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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Tuesday, February 24, 2015 - Vol. 44 N° 37

Special consultations and public hearings on Bill 20, An Act to enact the Act to promote access to family medicine and specialized medicine services and to amend various legislative provisions relating to assisted procreation


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Table des matières

Remarques préliminaires

M. Gaétan Barrette

Mme Diane Lamarre

M. François Paradis

M. Amir Khadir

Auditions

Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU)

Association des jeunes médecins du Québec (AJMQ)

Association des obstétriciens et gynécologues du Québec (AOGQ)

Collège des médecins du Québec (CMQ)

Collège québécois des médecins de famille (CQMF)

Association des cliniques médicales du Québec (ACMQ)

Groupe Santé Concerto inc. (Concerto)

Autres intervenants

M. Marc Tanguay, président

Mme Marie Montpetit, présidente suppléante

M. Jean-François Lisée

Mme Lorraine Richard 

*          M. Claude Ménard, RPCU

*          M. Pierre Blain, idem

*          M. François-Pierre Gladu, AJMQ

*          Mme Élizabeth Dougherty, idem

*          Mme Isabelle Girard, AOGQ

*          Mme Sylvie Bouvet, idem

*          M. Charles Bernard, CMQ

*          M. Yves Robert, idem

*          Mme Maxine Dumas Pilon, CQMF

*          Mme Isabelle Girard, ACMQ

*          Mme Guylaine Chabot, Concerto

*          M. Alain Larouche, idem

*          M. Gerry Bédard, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures cinquante-cinq minutes)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Non, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Vous êtes en forme ce matin? Donc, ce matin, nous allons débuter avec les remarques préliminaires puis nous recevrons le Regroupement provincial des comités d'usagers, suivi de l'Association des jeunes médecins du Québec. Je vous rappelle que nous ajournerons les travaux à 21 h 30.

Remarques préliminaires

Alors, sans plus tarder, j'invite maintenant M. le ministre de la Santé et des Services sociaux à faire vos remarques préliminaires pour une période de six minutes.

M. Gaétan Barrette

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, permettez-moi de souhaiter la bienvenue d'abord, évidemment, au regroupement des comités d'usagers qui sont ici ce matin avec nous, qui sont les premiers à s'exprimer, à nos collègues de l'opposition et au public, évidemment, qui nous écoute et qui va suivre, j'en suis convaincu, avec beaucoup d'intérêt les discussions, les audiences sur ce projet de loi.

M. le Président, ce matin, quand je me suis levé, j'ai eu une pensée pour le public qui nous écoute, parce qu'au Québec des centaines de personnes, encore une fois, probablement, faisaient la queue à moins 24 °C, partout au Québec, devant un bureau de médecin pour avoir accès. En quelque part, aujourd'hui, M. le Président, des centaines de personnes vont aller à l'urgence dans la journée puis vont peut-être être vues ce soir ou plus tard. Nous avons, au Québec, une problématique d'accès qui est significative, et le projet de loi n° 20, qui est un complément au projet de loi n° 10, est un projet qui vise à régler ou, du moins, à favoriser de la façon la plus optimale possible l'accès aux médecins de famille et aux médecins spécialistes, et aussi, évidemment, à apporter des modifications pour ce qui est du financement de la procréation médicale assistée. Ces gens-là, M. le Président, qui attendent aujourd'hui s'attendent évidemment à ce que des actions soient prises, et évidemment elles seront prises.

Le projet de loi n° 20 est un projet de rémunération, d'une part, mais c'est un projet de rémunération qui a deux volets : un volet économique et un volet conditionnel. Et ce projet-là, là, le projet de loi n° 20, est un projet de loi qui vise essentiellement à déterminer ce pour quoi on paie et à quelles conditions. C'est une obligation. Nous sommes dans une situation budgétaire que les gens connaissent, et des décisions doivent être prises à cet égard-là.

Je commencerai donc par la procréation médicalement assistée. La procréation médicalement assistée a été l'objet d'une multitude de commentaires dans les médias, le Commissaire à la santé et au bien-être a parlé à certains égards de dérapage. Et ça fait partie de ce qu'on appelle des choix de société. Nous avons choisi, M. le Président, de déposer un projet de loi à cet égard, qui fait en sorte que l'implication du public, des impôts et des taxes des citoyens, se fasse d'une telle manière que le paiement de ces actes-là ne passe plus par la RAMQ mais par un crédit d'impôt et que le paiement de ces services médicaux là se fasse à condition qu'il y ait des balises de l'exercice claires. D'ailleurs, les balises que nous avons proposées et incluses dans le projet de loi sont essentiellement celles qui ont été proposées par le Commissaire à la santé et au bien-être dans son analyse exhaustive qu'il a faite de cette situation. Donc, d'un côté, on agit sur le mode de paiement, tout en le préservant pour les plus démunis, et, de l'autre côté, on vient encadrer d'une façon claire, nette et précise la pratique de ce type de services médicaux.

Du côté des médecins spécialistes, c'est la même chose. Le paiement reste ici public, par la RAMQ, mais le mode de paiement se fait à certaines conditions, des conditions qui font en sorte que les médecins spécialistes auront l'obligation de s'assurer, dans leur mode opérationnel quotidien, du bon fonctionnement, de la fluidité de notre réseau de santé, et particulièrement notre réseau hospitalier, et on y reviendra, à plusieurs égards, sur les éléments qui seront touchés. Mais essentiellement, les médecins spécialistes, bien, écoutez, on demande, par exemple, de gérer les listes d'attente en chirurgie pour faire en sorte qu'il n'y ait plus de gens — il y en a 7 000 aujourd'hui au Québec — qui attendent plus d'un an. C'est une question de gestion, et on veut que les gens se responsabilisent, et ainsi de suite. On y reviendra, évidemment.

Du côté de la médecine de famille, évidemment, bien là, on connaît le problème. Il est extrêmement connu, et il n'y a pas une semaine où il n'est pas publié une étude, dont la dernière, celle du Commonwealth Fund, qui considère que le Canada est presque le dernier de sa cohorte quant à l'accès aux médecins de famille, particulièrement au Québec, où, encore une fois, je le rappelle, il y a 20 % de plus de médecins qu'ailleurs au Canada, particulièrement l'Ontario. Que faisons-nous, M. le Président? Il y a des choses très simples. On dit : Voici, il est possible d'aller chercher une capacité supplémentaire et, à partir de maintenant pour avoir accès à une pleine rémunération, il y aura des conditions à respecter. C'est tout. Notre objectif, M. le Président, est d'abord et avant tout d'aller exploiter une capacité qui n'est pas offerte à la population. C'est ça, l'essence, M. le Président, du projet de loi n° 20, pour ce qui est de la médecine de famille : d'abord faire le constat qu'il y a une capacité non offerte à la population.

À cet égard, nous avons donné des heures de formation, plus de cinq, près de six, aux oppositions et pour partager avec elles tous nos constats. Ils sont aujourd'hui à la même page, au même moment que nous en termes de connaissance de la base de données.

La première question à laquelle il faut répondre aujourd'hui dans ces audiences, M. le Président, c'est : Faisons-nous le même constat? Et je vois déjà, dans les mémoires qui ont été proposés, déposés, que, oui, le constat est fait. Maintenant, à partir du moment où on fait ce constat-là, M. le Président, bien, il doit, ce constat d'une capacité supplémentaire à offrir à la population... bien, on doit l'organiser, l'organiser, M. le Président. Et, pour l'organiser, bien, il faut des règles. Et ces règles-là, M. le Président, elles seront définies et peaufinées à la suite des commentaires qui seront faits ici, en commission parlementaire. Alors, ces audiences-là, aujourd'hui, sont extrêmement importantes, M. le Président, pour faire en sorte qu'après avoir constaté qu'on a de la marge on puisse l'organiser au bénéfice de tout le monde, incluant les professionnels, mais surtout de la population qui nous écoute et qui attend encore inutilement des services.

 (10 heures)

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. le ministre. J'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, d'accessibilité aux soins et députée de Taillon à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 3 min 30 s.

Mme Diane Lamarre

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, le Québec est le détenteur d'un triste record, celui d'être le champion en manque d'accès aux soins de santé. Or, chaque mesure qui est prise par un gouvernement a des conséquences. Ces conséquences sont parfois bonnes, mais parfois mauvaises. Pour le ministre, imposer par la force d'une loi des quotas aux médecins, en particulier les médecins de famille, ça semble être quelque chose de facile, mais toute action ne donne pas les garanties d'un bon résultat et de l'amélioration d'accès attendue. Dans les faits, il y a des effets néfastes à une loi qui est simpliste, indéchiffrable dans ses règlements. Donc, elle peut avoir des conséquences désastreuses et causer l'effet contraire.

On est très préoccupés par les personnes qui sont plus malades, les personnes qui ont des problèmes de santé mentale, pour lesquelles les consultations ne peuvent s'inscrire dans des colonnes de chiffres. Ces personnes-là, laissées pour compte dans le carcan du projet de loi n° 20... Parce que le projet de loi n° 20 veut déterminer des quotas, il veut mettre un carcan. Alors, on a besoin d'avoir du contenu, de savoir davantage qu'est-ce que le ministre veut mettre dans les règlements, ces règlements-là seront toujours bonifiables après les consultations, et le ministre refuse de nous déposer les règlements, et il nous donne une coquille vide sur laquelle on va se pencher, sur laquelle déjà des organismes comme le Barreau du Québec, la FMOQ refusent de se pencher. Parce qu'on ne peut pas comprendre quel sera concrètement l'impact sur la population et dans la vraie vie des citoyens si on n'a pas accès, à tout le moins, au projet de règlements qui sont déjà en référence pour 36 articles du projet de loi n° 20. Alors, j'invite le ministre à déposer ces règlements. C'est un souci de transparence, cette transparence nous a été promise par le gouvernement libéral, et on bonifiera, au besoin, les règlements à partir des consultations.

Ce projet de loi a un impact direct sur les médecins, et le ministre a aussi fait un choix, un choix délibéré d'inclure la procréation médicalement assistée dans ce projet de loi, diluant, à toutes fins utiles, toute la possibilité de ces gens de pouvoir faire valoir les enjeux qui se rattachent à cette dimension-là. Le Québec veut des enfants, il veut des bébés. Et on a, dans la procréation médicalement assistée, déterminé qu'il y avait, comme le Commissaire à la santé l'a dit, des écarts, qu'il y avait des choses à bonifier. Mais entre bonifier et jeter le bébé avec l'eau du bain, il y a vraiment une différence, et le fait que le ministre ait choisi stratégiquement de mettre ce projet dans le même projet que celui des médecins fait en sorte que toute l'attention médiatique ne porte pas sur cet enjeu-là.

Alors, encore une fois, le ministre devra nous montrer un grand souci de transparence, et, s'il est sûr que c'est si bon, s'il est sûr que c'est parfait, cette mesure qu'il s'apprête à nous offrir, qu'il nous en parle clairement au complet. Souvent, on l'entend dire : C'est clair, c'est facile à comprendre. Bien là, ça ne l'est pas dans le projet de loi général. On a besoin d'avoir du plus concret et on espère que le ministre va nous donner le plus concret, et ça, ça passe par les règlements. Qu'il les donne aux groupes qui vont venir présenter.

Je les remercie d'ailleurs d'accepter de venir dans un contexte qui n'est pas facile, parce que s'exprimer sur quelque chose qui est aussi général, c'est très difficile de comprendre comment concrètement on va arriver à la conclusion qu'on souhaite tous, c'est-à-dire que les citoyens du Québec aient accès à leur système de santé.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, collègue députée de Taillon. Je cède maintenant la parole à notre collègue député de Lévis pour ses remarques préliminaires pour une période maximale de 2 min 30 s.

M. François Paradis

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Il est vrai qu'aujourd'hui la journée est importante, et, cette portion, en tout cas, de discussion, nous aurons... et manifestement elle est majeure pour les gens qui nous regardent et nous écoutent, l'intérêt est manifeste pour la population. C'est un problème qu'on adresse depuis déjà longtemps : Doit-on aujourd'hui faire autrement? La réponse est oui, mais comment le faire? Peut-on faire autrement sans passer par le punitif, le coercitif? Je pense que oui aussi.

De fait, dans ce projet que nous aurons à analyser par le biais des commentaires qui nous seront faits, il y a des manquements. Le projet, actuellement, est squelettique, il manque de chair, la chair étant les règlements qui s'y rattacheront et qui nous permettraient de mieux comprendre ce qui va se passer pour vous, pour nous, pour ceux qui nous parleront, mais, bien entendu, et je salue les gens qui viendront ici, les groupes qui viendront nous expliquer et nous proposer des solutions. Et là c'est important, nous avons proposé des mesures alternatives qui, nous le pensons, pourraient faire une différence, notamment revoir le mode de rémunération des médecins basé présentement sur l'acte, faire en sorte qu'on puisse se baser sur la prise en charge, rééquilibrer le mode de rémunération.

Ce n'est pas d'hier qu'on en parle, ça fait 40 ans, toutes les commissions sur la santé se sont penchées sur le problème : revoir les activités médicales particulières qui obligent les médecins à rester en établissement, alors qu'ils sont prêts à aller en cabinet. C'est une volonté commune, et nous avons suffisamment de médecins, nous le croyons, pour faire en sorte que la couverture médicale en établissement soit suffisante. D'ailleurs, cette même mesure a été applaudie par l'actuel ministre de la Santé, qui en était en 2012 et qui avait dit, à ce chapitre : Bravo! On démenotte les médecins, applaudissons à cette minirévolution. Nous pensons que ça fait partie aussi des solutions, sans qu'elles ne soient coercitives ou punitives, c'est ce que l'on entend souvent.

Aujourd'hui, ce que je souhaite, c'est qu'il y ait une ouverture globale, une ouverture de la part du ministre pour faire en sorte que ce qui nous sera proposé par les groupes qui viendront nous voir trouvera une oreille attentive et permettra peut-être de faire différent, de faire différemment, de régler un problème qui perdure, qui vous inquiète à la maison, de faire en sorte que collectivement on puisse proposer autre chose. Au-delà de ce qui nous est proposé, sur lequel il manque beaucoup d'éléments, nous pourrons peut-être voir d'autres avenues de solution. Je vous le dis et je le répète : Nous en avons proposé, il en existe, j'ose espérer que nous pourrons en reparler. J'ai l'impression qu'aujourd'hui... Puis on a l'impression qu'au cours des prochains jours on partira sur une guerre de chiffres. Ça va au-delà de ça, la santé de la population. Ce ne sont pas que des chiffres, ce sont d'abord et avant tout des patients, des usagers, des humains qui encore aujourd'hui attendent ou... à l'urgence, ou voient des interventions reportées, ou se demandent qu'est-ce que sera leur demain en attente d'un examen qui pourra faire en sorte que le diagnostic oblige un traitement qui manifestera...

Le Président (M. Tanguay) : Merci.

M. Paradis (Lévis) : ...ébranlera le patient mais ébranlera aussi son environnement, ceux qui l'entourent. Quand on parle santé, on ne parle pas seulement d'une personne...

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

M. Paradis (Lévis) : ...on parle de l'environnement. Nous espérons que nous aurons tous une oreille attentive pour aller plus loin et trouver des solutions appropriées. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Je vous remercie beaucoup, collègue de Lévis. Je demande maintenant aux collègues le consentement pour permettre au collègue de Mercier de faire des remarques préliminaires pour une durée de deux minutes. Y a-t-il consentement? Il y a consentement. Alors, la parole à vous, collègue de Mercier.

M. Amir Khadir

M. Khadir : Je veux remercier mes collègues. Pour Québec solidaire, il est clair que nous appuyons l'idée et la volonté exprimées par de nombreux acteurs depuis des années, qu'il faut absolument une réforme qui puisse améliorer l'accessibilité aux médecins pour la population du Québec. Et, le ministre actuel, c'est à son honneur d'avoir agi rapidement pour penser à présenter un projet de loi qui vient proposer, mettre quelque chose sur la table pour corriger cette situation.

Cependant, à l'examen et après avoir entendu à peu près tous les intervenants, tous les intervenants, y compris ceux qui appuient du bout des lèvres le projet de loi, s'entendent pour dire que, dans les moyens, bien que tout le monde soit d'accord avec l'intention, dans les moyens, le ministre risque d'aggraver le problème, notamment en favorisant les mauvaises pratiques, c'est-à-dire quantitatives, axées sur la production des pratiques qui, aujourd'hui même, ont cours dans certaines cliniques médicales, où des médecins qui sont très axés sur la quantité font le maximum qu'ils peuvent faire dans une semaine et, au bout de trois jours, ferment la clinique. Et ça donne à leurs activités... Leur pratique est orientée en fonction de leurs besoins et non pas du besoin de la population. Et, avec des propositions du ministre, on vient décourager des bonnes pratiques où il s'agit de tenir compte de la complexité des problèmes des patients et de vraiment aborder les problèmes dans leur entièreté, ce qui prend du temps, demande de la patience, et encourager les mauvaises pratiques qui sont quantitatives, qui sont au volume, qui encouragent une forme de pratique qui néglige la complexité des problèmes des patients qui se retrouvent ensuite à l'urgence ou en un autre point de santé, consommant ressources et énergie dans le système de santé.

Donc, dans cette optique-là, j'invite le ministre à, disons, attirer, je dirais, l'admiration de tous les acteurs de la santé, qui lui demandent plus d'écoute et une collaboration pour trouver ensemble des solutions, et donc de retirer son projet de loi, et se baser sur des consensus qui existent dans le réseau pour agir dans le système...

• (10 h 10) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci.

M. Khadir : ...et améliorer l'accessibilité aux médecins omnipraticiens pour l'ensemble de la population. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, collègue de Mercier.

Auditions

Alors, chers collègues, nous débutons donc notre période de consultation et d'audition. Nous sommes heureux ce matin de rencontrer les représentants du Regroupement provincial des comités d'usagers. Vous disposez d'une période de présentation de 10 minutes. Par la suite s'ensuivra une période d'échange avec les différents parlementaires. Pour les fins d'enregistrement, je vous demanderais de bien prendre le temps de vous nommer, de nous dire également vos fonctions. Et, sans plus tarder, la parole est à vous pour 10 minutes. Merci.

Regroupement provincial des
comités des usagers (RPCU)

M. Ménard (Claude) : Bonjour, M. le Président, M. le ministre, membres de la commission. Je suis Claude Ménard, président du Regroupement provincial des comités des usagers, et je suis accompagné du directeur général, Pierre Blain.

Nous sommes heureux de voir que ce sont les usagers qui ouvrent cette commission. Pour nous, tout repose sur le droit de l'usager à avoir accès à un médecin, ça en est primordial. Avant même d'entamer son mémoire, le Regroupement provincial des comités d'usagers du réseau de la santé et de services sociaux tient à réitérer son admiration pour le travail des médecins et de tout le personnel du milieu de la santé et des services sociaux.

L'objet de cette commission parlementaire ne porte pas sur le dévouement mais sur l'organisation du travail que tout gouvernement doit mettre en place pour protéger la santé et la sécurité de la population, plus particulièrement le travail des médecins. Les différentes réformes qui se sont succédé au Québec depuis les 20 dernières années n'ont pas donné tous les résultats attendus. En effet, aucune n'est allée assez loin pour revoir l'organisation du travail de ceux qui donnent les soins, les médecins.

M. Blain (Pierre) : Je vais enchaîner. Nous avons consulté différentes études qui ont mesuré la performance du réseau de la santé et des services sociaux du Québec. Malheureusement, dans ce cas-ci, c'est en se comparant qu'on se désole, car les chiffres parlent.

Il faut reconnaître que, comparée aux autres provinces canadiennes, la performance du système de santé québécois est moins bonne que l'ensemble des provinces. Le Québec se classe malheureusement au huitième rang des provinces canadiennes quant à la performance globale de son réseau de santé. Et, au niveau international, la situation n'est guère mieux. On doit malheureusement admettre que la performance du système québécois est faible, sinon très faible. Les usagers le savent, puisqu'ils le vivent à tous les jours.

Les études nous indiquent que les problèmes viennent tant du dysfonctionnement global que de l'inaccessibilité aux soins, aux médecins et aussi, dans certains cas, à la mauvaise organisation des cabinets de médecins. Mais, pire, la disponibilité des médecins du Québec a diminué depuis 2007, surtout en ce qui concerne le nombre d'heures consacrées aux soins directs aux patients. Les chiffres de la Régie de l'assurance maladie du Québec indiquent que de nombreux médecins pratiquent à mi-temps, malgré les incitatifs financiers offerts. Nous pouvons même affirmer que les médecins rendaient, en moyenne, 7 % moins de services médicaux en 2012 qu'en 1990.

Nous allons maintenant aborder le paradoxe du médecin entrepreneur. Plusieurs usagers du réseau de la santé et des services sociaux sont outrés lorsqu'un médecin se présente en tribune publique affirmant : Moi, en tant que petite entreprise. De façon générale, les médecins en cabinet privé sont ceux qui dispensent les services de première ligne et ils sont, dans ce cas-ci, rémunérés à l'acte. À notre grand étonnement, aucune contrainte n'est liée à l'acte dispensé. Ainsi, selon les chiffres du Collège des médecins, nous aurions 19 500 médecins au Québec, ce serait donc 19 500 petites entreprises privées qui offriraient des services au gouvernement du Québec sans aucune coordination ni aucune exigence de rendement. Pour nous, les usagers, cela ne fait pas aucun sens.

Il nous apparaît donc clair qu'il est normal que l'État demande des comptes et du rendement aux médecins omnipraticiens et aux médecins spécialistes qui font partie du réseau de la santé et des services sociaux et qu'il leur demande de suivre un certain nombre d'usagers. Le RPCU déplore toutefois que l'on en soit venu à devoir légiférer pour s'assurer que chaque usager ait accès à un médecin. Le RPCU souhaite la reprise des négociations entre les parties. En effet, plusieurs de nos membres, dont le comité des usagers du Sud de Lanaudière, craignent que le projet de loi n° 20 ne favorise pas le recrutement en région. Il faut donc les rassurer.

Cependant, dans notre naïveté d'usager qui ne connaît pas vraiment ce que fait un médecin et dans l'optique du projet de loi n° 20, nous avons tenté d'y voir plus clair en faisant une hypothèse. D'un côté, un travailleur moyen québécois travaille 35,5 heures par semaine pendant 50 semaines, ce qui lui donne 1 770 heures de travail annuel. De l'autre, nous avons basé notre analyse sur une semaine de travail de 30 heures pour un médecin pendant 45 semaines. Cela le fait donc travailler 1 350 heures. Le médecin doit faire 12 heures d'activités médicales particulières, ce qui représente 540 heures. Le médecin, selon notre scénario, ne travaillerait donc que 810 heures en cabinet privé pour chaque année, s'il est à temps plein, bien sûr.

On dit que la qualité du contact avec le patient est importante et qu'il faut s'occuper des maladies chroniques et de certaines catégories de patients qui demandent plus de temps. Nous sommes tout à fait d'accord. C'est pourquoi, selon notre hypothèse, un médecin pourrait voir facilement 500 patients pendant une heure. Ce serait donc au-delà de 5/8 % de son temps en cabinet privé qui serait pour les clientèles particulières. Il lui resterait donc 310 heures à consacrer à d'autres patients, et présumons qu'il les verrait aux 15 minutes, comme cela se passe actuellement, ce qui veut dire 1 240 patients de plus. Donc, en ne travaillant que 18 heures par semaine en cabinet privé, on pourrait facilement voir 1 740 usagers.

Expliquez-moi qu'est-ce qui cloche dans nos chiffres. Ce qui cloche dans notre raisonnement, c'est que les médecins ne semblent pas savoir comment travailler ensemble et mettre en commun les ressources que leur offre un groupe de médecine familiale. Ce qui cloche dans nos chiffres, c'est qu'il faut que le médecin partage sa tâche avec d'autres professionnels de la santé, comme les infirmières et les professionnels du milieu. 8 500 omnipraticiens pourraient desservir une population plus grande que le Québec. Et, aussi, à quand le Dossier santé Québec? Il faut surtout aussi que l'on change la rémunération du médecin pour mettre en place la rémunération à l'activité.

Un mot enfin sur la procréation assistée. Cette partie aurait dû faire l'objectif d'une législation à part. Cela étant dit, le RPCU croit que la procréation assistée devrait être réservée aux femmes qui ont un problème de santé, c'est-à-dire aux femmes qui, sans intervention, ne pourraient procréer, et elle devrait avoir lieu dans des établissements publics.

M. Ménard (Claude) : Malgré notre admiration pour le travail des médecins, des états d'âme et des soupirs ne feront rien changer pour l'accès des usagers au réseau de la santé et des services sociaux. On comprend que la disponibilité des médecins du Québec a diminué depuis 2007, surtout en ce qui concerne le nombre d'heures consacrées aux soins directs aux patients, aux usagers. Le RPCU croit donc raisonnable que... le projet de loi n° 20. Le droit pour l'usager d'avoir accès à un médecin est primordial. Le RPCU déplore toutefois que l'on en soit venu à devoir légiférer pour s'assurer que chaque usager ait accès à un médecin.

En ce qui a trait à la procréation assistée, elle devrait être réservée à permettre l'enfantement par une femme par des moyens d'assistance, sans confondre procréation assistée et fertilisation artificielle. Merci de votre attention.

• (10 h 20) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, s'enchaîne maintenant une période d'échange avec les parlementaires, et, pour une enveloppe de 20 min 30 s, je cède maintenant la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, M. Ménard, M. Blain, merci beaucoup de vous présenter ici ce matin, d'abord avec votre mémoire, mais particulièrement parce que vous, vous avez raison, je suis d'accord avec vous : c'est vraiment la bonne chose de commencer ces audiences-là avec les usagers. C'est un projet de loi pour les citoyens et les citoyennes, et il me semble que la première personne ou le premier groupe qui devait s'exprimer, c'est vous, et je vous remercie d'être là, ici, ce matin. Et, comme vous, là, et j'insiste là-dessus parce que c'est très important, je suis en parfait accord avec le fait que vous souligniez le fait que nos professionnels, qu'ils soient médecins, infirmières, préposés, technologues, ils sont là, là, la qualité, elle est là. Et je salue leur travail, et, comme vous, là, on doit souligner ça. Mais, par contre, on fait essentiellement le même constat que vous au fil des années, on constate que les choses ne vont pas nécessairement en s'améliorant.

Vous avez probablement été surpris comme moi, il y a quelques instants, d'entendre notre collègue de Mercier affirmer haut et fort qu'effectivement il y a une problématique de confrontation de besoins, le besoin du médecin personnel et le besoin de la population. D'ailleurs, le député de Mercier a pris un exemple assez patent, là, qui est celui d'un médecin à temps partiel. Vous avez été probablement aussi surpris d'entendre l'opposition officielle parler beaucoup, beaucoup de procédures et très peu du patient. Parce que c'est lui qui est au coeur, là. Et ce qui est au coeur, c'est le patient qui attend. Alors, nous, on vous rejoint puis on est vraiment très contents de votre présentation, évidemment, et dans l'esprit de votre présentation. Parce que vous, vous êtes le récipiendaire des services quand vous avez accès aux services, puis vous êtes la personne en attente dans la file quand vous avez besoin de services, et vous représentez les usagers.

J'aurais une première question à vous poser. Actuellement, là, avant même... On comprend, là, puis j'ai compris votre point, puis je suis tout à fait d'accord avec votre point, la situation pourrait être meilleure. Mais, dans les dernières années, là, ou dans la dernière année, vous n'avez pas vu de détérioration dans la dernière année?

M. Blain (Pierre) : M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Oui.

M. Blain (Pierre) : Effectivement, nous, le Regroupement provincial des comités des usagers, on est un peu le comité consultatif, si on peut dire, de la population, nous recevons énormément. J'étais, la semaine dernière, dans une résidence pour personnes âgées, ici, Côté-Jardin, et avec des gens formidables d'un certain âge, et je leur posais la question : Est-ce que vous avez un médecin? Ils disaient : Bien, on a un médecin dans la résidence. Donc, pour moi, effectivement, les besoins sont comblés. Comme tel, je n'ai pas vu effectivement de détérioration, sauf que je n'ai pas vu non plus d'amélioration.

J'ai consulté aussi plusieurs personnes parce que... Peut-être, certains d'entre vous le savez, mais j'ai travaillé dans le milieu du sida aussi, et c'est des problématiques de santé qui sont multiples. Donc, je me suis renseigné pour voir avec des gens, des amis, des collègues, et d'autres personnes, et aussi avec d'autres personnes qui ont des maladies chroniques, et, pour eux, ils disent, quand ils sont traités par leurs médecins... Parce qu'ils ont un médecin de famille, ils peuvent le faire. Et, pour eux justement, quand on parle d'un rendez-vous, j'ai dit : Combien de fois par année avez-vous un rendez-vous d'une heure avec votre médecin? Bien, on n'en a pas. Autrement dit, ils ont accès, ça se fait, et la qualité de l'acte est là. Maintenant, la différence, c'est qu'il faut que tout le monde le mette de la même façon et le comprenne.

M. Barrette : Parfait. Donc, je vous posais la question, évidemment elle était un peu biaisée, parce que, souvent, bien des gens...

M. Blain (Pierre) : Je vous connais.

M. Barrette : ...bien des gens affirment qu'avec les efforts de retour à l'équilibre budgétaire on coupe des services. Mais vous qui parlez au nom des usagers, là, vous n'avez pas une recrudescence de plaintes à cet effet-là?

M. Blain (Pierre) : Absolument pas.

M. Barrette : Mais, au fil des années, je comprends que vous avez observé que l'offre, là, sur une période de 15 ans, n'allait pas en augmentant, elle allait plutôt en diminuant. Est-ce que je me trompe?

M. Blain (Pierre) : Absolument. Selon nous justement... Et ça, ce sont les chiffres qui parlent. Comme je vous dis, dans certains cas, les chiffres, on en fait ce qu'on veut, mais, dans ce cas-ci, je pense qu'ils sont extrêmement importants. Il y a eu diminution du nombre d'actes. Il y a une tendance qui se manifeste aussi, et on l'a vu avec des groupes de médecins, des groupes de jeunes médecins qui disent : Bien, nous, on veut justement, peut-être, avoir une autre qualité de vie qu'on n'avait pas dans le temps. Mais, pour moi comme tel, on n'a pas de détérioration comme telle, mais je pense qu'il faut qu'on améliore.

Ce que vous disiez ce matin, en ouverture, M. le ministre, concernant le moins 24 °C, moi, je dis aux usagers, quand ils m'appellent puis : «J'ai été obligé d'attendre dehors avec mon petit bébé», bien, je dis : Allez à l'urgence. J'aime mieux que vous alliez à l'urgence. Comme ça, au moins, vous allez être assis à l'intérieur puis vous ne serez pas sous la pluie. Mais ce n'est pas ça, un service de première ligne. Un service de première ligne, c'est de pouvoir avoir accès, c'est de pouvoir organiser ses services pour qu'on prenne un rendez-vous par Internet. C'est ça, un service de première ligne, et c'est de ça qu'on a besoin, et c'est comme ça qu'il faut qu'on l'organise.

M. Barrette : Et je suis bien d'accord avec vous. Et ce qui m'impressionne dans ce que vous me dites, c'est que, et ça, je n'ai jamais été vraiment, nécessairement, conscient de ça parce que... Je suis content que vous soyez là, parce que souvent vous devez vous sentir comme oubliés, là, dans tout cet appareil-là, là. Mais on vous appelle, c'est ça que vous nous dites, là. Il y a plein de citoyens, patients, citoyennes qui vous appellent parce qu'à toutes les portes qu'ils frappent, bien, ça ne répond pas.

M. Blain (Pierre) : On reçoit des appels continuellement à nos bureaux, aussi dans des courriels. Nous sommes justement le haut-parleur de ces usagers quand on vient ici devant vous. Nous recevons ces plaintes-là. Le nombre de personnes qui sont désespérées : Je n'ai pas de médecin de famille, qu'est-ce que je peux faire? Bien, je ne peux pas vous aider, mais peut-être qu'on peut voir ensemble des solutions. Et, oui, effectivement, il y a des choses à faire, mais surtout il faut écouter. Mais le problème, c'est une question d'organisation. On a suffisamment de médecins, on l'a dit. Moi, j'ai rencontré des médecins absolument formidables, j'ai eu un petit problème de santé récemment, mais sauf qu'il y en avait trois. J'aurais peut-être pu en voir un seul plutôt qu'en voir trois, alors les deux autres auraient pu faire autre chose.

Je donnais l'exemple aussi d'une personne diététique. En même temps qu'est arrivé... qu'on a diagnostiqué à un de mes amis qu'il pouvait être diabétique, pardon, en même temps il y a eu un de mes employés qu'on disait qu'il pouvait être diabétique. La différence de traitement entre les deux, c'est que le médecin, dans un cas, a passé une heure avec lui pour lui dire : «Ne mange pas de tomates, il y a trop de sucre là-dedans», et, à côté, c'était plutôt une diététicienne qui a donné les mêmes conseils. C'est là justement, travailler en commun.

On parle justement que 70 % des prescriptions des médicaments ne sont pas respectées. Bien, je pense que c'est aux pharmaciens à expliquer correctement comment prendre un médicament, et c'est là, je pense, qu'à ce moment-là les médecins pourraient se concentrer sur des choses essentielles.

M. Barrette : Parce que ça, ce que vous dites là, là, les usagers s'en rendent compte, là. C'est ce que je comprends.

M. Blain (Pierre) : Ce que je vous dis là, moi, M. le ministre, c'est du gros bon sens. Nous autres, on est plancher des vaches. Et c'est ça qu'on nous dit et c'est ça que tout le monde nous dit quand ils nous appellent : Moi, là, achalez-moi pas avec les chiffres, ce que je veux avoir, c'est accès à un médecin. Et c'est ce qu'on vous demande, le droit d'avoir accès à un médecin. Et je pense qu'on a suffisamment de médecins, on a suffisamment de médecins dédiés au Québec pour qu'on puisse y avoir accès.

M. Barrette : O.K. Je reprends un peu les chiffres que vous avancez. Vous, vous êtes confortable avec ce que vous avancez comme chiffres, là, vous considérez que c'est des chiffres qui sont fiables, là.

M. Blain (Pierre) : Bien, je ne vois pas comment on peut être autrement. Ces chiffres-là, en passant, parce que plusieurs ont dit : On a été appelé trop tard pour se préparer pour la commission parlementaire, j'ai présenté ces chiffres-là, là, le 9 décembre dernier. D'ailleurs, Mme Lamarre était à la même réunion que moi ici, à Québec, Je les ai présentés à un journaliste du Devoir. Donc, autrement dit, moi, déjà depuis le dépôt du projet de loi, j'ai commencé à me préparer pour venir devant vous, parce que je savais que j'étais pour être appelé.

M. Barrette : Vous aviez raison, puis je suis très surpris que d'autres organisations n'aient pas eu la même certitude, mais ça, c'est une autre affaire. Mais vous vous êtes préparé, et je vous en félicite et en remercie.

Écoutez, j'ai envie de vous poser une autre question, mais une question d'usager, là, hein, puis tantôt, là, vous avez dit, là... Vous avez fait référence à un patient qui est très malade, qui a une maladie plus sévère, plus chronique. Parce que les maladies chroniques, on s'entend, ne sont pas toutes sévères, là, hein? Parce qu'il y a beaucoup, beaucoup d'emphase mise là-dessus, puis les gens font l'équation souvent, dans, je dirais, les groupes d'intérêts, là... maladie chronique, sévérité, ça ne va pas nécessairement ensemble, on s'entend là-dessus, là.

M. Blain (Pierre) : Absolument.

• (10 h 30) •

M. Barrette : Et vous faisiez référence au fait qu'il y a... des patients — et j'en suis, là, je suis d'accord avec vous, là — peuvent avoir besoin d'être vus pendant une heure, on s'entend là-dessus, il y a des patients plus lourds que d'autres. Mais il y a des patients moins lourds. Vous, là, dans votre organisation, je vois que les gens sur le terrain vous parlent et, à la limite, se confient, parce que probablement qu'il y a des gens qui vous disent des choses qu'ils ne diraient pas à d'autres, ils n'iraient pas devant une caméra raconter ça. Est-ce que vous sentez, là, que, quand on a un problème mineur, le fait d'être vu pendant 15, 20 minutes, là, c'est un problème? Est-ce que les gens sortent de là en se disant constamment insatisfaits, ou on peut conclure que, oui, oui, il y a des problèmes qui peuvent se régler rapidement?

M. Blain (Pierre) : Moi, je pense que, d'abord, c'est une qualité de communication entre un professionnel et un usager. C'est ça, la chose la plus importante et c'est ça aussi qu'il faut que les professionnels apprennent à faire. J'ai vu, malheureusement... J'ai vécu une expérience extrêmement difficile dans ma vie, quand ma belle-mère a été... devait avoir une chirurgie cardiaque et que, le médecin, le chirurgien, de la façon qu'il lui parlait, j'ai été obligé d'intervenir, et je lui disais : Vous ne parlerez pas à madame de cette façon-là, elle a 84 ans, elle est malade et, demain, elle est opérée, pouvez-vous être raisonnable aussi dans la façon...

Donc, non, je pense que les médecins peuvent donner un service de qualité, bien sûr, en comprenant bien la situation. On a vu aujourd'hui, dans le journal, des problématiques, entre autres, avec une personne qui s'était suicidée. J'ai vécu exactement le même problème avec un de mes amis qui s'est suicidé, qui avait vu trois médecins, qui était allé chercher des prescriptions partout, mais c'est tout simplement qu'il y a un manque de coordination. Mais d'abord, le médecin, il faut qu'il fasse son travail. Il faut qu'il le comprenne bien.

M. Barrette : Je vais aller toujours dans cette direction-là, puis je suis content que vous l'abordiez, votre réponse, je ne pensais pas que vous alliez aller là, mais ça fait bien mon affaire, parce que, vous avez raison, j'allais y revenir un petit peu plus tard, puis vous allez comprendre où je veux aller... La communication, c'est essentiel. Puis probablement que vous allez être d'accord si je dis que le citoyen, là, parce que les citoyens ne sont pas tous des patients, là, ils ne se rendent pas tous à l'hôpital, là, mais appelons-le le citoyen, il a un grand lien de confiance avec son médecin.

M. Blain (Pierre) : C'est le plus grand lien de confiance qu'on peut avoir. Si on n'est pas capable de faire confiance à son médecin, à ce moment-là autant ne pas remettre nos mains et notre vie, dans beaucoup de cas, à un médecin. Dans certains cas, on veut avoir une seconde opinion, bien sûr, parce que, quand on arrive dans des problématiques plus graves comme le cancer, on veut... ce n'est jamais vrai. Mais sauf que la communication est l'élément essentiel.

Et c'est pour ça que j'ai beaucoup d'admiration pour ce que l'Université de Montréal a fait avec sa faculté de communication, qu'ils montrent comment communiquer à un médecin. Pour moi, c'est essentiel. Et d'ailleurs je l'ai vu même, maintenant, dans la communication que les jeunes médecins peuvent avoir. J'ai tombé à terre, depuis quelques mois, quand je me présente dans un cabinet de médecin puis qu'il me donne la main quand j'arrive : Bonjour. Mais, mon Dieu! c'est le monde à l'envers.

M. Barrette : Alors, je vais aller... Ah! puis vous avez tout à fait... Oui, bien, j'ai tendance à dire que vous avez raison, mais on ne s'en ira pas là à matin, pas de mon bord. Mais je vais aller un cran plus loin. Vous savez, dans le projet de loi, il y a un concept qui s'appelle l'assiduité, et moi, je postule... puis vous me direz ce que vous en pensez, là, parce que ce n'est pas une question à laquelle probablement vous vous attendez, là. Il y a des gens qui disent que l'assiduité, ça ne marchera pas, hein? Il y a des gens qui disent... Parce que nous, on dit : Chers médecins, adaptez votre pratique à la population, affichez vos rendez-vous, et le patient, quand il va en avoir besoin, il va venir chez vous. Et les gens disent : Non, non, non, ils vont aller ailleurs, et là je vais être pénalisé. Et moi, je postule, puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus... C'est que le citoyen, là, M. et Mme Tout-le-monde, là, vous, moi, on va aller d'abord chez la personne qui nous connaît et en qui on a confiance avant d'aller voir une tierce partie à qui on va devoir raconter à nouveau. C'est le contraire : à partir du moment où le lien est là, l'assiduité va se faire toute seule, à la condition que la disponibilité soit là. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Blain (Pierre) : C'est pratiquement pareil comme si j'étais d'accord avec vous tout le temps, ce qui n'est pas tout à fait le cas, vous le savez.

M. Barrette : Non, je le sais, la dernière fois, vous n'étiez pas d'accord avec moi tout le long, au projet de loi n° 10.

M. Blain (Pierre) : Non, mais ce que je veux dire, c'est que vous avez raison, parce que moi, j'ai la chance d'être dans un groupe... d'avoir un médecin, une femme médecin qui est dans un groupe de médecine familiale et, à partir de ce moment-là, je suis toujours rassuré parce que c'est toujours le même dossier qu'on voit, peu importe, je n'ai pas besoin de raconter à chaque fois mon histoire, parce que le dossier est là, et tout est là. Par conséquent, je vois toujours, dans le fond, mon médecin, qui, elle, si jamais elle n'est pas là, pourrait me rassurer en me passant à quelqu'un d'autre qui le fait.

Mais moi, je ne vois pas... Présentement, justement, ce n'est pas la plainte que les usagers ont. Oui, parfois, la plainte qu'ils ont, c'est de dire : C'est difficile de voir même son médecin attitré. Bien sûr, si c'est parce qu'on a une grippe, je pense que ce n'est pas nécessairement là qui est la chose la plus importante, mais, dans un groupe de médecine familiale, on est capables de le faire. Mais, quand c'est notre santé comme telle qui a été diagnostiquée lors d'un rendez-vous d'examen médical et qu'on a des suivis, je pense que c'est là justement l'assiduité qu'on doit avoir dans son médecin, principalement.

M. Barrette : Et là je vais vous demander une question, je pense, difficile pour vous, là, parce que ça vous demande un peu de porter un jugement sur le grand public, là. Moi, je pense que, si l'offre des services et les plages de rendez-vous étaient plus grandes — puis c'est ça qui est l'objectif — ce n'est pas vrai que les patients vont se garrocher pour aller voir le médecin pour rien. C'est une crainte qui est souvent exprimée par les médecins. Dans le projet de loi n° 20, ils me disent : Oui, mais là, là, si vous mettez des plages, là, puis vous nous forcez à afficher des plages, là il y a plein de monde qui vont se précipiter pour venir, puis ce ne sera pas nécessaire qu'ils viennent. Qu'est-ce que vous en pensez, de ça?

M. Blain (Pierre) : Moi, je ne vois pas... Effectivement, ça, c'est... De toute façon, c'étaient des propositions qui ont été faites par la Fédération des médecins omnis, qui avait dit : On va ouvrir des plages. Moi, je dis : Ce n'est pas la solution, ouvrir des plages. Ce n'est pas ça, le problème, c'est d'avoir accès à un médecin de famille. C'est ça, la différence. Ouvrir des plages, c'est d'avoir accès à un médecin, point. Ce n'est pas avoir accès à un médecin de famille. C'est ça, la différence. Cependant, il faudrait que le médecin de famille puisse avoir des plages pour voir ses patients, ses usagers, ses propres personnes qu'il s'occupe, quand ils doivent être vus par lui, parce qu'il juge important d'être vu par son médecin. C'est ça, la plage ouverte.

M. Barrette : Alors, si je résume, là : Dans votre lecture, vous, de l'angle de l'usager, là, qui regardez le système, dans votre lecture, c'est clair qu'il y a de la capacité non offerte.

M. Blain (Pierre) : Moi, j'ai été un peu renversé quand on a commencé à parler que justement beaucoup de médecins préféraient travailler à temps partiel. Et là je me suis rappelé mes vieux cours d'économie, là, la pyramide de Maslow, là, qui dit qu'une fois qu'on a comblé les besoins économiques de quelqu'un, après ça, ce n'est plus ça qui compte, c'est la qualité de vie, c'est la couleur de la Mercedes, peut-être, ou des choses comme ça. Ce qui est important, c'est : Ayons des médecins qui vont vouloir travailler. Et je pense que, même avec des ouvertures, on est capables d'avoir accès à tout le monde. Mais qu'on ne vienne pas nous dire : Présentement...

J'ai lu d'autres choses aussi qui m'ont un peu troublé. D'entendre des médecins, des jeunes médecins qui disent : Bien, nous, on ne voudrait pas travailler tout seuls parce qu'on a peur, on n'est pas capables de consulter... Je pense que tous les médecins ont toujours consulté, même s'ils étaient en cabinet privé. Je me souviens du Dr Badeau, quand j'avais 6 ans, puis qui n'était pas sûr si j'avais une infection, puis qui appelait un de ses collègues, là. Donc, je pense que ces consultations-là peuvent se faire. Donc, pour moi, c'est un faux problème.

M. Barrette : Du côté de la PMA, si on va de l'autre côté du projet de loi, est-ce que j'ai bien compris votre position à l'effet que vous voulez... vous êtes en faveur d'une gradation des interventions permises?

M. Blain (Pierre) : Premièrement, pour nous... La première des choses, c'est un problème de santé. Une femme qui a besoin d'avoir assistance pour procréer, c'est un problème de santé. Par conséquent, on doit lui donner des facilités pour qu'elle puisse le faire, c'est certain.

Ensuite de ça, c'est les experts qui vont pouvoir nous dire l'âge, est-ce qu'il entre en considération, est-ce que le nombre, etc. Nous, on n'est pas en mesure de le dire, sauf que, nous, ce qu'on sait, c'est que les personnes qui veulent avoir un enfant, des femmes qui veulent avoir un enfant, et je dis bien : Des femmes qui veulent avoir un enfant, à ce moment-là, devraient avoir la possibilité d'avoir des enfants.

M. Barrette : Vous n'avez pas pris formellement position quant aux modes de soutien financier que l'on offre. Et, dans le mémoire, vous n'avez pas pris...

M. Blain (Pierre) : Non, on n'en a pas...

M. Barrette : Est-ce qu'il y a quand même des commentaires que vous pouvez nous relayer du grand public que vous représentez?

M. Blain (Pierre) : Oui. C'est bien sûr, c'est un peu gênant de commencer à parler de gros sous dans ce temps-là, sauf que je pense que... Si on établit des balises et qu'on établit le nombre de possibilités, etc., je pense qu'à partir de ce moment-là on va y répondre, à ces balises-là, et on va pouvoir le faire. Moi, je pense... je ne sais pas. Je ne veux pas rentrer dans une guerre de chiffres pour savoir : Est-ce qu'on devrait dépenser 100 millions ou 200 millions? Mais, pour moi, c'est plutôt... plus général que ça.

M. Barrette : Sur le principe... En fait, je ne vous demande pas votre opinion personnelle, je vous demande la perception que vous ressentez des gens.

• (10 h 40) •

M. Blain (Pierre) : La perception qu'on a reçue, parce que, ça, on avait... Les commentaires qu'on vous a donnés là, c'est exactement les mêmes commentaires, parce que nous avions été consultés par le Commissaire à la santé, et j'ai pratiquement reproduit textuellement ce que j'avais mis au Commissaire de la santé quand il a présenté ses balises et qu'il a présenté son mémoire. Nous, c'est exactement la même chose. Donc, par conséquent, on pense que ça doit être restreint, ça doit être revu, qu'on doit restreindre jusqu'à un certain point, et on pense surtout que ça doit être surtout dans des établissements publics, parce qu'on a investi beaucoup, et je pense que c'est un service essentiel, bien sûr.

M. Barrette : Une dernière chose : Est-ce que vous considérez que de consulter avant d'édicter un règlement, c'est une bonne chose?

M. Blain (Pierre) : Je ne voudrais pas rentrer là-dedans. Pour moi, étant donné que j'ai été... Pour moi, chaque commission fonctionne différemment. Je pense qu'on est capables de faire valoir des choses et je pense qu'en passant j'ai mis un peu de balises pour les directives qui devraient être mises en place. Et je pense que c'est la tâche d'un parlementaire de faire valoir ces points de vue là. Et je dis aussi : Je pense que, M. le ministre, vous devriez retourner à la table de négociation avec les fédérations de médecins.

M. Barrette : J'y suis à toutes les semaines, mais je suis tout seul.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la parole aux collègues de l'opposition officielle et, en ce sens, je cède la parole à la collègue de Taillon pour une enveloppe de 12 minutes.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Ménard, M. Blain, bienvenue. Merci pour votre présentation. Vous savez que la dimension des usagers, des patients est quelque chose qui est vraiment essentiel. Je suis porte-parole de l'opposition en santé et accessibilité aux soins, et c'est une priorité pour moi. Dans ma pratique, j'ai été à même de recevoir au quotidien des milliers de gens qui, dans toutes sortes de contextes, subissaient des conséquences d'un manque d'accès à notre système de santé.

Pendant tous les débats qui ont eu lieu sur ce sujet-là, on a beaucoup fait référence à la différence entre avoir un médecin de famille, c'est-à-dire être inscrit auprès d'un médecin de famille, et avoir accès vraiment à son médecin de famille quand on est malade. Et on est capable de dire, dans l'accès à son médecin de famille, d'avoir aussi une vision de travail d'équipe, c'est-à-dire qu'à l'intérieur d'un groupe de médecins, si mon médecin habituel n'est pas là mais qu'un autre médecin, qui a accès à mon dossier, à mes antécédents, à mon histoire familiale, peut avoir accès, ce serait bon. La maladie, ça frappe le soir, les fins de semaine. À quel endroit dans le projet de loi n° 20 voyez-vous une meilleure garantie d'accès au système de santé les soirs et les fins de semaine?

M. Blain (Pierre) : À mon point de vue, ce seront les engagements que les médecins devront prendre. La première des choses, si on parle d'accès à un médecin de famille, c'est bien sûr accès à un cabinet. Pour moi, c'est... Le soin primaire est donné d'abord par les cabinets de médecin. Par la suite, quand on a besoin d'un autre niveau, on a accès aux spécialistes et on a accès aux hôpitaux. Mais, comme tel, avoir accès à un médecin de famille, c'est surtout pour prendre soin de sa santé en général.

Ce que vous me posez comme question, en réalité, c'est : Accès à un médecin, et, pour moi, c'est là où, présentement, les groupes de médecine familiale, même si on dit qu'ils doivent être ouverts de 8 heures le matin à 8 heures le soir, sept jours par semaine, mais je... de 8 heures à midi, ce n'est par ailleurs pas suffisant pour avoir juste accès à un médecin, parce qu'à ce moment-là le reste du système devra toujours continuer à compenser l'accès comme tel à un médecin, pas à son médecin de famille mais à un médecin.

Mme Lamarre : Alors, je suis bien d'accord avec vous et je pense que l'augmentation d'un volume d'actes... je ne suis pas certaine qu'à ce moment-ci ça nous donne la garantie qu'on recherche de l'étalement de ces actes-là. Et l'étalement de ces actes-là est probablement une dimension très importante dans le manque d'accès qu'on a actuellement.

Et je vous dirais même que, pour tout le monde ici qui avons une préoccupation aussi de faire que chaque dollar va être utilisé de façon optimale... Si je prends l'exemple de quelqu'un qui a un zona, si les symptômes commencent en après-midi, tous les rendez-vous ont été donnés, et, ce patient-là, sa seule porte d'entrée actuellement, ça va être l'urgence d'un hôpital, qui n'est pas optimale, parce que ce n'est pas une priorité P1, P2, P3, P4. Ça va être un P4, P5. Et on a besoin, par contre, d'avoir un traitement rapide dans cette maladie-là.

Donc, le projet de loi n° 20, on le voit, il crée beaucoup de mécontentement, beaucoup d'insatisfactions, avec certains effets où on entend des médecins qui vont se dire : Moi, je vais prendre ma retraite plus vite; moi, je vais changer ma pratique, je vais passer du système public au système privé. Et pourtant, même si on augmente du volume, on n'a toujours pas les garanties qu'on n'aura pas inutilement recours à l'urgence, qui coûte très cher, hein, une consultation à l'urgence, ça, c'est 250 $ juste pour entrer puis ouvrir un dossier, alors que c'est autour de 30 $ si on va voir un médecin de famille, puis ça pourrait peut-être être moins si on voyait une infirmière praticienne spécialisée ou un pharmacien. Donc, comment vous voyez, encore une fois, l'amélioration de cette garantie d'accès dans le projet de loi n° 20? Qu'est-ce qui pourrait être amélioré pour qu'on ait cette garantie d'accès là, cet étalement des heures?

M. Blain (Pierre) : Si je peux me permettre, je dois vous donner raison dans beaucoup de points là-dessus. Pour moi, c'est une question d'organisation de services. Ça nous prend des cliniques qui sont ouvertes peut-être 24 heures. Justement, c'est une organisation autre. C'est aux médecins, peut-être, à organiser quelque chose, semblable, pour faire en sorte qu'on puisse couvrir plus largement un ensemble comme ça.

Le problème que j'ai déjà entendu dans le passé... Parce que j'étais président de la fondation d'un hôpital, et nous autres, on avait voulu payer un médecin à l'urgence, mais on disait : Non, vous ne pouvez pas faire ça, parce qu'on n'est pas certains d'avoir le volume. Alors, le problème va se reposer encore une fois de la même façon, c'est-à-dire... Ça va être encore une fois une question de gros sous : Est-ce que je vais faire assez d'argent si je reste ouvert 24 heures par jour?, malheureusement. Par conséquent, est-ce qu'il faut aller plutôt vers une autre forme de rémunération? Est-ce qu'il faudrait plutôt revenir à l'idée de nos CLSC qui pourraient, eux, être ouverts plus loin?

Moi, c'est drôle, hein, en France — encore une fois, je vais vous parler de la France, mais j'ai beaucoup d'amis médecins français, mais qui sont salariés — ce sont des salariés. Ils ne sont pas des personnes qui sont traitées à l'acte. Ils sont salariés. Je ne vous dis pas qu'ils travaillent 24 heures par jour, là, ce n'est pas ça que je vous dis, sauf qu'on a un accès beaucoup plus facile à partir de ce moment-là. Mais je pense que c'est une question... Et vous avez tout à fait raison, peut-être que le projet de loi ne rentre pas là-dedans, pour cette partie-là, mais, pour moi, c'est une question d'accessibilité, c'est une question d'organisation.

Mme Lamarre : J'apprécie beaucoup toute la dimension que vous avez faite au niveau des comparaisons. Vous savez que c'est sûr qu'on a des chiffres. Au briefing technique, le ministère nous a donné d'autres chiffres. Et on peut vraiment aller dans des guerres de chiffres et des interprétations de chiffres et d'heures travaillées, de jours travaillés, inclure des heures de formation, et tout ça. Il reste qu'un médecin de famille ne fait pas que voir des patients, il doit aussi analyser des résultats de laboratoire, il doit aussi préparer ses rendez-vous avec les médecins, il doit faire des suivis, des rappels téléphoniques de patients le soir, et tout ça.

Je vois aussi que vous avez regardé... Puis vous êtes le Regroupement provincial des comités des usagers, donc vous devez aussi avoir des liens avec d'autres provinces. Par exemple, en Ontario, les médecins de famille ne sont pas soumis à des activités médicales particulières à l'hôpital, à tout le moins. Comment vous voyez ça, comme différence? Et, quand vous rencontrez des gens en Ontario, qu'est-ce qu'ils vous disent par rapport à l'utilisation des médecins de famille, et aux spécialistes aussi, parce qu'il y a un travail qui se répartit? Qui fait les heures que les médecins de famille font en activités médicales particulières dans les urgences en Ontario? Qui les fait, ces heures-là?

M. Blain (Pierre) : Je suis sûr que M. le président va me permettre de parler jusqu'à 4 heures cet après-midi sur ce sujet-là.

Le Président (M. Tanguay) : De consentement, on peut tout faire.

M. Blain (Pierre) : Vous avez tout à fait raison. Et c'est la différence majeure qu'on a entre le Québec et, peut-être, d'autres provinces. Je ne vous dis pas que c'est aussi bon, là, en Ontario, ce n'est pas ce que je dis du tout. Il y a un système d'organisation qui est différent. Les médecins à qui j'ai parlé et les usagers aussi... Parce que notre système comme tel est à peu près unique. Effectivement, nous, ici, on a fait le choix de demander aux médecins de s'orienter... de faire du travail aussi en centre hospitalier, et, pour moi, c'est un choix de société qu'on a fait. Est-ce que c'est le bon choix? Bien, c'est à vous de le juger. Mais moi, pour les médecins à qui j'ai parlé en Ontario — parce que j'ai des amis même là — ils me disent : Bien, nous autres, on ne voudrait plus retourner dans le système du Québec. Parce que plusieurs médecins du Québec ont été de l'autre côté, parce que, pour eux, ils pensent qu'ils sont capables de mieux se concentrer sur la problématique de leurs médecins.

C'est pour ça qu'on a été bien naïfs dans nos chiffres, hein, comme vous le voyez. On n'a même pas calculé, dans les heures... On a mis les heures d'activités médicales particulières, mais on n'a pas calculé si ça devait rentrer dans un décompte. On n'a pas voulu rentrer là-dedans. Mais, oui, vous avez raison, peut-être que notre système au Québec devrait être repensé pour que justement les hôpitaux soient peut-être desservis différemment. Est-ce que c'est envisageable? Je ne le sais pas, je ne suis pas un spécialiste là-dedans, mais sauf qu'on voit ailleurs des choses qui se passent.

• (10 h 50) •

Mme Lamarre : Au niveau de la procréation assistée, qu'est-ce que c'est, la réaction des usagers? Parce que vous représentez ces usagers. On pense souvent aux usagers âgés, mais, dans ce cas-ci, ce sont des usagers jeunes, des couples qui recherchent à avoir un enfant. Comment ils réagissent par rapport au projet de loi?

M. Blain (Pierre) : La peur, oui, effectivement, parce qu'on ne veut pas être restreint dans son choix. La différence aussi, quand une femme décide d'avoir un enfant, ça peut se passer peut-être à un âge différent dans sa vie. Plusieurs femmes maintenant ont décidé d'avoir des enfants vers la fin de la trentaine, et c'est peut-être juste à ce moment-là que le problème peut se poser.

Par conséquent, oui, ce qu'on a entendu, c'est des gens nous dire : Bien, on ne voudrait pas avoir de restriction. Mais, pour moi, entre ne pas avoir de restriction et d'avoir juste un bar ouvert, je pense qu'il y a une marge à faire, et, à ce moment-là, je pense que vous autres, vous aurez... en mesure de peut-être balancer cette marge-là. Mais, oui, il y a présentement une peur qui peut s'établir, mais sauf que je pense que vous pouvez les rassurer facilement en faisant ça.

Mme Lamarre : On est tout à fait d'accord, tout le monde, je pense, sur le fait que le projet de loi qui a été adopté à l'époque, en 2012, par le ministre Bolduc était un projet de loi qui méritait d'être recadré. Maintenant, quand on recadre, des fois on cadre trop petit. Et là on a un peu le sentiment, lorsqu'on entend les gens, de dire qu'on a créé un désincitatif à la procréation médicalement assistée et qu'on fait en quelque sorte un obstacle à l'accès, parce qu'on demande aux gens de débourser d'avance pour quelque chose qui, malheureusement, ne donne pas un résultat garanti. Et, même s'il y a des remboursements prévus, il reste qu'il y a un investissement de base à faire. Est-ce que des gens vous ont parlé du fait que cette situation-là les empêcherait finalement de demander accès à la procréation assistée, des usagers éventuels?

M. Blain (Pierre) : Oui, bien sûr. On veut s'assurer que, justement, un problème d'argent ne devienne pas une contrainte. Ça, c'est une chose qui est importante. Si c'est un problème de santé, il ne faut pas que ça devienne une contrainte pour ne pas avoir d'enfant, si le diagnostic a été posé et qu'on peut avoir un enfant peut-être avec des moyens. Et c'est là la différence aussi et c'est là où il faut revoir peut-être certains aspects du projet de loi.

Le Président (M. Tanguay) : Ceci met fin donc à la période de temps dévolu aux représentants de l'opposition officielle. Je cède maintenant la parole au collègue de Lévis, je crois, pour une période de huit minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Blain, bienvenue, M. Ménard. Content de vous revoir également, content de vous entendre. Content parce que vous représentez ceux pour qui on parle aujourd'hui dans un projet qui manifestement les touche. Et c'est à travers ce discours-là et cette vision-là, je pense, qu'on devra prendre des décisions et qu'on devra surtout travailler. Vous en êtes. Et vous m'avez fait sourire tout à l'heure, parce que vous me disiez et vous nous disiez : Vous savez, il y a des gens qui disent qu'on n'a pas eu le temps de se préparer, mais je l'étais. M. Blain, on vous aurait demandé de vous présenter il y a deux ans, vous auriez été prêt, hein? Vous êtes toujours prêt à vous présenter, parce que vous les suivez de près, et j'apprécie.

La perception du patient, j'y reviens. On a donné beaucoup de chiffres, vous en donnez également, et il s'est dit des choses sur la force de travail, le nombre de jours travaillés et puis, bon, le médecin qui veut en faire moins, le médecin veut en faire plus. Quelle est la perception de ceux que vous représentez? Est-ce que les gens ont l'impression que les médecins ne travaillent pas assez? Quelle est la perception de l'usager et du client sur le système actuel?

M. Blain (Pierre) : Moi, j'ai l'impression plutôt que ce n'est pas que le médecin ne travaille pas. Plutôt, c'est qu'il n'y en a pas assez. Et c'est ça, la différence, je pense. Les médecins offrent des services et, dans certains cas, l'usager ne sait pas où aller le chercher. Si le groupe de médecine familiale était vraiment mis en place, si on travaillait en collectivité, à ce moment-là on saurait qu'on peut se présenter dans notre clinique, et on pourrait avoir des choses, puis on pourrait être servi rapidement parce que... Je prends le mot, intentionnellement, «servi» parce que, pour moi aussi, ça en fait partie de ça, c'est du service, et, pour moi, c'est là, c'est une question d'organisation. Donc, non, ce n'est pas que les médecins ne travaillent pas, ce n'est pas ça. C'est qu'on a l'impression qu'ils ne sont pas là, qu'il n'y en a pas assez. Le médecin imaginaire plutôt que le malade imaginaire.

M. Paradis (Lévis) : M. Ménard.

M. Ménard (Claude) : Je vais vous donner un exemple que j'ai vécu tout récemment. Une bonne amie à moi a besoin d'une réquisition pour une mammographie, pour une chirurgie quelconque, contacte son médecin de famille, et le médecin de famille dit : Je veux te voir pour pouvoir signer ta réquisition. Est-ce qu'il y a obligation, est-ce qu'il y a nécessité? Quand on parle d'organisation du travail, je pense qu'une autre personne aurait pu prendre sa place puis, un, sous l'autorisation du médecin, remplir la réquisition sans être obligée de voir cette personne-là. Quand on parle d'organisation de travail, je pense qu'il faut revoir certains aspects au niveau de façon de faire.

M. Paradis (Lévis) : Je m'accroche à ce que vous me dites là, vous l'avez dit également, M. Blain, vous avez dit «gestion», et vous avez raconté l'histoire de cette personne qui passe une heure avec le médecin pour avoir des conseils en diététique, alors qu'on aurait pu faire le travail autrement. Pourquoi ça ne se fait pas, selon vous, actuellement? Pourquoi on ne délègue pas comme ça? Est-ce que le mode de rémunération actuellement... Est-ce que la façon de faire fait en sorte qu'on n'a pas ce réflexe-là?

M. Blain (Pierre) : Je ne pense pas que ça soit une question juste de rémunération. Je pense que c'est plutôt une question de mentalité de certains médecins. On l'a vu, bon, on vient de commencer à vouloir déléguer les actes à des infirmières, on vient de commencer de vouloir déléguer des actes à des pharmaciens, et je pense que c'est ça plus qu'autre chose. C'est un vieux réflexe, c'est le vieux réflexe justement d'un système de santé qui était paternaliste puis qui commence à être dépassé.

M. Paradis (Lévis) : Le ministre disait tout à l'heure, il a commencé sa phrase comme ça, il a dit : «Il y en a qui disent», pour amener une situation et vous la faire commenter. Je vais faire la même chose : Il y en a qui disent que, si on modifiait le mode de rémunération en introduisant le principe de la prise en charge du patient, et pas seulement l'acte, qu'on s'occupe d'un patient puis on est rémunéré pour le patient qu'on s'occupe, on se l'approprie, on a un incitatif de suivre un patient, que, si on rééquilibrait cette méthode de rémunération là avec une méthode mixte, on se donnerait une chance. Vous réagissez comment?

M. Blain (Pierre) : Vous avez tout à fait raison. C'est là-dessus qu'on conclut notre mémoire, à ce niveau-là. On pense que, présentement, ce n'est pas juste le fait d'avoir de la rémunération à l'acte, il faut maintenant qu'on passe dans une autre façon de rémunérer, c'est-à-dire à l'activité et peut-être un système mixte. Certains disent qu'il faut revenir peut-être au concept même du salariat. Bien, réfléchissons ensemble, mais je pense que la prise en charge à l'activité, je pense, pourrait solutionner beaucoup de choses. Et, à partir de ce moment-là, la prise en charge de l'activité, en passant, c'est parce qu'un établissement de santé, un hôpital va passer un contrat avec un médecin pour lui dire : Tu vas le suivre, et on va te rémunérer en fonction de ça, puis ça va être un ensemble. Et c'est ça, je pense, qui est une chose importante.

M. Paradis (Lévis) : M. Blain, on a parlé de temps de consultation aussi, il y a peu de temps, vous l'avez abordé dans votre mémoire. Est-ce que vous sentez là une inquiétude de la population également? Parce qu'il a été dit... Et les médecins ont même dit : Écoutez, si on nous met des quotas, si on nous met une charge supplémentaire... Parce que tous les médecins ne voudront pas travailler de la même façon, ne supporteront pas de la même façon. Est-ce que vous sentez cette inquiétude d'une personne qui dit : On ne prend plus le temps de me parler? Parce qu'il y a aussi cette notion importante, vous l'avez évoquée dans le cas de votre mère, prendre le temps d'expliquer, de comprendre puis, à l'occasion, bien, de répéter, parce que l'usager, le patient a besoin de se faire répéter des choses. Craignez-vous que le projet de loi, tel que décrit, modifie la façon de faire et inquiète l'usager?

M. Blain (Pierre) : Vous me permettrez d'être poli : Disons que je pense qu'on essaie de faire peur au monde, malheureusement, et, pour moi, si on fait peur au monde, ils vont avoir peur, c'est certain.

Oui, effectivement, le problème, c'est qu'on veut avoir accès à son médecin, on veut pouvoir lui parler correctement puis on veut pouvoir comprendre ce qu'il nous dit. Le problème est là. Nous, présentement, on essaie de donner des outils aux usagers. Je suis en train de préparer, là, une espèce de petit guide de questions qu'on va donner à l'usager.

Le problème, là, c'est quand on sort du cabinet du médecin puis qu'on nous a donné des grands noms puis toutes sortes d'affaires, on ne sait pas quelle maladie qu'on a en réalité, et il faut qu'on l'écrive. Je pense que c'est là aussi qu'il y a une relation qui doit s'établir avec le médecin. Il faut qu'on travaille avec les médecins pour qu'on puisse avoir justement des solutions pour que l'usager comme tel comprenne bien ce qu'on lui dit et aussi puisse suivre correctement ses traitements. Oui, autrement, il va avoir peur.

M. Paradis (Lévis) : Je saute à une autre question, parce que je ne sais pas le temps qu'il me reste, et puis je voulais l'aborder également, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Un peu moins... 1 min 30 s.

• (11 heures) •

M. Paradis (Lévis) : Ah! O.K. On va tomber à celle-là. J'en ai tellement à vous poser. Je reviens sur la procréation assistée, puis sachant et comprenant que vous n'avez pas nécessairement étudié le phénomène dans son ensemble, en chiffrant, et tout ça, mais comprenons bien, à travers vos propos, dans la mesure où on parle de services offerts aux femmes qui présentent une condition médicale d'infertilité — c'est un programme jeune, depuis 2010 qu'on a un programme tel qu'il est là, il a seulement quatre ans — avez-vous l'impression que, si on se contentait de gérer les abus, de faire en sorte de replacer dans le contexte et d'éviter qu'il y ait des dérives, dans sa forme actuelle, le système, il est valable et solide?

M. Blain (Pierre) : Oui, absolument. Et là la différence est le nombre de fois, on peut mettre des balises, est-ce que c'est vraiment essentiel, etc.? Oui, je pense que vous avez raison, on pourrait peut-être mieux gérer à ce niveau-là.

M. Paradis (Lévis) : Oui. Je compléterai...

Le Président (M. Tanguay) : 40 secondes, 40 secondes.

M. Paradis (Lévis) : Je compléterai, M. le Président. M. Blain, vous dites que vous déplorez que l'on en soit venu à devoir légiférer pour s'assurer que chaque usager ait un médecin de famille. Ce que vous nous dites, c'est qu'il y a moyen de faire autrement. Écoutons les suggestions, agissons autrement, pas obligé de passer par un projet de loi qui en inquiète plus d'un.

M. Blain (Pierre) : C'est une question d'argent, c'est une question de négociation.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. Blain.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous cédons maintenant la parole à notre collègue député de Mercier pour trois minutes.

M. Khadir : Merci, M. le Président. Messieurs, bienvenue. Vous avez mis le doigt... En fait, notre système de santé, on en convient tous, a une maladie qui s'appelle faible accessibilité aux médecins, chez la population. En fait, on est la province canadienne qui a le plus de difficultés, 26 %. Les meilleures sont la Colombie-Britannique et l'Ontario, par exemple, avec d'autres petites provinces, qui sont plus petites en termes de territoire. Mais l'Ontario et la Colombie-Britannique, qui se comparent à nous, ont mis des réformes en place depuis à peu près 10 ans, mais qui ne sont pas du tout... qui ne vont pas du tout, du tout dans le sens de ce que propose le ministre actuellement...

Une voix : ...c'est sûr.

M. Khadir : ...des réformes qui ajustent le financement, agissent en fait sur ce que vous avez dit, par exemple le partage des tâches entre les différents intervenants, une... Vous savez que le projet de loi actuel n'en a pas? Êtes-vous conscient de ça?

M. Blain (Pierre) : Oui.

M. Khadir : Vous avez mis le doigt sur le fait qu'il faut des pratiques plus collectives. Est-ce que vous avez vu quelque chose dans le projet de loi qui adresse ce problème-là?

M. Blain (Pierre) : Non.

M. Khadir : Non. Vous avez parlé du fait que les 19 000 praticiens au Québec, les médecins, se considèrent actuellement comme des entreprises individuelles et qu'il faudrait revoir ça, cette organisation-là, et pour une meilleure reddition de comptes. Est-ce qu'il y a quelque chose que vous avez vu dans le projet de loi qui va dans ce sens-là?

M. Blain (Pierre) : Présenté comme ça, non, absolument pas.

M. Khadir : Non. Ensuite, vous avez dit qu'on a besoin de revoir la rémunération. La rémunération à l'acte, telle que pratiquée actuellement, introduit des problèmes. Vous avez vu des systèmes, par exemple, où des médecins étaient employés, recevaient un... étaient au salariat, et ça semblait mieux fonctionner. Est-ce que vous avez vu quelque chose dans le projet de loi qui va dans ce sens-là?

M. Blain (Pierre) : Ce que je vois, c'est possiblement avoir un accès supérieur à un médecin, alors...

M. Khadir : Mais, le changement de... tu sais, revoir le modèle de rémunération pour l'équilibrer autrement, est-ce que vous voyez quelque chose dans le projet de loi?

M. Blain (Pierre) : Présenté comme ça, non, pas vraiment.

M. Khadir : Non. Vous avez dit que vous pensez, en réponse à mon collègue, que, pour ce qui est de la procréation assistée, si on évitait les dérives, on pourrait fonctionner avec, disons, le cadre actuel, et ça pourrait bien fonctionner. Donc, en fait, vous ne partagez pas parfaitement le point de vue du ministre, dans son projet de loi, qui veut sabrer de manière assez importante dans l'accessibilité à la procréation assistée.

M. Blain (Pierre) : C'est que, pour moi, de la façon que je comprends le projet de loi, c'est un accès à un médecin, à un médecin de famille, et, pour y arriver, on y met justement un contrat entre un médecin et l'État pour qu'il puisse prendre en charge un certain nombre de personnes. Ce que vous me parlez, c'est d'une organisation autre, ce qui n'est pas la même chose.

M. Khadir : Loin de moi, messieurs, l'idée d'essayer de prendre en défaut qui que ce soit, mais je comprends que vous avez tenté d'être...

Le Président (M. Tanguay) : Quelques secondes.

M. Khadir : ...courtois avec le ministre, donc vous avez appuyé le projet de loi. Mais, pour l'essentiel, pour ce qui est du contenu, vous avez énormément d'opinions qui divergent complètement...

Le Président (M. Tanguay) : Merci.

M. Khadir : ...avec le contenu du projet de loi.

M. Blain (Pierre) : Ce n'est pas tant d'opinions qui divergent que des suggestions pour qu'on puisse solutionner...

M. Khadir : ...

M. Blain (Pierre) : Exact.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous vous remercions, bien évidemment, donc vous, les représentants du Regroupement provincial des comités d'usagers.

J'invite maintenant nos prochains invités, les représentants de l'Association des jeunes médecins du Québec, à prendre place. Et nous suspendons quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 5)

(Reprise à 11 h 8)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous recevons maintenant les représentants de l'Association des jeunes médecins du Québec. Alors, bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation. Par la suite s'ensuivra un échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous. S'il vous plaît, bien prendre soin de vous nommer, de nous donner vos fonctions, et par la suite vous disposez de 10 minutes. Merci.

Association des jeunes médecins du Québec (AJMQ)

M. Gladu (François-Pierre) : D'accord. Donc, François-Pierre Gladu, président de l'Association des jeunes médecins depuis quelques années. Je suis médecin de famille à Montréal, en cabinet et en établissement. Ma collègue...

Mme Dougherty (Élizabeth) : Élizabeth Dougherty, médecin de famille, membre de l'AJMQ et aussi à l'exécutif de l'AJMQ, médecin de famille à Saint-Hyacinthe, en établissement et en cabinet, et aussi professeur d'enseignement clinique à l'Université de Sherbrooke.

M. Gladu (François-Pierre) : On a demandé à des collègues spécialistes de venir aujourd'hui, de d'autres spécialités, mais ils ont dit que ça les touchait moins, donc finalement on est deux médecins de famille ici aujourd'hui.

L'Association des jeunes médecins, qu'est-ce que c'est? Donc, c'est une association dont la mission est la promotion de l'équité intergénérationnelle entre médecins et de l'accessibilité à des services médicaux d'excellente qualité. Bien oui, c'est dans l'article 4 de notre règlement général. Donc, contrairement aux autres syndicats, notre but, ce n'est pas seulement les intérêts des médecins.

Tout en appuyant très clairement l'objectif du projet de loi d'améliorer l'accessibilité, l'AJMQ déplore d'abord l'absence de transparence quant aux règlements qui en découleront. Alors, les parlementaires, en ce moment, vous allez devoir vous forger une opinion sur un projet de loi qui est, grosso modo, une coquille vide et qui n'a pas les règlements d'application.

• (11 h 10) •

Avec 12 % plus de médecins de famille per capita que dans le reste du Canada, on note au Québec la plus grande proportion de patients orphelins. Je vous dirais à ce sujet-là que c'est nous autres qui avons tiré la sonnette d'alarme en 2005, il y a 10 ans. Donc, 2 millions de Québécois sans médecin de famille, ça vient de nous ça. Ça a été repris par la suite. Il y a eu un article scientifique, dans le journal des médecins de famille du Canada, qui a été fait à cette époque-là.

La principale cause est la répartition du travail des médecins de famille, caractérisée par un hospitalocentrisme unique au Canada, au détriment de la pratique en cabinet. Cette situation découle de plusieurs décisions non avisées de l'administration provinciale depuis 25 ans, dont les activités médicales prioritaires — ce qu'on appelle les AMP à partir de maintenant, pour aller plus vite — la notion du lui-même dans la Loi médicale — sur lequel on pourra parler plus tard — les plafonds de revenus trimestriels qui ont été imposés aux cabinets dans les années 80, la diminution du nombre d'admissions en médecine dans les années 90, et les plans régionaux d'effectifs médicaux dont l'application a été très rigide, avec multiples effets secondaires.

Il est à noter qu'aucune des mesures coercitives que je viens de noter n'ont été reprises... il n'y en a aucune qui a été reprise par les autres juridictions, soit provinciale ou à l'international. Le Québec fait figure de cavalier seul là-dedans. Ces mesures ont eu comme conséquences l'explosion des dépenses en deuxième et en troisième ligne hospitalière et des coûts de gestion accrus à cause d'un contrôle bureaucratique excessif. Autrement dit, l'argent, au lieu d'aller vers le patient, s'en va dans les bureaux pour gérer tout ça. En somme, l'implication des médecins de famille en établissement, si nécessaire soit-elle, en partie, est devenue disproportionnée au détriment de l'offre de médecins de famille en première ligne, dédiés à la prise en charge et au suivi des patients afin qu'ils n'aillent pas du tout à l'hôpital.

Au lieu de prendre acte des meilleurs résultats des autres provinces et d'abolir ces mesures bureaucratiques, le projet de loi n° 20 en rajoute, notamment en augmentant contre toute logique l'activité hospitalière obligatoire de 20 à 25 ans.

Le projet de loi n° 20 repose sur des prémisses erronées tant en ce qui a trait au nombre de jours travaillés, d'heures travaillées par les médecins de famille qu'à la hauteur de l'investissement relatif en santé au Québec, qu'à l'impact des mesures favorisant la prise en charge qui ont été prises jusqu'ici par l'administration provinciale. En fixant des quotas de patients pris en charge et en pénalisant la consultation d'un médecin à l'endroit de son patient, le projet de loi n° 20 va à l'encontre des obligations déontologiques du médecin — le Collège des médecins pourra vous en parler plus tard. Un système de quotas, on a tous vu ce que ça a donné en URSS dans la fin des années 90 : ça explose, ça crée des pénuries. Et c'est exactement ce que l'on vit actuellement.

Le projet de loi n° 20 a aussi d'autres conséquences. Il incitera à la sélection de patients probablement plus en bonne santé, plus propices à l'atteinte des quotas et de l'assiduité voulue par le projet de loi n° 20, ce qui va mettre la hache dans la qualité de la prise en charge dans, comme M. Paradis en parlait tout à l'heure, l'écoute, la polyvalence aussi qu'amène la pratique de groupe en cabinet. En outre, l'application du projet de loi sonnera le glas de la pratique de la médecine familiale dans des pointes d'expertise, en soutien aux programmes des établissements de santé, pour les clientèles vulnérables. On pourra en discuter plus tard, quels types de cliniques spécialisées.

L'AJMQ... Ah! pardon, je vais faire un petit quelque chose sur les quotas à nouveau. L'AJMQ propose plutôt d'abolir les AMP, les contraintes bureaucratiques qui existent actuellement, afin de permettre aux médecins qui ont l'intérêt ou les habiletés d'être à l'hôpital de continuer à conserver une pratique à l'hôpital, mais, pour ceux qui auraient un intérêt à aller en cabinet, bien, de revenir davantage vers le cabinet, comme c'est le cas dans les autres provinces. Pourquoi choisir des quotas plutôt que l'abolition progressive des AMP? Bien, il faut se rendre compte que les AMP, ça a été comme un coup de volant violent à gauche dans les années 90, encore une fois, au début 2000, et que le p.l. n° 20, c'est un coup violent de volant à droite pour ramener le monde vers les cabinets. Bien, vous savez, quand vous faites ça en automobile, où vous vous retrouvez? Vous vous retrouvez dans le fossé, et c'est ce qu'il risque d'arriver.

Donc, les solutions que l'AJMQ prône. L'abolition progressive des AMP. Donc, sur deux ans, à chaque six mois, on libère des cohortes de cinq ans de pratique, donc les 15 à 20 ans qu'on libérerait d'abord. Six mois plus tard, s'il n'y a pas de bris de service, si, en effet, il y a une diminution de la demande hospitalière, comme on prévoit, on passe aux 10 à 15 ans, etc. Donc, il y a une manière raisonnable, progressive, sécuritaire de le faire et de revenir vers la normalité de l'organisation en première ligne qui a cours dans les autres provinces.

Également, l'augmentation du ratio de médecins de famille par rapport aux autres médecins spécialistes. Pourquoi c'est important? Bien, c'est que le médecin de famille a un rôle de coordination. Donc, autrement dit, quand on a un médecin de famille — et ça, les évidences scientifiques tant internationales qu'intranationales le montrent, et vous avez les références à la fin de notre mémoire — donc ça diminue de 50 % le recours à l'urgence, de 33 % les hospitalisations et de 33 % les coûts de santé — donc on parle d'imagerie, laboratoire, investigation, etc. — et de 19 % la mortalité. Donc, c'est quand même majeur comme évidences scientifiques, et c'est pour ça que c'est important de garder ce rôle de coordination là devant une médecine qui, autrement, est devenue hyperspécialisée dans tous les autres domaines.

Finalement, la rémunération par le médecin de famille de la coordination de ces soins-là. C'est quelque chose qui n'existe pas, qui existe en médecine dentaire, qui existe en pharmacie, mais pas pour le médecin, dans la Loi médicale. Donc, ça, c'est qu'on appelle la notion du lui-même, qu'il faudrait abolir.

La valorisation de la prise en charge des patients dans les enveloppes budgétaires. Donc, tout ça peut se faire à même les enveloppes actuelles. Il n'est pas question de mettre plus d'argent, à moins qu'on en ait éventuellement, puis je vais vous expliquer pourquoi après. Mais, dans les enveloppes budgétaires actuelles, on peut favoriser la prise en charge, par exemple en rémunérant davantage quand un patient expose trois, quatre, cinq problèmes dans une visite plutôt qu'un patient qui est vu pour un problème ponctuel uniquement, ce qui n'est pas le cas depuis 40 ans.

Et finalement, bien, je rajouterais la révision complète des plans régionaux d'effectifs médicaux, qui a donné lieu à toutes sortes de problèmes, par exemple un médecin qui ne peut pas prendre en charge la clientèle dans une région X, par exemple Charlevoix, mais qui pourrait y aller faire du dépannage à hauts frais, à grands frais pour l'État, ce qui est totalement illogique, et le réinvestissement de l'État en première ligne. Alors, pourquoi? Bien, c'est qu'on s'est rendu compte... et ça, c'est des statistiques objectives que l'Institut canadien d'information sur la santé publie, ça, à chaque année depuis une dizaine d'années — c'est un organisme fédéral — et on s'est rendu compte que le Québec était la dernière province pour ce qui est du financement de la santé au Canada. Donc, on parle d'un écart de 1 milliard, juste en première ligne, pour les médecins, donc les financements de cabinet, et de 2,8 milliards au total en santé, ce qui est majeur. Alors, on n'est même pas la cinquième ou sixième province canadienne, on est la dernière province canadienne de ce côté-là.

Donc, évidemment, une fois que l'État pourrait y voir son intérêt, un réinvestissement en première ligne pourrait occasionner un retour sur l'investissement de 150 %. Comment on le sait? C'est que la Colombie-Britannique avait les mêmes défis que nous avons actuellement en 2002-2003. Et ils ont décidé d'investir des sommes, timides au début, 200, 300 millions, et ils se sont rendu compte, à chaque année, qu'ils ramassaient 450 millions en hospitalisations de moins. Et donc, finalement, en 2007, ils ont doublé les montants investis dans ce qu'on appelle le General Practice Services Committee. Alors, si les parlementaires y voient un intérêt, bien sûr, le réinvestissement en première ligne va rapporter au trésor de l'État et en qualité de soins également, parce qu'on ne veut pas que les gens aillent à l'hôpital.

Avec ces mesures ciblées, avec une approche qui rassemble plutôt que de diviser et un rétablissement du lien de confiance à l'endroit de la profession médicale, qui a été ébranlé par des affirmations biaisées et erronées sur lesquelles on pourra développer, l'Association des jeunes médecins du Québec considère que l'objectif d'accessibilité aux services médicaux sera atteint de façon rapide, économique et durable. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, ceci met fin à votre présentation. Alors, nous allons débuter la période d'échange. Je cède la parole au ministre de la Santé pour une période de 19 minutes.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Dr Gladu et Dr Dougherty, merci d'être venus ce matin. C'est dommage que vous n'ayez pas de représentant des autres spécialistes, mais, comme le projet de loi n° 20 est un projet de loi qui touche aussi les médecins de famille, je peux comprendre que vous n'avez pas raté l'occasion de venir ici ce matin.

Je vais reprendre un peu... certains éléments de votre présentation pour mettre certains éléments en perspective, parce que, le mémoire, on l'a eu il y a quelques instants. Je viens de le parcourir en diagonale, et vous reprenez certains éléments. Puis j'aimerais mettre un certain nombre de choses, là, en exergue pour clarifier la chose pour ce qui est de la population.

Bon. Revenons sur l'histoire. Vous faites référence souvent à ce qui se passe ailleurs au Canada. Moi, je vous soumettrai — puis j'aimerais que vous m'en fassiez la démonstration du contraire si c'est possible — que vous avez raison : le Québec n'est pas comme le reste du Canada. Mais...

M. Gladu (François-Pierre) : Je ne vais pas vous contredire du contraire, là.

• (11 h 20) •

M. Barrette : Non, non, mais ce que vous considérez comme étant des mesures qui étaient, dans votre présentation, comme inappropriées, bien moi, je pense qu'elles ont été appropriées dans le contexte où elles ont été posées.

Les mesures que... On se rappellera, et je pense que... Bien, vu que vous êtes l'Association des jeunes médecins, peut-être que vous n'étiez pas en pratique à ce moment-là, et c'est très probable, mais, quand les AMP, les activités médicales particulières, là... ou peu importe le p qu'on lui donne, là, quand ça a été mis en place, c'est parce qu'il y avait un problème, un problème qui n'existait pas ailleurs au Canada. Et le problème était, encore une fois... Parce que c'est comme le péché originel, c'est comme la pomme de l'Adam médical. La pomme, en médecine, c'est le service, c'est la quantité de services. C'était ça, initialement, les AMP. Il y avait des problèmes de services qui n'étaient pas donnés. Ai-je besoin de rappeler Shawinigan? Non. Est-ce qu'il y a ça dans le reste du Canada? Non. Il n'y a pas eu ça dans le reste du Canada. On n'a jamais eu, jamais — et là je vais invoquer la couleur de mes cheveux par rapport aux vôtres — de situation dans le Canada où on a eu à mettre en place ce genre de mesures, parce qu'on n'a jamais eu à vivre des crises provenant du désinvestissement périodique des médecins face à leur implicite responsabilité sociale. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Gladu (François-Pierre) : O.K., intéressant. C'est pour ça qu'on vous a mis des éléments de contexte tout à l'heure. Ces incidents-là, premièrement, il y a en eu ailleurs dans le Canada, mais il n'y a pas eu personne qui est mort dans le Canada. Mais il y a eu des urgences à découvert, et les gouvernements de ces provinces-là ont réagi plus rapidement que le Québec en ajustant la rémunération de manière à ce qu'un quart de travail à l'urgence soit payé plus qu'une journée de travail en cabinet, ce qui est bien normal, parce que, quand vous êtes de nuit, bien, ça doit être rémunéré un petit peu plus, ce qui n'était pas le cas au Québec à ce moment-là.

Deuxièmement, les AMP, ce contexte de découverture là à l'urgence a eu lieu justement dans un contexte où le gouvernement avait pris des décisions de mettre des plafonds aux médecins à chaque trimestre, ce qui les a incités à diminuer leur temps de travail à la fin des années 80. Enfin, le gouvernement a également décidé de diminuer les admissions en médecine, ce qui a eu un impact sept ans plus tard sur la crise de Shawinigan, en 2002.

Donc, à chaque fois, le gouvernement a pris des décisions qui ont eu un effet délétère, et la réaction pour corriger ça temporairement a été disproportionnée. Par exemple, quand les AMP, au début, ont été imposées, il s'agissait de 200 médecins qui étaient assujettis. Maintenant, on est à 3 800 médecins qui sont assujettis, avec une moyenne d'heures... Alors qu'au contrat, à la réglementation sur les AMP, on parle de 12 heures, la moyenne actuelle de ces 3 800 médecins là, c'est 28 heures. Pourquoi? Un ensemble de mesures bureaucratiques qui s'imbriquent une dans l'autre, par exemple les PREM et les AMP. Les hôpitaux ont le choix entre un médecin qui va leur offrir 12 heures au contrat, pour respecter la réglementation provinciale, ou 20 heures ou 25 heures. Qu'est-ce que vous pensez qu'ils vont choisir pour combler un PREM? Bien, ils vont prendre celui qui leur en offre le plus. Et ces heures-là au contrat ne comptabilisent pas les heures de garde de nuit, de fin de semaine et les comités qui sont obligatoires par la loi.

Donc, bien évidemment, vous vous rendez compte que cette législation-là a eu un effet totalement disproportionné par rapport à ce qui a été... à ce qui était nécessaire, et, de l'aveu même du ministre Legault, qui les avait augmentées en 2002, elles étaient supposées être temporaires, ce qui n'a pas été le cas finalement. Donc, vous comprenez qu'il n'y a aucune autre province qui nous a suivis dans ces mesures bureaucratiques là, mur à mur.

M. Barrette : Et je vous soumettrai que les autres provinces n'ont pas eu à nous suivre parce que le comportement du médecin moyen dans les autres provinces était différent de celui du Québec, d'une part.

D'autre part, d'autre part, et ça, je pense que c'est un élément qui est important, les AMP qui sont... Je m'excuse, je reviens en arrière. D'autre part, le Canada entier a réduit ses admissions, entrées en médecine. Ce n'est pas juste le Québec, là. Le Canada entier, dans les mêmes années, ont diminué leurs entrées en médecine. Alors, quand vous conjuguez les diminutions d'entrées en médecine avec les problématiques d'accès dans les urgences et dans les hôpitaux, bien, le Canada aussi vivait la même problématique, là. Vous présentez ça comme si c'était une amplification propre au Québec. Mais, pas du tout, c'était comme ça partout au Québec, et le Québec a suivi le même calendrier, le même calendrier en termes de réduction d'entrées en médecine et en termes de réaugmentation des entrées en médecine. Ça, c'est un fait, là, ce n'est pas...

M. Gladu (François-Pierre) : On s'entend là-dessus.

M. Barrette : C'est un fait.

M. Gladu (François-Pierre) : Ce qu'on vous a parlé, c'était une conjugaison de facteurs...

M. Barrette : Bien oui, mais c'est parce que vous avez dit que le...

M. Gladu (François-Pierre) : ...donc, les plafonds trimestriels, la diminution des admissions...

M. Barrette : Vous avez dit qu'il y avait un élément qui a amplifié, là.

Mme Dougherty (Élizabeth) : ...les retraites.

M. Gladu (François-Pierre) : ...les retraites qui ont été données. Ça, c'est unique au Canada. Donc, c'est une conjugaison de facteurs, Dr Barrette, et vous les connaissez, ces facteurs-là.

M. Barrette : Bien oui, mais je comprends, mais c'est parce que vous dites une chose qui n'est pas vraie, là. Ce n'est pas la diminution des entrées en médecine qui a amplifié le problème. Tout le monde a fait la même affaire.

Mme Dougherty (Élizabeth) : On dit que ce n'est pas seulement les admissions, les entrées en médecine, c'est conjugué aux mises à la retraite, aux plafonds et suite à d'autres mesures qui ont été prises.

M. Barrette : Bien oui. Mais ce que je dis aussi, c'est que, dans le Canada anglais, l'intensité du travail du médecin de famille est différente de celle du Québec, mais ça, on y reviendra dans un instant.

M. Gladu (François-Pierre) : On devrait en parler tout de suite.

M. Barrette : Non, non!

M. Gladu (François-Pierre) : Parce que c'est la clé du problème, Dr Barrette.

M. Barrette : On va aller aux quotas. Vous savez bien que, dans des systèmes comme en Angleterre, il y en a un, quota, il y en a un, et le système fonctionne très bien. Il y en a un, quota, là. Ce n'est pas une lubie, là. Il existe, ce quota-là. Et là vous faites référence à l'investissement que le Québec fait de moins en santé par rapport au reste du Canada et vous le chiffrez à 1 milliard de dollars en médecine de famille. Et, dans le tableau que vous présentez dans votre mémoire, vous faites abstraction de l'actualisation que vous devriez faire pour ce qui est de la rémunération per capita qui est faite aux médecins, l'argent dépensé per capita pour la rémunération des médecins. Alors, évidemment que, lorsque vous mettez le différentiel qui est dans votre mémoire, bien, si vous ne prenez pas en considération que, si on payait aujourd'hui ce qui est étalé, ce qui va s'actualiser à un moment donné, la rémunération, elle est adéquate, d'une part...

Une voix : ...

M. Barrette : Bien oui! Mais c'est parce que l'investissement du milliard qui monte, là, bien, la grande partie de ça est dans la rémunération des médecins, qui serait à niveau si on n'avait pas étalé. Voilà un autre problème dans la présentation que vous faites. Ensuite...

M. Gladu (François-Pierre) : Me permettez-vous de répondre?

M. Barrette : Oui, je vais vous laisser répondre, puis ensuite, si vous n'avez pas d'objection, on va aller sur le lui-même, parce que je vais avoir une question bien intéressante à vous poser sur ce point... sur ce plan-là.

M. Gladu (François-Pierre) : Donc, pour ce qui est de la comparaison avec l'Angleterre, il faut réaliser que l'Angleterre a un système totalement différent. En Angleterre, il n'y a pas d'agence régionale de santé. Les groupes de médecins de famille reçoivent l'argent de la région et... oui, et, avec ces argents-là, ils achètent les services hospitaliers. C'est complètement différent. Le médecin de famille est au centre du système, à tel point, là, M. le ministre, que les médecins de famille ont un revenu net plus important que celui des radiologistes, en Angleterre. Vous comprendrez qu'on n'est pas du tout dans le même système, là...

M. Barrette : Mais...

M. Gladu (François-Pierre) : Est-ce que je peux continuer et faire ma réponse, M. Barrette?

M. Barrette : Mais revenez aux quotas, revenez aux quotas, Dr Gladu, revenez aux quotas.

M. Gladu (François-Pierre) : Pardon?

M. Barrette : Revenez aux quotas des Anglais.

M. Gladu (François-Pierre) : Alors, justement, les quotas n'ont pas été établis à des fins punitives, à des fins d'incitatif, d'une part, et, d'autre part, il n'y a pas d'AMP, donc les médecins peuvent se consacrer à la prise en charge.

M. Barrette : Y en a-t-il un ou non?

M. Gladu (François-Pierre) : Je ne suis pas au courant. Je ne peux pas vous dire.

M. Barrette : Bien, oui, il y en a, vous le savez très bien, c'est 1 600.

M. Gladu (François-Pierre) : Je ne peux pas vous dire. Honnêtement, je n'ai pas d'information là-dessus. Ce que je peux vous dire, c'est qu'on est au Canada... Nous sommes...

M. Barrette : Dr Gladu, vous êtes un individu extrêmement informé...

M. Gladu (François-Pierre) : Nous sommes au Canada, et il n'y a personne d'autre qui a utilisé cette méthode-là.

Maintenant, je vais continuer ma réponse, parce que vous avez soulevé plusieurs points. Alors, vous avez dit : Le comportement des médecins de famille est différent au Québec de celui des autres provinces. Alors, quelles sont les données objectives que l'on a? Ce qu'on sait, dans les médias, c'est que vous avez avancé le chiffre de 117 jours. Je pense que c'est important que les parlementaires comprennent d'où vient ce 117 jours. Alors, le 117 jours, il a été fait en enlevant les demi-journées, en fait tout ce qui était en bas de sept heures de travail n'a pas été inclus et tout ce qui est en haut de 14 heures de travail n'a pas été compté comme deux journées, premièrement.

Mme Dougherty (Élizabeth) : En travail rémunéré par la RAMQ, ici, bien entendu.

• (11 h 30) •

M. Gladu (François-Pierre) : Uniquement. Deuxièmement, ce 117 jours là, ça a été une moyenne faite à partir de tous les médecins, outre les urgentologues. Alors, pourquoi c'est important, les urgentologues? Parce qu'un urgentologue, c'est comme un pilote d'avion, ça ne travaille pas 220 jours par année comme un médecin en cabinet, ça travaille environ 150 jours par année. Pourquoi? Parce qu'ils ont des chiffres qui changent entre le jour, le soir et la nuit. Et donc, eux, un temps plein, c'est 145, 150 jours. Or, M. le ministre a choisi un quota de 175 jours et moins, donc tous les 2 000 urgentologues de la FMOQ ne comptent pas là-dedans. À la FMSQ, il y a environ 100 urgentologues. Donc, vous comprenez que ça touche beaucoup plus une fédération que l'autre.

Et enfin tout ce qui est non rémunéré par la RAMQ, donc l'enseignement universitaire, les appels téléphoniques aux patients, les comités des CMDP, n'est pas inclus, évidemment, dans les statistiques de la RAMQ, parce que ce n'est pas de la facturation, c'est fait bénévolement. Ça fait partie du travail du médecin.

Donc, vous comprenez que le 117 jours, c'est totalement artificiel. Autrement dit, il a pris un échantillon rapetissé des médecins, puis il a enlevé les journées partielles, et il n'a pas compté les doubles journées comme des doubles journées. Quand on pondère ça d'une manière très conservatrice... et je vais vous l'expliquer, vous l'avez dans le mémoire, là, mais un quart de journée et moins compte pour zéro, entre un quart de journée et une demi... pardon, moins d'une demi-journée compte pour zéro. Entre une demi-journée et une journée, on compte pour une demi-journée de travail. Entre une journée et moins de deux journées de travail, c'est-à-dire moins de 24 heures, on compte... moins de 16 heures, pardon, on compte encore une journée de travail. Et c'est seulement en haut de 14, 15 heures qu'on compte deux journées de travail. Ça, ça correspond aux gardes de 24 heures à l'hôpital. Autrement dit, une pondération très conservatrice, et les chiffres de la RAMQ, à ce moment-là, font état de 247 jours, et non pas de 117. Même quand on ne fait pas cette pondération-là, on a 192 jours pour les médecins de famille, 193 jours pour les autres spécialistes.

Quand on veut comparer avec les autres provinces, on n'a pas les données de la RAMQ pour comparer les jours travaillés. Par contre, on a les heures travaillées. Dans le Sondage national des médecins, au début c'était à chaque deux, trois ans, maintenant c'est à chaque année, mais, depuis 10 ans, les statistiques sont stables, les médecins du Québec, les médecins de famille du Québec font autant d'heures que leurs collègues des autres provinces. On parle de 2 660 heures. Je ne sais pas si vous avez une idée c'est quoi, là, c'est comme 58, 59 semaines de 40 heures, là.

Ces données-là qui ont été sorties dans les médias étaient malhonnêtes, M. le ministre. Et je pense qu'à tout le moins les parlementaires devraient pouvoir compter sur des données fiables de la RAMQ, tant pour la Fédération des médecins spécialistes que pour la Fédération des médecins omnipraticiens, et des données qui incluent les pondérations pour les urgentologues et les pondérations pour les journées de moins de sept heures et les journées de plus de 14 heures.

M. Barrette : Bon, Dr Gladu, on ne fera pas ici des guerres de méthodologie, mais il y a plusieurs méthodologies.

M. Gladu (François-Pierre) : Bien, vous l'avez commencée, M. Barrette.

M. Barrette : Non, mais c'est parce que...

M. Gladu (François-Pierre) : Vous basez votre projet de loi là-dessus.

M. Barrette : C'est parce que vous n'avez pas nécessairement le même accès que nous à certaines données, et il y a plusieurs méthodes qui sont utilisables, elles ont été présentées aux oppositions, et toutes les méthodes convergent. Mais on ne fera pas cette bataille-là. Parce que ça serait trop long à... Il reste 5 min 30 s, là, à peu près, là, et on ne peut pas régler ça ici.

Par contre, vous avez présenté comme étant un des éléments qui sont importants le lui-même. Alors là, vous allez nous expliquer exactement ce que vous voulez par cette mesure-là. Et avant je vous informe, parce que manifestement vous avez dit que vous n'étiez pas informés, l'Angleterre a des quotas, là. Qu'ils soient de 1 600, ou 1 000, ou peu importe, ils ont des quotas. Ça remonte à Margaret Thatcher, ça fait longtemps, là.

M. Gladu (François-Pierre) : Donc, l'Angleterre, vous dites qu'ils ont des pénalités de 30 % lorsqu'ils n'atteignent pas ces quotas-là?

M. Barrette : Non, je ne vous parle pas des pénalités, je vous parle du quota.

M. Gladu (François-Pierre) : Bien, c'est ça qui est sur la table, là.

M. Barrette : Je vous parle du quota. Maintenant, parlez-nous...

M. Gladu (François-Pierre) : Bien, un quota qui est à visée incitative et un quota qui est à visée punitive, avec ou sans AMP, c'est complètement différent.

M. Barrette : Mais oui, mais, il y a un quota. Vous contestez le quota en disant qu'il n'y en a pas ailleurs, moi, je vous dis qu'il y en a ailleurs.

M. Gladu (François-Pierre) : On joue sur les mots, là, alors...

M. Barrette : Bien non.

M. Gladu (François-Pierre) : Bien oui. Je vous dis qu'il n'y a pas d'AMP puis qu'il n'y a pas de punition, ça fait que...

M. Barrette : Alors là, le lui-même, voulez-vous nous expliquer votre vision du lui-même?

M. Gladu (François-Pierre) : Oui. Donc, le lui-même, c'est ce qui permet, quand vous allez à la pharmacie ou voir le dentiste, qu'un employé technique fasse la majeure partie du travail quand il s'agit d'un acte technique simple, et la coordination de ces actes-là est faite par le médecin dentiste ou le pharmacien de manière à ce qu'il puisse se concentrer sur son expertise. Autrement dit, un employé avec une formation moindre va faire les actes plus simples, et un employé avec une formation plus complexe va faire les actes les plus complexes, dont la coordination et, dans le cas du médecin, le diagnostic et le traitement, c'est interdit dans la Loi médicale, et ça amènerait une bouffée d'air frais dans l'organisation des cabinets médicaux, de manière à ce que le médecin puisse arrêter de prendre les tensions artérielles, prendre la liste des médicaments, etc. Même à travers les ordonnances collectives, ça encouragerait le développement des ordonnances collectives une fois que les actes techniques faits par les employés techniques sont déjà pris en charge par les employés du médecin. Donc, ça serait une bouffée d'air frais et ça devrait être utilisé de concert avec le réinvestissement en première ligne.

Et là j'y reviens, à l'investissement, parce que vous avez mis en doute les chiffres de l'ISIS. Les chiffres de 2013 — c'est les plus récents disponibles — font état, en ce qui a trait aux dépenses per capita, que le Québec est la dernière province. Et ce n'est pas en 2013 seulement, là, ça dure depuis au moins 10 ans. À chaque année, c'est ça, le rapport de l'ISIS. L'écart est de 1 milliard. Alors, 1 milliard dans les cabinets, grosso modo, pour les parlementaires, ça veut dire 1,5 milliard dans les coffres de l'État en hospitalisation, médicaments et investigations moindres. Donc, vous comprenez qu'il y a des intérêts industriels qui ne veulent pas qu'on aille dans cette direction-là, parce qu'il y a des intérêts industriels qui sont au privé pour l'imagerie et les laboratoires. Donc, vous comprenez qu'il y a un problème de ce côté-là, des intérêts forts, là. Oui, exactement.

M. Barrette : Dr Gladu, je vais vous en donner un, exemple, moi. Je vais vous donner la clause classique qui a été devant les tribunaux, qui est le tapis roulant fait par une infirmière dans un bureau de médecin de famille, hein? C'est ça, le par lui-même, que le monde comprenne, qui nous écoute, là. Vous allez voir le médecin, le médecin demande ou prescrit le tapis roulant, il est fait dans la pièce à côté, l'infirmière fait le tapis roulant, le médecin, lui, à ce moment-là, interprète le résultat. Comment voulez-vous payer ça?

M. Gladu (François-Pierre) : Évidemment, là, il faut le payer d'une manière moindre que si le médecin faisait l'acte lui-même, mais il faut payer une certaine partie de ça pour encourager le développement de l'offre de service en cabinet.

Mme Dougherty (Élizabeth) : Puis encourager le travail en équipe multidisciplinaire.

M. Gladu (François-Pierre) : Absolument.

M. Barrette : Alors, c'est très bien. Est-ce que vous êtes au courant que votre fédération demande à ce que cet acte-là soit payé au même tarif que si c'est le médecin qui le faisait?

M. Gladu (François-Pierre) : Le jeu de la négociation, nous, on laisse ça aux fédérations.

M. Barrette : Je comprends, mais êtes-vous au courant de ça, d'une part?

Mme Dougherty (Élizabeth) : Oui.

M. Barrette : Et, d'autre part, avez-vous un estimé du coût du par lui-même tel que vous le proposez?

Mme Dougherty (Élizabeth) : Si on avait la notion du lui-même, par contre ça aiderait nettement le financement des cabinets de première ligne en augmentant l'accessibilité, parce que le temps que mon infirmière passe à questionner mon patient, commencer l'examen physique avec le poids, la pression, le tour de taille, alouette...

M. Barrette : ...un estimé.

Mme Dougherty (Élizabeth) : ...puis que j'arrive après, bien, si c'est financé, moi, pendant ce temps-là, je peux voir un autre patient, je vais voir deux fois plus de patients dans une heure.

M. Barrette : Avez-vous un estimé?

M. Gladu (François-Pierre) : Honnêtement, vous ne parlez pas aux bonnes personnes pour un estimé des dépenses. Ce que je vous dis, c'est qu'au niveau du Conseil du trésor il faut avoir une vision d'avenir pour investir cet argent-là, pour en ramener par la suite en hôpital.

M. Barrette : Très bien. N'est-ce pas ce que fait le financement du gouvernement dans les UMF... pas les UMF, pardon, les GMF? Oui.

M. Gladu (François-Pierre) : Les GMF, là, il y a plusieurs problèmes.

M. Barrette : Ah!

M. Gladu (François-Pierre) : Oui. Vous voyez, c'est que ça a été essayé, hein? Puis d'ailleurs on va parler des CLSC, des GMF. Les GMF, là, il faut comprendre que c'est l'agence régionale qui envoie les employés. Ils sont là, mais ils ne font pas ce qu'on voudrait qu'ils fassent.

M. Barrette : Ah bon!

M. Gladu (François-Pierre) : Alors, ils ne sont pas coordonnés par le médecin. Dans le fond, ils n'ont pas de patron. Alors, ils sont en parallèle des médecins, c'est ce qui est à peu près la pire chose à faire.

M. Barrette : Le médecin a-t-il des responsabilités à un moment donné?

M. Gladu (François-Pierre) : Ah! mais on aimerait ça en avoir, définitivement. Malheureusement, la loi ne le permet pas.

M. Barrette : Pouvez-vous nous parler... Parce que, là, il me reste juste 45 secondes, parlez-moi de l'accès adapté et pourquoi ça ne se fait pas de façon étendue.

M. Gladu (François-Pierre) : Je suis content que vous posiez la question, parce que de l'accès adapté, ce n'est pas une distinction des autres provinces, hein, tout le monde en fait un peu. Mais je vous ramènerais au début des années 80, fin 80, il n'y avait pas de notion d'accès adapté, parce que les médecins le faisaient spontanément, parce qu'il y avait assez de médecins en cabinet. Au Québec, il nous manque 800 ETP, médecins en cabinet, par rapport à l'Ontario, à cause des AMP. Alors, bien sûr, quand il y a une pénurie de médecins amenée par des quotas comme les AMP, là, tout le monde est pressurisé, puis ils essaient de voir les patients, puis ils ne peuvent pas les voir. Mais, définitivement, dans une situation de pénurie, vous avez raison, l'accès adapté peut être une solution à petite dose. Par exemple...

M. Barrette : Mais pourquoi, pourquoi à petite dose?

M. Gladu (François-Pierre) : Pourquoi à petite dose? Parce que, dans le fond, la médecine est organisée en rendez-vous et en sans rendez-vous. Les sans-rendez-vous pour les problèmes ponctuels sont vus par les médecins du même groupe que le médecin inscripteur, et ça, c'est efficace pour les problèmes ponctuels. Par contre, ce qui a eu des difficultés, c'est : comme il manquait de soldats en cabinet, même les sans-rendez-vous n'étaient plus accessibles, et les gens allaient faire la file dehors à des moins 20°, moins 30°. Ça a fait les médias et ce n'était pas une bonne affaire.

Le Président (M. Tanguay) : Merci.

M. Gladu (François-Pierre) : Juste terminer sur la réponse. Donc, l'accès adapté, pourquoi en petite dose? Parce que, si vous mettez 10 plages horaires de rendez-vous qui sont en accès adapté, dans le fond, ce que vous avez, c'est un sans-rendez-vous.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, je cède la parole à notre collègue députée de Taillon pour une période de 11 min 30 s.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue, Dr Gladu, bienvenue, Dre Dougherty. Je vous permettrai de terminer votre information, le message que vous nous transmettez, mais en étant conscients que les minutes roulent pour tout le monde et qu'il nous reste très, très peu de minutes ensemble.

M. Gladu (François-Pierre) : Alors, ce que je voulais continuer, c'est que l'idéal, dans ce contexte-là, c'est d'avoir deux à trois périodes d'accès adapté, peut-être trois ou quatre, dans une demi-journée de 10 à 12 périodes, de manière à ce qu'il y ait de la flexibilité dans l'horaire du médecin, et ça va, ça aussi, amener une bouffée d'air frais. Et c'est déjà en place, hein, c'est assez étendu au Québec actuellement.

Mme Dougherty (Élizabeth) : Les médecins sont très, très satisfaits, ceux qui procèdent par accès adapté, l'engouement est clairement là, ils sont très satisfaits. Les patients sont satisfaits de voir leurs médecins de famille quand ils ont un problème semi-ponctuel, je pourrais dire, là, sans parler nécessairement de l'otite, mais non plus d'examen annuel, un genre d'entredeux pour les demandes de consultation. Les gens sont très satisfaits. Ça fait qu'effectivement il faut pousser vers ça.

M. Gladu (François-Pierre) : Mais il ne faut pas tomber dans le piège de transformer la médecine familiale en sans rendez-vous, ce qui est grosso modo la médecine des années 70 et qui n'apportera pas les bienfaits au niveau de la diminution des dépenses. Donc, il faut...

• (11 h 40) •

Mme Lamarre : Merci. Alors, écoutez, moi, je vais à la page 15 de votre mémoire, où vous dites : «Le nombre minimal d'heures d'activités médicales devant être exercées.» Depuis le début, on parle d'AMP, d'activités médicales particulières, pour le grand public, ce n'est peut-être pas très bien connu, mais, au Québec, on demande aux médecins de famille de travailler au moins 12 heures, 12 heures à l'extérieur du cabinet privé, soit principalement en urgence, parfois, dans d'autres contextes, par exemple avec les personnes âgées, en CHSLD ou dans des services comme ceux-là. Et ça, c'est unique au Québec, c'est ce que vous nous dites, et ce qu'on a entendu, et ce qui est réel.

Et vous avez des statistiques qui sont assez éloquentes sur ce que ça génère. Parce qu'on comprend bien que, si on demande à des médecins de faire 12 heures, on n'exclut pas le fait que ces médecins-là en fassent plus que 12, et ils peuvent donc en faire 20, 30, 35. Jusqu'à un certain point, ils peuvent consacrer toute leur pratique médicale à l'urgence et ne plus être disponibles en cabinet privé pour voir des patients au quotidien et dans une perspective de suivi et de prise en charge. Et vous avez des statistiques assez importantes, assez intéressantes à la page 15, vous dites : «70 % des heures travaillées par les jeunes médecins se font en établissement et le temps passé en établissement n'a eu cesse d'augmenter; les [activités médicales prioritaires] existent seulement au Québec et sont en grande partie responsables de la piètre performance en termes d'accès à la prise en charge par un médecin de famille; [et] le système actuel d'[activités médicales prioritaires] rend l'atteinte des cibles d'inscription de patients de 1 000 par médecin inatteignable pour un grand nombre.»

Je pense qu'il y a énormément, dans ça, d'éléments qui expliquent les disparités entre le système de santé du Québec et celui des autres provinces, et c'est un exemple d'une mesure qui a été prise et qui a amené quelque chose de positif pendant un certain temps, mais qui a amené quelque chose qui a finalement, en cours de route, modifié fondamentalement l'accessibilité à la première ligne au Québec.

Et là je pense qu'on est rendus vraiment à parler des vraies choses et ce que je comprends du projet de loi n° 20. Est-ce que votre compréhension, c'est qu'on change les AMP? Moi, j'aimerais ça vous entendre parler sur votre compréhension de ce qu'on retrouve clairement dans le projet de loi n° 10, pas des règlements, pas de la conférence de presse que le ministre nous a donnée... dans le projet de loi n° 20. Qu'est-ce que vous, qui avez fouillé de façon très documentée — et je vous en félicite — le projet de loi n° 20 et la situation des médecins, qu'est-ce que vous retrouvez dans le projet de loi n° 20 sur les obligations en termes d'activités médicales prioritaires?

Mme Dougherty (Élizabeth) : On change quatre trente sous pour une piastre, puis même qu'il y a une taxe dessus, là, parce qu'avec les AMP versus les AMF, activités de médecine de famille, on augmentait de cinq ans à 25 ans le nombre d'années nécessaires en établissement puis, en plus, à 35 ans les quotas obligatoires pour les médecins. 35 ans pour un médecin qui commence à travailler, comme moi, à 26 ans, ça me mène à 61 ans. 61 ans, ça commence à être un âge général qu'on peut ralentir.

M. Gladu (François-Pierre) : Mais tu es rentrée tôt en médecine, toi. La moyenne des médecins finissent entre 30 et 32 ans. Vous rajoutez 35 ans à ça, c'est toute la carrière, là.

Mme Lamarre : Ce qu'on comprend, c'est que, dans le projet de loi n° 20, il n'y a pas une diminution de l'impact de ces AMP, il y a même une intensification, et on va dans un contexte qui nous caractérise, et qui nous caractérise négativement. Alors, c'est ce que vous nous confirmez dans votre lecture actuelle.

M. Gladu (François-Pierre) : Je pense que ce qu'il faut comprendre, là, c'est que, dans les autres provinces, les autres médecins spécialistes, donc l'équivalent de nos 10 000 médecins spécialistes ici, font rouler les hôpitaux avec l'apport des médecins de famille à hauteur de 20 % de leur facturation. Ici, pour une raison qui est difficile à comprendre, les médecins spécialistes des hôpitaux au Québec ont besoin d'un apport de médecins de famille à la hauteur de 40 % de leur facturation.

Comment on est arrivés là? Bien, à chaque année depuis 1993, les 200, 300 finissants, eux, ils commencent à 70 % à l'hôpital, pour toutes sortes de raisons : l'intérêt mais aussi les AMP, les primes, l'effet conjugué dont on vous a parlé. Et donc, du 20 % qu'on était en facturation à l'hôpital en début des années 90, à chaque nouvelle cohorte de 300 à 400 étudiants qui finissaient puis qui étaient à 70 %, eux autres, à l'hôpital, bien, ça a fait monter le pourcentage global de l'ensemble des médecins de famille progressivement jusqu'à 40 %. Et, quand on parlait qu'il manquait 800 ETP en cabinet, ça vient de ça. Donc, il suffirait de diminuer, pas à 20 %, à 30 % de la facturation des médecins de famille en abolissant progressivement les AMP pour que tous les médecins de famille... pardon, tous les citoyens aient un médecin de famille et puissent le voir en temps opportun.

Donc, il ne s'agit pas de jeter le bébé avec l'eau du bain, il faut y aller progressivement. Et, même si on fait ça, les médecins québécois... les médecins de famille québécois vont être davantage en hôpital que dans les autres provinces, mais au moins on aura gardé l'expertise hospitalière des médecins de famille qui est là, tandis que, si on donne un coup de barre comme le projet de loi n° 20, là, on joue sur des cohortes de plusieurs milliers de médecins, et on va empêcher les choix de carrière en médecine familiale, et on va forcer des médecins actuellement à l'hôpital à aller en cabinet contre leur gré. Ce n'est jamais une bonne affaire quand vous forcez quelqu'un à aller dans un champ de pratique particulier. Un, il n'aura peut-être pas la compétence ni l'intérêt.

Mme Dougherty (Élizabeth) : La question de compétence est très importante ici, parce que quelqu'un qui fait de l'urgence, des soins intensifs, un médecin de famille... Des médecins de famille à l'urgence puis aux soins intensifs, là, c'est comme ça, là, dans les hôpitaux régionaux. Si, du jour au lendemain, vous dites : Bien, non, toi, tu vas aller prendre 250, 500 patients au bureau, ce n'est pas la même game, là. Il ne sait plus comment gérer un bilan lipidique, parce qu'il n'a pas fait ça depuis cinq ans, 10 ans, 15 ans. Les normes ont changé, ils ne se sont pas renseignés là-dessus parce qu'ils ont été faire de la formation pointue sur les soins aigus, critiques et non pas sur le bilan lipidique, l'examen périodique des enfants, etc.

Mme Lamarre : Vous représentez l'Association des jeunes médecins du Québec, donc vous représentez des médecins de famille et des spécialistes. Vous avez signalé qu'il n'y en avait pas, mais est-ce que vous trouvez que les mesures coercitives dans le projet de loi n° 20 sont équivalentes pour les médecins de famille et pour les médecins spécialistes?

M. Gladu (François-Pierre) : Bien, dans le fond, la différence, c'est qu'il y a des pénalités qui sont prévues pour les médecins de famille qui ont été beaucoup plus médiatisées que pour les autres médecins spécialistes, mais là, bon, tout est laissé à la voie réglementaire du ministre, qui a été signer un gros chèque en blanc. Dans le fond, là, ce n'est pas une bonne affaire, puis, eu égard aux anciennes loyautés du ministre, bien, on voit ça avec extrêmement de suspicion.

Maintenant, il faut comprendre que, même pour les autres médecins spécialistes, ce que le projet de loi prescrit n'est pas une bonne affaire. C'est comme si on disait aux médecins spécialistes des hôpitaux : Vous ne faites pas la job parce que vous êtes paresseux, dans le fond, ou vous n'allez pas répondre aux consultations assez rapidement, alors que, dans le fond, c'est un problème de plateau technique, d'accès à la radiologie, d'accès aux laboratoires, d'accès à toutes ces choses-là qui font qu'un hôpital peut rouler. Et je vous dirais même que ce problème de plateau technique là qui explique en partie les pénuries ou les attentes actuelles existe aussi en première ligne. Donc, pourquoi un patient va aller voir 10 fois un médecin pour un problème de douleur? Bien, c'est justement parce que la consultation en clinique spécialisée pour une infiltration ou pour la clinique de douleur n'a pas été faite. Donc, il y a des problèmes d'accès aux plateaux techniques. D'imposer des quotas d'en haut vers le monde qui travaille, ça ne va pas régler ces problèmes d'accès là.

Alors, comme je vous disais, on revient au problème que le Québec est la province qui investit le moins en santé. Je suis sûr que, dans les médias, ce n'est pas du tout l'image qu'on a du Québec, et c'est pourtant ça.

Mme Lamarre : Est-ce que l'accès aux règlements du projet de loi n° 20 vous permettrait d'avoir plus confiance, autant pour les médecins spécialistes que pour les omnipraticiens, à ce qu'on va peut-être retrouver dans la version finale de ça, ne serait-ce que pour mieux commenter, mieux éclairer votre argumentaire?

Mme Dougherty (Élizabeth) : C'est sûr que ça aiderait pour avoir une position plus claire et plus, comment je pourrais dire... plus étoffée. Parce que, là, on fait beaucoup de suppositions, étant donné que c'est un chèque en blanc, comme le Dr Gladu le dit, mais...

M. Gladu (François-Pierre) : Mais là je veux rajouter quelque chose. C'est que, pour vous, là, puis pour l'exercice démocratique, il aurait été nécessaire d'avoir ces règlements-là avant de commencer la commission parlementaire, comme il aurait été nécessaire d'examiner objectivement les prémisses du projet de loi, à savoir les jours travaillés. Vous savez que, depuis deux, trois semaines, il y a un black-out à la RAMQ, les journalistes ne peuvent plus avoir de réponse sur les jours travaillés. Alors, ça, ça aurait été important que vous, vous ayez accès aux jours travaillés des deux fédérations, pondérés d'une manière conservatrice mais objective, et ce n'est pas le cas.

Alors, grosso modo, vous nous demandez notre avis sur le projet de loi. Si ce n'était que de nous, on le déchirerait, on irait en états généraux et on aurait des solutions viables et durables pour partir sur un meilleur pied.

Mme Dougherty (Élizabeth) : Parce qu'on ne nie pas qu'il y a un problème d'accès, mais le problème d'accès, ce n'est pas parce que les médecins de famille et les médecins des autres spécialités sont paresseux. C'est un problème d'organisation, d'accès aux plateaux techniques, de coordination vraiment entre les médecines des autres spécialités puis la médecine de famille, mais aussi les autres professions. Donc, il faut englober là-dedans les pharmaciens, les infirmières, les physiothérapeutes, tous ceux qui gravitent dans le système de santé. Ça prend un effort de concertation pour que les gens aient accès puis qu'ils ne viennent pas voir 10 fois leurs médecins de famille parce qu'ils n'ont pas eu encore leurs consultations en médecine spécialisée. Ça prend vraiment une réorganisation du réseau.

On ne nie pas qu'il y a un problème. On dit juste que la solution qui est présentée dans le projet de loi n° 20 va être délétère au lieu d'être vraiment une vraie piste de solution.

Mme Lamarre : Effectivement, il y a des enjeux très simplistes dans ce projet de loi là et il y a des enjeux de coordination interdisciplinaire, et à l'intérieur même de la profession médicale. Je laisse les dernières secondes qui restent à mon collègue député de Rosemont.

La Présidente (Mme Montpetit) : M. le député de Rosemont, il vous reste 15 secondes.

M. Lisée : Est-ce que vous trouvez que le paiement à l'acte est trop élevé par le mode de rémunération, et on pourrait revoir ça, comme ça se fait dans d'autres provinces?

M. Gladu (François-Pierre) : C'est une bonne question, mais c'est parce que vous avez... il vous manque de l'information encore, comme parlementaire. Depuis 10 ans maintenant, les médecins de famille sont au mixte. Ça n'a pas paru du tout dans les médias, mais il y a à peu près un tiers qui est payé par la capitation, hein, on ne s'imagine pas ça, mais un tiers est fait par des forfaits de prise en charge pour...

Le Président (M. Tanguay) : Merci.

M. Gladu (François-Pierre) : ...justement inciter à la prise en charge, un tiers au tarif horaire si vous voulez, quand il y a des cas qui durent plus longtemps, et un tiers à l'acte. Donc, on est déjà au mixte.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant céder la parole... et vous pourriez peut-être compléter, si d'aventure ça vous est permis, votre réponse. Alors, je cède la parole au collègue député de Lévis, 7 m 30 s.

M. Paradis (Lévis) : Merci. Merci, M. le Président. Merci d'être là, Dr Gladu, Dre Dougherty. Moi, je vais continuer à faire un petit bout de chemin là-dessus puis je reviendrai sur d'autres questions, mais parlons-en, du mode de rémunération des médecins et de cette mixité, en tout cas, qui pourrait faire une grande différence également, plutôt que d'être majoritairement à l'acte présentement. Je vous laisse poursuivre votre explication sur ce dossier-là.

• (11 h 50) •

M. Gladu (François-Pierre) : ...la médecine familiale, ce n'est pas majoritairement à l'acte, c'est rendu complètement mixte, comme dans les autres provinces, d'ailleurs. Dans certaines autres spécialités, c'est encore complètement à l'acte. Par exemple, en pharmacie, c'est complètement à l'acte en pharmacie communautaire, mais, en pharmacie d'établissement, c'est à salaire. Donc, dans le système de santé, il y a divers modes de rémunération qui sont adaptés aux champs... aux milieux de pratique.

Mais il faut comprendre, par contre, que... Tout à l'heure, il y a quelqu'un qui parlait des CLSC, là. Les CLSC, ça a montré, je vous dirais, un peu l'inefficacité du salariat pour les médecins. Ça a duré 40 ans, cette expérience-là, et, il y a deux ans, le gouvernement a tiré la plug pour justement empêcher les nouveaux médecins d'aller à salaire. Au contraire, il voulait les mettre au mixte pour avoir un certain incitatif à la productivité.

Alors, je pense que d'avoir un mode mixte empêche d'avoir des tares venant d'un mode de rémunération seulement.

M. Paradis (Lévis) : Est-ce qu'on parlerait, à ce moment-là, de rééquilibrer cette mixité-là? Parce qu'actuellement, en principe et vue large, sur le dossier, ça passerait par là.

M. Gladu (François-Pierre) : Bien, je vous dirais que non, puis je vais vous dire pourquoi. Le collectif des enseignants en gériatrie, il y a à peu près trois, quatre ans, ont sorti dans les médias justement sur cette question-là, et devinez quoi? Ils n'ont pas demandé plus de salaire. Au contraire, ils ont demandé plus d'actes. Pourquoi? Parce que les personnes âgées complexes ont plusieurs diagnostics à faire au cours d'une même visite, et la manière de donner de la valeur à ces diagnostics-là, c'est justement de mettre des actes qui vont être par système ou par diagnostic, ce que les pharmaciens peuvent déjà faire.

Donc, au contraire, ça a été trop de l'autre côté, trop vers le salariat et la rémunération par forfait, si vous voulez — pour les clientèles complexes, on s'entend — il faut revenir un petit peu plus vers plus d'actes. Ça fait que...

M. Paradis (Lévis) : Je reviendrai sur... parce qu'on a parlé d'AMP, et j'y reviens dans un instant. On a parlé de mode de rémunération, on en parle présentement. Vous avez parlé de la notion du lui-même, je rappellerai cette déclaration du ministre de la Santé lui-même en 2012, puis on parlait à ce moment-là... et j'ouvre les guillemets seulement pour rappeler les choses, il disait : «Si je lui propose de s'entourer, de travailler plus, de voir plus de patients et en plus de perdre des revenus, donnez-moi [de] la corde, il y a des arbres ici, je vais aller me pendre.» C'est ce que le ministre disait, ouvrez les guillemets, sur une vision de la rémunération. On s'en rappelle, je pense qu'on sourit à ça, mais je vous dirai que l'arbre a tenu bon, puis finalement c'étaient seulement des propos comme ça. Je vois le ministre sourire — parce que les gens ne le voient pas.

M. Gladu (François-Pierre) : M. Paradis, je vais juste vous citer que le... M. Barrette, à ce moment-là, avait dit que, lorsqu'on enlève les menottes aux médecins de famille, on voit des patients, et je pense que ça résume tout notre mémoire.

M. Paradis (Lévis) : Alors, parlons-en, Dr Gladu, des menottes. Parce que des gens diront... Et là j'essaie de revenir avec le contexte et des propos qui rejoindront les gens qui sont moins familiers au mode de fonctionnement. L'AMP, pour madame dans sa maison, qui aujourd'hui, bon, prendra un rendez-vous pour demain, elle comprend peut-être moins le principe, et c'est tout à fait normal. Mais certains diront : Ah! ça y est, si on enlève cette façon de faire qui avait été mise en place parce qu'il y avait un besoin, mais maintenue alors qu'on a l'impression que ce n'est plus nécessaire, est-ce qu'on ne risque pas, à ce moment-là, une découverture? Et, sinon, comment se fait-il que maintenant ça puisse fonctionner, si on y va graduellement, sans créer de choc traumatique?

M. Gladu (François-Pierre) : Bien, exactement comme ça, alors en libérant les cohortes de cinq ans, donc les plus vieux d'abord, là, les 15 à 19 ans de pratique. Six mois plus tard, le ministre de la Santé évalue si, en effet, l'apport nouveau de médecins de famille en cabinet a diminué la demande hospitalière sans créer de bris de service ailleurs. Il faut comprendre que cette cohorte-là a une obligation de six heures par semaine. Eux, dans les faits, sont à 20 heures par semaine, donc moins que les plus jeunes.

Donc, cette cohorte-là, c'est un bon début. On peut commencer ça d'une manière sécuritaire, et, si six mois plus tard, comme on le propose, les résultats sont bons, eh bien, on passe à la cohorte suivante, donc les 10 à 15 ans de pratique... les 11 à 15 ans de pratique, pardon, et ainsi de suite, à chaque six mois. Évidemment, il n'y a rien qui dit qu'il ne va pas falloir arrêter à un moment donné puis prendre une pause plus longue, ça fait partie du jeu de gestion que le ministre de la Santé a à faire. Mais il faut commencer à quelque part pour revenir à la normalité de l'organisation médicale dans les autres provinces.

M. Paradis (Lévis) : Reprenons pour ceux et celles qui nous écoutent et nous regardent : l'objectif étant de faire en sorte qu'en cabinet on puisse maintenant retrouver des médecins qui pourraient traiter, que l'on ne voit pas et qui sont en centre hospitalier ou en établissement.

M. Gladu (François-Pierre) : Absolument.

M. Paradis (Lévis) : On se comprend sur la base.

Mme Dougherty (Élizabeth) : Souvent obligés et qui auraient aimé faire du cabinet, puis qu'à cause des moyens, les AMP, les PREM, ils sont pris à l'hôpital puis ils ne peuvent pas aller en cabinet du tout ou très peu, dans certains cas. Ça fait que ça aiderait définitivement l'accès.

M. Paradis (Lévis) : Est-ce qu'il est vrai, Dr Gladu, Dre Dougherty, de dire que, dans l'autre sens également, il y a des médecins de famille qui apprécient travailler en établissement et qui, de toute façon, sans AMP, décideraient de choisir cette pratique-là?

Mme Dougherty (Élizabeth) : Tout à fait.

M. Gladu (François-Pierre) : Alors, grosso modo, vous avez, sur les 3 800 assujettis aux AMP en ce moment, là, vous avez... Pour prendre les choses simples, là, vous avez quatre cohortes de 900, là, par cohorte de cinq ans, là... Il y a 900 médecins par cohorte de cinq ans, donc quatre fois neuf, 36, là, 3 600 médecins.

De ces médecins-là, il y en a la moitié qu'on leur a posé la question : Qu'est-ce que vous feriez s'il n'y avait plus d'AMP? Il y en a la moitié qui ont répondu : On ferait davantage de cabinet, soit complètement du cabinet ou en partie du cabinet, et il y en a la moitié qui ont répondu : Non, moi, je ne changerais rien à ma pratique, j'aime ça, l'hôpital. Autrement dit, il y a un potentiel de 1 900 médecins de plus à avoir en cabinet, donc la moitié, qui voudrait changer, en tout ou en partie. Et donc, quand on regarde, on évalue à peu près à demi-temps qui irait en cabinet, de plus, pour chacun de ces médecins-là, en moyenne, c'est notre 800 ETP qu'on a besoin pour être à parité avec l'Ontario pour le nombre de médecins en cabinet.

M. Paradis (Lévis) : Rassurons les gens qui nous regardent et qui nous écoutent. Il y a le milieu urbain, puis il y a le milieu plus rural également, puis il y a des régions au Québec aussi. Et là des gens s'inquiéteront à dire : Oui, mais est-ce que ce ratio-là et cette possibilité-là de ne pas risquer la découverture s'appliquent aussi lorsqu'on est en région?

M. Gladu (François-Pierre) : O.K., ça, c'est important. C'est une très bonne question. Parce que, même pour les médecins qui couvrent ces hôpitaux-là en région, c'est une question. Et ce qu'on se rend compte, c'est que, dans les autres provinces, il y a aussi des régions, et ils n'ont pas ce problème-là. Pourquoi? Bien, parce qu'ils ont un apport d'autres spécialités, ce qu'on appelle les 12 spécialités qu'on dit générales, donc le médecin interne, le pédiatre, le psychiatre, il y en a 12 comme ça qui sont des spécialités générales, donc qui sont plus en région qu'au Québec. Et en effet, de concert avec l'abolition progressive des AMP, il va falloir prévoir des mécanismes pour être sûr que les citoyens des régions ont accès aux services de médecine spécialités, dans les spécialités générales, là, au même titre qu'un patient à Montréal peut l'avoir.

Évidemment, on comprend que ça ne touche pas les surspécialités, qui doivent être en hôpitaux universitaires. On parle des spécialités générales qui doivent être diffusées partout à travers le Québec pour pouvoir prendre en charge, comme dans le reste du Canada, les patients hospitalisés en région.

M. Paradis (Lévis) : Madame, monsieur — évidemment le temps file vite — je reviens sur le mode de rémunération des médecins. Vous avez dit qu'on peut revoir le mode de rémunération puis, bon, déterminer sa forme et sa façon de faire à coût nul, parce qu'évidemment tout est une question d'argent aussi, le nerf de la guerre, c'est aussi la piastre. Pour augmenter une prise en charge, comment peut-on y arriver? Les gens diront : Bien là, si on fait ça puis que ça coûte davantage, déjà que le budget est très important, est-ce qu'on peut y arriver et comment?

Mme Dougherty (Élizabeth) : On va sauver de l'argent en sauvant, comme on a démontré tout à l'heure, des hospitalisations, en ayant le meilleur accès en première ligne. L'hôpital, on le sait, Mme Lamarre l'a dit tantôt aux autres intervenants qui étaient ici, ça coûte une beurrée, là. Si on peut l'éviter, on va sauver des coûts. Si on peut aussi éviter des examens radiologiques inutiles, des laboratoires inutiles, en ayant une prise en charge plus tôt, en distribuant mieux les ressources, on va arriver dans les...

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant céder la parole au collègue député de Mercier pour un temps de trois minutes.

M. Khadir : Merci, M. le Président. Vous avez, à juste titre, souligné tout à l'heure, dans votre présentation, que le Québec a connu un sous-financement important au cours des dernières années, qui fait en sorte qu'en santé, en fait, c'est au Québec qu'on dépense le moins par habitant. Et, si on tient compte du fait qu'au Québec, lorsqu'on a investi, malgré tout, au cours des 10, 15 dernières années, ça a surtout été fait pour payer des médicaments de plus en plus chers, en plus grande quantité, en en consommant davantage et aussi en augmentant le salaire de certains médecins, notamment les médecins spécialistes, les maudits microbiologistes que nous sommes, d'accord?

M. Gladu (François-Pierre) : Bien, si on ne veut pas avoir le virus du Nil, on est mieux de vous avoir.

M. Khadir : Donc, si on regarde vraiment les soins primaires, les soins de première ligne, le renforcement de l'accessibilité, il doit y avoir un écart incroyable avec le reste du Canada.

Pouvez-vous me donner quelques exemples, à mes collègues aussi, des meilleures pratiques qui ont fait en sorte que la Colombie-Britannique fait si bien et que nous ne sommes pas capables... En fait, ils ont une accessibilité deux fois plus grande... En fait, où on a des problèmes d'accessibilité deux fois plus grands que la Colombie-Britannique?

M. Gladu (François-Pierre) : Bien, ça, c'est le General Practice Services Committee. Alors, ce que ça a fait, grosso modo, là, c'est de dire : Le jeu de négociation entre les fédérations médicales et le ministre, ça ne mène nulle part et ça crée des conflits. Sortons ça du jeu politique, et ça va être un organisme indépendant dont le but, ça va être de renforcer la première ligne. Le gouvernement a mis, la première année, quelque chose comme 250 millions, comme je vous disais tout à l'heure, et, au fil des années, ils se sont rendu compte que ça leur rapportait 150 % de leur investissement. Et, en 2007, ils ont doublé le montant investi. Et, depuis ce temps-là, bien, c'est comme ça qu'ils ont réussi à rendre la médecine familiale une carrière attractive pour l'ensemble des médecins. Et maintenant leur ratio de médecins de famille par spécialiste est en haut de 51 %, 52 %, alors, que nous, on est à 47 %. Problème de coordination ici.

M. Khadir : Donc, vous êtes en train de dire que les fédérations médicales, qui sont des corporations, qui, comme la FMSQ et la FMOQ, sont des corporations pour l'intérêt des médecins dans leurs négociations, ont introduit des anomalies qui causent les problèmes qu'on connaît, en partie, qui sont responsables des différentes orientations prises, qui font qu'on a des problèmes d'accessibilité aujourd'hui, n'est-ce pas?

M. Gladu (François-Pierre) : Je vous dirais que c'est en partie.

M. Khadir : En partie.

M. Gladu (François-Pierre) : Je pense que le gouvernement a une part de responsabilité, les fédérations aussi.

Mme Dougherty (Élizabeth) : C'est le jeu des négociations.

M. Gladu (François-Pierre) : C'est ça.

M. Khadir : Très bien. Notamment, par exemple, dans la reconnaissance des autres praticiens, on sait, au Québec, à quel point... Jusqu'à encore récemment, ma collègue de Taillon, lorsqu'elle était à l'Ordre des infirmières, venait ici même...

M. Gladu (François-Pierre) : Des pharmaciens.

M. Khadir : ...je m'excuse, des pharmaciens, demander une plus grande reconnaissance de leur contribution. Et qui s'opposaient principalement? Est-ce que vous vous rappelez?

Mme Dougherty (Élizabeth) : C'était principalement...

M. Khadir : La Fédération des médecins spécialistes, la Fédération des médecins omnipraticiens.

M. Gladu (François-Pierre) : Moi, je vais vous dire, M. Khadir, là-dessus, j'ai un léger inconfort, parce que...

M. Khadir : Mais il faut quand même nommer les choses.

• (12 heures) •

M. Gladu (François-Pierre) : Oui, mais il faut...

Le Président (M. Tanguay) : En 10 secondes.

M. Gladu (François-Pierre) : Oui. Il faut juste comprendre qu'en ce moment on a un système un peu bizarroïde, où le médecin fait des actes techniques simples qui devraient être faits par un employé, puis, de l'autre côté, on dit qu'il va y avoir des diagnostics qui vont être faits par un tiers. Il faut régler les actes techniques en premier, tu sais?

M. Khadir : On comprend, mais donc un problème de culture...

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

M. Khadir : ...dont les fédérations médicales n'ont pas permis de régler.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous remercions les représentants de l'Association des jeunes médecins du Québec.

Et, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

(Reprise à 15 h 21)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons donc, chers collègues, poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentantes de l'Association des obstétriciens et gynécologues du Québec. Merci beaucoup pour votre présence. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite s'ensuivra un échange avec les parlementaires. S'il vous plaît, prendre le temps de vous nommer, donner vos titres et fonctions. Et la parole est à vous. Merci beaucoup.

Association des obstétriciens et
gynécologues du Québec (AOGQ)

Mme Girard (Isabelle) : Merci beaucoup, M. le Président. Est-ce que ça va pour la voix, vous m'entendez bien?

Le Président (M. Tanguay) : Oui.

Mme Girard (Isabelle) : O.K. Alors, mon nom est Dre Isabelle Girard. Je suis présidente de l'Association des obstétriciens et gynécologues du Québec — c'est plus facile pour moi de le dire que pour vous. Je suis accompagnée de Dre Sylvie Bouvet, qui est la présidente désignée de l'association.

Alors, tout d'abord, on veut tout de suite préciser aux membres de la commission que notre association va laisser le soin à la Fédération des médecins spécialistes de vous faire part de ses observations et commentaires en ce qui a trait aux dispositions de la partie I du projet de loi. Nous partageons sans réserve la position de la fédération, qui va venir vous la présenter le 17 mars. Nos commentaires à nous vont donc porter strictement sur la partie II du projet de loi, qui vise la modification profonde du programme public de procréation médicalement assistée.

Avant tout, il faut le dire haut et fort, le programme québécois de PMA a connu un très grand succès, qui a été reconnu de façon mondiale, et les résultats qui en sont ressortis, ils sont éloquents. Le programme a quand même connu des dérapages, parce qu'il a été implanté trop rapidement, sans encadrement. Ces dérapages étaient prévisibles et avaient été annoncés par notre ministre ici et par notre association lors de sa lancée. Personne ne peut prétendre être surpris de voir les dérives qui en ont découlé.

Ceci étant dit, on comprend qu'il faut absolument que le programme fasse l'objet d'une rationalisation pour des raisons budgétaires et qu'il faut mieux encadrer la couverture. Aujourd'hui, nous, on voudrait vous proposer quatre modifications au projet de loi qui vous permettront d'éviter des écueils qu'on a identifiés, potentiels, pour la deuxième vie du programme de procréation médicalement assistée.

Alors, on va commencer par notre première recommandation, qui a rapport avec l'article 10. Alors, d'entrée de jeu, dans l'article 10, le projet de loi confie au Collège des médecins le mandat de concevoir des lignes directrices en matière de procréation médicalement assistée. C'est parfait puis c'est ça qui doit être fait. Il faut qu'il y ait des sociétés savantes qui émettent les lignes directrices ou des algorithmes de traitement dans la procréation médicalement assistée. Mais, dans les articles qui suivent, 10.1, 10.2, 10.3, tous les autres, le projet de loi vient déterminer les limites de la pratique médicale, vient s'immiscer dans le lit des gens pour surveiller les relations sexuelles, alors que le gouvernement vient de confier le mandat au collège. C'est comme si on disait au collège : On vous confie le mandat d'écrire des lignes directrices, mais voici ce que vous allez écrire.

Nous voulons soumettre respectueusement que le gouvernement devrait se concentrer à énoncer clairement ce qui est couvert, ce qui n'est pas couvert et laisser ces sociétés savantes définir l'application des soins de procréation médicalement assistée. C'est d'autant plus important que la science évolue. Quand on inclut des critères d'utilisation des services de procréation médicalement assistée dans la loi, on prend une photo statique de la situation de la science aujourd'hui. Puis les lois, on le sait, elles ne se changent pas facilement. Alors, les critères risquent de devenir rapidement caducs, et on risque d'être face à des obligations de traitement qui ne correspondront pas aux meilleurs soins possible pour les gens qui recevront de l'assistance dans la procréation médicalement assistée.

Donc, on recommande, nous, de retirer les articles qui viennent présumer des critères comme l'âge, le nombre d'inséminations artificielles, le nombre de relations sexuelles requises avant une fécondation in vitro. On sait qu'il y en a qui vont pouvoir avoir toutes les relations qu'ils veulent, si une femme a les trompes bouchées, elle peut essayer tant qu'elle veut, ça ne va jamais fonctionner. Donc, on dirait qu'il faudrait retirer ces critères-là et référer plutôt à un algorithme de cheminement ou aux lignes directrices qui seraient créées par des sociétés savantes.

Notre deuxième recommandation : On est d'accord avec le gouvernement de ne pas couvrir la fécondation in vitro pour les femmes de moins de 18 ans et celles âgées de plus de 42 ans. C'est une prérogative administrative qui appartient à l'État. Et on pense qu'on devrait toujours, comme dans les autres pays, appliquer les critères de remboursement selon les chances de succès, dans la procréation médicalement assistée, puis aussi selon les critères médicaux.

Mais de là à rendre illégal tout traitement de FIV pour une femme de 42 ans et, pire, de rendre passible de sanctions pénales un médecin qui va référer une patiente à un centre privé, ailleurs dans le monde, alors qu'elle paierait de sa proche poche, là, c'est un petit peu exagéré. Nous voudrions que le projet soit assoupli, parce qu'il est absolument possible d'obtenir des traitements efficaces et sécuritaires, tant pour les mères et pour l'enfant, même si elles ont plus de 42 ans.

On peut prendre un exemple d'aberration, là, de ça. Le programme permettrait à une femme de 35 ans, obèse, sédentaire, prédiabétique, hypertendue, d'avoir accès à des traitements de FIV. Avec ce portrait médical, les chances de succès sont diminuées, sans compter les risques de complications obstétricales et néonatales. Malgré ça, on accepte de rembourser des traitements pour ces femmes-là. D'un autre côté, une femme de 42 ans en excellente santé — on se met toutes au marathon puis au demi-marathon, hein, dans la quarantaine, ces temps-ci, c'est ça qui est à la mode — cette femme-là, elle va faire l'objet d'une investigation physique avancée avec son médecin. Elle va voir un cardiologue, elle va faire... Ils vont vérifier sont état de santé au complet, mais elle n'aura pas le droit de recevoir des traitements de FIV, c'est même illégal. Pourtant, elle peut être en bien meilleure forme physique qu'une femme de 35 ans.

Si on pousse encore un peu plus loin, puisque seule l'insémination artificielle demeure couverte pour cette femme-là, les couples vont se tourner vers des inséminations répétées, avec très peu de chances de succès, alors que la FIV devrait être médicalement priorisée. C'est comme jeter notre argent par les fenêtres. Laissons ces femmes aller chercher les meilleures conditions possible en payant elles-mêmes pour leurs traitements. Une fois que le gouvernement décide de désassurer un service, les gens doivent avoir le libre choix de leurs corps et des traitements qu'ils décident de recevoir.

Si on parle du médicalement requis, malgré que la FIV va être rendue accessible avec des crédits d'impôt, les couples vont quand même devoir avancer des sommes importantes pour obtenir ces traitements, et, en plus, les critères pour avoir accès aux crédits d'impôt sont nettement très stricts... trop stricts. Voici ce que nous envisageons qu'il pourrait se passer : les couples risquent de favoriser des traitements couverts par l'assurance maladie au détriment de la fécondation in vitro lorsque ce serait la meilleure option médicalement requise.

Je vais vous donner un exemple : une jeune femme de 27 ans qui a déjà un enfant, qu'elle a eu à l'âge de 20 ans, et là, aujourd'hui, elle est aux prises avec une endométriose sévère. Cette femme-là, parce qu'elle a déjà un enfant, elle n'a pas le droit au crédit d'impôt pour la fécondation in vitro. Dans ce cas, faute de soutien financier, elle va avoir tendance à opter pour une chirurgie pour essayer de traiter son endométriose, parce que ça, c'est couvert par l'assurance maladie. Et pourtant, dans l'endométriose, la littérature est claire que la chirurgie va être efficace dans le traitement de la douleur mais que ça peut avoir même des effets néfastes sur la fertilité à long terme en réduisant la réserve ovarienne, les capacités de devenir enceinte. Le premier choix médical dans ce cas-là, c'est vraiment la fécondation in vitro.

Et j'ajouterai qu'une seule chirurgie de ce type, ça coûte pratiquement autant qu'un cycle de fécondation in vitro sans donner de résultats probants, et ça expose la femme à des risques chirurgicaux réels, parce que ce sont des chirurgies complexes et difficiles. Nous craignons que la réduction des dépenses escomptées, liée au changement de la loi, soit diluée dans des coûts généraux de soins de santé et qu'au bout du compte les économies attendues ne soient pas au rendez-vous. On ne le dépensera pas en surface, on va le dépenser dans des pochettes, dans les salles d'opération, on va aller faire des laparoscopies diagnostiques, aller faire des chirurgies.

Avec la FIV, on obtient un contrôle presque parfait du nombre de grossesses multiples grâce à la politique du transfert embryonnaire unique, qui est incluse dans la loi actuellement. Le fait de contraindre l'accessibilité à la FIV avec le crédit d'impôt va entraîner des conséquences néfastes. Cette politique prise par le gouvernement constitue un retour en arrière vers des alternatives non optimales, avec plus de risques pour la santé et les conséquences ultimes d'une augmentation des grossesses multiples et de leur lot de complications foetales et néonatales.

• (15 h 30) •

Notre troisième recommandation : On veut parler des centres universitaires. Les trois centres universitaires qui existent actuellement, à McGill et à l'Université de Montréal, continuent d'offrir... nous considérons qu'ils devraient continuer d'offrir des services complets et gratuits, qui partent de l'investigation jusqu'au traitement en fécondation in vitro, et maintenir le rôle de formateur de médecins spécialistes et surspécialistes au Québec. La recherche fondamentale et clinique est essentielle pour le développement d'un traitement de pointe. Or, le projet de loi ne garantit pas que les milieux universitaires pourront continuer d'effectuer des programmes de recherche en FIV et que les traitements vont être couverts pour les patientes.

Sur le plan strictement éthique, la recherche ne doit pas devenir une façon détournée d'obtenir des soins remboursés. En nommant un comité d'éthique, le gouvernement vient encadrer les programmes de recherche qui vont être déployés au Québec, et, avec un tel encadrement, il n'y aura aucune raison que les traitements prodigués dans le cadre de programmes de recherche ne soient pas couverts.

Pour des raisons d'équité, nous recommandons de préciser clairement dans le projet de loi que tous les traitements des patients soient couverts par l'assurance maladie lorsqu'ils sont effectués dans le cadre d'activités de recherche. C'est éthiquement questionnable quand quelqu'un a des avantages financiers qu'il va recevoir : Je te donne trois cycles pour le prix d'un si tu acceptes de participer dans un projet de recherche. Et c'est un peu ça qui est l'idée qu'on veut soutenir dans ça.

Notre quatrième et dernière recommandation...

Le Président (M. Tanguay) : Il vous resterait une minute.

Mme Girard (Isabelle) : Bien, c'est parfait.

Le Président (M. Tanguay) : Merci.

Mme Girard (Isabelle) : Je vais y arriver. Je vous remercie de m'écouter. Nous recommandons d'inclure nommément dans le projet de loi la création d'un registre de naissances. On ne l'a pas vu passer dans la loi actuelle, il était dans la loi antérieure. Nous sommes convaincus que, si le registre de naissances avait été mis en oeuvre dès le début du programme, certains des ratés qui se sont produits ne seraient jamais arrivés. Là, on va modifier le programme de façon profonde puis on n'a encore pas de moyen de surveiller quels vont être les effets qui vont arriver secondairement à ces modifications-là. Ce registre devrait être créé en même temps que la modification de la loi pour nous permettre d'assurer une surveillance.

Pour conclure, bien, les ratés du programme de PMA sont dus à la vitesse d'implantation et à l'absence des suivis des résultats. Donc, on vous demande aujourd'hui de ne pas répéter les erreurs du passé. Puis je vous remercie beaucoup, puis ça me fera plaisir de répondre à vos questions.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, vous me permettrez, juste pour des éléments d'intendance du temps : Alors, votre exposé, qui devait durer 10 minutes, a duré 11 minutes. C'est parfait, il n'y a aucun problème. Nous prenons donc cette minute-là sur le temps du ministre. Alors, M. le ministre, pour une période de 17 min 30 s, la parole est à vous.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, Dre Girard, Dre Bouvet, bonjour. Merci d'être ici aujourd'hui et merci, évidemment, de votre excellente présentation ainsi que la très bonne rédaction de votre mémoire. Je pense que vous jetez un éclairage très pertinent sur la situation actuelle.

Bien, d'abord, je vous remercie de prendre en considération les impératifs et de reconnaître les impératifs que le gouvernement a, à savoir les impératifs budgétaires. Je pense qu'on ne peut pas passer à côté de ça, là, c'est une réalité qui est incontournable, d'une part. Et, d'autre part, je pense qu'on est tous d'accord, sans entrer dans le détail et sans aller dans des exemples parfois scabreux, là, il y a eu des dérapages, vous en convenez, on en convient aussi, le Commissaire à la santé et au bien-être en avait fait état dans son rapport. Et je suis heureux de constater que vous reconnaissez la nécessité de nous adresser à cette problématique-là dans un angle budgétaire qui est le nôtre, on comprend l'un et l'autre, ou les uns les autres, mais aussi sur le plan clinique, il y avait des choses à faire, et je suis content que là-dessus on soit sur la même page.

Maintenant, je comprends aussi, puis corrigez-moi si je me trompe, là : à l'exception des éléments que vous abordez dans vos recommandations, vous êtes confortables avec le reste des éléments et articles qui traitent des autres éléments. Est-ce que je dois comprendre que, pour ce qui est des autres balises qui ne sont pas traitées dans vos recommandations, qui viennent du rapport du Commissaire à la santé et au bien-être, ça vous va?

Mme Girard (Isabelle) : Je vous dirais qu'on est d'accord avec l'idée générale. On a des questions qu'on s'est posées, entre autres par rapport à la préservation de la fertilité et le règlement qui dit qu'en bas de 18 ans on n'a pas le droit de recevoir des soins. Puis on trouve que ce n'est pas clair, à savoir, si une jeune fille de 16 ans... ou un jeune homme de 16 ans qui a un cancer du testicule puis qui va perdre sa fertilité suite aux traitements, peut être éligible à des... la fille, à des stimulations ovariennes, préservation de fertilité, et tout ça.

M. Barrette : La réponse, c'est oui.

Mme Girard (Isabelle) : Ensuite de ça, on a des difficultés aussi, un peu, avec le fait que la loi s'immisce dans la relation patient-médecin. En tant que médecins, nous, on est responsables de toujours s'assurer que nos patients sont en sécurité, reçoivent le meilleur traitement, le traitement de pointe. En mettant dans la loi qu'un médecin ne peut pas conseiller au couple... comment vous avez mis ça, là... au projet parental, aux gens qui recherchent un projet parental... — j'essaie d'être politiquement correcte dans mon expression. Si on ne peut pas les diriger et que ces gens-là, sur Internet, vont se trouver n'importe quelle clinique à l'extérieur, puis décider d'aller se faire implanter quatre puis cinq embryons, puis, en bout de ligne, revenir avec des complications beaucoup plus grandes, bien, est-ce qu'on ne va pas à l'encontre de notre devoir déontologique de les protéger? Parce qu'ils vont y aller de toute façon. Puis, au moins, on pourrait les guider puis les diriger vers des endroits plus sécuritaires, les conseiller à travers ça, etc.

Donc, on a d'autres difficultés, mais on voulait, à cause de l'obligation du temps, insister sur certains points, et c'est pour ça qu'on n'est pas allées dans ces détails-là, là. On pensait plus d'en parler pendant les questions.

M. Barrette : O.K., parfait. Bien, je vous invite, à n'importe quelles questions, de les aborder, parce que c'est l'objectif de ces consultations-là, là, d'aller dans le détail.

Juste un commentaire, puis je pense que vous le savez, là, c'est une chose dont j'ai déjà parlé dans le passé : La clause de la référence à l'extérieur, c'est une clause qui aurait pu porter un nom comme souvent, en médecine, des clauses, ou des diagnostics, ou des maladies portent des noms, alors elle aurait pu être la clause XYZ, et elle voulait non pas et elle veut encore aujourd'hui non pas empêcher ce que vous proposez ou vous évoquez, la bonne référence, mais bien empêcher la mauvaise référence, celle, comme vous venez de le dire, qui est faite pour spécifiquement avoir des implants multiples, des transferts multiples. Et, comme vous le savez, malheureusement c'est arrivé.

Et, quand on fait des règles comme celles-là, évidemment, vous conviendrez avec moi qu'on fait des règles évidemment pour favoriser les bonnes pratiques, mais souvent, en même temps, non seulement favoriser les bonnes pratiques, mais empêcher les mauvaises. Et, comme il y a eu au moins quelques exemples où ça s'est fait, de documentés, puis on n'entrera pas dans le détail, évidemment, là, parce que ça ne serait pas approprié ici, bien, c'est pour ça qu'on le fait. Si vous avez des suggestions à nous faire pour avoir le même résultat, gênez-vous pas.

Mme Girard (Isabelle) : Je pense que l'algorithme de cheminement ou les lignes directrices qui devraient être écrites par des spécialistes en EGRI, la nouvelle spécialité reconnue par le collège, en collaboration avec le Collège des médecins, pourraient certainement couvrir, justement, les bonnes pratiques médicales. Et le Collège des médecins, je pense, est un très bon «body» qui peut s'occuper de surveiller, justement, la qualité des soins et s'assurer que les mauvaises pratiques ne sont pas appliquées, et je pense que c'est leur rôle primaire. Alors, c'est ma recommandation.

M. Barrette : Je suis bien confortable avec votre commentaire, mais, spécifiquement sur la non-référence à l'extérieur, y a-tu des moyens auxquels vous pensez qui pourraient faire en sorte qu'on arrive, autrement que par la crainte, à éviter ce genre de situation là?

Mme Girard (Isabelle) : Moi, je pense que le rôle...

M. Barrette : Puis encore une fois, là, dans un contexte où on l'a vu, vous et moi, là.

• (15 h 40) •

Mme Girard (Isabelle) : Oui. Je pense que le rôle du gouvernement, c'est de dire ce qui est couvert, ce qui n'est pas couvert, puis, à partir de là... C'est sûr qu'après 40 ans, là, le coût pour produire un enfant vivant, ça monte à 75 000 $, puis, à 43 ans, c'est 100 000 $ pour avoir un enfant vivant. C'est des coûts prohibitifs qui n'ont pas de bon sens. Mais, si on décide de ne plus assurer parce qu'on n'a pas les moyens en tant que société de se payer des enfants à ce prix-là, à ce moment-là il reste que le choix appartient à l'individu de faire ce qu'ils veulent avec leurs corps.

On s'est battus pour avoir le droit de vote dans les années 60, pour les femmes, on vient de se battre pour avoir le droit de mourir, puis là on est en train d'enlever le droit d'avoir un enfant aux femmes. Moi, je regarde dans ma pratique, là, vous me parlez de pratique de tous les jours, je fais des échographies obstétricales puis, cette semaine, je faisais les rapports : 41 ans, 44 ans, 43 ans. Et là j'ai dit : Mon Dieu! Je suis allée voir les statistiques, c'est plus de 5 % des femmes qui accouchent en ce moment, au Québec, qui ont plus de 40 ans. Alors là, pourquoi, tout d'un coup, du jour au lendemain, on va rendre illégal pour une femme de 42 ans et plus de rechercher une grossesse, parce que ses ovules sont trop vieux puis que ses chances ne sont pas bonnes, quand un homme de 37 ans qui n'a pas de bon sperme, lui, il a le droit, avec sa femme, d'avoir une ICSI, une injection intracytoplasmique avec un sperme de donneur ou avec une manipulation de son sperme? C'est une injustice.

Puis ce n'est pas une question qui, je pense, va dans la loi. Je pense que c'est une question qui est au niveau éthique. On a le droit de dire qu'on ne couvre pas parce qu'on n'a pas les moyens, mais, si les gens sont prêts à passer à travers les coûts puis à travers les risques, ils peuvent prendre le choix. Puis je pense que les médecins doivent avoir le droit de pouvoir diriger ces personnes-là aux bons endroits pour ne pas qu'on subisse les retours avec conséquences, les femmes qui reviennent avec des triplets puis des quadruplets.

M. Barrette : Bon, écoutez, moi, je comprends votre argument puis je trouve que c'est un débat intéressant. Je comprends quand même de votre position que, dans le cas du médecin qui volontairement référerait un patient ailleurs pour avoir des implants multiples, vous êtes d'accord qu'il faudrait l'empêcher?

Mme Girard (Isabelle) : Oui.

M. Barrette : Bon. Ça, c'est un cas de figure. Et ça, là, c'est un élément de la loi que l'on cherche. Maintenant, l'autre élément, qui est 42 ans et plus, je comprends votre point. Alors là, je vais vous poser une question médicale et en l'agrémentant du commentaire que vous avez fait tantôt, mais dit différemment.

Vous avez pris l'exemple d'une endométriose tout à l'heure, bon, et vous avez dit que cette personne-là, là, devrait avoir une chirurgie. Bon. Et vous nous avez dit aussi que la chirurgie pour l'endométriose n'était pas un geste qui favorisait la fertilité. N'est-ce pas là un cas de figure où le médecin ne devrait pas proposer cette chirurgie-là? Et vous le présentez comme étant : Bien là, elle va passer par une chirurgie pour l'endométriose, alors qu'à la case départ le médecin, éthiquement, ne devrait pas lui proposer ça.

Une voix : ...

M. Barrette : Et là ce n'est pas ça, ma question, et ça, c'est une introduction, parce que le cas de figure que vous prenez, prenez-le pas mal, là, mais je trouve que je peux le battre. Par contre, le cas de figure éthique auquel vous faites référence, qui est le libre choix au-delà de 42 ans, là, je m'adresse à vous deux, en fait, parce que vous êtes toutes les deux dans ce domaine-là, évidemment, au-dessus de 42 ans, là, il y a un risque pour la mère et pour l'enfant, il existe, il n'est pas le même qu'à 20 ans. Ça, on va convenir de ça, là. Dans votre science d'aujourd'hui, est-ce qu'il est possible pour nous, pour la société, pour les corps professionnels, les ordres professionnels, le gouvernement qui gère notre système d'avoir des règles qui garantissent la sécurité, donc qui sélectionnent les cas où c'est faisable sans risque, et qu'on laisse la personne aller?

La finalité gouvernementale de mettre une frontière à 42 ans, c'est exclusivement non pas le coût, mais bien la sécurité de la mère et de l'enfant. Alors là, la question, c'est : Aujourd'hui, là, est-ce que vous trouvez que, vraiment, il y a des justifications de le permettre? Ce n'est pas une question de choix pour nous, là.

Mme Girard (Isabelle) : Justification de quoi? Je m'excuse, je n'ai pas entendu. Des justifications de...

M. Barrette : Est-ce qu'il y a des justifications de le permettre au-dessus de 42 ans sur la base de la sécurité de la mère et de l'enfant? Pour nous, ce n'est pas une question de coût, ce n'est pas une question de gérance dans la liberté des femmes, c'est une question de protection de la mère et de l'enfant. Parce qu'il y a un enfant, on n'en parle jamais, là. Mais prenons ça ensemble, là : Est-ce qu'il y a une science aujourd'hui pour le permettre dans des circonstances spécifiques? Parce que je comprends de vos commentaires précédents que ça ne devrait pas être la liberté absolue au-dessus de 42 ans, à moins que j'aie mal compris.

Mme Girard (Isabelle) : Alors, Dr Barrette, vous avez énoncé trois sujets. Est-ce qu'un médecin qui réfère pour des transferts qui n'ont pas de bon sens, trois puis quatre, ça ne devrait pas exister? La réponse, c'est oui. Quant à moi, ça devrait être surveillé par le Collège des médecins, qui va se mettre des règles d'application et qui va pouvoir identifier les médecins qui travaillent hors normes.

La deuxième question...

M. Barrette : Je vais vous arrêter ici pour clairer ça, puis, comme ça, on n'y reviendra plus. Je suis convaincu que le médecin, face à cette décision-là, le référent, va avoir plus peur de moi que du collège, juste de même, à cause de ce qui est dans la loi.

Mme Girard (Isabelle) : Écoutez, moi, je pense que le Collège des médecins est un organisme très respectable et je peux vous dire que...

M. Barrette : Pas que ce n'est pas respectable, je ne dis pas ça, là.

Mme Girard (Isabelle) : ...quand je reçois une lettre du collège... Moi, je travaille pour le collège, dans des comités, puis, à chaque fois que je reçois une lettre, j'ai peur que ce soit une lettre contre moi, puis, à chaque fois, c'est pour me féliciter d'avoir été nommée dans un comité, puis je fais : Ouf! Alors, on peut continuer là-dessus, là, mais je pense que ça ne va pas régler notre problème.

M. Barrette : Mais ce n'est pas dit négativement envers le collège, là, il ne faut pas...

Mme Girard (Isabelle) : Non, non. L'endométriose, la réponse, ce n'est pas que c'est de la mauvaise pratique de faire de la chirurgie, on dit... Je n'ai pas dit que la FIV était indiquée dans les cas d'endométriose, j'ai dit que, dans les choix de thérapie, dans un cas d'endométriose sévère, les résultats statistiques de grossesse et les coûts étaient moindres si on allait vers la fécondation in vitro. Maintenant, quand quelqu'un est limité par sa capacité de payer, il va peut-être choisir un traitement qui va avoir des chances de succès moindres parce que sinon il n'y aura pas de chance de succès. Alors, c'est ma réponse.

M. Barrette : Je poserai la question tout à l'heure au collège. Mais n'est-ce pas une situation où le médecin lui-même ne devrait pas proposer ça?

Mme Girard (Isabelle) : Mais, comme je vous dis, ce n'est pas nul, l'endométriose, là. Le «numbers needed to treat», là, le nombre de laparoscopies qu'on doit faire en endométriose pour obtenir une grossesse, c'est 12, ce n'est pas zéro, tu sais? On finit par y arriver, mais on va opérer 12 femmes pour y arriver. Donc, on va faire passer des femmes à travers des chirurgies et on va y arriver. Si on perd la fécondation in vitro dans l'endométriose, les taux de succès sont d'à peu près 30 % par cycle de fécondation in vitro. Donc, c'est sûr que, statistiquement, tu as des meilleures chances de devenir enceinte. Mais, si tu n'as pas l'argent pour te le payer, parce que tu as déjà un enfant ou parce que tu as déjà fait un cycle, puis tu as le droit juste à un cycle, puis tu faisais 60 000 $, ça fait que tu as été remboursée à 50 % de ton cycle, bien, à ce moment-là tu vas dire : Opérez-moi. Si ça ne marche pas, bien, pendant ce temps-là, je vais ramasser de l'argent puis j'irai en FIV. Donc, la réponse, ce n'est pas que c'est nul. Puis le médecin ne fera pas de la mauvaise pratique parce qu'il va passer par la chirurgie en premier, il va retourner aux anciennes pratiques qui se faisaient auparavant.

Maintenant, à 42 ans... Je reviens avec mon exemple de tantôt, de la femme de 35 ans, prédiabétique, hypertendue, obèse. Il y a des femmes de 42 ans qui sont en bien meilleure condition physique que des femmes beaucoup plus jeunes, puis il y a des femmes qui ont des risques de grossesse beaucoup plus élevés, même avant 42 ans. L'âge n'est pas un critère nécessairement de santé et de risque. L'important, c'est de baliser et de s'assurer que ces femmes-là sont en bonne santé pour devenir enceintes, puis elles deviennent enceintes. Je les vois passer, moi. Je les soigne, je les suis, ces femmes-là. Et elles viennent me voir en vélo avec leurs casques, puis c'est le mois d'octobre, puis il fait moins 10°, puis elles sont en «shape», et elles n'ont pas l'air d'avoir 42, 43. J'en ai eu une de 46 ans récemment qui était enceinte, elle est devenue enceinte. Je ne l'empêcherai de devenir enceinte en disant : Tu as 40 ans, c'est rendu dangereux pour ta vie. Quand une femme me demande : Qu'est-ce que vous pensez, docteur, si je décide d'avoir un bébé à 42 ans?, hein, je ne vais pas lui dire : Bien, c'est dangereux, vous ne devriez plus, à moins... Puis là, parce qu'elle est infertile, je vais lui dire : C'est dangereux, vous ne pouvez plus, je vous enlève le droit? Je vous laisse sur ma question.

M. Barrette : Sur le plan juste scientifique, là, oublions, là, qu'on est dans le contexte de l'analyse de cette loi-là, il y a quand même un risque qui est plus élevé pour la mère et l'enfant à partir d'un certain âge, là. La médecine n'a pas changé depuis qu'il y a la FIV.

Mme Girard (Isabelle) : Les risques augmentent avec l'âge, les risques augmentent avec les conditions médicales. Alors, l'âge ne devrait pas être le seul critère qui est écrit dans votre loi. Si vous voulez mettre tous les critères qui vont dire qu'une femme ne devrait pas devenir enceinte, il y en a des pages et des pages. Là, vous en avez choisi un, puis il porte atteinte à des femmes en bonne santé, parce que ce n'est pas toutes les femmes de 42 ans qui ne peuvent pas devenir enceintes.

M. Barrette : J'en conviens. Alors, ce que vous nous dites, c'est que vous, au nom du libre choix, et je le comprends, ce n'est pas une critique quand je dis ça, là, vous voulez que la loi permette la prise de risque.

Mme Girard (Isabelle) : Que la loi permette...

M. Barrette : La prise de risque.

Mme Girard (Isabelle) : La loi? Bien oui! Les gens, ils se font faire des chirurgies plastiques puis ils se font faire des... Ils s'achètent des gros chars sport, puis ils conduisent à 160 kilomètres-heure, puis, si on ne les pogne pas, même à... Tu sais, à un moment donné, là, il y a une liberté dans la vie. Il y a des gens qui boivent trop, il y a des gens qui fument trop, il y a des gens qui mangent mal. On n'est pas dans leurs lits, dans leurs maisons, en train de vérifier qu'ils font tout comme il faut puis qu'on s'assure qu'ils ne prennent aucun risque.

M. Barrette : Mais je comprends, là. C'est juste que, si vous prenez l'exemple de la Ferrari, il y a des limites de vitesse aussi, là. Et l'auto va à 300 kilomètres-heure, mais la limite est encore à 100, là.

Mme Girard (Isabelle) : ...a le choix de la suivre ou de ne pas la suivre. Vous pouvez décider de ne pas assurer, mais la personne peut décider d'aller le chercher.

M. Barrette : Mais je comprends votre point. Mais, à la question, là, que je vous pose, actuellement, là, vous n'avez pas de recommandation spécifique pour dire... Parce que, là, vous me mettez devant une situation qui est trop blanc ou trop noir. Là, vous considérez que la loi est noire, puis ce que vous me proposez, c'est blanc. Il n'y a pas rien entre les deux, là.

Mme Girard (Isabelle) : C'est très général, là. Sur quel sujet vous me dites ça, que je ne propose rien?

M. Barrette : Bien, sur le 42 ans et plus.

Mme Girard (Isabelle) : Sur le 42 ans...

• (15 h 50) •

M. Barrette : La question que je vous posais, c'est que...

Mme Girard (Isabelle) : ...moi, je dis : Ce n'est pas assuré, point.

M. Barrette : Donc, ce n'est pas assuré, point, et il n'y a pas de balise, il n'y a rien d'autre.

Mme Girard (Isabelle) : Bien, si on regarde, là... Je ne sais pas si vous avez vu le rapport de l'INESSS qui a été publié le 20 février, la semaine passée...

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Je vais maintenant...

M. Barrette : J'ai fini, moi?

Le Président (M. Tanguay) : ...peut-être vous permettre... Oui, 17 min 30 s. Nous avions pris une minute...

M. Barrette : Ah! Excusez-moi.

Le Président (M. Tanguay) : ...du 18 min 30 s. Je vais céder la parole à notre collègue députée de Taillon, qui peut-être pourra vous permettre de compléter votre réponse. Mais vous disposez, collègue, de 11 minutes. Merci.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Bien, écoutez, je pense qu'on va aller dans des questions tout à fait semblables, mais en continuité. D'abord, je veux vous souhaiter la bienvenue, Dre Girard et Dre Bouvet. Vraiment, votre mémoire est très, très intéressant, très concret, très précis, et je pense que vous avez mis en relief, en quelques éléments, les quatre grandes décisions, les lignes directrices par rapport à une législation, et, clairement, dans le projet de loi, on a des choses qui doivent s'apparenter à une ligne directrice.

Vous avez également fait référence, en préambule, à un programme adopté trop rapidement, une loi adoptée trop rapidement, qui manquait... donc qui était mal définie et mal encadrée. Je peux vous dire qu'on est actuellement dans un sprint d'adoption de lois qui nous inquiète énormément, parce que, dans cette précipitation-là, effectivement, les lois arrivent avec des ambiguïtés, avec des situations qui n'ont pas été bien anticipées, avec des impacts qui sont énormément coûteux, dans certains cas, et qui ne donnent surtout pas ce qu'on recherchait au départ pour le bien de la population. Donc, je pense qu'on doit vraiment prendre acte que cette loi, qui a été adoptée en 2010, qui était bien fondée, mais dans la précipitation, sans balise, n'a pas donné actuellement tout ce qu'on voulait.

Ceci étant dit, il y a des éléments très positifs dans cette loi-là, et on doit peaufiner. On est dans l'amélioration, et c'est ce que le commissaire nous proposait, des mesures claires et simples pour peaufiner. Et j'en retiens quelques-unes que vous avez évoquées. Le registre des naissances, qui est votre quatrième recommandation, et, pour moi, ça s'inscrit dans une grande responsabilité qui fait défaut actuellement dans notre système de santé. Qu'est-ce qu'on cherche? On cherche à créer des choses et on renonce à notre responsabilité de surveiller ce qui a été élaboré. Et c'est ça, la grande carence de notre système de santé, on ne veut pas surveiller. Et, dans le projet de loi n° 10, on ne veut pas surveiller, on veut mettre des choses interdites. On ne veut pas se donner l'obligation de faire les éléments de surveillance qui sont nécessaires. Donc, moi, j'apprécie vraiment énormément votre présentation.

Juste pour donner un peu d'illustration dans ce que vous dites, la différence entre des lignes directrices puis imposées, et cette loi-là m'apparaît être très importante par certains dérapages au niveau de ce qu'on essaie d'implanter par la loi, si on appliquait à l'extrême les mesures dont vous faites référence en médicaments, par exemple, on sait très bien que les femmes qui ont 35 ans et qui fument ne devraient plus prendre de contraceptifs oraux, alors on devrait empêcher le remboursement des contraceptifs oraux chez les femmes de 35 ans qui fument, parce qu'il y a des risques d'AVC plus importants. On ne le fait pas, cet exercice-là.

Je vous en donne un autre, qui est plus proche de la gynéco-obstétrique : les femmes épileptiques qui sont sur médication. Certains de leurs médicaments vont augmenter les risques de problèmes de malformation. On n'empêche pas les femmes épileptiques d'avoir des bébés, on veut qu'elles deviennent enceintes, mais on les balise, on les accompagne, on suit davantage. Donc, ce sont ces mécanismes de surveillance là auxquels on ne veut pas se contraindre en mettant des barrières, clairement, à l'accès, des barrières qui sont beaucoup plus discriminantes, finalement, à l'endroit des femmes, dans ce dossier-là, que dans bien d'autres domaines.

Alors, moi, j'aimerais vous entendre par rapport à la direction hors Québec, par exemple, l'interdiction de se diriger hors Québec. Est-ce qu'à votre connaissance il y a d'autres situations où, les médecins, on leur interdit de diriger des patients à l'extérieur du Québec?

Mme Girard (Isabelle) : C'est une bonne question, en fait, même une des questions qu'on se posait par rapport à, justement, aller chercher des soins hors Québec. C'est évident que, parfois, dans les systèmes de santé, hein, il va toujours y avoir des technologies qui vont être développées de façon ponctuelle dans des endroits géographiques, et il peut arriver parfois qu'une personne ait besoin d'aller recevoir un traitement dans un autre endroit, puis c'est là où elle va vraiment recevoir le meilleur soin pour sa santé. Et le fait d'être empêchée de pouvoir y aller peut effectivement faire en sorte que... bien, elle ne sera pas empêchée, mais que, si on ne peut pas lui dire que ça existe, elle peut choisir une option qui ne sera pas nécessairement la meilleure pour sa santé.

Et je ne pense pas... mais, sincèrement, moi, je suis gynécologue obstétricienne, là, ça fait que je ne connais pas ça, peut-être qu'il faudrait demander au Collège des médecins, mais je ne pense pas qu'il existe aucun autre endroit où les gens sont empêchés d'aller à l'extérieur pour aller chercher des soins, où les médecins n'ont pas le droit de diriger leurs patients vers le meilleur endroit possible pour recevoir les meilleurs soins possible si le patient décide d'aller à l'extérieur.

Mme Lamarre : Est-ce que vous trouvez cohérent que les modifications à la PMA soient dans le même projet de loi que les quotas des médecins de famille, parce que le ministre a fait référence au fait qu'il y avait des analogies? J'aimerais vous entendre sur ces analogies-là.

Mme Girard (Isabelle) : Bien, écoutez, nous, on attendait la modification de la loi depuis longtemps, là, puis elle est tombée dans la loi n° 20. Évidemment, ça nous a un peu surpris. Je pense qu'en quelque part ce que ça fait aussi c'est que ça fait tomber la PMA au fond du baril. Et puis la visibilité qu'il y a eu pour défendre les droits des femmes est presque nulle.

Moi, j'avoue que j'avais préparé des communiqués de presse, je m'étais même inscrite pour le lobbyisme, au cas où j'aie besoin de parler puis d'écrire des lettres ouvertes dans la presse. J'ai eu zéro appel de journalistes pour savoir quelle était l'opinion des obstétriciens et gynécologues à ce sujet-là, ce qui veut dire que c'est sûr que ça a été noyé. Et c'est un peu déplorable, parce que, dans ce projet de loi là, il y a des endroits où, vraiment, entre autres, il y a atteinte à la liberté, il y a atteinte à l'intégrité de l'individu, quand on va jusqu'à dire combien de relations sexuelles on devrait avoir avant de pouvoir avoir le droit d'avoir des soins de PMA, quand on décide de l'âge auquel on a le droit d'avoir des enfants. Ce sont des principes importants qu'il faut défendre. Je pense qu'en tant que députés vous devez entendre ça aujourd'hui, et on doit... vous êtes là pour représenter la population, représenter les femmes et les hommes qui font un projet d'avoir des enfants. C'est une maladie, l'infertilité, et on ne devrait pas être puni parce qu'on est malade.

Donc, c'est sûr que c'est déplorable que ça soit passé sous la table puis que ça n'ait pas reçu l'attention que ça aurait dû recevoir. J'espère qu'aujourd'hui, nous, comme on n'a pas besoin de parler de l'article 1 puis de l'article 2, bien, on va pouvoir avoir une oreille un peu plus attentive.

Mme Lamarre : Merci beaucoup. Et, comme opposition officielle, vous savez, on est d'accord qu'il y ait besoin de balises, qu'il y ait besoin de vraiment surveiller des aspects, d'accompagner mieux. Est-ce que vous, vous êtes d'accord aussi avec ce principe-là?

Mme Girard (Isabelle) : Absolument. Je pense que... Nous, dès la sortie de la loi en 2010, on était allés en conférence de presse, accompagnés du ministre Barrette, qui, alors, était président, et on avait décrié la vitesse à laquelle ils nous ont demandé d'écrire un processus de soins, à l'intérieur d'un mois, hein, c'était tellement rapide. On a essayé de faire des rebours, des vérifications au fur et à mesure où on s'en allait, on a essayé d'instaurer des balises. Il y avait un registre qui devait être fait pour offrir un suivi.

Le grand problème, aussi, était que les centres publics qui devaient soutenir ce bateau-là n'étaient même pas encore créés, il y avait McGill qui existait à ce moment-là. Donc, il fallait tout faire en même temps. Et puis les cliniques privées ont pris le bateau. Mais les cliniques privées n'avaient pas de comptes à rendre, aucun compte à rendre. La seule clinique qui a dû rendre des comptes était la clinique Procrea, parce qu'eux autres, ils sont publics, ils ont des actions. Donc, leurs livres étaient ouverts, ils ont été obligés de les montrer. Mais, toutes les autres, là, il n'y avait aucun moyen de savoir où allait l'argent, comment ça se passait, parce que les livres n'étaient pas ouverts. Ça fait que c'était comme si on donnait un chèque en blanc à des cliniques qui sont parties et qu'il y avait une autorégulation de comment ils allaient appliquer la fécondation in vitro. Ça fait qu'évidemment ça a eu de dérapes.

Mais ce qui est le plus dommage dans ça, c'est que le programme était un très bon programme. Les résultats qui en sont ressortis... on est passé de 26 % de grossesses multiples en fécondation in vitro à 6 %. C'est le plus bas taux au Canada, et je pense que c'est un, sinon le plus bas taux au monde. Et, veux veux pas, c'est remarquable. Et le grand événement qui a produit ça, c'est le fait qu'on a mis un seul embryon, parce qu'on n'était pas limités par la capacité de payer des gens qui recevaient les soins. Et ça, c'est dommage parce que la manière dont ça se passe actuellement... Puis évidemment c'est un choix de société, là, il faut qu'on limite les coûts, on n'a pas l'argent de se payer un gros système comme ça. Là, on avait, là, l'espèce de gros SUV, là, qui...

• (16 heures) •

Mme Bouvet (Sylvie) : Ferrari.

Mme Girard (Isabelle) : Hein? Bof! Ferrari ou le gros SUV, c'est familial, je ne sais pas trop, ce n'est pas ça qu'on a les moyens de se payer. Mais la manière de limiter les coûts, est-ce que c'est la manière qu'on utilise actuellement ou est-ce qu'on devrait plutôt y aller en disant : Bon, bien, on se donne un nombre de cycles, on se donne un budget annuel? Il faut ramener ça dans les organismes publics universitaires avec une gestion faite par des gens scientifiques qui font de la recherche puis qui émettent des lignes directrices, et avoir le contrôle.

En ce moment, là, dans chacun des hôpitaux, actuellement, il y a un exercice de contrôle des coûts qui est en train de se faire. On est capable de le faire parce qu'on est capable d'avoir accès aux livres, aux soins, aux actes et à tout. Et c'est cette vision-là qui était en train de ressurgir, parce que, tranquillement, à travers l'espèce de bombe atomique qui est arrivée en 2010, la poussière est tombée, on a commencé à voir clair. Même les gens qui étaient dans le bonanza se rendaient compte qu'il fallait qu'ils s'autorégulent parce que ça n'avait pas de bon sens. Le Collège des médecins était sur le point de publier des lignes directrices, qui vont sortir et qui sont extraordinaires, d'une très grande qualité.

Le Président (M. Tanguay) : Merci à vous.

Mme Girard (Isabelle) : Le ménage se faisait.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Nous cédons maintenant la parole au collègue député de Lévis pour une période de 7 min 30 s.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Merci, Dre Girard, merci, Dre Bouvet. Puis je continue, moi aussi, hein? Je vous dirai que vous abordez des notions extrêmement importantes que j'ai, et nous avons l'impression qu'il aurait été pas seulement plus agréable, mais, en tout cas, manifestement plus efficace de scinder le projet de loi et de pouvoir adresser votre questionnement et vos inquiétudes en dehors de cette option ou de ce visage d'une rémunération des médecins puis peut-être de ce que vous voudrez, parce que ce que vous dites est extrêmement important. J'ai aussi l'impression, quelque part, que vous êtes un peu noyés à travers ça et que vous n'avez pas la visibilité que vous auriez souhaité et que vous auriez dû avoir.

Il y a des choses que vous dites, j'ai pris deux, trois thèmes, et, à quelque part, c'est inquiétant pour ceux et celles qui comprennent maintenant aussi. Parce qu'il y a des notions à comprendre à travers ce que vous dites, puis ce n'est peut-être pas le lot de tout le monde aussi. Alors, c'est important que vous soyez là pour nous faire part de ces inquiétudes.

Vous dites : Là, on va retourner aux anciennes pratiques que l'on faisait avant. Vous dites que... Vous avez parlé du fait que c'était un programme qui, malgré ses problématiques, a donné des résultats. Nous étions en tête de peloton dans un contexte comme celui-là, avec des objectifs à atteindre. Est-ce qu'à la lumière de ce que dit le Commissaire à la santé et au bien-être, c'est-à-dire de resserrer le programme, de resserrer sa gestion, de faire qu'on évite les abus, est-ce que ça n'aurait pas été aussi suffisant, plutôt que de tomber dans une modification et des interdictions comme on le voit maintenant dans le projet de loi n° 20?

Mme Girard (Isabelle) : Mais c'est là où toute la question se pose, évidemment. Maintenant, où on est rendus dans le cheminement, il faut faire avec, comme on dit, puis essayer d'aller. Évidemment, vous arrivez avec le rapport Salois — puis ils vont vous présenter, eux autres aussi — je pense que ça, c'est une autre des grandes étapes qui s'est faite dans la dernière année, l'année et demie, où on a vraiment regardé le système, on l'a analysé, puis on arrivait avec des solutions possibles pour rationaliser les coûts, rationaliser les soins, protéger les patients aussi. Je pense que le système était en train de s'organiser.

Maintenant, effectivement, là, on est pris avec la loi, mais je pense que la loi, elle a quand même des bonnes balises, elle a des bonnes idées, elle récupère quand même bien. Nous, on est là pour dire : Il faut que le médicalement requis soit disponible, il faut que les soins soient disponibles à la population, mais il faut que ça réponde aussi à la capacité de payer du gouvernement, à nos valeurs de société, et ça, bien, ce n'est pas les médecins qui vont décider comment ça s'applique, c'est vraiment au niveau de la loi, et puis on va suivre ce qui est recommandé. Mais il était vraiment temps, c'est sûr, d'arriver avec des changements. Maintenant, là, vous me demandez : Est-ce qu'on aurait dû faire autrement? Nous, on suit le courant, là, comme vous autres, puis on va faire le mieux qu'on peut avec ce qui va arriver.

M. Paradis (Lévis) : Suivre le courant, c'est une chose, ça dépend où il nous dirige, hein? Si on tombe dans une chute, on essaie de ramer ou de pagayer à l'envers, histoire de s'en sortir un peu.

Mme Girard (Isabelle) : D'où l'importance du registre. C'est pour ça que nous, on demande absolument qu'il y ait un registre qui suive, parce qu'il faut voir où on va aboutir en bout de ligne avec tout ça. Parce que, là, on a à peu près réussi à avoir une photo du bateau où est-ce qu'on était rendus, avec le rapport Salois, avec le Collège des médecins, avec l'autorégulation qui s'organisait, mais il n'y a toujours pas de registre qui a été créé. Ça fait que, là, si on change encore la donne puis qu'on ne fait pas de suivi, bien, est-ce qu'on va se ramasser en meilleure position ou en pire position? La question est dans les airs.

M. Paradis (Lévis) : ...des inquiétudes, hein? Vous savez, moi, je l'apprends comme ça, à travers ce que vous me dites, et j'imagine que les gens aussi le conçoivent. Tu sais, on peut arrêter quelque chose puis, à un moment donné, se rendre compte que cet arrêt-là brusque de quelque chose qui pouvait être bonifié fait en sorte, à un moment donné, qu'on ne rattrape jamais notre erre d'aller. On ne roulera jamais au même rythme, puis quelque part, bien, au bout du compte, on remarquera, avec une photo instantanée, qu'on aura peut-être un peu reculé par rapport à l'endroit où on s'est arrêtés. C'est une inquiétude que je sens — en tout cas, que vous manifestez — collée sur celles... vos patientes, et les gens, et les couples qui vous rencontrent.

On a parlé de la notion du 35 ans, une personne qui a un état de santé déficient par rapport à une dame de 42 ans qui, manifestement... Et vous l'avez dit aussi, hein? Je veux dire, la société d'aujourd'hui fait en sorte que ces femmes-là, à 42, 43, 44, 45 ans, ont, pour plusieurs d'entre elles, un bon état de santé. Ce n'est peut-être pas généralisé tout le temps, mais, en tout cas, bref, est-ce qu'à travers l'évaluation que vous en faites, sinon que l'âge, le chiffre, le 42 ou le 35... Est-ce qu'on aurait dû ou on devrait davantage se baser sur l'état de santé de celles qui souhaitent recourir au service plutôt que sur un chiffre aléatoire?

Mme Girard (Isabelle) : Alors, je vais revenir... Ça va me faire revenir à ce que je discutais avec le ministre Barrette tout à l'heure. L'INESSS a produit, le 20 février, un document très intéressant dans lequel ils ont fait une revue mondiale de comment les services de procréation médicalement assistée sont gérés dans les pays qui offrent des services remboursés. Et là, si vous voulez aller voir, c'est des tableaux, c'est très facile à voir. Mais, en gros, là, quand on regarde la conclusion, c'est les indications qui sont remboursées, c'est le médicalement requis et les chances de succès, O.K.? Alors, ce n'est pas compliqué, là, il faut tout simplement se faire des lignes directrices, se baser sur la science puis regarder...

À 42 ans, les chances de succès ne sont pas bonnes, mais par contre, si une femme veut faire un diagnostic préimplantatoire pour réimplanter des embryons de bonne qualité, qui n'ont pas de défaut au niveau des chromosomes, ou si une femme prend un don d'ovule, ses chances de succès vont être les mêmes que si elle avait 32 ans. Par contre, est-ce qu'on a les moyens de se payer ça? La réponse, c'est non. Mais, si la femme, elle a les moyens de se le payer, elle, pourquoi elle n'y aurait pas droit? Puis là, quand elle va être enceinte d'un bébé avec un don d'ovule qui vient d'une femme de 28 ans, bien, son risque d'anomalie au niveau du bébé, il va être celui d'une femme de 28 ans.

M. Paradis (Lévis) : Vous avez parlé, Dre Girard et Dre Bouvet, du registre des naissances comme instrument primordial, essentiel à la bonne marche d'un programme comme celui-là. Pour ceux qui sont moins... Pour ceux et celles qui sont moins familiers avec cette démarche, pouvez-vous m'expliquer davantage cet élément-là, ce qu'il changerait et quelle forme devrait-il prendre?

Mme Girard (Isabelle) : En fait, un registre des naissances, ce serait de garder les statistiques de chacune... chacun des individus — je ne veux pas dire «les femmes», parce qu'il peut y avoir des individus qui sont dans un projet parental — et de voir chacun des actes qui ont été effectués, donc une stimulation avec des médicaments par la bouche, une stimulation avec des injections, des inséminations intra-utérines, des cycles de fécondation in vitro, et là de regarder par rapport à ça combien de gens deviennent enceintes, une fois qu'ils sont enceintes avec une grossesse viable, combien font de fausses-couches, puis après ça, après qu'ils ont fait une fausse couche, combien vont avoir des enfants vivants en bout de ligne, et puis là, après ça, le développement même de ces enfants-là jusqu'à l'âge de deux ans, cinq ans. On peut les suivre pendant longtemps.

À travers de ça, on peut regarder les complications. Parce qu'on parle toujours, hein, c'est quoi, les complications chez les gens qui ont des problèmes de fertilité? Est-ce que les complications sont associées au fait qu'elles sont plus âgées? Quand les femmes paient, elles vont arriver plus tard dans le système en fécondation in vitro, parce qu'il faut qu'elles réussissent à ramasser l'argent. Puis, d'habitude, quand tu as 25 ans, c'est rare que tu es capable de payer entre 7 000 $ et 10 000 $, là. Dans le privé, c'est ça que ça coûtait dans le temps. Donc, évidemment, elles arrivent plus vieilles. Est-ce que c'est parce qu'elles étaient plus vieilles qu'elles avaient plus de complications? Est-ce que, maintenant, une femme de 25 ans qui a les trompes bloquées et qui a le droit d'avoir son cycle de fécondation in vitro, elle va avoir vraiment un taux de complication plus élevé qu'une femme de 25 ans qui n'a pas de trouble de fertilité qui devient enceinte? Donc, est-ce que c'était un biais ou pas un biais? Est-ce qu'on augmente les risques? Puis de voir un peu qu'est-ce qui se passe avec tout ça.

Et là ce qui va se passer avec la nouvelle loi, c'est qu'on va aller vers des inséminations intra-utérines avec stimulation. Ça peut donner jusqu'à 30 % de grossesses multiples. Quand on parle du succès du système... du programme de procréation médicalement assistée puis qu'on dit qu'on a passé de 26 % à 5 % de grossesses multiples, c'est en fécondation in vitro. Et le nombre absolu de grossesses multiples au Québec, depuis le programme, il n'a pas baissé. Le nombre absolu de prématurés n'a pas baissé.

• (16 h 10) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

Mme Girard (Isabelle) : Leur provenance, c'est les stimulations et les inséminations, ce n'est pas les fécondations in vitro.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant céder la parole à notre collègue de Mercier pour une période de trois minutes.

M. Khadir : ...poursuivre sur exactement cette lancée. Vous êtes d'avis, d'après ce que j'ai compris dans votre rapport, que, si on limite trop par les changements apportés par ce projet de loi, on risque de pousser vers les autres méthodes, dont les stimulations, c'est-à-dire par la bouche, par injection, etc.

Mme Girard (Isabelle) : Oui.

M. Khadir : Et donc est-ce que j'ai raison de croire, donc, qu'on peut prévoir une augmentation des grossesses multiples avec toutes les complications et les coûts qui viennent avec?

Mme Girard (Isabelle) : Proportionnellement au nombre de cycles, la réponse, c'est oui. On en a vu plus. Parce que c'est le dénominateur qui n'était pas le même, hein? C'est que le nombre total de personnes qui ont reçu des soins a augmenté de façon extrême. Là, on va avoir une baisse du nombre de fécondations in vitro puis on va avoir une augmentation. Donc, proportionnellement, si on regarde par rapport à chaque individu qui reçoit des services de procréation médicalement assistée, la balance va pencher vers l'insémination et la stimulation, donc vers l'augmentation du taux de grossesses multiples. Et c'est ce qui est en train de se faire en Ontario actuellement, où eux autres, ils remboursent les inséminations tant que tu veux, donc tu en fais, puis ça donne ce genre de résultat là.

M. Khadir : Donc, les standards internationaux actuellement favorisent deux critères, bien qu'il faille, dans chaque critère, établir des balises, que vous recommandez, que ça soit les experts médicaux et le Collège des médecins, mais globalement c'est quand c'est médicalement requis et quand il y a de bonnes chances de réussite du processus de fécondation in vitro.

Parce que, là, contrairement à la grossesse normale... pour rappeler à mon médecin et collègue, nous avons étudié, nous, à la faculté, il y a 20, 25 ans, et, la grossesse normale, il n'y avait pas moyen de vérifier la qualité du foetus avant de l'implanter, c'était un processus naturel, et, chez les patients, chez les femmes au-dessus de 35, petit à petit, avec l'âge, le risque de complication augmentait. Ce n'est pas le cas dans une fécondation in vitro, parce qu'on regarde, on peut déterminer la qualité du foetus, n'est-ce pas, implanté.

Mme Girard (Isabelle) : On peut le faire au besoin, si c'est nécessaire.

M. Khadir : Très bien. Maintenant, vous avez dit qu'il y a des considérations de coûts rattachés à ça, vous avez dit que, peut-être, on n'a pas le moyen de se le payer. Je vous rappellerai qu'au Québec, actuellement, suivant les dernières analyses publiées par des experts indépendants, on paie nos médicaments 1,5 milliard de dollars plus cher. Le programme au total a coûté, la dernière année, à peu près 70 millions, d'accord? C'est au moins — là, aidez-moi dans le calcul — au moins 20 fois plus cher. On gaspille 20 fois en médicaments ce que nous coûte ce programme, qui répond à des besoins. Est-ce que vous pensez que c'est de bons choix de société qu'on fait de payer à de forts prix des médicaments qui vont dans la poche de multinationales pharmaceutiques?

Mme Girard (Isabelle) : Bien, nous, on est des médecins, là, ça fait qu'on a des patients devant nous, puis on veut leur donner les meilleurs soins possible. Je laisse cette question-là dans votre champ, M. le député.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

M. Khadir : ...on paie trop cher les médicaments...

Le Président (M. Tanguay) : Merci.

M. Khadir : ...qu'on pourrait faire une économie là et le donner en services aux patients. Lequel préférez-vous? Payer trop cher les médicaments ou des patients...

Mme Girard (Isabelle) : Moi, je taxerais les bouteilles en plastique.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, merci beaucoup. Alors, nous vous remercions pour votre présentation et nous suspendons quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 14)

(Reprise à 16 h 16)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos consultations. Nous recevons maintenant les représentants du Collège des médecins du Québec. Vous disposez d'une période de temps de 10 minutes. Par la suite, il y aura un échange avec les parlementaires. Je vous prierais de bien vouloir vous identifier, avec vos fonctions, d'entrée de jeu. Alors, la parole est à vous.

Collège des médecins du Québec (CMQ)

M. Bernard (Charles) : Alors, Charles Bernard, président-directeur général du Collège des médecins du Québec.

M. Robert (Yves) : Yves Robert, secrétaire du Collège des médecins du Québec.

M. Bernard (Charles) : Alors, M. le Président, M. le ministre, alors, chers Mmes et MM. les parlementaires, le Collège des médecins vous remercie de lui permettre de présenter ses observations concernant le projet de loi n° 20. Ce projet de loi s'inscrit dans une vaste réforme du système de santé comprenant plusieurs projets de loi passés et à venir. Il y a trois semaines, le Collège des médecins a rendu publics, à l'occasion d'une conférence de presse, ses commentaires, ses préoccupations sur ce qui est actuellement connu de cette réforme. Le document qui en faisait état est joint en annexe.

La collaboration de tous dans la réalisation d'un chantier d'une telle ampleur sera nécessaire, et les conditions facilitant cette collaboration devront être présentes, notamment l'écoute, le soutien aux changements, l'esprit de collaboration et le maintien de la motivation de tous.

Toutefois, on ne peut qu'avoir des doutes sur la réalisation de ces conditions dans la conjoncture actuelle. En fait, on ne peut pas ignorer les tensions existantes entre l'État et ses employés, les professionnels de la santé, dont les médecins, les bouleversements liés aux déménagements des grands hôpitaux universitaires de Montréal, l'implantation de nouvelles structures consécutives à l'adoption du projet de loi n° 10, les changements de mode de financement des établissements, le tout dans un contexte plus global de réduction et de contrôle des dépenses de l'État. Comment ignorer ce tableau global quand vient le temps, pour un ordre professionnel comme le Collège des médecins, dont la mission est la protection du public, de commenter, avec les informations très limitées actuellement disponibles, un projet de loi de nature coercitive pour la profession médicale? Nous tenterons quand même de le faire en formulant davantage de questions que de suggestions.

Si l'accessibilité aux médecins est un problème réel, surtout et particulièrement en première ligne, il est faux de croire que la responsabilité repose uniquement sur les médecins. La situation devant laquelle nous nous retrouvons est le résultat de nombreuses mesures incitatives et coercitives déterminées par des décideurs au-dessus des médecins sur le terrain. En résumé, le projet de loi ne décrit que le cadre d'obligation de quotas, de durée, de délais minimums attendus de la part des médecins, moyennant des pénalités touchant la rémunération, le tout à être précisé dans un règlement dont le contenu reste inconnu.

• (16 h 20) •

Il n'y a aucune information sur les modalités d'application annoncées dans le futur règlement du gouvernement, qu'on persiste à ne pas rendre public. Ce règlement contiendrait une grille d'équivalence qui permettrait de préserver une couverture adéquate de tous les services particuliers offerts par les médecins de famille, tels que les clientèles lourdes, l'enseignement, les soins de fin de vie, traitement de toxicomanie, personnes souffrant de problème mental, couverture d'urgence et plusieurs autres, tout en augmentant l'accessibilité en temps réel de l'évaluation, de la prise en charge et du suivi des problèmes courants et des maladies chroniques. Cette grille, qui ressemble de plus en plus à une formule magique, suscite notre curiosité et notre appréhension. Elle vise à n'en pas douter à augmenter le volume d'activité.

Serait-elle véritablement un outil permettant de rendre compte équitablement des besoins de la clientèle et des impératifs de qualité auxquels les médecins seront soucieux de se conformer? Sera-t-elle une formule permettant, par de nombreuses et inévitables exceptions, d'échapper aux contraintes prévues au projet de loi en cas de non-respect? Sera-t-elle suffisamment robuste pour résister à une interprétation aléatoire lors d'une éventuelle contestation judiciaire d'une application des pénalités monétaires prévues? Sera-t-elle la solution miracle à laquelle personne n'avait pensé ou la déception plus vraisemblable d'une autre mesure dont les effets bénéfiques ou pervers n'ont pas été adéquatement évalués, comme beaucoup d'interventions antérieures mises de l'avant par l'État? Ou ne sera-t-elle, finalement, qu'une couche de complexité additionnelle à l'application d'une entente médicale déjà trop complexe et qu'il faudra un jour penser à simplifier?

À notre avis, comme nous l'avons déjà dit, les solutions aux problèmes complexes du système de santé doivent davantage faire appel à la collaboration qu'à la coercition. Plutôt que de punir, ce qui pourrait être une mesure de dernier recours pour les cas d'exception, il faudrait soutenir. Plusieurs mesures déjà demandées dans le passé tardent à être implantées, telles que les ordonnances collectives, l'informatisation du réseau, le partage d'activités médicales avec d'autres professionnels de la santé, l'accès adapté, l'accès aux plateaux techniques, et j'en passe. Le collège a été, pour beaucoup d'entre elles, l'initiateur et le promoteur, mais leur implantation, la plupart du temps, a été freinée par l'appareil de l'État lui-même.

Que dire de cette portion connue du projet de loi sans en connaître les modalités d'application? Nous avons eu l'occasion d'exprimer les effets pervers possibles liés aux comportements d'adaptation qui pourront tenter les médecins pour éviter les pénalités prévues. Il n'y a aucune information disponible sur les mesures de soutien à la première ligne que le ministre entend promouvoir ou mettre de l'avant. Il n'y a aucune garantie que l'accès va véritablement être amélioré, puisqu'il dépend en grande partie de l'organisation des services qui devrait être faite par les nouveaux établissements régionaux, qui n'existent pas encore, et dont les personnes responsables sont en cours de nomination, et dont les plans d'action sont à définir, à écrire et à mettre en place.

À cette étape-ci, vous comprendrez que le collège reste dans l'expectative avec ses questions sans réponse et ses préoccupations quant à la qualité et à la sécurité des services pour les patients et du maintien de la motivation et de la bonne volonté des médecins à exercer malgré les contraintes et les faiblesses du système de santé. Nous souhaitons que tous garderont l'espoir assez longtemps pour ne pas perdre la foi dans l'orientation gouvernementale, puisqu'à cette étape-ci il s'agit bien d'un acte de foi.

Le projet de loi aussi, vous en avez entendu parler par nos prédécesseures, l'association des gynécologues et obstétriciens du Québec, concerne également la procréation médicalement assistée. Alors, on a des commentaires aussi à vous donner.

Comme nous avons eu l'occasion de le mentionner il y a trois semaines, le collège recommande de séparer, le projet de loi, des critères ouvrant au financement public de certaines activités de procréation médicalement assistée à celles des normes de bonnes pratiques médicales dans ce domaine, en laissant exclusivement au Collège des médecins ce dernier aspect relativement à sa mission et à son mandat. Voilà pourquoi nous sommes d'accord avec les modifications proposées à l'article 10 de la Loi sur les activités cliniques et de recherche en matière de procréation assistée.

Nous sommes à finaliser les lignes directrices sur les activités de procréation médicalement assistée en identifiant des niveaux de soins et, pour chacun d'entre eux, les activités qui y sont reliées, la compétence requise pour les médecins ainsi que les données de surveillance à obtenir et l'analyse à effectuer, guides qui devraient être adoptés d'ici juin, probablement avant que vous ne votiez la loi n° 20. Nous souhaiterions que le ministre renforce dans la loi l'obligation de se conformer à ces lignes directrices et laisser au collège le mandat d'effectuer la surveillance de ces activités et, le cas échéant, d'en faire rapport au ministre.

Le collège n'entend pas se prononcer sur le bien-fondé de financer publiquement ou non la procréation médicalement assistée en tout ou en partie, ce qui est le privilège du gouvernement. Notons toutefois, comme on l'a dit précédemment, que le financement public en vigueur depuis le mois d'août 2010 a présenté certains avantages, en particulier la réduction des grossesses multiples liées à la fertilisation in vitro. La volonté de désassurer substantiellement le programme public mis en place en 2010 ne devrait pas compromettre le maintien de l'objectif de réduction des effets secondaires des techniques de procréation médicalement assistée, en particulier le nombre de grossesses multiples. On en a parlé, les gynécologues vous en ont parlé.

Enfin, il reste plusieurs questions en suspens que nous souhaiterions discuter plus en détail avec les autorités du ministère de la Santé et des Services sociaux responsables de ce programme. Les discussions avec l'équipe ministérielle ont déjà été amorcées à cet égard et s'annoncent constructives.

En conclusion, le projet de loi n° 20, dans sa première partie, n'est rien d'autre qu'un cadre confiant au ministre de la Santé et des Services sociaux le pouvoir d'établir des quotas à respecter par les médecins de famille et d'autres spécialités ainsi que de déterminer les pénalités sur la rémunération à défaut d'atteindre ces quotas. Toutes les modalités d'application seront contenues dans un règlement du gouvernement à venir. Dans ce contexte, il est difficile pour le Collège des médecins d'émettre une opinion sur les avantages et les inconvénients à escompter. Le collège aurait souhaité plus de transparence de la part du gouvernement quant au plan d'ensemble de la réforme en santé dans lequel s'inscrit le projet de loi pour mieux apprécier les avantages et les inconvénients.

Le collège a plus de questions et de préoccupations que de réponses à cette étape-ci. L'accumulation et la vitesse des changements implantés dans le réseau de la santé, les négociations de l'État avec les employés du secteur public, la restructuration globale du réseau, le déménagement de deux grands centres hospitaliers universitaires constituent à nos yeux une conjoncture à très haut risque de dérapage et de danger pour la qualité et la sécurité des services de santé en général et pour les services médicaux en particulier.

Pour le volet touchant les activités de procréation médicalement assistée, le collège laisse au gouvernement le soin de déterminer la nature et le niveau de couverture financière publique de ces activités, mais recommande de lui laisser la responsabilité qui lui revient d'établir et de surveiller le respect des normes des bonnes pratiques médicales dans ce domaine.

Voilà quelques réflexions. J'espère que j'ai tenu le temps, M. le Président?

Le Président (M. Tanguay) : Oui. Il vous reste même 20 secondes.

M. Bernard (Charles) : Bien, c'est merveilleux! Alors, on apprend.

Le Président (M. Tanguay) : Je vous remercie beaucoup. Alors, maintenant débute la période d'échange pour une période de 17 minutes avec le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Barrette : Dr Bernard, Dr Robert, je vais essayer d'aller relativement vite, puis j'imagine que ça va être possible pour vous. Vous êtes capables, évidemment, sans aucun problème, d'être concis. J'ai 17 minutes, et, en 17 minutes, on ne pourra pas faire le tour de ce sujet-là, mais par contre il y a des choses qui m'apparaissent importantes.

Alors, vous venez aujourd'hui puis vous nous dites que vous avez plus de questions que de solutions. En 2009-2010, vous participiez à une table de concertation sur l'accès et, dans votre mémoire, vous dites que vous êtes d'accord avec le diagnostic. Vous faites essentiellement notre constat. Vous constatez la même chose que nous et vous êtes d'accord avec. Aujourd'hui, vous nous dites que vous n'avez pas de solution à proposer. Je suis étonné qu'il n'y ait pas de solution à proposer, d'une part.

D'autre part, et là c'est une question que je vous pose, je pense que, si vous êtes d'accord avec le diagnostic... — c'est vos mots. Bien, confirmez-moi si vous considérez qu'au Québec il y a une capacité non offerte, une capacité non offerte à la population par le corps médical.

M. Bernard (Charles) : D'abord, je dois dire que le diagnostic est excellent, et, on le répète aujourd'hui, vous avez raison, il y a un problème d'accessibilité. Là où on n'a pas de proposition à faire, c'est que le gouvernement n'a pas fait le ménage dans les projets qui sont sur la table et qui sont en chantier. J'en ai fait état tantôt. Il y a énormément d'activités qui ont été proposées, qui ont été mises en chantier au Québec et qui sont restées lettre morte ou en suspens. Je pourrais vous en faire état de plusieurs, là, qui auraient pu améliorer l'accessibilité, mais je sais que vous... On n'a pas de temps à perdre là-dessus, mais vous comprenez très bien de quoi je veux parler, ne serait-ce que le Dossier santé Québec qui traîne, ne serait-ce que les exemples que je vous ai cités dans la lecture de vos... excusez, de mon résumé. Alors donc, là, on a déjà une partie du problème qui pourrait être résolu.

Et ce qui nous fait peur, c'est que ces chantiers-là n'ont même pas été réalisés, et là on en a à peu près cinq, six autres, peut-être 10 chantiers qui s'en viennent. Il faudrait peut-être commencer par terminer ceux qui sont déjà établis. Et là on est dans une dynamique, si vous voulez, de changements énormes. Vous en êtes, là, on va changer... on déménage deux hôpitaux universitaires, on place un paquet de nouveaux directeurs généraux dans des hôpitaux qui ne sont même pas encore tout à fait créés. Imaginez-vous... Moi, là, vous me demandez de vérifier la sécurité des soins qui vont se passer dans ces établissements-là, la qualité des médecins qui vont pratiquer dans ces établissements-là. Alors, pour nous, on se pose des questions. Et, si vous étiez assis à notre place, vous auriez les mêmes préoccupations, j'en suis sûr, parce que vous êtes médecin également.

• (16 h 30) •

M. Barrette : Je comprends, Dr Bernard, mais je comprends aussi que vous faites le même constat que nous. Je comprends de vos propos que vous considérez aussi qu'il y a un problème de capacité. Et j'irais aussi, pour ce qui est de l'hôpital, à dire qu'il y a des problèmes de fonctionnement, qui sont des choses que vous avez vues à plusieurs reprises vous-mêmes. Et il n'y a pas 10 chantiers, là, il y en a deux... en fait, il y a trois. Le prochain est en financement à l'activité.

Maintenant, ça me permet de m'adresser à la question... Vous dites que ce projet de loi là n'est que des quotas. Ce matin, si vous avez suivi la comparution de l'Association des jeunes médecins, vous avez été probablement surpris de constater que c'était probablement la seule organisation au monde qui ne sait pas qu'il y a des quotas en Angleterre, et ça, j'ai trouvé ça étonnant. Mais ici, au Canada, là, dans une de nos provinces voisines, très près de nous, le gouvernement de la province en question propose ou demande à ses médecins, dans leurs équipes de santé familiale — ça s'appelle comme ça — d'avoir une prise en charge de 1 800 patients et évidemment de travailler en collaboration avec des infirmières, auquel cas, s'ils travaillent avec une infirmière, ils doivent en prendre 400 de plus et, avec une infirmière praticienne spécialisée, 800 de plus.

Au Québec, et c'est une question que je vous pose, est-ce que chez vous, au collège, voir un médecin prendre en charge 2 500 patients, 3 000 patients, ça nécessite une inspection? Est-ce que c'est un signe de mauvaise pratique médicale? Est-ce qu'il est possible d'avoir de la qualité avec une prise en charge significative?

M. Bernard (Charles) : Je peux vous répondre là-dessus que ce n'est pas nécessairement un signe de mauvaise pratique que d'avoir un volume, mais c'est un indicateur qu'on doit poser des questions. Effectivement, si vous avez un volume très grand de pratique, on peut vérifier si la pratique, à l'intérieur de ce volume-là, respecte les normes. Parce que, si on applique tous les guides de pratique, vous le savez très bien, puis si on a une clientèle variée, il est très difficile de voir un très grand volume. Alors, c'est sûr et certain que, si vous pratiquez dans une clinique sans rendez-vous puis que vous avez un problème à résoudre, vous allez voir un grand nombre de problèmes. Mais, si vous avez une clientèle plus âgée, et là je ne vous ferai pas toute la litanie des exceptions...

M. Barrette : On s'entend là-dessus, Dr Bernard, mais...

M. Bernard (Charles) : ...il y en a des dizaines et des dizaines.

M. Barrette : On s'entend là-dessus.

M. Bernard (Charles) : Et c'est là-dessus que nous, on se pose des questions. C'est que ce qu'on entend dans les médias... Et vous en avez fait état vous-même que vous allez avoir des modulations, des ci ou des ça.

M. Barrette : Tout à fait.

M. Bernard (Charles) : Mais est-ce que, quand on va gérer 50 exceptions, ce n'est pas complexifier encore plus l'affaire?

M. Barrette : Ici, oui. Mais actuellement, Dr Bernard, c'est...

M. Bernard (Charles) : Parce que, là, il ne faut pas être trop simpliste, là, de la façon de gérer ça. Nous, après ça, on va avoir à gérer la visite chez les médecins puis vérifier s'ils pratiquent correctement. Alors donc, pour nous, il y a une difficulté, là, qu'on rencontre. Vous la comprenez, cette difficulté-là, aussi.

M. Barrette : Ici, la problématique, Dr Bernard, est une problématique populationnelle. Et vous, évidemment, vous êtes un ordre dont la mission est de protéger le public. Et notre objectif est de faire en sorte que la population générale, incluant les patients vulnérables, incluant... hein, bon, soit prise en charge.

Deux questions. Est-ce que vous considéreriez que le gouvernement actuel d'une autre province canadienne qui demande à ses médecins de famille de prendre, dans une répartition démographique normale, 1 800 patients est contraire à la protection du public? Parce que c'est ce qu'on... On demande moins que ça, nous autres, là.

M. Bernard (Charles) : Mais juste pour vous dire, avant de laisser la... Nous, dans notre code de déontologie révisé, je vous inviterais à lire l'article 3 puis 3.1, c'est exactement ça : on oblige les médecins maintenant à avoir cette vision de donner un service collectif. Alors donc, si vous avez vu ça, vous voyez qu'on a cette responsabilité-là, puis on l'accepte. Ce que vous me parlez, c'est plus des négociations avec les fédérations, c'est des ententes à venir. Ce n'est pas nécessairement l'affaire du Collège des médecins, là. On est en dehors, hors champ, pour nous.

M. Robert (Yves) : Et, pour répondre à vos questions, premièrement, on a déjà limité le nombre de patients qu'un médecin devait voir, parce qu'il en voyait 2 500, et c'était trop pour offrir une bonne qualité. On l'a déjà fait dans le passé. Deuxièmement, qu'est-ce que le gouvernement qui impose 1 800 impose comme pénalité s'ils ne respectent pas leurs 1 800?

M. Barrette : Ça, c'est une autre question.

M. Robert (Yves) : Troisièmement, est-ce qu'ils ont, dans cette autre province, imposé des activités médicales particulières et des plans d'effectifs médicaux?

Le Président (M. Tanguay) : À titre de président, vous allez me permettre d'intervenir. Il s'agit d'un dialogue.

M. Robert (Yves) : D'accord.

Le Président (M. Tanguay) : Nous sommes heureux de vous recevoir à votre Assemblée nationale, et je vous invite donc à poursuivre sur un bon ton. Merci.

M. Barrette : Moi, j'essaie de mettre en parallèle des situations similaires. Ici, au Québec, une des critiques, face au projet de loi, qui est la plus véhiculée est ce que l'on appelle le quota. Bien, le quota, il existe parce qu'il y a un problème d'accès. Et l'accès, ça passe, et vous en conviendrez... Puis, si ce n'est pas correct, ce que je dis, je vous invite à me contredire, mais je vais le prendre avec plaisir. À un moment donné, avant d'avoir des soins organisés, il faut quand même avoir une disponibilité, une offre de services. Et cette offre de services là doit correspondre à un certain volume.

Un volume n'est pas un péché en soi. Et, quand je regarde ce qui se fait dans une autre province, on dit : 1 800 de façon générale, là, pas 1 800 patients malades chroniques en fin de vie, 1 800 qui respectent la démographie de la population. Si la personne n'a pas d'activité hospitalière, nous, on parle de 1 500, et, si la personne a des activités hospitalières, 1 100, qu'ils disent, nous, on parle de 1 000. Est-ce que c'est dangereux? Parce que, moi, ce qui m'importe ici, c'est votre opinion d'organisation qui est là pour protéger le public. Le reste, la négociation, les états d'âme d'un ou de l'autre... Dans une société qui a un problème d'accès qui passe par l'offre de services, est-ce que les paramètres qu'on met là, là, sont des paramètres contraires à la protection du public, vu de votre angle? Et, avec un paramètre, là, un paramètre... pas un paramètre, mais une condition claire, 1 500, là, pour quelqu'un qui ne fait pas d'hôpital, mais avec une répartition démographique normale, donc la même proportion que dans la population de malades vulnérables, toxicomanes, en santé, jeunes, moins jeunes, et ainsi de suite, est-ce qu'on est, nous, avec ces paramètres-là... on met la population en danger?

M. Robert (Yves) : Ça dépend essentiellement... Pourquoi est-ce qu'on n'aurait pas pensé à ça dans des ententes antérieures?

M. Barrette : C'est une bonne question.

M. Robert (Yves) : Pourquoi est-ce que les ententes n'avaient pas favorisé ça auparavant? Pourquoi est-ce qu'on attend 2015 pour faire ce genre d'ententes là? Et surtout quel support va-t-on offrir aux médecins de première ligne pour être capables d'atteindre ces objectifs? J'appellerais ça des quotas, on pourrait appeler ça des objectifs. Qu'est-ce qui empêche de le faire déjà, actuellement? C'est ça, la question.

M. Barrette : Bien oui. Et là je vous renverrais un peu la balle. Quand je prends votre mémoire, vous faites un constat et, dans votre constat, vous constatez que le passé n'a pas donné les effets escomptés. Non seulement il ne les a pas donnés, mais, en réalité, et vous le dites, et je suis d'accord avec votre affirmation, vous dites qu'il y a des décisions qui ont été prises sans contrepartie dans le temps. Par exemple, vous faites référence aux décisions des années 90, où on a mis les médecins à la retraite. Puis après ça vous faites référence aux AMP qu'on n'a pas adaptées avec le temps.

Mais force est de constater, puis là j'aimerais vous entendre là-dessus, force est de constater que les objectifs qui étaient visés par ces mesures-là, dans le passé, ont... Les mesures ont atteint leurs objectifs, mais elles ont été mal gérées avec le temps. Ce genre de mesures là, là, ça fait la job, passez-moi l'expression, là. Et ça, le collège, je pense que vous vous en rappelez, il y avait des problèmes, là, dans les hôpitaux quand il y a eu les AMP. Il fallait le faire. Par contre, il n'y a pas eu d'équilibre à la suite. Les mises à la retraite, ce n'était pas une bonne idée, mais il a fallu... Puis baisser les entrées en faculté de médecine, ce n'était pas une bonne idée, puis tout le monde le dit, et on est revenus. Mon point, ici, c'est que ces mesures-là que vous-mêmes constatez qu'elles ont eu l'effet escompté, bien, elles ont été nécessaires pour avoir l'effet recherché.

Aujourd'hui, vous faites le constat... Je ne dis pas que l'effet recherché était bon, là, je dis que, quand on a mis les médecins à la retraite, c'était pour sauver de l'argent, c'était le retour à l'équilibre budgétaire. Tout le monde a dit que ce n'était pas une bonne idée pour la population, puis ça n'a pas été une bonne idée, mais ça a sauvé l'argent, puis je ne suis pas sûr que ça en a sauvé tant que ça. Mais aujourd'hui, là, on est dans une situation où les dernières années montrent qu'il n'y a pas d'effet pour la population. Et là nous, on met en place des choses qui nous apparaissent raisonnables et qui sont inférieures en objectifs, ce que d'autres provinces proposent.

Là, vous allez me dire : Les autres n'ont pas de pénalité. O.K., mais il ne reste pas moins que, ces chiffres-là, ils mettent sur la table, dans une province qui a moins de docteurs per capita que nous... Et la question que je vous repose : Est-ce que nos chiffres, en termes de capacité, généreraient des pratiques dangereuses?

• (16 h 40) •

M. Bernard (Charles) : Notre analyse sur cette question-là, c'est que probablement, probablement, je ne suis pas sûr, que cette mesure-là ou ces mesures-là vont atteindre un objectif à très court terme, O.K.? Mais, comme vous avez dit, les autres mesures antérieures ont atteint un objectif à court terme, mais il n'y a pas eu d'adaptation, et ça a fait que ça a dégénéré, pour ne pas dire foiré.

Maintenant, on amène de nouvelles mesures, puis ça, c'est tout à votre honneur d'essayer de trouver des solutions, si vous voulez. On en est, nous, de trouver des solutions, mais on dit que ces solutions-là doivent sortir d'une discussion. Et là on veut imposer un quota. Très bien, peut-être que ça va régler le problème pour un an ou deux. Mais, nous, notre impression et notre expérience nous prouvent qu'il va y avoir probablement des effets pervers qui vont arriver, probablement pas mal plus vite qu'on peut penser. Et là on va se ramasser avec le même problème. On va être avec quoi devant nous? Rien. Le problème ne sera pas résolu.

Alors, pourquoi ne pas essayer de trouver, avec toutes les parties prenantes, des solutions qui vont être à plus long terme, mettre en place ce qui est déjà amorcé, amener des nouvelles mesures, puis qui ne soient pas nécessairement punitives? Parce que, les mesures punitives, là, je n'ai jamais trouvé que ça avait donné bien, bien des résultats à très long terme. Et, de toute façon, comme on a dit dans notre mémoire, il va sûrement y avoir des contestations de toutes ces mesures punitives là qui vont arriver et ça va créer un climat d'affrontement.

Je pense qu'en médecine, en tout cas dans la pratique médicale que moi, je connais, que j'ai faite depuis presque 40 ans, le combat, là, ce n'est pas tellement la solution. On essaie d'être partenaires avec nos patients, on essaie de discuter avec les gens, de résoudre des problèmes, alors je pense qu'on devrait essayer la même méthode pour essayer de solutionner ce problème-là. Et vous le dites vous-même que les solutions antérieures ont été des mesures nécessaires, mais très temporaires, qui n'ont pas donné des résultats à long terme.

M. Barrette : Elles ont donné, les mesures, le résultat qu'elles visaient à ce moment-là. Ceci dit, Dr Bernard, j'en conviens avec vous que le dialogue est la... mais, du dialogue, il y en a depuis 15 ans, là. Mais ça, c'est de la politique, là. N'allons pas nécessairement là. Moi, ce qui m'intéresse, c'est, dans votre vision, là, dans votre perception de la qualité de l'acte, là... Les paramètres qu'on met là n'empêchent pas la qualité, n'empêchent pas la saine organisation des soins, n'empêchent pas le collège de faire des guides de pratique, de prendre en considération ceci, cela. Vous avez vous-même... Et là je vous pose une question : Pourquoi vous avez changé le code de déontologie pour inclure des éléments comme ceux que vous avez mis, là, la responsabilité de prendre en charge les patients, de donner des services, une espèce d'obligation morale de donner des services requis à la population?

M. Bernard (Charles) : La réponse est dans votre question : C'est qu'on voyait les problèmes.

M. Barrette : Donc, vous voyiez le problème, mais c'est parfait.

M. Bernard (Charles) : Bien oui, mais on l'a dit depuis toujours qu'on le voit, le problème. On l'a, le diagnostic. On a toujours dit que le diagnostic est bon. Nous, dans notre juridiction à nous, on a essayé de prendre les mesures, dans notre juridiction à nous, qu'on peut amener les médecins à offrir des services et à offrir pas juste des services individuels mais couvrir la collectivité des services de santé. Alors, on a fait des efforts quand même importants, et ça, c'en est une...

M. Barrette : Je comprends. Puis je vous remercie de votre commentaire. Il ne me reste pas beaucoup de temps, puis il faut absolument que je vous pose la question que vous avez eue à l'avance tantôt : J'aimerais ça vous entendre sur le plus de 42 ans. Êtes-vous capables de nous dire si, oui ou non... Bon, d'abord, la première question, c'est : N'y a-t-il pas un risque supplémentaire pour la femme de plus de 42 ans...

M. Bernard (Charles) : Je vais vous donner une réponse très sommaire, et je vais laisser le... parce que c'est un dossier, vous savez, qui est dirigé probablement plus par le Dr Robert que par moi. Mais tantôt vous parliez de gestion de risques, hein? En médecine, c'est notre job, on gère des risques tous les jours. Vous en avez géré, des risques, pendant votre carrière de médecin. Alors, pourquoi, quand on parle de stimulation ovarienne, dans la loi, qui amène un risque de grossesses multiples, de danger pour les foetus, danger pour la mère qui est porteuse, ça, c'est imposé, il y a des risques, vous gérez des risques, là, là-dedans, dans cette loi-là, et, à 42 ans, qui est un autre genre de risque, lui, on ne veut... on ne l'accepte pas? Alors, c'est ça qui est difficile à comprendre. Je vais laisser Dr Robert, sur le côté plus...

M. Barrette : Vous demandez de baliser de façon plus étroite la stimulation ovarienne?

M. Robert (Yves) : Absolument, parce que c'est la cause première, probablement...

M. Barrette : C'est parfait.

M. Robert (Yves) : ...des grossesses multiples, O.K.? Donc, nous, on arrive... En fait, ce qu'on vous recommande dans cette portion de la loi, c'est essentiellement de laisser les lignes directrices qu'on va produire comme étant la norme, de nous laisser la surveiller, si... On faisait allusion tantôt au fameux registre qui était prévu dans la loi puis qui n'est jamais né finalement, ça nous inquiète. On va faire le travail, on va le faire nous-mêmes, avec la collaboration des fertologues. Et puis le risque à 42 ans, pour répondre à votre question de façon précise...

M. Barrette : ...ils vont vouloir continuer, mais il faut absolument que... Me permettez-vous?

Le Président (M. Tanguay) : Mais là on n'a pas le temps... De consentement, il faut aller sur le temps de la collègue de Taillon. Alors, pour une période de 10 minutes, laissez-vous à messieurs le temps de terminer?

Mme Lamarre : ...en échange d'une reconnaissance éternelle.

Le Président (M. Tanguay) : Ah!

Mme Lamarre : Je suis dans le rouge.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, je constate le consentement.

M. Barrette : ...pour le bénéfice de tout le monde, surtout des parlementaires, et ceux qui nous écoutent, et vous : Le registre, il est encore dans la loi, il reste. Il n'a pas été appliqué, il sera appliqué. Alors, quand on s'interroge sur la...

M. Bernard (Charles) : Bien, c'est-à-dire qu'il n'est pas appliqué, ça devait être la responsabilité de la Santé publique, M. le ministre. Et nous, on va prendre l'initiative de le remettre à jour, parce qu'on a un comité de périnatalité. Vu que ça ne se fait pas, on va le faire, c'est notre job, de surveiller la qualité.

M. Barrette : Voilà. Mon point était qu'on n'a pas besoin de le mettre dans la loi, il était déjà là, puis il n'a pas été appliqué, puis il va l'être.

Le Président (M. Tanguay) : Bon. Alors, j'ai constaté un 40 secondes, gracieuseté de la collègue de Taillon. Nous sommes déjà... Alors, c'est à son crédit. Alors, votre 10 minutes est déjà entamé de 45 secondes. À vous.

Mme Lamarre : Merci, M. le Président. Bonjour, Dr Bernard. Bonjour, Dr Robert. C'est un plaisir de vous retrouver. Écoutez, on va aller essayer... dans le vif du sujet, là, parce qu'on est rendus trop intenses, on ne pourra pas ralentir. Vous comprenez, je lis un peu votre communiqué, là, aujourd'hui, vous avez très bien saisi que, dans le programme, dans le système du médecin... du ministre, pour avoir son système de quotas, il va y avoir des points-bonis pour certains patients et il va y avoir des équivalences pour d'autres choses. Autrement dit, on a un potentiel de 10 points, là, puis on l'échange, puis on choisit des choses.

Alors, comment vous pensez que vous allez être capables d'arbitrer la prise en charge de l'ensemble de la population? Si un médecin décide de choisir, pour échapper à certaines contraintes, de faire, par exemple, beaucoup, beaucoup, beaucoup d'enseignement, ce qui n'est pas négatif, là, mais qui... il décide, lui, qu'il va chercher ses points-bonis, au lieu de les prendre en voyant des patients, de faire de l'enseignement ou de s'occuper exclusivement de toxicos, de toxicomanes, comment vous allez vous assurer que la population va être couverte mieux par ce système, qui est la révélation de l'heure?

M. Bernard (Charles) : Bien, écoutez, on n'a pas de remède magique, là, pour savoir que toute la population... D'ailleurs, actuellement, on a un problème d'accès, puis on le reconnaît, alors on veut bien essayer de trouver des solutions. Par contre, là, c'est une grille hypothétique. Moi, je veux dire, des hypothèses, là, on peut en discuter jusqu'à demain matin. Mais c'est difficile pour moi de vous dire comment on va...

Mme Lamarre : ...tout de suite, ça prend des règlements. Je pense que...

M. Bernard (Charles) : ...on va mesurer ça. La difficulté, on vous l'a dit dans notre présentation, c'est qu'on ne connaît pas ça, les normes, ou, en tout cas, la charte, ou le gabarit, ou appelez ça comme vous voudrez, de cette affaire-là. Alors, comment vous voulez qu'on puisse vous dire comment on va gérer ça? C'est impossible de savoir ça. Déjà, c'est très difficile d'évaluer la qualité d'une pratique médicale. Alors, est-ce qu'on va continuer à le faire pour les médecins qui vont poser des actes dans les cas qu'ils vont avoir? Mais ça va être très difficile, c'est sûr et certain, de mesurer l'impact sur la collectivité, si c'est ça que vous voulez savoir.

Mme Lamarre : Je vous comprends tout à fait, parce que je pense qu'effectivement ces aspects-là sont déterminants pour qu'on puisse apprécier jusqu'à quel point l'ensemble de la population va être mieux prise en charge. Et vous ne les avez pas, et nous ne les avons pas non plus. Et c'est ça qu'on demande dans les règlements. Et, pour la population, ce n'est pas facile à comprendre pourquoi des règlements au lieu d'une loi. Mais c'est parce que ces modalités-là, c'est vraiment ce qui va nous permettre, en bout de piste... Et j'espère qu'au niveau du gouvernement on fait cette démarche-là et que le ministre s'assure que c'est fait. Est-ce qu'en accumulant tous les points-bonis sur certains sous-groupes de patients on ne vient pas peut-être, même, diminuer encore plus le nombre de patients qui va avoir accès à un médecin de famille? On pourrait arriver à cette conclusion-là, malgré le fait que ça a l'air attrayant sous ce principe-là.

Donc, moi, je pense qu'il y a vraiment, à ce niveau-là, une urgence d'avoir accès aux règlements pour qu'on puisse faire des extrapolations de modèle. À moins que le ministre nous dépose un modèle clair, net et précis où on démontre qu'avec le nombre de patients qui est prévu et les modalités de sous-groupe qui vont donner des points-bonis on va assurer une meilleure prise en charge de l'ensemble de la population du Québec.

M. Robert (Yves) : Une des choses qui nous préoccupent, c'est effectivement le fait qu'on doit atteindre les quotas médecin par médecin plutôt que par groupe de médecins, éventuellement. Parce qu'un des problèmes auxquels on a à faire face actuellement dans certaines cliniques, c'est que, lorsqu'un médecin prend sa retraite, comme les patients sont inscrits à son nom à lui, les autres médecins de la même clinique ne sont pas intéressés à prendre sa clientèle. Donc, on crée des problèmes d'accessibilité en rendant des patients orphelins. Et là, si on responsabilisait davantage le groupe de médecins, bien, ces patients-là pourraient être retransférés ou redistribués à travers l'équipe de soins.

Donc, éventuellement, c'est une des choses qui est faite dans l'autre juridiction à laquelle le ministre faisait allusion, c'est-à-dire qu'on responsabilise avec un nombre d'inscriptions, mais pas seulement un médecin individuellement, mais l'ensemble du groupe de médecins. Et ça, ça peut être une solution qui peut permettre justement de pallier au fait que non seulement on ne veut pas que les médecins travaillent ensemble, mais ils vont être en compétition les uns avec les autres pour des patients éventuels. Ça fait que ce n'est pas simple. Ça ne sera pas simple à régler.

• (16 h 50) •

Mme Lamarre : Dans le projet de loi n° 20, on a un certain nombre de paramètres qui sont assez coercitifs à l'endroit des médecins de famille, et certains autres paramètres à l'endroit des spécialistes. Dans l'exercice de vos fonctions de surveillance de la qualité et... On entend beaucoup, en tout cas du côté du terrain, des difficultés de collaboration entre spécialistes et médecins de famille, en partie causées par les déficiences au niveau des systèmes informatiques, mais aussi par toutes sortes de situations où, de part et d'autre, il n'y a pas vraiment un encouragement à cette collaboration intense, pour toutes sortes de raisons, les gens ont des occupations... Est-ce que vous voyez, dans le projet de loi n° 20, quelque chose qui va améliorer la collaboration entre le médecin de famille et le médecin spécialiste?

M. Bernard (Charles) : Ce dont vous faites état, c'est d'avoir des corridors de services. Le projet de loi qui est présenté actuellement donne un temps pour répondre à des consultations urgentes. Alors, ça, c'est dans un cadre très précis. Ce n'est pas la majorité des consultations, parce que, quand vous allez voir votre médecin à son cabinet ou ailleurs dans l'hôpital, vous pouvez avoir une demande de consultation, puis ce n'est pas nécessairement une consultation urgente, puis les délais peuvent être très longs. Si c'est ça, votre question, c'est sûr que le projet de loi répond à une demande urgente de consultation chez des spécialistes. Je pense que c'est trois heures, si je me souviens, dans la lecture du projet, là.

Mme Lamarre : Entre 7 heures et 17 heures, là, durant le jour.

M. Bernard (Charles) : Oui. Alors, c'est ça.

Mme Lamarre : Mais donc exclusivement à l'intérieur d'un hôpital, et pas nécessairement entre les médecins de famille, entre les médecins de GMF et les spécialistes, de façon générale. Est-ce qu'il n'y aurait pas un besoin aussi d'améliorer cette fluidité-là au niveau de l'efficacité?

M. Bernard (Charles) : ...une sensibilisation, nous, au Collège des médecins, énorme concernant cette fluidité-là, si vous voulez appeler ça comme ça, entre les médecins de famille et les médecins spécialistes. Alors, c'est sûr et certain que, dans certains milieux, je pense que ça, ça existe. Probablement qu'il y a encore des déficits à certains endroits. Mais c'est plus une initiative des médecins eux-mêmes, qui doivent s'organiser. Il y a une question d'organisation de travail là-dedans, là. Alors donc, il y a peut-être des médecins qui nécessitent d'avoir une meilleure organisation de leur travail pour répondre dans des délais raisonnables.

Mme Lamarre : Au niveau de la procréation médicalement assistée, vous recommandez, tout comme l'association des gynécologues, obstétriciens, l'abolition de certains articles dans le projet de loi. Vous allez de 10.1 à 10.6. L'association, eux, abolissait l'article 10.6. Pouvez-vous nous donner un peu les raisons pour lesquelles vous demandez ça?

M. Bernard (Charles) : Je vais laisser le Dr Robert vous répondre là-dessus, mais, nous, ce qu'on a dit essentiellement, c'est qu'on veut laisser au gouvernement, ici, le loisir de décider ce que vous financez, ce que vous ne financez pas. Ça, c'est votre décision, et tout ça. Par contre, en ce qui concerne les normes de pratiques puis l'expertise médicale, avec tout le respect que je dois à tout le monde ici, je pense que les experts, c'est les médecins, dans ce domaine-là, alors laissez-leur faire leur travail. C'est à eux à dicter ça.

Puis, deuxièmement, il ne faut pas trop encarcaner la science. Parce que vous savez qu'on a énormément de recherche qui se fait dans plusieurs domaines, dans celui-là comme dans d'autres, et il y a eu de l'évolution. Si on avait eu la même discussion il y a 15, 20 ans, on ne parlerait même pas de procréation médicalement assistée. Alors, voyez-vous qu'on a fait des pas de géant? Et probablement, si on se rencontre à nouveau, ce que je souhaite ardemment, dans cinq, 10 ans, probablement qu'on sera rendus à une étape plus loin ou à d'autres choses. Alors, il faut faire attention quand on met dans des lois... il ne faut pas trop attacher la science dans des lois, à mon humble avis.

M. Robert (Yves) : Et là on était tout à fait d'accord avec l'Association des obstétriciens et gynécologues, qui nous a précédés. Si on le met dans la loi, ça risque d'avoir comme effet pervers de fixer les pratiques médicales, alors que c'est un domaine qui est en évolution constante. Donc, voilà pourquoi on propose davantage : fixons-nous sur les lignes directrices et laissons la possibilité d'évoluer les pratiques médicales et les bonnes pratiques médicales en vertu de ces lignes directrices, qui vont être plus faciles à changer que des lois. Et donc c'est essentiellement ce qu'on dit.

En particulier, la proposition touchant l'article 10.2, qui concerne l'évaluation psychosociale des patients, on a eu l'occasion de faire deux enquêtes de qualité récemment et on s'est aperçu qu'il n'existait pas de norme là-dedans. Donc, nous, ce qu'on souhaite faire, c'est travailler avec l'Ordre des travailleurs sociaux et l'Ordre des psychologues pour établir ce que doit contenir et ce que doit évaluer cette évaluation psychosociale dans le but de l'inclure dans les lignes directrices, qui, elles-mêmes, vont évoluer.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

M. Robert (Yves) : Parce qu'on s'est aperçu qu'il n'y avait pas beaucoup de normes, puis, même si c'était prescrit par la loi, il n'y avait pas de référence actuellement pour avoir une bonne évaluation psychosociale. Donc, ça reste à travailler encore.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous cédons maintenant la parole au collègue député de Lévis pour sept minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Merci d'être là, Dr Bernard, Dr Robert. Je vais faire un petit bout sur la procréation assistée parce que vous y êtes, puis on y était maintenant, puis je reviendrai par la suite... Est-ce qu'on est en train de se rendre compte — et votre vision de la chose — que ce programme, très récent encore — on parle de décembre 2010 — aurait pu être bonifié, encadré, mieux géré, réglementé, plutôt que de le modifier complètement, même à l'échelle de ce qui devra être financé ou pas? Est-ce qu'on va... Est-ce qu'on est en train... Tout à l'heure, les spécialistes nous ont dit : On a fait des avancées extraordinaires, on est en tête de peloton, il y a des résultats manifestes, chiffrés, statistiques. Est-ce qu'il n'y a pas danger, là, alors que vous étiez à établir des lignes, et tout ça, d'aller trop vite, et de finalement ramer contre-courant, et reculer?

M. Bernard (Charles) : On vous invite à la prudence dans ce domaine-là en disant qu'il ne faudrait pas reculer et annuler les bénéfices qu'on a retirés de ça jusqu'à maintenant, abstraction faite du financement, là. Et c'est sûr qu'il y a eu — on peut en témoigner, là, très longtemps — de... il y a eu probablement des abus qui ont été faits, il y a des choses qui n'ont pas été correctes dans l'application de ce programme-là, mais il y a eu des choses correctes. Alors, ça, il ne faudrait pas l'éliminer, il ne faudrait pas...

M. Paradis (Lévis) : Et je comprends que le Commissaire à la santé et au bien-être le dit également, là, je veux dire, bon, il le dit, écoutez...

M. Robert (Yves) : Il y avait des ajustements qui étaient nécessaires, il n'y a aucun doute là-dessus.

M. Paradis (Lévis) : Tout le monde s'entend.

M. Robert (Yves) : La question, c'est l'intensité des ajustements. Mais ça, ça devient, jusqu'à un certain point, très lié au financement, et ça reste le privilège du gouvernement de décider jusqu'à quel niveau il souhaite le financer. C'est clair que les conditions qui prévalaient jusqu'à maintenant pouvaient favoriser plus facilement certains choix que ceux qui sont prévus dans le projet de loi.

M. Paradis (Lévis) : Dr Robert, je comprends, et vous venez de le dire : On était en train d'établir des lignes directrices, elles doivent être probablement prêtes pour juin, peut-être même avant que l'on dispose du projet de loi n° 20. Puis vous dites aussi, en substance, en débutant : Vous savez, on a plein de tables de concertation ou de travail où on est en train d'avancer puis on n'a pas terminé. C'est vos mots, vous avez dit : On n'a pas terminé ce qui a été commencé. Et ça, moi, ça m'inquiète. Ça inquiète probablement les gens qui nous regardent et nous écoutent. Ce que vous me dites, et corrigez-moi si je me trompe, vous étiez déjà, en raison du diagnostic que vous approuvez et du constat, en mode modifions, mais là on est en train de briser cet échange au profit d'un projet de loi que vous questionnez parce que vous ne le connaissez pas, je veux dire, il vous manque des éléments.

M. Bernard (Charles) : Si vous me répondez... Dans notre juridiction, le Collège des médecins, en ce qui concerne la collaboration interprofessionnelle, la qualité des soins, effectivement on a plusieurs chantiers, et, dans certains chantiers, c'est complètement arrêté ou, en tout cas, retardé — si j'utilisais un mot québécois, «stallé». Ça, c'est facile à comprendre.

M. Paradis (Lévis) : ...des fois, ce n'est pas facile à redémarrer quand c'est «stallé», hein? Vous le savez.

M. Bernard (Charles) : C'est ça.

M. Paradis (Lévis) : Je comprends. Vous avez abordé la difficulté que vous aviez d'évaluer en fonction de ce que vous ne connaissez pas, je veux dire, et, dans votre mémoire, c'est ça partout. On n'a pas les règlements. Il est punitif, mais on peut difficilement apporter des solutions, parce qu'on ne sait pas comment tout ça va s'appliquer. Mais vous nous dites aussi : Il y aura assurément... Puis vous en faites un... vous dites : Écoutez, il va falloir qu'on gère aussi ça, les contestations potentielles après qu'on ait décidé que quelqu'un n'aura pas répondu à ce qu'on lui demande au chapitre de la civilité ou des quotas, et le reste.

À la lumière de ce que vous lisez là-dedans, avez-vous l'impression qu'on peut même dénaturer la Régie de l'assurance maladie du Québec, qui, quelque part, deviendrait potentiellement un tribunal administratif pour gérer les exceptions, les problèmes, les révisions, etc.? Et je vois sourire Dr Robert.

M. Bernard (Charles) : L'assurance maladie du Québec, ce n'est pas un tribunal administratif, loin de là. Je pense qu'il n'y a pas grand-chose à gérer que d'administrer un programme. Alors, lui, il répond aux normes qui lui sont soumises et il va simplement administrer son programme. Par contre, les gens peuvent avoir recours à d'autres tribunaux ou à d'autres niveaux pour contester ces choses-là, sur l'interprétation, par contre, que peut faire la Régie de l'assurance maladie ou d'autres intervenants dans le dossier.

M. Paradis (Lévis) : Mais, encore là, vous jugez, à la lecture du projet de loi, que plusieurs articles qui... D'ailleurs, bon, on nous a dit qu'ils devraient être récrits, parce que, bon, ils s'arrimaient mal avec le n° 10 déjà adopté. Il y a plein d'articles qui doivent être repensés, réécris, sur lesquels on devra réfléchir à nouveau.

M. Bernard (Charles) : Oui, mais, pour la procréation médicalement assistée, par contre, je dois vous dire qu'on a déjà amorcé, suite à cette présentation-là, des discussions avec les autorités ou le ministère de la Santé, et ça va bien. Alors, je pense qu'il y a eu une certaine ouverture et une écoute sur certaines propositions concernant les normes de pratiques puis la qualité de l'exercice. Ça, je dois avouer qu'il y a une ouverture à ce point de vue là.

Concernant, comme je vous ai parlé tantôt, le financement, on vous laisse ça entre les mains. Vous êtes les décideurs, et c'est à vous de décider ça.

M. Paradis (Lévis) : Vous dites, en page 4, à travers les inquiétudes que vous manifestez : «Quel sera l'incitatif pour reprendre la clientèle d'un médecin qui doit cesser son exercice?» Hier encore, je voyais l'exemple d'un médecin de 82 ans, le Dr Paul-Émile Godin, que vous avez peut-être vu, 2 000 patients, secteur Beauport...

M. Bernard (Charles) : Savez-vous qu'on a au-dessus de 220 médecins...

M. Paradis (Lévis) : ...au-dessus de 80 ans.

M. Bernard (Charles) : ...de cet âge-là qui pratiquent encore?

• (17 heures) •

M. Paradis (Lévis) : Mais ça, j'aimerais vous entendre, parce que ça fait aussi partie de vos inquiétudes fondamentales, c'est-à-dire : C'est bien beau donner des quotas, mais le médecin qui quitte devra, bon, en principe, selon la loi, répartir ses patients. Et ce n'est pas...

M. Bernard (Charles) : Ça va faire partie de la liste des exceptions, alors...

M. Robert (Yves) : ...pour témoigner, parce que, lorsqu'un médecin cesse son exercice, s'il ne trouve pas de cessionnaire de dossiers, dans la loi médicale celui qui est responsable d'assurer le suivi, c'est le secrétaire de l'ordre — ça, c'est moi. Et donc, dans ce contexte-là, il faut trouver des cessionnaires avec les régions, avec les agences à l'époque, et tout ça. Ce n'est pas évident de trouver des personnes qui sont prêtes, au pied levé, à prendre 2 000 patients. Et donc ces personnes-là, avec les mécanismes qu'on connaît actuellement, doivent passer par les guichets d'accès pour pouvoir être réparties à travers, avec une liste de priorités, et tout ça.

Ce n'est déjà pas possible de le faire, donc on peut bien l'imposer dans la loi, là, mais je ne sais pas quel miracle va faire en sorte qu'on va être capables de pouvoir les répartir. C'est ça, la question, là, pratique. Et j'en ai parlé avec la FMOQ, on a fait une table de concertation avec des gens du ministère, de la FMOQ, les personnes des régions, les directeurs régionaux de médecine générale, puis les solutions, là, ne sont pas miraculeuses, là, je veux dire. Si vous avez des solutions, parfait, mais ce n'est pas en imposant des quotas qu'on va nécessairement régler le problème.

M. Bernard (Charles) : Il faut regarder aussi la faisabilité des choses. Quand on fait des propositions, qu'on impose des règlements, qu'on impose des lois, il faut que ça soit réalisable et faisable, et donc il faut regarder les forces en place, il faut regarder les possibilités. Nous, tout ce qu'on vous dit : Actuellement, il y a beaucoup de tumulte dans le réseau, puis, quand vous amenez des nouveautés, ça va être difficile d'implanter, là. J'ai bien hâte de voir ce qui va se passer...

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

M. Bernard (Charles) : ...après le 1er avril, là, c'est la date butoir pour les changements des nouveaux établissements, et tout ça, là. Alors, tout ce que je souhaite, c'est que tout se passe dans l'harmonie puis dans ce que les gens ont souhaité.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant céder la parole au collègue de Mercier pour trois minutes.

M. Khadir : Merci, M. le Président. Messieurs, bienvenue. Chers collègues. Je prends la discussion là où vous la laissez. Donc, comme vous l'avez dit dans votre mémoire, vous craignez pour le réseau, pour sa stabilité, pour sa capacité à gérer autant de changements rapidement, d'autant plus que, d'après ce que j'ai compris de votre mémoire, c'est que vous ne retrouvez pas, dans ce projet de loi, quelque chose qui fait suite, qui englobe, qui intègre ce qui a déjà été fait ou qui tient compte de ce qui a déjà été fait, et c'est pour ça que vous avez de sérieuses réserves, si j'ai bien interprété.

Pour notre part, Québec solidaire, nous, on pense que le ministre pourrait rencontrer beaucoup d'admiration, beaucoup, je dirais, d'approbation de la part de tout le monde s'il retirait son projet de loi et venait avec un projet de loi plus mobilisateur, plus inspiré de ce qui a été fait pour vraiment prendre les meilleures pratiques et tenir compte de ce qu'on a fait, pour ne pas repartir à zéro puis rebraquer.

Maintenant, le commissaire, comme on est ici en terrain où on cherche des solutions également, le Commissaire à la santé et au bien-être a fait une série de propositions, et je voudrais savoir, je voudrais les nommer et savoir si, selon vous, ça tient compte de ce qui a été fait dans le passé et si ça peut être un élément qui perturbe ou qui améliore le réseau.

Alors, favoriser la pratique médicale en groupe ainsi que l'interdisciplinarité dans la pratique médicale. Est-ce que c'est...

M. Bernard (Charles) : ...de toute évidence.

M. Khadir : Très bien.

M. Bernard (Charles) : Je vais dire plus ou moins. Alors, plus.

M. Khadir : Soutenir l'implantation du dossier médical informatisé et du dossier de santé partageable.

M. Bernard (Charles) : Plus, plus.

M. Khadir : Explorer de nouvelles modalités de prestation de soins et agir sur les pratiques, par exemple assistance à distance par des robots...

M. Bernard (Charles) : On vient d'écrire un guide sur la télémédecine. C'est plus.

M. Khadir : Que vous nous avez envoyé, que j'ai reçu, que le ministre a reçu, très bien. Tout ça n'est pas dans le projet de loi, dois-je répéter, actuellement.

Favoriser les pratiques d'autosoins et soutenir la contribution des proches aidants. Est-ce que ça peut être...

M. Bernard (Charles) : Plus.

M. Khadir : Plus. Agir sur la planification et la gestion des activités cliniques. Là, il y a un élément quand même, dans l'imposition des quotas, qui est une mesure d'efficience.

J'aimerais juste rappeler au ministre — je ne sais pas qui l'a informé sur la Grande-Bretagne : La Grande-Bretagne a implanté plusieurs incitatifs. Il n'y avait pas de mesure punitive. On peut questionner la valeur respective de chacun de ceux-là, c'est des incitatifs positifs. Et ce n'est pas des quotas individuels, c'est des QOF, là, Quality and Outcomes Framework, qui, dans des établissements ou dans des pratiques, cherchent à atteindre d'abord des standards de qualité accompagnés des éléments d'efficience, mais ce n'est pas les mêmes quotas dont on parle, absolument pas. On pourra y revenir.

Implanter des mécanismes d'appréciation et d'amélioration continue de la performance clinique. Est-ce que ça perturberait le système de santé actuellement?

M. Bernard (Charles) : Plus.

M. Khadir : Plus. Agir sur le financement des soins, c'est-à-dire balancer.

M. Bernard (Charles) : Bien, ça, on a déjà dit qu'il va y en avoir de toute façon, il va falloir qu'il y ait des nouveaux financements qui se passent avec tout le remodelage.

Le Président (M. Tanguay) : Merci.

M. Khadir : Très bien.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, je vous remercie. Ceci met fin à notre échange. Merci, donc, aux représentants du Collège des médecins du Québec.

Nous suspendons quelques instants. Merci à vous.

(Suspension de la séance à 17 h 5)

(Reprise à 17 h 7)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos consultations. Nous recevons ce soir la représentante du Collège québécois des médecins de famille. Alors, bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation. Par la suite, il y aura un échange avec les parlementaires. Et je vous prierais de bien vouloir vous identifier d'entrée de jeu. Alors, la parole est à vous.

Collège québécois des médecins de famille (CQMF)

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Merci. Donc, Dre Maxine Dumas Pilon. Je suis médecin de famille et présidente du Collège québécois des médecins de famille.

Bonsoir à tous, merci d'être encore là à cette heure qui, ma foi, va s'étendre et s'étirer... de ce que j'en comprends, oui? O.K. Excellent. Merci de me recevoir en commission parlementaire sur ce sujet très intéressant et qui aura su capter notre attention à tous. En tant que présidente du Collège québécois des médecins de famille, je suis honorée de présenter devant vous les grandes lignes de notre mémoire.

Le Collège québécois des médecins de famille est une organisation à but non lucratif, à visée non syndicale, qui représente au-delà de 4 000 médecins de famille au Québec. Nous sommes la section provinciale du collège canadien des médecins de famille et qui est aussi responsable, conjointement avec le Collège des médecins du Québec, de l'agrément des programmes en médecine de famille. Nous travaillons donc en concert avec le collège canadien des médecins de famille et ses 30 000 membres pour soutenir les médecins de famille du Québec afin qu'ils puissent prodiguer des soins de grande qualité à leurs patients, et ce, depuis 60 ans. On prend fierté à se voir un peu comme une pouponnière de leaders dans le domaine de la médecine, et des leaders qui sont engagés à l'excellence en médecine de famille.

Le collège québécois endosse évidemment la valeur d'imputabilité sociale qui est véhiculée par le projet de loi n° 20, et on est nécessairement en faveur de l'objectif visé, qui est celui d'avoir un médecin de famille accessible en temps opportun pour chaque Québécois. Nous émettons cependant d'importantes réserves, du présent projet de loi, en ce qui a trait au maintien de la qualité des soins, notamment pendant la période de transition et d'implantation dudit projet de loi, sur les impacts sur la valorisation de la médecine de famille et sur les impacts sur l'enseignement, la recherche et le leadership médical. En effet, le projet de loi n° 20 risque de compromettre la qualité des soins s'il n'est pas imbriqué dans une vision globale d'excellence et s'il n'est pas arrimé à un support adéquat et fait dans des délais qui sont raisonnables.

• (17 h 10) •

Le CQMF propose le centre de médecine de famille comme vision d'excellence pour l'organisation des soins de première ligne, et ce, depuis 2011. Le centre de médecine de famille, c'est une vision qui a été développée par le collège canadien des médecins de famille, qui n'est pas nouvelle et qui n'est pas la révolution, mais qui s'en vient de plus en plus intéressante et de plus en plus reconnue internationalement. Il repose sur 10 grands piliers, soit les soins centrés sur les patients, un médecin de famille personnel, les soins dispensés par une équipe, l'accès en temps opportun, qui nous est tous très cher, les soins complets globaux, la continuité, les dossiers médicaux électroniques, l'éducation et la formation, le soutien au système et l'évaluation du processus.

Plusieurs études ont démontré que ce type de modèle de soins, plutôt axé sur les besoins des patients plutôt que sur le nombre de rendez-vous octroyés, arrive en tête de liste pour les résultats de soins, la satisfaction des prestataires, contribuant ainsi à une meilleure expérience d'ensemble pour les patients. Des études encore plus récentes nous ont démontré en plus qu'ils réduisent les coûts globaux, ce qui nous intéresse tous, une diminution de l'utilisation non nécessaire des soins de santé, et, en plus, on a décrit une amélioration de l'accès et la satisfaction des patients et des cliniciens. Il y a donc quelque chose d'assez intéressant dans ce modèle-là qui devrait retenir ou accrocher un peu notre attention.

Vous remarquez cependant que le neuvième pilier du CMF parle essentiellement... ou rapporte à la notion de support, parce qu'il est essentiel de supporter nos équipes en première ligne afin qu'elles puissent actualiser cette vision. Le support actuellement est soit insuffisant, soit il est mal connu des médecins. À titre d'exemple, le Programme québécois d'adoption du dossier médical électronique n'a été déployé qu'en 2013 au Québec, alors qu'il a été déployé en 2001, soit il y a 12 ans, en Alberta. Actuellement, les Albertains vont chercher des taux de 89 % d'adhésion aux dossiers médicaux électroniques. On a une décennie de retard là-dessus, ce qui explique un peu nos difficultés à être efficaces en médecine sur certains aspects.

Le deuxième risque important du p.l. n° 20, c'est la partie sur la dévalorisation de la médecine familiale. Donc, l'absence de consultation qui a eu lieu jusqu'à maintenant, et l'approche coercitive, a nécessairement entraîné une démotivation assez importante des troupes et a renversé des années d'efforts à valoriser et promouvoir la médecine de famille auprès de notre relève. En effet, le collège canadien des médecins de famille et le CQMF ont été engagés notamment par la création des groupes d'intérêts en médecine de famille, et ce, depuis respectivement 2003 et 2005, afin de faire connaître la médecine de famille auprès de nos jeunes étudiants en médecine et de les faire choisir cette spécialité parmi les autres.

Tout cela allait très bien, on a en effet vu un bond intéressant de 24 % en 2003 jusqu'à 2013... excusez, 2014, où on a vu 36 % de choix. Donc, on a vraiment eu un gain dans l'intérêt que les étudiants de médecine portaient à la médecine familiale. Ce que je peux partager avec vous aujourd'hui, c'est que ce n'est pas tout à fait ce qu'on ressent quand on parle avec nos jeunes médecins aujourd'hui. On a vraiment l'impression que cette approche-là, cette approche non collaborative, est en train de littéralement démotiver notre relève pour venir choisir la médecine familiale, ce qui, vous pouvez l'imaginez, aura un impact important éventuellement sur la possibilité qu'on aura à avoir des nouveaux médecins.

Finalement, c'est important aussi de garder en tête que les médecins de famille sont un groupe et une spécialité qui veulent trouver des solutions, qui sont engagés dans l'équité et l'efficacité pour les patients, et ils sont nécessairement, par conséquent, les partenaires du changement. Ils voudraient absolument être en collaboration avec le ministère à cette heure-ci pour trouver les solutions à ce problème important qu'est l'accès.

Le troisième et dernier risque du p.l. n° 20, à notre avis, est son atteinte au rôle de l'enseignement, de la recherche et du leadership ou de la gestion médicale. Donc, évidemment, quand on définit la productivité selon le nombre de patients vus, tel que c'est présenté dans le p.l. n° 20, il peut y avoir une possibilité de ne pas reconnaître les autres fonctions essentielles que sont l'enseignement, la recherche et le leadership.

Nous ne saurions trop insister sur l'importance de l'enseignement. Il faut savoir que le collège canadien des médecins de famille tout comme le Collège des médecins du Québec sont responsables de l'agrément des programmes de résidence — de résidence — en médecine de famille et établissent des critères très, très rigoureux, très importants, qui maintiennent et qui assurent que nos jeunes médecins gradués sont compétents. Donc, il sera très important de maintenir et de protéger l'enseignement.

Même chose pour la recherche en première ligne. Comme vous le savez peut-être tous, de plus en plus on a un intérêt vers la recherche en première ligne et on réalise que les premières... La molécule la plus efficace manque d'efficacité si le patient ne la prend pas. Et on commence de plus en plus à s'intéresser à qu'est-ce qui se passe dans le bureau entre le médecin puis le patient, qu'est-ce qui fait qu'un patient va suivre son traitement, qu'est-ce qui... c'est quoi, ces facteurs-là. Et ça, c'est la recherche en première ligne. Très, très important d'y faire attention, car il va nous renseigner énormément.

Finalement, il faut garder en tête que la majorité des médecins de famille ont des rôles importants en leadership, que ce soit en direction de département, des directions de comité, DSP, des chefs de DRMG, il y en a de toutes les notes. Ils sont très impliqués et engagés dans l'amélioration continue, tant universitaire que communautaire ou hospitalière.

En conclusion, la littérature scientifique nous démontre qu'un système de santé qui investit dans les soins de première ligne complets et globaux réussit mieux à améliorer la qualité du système, l'équité et l'efficacité. Un système de soins primaires robuste où les médecins de famille jouent un rôle de premier plan est associé à de meilleurs résultats, tant pour la santé des patients que pour la satisfaction globale.

Par conséquent, le collège québécois recommande au ministère d'adopter une vision globale de l'amélioration des soins, incluant l'accessibilité telle que présentée dans le centre de médecine de famille, et d'en bonifier le support, et de prévoir des délais raisonnables. Deuxièmement, il invite le ministère à adopter... à valoriser et à promouvoir la médecine de famille par un climat respectueux du dialogue et de collaboration, axé sur la recherche de solutions avec les médecins de famille. Finalement, nous invitons le ministère à honorer les soins indirects prodigués par les enseignants, les chercheurs et les leaders, gestionnaires médicaux par la reconnaissance du temps nécessaire à accomplir ces fonctions essentielles.

Le collège réitère ses préoccupations par rapport au maintien de la qualité des soins, la valorisation de la médecine de famille et de l'atténuation des autres rôles des médecins de famille, mais nous continuons d'endosser les valeurs d'imputabilité sociale. Nous continuerons, de notre côté, à déployer nos efforts afin de faire connaître les outils d'amélioration de la pratique du centre de médecine de famille par les médecins du Québec et nous continuerons de supporter la relève auprès de nos étudiants en médecine, nos résidents et nos jeunes médecins en début de pratique.

La Présidente (Mme Montpetit) : Merci, Dre Pilon, pour votre présentation. Nous allons donc maintenant débuter la période d'échange avec la partie ministérielle. M. le ministre, vous avez 17 minutes.

M. Barrette : Merci, Mme la Présidente. Alors, Dre Dumas Pilon, bonjour et bienvenue.

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Bonjour, merci.

M. Barrette : Il faut que je parte mon chronomètre, parce qu'on est très chronométrés ici.

Mme Dumas Pilon (Maxine) : D'accord.

M. Barrette : Puis c'est bien correct. Écoutez, d'abord, je vous remercie de venir nous entretenir de votre vision de la médecine de famille. Malheureusement, on n'a pas pu prendre connaissance complètement, là, du mémoire, là, qu'on a eu il y a quelques instants, mais ce n'est pas grave. Et non seulement j'ai bien compris ce que vous nous dites, ce que vous venez de nous dire, mais j'y souscris. Je n'ai pas de problème avec ça, mais j'ai un bémol ou un commentaire à faire.

Ce que vous prônez, on veut le prôner, mais, dans la démarche qui est celle d'une organisation sociétale, qui est le gouvernement avec son réseau de la santé, il y a une hiérarchie des décisions ou il y a une hiérarchie des enjeux. On est tous pour la qualité, on est tous pour le patient, on est tous pour la science, on est tous pour l'enseignement, on est tous pour la recherche, mais encore faut-il, à la case départ, avoir l'accès. Et l'accès passe par un concept qui n'est pas toujours mis de l'avant dans les discussions, qui est la disponibilité, la quantité de...

Et je comprends que c'est froid comme commentaire, là, mais, comme je le dis souvent, et je ne le dis pas du tout à la blague, quand bien même on regarde un catalogue de voyage, là, pour les prochaines vacances de l'été prochain, il y a un moment donné où on va regarder la quantité d'argent qu'on a, puis on va choisir en conséquence. La qualité, là, on doit le faire. Tout ce que vous dites, moi, j'y souscris entièrement, mais encore faut-il que l'offre de service, en termes de plage de rendez-vous, là, pondérée, parce que la pondération est très importante, est essentielle. Et le problème qu'on vit depuis plusieurs années, il n'est pas résolu.

Et je vous soumettrais, puis je vais vous laisser prendre la parole là-dessus pour avoir votre opinion... Il y a beaucoup d'efforts qui ont été faits dans les dernières années, les 10, 15 dernières années, par des incitatifs, par ceci, par cela, et ça n'a jamais donné les résultats escomptés. Bon. Ou bien il y a une capacité maximale exercée actuellement en médecine de famille et en médecine spécialisée, ou bien il y a une marge à aller chercher. Ça ne peut pas être un et l'autre, c'est un ou l'autre. Et ici, là, vous entendez... Et on l'entend sur le terrain, là, il y a une panoplie de commentaires qui vont du retrait du projet de loi au danger de ci, au danger de ça, mais tout le monde évite de parler de la capacité potentielle non offerte. Qu'en pensez-vous, de cette capacité-là? Le Collège des médecins, qui est venu ce matin, là... pas ce matin, cet après-midi, avant vous, qui nous dit dans son mémoire : Le constat est bon, et le constat, c'est qu'il y a la capacité non offerte, est-ce que vous avez une position contraire à ça ou non?

• (17 h 20) •

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Je pense qu'il est important de garder en tête... C'est certain que le «rostering», «patient rostering», et d'établir les critères au niveau de la capacité d'une pratique sont des éléments qui sont fondamentaux à faire fonctionner un système de santé qui a du sens. Et c'est la vision qui est amenée aussi dans... la vision du centre de médecine de famille. Ceci étant dit, le point persiste qu'en faisant cet exercice-là ça doit être fait dans un système qui est global, dans une vision qui est plus concertée. Malheureusement, actuellement, le projet de loi amène beaucoup plus une dissension au lieu d'amener une concertation et une collaboration.

Donc, la capacité pourrait être bonifiée, comme on l'a beaucoup dit, par un support adéquat, qu'on parle des retards qu'on a avec les DME, qu'on parle des retards qu'on a à établir des modèles de collaboration, parce qu'il y a toutes sortes d'embûches à toutes sortes de niveaux. L'expérience terrain est riche pour nous renseigner actuellement sur les obstacles à toutes ces étapes-là ou les mesures dont vous avez parlé, par rapport auxquelles vous faites le constat que ça n'a rien donné. Bon, mon avis diverge sur le «rien donné». Je pense que ça a donné des résultats, mais peut-être pas les résultats que la population attend actuellement ou encore avec lesquels le ministère est satisfait. Mais ça, c'est un autre débat.

M. Barrette : Je comprends ce que vous me dites, mais il n'en reste pas moins... Et là je vais le dire différemment. Ce à quoi vous faites référence, le DME, tout ça, là, le DSQ, et ainsi de suite, là... Bon, d'abord, les DME sont là, là, c'est... et il y a une réticence au milieu. Peut-être pas vous, de votre génération, puis je ne veux pas faire de jugement, là, mais il y a une réticence à passer au DME. Il existe, le DME. Le DSQ, il y a 35 % des médecins au Québec qui sont inscrits. Ça fait longtemps qu'il est disponible. Je comprends que ce n'est pas parfait, mais il existe. À la fin de l'année 2015, 100 % de la donnée va être disponible pour les trois domaines en question. Et, encore aujourd'hui, il y a 35 % des gens qui sont inscrits. Mais ces éléments-là, ce sont des éléments qui viennent bonifier un élément de base, qui est, lui, plus froid, qui est la capacité offerte, qu'on peaufine, qu'on amplifie par le DME, par le DSQ, et ainsi de suite.

Il y a quand même une problématique, là, à laquelle les gens ont une espèce de résistance. Et vous conviendrez peut-être avec moi — puis je veux vous entendre là-dessus — que, s'il n'y avait pas le projet de loi n° 20 aujourd'hui, là, il n'y a pas grand monde qui serait assis à trouver des solutions, là, parce que... Ils étaient assis avant le dépôt du projet de loi, puis moi, j'étais assis aux mêmes tables, imaginez, puis je n'avais personne qui se précipitait pour me proposer des solutions.

Mme Dumas Pilon (Maxine) : C'est intéressant, Dr Barrette, parce que nous, on n'a pas été assis à la même table que vous et...

M. Barrette : Bien, c'est normal, parce que vous n'êtes pas... comme vous avez dit tantôt, vous n'avez pas un rôle, entre guillemets, syndical.

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Non, mais on a un rôle sur la promotion, la valorisation, le développement de l'excellence en médecine de famille, et ce, depuis toujours. Donc, je crois que c'est important de réaliser qu'on a été invités hier soir à cette commission-ci et qu'on n'a pas été consultés jusqu'à ce très, très dernier moment, d'où — et je m'excuse — le délai dans le mémoire, que vous avez reçu, en effet, quelques heures après qu'on ait été avisés qu'on devait être ici.

M. Barrette : Ce n'était pas une critique.

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Néanmoins, je crois que vous mettez le doigt sur... Vous avez peut-être été sur des tables de consultation sur l'amélioration de l'exercice. Personnellement, je n'étais peut-être pas assise à ces tables-là, et ça m'aurait fait plaisir de vous parler de ces visions-là, de nos préoccupations et de nos solutions. Et je crois qu'il y a vraiment beaucoup à apprendre des modèles tels que le centre de médecine de famille. Pas que je veux insinuer que vous ne les connaissez pas, je crois que vous connaissez ces modèles-là, mais de les imbriquer dans des projets de loi ou de les imbriquer dans des projets d'amélioration de la santé au Québec.

M. Barrette : Je vais prendre la balle au bond, si vous me le permettez.

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Bien sûr.

M. Barrette : Je vous interromps, puis je m'en excuse, mais je vais prendre la balle au bond juste pour une question de sémantique, de dénomination, là, de nomenclature. Le centre de médecin de famille, vous faites référence aux «medical homes», aux maisons...

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Patient's Medical Home, Patient Centered Medical... yes.

M. Barrette : Bon, c'est ça. O.K., parfait. Puis je prends la balle au bond parce que je vais vous poser la question suivante. On sait tous les deux, je pense, là... Bien, en fait, je pense savoir, puis vous me confirmerez si je suis dans la bonne direction ou non... Je considère qu'aujourd'hui tous les médecins de famille devraient pratiquer l'accès adapté. Et ce n'est pas le cas, c'est marginal. Pourquoi? On sait, là, tous, que l'accès adapté, même si les médecins ne travaillent pas une minute de plus, va améliorer l'accès. Vous, là, qui êtes dans la formation, qui êtes dans la pureté de la médecine, on va dire, vous n'êtes pas syndicale, vous ne négociez pas, ce n'est pas votre territoire, vous êtes dans l'intérêt du public. Pourquoi les médecins ne font pas massivement ce virage-là? Puis là je vais aller plus loin : Pourquoi vous ne me proposez pas de l'imposer dans la loi, tant qu'à faire?

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Bien, O.K., bonne question. Donc, premièrement, on partage la même vision sur l'accès adapté, qui est le quatrième pilier du centre de médecine de la famille. Donc, on est tous les deux engagés là-dedans. Je peux vous dire qu'on a un... Bien, vous savez qu'il y a les formations de la FMOQ et du CMQ à ce sujet-là. Le CQMF, bien, en fait, le collège canadien a aussi un PDF sur comment le faire, qui est en déploiement au Canada. Pourquoi les médecins? C'est une question, à mon avis, de diffusion. Je crois que, là où on a eu de la difficulté... ou ce que moi, j'observe en tant que clinicienne sur le terrain, c'est que... La première fois que j'ai entendu parler de l'accès adapté, c'est il y a un an et demi, et depuis ce jour que j'essaie de le mettre en application. Bien, ça prend un moment dans une clinique de 50 médecins à faire ces changements-là. Donc, les changements prennent le temps, même pour les plus motivés d'entre nous, même pour les plus engagés d'entre nous.

Deuxièmement, je crois qu'il y a une question de diffusion. Je crois que ces modèles-là... je ne sais pas à quel point le ministère a été proactif dans les faire connaître. Et on peut se poser la question à qui ça appartient, mais, à la limite, ce n'est pas nécessairement important. Ce qui est important au bout de la ligne, c'est qu'on travaille maintenant à faire connaître ces modèles-là...

M. Barrette : ...ah! Excusez-moi. Allez-y.

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Non. Bien, je... Essentiellement, je crois qu'il y a... En effet le pourquoi, à mon avis, c'est que les outils... Si le ministère a mis les outils de l'avant, si la FMOQ a mis les outils de l'avant, si le CMQ, et le collège canadien, et le Collège québécois des médecins de famille ont mis des outils de l'avant, peut-être qu'on a un peu de difficultés à les faire diffuser auprès de nos membres, mais je crois que c'est là que le travail doit aller. C'est pratiquement des stratégies de marketing qui doivent être adoptées actuellement.

M. Barrette : Alors, je suis content que vous l'abordiez. Mais, juste pour votre information et l'information de mes collègues parlementaires, les premières formations en accès adapté ont été mises en place au Québec par des gens qui sont ici, dans cette salle, au ministère de la Santé et des Services sociaux, mais n'ont pas été promues par... je ne parle pas de vous, là, je parle de d'autres organisations. Et aujourd'hui vous avez l'impression que d'autres organisations en font la promotion, mais ça vient d'ici. Et la résistance a été énorme. Et je ne comprends pas encore aujourd'hui pourquoi cette résistance est encore là. Parce que l'accès adapté est une mesure, c'est un changement de pratique, puis vous allez être d'accord avec moi, là, qui augmente l'accès et augmente la qualité aussi. Et, si on avait plus de disponibilités, bien, peut-être... Je vous entends, je vous vois hocher de la tête, je comprends pourquoi vous hochez de la tête, là, mais il ne reste pas moins que ça nous dirige vers plus de qualité, une mécanique qui est plus en faveur de celle-là.

C'est la même chose avec le travail interdisciplinaire. Pourquoi le milieu de la médecine familiale est si résistant? Alors, on comprend tous les deux, sans doute, vous allez être d'accord avec moi, que la capacité de donner des services, s'il y avait à la fois l'accès adapté et la collaboration avec les infirmières, pas pour dupliquer les examens, là, ou les visites, ou les services, mais bien pour collaborer, ça, c'est la maison médicale.

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Tout à fait. Non, non, on partage une vision là-dessus.

M. Barrette : Elle est où? Et pourquoi ce frein-là? Est-ce que, ça aussi, je devrais le mettre dans la loi?

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Répétez votre question. J'ai mal entendu.

M. Barrette : Est-ce que, ça aussi, je devrais le mettre dans la loi?

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Bien, personnellement, je ne vous encourage pas nécessairement à travailler à travers les lois. Ce n'est pas nécessairement mon mode de collaboration favori, en toute honnêteté. Et je crois qu'on est plus ici pour vous parler justement d'une manière de collaborer qui viendrait de la base. Et, les résistances, j'espère qu'il y a de la recherche qui se fait là-dessus, parce que c'est un sujet très, très fascinant, pourquoi ces difficultés-là.

Comme je vous dis, je peux vous parler de mon expérience de clinicienne, mais ce n'est pas le but de l'expérience ou de l'exercice aujourd'hui. Je suis ici en tant qu'en présidente du collège québécois. Ce que je peux vous dire, c'est que mon expérience avec mes membres actuellement, c'est que les membres sont engagés. Est-ce qu'ils y arrivent? Est-ce qu'ils comprennent toujours les méandres de comment on fait pour engager une infirmière clinicienne quand, dans le CSSS à côté, ils les paient plus cher puis que c'est difficile dans le nôtre d'en engager une? Est-ce qu'ils comprennent, est-ce qu'ils saisissent toutes les complexités de comment on délègue? Et puis, s'ils ne l'ont jamais fait, là, c'est comme n'importe quel nouveau travail, nouvelle collaboration, il faut apprendre à travailler ensemble. Et ce n'est pas nécessairement intuitif. Ça n'a pas été montré nécessairement dans les universités il y a 20 ans. Donc, ce n'est pas donné nécessairement dans l'intuitif. Mais ce que je peux vous dire, c'est que le collège québécois est clairement engagé à faire la promotion des modèles de collaboration entre les différents professionnels de la santé. Et on parle d'infirmières, on parle d'infirmières praticiennes, mais, s'il vous plaît, on peut élargir ça. Les médecins de famille sont bien outillés quand ils travaillent avec des pharmaciens, avec des travailleurs sociaux, avec des physios, des ergos, et pour ne nommer que ceux-là.

• (17 h 30) •

M. Barrette : Je vais toucher à un autre élément. Vous êtes évidemment dans l'enseignement. Et je peux vous dire tout de suite que les pondérations vont prendre en considération pas simplement la lourdeur de la clientèle, mais aussi l'enseignement. Je vous rassure là-dessus.

Je reproche... et je fais ce reproche-là aux universités et, le reproche que je leur fais — puis je leur ai dit, là, je ne fais pas de révélation, là, ils ne seront pas surpris de m'entendre aujourd'hui dire ça — je leur reproche de ne pas former les gens de la manière qui correspond, dans la formation, à ce qu'ils vont vivre après. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça? Est-ce que je suis dans le champ gauche ou vous trouvez que la formation qui est donnée, de façon pragmatique, pas théorique, dans le pain quotidien de la formation, ça ne correspond pas à ce qui devrait être fait? Autrement dit, entre le 30 juin puis le 1er juillet, là, ça devrait être une transition avec un minimum de stress, parce qu'on vole de nos propres ailes, mais on ne devrait pas voir autre différence, ça devrait être notre quotidien qu'on vivait avant, là.

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Je pense que les préoccupations que vous mentionnez sont clairement connues du collège canadien des médecins de famille et des universités. Je vais leur laisser leur champ d'expertise, qui est définitivement de définir ces standards-là...

M. Barrette : Mais, dans ce que vous voyez...

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Dans ce que je vois, est-ce que la formation est adéquate? Je pense qu'on est...

M. Barrette : Je ne parle pas de la théorie de la médecine, là, je parle de l'organisation, là.

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Est-ce que les médecins sont compétents, ou la partie manager?

M. Barrette : Je vais vous donner un exemple, le mien, là. Moi, quand j'ai fini ma résidence, là, quand j'ai commencé le lundi, là, le 3 juillet, je m'en rappellerai toujours, c'était un 3 juillet, bien, le 3 juillet, j'avais une petite inquiétude, parce que, là, on vole de nos propres ailes, mais j'étais totalement fonctionnel. Je ne travaillais pas à la même vitesse, parce qu'il y a une petite hésitation quand on commence, c'est normal, il y a une insécurité minimale, c'est normal, mais je n'étais pas perdu, là, je n'étais pas surpris de la charge de travail. Je n'étais pas surpris de ce que j'avais à faire dans une journée, alors que j'ai l'impression qu'actuellement, quand les jeunes sortent de leur formation, ils passent, là, de l'univers a à l'univers b, là, puis là il y a une immensité entre les deux, là. C'est comme si on traversait le Grand Canyon dans la même journée, là.

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Écoutez, je crois qu'il y a matière à continuer comme d'habitude à faire de l'amélioration continue dans nos programmes de formation de nos résidents. Il y a évidemment un peu, je vous dirais, un «mismatch» du fait que la majorité des unités d'enseignement sont en établissement, alors que la majorité de la pratique de la médecine familiale se pratique en communauté. C'est un phénomène qui est connu. C'est une donnée qui est connue. C'est définitivement quelque chose qui est au coeur de ce que je connais des conversations qui ont lieu au niveau du collège canadien par rapport aux standards et au développement de curriculums. C'est, je crois, en effet, une réalité qui est très bien connue des universités.

Je pense qu'on essaie tous de travailler, mais ce n'est pas vrai qu'on peut tout d'un coup mettre, tu sais, la clé dans la porte de toutes les UMF puis d'en rouvrir toute une gang en communauté. C'est le genre de changements qui ne se font pas en criant ciseau. Donc, par conséquent, en ayant toute la connaissance de ce qui est un modèle optimal, et je reviens à mon fameux centre de médecine de famille, c'est un lieu d'enseignement, c'est un lieu efficace, c'est un lieu centré sur les patients, et c'est un lieu où il y a de l'accessibilité puis de la collaboration interprofessionnelle. Donc, mon rôle à moi, c'est de vraiment mettre de l'avant ce modèle-là pour en faire le modèle d'excellence, la vision d'excellence aussi, le modèle de base dont je vais faire la promotion et que j'espère que toutes les unités de médecine familiale au Québec vont adopter pour en faire des milieux performants, qui vont être... par conséquent préparer les médecins de la prochaine génération à travailler dans des milieux efficaces et performants.

M. Barrette : Je vous rejoins là-dessus. Puis il me reste 30 secondes, alors je vais vous poser la question qui tue, comme à Tout le monde en parle, et il n'y aura pas de spot, inquiétez-vous pas.

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Ah non?

M. Barrette : Ni de musique. Si on vous donne, là... Si vous êtes dans l'environnement approprié et que le nombre de patients inscrits respecte la démographie habituelle de la population, là, c'est-à-dire 17 % de personnes au-dessus de 65 ans et plus, et ainsi de suite, là, ne trouvez-vous pas... ou trouvez-vous que, si vous ne faites que du cabinet, suivre 1 500 patients dans des conditions appropriées, c'est parfaitement faisable?

La Présidente (Mme Montpetit) : Peut-être très rapidement...

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Bien, je vais vous ramener au document...

La Présidente (Mme Montpetit) : ...comme notre temps est écoulé, là. Un petit 10 secondes.

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Je vais vous ramener à nos documents du centre de médecine de famille sur le patientsmedicalhome.ca. Je crois qu'il existe aussi en français. On a un beau document sur «patient rostering» puis on a un autre très beau document sur «panel size», qui décrivent très bien, à mon avis, les facteurs qui devraient influencer la grandeur d'un... le nombre de patients qu'un médecin peut prendre.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, Dre Dumas Pilon. Mme la députée de Taillon, pour 10 minutes.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bienvenue, Dre Dumas Pilon. Pour avoir côtoyé régulièrement le Collège québécois des médecins de famille, je suis tout à fait d'accord avec vous. Vous êtes une réelle pouponnière de médecins engagés qu'on retrouve à beaucoup d'endroits, au ministère, à différents endroits, mais des médecins engagés qui réfléchissent sur notre système de santé et qui souhaitent changer des habitudes. Et c'est difficile de changer des choses, il y a de la résistance. Et je vous félicite d'avoir ce courage de vouloir demander l'excellence et de vouloir demander qu'on fasse mieux, et je pense qu'on a besoin des jeunes pour se faire stimuler et se faire requestionner par rapport à des vieux modèles qu'on a.

Il reste qu'on a quand même une réalité particulière au Québec. Et moi, j'ai fait beaucoup de collaboration internationale, donc, à un moment donné, on dit : On a une responsabilité d'assurer un minimum de services à l'ensemble de la population. Et, au Québec, on a 2 millions sur 8 millions de Québécois qui, vraiment, sont privés d'accès à des moments peut-être stratégiques, pas tous, mais à des moments, dans certains cas, importants. Donc, il faut trouver une solution.

Et moi, j'entends beaucoup parler du travail interdisciplinaire, puis, comme je suis pharmacienne, je ne peux pas être contre, c'est sûr. Mais en même temps je me dis : Il y a peut-être des choix qu'on fait qui dépassent notre capacité à payer. Et ce que je me dis, c'est : Est-ce qu'on a bien positionné, par rapport à un citoyen, un patient qui a un besoin simple, l'utilisation ou le recours à un professionnel qui est disponible, seul, pour faire une partie de l'activité, avec un rapport au médecin de famille qui coordonne le tout? Et cette vision de dire : Il faut toujours tout faire en équipe, je pense qu'on n'aura pas les moyens d'être toujours cinq autour d'un patient, mais il y a une coordination, il y a une façon de coordonner cette information-là et ce travail-là qui doit être fait.

Et là je vous rejoins totalement, et je pense que c'est cet élément, c'est ce maillon qui est manquant dans notre chaîne actuellement. Ça passe beaucoup par l'informatisation, parce qu'actuellement on est toujours obligé de s'appeler, de s'envoyer des fax, des moyens de communication complètement désuets. Mais on a quand même ce besoin de faire que des gens vont faire des choses individuellement puis qu'on va réserver, pour des sous-populations... On parle de 250 000 Québécois qui sont vraiment des gens avec des maladies chroniques graves, des problèmes de santé mentale qui ne peuvent pas se traiter seuls dans des petites consultations. Là, je pense que c'est ça qu'on doit peut-être déterminer, on devrait faire des choses simples mais réglées simplement par des professionnels qui sont disponibles facilement. Et, ce 250 000 là, qui fait vraiment les portes tournantes au niveau d'urgence de l'hôpital, qui coûte très cher, qui est vulnérable, qui a besoin d'une équipe autour de lui, là je pense qu'on devrait tous travailler ensemble.

Est-ce que, pour vous, ça vous apparaît une façon logique d'envisager comment on peut à la fois donner des services aux 2 millions de Québécois qui n'ont pas accès à notre système de santé et en même temps être capables de répondre à l'interdisciplinarité qui est requise pour des patients qui sont beaucoup plus complexes?

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Je pense que le concept de soins collaboratifs ou de soins prodigués par une équipe dans le centre de médecine de famille réfère plutôt à : Ça, c'est ma maison, là, ou c'est mon centre de médecine de famille où je vais chercher mes soins, et ça ne veut pas dire que je vais parler à mon médecin à chaque fois que j'y vais puis que je vais rencontrer six personnes à chaque fois. Ce que ça dit, c'est que, si j'ai besoin de parler avec une pharmacienne, c'est à une pharmacienne que je vais parler. Si j'ai besoin d'un Pap test, je vais peut-être juste voir l'infirmière praticienne, peut-être même l'infirmière clinicienne, si elle a été formée adéquatement. Et, si un jour j'ai besoin d'un soin médical, au sens où j'ai besoin de l'expertise médicale, il y a aussi un... je suis attachée à un médecin de famille.

Donc, cette vision-là ne dit pas qu'on est six à la fois sur chaque patient. Évidemment, ça va être un petit peu intense et ça va dépasser nos budgets, on s'entend tous là-dessus. L'idée, c'est de rattacher. Est-ce qu'on est physiquement sous le même toit? Pas nécessairement, je veux dire, ce sont ces réseaux... Je pense que, les soins coordonnés, on en a assez parlé, c'est cette notion-là d'avoir des réseaux qui sont efficaces, des liens qui sont efficaces à travers, entre autres, les fameux DME de toutes sortes.

Donc, oui, je crois que la collaboration se doit d'être faite. Et le meilleur professionnel, le professionnel le plus approprié voit le patient au moment où il en a de besoin, à travers une équipe axée autour d'un médecin de famille, dans le centre de médecine de famille.

• (17 h 40) •

Mme Lamarre : On parle beaucoup de l'accès adapté, l'accès en temps opportun. Dans le contexte actuel, où on sait, par exemple, qu'on pourrait offrir ce genre d'accès là, comment on pourrait en même temps garantir que les plages de soir, de fin de semaine seraient bien couvertes, tout en tenant compte du fait qu'on a des personnes, des professionnels, pas seulement les médecins, il y a des pharmaciens, des infirmières, qui sont jeunes mais qui veulent gérer adéquatement leur vie familiale également? Est-ce que vous voyez une façon d'optimiser l'accès adapté ou l'accès en temps opportun tout en assurant un étalement dans les plages horaires?

Mme Dumas Pilon (Maxine) : C'est un point intéressant. C'est certain qu'il y a différents modèles, là. Je n'ai pas besoin de vous parler des GMF, les choses du genre, parce que ça ne vient pas de nous, ça vient de vous, et... bref. Mais ce qui est intéressant là-dedans... Je discutais avec un collègue de l'Ontario il y a quelques mois, et il me disait qu'il avait fait un sondage auprès de ses patients pour regarder : Mais qu'est-ce qui est important pour vous au niveau des soins? C'est quoi, le degré de disponibilité que vous recherchez chez moi? Est-ce que c'est de me voir le soir, les fins de semaine? Est-ce que c'est de me voir en dedans de trois jours? Est-ce que c'est de me voir en dedans d'une semaine? Qu'est-ce qui importe? Et ce qui était très intéressant de son étude à lui, avec sa clientèle, c'était de réaliser que sa clientèle à lui ne lui demandait pas une ouverture les fins de semaine, puis ils voulaient juste être capables d'être vus à peu près en dedans d'une semaine.

Mon point n'est pas que les heures non traditionnelles, je dirais, ne sont pas importantes, mais mon point, c'est que l'exercice important ici, c'est d'amener les médecins à consulter leurs clients, et ça, c'est ce qu'on appelle les soins centrés sur le patient. C'est le pilier numéro un du centre de médecine de famille. C'est quoi, ce dialogue-là qu'on doit engager avec nos patients pour dire : Mais vous — dans ma communauté, moi, je travaille à Côte-des-Neiges, là, à Montréal — bon, bien, de quoi vous avez de besoin, là? Qu'est-ce que vous avez besoin qu'on fasse, nous, en tant qu'équipe de médecine de famille, pour desservir... pour vous servir adéquatement? Est-ce que c'est des heures le soir? Est-ce que c'est des week-ends ou est-ce que c'est qu'on puisse vous voir en dedans de trois jours? Qu'est-ce qui est vraiment important ici?

Ça se peut qu'ils nous disent : Soir et week-end, hein? Puis, bon, bien, à ce moment-là, je pense que c'est important d'écouter puis c'est important d'adapter les modèles. Mais ce qui m'apparaît encore plus important que les heures, encore plus important que le nombre de patients, encore plus, c'est le dialogue avec les patients, et vraiment d'engager un réel dialogue avec nos patients, puis de s'intéresser à notre communauté, puis dire : Comment je peux vous servir?

Mme Lamarre : Parce qu'il reste qu'on a aussi un autre objectif. Oui, on a cet objectif de vraiment avoir des liens étroits avec le médecin, mais on a aussi l'objectif, qui nous coûte très cher, d'éviter le recours inutile à l'urgence. Alors, il faut trouver un juste milieu. Parce que ce n'est pas juste ce que le patient veut. S'il a un zona, s'il a une décompensation d'asthme, il a besoin de voir rapidement un médecin, idéalement son médecin, mais sinon une équipe, mais il n'a pas nécessairement... Et là lui va peut-être vous dire : Bien, moi, je suis prêt à attendre deux, trois jours. Il ne peut pas évaluer la pertinence de vous voir rapidement dans ces situations-là, mais ces situations-là sont actuellement... — ce que le commissaire nous dit, le Commissaire à la santé — occupent 60 % des visites à l'urgence, des P4 et P5. Alors, il y a un coût important qu'on ne met pas sur le soutien à domicile, par exemple.

Donc, comment vous voyez... Qu'est-ce que vous voyez... Mettons que vous êtes une équipe de 10 jeunes médecins, ce serait quoi, l'option, le scénario qui serait possible? Vous parliez du dialogue, mais, le dialogue, comme je vous dis, il y a une limite dans la perspective où il y a un minimum de disponibilité aussi qui doit être étalé.

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Je crois qu'on s'entend qu'accès en temps opportun c'est une clé, là. On s'entend que c'est une pierre angulaire de soins de qualité. On est tous d'accord là-dessus. Puis, pour un zona, pour la majorité des choses, ça ne se passe pas... on va tomber P3, P1, P2, P1, là, si on est dans des choses qui peuvent se dealer... excusez-moi, se traiter en clinique externe, c'est parce qu'on n'est pas dans du gros, gros aigu, il y a du semi-aigu. Donc, j'ai l'impression que ce n'est peut-être pas tant sur les horaires en soi mais vraiment la disponibilité le jour même qui est probablement l'élément... Évidemment, c'est agréable de pouvoir voir son médecin... Moi, j'aimerais ça, pouvoir voir mon médecin sans manquer le travail. On s'entend tous là-dessus, là, mais ce n'est peut-être pas essentiel.

Encore une fois, par contre, je crois que le travail de groupe, hein, c'est des solutions qui existent déjà, qui sont déjà mises de l'avant. Les GMF sont supposés couvrir des plages élargies. Je crois que ce sont des mesures qui existent déjà et qui ont intérêt à continuer à se déployer, là.

Mme Lamarre : Si vous aviez à choisir entre le privilège de, mettons, travailler 30 heures-semaine au lieu de 36, comme le modèle qui est proposé dans le projet de loi n° 20, et de faire un soir et une journée par fin de semaine sur trois, qu'est-ce que vous choisiriez, comme jeune médecin?

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Bien, vous me demandez ça en qualité de Maxine Dumas Pilon...

Mme Lamarre : Oui, comme...

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Oui?

Mme Lamarre : Bien, vous auriez 30 heures à faire, donc vous auriez certainement congé deux jours-semaine, là, mais vous auriez cette option-là.

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Oui. Puis ce qui se passe... Il y a l'AMQ, actuellement, qui vient de faire un sondage...

La Présidente (Mme Montpetit) : Dre Dumas, je vous mentionne : Une très courte réponse encore, on arrive au bout du temps.

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Oui. Bien, je vous dirais : «Stay tuned» sur le sondage de l'AMQ qu'ils sont en train de faire auprès des médecins, je crois qu'on va avoir des réponses, par rapport à ce genre de questionnement là, qui vont être intéressantes, qui vont être riches pour nous répondre.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie beaucoup. Alors, pour une durée de sept minutes, la parole est au député de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Merci. Bienvenue, Dre Dumas Pilon. Je vais revenir sur des notions, histoire de favoriser la compréhension et d'avancer un peu dans votre vision de ce que devrait être le modèle idéal. On a beaucoup parlé d'interdisciplinaire, de travailler ensemble, de travailler en équipe, c'est une volonté partagée par ceux que vous représentez. Corrigez-moi, vous m'avez dit que vous représentiez 4 000 médecins de famille? Ça commence à être quand même important.

Et je reviens... Vous avez tenté de répondre tout à l'heure, puis on vous a posé la question, je pense que le ministre l'a abordée : Pour arriver à ce modèle idéal, que nous manque-t-il? Comment vous l'évaluez? Ça bloque où, et qu'est-ce qu'on devrait faire pour arriver à ce modèle idéal, de travailler de façon interdisciplinaire et de favoriser le dialogue, et de faire en sorte qu'on puisse créer le modèle dont vous me parlez?

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Bien, essentiellement, un peu comme on l'a mentionné, donc, qu'est-ce qui est dans le chemin et qu'est-ce qu'on a à faire, je crois qu'on va toujours y revenir, mais le financement dans la première ligne, dans la communauté, c'est important. C'est nécessairement un élément qui fait partie, c'est le neuvième pilier, le support interne et externe aux centres de médecine de famille. Donc, ça fait partie, il faut y croire, il faut en parler, il faut le mettre au centre des conversations, il faut se concerter, il faut le faire connaître. Il y a toute la partie de la diffusion, on en parlait tantôt avec le programme d'adoption, là, des dossiers électroniques. Mais il faut le faire connaître, il faut qu'on sache qu'il existe. Et, même chose avec les formations à l'accès adapté, il faut les faire connaître, il faut savoir qu'elles existent. Donc, je crois qu'il y a des efforts de...

M. Paradis (Lévis) : Diffusion.

Mme Dumas Pilon (Maxine) : ... — merci — de diffusion, en effet, qui sont à faire, et il y a des efforts de concertation, de collaboration qui sont à faire aussi. Comme, O.K., qu'est-ce qui est dans le chemin?

Et je reviens avec la fameuse recherche. Je sais que, quand on les... On veut souvent subordonner la recherche à l'accès, mais en même temps elle est là, la réponse, c'est la recherche, c'est les unités et le support qui est notre gros réseau de recherche, actuellement, en santé primaire, qui vont être capables de nous donner ce genre de réponses là : pourquoi ça bloque. Et ça, si on ne met pas des équipes de chercheurs là-dessus, on ne le saura jamais, on ne comprendra pas les processus, les différents aspects.

M. Paradis (Lévis) : Alors, je comprends par votre réponse qu'on est encore à la recherche du diagnostic final, puis on est trop tôt pour appliquer un traitement.

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Bien, je crois qu'il y a différents traitements qui sont déjà en cours, il y a déjà de très belles solutions qui existent. On ne va pas réinventer la roue. Il s'agit maintenant de les faire connaître, de les diffuser. Je crois qu'il y a beaucoup ce travail-là qui est à faire actuellement, de se laisser le temps aussi à ces choses-là, et, encore une fois, d'étudier ce qu'on fait, d'évaluer. L'amélioration continue, ça passe par l'évaluation. Donc, si on veut améliorer nos structures, si on veut améliorer notre accès, des choses comme ça, on doit étudier le phénomène, et d'où l'importance de porter attention à notre recherche, entre autres pour ces éléments-là.

M. Paradis (Lévis) : Je me recolle au projet de loi n° 20. Vous avez parlé de démotivation potentielle, on se... eh bien, potentielle ou actuelle. Le sentez-vous déjà? Est-ce que vous sentez déjà un impact, sur ce qui est proposé, sur la motivation des jeunes médecins de famille, par exemple?

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Oui, oui, oui. Ça, il n'y a aucun doute. Allez faire un tour sur Facebook, je pense que ce n'est pas du domaine du mystère. La démotivation, l'impact est très important, d'où l'importance de s'en venir avec un dialogue constructif. Et je pense que c'est très important à ce moment-ci qu'il y ait ce dialogue-là qui soit établi, que le ministère nous amène un message qui est porteur, qu'il nous amène un projet qui est inspirant, qu'il y ait une concertation de la base pour être capable de s'en aller vers quelque chose. Actuellement, je crois qu'en effet il y a des effets importants qui ont lieu avec ce projet de loi là.

M. Paradis (Lévis) : Mais c'est à ce point important que l'on nous disait récemment que, pour une première fois, dans les choix de carrière, la médecine de famille avait supplanté la médecine spécialisée. Mais vous craignez ce débalancement à nouveau.

Mme Dumas Pilon (Maxine) : On va voir les résultats du CARMS qui vont arriver au printemps.

M. Paradis (Lévis) : En avril.

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Mais c'est sûr qu'on est tous inquiets de cet impact-là. Il va se réaliser ou il ne se réalisera pas, ça, ça reste à voir. Mais, oui, on est très inquiets à ce sujet-là.

M. Paradis (Lévis) : Bon. Je reviens sur le projet de loi n° 20 et l'impact sur ceux, en tout cas, qui vous expriment leurs inquiétudes. Il y a aussi des pistes de solution qui sont proposées, par exemple de permettre à des médecins de famille de faire davantage de cabinet, si graduellement on abolissait les activités médicales particulières. Votre vision là-dessus : Est-ce que c'est une... Vous dites qu'il y a plein de solutions, est-ce que c'en est une pour faciliter puis s'approcher des modèles idéaux dont vous nous parlez?

• (17 h 50) •

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Bon. Comme l'ensemble des acteurs et des personnes qui ont été invitées aujourd'hui, je n'ai pas vu le règlement, et c'est un élément clé qu'il nous manque à tous pour être capables d'avoir une opinion assez bien étayée sur la question.

M. Paradis (Lévis) : Oui, mais est-ce que c'est une contrainte?

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Les AMP?

M. Paradis (Lévis) : Prenons-le comme ça. Est-ce que les AMP sont actuellement une contrainte pour un médecin de famille qui souhaiterait faire davantage de cabinet et s'approcher d'une consultation au moment opportun? Est-ce qu'on vit là une contrainte pour ceux qui vous parlent?

Mme Dumas Pilon (Maxine) : C'est certain que, si on nous oblige à faire du travail hospitalier, ou du travail en CHSLD, ou quoi que ce soit, évidemment, ça fait partie de l'histoire qu'on ne fera pas autant de cabinet, ça, c'est certain. Donc, je crois qu'il y a, dans cet aspect-là un peu coercitif, nécessairement quelque chose, comme je viens de le dire, qui est coercitif et qui va limiter.

De ce que j'ai compris des documents qui transitent actuellement, c'est que les AMP, elles vont être transformées par les AMF. Donc, pour nous, c'est un peu du pareil au même, là. C'est la même chose. À moins que je n'aie rien compris, mais, ma compréhension, c'est qu'on fait du pareil au même ici. Vous me faites...

M. Paradis (Lévis) : La suggestion dont je vous parle, évidemment, dans les AMP, de les abolir, évidemment, vous comprendrez que ce n'est pas dans le projet de loi du ministre de la Santé actuellement, bien au contraire.

Je continue à même enseigne : mode de rémunération. C'est questionné par plusieurs, en disant : Voilà qu'on peut changer aussi des choses. Passer à un mode de rémunération mixte basé sur la prise en charge du patient, par exemple, est-ce que ça fait partie des avenues potentielles qui amélioreraient notre système de santé et votre pratique également?

Mme Dumas Pilon (Maxine) : Bien, encore une fois, le collège québécois ne se positionne pas nécessairement sur les enjeux financiers, on va laisser ça à nos collègues de la FMOQ, on va laisser ça aux spécialistes qui viennent vous parler...

M. Paradis (Lévis) : Mais vous avez quand même une vision, je veux dire...

Mme Dumas Pilon (Maxine) : J'ai quand même une vision, je pense qu'il faut... bien, il faut être assez au clair avec les avantages et inconvénients. Je crois qu'on va aller chercher de la qualité avec des rémunérations mixtes, quelque chose comme ça, mais je ne suis pas certaine que ça va venir nous aider côté de l'accessibilité, parce que la rémunération à l'acte fait que plus on voit de patients, mieux on est payés. Donc, actuellement, s'il y a une rémunération qui va amener du volume, c'est bien celle-là. Par contre...

M. Paradis (Lévis) : D'où l'importance de modifier cette...

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. C'est malheureusement tout le temps qu'on avait pour les échanges. Merci beaucoup, Dre Dumas Pilon, pour votre présentation et les réponses offertes aux membres de la commission.

Compte tenu de l'heure, je suspends donc les travaux de la commission jusqu'à 19 h 30.

(Suspension de la séance à 17 h 52)

(Reprise à 19 h 36)

Le Président (M. Tanguay) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons donc poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée.

Je souhaite maintenant la bienvenue à la représentante de l'Association des cliniques médicales du Québec. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre présentation. Je vous demanderais, s'il vous plaît, pour des fins d'enregistrement, de bien vouloir vous nommer ainsi que nous mentionner vos fonctions. Après votre 10 minutes, une période d'échange avec les parlementaires s'ensuivra. Alors, la parole est à vous.

Association des cliniques médicales du Québec (ACMQ)

Mme Girard (Isabelle) : Merci, M. le Président. Je m'appelle Isabelle Girard, je suis la directrice générale de l'Association des cliniques médicales du Québec. Dû au fait que nous n'avons eu qu'un très court délai, malheureusement, les deux coprésidents de l'association n'ont pu se joindre à moi ce soir. Par contre, le conseil d'administration de l'association vous remercie sincèrement de nous donner l'opportunité de venir vous présenter notre vision des choses.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je propose de vous faire un bref retour sur l'historique de notre association, qui est très jeune. C'est en 2012 que tout cela a commencé. Il y avait un groupe d'amis, propriétaires de clinique médicale, qui se posait des questions, dont la principale était : Comment se fait-il que tous les propriétaires de clinique que nous connaissons pensent qu'ils savent comment améliorer le système de santé mais que personne ne les consulte jamais pour connaître leurs idées? Ils ont alors commencé à discuter de la possibilité de constituer un regroupement qui pourrait réunir les propriétaires de clinique et partager avec le reste de la société leurs idées et leurs préoccupations. Par la suite, nous avons décidé d'organiser une première assemblée de propriétaires de clinique pour voir si cet intérêt était partagé par d'autres propriétaires.

C'est donc à l'occasion d'un repas dans un restaurant montréalais, avec une quinzaine de cliniques représentées, que fut officiellement prise la décision de créer une association. Ce soir-là, les médecins et les non-médecins se sont entendus sur quelques éléments cruciaux, y compris : la nouvelle association serait ouverte uniquement aux cliniques où travaillent des médecins qui participent à la RAMQ, donc des cliniques qui font partie du système public de la santé; la nouvelle association réunirait autant les propriétaires médecins que non-médecins, mais elle encouragerait l'entrepreneurship médical, vu le rôle primordial joué par les médecins dans le réseau et dans les cliniques; et finalement la nouvelle association serait constituée de cliniques de première ligne et de cliniques offrant des services spécialisés.

Les enjeux qui préoccupaient les propriétaires de clinique étaient nombreux, mais on peut les organiser sous trois grands chapeaux, qui sont devenus les grandes priorités de l'association.

Premièrement, le financement. Dans le monde d'aujourd'hui, avec les technologies et les avancées de la médecine, il coûte très cher de faire fonctionner une clinique médicale. Or, dans bien des cas, les seuls revenus de ces cliniques sont ceux des loyers que paient les médecins. Un grand nombre de cliniques médicales sont vouées à l'échec si les formules de financement ne sont pas examinées et modernisées.

Deuxièmement, la gestion des cliniques. Dans bien des cas, les médecins ou autres propriétaires de ces cliniques n'ont pas de formation en gestion et ils pourraient tirer bénéfice de l'expérience de leurs collègues. L'association doit permettre de contribuer à la formation en gestion de ses membres et de partager les meilleures pratiques organisationnelles.

• (19 h 40) •

Troisièmement, les cliniques doivent faire des investissements importants et acquérir des biens et services. L'association a déjà conclu plusieurs partenariats en regroupant le pouvoir d'achat de ses membres pour réduire les coûts d'exploitation. D'une manière très sommaire, c'est donc mon rôle que de travailler sur ces priorités.

J'aimerais poursuivre avec quelques chiffres. Au Québec, il y a environ 2 000 cliniques médicales publiques réparties sur l'ensemble du territoire. Ces cliniques jouent un rôle majeur dans la livraison des soins de santé aux Québécois. Sur l'ensemble des visites médicales réalisées au Québec, plus de 80 % des consultations en médecine générale et près de 40 % des consultations en spécialité sont effectuées en clinique. En ce qui concerne notre association, nous comptons actuellement une soixantaine de cliniques où travaillent plus de 1 000 médecins omnipraticiens et spécialistes. Ce nombre est en constante augmentation, puisque notre association est très jeune et qu'elle est de plus en plus connue et reconnue dans le monde médical. Je crois que ces chiffres mettent les choses en perspective.

Donc, lorsqu'on pense au système de santé québécois, on pense souvent aux hôpitaux, aux CLSC, aux établissements de la santé, bien entendu. On pense également aux médecins, qui font justement l'objet du projet de loi n° 20. Mais les médecins ne sont pas toujours à l'hôpital. Au contraire, la plupart d'entre eux partagent leur pratique entre les établissements publics et les cliniques médicales. Il est donc important de reconnaître que l'univers des cliniques médicales a énormément évolué depuis quelques années. La création des GMF puis des cliniques-réseaux et des cliniques-réseaux intégrées constitue une véritable petite révolution. Le support financier accordé par le gouvernement depuis de nombreuses années à ces cliniques contribue à offrir une gamme de services toujours plus développée, complète et sophistiquée. L'engagement du gouvernement à créer également les supercliniques est également fort prometteur dans la mesure où ces supercliniques auront les moyens de leurs ambitions.

Nous en arrivons donc au projet de loi n° 20 et à la vision de nos membres. Disons-le de prime abord, l'ACMQ supporte le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec dans ses initiatives de vouloir s'assurer que chaque Québécois ait accès à un médecin de famille, que les médecins généralistes et spécialistes soient facilement disponibles pour rendre des services à la population et que la prise en charge de la santé globale de nos citoyens québécois soit plus efficace.

L'ACMQ n'est pas fondamentalement contre ce projet de loi et pense d'ailleurs que plusieurs aspects de celui-ci sont atteignables et réalisables, moyennant une révision du financement des cliniques médicales et de l'organisation des soins. Puisque l'objectif du projet de loi est d'augmenter l'inscription et la prise en charge des Québécois par la même équipe de médecins, il faut s'attendre par contre à ce que cette augmentation d'inscriptions et de prises en charge génère un accroissement significatif de l'achalandage dans les cliniques médicales, puisque c'est essentiellement dans ces milieux que s'exécute ce type de prise en charge.

Or, le financement des cliniques médicales du Québec est dans un état extrêmement précaire, si bien que l'ACMQ est convaincue que, même si le projet de loi, tel que libellé, est adopté, le ministère devra faire face à une nouvelle réalité que personne n'a soulevée jusqu'à maintenant, c'est-à-dire l'incapacité d'actualiser ce projet de loi avec le problème réel, dû au sous-financement des cliniques médicales de la province, qui ne leur permettrait pas de rendre à la population les services attendus et visés par le projet de loi n° 20.

Soulignons que la réalité financière des établissements publics n'a rien à voir avec la réalité financière des cliniques médicales hors établissement. En effet, dans nos cliniques, les gestionnaires doivent s'occuper d'embaucher, de former, de gérer les ressources humaines matérielles et financières. Les propriétaires de clinique médicale doivent non seulement prendre soin de leurs patients, mais également travailler pour organiser tout cela et voir aussi au financement de toute l'organisation, en s'assurant surtout de ne pas être déficitaires, car, contrairement aux établissements publics, le ministère n'est pas là pour éponger les dettes.

Le financement des cliniques médicales du Québec provient essentiellement de deux sources, soit, d'une part, du loyer versé par les médecins à la clinique à partir de leurs revenus professionnels payés par la RAMQ, ainsi que, d'autre part, des services non assurés, des frais accessoires ou administratifs. Ces dernières sources de financement sont constamment remises en question soit par le Collège des médecins soit dans les médias. Il est vrai que nos GMF et cliniques-réseaux sont partiellement financés par le ministère, mais même ces cliniques sont aux prises avec un enjeu important quant à la gestion de leurs finances.

L'association souhaite donc que l'augmentation de la charge de travail des médecins soit accompagnée d'un ajustement profond du mode de financement des cliniques. En outre, l'association souhaite soumettre quelques recommandations, qui se trouvent dans le document que nous avons déposé un peu plus tôt, et que je vous lis à l'instant : Il serait souhaitable que le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec pondère la lourdeur médicale des patients dans le calcul des patients considérés inscrits auprès d'un médecin, en ce sens qu'un patient souffrant de multiples maladies chroniques requiert beaucoup plus d'attention qu'un patient relativement en bonne santé.

Il serait important également de prévoir une charge de travail compatible à la réalité avec un équilibre sain pour la conciliation travail-famille et également une charge de travail adéquate pour les médecins plus âgés en préretraite qui souhaitent continuer de pratiquer tout en réduisant progressivement leurs heures de travail, car nous ne pouvons pas nous permettre de perdre leur contribution, encore essentielle et appréciée de la population.

Nous souhaiterions également que le ministère révise complètement le financement des cliniques médicales pour s'assurer qu'elles puissent non seulement survivre, mais également se développer pour ainsi répondre aux besoins découlant, entre autres, du projet de loi n° 20.

Et, pour terminer, nous aimerions que le ministère prévoie un financement additionnel payé aux cliniques pour du personnel supplémentaire dans les cliniques médicales, tel que les techniciens, infirmières, psychologues, diététistes, etc., et les infrastructures nécessaires pour aider les médecins à prendre en charge plus de patients dans une approche multidisciplinaire, plus particulièrement en ce qui a trait au suivi des maladies chroniques. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, Mme Girard. Alors, nous allons maintenant débuter une période d'échange avec les parlementaires, et, en ce sens, je cède la parole au ministère de la Santé pour une période de 21 min 30 s.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, Mme Girard, merci d'avoir accepté l'invitation de venir ici nous exposer votre point de vue. Dans tous les gens que l'on rencontre, vous n'êtes pas beaucoup... je pense que vous n'êtes probablement pas plus qu'un ou deux représentants... de gestionnaires. Alors, c'est intéressant, parce que vous allez nous donner une autre vision. Ce matin, on a eu la vision des usagers qui voyaient qu'on pouvait faire mieux puis qu'il y avait la capacité. Et là on va voir la vôtre, parce que vous, en plus, là, vous êtes dans le moteur, là, vous êtes dans la mécanique de l'affaire.

Juste pour qu'on se situe bien et surtout pour que les gens qui nous écoutent comprennent bien le cheminement, là... bien, pas le cheminement, mais simplement d'où vous venez, là, au sens large du terme, là : Vous, vous n'êtes pas médecin.

Mme Girard (Isabelle) : Non. Moi, je suis infirmière de formation. Je suis dans le réseau des cliniques depuis déjà de nombreuses années. J'ai été dans différents domaines, autant dans les hôpitaux, les CLSC. J'ai travaillé dans le privé et le public. Donc, ça me donne vraiment une vision globale. Et puis j'ai été gestionnaire de clinique dans les dernières années, et maintenant je suis consultante auprès des gestionnaires pour les aider justement à optimiser les services et les soins à l'intérieur de leurs cliniques, dans le but évidemment de rentabiliser le tout.

M. Barrette : Donc, en ayant été, à la base, infirmière, vous êtes bilingue en santé et vous êtes bilingue en gestion.

Mme Girard (Isabelle) : Effectivement, tout à fait.

M. Barrette : Ce qui est une qualité. Ou c'est deux qualités.

Mme Girard (Isabelle) : Merci.

M. Barrette : Et, toujours pour qu'on se situe, là... Parce que, vous savez, il y a des mots qui sont péché sur la place publique, et il y en a un qui s'appelle «privé». Alors, ça, c'est un péché, on le sait. Mais, en réalité, vous, vous parlez de cliniques conventionnées. Elles sont publiques.

Mme Girard (Isabelle) : Exactement. Nous, on fait vraiment la distinction entre ce qu'on appelle les cliniques privées et les cliniques publiques. On a vraiment une terminologie au sein de l'association qui nous permet de dire : La clinique publique est à gestion privée, tandis que la clinique privée, c'est vraiment un endroit où le médecin est désaffilié de la RAMQ.

M. Barrette : Et votre clientèle, les gens que vous représentez, là, ils sont publics, là.

Mme Girard (Isabelle) : Entièrement publics.

M. Barrette : Pour tout le monde, là.

Mme Girard (Isabelle) : Exactement. Ça fait partie de la mission de l'association que d'avoir seulement des cliniques publiques.

M. Barrette : Ah oui? Vous n'avez pas de... Vous n'avez pas de privé privé, là?

Mme Girard (Isabelle) : Non. On ne voulait pas rentrer dans ce débat-là. Notre but, c'est vraiment de travailler avec le ministère et les instances à faire en sorte qu'on ait un système de santé public qui fonctionne bien.

M. Barrette : Parfait. Vous comprenez pourquoi je pose ces questions-là, là. Parce que d'autres gens pourraient partir sur... puis là le discours déraperait, là. On est dans notre réseau public financé par la Régie de l'assurance maladie, puis il n'y a rien qui sort de là.

Alors, toujours pour qu'on se situe, et je comprends aussi que vous avez probablement un éventail de types de cliniques, vous avez des GMF, des cliniques-réseaux...

• (19 h 50) •

Mme Girard (Isabelle) : On a vraiment autant du cabinet d'un seul médecin qui travaille à son domicile que les grosses cliniques. On a des CRI également, là, donc, GMF, multisite, un seul site, cliniques-réseaux, cliniques-réseaux intégrés, cliniques de médecine spécialisée également, on couvre un peu de tout, les cliniques de gastroentérologie... C'est vraiment très, très vaste, dans la mesure où c'est RAMQ.

M. Barrette : Alors, le regard que vous posez, là, est un regard vaste sur le milieu non hospitalier public.

Mme Girard (Isabelle) : Exact.

M. Barrette : Parfait. Et, toujours pour se situer, là... Puis je vais arriver aux questions après, là, évidemment. Là, c'est juste pour qu'on comprenne, là, que les gens n'arrivent pas après puis en disant : Ah oui! Mais, eux autres, c'était privé, puis ce n'est pas la même affaire, et ainsi de suite, là. Alors, les gens que vous avez dans votre association, ce sont des cliniques dans lesquelles oeuvrent... il n'y a pas de sélection, là, il y a autant d'hommes que de femmes, puis il y a tous les groupes d'âge, puis...

Mme Girard (Isabelle) : Exact. C'est très, très, très vaste, là.

M. Barrette : O.K. Alors, il n'y a pas de biais de sélection.

Mme Girard (Isabelle) : Non.

M. Barrette : Parfait. Alors, ça m'amène, à ce moment-là, à vous inviter à nous parler de la capacité de produire de nos cliniques. Vous voyez les médecins, vous, là, oeuvrer, là. Vous voyez ce que c'est capable de faire, un médecin organisé, dans une journée. Et vous voyez aussi... sans aucun doute, à mon avis, là, là je vais un peu à la pêche, mais vous voyez aussi ce que peut faire le passage de la pratique que moi, je qualifie de traditionnelle de la médecine, avec des rendez-vous annuels, là, puis des choses comme ça, le passage de ce modèle-là à l'accès adapté, qui est très marginal dans notre réseau aujourd'hui mais qui est spectaculaire en résultats et qui aurait pu se faire depuis longtemps. Et j'imagine que vous avez vu ça puis j'aimerais ça que vous nous en parliez en termes de charge de travail, de capacité de prendre les gens en charge.

Ah! une dernière chose, parce qu'en termes de clientèle, n'ayant pas de biais de sélection, j'imagine que, dans vos cliniques, il y a la répartition de la société, là : il y a les patients âgés, il y a des patients avec des maladies chroniques, il y a des patients lourds, des patients plus légers, ainsi de suite.

Mme Girard (Isabelle) : Exact, tout à fait.

M. Barrette : Alors, parlez-nous donc de ça un petit peu, là, de ce que ça peut faire, une clinique organisée, là, par rapport à avant et maintenant, mettons, en accès adapté?

Mme Girard (Isabelle) : Je vous dirais que ce qui est déplorable au niveau du réseau des cliniques, c'est qu'on fait partie du réseau public. Malheureusement, on n'est pas inclus dans tout l'aspect statistique, etc., donc on n'a pas de chiffres encore...

M. Barrette : Je vous arrête là-dessus.

Mme Girard (Isabelle) : Oui?

M. Barrette : Rassurez-vous, comme on dit dans les amateurs de sport, là, «dans mon livre à moi», là, j'ai toutes vos statistiques et je les regarde, puis elles sont intéressantes.

Mme Girard (Isabelle) : On espère pouvoir travailler avec vous avec ces chiffres-là, justement, pour donner des résultats. Malheureusement, je ne peux pas vous donner de chiffres exacts au niveau de la productivité et tout. Par contre, on peut vous dire sincèrement qu'il y a de nombreuses cliniques au Québec qui sont productives, qui sont efficaces, qui sont très bien organisées et qui offrent une première ligne de soins très, très, très avantageuse pour la population.

Le problème, c'est que les cliniques travaillent en silo, travaillent dans des CSSS qui n'offrent pas nécessairement la même structure, le même encadrement, n'ont pas accès à la même information toujours, ou à du support, de la même façon. Donc, ça fait en sorte qu'on a des cliniques qui sont peu performantes versus d'autres qui sont très, très performantes. Et l'association a pour mission justement de créer ce regroupement et ce réseau-là pour que les gens puissent partager leurs façons de faire pour qu'on devienne de plus en plus efficients.

Je pense qu'un des défis actuellement, c'est au niveau de l'organisation du travail. On a différentes... Vous parliez de l'accès adapté. Oui, l'accès adapté, ça fonctionne très bien. Le défi actuel de tout gestionnaire de clinique, c'est que, même s'ils ont des médecins à l'intérieur de leurs cliniques qui ont suivi la formation, qui ont un intérêt et tout... c'est d'aller à l'intérieur de la clinique et d'aller le mettre en place. C'est l'implantation. Et là, là-dessus, il n'y a pas beaucoup de ressources qui existent. Souvent, les médecins arrivent dans leurs cliniques en disant : Aïe, écoute, moi, j'aimerais ça. O.K., comment on fait ça? Ah! bien là, je ne sais pas trop, voici la théorie; mais là de façon à le mettre en pratique, ça devient particulièrement difficile.

C'est sûr et certain que la réalité aussi des finances vient quand même intervenir sur la productivité de nos cliniques. Mais c'est sûr et certain que, quand on met des bons processus en place et qu'on travaille de façon organisée, on peut offrir des services.

M. Barrette : Pouvez-vous nous donner un exemple de quelqu'un que vous avez vu passer d'un à l'autre?

Mme Girard (Isabelle) : Oui. Expérience personnelle où on a pris un médecin qui venait d'un CLSC. On sait très bien que nos CLSC sont peu productifs. Quand on regarde le nombre de patients inscrits pour un médecin en CLSC versus un médecin qui travaille dans une clinique-réseau, la charge de patients inscrits est très, très, très différente, c'est le double, des fois même le triple.

M. Barrette : Avez-vous des exemples de chiffres?

Mme Girard (Isabelle) : On sait que, dans les CLSC, ça tourne autour de 800 patients maximum, tandis que, dans nos cliniques... on a des cliniques, vous savez, on a des médecins qui font de l'«advanced access» puis qui montent à 2 500 et 3 000 patients en donnant un service de très belle qualité, là. Leurs patients peuvent les rencontrer en moins de 24 heures, 48 heures, c'est très efficace. Donc, c'est vraiment le médecin qui le prend en charge ou sinon c'est le reste du GMF.

Donc, vous me demandiez un exemple concret, le médecin qui part du CLSC, qui était quand même performante au niveau d'un CLSC, parce qu'elle avait à peu près 1 200, 1 300 patients inscrits à ce moment-là, qui arrive dans une clinique, qui ouvre... donc, a la capacité vraiment de changer son mode de pratique, et là, je vous le dis, autant pour elle que pour ses patients, ça a été une période d'adaptation, c'est une gestion du changement qui doit être prise en charge quand même, mais quand c'est bien fait... ce médecin-là, en l'espace de quelques mois à peine, est partie de 1 200, 1 300 patients et elle a augmenté jusqu'à 2 600. Et honnêtement elle prend encore des patients à l'occasion. Et c'est une clientèle qui était... Elle avait vraiment des patients très lourds, beaucoup de patients vulnérables au niveau santé mentale, problèmes respiratoires, les enfants, etc., mais elle a réussi à... Puis aujourd'hui elle peut officiellement dire, ce médecin-là, qu'elle est nettement plus heureuse. Puis le soir elle sait à quelle heure elle va arriver chez elle pour s'occuper de ses enfants, chose qu'avant elle n'avait aucun contrôle là-dessus.

M. Barrette : Parce que, là, vous êtes en train de nous traumatiser tout le monde, ici, autour, là. Alors donc, on parle d'une mère de famille, là, qui arrive à concilier son travail...

Une voix : ...monoparentale.

M. Barrette : ...monoparentale, qui arrive à concilier sa vie professionnelle. Alors, je comprends que, le fait de passer de sa pratique traditionnelle en CLSC à l'accès adapté dans un cabinet bien géré, elle n'est pas passée de, mettons, 40 heures-semaine à 90 heures, là.

Mme Girard (Isabelle) : Non, non, au contraire. Les premières semaines ont été plus difficiles, soyons honnêtes, mais c'est sûr et certain qu'elle est passée plutôt, justement, du 60, 70 heures à son CLSC à faire du 50 heures, en ayant une nettement meilleure pratique, autant pour elle que pour sa clientèle...

M. Barrette : Juste pour qu'on comprenne bien, là, parce que c'est très, très, très impressionnant ce que vous nous racontez, elle voit sa clientèle, elle voit ses inscrits, là... les 2 500, 2 600, vous disiez, là, c'est sa clientèle à elle.

Mme Girard (Isabelle) : Tout à fait.

M. Barrette : Et là elle a développé une pratique, parce que c'est ça, l'accès adapté, où les patients... elle est disponible, elle affiche essentiellement...

Mme Girard (Isabelle) : Elle est disponible.

M. Barrette : ...une disponibilité, et, au lieu de donner des rendez-vous annuels, là, périodiques, là elle est disponible, puis les patients viennent.

Mme Girard (Isabelle) : Effectivement.

M. Barrette : Et là je vais vous poser une question, parce qu'il y a beaucoup de gens qui disent ça, que, dans les médecins, les médecins — puis là vous le voyez, vous, dans votre réseau — disent : Si j'affiche mes rendez-vous, les gens vont venir exprès pour rien. Est-ce que c'est ça que vous voyez?

Mme Girard (Isabelle) : On ne voit pas ça. Ce que je vous dirais qui est une grosse crainte chez les médecins... C'est que beaucoup de médecins connaissent leur clientèle, donc ils sont en mesure de guider leur secrétaire-réceptionniste, à dire : O.K., voici, cette plage horaire là, donnez-la pour tel type. Lui, on va lui donner un petit peu plus de temps, je le sais que... Ils ont une espèce de contrôle. Ce qui, je pense, est très craintif pour le médecin, c'est justement de perdre ce contrôle-là. Et honnêtement les patients ne viennent pas pour rien. On sait que les gens ne s'adressent pas... C'est sûr qu'il y aura toujours des exceptions à la règle, comme dans toute chose, mais en général les patients vont se présenter pour des bonnes raisons, puis à ce moment-là ils sont vus en temps réel, rapidement. On peut réagir vite à la situation pour corriger le problème, puis passer à l'autre étape.

Par contre, il faut être honnête, l'«advanced access» fonctionne bien parce que, quand mon patient vient, je ne vois pas huit pathologies en même temps, tu sais? De toute façon, je pense que, d'un point de vue médical, le médecin a tout intérêt à se concentrer sur une seule pathologie à la fois, de là à revoir son patient plus d'une fois dans un court laps de temps. C'est ces habitudes à donner autant aux médecins qu'à la population. C'est sûr et certain, on vous le dit, là : Les patients, ils appellent au départ, dans les cliniques, en disant : Oui, mais je ne pourrai pas voir mon médecin, elle me dit de rappeler dans deux mois, mais, dans deux mois... Parce qu'eux aussi ont un historique puis une expérience qui fait en sorte qu'ils ont été échaudés souvent, tu sais?

• (20 heures) •

M. Barrette : Sauf que, là, avec ça, là, ça disparaît. Les gens...

Mme Girard (Isabelle) : Les gens s'habituent. Les gens s'habituent. Par contre, dans la phase de transition, il faut être honnête, ça prend de l'accompagnement. On ne peut pas laisser ni les médecins ni la clientèle juste affronter ce changement-là tout seuls, faire cette transition-là de façon unique.

M. Barrette : Et une transition, dans votre expérience, puisque manifestement vous en avez beaucoup, là, dans la transition, plus que moi... De faire cet accompagnement-là, on parle de combien de temps? Est-ce qu'on parle de mois, de semaines, d'années?

Mme Girard (Isabelle) : Ça dépend de chaque médecin. Comme je vous dis, un médecin qu'on parle vraiment qu'il change complètement de milieu, avec une nouvelle pratique, c'est peut-être un huit à 12 semaines. Par contre, le médecin qui a déjà des rendez-vous pour son année complète, lui, bien, probablement que ça va prendre justement un an avant d'habituer tout le monde. Par contre, la transition va se faire graduelle.

M. Barrette : Et d'épuiser ses rendez-vous déjà donnés.

Mme Girard (Isabelle) : Pardon?

M. Barrette : Et d'épuiser ses rendez-vous déjà donnés.

Mme Girard (Isabelle) : C'est ça. Exactement. Puis souvent, dans une situation comme ça, ce n'est vraiment pas le médecin qui est en problématique, mais c'est la clientèle, là, eux autres sont habitués d'avoir leurs rendez-vous un an d'avance pour avoir une garantie, puis là ils ont l'impression qu'ils n'auront plus de garantie. Donc, il y a quand même un message à passer à la population en arrière de ça, de dire : Ayez confiance aussi en ces modèles-là. C'est des modèles qui fonctionnent, vous allez être satisfaits. Mais il faut nous donner notre chance aussi de le démontrer.

M. Barrette : Et ça m'amène à toucher à un autre aspect qui est souvent véhiculé, que... Je pense connaître votre réponse, mais je vais vous la poser quand même, parce que, quand c'est moi qui le dis, ce n'est pas vrai, là, mais, quand c'est vous qui le dites, parce que vous voyez ça, les gens vont peut-être plus le croire. Vous avez entendu parler évidemment, dans le projet de loi n° 20, puisque vous êtes ici, qu'on met en place la notion de l'assiduité. Et moi, je postule, puis vous me... je pense que vous n'avez pas nécessairement la statistique, mais vous avez une donnée qui est encore plus importante, je dirais, qui est celle du patient qui parle. Le patient, il raconte.

Mme Girard (Isabelle) : Oui, tout à fait.

M. Barrette : Il vient voir le médecin, là. Moi, je postule que l'assiduité ne sera jamais un problème, parce qu'à partir du moment où on sait qu'il y a de la place chez son médecin on va voir notre docteur, parce qu'il y a la relation de confiance.

Mme Girard (Isabelle) : Je vous dirais que, dans une clinique d'envergure, je suis d'accord avec vous, c'est possible. Par contre, ce qui nous inquiète, nous, au niveau de l'association, c'est pour tous nos médecins plus âgés, tous les cabinets qui sont plus petits, qui, eux, n'offrent pas de sans rendez-vous, ou ne sont pas nécessairement affiliés à un groupe de médecine familiale. À ce moment-là, pour eux, ça va devenir un défi important. C'est sûr que, pour les jeunes mères de famille également, pour les gens qui avaient des pratiques plus spécialisées... Je vous donne un exemple. On a beaucoup de jeunes médecins aujourd'hui qui font des suivis d'obstétrique, donc, faisant du suivi obstétrique, ne prennent pas nécessairement de patients inscrits à leur charge, tu sais? Donc, eux, si on leur demande de faire ça, ils vont être obligés de diminuer certains services, etc., bon.

M. Barrette : Mais en même temps, s'ils sont pondérés correctement... Parce qu'évidemment suivre une grossesse, ça demande plus de visites. S'ils sont pondérés adéquatement, ça revient aux mêmes résultats en termes de visites.

Mme Girard (Isabelle) : C'est exactement ça. Tout à fait. Puis c'est ce qu'on disait, nous, l'association. Ce qu'on aimerait, c'est que le ministère pondère autant la lourdeur que le type de clientèle, là, qu'on va...

M. Barrette : C'est ce qu'on veut faire. Comme par exemple, on s'entend, là, qu'un médecin qui suit 200 grossesses, bien, c'est l'équivalent de quelqu'un qui suit 1 500 patients, là.

Mme Girard (Isabelle) : C'est ça. Tout à fait.

M. Barrette : C'est exactement le même nombre de visites, là.

Mme Girard (Isabelle) : Puis, un médecin qui suit un patient qui a quatre codes de vulnérabilité, bien, c'est sûr et certain que ça a une plus grosse valeur au niveau du traitement puis du suivi qu'un patient qui a un code de vulnérabilité, tu sais?

M. Barrette : L'exemple que vous venez de nous donner, là, c'est une exception ou c'est en général? Pas le 2 500, mais le fait qu'on arrive, là... Parce que, vous savez, vous l'avez entendu, là, lorsqu'on dit, là... On dit qu'une pratique normale, là, ça devrait être une prise en charge de 1 500 patients si on ne fait pas d'hôpital, 1 000 si on en fait. Ça, en accès adapté, ça ne vous apparaît pas comme étant la fin du monde, là?

Mme Girard (Isabelle) : C'est tout à fait faisable. Mais je vais quand même vous ramener à l'aspect que, pour mettre ça en place, ça prend de l'accompagnement, puis, pour faire cet accompagnement-là, ça prend un support, et un support financier. C'est...

M. Barrette : Du côté du financement, je vais vous avouer que j'ai une difficulté. Et là je vais... Et là sentez-vous très libre d'aller jusqu'où vous pouvez aller, parce qu'il y a sûrement des informations qui sont plus d'ordre confidentiel, là, mais vous avez évidemment mis l'emphase sur l'importance du financement. Or, la rémunération des médecins inclut ce qu'on appelle un horaire technique, là, vous, vous êtes familière avec ça, mais c'est des coûts d'opération pour un cabinet. Techniquement, si le volume s'accroît dans la même journée, le financement s'améliore, mais, malgré ça, ce que je comprends de votre discours... Et ça me surprend, je dois vous avouer, parce que, si vous arrivez à créer des circonstances où la productivité augmente, le financement devrait être adéquat, mais vous semblez nous dire que non.

Mme Girard (Isabelle) : Effectivement, et je vous explique pourquoi. Actuellement, les montants qui sont versés sont versés directement aux médecins, et non aux cliniques. Et il est là, le défi des cliniques. En ce moment, il y a beaucoup de compétition pour le recrutement, il y a beaucoup de compétition au niveau des loyers, que ce soit à pourcentage ou vraiment des loyers fixes mensuels. Les cliniques, il n'y a pas de permis, n'importe qui peut ouvrir une clinique à un coin de rue de l'autre, et tout. Donc, de plus en plus, il y a de la compétition comme ça, et on voit sur le terrain des montants, des taux de loyer qui baissent de façon dramatique pour attirer des médecins, justement, pour offrir tous les services. Pour maintenir notre statut GMF, notre statut clinique-réseau, on doit en attirer, des médecins, évidemment, hein, il faut qu'on en fasse, de la rétention. Et c'est un gros défi en ce moment. Et beaucoup de problèmes de finances au niveau des cliniques sont reliés au fait que les ententes sont faites directement aux médecins. Les montants sont versés aux médecins.

Je vais vous donner un autre exemple très simple : le Programme québécois d'adoption du dossier médical électronique. Ce programme-là a été négocié, et c'est une prime qui est remise aux médecins, mais on va s'entendre : Qui fait la formation? Qui achète l'infrastructure technologique informatique nécessaire? Qui va assurer l'entretien de toute cette infrastructure, etc.? Et qui va payer les licences? Habituellement, c'est la clinique, ce n'est pas le médecin de façon individuelle...

M. Barrette : Je comprends que, le modèle dans lequel vous êtes, vous et les 60, vous n'êtes pas dans un modèle de partenariat avec les médecins mais plus dans un locateur-locataire.

Mme Girard (Isabelle) : Exactement. C'est ça. Et je vous dirais que la majorité des cliniques fonctionnent comme ça, c'est vraiment : la clinique se finance. La première source de revenus, c'est vraiment le loyer des médecins. Puis là, je vais être très honnête avec vous, je suis dans le réseau et je me promène partout, des cliniques qui réussissent à obtenir des médecins qui paient encore leur 30 % de frais de loyer, elles disparaissent à vue d'oeil, là. C'est des cliniques hyperspécialisées qui ont des champs de pratique, là, qui leur permet d'aller chercher des médecins qui veulent vraiment se spécialiser, donc qui sont prêts à en donner un petit peu plus en échange de ce qu'ils vont y gagner au bout. Mais la majorité des cliniques...

Le Président (M. Tanguay) : ...

Mme Girard (Isabelle) : Oui.

Le Président (M. Tanguay) : ...à ce moment-là continuer, évidemment, l'échange. Prêt pour 13 minutes.

Mme Lamarre : Bien, bonjour, Mme Girard.

Mme Girard (Isabelle) : Bonjour, Mme Lamarre.

Mme Lamarre : Enchantée de vous revoir, donc, dans un autre monde maintenant, l'Association des cliniques médicales du Québec. Écoutez, je trouve intéressant ce que vous avez apporté comme information. J'ai quand même quelques interrogations par rapport à certaines informations que vous avez données. Par exemple, le cas du médecin dont vous parlez, en CLSC, par rapport à la pratique en clinique, est-ce que ce médecin-là, sans la nommer, pourrait vous dire qu'en CLSC, par exemple, elle avait des cas qui étaient très lourds au niveau pathologique et, en plus, qu'il y avait des problèmes sociaux importants qui faisaient que les consultations... Parce que j'ai fait des consultations pendant 10 ans en CLSC, puis les cas qu'on avait en CLSC étaient plus lourds, en général, là, que les cas qu'on voit en général dans une clinique médicale.

• (20 h 10) •

Mme Girard (Isabelle) : ...souvent, c'était une clientèle plus lourde au niveau des CLSC. Par contre, cette médecin-là est partie avec presque exclusivement sa clientèle du CLSC, qu'elle a déménagée dans la clinique où elle allait pratiquer. Donc, elle a gardé exactement la même clientèle. Et ce qui était le fun, quand même, de cette expérience-là, c'est qu'on avait le feeling des patients également. On avait le feed-back qui disait : On avait peur, nous. Et, au bout d'un certain mois, ils nous ont dit : Bien, on s'attendait à ce que ce soit comme le CLSC, mais on se rend compte que finalement notre médecin est quand même plus disponible. Donc, elle avait exactement la même clientèle, qu'elle a transférée, mais dans une organisation de soins beaucoup mieux adaptée et mieux prise en charge.

Mme Lamarre : Imaginons un GMF, par exemple, mettons que ça serait ça. Alors, effectivement, il y avait autour d'elle d'autres professionnels, mais elle aurait pu en avoir aussi au CLSC, mais peut-être que ce n'était pas organisé de la même façon.

Mme Girard (Isabelle) : Elle était déjà dans un GMF au CLSC. Donc, elle était habituée...

Mme Lamarre : Donc, c'est un changement vraiment au niveau de la gestion. Ce n'est pas le CLSC comme tel qui a fait la différence, c'est vraiment la gestion.

Mme Girard (Isabelle) : C'est vraiment au niveau de la gestion de sa pratique médicale.

Mme Lamarre : O.K. Parce que, tantôt, vous avez dit : On va avoir besoin de financement supplémentaire. Je ne peux pas parler des cliniques privées... dans le fond, des cliniques publiques, mais quand même qui ne sont pas GMF. Peut-être que vous en avez. Mais, dans les GMF, il reste que le gouvernement a quand même bien soutenu les GMF en injectant, là... Il y avait un article très éloquent, en fin de semaine, qui parlait de 500 000 $ pour le démarrage d'un GMF et ensuite, de façon récurrente, 345 000 $ par année, par GMF. Donc, il y a quand même de l'argent qui va au fonctionnement, au soutien avec le personnel infirmier, à l'informatisation, à l'ajustement au niveau des infrastructures. C'est 82 millions par année en tout, là, pour l'ensemble des GMF.

Mme Girard (Isabelle) : Ces subventions-là effectivement soutiennent ces cliniques-là, qui sont, soyons honnêtes, plus performantes que les autres qui n'en ont pas. Ça, c'est sûr et certain. Par contre, il y a quand même des aspects qui ne sont pas pris en compte dans ces subventions-là, dont la composante technique. Aujourd'hui, on est vraiment dans l'avènement des technologies, quelles qu'elles soient, que ce soit au niveau de la gestion d'une salle d'attente, du dossier médical électronique, mais également de tout ce qui est appareil diagnostique. Ces choses-là ne sont pas subventionnées d'aucune façon par le ministère en ce moment.

Donc, je vous donne l'exemple d'un appareil à ECG. Dans un GMF ou une clinique-réseau, je n'ai pas le choix d'avoir un ECG sur place pour être capable de soutenir mon équipe médicale, mais cet appareil-là coûte quand même entre 10 000 $ et 15 000 $, juste pour ça. Donc, il faut, à quelque part, l'immobiliser et il faut le financer d'une certaine façon. Il y a plein de petites choses comme ça qui ne sont pas incluses. Quand vous me dites : Oui, on donne quand même de l'argent qui va aider à payer justement du secrétariat, du soutien administratif, à payer une partie des loyers, et tout...

Mme Lamarre : L'informatique aussi, l'informatisation des dossiers.

Mme Girard (Isabelle) : Oui, oui.

Mme Lamarre : Il y a des infrastructures aussi, là, dans tout ça. Il y a des équipements de bureau...

Mme Girard (Isabelle) : Il y a des infrastructures, mais est-ce que tout est pris en compte? Honnêtement, non. Et, quand on parle de soutien au niveau GMF, on parle d'une infirmière, bien, c'est sûr et certain que le ratio maintenant idéal, c'est une infirmière à peu près pour deux médecins dans un environnement «advanced access», justement d'accès adapté. À ce moment-là, si je veux être vraiment performante avec mes médecins, il faut que je leur donne du support infirmier, que ce soit une infirmière auxiliaire ou des infirmières, mais il faut trouver le moyen de le financer, ça, et actuellement ça ne l'est pas entièrement.

Mme Lamarre : Vous avez, à la page 3 de votre mémoire, là, un paragraphe qui dit que les frais accessoires sont essentiels à votre fonctionnement et que ça, ça vous fait craindre... Donc, vous êtes en même temps favorable, mais vous dites : Si on veut aller vers cette augmentation des ratios patients-médecin, il faut absolument qu'il y ait de l'argent en plus qui soit donné.

Mme Girard (Isabelle) : Il faut qu'on soit capables de financer nos cliniques plus adéquatement actuellement, il n'y a pas de doute. C'est sûr que les frais accessoires, c'est un parmi tant d'autres. Le défi qu'on a beaucoup en ce moment, vous le savez, c'est le code de déontologie qui a passé le 7 janvier dernier, qui va être effectif le 7 juillet, qui vient mettre beaucoup de contraintes au niveau des médecins, autant au niveau des frais accessoires, au niveau des détails des factures et vraiment des avantages financiers.

Donc, on parle d'un laboratoire. On sait que beaucoup de cliniques... Là, à ce moment-là, je ne parle peut-être pas nécessairement d'un gros GMF ou d'une clinique-réseau qui est très bien, quand même, subventionnée et soutenue par ces montants-là, mais une clinique qui n'a pas de subvention. Si je veux avoir une infirmière, si je veux avoir une secrétaire, si je veux avoir un service pour ma clientèle, bien, souvent, ces cliniques-là vont avoir un service de laboratoire privé qui va les aider à financer ce manque de financement, dans le fond, qui existe au niveau public. Donc, ça, c'est quand même un défi en ce moment.

Mme Lamarre : Il reste 6 min 21 s. J'ai mes deux collègues qui aimeraient bien vous poser des questions.

Mme Girard (Isabelle) : Allez-y, pas de problème.

Mme Lamarre : Alors, peut-être y aller... Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Oui, collègue députée de Duplessis.

Mme Richard : Merci, M. le Président. Bonsoir, Mme Girard. Mme Girard, vous avez parlé beaucoup d'un médecin qui préférait une clinique privée, une clinique même publique au fait de travailler dans un CSSS. Vous avez été assez éloquente pour nous faire part de la situation même d'une maman monoparentale.

Moi, j'aimerais savoir : Dans les fonctions que vous occupez présentement, est-ce que, le volet patient, vous avez regardé aussi cette réalité? Qu'est-ce qui fait que, si moi, je suis suivie par mon médecin de famille dans un CSSS, je pourrais éventuellement le suivre s'il décidait de quitter le CSSS pour s'en aller dans une clinique? Qu'est-ce qui fait qu'un patient, lui, va continuer à suivre le médecin? Ou qu'est-ce qui fait qu'il ne le suivra pas, le médecin, nécessairement, dans son choix?

Mme Girard (Isabelle) : En général, s'il ne le suit pas, c'est une question de proximité, souvent. C'est une question de distance ou... Je vous dirais qu'en tout cas, dans cette situation-là puis dans d'autres que j'ai vues, les patients vont suivre leur médecin parce qu'ils ont confiance en leur médecin, parce qu'ils ont une belle relation avec eux, puis ça, c'est important.

Mme Richard : Dernière petite intervention, pour laisser la parole à mon collègue. Est-ce que vous avez entendu des propos provenant des patients où, au-delà de suivre le médecin parce qu'il va continuer à assurer le suivi, ils trouvaient des meilleurs services, que ce soit au niveau d'un psychologue, diététicienne, ou autres, qu'ils n'auraient pas nécessairement, peut-être, retrouvés dans un CSSS?

Mme Girard (Isabelle) : Pas nécessairement. Parce que, vous savez, au sein des cliniques, on fait plein d'ententes aussi. Puis, comme je vous disais, ce qui est un défi actuellement, c'est qu'avec un CSSS on arrive à faire une entente, puis l'autre CSSS n'a pas les mêmes ressources. Donc, on essaie de travailler là-dessus quand même.

Mme Richard : Merci. Je comprends qu'il le fait pour suivre son médecin, c'est ça?

Mme Girard (Isabelle) : Oui.

Mme Richard : Merci beaucoup.

Le Président (M. Tanguay) : Et, pour encore un peu moins de 3 min 30 s, le collègue de Rosemont.

M. Lisée : Merci. Madame, merci d'être là. Bon, j'essaie de décomposer le financement, là, de la clinique. Alors, le médecin qui arrive chez vous, qui passe de 800 à 2 500 patients, il est payé à l'acte, alors donc son revenu a augmenté considérablement?

Mme Girard (Isabelle) : Oui. Oui.

M. Lisée : Mais le revenu qu'il donne à la clinique, c'est un loyer?

Mme Girard (Isabelle) : Tout à fait.

M. Lisée : Et vous dites que les loyers baissent à cause de la concurrence avec les cliniques?

Mme Girard (Isabelle) : Oui.

M. Lisée : Et c'est-à-dire que, là, il y a un volume qui a augmenté, le revenu du médecin a augmenté, mais pas le revenu de la clinique? Et donc vous dites...

Mme Girard (Isabelle) : Les dépenses de la clinique continuent d'augmenter également avec l'inflation, avec les différents...

M. Lisée : C'est ça. Et là vous dites, donc : Soit par les frais accessoires, soit autrement, l'État devrait compenser. Ne pensez-vous pas que, justement, le médecin devrait davantage compenser? Est-ce qu'il n'y a pas un problème ici de non-participation du médecin aux frais de la clinique, même si la clinique lui offre l'infrastructure nécessaire pour augmenter le service, mais augmenter aussi sa rémunération?

Mme Girard (Isabelle) : Effectivement. On doit être honnêtes avec vous, c'est un défi actuellement, et on aimerait beaucoup travailler avec les différentes instances à trouver une solution à ça. Mais il n'y a pas de doute que l'argent, les montants qui sont remis aux médecins devraient être payés directement aux cliniques et non directement aux médecins, parce que, là, c'est ça, les batailles de loyer se font aller, et ça devient un défi au quotidien.

M. Lisée : Alors, on a un très beau cas de privatisation du revenu du médecin et de socialisation des dépenses de la clinique. Merci.

Mme Lamarre : Moi, j'aimerais savoir... Quand, actuellement, il y avait une prise en charge pour un patient vulnérable, dans le contexte actuel, le médecin reçoit 200 $. Il reçoit une prime de 200 $, on en a déjà entendu parler.

Mme Girard (Isabelle) : C'est ça, un forfait.

Mme Lamarre : Mais qu'est-ce qu'il y a d'inclus dans ce 200 $ là? En quoi s'engage le médecin quand il touche ce 200 $ là?

Mme Girard (Isabelle) : Vous savez, les médecins sont payés à l'acte, mais tout ce qui est forfait va leur être payé directement à eux dans leurs comptes personnels, donc les cliniques n'ont pas accès à ça. Donc, on ne va pas chercher le montant de loyer qui devrait être applicable sur ces forfaits-là nécessairement. Je ne vous dis pas que c'est une généralité. Ça se voit dans certaines cliniques, dans d'autres... Ça reste quand même de l'individualisme. Donc, est-ce que le médecin accepte, lui, d'être honnête? Il y en a qui le font puis qui disent : Bien, regarde, oui, ça te revient. Puis, il y en d'autres, bien, ce n'est pas possible. Puis, comme je vous dis, la compétition fait en sorte que ça devient plus difficile.

• (20 h 20) •

Mme Lamarre : C'est une information pertinente. Mais moi, je voulais juste comprendre : Est-ce que, dans vos cliniques, si vous avez un médecin qui a eu une inscription d'un patient vulnérable, il doit automatiquement, par exemple, offrir du temps en accès ouvert? Parce que ce qu'on a entendu, c'est : Certains patients et certains médecins, là, mais... donc, des patients avaient été inscrits avec un médecin, le médecin avait reçu le 200 $, mais, dans les faits, le patient était vu une fois dans l'année seulement pour son rendez-vous régulier, quand il n'était pas malade, mais, en cas d'urgence, infection urinaire ou quelque chose, il n'y avait pas de disponibilité du médecin. Donc, moi, je dis : Qu'est-ce qu'on avait comme vision dans la notion de prise en charge pour ce contexte-là? Il y a d'autres endroits où je sais que des médecins ont travaillé très fort avec les patients, ont vu les patients régulièrement, mais on a quand même aussi entendu parler de ces situations-là. Donc, dans une clinique plus encadrée, est-ce que vous avez des exigences particulières, puisque vous avez aussi l'accès ouvert?

Mme Girard (Isabelle) : Tout est dans l'organisation de travail puis le travail multidisciplinaire pour offrir et encadrer cette clientèle vulnérable là et travailler en collaboration avec les médecins pour offrir justement un service adéquat et une prise en charge vraiment adéquate et globale de la santé du patient.

Mme Lamarre : Est-ce que vous avez des infirmières praticiennes spécialisées dans ces cliniques?

Mme Girard (Isabelle) : Il y a les cliniques-réseaux, les cliniques-réseaux intégrées ont effectivement accès aux infirmières praticiennes. Ça a été démontré, ces infirmières-là sont un ajout vraiment important et qui aide énormément la qualité de travail des médecins. Ça permet de déléguer beaucoup. Il y en a encore beaucoup, de travail, à faire au niveau de la délégation des actes, que ce soient les ordonnances collectives données aux infirmières, que ce soit le travail à faire avec les pharmaciens aussi. Je pense que la clinique est le centre, mais elle doit travailler avec l'ensemble des intervenants.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons céder maintenant la parole à notre collègue de Lévis pour une enveloppe de temps de 8 min 30 s.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Merci, Mme Girard, d'être là. C'est intéressant, ce que vous nous racontez. En fait, confirmez-moi... On parle beaucoup de gestion, et vous le dites, dans l'organisation, dans la gestion, dans le financement, bon, et c'est à plusieurs reprises évoqué à travers votre mémoire. Vous êtes un peu, actuellement, victimes du marché, manifestement.

Mme Girard (Isabelle) : On est victimes, je crois, d'une évolution et d'un développement, au sein des cliniques, qui est encadré par une loi de l'assurance maladie qui date de plus de 40 ans et de tout l'avancement technologique qui n'a, je crois, pas été pris en compte dans tout ce développement-là aussi.

M. Paradis (Lévis) : En fait, qui n'a pas suivi, en quelque sorte.

Mme Girard (Isabelle) : Ça n'a pas suivi, exactement.

M. Paradis (Lévis) : Bon. Et en même temps vous faites affaire avec des professionnels et vous dites : Bien, quand ils changent, et qu'ils comprennent, et qu'ils arrivent dans les cliniques, on voit que leur pratique, même dans la qualité de vie à travers leur pratique, c'est beaucoup plus efficace, c'est beaucoup plus productif, et, bon, ils gagnent au change. Le médecin de qui vous parlez est sensible à votre argumentation? Parce qu'il doit bien s'en rendre compte que le marché le favorise, bien sûr, et qu'en ce sens-là... tout l'accompagnement technologique puis multidisciplinaire que vous assumez, à travers ce que vous nous dites, à défaut de pouvoir avoir les montants requis tels que vous le souhaiteriez, bien là, il est conscient de ça. Il profite du marché, lui aussi, en disant : Bien, écoutez, c'est comme ça que ça marche ou je ne m'en viens pas avec vous?

Mme Girard (Isabelle) : Oui, tout à fait. Mais ce qu'il faut savoir, c'est que tous ces changements-là ne se font pas sans crainte. C'est des décisions qui viennent de loin, qui prennent beaucoup de temps à prendre, et malheureusement on n'a pas encore un gros historique qui permet de mettre autant la population que les médecins en confiance par rapport à tout ça. Donc, ça reste quand même, là, quelque chose qu'il faut qu'on travaille avec eux puis qu'on leur donne l'encadrement nécessaire pour leur permettre... Mais c'est des méthodes qui travaillent... qui rendent leur pratique nettement plus confortable.

Il ne faut pas oublier non plus qu'un médecin travaille dans un environnement qui lui permet de développer, lui, des méthodes d'efficience dans sa pratique au quotidien. Et là, quand j'arrive en disant : On change toute la façon de faire, évidemment c'est complètement déstabilisant, là. C'est une gestion de changement très, très lourde à laquelle il faut penser, et c'est là, je crois... Je pense qu'elle est là, la crainte des médecins d'aller un peu plus de l'avant. Ils savent, ils connaissent... À peu près tous les médecins connaissent d'autres médecins qui ont tenté l'expérience et qui ont réussi, et qui a donné des bons résultats. Par contre, souvent, ils sont conscients aussi que ce médecin-là... Comme la médecin dont je vous parle, évidemment, c'est sûr qu'elle était encadrée par d'autres médecins qui avaient de l'expérience, par une équipe multidisciplinaire, par une gestionnaire qui était présente, qui l'accompagnait avec le dossier médical électronique. Tu sais, c'est un ensemble aussi. Ce n'est pas un seul élément. C'est vraiment... C'est un tout.

M. Paradis (Lévis) : Vous m'avez parlé tout à l'heure... Vous nous avez parlé de l'expérience patient, évidemment dans un contexte de nouvelles façons de faire, puis il y a l'expérience médecin, par exemple. Et qui, à travers votre analyse et votre expertise à vous, a le plus de difficultés à faire cette transition-là? Ce sera le médecin ou le patient?

Mme Girard (Isabelle) : Je dirais que c'est à peu près 50-50. Comme je vous l'ai exprimé dès le début, il y a autant un travail à faire auprès de la population qu'un travail à faire auprès des médecins. Et les médecins, des fois ils le veulent, mais ils ne savent pas comment l'appliquer. Et, comme je vous le dis, il y a un coût associé à ça. Et souvent les finances ne sont pas là pour appuyer ce désir de changement.

M. Paradis (Lévis) : En fait, pour vous permettre de donner l'appui significatif à celui que vous irez chercher dans une clinique.

Mme Girard (Isabelle) : C'est ça. C'est sûr et certain que toute cette gestion-là va demander peut-être un peu de secrétariat, va demander du support, d'avoir une équipe un petit peu plus lourde pendant un certain temps pour accompagner... Parce que c'est un travail aussi de gestion de changement auprès du personnel de soutien, dans la clinique, à apporter. Donc, tout ça également a un coût.

On le sait, la situation n'étant déjà pas évidente au niveau des finances, bien, les gestionnaires doivent faire des choix et prioriser certaines choses, des fois. Puis c'est souvent... S'il y a un seul médecin dans la clinique qui veut, c'est un gros investissement.

M. Paradis (Lévis) : Mme Girard, vous nous avez parlé de cet exemple de cette médecin qui est passée de 800 patients à 2 500, voire 3 000. Ça fait plaisir au ministre d'entendre ça, et surtout que vous disiez que ça se passe très bien. Mais ce n'est pas le cas de tous vos médecins non plus. Voyons les choses de façon réaliste également. Pour celle-ci à 2 500, 3 000... Et, même là, le Collège des médecins disait plus tôt, puis on en parlait parce qu'ils étaient ici, que, la norme à 2 500, 3 000, on questionnera la qualité de la pratique. Mais disons que ça va bien. Vous demandez quand même, à travers vos recommandations et dans votre conclusion, de prévoir dans le p.l. n° 20 une charge de travail compatible à la réalité, avec un équilibre qualité de vie, conciliation travail-famille. Alors, ce n'est pas un portrait harmonisé d'une pratique comme celle-là.

Mme Girard (Isabelle) : Je vous disais : Il ne faut pas le prendre de façon individuelle. Ce n'est pas une seule action, ce n'est pas seulement l'«advanced access» qui a été mis en place, c'est un accès adapté entouré d'une équipe multidisciplinaire, entouré d'un encadrement et d'une gestion du changement. Donc, c'est vraiment un tout qu'on a apporté, à ce médecin-là, qui lui a permis de faire l'expérience et de réussir. Et, comme je vous le dis, elle est superheureuse. Et je vous dirais qu'en général, des témoignages qu'on a, les médecins réussissent tous à augmenter au moins... tu sais, de façon assez importante le nombre de clients qu'ils peuvent voir ou de sans rendez-vous disponibles pour leur clientèle, et tout.

M. Paradis (Lévis) : Mais vous êtes aussi consciente du fait que — probablement, corrigez-moi, vous y êtes — des médecins décideront et jugeront, je le mets entre guillemets, là, le quota réclamé comme étant inapproprié à leur style de pratique.

Mme Girard (Isabelle) : Tout à fait. Je pense qu'il faut savoir respecter ça également. Par contre, la plus grande majorité des médecins ou... Je pense que l'avenir aussi, dans l'organisation des soins, passe par ce genre de solution. Mais, comme je vous le dis, c'est un défi justement pour le gestionnaire d'une clinique de dire : Bon, bien, écoute, moi, à l'intérieur de ma clinique, j'ai 22 médecins. J'en aurais peut-être 10 qui seraient d'accord. Les 12 autres ne sont pas intéressés ou ne sont pas prêts encore, et tout. Donc, ils vont peut-être le devenir à voir l'expérience des autres par la suite, mais c'est d'y aller aussi graduellement.

Mais, comme je vous le dis, je pense que la solution maîtresse, ce n'est pas juste de dire : Changez votre façon de faire, c'est : Changez-la, mais on va être là, puis on va vous tenir la main, puis on va vous accompagner là-dedans. Et cachons-nous-le pas, ça ne sera pas nécessairement facile pendant les premiers temps, mais on vous garantit qu'au bout il va avoir un résultat positif autant pour votre patient que pour vous.

M. Paradis (Lévis) : Partagez-vous l'inquiétude manifestée par certains du fait que des médecins plus âgés décideront de laisser la pratique à un certain moment donné? Vous gérez des cliniques médicales...

• (20 h 30) •

Mme Girard (Isabelle) : C'est une crainte et c'est des témoignages que nous recevons dès maintenant. Les médecins, avec la loi n° 20, actuellement... Le projet de loi n° 20, on a plusieurs médecins qui sont en préretraite, qui travaillent trois, quatre jours-semaine, qui disent : Je ne serai pas capable de garantir l'assiduité. Dans ce cas-là, bien, tant qu'à faire trop, bien, je suis aussi bien de partir tout de suite en retraite, puis je ferai autre chose, je me consacrerai d'une autre façon, etc., mais je vais laisser, je vais fermer mon cabinet. Mais là on comprend que, quand même, ces médecins-là, souvent c'est des médecins, justement, qui ont une expertise, qui ont une façon de faire un petit peu plus développée, donc ils sont capables d'avoir... ils ont souvent plus de patients inscrits, c'est du 2 000 patients, 3 000 patients. Et donc, là, si ces cliniques-là ferment, les petites cliniques, et tout, où c'est les médecins retraités, bien, à ce moment-là, il va falloir récupérer en quelque part les patients, là.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à l'échange avec les parlementaires. Nous vous remercions donc, Mme Girard, représentante de l'Association des cliniques médicales du Québec.

Le temps de laisser les autres représentants prendre place, nous allons suspendre momentanément nos travaux.

(Suspension de la séance à 20 h 31)

(Reprise à 20 h 35)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux. Nous recevons maintenant les représentants de Concerto groupe santé. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre exposé. Pour des fins d'enregistrement, nous vous prions de bien vouloir vous identifier ainsi que le titre de vos fonctions et responsabilités. Après votre présentation de 10 minutes, une période d'échange s'ensuivra avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.

Groupe Santé Concerto inc. (Concerto)

Mme Chabot (Guylaine) : Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, merci de nous entendre ce soir. Je suis Guylaine Chabot, associée et vice-présidente, Affaires stratégiques et administratives; Dr Alain Larouche, médecin de famille, urgentologue, gestionnaire des affaires médicales aux niveaux local, régional et national du réseau de la santé de 1985 à l'an 2000, aujourd'hui président du Groupe Santé Concerto et membre du comité de discipline du Collège des médecins; le Dr Gerry Bédard, médecin de famille, toujours en pratique en GMF, tour à tour urgentologue et chef de département DSP, aujourd'hui vice-président, Affaires cliniques et organisation des services.

Le Groupe Santé Concerto est une société privée constituée de médecins de famille, de gestionnaires et d'infirmières issus ou encore en pratique au sein du réseau de la santé et qui épousent les valeurs d'un système de santé public, universel, viable et de qualité.

Au cours des dernières années, nous avons eu le privilège de participer aux réformes de notre système de santé. Malgré certains succès, nous avons pu assister à de nombreux rendez-vous manqués en raison d'une incapacité du réseau et de ses médecins d'assurer sa viabilité et de s'adapter à l'évolution des besoins de santé de la population.

Pour cette raison, nous avons conçu et financé un modèle de soins, basé sur les meilleures pratiques professionnelles observées dans le monde, pour s'attaquer au défi de l'heure, celui des maladies chroniques. Nous y priorisons les personnes les plus vulnérables de notre société non seulement en raison de leurs besoins, mais parce que le fait de bien coordonner les soins et les services de ces patients permet de générer des gains d'efficience significatifs. Le modèle se traduit notamment par des algorithmes de décision basés sur les lignes directrices et adaptés à la présence de plusieurs pathologies chez un même patient. Des logigrammes fonctionnels indiquent également le partage des rôles de chacun des membres de l'équipe interdisciplinaire pour ainsi assurer une coordination optimale des soins auprès des malades chroniques. Alors, pour le bénéfice de la population qui nous écoute, quand on dit «maladies chroniques», on parle de diabète, hypertension, dyslipidémie, asthme, autres maladies pulmonaires obstructives chroniques, insuffisances cardiaque, rénale, santé mentale, troubles du déficit de l'attention et les maladies articulaires inflammatoires. Alors, je cède la parole à Dr Alain Larouche.

M. Larouche (Alain) : Alors, le diagnostic au sujet du problème de l'accès aux services médicaux, notamment à ceux des médecins de famille, fait consensus. Comme l'objectif du projet de loi n° 20 vise à optimiser l'utilisation des ressources médicales et financières du système de santé en vue d'améliorer l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée à la population de toutes les régions du Québec, nous ne pouvons être en désaccord, du moins sur le fond. Nous croyons cependant que l'occasion est belle de conjuguer cet objectif à ceux poursuivis par la loi n° 10 en favorisant des initiatives concrètes d'amélioration de l'offre de services de santé, dans le contexte du regroupement des établissements et de ses structures décisionnelles, incluant celles des médecins.

Le réseau de la santé est en ce moment convié à une adaptation de l'offre de soins aux patients, actuellement morcelée, compartimentée, mal coordonnée et trop souvent discontinue. Le rôle des médecins dans cette adaptation est majeur et requiert une approche innovante caractérisée par la collégialité ainsi que par le travail interdisciplinaire et un réseau de services. C'est pourquoi nous prônons l'ajout de mesures axées sur la rentabilité d'une approche collective de la pratique des médecins.

Concrètement, il s'agit d'établir une alliance stratégique entre les établissements et les médecins en vue d'offrir... excusez-moi, en vue d'une offre de services pertinente, structurée et pratico-pratique auprès des clientèles les plus coûteuses pour notre système de santé : les malades chroniques. Les maladies chroniques touchent 50 % de la population, occasionnent plus de 75 % des dépenses en santé et augmentent à une vitesse fulgurante, ce qui met en cause la pérennité de notre système de santé public. À titre d'exemple, un lit sur deux est monopolisé en tout temps par à peine 3 % de la population du Québec. C'est un phénomène qu'on observe ailleurs, d'ailleurs, aussi.

Nous proposons aussi de créer un effet levier majeur non seulement sur l'accessibilité, sur la continuité et la fluidité des services, leur efficacité et leur efficience, mais aussi sur les résultats de santé des patients, sur leur satisfaction et la participation à leurs soins. Nous croyons que le contexte budgétaire actuel favorisera ce type d'alliance, pour autant que des modalités budgétaires et d'allocation de ressources soient mises en place, ce qui fait également l'objet de nos recommandations.

• (20 h 40) •

Alors, nous avons, au sujet des médecins de famille, six points sur lesquels nous voulons insister.

1° La liste des activités médicales apparaissant au projet de loi devant être dressée par l'agence sur recommandation du DRMG ne comprend pas de mention spécifique pour le suivi des patients chroniques en première ligne médicale, en lien étroit avec la deuxième et troisième ligne de soins. La solution la plus efficace pour ce type de problème est celle d'une première ligne bien organisée, bien outillée et bien mesurée.

2° Réduire progressivement à 10 ans l'obligation de répondre à des activités médicales en établissement afin de créer un changement de culture qui incitera les médecins de famille à faire plus de prises en charge en première ligne. Cela aura pour effet de réduire progressivement de 40 % vers 20 % les activités médicales exercées en deuxième ligne par les médecins de famille, rendant ainsi le Québec comparable aux autres provinces.

3° La pertinence d'une responsabilité collective, c'est-à-dire une gestion du respect des règles par les pairs et des mécanismes de reddition de comptes, au lieu d'une responsabilité individuelle devrait être évaluée en vue de favoriser le travail en collégialité. Nous croyons qu'une population inscrite auprès d'un groupe de médecins de famille, dont le total de personnes inscrites serait au moins égal à la somme des inscriptions, tel qu'il va être prévu ou demandé dans le règlement à venir, de chacun des médecins qui composent ce groupe, serait une approche plus attrayante pour les médecins. Les GMF et les cliniques-réseaux pourraient se prêter à cette formule. Cependant, la reconnaissance de cette responsabilité collective devrait être rendue dans le cadre d'un projet clinique et organisationnel du réseau local de services, qui est prévu à la loi de la santé et des services sociaux.

La rémunération comprendrait ainsi deux volets : a, un paiement global pour l'inscription d'une clientèle auprès des médecins du groupe, comprenant le suivi tant par les médecins que par les professionnels travaillant en interdisciplinarité avec le médecin, et un paiement à l'acte pour le diagnostic et le traitement de problèmes ponctuels, par exemple les patients qui se rendent au sans rendez-vous.

4° Nous croyons que les groupes de médecins doivent être soutenus par une équipe interdisciplinaire de proximité. Celle-ci doit être outillée avec des approches standardisées de soins et de suivi et des outils permettant de suivre des patients chroniques, dont les patients chroniques complexes, laissant ainsi plus de temps aux médecins de famille pour porter des diagnostics et prescrire des traitements, ce pour quoi ils sont les mieux formés.

5° Des résultats en lien avec l'état de santé des patients et avec l'efficacité et l'efficience des processus devraient être fixés tant à l'établissement du territoire qu'au réseau de services de santé et de services sociaux et être inclus dans le projet clinique et organisationnel du réseau local visé aux articles 99.2 à 99.8 de la LSSSS.

Et finalement, 6°, ces résultats devraient être mesurés tant pour des fins d'adaptation de l'offre de services que pour des fins de reddition de comptes. Gerry.

M. Bédard (Gerry) : Donc, au regard des médecins spécialistes, la compréhension que nous avons des articles 10, 11 et 12 du projet de loi est de rendre l'accès aux services de consultation des médecins spécialistes plus facile, que ce soit à l'unité d'urgence ou en mode électif. Ils visent également à faire en sorte que, lorsque le nombre le justifie, les médecins spécialistes reprennent la responsabilité du suivi des patients hospitalisés. Une conséquence souhaitable de ces mesures est de soulager la tâche des médecins de famille en milieu hospitalier, donc beaucoup plus élevée que leurs collègues du reste du Canada, rendant notamment leurs services plus disponibles en première ligne de soins. Nous sommes d'accord avec cette approche.

L'un des grands défis à relever est celui de s'assurer de l'équité dans le partage des tâches entre les spécialistes d'une même spécialité pour l'ensemble de la population desservie. Tout comme pour les médecins de famille, nous croyons que le projet de loi n° 20 devrait miser sur la reconnaissance de la participation d'un médecin à un effort collectif d'un groupe de médecins pour rencontrer les obligations reliées aux privilèges accordés à chacun de ces médecins. Une telle disposition permettrait à un groupe de médecins d'en arriver à une répartition des tâches et des privilèges qui ferait consensus.

Au regard des coûts et du financement, d'entrée de jeu nous affirmons que le scénario le plus onéreux entre tous est celui du statu quo. Affirmer le contraire serait de conclure que les fonds affectés actuellement aux soins et aux services le sont de manière optimale, ce qui n'est évidemment pas le cas.

Dans le cadre de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 28, nous avons soumis des modalités budgétaires et des modalités de financement qui pourraient permettre de soutenir le réseau dans des changements qui ne peuvent plus être repoussés. L'intention ici est d'instaurer un mécanisme incitatif, sous forme d'accès à des services professionnels et à des outils normalisés pour la prévention et la gestion des maladies chroniques ainsi que la promotion des saines habitudes de vie, et cela pour faire en sorte que les CISSS et les CIUSSS se dotent d'une approche structurée et standardisée et puissent capitaliser notamment sur les économies engendrées, sur les gains d'efficience, les gains de productivité et sur l'amélioration de l'état de santé et de la satisfaction des patients.

En conclusion, dans notre mémoire, nous avons illustré les gains d'efficience potentiels d'un tel mode de fonctionnement, selon notre expérience d'un projet à valeur ajoutée réalisé sur deux ans avec la collaboration de deux GMF comptant quelque 25 médecins. On peut y lire que les gains d'efficience cumulatifs pour un CISSS et trois GMF, sur cinq ans, sont de l'ordre de 12 millions de dollars, soit l'équivalent de trois fois les coûts investis : 4 millions de dollars. Projetés sur l'ensemble de la population du Québec sur 10 ans, il s'agit de gains nets de l'ordre de 30 millions de dollars, et on parle ici d'une population de 50 000 habitants. Nous pourrons répondre à vos questions à ce sujet.

Nous pourrons aussi, si le temps le permet, vous expliquer les résultats de la seule prise en charge de 58 patients dits complexes, pendant une période de trois mois, qui a permis d'économiser 16 jours-civière et 56 jours d'hospitalisation. Nous pourrons parler des résultats de l'expérience des patients et de la satisfaction au travail de l'équipe interdisciplinaire en première ligne.

Il nous fera enfin plaisir de vous parler plus en détail du modèle de rémunération, lorsque les médecins participent à l'élaboration et au suivi des plans d'intervention interdisciplinaires individualisés, dans un tel mode de dispensation de soins.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, s'ensuit maintenant une période d'échange pour une période de 20 minutes. Je cède maintenant la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, je ne veux pas faire d'impair, c'est Mme «Chabotte» ou Dre «Chabotte»?

Mme Chabot (Guylaine) : Chabot, oui.

M. Bédard (Gerry) : Madame.

M. Barrette : O.K. Chabot? Excusez-moi. Dr Larouche, on s'est connus, et Dr Bédard. Je ne sais pas si vous êtes encore en pratique.

M. Bédard (Gerry) : Oui, tout à fait.

M. Barrette : Écoutez, bien, je vous remercie. On passe une soirée très intéressante, parce qu'on a des angles très différents de ce que l'on a eu ce matin. Je suis content de voir que vous ne nous demandez pas d'investir 1 milliard de dollars pour améliorer le système de santé. C'est intéressant de voir ça.

Ceci dit, et je vais vraiment vous donner la parole, parce que les éléments, les six éléments que vous venez d'énumérer, on est d'accord, je vous suis là-dedans, là, il n'y a aucun problème. Et je vais les repasser rapidement. Juste pour que j'aie bien compris, là, vous nous proposez, au premier point, d'inclure des heures d'AMP de suivi de maladies chroniques. C'est ça? Parfait. Je comprends... parce qu'il y a peu de gens qui le disent comme ça, vous ne voulez pas que les médecins de famille sortent de l'hôpital, vous voulez qu'ils réduisent l'hôpital. Mais, à long terme, vous ne voulez pas qu'ils sortent, hein? Il n'y a pas beaucoup de monde qui le disent comme ça. En troisième lieu, la pertinence, on est tous d'accord avec ça. En quatrième lieu, la responsabilité collective, et ainsi de suite.

Là, du côté de la rémunération, là, pour moi, ce n'est pas clair, ce que vous me proposez. Mais c'est clair... Ce n'est pas vrai, là, mais je vais vous dire... En fait, c'est moi qui n'est pas clair, mais je vais l'être dans un instant. Quatrièmement, l'interdisciplinarité, la proximité, ça va. Cinquièmement, c'est la performance. C'est une tarification qui dépend de la performance, selon des indicateurs, l'hémoglobine glyquée, des choses comme ça. Sixièmement, c'est le cousin de 5°, là, où vous mesurez. Et là, pour ce qui est des médecins spécialistes, ça, ça va, on s'entend. Vous recherchez à avoir des médecins traitants plutôt que des médecins consultants. J'ai bien compris, même si ce n'est pas comme ça que vous l'avez dit.

Et là arrive, là, votre... Vous prenez comme exemple... Vous nous avez dit que vous seriez prêts à en parler, puis là je vais vous donner 15 minutes, là, ça va me faire plaisir. Expliquez-moi ce que vous avez fait dans les deux GMF et trois CSSS, là, parce que, celle-là, je ne l'ai pas comprise, parce que vous ne l'avez pas détaillée.

Maintenant, je vais être plus clair : Servez-vous de l'exemple que vous avez donné pour nous expliquer ce que vous nous proposez qui garantirait un meilleur accès. Et je vous pose une première question avant de vous laisser la parole pour nous expliquer le reste : Est-ce que je comprends que vous comprenez qu'il y a de la capacité dans notre réseau qui n'est pas exploitée, là, et que notre organisation des services fait en sorte que l'accès n'est pas là, dans mon esprit, et comme le groupe d'avant vous l'a bien exprimé, un, en termes d'offre de services, en termes de temps, et, deux, en termes d'organisation du travail? Moi, je comprends que vous avez la même lecture que nous autres là-dessus. Et là vous avez fait quoi exactement? Puis qu'est-ce que... C'est quoi que vous proposez exactement pour arriver à ça : plus d'accès, plus de disponibilité? Ça, ce n'est pas clair. Donc, expliquez-moi le 12 millions en me disant, à la case départ, si vous êtes d'accord que notre réseau a de la capacité non exploitée actuellement.

• (20 h 50) •

M. Larouche (Alain) : Je vais aller avec quelques points d'information complémentaires, puis je vais laisser la parole à Gerry pour ce qui est de la suite.

Vous savez, M. le ministre, dans notre réseau, là, tout le monde connaît les bons termes. Le quoi, là, il est assez bien connu : il faut s'occuper des malades chroniques. Nous, on est dans le comment. On est vraiment venus vous... Pardon?

M. Barrette : Moi aussi.

M. Larouche (Alain) : On va bien s'entendre. On a aussi une rémunération uniquement pour... c'est-à-dire une proposition de rémunération pour vous soulever le fait qu'actuellement les médecins sont payés, permettez-moi l'expression, quand ils voient le patient ou quand ils peuvent toucher le patient. Or, un modèle d'intervention efficace comme on le propose nécessite que le médecin, oui, porte le diagnostic, institue le traitement, mais plus le patient est handicapé, plus il est malade, plus il est vulnérable, plus on lui demande de confier les soins à l'équipe qui l'entoure. Alors, nécessairement, le patient... ou le médecin ne voit pas ce patient-là, donc, en vertu de notre mode de rémunération, il n'est pas rémunéré. Donc, l'idée d'y aller avec une rémunération pour l'ensemble des activités qui sont faites dans ce contexte-là.

On est aussi de l'école de croire qu'il y a assez d'argent dans le système de santé, on le dit publiquement, je l'ai même écrit dans des chroniques auxquelles je participe. Vous savez, le problème de l'heure, c'est les maladies chroniques, certes, 40 % de la population adulte au Québec et au Canada souffre d'au moins deux maladies chroniques et plus. Mais, de la façon dont on est organisés actuellement, c'est très, très morcelé. Alors, le patient qui est diabétique, hypertendu, insuffisant cardiaque parce qu'il a fait son infarctus, déprimé parce qu'avoir tout ça on peut être déprimé, bien, il doit cogner à plusieurs portes. Ça coûte une fortune, en plus de donner des mauvais résultats. Le manque de coordination est un symptôme ou un problème majeur, et le fait qu'on n'aborde pas les problèmes conjoints, concomitants chez un même patient cause aussi un problème. Donc, on préconise beaucoup, aussi, le suivi simultané de ce qu'on appelle les comorbidités, là. Là-dessus, Gerry, j'arrête. Vas-y pour le GMF, comment on a fait ça.

M. Bédard (Gerry) : Oui. Donc, ce que nous avons fait, c'est : à l'implantation du modèle qui comprend une équipe interdisciplinaire, nous avons sélectionné les patients les plus lourds, ceux qui consommaient le plus en termes de services d'urgence et de lits d'hospitalisation à l'intérieur de ces GMF. Une fois identifiés ces patients-là, on a développé avec l'équipe interdisciplinaire un plan d'intervention interdisciplinaire, donc adapté pour chacune, je dirais, des conditions globales de ces patients-là et avons assuré un suivi serré de ces patients-là, un suivi proactif, donc, de ces patients plus lourds. Et c'est ainsi que, comparé et basé, en fait, sur une affirmation d'un dénommé Steven Shortell, aux États-Unis, qui dit que 3 % de la population consomme 50 % des lits, donc c'est à partir de ce postulat-là... on a donc suivi ces patients-là et regardé ce que les gens avaient consommé dans les trois années antérieures à la mise en place du projet, et regardé pendant la période où nous avons pu développer les plans d'intervention disciplinaires, et regardé maintenant la consommation de ces patients-là, et en sommes donc venus au résultat de la réduction.

M. Barrette : Ça, ce dont vous me parlez, c'est ce qui avait été fait à Saint-Jérôme, ce qui se fait actuellement à Chicoutimi, Jonquière. C'est les 50 patients qui sont les grands consommateurs, puis il y a une équipe multi qui les prend en charge.

M. Bédard (Gerry) : Pas juste ça. Si je peux me permettre, il y a une distinction à faire. Ce qui se fait actuellement beaucoup au Québec, c'est les grands consommateurs de l'urgence uniquement, et c'est ce qu'on voit le plus. Nous, notre approche, elle est en amont, c'est-à-dire à l'intérieur du GMF : Est-ce qu'on est capables d'identifier, un, oui, les plus grands consommateurs de l'urgence, mais aussi les patients qui sont hospitalisés le plus souvent? Et, au lieu de travailler à partir de l'urgence, on met vraiment le médecin de famille et l'équipe interdisciplinaire au coeur de la solution, avec le patient, pour faire en sorte de réduire la consommation.

M. Barrette : C'est l'approche du CLSC de Verdun avec l'hôpital. Et je comprends très bien ce que vous me dites. Là, je ne voyais pas où vous alliez, là, mais là je comprends. C'est lesquels, les deux GMF, trois CSSS, où vous avez fait ça?

M. Bédard (Gerry) : C'est les deux GMF du Sud-de-Lanaudière, donc au GMF L'Assomption, et le GMF Médi-Centre à Mascouche.

M. Barrette : Et vous avez dit, je pense, ou j'ai mal compris, trois CSSS?

M. Bédard (Gerry) : Non.

M. Barrette : J'ai peut-être mal compris, excusez-moi.

M. Bédard (Gerry) : Un CSSS en fait.

M. Barrette : Un CSSS, O.K.

M. Bédard (Gerry) : Un CSSS qui était le CSSS du Sud-de-Lanaudière.

M. Barrette : Qui est à Le Gardeur. O.K.

M. Bédard (Gerry) : C'est ça.

M. Barrette : Alors, je vous laisse continuer, mais là je saisis bien ce que vous vouliez dire, là.

M. Bédard (Gerry) : O.K. Donc, conséquemment aussi, avec la mise en place de l'équipe interdisciplinaire, l'augmentation, je dirais, du suivi par les professionnels autres que les médecins, au niveau de l'accès, quand on parle de l'accès, est-ce que ça peut augmenter l'accès? Alors, la réponse, c'est oui. Et on a vu dans ces GMF là augmenter le nombre d'inscriptions, parce que les médecins sont libérés, je dirais, des tâches les plus lourdes, qui ne sont pas nécessairement... Comme on dit souvent, quand le diagnostic est fait, le traitement est débuté, souvent les autres professionnels peuvent prendre la relève et assurer le suivi de ces patients-là, atteints d'une ou de plusieurs maladies chroniques, donc ce qui libère du temps médecin pour assurer une plus grande prise en charge de patients.

M. Barrette : Juste pour qu'on comprenne bien, parce que c'est... est-ce que vous êtes une équipe externe à ces deux GMF là, qui est arrivée et qui a débarqué, ou vous avez demandé à... ou conseillé ou accompagné les gens de ces deux GMF là pour fonctionner différemment?

M. Bédard (Gerry) : Alors, on a accompagné les GMF. Ce qui est arrivé, c'est que, l'équipe interdisciplinaire, ce sont des professionnels qui ont été délocalisés du CSSS vers les GMF, avec, je dirais, une gestion de changement, là, très importante pour assurer des modes de pratique et des modes de prestation de soins différents de ce qui se faisait antérieurement.

M. Barrette : ...vous, là, est-ce que je dois comprendre que vous êtes des consultants qui débarquez dans... Vous êtes débarqués à Le Gardeur, vous avez dit : Voici le modèle qu'on vous propose, on va identifier les 50 grands consommateurs, et là vous proposez de délocaliser des équipes, mais vous n'êtes pas des praticiens dans ces GMF là, vous êtes des conseillers. C'est ça?

M. Bédard (Gerry) : On est des consultants, mais, pour être bien clair, on n'est pas à l'identification des 50 plus grands utilisateurs, on est plus à la prise en charge globale de la population, mais avec une attention particulière aux grands malades chroniques, donc basée sur la pyramide de gestion des maladies chroniques de Kaiser Permanente, qui est 1, 2, 3, 4, là, pour les niveaux, 4 étant la population générale, mais... c'est-à-dire, 4 étant vraiment les patients les plus complexes. Donc, vraiment, on identifie et on catégorise les patients selon cette pyramide-là.

M. Barrette : Vous auriez dû me dire ça au début...

M. Larouche (Alain) : Si vous permettez, M. le Président. Alain Larouche. La stratégie est simple. C'est parce qu'il faut que tant le CSSS que le groupe de médecins de famille y trouvent leur compte, parce que c'est une situation contractuelle un peu particulière, du fait qu'on dit au CSSS : Délocalise ton personnel dans les GMF, mais l'avantage que tu vas en tirer, c'est qu'on va couper des visites à l'urgence et des séjours sur civière, évidemment, puis des hospitalisations. Donc, sa valeur ajoutée, au CSSS, se situe beaucoup à cet endroit-là, alors que, pour les médecins de GMF, leur valeur ajoutée, c'est beaucoup de la qualité de l'organisation du travail, donc le plaisir de se présenter au travail avec une équipe comme ça.

L'exemple du chef du GMF de L'Assomption, qui cherchait à recruter depuis des années des nouveaux médecins, il était stabilisé à huit, on a été deux ans et demi chez lui, puis, quand on a quitté, il était déjà rendu à 15. Donc, il a recruté dans le temps de le dire sept nouveaux médecins, avec l'argument central qu'avec les jeunes médecins qui avaient peur ou qui étaient craintifs de la lourdeur de s'occuper des malades chroniques il disait : Bien non, regarde, quand tu vas arriver, c'est cette équipe-là qui va s'occuper de tes plus grands malades; on te demande tout simplement de venir collaborer pour le diagnostic puis la prestation de services, et les autres services du GMF aussi.

M. Barrette : Dans les faits, là, cette intervention-là, est-ce que vous êtes capables de nous dire l'impact que ça a eu en termes, par exemple, de visites de patients inscrits, de patients pris en charge dans les deux GMF en question? Est-ce que, par exemple, là, les deux GMF... Je ne sais pas combien qu'il y a de médecins dans les deux GMF exactement, là, mais admettons qu'il y a 10 médecins de chaque côté, là, puis qu'ils ne font pas d'hôpital, est-ce qu'ils sont passés de 15 000 patients pris en charge par GMF à 25 000? Est-ce que vous avez pu quantifier ce genre de chose là?

M. Larouche (Alain) : Oui. Dans le premier GMF, celui de L'Assomption, la courbe a été très impressionnante, parce que les médecins ont plongé dans le modèle. De mémoire, ça approchait entre 20 % et 25 % d'augmentation sur une période de 18 mois, évidemment qui était assortie de recrutement de nouveaux médecins aussi. Et, dans l'autre GMF, qui a moins plongé dans le modèle, qui était plus pratique, un peu plus traditionnel, la hausse a été moins marquée, parce qu'ils ne prenaient pas vraiment de nouveaux patients. Ils préféraient voir leurs patients un peu plus souvent. Mais les résultats de santé pour les patients, par contre, ont suivi le rendez-vous.

• (21 heures) •

M. Barrette : O.K. Et, toujours pour bien comprendre, là, en termes de mode de rémunération, qu'est-ce que vous proposez exactement? Là, je comprends que vous arrivez à l'hôpital, mettons, là, à Le Gardeur dans le cas présent, mettons n'importe quel hôpital, peu importe, vous délocalisez et vous relocalisez du personnel. Mais vous avez bien insisté sur le fait que le mode de rémunération auprès des médecins avait un impact. Pouvez-vous élaborer là-dessus? Ça, vous n'avez pas d'influence, là-dessus, là, parce que c'est le paiement RAMQ, là, mais vous faites des suggestions, là. Vous suggérez essentiellement une rémunération mixte, à toutes fins utiles, là.

M. Larouche (Alain) : Exactement. Alain Larouche toujours. Dans le GMF qui a moins embarqué dans le modèle, je vais vous dire... C'est que la philosophie qui est à la base des parcours de soins qu'on propose, des trajectoires de soins, c'est de dire aux médecins, comme je le disais en introduction : Plus ta clientèle est hypothéquée, vulnérable, plus on la confie à l'équipe. Alors, dans le premier GMF, à L'Assomption, ça a bien fonctionné comme ça. Dans le deuxième, bien, il y avait... leur rémunération était impactée. Donc, le patient recevait un message double. Donc, on le confiait à l'infirmière principalement, les diététistes et autres, mais en même temps le médecin le voyait en parallèle pour s'assurer...

M. Barrette : Ça, c'est de la double facturation pour le système.

M. Larouche (Alain) : Voilà.

M. Barrette : Et ça, c'est à proscrire.

M. Larouche (Alain) : Alors donc, d'où l'idée de dire : Bien, ce serait peut-être intéressant de regarder un mode de rémunération — mais ça on peut laisser libre cours à votre imagination — qui favorise le transfert du patient vers l'équipe interdisciplinaire sans que le revenu du médecin soit nécessairement pénalisé.

M. Barrette : Je fais ce commentaire-là parce qu'il y a beaucoup de gens qui tiennent au «par lui-même», là, pour le jargon médical, mais souvent le «par lui-même» est décrit dans les faits comme étant une double facturation, et ça, pour le système, ce n'est évidemment pas viable.

Donc, il y a eu de la résistance dans un des deux. Est-ce que je dois appeler ça comme ça? Oui?

M. Bédard (Gerry) : Oui, bien, tout à fait. Je pense que ce genre de changement là n'est pas nécessairement simple à prime abord. C'est vraiment un changement de culture, un changement de façon de faire dans la dispensation des soins, de déléguer des responsabilités, de, entre guillemets, lâcher un peu le contrôle pour le donner vers les autres professionnels. On ne se le cache pas, ça va créer de la résistance.

Maintenant, dans le GMF qui a le plus embarqué, le GMF L'Assomption, une fois que le projet de démonstration s'est terminé, les gens... les médecins ont décidé, par entente avec le CSSS, de garder l'équipe interdisciplinaire presque en totalité et de continuer à travailler sur le même modèle, donc ce qui donne un peu comme les GMF : quand on les a mis en place, on avait peur, mais après ça on ne veut plus reculer, on ne veut pas aller en arrière.

M. Barrette : Alors, confirmez-moi ce que je sais, mais c'est toujours agréable de l'entendre d'une autre personne : Les médecins qui avaient peur au départ, qui sont embarqués dans un des deux, ils n'ont pas perdu un sou, là, ils ont juste changé leur pratique, parce qu'il y avait du travail en masse, là, on s'entend là-dessus?

M. Bédard (Gerry) : À ce que je sache, ils n'ont pas perdu un sou.

M. Barrette : Et le deuxième, bien, lui, il avait peur d'en perdre. Ça fait qu'ils ont résisté.

M. Bédard (Gerry) : Voilà, c'est ça. Donc, la résistance était plus grande, et le délai pour, je dirais, faire le changement complet nous a manqué un peu, là, mais...

M. Barrette : ...plus d'accès dans le premier que dans le deuxième, augmenté, j'entends.

M. Bédard (Gerry) : Sur la période de temps, oui.

M. Barrette : Votre équipe multidisciplinaire était composée de quels types de professionnels?

M. Bédard (Gerry) : Un peu tous les types de professionnels. Principalement, on avait trois infirmières de plus. Donc, à terme, c'était de viser trois infirmières de plus, une nutritionniste, pharmacien, travailleur social, inhalothérapeute, physio, ergo et kinésio.

M. Barrette : Et...

M. Bédard (Gerry) : Psychologue aussi, je m'excuse.

M. Barrette : Et ces gens-là, en moyenne, là, macro, là, ils n'étaient pas là tous les jours dans le GMF ou sur le terrain. Il devait y avoir une périodicité, j'imagine, là?

M. Bédard (Gerry) : Oui. Bien, en fait, pour les infirmières, c'étaient des temps-complets. Pour ce qui est des pharmaciens, inhalothérapeutes, c'étaient des demi-temps. Travailleuse sociale, à temps complet. Psychologue, physio, ergo, c'était prévu pour être des demi-temps.

M. Barrette : Et qui... Allez-y, Dr Larouche. Bien, peut-être que je vais poser ma question, puis vous continuerez. Qui assignait le travail à ces équipes-là? C'étaient les médecins du GMF ou... Le pharmacien, là, mardi matin, il débarque là, il avait une entente de départ? On l'informait de va ici, va là? Comment ça fonctionnait?

M. Bédard (Gerry) : Bien, en fait, chaque professionnel avait des tâches. Ce qu'on faisait, c'est avec les trajectoires de soins. Donc, pour chacune des maladies chroniques, il y avait des trajectoires de soins qui étaient déployées, et ces trajectoires-là étaient... en fait pouvaient être combinées pour avoir le portrait global d'un seul patient, et, à l'intérieur de ces trajectoires-là, les tâches et les responsabilités étaient déjà prévues pour les professionnels. Donc, il y avait une partie qui correspondait aux trajectoires de soins.

Le deuxième volet, c'était au niveau des plans d'intervention interdisciplinaires. Donc, pour les patients les plus lourds, les professionnels agissaient vraiment comme des intervenants directs pour les patients. Donc, ça, c'était une deuxième partie.

Et une troisième partie pour différents sujets, notamment, si on parle du pharmacien, pour les patients polymédicamentés, donc huit, 10, 12 médicaments, essayer de faire une revue de la médication et de compliance avec les patients.

M. Barrette : Dr Larouche, je vous avais interrompu, là.

M. Larouche (Alain) : Oui, c'est parce que je vous voyais calculer, M. le ministre, puis je me disais qu'actuellement on serait prêts à déployer dans un autre CSSS qui, lui, a décidé de ne pas attendre, qui a délocalisé la totalité des membres de son service, qu'on appelle les services généraux, là, du CLSC, dans les locaux attenants au GMF et... parce qu'il se dit : De toute façon, j'aime autant me mettre en contact immédiatement avec ces médecins de famille là pour organiser l'offre de services en première ligne, donc je les mets ensemble.

Maintenant, ce qui lui manque, c'est les outils, puis l'approche, puis la gestion du changement pour permettre à ces gens-là de travailler ensemble. Parce que ce n'est pas de tous les mettre dans un même local qui va faire en sorte que ces gens-là vont travailler en interdisciplinarité. Il faut leur donner des outils, puis surtout gérer... les former et gérer la gestion du changement.

M. Barrette : Alors, une dernière question, il nous reste 20 secondes, je ne peux pas m'empêcher de vous la poser : Vous avez des équipes multi qui s'occupent des plus complexes, et là il reste autre chose. Est-ce que j'en demande trop dans mon projet de loi?

M. Larouche (Alain) : Bien, en fait, comme on vous a dit, la stratégie, c'est qu'on vise ceux qui sont les plus hypothéqués. Mais l'objectif, c'est qu'avec les gains d'efficience qu'on veut avec ceux-là... c'est d'offrir les services à l'ensemble de la population, donc dépistage...

Le Président (M. Tanguay) : Merci...

M. Larouche (Alain) : ...prévention niveau 1, changement des habitudes de vie, puis on additionne... trajectoire de soins pour les patients qui sont stables, etc. On grimpe comme ça dans la pyramide.

M. Barrette : ...sont capables de prendre en charge 1 000 patients dans votre système?

Une voix : Certainement.

M. Barrette : Bon, merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci. Je cède maintenant la parole à la collègue députée de Taillon pour une enveloppe de 13 minutes.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonsoir, Mme Chabot, Dr Larouche et Dr Bédard. Merci, parce que c'est vraiment très rafraîchissant d'avoir votre mémoire, de voir des pistes de solution qui tiennent compte de la complexité des patients, de la complexité du réseau, de la complexité des obligations qu'on impose au médecin quand il a à prendre en charge des patients, et puis de la possibilité de collaboration interprofessionnelle, qui sont, dans le fond, les grands enjeux dont on parle mais qu'on articule rarement. Et vous, vous avez eu le courage et vous avez démontré sur le terrain que ça pouvait se faire et que ça donnait des conséquences positives. Alors, compte tenu de toute cette expérience-là, je vais vous poser quelques questions un peu plus précises.

Vous apportez une dimension que j'aime beaucoup, qui va faire image, je pense, pour la population, c'est la dimension comptes à recevoir, une espèce de provision d'argent, de sommes qui seraient attribuées quand l'équipe médicale a donné certains résultats thérapeutiques. Alors, c'est un peu l'équivalent de la prime, mais la prime après au lieu de la prime avant. Et j'aimerais ça vous entendre parler de ce modèle-là. Je pense que la Colombie-Britannique l'a développé, mais, au Québec, est-ce que vous l'avez expérimenté, sans l'expérimenter directement? Mais, sinon, juste nous parler du modèle de la Colombie-Britannique dans ce dossier-là.

M. Larouche (Alain) : Bien, c'est parce que, voyez-vous... Puis ce n'est pas vrai juste pour nous, c'est vrai pour quiconque a une idée innovatrice. On va rencontrer la direction de l'établissement puis on dit : Bien, voici, tu pourrais faire des gains d'efficience. Mais, pour la direction de l'établissement, c'est une dépense, parce qu'il dit : Bon, les lits que je vais libérer, la salle d'urgence que je vais libérer, de toute façon j'ai des listes d'attente, puis ça va se remplir. Alors, c'est très, très prévalent, ça, c'est très ancré dans l'esprit des gestionnaires. Alors, face à ça... Et puis l'autre, là, c'est ce qu'on appelle la dictature du 1er avril au 31 mars, c'est : il faut que le dollar investi le 1er avril rende des comptes au 31 mars.

Alors, on s'est dit : Étant donné que ça prend quand même une injection d'énergie puis d'argent, de fonds, au début, pourquoi ne pas permettre à l'établissement de se créer un compte à recevoir, donc d'inscrire à son bilan, bon, ce qui lui permettrait de respecter son objectif d'équilibre budgétaire, lequel compte à recevoir serait remboursé par des gains d'efficience mesurés et convenus avec les autorités ministérielles et l'établissement, dire : Bien, voici, tu as tant de journées d'hospitalisation, tant de séjours à l'urgence qui ont été évités. On a mis une telle valeur là-dessus et puis on te donne une période de trois ans, le temps d'être efficace avec la clientèle puis de générer de réelles économies, de réels gains d'efficience pour rembourser ce compte à recevoir au bilan de l'établissement.

• (21 h 10) •

Mme Lamarre : Alors, ça m'apparaît quelque chose de très intéressant, qui apporte un incitatif positif plutôt qu'un incitatif négatif. Et ça, je pense que c'est gagnant.

Vous avez aussi fait certaines propositions et puis... Vous proposez, par exemple, à la page 6, de réduire progressivement à 10 ans l'obligation de répondre aux activités médicales particulières. Or, on voit que, dans le projet de loi n° 20, on allonge la période où les médecins étaient ou seraient susceptibles, là, d'être soumis aux AMP, là, à ces activités médicales particulières. Mais on a aussi eu des gens qui nous ont dit carrément : Il faudrait aller vers l'abolition complète des activités médicales particulières si on veut que les médecins de famille quittent un peu l'hôpital et redeviennent disponibles en cabinet. Donc, je voudrais vous entendre sur ce dossier-là.

M. Bédard (Gerry) : Oui. Bien, en fait, je pense qu'au Québec on a un modèle unique en termes d'implication des médecins de famille à l'intérieur des établissements de santé, que ce soit à l'urgence, aux soins intensifs, sur les unités de soins, et je pense qu'on ne devrait pas perdre cet aspect-là au niveau de la formation médicale et de la qualité que ça entraîne dans la dispensation des soins. Je pense que c'est vraiment une valeur ajoutée.

Maintenant, quand on regarde les difficultés d'accès au niveau des médecins de famille, où on considère que 25 % de la population n'a pas de médecin de famille, il y a certainement là, je pense, un gain à y avoir à réduire les activités médicales particulières. Ce qui n'empêcherait pas un médecin qui veut continuer à travailler à l'urgence ou continuer à faire de l'hospitalisation de le faire, mais l'obligation elle-même pourrait se terminer après 10 années. Et tout ça, évidemment, pour ne pas créer de choc non plus, pourrait se faire, je pense, de façon graduelle, sur l'espace d'à peu près une dizaine d'années, donc en réduisant progressivement.

Mme Lamarre : Est-ce que vous avez un avis, une opinion sur le nombre d'heures d'activités médicales particulières? Actuellement, on sait que c'est prévu pour être 12, il y aurait des séquences où ça tomberait à six. Est-ce que vous avez déjà évalué ce qui serait peut-être un ratio optimal?

M. Bédard (Gerry) : Pas évalué de façon précise, mais mon expérience personnelle me dit que... Je pense que 12 heures, ce qui représente à peu près une semaine de garde aux cinq à six semaines, mettons, à l'hospitalisation, pour moi, c'est une exposition suffisante au niveau des spécialistes, et tout ça, pour l'apport bénéfique, je pense, pour les médecins de famille et aussi en termes de services rendus aux établissements de santé.

Mme Lamarre : On l'entend beaucoup, cette formule, là, d'une semaine sur quatre, cinq ou six semaines, mais il est sûr que, si on pense à un accès en temps opportun pour un médecin de famille, ça veut dire que ce médecin de famille là est exclu complètement de son bureau privé pendant une semaine, parce qu'il est exclusivement à l'hôpital. Et donc ça veut dire, si je vous suis bien, qu'il faut absolument que le reste de l'équipe assure la continuité. Parce que, dans les faits, ce qu'on observe très souvent, c'est qu'on dit : Ah! bien là, le médecin n'est pas disponible pour une semaine, vous rappellerez dans une semaine, ou dans huit jours, ou dans 10 jours. Alors ça, est-ce que vous voyez des façons de stimuler l'intérêt des médecins de la clinique pour accepter de prendre en charge le médecin quand il est absent pendant une semaine comme ça?

M. Bédard (Gerry) : Bien, ne serait-ce que l'exemple de l'accès adapté. Ce qui est recommandé quand on met en place l'accès adapté dans un GMF ou dans une clinique médicale, c'est de s'assurer qu'on ait quand même un collègue qui puisse nous couvrir le temps de nos absences, parce qu'au-delà des semaines à l'hospitalisation on prend aussi des vacances, donc, des congés ou des congrès. Et donc c'est de s'organiser à deux, trois médecins pour être capables de se couvrir, entre guillemets, à l'intérieur du GMF et de répondre à la clientèle avec la même rapidité que si le médecin était sur place.

M. Larouche (Alain) : Si vous permettez, c'est aussi pour ça qu'on recommande de viser les mesures collectives. Autrement dit, si un groupe de médecins... parce qu'une veut travailler un peu moins ou avoir un enfant, l'autre veut avoir un champ de compétence plus spécifique, mais qu'ensemble ils conviennent de couvrir une population inscrite qui serait la même si on s'adressait à eux individuellement puis de couvrir les heures de garde, de couvrir les heures d'ouverture, si on visait...

Parce que, vous savez, aujourd'hui, un Québécois qui est inscrit, il n'est pas inscrit auprès d'un GMF, il est inscrit auprès d'un médecin qui est dans un GMF. Alors, quand ce médecin-là quitte pour retraite ou quoique ce soit, ce patient-là se trouve non inscrit, il se retrouve orphelin. Alors, d'où l'idée d'essayer de miser sur une rémunération, une rémunération ou une reconnaissance de la pratique collective, comme étant éligible, là, aux objectifs poursuivis par le projet de loi n° 20, donc de donner un accès puis d'optimiser les ressources médicales et financières.

Mme Lamarre : Mais il y avait déjà, si je ne me trompe pas, dans le modèle des GMF actuellement, une bonification à une équipe, par exemple, de 10 médecins s'ils acceptaient de prendre un certain volume de patients vulnérables. Je pense qu'on n'avait peut-être pas bien défini qu'est-ce qu'il y avait dans ça, mais, ce genre de partage de responsabilités et de population, je pense que c'est nécessaire. Parce que, dans les faits, là, les gens vont vous dire : Quand mon médecin part en vacances pendant trois semaines, il n'y a personne, on me dit d'aller à l'urgence, là. Il n'y a personne qui prend la relève très concrètement actuellement, là, ça se produit beaucoup moins en tout cas que ça se produisait. Il y a 10 ou 15 ans, on avait ce genre d'échange là, mais là, actuellement, on ne peut pas dire que c'est courant d'avoir ce transfert ou ce partage de clientèle.

Mme Chabot (Guylaine) : Si vous me permettez. Guylaine Chabot. Dans le modèle qu'on préconise, il faut aussi considérer le fait que notre équipe interdisciplinaire est présente. Alors, elle est formée, elle est prête à suivre les patients. Alors, peut-être que, dans certains cas, la personne n'a pas besoin de voir nécessairement le médecin, peut voir l'infirmière, le pharmacien ou, enfin, il y a une équipe qui est présente. Ce n'est pas une absence totale d'un professionnel de la santé. Alors, en ce sens-là, je pense que le modèle peut répondre, là, à la préoccupation que vous soulevez.

Mme Lamarre : Il y a un soutien quand même, c'est ça, avec une continuité, avec des professionnels qui connaissent bien le patient aussi et à qui le patient fait confiance. C'est intéressant.

Dans la même page, il y avait une autre... le paragraphe 3, où vous dites : «La pertinence d'une responsabilité collective[...] — c'est un peu de ça dont on parle. Nous croyons qu'une population inscrite auprès d'un groupe de médecins de famille, dont le total de personnes inscrites serait au moins égal à la somme des inscriptions...» En lisant ça puis, en passant, parce qu'il faut se ramener à notre projet de loi n° 20, là, on essaie de voir... il reste qu'il pourrait y avoir, je dis bien hypothétiquement, une tentation quand même, même si on travaille en équipe, de privilégier un ensemble de patients plus légers qu'un ensemble de patients plus lourds, plus malades, plus complexes. Comment on pourrait s'assurer que la population qui est choisie est représentative de l'ensemble de la population?

M. Larouche (Alain) : Ce qu'on propose au gouvernement, c'est de donner ce sceau d'approbation là ou d'homologation là à ce GMF une fois qu'on aura évalué ce qu'on appelle, nous, dans notre jargon, leur indice de maturité, indice de maturité à prendre en charge la santé d'une population. Donc, il y aurait une évaluation préalable pour voir où en est rendu le GMF, et le CSSS, parce qu'on évaluerait aussi... parce que c'est une alliance entre le CSSS et les GMF, où ils en sont rendus, avec un plan de conversion pour corriger les points faibles, donc de s'assurer d'atteindre ce genre d'objectif là. Et puis, quand le plan de conversion est exécuté, au fur et à mesure, le GMF pourrait donc recevoir son accréditation santé populationnelle, et non pas que des clientèles, comme vous le dites, là, qui pourraient être plus faciles à suivre parce que moins de complications, moins de vulnérabilité ou absence de problème de santé mentale, parce qu'on n'aime pas les problèmes de santé mentale ou des choses comme ça. Oui.

M. Bédard (Gerry) : Et, si je peux me permettre de rajouter, un des modes de régulation, si on veut, c'est quand même le guichet des patients orphelins auquel le GMF est en fait rattaché par sa localisation dans le territoire. Donc, il y aurait moyen aussi, par ce biais-là, d'avoir un certain contrôle sur la qualité des patients pris en charge à l'intérieur d'un GMF et faire en sorte qu'effectivement il n'y ait pas, je dirais, du «cherry picking», comme on dit en anglais, là, de clientèle plus légère.

Mme Lamarre : Écoutez, je vais vous laisser avec une dernière question, mais avant, puisque vous allez prendre tout le reste de mon temps pour répondre, je veux vous remercier, parce que je pense que votre présentation et votre mémoire illustrent la complexité, la complexité des patients, la complexité d'un système de santé, la complexité du travail des professionnels de la santé. Vous avez fait valoir la complémentarité, vous avez montré que c'était possible de le faire, et je pense que vous avez aussi, à travers ce modèle-là, préservé une sensibilité aux patients, à leurs propriétés, à leurs effets, à leurs maladies, à leurs différences, et je pense que ça, c'est un modèle qui est beaucoup plus proche de la vraie vie des gens, et je pense qu'il apporte ces nuances-là.

Et ma dernière question, ça concerne finalement le lien que vous faites entre la première ligne médicale et les liens étroits entre la deuxième et troisième ligne, donc avec les spécialistes. J'aimerais voir quelle est la solution, le modèle que vous trouvez le plus gagnant dans ce contexte-là.

• (21 h 20) •

M. Bédard (Gerry) : En fait, j'ai eu l'occasion de développer, au CSSS du Sud-de-Lanaudière, ce qu'on appelle l'accueil clinique qui est... c'est un genre de guichet unique d'accès pour les patients que l'on dit subaigus...

Le Président (M. Tanguay) : ...je dois passer... C'est tout le temps que la collègue avait, j'ai même excédé de 20 secondes votre temps. Alors, je vais céder la parole maintenant au collègue député de Lévis pour 8 min 30 s.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Bonjour, Dr Larouche, Dr Bédard, Mme Chabot. Je vais vous permettre de continuer, c'est intéressant. Puis, de fait, hein, je vous dirai qu'à travers ce document-là extrêmement bien préparé, bien, il y a, à travers ça, une vision de solutions se rapprochant des objectifs à atteindre, et, en ce sens-là, bien, permettez-moi de vous donner du temps pour compléter à bon escient la réponse que vous faisiez.

M. Bédard (Gerry) : Merci. Donc, pour continuer, on a eu l'occasion de développer ce qu'on appelle l'accueil clinique, qui était un guichet unique d'accès pour des patients atteints de problèmes subaigus. Donc, au lieu de les référer à l'urgence, avec, je dirais, des protocoles bien standardisés et approuvés par les spécialistes, ces patients-là étaient dirigés dans le module ambulatoire, à l'Hôpital Le Gardeur, pour ne pas le nommer, et ils étaient pris en charge donc sur une base ambulatoire, on évitait l'urgence.

Donc, sur le même genre de modèle, on est capable aussi, avec entente avec les spécialistes, de développer des liens, des corridors de services pour les patients atteints de maladies chroniques qui commencent, je dirais, à devenir instables, donc, avant même que ce qu'on appelle en jargon médical la décompensation arrive, donc essayer de prévenir plus rapidement et éviter que les patients se présentent à l'urgence et soient hospitalisés. Donc, le plus vite on est capable d'agir sur ces patients-là... Et souvent c'est par des gestes simples. Mais, d'avoir accès à un examen diagnostique, le spécialiste qui vient juste ajuster un petit peu la médication, la thérapeutique, on est capable de restabiliser rapidement les patients et éviter que ces patients-là soient hospitalisés inutilement.

M. Paradis (Lévis) : Alors, votre approche prévoit aussi ce préventionnisme-là pour faire en sorte que ça ne dégénère pas par la suite.

M. Bédard (Gerry) : Tout à fait.

M. Paradis (Lévis) : Vous parlez, bon, du projet vitrine tripartite et puis, bon, vous en tracez les grandes lignes, ma foi, à la lumière des expériences que vous avez vécues, très positives. Mais vous dites également que, dans le cadre de ce projet-là, vous deviez évaluer les risques inhérents aux résistances des différents acteurs. Je comprends que, maintenant, vous arrivez avec un résultat et que vous souhaitez porter le message et étendre l'action, mais racontez-moi un peu ce que vous avez dû faire ou quels ont été les écueils que vous avez rencontrés? Quels ont été les segments de résistance? Parce que ça ne s'est pas fait comme ça, du jour au lendemain, sans aucun problème, tout le monde a dit : Ça y est, on embarque, on rame, puis ça avance, là.

Mme Chabot (Guylaine) : Oui. Guylaine Chabot. Si je peux me permettre de répondre, je dirais que, chez les médecins, il y a eu peu de résistance, mais il y en a eu, compte tenu qu'on propose des façons de faire qui sont différentes. Alors, il y a eu une adaptation nécessaire, mais je dirais que ça s'est généralement bien passé.

L'écueil le plus important, je dirais, est du côté des gestionnaires de l'établissement, qui, parfois, voient des modèles comme ceux-là, qui sont innovateurs, comme si on enlevait quelque chose à l'hôpital, comme on enlève des professionnels aux CSSS pour les donner à des médecins de famille. Alors, la compréhension, et la vision, de la part de gestionnaires, dans notre cas, a été certainement un défi pour nous.

Le troisième et le dernier élément, je vous dirais, en termes, pas d'écueil, mais, je dirais, de résistance, est celui de la pratique des infirmières. C'est sûr qu'on arrive avec, encore ici, de la formation qui est requise. On dit : Bon. Voici, dorénavant, vous devez changer vos modes de pratique. Alors, c'est sûr qu'au début il y a un peu de résistance. Mais le fait d'entrer dans le système qu'on propose et de voir le résultat chez les patients ont fait en sorte qu'en bout de ligne, quand on a mesuré le taux de satisfaction au travail des infirmières et des autres professionnels de l'équipe interdisciplinaire, on a eu un taux jugé à 85 % de satisfaction pour ce qui est de la collaboration interprofessionnelle.

M. Paradis (Lévis) : On parle de collaboration interprofessionnelle, donc d'interdisciplinaire, de délégation, également. Est-ce qu'à ce chapitre-là il y a eu de la résistance de déléguer davantage, et de se conserver le diagnostic, et déléguer à l'équipe le suivi du patient? Est-ce que ça a fait partie des résistances que vous avez rencontrées?

Mme Chabot (Guylaine) : Bien, comme on le disait tout à l'heure, ça dépend des GMF. Dans certains GMF, les médecins étaient davantage prêts à déléguer, étaient déjà dans un mode très collaboratif avec les infirmières qui étaient en place. Dans le deuxième GMF, il y a eu un petit peu plus de résistance quant à la délégation des actes. C'est une réalité à laquelle on a été confrontés, effectivement.

M. Paradis (Lévis) : Et, à ce titre-là... Je vois que le Dr Larouche veut prendre la parole. À ce chapitre-là, est-ce qu'il y a une façon, à la lumière de votre expérience... Est-ce que vous avez mis au point une façon pour contrer ou, en tout cas, favoriser cette délégation-là, parce que vous vous êtes rendu compte qu'il y avait des irritants à aplanir?

M. Larouche (Alain) : Oui. Parce que la résistance n'est pas que des médecins vers les professionnels, mais entre les professionnels aussi, parce qu'ils ont des façons de faire. Écoutez, la méthode, c'est de leur souffler dans le cou, d'être très près et de l'enseignement, l'enseignement, l'enseignement, puis leur montrer des résultats concrets pour qu'elles puissent constater d'elles-mêmes que le changement de pratique donne des résultats auxquels elles ne s'attendaient pas. Donc, très présents, des données pour leur montrer des résultats, c'est ce qu'on a fait.

M. Paradis (Lévis) : Vous avez fait l'expérience dans une région donnée, avec une particularité socioculturelle, socioéconomique, bon, etc., une réalité. Est-ce que ce que vous proposez comme modèle... En tout cas, je comprends que c'est un peu ça, c'est un modèle organisationnel, c'est un modèle aussi de gestion du changement, bon, basé sur l'interdiscipline, et tout, ça. Est-ce qu'à votre avis il est exportable partout? Parce que vous avez choisi une région donnée. Est-ce que le modèle peut s'établir partout dans le réseau, selon vous?

M. Larouche (Alain) : Partout où on est prêts. On ne peut pas faire pousser une fleur en tirant dessus. C'est pour ça que je parlais tout à l'heure de l'indice de maturité. Donc, c'est des milieux qui lèvent la main, qui disent : On voudrait essayer, mais on a besoin d'aide. Ces milieux-là, oui.

On ne rêve pas en couleurs. Il faut être réaliste. Ce n'est pas tous les milieux, à ce moment-ci, qui sont capables de le faire. Mais, vous savez, c'est comme pour d'autres choses, hein? Dès qu'on va atteindre un point de rupture où les gens vont se dire : Bon, il y a 10 %, 15 %, 20 % des endroits qui le font, puis les gens aiment ça, travailler là, les patients sont supercontents, la bascule va se produire, puis là ça va aller beaucoup plus vite. Mais c'est d'atteindre ce plateau-là où il faut être réaliste, là, puis viser sur quelques années.

M. Paradis (Lévis) : Dr Bédard, quelque chose à ajouter, non, là-dessus?

M. Bédard (Gerry) : Non, non. Tout est beau.

M. Paradis (Lévis) : O.K. Excellent. Et le temps file, mais j'aimerais que vous reveniez un petit peu, pour bien comprendre... Parce qu'on a beaucoup parlé de mode de rémunération, hein, puis vous en avez parlé également, de la rémunération à l'acte, le mode de rémunération mixte, on parle de rémunération basée sur la prise en charge en se demandant comment établir un ratio pertinent puis, bon, efficace. Reparlez-moi de ce mode de rémunération que vous souhaiteriez voir différent, j'aimerais le comprendre davantage.

M. Bédard (Gerry) : En fait, le premier mode, c'est d'abord ce qu'on appelle effectivement la rémunération mixte, c'est-à-dire une rémunération ou un forfait en fonction de la lourdeur des patients, qui permettra aux médecins de déléguer sans avoir crainte de perdre une rémunération par rapport au fait de voir les patients ou d'avoir à voir les patients pour être rémunérés. Donc, ça, c'est le premier mode.

Le deuxième mode, en fait, c'est la libération, si on veut, de temps médecin pour travailler aussi avec l'équipe interdisciplinaire, en étroite collaboration notamment dans le développement des plans d'intervention interdisciplinaires pour les patients les plus lourds, donc ce qui pourrait être un mode horaire ou un mode forfaitaire pour l'élaboration de ces plans interdisciplinaires là, contrairement au paiement à l'acte actuel.

M. Paradis (Lévis) : Je me permets de vous poser la question parce que le projet vitrine a eu lieu, vous nous en parlez, avec des résultats excellents pour un, questionnables pour l'autre, mais en fonction du fait qu'on soit pris ou pas à passer à ça. C'est ce que vous me dites. Est-ce qu'actuellement vous êtes encore en processus de proposer et d'établir le modèle ailleurs qu'à l'endroit où vous l'avez déjà fait?

Le Président (M. Tanguay) : Rapidement, en 10 secondes. En 10 secondes. C'est tout le temps qui nous reste.

M. Larouche (Alain) : On a un milieu qui est prêt. On aimerait avoir un appui de nos amis du ministère, voire même du ministre pour être capables de passer à l'action.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

M. Larouche (Alain) : Un appui.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, sur ce message d'action, nous remercions les gens de Concerto groupe santé.

Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, après les affaires courantes. Merci.

(Fin de la séance à 21 h 29)

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