ça. Nous, ce qu'on vous propose, ça serait : le plus court possible, mais de mettre carrément, exemple, six mois. Il faut qu'il y ait deux évaluations indépendantes de médecins spécialisés dans le domaine qui disent qu'ils évaluent que, de façon probable, le pronostic va être de moins de six mois — ça pourrait être un exemple, c'est à discuter — associé à une baisse de fonctionnement du patient, évidemment.

Il faudrait qu'il y ait à la fois un pronostic qui est limité et une baisse de fonctionnement qui confirment ça. C'est déjà utilisé.

De façon clinique, c'est comme ça qu'on fonctionne. En fait, les patients souvent n'ont pas droit aux soins palliatifs si l'équipe compétente de soins palliatifs ne dit pas : Le pronostic est de moins de six mois. Des endroits comme La Maison Michel Sarrazin… le patient ne peut pas être admis si le médecin n'évalue pas le pronostic à moins de deux mois, par exemple, et ça marche parce que la survie moyenne des patients qui entrent à Sarrazin est habituellement de moins d'un mois, là. Ça évolue entre deux et trois semaines. Alors, ça fonctionne, c'est possible. Ce n'est pas parfait, il n'y a rien d'absolu, mais, pour quelque chose d'aussi grave, c'est important qu'on mette… qu'on reconnaisse bien et qu'on évite ça. Je ne crois pas que personne ici veut qu'on se ramasse avec ça au Québec.

Alors, pour cet aspect-là, c'est ce qu'on recommanderait. Deuxième point.

Mme Tremblay (Annie) : Le deuxième point que nous voulions regarder avec vous concerne, je vous dirais, la description de l'évaluation médicale effectuée à l'article 28.

En fait, nous trouvions que les grandes lignes de l'évaluation proposées ici sont très bien résumées, soulignent le caractère de la souffrance globale, de l'expérience, aussi, systémique avec les proches présents dans l'expérience de la maladie. Il est clair qu'elle va demander une compétence très large aux gens, aux médecins qui auront à procéder à ces évaluations-là, compétence au niveau de la pathologie présente sur le plan médical, de son impact au niveau psychosocial et spirituel, de son impact dans les relations, en y ajoutant une évaluation de l'aptitude, bien entendu, donc une vraie évaluation globale.

Qui seront les médecins de formation générale capables d'effectuer de telles évaluations? Nous avons certaines préoccupations quant à l'absence de précision au niveau de la formation nécessaire ou attendue des médecins qui procéderont notamment à l'évaluation des personnes faisant une demande d'aide à mourir. Il s'agit d'évaluations complexes. On parle ici de circonstances de souffrance humaine où les gens vont présenter des problèmes qui n'auront pas été résolus par les offres de soins courantes, des gens qui vont présenter, dans leur description de l'expérience de la maladie, un degré de souffrance non usuellement rencontré. À la lumière de l'expérience que nous avons avec nos collègues en soins, nous serions portés à penser que les médecins sans formation particulière n'auront pas nécessairement l'expertise pour bien apprécier la complexité de ces situations-là. Et dans ce contexte nous sommes un peu inquiets de l'accès et de la qualité des soins qui seront offerts en lien avec l'aide médicale à mourir. Alors, quelles vont être les habiletés d'accompagnement spécifiques de ces médecins-là devant la maladie incurable pendant le processus de demande? Quelle va être leur expertise pour apprécier l'expérience globale de cette maladie évolutive là? Nous avons très bien compris que la pratique de l'évaluation va être encadrée, encadrée par le DSP, par les CMDP au niveau d'activités de la qualité, là, ce dont vous nous parlez notamment aux articles 30, 32, 33, 34. Mais l'enjeu spécifique de la compétence des médecins évaluateurs au niveau de cette capacité n'est pas adressé dans le projet de loi, et c'est une de nos préoccupations.

Donc, l'aide médicale à mourir va être associée à des situations cliniques plus exceptionnelles que de règles communes. Ça prend de l'expertise pour évaluer l'exception, ça prend de l'expérience, et nous pensons que certaines modalités pour la précision de la compétence devraient être incluses au projet de loi. Je vous préciserai les idées auxquelles nous avons pensé. La littérature le démontre. Et, pas plus tard qu'il y a quelques semaines encore, dans le British Medical Journal, nous avions une publication qui démontrait la très faible spécificité du diagnostic de la dépression majeure par les oncologues et les médecins de soins palliatifs chez les patients en phase avancée de maladie.

La réalité actuelle, c'est que l'évaluation globale, notamment dans l'expérience des soins palliatifs, elle s'effectue grâce à la force de l'interdisciplinarité. Il n'y a pas ou peu de professionnels qui en soi peuvent vraiment assurer la globalité d'une bonne profondeur d'évaluation chez ces grands malades là. Alors, il est clair que non seulement on ne précise pas la compétence du médecin, mais, de la façon qu'elle est définie, l'évaluation va être une évaluation médicale, et nous sommes un peu surpris de cela, surtout dans le contexte où, notamment dans d'autres articles du projet de loi, vous réitérez votre intérêt à une philosophie interdisciplinaire en fin de vie. Au niveau notamment de la pratique de l'évaluation, nous trouvons qu'il y a une cassure avec la philosophie du projet de loi puisqu'on passe, lorsqu'on tombe dans l'aide médicale à mourir, à un exercice où le médecin va être seul, confronté à cet exercice d'expertise là, ne sera pas nécessairement entouré d'une équipe interdisciplinaire, parce qu'on ne précise pas cette attente-là.

Il est clair, comme psychosociaux, nous en avions parlé lors de notre première visite et on va le répéter cette fois-ci, que la littérature démontre très bien que les facteurs psychosociaux, notamment la dépression, le désespoir, la crainte d'être un fardeau, la détresse existentielle, sont des éléments omniprésents chez les patients dont la réflexion les amène à un souhait de mort hâtive. La douleur physique, la perte d'autonomie sont des éléments, aussi, importants, mais les variables psychosociales ressortent beaucoup dans la littérature. Alors, pourquoi ne pas associer, dans l'évaluation de ces patients-là, un professionnel psychosocial qui, en collaboration avec le médecin, en philosophie interdisciplinaire, pourrait permettre une évaluation plus en continuité avec la philosophie des soins en fin de vie et bonifier l'expertise que le médecin aura à prodiguer à ce moment-là? Et notre inquiétude, lorsque nous parlons de la dépression ou de la condition mentale des patients, n'est pas du tout au niveau de l'aptitude mais vraiment de l'appréciation de la condition de détresse qui va colorer la vision de la vie et l'intensité de la souffrance ressentie de façon globale par les personnes malades. Nous voulons aussi attirer votre attention sur les nombreux témoignages — en fait, de plus en plus nombreux, nous en avons même accueilli plusieurs au Québec — de médecins qui, à travers le monde, pratiquent l'euthanasie et le suicide assisté et nous laissent comprendre le caractère significatif, lourd et souffrant pour ces professionnels de cette pratique. Plusieurs modèles d'organisation la rendent disponible en lien avec un accompagnement d'équipe, et nous croyons que faciliter le travail des médecins sera définitivement de leur permettre plutôt un exercice interdisciplinaire et soutenu par une formation.

Donc, nous aimerions qu'il soit inclus au projet de loi… «des obligations de formation pour les médecins évaluateurs», qui pourraient très bien cadrer avec les obligations de formation continue déjà demandées aux médecins. On ne s'improvise pas médecin en soins palliatifs, on ne s'improvise pas chirurgien surspécialisé. Nous pensons que nous ne devrions pas nous improviser évaluateurs d'aide médicale à mourir et prestateurs de soins à ce niveau.

Très rapidement. Un autre élément qui nous préoccupe dans le projet de loi concerne en fait la grande ambivalence que nous connaissons chez les personnes gravement malades dans leurs souhaits de mort. Il fait partie de l'expérience que les patients vont faire des demandes d'aide médicale à mourir mais vont changer d'idée après, et la gestion de cette ambivalence-là sur le plan expérientiel nous semble, malheureusement, au-delà du droit de retrait de l'article 27, peu décrite et nous inquiète, notamment à la lumière des opinions qui vous ont été communiquées par une bonne partie des professionnels du Réseau de soins palliatifs.

Alors, nous pensons que la loi devrait encadrer et exiger des établissements qu'ils développent, même avant l'application du projet de loi, des politiques avec algorithmes pour s'assurer, d'emblée, de consensus à travers leurs professionnels.

• (17 h 30) •

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Tremblay (Annie) : Veux-tu conclure?

M. Gagnon (Pierre) : En conclusion, bien c'est ça, les quatre points : on aimerait qu'il y ait une meilleure définition de l'aide médicale à mourir, beaucoup plus précise, de la fin de vie, avec même une durée; qu'on ait des évaluations prévues, psychosociales, probablement par un médecin psychiatre ou un psychologue, qui sont les seuls à pouvoir faire les diagnostics formels; troisièmement, qu'il y ait des protocoles de trajectoire de soins pour les patients qui changent d'idée, d'un côté ou de l'autre; et, quatrièmement, que le comité de surveillance monitoring soit beaucoup plus large et ait un mandat très serré de suivre tous les cas et que, ce mandat-là, il y ait de la recherche qualitative intégrée et quantitative aussi avec différents professionnels, dont des psychologues, psychiatres.

Le Président (M. Bergman) : Merci pour votre présentation. Maintenant, pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue à vous deux. Heureuse de vous revoir, donc, Dre Tremblay, Dr Gagnon. Vous êtes vraiment ce qu'on appelle, je pense, des surspécialistes de la fin de vie et aussi de toute l'évaluation, donc, des réalités plus propres à la faculté de décider des patients. Donc, c'est très précieux.

Peut-être, d'entrée de jeu, je voudrais dire que la notion de fin de vie, elle est dans le projet de loi. C'est le titre du projet de loi. C'est les personnes en fin de vie, au premier article. Donc, quelqu'un, quand vous donniez le cas tout à l'heure… Je veux bien qu'on puisse dire qu'on commence à être en fin de vie au jour un de sa vie, là, mais je pense que, dans le sens usuel des choses, la fin de vie, c'est proche de la mort. Donc, si on se tourne vers un sens plus usuel de ce que les gens comprennent, la fin de vie, c'est lorsqu'on… vraiment, on est proche de sa mort. Donc, quand vous donnez le cas, par exemple, de quelqu'un qui serait atteint de schizophrénie et qu'il lui reste 30 ans à vivre ou quand vous dites que quelqu'un est atteint de dépression chronique, mais qu'il n'est pas... qu'il lui reste... qu'il est dans le milieu de sa vie ou vous donnez le cas de la personne en Belgique qui a eu un changement de sexe, nous ne sommes pas dans un contexte de fin de vie. Donc, ça, je veux que ce soit bien clair, ce ne sont pas des cas qui pourraient entrer dans les balises du projet de loi, parce que les balises du projet de loi, c'est l'article 26, mais jumelé… Il ne faut pas l'oublier, ce n'est pas répété à chaque article du projet de loi, parce que c'est un projet de loi qui, de par son titre et son article premier, porte sur les personnes en fin de vie.

Donc, ça, je pense que c'est… je veux juste le dire. Parce que je suis tout à fait d'accord avec vous qu'une personne schizophrène qui aurait 30 ans ou 40 ans, qui souffrirait de manière très intense, ne devrait pas se qualifier pour avoir l'aide médicale à mourir, parce qu'on parle de gens en fin de vie, dans toute cette idée de continuum de soins en fin de vie. Donc, ça, je voulais bien le dire.

J'aimerais ça pouvoir bénéficier de votre éclairage vu que vous êtes dans la pratique au quotidien. Puis, sur le six mois, je vous entends, je dois vous dire que vous êtes les premiers à nous donner un espace temporel. Tous les autres nous ont dit que c'était excessivement difficile. Avant vous, évidemment, on nous a redit que c'était un peu du cas par cas. Je dois dire que c'est une réponse que j'ai aimée, parce que, moi, c'est un peu ma philosophie, dans le sens que je pense que c'est très difficile, selon le type de maladie, d'arriver, un, que le pronostic soit vraiment clair et, je dirais, qu'on ne bouge pas de ça. On nous a relaté que c'était souvent très difficile d'établir avec certitude à combien de temps on pouvait déterminer, là, l'espérance de vie, mais aussi ça fluctue beaucoup d'une maladie à l'autre. Donc, peut-être que pour les gens atteints de cancer en fin de vie c'est peut-être plus simple, mais pour des gens qui ont des maladies neurodégénératives, je ne le sais pas, mais il y a peut-être une autre complexité. En tout cas, avant, les éthiciens qui pratiquent en milieu hospitalier nous disaient que c'était quand même différent peut-être, l'idée, selon la maladie avec laquelle on est. J'entends ce que vous nous dites. Mais, je vous le dis, vous êtes les premiers à oser mettre un espace temporel.

Donc, c'est ça, je veux bénéficier un peu de votre expertise, dans le sens que, comment ça… Parce que vous insistez beaucoup sur l'interdisciplinarité. Je dois vous dire que nous, on a mis évidemment le principe de l'interdisciplinarité puis, à l'article 28, on prévoit, donc, que le médecin doit s'entretenir de la demande avec les membres de l'équipe de soins qui sont en contact avec la personne. Donc, ce n'est pas quelque chose qu'on a évacué. En même temps, je pense que, comme c'est le cas pour l'ensemble des soins au quotidien, c'est le médecin qui est l'ultime responsable. Donc, c'est un peu… On ne voulait pas s'éloigner de cette réalité-là parce que c'est pas mal celle-là qui est la réalité. C'est lui qui doit être responsable d'évaluer l'aptitude. Est-ce qu'il doit se tourner vers d'autres personnes pour le faire? Oui, évidemment, quand il a un doute, il ne sent pas qu'il a compétence pour le faire. Mais cette responsabilité-là, elle incombe au médecin.

Et donc je ne sais pas, je prends des exemples. L'arrêt de traitement, je reviens souvent avec ça, mais c'est parce que, lors de nos autres consultations, certains faisaient des parallèles, je dirais, dans les processus qui mènent à une décision d'arrêt de traitement qui pourrait être assimilable. Je ne suis pas en train de parler de l'idée, l'intention, et tout ça. Mais, dans les processus, arrêt de traitement versus aide médicale à mourir, quand on sait que l'arrêt de traitement va conduire au décès, il y a des choses qui peuvent être très similaires dans l'accompagnement. Est-ce qu'en ce moment cette interdisciplinarité-là, elle est systématique, par exemple, dans des cas d'arrêt de traitement, le rôle du médecin versus le reste de l'équipe? Puis j'aimerais ça que vous nous disiez un peu à quoi ça peut ressembler.

M. Gagnon (Pierre) : Bien, le problème, comme disait Dre Tremblay, c'est que des fois les médecins ne savent pas qu'ils ne savent pas, alors ça va mal.

Alors, c'est : quand on ne connaît pas… on ne sait pas le problème, on ne peut pas demander… On pense qu'on évalue bien les patients, mais on a beaucoup d'études qui nous démontrent qu'ils les évaluent mal au niveau psychiatrique. Alors, on est mal pris, il ne le sait pas. Il ne sait pas qu'il a besoin du psychologue ou du psychiatre.

Alors, c'est pour ça que, dans bien des procédures beaucoup plus banales que de mettre fin à la vie, on demande des évaluations psychiatriques ou psychologiques systématiques, là. Des chirurgies, des greffes de reins, des choses comme ça, il y a des protocoles, souvent c'est systématique. C'est beaucoup moins lourd de conséquences que ça, puis on n'hésite pas à demander des consultations systématiques. Alors, pourquoi pas dans ce cas-là, où c'est complètement irréversible? Et, comme on a dit, on a assez de données pour démontrer que les médecins ne sont pas bien placés pour évaluer ça. Et les seuls qui sont bien placés, c'est ceux qui ont une formation pour faire des diagnostics psychiatriques, qui sont un médecin effectivement formé. Mais on sait que, dans le contexte nord-américain, les médecins souvent ne sont pas bien formés pour faire des diagnostics formels : Il est en dépression. Écoutez, ça fait 20 ans que je travaille comme psychiatre en psycho-onco puis des fois j'ai des médecins de soins palliatifs dont ça fait 30 ans qu'ils travaillent en soins palls, puis ils me demandent de l'évaluer, puis ce n'est pas simple. Alors, je ne sais pas comment n'importe quel médecin, comme ça, peut s'improviser puis dire : Il est en dépression, il ne l'est pas; il est en delirium, il ne l'est pas; il est en psychose, il ne l'est pas, il est… etc.

Alors, c'est grave, c'est irréversible. Il faut mettre les moyens. Un psychologue ou un psychiatre, ce n'est pas une ressource d'une rareté incroyable. Je pense que ça balise, ça met quelqu'un qui est capable de faire un diagnostic. Les autres intervenants psychosociaux peuvent être bons aussi, mais ils n'ont pas la formation pour faire un diagnostic formel, et même des psychiatres puis des psychologues qui ont de l'expérience idéalement en soins palliatifs. Parce que c'est différent, hein, tout ça est enchevêtré : détresse existentielle, dépression majeure, delirium. Encore là, nous, au quotidien, on se fait demander par des médecins qui ont des très grandes expériences en soins palliatifs, en oncologie, puis leur hypothèse diagnostique est complètement renversée par nos évaluations.

Alors, c'est pour ça qu'on pense que c'est important et que c'est nécessaire, en fait.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Donc, vous insistez plus sur le rôle des psychiatres que la question de l'interdisciplinarité?

M. Gagnon (Pierre) : Bien, l'interdisciplinarité aussi, parce que le psychiatre, lui… En fait, si on réussit à vous remettre nos documents demain… C'est que, oui, le psychiatre, lui, après ça peut se tourner… Effectivement, il n'est pas seul, mais c'est un élément essentiel parce qu'il peut arriver au diagnostic. Mais lui, il va se retourner effectivement vers l'ergothérapeute, vers le travailleur social, vers… etc., le neuropsychologue, à la limite, pour faire des évaluations, vers des examens radiologiques, etc. Mais, oui, ça prend le multi. Effectivement, le psychiatre seul n'est peut-être pas… n'est pas suffisant, mais il est essentiel parce que les autres peuvent passer à côté. C'est ça, le problème du diagnostic.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Non, mais, je pense… vous voulez ajouter?

• (17 h 40) •

Mme Tremblay (Annie) : Mais on sait qu'il y a un problème d'accès aux psychiatres surspécialisés, faites-vous-en pas, là. Puis l'idée, c'est que ça fonctionne. Donc, moi, je pense que des professionnels psychosociaux, notamment les psychologues, peuvent avoir des formations très adéquates pour soutenir dans ce contexte-là.

Je vais répondre vite mais très spécifiquement à votre question sur l'arrêt de traitement. La décision médicale, la technique médicale de l'arrêt de traitement, le leadership revient définitivement au médecin de médecine physique. Le processus d'accompagnement de la décision, il est très clair et il y a de la littérature là-dessus, que la qualité de ce processus-là est meilleure en interdisciplinarité. Les intensivistes, de plus en plus, travaillent notamment avec cette nouvelle culture-là. L'interdisciplinarité, même si ça fait une éternité qu'on en parle comme philosophie de soins, la réalité, dans nos milieux cliniques, c'est que ce n'est pas encore si bien intégré que ça. Et c'est encore un choix, un choix pour lequel certains médecins vont parfois faire le choix plutôt d'une pluridisciplinarité, donc des autoroutes séparées de gens qui vont faire de l'évaluation de patients mais qui ne travailleront pas à une intégration globale de ces informations-là et à une prise en charge d'équipes, de familles, entre guillemets, hein? Les équipes qui sont vraiment interdisciplinaires vont se présenter souvent comme des familles de soins. C'est un peu la symbolique qu'ils vont utiliser. Le concret, c'est que, même en soins palliatifs, on n'est pas encore là tout le temps.

Et c'est une des raisons pour lesquelles on insiste sur ce fait-là, parce que, si vous laissez la possibilité au lieu de la demander, la réalité, c'est que, fort probablement, ça va être un acte isolé et une évaluation isolée.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup pour votre présentation puis pour la forme aussi de la présentation, l'échange, qui nous oblige davantage à s'en tenir à ce que vous dites plutôt que de revenir dans un mémoire.

Vous mentionnez qu'il y a une nécessité de définir l'aide médicale à mourir, comme bien des groupes, bien des intervenants nous ont suggéré… et je me demandais si, dans votre réflexion, vous aviez une définition à nous proposer, vous aviez, dans votre lecture du projet de loi, une idée de ce que pourrait être cette définition, parce qu'«aide médicale à mourir» est un terme très large. D'un intervenant à l'autre, on n'a pas nécessairement la même perception de ce qu'est l'aide médicale à mourir. Et puis je me demandais ce qu'était votre lecture du terme.

Le Président (M. Bergman) : Dr Gagnon.

M. Gagnon (Pierre) : Bien, ça dépend de l'intention du législateur. C'est ça, le problème.

Nous, on trouve que les… aux soins palliatifs accompagnent bien les patients, les soulagent bien, etc. Mais qu'est-ce que le législateur voulait? C'est ça qu'on… ce n'est pas clair, dans ça. Si c'était nous qui le définissions, on dirait : Bien, les excellents soins palliatifs, c'est tout. Ce n'est pas plus compliqué que ça. Je ne sais pas si ce projet de loi amène qu'est-ce que le législateur voulait faire. En lisant ça, ce n'est pas clair, on pense que c'est l'euthanasie active, c'est-à-dire administrer une… Comme en Belgique, là, comme on dit, il y a des précédents. On ne croit pas que c'était l'aide au suicide, mais c'était le législateur… c'est à vous à nous le dire. C'est pour ça peut-être qu'on est ici. On ne comprend pas. Est-ce que c'est simplement ce qu'on fait déjà, des soins palliatifs? On aide les gens à mourir dignement. C'est ce qu'on fait au quotidien, depuis toujours, du mieux qu'on peut, avec les meilleures stratégies. Est-ce que c'est comme en Oregon, avec l'aide au suicide, on prescrit quelque chose, le patient prend ses barbituriques chez lui ou c'est comme en Belgique, le patient s'installe, puis on lui met un soluté puis on lui injecte des barbituriques jusqu'à temps qu'il arrête de respirer?

Qu'est-ce que le législateur veut? Ce serait bon de le dire parce qu'on ne le sait pas. «Aide médicale à mourir», comme je dis, ça peut être quelqu'un qui accompagne en soins palliatifs, puis c'est l'aide à mourir digne. Ce n'est pas clair. En tout cas, j'en parlais avec quelques collègues, puis on en parlait ensemble, on ne trouvait pas. Peut-être qu'on n'a pas tout lu, on n'a pas tout entendu. Vous pouvez peut-être nous éclairer.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : En fait, dans les échanges, la ministre nous disait : Bien, on n'ose pas définir, on souhaite laisser peut-être aux médecins le soin de définir un protocole autour de tout ça. Et donc on ne voulait pas définir quelque chose qui était clair. Mais ce que je comprends de votre intervention, c'est que c'est loin d'être clair. D'accord.

Et on a eu, tout à l'heure, des intervenants qui nous ont suggéré d'apporter une modification à la définition de soins de fin de vie qui est prévue au projet de loi, qui est prévue à l'article 3 du projet de loi parce que la définition de soins de fin de vie actuellement est définie comme étant «les soins palliatifs offerts aux personnes en fin de vie, y compris la sédation palliative terminale, de même que l'aide médicale à mourir.» Et ce qu'on proposait, ce que le groupe avant vous proposait, c'était que «soins de fin de vie» soient définis comme étant «les soins offerts aux personnes en fin de vie, y compris les soins palliatifs, la sédation palliative terminale, de même que l'aide médicale à mourir.»

Est-ce que, pour vous, c'est une définition de soins de fin de vie qui pourrait être davantage intéressante?

Le Président (M. Bergman) : Dr Gagnon.

M. Gagnon (Pierre) : Il reste «aide médicale à mourir», une espèce de «black box», cette espèce de boîte noire dans laquelle… Mais là je viens de comprendre, là. Vous dites : Le législateur ne veut pas le définir. O.K., là, ça, effectivement, là je comprends mieux. C'est ça, je comprends, là. Je comprends qu'ils ne veulent pas le définir, donc ils veulent laisser du jeu aux médecins, aux équipes. Là, je comprends que… C'est ça. O.K., là, je comprends. Je viens de comprendre pendant cette séance-ci. Parce qu'«aide», ça peut dire tout et rien, c'est une boîte noire.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : En fait, il y aura un travail. C'est certain que nous, de notre côté, depuis le début, on demande… bien, on s'interroge sur l'importance d'inclure des définitions plus précises dans le projet de loi.

Et on fera certainement des représentations dans ce sens-là lorsqu'on arrivera à l'étape subséquente de l'étude article par article du projet de loi. Ça, c'est clair, je pense que nos interventions ont été assez directes dans ce sens-là et assez constantes depuis le début. Parce que nous-mêmes, lorsqu'on a pris connaissance du projet de loi qui a été déposé en juin dernier, on s'est dit : Il y a des éléments importants de droit nouveau qui méritent certainement d'être définis davantage, même si certains groupes, par exemple la Fédération des médecins spécialistes, nous disait : Tout est beau, puis il n'y a pas de problème, tout le monde comprend ce que ça veut dire. Ce n'est pas ce que j'ai ressenti des consultations qu'on a eues depuis deux semaines, loin de là. Au contraire, je pense qu'il y a encore beaucoup de place à l'interprétation. Et, comme on parle de la fin de vie, comme on parle de la volonté de quelqu'un de mourir, je pense que la moindre des choses… en tout cas, comme législateur, moi, je me vois mal laisser ça entre les mains de différents spécialistes pour des interprétations aléatoires. Si ce qui est souhaité, c'est l'équivalent de l'euthanasie, eh bien, qu'on le définisse ainsi. Si ce qui est souhaité, c'est d'aller plutôt dans le sens de remettre la médication que le patient prendrait lui-même… Mais ce n'est pas ce qui semble être l'intention, là, derrière d'autres dispositions législatives. Comme plusieurs ont dit, appelons un chat un chat, puis ça aura le mérite aussi de permettre au patient de savoir exactement ce qui en découle.

Parce qu'il y a beaucoup… Puis je ne sais pas si vous le sentez comme ça, mais, lorsqu'on parle avec un citoyen, le citoyen moyen, là, M. et Mme Tout-le-monde, il y a même des confusions entre l'aide médicale à mourir et la sédation palliative, pour plusieurs, la sédation palliative terminale, c'est ça, de l'aide à mourir. Et c'est pour ça que je voulais vous entendre, parce que je me disais : Peut-être qu'à titre d'expert, en lisant le projet de loi, vous aviez en tête une définition d'aide médicale à mourir, mais vous n'avez pas voulu présumer de l'intention du législateur et vous demandez au législateur de préciser son intention. D'accord.

Le Président (M. Bergman) : Dr Gagnon.

M. Gagnon (Pierre) : Oui, c'est ça, parce que tout est… bien, comme ils disent, le diable est dans les détails. Si c'est des soins… La sédation palliative, effectivement, c'est fait, puis il n'y a aucun problème éthique, médical, clinique. C'est fait constamment pour soulager le symptôme. Là, si c'est une autre intention, de provoquer la mort, c'est complètement différent. Alors, effectivement, nous, pour nous, c'est qu'on ne veut pas proposer une autre définition étant donné qu'on trouve qu'on a les outils déjà pour bien soulager les patients.

Le Président (M. Bergman) : Dre Tremblay.

Mme Tremblay (Annie) : Concrètement, à la lecture, pour nous, il y avait un vague dans la définition par rapport à ce qu'on avait entendu puis la présentation du projet de loi qui nous avait semblé centrée sur l'euthanasie.

À la définition présente, actuellement, concrètement, ce qu'on se disait, c'est que, dans mon milieu de soins, un patient pourrait demander le suicide assisté, et ça va être de l'aide médicale à mourir. C'est notre question. On ne veut pas décider pour le Québec c'est lequel des deux. Est-ce que c'est un des deux, les deux possibilités, que vous souhaitez? Mais, sans définition plus restrictive ou plus précise, les deux vont se produire, avec le cadre actuel, de la façon qu'il est défini. À notre lecture clinique, là, puis organisationnelle, on se disait : Si un patient demande le suicide assisté, ça cadre très bien avec ce qui est écrit actuellement.

Or, on avait compris que les travaux et l'intérêt comme tels du législateur n'étaient pas spécifiquement sur les deux, là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

• (17 h 50) •

Mme Vallée : Ce que vous dites m'intéresse. Parce que, pour certains, le fait que le médecin doive lui-même administrer… ou accompagner le patient jusqu'à son décès, l'article 29 finalement… suite à l'interprétation de l'article 29, on disait : Ça exclut, l'article 29 fait en sorte d'exclure le suicide assisté. Ce n'est pas si clair que ça?

Le Président (M. Bergman) : Dre Tremblay.

Mme Tremblay (Annie) : À notre lecture, honnêtement, on disait qu'il pouvait y avoir possibilité d'interprétation plus large un peu.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Merci, M. le Président. Alors, juste pour continuer, effectivement, à l'article 29, je pense que c'est assez clair, ça exclut une des options que vous avez en tête, parce que ça dit qu'alors, «si le médecin conclut, à la suite de l'application de l'article 28, qu'il peut administrer l'aide médicale à mourir à la personne qui la demande, il doit la lui administrer lui-même et l'accompagner jusqu'à son décès». Donc, ça exclut ce à quoi vous faites référence.

Moi, je veux juste dire qu'il y a quelque chose que je trouve comique. Je veux juste le dire parce que ça fait quelques fois que… Je comprends tout à fait, puis, le message de mes collègues, je l'ai bien entendu, puis des gens qui sont venus nous voir… Mais il y a beaucoup de gens qui viennent nous voir puis qui disent : Vous savez, ce n'est pas clair, ce n'est vraiment pas clair, l'aide médicale à mourir. Puis en même temps, dans la même présentation, ils nous disent : C'est bien évident que, dans le fond, c'est l'euthanasie, puis, dans le fond, pourquoi vous ne le dites pas? Puis ça fait que je trouve ça comique parce que tout le monde nous dit : Ce n'est pas clair, c'est épouvantable, puis en même temps tout le monde nous dit : C'est l'euthanasie. Donc, je veux juste relever ce petit paradoxe. Et je veux juste dire que l'aide médicale à mourir, ce qui distingue ça de l'euthanasie, c'est juste… puis je l'ai répété plein de fois, mais c'est deux éléments qui sont fondamentaux et qui ne vont pas de pair avec le terme «euthanasie» et la notion d'euthanasie, je dirais, de manière explicite. Et, dans tous les cas, c'est le fait que c'est la personne qui le demande et que c'est dans un contexte médical avec l'accompagnement d'un médecin. Donc, c'est ça qui fait la différence. Pour le reste, je vous entends très bien sur votre propos, comme j'ai bien entendu mes collègues d'en face.

Moi, je veux vous amener sur… En fait, vous nous dites un peu : Il faudrait systématiser le recours, si je vous suis bien, aux psychiatres ou aux psychologues.

J'ai deux réserves par rapport à ça. Un, c'est qu'il y a quand même des décisions très importantes qui se prennent au quotidien, j'y reviens, mais de l'arrêt de traitement, de la sédation palliative continue. Je ne suis pas en train de dire que c'est la même chose que l'aide médicale à mourir, mais je dis que c'est des décisions qui peuvent être très importantes et toutes sortes de décisions de soins qui sont prises au quotidien et où en fait on s'en remet… pas nécessairement tout le temps, dans les faits, dans le quotidien, mais légalement c'est le médecin qui apprécie l'aptitude, et dans les faits l'ultime responsable, c'est le médecin. Est-ce que des fois, dans certaines circonstances, c'est plus systématique qu'il doit consulter? Assurément, sûrement, de ce que je comprends. Mais là on viendrait le prévoir exclusivement pour une seule réalité. Est-ce que ça voudrait dire que, dans les autres cas, c'est moins nécessaire, pas nécessaire? Moi, je trouve ça drôle de venir mettre une brèche comme ça. Puis on a entendu, vendredi dernier, les représentants de L'AGIDD, donc, qui représentent des personnes atteintes de maladies mentales puis qui nous ont dit : Nous, on veut juste agiter un petit drapeau, là, parce que nous, on craint vraiment d'à peu près jamais être capables d'avoir accès à l'aide médicale à mourir, parce que, si, une fois dans notre vie, on a eu un diagnostic de maladie mentale ou un épisode de maladie mentale, bien là, oups, on va dire : Mon Dieu, ça, ce n'est pas une demande qui est dans l'ordre des choses, donc c'est un petit peu suspicieux. Donc, tout de suite, on va sortir toute la grosse, je dirais, panoplie, l'évaluation, et tout ça, et ça va faire en sorte qu'on va être stigmatisé.

Donc, moi, j'aimerais comprendre pourquoi on ne pourrait pas s'en remettre à la même, je dirais, réalité qui est celle du médecin, même quand il fait face à des décisions très difficiles, de toutes sortes, dans sa pratique, qui est son jugement pour évaluer l'aptitude de la personne. Est-ce qu'il fait assez, peut-être pas… de consulter? Mais, de le systématiser, j'aurais cette double crainte là.

Le Président (M. Bergman) : Dr Gagnon ou Dre Tremblay?

Mme Tremblay (Annie) : Tout à l'heure, je l'ai mentionné puis je vais le redire.

Il faut faire très attention de ne pas avoir une vision réductive de la santé mentale et de la détresse psychologique… à une simple question de l'aptitude. On est bien au-delà de ça. On est dans la question de l'évaluation de la souffrance intolérable, et ça prend une compétence particulière. Je comprends très bien la préoccupation du stéréotype et du stigmate, là, de mes collègues de L'AGIDD, mais moi, je pourrais vous dire que j'ai l'autre inquiétude aussi, qui est celle qu'on a un patient gravement déprimé, parce qu'il y en a dans ces gens-là, à qui on n'aura pas le réflexe clinique d'offrir… il aura le choix s'il est apte, mais d'offrir un traitement pour la dépression, parce que c'est une pathologie tout à fait soulageable et traitable et que d'emblée on pensera que la détresse psychologique en est une normale.

Comme je vous disais, la réalité même des spécialistes en soins palliatifs et des oncologues est que la qualité de l'évaluation de la composante psychosociale n'est pas bonne actuellement, même chez ces surspécialistes-là. Alors, je pense qu'il manque peut-être un peu de réalisme de penser qu'un médecin sans formation particulière à ce niveau-là ou sans collaboration avec un professionnel psychosocial va être capable d'apprécier exactement le contexte. Je vous ajouterai aussi que les professionnels en santé mentale en fait sont aussi, parfois, les avocats antistigmates des gens qui ont des problèmes de santé mentale. C'est probablement un des côtés de mon travail que j'aime le plus, pour être honnête, de faire valoir l'aptitude et la capacité décisionnelle des patients qui ont même parfois des troubles sévères et persistants, parce qu'il y en a beaucoup qui n'ont pas de problème d'aptitude, justement.

Alors, la présence d'un problème de santé mentale au sein d'une équipe n'est pas nécessairement synonyme de menace aux droits mais au contraire peut aller dans le sens d'un «advocating» et d'un respect même plus grands.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre

Mme Hivon : Oui. Deux derniers éléments. Vous parliez tantôt de la formation, vous disiez : C'est important d'avoir cette formation-là, par exemple, pour être quelqu'un qui pourrait administrer une aide médicale à mourir ou évaluer la souffrance.

Vous dites : Au même titre où quelqu'un doit être formé pour les soins palliatifs, il faut un chirurgien. Mais je vous dirais juste : Je suis bien d'accord avec vous, je ne pense pas que c'est quelque chose qui se prévoit dans un projet de loi, au même titre où, à un moment donné, il y a des professionnels, il y a des ordres professionnels, il y a des choses qui doivent se faire correctement selon les règles de l'art. Et là, si on se met, dans un projet de loi, à dire que la personne doit avoir la formation pour faire quelque chose, qu'est-ce que ça veut dire sur toutes les autres choses qui sont prévues dans les lois où on ne vient pas spécifier que ça prend une formation? Vous comprenez? À un moment donné, il y a comme tout un système professionnel, il y a toute une pratique professionnelle aussi. Je comprends votre souci, mais je pense aussi qu'à un moment donné c'est très important, ce qui se fait en fin de vie, mais la médecine est aussi une pratique au quotidien très importante. Et moi aussi, si je vais avoir une chirurgie cardiaque, je vais espérer que le professionnel soit bien formé, mais je vais me dire qu'il est sans doute bien formé puisqu'il pratique dans tel hôpital et qu'il relève d'un ordre médical.

Donc, je pense que, ça, il faut peut-être faire un petit peu attention à cet élément-là. Vous pourrez réagir.

Puis la dernière chose, c'est la question de traiter la dépression en fin de vie. Donc, je comprends en théorie. En pratique, je veux savoir : Quelqu'un à qui il reste une semaine ou deux à vivre, comment on fait pour traiter la dépression? Puis je fais la distinction entre quelqu'un qui est déprimé, j'imagine, qui peut avoir une déprime assez normale, comme des gens viennent nous dire, en fin de vie versus une vraie dépression, un état de dépression diagnostiqué, et tout. Comment on traite une dépression en toute fin de vie?

Le Président (M. Bergman) : Dre Tremblay.

Mme Tremblay (Annie) : Écoutez, la dépression en toute fin de vie est une évaluation où notamment les symptômes neurovégétatifs de la dépression qui sont plus d'ordre physique sont sous-évalués, dans le sens qu'on en tient moins compte, et on va mettre l'accent beaucoup sur les éléments cognitifs et de l'humeur.

Beaucoup de gens en fin de vie vont être tristes de décéder mais n'auront pas nécessairement des bilans de vie négatifs où ils se sentent coupables, se dévalorisent et sont convaincus d'être un fardeau pour leurs proches. Beaucoup de gens en fin de vie, et c'est un bonheur de le voir, vont avoir des petits moments de bonheur avec leurs proches, vont avoir le maintien d'une capacité de plaisir et d'intérêt jusque dans les dernières 48, 72 heures, où la détérioration physique finale va être suffisamment importante pour carrément restreindre le contact à l'environnement. L'appréciation de ces dimensions de l'humeur et de la cognition est essentielle pour bien évaluer la dépression.

Même dans les toutes dernières semaines de fin de vie, on a accès notamment à certaines interventions de psychothérapie à efficacité très rapide qui peuvent entraîner un soulagement chez les gens. Nous avons aussi accès à des médicaments à action rapide pour lesquels il y a de la littérature, notamment l'utilisation des psychostimulants qui peuvent entraîner un soulagement chez les gens. Ça fait que ça se traite, c'est ce qu'on fait.

Il y a une certaine littérature aussi qui démontre l'efficacité de ces traitements-là. Vous ne trouverez pas d'étude randomisée à 300 patients, là. On se rappellera qu'on est en littérature de soins palliatifs, c'est un contexte d'étude de cohorte, la plupart du temps, sans comparaison, mais il y a de la démonstration à ce niveau-là. Et c'est possible de le faire avec la psychothérapie aussi, comme je le disais.

• (18 heures) •

<R>1419 Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement. Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bien, êtes-vous d'accord que parfois il faut écouter nos petites voix à l'intérieur de nous autres, notre intuition? Moi, j'ai une petite voix qui me dit à l'intérieur de moi : On a fait le projet de loi. Tout le monde me dit : 60 % des médecins sont d'accord, ils vont l'appliquer.

Pensez-vous réellement qu'on va trouver des médecins qui vont appliquer l'aide médicale à mourir facilement dans nos milieux de soins?

Le Président (M. Bergman) : Dre Tremblay?

Mme Tremblay (Annie) : Ma réponse va être sincère : J'espère qu'on va en trouver. J'espère aussi qu'on va trouver des gens, surtout au début, soucieux de le faire avec rigueur, compétence et humanité. C'est mon souhait le plus sincère. Puis mon engagement clinique, c'est de collaborer à ça, moi.

Est-ce qu'on va avoir de la difficulté? Je ne vous mentirai pas que je suis inquiète, notamment de ce que j'entends qui, dans mes attentes, était probablement les médecins que je voyais les mieux placés pour nous aider là-dedans, notamment les médecins en soins palliatifs, qui sont probablement, au niveau de la compétence globale, ceux qui auraient... Bon. Alors, on va avoir à vivre certainement, notamment au début… peut-être plus au début, avec ça. Il est possible que ce soit difficile, je suis d'accord avec vous.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : ...M. le Président. Bien, j'en profite pour en discuter avec vous parce que vous êtes des cliniciens qui êtes au quotidien avec des cas comme ça. Souvent, c'est quand même des moments solennels lorsqu'on décide de passer à l'acte. Si je comprends, ça ne se fait pas juste dans une chambre comme ça, en disant : Bien, on va injecter aujourd'hui, là, c'est... Puis je ne veux pas vulgariser parce que moi, je veux rester très respectueux et très solennel dans ces circonstances-là, parce que la mort, c'est quand même quelque chose d'important, et il faut y prendre une grande attention. Mais j'imagine qu'un médecin de famille qui, à la demande de son patient... même s'il est pour ça, l'application, ça doit être assez complexe.

Le Président (M. Bergman) : Dre Tremblay.

Mme Tremblay (Annie) : Le cadre proposé va demander énormément de travail aux institutions, c'est très clair. Et, comme je disais, le cadre comme tel, pour moi, est clair et bien défini, là. Mais, oui, je vous dirais, le travail à faire par les institutions du réseau va être énorme, va être énorme. Tout à fait.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Parce que moi, je suis d'accord avec le principe que ça peut être un droit. Je suis d'accord avec le principe qu'il peut y avoir une obligation et qu'il va y avoir une obligation de la part de chacun des établissements du Québec. Ça, ça veut dire que c'est 93 CSSS en date d'aujourd'hui puis possiblement une trentaine d'hôpitaux qui vont être obligés d'offrir l'aide médicale à mourir, du petit établissement au gros établissement. Je ne suis pas certain que, dans chacun des endroits, on va être capable de mettre ça en place du jour au lendemain ou ça peut prendre un certain temps avant qu'on réussisse à le faire.

Et la question, c'est : Est-ce qu'on va réussir à le faire partout? Vous n'êtes pas obligés de donner une réponse franche, là.

Le Président (M. Bergman) : Dre Tremblay.

Mme Tremblay (Annie) : Moi, je pense que c'est possible, mais ça va demander beaucoup de coordination, de travail en collaboration. Et il faut être rassurant avec les balises. Des balises claires, une pratique soutenue vont faciliter l'implantation, quant à moi, d'où notre préoccupation notamment au niveau de la compétence et du travail interdisciplinaire.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Comme la ministre a fait mention, c'est la première fois qu'on a un groupe ou des personnes qui viennent nous recommander… ou, en tout cas, qui font une suggestion par rapport à définir la fin de vie en termes de durée et la durée de six mois. Et puis je pense que ça, ça vaut la peine qu'on en fasse la discussion, parce qu'à ma connaissance la grande, grande majorité des cas vont être en deçà du six mois. Même, généralement, les gens, ils ne veulent pas mourir trop longtemps d'avance, mais j'imagine que c'est surtout pour des cas prévus de deux, trois mois. Michel Sarrazin, la durée moyenne de séjour est autour d'un mois.

Est-ce qu'on est d'accord que la grande, grande majorité, puis je risquerais un chiffre, probablement plus que 95 %, 97 % des cas devraient être à l'intérieur de six mois, dans la demande de l'aide médicale à mourir?

Le Président (M. Bergman) : Dr Gagnon.

M. Gagnon (Pierre) : Effectivement. Ça pourrait être... En fait, le plus court, le mieux. Mais là il n'y a aucune… dans le projet de loi présentement il n'y a rien qui est dit.

Et effectivement c'est toujours difficile, là. Quand vous dites : Chaque cas est différent, bien, justement, c'est pour ça que la médecine, c'est personnalisé, hein? Chaque cas va être évalué par une équipe, et habituellement les gens peuvent se pencher sur un pronostic, comme… La loi peut être six mois, ça peut être moins aussi. C'est difficile à prédire, mais quand même, pour une population, on est capable de prédire. Et pour le cas, bien, le médecin va appliquer ses connaissances de ce cas-là dans cette situation-là. Il va être capable d'en arriver à… Ça évite en fait les dérapages où on a toutes sortes d'histoires.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Vous m'avez devancé dans ma prochaine question. Comme législateurs, ce qu'on veut, c'est un élément de prudence. Et puis, quand on passe une loi, il y a toujours quelque chose qui peut arriver, qu'on dit : C'était une dérive ou un dérapage. Et comment on peut faire peut-être pour l'éviter avant?

Si on part avec le principe que la grande majorité des cas sont à l'intérieur de six mois, puis on est d'accord, j'aime autant être un petit peu plus large, c'est-à-dire ne pas le mettre à trois mois, mais le mettre à six mois en sachant que la majorité des cas vont être à l'intérieur, advenant le cas qu'on a un cas d'exception, que quelqu'un dit : Moi, là, vraiment, là, j'ai cette souffrance, j'ai tous les critères, mais on estime qu'il me reste deux ans à vivre, est-ce que ça pourrait être imaginable que ce cas-là passe par un processus qui pourrait être différent pour s'assurer, dans un esprit de prudence, qu'il n'y ait pas de dérapage ou de dérive? Autrement dit, la règle générale, on définit ça six mois et moins. On s'entend que six mois et demi, on va vivre avec, là. Mais, s'il arrivait un cas exceptionnel, qu'à la limite on pourrait juger que ça pourrait être utile qu'il y ait un mécanisme qui est différent avec des évaluations différentes où un comité pourrait nous dire : Oui, ce cas-là, son espérance de vie est de deux ans, mais on pense que ce cas-là peut avoir accès à l'aide médicale à mourir... et ne pas laisser ça au jugement entre un médecin et un patient en sachant que, dans certains cas, il peut y avoir des abus.

M. Gagnon (Pierre) : O.K. Bien, le problème, c'est que les études démontrent aussi que, même à l'intérieur d'une semaine, en fait... ou un mois, ou deux mois, les gens changent d'idée constamment. Alors, déjà, de donner six mois, c'est beaucoup. Alors, si on va plus loin que ça… Les gens changent d'idée. Dre Tremblay a dit qu'on a des interventions efficaces, puis il y en a de plus en plus, toujours, des nouvelles qui se développent autant au niveau psychothérapie que pharmacothérapie. Alors, déjà, six mois, ça me semble assez long. Et on peut penser que les gens peuvent changer d'idée, mais même à l'intérieur d'une semaine. On a des études qui le démontrent.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. En passant, quand je fais ce raisonnement-là, je m'attends que l'autre… du côté de l'équipe de la ministre, là, qu'ils écoutent parce qu'il y a peut-être des choses qu'on va discuter un peu plus tard, là.

Je suis d'accord avec vous, mais, à un moment donné, là, si on part avec le principe qu'il peut changer n'importe quand, à 24 heures d'avis, on n'a plus besoin du projet de loi, parce que ça veut dire, ça, que ça ne s'appliquera jamais. Puis on assume également, si on y va avec mon principe, tantôt, d'autonomie puis, à la limite, de compassion… il faut accepter qu'une fois que la personne a décidé… bon, je peux assumer qu'elle… la personne la veut, l'aide médicale à mourir, bien... puis, si elle décide de changer cinq minutes avant, on ne la donnera pas. Mais il faut accepter aussi qu'un jour il faut répondre à ce besoin-là. L'idée de le changer, je suis d'accord que ça peut changer à l'intérieur d'une semaine, mais là ça devient une décision de la personne d'avoir l'aide médicale à mourir si elle est disponible.

Le Président (M. Bergman) : Dre Tremblay.

• (18 h 10) •

Mme Tremblay (Annie) : Dr Bolduc, on va faire un exercice de trajectoire ensemble. Une des raisons pour lesquelles, pour nous, le souci de mettre un repère pronostic est important, comme Pierre le disait, c'est que, dans toute l'articulation des services en soins palliatifs, le pronostic, ça fait partie des critères d'accès, là.

Alors, on est constamment dans cette évaluation-là et à gérer l'imprécision qui est là. Si on met une aide médicale à mourir en fin de vie pour laquelle on ne met pas de balise temporelle, comment on va faire pour travailler avec les patients dans une logique d'alternative aux soins palliatifs? Par exemple, mon patient a six mois de pronostic, il n'a pas accès aux soins palliatifs, il est encore en maintien à domicile, par exemple, avec son CSSS, suivi régulier avec son médecin de famille, mais lui considère qu'il a des souffrances intolérables, et l'offre alternative ne sera pas celle des soins palliatifs. C'est des réalités qu'on va vivre, ça, parce qu'à six mois ils n'ont pas accès.

Donc, de parler de l'aide médicale à mourir sans repère au niveau du pronostic quand l'ensemble du restant des soins est organisé autour de ça, la notion de continuité ou de réflexion en continuum, elle nous interroge un peu. Première chose. On a parlé de six mois parce que, de plus en plus, les critères des soins palliatifs, notamment pour les soins palliatifs à domicile, avec l'amélioration de l'offre de services, s'élargissent autour de six mois actuellement. Mais de le faire en harmonie avec les autres définitions de pronostic utilisées, parce que la réalité, c'est ça qu'on fait en soins palliatifs, pour nous c'est quelque chose d'important si on veut que ça demeure en continuité comme tel.

Pour votre fameux patient qui est hors critère, on vous fait confiance, comme législateurs, au nom de notre société, de décider une balise de départ. Je pense que les processus légaux sont là parfois pour nous faire réfléchir au-delà et réévaluer les balises. Est-ce que vous voulez statuer dans la loi ce processus de révision hors balises là ou on veut simplement faire confiance au processus de contestation légal usuel? Moi, je vous fais confiance pour définir la meilleure mesure, mais ça prend des balises de départ. Et notre souci, c'est que ce soient des balises en continuité avec la réflexion puis l'organisation des soins palliatifs.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci de votre présence. Je sais que vous n'avez pas parlé de cet enjeu-là, mais nous, je peux vous dire que, depuis le début des auditions, on en a beaucoup parlé. Puis j'aimerais avoir votre opinion quant à l'accès pour les gens qui auraient fait des directives médicales anticipées, demandant de pouvoir avoir accès à l'aide médicale à mourir mais qui, au moment où ils pourraient y avoir droit, sont devenus inaptes.

Est-ce que, selon vous, on devrait être prudent d'inclure cette catégorie de patients là dans le projet de loi ou, selon vous... Parce que, bon, hier on a eu des interventions qui nous disaient que ça pouvait même être considéré discriminatoire de ne pas offrir ces soins-là à des gens qui l'auraient demandé par directives médicales anticipées. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : Dre Tremblay... ou Dr Gagnon.

Mme Tremblay (Annie) : La gestion du consentement substitué, parce qu'on va référer un peu à ces repères de pratique clinique là, actuellement, dans nos milieux de soins, on ne se comptera pas de farce, c'est quelque chose de complexe, là.

Le cadre légal est clair, mais son application puis le dialogue clinique avec les proches notamment qui vont faire action du consentement substitué avec nous demandent, encore une fois, un souci d'évaluation très globale, très large où les éléments notamment systémiques, les éléments relationnels des proches, leur capacité à parler au nom de… versus d'être colorés par leur propre expérience ou leur propre perception de la personne, c'est très important. Dans le contexte de directives anticipées, dans le choix du moment et l'évaluation du moment où cette directive-là prendra effet et dire : Effectivement, on est en continuité du souhait de la personne, il est très, très clair que toute la dynamique psychosociale entourant cette personne-là va être d'une importance encore plus grande.

Au-delà du légal, sur le plan de la décision clinique, ça va demander une évaluation très... je vous dirais, de grande compétence et de grand doigté clinique. On est dans l'art de la médecine, rendu là. L'art de la médecine, ça se fait en interdisciplinarité. Je suis un peu plate de revenir souvent à ça, hein, mais, dans les situations extrêmement complexes et multidimensionnelles, c'est fou comme on est plus intelligents à plusieurs cerveaux puis on est plus compétents. Alors, notamment, d'autant plus dans ces contextes-là, l'implication des professionnels psychosociaux va être une richesse additionnelle.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Je reviens à ma question. Mais, dans un contexte où on est capable d'obtenir une équipe multidisciplinaire d'experts qui pourraient... est-ce que vous pensez qu'on devrait l'inclure dès maintenant dans le projet de loi ou on est mieux d'être plus prudent et d'attendre?

Le Président (M. Bergman) : Dre Tremblay.

Mme Tremblay (Annie) : Je pense que ça va avec la qualité des balises que vous vous sentez prêts à mettre. Les balises, elles sont aussi importantes que pour l'autre section du projet de loi.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Bergman) : Deux minutes...

Mme Daneault : Ah bon, d'accord.

Le Président (M. Bergman) : …2 min 30 s.

Mme Daneault : Je veux revenir à votre intervention quant à avoir une équipe spécialisée.

Quand on regarde un petit peu l'expérience des pays où ils ont autorisé l'euthanasie, il n'y a quand même pas des cas... il n'y en a pas en nombre important annuellement. Je sais qu'il y a certains groupes qui sont intervenus en nous demandant : Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt avoir, sur un territoire donné, une équipe qui est spécialisée, et qui intervient, et qui se promène plutôt que dans chaque… et qu'individuellement, dans chaque établissement, on ait des équipes qui sont responsables de l'aide médicale à mourir?

Le Président (M. Bergman) : Dr Gagnon.

M. Gagnon (Pierre) : Bien, je pense qu'il y a en Suisse, où il y a un phénomène un peu comme ça aussi, ça a été très, très mal vécu. Des équipes un peu mobiles qui venaient évaluer un peu… Ils étaient un peu comme en porte-à-faux avec les équipes de soins palliatifs. Je ne sais pas. C'est très délicat. J'aurais de la difficulté à voir des gens qui arrivent de l'extérieur comme ça, qui ne sont pas intégrés à l'équipe, que ce n'est pas dans une continuité de soins. Ça fait artificiel… très artificiel, il me semble. Déjà que c'est quelque chose qui va un peu contre les principes de la médecine. Alors, c'est pour ça un peu qu'on demande une évaluation systématique, aussi. Mme Hivon disait : Pourquoi dans ce cas-là? C'est qu'habituellement ça va de soi, on veut vivre, on veut améliorer le patient, on veut le soulager. Ça, ça va de soi, mais, quand on veut faire l'inverse de ce qu'on a toujours fait depuis des millénaires, bien c'est différent et c'est là qu'il faut évaluer de façon plus sérieuse. Parce que c'est des gestes irréversibles et qui sont à l'inverse des principes médicaux, qui ont toujours été défendus depuis des millénaires.

Alors, c'est ce qui fait que, dans ce cas-là, ça devrait être systématique et blindé. Et c'est pour ça que vos histoires de consentement substitué, etc., c'est encore plus vaseux que quand c'est le patient lui-même qui le demande. Déjà, ce n'est pas clair, alors, quand c'est substitué… Je ne sais pas, il y a déjà… Déjà, en recherche, ce n'est pas accepté, le consentement substitué, à moins que le patient soit sous curatelle ou qu'il ait un tuteur nommé, etc. Ça pourrait être une autre exception où ce ne serait pas permis, là. Ce ne serait pas la première fois où le consentement substitué n'est pas autorisé.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Dre Tremblay et Dr Gagnon, merci d'être ici avec nous aujourd'hui et partager votre expertise avec nous. On vous remercie beaucoup.

Collègues, la commission ajourne ses travaux au jeudi 10 octobre 2013, après les affaires courantes, soit vers 11 heures, afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 17)

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