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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Tuesday, March 17, 2015 - Vol. 44 N° 40

Special consultations and public hearings on Bill 20, An Act to enact the Act to promote access to family medicine and specialized medicine services and to amend various legislative provisions relating to assisted procreation


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Table des matières

Auditions (suite)

Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ)

Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ)

Société canadienne de fertilité et d'andrologie (SCFA)

Association des couples infertiles du Québec (ACIQ)

Association des spécialistes en médecine interne du Québec (ASMIQ)

Association canadienne de sensibilisation à l'infertilité (ACSI)

La Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec (FCSDSQ)

Intervenants

M. Marc Tanguay, président

M. Jean Habel, président suppléant

Mme Marie Montpetit, présidente suppléante

M. Gaétan Barrette

Mme Diane Lamarre

M. Jean-François Lisée

M. François Paradis

M. Amir Khadir

Mme Françoise David

M. Marc H. Plante

Mme Chantal Soucy

*          M. Jacques Cotton, RAMQ

*          Mme Diane Francoeur, FMSQ

*          M. Neal Mahutte, SCFA

*          Mme Belina Carranza-Mamane, idem

*          M. François Bissonnette, idem

*          Mme Karine Joizil, idem

*          Mme Virginie Kieffer Balizet, ACIQ

*          Mme Krystel Robert Lavigne, idem

*          M. Mario Dallaire, ASMIQ

*          Mme Véronique Robert, ACSI

*          Mme Carolynn Dubé, idem

*          M. J. Benoit Caron, FCSDSQ

*          M. Paul Levesque, idem

*          Mme Gabrielle Bourgault-Brunelle, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Non, M. le Président.

Auditions (suite)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, ce matin, nous allons débuter avec les représentants de la Régie de l'assurance maladie du Québec et, par la suite, nous poursuivrons avec les représentants, représentantes de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Je vous précise que nous ajournerons nos travaux à 21 h 30.

Alors, je souhaite d'entrée de jeu bienvenue aux représentants de la Régie de l'assurance maladie du Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'un bloc de 10 minutes pour faire d'abord une présentation. Par la suite, nous ouvrirons un échange directement avec les parlementaires. Je vous demanderais, pour les fins de l'enregistrement, de bien vouloir vous nommer, nommer ceux qui vous accompagnent ainsi que les fonctions que vous occupez. Alors, la parole est à vous.

Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ)

M. Cotton (Jacques) : Bonjour, M. le Président. Mon nom est Jacques Cotton, président-directeur général de la Régie de l'assurance maladie du Québec. Les gens qui m'accompagnent : M. Alexandre Hubert, vice-président à la rémunération des professionnels, et M. Sylvain Périgny, vice-président à l'administration et à la gestion de l'information. D'autres collaborateurs également m'accompagnent.

La présentation de ce matin se divisera en deux parties. Dans un premier temps, je vous expliquerai comment l'application du projet de loi n° 20 s'inscrit en continuité avec les activités de la RAMQ puis je vous présenterai les principaux travaux que nous aurons à réaliser quant à l'application du projet de loi. Mais, d'abord, j'aimerais vous présenter brièvement notre organisme.

Relevant du ministre de la Santé et des services sociaux, la RAMQ est directement associée aux grands enjeux en matière de santé, ce qui l'amène à jouer un rôle essentiel auprès de sa population. La mission en témoigne et elle se lit comme suit : «La RAMQ administre les régimes publics d'assurance maladie et médicaments : elle informe la population, gère l'admissibilité des personnes, rémunère les professionnels de la santé et assure une circulation sécuritaire de l'information.» La RAMQ a aussi le mandat d'administrer tout autre programme qui lui est confié par le ministère de la Santé et des Services sociaux, et on en compte aujourd'hui plus d'une quarantaine.

• (10 h 10) •

Voici maintenant quelques chiffres significatifs. La RAMQ est au service des 7,8 millions de personnes assurées par le régime d'assurance maladie. Annuellement, pour les personnes assurées, la RAMQ émet et renouvelle ou remplace plus de 2 millions de cartes d'assurance maladie. On compte environ 3,5 millions de citoyens inscrits au régime public d'assurance médicaments. Environ 750 000 d'entre eux s'inscrivent ou se désinscrivent à chaque année. Nous traitons, pour ces personnes assurées, plus de 200 millions de demandes de paiement soumises par les pharmaciens. La RAMQ gère l'admissibilité et la rémunération de près de 21 000 médecins omnipraticiens ou médecins spécialistes conformément aux ententes conclues entre les fédérations médicales et le ministère de la Santé et des Services sociaux. Nous traitons annuellement plus de 55 millions de demandes de paiement pour ces professionnels de la santé et près de 245 000 appels téléphoniques concernant les modalités de facturation. Ces chiffres donnent un aperçu du rôle prépondérant que joue la RAMQ dans la prestation de services à la population, mais aussi, de façon plus spécifique, auprès des professionnels de la santé, principalement les médecins.

Dans le cadre du projet de loi n° 20, la RAMQ sera un acteur important dans l'application des obligations liées, d'une part, à la pratique des médecins participants au régime d'assurance maladie et, d'autre part, aux nouvelles conditions et modalités de rémunération. Voici comment notre organisation pourra soutenir la mise en oeuvre des exigences découlant du projet de loi.

Premièrement, la RAMQ n'est pas en terrain inconnu. Au fil des ans, la RAMQ a développé une expertise pointue en termes d'application de diverses modalités de rémunération et en gestion de l'information de toutes sortes. Elle a également développé des liens étroits avec plusieurs intervenants du réseau de la santé, entre autres les agences de la santé et des services sociaux et les établissements. Nous ne sommes donc pas en terrain inconnu, bien au contraire.

À cet effet, j'aimerais attirer votre attention sur certains éléments. Tout d'abord, l'application de diverses modalités de rémunération. Au cours des dernières années, les modifications aux ententes de rémunération ont été nombreuses, et la RAMQ a été appelée à maintes reprises à modifier ses systèmes et ses façons de faire pour assurer le respect des ententes conclues entre le ministre et les représentants des fédérations médicales. Par exemple, nous avons mis en place des modalités de rémunération nous permettant de prendre en considération différentes données, dont l'inscription de patients auprès d'un médecin de famille. Selon notre compréhension du projet de loi, ces développements pourraient s'avérer très utiles pour l'application des modalités que souhaite mettre en place le ministre, notamment en ce qui concerne le suivi d'un nombre minimal de patients prévu au premier alinéa de l'article 3 du projet de loi.

S'ajoute la gestion de l'information. La RAMQ possède une multitude de données liées à la dispensation de services médicaux dans le réseau de la santé en vertu du régime d'assurance maladie. Nous détenons aussi des informations portant sur les caractéristiques propres aux patients traités, dont certains indicateurs de vulnérabilité. La RAMQ dispose également de l'ensemble des données sur la facturation des médecins omnipraticiens et des médecins spécialistes, données qui seront assurément utiles pour l'application et la gestion des différentes modalités du projet de loi, dont celles se rapportant à l'accès aux services. Par contre, lors du dépôt des modalités réglementaires, il est probable que certaines données nécessaires à l'application de la loi ne soient pas actuellement disponibles à la RAMQ. Il sera alors nécessaire de les recueillir, de les conserver et de les traiter adéquatement.

Je profite de la tribune qui m'est offerte pour revenir sur certains propos tenus dernièrement concernant l'accessibilité des données détenues par la RAMQ au bénéfice des chercheurs. Nous répondons à plus d'un millier de demandes concernant ces données pour le compte de différentes organisations dont font partie les chercheurs associés aux universités. Le délai de réponse actuellement rencontré découle d'un contexte exceptionnel. Nous sommes sensibles à cette situation et nous mettons tout en oeuvre pour résorber les délais encourus au traitement des demandes en suspens. Nous sommes conscients que les données dont dispose la RAMQ représentent un intrant important à la réalisation des travaux effectués par les chercheurs. Il est donc de notre intérêt collectif de contribuer à l'avancement des recherches associées au domaine de la santé.

Revenons maintenant sur un élément en lien avec le projet de loi : les échanges avec les différents intervenants du réseau. La RAMQ a la capacité d'échanger un grand volume d'information avec les agences et les établissements de santé. En ce sens, les liens sont déjà établis, et les canaux de communication sont bien en place et fonctionnels. Les établissements de santé, principalement les centres hospitaliers, fournissent à la RAMQ diverses informations en lien avec les contrats de rémunération des médecins et précisent, selon les balises déterminées dans les ententes, les activités qui devraient être effectuées par les médecins à l'intérieur de leurs établissements. La RAMQ, quant à elle, transmet aux agences et aux établissements de santé, à l'aide des données de facturation, des informations sur les activités réalisées par des médecins afin de leur permettre de vérifier si elles correspondent à ce qui était attendu. Encore une fois, les liens d'affaires établis avec les divers intervenants du réseau de la santé sont un actif important qui permettra à la RAMQ d'assurer de nouvelles responsabilités confiées.

Maintenant, un aperçu des principaux travaux pour la RAMQ. D'entrée de jeu, rappelons qu'une fois les modalités réglementaires déposées la RAMQ sera en mesure d'évaluer les efforts requis pour assurer la mise à niveau des systèmes de rémunération et répondre aux exigences. Cependant, il nous apparaît déjà évident que des modifications importantes devront être apportées à nos systèmes afin de soutenir les mesures contenues dans le projet de loi. La RAMQ devra notamment mettre en place un mécanisme de réduction de la rémunération.

Selon notre compréhension, nous devrons appliquer une pénalité aux médecins qui ne satisferont pas aux exigences du projet de loi, et le montant de cette pénalité sera prélevé à même la rémunération des médecins. Nos systèmes actuels sont principalement en place afin de rémunérer les professionnels de la santé pour les services rendus et d'en assurer un contrôle. Dans les faits, lorsqu'il y a application d'un contrôle, c'est un service ou une activité particulière qui fait l'objet de la récupération, et non les revenus des professionnels. C'est là où réside la nouveauté pour nous, car la pénalité sera appliquée sur l'ensemble des honoraires versés et non pas sur un ou des services bien précis.

Cependant, nous ne sommes pas devant une notion totalement inconnue. En effet, le prélèvement d'un montant sur la rémunération des médecins est une notion qui existe déjà dans les ententes pour des cas spécifiques et peu nombreux. Par ailleurs, à notre compréhension, l'application souhaitée dans le projet de loi nous demandera d'étendre plus largement ce principe.

Le projet de loi comporte d'autres éléments qui exigeront des modifications à nos systèmes, entre autres le retrait de certaines modalités de rémunération. À titre d'exemple, les modalités concernant la bonification pour la prise en charge des patients additionnels ainsi que les modifications à la couverture des services de procréation médicalement assistée devront être retirées de nos systèmes.

Finalement, la Loi modifiant l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux, plus particulièrement l'abolition des agences régionales, loi n° 10, amènera la RAMQ à ajuster quelque peu ses façons de faire et à mettre à jour ses processus d'affaires avec les intervenants du réseau. On peut penser aux directeurs régionaux de médecine générale dont les fonctions sont maintenant dévolues à certains centres intégrés de services sociaux.

En conclusion, nous estimons que les modalités prévues au projet de loi pourront être appliquées par la RAMQ, car elles sont en continuité avec ce que fait notre organisation au quotidien. Nous avons la capacité et les compétences pour le faire. Les compétences développées au cours des dernières années en termes d'application d'ententes et les liens développés avec les intervenants du réseau de la santé sont des acquis importants qui favoriseront la mise en oeuvre des mesures souhaitées par le ministre. Cependant, je me dois toutefois de vous rappeler que l'ampleur des travaux à réaliser pourra être évaluée de façon plus précise lorsque les détails des modalités réglementaires seront connus.

Je vous remercie de votre attention, et c'est avec plaisir, M. le Président, que je répondrai, avec le soutien de mes collaborateurs, aux questions des membres de la commission.

Le Président (M. Habel) : Je vous remercie de votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Le temps alloué se décline comme suit : le gouvernement a 21 minutes; par la suite, l'opposition aura 12 min 30 s; la deuxième opposition aura 8 min 30 s; et la personne indépendante aura trois minutes. Donc, j'invite le parti ministériel à commencer.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, M. Cotton, M. Périgny, M. Hubert, bienvenue à cette commission, et je vous remercie d'avoir pris le temps nécessaire pour nous faire votre présentation et venir faire le point ici et ainsi sur les implications que les deux projets de loi... parce qu'effectivement, vous avez raison, et la loi n° 10 et le projet de loi n° 20 ont des impacts à la RAMQ.

Peut-être que vous pourriez élaborer un petit peu plus, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, sur un aspect de la mission de la RAMQ, parce que je ne suis pas sûr que tout le monde comprend l'importance, et l'indépendance, et la responsabilité de la RAMQ pour ce qui est de la donnée, parce qu'en termes de données vous avez tout, là. Peut-être que vous pourriez élaborer un petit peu plus, là. Vous n'avez pas juste la donnée de facturation. La donnée de facturation, c'est un paquet de choses, mais vous avez aussi le profil médicamenteux, la classification des patients, patients vulnérables, pas vulnérables, et ainsi de suite. Ça, ce sont des choses qui existent. Pouvez-vous élaborer un peu là-dessus?

• (10 h 20) •

M. Cotton (Jacques) : Oui. Effectivement, comme je l'ai un peu élaboré dans mon introduction, on possède toutes les informations au niveau du système d'hospitalisation puis de consommation des patients, en partant des médicaments, des examens, des suivis qui ont été faits. On a ces éléments-là qui sont indépendamment des systèmes de facturation, et toute l'utilisation et la consommation des citoyens sont dans les banques de données de la RAMQ. On a une série de banques de données assez importante, pour lesquelles le système des établissements nous alimente, le réseau nous alimente et pour lesquelles on fait des validations, hein? C'est important, par rapport à la qualité des données que possède la RAMQ, de vous dire qu'on reçoit des informations par les différents systèmes, un peu comme le ministre disait, sur la consommation des patients, leur utilisation des services, mais ces données-là qui nous sont souvent fournies par les établissements, c'est des données qu'on traite et qu'on valide, qu'on fait des vérifications pour s'assurer de la validité de ces informations-là parce que par après, bien, une de nos grandes responsabilités, c'est de communiquer cette information-là pour les gens qui en ont besoin pour prendre des décisions, que ce soit au niveau de l'organisation du système de santé ou que ce soit pour des chercheurs, comme je parlais tantôt, ou toutes sortes d'autres organismes qui ont besoin de ces données-là pour faire des études et des analyses.

Donc, c'est assez impressionnant, la liste, là, des... On pourrait peut-être vous donner une liste un peu, là, des banques de données, là, que possède la RAMQ. Dans les données, on a le fichier d'inscription des personnes assurées, les services pharmaceutiques, les services médicaux, les banques de données sur l'utilisation MED-ECHO — c'est le système dans les établissements, dans les séjours hospitaliers — et les banques de données aussi sur les traumatismes, sur les urgences. On gère l'ensemble des banques de données du système de santé. C'est des données qui sont souvent alimentées par, comme je disais tantôt, les établissements. Et aussi on a des banques qui nous sont confiées pour la gestion par le ministère de la Santé. C'est toutes les données pour l'étude des clientèles hospitalières, le Registre québécois du cancer, le registre des salles d'urgence, les banques de données sur les clientèles en CLSC, les banques de données sur les projets jeunesse au niveau des centres jeunesse. Donc, on a une gamme assez impressionnante de banques de données qui nous sont confiées, pour lesquelles... on gère pour le ministère et d'autres qui sont des données qui appartiennent directement à la RAMQ avec tout le mode... le système de rémunération.

M. Barrette : Toujours pour le bénéfice de ceux et celles qui ne sont pas nécessairement familiers avec ces données-là, vous les avez depuis longtemps. En réalité, là, il y a des données qui se sont ajoutées avec le temps, évidemment, parce qu'il y a des nouveaux programmes, et ainsi de suite, mais vous avez une donnée longitudinale, là, qui remonte à la naissance de la RAMQ que vous conservez encore aujourd'hui, là.

M. Cotton (Jacques) : On a toutes les données depuis le début du système, qu'on met à jour, qu'on maintient. Puis, au fur et à mesure que les nouvelles banques sont ajoutées, soit par des mandats qui sont confiés par le ministère ou soit suite aux nouvelles ententes qui sont signées avec les fédérations médicales pour qu'on compile des nouvelles données en lien avec la rémunération des médecins, bien, on compile puis on garde tout l'historique de ces données-là. Ces données-là sont accessibles. Je vous dirais même que, sur notre site Web, ce qu'on appelle St@tRAMQ, statistiques RAMQ, c'est assez impressionnant pour... Les gens peuvent avoir accès à énormément de données sans nous les demander, là, qui sont des données publiques qui sont disponibles sur le site Web de la RAMQ.

M. Barrette : Et toujours, pour terminer sur les données, là, pour bien mettre la perspective des choses ou la portée de tout ça, c'est très détaillé, là, vous l'avez dit tantôt. Moi, je vais voir le médecin, vous avez vraiment... vous avez la date, l'heure, le médecin, le service, là, vous allez avoir le profil médicamenteux, si je vais en réadaptation, la réadaptation, les services sociaux, et ainsi de suite, à la limite, là, même des aides physiques, là, en réadaptation, tout est là, et, évidemment, ça, c'est accessible à des gens qui font des analyses de façon évidemment anonyme.

M. Cotton (Jacques) : Oui, ces données-là sont accessibles soit par des demandes... Comme je vous disais tantôt, on en a qui sont déjà sur notre site, les données plus générales, mais il y en a quand même de façon assez impressionnante, ce qu'on a sur notre site Web. Sinon, c'est des données qui sont accessibles suite à des demandes, et souvent, je peux vous dire, les analyses qui nous sont demandées, c'est beaucoup les chercheurs qui... pour lesquels, comme je vous disais tantôt, on a eu certaines difficultés, certains retards à fournir des données. Et je tiens à préciser justement que, dans cette difficulté-là qu'on a eue à fournir des données à certains chercheurs dernièrement, c'était sur des thèmes très précis et non pas sur des données très globales, et c'était dû à un événement malheureux qui est arrivé chez nous où on a eu une de nos équipes... Parce qu'on a plusieurs équipes qui sont affectées aux banques de données. On a 50, environ, personnes?

Une voix : ...

M. Cotton (Jacques) : 50 personnes qui sont affectées à la gestion des banques de données pour répondre justement à toutes les demandes qu'on a, un millier de demandes par année par différents ministères, organismes, universités, pour avoir des données. Et c'est une équipe spécialisée qui s'occupe des chercheurs, parce qu'il faut spécialiser nos gens dans la gestion de ces banques de données là si on veut être sûrs que, quand on transfère la donnée et que la personne, selon la question qu'elle nous pose... qu'on réponde bien à la question. Et cette équipe-là, pour toutes sortes de raisons, de promotion, de retraite et de déplacement, bien, il y a des gens qui ont quitté, et ça a affecté la performance un peu de notre rapidité à répondre à certains chercheurs, ce qui nous a valu certaines plaintes, là, dans les médias, qu'on trouve regrettable. Mais on est en train de reconstruire cette équipe-là et on devrait reprendre les délais, là, dans les prochains mois, là, d'ici le mois de juin, assez rapidement.

Mais il n'y a pas de projets de recherche qui ont pu perdre des subventions à cause de ça, parce qu'on priorise les demandes des chercheurs. Et, quand les gens ont des délais pour faire des demandes de subvention, on essaie de les accommoder malgré la difficulté qu'on a actuellement.

M. Barrette : Et, pour terminer, M. Cotton, sur la donnée, on comprend que vous êtes légalement le dépositaire de données et vous êtes... vous jouissez de l'indépendance appropriée pour gérer cette donnée-là, donc.

M. Cotton (Jacques) : Totalement.

M. Barrette : Totalement. C'est important.

M. Cotton (Jacques) : Totalement.

M. Barrette : N'importe qui a accès à la donnée. Les fédérations médicales peuvent faire faire des analyses, elles aussi, si elles le veulent.

M. Cotton (Jacques) : Elles peuvent nous demander des données. On ne fait pas d'analyse, hein? La RAMQ...

M. Barrette : Non, non. Je comprends. Mais c'est des demandes, là.

M. Cotton (Jacques) : C'est ça. Les fédérations médicales peuvent nous faire des demandes, les ordres professionnels, les chercheurs, les universités. On a une liste et on... Selon certains mécanismes, des fois, qui sont prévus pour avoir accès à la donnée, des fois, ça prend l'autorisation de la commission d'accès, surtout pour les chercheurs, je dirais, et les comités d'éthique. Mais, pour des données globalisantes, là, les journalistes, là, les gens ont accès à ces données-là, puis on répond dans un délai habituellement assez rapide à fournir ces données-là.

Mais, comme je vous disais, M. le ministre, on ne fait pas d'analyse. On s'assure de bien comprendre la question pour éviter justement qu'il y ait des distorsions, mais nous, on ne commente pas et on ne fait pas d'analyse. On fournit les données que les systèmes nous confirment.

M. Barrette : Ça, c'est important que vous l'abordiez sous cet angle-là. Je n'avais pas prévu le faire, mais je vais quand même faire une parenthèse là-dessus. Vous êtes un dépositaire de données extensives, et je dirais même exhaustives, mais ce n'est pas votre rôle de faire des analyses du système de santé, par exemple, ou de produire des rapports sur l'état de la situation dans le système de santé. Mais vous répondez aux questions qui vous sont posées dans la mesure où ça respecte les lois, la loi d'accès à l'information et ce genre de chose là.

M. Cotton (Jacques) : Exact. Et les analyses, quand on parle des analyses justement, là, de productivité ou de performance du système puis tout ça, en général, c'est le ministère qui nous fait ces demandes de données là puis c'est le ministère qui fait ces analyses-là à partir d'autres composantes que la RAMQ ne possède pas de toute façon.

M. Barrette : Parfait. Ça m'amène à ce moment-là, après avoir fait le point sur la nature de vos opérations et la portée de vos actions, à m'adresser ou à vous poser la question suivante : En termes de capacité à gérer la donnée, on va dire dans le jargon, là, en ligne, en direct, live, là, si vous me le permettez, ça, vous avez cette capacité-là aussi?

M. Cotton (Jacques) : On a cette capacité-là. Elle n'est pas, je vous dirais, actuellement à un niveau où qu'on voudrait. On fait des travaux actuellement pour être encore plus proactif et plus en ligne avec certaines données. Il y en a plusieurs qui sont disponibles live, comme je peux utiliser l'expression que vous avez utilisée, en ligne, les données en ligne, mais on travaille actuellement, on a un projet justement à la RAMQ, pour rendre nos banques de données encore plus rapidement accessibles sur des données globalisantes, naturellement, là, et qui ne permettent pas d'identifier des individus. Mais on a cette capacité-là actuellement, mais on travaille à l'augmenter encore plus pour que les gens aient accès plus rapidement à ces données-là.

M. Barrette : Alors, sur cet aspect-là, lorsqu'on s'adresse à certains aspects de la loi n° 20 qui, elles... eux plutôt, ont une implication ou du moins la capacité d'avoir l'information ou de prendre des décisions le plus en direct possible, vous ne voyez pas de problème compte tenu des échéanciers qui sont dans le projet de loi actuel, là. Il y a des travaux à faire, on convient, là.

• (10 h 30) •

M. Cotton (Jacques) : Oui. Il y a des travaux à faire, et puis c'est un peu la petite mise en garde que je faisais tantôt : On ne connaît pas encore toutes les modalités, là. Mais les éléments pour lesquels la RAMQ a été consultée par le ministère, comme ça se fait régulièrement, pour évaluer les impacts sur nos systèmes, on est à évaluer à date, là, les délais que ça va nous prendre pour nous permettre d'être prêts au moment de l'application du projet de loi. Je ne vous cache pas qu'il y a peut-être des éléments, une fois qu'on connaîtra l'ensemble de l'oeuvre, qui vont nous créer un certain délai de programmation informatique, d'ajustement, mais pour lesquels on peut prévoir des modalités de transition et qui nous permettraient quand même d'y aller graduellement puis de s'adapter. Parce que, dans les années passées, la RAMQ a constamment été interpellée, souvent à la signature des nouvelles ententes, à mettre en application rapidement des nouvelles modalités. Et naturellement il y a toujours les fameux délais, là, de programmation informatique, mais on y arrive, parce que c'est ça, notre mission, c'est ça, notre rôle : d'être capables d'adapter notre système à la rémunération qui est négociée ou décidée par le gouvernement.

M. Barrette : Je vais sur votre lancée pour que tout le monde comprenne un peu votre vie quotidienne, parce que vous avez une vie qui est impactée par des décisions extérieures à vous. À chaque fois qu'il y a une nouvelle entente, vous êtes obligés de réécrire des lignes de code, là, puis de faire les ajustements dans votre programmation. C'est votre lot quotidien, à la RAMQ. Vous êtes le dépositaire de la donnée, vous gérez la donnée, vous protégez la donnée, mais régulièrement vous avez, ne serait-ce que par le biais de modifications à l'entente... Et on sait que c'est une négociation continue, et des modifications, il y en a tout le temps. Vous avez constamment à faire des adaptations, en termes de programmation, à votre mode opérationnel, chez vous, là.

M. Cotton (Jacques) : Oui. Effectivement, on est une organisation très opérationnelle, comme vous le dites. Et régulièrement, au-delà des ententes signées officiellement, des grandes ententes négociées, au fur... durant l'année, il y a régulièrement des nouvelles ententes qui sont convenues, des nouvelles lettres d'entente, tout ça. Donc, on est continuellement à ajuster nos systèmes pour s'adapter à ce qui est convenu entre les fédérations médicales et/ou des fois... et le ministère, puis le gouvernement, pour s'adapter.

On a commencé, il y a deux ans, à modifier notre système de rémunération, parce que le système de rémunération actuellement que gère la RAMQ, il date d'une trentaine d'années au niveau informatique, donc il n'a pas tellement de flexibilité. On n'est pas aussi efficaces qu'on pourrait l'être pour s'adapter à ces nouvelles mesures là, mais on a déjà deux ans derrière nous de début d'un projet, qui est un des plus... des gros projets informatiques, actuellement, du gouvernement, et qui va bien, et qui respecte les budgets et les délais. Et je peux vous rassurer qu'il respecte les budgets et les délais, et les échéanciers aussi, ce qui, des fois, peut faire sourire les gens en informatique gouvernementale. C'est un projet de 35 millions qui va revoir tout le système de rémunération qu'on gère à la RAMQ et qui va nous permettre — puis je fais le lien avec le projet de loi n° 20 — plus de flexibilité dans l'avenir, quand il y aura des changements puis des modifications.

Actuellement, ce qui est souvent la difficulté, c'est le délai qu'a la RAMQ pour mettre en application une entente qui vient d'être signée avec les fédérations médicales. Des fois, on a des mois, des mois, puis ça crée toutes sortes de difficultés, et pour le ministère et pour les médecins, d'avoir ces délais-là. Mais on a débuté en 2013 la modification de nos systèmes, qu'on va commencer à appliquer en 2016 et 2017 et qui va nous permettre d'être beaucoup plus flexibles, pour être capables de réagir à des changements comme ça.

M. Barrette : Alors, on comprend que toute cette refonte-là, à la fois de la programmation que de ce qu'on appelle communément le hardware, là, parce que vous changez aussi... vous avez fait une mise à niveau, en termes de serveur et ainsi de suite, là, c'est un exercice qui a commencé bien avant le projet de loi n° 10 et le projet de loi n° 20, là. C'était, entre guillemets, la norme, on va dire, là, mais c'était sur votre table à dessin depuis plusieurs années, là.

M. Cotton (Jacques) : C'est une décision qui a été prise administrativement, au niveau de la RAMQ, en 2013. Considérant la difficulté qu'on avait de plus en plus à l'adaptation de nos systèmes informatiques, la décision a été prise de refaire au complet tout le système de rémunération à l'acte, et ce système-là va permettre aussi des adaptations à d'autres modes de rémunération éventuellement.

M. Barrette : En quelque part, on peut dire que le projet de loi n° 20 arrive au bon moment. Si vous êtes en train de faire votre restructuration, bien au moins ça s'inscrit dans la restructuration, vous n'avez pas du travail additionnel à faire, là.

M. Cotton (Jacques) : Ça s'inscrit dans la restructuration. Ça pourra peut-être créer quelques petits délais, comme je disais tantôt, mais on pourra prévoir des modalités de transition entre les deux.

M. Barrette : En termes... Parce que ça, évidemment, il y a toujours toute la question informatique, là, qui fait toujours l'actualité et les problématiques en termes d'effectifs. Est-ce que, de ce côté-là, vous prévoyez avoir des besoins particuliers? Êtes-vous en danger?

M. Cotton (Jacques) : Il est certain que, si, une fois qu'on va connaître l'ensemble des modalités réglementaires du projet de loi n° 20, on a des changements importants, avec des délais surtout très courts, parce que c'est souvent là que... peut-être qu'on aurait besoin de certains ajustements ponctuels, je dirais, non récurrents, de certaines ressources. Mais, vous le savez, souvent, en informatique, la façon de s'en sortir, c'est avec des contrats qui ont une date de début puis une date de fin pour nous permettre de peut-être récupérer un peu les délais qui vont nous être demandés. Il y aura ça qu'il faudra évaluer. Mais on veut attendre d'avoir l'ensemble de l'oeuvre pour être en mesure d'évaluer les impacts sur les délais pour mettre en place, là, les nouvelles mesures. Mais actuellement...

M. Barrette : Avec ce que vous voyez, là...

M. Cotton (Jacques) : Avec ce qu'on voit actuellement, il est certain que ça va nous demander du travail additionnel en lien avec notre nouveau système de rémunération, pour lequel on a les ressources pour le faire actuellement. C'est plus au niveau des délais. Si on nous demande de raccourcir les délais, bien là, potentiellement qu'il faudra peut-être ajouter des ressources.

M. Barrette : Parfait. O.K. Je vais aborder la problématique de la donnée d'un autre angle. Des gens disent que vous avez une base de données qui n'est pas suffisamment exploitée, en ce sens que les analyses qui sont faites pourraient être plus élaborées. Qu'en pensez-vous?

M. Cotton (Jacques) : C'est certain que c'est assez impressionnant de voir les données que possède la RAMQ. On en a parlé tantôt, là, on a une série de banques de données sur l'utilisation du système de santé, sur l'utilisation des médicaments, sur la rémunération des médecins, l'offre de services qui est offerte et les délais. Que ce soit au niveau de l'ensemble de tout ce qu'il y a dans le système de santé, il y a énormément d'informations dans ça qui mériteraient potentiellement d'être mieux exploitées. Je vous le disais tantôt, on se pose même nous-mêmes la question actuellement, à la RAMQ, à savoir si on ne devrait pas, puis c'est ce qu'on regarde, là, dans la prochaine année, développer un peu plus, là, le volet de gestion de l'information, ne serait-ce que pour, même, la gestion même de notre organisation.

Il y a des données actuellement qu'on possède dans nos banques de données qu'on aurait avantage à exploiter, au niveau de la gestion de l'information, qu'on n'exploite pas actuellement. Et ça, c'est pour la gestion de la RAMQ comme organisation, mais, pour la gestion du système de santé, il y a quelque chose à regarder là, effectivement, puis à développer, parce qu'il y a énormément d'informations qui pourraient être très utiles à la gestion du système de santé. Puis ces informations-là sont là, il s'agit juste de les demander puis de voir qu'est-ce qu'on veut en faire, comment on veut les utiliser. Mais la banque, la source d'information, elle est là, elle est disponible, puis, depuis des années, c'est là. Et, comme vous le disiez tantôt, on cumule ça depuis le début de l'existence du système.

M. Barrette : Je ne peux pas m'empêcher de vous poser la question, surtout dans le contexte de ce matin : Vous fournissez les analyses et, lorsqu'un document, une donnée est sortie et que la source, c'est RAMQ, il y a une indépendance complète de la donnée, là?

M. Cotton (Jacques) : Oui, totale.

M. Barrette : Quand vous mettez : «Source : RAMQ», là, c'est une donnée qui répond de façon totalement indépendante à une question posée.

M. Cotton (Jacques) : Oui, puis qui est disponible pour la majorité des gens qui en font la demande.

M. Barrette : Alors, il n'y a pas de manipulation potentielle de quoi que ce soit, là. Vous avez légalement l'indépendance de la gestion de la donnée, vous la conservez, vous vous assurez de la sécurité de la donnée, de l'indépendance, de la confidentialité de la donnée ainsi que du résultat d'analyse.

M. Cotton (Jacques) : Et de sa qualité.

M. Barrette : Et de sa qualité.

M. Cotton (Jacques) : Parce que, comme je disais tantôt, ces informations-là nous sont fournies par le système, par le réseau, et on fait des vérifications, on valide l'information pour s'assurer que, quand on alimente nos banques de données, il y a une vérification de la qualité de la donnée qui est là. Ça, c'est régulier. Sur une base régulière, on valide la qualité des données qu'on reçoit du système pour, après, les rendre disponibles, ces données-là, parce qu'effectivement notre grande responsabilité, puis ça fait partie de notre mission, c'est de communiquer l'information. Il faut avoir une information exhaustive et précise, et c'est ce que nous avons.

M. Barrette : Je le reconnais, et c'est important que ce soit dit, et c'est la même chose pour la question qui est posée, c'est toujours rendu disponible.

M. Cotton (Jacques) : Oui.

M. Barrette : Quand une donnée sort ou une analyse sort, vous êtes évidemment toujours transparents quant à la question qui était posée...

M. Cotton (Jacques) : Tout à fait.

M. Barrette : ...ce qui devrait rassurer la population pour les données qui circulent. Je vous remercie beaucoup d'avoir participé à notre commission parlementaire, M. Cotton. J'ai terminé.

Le Président (M. Tanguay) : Parfait. Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue députée de Taillon pour une période de 13 min 30 s.

• (10 h 40) •

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Cotton, bonjour, M. Hubert, M. Périgny, bienvenue à cette commission parlementaire.

Donc, ce qu'on a compris des questions que le ministre a posées, c'est que cette façon de colliger l'information, vous faites ça depuis longtemps, et vous avez ces statistiques qui devraient permettre finalement au ministère d'avoir une idée plus claire lorsque le ministère arrive pour faire sa négociation avec les organismes.

Puisque c'est présent depuis longtemps, ces informations-là et cette décroissance, là, du nombre moyen de jours travaillés, c'était connu, donc. Entre 2003 et 2012, ces statistiques-là étaient disponibles, de votre part, au gouvernement?

M. Cotton (Jacques) : Les données à la RAMQ sont là depuis le début du système...

Mme Lamarre : Depuis toujours.

M. Cotton (Jacques) : Depuis toujours. Il n'y a pas de nouvelles données, à moins que, suite, comme je disais tantôt, à la signature d'une entente avec les fédérations médicales, on veut compiler tel aspect d'un nouvel acte qu'on a mis en place parce qu'on veut augmenter telle disponibilité ou telle accessibilité. Puis on peut compiler, des fois, des nouvelles données, mais les données de base du système sont là depuis le début puis elles ne sont pas modifiées pour les ajuster en fonction de...

Mme Lamarre : Vous avez quand même des indicateurs sur la charge de travail entre 2003 et 2012, et ces indicateurs-là indiquaient qu'il y avait une certaine diminution du nombre de jours travaillés. Et, moi, ce qui m'étonne, c'est qu'en 2011 il y a eu une entente qui donnait énormément plus de rémunération aux médecins, et ça, ça ne vous regarde pas vraiment, là, la partie négociations, mais sans d'imputabilité supplémentaire au niveau de... Malgré le fait qu'on voyait une diminution du nombre de jours travaillés, on a été capable, dans le cadre de négociations, de donner aux médecins des augmentations très substantielles de leur rémunération.

M. Cotton (Jacques) : Mais la donnée que vous parlez puis le constat que vous faites, à partir des données de la RAMQ, ils ont toujours été disponibles.

Mme Lamarre : C'est ça.

M. Cotton (Jacques) : Les analyses, lors des négociations, sont faites par le ministère à partir d'objectifs qui sont visés, des fois, pour atteindre tel, tel niveau de services. Mais, en fonction des données de la RAMQ, souvent, les choix, j'imagine, sont faits en fonction de dire : Bien, on veut augmenter tel niveau de service ou telle accessibilité, à partir souvent des données que la RAMQ rend disponibles au ministère, qui influencent les négociations entre les fédérations médicales puis le ministère.

Mme Lamarre : O.K. Mais donc les chiffres étaient quand même à l'effet qu'il y avait une diminution du nombre d'heures travaillées dans la période... En 2011, par exemple, c'était connu qu'il y avait déjà une diminution du nombre d'heures, parce que je regarde les statistiques qui nous ont été fournies, et on voit une diminution du nombre d'heures, là, de façon très progressive, là. Il y en a en 2006‑2007, 2011‑2012. Il y avait ces données d'information là, déjà, qui étaient des indicateurs où on voyait qu'il y avait une diminution du nombre de jours travaillés.

M. Cotton (Jacques) : Je ne sais pas à quelle statistique vous faites référence, mais, si c'est des données RAMQ, elles sont bonnes.

Mme Lamarre : Les documents du ministère. O.K., c'est bon, je vous fais confiance. Il y a quand même des choses sur lesquelles j'aimerais revenir. On n'a pas beaucoup de minutes, alors je vais essayer d'aller rapidement aux questions puis d'avoir des réponses courtes, si c'est possible.

On a parlé du taux d'assiduité, le calcul du taux d'assiduité. Vous avez parlé beaucoup... Vous aviez la possibilité, dans le fond, de suivre un médecin, mais là le taux d'assiduité ne se calculera plus en fonction de suivre un médecin, il va se calculer en fonction de suivre un patient. Vous allez devoir suivre l'ensemble des citoyens du Québec pour savoir s'ils sont allés deux fois à l'urgence, trois fois chez leur médecin de famille, et c'est comme ça qu'on va déterminer qu'il y a un taux d'assiduité à 60 %, par exemple, ce qu'on en comprend actuellement avec le peu d'information qu'on a, là. Donc, vous allez devoir suivre non plus les médecins du Québec, mais les 8 millions de citoyens du Québec.

M. Cotton (Jacques) : Pour la plupart des données, actuellement, on est déjà capables de donner cette information-là. Il y en a peut-être des nouvelles qu'il faudra ajouter puis compiler, comme je vous expliquais tantôt, peut-être modifier un peu nos systèmes, mais il y a déjà beaucoup de données en fonction même des individus : pour un patient, s'il est allé voir deux fois ou... pour le même diagnostic, un médecin, puis ces choses-là. On a ça, ces données-là, actuellement.

Mme Lamarre : Mais est-ce que vous les exploitez? Est-ce que vous les analysez?

M. Cotton (Jacques) : Non.

Mme Lamarre : Alors, actuellement, avez-vous estimé combien ça pourrait vous nécessiter de personnel de plus et combien ça pourrait coûter de plus?

M. Cotton (Jacques) : C'est parce que, dans le... À moins qu'on modifie le rôle qu'on veut confier à la RAMQ, actuellement, nous, on compile des données puis on les fournit. Puis généralement c'est le ministère, parce qu'il y a un ensemble d'autres éléments qu'ils ont besoin d'avoir, qui, à partir des données que leur fournit la RAMQ, va faire ces choix-là, ces décisions-là. Ça fait que, si on veut modifier puis qu'on demande à la RAMQ de faire des analyses à partir des données, ce n'est pas impossible, ce n'est pas impossible, mais, à ce moment-là, il faudrait voir l'impact que ça peut avoir puis l'ampleur de la demande.

Mme Lamarre : Parce que le ministère va vous demander, médecin par médecin, le taux d'assiduité.

M. Cotton (Jacques) : J'imagine.

Mme Lamarre : Bon. Alors, ça, vous êtes capables. Actuellement, vous ne le faites pas, vous avez le potentiel de le faire...

M. Cotton (Jacques) : Mais, si on nous le demande...

Mme Lamarre : ...mais vous n'arrivez pas à le faire.

M. Cotton (Jacques) : Si on nous le demande, on est capables de le sortir.

Mme Lamarre : Oui. À quel prix et avec combien de personnes de plus?

M. Cotton (Jacques) : Je ne penserais pas que ça soit... Pour les volets qu'on connaît actuellement du projet de loi, parce qu'il y a des choses, j'imagine, à venir... Actuellement, pour être capables de fournir les nouvelles données, si les systèmes les compilent déjà, il n'y a pas d'impact significatif au niveau des ressources.

Une voix : ...

M. Cotton (Jacques) : On me dit que non, non, parce que c'est des données déjà compilées dans des systèmes. Il s'agit juste de faire la programmation pour l'extraction de la donnée, donc ce n'est pas nécessairement...

S'il faut compiler des nouvelles données, là, il y a peut-être un ajout de programmation informatique à faire pour aller chercher ces nouvelles données là en fonction des objectifs du projet de loi. Mais actuellement la plupart de ces données-là sont disponibles au niveau des individus ou des médecins, puis on est capables de faire l'extraction de ces données-là sans ajout de ressources.

Mme Lamarre : On sait qu'actuellement on est très, très privés, au Québec, très en retard par rapport aux données de santé des patients, qui ne sont pas disponibles. Et là on va mettre beaucoup d'énergie finalement à comptabiliser les activités des médecins et non pas à fournir les outils qui sont utiles pour mieux servir la santé des patients, pour mieux accompagner les patients, pour que les médecins et les infirmières, les pharmaciens puissent partager de l'information. On fait ce choix-là actuellement.

Et, par rapport au DSQ, par exemple, est-ce qu'il y a des choix que vous allez devoir faire? Est-ce que vous allez encore être capables de donner la priorité au DSQ? Et le DSQ, et pas seulement ça, là, tout le déploiement. Parce que là vous avez une équipe qui est déstabilisée, puis on voit, là, ça a fait en sorte que, pendant plusieurs mois, vous nous avez dit : On n'a pas l'accès, là. Puis pour les gens de l'extérieur, ça fait vraiment très étonnant, là, qu'on n'ait pas accès à autant de données du côté de la RAMQ.

Là, on en demande beaucoup, alors j'ai un peu de difficultés à penser que tout ça va être maintenu, amplifié, sans coût, sans personne supplémentaire. Peut-être que vous ne l'avez pas évalué encore, mais il me semble qu'il va y avoir quelque chose à faire, là.

M. Cotton (Jacques) : Ce n'est pas impossible qu'on ait besoin de ressources additionnelles, comme je disais tantôt, quand on va connaître l'ampleur de ce qu'il va nous être demandé de compiler de façon nouvelle, mais au niveau... Je veux juste revenir, là, sur les différents aspects. Le DSQ ne sera pas impacté du tout par les modifications qu'on pourrait apporter au projet de loi n° 20 au niveau des systèmes informatiques. Le DSQ est géré comme une entité un peu indépendante, avec ses ressources, son budget, d'ailleurs qui est un budget avec un fonds spécial, là. Donc, c'est vraiment, là... Il n'y a pas d'impact. Le déploiement pour lequel on est responsables au niveau médicaments, pharmacies suit son échéance, et on ne prévoit pas du tout que le projet de loi n° 20 va venir impacter le déploiement du DSQ.

Pour ce qui est des autres ressources, et vous avez fait le lien avec la problématique qu'on a eue des chercheurs... La problématique des chercheurs est dans un domaine très, très pointu, avec une équipe très spécialisée. Quand on parle des données du projet de loi n° 20, on est dans des données globalisantes où on suit l'ensemble des données pour des clientèles, des médecins puis ces choses-là, et ça, on est capables actuellement, à partir de ce qu'on a déjà, ce qu'on possède déjà comme information — on en aura probablement de la nouvelle — de fournir ça dans un délai très raisonnable.

Mme Lamarre : Je veux juste vérifier là. Nous, quand on a eu certaines informations au niveau du calcul du nombre de jours travaillés par les médecins, on nous a, par exemple, donné des exemples où un médecin qui travaille 14 heures dans une journée, ça compte pour une journée de travail parce que c'est huit heures, mais ce n'est pas encore 16 heures, donc on ne calcule pas 1,7 jour, on calcule un jour. Est-ce que vous, quand vous fournissez des données, vous les donnez de façon précise comme ça ou si c'est le ministère qui a fait ce choix de calculer une journée pour 14 heures de travail plutôt que 1,7 jour?

M. Cotton (Jacques) : Ce ratio-là, c'est le ministère qui l'a déterminé. Nous, on fournit le nombre de visites, le nombre d'heures travaillées, ces choses-là. De déterminer c'est combien d'heures, une journée de travail, ou c'est combien de visites, une journée de travail, ça, ce n'est pas la RAMQ qui fait ces ratios-là.

Mme Lamarre : Ce sont des décisions du ministère.

M. Cotton (Jacques) : Oui.

• (10 h 50) •

Mme Lamarre : Dernier élément. Vous avez quand même une mission à la RAMQ qui est celle de réguler, vous l'avez dit au départ, et vous avez la mission de faire des inspections. Est-ce qu'on vous a déjà, avant par exemple l'entente de 2011, demandé de faire des inspections sur, par exemple, la performance des GMF, leur taux d'assiduité, les heures d'ouverture? Est-ce qu'on vous a déjà demandé de faire des inspections? Le gouvernement vous a-t-il demandé ça?

M. Cotton (Jacques) : Ça ne relève pas du mandat de la RAMQ. La performance des GMF, puis tout ça, c'est un mandat qui relève du ministère. Nous, les inspections, les vérifications qu'on fait, c'est en conformité avec les ententes de rémunération qui ont été négociées avec les fédérations médicales. On s'assure de l'application des ententes, des taux, de la bonne compréhension — parce que, des fois, il y a des incompréhensions — et de l'application de ces ententes-là. C'est sur ça, au niveau de la facturation des médecins.

Mme Lamarre : Merci. Merci beaucoup. Je laisse la parole à mon collègue de Rosemont.

Le Président (M. Tanguay) : Oui.

M. Lisée : Merci beaucoup. Merci, MM. Cotton, Hubert, Périgny d'être là. Ce tableau nous a été donné, à partir de vos statistiques, par le ministère de la Santé, et on y lit : «Depuis 1998‑1999, peu importe la méthode utilisée, on constate une baisse du nombre moyen de jours des médecins omnipraticiens», de jours travaillés. Ces données-là, vous les aviez, vous les avez. Elles étaient, bien sûr, disponibles au ministère. Est-ce qu'elles étaient disponibles au public qui aurait voulu les avoir au cours des années 2010-2011?

M. Cotton (Jacques) : Oui. Parce que déjà sur... Il faut faire juste attention par rapport aux jours travaillés. Parce que, comme votre collègue me posait la question tantôt, il y a des ratios, qui sont faits par le ministère, qui déterminent une journée travaillée : c'est tant de visites ou c'est tant d'heures. Mais les visites, les heures, les services fournis par les médecins, ça, c'est disponible même sur notre site Web St@tRAMQ où, si vous allez voir, chaque année, vous voyez effectivement qu'il y a une tendance, là, au niveau des médecins omnipraticiens, où il y a plus de médecins, il y a moins de services, puis on voit la tendance depuis plusieurs années où il y a plus de médecins, moins de services. Ça, c'est le constat, comme n'importe qui peut faire, que nous autres, on regarde sur...

M. Lisée : En allant sur le site.

M. Cotton (Jacques) : En allant sur le site, s'il est disponible.

M. Lisée : D'accord. Nous, la première — dans le temps que j'ai, je vais aller rapidement — mention publique que nous avons retrouvée de ça, c'est le ministre Réjean Hébert, six mois après avoir pris le pouvoir, qui a donné publiquement une synthèse de ces discussions-là. Mais donc on peut dire que, lorsqu'en 2011 le ministre de la Santé du gouvernement libéral de l'époque, M. Bolduc, a négocié avec le ministre actuel et avec l'autre fédération des médecins, ils savaient bien que c'était cette tendance-là, et donc ils auraient pu prendre la décision de négocier autrement les sommes colossales qui ont été versées aux spécialistes et aux médecins omnipraticiens, sans avoir pris cette donnée-là en compte. Je veux dire, bon, ça ne nous concerne pas, mais ils avaient, eux, la capacité de dire : Voilà, il y a un problème grave qui est en train de se développer, nous avons des centaines de millions de dollars à disposition, nous devrions les mettre dans la résolution de ce problème, et, à la place, ils ne l'ont pas fait.

Le Président (M. Tanguay) : Il vous reste 10 secondes encore.

M. Cotton (Jacques) : 10 secondes. Les données étaient disponibles. Comme on dit, on les compile depuis longtemps puis on peut personnellement faire certains constats, effectivement.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

M. Lisée : D'accord. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Je vous remercie beaucoup. Nous cédons maintenant la parole à notre collègue de Lévis pour une période de neuf minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. M. Cotton, M. Hubert, M. Périgny, merci d'être là. Je reviens sur des éléments qui ont été dits, puis je vais peut-être entrecroiser certains questionnements. Mais je comprends, là, si on veut vraiment simplifier la chose : vous gérez des données brutes. À la RAMQ, vous gérez des banques de données colossales, mais tout ce qui s'appelle ensuite analyse et puis interprétation de ces mêmes données, ce n'est pas de votre ressort.

M. Cotton (Jacques) : Exact.

M. Paradis (Lévis) : Alors, tout ce que l'on pourra tirer des données que l'on recevra sur demande, ça se fera indépendamment du matériel que vous proposerez, des chiffres que vous proposerez. C'est brut.

M. Cotton (Jacques) : C'est brut, à moins qu'on nous pose une question très précise sur une donnée bien pointue. On est capables aussi de la fournir mais on n'en fera pas une interprétation puis on n'en fera pas une analyse non plus. On va s'assurer de la qualité de la donnée, qu'on répond bien à la question, mais on n'en fera pas une analyse.

M. Paradis (Lévis) : O.K., données justes, précises...

M. Cotton (Jacques) : Précises.

M. Paradis (Lévis) : ...selon ce que vous avez comme banque.

M. Cotton (Jacques) : Exact.

M. Paradis (Lévis) : Mais, encore là, après que les chiffres soient donnés, l'interprétation, l'analyse, on s'entend, ce sera fait par le tiers qui disposera maintenant de ces données-là. On s'entend là-dessus.

Vous avez dit que, et on le sait, vous avez besoin de ressources. Vous avez parlé il y a quelques instants de ce groupe de 50 personnes, en raison de départs à la retraite ou de modifications, qui ont fait en sorte que vous avez connu une certaine difficulté pour gérer puis ensuite diffuser ces mêmes données lorsqu'elles vous étaient demandées. Est-ce que ce projet, le projet de loi n° 20... Et vous avez dit que vous seriez capables, probablement, de gérer ça, en tout cas vous voyez les choses... mais vous avez aussi dit : Nous sommes à analyser les impacts. Vous avez dit : Nous sommes déjà à refaire notre système, de repenser, depuis 2013... Ce n'est pas complété, mais ce que l'on vous demandera de plus, vous l'analysez également. Vous avez probablement déjà dans votre tête quelque chose permettant de comprendre que cette somme de données supplémentaires là, il y aura des choses à gérer, là. Je parle de rémunération, je parle de quotas, je parle de révisions potentielles. Avez-vous prévu, à ce chapitre-là, un impact précis sur votre entreprise, votre organisation?

M. Cotton (Jacques) : Il y a deux volets. Le volet d'être capables de fournir des données, on ne prévoit pas avoir de besoins particuliers là, parce que déjà on a une bonne équipe. Oui, on a eu des départs, mais on est à recombler ces postes-là. Et l'équipe va être capable de fournir. Qu'on compile plus de données ou moins de données, l'impact n'est pas là.

L'impact est beaucoup plus sur, quand on va connaître l'ensemble du règlement, les modifications à apporter à nos systèmes informatiques, nos systèmes de rémunération, qui vont finir par nous amener de la donnée qu'on va compiler. C'est plus l'aspect programmation, mise à niveau des systèmes pour lesquels on est à évaluer des impacts. On en voit déjà, là, mais c'est des impacts, plus, de délais, parce qu'on sait que les délais sont toujours très courts, comme j'expliquais tantôt. Ça fait qu'il y aura peut-être des modalités de transition à mettre en place, le temps qu'on ajuste l'ensemble de nos systèmes, mais c'est certain qu'il va y avoir un impact à la modification de nos systèmes de rémunération en fonction de ce qui sera convenu au final avec le projet de loi n° 20.

M. Paradis (Lévis) : Évidemment, vous ne pouvez pas deviner ce qui vous sera finalement demandé, compte tenu du fait qu'il vous manque des éléments aussi...

M. Cotton (Jacques) : Il manque des éléments.

M. Paradis (Lévis) : ...pour être capable de répondre précisément à ce que je vous demande.

Vous avez dit également tout à l'heure que vous prépariez une révision, et ce sont vos mots, du mode de rémunération des médecins. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus, parce que vous savez que c'est un questionnement, puis c'est quelque chose qui est amené fréquemment ici, et qu'on parle d'une rémunération, chez nous, à l'acte, assez complexe, diront les fédérations. Expliquez-moi davantage ce que vous êtes en train de faire à ce chapitre-là.

M. Cotton (Jacques) : Peut-être que je me suis mal exprimé ou j'ai été mal compris, là, dans ma réponse. Ce qu'on est en train de revoir, c'est le système de rémunération, ce n'est pas le... C'est les systèmes.

M. Paradis (Lévis) : O.K., ce n'est pas le mode.

M. Cotton (Jacques) : Ce n'est pas le mode. Parce que ce n'est pas à nous de déterminer ça. C'est ça, c'est nos systèmes informatiques qu'on est en train de faire une mise à jour parce qu'ils sont vraiment désuets, pour donner plus de flexibilité dans le système de rémunération, pour faire face justement à toutes les nouvelles ententes négociées ou décidées par le gouvernement.

M. Paradis (Lévis) : Je comprends. Est-ce qu'il est vrai de dire que les données utilisées par le ministre pour défendre le projet de loi n° 20, pour expliquer le projet de loi n° 20, le motiver, sont celles de 2011‑2012, celles que l'on a dans les documents qui nous sont remis?

M. Cotton (Jacques) : C'est 2011‑2012, oui.

M. Paradis (Lévis) : Est-ce que je comprends bien que ces années-là ne tenaient pas compte de la lettre d'entente sur le bonus aux médecins, la fameuse lettre 245.

M. Cotton (Jacques) : L'entente 245. En 2011‑2012, la lettre d'entente...

Une voix : Elle est arrivée en 2011.

M. Cotton (Jacques) : Elle est arrivée en 2011, qu'on me dit, la Lettre d'entente n° 245.

M. Paradis (Lévis) : Donc, on n'a pas les effets de la lettre d'entente sur les données que j'ai ici.

M. Cotton (Jacques) : 2011, non. Puis je ne vois pas... Je n'ai pas accès aux données que vous avez, là, je reste prudent, là, mais...

M. Paradis (Lévis) : C'est 2011‑2012, donc, en principe... Je comprends.

M. Cotton (Jacques) : ...2011 n'était pas là parce qu'elle a été négociée à ce moment-là, la Lettre d'entente n° 245.

M. Paradis (Lévis) : Est-ce que les données de 2012‑2013 et 2013‑2014 sont disponibles?

M. Cotton (Jacques) : Oui, 2012‑2013, oui.

M. Paradis (Lévis) : Pourquoi on n'a pas... Les données que l'on demande de la RAMQ, c'est un choix du ministère de ne pas être allé plus loin, dans 2012‑2013, puis d'être arrêté à 2011‑2012?

M. Cotton (Jacques) : Peut-être parce que, dans leurs analyses, ils avaient d'autres éléments à joindre pour lesquels les données 2013‑2014 n'étaient pas disponibles, mais nous, on a répondu à ce qu'on nous a demandé. Mais 2012‑2013 est disponible.

M. Paradis (Lévis) : 2012‑2013 était disponible, mais on vous a demandé autre chose que les données que vous avez livrées, finalement, à la demande même de cette information-là.

M. Cotton, dans le projet de loi n° 20, je sais qu'il y a des choses qui doivent être réécrites, et on nous l'a dit au ministère, pour s'arrimer avec le projet de loi n° 10 et le reste, mais il y a des articles qui vous impliquent de très près, du 14 au 21 notamment. Et, à la lecture même, et je comprends bien qu'ils devront probablement être réécrits, mais on dira, au 21, ne serait-ce que pour le citer : «La Régie de l'assurance maladie [...] peut, sur demande d'un médecin, réviser une décision rendue en application de l'article 18», etc. Vous le savez, là, vous l'avez dit aussi, il y aura une modification où vous devrez gérer des données qui amèneront à une diminution salariale, par exemple, plus de pénalités à ce chapitre-là. Est-ce que ce segment-là vous inquiète? Avez-vous l'impression que la RAMQ pourrait devenir en quelque sorte une espèce de tribunal administratif et que vous devrez prendre des positions et des décisions?

• (11 heures) •

M. Cotton (Jacques) : Il y aura des décisions à prendre en fonction de cet article-là, effectivement, à savoir, quand on va gérer une diminution de la rémunération, normalement le médecin a un droit d'appel de cette décision-là, est-ce que ça va être au Tribunal administratif? Est-ce que ça va être à la RAMQ? Est-ce que ça va être au ministère? Ça, c'est quelque chose qui reste à déterminer dans les discussions pour lesquelles on... Mais si on nous demande, à la RAMQ, de jouer ce rôle-là, on va être capables de le jouer, mais ça va peut-être demander une réorganisation avec peut-être des effectifs, je suppose.

M. Paradis (Lévis) : Mais, à la lecture même du projet de loi n° 20, celui que vous avez, là, à défaut d'avoir le règlement, et tout ça, c'est ça qui est écrit quand même, qu'au 21 vous devenez l'organisation qui prendra la décision.

M. Cotton (Jacques) : Oui. Oui.

M. Paradis (Lévis) : Bon. Avez-vous déjà envisagé, à ce chapitre-là, parce que vous devez vous baser là-dessus, ce que ça suppose? Si c'est exactement le texte que l'on aura et s'il ne doit pas y avoir de changement, vous devez déjà prévoir ce rôle supplémentaire que vous ne nous donnez pas pour l'instant.

M. Cotton (Jacques) : Oui, on doit le prévoir puis on doit évaluer surtout l'ampleur du volume d'activité. Ce n'est pas tellement le rôle qui est compliqué pour nous à accepter puis à gérer, ça va être de voir l'ampleur du volume que ça peut générer sur nos ressources qu'on a déjà actuellement, qui sont à la révision des ententes, puis là on va être... puis là on va parler en... Une demande, là, d'appel des fois de certaines décisions, on en vit déjà, des appels de décision, quand la RAMQ rend des décisions avec des médecins pour lesquelles nos équipes gèrent déjà ce genre de dossiers là. Là on est sur un autre aspect, au niveau de la rémunération globale.

M. Paradis (Lévis) : Mais vous comprenez comme moi que ces modifications-là...

M. Cotton (Jacques) : Qu'il pourrait y avoir des impacts.

M. Paradis (Lévis) : ...risquent de faire en sorte qu'au niveau du volume il va y avoir une différence, là, tu sais? Potentiellement, c'est pensable et possible.

M. Cotton (Jacques) : Oui.

M. Paradis (Lévis) : Vous avez dit tout à l'heure être assez prêts à gérer de nouvelles données, que l'équipe est efficace, que vos systèmes fonctionnent. Dans ce contexte-là, la période de transition que vous évaluez, est-ce que vous pourriez être prêts rapidement? Est-ce que vous êtes prêts pour mai, juin, là, à gérer ces nouvelles fonctions là?

M. Cotton (Jacques) : Ça dépend des fonctions qu'on nous demande. Puis je vous dirais que ce qu'on envisage potentiellement, c'est une application graduelle de certaines choses qu'on va nous demander avec des applications rétroactives. Ça s'est déjà fait, on peut appliquer graduellement, des fois, certaines mesures, mais il faut évaluer l'impact, comme je disais, plus du délai de programmation informatique. C'est plus là qu'on risque d'avoir des délais si on nous demande des changements importants au niveau du suivi d'un certain volet de rémunération.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, ceci met fin à l'échange avec les parlementaires. Alors, nous remercions évidemment les représentants et nous suspendons quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 2)

(Reprise à 11 h 6)

Le Président (M. Tanguay) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons poursuivre nos travaux. Je vous demande de vouloir prendre place. À l'ordre!

Alors, nous accueillons maintenant les représentants, représentantes de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez, je crois que vous le savez, d'une période de 10 minutes de présentation, par la suite s'ensuivra une période d'échange avec les parlementaires.

Peut-être, pour les fins d'enregistrement, de bien prendre soin de vous nommer, chacun et chacune d'entre vous, ainsi que les fonctions que vous occupez. Alors, la parole est à vous.

Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ)

Mme Francoeur (Diane) : Merci, M. le Président. M. le ministre, mesdames et messieurs, membres de la commission. Je suis accompagnée de Dr Raynald Ferland, vice-président; de Mme Nicole Pelletier, directrice des affaires publiques; et de Me Sylvain Bellavance, directeur de la négociation à la Fédération des médecins spécialistes du Québec.

M. le Président, nous espérons que la présente consultation portant sur le projet de loi n° 20 ne se terminera pas en bâillon, comme ce fut le cas avec le projet de loi n° 10. Si le passé est garant de l'avenir, nous pouvons craindre le pire une fois de plus. Nous avons tous pris la pleine mesure des dérives engendrées par les pouvoirs excessifs accordés au ministre par la loi n° 10 avec la crise du CHUM. Nous constatons aussi déjà les failles de la loi n° 10, alors que le gouvernement devra rapidement adopter un décret pour corriger les omissions du ministre. Imaginez la suite si l'adoption du projet de loi n° 20 est encore forcée. Qu'ajoutera le ministre au gré des amendements qu'il déposera? Devant quels faits accomplis serons-nous placés lorsque sa loi aura été adoptée et que les règlements, que tout le monde réclame, mais que personne n'a vus, auront été publiés sans consultation préalable et deviendront effectifs le jour même?

M. le Président, je vais d'abord parler brièvement de la partie II du projet de loi. La FMSQ a toujours insisté sur le fait que le programme public de procréation assistée devait être recentré pour ne couvrir que les cas d'infertilité médicalement avérés. Contrairement à Gaétan Barrette, la FMSQ n'a pas changé d'avis. Nous insistions sur la nécessité de créer un registre visant à consigner l'ensemble des données afférentes aux procédures d'assistance médicale à la procréation, incluant toutes les informations relatives à l'état de santé physique et mentale des enfants en étant issus.

Nous demandions de mettre en place un guichet unique d'accès et de rendre préalable et obligatoire l'évaluation psychosociale, à l'instar de ce qui se fait en matière d'adoption. Nous espérions que le ministre de la Santé profite de ce projet de loi pour corriger les lacunes qu'il avait lui-même contestées jadis.

En plus d'abolir le programme public, le ministre introduit une série de règles dont certaines sont franchement démesurées. Le ministre veut maintenant s'immiscer dans la chambre à coucher des Québécois et régir le nombre de relations sexuelles des couples. Du jamais-vu! Nous demandons aux membres de cette commission de faire en sorte que la partie II de ce projet de loi reflète l'ensemble des recommandations formulées par la FMSQ dans son mémoire.

• (11 h 10) •

M. le Président, je m'attarderai maintenant à la partie I du projet de loi n° 20. Les 13 et 27 novembre 2014, nous avons eu des rencontres avec les représentants du ministère de la Santé afin d'identifier de nouvelles voies pour augmenter l'accessibilité aux soins. Or, le vendredi 28 novembre, le ministre de la Santé présentait le projet de loi n° 20 devant l'Assemblée nationale, son projet de loi matraque. Étrangement, le projet de loi n° 20 veut s'attaquer aux mêmes problématiques qui guidaient les rencontres entre la fédération et le ministère, à une différence majeure : ce projet de loi renie le processus de négociation et le partenariat avec les médecins spécialistes. Il adopte une approche coercitive par des obligations unilatérales, des quotas et des pénalités. Améliorer l'accessibilité aux soins de santé au bénéfice des patients? Les médecins sont les premiers à le souhaiter. Encore faut-il que leur réseau leur en donne la possibilité.

Au quotidien, c'est le médecin qui a le fardeau d'informer son patient que sa chirurgie est reportée parce que la salle est fermée, ou que le personnel est manquant, ou qu'il n'y a pas de lit pour l'hospitaliser, ou que son examen n'aura pas lieu puisque le seul équipement disponible est brisé, et j'en passe. Or, le projet de loi n° 20 n'apporte aucune solution à ces problèmes. Plutôt que de légiférer, le ministre aurait pu commencer par s'attaquer aux vraies affaires.

M. le Président, la première partie du projet de loi n° 20 est écrite sur la base de fausses prémisses. Selon le ministre, le projet de loi se justifie par la baisse de productivité des médecins et l'échec des mesures incitatives à produire des résultats. Pour ces raisons, selon lui, le temps de la carotte est révolu et celui du bâton est arrivé. Or, c'est faux. La collaboration fonctionne. Je vous rappelle que, lors des négociations de 2007 et de 2011, une portion substantielle des augmentations de rémunération des médecins spécialistes a été réservée à la mise en place de mesures visant à améliorer l'accessibilité et la qualité des soins. Vous trouverez d'ailleurs en pages 6, 7, 8 de notre mémoire un résumé de ces mesures qui répondaient à des problématiques et à des besoins clairement identifiés sur le terrain. L'ensemble de ces mesures a produit des résultats positifs.

Ensuite, il est faux de conclure à une baisse marquée de productivité des médecins spécialistes. Leur productivité globale s'est sensiblement maintenue et a même parfois augmenté en milieu hospitalier. Les baisses de productivité en médecine spécialisée se retrouvent principalement dans les cabinets en raison du défaut du gouvernement de régler la problématique de financement des frais d'opération de cabinet, ce qui force plusieurs médecins à y limiter leur activité. Je parle ici du dossier des frais accessoires. A contrario, lorsque les frais techniques sont couverts adéquatement, la productivité augmente et les listes d'attente fondent. C'est le cas des cliniques de procréation médicalement assistée.

L'approche préconisée par le projet de loi n° 20 est coercitive et bafoue les droits des médecins spécialistes en ce qu'elle met de côté leur collaboration, leur autonomie professionnelle et leur droit à la négociation de leurs conditions de rémunération, le tout sans aucune justification. Ainsi, en vertu de l'article 39, le ministre peut apporter unilatéralement diverses modifications aux conditions de rémunération des médecins québécois. Ces pouvoirs ministériels sont excessifs.

Les articles 3 à 22 confèrent au gouvernement la possibilité d'imposer par règlement des quotas et des pénalités financières aux médecins. Ces pouvoirs réglementaires sont abusifs. Pour ce qui est de l'accès aux consultations spécialisées pour la première ligne, rappelons que, selon l'Institut Fraser, le Québec figure au troisième rang des provinces quant à la rapidité du délai de consultation. Nous sommes toutefois, néanmoins, d'accord à faire mieux. Nous avions d'ailleurs conclu une entente spécifique sur le développement de protocoles d'accueil clinique, mais le ministre a décidé de reporter cette mesure, alors que nous étions prêts même à la financer.

Sur les délais de consultation à l'urgence, 50 % de celles-ci se font déjà en moins de quatre heures. La fédération est pleinement disposée à collaborer afin de faire mieux, mais nul besoin d'une loi matraque. Pour la prise en charge des patients hospitalisés, le ministère confirme déjà que plus de 57 % des jours d'hospitalisation sont pris en charge par les médecins spécialistes. Encore une fois, le ministre en veut davantage et, encore une fois, nous avons indiqué être prêts à travailler en ce sens. Finalement, pour ce qui est des délais pour les interventions chirurgicales, le ministre sait que 93 % des interventions chirurgicales sont déjà réalisées à l'intérieur de six mois. Les médecins spécialistes ne demandent qu'à l'améliorer. Pourquoi ne pas s'inspirer du travail conjoint accompli pour améliorer la gestion des blocs opératoires?

M. le Président, le projet de loi n° 20 ne s'attaque pas de manière efficace aux problèmes d'accessibilité en médecine spécialisée et donc n'apportera aucun bénéfice aux patients. Le projet de loi n° 20 pourrait influencer la liberté thérapeutique des médecins qui résulterait à favoriser certains patients, services et champs de pratique pour privilégier plutôt une clientèle moins lourde leur permettant de satisfaire aux dictats ministériels et aux quotas imposés.

Par le système de surveillance et de dénonciation éhonté qu'il prévoit, le projet de loi n° 20 ajoutera une couche de méfiance dans le réseau de la santé, qui s'ajoutera à celle générée par la loi n° 10. Rien ne justifie l'adoption de ce projet de loi matraque et l'approche méprisante qu'il préconise envers les médecins. Le ministre doit renoncer à son projet de loi et rétablir la nécessaire concertation avec le milieu médical. Nous exigeons que le ministre de la Santé s'engage. Les médecins spécialistes refusent de servir de bouc émissaire au ministre et de se faire reprocher les failles d'un système de santé qui rationne au quotidien leurs moyens de production et les restreint dans leur capacité de soigner davantage de patients.

Nous exigeons du ministre de la Santé et des Services sociaux et de son gouvernement qu'ils s'engagent formellement auprès de la population à mettre en place les conditions permettant d'offrir aux patients un accès accru aux soins. Le ministre doit garantir aux médecins spécialistes l'accès aux ressources appropriées à la dispensation des soins, et ce, dans tous les centres hospitaliers et dans toutes les régions du Québec.

Le Président (M. Tanguay) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Francoeur (Diane) : C'est à cette seule condition que le ministre de la Santé et son gouvernement pourront honnêtement dire à la population qu'ils auront vraiment agi pour améliorer les soins.

Et vous me permettrez de terminer sur une citation : «Qui a été le premier à proposer d'inclure des mesures d'amélioration de l'accès, de réduction des listes d'attente, d'arrimage avec la première ligne et bien d'autres pour redresser ce système? La FMSQ en 2007. [Et] encore la FMSQ en 2011. En clair, j'ai accepté d'imposer à mes membres, les médecins spécialistes, des obligations pour améliorer le système.» L'auteur de ces vérités : notre ministre, Gaétan Barrette. Merci de votre écoute et merci d'être vigilants.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, s'ouvre maintenant une période d'échange, et je cède la parole au ministre de la Santé pour une période de 20 minutes.

M. Barrette : Alors, avant de vous... Bien, d'abord, bienvenue, Dre Francoeur, Dr Ferland, Me Bellavance, Mme Pelletier. Je comprends, du ton de vos commentaires, que vous êtes en élection jeudi. Maintenant, je ferai quelques commentaires pour répondre aux vôtres.

Alors, pour faciliter le...

M. Khadir : M. le Président...

Le Président (M. Tanguay) : Oui, rappel au règlement?

M. Khadir : M. le ministre, dans ses propos, prête des intentions à une invitée qui est venue ici témoigner au nom d'une fédération de médecins spécialistes. J'aimerais qu'il retire ses propos.

Le Président (M. Tanguay) : O.K. Le débat parlementaire est... Écoutez, c'est une question d'équilibre. Je ne pense pas que le ministre prête des intentions.

J'invite tout le monde, et je n'ai pas fait l'intervention, parce que vous êtes nos invités, mais des mots tels que «méprisant» sont des mots qu'entre parlementaires on ne se permet pas. Alors, le commentaire du collègue me permet de rappeler tout le monde ici autour de la table, tout le monde se rappelle à l'importance d'avoir le débat qui peut être évidemment musclé, dirons-nous, mais respectueux, néanmoins. Alors, le rappel est pour tout le monde. Alors, fin de la discussion, M. le député de...

M. Khadir : ... M. le Président, bien respectueusement, la turpitude des uns n'autorise pas la turpitude des autres. S'il y a eu un écart, le rôle du président aurait été d'interpeller la personne qui a des propos qui ne sont pas admissibles. Ça n'autorise pas pour autant le ministre, qui doit à ce sujet-là être au-dessus de l'ensemble des participants ici, d'avoir des propos qui prêtent des intentions à notre invitée.

Le Président (M. Tanguay) : D'accord, M. le député de Mercier. Alors, mes propos s'appliquent à tous. Alors, fin de la discussion. Début des échanges. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Barrette : Merci. En tout cas, ça sera mémorable à mettre certainement dans la revue que vous publiez auprès de vos membres. Vous avez maintenant Québec solidaire qui est à votre défense, et c'est tout à fait un moment historique.

Et donc, maintenant, pour ce qui est du bon fonctionnement de la commission parlementaire à laquelle vous faites référence, je vous inviterais dans le futur à nous déposer vos mémoires autrement qu'une minute avant la comparution, ça simplifierait la réflexion.

Ceci dit, Dre Francoeur, vous avez fait référence à un certain nombre de choses. Je vais commencer par un commentaire. Je suis critiqué actuellement, là, par bien des gens, parce qu'il y a des gens qui considèrent que le projet de loi est très, très, très faible vis-à-vis les médecins spécialistes. Et je suis très étonné des propos que vous tenez lorsque vous parlez d'accessibilité, de ceci et de cela. J'ai dit à plusieurs reprises — à plusieurs reprises — que les problématiques n'étaient pas les mêmes dans les deux groupes que sont les médecins de famille et les médecins spécialistes. Alors, vous avez fait des commentaires qui s'appliquent à vos collègues médecins de famille, mais qui ne s'appliquent pas nécessairement à vous, et je n'irai pas là-dedans pour la simple et bonne raison que ça ne s'adresse pas à vous autres. Les choses qu'on demande chez vous sont des éléments fonctionnels. Et je ne vois pas en quoi ce qui est demandé dans le projet de loi pose vraiment problème et soit si coercitif que ça. Mais je ne m'étendrai pas là-dessus, vous allez certainement avoir d'autres commentaires à faire.

Ceci dit, toujours dans l'esprit du projet de loi, pour la première partie, celle qui concerne les médecins — on ira à la deuxième partie après pour ce qui est de la PMA — alors, pour ce qui est de l'organisation des soins, j'aimerais vous entendre de la façon la plus précise possible sur l'effet qu'aurait le déplacement des activités des médecins de famille de l'hôpital vers les cabinets. En clair, êtes-vous en faveur de ce qu'on abolisse les AMP? Quel serait l'impact, à votre avis, chez vous de l'abolition des activités médicales particulières? Est-ce souhaitable?

 • (11 h 20) •

Mme Francoeur (Diane) : Merci, M. le Président. Tout d'abord, laissez-moi vous rassurer tous, je suis déjà élue. Alors, je pourrai défendre avec grand plaisir les intérêts des médecins spécialistes pour les deux prochaines années. Je suis surprise de savoir que vous qui avez toutes les correspondances que j'envoie à mes membres, vous n'étiez pas déjà au courant.

M. Barrette : Techniquement, vous ne l'êtes pas encore.

Mme Francoeur (Diane) : Alors, je remercie M. Khadir d'être venu à ma rescousse et j'apprécie le support de tous les médecins spécialistes, parce que, contrairement à ce que vous dites, la première partie du projet de loi touche directement la pratique de la médecine spécialisée, surtout en reniant le principe de notre droit à la négociation. Alors, ça, si ça ne touche pas la FMSQ, je me demande qu'est-ce que vous avez défendu pendant sept années en occupant ma position. Alors, on a toujours eu le droit... La fédération va avoir 50 ans cette année, nous avons travaillé en collaboration avec le gouvernement, nous avons trouvé des solutions et nous avons toujours négocié. C'est une nouvelle forme d'imposition, avec la loi n° 10 et le projet de loi n° 20, de nous enlever notre pouvoir de négocier, et ça, ça nous touche, ça ne touche pas seulement les omnipraticiens.

Quant à votre question... D'abord, face à votre commentaire sur le dépôt de notre mémoire, je me permettrai, en tout respect, de vous retourner la balle, puisque, le 27 novembre, nous étions assis dans nos bureaux à travailler avec votre équipe, et personne ne nous a jamais mentionné que vous alliez déposer un projet de loi le 28, le matin, et que nous avons été obligés d'écouter à la télévision pour savoir le contenu de ce projet de loi. Je pourrais vous dire que c'est un jeu qui — le respect — peut se jouer avec deux partenaires; c'est encore plus agréable.

En ce qui concerne les AMP, les AMP relèvent d'abord de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Lorsqu'elles nous ont... Lorsqu'elles ont été négociées par eux et qu'on a dû faire la place aux médecins omnipraticiens dans les hôpitaux, nous nous sommes entendus pour que chacune des parties y trouve sa part. Alors, si vous décidez d'abroger les AMP, nous ferons la même chose, comme d'habitude, et nous espérons, cela dit, que nous pourrons négocier ensemble, parce qu'il reste quand même une prémisse, en médecine, du moins, et qui devrait s'adapter aussi à la politique : quand un centre hospitalier fonctionne et que tout va bien, il n'y a pas de place pour faire des nouveaux règlements, il n'y a pas de place pour faire une nouvelle loi juste pour donner un tempo.

On devrait respecter les centres hospitaliers présentement. Les médecins spécialistes sont médecins traitants dans 57 % des jours d'hospitalisation. Il y a un travail d'équipe qui se fait. On comprend que vous avez certains centres qui sont peut-être en moins bonne position; ça nous fera plaisir de nous asseoir avec vous pour travailler et corriger les écarts. Mais, pour l'instant, on a toujours fait notre part et on va continuer à la faire, et ce n'est pas moi qui vais me prononcer sur la pertinence ou pas de garder des AMP.

M. Barrette : Je ne vous demande pas, Dre Francoeur, de vous prononcer sur la pertinence ou non de les garder ni de négocier, et je ne vois pas quelle négociation il pourrait y avoir. Ce que je vous pose comme question et ce que je vous invite à nous dire, c'est l'impact qu'aurait — s'il y en aurait un — d'abolir les AMP. Je ne vous demande pas de prendre position, là, au sens négociation du terme. Y a-t-il ou non un impact si demain matin les AMP sont abolies? Elle est simple, la question. Et vous êtes la mieux placée pour répondre parce que, s'il n'y a plus d'AMP, là, ça veut dire qu'il y a un impact sur vos membres dont vous allez être la présidente officiellement élue jeudi soir. Est-ce que vous défendez cette... Parce que là, normalement, là, si vous parlez de négociation...

Moi, ce qui m'intéresse, c'est l'impact. Il n'y a plus d'AMP. Est-ce que vos membres sont heureux? Vos membres vont-ils frapper à votre porte en disant : Ça ne se peut pas, on n'est pas capables de le faire? Il n'y a pas de négociation, là-dedans, là, il n'y aura pas d'argent de plus, là. Lundi matin, là, il n'y a plus d'AMP, vous faites quoi? Est-ce que vous me dites aujourd'hui, Dre Francoeur : Allez-y, M. le ministre, c'est en plein ça qu'il faut faire, ça va régler le problème d'accès? Ça n'a aucun impact dans les hôpitaux, on veut ça?

Mme Francoeur (Diane) : M. le Président, alors, tout d'abord, je vais vous... au risque de me répéter, nous vous demandons de ne pas changer ce qui fonctionne bien. Il y a plusieurs hôpitaux au Québec, il y a des médecins généralistes qui travaillent à l'hôpital, et ces mêmes médecins vont faire une partie de leur pratique en cabinet. Il y a toutes sortes de façons de fonctionner qui sont déjà très efficaces et fonctionnelles. Nous vous demandons de ne pas modifier ce genre de pratique seulement pour pouvoir changer la façon de fonctionner.

Cela dit, pour les quelques centres où vous voudriez changer le profil de pratique des omnipraticiens... Et je vous rappelle que pour un médecin omnipraticien qui a fait de l'hospitalisation pendant 25 ans, il n'est peut-être pas tout à fait prêt à aller en cabinet et faire du suivi. Il va falloir qu'il ait un stage d'accompagnement. Ce n'est pas demain matin qu'il va être prêt à ouvrir son cabinet. Et vous les connaissez, ces enjeux-là.

Pour ce qui nous concerne, nous, les médecins spécialistes, les médecins spécialistes sont déjà médecins traitants dans toutes les disciplines chirurgicales, les médecins spécialistes sont déjà médecins traitants dans à peu près tous les hôpitaux de la Montérégie. On a trouvé des solutions, on en trouve toujours et on en trouvera à ce moment-là, mais donnez-nous les hôpitaux où nous devrons nous impliquer davantage, et on fera notre travail, qui est selon les obligations de la Fédération des médecins spécialistes, on l'a toujours fait. Mais ça ne sera pas tous les hôpitaux où il va falloir remplacer pour les omnipraticiens, vous le savez déjà.

M. Barrette : Dre Francoeur, c'est important. Cette commission parlementaire là, là, elle a cet intérêt-là. C'est important. Le public s'attend à avoir une réponse, à mon avis, comme moi, je m'attends à avoir une réponse. Quand, dans deux jours, vos collègues de la FMOQ vont venir, et probablement même au moment où on se parle, vont proposer l'abolition des AMP, est-ce que vous considérez que cette mesure-là, vue sous l'angle des médecins spécialistes, est viable?

Mme Francoeur (Diane) : Au risque de me répéter, nous verrons quand nous aurons à remplacer les médecins omnipraticiens dans les hôpitaux où ce sera nécessaire. D'enlever les AMP, ça ne va pas tous les retourner au cabinet la semaine prochaine, et vous le savez très bien.

M. Barrette : Dre Francoeur, cette situation-là, je le sais, que vous la connaissez très, très, très bien, l'ayant déjà débattue à l'interne dans votre organisation dans le passé. Ce qui m'intéresse aujourd'hui, c'est votre position formelle. Il y a des consultations, là, ici, là, et on doit prendre, au bout de ces consultations-là, les meilleures décisions possible. Et les meilleures décisions possible sont en fonction des évaluations qui sont faites par les gens qui ont une expertise. Vous avez une expertise, vous. Vous êtes accompagnée de gens derrière vous qui vont venir à un autre moment dans la journée. D'ailleurs, ils ont déjà des questions à l'avance, là. Est-ce que l'abolition des AMP est pour vous quelque chose de viable professionnellement? Oubliez la négociation, je parle professionnellement, là, comme médecin. Est-ce que, demain matin, les médecins spécialistes sont capables à prendre en charge 100 % des hôpitaux au Québec, parce que c'est le débat de la semaine?

• (11 h 30) •

Mme Francoeur (Diane) : Alors, M. le ministre, vous pouvez poser la question de toutes les façons que vous voudrez, je vais vous répéter toujours la même réponse, et vous le savez très bien : On n'a pas besoin de tout changer demain matin, l'abolition des AMP va se faire de façon progressive. Dans la majorité des hôpitaux du Québec, ça va bien, on s'entend bien, contrairement à ce que vous pensez, entre les médecins de famille et les médecins spécialistes. On travaille ensemble. Et vous savez très bien que les médecins spécialistes sont là pour faire le travail qu'ils ont à faire. Et, dans la majorité des disciplines en spécialité, nous sommes déjà médecins traitants et nous trouverons les solutions quand nous serons arrivés là. Même si vous abolissez les AMP, ce n'est pas tous ces médecins-là qui vont partir du jour au lendemain, et on trouvera les solutions quand on y sera.

Mais la réponse, c'est que, si vous voulez tout changer le système, lundi prochain, juste pour enlever les AMP et sortir tous les omnipraticiens des hôpitaux, vous faites une grave erreur et vous le savez, parce que ces médecins omnipraticiens là ne seront pas capables de retourner au cabinet le lendemain. Le problème, ce n'est pas qui va les remplacer à l'hôpital; ce changement-là va se faire progressivement, et tous les médecins spécialistes sont capables d'être médecins traitants, ils le font dans certaines régions, et cela fonctionne très bien.

M. Barrette : Vous savez, donc ce que vous me dites, Dre Francoeur, c'est que c'est un problème.

Mme Francoeur (Diane) : Je n'ai jamais dit que c'était un problème.

M. Barrette : Bien là, c'est parce qu'à un moment donné j'ai de la misère à vous suivre, là, puis c'est... Parce que les médecins qui sont...

Mme Francoeur (Diane) : Bon. Alors, je vais vous réexpliquer encore une fois.

M. Barrette : Les médecins qui sont venus ici, Dre Francoeur, là, les médecins qui sont médecins de famille, peu importe leur secteur d'activité, réclament... Et, si je ne m'abuse, aujourd'hui, là, il y aura une conférence de presse de vos collègues réclamant l'abolition des AMP. L'abolition des AMP, à mon avis, a des conséquences significatives pour le réseau. Et la question que je vous pose, c'est : De votre angle, ça en a ou ça n'en a pas? Ce n'est pas compliqué. Ce n'est pas une question de s'entendre ou ne pas s'entendre, négocier et pas négocier. Est-ce que l'abolition des AMP rend viable la prise en charge complète des hôpitaux du Québec par les médecins spécialistes?

Mme Francoeur (Diane) : M. le ministre...

M. Barrette : Là, vous représentez... Aux dernières nouvelles, là, vous l'avez dit, là, vous êtes élue officieusement et vous représentez vos membres. Vous êtes la mieux placée dans la pièce ici, là, pour nous dire ce que vos membres pensent. Parce que, si vous me dites que ce n'est pas un problème, bien là, moi, je sors d'ici, là, puis je m'en vais devant les journalistes, puis je leur dis : Voici, on vient de trouver toute une solution : la FMSQ prend en charge les hôpitaux du Québec. On abolit les AMP.

Mme Francoeur (Diane) : M. le ministre, je croyais que votre projet de loi n° 20 était un projet sur l'accessibilité, alors, si vous voulez interdire aux médecins généralistes d'avoir une pratique hospitalière, il faudra que les spécialistes le fassent. Donc, si on s'occupe de l'étage au lieu des médecins omnipraticiens, si on s'occupe de l'urgence au lieu des médecins omnipraticiens, si on s'occupe des soins intensifs au lieu des médecins omnipraticiens, si les gynécologues font tous les accouchements au lieu des médecins omnipraticiens et qu'on les met tous à la porte de l'hôpital, on ne sera pas capables d'avoir les quotas de consultations que vous voulez nous imposer. Il faudrait faire un choix. Par contre, si vous enlevez les AMP et que vous leur laissez le choix d'avoir une pratique en partie hospitalière, comme les médecins omnipraticiens le réclament, il n'y a pas de problème, on va arriver à couvrir toutes ces tâches-là, et vous le savez très bien.

M. Barrette : Je ne le sais pas très bien, c'est la raison pour laquelle je vous pose la question. Alors, si je comprends bien, vous, là, ce que vous me dites aujourd'hui, c'est que vous ne voyez pas de problème à ce que les AMP soient abolies.

Mme Francoeur (Diane) : M. le ministre, je ne répondrai pas à cette question parce que ce n'est pas la bonne question, et vous le savez très bien. Enlever les AMP et sortir les omnipraticiens de toutes les tâches hospitalières, c'est deux choses complètement différentes, tout à fait différentes, et vous le savez. Les AMP ont été là pour obliger un certain profil de pratique, soit. Si vous les enlevez, est-ce que vous allez aussi empêcher tous les omnipraticiens de pratiquer à l'hôpital? C'est une autre question, c'est un autre débat et c'est un autre problème. Alors, s'il vous plaît, venez m'éclairer, si vous voulez une réponse, et dites à tout le monde qu'à partir de maintenant votre vision est de retirer tous les omnipraticiens des hôpitaux. Et je peux vous garantir que ce n'est pas ce que Dr Godin avait en tête lorsqu'il essayait de trouver des solutions avec vous.

M. Barrette : Dr Godin s'exprimera pour lui-même lorsqu'il viendra. Mais ici l'objet est d'avoir votre opinion sur les conséquences potentielles d'une demande qui, si elle était acquiescée, aurait des conséquences. Mais là je comprends que, pour vous, les conséquences sont minimales, mais, en même temps, je comprends que peut-être que vous ne pourriez pas faire une autre partie du projet de loi qui est la consultation, donc il y aurait des conséquences.

Mme Francoeur (Diane) : M. le ministre, vous jouez au chat et à la souris. Voulez-vous régler le problème de l'accessibilité? Si c'est oui, trouvez donc des solutions qui s'adaptent avec tous les acteurs. Alors, de mettre les spécialistes et les omnipraticiens en confrontation et de trouver un coupable pour donner les services dans les hôpitaux et de devoir décider quel quota ne sera pas rempli n'amènera absolument rien à la population du Québec.

Dans la majorité des hôpitaux présentement, tout va très bien entre les médecins spécialistes et les omnipraticiens, les services sont donnés, les soins sont couverts. Donnez-nous les hôpitaux qui sont dysfonctionnels et nous allons trouver des solutions. Est-ce que, pour ça, nous avons besoin de prendre une position ferme d'abolir les AMP et de sortir tous les omnipraticiens des hôpitaux? On est tout à fait loin du problème, et vous le savez.

M. Barrette : En tout cas, je ne suis pas sûr que les gens qui sont autour et qui nous suivent ont bien suivi, mais ils ont pu certainement faire leur idée, j'en suis convaincu.

Maintenant, je vais aller sur la deuxième partie du projet de loi, Dre Francoeur. Vous reprochez un certain nombre de choses au projet de loi, notamment en ce qui a trait aux balises. Je suis un peu étonné des commentaires que vous avez faits, surtout que les recommandations ou les éléments qui traitent de ça, pour ce qui est des balises dans le projet de loi, sont issus directement du rapport du Commissaire à la santé et au bien-être. Est-ce à dire que même le Commissaire à la santé et au bien-être s'est trompé?

Mme Francoeur (Diane) : Écoutez, dans le rapport du Commissaire à la santé, il n'y a pas de balise clairement écrite, là, je ne vois pas à quoi vous faites référence. Face au nombre de relations sexuelles avant d'avoir une consultation?

M. Barrette : Vous avez pris cet exemple-là, mais cet exemple-là, il est cité dans le rapport du Commissaire à la santé et au bien-être.

Mme Francoeur (Diane) : Le Commissaire à la santé et au bien-être n'a jamais mentionné que ça devenait, pour une femme, illégal d'avoir accès à des soins de procréation médicalement assistée. Ça, je n'ai pas vu ça là-dedans.

M. Barrette : Là, on fait... On parle de deux choses, là. Je vous ai fait un commentaire sur le trois ans. Le trois ans, il est dans le rapport du Commissaire à la santé et au bien-être. Pour ce qui est du 42 ans, ça, c'est un autre élément, c'est vrai, hein? C'est un autre élément. Alors, voulez-vous élaborer là-dessus?

Mme Francoeur (Diane) : Sur le 42 ans?

M. Barrette : Oui.

Mme Francoeur (Diane) : Bien, écoutez, je pense qu'il y a eu déjà plusieurs représentations qui ont été faites. Le Collège des médecins est en train de travailler sur des lignes directrices pour encadrer la pratique. J'ai reçu le premier jet de leur groupe de travail, dont d'ailleurs vous êtes aussi, semble-t-il, impliqué dans ce dossier-là, et la science fera les recommandations par rapport à tout ce qui se fait et toutes les recommandations des sociétés savantes dans les autres pays. Et, dans aucun pays, à ma connaissance, il n'y a un enjeu de légalité face à la possibilité qu'une femme consulte pour des services de procréation médicalement assistée, peu importe l'âge.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à l'échange avec le ministre. Je cède maintenant la parole pour une période de 12 minutes à notre collègue députée de Taillon.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme Francoeur, et vos collaborateurs. Écoutez, d'entrée de jeu, moi, je trouve que ce à quoi on vient d'assister est assez étonnant. Sur le premier principe, qui est d'abord d'avoir des sujets très distincts, j'ai beaucoup apprécié que vous commenciez par parler de la procréation assistée, parce que, malheureusement, le choix du ministre d'avoir mis des sujets différents, comme la rémunération des médecins et la procréation assistée, porte ombrage à tout le dossier de la procréation assistée.

Et c'est une approche qui ne devrait plus avoir lieu, je trouve, dans notre milieu parlementaire. On devrait être capable d'avoir un projet de loi avec un thème pour qu'on soit capable de dire si on est pour ou contre, en fonction de quoi on est pour et en fonction de quoi on est contre.

• (11 h 40) •

L'autre élément, je pense que ce à quoi on a assisté aussi à votre endroit, Dre Francoeur, c'est une déviation de l'objectif de cette commission parlementaire, qui est effectivement de se pencher sur l'amélioration de l'accès, et on a plutôt reconnu, dans le discours du ministre, son attitude de négociateur — antérieure — dont il a beaucoup de difficultés à se départir, au détriment de celle d'un ministre qui devrait avoir la préoccupation des patients, dans un juste état d'équilibre de performance et d'amélioration des choses, mais non pas un bras de fer et non pas essayer d'opposer les gens les uns contre les autres. C'est une stratégie qu'on utilise en négociation, mais pas quand on est un ministre de la Santé et qu'on est responsable de l'ensemble de la population du Québec.

Ceci étant dit, vous avez apporté, dans votre mémoire, des opportunités délaissées importantes, les pages 14, 15, 16. Vous en avez plusieurs qui m'apparaissent être des éléments très significatifs. On parle d'augmenter le temps opératoire. Ça, pour le commun des mortels, là, pour les gens chez eux, ils savent que, s'ils attendent, c'est parce qu'il y a des difficultés d'accès, s'ils attendent l'opération, c'est parce que l'accès à du temps de salle de chirurgie n'est pas nécessairement là, et vous parlez de besoins à ce niveau-là. Vous parlez également du problème des cliniques externes, où on veut réduire... Et il y a eu un article, que vous évoquez, dans la Gazette, la semaine dernière, où on parle de diminuer le travail des spécialistes au niveau des cliniques externes, ce qui va effectivement nuire énormément à l'accès, parce que les patients ont besoin de ce suivi-là.

Donc, je trouve que, dans votre mémoire, vous abordez des enjeux qui sont vraiment ceux que les citoyens du Québec constatent comme des obstacles à l'accès de leurs soins, au niveau des spécialistes. Moi, je vois, dans le projet de loi n° 20, un ministre qui demande à un médecin spécialiste, par exemple, de garantir qu'il va répondre à une demande de consultation à l'hôpital à l'intérieur de trois heures, entre 7 heures le matin et 17 heures, et je trouve qu'il y a une disproportion entre ce qui est placé dans le projet de loi n° 20, en termes d'impacts pour la population, et ce que vous, vous recommandez. Et d'ailleurs l'AQESSS avait aussi ouvert la possibilité que toute l'infrastructure, les échographies, les appareils puissent être disponibles les soirs et les fins de semaine pour la population pour améliorer concrètement l'accès.

Alors, j'aimerais vous entendre sur ce qui est demandé dans le projet de loi n° 20 par rapport aux enjeux majeurs que vous soulignez dans votre mémoire.

Mme Francoeur (Diane) : Alors, merci, Mme Lamarre. Tout d'abord, j'aimerais vous souligner que, même si tous les omnipraticiens sortent des hôpitaux, il n'y aura pas plus de temps opératoire, alors donc ça ne réglera en aucune façon le problème d'accès. Si vous demandez à quelqu'un, une personne âgée de 78 ans, qui prend sa préparation intestinale trois fois de suite, avec trois fois la chirurgie annulée, trois fois ses enfants qui sont obligés de prendre congé du travail, plus souvent les femmes, qui ont passé toutes leurs vacances à remettre des congés forcés, parce qu'ils ne veulent pas retourner au travail, les semaines étaient déjà réservées et les chirurgies étaient annulées, et encore annulées, et encore annulées, ça, ça parle aux citoyens beaucoup plus que le possible bras de fer, que je vous dirais, entre les omnipraticiens et les spécialistes.

Parce que, contrairement au temps où M. le ministre était président de la fédération, moi, je travaille avec Louis Godin, et on va en trouver, des solutions, parce qu'on veut travailler dans les hôpitaux. Et, pour nous, l'enjeu majeur tourne autour des plateaux techniques et humains. Et vous l'avez tout à fait mentionné : quand il manque de personnel, le chirurgien vient puis il s'en va faire ses dossiers aux archives, là, il ne voit pas de patients. On ne peut pas ajouter des patients, comme ça, le matin, séance tenante, pour diminuer les listes d'attente.

Lorsque les cliniques externes ne sont pas remplacées, parce que l'infirmière part en congé de maladie ou en congé de maternité... Vous savez, aujourd'hui, là, hein, on est le 17 mars, alors qu'est-ce qui se passe le 17 mars? On est dans le sprint avant le budget. Rien n'est remplacé dans les hôpitaux. Il faut qu'on rentre dans le budget le plus possible pour le 31, et ça, c'est des tas de services de moins pour la population. Nous, on veut travailler, mais on veut avoir accès à ces plateaux techniques qui font qu'on... Malheureusement, parfois, les délais augmentent. Et c'est clair qu'il y en a, des pistes de solution, et on est prêts à s'asseoir avec l'équipe du ministère pour en trouver, mais encore faut-il avoir la volonté réelle de vouloir régler les vrais problèmes et non pas vendre du bonheur aux citoyens pour éventuellement récolter des votes.

Face aux délais d'attente de trois heures dans les urgences, nous sommes tout à fait d'accord, premièrement, à régler ça. Premièrement, ce qu'on souhaiterait, c'est que les patients ne soient pas obligés d'aller... excusez-moi le terme, là, mais traîner à l'urgence pendant toute une journée pour être capables d'avoir des services.

L'accueil clinique était un projet justement qui évitait ça. On avait des organigrammes. Un problème, exemple, hémorragie digestive. Le patient doit être vu entre 24 et 72 heures. Les examens doivent être cédulés, le rendez-vous était prévu avec le médecin spécialiste, le patient retournait à son médecin de famille. Le projet, il est prêt, les organigrammes sont prêts, le financement est prêt, on est prêt à le financer nous-mêmes. Il est où, ce projet-là? Bien, il dort sur la tablette depuis l'année dernière.

Alors, il y en a, des solutions. Toutefois, d'obliger, avec une loi ou une pénalité financière, un chirurgien de laisser le ventre ouvert pour aller faire une consulte à l'urgence en dedans de trois heures nous semble assez grotesque, et on devrait être capables de trouver des solutions autres.

Le Président (M. Tanguay) : Oui, le collègue député de Rosemont.

M. Lisée : Merci. Bonjour, Dre Francoeur, vos collaborateurs. Bon, c'est assez... je trouve ça dommage que plutôt que d'avoir un échange sur la question qui est posée en ce moment au Québec, c'est-à-dire : Comment améliorer l'accessibilité aux soins et est-ce qu'il y a des solutions qui sont disponibles qui ne passeraient pas par des quotas et des pénalités?, on ait eu un genre de prénégociation, de positionnement de la part du ministre. Alors, il y a du temps qui a été gaspillé pour le bien public, malheureusement.

Maintenant, il est sûr que les Québécois considèrent qu'ils ont payé très cher, ces dernières années, en investissement général dans la santé et en investissement auprès des médecins, qui demandaient un rattrapage, et ils avaient un excellent négociateur, et ce qui a fait en sorte que ce rattrapage-là, bien, va être effectué avec le reste du pays.

Je comprends qu'il y a un débat de chiffres entre vous, qui vous fondez sur les sondages de Fraser, et le ministre, qui a fait une découpe particulière des données de la RAMQ pour arriver à des conclusions inverses sur le niveau de productivité, et je ne veux pas refaire ce débat-là aujourd'hui. Mais je vais quand même vous demander : On entend dire que, compte tenu du niveau de rémunération, qui est respectable, un certain nombre de médecins spécialistes et omnipraticiens peuvent prendre la décision de travailler moins parce que, même s'ils travaillent moins, leur niveau de rémunération est quand même très élevé, et qu'il y a effectivement une capacité non utilisée.

Si on prend juste cette variable-là, et je sais qu'il y en a plein d'autres, mais, si on prend cette variable-là, est-ce que vous nous dites, Dre Francoeur, que ça n'existe pas, ça, que ce problème-là est un produit de l'imagination du ministre, et que tout le monde travaille à temps plein, et qu'il n'y a donc pas de capacité non utilisée?

Mme Francoeur (Diane) : Alors, merci pour votre question, M. Lisée. Tout d'abord, on s'excuse de vous avoir donné notre mémoire ce matin. Vous trouverez, dans le mémoire, des chiffres qui expliquent très bien notre situation. Si on compare 2006 à 2014... Puis, vous savez, avec la régie, on a toujours les données les plus proches possible de l'épisode de soins, mais il y a un certain délai : trois mois de délai avant de facturer, les données doivent être colligées, etc., donc on est toujours un an, un an et demi en retard, mais ça donne quand même une bonne appréciation de la pratique comme telle. Lorsque nous avons regardé ces données-là, depuis 2006, il y a eu une augmentation de 20 % de médecins spécialistes et il y a eu une augmentation de 20 % des services qui ont été donnés aux citoyens, donc il n'y a pas eu de baisse. Cela dit, est-ce qu'il y a des personnes qui ont une activité qui a diminué? Oui. Est-ce qu'il y a des médecins spécialistes qui ont une activité marginale? Oui. Est-ce qu'on va encourager ça? Non. Nous, ce qu'on veut, c'est d'être capables de donner les services dans les hôpitaux.

Mais, lorsque vous dites : Les médecins spécialistes ont la liberté de choisir une pratique, je me permettrai de vous corriger en vous expliquant comment ça fonctionne dans les hôpitaux. Lorsque moi, j'ai commencé ma pratique, pour vous donner un exemple, j'opérais trois jours par semaine; lorsque je l'ai quitté l'année dernière, j'opérais un jour par mois. Mathématique simple, là : il y a un problème. Alors, on est obligés de partager avec les nouveaux les plateaux techniques, donc, lorsque nous, on s'engage à faire deux jours, trois jours-semaine de clinique externe, on doit être présent, les cliniques doivent être pleines. Alors, nous avons des obligations; on ne peut pas juste décider de travailler six mois par année, c'est impossible, dans les hôpitaux. Nous avons des obligations de garde, nous avons des obligations de bonne utilisation des ressources. D'ailleurs, on encourage les médecins spécialistes à s'impliquer davantage dans l'administration pour justement utiliser les ressources de façon efficiente.

• (11 h 50) •

Cela dit, certains médecins spécialistes peuvent décider d'avoir une pratique marginale en cabinet, et, justement, par la négociation, lorsque nous mettons de nouvelles mesures, ce sont des activités qui se font à l'hôpital, pour les médecins spécialistes qui travaillent dans les hôpitaux, et, les hôpitaux, je vous ferai remarquer qu'ils ne ferment jamais. Ils sont ouverts 24 heures par jour, sept jours par semaine, Noël, jour de l'An, fête des Mères, etc., et on veut s'assurer que les médecins spécialistes sont là en permanence. Et, comme je vous dis, il y a un très faible pourcentage, en médecine de spécialité, de médecins qui ont pu, en cabinet, avoir une pratique à la carte. Mais évidemment ils n'ont pas accès à toutes les mesures qui sont négociées.

Le Président (M. Tanguay) : En 20 secondes.

M. Lisée : Oui. On a eu des présentations, il y a deux semaines, sur le fait qu'aucune mesure de réforme ne peut être couronnée de succès si elle rencontre l'opposition farouche de tous les intervenants. Et c'est ce qui est le cas maintenant. Il y en a qui disent : Mais, puisque le sujet est maintenant sur la table, est-ce que ce serait possible de faire une table ronde, d'essayer de trouver conjointement des solutions au réel problème de l'accès? Et, si c'était proposé, est-ce que vous y participeriez?

Mme Francoeur (Diane) : Quand vous voulez.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant... Peut-être que vous aurez l'occasion, Dre Francoeur, de répondre dans le prochain bloc, qui appartient à notre collègue de Lévis pour huit minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Bonjour, Dre Francoeur, Dr Ferland, Me Bellavance, Mme Pelletier. J'imagine un peu votre réponse à la question du collègue, c'est-à-dire de s'asseoir à une même table et d'arriver avec des propositions qui satisferaient évidemment ceux que vous représentez, les médecins omnipraticiens, mais aussi qui apporteraient des résultats à l'ensemble de la population, qui, à travers ce projet de loi là, s'attend aussi à des changements. Alors, je ne vous laisserai pas énormément élaborer là-dessus, on pourra y revenir à travers mes questions, mais je comprends bien que vous êtes toute disposée, comme vous l'étiez, et vous le disiez, là, le 27, en journée, contrairement à ce qui s'est passé le 28 au matin. On se comprend bien là-dessus.

Dre Francoeur, parlons pour ceux qui nous écoutent et qui nous regardent et faisons un état de la situation. Des chiffres que nous avons obtenus indiquent que le bilan, au niveau de la chirurgie, actuellement... que 20 000 patients attendent depuis plus de six mois une chirurgie, que ce nombre-là stagne depuis 2009, 2010, que 7 000 attendent depuis plus d'un an, qu'il y a des problèmes criants, et vous en avez parlé, pour certaines chirurgies, dans certains hôpitaux particuliers. Je comprends qu'on est d'accord que cette situation-là, en fait que ce statu quo, que la situation actuelle, c'est inacceptable, et c'est votre volonté?

Mme Francoeur (Diane) : Alors, M. Paradis, tout d'abord, il y en a, des solutions, et, si on retire le projet de loi, nous, on est prêts à s'asseoir 24/7 autour d'une table, qu'elle soit ronde ou carrée, pour trouver des solutions, on en a plein, de solutions. En ce qui concerne les délais d'attente pour les chirurgies, il y a eu un exercice qui a été fait de concert entre la fédération et le ministère, en 2008, exercice qui a été extrêmement pertinent et efficace, parce que, dans certains centres hospitaliers... Il y avait un groupe qui s'est promené dans tout le Québec pour évaluer la performance des blocs opératoires, et, dans certains centres, on a réussi à augmenter la performance de 15 %. Ce n'est pas banal, là.

Alors, nous, nous sommes tout à fait d'accord que tous les patients, idéalement, devraient être opérés en dedans de six mois. On est prêts à trouver n'importe quelle solution. Maintenant, il y a des questions d'optimisation des salles d'opération qui sont déjà sur place, et ça, il faut qu'on travaille ensemble, il faut qu'on soit capables de s'asseoir avec le ministère, de refaire la visite des blocs, de revoir toute la liste, d'offrir aux patients qui sont sur les listes... Parce qu'il y a du ménage à faire, les listes ne sont pas toujours tout à fait à jour. Tous les patients qui sont en Floride sont encore sur la liste, même s'ils ne sont pas disponibles. On pourrait enlever les gens qui refusent, et, déjà là, la performance augmenterait sans aucun sou. Il faut juste la mettre à jour.

M. Paradis (Lévis) : Mais je comprends qu'il y a une collaboration, il y a du travail à faire, oui.

Mme Francoeur (Diane) : Tout à fait.

M. Paradis (Lévis) : Il y a des mesures qui existent, Dre Francoeur, vous nous le dites, et nous en sommes conscients. La Coalition avenir Québec défendait, en 2012, des positionnements concernant la santé. On reviendra un petit peu, si on a le temps, sur l'abolition des AMP, parce que, bon, ça a été fait de façon assez drastique entre, bon, la proposition du ministre et votre vision des choses. Je reviendrai là-dessus. Mais le mode de rémunération, travailler de façon interdisciplinaire, les corridors de services, les ententes cliniques... D'ailleurs, le ministre actuel défendait avec vigueur ces propositions-là. Il avait même dit des AMP que ça ferait passer les omnis de Lada à la formule 1, vous vous rappellerez, que ce serait une minirévolution, qu'on enlèverait enfin les menottes. Et il l'a dit, on l'a revu récemment, également, apporter ces propos-là.

Dans ce que je viens d'aborder... Et je ferai une parenthèse sur les AMP, parce que vous en avez beaucoup parlé, en disant : Si on vide carrément les hôpitaux, règle-t-on le problème? Est-ce que tous les omnis retourneront de façon efficace aussi en cabinet, compte tenu de leur pratique précédente? Est-ce que c'est envisageable, une abolition des AMP, mais graduellement, par cohorte? Est-ce que ce travail-là est faisable? Et vous l'avez dit un peu tout à l'heure : Il pourrait se réguler dans le temps sans que ce soit une position drastique pour un soir à son lendemain.

Mme Francoeur (Diane) : Alors, tout d'abord, permettez-moi de... Ce n'est pas que je ne veux pas vous donner de position de la fédération, mais ce n'est pas ma place de dire à Louis Godin quoi faire avec sa fédération, et je respecte le choix que les omnipraticiens font par rapport à leur profil de pratique, parce que, pour le médecin généraliste, pour attirer des jeunes dans cette profession-là, l'hospitalisation, les activités à l'hôpital sont des activités qui les intéressent beaucoup et qui attirent les jeunes vers la médecine générale. Donc, quelles sont les grandes lignes à donner à cette profession, c'est à eux de décider.

Cela dit, est-ce qu'il y a moyen de faire une transition? Ça fonctionne déjà dans plusieurs hôpitaux du Québec. Si vous regardez un gros centre comme Trois-Rivières, les médecins spécialistes sont médecins traitants; c'est faisable. Mais est-ce que c'est nécessaire de tout casser, de tout bousculer, de tout briser ce qui fonctionne maintenant, juste pour avoir raison? Ce n'est pas comme ça qu'on règle les problèmes du système de santé.

M. Paradis (Lévis) : O.K. Je comprends le positionnement et je comprends votre vision des choses. En fait, je comprends aussi que c'est potentiellement possible. Tout est dans la façon de le faire, tout est dans la recette.

Parlons de deux éléments qui sont intéressants et qui font partie des propositions dont je vous parlais il y a deux instants, et vous en avez parlé, les plateaux techniques, et tout ça. Au chapitre des corridors de services, des ententes cliniques qui permettraient peut-être d'alléger et de faire en sorte qu'on ne vive pas la situation que l'on connaît actuellement, votre vision, à la Fédération des médecins spécialistes?

Mme Francoeur (Diane) : Je suis contente, en fait, que vous souleviez ce point-là. Nous, on est tout à fait d'accord de travailler avec les infirmières, avec les pharmaciens. Vous savez, quand j'étais présidente des gynécologues, en 2006, j'avais créé une consultation, à la demande de l'infirmière, pour éviter justement que les femmes aient besoin d'aller faire le pied de grue à 5 heures du matin dans un sans rendez-vous pour avoir juste un papier de consultation, pour que les infirmières des CLSC puissent nous les référer directement. Ces actes sont là. Ils sont présents. On a des consultations en ORL de l'audiologiste, on a d'autres consultations avec d'autres professionnels, mais ils sont malheureusement sous-utilisés. Mais c'est quelque chose qu'encore une fois lorsqu'on s'assoit et on travaille ensemble on est capables de faire.

Une bonne partie de la pratique de la médecine spécialisée, souvent, malheureusement, est de faire une partie de la première ligne parce que les patients ne sont pas pris en charge encore par des médecins de famille et malheureusement vont souvent prendre la place, entre guillemets, de patients qui auraient besoin de voir les médecins spécialistes. Mais nous, nous sommes tout à fait ouverts de travailler avec les pharmaciens. Est-ce qu'on a besoin de revoir un patient pour renouveler? Malheureusement, il y a des réalités dans la vie qui font qu'une ordonnance peut être renouvelable pour un an. Il faut que le patient aille voir quelqu'un pour la renouveler. Est-ce qu'on ne pourrait pas travailler de concert avec les pharmaciens pour que les pharmaciens aient accès à un «fast track» qu'ils nous... qu'ils puissent nous envoyer les patients lorsqu'il y a un problème et renouveler tant que la condition est stable? Une hypertension qui a été contrôlée, pas besoin de voir le médecin spécialiste une fois par année pour renouveler ses médicaments, c'est du temps perdu. Mais pour changer ces choses-là, encore une fois, je me répète, il faut qu'on s'assoie et qu'on travaille ensemble. Ce n'est pas le projet de loi, ce ne sont pas les menottes, ce n'est pas le bâton, ce n'est pas la matraque qui vont régler tout ça.

M. Paradis (Lévis) : Ma dernière question, et rapidement, le temps doit filer, vous me dites : On n'a pas assez de plateaux techniques. Est-ce qu'il serait envisageable, dans certaines circonstances, d'élaborer des ententes avec des cliniques externes pour, par exemple, des chirurgies ambulatoires, permettant de faire ce que vous faisiez avant, c'est-à-dire de pouvoir opérer plus fréquemment que vous ne le faites maintenant en raison de ces problématiques-là?

Mme Francoeur (Diane) : Alors, tout à fait.

Le Président (M. Tanguay) : Pour une dizaine de secondes encore.

Mme Francoeur (Diane) : Oui. En ce qui concerne les plateaux techniques, vous savez, il y a des enjeux comme, par exemple, la clinique RocklandMD, qui va voir son contrat se terminer; la réponse, elle s'appelle : Le dossier des frais accessoires. Il faut avoir le courage de régler la composante technique. Je m'explique : on ne peut pas faire une chirurgie à l'extérieur de l'hôpital si on peut juste charger les médicaments; quelqu'un va devoir couvrir la portion de ce qu'on appelle... de frais techniques, qui est associée à l'achat de l'équipement, comme ça a été fait, par exemple, dans le dossier de la PMA.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, merci beaucoup. Nous cédons maintenant la parole à notre collègue de Mercier pour une période de trois minutes.

• (12 heures) •

M. Khadir : Mesdames messieurs, bienvenue. Dre Francoeur, c'est la première fois qu'on se voit, que je vous entends et que je vous rencontre en personne et, je pense même, la première fois qu'on se parle de vive voix. Soyez assurés que, vraiment, vous êtes tous et toutes bienvenus, malgré certaines... enfin, les apparences laissées, les impressions laissées par certains propos qui se sont échangés ici.

Vous connaissez sans doute aussi bien que mon collègue le ministre actuel de la Santé l'opposition farouche de Québec solidaire à certains corporatismes, surtout les corporatismes des élites économiques ou sociales, et nous, les médecins — moi, je suis un spécialiste — nous sommes, nous faisons partie des élites économiques, nous faisons partie, en termes de revenus par exemple, dans le 1 % des 4 millions de contribuables qui déclare des revenus au-dessus de 250 000 $ par année, hein? C'est 1 % de la population, nous faisons partie du 1 %. Donc, c'est sûr que, quand ces élites agissent de manière un peu trop corporatiste, comme ça a été souvent le cas dans le passé à la FMSQ, et particulièrement lorsque le ministre actuel était le président de la FMSQ, dans ses négociations, Québec solidaire, et moi comme son porte-parole, nous nous sommes érigés, nous avons dénoncé un certain nombre de ces choses-là. Mais je comprends que ce temps est révolu et que la FMSQ est animée de l'intention de collaborer, par exemple, de manière plus, je dirais... avec moins d'affrontement, plus dans un esprit de la préservation des services publics, de l'accessibilité, jusqu'à même rompre avec certaines traditions d'affrontement avec la FMOQ. Vous l'avez dit, vous collaborez avec le Dr Godin. Je suis très content de l'entendre dire.

Maintenant, il y a un certain nombre de propositions qui sont là. Je voudrais en rajouter quelques autres. Parce que vous avez dit, par exemple, que nous avons besoin d'un plus grand accès aux plateaux techniques, que nous avons besoin de personnel souvent qui... L'absence de personnel pour faire rouler les salles d'op empêche, que ça soit les salles d'op, endoscopie, ou les cliniques, d'opérer, donc tout ça va nécessiter des sous, des revenus, un financement que l'État actuellement n'a pas. Alors, je vous propose un certain nombre de choses, vous me direz si vous seriez éventuellement d'accord s'il y a une certaine initiative.

Pour baisser le coût des médicaments, la Colombie-Britannique, l'Ontario ont démontré qu'on peut aller chercher des économies de 500 millions à 1,5 milliard de dollars sur le coût des médicaments au Québec. Est-ce que vous serez prêt à soutenir une initiative en ce sens?

Le Président (M. Tanguay) : Une trentaine de secondes encore.

Mme Francoeur (Diane) : Alors, face à ce genre d'initiative, nous sommes déjà très impliqués. Vous savez, aujourd'hui, après la commission, je vais travailler aux achats regroupés où on sauve 20 millions et plus par année dans l'achat d'appareils. Les médicaments, c'est une question de temps, et ils devront être traités de la même façon.

M. Khadir : Parfait. Une autre solution. D'autres professionnels de la santé, des infirmières, des sages-femmes, des pharmaciens demandent de pouvoir exercer dans un certain nombre de champs de compétence qui leur sont refusés actuellement.

Le Président (M. Tanguay) : Dans quelques secondes.

M. Khadir : Seriez-vous d'accord pour montrer moins de résistance à leur implication?

Le Président (M. Tanguay) : En quelques secondes.

Mme Francoeur (Diane) : En quelques secondes, tout à fait. Nous avons fait un mémoire qui va en ce sens, et, pour nous, au contraire, ce sont des alliés qui nous permettent justement de nous adresser aux vraies pathologies, là. Nous sommes tout à fait ouverts à travailler en équipe.

M. Khadir : Parfait.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous remercions les représentantes, représentants de la Fédération des médecins spécialistes du Québec.

Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 3)

(Reprise à 16 h 25)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons donc poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée.

D'entrée de jeu, j'aimerais recevoir des collègues le consentement à ce que nous terminions à 18 h 30 plutôt que 18 heures afin, de façon équitable, de répartir le temps, dû à notre retard. Alors, y a-t-il consentement, 18 h 30? Y a-t-il consentement? Il y a consentement.

Alors, chers collègues, nous recevons aujourd'hui les représentantes, représentants de la Société canadienne de fertilité et d'andrologie. Alors, vous êtes les bienvenus à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation. Par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires.

Peut-être, s'il vous plaît, pour les fins d'enregistrement, de bien identifier chaque personne qui vous accompagne ainsi que leurs fonctions. Et, sans plus tarder, la parole est à vous.

Société canadienne de fertilité et d'andrologie (SCFA)

M. Mahutte (Neal) : Merci beaucoup. M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés membres de la commission, nous voulons d'abord vous remercier pour cette invitation à venir vous rencontrer. Je suis le Dr Neal Mahutte, président de la Société canadienne de fertilité et d'andrologie, qui représente tous les professionnels oeuvrant en procréation assistée au Canada. Je suis aussi le directeur médical du Centre de fertilité de Montréal.

Mme Carranza-Mamane (Belina) : Bonjour. Je suis Dre Belina Carranza-Mamane. Je suis chef du service de fertilité et endocrinologie de la reproduction du CHUS à Sherbrooke. Je travaille également à la clinique Procrea ainsi qu'au Centre de procréation assistée de Sainte-Justine.

M. Bissonnette (François) : Bonjour. Je suis Dr François Bissonnette, président de la société des fertologues du Québec, de la Société québécoise de fertilité et d'andrologie du Québec. Je travaille aussi au CHUM, je dirige la division de médecine et biologie de la reproduction à l'Université de Montréal et je suis directeur médical à Ovo.

Mme Joizil (Karine) : Bonjour. Je suis Me Karine Joizil, avocate chez Belleau, Lapointe, mais aussi maman de deux garçons issus de la fécondation in vitro.

M. Bissonnette (François) : Permettez-nous d'abord de dédier ce mémoire à Carole Rhéaume, une battante convaincue veillant aux intérêts des couples infertiles du Québec depuis de nombreuses années. Carole est décédée dans des circonstances tragiques le 8 mars dernier, et, par ce geste, nous souhaitons lui rendre hommage et reconnaître publiquement son énorme contribution à cette cause, qui lui était chère.

M. Mahutte (Neal) : Nous venons de présenter ce mémoire dans un esprit de collaboration. Au nom des médecins qui traitent les couples infertiles dans les différents centres de FIV au Québec, nous venons partager nos inquiétudes face au projet de loi dans sa forme actuelle et, surtout, nous souhaitons vous proposer des pistes de solution pour maintenir ce qu'il y a de bien dans ce programme tout en respectant le nouveau cadre budgétaire.

Le succès du programme résulte de la reconnaissance de l'infertilité comme une condition médicale, comme une maladie. Il résulte aussi de l'accès facilité aux traitements de procréation assistée et de la diminution rapide du taux de grossesses multiples associées aux traitements de fertilité.

Mme Carranza-Mamane (Belina) : Nos membres considèrent que ce projet de loi représente un recul considérable pour les couples infertiles et pour notre société parce qu'il n'est pas basé sur les recommandations de bonnes pratiques médicales. Notre spécialité est complexe et évolue très rapidement. De grandes avancées scientifiques ont été faites dans les 25 dernières années, et de nouvelles découvertes sont à venir.

Le choix du gouvernement d'imposer deux à trois ans de relations sexuelles et de favoriser l'utilisation de traitements moins efficaces comme les inséminations aura des impacts négatifs. De tels choix vont retarder l'accès à des soins appropriés, réduire le nombre de grossesses et créer de la souffrance inutile liée à une condition pour laquelle il existe des traitements efficaces.

Par ailleurs, nous sommes préoccupés par le risque d'une recrudescence de grossesses multiples non dues à la fécondation in vitro, mais plutôt à l'augmentation de l'utilisation de la stimulation ovarienne, avec ou sans insémination, chez les patientes qui ne peuvent pas se permettre de faire de la fécondation in vitro.

Nous vous demandons donc de dialoguer avec nous. Le programme actuel n'est pas parfait, mais le projet de loi n° 20 ne l'est pas non plus. Laissez-nous vous aider à maintenir ce qui est bien du programme tout en réduisant les coûts. À la suite de l'étude des chapitres sur la procréation assistée du projet de loi n° 20, la Société canadienne de fertilité et andrologie ainsi que la Société québécoise de fertilité et andrologie font les 10 recommandations suivantes.

M. Bissonnette (François) : Premièrement, maintenir le programme québécois de procréation assistée tout en introduisant des balises simples et fondées sur une expertise médicale.

Mme Carranza-Mamane (Belina) : À l'instar de la première recommandation du commissaire Salois, il faut maintenir l'accès à la fécondation in vitro pour les couples qui présentent une indication médicale. Avec un crédit d'impôt universel de 50 %, on traitait, en 2009, 75 % de moins de couples qu'actuellement.

M. Bissonnette (François) : Deuxièmement, maintenir les règles existantes quant au nombre d'embryons pouvant être transférés.

• (16 h 30) •

Mme Carranza-Mamane (Belina) : Les objectifs quant à la réduction des grossesses multiples ont été dépassés quelques mois après l'introduction du programme en 2010. Une baisse additionnelle du nombre d'embryons à transférer aura peu d'impact sur le taux de grossesses multiples et entraînera sans aucun doute une réduction des taux de grossesses issues de la fécondation in vitro. Il faut laisser la place au jugement clinique. Le transfert d'embryons multiples est indiqué dans certaines situations médicales bien précises. Pour le bien des patients, il est important que des spécialistes conservent leur droit d'exercer leur jugement médical. Au Québec, le problème des grossesses multiples associées à la fécondation in vitro est réglé avec la pratique actuelle.

M. Bissonnette (François) : Troisièmement, permettre le recours rapide à la fécondation in vitro lorsque médicalement indiqué.

Mme Carranza-Mamane (Belina) : Mondialement, la fécondation in vitro est reconnue comme le traitement de premier choix pour les facteurs tubaires et l'infertilité masculine sévère. Par ailleurs, de plus en plus d'études démontrent que la fécondation in vitro est le meilleur choix pour les femmes plus âgées, les femmes avec une réserve ovarienne diminuée et les femmes avec endométriose sévère. D'imposer un délai peut affecter négativement les chances de succès de la fécondation in vitro. C'est pour ces raisons qu'il relève de l'expertise médicale de juger de la vitesse de référence vers la fécondation in vitro en tenant compte des standards de pratique émis par le Collège des médecins. Et celle-ci ne devrait pas être limitée par la mise en oeuvre d'une loi aussi directive.

M. Bissonnette (François) : Quatrièmement, retirer l'interdiction discriminatoire basée sur l'âge de la patiente.

Mme Joizil (Karine) : Avec le projet de loi n° 20, le Québec serait le seul endroit au monde à imposer une limite d'âge absolue sur les traitements de fertilité. Or, la FIV, et particulièrement le recours au don d'ovule chez certaines patientes, est loin d'être un traitement futile ou un choix dont les risques surpassent les bénéfices. Il y a une grande différence entre refuser de payer pour des traitements de PMA et interdire l'accès total à ces traitements.

M. Bissonnette (François) : Cinquièmement, retirer l'interdiction de référer un couple pour des traitements dans une clinique en dehors du Québec.

Mme Joizil (Karine) : Cette mesure est préoccupante puisqu'elle place le médecin en contravention avec son code de déontologie. Ce projet de loi, je le réitère, contient des éléments très questionnables du point de vue des droits et libertés fondamentaux.

M. Bissonnette (François) : Sixièmement, impliquer la Société québécoise de fertilité et d'andrologie, les acteurs détenant l'expertise médicale appropriée, dans la gestion du programme québécois de procréation assistée.

Mme Carranza-Mamane (Belina) : Afin de trouver des pistes de solution pour diminuer les coûts du programme, il nous apparaît avantageux pour le ministère d'impliquer les médecins qui oeuvrent sur le terrain. Nous souhaitons être impliqués pour offrir le meilleur accès à des soins de qualité tout en respectant le cadre budgétaire jugé nécessaire.

M. Bissonnette (François) : Septièmement, négocier avec les compagnies pharmaceutiques une diminution des coûts des médicaments.

Mme Carranza-Mamane (Belina) : Les médicaments représentent plus du tiers des coûts dans les cycles de fécondation in vitro. Puisque le gouvernement peut maintenant prévoir avec plus de précision le volume d'activité, il serait opportun de négocier avec les compagnies pharmaceutiques une révision des tarifs.

M. Bissonnette (François) : Huitièmement, corriger les inéquités quant à l'accessibilité au traitement selon le principe de l'universalité des soins de santé qui prévaut au Québec.

Mme Carranza-Mamane (Belina) : L'infertilité est une maladie, et les actes effectués pour la corriger, incluant la fécondation in vitro, sont des actes médicaux. Il faut maintenir l'accès universel à ces traitements spécialisés.

M. Bissonnette (François) : Neuvièmement, mettre en place une plateforme de gouvernance transparente entre tous les établissements de procréation médicalement assistée et les responsables du ministère, enlever les mesures punitives envers les médecins et les centres de PMA, renouveler automatiquement un permis de PMA si les standards reconnus de qualité sont maintenus et collaborer avec le registre CARTR-BORN.

Mme Carranza-Mamane (Belina) : Cette plateforme de gouvernance longuement souhaitée facilitera la saine gestion du programme et permettra de faire face plus facilement aux patients ayant des requêtes qui nécessitent des réflexions éthiques. Le registre CARTR-BORN existe, et les données qu'il contient pourront bonifier notre réflexion.

M. Bissonnette (François) : Et, dixièmement, enlever les dispositions reliées à l'évaluation psychologique dans les cas de reproduction assistée impliquant une tierce partie, car cela fait déjà partie des soins de PMA depuis des années.

Mme Carranza-Mamane (Belina) : S'il y a des inquiétudes par rapport à la prise en charge actuelle de ces cas, nous croyons que c'est au Collège des médecins d'émettre des recommandations et de s'assurer que les standards de pratiques soient respectés.

M. Bissonnette (François) : La mise en place du programme québécois de procréation médicalement assistée a généré plusieurs retombées positives pour notre société. Le Québec jouit d'une reconnaissance mondiale, étant le premier endroit en Amérique du Nord à avoir suivi de nombreux autres pays européens et subventionné la fécondation in vitro, tout en émettant des balises flexibles pour limiter le taux de grossesses multiples. Il ne faut surtout pas détruire ce qui a été fait.

Par contre, à la suite de la mise en place d'un programme, dans un contexte de remise en question des coûts, d'ajustement de la couverture publique en fonction des besoins et du budget, les experts du milieu souhaitent travailler avec les autorités compétentes au profit des couples infertiles et de la société québécoise afin de faire les meilleurs choix. Ainsi, à moyen terme, ce programme ne constituera pas une dépense, mais un investissement qui aura l'accessibilité sociale souhaitée.

En terminant, si le gouvernement doit diminuer les coûts, il est souhaitable de définir de nouveaux critères d'admissibilité au programme public basés sur une indication médicale et des chances raisonnables de grossesse, car cela se fait dans plusieurs pays. Les nouveaux programmes de la RAMQ pourraient, par exemple : limiter la couverture par la RAMQ aux femmes de moins de 40 ans, exclure les cas où il y a eu une procédure de stérilisation sur un des partenaires, se limiter à trois cycles de FIV, définir un cycle comme un prélèvement d'ovules. Avec ces critères d'admissibilité, on peut estimer que le gouvernement aurait subventionné 3 227 cycles frais de moins en 2013, alors qu'il n'y aurait eu que 138 bébés de moins, soit une baisse de 11 %. Nous estimons que le programme pourrait maintenir un accès juste et équitable en respectant les balises budgétaires imposées. Je termine en disant : Une société qui n'investit plus dans ses enfants n'a pas d'avenir. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant débuter la période d'échange avec les parlementaires.

À la demande du ministre, je vous ai accordé 30 secondes de plus, évidemment, pour vous permettre de conclure. Alors, je réduirai son temps à 13 minutes. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Dr Mahutte, Dr Mamane, Dr Bissonnette, Me Joizil, bienvenue. Merci d'avoir pris le temps de venir nous présenter votre mémoire et vos vues sur la situation. Là, on a moins le temps que d'habitude, alors, je ne veux pas faire de laïus, je vais aller directement au point pour vous poser un certain nombre de questions.

Vous avez fait les évaluations, si je comprends bien de votre dernier commentaire, sur les économies potentielles. Est-ce que je comprends ça?

M. Bissonnette (François) : Tout à fait.

M. Barrette : Ils sont dans le mémoire?

M. Bissonnette (François) : Ils sont dans le mémoire.

M. Barrette : Oui. Écoutez... Et là je suis bien désolé, parce que je l'ai eu à la dernière minute et puis je n'ai pas eu le temps de faire le tour du mémoire, mais vous estimez les économies à quelle hauteur?

M. Bissonnette (François) : Nous estimons qu'elles pourraient aller jusqu'à 42 % de cycles de moins. Et ce que nous souhaitons, c'est collaborer avec vous, parce que, pour nous, les balises, ce sont des balises d'ordre budgétaire, et nous sommes en mesure de vous aider à prendre les meilleures décisions au niveau budgétaire.

M. Barrette : O.K. Je vais en prendre connaissance avec intérêt. S'il y a d'autres chemins pour aller chercher les mêmes économies, je n'ai pas vraiment... c'est ouvert à la discussion. C'est à ça que servent les commissions parlementaires, comme j'ai dit ce matin à d'autres groupes. Alors, c'est ça, l'utilité. Alors, je vais en prendre connaissance et les prendre en considération avec intérêt.

Maintenant, à propos des éléments que vous avez abordés, j'aimerais ça en aborder moi aussi et d'avoir certaines précisions à un certain nombre. Puis vous avez une expertise, là, hein, puis je vais faire un seul commentaire éditorial, là : C'est sûr que ce que vous faites, ce sont des prouesses techniques qui ont un grand impact clinique, donc on convient de ça. Elles ont un coût, et là je ne veux pas faire... entrer dans le débat de la justification de l'avoir ou non, là, le programme public, mais il n'en reste pas moins que je suis d'accord avec vous sur un point : Il y a une évolution technologique, technique, qui fait qu'on arrive à briser des barrières qu'on n'aurait jamais pu penser briser il y a 20 ans. Et ça, c'est à votre crédit, et je le reconnais.

Alors, dans cette optique, j'aimerais ça que vous élaboriez dans votre vision sur la possibilité d'avoir un contrôle maximal de la sécurité de la mère et de l'enfant pour les femmes au-dessus de 42 ans. Le principe du 42 ans n'est pas un principe qui a été mis en place pour des raisons de budget; c'est un principe qui a été mis en place d'abord et avant tout pour des raisons que je mettrai dans la grande catégorie de sécurité. Mais je comprends des interventions qui ont été faites à date en commission parlementaire que beaucoup d'entre vous — «d'entre vous» au sens général du terme, là — êtes d'avis qu'il est possible, dans certaines circonstances, de justifier, sur le plan de la sécurité de la mère et de l'enfant, de passer au-delà de 42 ans. Il doit quand même y avoir une limite, là, je ne pense pas que vous favorisiez le cas historique d'avoir une fécondation in vitro à 69 ans, là, mais pourriez-vous nous parler des balises que vous verriez qui garantiraient la sécurité?

M. Bissonnette (François) : Je pense...

M. Barrette : En commençant par me dire : Êtes-vous d'accord à ce que ça ne soit pas une ouverture totale au-delà de 42 ans?

M. Bissonnette (François) : Je pense qu'à chaque fois qu'on prend une décision on évalue les risques pour la patiente. Ce qui est malheureux, c'est qu'il a été question de limiter l'âge de la patiente à 42 ans. Or, vous avez eu des gens à votre commission, plusieurs spécialistes en GARE, en périnatalogie, qui vous ont confirmé qu'une grossesse après 40 ans, ce n'était pas une grossesse nécessairement à risque.

Pour vous replacer dans des chiffres — je sais que vous aimez les chiffres — je vous dirais qu'au Canada dans les 15 dernières années il y a une mortalité maternelle pour les femmes en haut de 40 ans, c'est 23 décès par 100 000 grossesses. Écoutez, ça paraît peut-être beaucoup, mais ça veut dire 12 mortalités maternelles à la grandeur du Canada par année. C'est ça dont on parle pour les grossesses en haut de 40 ans.

Pour vous situer et mettre ça en perspective, une prothèse du genou implique une mortalité associée à cette chirurgie-là de l'ordre de, en fait, 200 pour 100 000. Et, lorsqu'on parle d'une prothèse de hanche, encore une chirurgie élective, on parle de 800 pour 100 000. Alors, vous comprendrez que, lorsque j'entends que c'est interdit ou on va interdire à une femme de procréer après 42 ans, je ne peux pas suivre. Et je vous dis : Oui, ça prend une évaluation médicale, mais ça peut se faire de façon sécuritaire.

• (16 h 40) •

Mme Carranza-Mamane (Belina) : Moi, j'aimerais...

M. Barrette : Mais, si vous me le permettez, je vous renverrais la balle, parce que là on aborde un aspect purement scientifique de la chose : le 23 par 100 000, il ne faut pas l'opposer à la prothèse de hanche ou à la prothèse de genoux; il faut l'opposer à la grossesse elle-même en bas de 42 ans.

Mme Carranza-Mamane (Belina) : Moi, j'aurais peut-être un commentaire là-dessus.

M. Barrette : Et il est combien, aujourd'hui, le taux de mortalité?

Mme Carranza-Mamane (Belina) : Le taux global est de sept par 100 000, si je ne me trompe pas.

M. Barrette : Alors, quand on passe de sept par 100 000, c'est trois fois plus.

Mme Carranza-Mamane (Belina) : ...

M. Barrette : Et, si vous me permettez, et vous savez comme moi que, dans des études prospectives, lorsqu'on a un triplement d'un taux de complications de mortalité... il y a des médicaments qui sont sortis du marché rien que là-dessus, là. Moi, je peux vous citer un nombre de médicaments qu'on a doublé le taux de mortalité ou de complications qu'on a retirés du marché, puis on est passés de 0,8 à 1,6 %.

Mme Carranza-Mamane (Belina) : Moi, j'aimerais peut-être juste revenir à votre question, parce que votre question était quand même de savoir qu'est-ce qui pourrait être mis en place pour rendre ces grossesses-là sécuritaires.

M. Barrette : Oui. C'est ça, la question pour moi.

Mme Carranza-Mamane (Belina) : C'était ça, la question. Je pense que dans n'importe quoi qu'on fait comme médecins, nous particulièrement, en fertilité, il faut se rappeler que, quand on évalue la patiente la première fois, on évalue, oui, ses causes d'infertilité, mais on évalue aussi son risque obstétrical. Et il n'y a pas juste l'âge qui est un risque. Comme Dre Girard vous l'a dit, elle préférerait bien mieux avoir une patiente de 42 ans en santé qu'une femme jeune, obèse, diabétique, hypertendue. C'est toutes des choses qu'on évalue et, dans le processus, avant de débuter les traitements, c'est pris en charge par les médecins de diminuer les risques. Donc, on va conseiller aux femmes, par exemple, d'arrêter de fumer, parce qu'arrêter de fumer aussi, c'est risqué, en grossesse, ça pose des risques pour l'enfant. Je pense que c'est quelque chose qui relève de la bonne pratique médicale, et la bonne pratique médicale, elle est évaluée par le Collège des médecins. Je ne pense pas que c'est au sein d'une loi que ça devrait être établi, des critères de sécurité pour les femmes. Ces balises-là, on les respecte déjà dans notre pratique actuelle.

M. Barrette : O.K. Je comprends ce que vous me dites. Et d'ailleurs la raison pour laquelle je vous pose la question, c'est à cause effectivement de l'intervention du Dre Girard. Et là je vous soumettrai que, comme législateurs, on a quand même la responsabilité de la décision de laisser aller une activité médicale qui triple le risque de mortalité. Ça, c'est les chiffres que vous venez de me donner. Et ce n'est pas rien, là, tripler. Je comprends que 23... Moi, pour moi, là, 23 par 100 000, ce n'est pas anodin quand la référence est 7, qui est le chiffre que vous avez donné, là.

Mme Carranza-Mamane (Belina) : Je comprends, mais...

M. Barrette : Mais je vais vous laisser aller, là, parce que c'est vraiment une question qui est importante : Est-ce qu'il existe donc suffisamment de balises pour limiter raisonnablement l'accès à la procédure au-delà de 42 ans ou est-ce que, si on fait une modification dans le projet de loi, ça va être ouvert complètement?

Mme Carranza-Mamane (Belina) : Une évaluation médicale est déjà faite pour ces patientes-là. Donc, la façon qu'on limite les risques, c'est en faisant une évaluation médicale adéquate. Si elles ont d'autres facteurs de risque, on les fait évaluer. Et je vous dirais qu'on n'empêche pas des femmes... Le 23 par 100 000, c'est aussi des femmes qui n'ont pas d'infertilité. Est-ce qu'on va empêcher des femmes de plus de 42 ans de concevoir de façon naturelle? Je ne pense pas. Je pense qu'on va gérer les risques qu'on a dans la situation qu'on a. Et, s'il y a des risques qu'on peut améliorer, on va les améliorer. Puis, s'il y en a qu'on ne peut pas améliorer, bien, on fait avec. Puis, ça, c'est vrai pour tout en médecine.

M. Mahutte (Neal) : Et pourquoi choisir 42 ou 43? Qu'est-ce qui est magique, qui arrive à 43? Il n'y a rien, hein? Quand on regarde le taux de natalité, c'est une progression graduelle, hein? Donc, pourquoi on choisit 43? Pourquoi pas 44 ou 45?

Dans le monde entier, il n'y a pas un pays qui choisit cette... La majorité, ils disent : O.K., la bonne pratique médicale, c'est arrêter environ à l'âge de la ménopause naturelle si la femme est en bonne santé, qu'il n'y a pas des gros problèmes médicaux.

M. Barrette : Je ne veux pas refaire le débat qui a amené le Commissaire à la santé et au bien-être à déposer un rapport de 250 pages où lui-même a posé la question et s'est posé la question. Et il est allé évidemment dans le sens que vous dites, là : Il n'y en a pas, d'âge absolu. À un moment donné — et je le cite à peu près — il est raisonnable pour un gouvernement de statuer. 42, 43, 44, il n'y a pas de vérité absolue, on en convient, mais, à un moment donné, il est normal de statuer. C'était l'opinion du Commissaire à la santé et au bien-être qu'on a reprise. Et là ça ne sert à rien, honnêtement, en ce qui me concerne, de faire ce débat-là. Je pense qu'il y a un débat à faire, je suis conscient de la chose, et c'est la raison pour laquelle il y a ces rencontres-là sur la limitation absolue à 42 ans, mais, à un moment donné, il faut mettre un âge. Et là je comprends que vous voudriez qu'il n'y ait pas de limite. Ce n'est pas nécessairement l'opinion de tout le monde.

Revenons au Commissaire à la santé et au bien-être. Vous nous avez dit il y a quelques instants que vous ne voyez pas l'intérêt de l'évaluation psychologique. Bon. Le Commissaire à la santé et au bien-être, lui, la voyait. Puis là il ne me reste pas beaucoup de temps, ça fait que je vais vous amener sur un ou deux éléments supplémentaires pour que vous puissiez avoir le temps de répondre.

Vous avez beaucoup insisté sur le fait qu'on s'adresse à l'infertilité médicale. Or, le Commissaire à la santé et au bien-être, lui, a introduit la notion d'infertilité dite sociale, qui est un terme que lui a mis de l'avant et puis qui est devenu un peu courant dans le débat. Sur le plan juridique... Vous nous proposez beaucoup de parler d'infertilité médicale, mais avez-vous des opinions de nature juridique? Je sais que Me Joizil, vous êtes évidemment avocate, ça fait que vous avez certainement une opinion. N'y a-t-il pas là un problème, au sens juridique du terme, de discrimination qui fait que l'infertilité médicale, si on s'adresse au sujet sur cette base-là seulement, on tombe dans un autre débat?

M. Bissonnette (François) : M. le Président, j'aimerais mieux comprendre la question. Est-ce qu'on se réfère ici aux traitements pour les couples femme-femme, les couples homme-homme? Est-ce que c'est à ça que vous voulez...

M. Barrette : Oui, oui. L'infertilité qualifiée de sociale.

M. Bissonnette (François) : Écoutez, M. le Président, je vous dirais que pour nous, nous, la préoccupation, c'est de niveau médical. Pour ce qui est du traitement pour les couples hommes-hommes, les couples femmes-femmes, les femmes célibataires, on considère qu'elles ont besoin, pour procréer de façon sécuritaire, d'avoir accès aux cliniques. Ça demeure au gouvernement de décider si cet accès aux cliniques doit se faire à l'intérieur d'un budget subventionné par l'État ou non, et ce n'est pas à nous de décider de cette... de prendre cette décision.

M. Barrette : Mais elle a un coût, vous comprenez, et, chez nous, ça... parce que, dans une certaine mesure, vous émettez une critique de ces mesures-là, mais les critiques ont un fondement qui est juridique.

M. Bissonnette (François) : M. le Président, je n'émets aucune critique. Je dis tout simplement que, pour avoir recours et procréer de façon sécuritaire, il faut avoir accès aux cliniques. Maintenant, pour ce qui est de la couverture de la prise en charge, c'est au gouvernement de décider, et moi, je n'ai pas à critiquer ou à donner une opinion.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant céder la parole à notre collègue de Taillon pour un bloc de huit minutes.

• (16 h 50) •

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue, Dr Mahutte, Dr Bissonnette, Dre Carranza et Mme Joizil. J'apprécie beaucoup le travail que vous avez fait parce que vous avez fait une démarche de concision, vous nous avez résumé une dizaine de propositions. Et, à la lumière de ça, on se rend compte que, dans certains points, vous êtes d'accord avec le projet de loi n° 20, et je pense que ça, c'est intéressant aussi d'avoir effectivement les éléments sur lesquels vous êtes d'accord. Donc, en 2°, vous dites : «Maintenir les règles existantes quant au nombre d'embryons pouvant être transférés.» Alors, vous êtes d'accord avec ce qui est là ou...

Mme Carranza-Mamane (Belina) : On parlait du nombre d'embryons tel qu'actuellement.

Mme Lamarre : C'est ça, pas le projet de loi qui les transforme.

Mme Carranza-Mamane (Belina) : Parce que le projet de loi n° 20 parle de limiter encore plus le nombre d'embryons à transférer.

Mme Lamarre : D'accord. Donc, vous recommandez le statu quo par rapport au projet de loi qui vient interférer dans cette...

M. Bissonnette (François) : M. le Président, ce qu'on dit, c'est qu'actuellement le problème des grossesses multiples est réglé. Il n'y a aucune justification pour changer la loi et arriver avec une loi coercitive qui changerait la donne, alors qu'il n'y a pas de problème.

Mme Lamarre : Et ça, ça a été rapporté beaucoup, la diminution des grossesses compliquées. Il y a eu un impact rapide après l'instauration du processus. En fait, moi, ce qui me frappe, c'est que, dans beaucoup de vos recommandations, vous revenez à la distinction entre ce qui appartient à des lignes directrices de traitement, qui devraient être recommandées par le Collège des médecins du Québec, et ce que la loi essaie d'imposer. Et, puisqu'il y a énormément d'évolution dans ce dossier-là au niveau des données probantes, eh bien, c'est très risqué de mettre ce genre de contrainte là dans une loi qui a un caractère très formel, qui prend parfois des années à être modifiée.

Donc, moi, je regarde, là, les recommandations 2, 3, 5 — vous en avez plusieurs — qui disent tout simplement : Écoutez, on n'est pas contre des balises qui nous ont été clairement signifiées par le commissaire, et ça, nous, on est d'accord aussi, il faut plus de balises, mais vous dites : Ces balises-là, elles devraient être laissées dans le cadre de lignes directrices de traitement d'un organisme, comme le Collège des médecins, et non pas incluses dans une loi. Est-ce que c'est bien ce que vous représentez, ce que vous demandez?

M. Bissonnette (François) : C'est tout à fait ce qu'on représente. Et ce qu'on souhaite, c'est une nouvelle gouvernance. On parle ici d'impliquer les vrais experts, que nous sommes, ceux qui fournissent les services à la population. On ne parle pas d'impliquer des chercheurs à la retraite qui n'ont jamais vu d'embryon humain; on ne parle pas d'impliquer des vétérinaires; on ne parle pas d'avoir des conseillers qui vont recommander d'augmenter le nombre de relations sexuelles ou encore de cesser les traitements à l'âge de 42 ans. On représente les vrais experts et nous sommes convaincus que nous pouvons aider le gouvernement à prendre des meilleures décisions pour maximiser l'efficience dans le contexte budgétaire actuel. Laissez-nous vous aider! Il faut avoir cette nouvelle gouvernance pour faire face aux nombreuses demandes des patients infertiles et des médecins.

Mme Lamarre : On apprécie beaucoup cette offre que vous nous faites, de vouloir nous aider. Nous, on est assez d'accord pour que vous nous aidiez, là, c'est le ministre que vous devez convaincre. Je veux juste vous dire, l'indication... Vous faites quand même référence, là, à... Il y a un autre enjeu. On vient tantôt de parler d'une situation où on souhaite avoir des Québécois d'adoption parce que la population du Québec a besoin d'augmenter au niveau démographique, et la procréation médicalement assistée est une belle façon, aussi, de contribuer. On a besoin de toutes les façons pour augmenter...

Vous parlez d'une diminution d'accès avec les crédits d'impôt, en tout cas, d'une augmentation après qu'on ait changé de modalité de facturation ou de contribution. On doit quand même, là, diminuer les coûts là-dessus. Donc, quelles sont vos recommandations précises par rapport à des façons de mieux baliser tout en... par rapport aussi à l'impact que vous avez peut-être observé ailleurs lorsqu'on applique des crédits d'impôt par rapport à lorsqu'on rembourse d'emblée des traitements?

Mme Carranza-Mamane (Belina) : Je pense qu'on l'a déjà vécu, hein, avant 2010. En fait, c'était vraiment un crédit d'impôt qui était donné, c'était un crédit d'impôt, si on se souvient bien, de 50 % qui était universel dans tous les cas. Et ce qu'on voit actuellement c'est qu'à l'époque on traitait 75 % moins de couples qu'on traite actuellement. Donc, il est clair que, si on revient à un crédit d'impôt qui est maintenant encore moins généreux qu'il ne l'était avant 2010, l'accessibilité va diminuer.

Qu'est-ce qu'on peut faire pour ça? Nous, on pense que la meilleure solution, ce serait de maintenir le programme tel que financé par la RAMQ, mais de le baliser. En mettant des balises qui sont basées sur des opinions d'experts et sur des évidences médicales, on peut réduire de façon très significative les coûts du programme tout en maintenant une accessibilité pour les couples qui en ont besoin.

M. Bissonnette (François) : M. le Président, je voudrais rappeler au gouvernement que, quand il a été question de réduire le problème des grossesses multiples, on a participé, on est arrivés avec solutions et on a réglé le problème plus vite et mieux que partout dans le monde. On est encore cités comme un exemple et on a réussi, dans les trois premiers mois du programme, à diminuer le taux de grossesses multiples à ce qu'il était, autour de 30 %, à moins que 7 % en trois mois. Je pense que l'on a l'historique pour démontrer qu'on ne fait pas les choses à peu près. Ce qu'on vous demande, c'est de participer, et on est capables, avec vous, de vous aider à prendre les meilleures décisions dans le cadre budgétaire qui va nous être imposé.

Mme Lamarre : On a très peu de temps, alors je... Dans le projet de loi original qui a été adopté sous le gouvernement libéral, il y avait la formation, la constitution d'un registre. Ce registre-là n'a pas été mis en place. Est-ce qu'il aurait permis, selon vous, de détecter de façon plus rapide des écarts ou des déviations au niveau du programme? Et là, dans votre mémoire, vous faites référence à un registre qui existe, qui est un registre canadien, je crois. Est-ce que vous pouvez nous dire de quelle façon le registre, s'il avait été conçu et suivi, vous aurait permis... Parce que, là, vous nous demandez de vous faire confiance, mais donnez-nous des exemples de comment on aurait pu voir ça.

M. Bissonnette (François) : Très rapidement, M. le Président, ce registre est un registre canadien qui collige tous les cycles de fécondation in vitro au Canada depuis 15 ans. Ce registre-là a été financé par les directeurs de cliniques partout au Canada. Le registre s'est joint à BORN, qui est un organisme provincial qui nous permet, par son statut de registre, de connecter avec les différentes autres bases de données. Maintenant, grâce à BORN, nous avons la capacité d'identifier chacun des embryons de façon unique et de pouvoir le suivre jusqu'à l'accouchement — donc, base de données au niveau des salles d'accouchement — mais, par la suite, dans toutes les... par exemple, les cliniques de périnatalogie, les cliniques spécialisées en néonatologie. On peut suivre un embryon jusqu'à l'université.

Écoutez, c'est une base de données qui est un exemple au niveau mondial et ça va répondre à nos questions qu'on demande depuis un bon moment : Est-ce qu'on peut savoir qu'est-ce qui se passe avec ces embryons-là? Est-ce qu'on peut être sûr de l'innocuité au niveau de nos médicaments? Est-ce qu'on peut suivre ces bébés-là plus qu'à la naissance? Et on l'a actuellement, cette base de données là.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ceci met fin à l'échange avec notre collègue de Taillon.

Je cède maintenant la parole pour 5 min 30 s au collègue de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Dr Mahutte, Dr Bissonnette, Dr Carranza, Mme Joizil, merci d'être là. Peut-être continuer un peu, parce que c'est intéressant. Vous dites : On a des outils nous permettant de plus que valider, de se rendre compte et de faire en sorte qu'il puisse y avoir des suivis maximisant l'efficience, là, de ce qui se fait présentement.

M. Bissonnette (François) : Alors, c'est exactement ce qu'on a fait. En fait, dès le départ, on a approché la santé publique ici, parce qu'avec la naissance de ce programme-là on avait une opportunité de suivre ces bébés-là. Nous, notre intérêt, c'est de savoir, plus loin que la naissance, qu'est-ce qui se passe. Eh bien, avec BORN, à très faible coût, on est capables de connecter maintenant les embryons au suivi et d'avoir ces données-là. Malheureusement, au Québec, on n'a pas suivi l'exemple de l'Ontario et on pourrait le faire à très, très faible coût.

Toutes les cliniques québécoises participent actuellement à BORN. Le registre, il existe. C'est comme ça qu'on a des données qu'on est prêts à partager avec le gouvernement. C'est pour ça qu'on a beaucoup plus de connaissances. Je vous dirais que le programme, dans sa mise en place, le gouvernement n'avait aucune notion de ce qu'était le nombre de grossesses multiples, et c'est nous qui avons publié ces résultats-là pour informer le gouvernement du grand succès du programme.

Bien, cette base de données là, arrêtez de dire qu'on va la réinventer : elle existe. Ce qu'on vous dit : Non seulement elle existe, il suffirait de très peu de fonds publics pour la connecter. Malheureusement, au Québec, on n'est pas aussi bien organisés dans les salles d'accouchement, et les registres de périnatalogie ne sont pas à la fine pointe. Mais là aussi on aurait des progrès à faire. Et donc, avec un investissement minime, on répondrait à ce que le commissaire Salois a demandé, à ce que le collège demande, à ce que l'on demande. Et le gouvernement n'a qu'à prendre la bonne décision, et, là encore, je pense qu'on peut l'aider dans ses choix budgétaires.

• (17 heures) •

M. Paradis (Lévis) : Le temps file rapidement, puis on en a moins qu'à l'habitude, mais vous êtes assez précis dans vos commentaires. Au-delà de... si je comprends, vous avez besoin d'indicateurs, vous en identifiez, mais ça fait partie des outils et de ces balises qui pourraient faire en sorte qu'on puisse conserver le programme tel qu'il est, mais de le resserrer, permettant certaines économies. Je comprends bien ce que vous nous dites depuis le début? Je ne me trompe pas vraiment?

Vous dites que le problème de grossesses multiples est réglé. Le programme a porté ses fruits. Et, si on change la donne, tel que dans le projet proposé, le p.l. n° 20, il va se passer quoi?

M. Bissonnette (François) : Bien, le problème, c'est qu'on a atteint l'objectif au niveau des grossesses multiples, et là, si on restreint encore plus, ça va porter des coûts, ça va être pénalisant pour les patientes, qui vont devoir se limiter à un seul embryon, faire plus de cycles, alors que la capacité de s'implanter de l'embryon n'est pas là. Ce n'est pas une bonne décision, et, là encore, c'est l'expertise médicale qui devrait prévaloir. Nous, on est capables de vous démontrer que le problème des grossesses multiples, il n'a pas besoin de loi pour être réglé, le Québec fait mieux que partout ailleurs dans le monde, et ça, ce n'est pas près de changer. Et donc ce qu'on dit : Pas besoin d'une loi discriminatoire, pas besoin de changer les règles. Et, sinon, expliquez-nous quelle est la raison, quelle est la justification pour faire ces changements-là.

Mme Carranza-Mamane (Belina) : Moi, je rajouterais un point. Votre question était de savoir qu'est-ce que le projet de loi va changer. Ça va changer aussi que les gens qui n'ont pas les moyens de payer la fécondation in vitro vont utiliser d'autres traitements, comme la surovulation, par exemple, beaucoup plus longtemps. Et c'est dans ces traitements-là qu'on a encore du travail à faire par rapport au taux de grossesses multiples. Donc, qu'est-ce qui va arriver, c'est qu'il va y avoir un effet pervers, où on va augmenter le nombre de grossesses multiples issues de la surovulation, et c'est des coûts qu'on ne verra pas, parce que ce n'est pas des coûts qui viennent dans des budgets, mais il va y avoir beaucoup plus de grossesses multiples issues de traitements de fertilité qu'il y en a actuellement.

M. Paradis (Lévis) : Je me permettrai une dernière question parce que c'est à peu près le temps qu'il nous restera, mais quel est l'effet actuellement? Votre vision des choses, vous la partagez, il y a un esprit scientifique, il y a une notion médicale à travers ça.

Vous côtoyez... Mme Joizil, vous en êtes. Donc, vous êtes une maman, vous l'avez dit, également. Il y a tout cet aspect-là pour ceux et celles qui nous regardent et nous écoutent aussi, des gens qui souhaiteraient pouvoir fonder une famille, des gens qui s'inquiètent du fait que, s'il y a déjà un enfant, ça les discrédite du fait de pouvoir continuer à... bon, etc.

Mme Joizil (Karine) : ...discrimination, une autre discrimination.

M. Paradis (Lévis) : Quelle est la perception de ceux à qui vous parlez, des mamans comme vous et de vos clientes et clients?

Mme Joizil (Karine) : Ils ont la perception qu'ils sont abandonnés par leur gouvernement. Ils ont la perception que ce sont des citoyens de deuxième classe. Ils ont la perception que leur condition médicale à eux est moins importante. Parce que cette condition... au Québec, comment on décide d'assurer des services, c'est en vertu de la Loi sur l'assurance maladie, qui prévoit qu'un service médicalement requis est couvert par la RAMQ. Et le législateur a le loisir d'exclure certains services. Or, avec le projet de loi qu'on a devant nous, on ne choisit pas d'exclure la FIV. Par contre, le message qu'on véhicule, c'est que c'est un semi-traitement qui ne mérite pas d'être financé, ce qui est faux.

Vous savez, moi, mes deux enfants, c'est ce que j'ai de plus précieux au monde. Qu'aujourd'hui on vienne prétendre qu'ils n'avaient pas le droit d'exister ou qu'ils sont issus d'une technique médicale qui n'a pas lieu d'être, alors qu'ils sont en parfaite santé, que ce sont des enfants qui contribuent, que ce sont de fiers Québécois, je trouve ça vraiment déplorable.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous cédons maintenant la parole à notre collègue de Gouin pour trois minutes.

Mme David (Gouin) : Merci, M. le Président. Bonjour. J'ai trois minutes, je vais aller très vite. Vous savez, la raison de tout ça, de mon point de vue, elle n'est pas très, très compliquée à trouver, ça se résume en un seul mot qui s'appelle «austérité».

Mais j'ai deux questions en trois minutes. La première, c'est : Vous proposez de négocier avec les compagnies pharmaceutiques une diminution du coût des médicaments. Nous sommes très intéressés, dans ma formation politique, à la question des médicaments. Vous êtes fermement convaincus que, par une négociation avec les compagnies pharmaceutiques, on pourrait diminuer le coût des médicaments.

Mme Carranza-Mamane (Belina) : C'est vrai ailleurs dans le monde.

M. Bissonnette (François) : C'est plus que ça, les compagnies pharmaceutiques nous ont témoigné qu'ils avaient été surpris de ne pas avoir eu une telle demande du gouvernement.

Mme David (Gouin) : Et est-ce que vous avez une idée du montant qui pourrait être réduit ou du pourcentage, disons, de réduction que l'on pourrait avoir si on négociait?

M. Bissonnette (François) : M. le Président, le coût du traitement est à peu près au tiers du coût des médicaments, ce sont des médicaments très dispendieux. Et donc vous pouvez faire les mathématiques et puis voir que l'économie serait significative.

Mme David (Gouin) : Merci. Alors, il y a peut-être là une avenue pour qui s'intéresse à la question budgétaire.

J'ai une autre question. Vous dites, à votre recommandation 8, qu'il faut «corriger les inéquités quant à l'accessibilité aux traitements selon le principe d'universalité des soins de santé qui prévaut au Québec». Et je pense que vous avez bien illustré tout ça. Mais, si je vous comprends bien — je ne veux pas vous faire dire ce que vous ne dites pas, alors je veux être sûre — lorsqu'il y a infertilité, il doit y avoir réponse, réponse médicale, assumée socialement par l'ensemble de la société, comme pour tout autre problème médical. Jusque-là, on se comprend? Donc, ça veut dire, à mon avis, que, si une femme célibataire voulant procréer et étant en situation d'infertilité veut le faire par la fécondation in vitro... Est-ce que vous considérez qu'il reviendrait du domaine public de couvrir ce traitement? Et je pourrais poser la même question pour deux femmes vivant ensemble, dont l'une aurait un problème d'infertilité. Êtes-vous allés jusque-là dans votre réflexion?

M. Bissonnette (François) : Vous touchez justement à la complexité de ce qu'on fait. Et ça relève de l'indication médicale mais aussi des considérations éthiques, des considérations sociales, et c'est pourquoi on vous suggère une nouvelle gouvernance qui va impliquer justement tous ces gens-là pour pouvoir prendre des meilleures décisions en regardant des cas au niveau de la société et qu'est-ce que la société québécoise veut faire. Et, dans ce contexte-là, les éthiciens... Ce n'est pas nous qui allons avoir les réponses. Je pense que les éthiciens doivent faire cette réflexion d'éthique et voir ce qui est socialement acceptable.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin aux échanges. Nous remercions les représentantes, représentants de la Société canadienne de fertilité et d'andrologie, et je suspends quelques instants.

(Suspension à 17 h 7)

(Reprise à 17 h 11)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos auditions. Nous accueillons maintenant les représentantes, représentants de l'Association des couples infertiles du Québec.

Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation; par la suite, d'un échange avec les parlementaires. Nous vous demandons de bien vouloir vous identifier, ainsi que les fonctions que vous occupez, pour des fins d'enregistrement. Alors, la parole est à vous.

Association des couples infertiles du Québec (ACIQ)

Mme Kieffer Balizet (Virginie) : Parfait. Merci beaucoup. Donc, Virginie Kieffer, présidente et porte-parole de l'Association des couples infertiles du Québec. Je suis accompagnée, à ma gauche, de Krystel Robert Lavigne, vice-présidente de l'association et, à ma droite, de Philippe Deschênes, membre et bénévole de l'association.

Donc, l'Association des couples infertiles du Québec a été fondée en 2005. Nous sommes rendus à notre 10e année d'existence et nous avons pour mission de représenter et de promouvoir les intérêts des couples infertiles du Québec afin que ceux-ci puissent recevoir un service de qualité et équitable. Nous sommes donc là aujourd'hui pour vous présenter le visage positif du programme québécois de procréation médicalement assistée et sensibiliser la population à l'infertilité.

Il est important pour nous de rappeler que l'Organisation mondiale de la santé reconnaît l'infertilité comme une maladie. D'après celui-ci, l'infertilité est une maladie du système reproducteur qui se constate après l'impossibilité pour une femme de tomber enceinte après un an de relations sexuelles régulières et non protégées. L'infertilité entraîne un handicap, soit un dysfonctionnement physique. Ainsi, l'accès à des soins de santé est assuré par la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. Le Canada a d'ailleurs ratifié cette convention le 11 mars 2010.

Le programme québécois de procréation médicalement assistée a des retombées positives, tant pour le Québec que pour la santé des mères et des bébés. L'étude du commissaire de la santé et des services sociaux et le rapport sur la loi des activités cliniques et de recherche en matière de procréation assistée soulignent ces accomplissements concrets. Il y a eu plus de 100 000 naissances depuis la mise en place du programme, soit environ 1 300 naissances annuellement, une réduction importante du nombre de nouveau-nés issus de grossesses multiples nés grâce à la PMA, que ça soit par la stimulation ovarienne, par les inséminations artificielles ou encore la fécondation in vitro. Le Québec est passé d'un taux de 30 % de prématurés issus de la PMA à 20 %, soit une baisse de 10 % en l'espace de trois ans. Le taux de grossesses multiples est passé de 27 % à moins de 5 % à la suite d'une fécondation in vitro. La proportion de bébés de la PMA hospitalisés en soins intensifs a chuté de 19 % à 12 % en l'espace de trois ans, et le taux cumulatif de grossesses viables après l'utilisation de tous les embryons, qu'ils soient frais ou congelés, à la suite d'une seule stimulation s'établit à 60 %.

Pour les couples infertiles que nous représentons, ce sont des gains concrets que l'on doit préserver pour assurer des grossesses sécuritaires et des premières semaines de vie sereine pour les nouveau-nés. Nous croyons que ces résultats sont largement tributaires de la couverture publique du continuum des soins en fertilité, de la stimulation ovarienne à la fécondation in vitro. L'ACIQ considère donc que le programme de procréation assistée, et spécialement la fécondation in vitro, se situe au coeur du champ de la médecine et de la santé. Nous croyons donc au maintien de la couverture publique sous l'égide de la RAMQ. Nous croyons également à un programme visant le bien-être et la santé de la mère et des bébés, tout en étant appuyé sur des bases scientifiques et médicales.

L'infertilité n'est pas un choix de vie. Elle est subie par les couples que nous représentons et vécue comme une véritable incapacité. Cette incapacité empêche bien sûr les couples d'accomplir une fonction biologique fondamentale, au coeur de la définition de ce qu'est la vie, soit la capacité de se reproduire. De plus, cela entrave notre participation sociale dans un contexte de relation parent-enfant. Cette vision découle bien évidemment de l'expérience de nos membres et des étapes de traitement à suivre. Pour les couples que nous représentons, l'infertilité débute avec un diagnostic venant d'un médecin, après plusieurs mois d'essais. Pour d'autres, l'infertilité découle des suites d'une maladie inflammatoire ou d'un cancer dont les traitements affectent la capacité de se reproduire. Ce programme est donc une véritable source d'espoir pour des milliers de couples québécois qui ne pourraient devenir parents sans l'aide de la médecine.

Le projet de loi n° 20 a dans ses objectifs de mieux baliser l'accès aux soins de procréation assistée et de resserrer les dépenses du programme. L'ACIQ souhaite vous proposer des pistes de solution afin de recadrer le programme sur des bases scientifiques et médicales, de le rendre financièrement viable et d'assurer son acceptabilité sociale. Nous voulons donc préserver les effets positifs du programme sur la santé des mères et des bébés, de conserver l'accès aux traitements, notamment de la fécondation in vitro, de recadrer financièrement et médicalement la procréation médicalement assistée au Québec.

Pour cela, nous avons sept recommandations, la première étant de préserver la couverture publique de la fécondation in vitro avec des critères d'accès en fonction de l'âge. Je vous l'ai dit, l'infertilité est une condition médicale, et il est donc cohérent de maintenir la couverture publique de ce traitement. La fécondation in vitro s'inscrit dans le continuum de soins possibles pour les patients souffrant d'infertilité. La mise en place du crédit d'impôt envoie un signal contraire aux patients infertiles. La FIV s'apparenterait à un produit de consommation, en partie couvert par l'État, et la retirerait ainsi du champ de la santé.

En maintenant la couverture publique de la FIV, nous pensons que cela pourra lutter également contre le tourisme médical et le recours à des soins hors du Québec. Les offres de publicité des cliniques de fertilité abondent sur Internet et sur les réseaux sociaux. Certaines juridictions nord-américaines n'encadrent pas aussi sévèrement le transfert d'embryons et permettent la sélection génétique. Plusieurs cliniques offrent même les remboursements si les traitements s'avèrent infructueux. Les patients sont sensibles à ces éléments et magasinent les juridictions afin de recevoir les traitements les moins coûteux et qui répondent à leurs besoins. Nous croyons que le système québécois de santé devra composer avec ces complications.

L'ACIQ est donc consciente des défis budgétaires du gouvernement et propose qu'une limite d'âge à la couverture publique de la FIV soit mise en place. À l'échelle internationale, d'ailleurs, si on regarde les divers programmes de couverture publique, on voit qu'il y a des critères d'éligibilité selon l'âge de la femme et parfois de l'homme. Nos connaissances médicales et scientifiques ne nous permettent pas de juger du mérite de ces divers modèles pour l'accès aux soins couverts publiquement. Toutefois, nous souhaitons vous montrer qu'il existe des solutions afin de maintenir la couverture publique de la fécondation in vitro et de générer des économies. Nous croyons que ces critères d'accès devraient être basés sur des données scientifiques et médicales tout en tenant compte des contraintes budgétaires du gouvernement.

Deuxièmement, nous souhaitions établir des balises claires de la couverture publique de la procréation médicalement assistée en offrant des soins de la PMA lorsque médicalement requis, y compris pour les infertilités inexpliquées. Nous souhaitons conserver les trois cycles actuellement couverts par la RAMQ, mais en révisant le mode de cycles pour la fécondation in vitro. On souhaiterait permettre l'accès direct à la fécondation in vitro selon le dossier médical du patient et revoir les dispositions relatives à la période de relations sexuelles selon la définition clinique de l'Organisation mondiale de la santé. Nous souhaitons également exclure les personnes ayant subi une stérilisation volontaire.

Troisièmement, nous souhaitons limiter, de manière stricte, à trois le nombre d'inséminations couvertes par la RAMQ avant le passage de la fécondation in vitro.

• (17 h 20) •

Quatrièmement, de revoir la limite d'accès à la PMA selon le nombre d'enfants et permettre les traitements aux familles avec deux enfants et moins. Il ne faut pas oublier que le Québec est l'une des sociétés les plus vieillissantes, et donc l'ACIQ estime que le programme québécois de PMA est avant tout un programme de santé et non un moyen de stimuler la natalité, mais nous pensons que les couples infertiles peuvent contribuer à redresser le taux de fécondité et de renouvellement de la population au Québec.

Cinquièmement, nous souhaitons que le gouvernement puisse négocier des ententes avec les compagnies pharmaceutiques et recourir aux médicaments génériques.

Sixièmement, faire payer la conservation des embryons par les patients, puisque, selon nous, la conservation de ces embryons n'est pas un soin de santé dans la couverture par la RAMQ, donc cela nous semble incohérent. Et la contribution financière des patients les permettrait de se responsabiliser et encouragerait une prise de décision quant à l'avenir de ces embryons.

Septièmement, rendre impossible le recours au crédit d'impôt pour la procréation assistée tant que le patient reçoit des soins couverts par la RAMQ.

En conclusion, donc, depuis la mise en place de ce programme, cela a surtout attiré, malheureusement, des critiques et des commentaires négatifs. Nous espérons qu'avec cette présentation et des échanges que nous aurons avec vous aujourd'hui nous allons pouvoir communiquer sur les retombées positives sur les patients, sur la santé des mères et des bébés, mais aussi sur le Québec. À notre connaissance, nous sommes la seule organisation de patients qui doit et qui vous met de l'avant des propositions constructives afin de maintenir la couverture publique d'une maladie pourtant reconnue. Ceci témoigne de notre attachement à ce programme novateur dont les succès médicaux sont éloquents. Merci de votre attention.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous allons maintenant ouvrir la période d'échange avec les parlementaires. À la demande du ministre, il vous a permis de compléter, donc je lui retire 30 secondes. Il lui reste 12 minutes pour débattre avec vous. Et, sans plus tarder, je vous cède la parole.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Mme Kieffer, Mme Lavigne, M. Deschênes, bienvenue. Je dois avouer que vous avez fait...vous avez écrit un mémoire très intéressant et fait une excellente présentation, comme vous le dites, constructive. Et c'est très intéressant de s'engager là-dedans de cette façon-là.

Je vais reprendre vos points un après l'autre pour avoir quelques précisions sur votre pensée. Je vais commencer par le premier. Allons-y avec l'âge : Est-ce que je comprends bien que vous êtes d'accord à ce qu'il y ait une balise, mais probablement que vous n'êtes pas d'accord à ce que ce soit arrêté à 42 ans?

Mme Kieffer Balizet (Virginie) : Donc, nous sommes pour qu'il y ait des balises dans le programme, comme nous vous l'avons mentionné. Nous devons respecter aussi la capacité de l'État à payer, mais nous sommes conscients que c'est une question qui est totalement délicate pour nous, puisque nous représentons l'ensemble des couples infertiles. Donc, de trancher sur un âge de 35, 38, 40, 42 ou plus, c'est évidemment délicat pour nous. Évidemment, nous sommes prêts à en discuter, à trouver un consensus dans la volonté de maintenir une couverture publique puisqu'évidemment de notre côté nous voulons une couverture la plus large possible.

M. Barrette : Et là je vais concentrer ma question. Chez vos membres, est-ce que la question de l'âge est un problème très significatif ou c'est plutôt la couverture publique qui est l'élément majeur?

Mme Kieffer Balizet (Virginie) : Actuellement, c'est la couverture publique qui est le véritable problème auprès de nos membres. C'est certain que, comme on vous l'a dit, le travail qui avait été fait en amont par le gouvernement avait été de reconnaître l'infertilité comme une maladie et donc d'intégrer autant la stimulation, l'insémination et la fécondation dans un continuum de soins en fertilité. Aujourd'hui, de retirer la fécondation de ces services de soins, évidemment, c'est la grosse préoccupation des couples que nous représentons.

Nous avons mené un sondage au sein de nos membres. C'est certain que nous sommes face à une grande majorité de jeunes couples pour qui un crédit d'impôt va avoir des conséquences assez majeures dans... bien, dans leur budget, surtout quand les salaires ne sont pas au maximum de notre carrière.

M. Barrette : Est-ce que je comprends bien la perception de vos membres si je dis que la problématique du crédit d'impôt vient que le crédit vient a posteriori plutôt qu'au moment où vous faites la dépense? Et je précise ma question : Est-ce que c'est la mécanique qui... Si la mécanique prévoyait que le montant d'argent soit disponible, donc payable, là, par nous, et qu'il n'y avait pas cette dépense-là chez vous au moment du service, ça ne serait pas un problème d'une aussi grande ampleur? Parce que, si vous me le permettez, d'un côté, il y a la couverture totalement publique, je comprends que c'est l'objectif de tout le monde, je le comprends très bien, mais, en même temps, quand on va à l'autre bout et qu'on dit que c'est un problème, est-ce que le problème vient plus du fait du déboursé au moment du service que du montant total qui est à être à la charge de l'individu ou du couple?

Mme Kieffer Balizet (Virginie) : En fait, ce qu'on est en train de dire, c'est que, quand on reconnaît une maladie pour laquelle il y a différentes sortes de soins, que ça soit par la stimulation, l'insémination ou la fécondation in vitro, le gouvernement ne peut pas décider de couvrir une partie des traitements, et, l'autre, la mettre sur un crédit d'impôt. Ça reviendrait à dire, par exemple, aujourd'hui, à quelqu'un qui a un cancer de décider entre la chimiothérapie ou la radiothérapie parce que l'un ou l'autre va revenir trop cher au gouvernement. Donc, pour nous, la préoccupation majeure de la réforme qu'il y a autour de la procréation assistée est évidemment le retrait de la FIV de la couverture publique, puisque, comme je vous l'ai dit, ça fait partie d'un continuum de soins, et ce n'est pas tous les couples qui vont, heureusement, en fécondation in vitro, mais, pour ceux qui doivent s'y rendre, c'est parce que c'est l'unique traitement qui doit les conduire à ça.

M. Barrette : Je comprends bien votre point, et c'est un peu l'essence du débat, de l'avoir publique ou pas publique. Mais la question que je vous posais était plus pragmatique. Je sors, là, volontairement de la question de la couverture, publique ou non, pour aller à la question... Puis la question que je vous pose, c'est par rapport à vos membres quand ils s'expriment : Est-ce que la problématique du crédit d'impôt, au-delà, là... À côté, là, du fait que le crédit d'impôt, ce n'est pas la même nature de paiement public que la couverture universelle, est-ce que la mécanique du crédit d'impôt — parce que c'est quand même de l'argent public, là — pose un problème chez vos membres de par le fait que le montant d'argent n'arrive pas exactement au moment du déboursé pour le service?

Autrement dit, est-ce que le crédit d'impôt fait quand même le travail, en termes de charges ou d'accès à la procédure, pour votre clientèle ou vos membres? Parce qu'on a un crédit d'impôt qui rembourse presque complètement la procédure, dépendamment du revenu du couple, jusqu'à à peu près 20 % de la procédure lorsqu'on a plus de moyens. Il y a des gens qui sont venus en commission parlementaire, dont un monsieur qui était dans un couple qui a eu à faire face à ça et qui nous disait que pour lui, là, le déboursé a été un problème. Mais le problème du déboursé est relatif au revenu des individus ou des couples.

Mme Kieffer Balizet (Virginie) : Tout à fait. On a d'ailleurs pris connaissance de l'audition de M. Dumont, si c'est à cette audition que vous faites référence. Évidemment, la préoccupation des couples que nous représentons, c'est : à travers, le crédit d'impôt, bien, ça va restreindre l'accessibilité et ça va engendrer une inéquité sociale. Ce qu'on voit, c'est que tous les couples qui passent au travers d'un processus de procréation assistée sont déjà à débourser de leurs poches, malgré la couverture publique, que ça soit à travers les médicaments — puisque, quand on dispose d'une assurance privée, tous les médicaments ne sont pas couverts à 100 %, ça peut être de l'ordre de 60 %, et, on l'a entendu tout à l'heure, ce sont des médicaments relativement dispendieux — les journées d'absences répétitives dans son travail, les déplacements selon la distance à laquelle on doit parcourir pour se rendre dans un centre de procréation assistée. Donc, les couples ont déjà peut-être même des milliers de dollars à mettre dans un processus de procréation assistée. Donc, apporter un crédit d'impôt à ce moment-là, dans un processus de traitement, un processus qui englobe des soins de santé, évidemment que ça va pénaliser un grand nombre de couples.

M. Barrette : O.K. Très bien. J'aimerais ça que vous me précisiez un petit peu votre pensée, parce que je ne suis pas sûr de bien... Bien, je pense bien comprendre, mais je suis surpris. Vous dites : Limiter à trois le nombre d'inséminations... Non, je m'excuse : Permettre les traitements de FIV aux familles avec deux enfants ou moins. Ce que je vois que vous nous dites, c'est que vous voulez que, peu importe le nombre d'enfants, essentiellement, la FIV soit couverte.

Mme Kieffer Balizet (Virginie) : Ce qu'on est...

M. Barrette : Est-ce que je comprends bien?

• (17 h 30) •

Mme Kieffer Balizet (Virginie) : Non. En fait, ce qu'on est en train de dire, c'est que la limite d'un enfant par couple nous semble très sévère. Déjà, de par tout le processus de deuil qu'un couple a à traverser en allant en procréation assistée, ce qu'on voit, c'est, déjà, de nombreux couples qui doivent revoir leur idéal familial. Quand la plupart aimeraient avoir plusieurs enfants, puis que le processus les amène parfois à avoir leurs enfants plusieurs années après, on se dit que, dans la mesure où le programme ne doit pas être un programme de natalité mais un programme de santé, mais, grâce à toutes les naissances qui vont être générées par ce programme, veux veux pas, ça aura un impact positif sur la natalité du Québec... Et ce qu'on pense, c'est au moins considérer le taux de renouvellement de la population, qui est de 2,1 enfants, donc on se donnerait comme objectif de demander, bien, une ouverture à la révision de la limite d'un enfant par couple, pour les couples qui ont deux enfants et moins.

M. Barrette : Merci. M. le Président, je passerais la parole, à cette étape-ci, à mon collègue le député de Maskinongé.

Le Président (M. Tanguay) : Oui. M. le député de Maskinongé.

M. Plante : Merci beaucoup, M. le Président. Mme Kieffer, bonjour, c'est un grand plaisir de vous retrouver aujourd'hui. On se connaît bien, on s'est rencontrés à quelques reprises, et je suis très content de constater le travail que vous avez effectué sur votre mémoire, sur vos propositions que vous nous faites. Bon, je connais bien votre situation, vous connaissez la mienne aussi, donc c'est pour ça que ça me fait plaisir de vous interpeller aujourd'hui.

Vous avez clairement mentionné que, bon, vous voudriez garder la couverture publique, effectivement, mais que vous voulez la baliser au niveau de l'admissibilité des couples. Donc, vous m'avez parlé d'une infertilité médicale seulement. C'est bien ce que j'ai compris que vous défendez?

Mme Kieffer Balizet (Virginie) : Oui, tout à fait. Tout à fait.

M. Plante : Donc, c'est vraiment... Donc, on oublie tout ce qui est, bon, les couples de même sexe, ou tout ça. Vous, vous défendez vraiment l'infertilité médicale uniquement.

Mme Kieffer Balizet (Virginie) : Bien, ce qu'on dit, c'est que l'infertilité peut toucher n'importe qui, et ça, peu importe son orientation sexuelle. Ce qu'on dit, c'est que l'infertilité étant une maladie qui nécessite l'accès à des soins de santé, c'est le patient qui doit être considéré, et ça, peu importe son bagage matrimonial ou sa situation et son orientation sexuelle.

M. Plante : Parfait. Et je vais revenir — M. le ministre a posé la question tantôt, puis on en a parlé — vraiment sur la notion du crédit d'impôt, que je sais qui est l'aspect du projet de loi qui déplaît le plus à votre association. Vous voyez vraiment ça comme une barrière? Parce que je sais que, quand on essaie d'avoir des enfants, quand on veut des enfants, quand on est en processus de suivi dans une clinique de fertilité, la majorité des couples, on a tous pensé à l'adoption ou à d'autres solutions, et qui sont des processus aussi coûteux. Donc, quand vous me dites : Ça serait une barrière... Surtout que le crédit d'impôt, il est modulé en fonction du revenu, on s'entend qu'il y a des personnes qui ne vont payer presque rien. Selon vos membres ou selon la réception de vos membres, le pourcentage des gens qui ne pourraient pas s'offrir les services est-il élevé ou si c'est vraiment parce que c'est une question d'idéologie plus que...

Mme Kieffer Balizet (Virginie) : Bien, je vais paraître insistante de répéter ça, mais ce qui nous dérange à travers le crédit d'impôt, c'est qu'on retire, dans ces cas-là, la fécondation in vitro du domaine de la médecine. Donc, ce que je souhaite vous dire aujourd'hui, ce n'est pas qu'on ne souhaite pas parler du crédit d'impôt, mais c'est que l'élément majeur qui est à discuter avec vous aujourd'hui, c'est de maintenir la considération que vous avez faite en mettant en place ce programme-là, qui était de reconnaître l'infertilité comme une maladie, tel que l'OMS le reconnaît. On l'a présenté tout à l'heure, ça fait partie d'une maladie qui entraîne une problématique du système reproducteur, on ne l'invente pas, c'est existant. Donc, ramener le crédit d'impôt derrière, évidemment, c'est ce qui cause le plus de problèmes à travers nos membres, puisque de nombreux couples ne pourront pas accéder à des traitements de soins qui sont nécessaires pour leur condition médicale.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Merci beaucoup. Ceci met fin à l'échange avec les députés de la banquette ministérielle. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Rosemont pour 7 min 30 s.

M. Lisée : Bonjour. Merci beaucoup d'être là. Merci pour la qualité de votre mémoire, Mme Balizet, Mme Lavigne, M. Deschênes. On sent bien que vous êtes très proches des gens que vous représentez et que vous avez une connaissance assez fine de la question. Évidemment, lors de votre recommandation, vous dites : Bon, on comprend que les sommes d'argent ne sont pas illimitées, et donc il faut baliser. Bon, il y a des réformes qui sont à apporter pour des questions médicales, des questions de cohérence, mais également vous faites le pas de dire : Bon, bien, puisqu'il manque d'argent, on est d'accord de faire un pas de plus.

La Fédération des médecins spécialistes du Québec était avec nous un peu plus tôt aujourd'hui et a sorti une citation du ministre, lorsqu'il était président, de mars 2009, que je trouve intéressante. Il disait : «L'État n'est pas un simple gestionnaire du système de santé. Il détermine la qualité et la quantité de soins offerts à la population et, en ce sens, il les rationne toujours. Le jeu politique est de trouver le niveau de rationnement socialement acceptable pour la population sans qu'elle ne perçoive qu'elle est rationnée.» Je ne dis pas que c'est faux. C'est assez lucide, en fait.

Mais la question qu'on voit : Si on débat aujourd'hui de ce programme, c'est parce qu'il posait de réels problèmes et qu'il fallait introduire des balises, mais la raison pour laquelle ce n'est plus considéré comme un cas médical qui doit être couvert par la RAMQ, mais un genre de décision de consommation qui serait gérée par un crédit d'impôt me semble, comme vous le dites, mal fondée moralement, légalement et médicalement. Et donc de savoir si, puisque c'est un crédit d'impôt qui va être modulé selon les revenus, est-ce que c'est vraiment un obstacle ou pas un obstacle, c'est à côté du débat. Est-ce que c'est une maladie? Si c'est une maladie, c'est par l'assurance maladie que ça doit être couvert; si ce n'est pas une maladie, bien, qu'on le dise, à ce moment-là : C'est un bien de consommation qui peut être balisé autrement.

Maintenant, vous nous dites : O.K., puisqu'on intègre l'idée qu'il doit y avoir un rationnement, nous admettons le fait qu'il y ait un âge limite. Alors, vous citez un certain nombre d'exemples internationaux où l'âge limite varie considérablement selon les endroits dans le monde, de la quarantaine à la cinquantaine. Parfois, l'âge du conjoint est également pris en considération. À partir du moment où on accepte l'idée que les coûts vont être trop élevés si on ouvre complètement à tous les âges, vous nous dites, bon, que vous n'êtes pas en situation, vous... compte tenu des gens que vous représentez, vous ne voulez pas dire quel est l'élément, quel est le moment, quel serait l'âge butoir.

Mais est-ce qu'il n'y a pas une autre façon de voir les choses et de dire : Bon, bien, on considère que le rapport coût-bénéfice, comme on le fait pour les médicaments, à partir d'un certain seuil, il est trop faible, ou le taux de risque d'échec est trop élevé, et ce taux-là varie selon la condition médicale de la personne, hein? Si elle est plus jeune et obèse, c'est plus important que si elle a 43 ans et est en parfaite santé. Est-ce que ça vous apparaît impossible de déterminer une équation qui ne serait pas liée à un âge, mais qui donnerait accès ou non au régime public?

Mme Kieffer Balizet (Virginie) : Bien, j'espère que je ne vais pas me perdre dans la question que vous venez de me formuler, mais ce qu'on disait, c'est qu'évidemment on représente l'ensemble des couples infertiles du Québec. Donc, on peut représenter quelqu'un qui est dans la vingtaine comme quelqu'un qui est dans le début de la quarantaine.

Le ratio, par rapport à ce que vous parliez, bien, évidemment, on est tous concernés, parce que c'est tous des couples infertiles qui représentent... à même les membres, à même le conseil d'administration, et le critère d'âge, c'est un élément pour lequel nous sommes prêts, en effet, à avoir une discussion avec le ministre, mais c'est le dossier médical aussi de la personne qui doit être pris en considération. Nous vous l'avons mentionné, nous ne sommes pas des médecins, nous ne sommes pas des juristes, nous ne sommes pas des scientifiques. Donc, nous, nous y allons avec des données fondées, puisque notre objectif est également d'assurer la santé de la mère et de l'enfant à naître. C'est notre priorité également, tout comme le ministre l'avait souligné à plusieurs reprises.

• (17 h 40) •

M. Lisée : Un autre élément que vous évoquez, avec raison, c'est la question... Ce n'est pas un programme de natalité, mais c'est un programme qui peut avoir un impact positif sur le renouvellement de la pyramide d'âges au Québec, qui est problématique, vous l'avez dit, avec raison. Et le ministre propose de dire : Bien, si vous avez déjà un enfant, c'est fini. Vous, vous dites deux; bien, moi, j'en ai cinq, puis je les ai eus naturellement, mais il y a un moment où on pensait ne pas y arriver et on a utilisé des services dont on parle aujourd'hui. Mais pourquoi arrêter à deux? Si une famille de deux enfants veut en avoir un troisième et est malade d'infertilité après le deuxième... même après le troisième, je ne comprends pas pourquoi on arrêterait si les conditions de succès sont fortes, si l'âge est le bon et, en plus, s'ils sont des gens qui ont déjà prouvé leur capacité d'avoir des enfants. Ce que je vous dis, c'est que je trouve que vous lancez la serviette un peu vite, puisque votre argument est très fort, de dire : Dans les bonnes conditions, on devrait le permettre, ça devrait être public. Et pourquoi deux?

Mme Kieffer Balizet (Virginie) : Bien, en fait, je pense qu'il y a juste eu une mauvaise interprétation de notre écrit. Ce qu'on dit, c'est une limite pour les familles qui ont deux enfants et moins. Ce qui veut dire que, nous, évidemment, la demande qu'on fait derrière, c'est une limite à trois enfants.

M. Lisée : Trois enfants avec le supplémentaire, avec celui qui viendrait par la fécondation in vitro.

Mme Kieffer Balizet (Virginie) : Non, une limite à trois enfants. On se dit qu'au regard du taux de renouvellement de la population qui se situe à 2,1 enfants ce qu'on serait portés à demander, c'est une limite à trois enfants. Vous savez que, quand on rentre dans ce genre de parcours là, ça prend des fois plusieurs essais, plusieurs investigations nécessaires avant de trouver la formule miracle.

Quand on prend les témoignages à travers nos membres, beaucoup ont voulu avoir des enfants dans la vingtaine et se retrouvent à les avoir dans la trentaine. Donc, ça nous oblige à revoir la façon dont on souhaite construire notre famille et la façon dont on va avoir notre famille. Je ne pense pas, à l'heure actuelle, qu'on ait beaucoup de familles nombreuses au Québec issues de la PMA, je ne pense pas qu'on ait des familles rendues à six enfants nés de la PMA, mais je pense qu'en effet, quand on a déjà eu un enfant, on est comme censés avoir trouvé un certain protocole gagnant pour le couple. Donc, on s'attend à ce que les traitements puissent fonctionner beaucoup mieux pour un deuxième enfant, voire un troisième enfant.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci à vous. Nous cédons maintenant la parole à notre collègue député de Lévis pour cinq minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président, Mme Balizet, Mme Lavigne, M. Deschênes. Je comprends la notion médicale, et c'est important, ce que vous racontez, mais je vais revenir aussi sur les coûts, parce que j'imagine que, parmi vos membres, c'est une inquiétude réelle, le fait de pouvoir, et je le mets entre guillemets, là, se payer un service, parce que, quelque part, on devra piger dans ses économies. Je vais y revenir.

Mais, sur la notion médicale, vous êtes très clairs là-dessus en disant : La condition de base, ce sera la notion médicale d'infertilité. Est-ce que je comprends bien votre message? Vous vous inquiétez du fait qu'on puisse, avec l'adoption d'un projet de loi comme celui-là, excluant l'infertilité comme problématique médicale couverte par le régime public, ouvrir une brèche, à toutes fins utiles, et vous en faites le parallèle, bon, à d'autres traitements, par exemple. C'est un peu l'image que vous prenez. Je comprends bien que votre inquiétude, elle va jusque-là. On commence là; où pourrait-on s'arrêter? Est-ce que je comprends bien?

Mme Kieffer Balizet (Virginie) : Oui, tout à fait. Mais, en fait, ce qui est présenté actuellement dans le projet de loi n° 20, c'est le maintien d'une couverture publique pour les traitements d'insémination versus le retrait des traitements de fécondation in vitro pour mettre en place un crédit d'impôt. Pour nous, ça ne peut pas marcher, puisque le continuum de soins en fertilité peut passer de la stimulation à l'insémination jusqu'à la fécondation. Et, quand on est rendus à la fécondation, ce n'est pas parce qu'on en a envie, c'est parce qu'on n'a plus le choix.

Donc, ce qu'on est en train de dire, c'est qu'on comprend les enjeux budgétaires du gouvernement, je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, qu'on est tous des contribuables, on paie tous des impôts, donc on a tous la préoccupation de savoir où va notre argent, évidemment. Mais, quand on est à parler de soins de santé, ça ne marche pas que de dire : On en couvre une partie, et entre autres celle qui est la moins dispendieuse, pour mettre en place un crédit d'impôt qui va créer une inéquité sociale, parce que, veux veux pas, des couples ne pourront pas se permettre ce type de traitement.

M. Paradis (Lévis) : Mais, et vous le dites d'ailleurs, vous établissez des balises. Vous comprenez, vous dites qu'il y a moyen de récupérer, de faire en sorte que le système coûte moins cher, mais qu'on conserve sa valeur, ou en tout cas ce qu'on en connaît maintenant, depuis 2010, c'est-à-dire le remboursement par la RAMQ de la fécondation in vitro. Et vous direz même qu'il y a peut-être moyen — et en quelques secondes puis je reviendrai sur le coût — de limiter, par exemple, de manière stricte, à trois le nombre d'inséminations couvertes par la RAMQ avant le passage en fécondation in vitro, et là vous avez même un tableau. Alors, de fait, là aussi, vous identifiez des économies à faire à ce chapitre-là.

Mme Robert Lavigne (Krystel) : Bien, en fait, ce qui arrive avec les inséminations, c'est que le taux de succès des inséminations est moindre que le taux de succès en FIV et qu'en bout de ligne le nombre de grossesses vivantes par rapport aux inséminations n'est pas... va en bout de ligne coûter plus cher que le nombre en FIV si on calcule que le taux de succès est... tu sais, passe de 40 % à 7 % à peu près, en moyenne, après trois inséminations et plus... de taux de réussite, en fait, et qu'en même temps en finançant les inséminations on augmente encore le taux de grossesses multiples qui, encore une fois, va en bout de ligne causer des coûts, probablement, à l'État, que ce soit par les grossesses à risque, que ce soit par les hospitalisations après pour la prématurité des bébés, ce qu'on avait réussi à enlever... les frais au niveau de l'État qu'on avait réussi à enlever justement en contrôlant le transfert d'embryons.

Mais aussi c'est les inséminations sont la plus grande source de grossesses multiples. Si on prend juste aux États-Unis, c'est à peu près 13 % des naissances multiples qui sont issues des inséminations, que ce soit avec hormones ou... bien, en fait, que ce soit la stimulation ou les inséminations. Donc, déjà là, en partant, on vient créer un autre problème avec les grossesses multiples et avec les bébés qui vont naître prématurés de ça.

M. Paradis (Lévis) : Et on perd donc les effets bénéfiques de ce que le programme a pu donner jusqu'à maintenant.

Mme Robert Lavigne (Krystel) : Voilà.

M. Paradis (Lévis) : Je reviens avec les coûts, parce que c'est important, des gens me le disent. On se surprend de rencontrer des gens, à qui on n'adresse pas la situation... et soudainement nous disent : Bien, moi, regardez la photo de ma petite fille; j'ai eu recours... Et c'est surprenant de voir... Et ça m'est arrivé encore cette semaine, dans une rencontre, quelqu'un qui m'expliquait son vécu, et ce n'était pas le but de l'exercice lorsqu'on s'est rencontrés sur un autre sujet.

Il y a des coûts externes pour les couples, actuellement, qui doivent être déboursés. C'est-à-dire, il y a toute la... Bon, il y a des frais, je ne sais pas... Combien ça coûte? La médication, on en a beaucoup parlé. On a dit : Il y a peut-être des efforts à faire. Vous avez parlé de médicaments génériques, et tout ça, mais les coûts inhérents à un processus comme celui-là pour un couple actuellement, quels sont-ils?

Mme Kieffer Balizet (Virginie) : Bien, c'est sûr qu'un couple qui est dans un processus de traitement de fécondation in vitro... On va dire — je prends un cas extrême, mais parce qu'on a eu plusieurs témoignages de cet ordre-là — un couple qui vient d'Abitibi, il va faire un grand déplacement pour pouvoir avoir recours à des traitements, il va forcément avoir à louper plusieurs journées de travail, il va avoir des frais de déplacement, des frais d'hébergement, des frais de restauration pour pouvoir se rendre à ses rendez-vous médicaux. Donc, évidemment, ce qu'on est en train de dire, c'est que, malgré la couverture publique qui est à l'heure actuelle, les couples ont déjà à défrayer des centaines, voire des milliers de dollars de façon annexe au programme pour pouvoir accéder à ces mêmes traitements.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant céder la parole à notre collègue de Gouin pour trois minutes.

Mme David (Gouin) : Oui. Merci, M. le Président. Bonjour. Ça me fait plaisir de vous voir, et de vous revoir, dans certains cas. Je pense que d'autres que moi l'ont dit, là, le coeur du débat, dans le fond, c'est : Qui doit payer? Est-ce que ce sont les couples eux-mêmes? Bon, oui, avec un crédit d'impôt, mais qui sera de toute évidence insuffisant, qui ne sera pas donné au moment où les gens en ont besoin, etc., qui va varier selon les revenus, bon. Mais on en fait des consommateurs-payeurs. Ou alors est-ce que ce sera la société, hein? Collectivement, on fera le choix social, au Québec, de payer ensemble le coût des fécondations in vitro.

Et la question, et je le sais, là, que certains vont poser, et elle est un peu bête, je vous le dis tout de suite, mais je suis certaine que vous êtes habitués, vous allez être capables d'y répondre, c'est qu'il y a probablement des gens dans la société, qui évidemment n'ont pas de problème d'infertilité, puis qui doivent se dire : Bien, après tout, pourquoi est-ce qu'on paierait pour ça? Pourquoi, comme société, est-ce qu'on devrait assumer de payer un traitement qui est quand même assez cher, qui s'appelle la fécondation in vitro? Ça, c'est pas mal le fond de la question, puis j'aimerais ça que vous y répondiez. Je ne suis pas inquiète, je suis certaine que vous avez une réponse.

• (17 h 50) •

Mme Kieffer Balizet (Virginie) : Bien, écoutez, oui, c'est une bonne question, dans la mesure où on a besoin aujourd'hui de sensibiliser la population pour dire ce qu'est l'infertilité. L'infertilité, à la base, c'est un sujet tabou. On en parle peu, parce que ce n'est pas écrit sur la tête des gens, et pourtant ça va avoir des grands impacts dans la vie des couples, des impacts psychologiques en plus des impacts physiques. Donc, ce qu'il est important de retenir, c'est que ce qui nous dérange aujourd'hui, c'est que ce programme soit à nouveau mis sur un siège... bien, sur un siège éjectable, considérant le coût qu'il peut y avoir, alors qu'on arrive aujourd'hui avec des propositions pour montrer qu'on peut maintenir un programme de façon socialement acceptable, financièrement viable.

Mais dites-nous, dans ces cas-là, pourquoi le gouvernement décide à travers la RAMQ de maintenir la stérilisation pour les couples, c'est-à-dire la vasectomie et la ligature des trompes, alors qu'en soi ce n'est pas réellement un soin de santé. Pourquoi nous, couples infertiles, qui n'avons rien demandé à personne, devons-nous nous retrouver pénalisés de par notre condition médicale? Pourquoi devons-nous payer de notre maladie et pourquoi ne pouvons-nous pas avoir des soins de santé qui, oui, en bout de ligne, nous donnent accès à la parentalité, mais ces enfants, ils sont là, ces enfants, ils vont contribuer pour le Québec, ces enfants, ils ont un avenir dans une société qui a besoin de natalité, sans s'éloigner du fait que l'infertilité est une maladie reconnue par l'Organisation mondiale de la santé?

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous remercions les représentantes, représentants de l'Association des couples infertiles du Québec. Je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 51)

(Reprise à 17 h 55)

La Présidente (Mme Montpetit) : À l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite la bienvenue à nos invités de l'Association des spécialistes en médecine interne du Québec. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter, vos noms et vos fonctions, et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Association des spécialistes en médecine interne du Québec (ASMIQ)

M. Dallaire (Mario) : Bonjour. Mario Dallaire. Je suis président de l'Association des spécialistes en médecine interne du Québec. J'ai avec moi le Dr François Langlais, qui est secrétaire de l'association, et avec nous aussi, Lucie Terriault, qui est directrice de notre association.

Mme la Présidente, membres de la commission, il me fait plaisir d'être ici avec vous aujourd'hui afin de vous faire part des commentaires de l'Association des spécialistes en médecine interne au sujet du projet de loi n° 20. Après avoir brièvement défini notre spécialité et avoir décrit les nombreuses tâches de nos membres partout au Québec, nous entendons vous démontrer qu'un transfert rapide des omnipraticiens des hôpitaux vers les cabinets médicaux ne pourra en aucun cas... remplacer par les internistes à eux seuls, du moins sans déstabiliser les secteurs névralgiques du réseau de la santé.

Ma spécialité étant mal connue, je vais prendre quelques minutes pour vous expliquer ce qu'est un interniste. Nous sommes des spécialistes médicaux polyvalents. Nous avons une formation postdoctorale nous permettant d'évaluer la majorité des problèmes médicaux, allant de l'infarctus au cancer, en passant par l'arthrite et l'asthme. C'est grâce à cette polyvalence que nous nous déployons dans tout le réseau du Québec.

Les spécialistes en médecine interne sont présents dans presque tous les hôpitaux du Québec, mais ont des profils de pratique différents selon le milieu. C'est la spécialité la plus impliquée dans les soins intensifs des grands hôpitaux du Québec; c'est la spécialité la plus impliquée dans l'enseignement. Tous les médecins du Québec ont nécessairement été, pendant un ou plusieurs mois, sous la supervision d'un interniste. C'est la spécialité médicale qui offre le plus de soins spécialisés dans la majorité des régions du Québec.

Les internistes font déjà de l'hospitalisation, c'est-à-dire être responsable d'un patient hospitalisé et le visiter à chaque jour. Parfois, ils sont plutôt consultants et offrent ainsi le support au médecin traitant lorsqu'il a besoin de conseils ponctuels. Ce dernier rôle leur permet de faire bénéficier de leur expertise un plus grand nombre de patients.

De notre point de vue, il y a trois modèles d'hôpitaux. Premièrement, dans 35 hôpitaux du Québec, les internistes sont les seuls spécialistes médicaux présents. Drummondville, Amos, Valleyfield, Sept-Îles, Shawinigan : les omnipraticiens y sont responsables du suivi quotidien des patients, mais peuvent demander l'opinion des internistes pour les cas plus complexes. La présence d'un noyau d'internistes permet d'offrir, en région, des examens et des traitements de pointe, sur place et de façon continue, par exemple des gastroscopies, des échographies cardiaques et de la chimiothérapie.

Ce qu'on appelle un noyau d'internistes mérite d'être expliqué. Il s'agit d'un groupe d'internistes travaillant ensemble selon les besoins de leur milieu. Un membre va avoir une formation particulière, par exemple, en échographie cardiaque, un autre en endoscopie digestive, un autre en fonctions pulmonaires et bronchoscopie. Chacune de ces formations nécessite plusieurs mois d'apprentissage. Ensemble, ils peuvent offrir tous ces services à la population près de leur milieu de vie. Et, même si un seul pratique les coloscopies, chaque interniste peut évaluer et traiter les maladies intestinales. C'est cet aspect qui rend le noyau d'internistes distinct d'un groupe de spécialistes différents. Un groupe, par exemple, formé d'un cardiologue, un pneumologue, un hématologue et un néphrologue ne peut pas vraiment travailler en équipe. Ils sont plutôt seuls, chacun dans leur spécialité, et ne peuvent offrir une présence constante, 365 jours par année.

Deuxièmement, dans 25 hôpitaux du Québec, il y a présence d'un plus grand nombre de médecins spécialistes, pas seulement des internistes, mais aussi d'autres spécialités médicales qui travaillent ensemble et se complètent afin d'offrir toute la gamme de soins. On parle, par exemple, de Trois-Rivières, Saint-Hyacinthe, Gatineau, Verdun, Lévis. La plus grande partie de l'hospitalisation y est malgré tout faite par des omnipraticiens.

Et, finalement, il y a les hôpitaux universitaires, dans lesquels il y a peu d'omnipraticiens. Toutes les spécialités y sont représentées en plus grand nombre et peuvent organiser des unités d'hospitalisation. Les internistes participent à l'hospitalisation via les unités d'enseignement tout en offrant un service de consultation pour les patients admis dans les autres services médicaux et chirurgicaux. Ils ont développé, comme leurs collègues spécialistes, des secteurs de pointe tels l'évaluation préopératoire, la médecine vasculaire, la médecine obstétricale et les soins intensifs.

Le système de santé est complexe et interrelié. Il y a un risque à transférer de grands nombres de médecins d'un type de pratique à un autre. Si le projet de loi n° 20 fait en sorte qu'une proportion significative des omnipraticiens quitte la pratique hospitalière pour oeuvrer en cabinet, ceci créera un vide qui se reflétera sur l'ensemble du système de santé. Nous avons évalué qu'en milieu non universitaire plus de 4 000 patients sont actuellement hospitalisés sous les soins des omnipraticiens. Si la moitié des omnipraticiens sort des hôpitaux pour répondre aux exigences de la loi, il y aura donc plus de 2 000 patients qui, quotidiennement, auront besoin d'un autre médecin pour assurer leur hospitalisation.

• (18 heures) •

Le ministre a évoqué que les spécialistes, notamment les internistes, pourraient les remplacer. Si seulement les internistes étaient conscrits, en tenant compte des fins de semaine et des vacances, il faudrait 200 internistes supplémentaires seulement pour cette tâche. Si on choisissait plutôt le jeu de la chaise musicale et qu'un tel nombre d'internistes est confiné à l'hospitalisation, alors ils ne pourront pas faire leurs autres tâches. Cela aura un impact majeur sur l'offre de soins spécialisés dans les hôpitaux d'internistes et les hôpitaux mixtes.

Prenons par exemple l'Hôpital Pierre-Boucher, où il y a plus de 200 patients hospitalisés par neuf équipes de médecine générale. Les internistes y font, par exemple, 60 évaluations préopératoires par semaine. Si la moitié des internistes de cette équipe doit faire de la prise en charge de patients à l'hôpital, alors ils ne pourront pas faire autant d'évaluations préopératoires. Mathématiquement, il n'y aurait que 30 évaluations par semaine au lieu de 60, donc 30 chirurgies de moins par semaine. L'objectif de chirurgie en six mois ne pourrait pas être atteint, et les salles d'opération seraient sous-utilisées. Les patients en attente de chirurgie attendraient.

Un autre exemple complètement différent : à Rouyn-Noranda, il y a un noyau d'internistes qui travaillent fort parce que le recrutement est difficile en raison de l'éloignement. La garde constante est assurée; la chimiothérapie et les soins intensifs sont maintenus à bout de bras. Pour avoir une consultation élective en médecine interne, l'attente dépasse déjà 12 mois. Donc, si ces internistes sont appelés à délaisser leurs tâches actuelles pour faire de l'hospitalisation, la durée d'attente en externe pour une consultation va nécessairement s'allonger, et ces patients ne seront jamais vus.

Comme vous voyez, il y a des risques réels et importants, et il faut bien mesurer l'impact du déplacement des omnipraticiens sur l'ensemble des soins spécialisés. Si on suppose que le quart des omnipraticiens quittent l'hospitalisation et que ce sont uniquement les internistes qui prennent les places, nous évaluons qu'il faudrait environ 100 internistes supplémentaires pour garder l'offre de soins actuelle. Si c'est tous les omnipraticiens qui quittent les hôpitaux, que les internistes devraient les remplacer, il en faudrait 400 de plus.

Nous sommes 550 internistes actifs au Québec. Nous sommes engagés dans nos milieux et nous avons déjà des tâches à accomplir dans chacun des hôpitaux. Il n'y a que 40 finissants en médecine interne par année, dont une proportion devra remplacer les départs à la retraite. Il y a encore plus de 30 hôpitaux en pénurie pour les spécialistes en médecine interne, et ces hôpitaux espèrent depuis longtemps compléter leur équipe avec des nouveaux finissants.

Quels sont les constats? Premièrement, l'interniste peut hospitaliser, mais il ne doit pas être limité à l'hospitalisation. Il est impliqué et essentiel, de par sa polyvalence, dans tous les hôpitaux du Québec. Les noyaux d'internistes dans les hôpitaux de régions doivent être préservés et protégés. Ce concept de noyau d'internistes polyvalents est bon pour le système de santé. Il assure une couverture constante sur place et a même prouvé son efficience financièrement. Il y aura toujours besoin d'un bon nombre de médecins de famille impliqués à l'hôpital, à l'urgence, en obstétrique, en psychiatrie et auprès de la clientèle en perte d'autonomie.

Comme groupe de spécialistes, nous sommes d'accord pour augmenter notre participation à l'hospitalisation, mais il y a des conditions essentielles et incontournables. Ce n'est évidemment qu'en ayant des effectifs supplémentaires que nous pourrions augmenter notre offre en hospitalisation. Il faut aussi garantir un accès adéquat au plateau technique aux spécialistes en médecine interne qui s'impliqueraient dans l'hospitalisation. Par ailleurs, il faut d'abord et avant tout des études évaluant l'intensité et l'impact de l'exode des médecins de famille hors des hôpitaux.

Enfin, nous voulons profiter de cette tribune pour mentionner que nous considérons primordial d'élaborer une telle réforme dans un mode de collaboration. Nous nous considérons davantage des partenaires plutôt que des pions que l'on peut déplacer pour pallier les crises ici et là.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, Dr Dallaire.

Donc, nous allons débuter la période d'échange avec M. le ministre pour une période de 12 min 30 s.

M. Barrette : Merci, Mme la Présidente. Dr Dallaire, Dr Langlais — le protocole exige que ce soit Mme Terriault — bienvenue en commission parlementaire. J'avais hâte de vous entendre, je peux... vous vous en doutez, puisque je vous avais dans mon champ de vision lorsque je regardais votre collègue faire sa présentation ce matin. Et vous avez fait une excellente présentation sur laquelle je vais faire des commentaires tantôt, mais vous comprenez que vous êtes en contradiction avec la présidente de la fédération.

J'aimerais que vous clarifiiez un point. Alors, manifestement, vous répondez clairement à la question que j'ai posée ce matin, à savoir que, si les médecins de famille quittaient massivement l'hôpital — votre mot était «rapidement» — ça pose un problème. Vous ne pouvez pas, du jour au lendemain, massivement, prendre leur place. J'ai bien compris?

M. Dallaire (Mario) : Oui, oui, mais j'attendais que la question soit terminée. Donc, en fait de contradiction, je ne crois pas que nous étions en contradiction et je vais vous expliquer la nuance. Votre question de ce matin portait sur le retrait ou l'abolition des AMP. Donc, si on abolit les AMP, notre prétention est qu'il y aura quand même des médecins de famille qui vont faire de l'hospitalisation. Donc, les médecins de famille qui font de l'hospitalisation actuellement ne le font pas tous parce qu'ils sont obligés de le faire. De toute façon, en fait, tout ça devrait être discuté avec les médecins de famille plutôt qu'avec moi. Mais effectivement notre mémoire, vous avez bien compris, pose la crainte suivante, c'est que, si les omnipraticiens sortent des hôpitaux, nous sommes dans le trouble, nous, mais nous sommes dans le trouble dans... Mais la question est : Est-ce que...

M. Barrette : Mais eux autres...

M. Dallaire (Mario) : La question de ce matin avec ma collègue était : Est-ce que le fait d'abolir les AMP... est-ce qu'on est d'accord avec ça ou pas? Ça, on considère, en fait, que ce n'est pas notre problème.

M. Barrette : Si vous me le permettez, je vais quand même reprendre vos propos que vous venez de dire ici, à moins que ce que vous étiez... vous vous soyez mal exprimé, ce qui me surprendrait. Votre mot, là, c'est que, s'il y avait une fuite rapide... ce n'est pas «fuite» que vous avez dit, là, mais, si rapidement les médecins de famille quittaient l'hôpital, il y a un problème. Et la question que je posais ce matin, et elle était assez claire.

L'abolition des AMP, je comprends votre point, mais, à l'inverse, c'est aussi vrai. S'il y a abolition des AMP, l'argumentaire est à l'effet que les médecins vont quitter l'hôpital, et certaines personnes vont dire : Pas nécessairement massivement, d'autres vont peut-être dire oui. Je peux même vous dire qu'il y a des gens qui évoquent la possibilité de limiter le temps à l'hôpital des médecins de famille. Là, on tombe, à ce moment-là — puis corrigez-moi si je fais une mauvaise lecture — dans une gradation de l'état actuel des choses, à une extrême. À l'autre extrême, c'est : ils partent, ils ne sont plus à l'hôpital. S'ils partent et ils ne sont plus à l'hôpital, c'est une catastrophe dans le réseau. Actuellement, vous le dites vous-même, si j'ai bien compris, pas que vous en avez de besoin, parce que ce n'est pas une question de subordination, mais le réseau en a besoin, et, entre les deux, quelqu'un doit prendre le relais, et ce que vous nous dites, c'est que ce relais-là, vous ne pensez pas avoir la capacité de le prendre. Mais une chose est certaine : s'il y a un mouvement le moindrement significatif des médecins de famille de l'hôpital vers le cabinet, ça pose un problème d'une ampleur qui va varier dépendamment de l'ampleur elle-même du mouvement.

M. Dallaire (Mario) : Si les médecins de famille sortent des hôpitaux massivement, dans beaucoup d'hôpitaux du Québec, nous avons un grand problème. Mais est-ce que les médecins de... Ça, il faudrait leur demander à eux, mais est-ce que les médecins de famille vont sortir des hôpitaux massivement en raison de l'abolition des AMP ou ils vont sortir massivement parce qu'ils ont un quota de patients à voir en cabinet?

M. Barrette : Bon, la question, évidemment, n'est pas... Et je comprends que vous me disiez que la question n'est pas à vous de l'aborder. Vous avez tout à fait raison, parce que la problématique du côté des spécialistes n'est pas la même que la problématique du côté des médecins de famille, chez qui c'est une question de capacité et non de lieu de dispensation de services. Mais vous avez raison, c'est un sujet qu'on ne doit pas aborder l'un et l'autre ici.

Le sujet que l'on doit aborder, c'est la question de l'impact d'une migration, d'une diminution significative de l'implication dans les services hospitaliers des médecins de famille. Je comprends de votre intervention qu'elle peut être très significative, et, s'il y avait un mouvement massif, ça serait vraiment un problème parce que vous ne croyez pas que vous, les internistes, ayez la capacité... Parce que vous seriez aux premières loges, évidemment, pour les raisons que vous avez évoquées dans votre préambule, vous seriez aux premières loges du relais. Ça tomberait beaucoup sur vous.

M. Dallaire (Mario) : Donc, si l'énoncé dit que... s'il y a un exode massif des médecins de famille des hôpitaux, effectivement, on est dans le trouble.

M. Barrette : Parfait. Et je dirais même, corrigez-moi si vous n'êtes pas d'accord, qu'il n'a pas besoin d'être massif, là, pour avoir un impact significatif. Demain matin, là, si les médecins de famille diminuent de 50 % leur temps en hôpital, je ne pense pas que ça soit sans impact et je pense — puis je vous laisse commenter — que vous ne voulez pas que ça arrive, là. Je ne pense pas que vous voulez devenir, à cette hauteur-là, médecin traitant demain matin.

M. Dallaire (Mario) : C'est la raison de notre présence ici.

• (18 h 10) •

M. Barrette : Voilà. Et je pense donc conséquemment que c'est un discours... et je ne vous demande pas de me dire oui ou non, là, mais je pense que c'est un discours qui est plus précis que celui qui a été exprimé ce matin.

M. Dallaire (Mario) : Mais, en fait, la question de ce matin était sur l'abolition des AMP.

M. Barrette : C'est-à-dire que, si vous avez suivi, Dr Dallaire...

M. Dallaire (Mario) : De toute façon, je n'ai pas à défendre ma présidente.

M. Barrette : Si vous avez suivi les commissions parlementaires, et je sais que vous suivez évidemment l'actualité médicale, pas la revue, mais bien l'actualité au sens large du terme, vous savez que le débat qui est mis de l'avant par les médecins de première ligne est un débat de déplacement pour éviter le débat de la capacité, le déplacement étant : Enlevez les AMP, on va quitter l'hôpital puis on va s'en aller en cabinet. C'est à cause des AMP qu'on n'est pas en cabinet, alors qu'on sait tous très bien que les gens qui vont à l'hôpital, il y en a beaucoup qui y vont par intérêt, il y en a beaucoup qui font plus que 12 heures par intérêt. Et, si j'enlève les AMP, le temps ne va pas nécessairement diminuer, les gens ne vont pas nécessairement migrer, à moins que, comme certains me le suggèrent, je limite le temps à l'hôpital, mais, évidemment, je ne peux pas le limiter à l'hôpital à ce point-là. Vous allez me dire, comme vous venez de me dire, que vous ne pouvez pas le prendre en charge.

Alors, moi, je veux et je peux vous mettre sur la sellette, c'est les gens des oppositions à qui je m'adresse et au grand public pour que les gens comprennent qu'actuellement, là, le jeu du transfert d'activité de l'hôpital vers le cabinet est un jeu dangereux et que le problème fondamental en est un de capacité, mais ça, ce n'est pas l'objet de votre mémoire.

Maintenant, je reviens à l'avis des internistes. Il y a un paquet, là... et ça, ça m'étonne beaucoup, Dr Dallaire, là, je peux vous les nommer, là, je peux vous nommer sept, huit, neuf, 10 hôpitaux, là, où les internistes n'hospitalisent pas. Les hospitaliser, ça veut dire qu'on est médecin traitant, on n'est pas consultant. Médecin traitant, là, ça veut dire qu'on a le patient à notre nom, à notre charge; consultant, ça veut dire qu'on se fait appeler. Comment se fait-il qu'une spécialité, comme la vôtre, Dr Dallaire, qui est une spécialité omnipotente, dans le sens positif du terme, dans le sens positif, médical du terme, médical par opposition à chirurgical, ait encore des hôpitaux où vous n'hospitalisez pas? N'est-ce pas là une contradiction dans l'essence de l'interniste?

M. Dallaire (Mario) : Mais c'est une question de distribution des effectifs, donc je pense qu'il y a beaucoup d'hôpitaux au Québec où il n'y a pas assez d'internistes pour être capables de pallier à toutes les tâches qu'il y a à faire. Donc, dans les hôpitaux d'internistes, où il y a besoin d'avoir un noyau d'internistes pour faire les tâches, donc il y a des tâches à faire, donc il y a des investigations à remplir, il y a des consultations à faire puis, ultimement, il y a des consultations électives à faire aussi.

Donc, l'exemple que j'ai pris tout à l'heure de Rouyn-Noranda est éloquent. En fait, si on demande aux internistes, même s'ils sont quatre et que c'est un beau groupe d'internistes, si on leur demande d'hospitaliser en plus puis si on met une ressource d'internistes pour prendre en charge les patients hospitalisés, bien c'est moins efficace que si la même ressource est capable de donner des services aux trois groupes d'hospitalisation qui s'occupent des 60 patients qui sont hospitalisés.

Donc, l'interniste va être utile pas nécessairement pour passer à chaque jour, va être utile pour préciser le diagnostic, orienter le traitement et faire que ça puisse continuer. Les médecins de famille sont tout à fait capables de s'occuper des patients tout seuls, mais, de temps en temps, et quand même assez souvent, ils ont besoin d'un petit réajustement sur le diagnostic et le traitement. Et certains de ces patients-là vont avoir besoin d'une visite quotidienne par l'interniste, mais la plupart, la grande majorité vont avoir besoin d'une, ou deux, ou trois visites dans leur séjour hospitalier qui peut durer sept à 10 jours.

M. Barrette : Alors, vous venez de me dire, en d'autres mots, que la présence des médecins de famille à l'hôpital est essentielle.

M. Dallaire (Mario) : C'est le propos de mon mémoire.

M. Barrette : Bon. Donc, c'est essentiel?

M. Dallaire (Mario) : En fait, nous, sur le terrain, les omnipraticiens sur le terrain...

M. Barrette : C'est votre appréciation que je veux savoir, et elle est très claire, là : leur présence est essentielle, et conséquemment une diminution significative induit les problèmes qui sont tout aussi significatifs.

Maintenant, tantôt, Dr Dallaire, vous disiez... votre phrase a été que, s'il y avait un mouvement trop rapide, alors est-il possible, là, d'envisager un mouvement de l'hôpital pour les médecins de famille vers le cabinet moins rapide? Et, si oui, combien de temps vous pensez que ça pourrait prendre? Je soupçonne la réponse, mais j'aimerais vous l'entendre dire.

M. Dallaire (Mario) : En fait, ce qu'il faut, c'est arriver à compléter les noyaux d'internistes partout où il y en a besoin, arriver à avoir des effectifs suffisants pour remplir les tâches qu'on a besoin de faire. Et, à ça, si on rajoute un interniste supplémentaire qui arrive... mais cet interniste-là, qui se rajoute à une équipe de cinq ou six, cet interniste-là pourrait faire de l'hospitalisation. Donc ce groupe d'internistes là, de cinq ou six plus un, une fois que les tâches diverses sont remplies, ce groupe-là pourrait avoir un étage de 20, 25 patients à s'occuper à lui. Donc, ça serait, bien entendu, un étage médical, donc on n'aurait pas, là, sur cet étage-là, de patient en perte d'autonomie.

M. Barrette : Est-ce que je dois comprendre de votre propos, vous qui êtes sur le terrain, qu'un médecin de famille, lorsqu'il est à l'hôpital, il s'occupe d'un étage de 20, 25 patients?

M. Dallaire (Mario) : Je ne peux pas vous dire, c'est très variable...

M. Barrette : Est-ce que vous voyez ça?

M. Dallaire (Mario) : C'est très variable d'un hôpital à l'autre. Oui, effectivement, c'est autour d'une vingtaine de patients que les omnipraticiens peuvent s'occuper.

M. Barrette : Parfait. Là où j'ai un problème, là, c'est que, quand je regarde ça juste de même, là, ce n'est pas une question de... C'est parce que ça m'étonne, là. Moi, j'ai des hôpitaux ici, là, Suroît, ils sont 10 internistes, Granby, neuf, Le Gardeur, neuf, Jardins aussi, ils ont neuf. Ils n'hospitalisent pas.

M. Dallaire (Mario) : Drummondville, ils sont 10, 11, 12, mais...

M. Barrette : Puis ils hospitalisent. À Drummondville, ils sont 10, 11, 12 puis ils hospitalisent.

M. Dallaire (Mario) : Oui, mais, en fait, chacun de ces hôpitaux-là a des... Si, dans un hôpital comme le Suroît, où il y a quand même une population significative, les soins spécialisés sont basés sur des internistes, ça prend des bras pour faire le travail, là. Donc, il y a des consultations à avoir, il y a des évaluations préops, et je suis convaincu que, si le moindrement les internistes s'ennuient, ils se mettraient à hospitaliser.

M. Barrette : On n'a malheureusement plus de temps. J'aurais aimé avoir plus de temps, et, je suis sûr, l'opposition aussi, mais on doit s'arrêter là.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, donc.

Je cède donc la parole à la députée de Taillon pour une durée de 7 min 30 s.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bienvenue, Dr Dallaire, Dr Langlais, madame.

Écoutez, c'est très intéressant, puis on arrive vraiment dans le coeur du sujet. On n'a pas beaucoup de temps. Quand on regarde, on a souvent comparé l'Ontario avec le Québec, et, en Ontario, ils n'ont pas d'activité médicale particulière. Les médecins de famille ne sont pas obligés de faire des heures à l'hôpital. Et la question que moi, je me posais à ce moment-là, bien, c'est : Qui fait l'hospitalisation? Puis ce qu'on nous dit, bien : C'est les urgentologues beaucoup à l'urgence, mais les médecins en médecine interne qui font davantage d'interventions et d'hospitalisations.

Est-ce que c'est votre lecture? Parce que ce qu'on est obligés de constater aujourd'hui, c'est qu'il y a un petit peu... il y a une pensée magique, là. On est le seul endroit au Québec où on demande aux médecins de famille de faire 12 heures au moins en activités médicales particulières. Et ça, c'est quelque chose qui parfois plaît, qu'on puisse les faire en hôpital... Moi, j'ai aussi la préoccupation, parce que ces heures-là peuvent aussi être faites auprès des personnes âgées, par exemple, dans des résidences, les CHSLD. On n'invoque jamais cette dimension-là, mais c'est une autre dimension qui pourrait être problématique, là. Mais donc on impose cette mesure-là, 12 heures, c'est un peu arbitraire. Il n'y a jamais personne qui a dit : Est-ce que c'est 12 heures qui est optimal en termes de fonctionnement? Est-ce que c'est 8 heures qui serait suffisant? Est-ce qu'on rétablirait progressivement ce que vous définissez? Moi, je parle des vases communicants. Je pense qu'on est dans un contexte de vases communicants entre les spécialistes, pharmaciens et infirmières qui peuvent aider à une meilleure utilisation des ressources, à une meilleure efficacité dans la première ligne, et tout ça doit être fait de façon progressive et de façon équilibrée.

Et c'est sûr que l'imposition d'un projet de loi qui arriverait en l'espace de quelques mois pour tout changer, il n'y a rien qui va marcher. Et ce n'est pas le fait que les médecins de famille veuillent ou non faire des AMP ou que les médecins en médecine interne, les spécialistes, veuillent faire plus d'hospitalisation ou non; c'est que ça prend un certain temps, un temps raisonnable, un temps planifiable puis un temps nécessaire. Il y a des choses qui peuvent se faire vite puis qui ne sont pas faites, là, actuellement. On parle des infirmières, des pharmaciens, mais certainement du côté de l'équilibre entre le nombre d'heures et les fonctions entre les médecins spécialistes en médecine interne, les médecins omnipraticiens, les médecins de famille, je pense qu'il y a un équilibre qui est trouvable.

Si on vous disait, par exemple, dans cinq ans, on s'engage à augmenter de 100 le nombre de médecins spécialistes en médecine interne, est-ce qu'on pourrait penser à décroître progressivement le nombre d'heures d'activités médicales particulières, et donc envisager que, dans un avenir de cinq ans, on ait un équilibre beaucoup plus pondéré? Est-ce que ça, ça...

• (18 h 20) •

M. Dallaire (Mario) : Bien, je trouve ça très... En fait, il y a plusieurs, plusieurs points. En fait, dans la comparaison avec l'Ontario, je ne peux pas vous donner beaucoup de détails parce que je n'ai pas de juridiction là, mais ce que je peux vous dire, c'est que la médecine interne au Québec, elle est particulière. La médecine interne au Québec, c'est le chef de file au niveau de la formation de médecine interne, puis c'est le reste du... Depuis 2002, on a un programme de cinq ans pour former des internistes au Québec, alors que c'était quatre ans avant, et, dans le reste du Canada, ils viennent de finalement élaborer un programme de cinq ans parce qu'ils trouvaient que ce qu'on avait fait au Québec était extraordinaire.

Par rapport au temps que ça peut prendre pour faire des réformes comme celle-là, c'est certain que votre point est très intéressant. Nous, justement, notre argument, c'est que, si on veut s'en aller vers ça, ça nous prend des bras. Donc, effectivement, en augmentant les postes de résidence, en augmentant les entrées dans ces postes-là préférentiellement à d'autres spécialités, bien, on pourrait arriver à avoir des bras supplémentaires pour être capable de le faire.

Donc, si, dans une équipe... Il n'y a aucun interniste qui a envie de se tourner les pouces. Si, dans une équipe, on réussit à faire le travail puis qu'on peut procéder à l'hospitalisation dans une unité qui est spécifique pour la médecine interne avec des patients qui sont adéquats pour un interniste — parce qu'il faut comprendre aussi que si... Il y a beaucoup de patients qui sont hospitalisés actuellement pour des pertes d'autonomie et des problèmes de santé mentale qui se mélangent avec des problèmes de santé physique, donc, nous, on a un peu moins à faire là-dedans, mais d'avoir des hospitalisations plus brèves pour des problèmes de santé aigus, on est tout à fait partant pour ça. Donc, en autant qu'on...

Notre grande crainte, c'est de se faire dire : Bon, bien, c'est à vous de faire ça, et là, comme vous n'êtes pas capables de faire vos autres tâches, bien, on va envoyer d'autres médecins les faire. C'est ça, notre grande crainte.

Mme Lamarre : Parce que ce que j'ai entendu, c'est que, dans le fond, les activités médicales particulières, elles ont été instaurées, je pense, en 1993, et puis il y a eu un renforcement en 2002, dans des gouvernements libéraux, mais on n'a pas fait en sorte que ce soit vraiment étudié en termes de l'évolution. Le 12 heures, il est très arbitraire, dans le fond. Il est très, très arbitraire. Je ne sais pas si vous connaissez d'autres endroits dans le monde où 12 heures, là, c'est déterminé. Et là on est à faire une réforme. On fait une réforme et on s'en va encore dans l'arbitraire. Là, on dit : Là, c'est 25 patients par jour, sur une base arbitraire. On ne vérifie pas si c'est possible ou non et on ne donne pas la possibilité et la latitude pour que ça se fasse correctement, adéquatement.

M. Barrette : ...

M. Dallaire (Mario) : Bien, je vais vous décevoir, parce que les activités médicales particulières, c'est vraiment du domaine des omnipraticiens. En fait, vous me dites 12 heures, je ne sais même pas si c'est 12 heures par semaine ou 12 heures par mois. Donc, ce que je sais, c'est qu'on travaille avec des omnipraticiens qui aiment faire de l'hospitalisation. Ceux qu'on voit à l'hôpital, ils aiment faire de l'hospitalisation et ils ne se voient pas sortir de l'hôpital et aller faire du bureau à temps plein. Mais les meilleurs qu'on trouve, c'est ceux qui ont un équilibre, qui viennent une semaine sur quatre, une semaine sur cinq, et qui sont capables d'hospitaliser leurs patients, et qui peuvent les voir au bureau après. Donc, ça, c'est vraiment ce modèle-là qu'on doit encourager.

Mme Lamarre : Déjà...

La Présidente (Mme Montpetit) : Mme la députée de Taillon, juste une petite seconde. Je pense que M. le ministre veut peut-être juste rétablir... Je vous inviterais à le faire très, très, très rapidement.

M. Barrette : Oui. Très rapidement, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent évidemment, les activités de ce que...

Des voix : ...

La Présidente (Mme Montpetit) : Pardon? Monsieur a une question de procédure, là.

M. Barrette : Ça induit les gens en erreur. Les AMP ont été renforcées par le Parti québécois, et non le Parti libéral, sous la gouverne du ministre de la Santé d'alors qui s'appelait M. François Legault, en 2003.

Mme Lamarre : J'aimerais ça ne pas perdre mon temps de parole sur cette information-là parce qu'il y a plusieurs choses qui sont dites des fois qui ne sont pas tout à fait justes. Mais je prends note de l'information.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous invite à continuer. Absolument.

Mme Lamarre : Et, de toute façon, ce que je dis, c'est : Quand on est en train de faire une réforme, je pense que c'est le temps d'analyser la pondération, et on est dans ça, et on est dans la juste pondération, et on a un ministre qui ne veut pas pondérer, qui veut pousser les extrêmes et qui veut absolument étirer de façon très, très... antagoniser les gens plutôt que de les rassembler.

M. Barrette : Mme la Présidente, Mme la Présidente, là, on me prête des intentions, là, et c'est complètement inapproprié, là.

Mme Lamarre : Est-ce que vous pondérez, M. le ministre, ou est-ce que... En tout cas... Je pense que...

La Présidente (Mme Montpetit) : Mme la députée de Taillon, il vous reste 30 secondes. Je vous inviterais à conclure... de garder un ton convenable, s'il vous plaît.

Mme Lamarre : On ne veut pas répondre. Moi, je veux revenir à ça.

M. Barrette : Franchement.

Mme Lamarre : Ce qu'on dit, c'est qu'il y en a, des solutions. Vous êtes prêts à y participer, mais ça ne pourra pas se faire, dans un sens comme dans l'autre, en quelques jours ou en quelques mois, mais qu'il y a une façon de pondérer tout ça.

Moi, j'en suis aussi sur le fait qu'il y a une disponibilité soirs et fins de semaine. Moi, ce que j'ai entendu, et je vais être très honnête avec vous, là, c'est que, des fois, il n'y a pas autant de disponibilité du côté des spécialistes aussi pour les soirs et les fins de semaine. Parce que, moi, ce que je comprends, c'est que, quand on n'est pas disponible les soirs et les fins de semaine, vous par exemple, ou votre équipe, ou les gens que vous représentez, bien, ça veut dire qu'il y a des médecins de famille qui deviennent plus présents à l'hôpital pour combler ces heures-là, et ces heures-là spécifiquement font en sorte que, dans le secteur privé, des cliniques médicales, des GMF, eh bien, on n'a pas la présence de médecins de famille les soirs et les fins de semaine.

La Présidente (Mme Montpetit) : Mme la députée de Taillon, malheureusement je vais devoir vous interrompre, c'est tout le temps qu'on avait. Donc, le député de Lévis pour une période de cinq minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Dr Dallaire, Dr Langlais, Mme Terriault, bonjour. Je vais revenir sur... Bon, vous manifestez des inquiétudes, en tout cas, je le comprends de même, vous me corrigerez si je vous saisis mal, mais vous avez, dans votre mémoire, identifié certaines problématiques : votre rôle, bien sûr, le fait qu'il y ait peu de finissants par année, hein, 40, vous le signifiez, que vous êtes 550 internistes actifs et que, s'il devait y avoir un mouvement brusque, on risque de vivre une situation difficile. C'est ce que je comprends à travers vos propos. On parle... Je reviens sur les AMP, et je comprends bien que c'est une notion qui a été abordée par vos collègues spécialistes et que vous n'êtes pas... Bon, vous disiez tout à l'heure ne pas avoir les notions, puis les heures, puis les... Bon, mais il reste que...

Plusieurs ont évoqué la disparition graduelle des AMP parce que ça devait être au départ une mesure temporaire et que l'augmentation du nombre de médecins, et spécialistes, et omnipraticiens fait en sorte qu'aujourd'hui la couverture serait assurée, parce que certains des omnis, avec qui vous travaillez de toute façon, qui sont en centre hospitalier souhaitent continuer à travailler en établissement parce que c'est leur pratique et c'est celle qu'ils aiment. Est-ce qu'une abolition, et je reviens là-dessus, suggérée par plusieurs, graduelle, par cohorte, sans bris de service, est quelque chose d'envisageable avec une vision aussi des soins en région, versus les soins en grands centres? Est-ce que c'est une notion qui peut être envisageable et permettrait de continuer le service sans qu'il y ait de bris d'effectifs?

M. Dallaire (Mario) : Bien, je pense qu'il faut faire des études d'impact sur tout ce qu'on fait là-dedans, parce que là vous ne pourrez pas me faire parler des abolitions d'AMP, parce que les AMP, c'est du domaine des omnipraticiens. Je ne connais pas ce dossier-là, et c'est aux omnipraticiens, je crois, de négocier leurs choses.

Ce que je vous dis, moi, c'est que ce qu'il faut qu'il soit graduel, c'est le nombre d'omnipraticiens qui travaillent à l'hôpital. Donc, une des choses qui peut les faire partir, c'est peut-être éliminer les AMP, je ne le sais pas, mais une chose qui peut les faire partir, c'est si on leur dit qu'il faut qu'ils suivent 1 500 patients au bureau. Ils ne pourront pas continuer à faire l'hôpital parce qu'il va falloir qu'ils soient au bureau tout le temps. C'est principalement ça, je crois, qui est la principale peur que les omnipraticiens... parce qu'il y a beaucoup d'omnipraticiens qui ont peur actuellement, mais, encore là, ils vont sûrement venir vous parler eux-mêmes.

M. Paradis (Lévis) : Assurément, ils viendront nous le dire, puis d'ailleurs ils ont des choses à proposer, puis, bon, ils ont des pistes aussi de solution, comme vous en avez assurément, mais je comprends que, dans le projet de loi n° 20, tel que présenté maintenant, l'inquiétude que vous manifestez, parce qu'elle est réelle, mettez de côté les AMP, c'est l'impact des quotas et de la demande sur l'omnipraticien qui serait obligé de retourner en cabinet, et plus que ça...

M. Dallaire (Mario) : C'est pour ça qu'on est ici.

M. Paradis (Lévis) : Et vous dites, au surplus, obligé de retourner potentiellement et de laisser la pratique en établissement, mais vous questionnez même le fait qu'ils soient efficaces en cabinet, parce qu'ayant une pratique long terme en établissement, et puis à un moment donné, les deux, ça ne se change pas en quelques secondes.

M. Dallaire (Mario) : Mais, c'est aussi, je pense, au niveau de... parce qu'un professionnel qui passe sa vie à faire de la médecine doit en tirer du bien pour lui aussi, donc il faut que ça soit intéressant, O.K.? Donc, là, justement, le fait... on sent chez nos collègues omnipraticiens qui viennent à l'hôpital qu'ils trouvent ça intéressant de venir à l'hôpital pour s'occuper de leurs patients. Et, dans un même ordre d'idée, c'est une excellente façon de se maintenir à jour sur les problèmes aigus, parce que les problèmes aigus, on les voit à l'hôpital. Donc, si on est capable de s'occuper d'une patiente très malade qui a une pneumonie à l'hôpital, bien, quand on va avoir une pneumonie à son bureau, on va être capable... on va être mieux outillé pour y faire face et moins débalancé.

M. Paradis (Lévis) : Et je comprends aussi que vous craignez, si pareille chose devait se produire, mais du jour au lendemain, ne pas être capable de...

M. Dallaire (Mario) : Je vais le dire de façon claire : Nous craignons qu'il y ait un exode d'omnipraticiens trop grand, trop rapide avec ce projet de loi là, en raison des quotas émis de fonctionnement en cabinet privé.

• (18 h 30) •

M. Paradis (Lévis) : Alors, parce que vous êtes constructifs, puis que vous avez des solutions, puis que vous voyez un peu pour demain ce qui risque d'arriver, comment peut-on pallier à ça?

M. Dallaire (Mario) : O.K. En fait, quand j'ai dit qu'il y avait 40 finissants... Je vous dirais qu'on est quand même relativement chanceux d'avoir 40 finissants. Il n'y a pas beaucoup de spécialités qui ont 40 finissants par année. On produit beaucoup d'internistes au Québec. On a passé une dizaine d'années avec un manque de médecins depuis la mise à la retraite qui avait été décidée dans une autre époque. Donc, moi, j'ai passé toute ma carrière dans un manque de médecins. Actuellement, les médecins sortent, il va y avoir de plus en plus de médecins, ça fait que les pénuries vont être moins importantes, donc les pénuries en médecine interne aussi vont être moins importantes. Puis, heureusement, ma spécialité est populaire actuellement parce qu'il y a 40... Comme je vous spécifie, 40 finissants, c'est bien, mais ma spécialité est populaire parce qu'on est polyvalents, parce que, oui, on peut faire de l'hospitalisation, mais, oui, on peut faire d'autres choses également.

La Présidente (Mme Montpetit) : Merci. Je vous remercie Dr Dallaire. Malheureusement, c'est tout le temps qu'on avait pour nos échanges. Dr Dallaire, Dr Langlais, Mme Terriault, je vous remercie pour votre présentation et les réponses à nos questions.

Compte tenu de l'heure, je suspends donc les travaux jusqu'à 19 h 30.

(Suspension de la séance à 18 h 31)

(Reprise à 19 h 49)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Je demanderais à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie, s'il vous plaît, de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons donc poursuivre nos consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée.

Nous recevons dès maintenant les représentantes de l'Association canadienne de sensibilisation à l'infertilité. Alors, bienvenue à votre Assemblée nationale. D'entrée de jeu, j'aimerais demander aux collègues le consentement pour terminer au-delà de l'heure prévue. Y a-t-il consentement? Il y a consentement.

Alors, vous disposez d'une période, chères représentantes de l'Association canadienne de sensibilisation à l'infertilité, de 10 minutes. Présentation donc de votre part de 10 minutes; par la suite, il y aura un échange avec les parlementaires. Pour les fins d'enregistrement, je vous demanderais, s'il vous plaît, de bien vouloir vous identifier et ainsi que de nous préciser vos fonctions. Alors, la parole est à vous.

Association canadienne de sensibilisation à l'infertilité (ACSI)

Mme Robert (Véronique) : Oui, bonjour. Je m'appelle Véronique Robert. Je suis responsable des communications à l'Association canadienne de sensibilisation à l'infertilité. Je suis la rédactrice du magazine Créons des familles publié par l'association. Et en l'occurrence, aujourd'hui, je serai traductrice au besoin, parce que j'aimerais vous présenter Carolynn Dubé, qui est la nouvelle directrice générale de l'Association canadienne de sensibilisation à l'infertilité. Carolynn est en poste seulement depuis trois semaines, mais elle a appris très vite, elle maîtrise très bien les dossiers. Une des très bonnes raisons pour cela, c'est qu'elle est elle-même une patiente en infertilité. Elle a un petit garçon qu'elle a eu par FIV en Nouvelle-Écosse. Elle nous arrive directement de Halifax et elle ne parle pas français. Comme elle dit, sa prochaine présentation sera en français, mais pas celle-ci, malheureusement. Donc, s'il y a des questions de traduction, je vais traduire les questions pour elle ou, enfin, je pourrai aider. Voilà.

• (19 h 50) •

Le Président (M. Tanguay) : Parfait.

Mme Robert (Véronique) : Donc, je donne la... Oui?

Le Président (M. Tanguay) : Oui, tout à fait, et évidemment vous pouvez vous exprimer en français et en anglais, en vertu de l'article 133 de la Constitution canadienne, alors il n'y a aucun problème. Et on ira... Pour ce qui est de lui traduire les questions en français en anglais, allez-y, prenez tout le temps nécessaire. Puis, pour l'inverse, nous irons au besoin. Je pense que les collègues pourront très bien la comprendre en langue anglaise. Et nous irons donc de façon particulière s'il y a des demandes de traduction en français. Mais, voilà, commençons le dialogue. Alors, la parole est à vous.

Mme Robert (Véronique) : D'accord. Alors, je cède la parole à Carolynn.

Mme Dubé (Carolynn) : Bonjour. Je m'appelle Carolynn Dubé. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui. Excusez ma présentation en anglais.

The Infertility Awareness Association of Canada is Canada's national patient organisation. We empower Canadians to reach their reproductive goals by providing the best support, awareness, information, education as well as advocating for equal access to fertility treatments for all. We are Canada's fertility resource. Today, we are here to present to you on Bill 20 legislation which aims to insure the sustainability of the province's publicly funded fertility program, but, in doing so, we believe, has raised the concerns or our members, our patients.

Historically, Québec has always demonstrated great leadership in its support of infertile patients. In 2010, when Québec first launched its publicly funded fertility program, we applauded. Québec's progressive, forward-thinking approach was to make maternal and infant health a priority. IAAC was in support of Québec's family positive policies. Family building is a vital aspect to a strong, sustainable province.

Since the program's inception, 5 000 babies have been born to Québec families via IVF. These families will nurture future taxpayers, which is important, given Québec's declining birthrate and rapidly aging population. Québec's fertility program was a model for the rest of Canada and has inspired patients and clinicians across this country to expand the conversation of family building in their own province. In addition, the rate of multiple pregnancies in Québec due to in vitro fertilization, or IVF, has fallen from closely 30% to 7%. This is one of the lowest rates in the world, comparable only to markets with very mature funding programs, tied to single embryo transfer. Long before other parts of the country, Québec recognized infertility as a medical disease and granted equal access to treatment under its provincial health care plan.

Our patients across the country tell us that they would like to see Québec continue to demonstrate leadership in this area. That is why, since the introduction of Bill 20, we have heard a strong message from our members and our patients regarding which portions of the legislation they support and which sections they are concerned about. There seems to be a strong consensus of worry from both the English and the French-speaking Québec patients that their dream of building a family is now in jeopardy with Bill 20.

We have heard from many patients across the province and we want to outline our concerns with some of the changes that are coming in Bill 20. But, first, we want to acknowledge the parts of the legislation that IAAC supports and our public and patients support : eligibility criteria; continued universal coverage for some treatments; elective single embryo transfer; and fertility preservation. We acknowledge that changes to the current program are necessary to insure its sustainability and that several parts of the legislation preserve what is good about the current program. However, we also feel that some of the changes go too far and will impact both patient access to health and fiscal outcomes in a negative manner.

And now I'm going to present our concerns with the bill.

Infertility is a medical condition. Regardless where you live in Canada, every patient expects that our health care system will be there to assist them when they need it. Infertility is a disease and should therefore be covered under the provincial health care plan along with other diseases. Even though, under the current program, patients do not pay out of pocket for three cycles of IVF, they still bear a financial burden in the form of time off work, travel to clinics in the Montréal area and a portion of their drug costs. Patients also endure a huge emotional burden in terms of their fears of never having their much desired families, distress of treatment and enduring social isolation and stigma. We do not feel that the added burden of whether or not they can afford to have IVF treatment cycle should be added.

Recommendation No. 1. Our members believe that all infertility treatments, including both IUI and IVF... remain funded under RAMQ within the province of Québec. Québec proudly has one of the lowest multiple birth rates from fertility treatment in the world. However, the promotion of IUI over IVF as a preferred mode of treatment, both due to the way fertility treatments would be funded and the pathway patients are expected to follow, we fear, will reverse these positive trends. It is well-known that it is harder to control the number of eggs that might get fertilized through IUI than through the much more precise technique of IVF. Multiple pregnancies harm both maternal and infant health and increase the risk of premature births and chronic health conditions. These avoidable risks represent long-term costs through our health care system.

Recommendation No. 2. Recognize that IUI contributes to an increase in the rate of multiple births per cycle. Therefore, funding and treatment model should not promote IUI over IVF, allow the patient to convert from an IUI cycle to an IVF cycle at no additional cost, when clear ultrasound shows multiple pregnancies are at risk. Canadian success rates, based on the utilisation of IUI, are significantly lower than IUI. IVF is a more effective treatment for those with certain reproductive health issues. Study show that pregnancy rates per embryo transferred from IVF range anywhere from 43%, for women under the age of 35, to 23% for women aged 40 to 42, whereas pregnancy rates for IUI are as low as 21% for women under the age of 35 and just 7% for women aged 40 to 42.

Recommendation No. 3. Recognize that IVF has a much higher success rate per cycle than IUI, insure the treatment pathway and funding model reflect this by continuing to fund IVF as the safest, most accurate way to insure a singleton birth. As stated earlier, a delay in IVF treatment and a requirement of several rounds of IUI will result in a greater cost, an increase in the rate of multiples for a number of patients and a drop in pregnancy rates for patients seeking fertility support under the new program.

Recommendation No. 4. Limit the number of IUI cycles covered to reflect evidence around pregnancy rates and use the money as saved to help subsidize continued funding of IVF. Patients are also concerned with changes to the treatment pathway and what this will mean for the overall experience. Having one treatment pathway for all will not serve the needs of a diverse group of patients with a different cause of infertility, different health profiles, different ages and different assessments of which treatment path is best for them. As an example, there is good evidence that many patients would be best served and the health care system will incur the least cost if they were allowed to proceed directly to IVF.

While we do not oppose, in principle, the need for an age limit to access public funding of fertility treatments, we believe that this cannot be a blanket policy. There are several examples we can think of where flexibility and good judgment can and should apply. We also believe that women who have frozen their own embryos prior to the cutoff age should be able to access these for the purposes of frozen embryo transfers.

• (20 heures) •

For instance, cancer patients. Women battling cancer freeze their eggs prior to cancer treatments and will not be able to use them to try to become pregnant for five years, to increase their survival rate. By this time, they may be over the age of 42. An exception to the age limit should be made in these cases.

Recommendation 5. Age criteria must be flexible enough to accommodate the needs of patients with frozen gametes who have gone through fertility preservation. Accommodation should be made for women who froze their embryos before the age of 42, if this becomes the new cutoff age. While Bill 20 clearly prohibits women over the age of 42 from accessing IVF treatment even if they choose to pay for it privately, we believe that this rule should not apply to women who seek support of an egg donor. Hundreds of healthy children have been born with the help of an egg donation in gestating women over the age of 42. And they now will be prohibited from accessing this family building option. By imposing this law, the province will be excluding hundreds of families who want to access collaborative reproduction.

Recommendation 6. Women over the age of eligibility of the ART program should be able to use donated eggs or embryos.

Recommendation 7. The overall health of the patient, and not just her age, should be taken into consideration when deciding whether or not to treat. Therefore, in some instances, there should be a process by which a patient and her physician can apply for an exception to this limit.

As an organization that emphasizes fertility awareness as well as appropriate access to treatment options, we strongly believe that the program sustainability is closely tied to better awareness of one's own fertility. Better knowledge and understanding among patients, in particular the next generation of Quebeckers and Canadians, can reduce the later need for fertility treatments and reduce the cost pressure on a publicly funded program over time.

Recommendation 8. Support a provincially funded awareness campaign to educate and inform patients about the biological aspects of fertility, which would address the causes of infertility and when one's own fertility begins to decline.

On behalf of the infertile patients of Québec and across Canada, we would like to thank you by acknowledging and applauding Québec for being a leader in recognizing infertility as a disease, in funding treatments that insure equal access to all, regardless of income, marital status or sexual orientation. Today, we are asking that the province of Québec continue to lead by amending these parts of Bill 20 which are inequitable and may promote poor health outcomes for patients. Thank you.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much for your presentation. Now, it's time to have an open conversation with the members of the National Assembly.

Et j'ai, à la demande du ministre évidemment cédé le temps qui excède le 10 minutes. Donc, pour le ministre, il lui reste une période de 19 minutes. Alors, je cède maintenant la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux pour 19 minutes.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Mesdames, d'abord, je vous remercie de vous être déplacées pour venir nous faire cette présentation, qui était bien claire. I guess you don't understand French as well.

Mme Dubé (Carolynn) : You're correct.

M. Barrette : OK, that's OK. So, I'm going to address you in English, and it's not a problem for me. I need, with you, to... I will not go recommendation by recommendation, because it would take too much time, I would say, but I will address for some specifics, if you don't have... if it's fine with you.

The way you are presenting this is that not only it should remain a publicly funded wall-to-wall program, but we should also promote it, in a way. At least, you know, when you speak about having an information campaign or whatever campaign that you would like us to do, it's a promotion campaign, in a way. And, at the end of a given day like this one, it will cost more, and I was quite pleased to hear from you that you were addressing... or you were concerned about the financial pressure on our health care system.

That being said, what is your take on the fact that we are going in the direction of tax credit financement? Because, in our view, we have presented a way to encompass the whole thing, with some restrictions, I agree with you. But, at the same time, we are addressing the financial aspect of... the cost aspect of the program. So, what is your take on the fact that the tax credit will give or facilitate access to the procedure to women, depending on their revenues? And, to you, isn't that a proper way to address the situation?

Mme Dubé (Carolynn) : Thank you for the question. With a tax credit... and what our patients are telling us is that, although they'll be able to receive compensation, and, in some cases, they can apply for compensation up front, there is still a financial burden on paying... Depending on the sliding scale, patients are still asked to put money up front. So, even if a couple accesses a 60% reimbursement and they are able to access that funding up front, patients still incur the cost of 40% of the treatment. Plus, there are others costs that our patients are incurring. So, not only... Infertility and the infertility treatment is not just what goes on in a clinic. It's the time off work, it's the financial burden of the... of not living in a city where you can access your treatments, and having to travel there. Some people have to fly in, some people have to take one or two weeks off of work.

When you go through a fertility treatment, especially as you're getting your injections and you're getting... everyday or every second day, you're going in for ultrasounds to make sure that your embryos or your eggs are growing, so that process can take up to two weeks. So, if someone is coming in for treatments, they're incurring the cost, not only of staying, if they don't have relatives or friends that live close, so not only is there that cost, but also the additional cost of the treatment that the clinic would require... the payment for the treatment that the clinic would require up front.

So, if the province... if the treatment... I'm just going to put a number out there : if the treatment costs $10,000 and they accessed... they were able to access $6 000 up front, they still have to come up with $4000 on top of the other payments, on top of the treatment payment, and so that's the difficulty, and that's what our patients are telling us. It's the financial burden of the money up front that is very difficult and will limit access. And we're worried that's it's going to cause — and our patients are worried — a two-tiered system, where people who can afford it will be able to continue to afford it and those who can't, the middle and lower class, won't be able to access the care, because they have to look at that aspect of the finance and they may not be able to put that up front.

M. Barrette : Is it possible that we have... not we, you and I, but in this discussion, there might be a misunderstanding, because our program covers for about... for up to 80% of reimbursement of the cost.

Mme Dubé (Carolynn) : Oh yes! No, I understand, sorry. I picked a number arbitrarily. I understand. I picked someone's salary. So, you'll be able to access treatment up to 80%. There would still be the incurred cost of whatever that 20% is, on top of the cost for getting into treatment and those sorts of things.

M. Barrette : I would like to address the same issue differently and to hear you point of view on this one. It's a difficult issue to address, because the way you're addressing it, and I understand what you're saying, and I'm not saying that I'm totally against it... It's not a matter for me to be for or against. It's just about... In many ways, it's about being fair. And what I mean by that is that it's some sort of societal issue. Some would say that, and, in many ways, there are arguments in favor of that, it's a medical problem, so it should be fully covered by the health care system, but at the same time, nothing... not «nothing», but, oftentimes, things are not fully covered.

Mme Dubé (Carolynn) : Absolutely.

M. Barrette : Are you from Québec or you're from...

Mme Dubé (Carolynn) : Now, I am. Originally, Nova Scotia.

M. Barrette : So, I don't know if you know Québec that well, but, in Québec, as we speak, if you live in Abitibi and you have to have radiation therapy, you have to travel either to Gatineau or to Montréal, and those costs are not covered.

Mme Dubé (Carolynn) : Absolutely.

• (20 h 10) •

M. Barrette : My point here is that there are oftentimes, being justified or not, involved costs that come with medical care. And the argument I hear from you is that there are additional costs and they should be covered. But, when we look at it in terms of fairness, that's not the way it is elsewhere either. Have you reflected on that?

Mme Dubé (Carolynn) : Absolutely, absolutely, and when I speak, this is... Our patients aren't concerned about paying for... Their concern is that they are... As other people with other health concerns, they do incur those costs that come along with having diseases, other diseases, and it's just that that financial burden... Of a young couple... For example, many of our patients are between the ages of 25 and early forties, top to mid-forties, with the majority of our members... of our patient group being in their early to mid-thirties. They have mortgages or homes, car payments. So, for them to be able to finance that additional cost on top of an even potentially students' loans, that sort of thing, that additional money that they would need to put forward, purely speaking about the treatment, they say it is difficult and it would create a barrier to access for them.

M. Barrette : To that point specifically, just to make sure that I understand you correctly, is the issue... In the tax credit scheme...

Mme Dubé (Carolynn) : Sure.

M. Barrette : ...is the issue having to get money of the patients' pocket at the moment that they have to put money up front, as opposed to have the tax credit at the end of the year, the issue, or — you know what I mean — is it the whole thing? Even if the tax credit would be rendered available at that time, when the patient has to put some money up front — that's the way you put it — is the issue the fact that the money is not readily available at one given time, and then the patients, or the family, the couple has to take money out of their bank account instead of having, readily available, the tax credit itself? That being said differently, if the money was readily available at the point of service, at the point in time where you need to spend the money, would that render the tax credit less palatable to you?

Mme Dubé (Carolynn) : That will, absolutely. The issue is : it's the up-front cost. So, having that tax credit available up front is absolutely... That is definitely...

M. Barrette : Would soften the thing.

Mme Dubé (Carolynn) : That would soften it, absolutely. If you're on a sliding scale, many of our members... many of our patients may not fall in the 80% reimbursement, they may fall in the middle. And what happens is, when you get into that middle ground, if they're getting a reimbursement of 50% or 60%, they still need to come up with that additional cost up front, even with the reimbursement, and that's the barrier : having access to that extra money at the time of treatment or in order to initiate treatment.

M. Barrette : But, at the same time, when you get in that middle part, you're also getting in a part where that amount of money is comparable to other day-to-day life expenses. That might be said that way. Right? No?

Mme Dubé (Carolynn) : Could you repeat that part? I'm sorry that...

M. Barrette : What I said is that, when you get in that middle part, O.K., of revenues, you know, when you get to the 50%, for instance, you're getting in a bracket where the total revenues of that family, that couple, are such that those people will have sometimes, not always but sometimes, that kind of expenses to face, that kind of cost, amount of money that they have to spend. You get in the area of a used car price. I don't want to make comparisons, but to say that it is a... That significant obstacle to have access to procedure, in my view, might be debatable.

Mme Dubé (Carolynn) : O.K.

M. Barrette : If we go back to the age limit, am I to understand that you would... your recommendation would mean that, over 42, or 43, or 44, or 40... That doesn't matter, that's not my point. My point is that, after a given age that everybody agrees on, is it my understanding that, to you, there should be no limitation for access of IVF, for instance?

Mme Dubé (Carolynn) : No limit... What we are recommending is that, through the clinical pathway, through the discussions with their medical team, a patient can decide what are the right options for them, what's best for the patient, the patient who may be 42, or 43, or older. Many clinics, not all, but many clinics do self-police the use of their own biological material. And so, at the age of 42 or 43, we're hoping that that opens up a new option for women to use a donor embryo. And, so, we support the ability of a woman to be able to do that.

M. Barrette : All right. OK? Thank you very much. I don't have any other questions to address.

Mme Dubé (Carolynn) : Thank you.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much. Merci beaucoup. Nous allons maintenant céder la parole à notre collègue de Taillon pour 12 min 30 s.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue, Mrs. Carolynn Dubé et Mme Véronique Robert. Bonsoir. Welcome. Je vais poser mes questions en français quand même, et vous pouvez répondre en anglais, puis on complétera la traduction.

On a eu beaucoup de groupes qui ont présenté sur ce sujet. Vous êtes un peu plus précises par rapport aux coûts et à la différence entre l'insémination et la fécondation in vitro. Et vous suggérez donc de «by-passer», de passer tout de suite à la fécondation in vitro et de, même, compenser les coûts inhérents à la première technique, là, à l'insémination. Est-ce que vous pouvez nous parler un peu des coûts et également de cette priorité que vous voulez donner. Dans quelles circonstances vous voulez donner priorité à la fécondation in vitro?

Mme Dubé (Carolynn) : Thank you for your question.

Mme Lamarre : It concerns your recommendations 2 and 3, I guess.

Mme Dubé (Carolynn) : O.K., oui. The difference between IUI and IVF... We know that IUI contributes to an increase in the rate of multiple births, so twins, triplets, higher... other multiples. Therefore, the way the bill currently sits is that it promotes the use of IUI initially, which is OK for some of our patients, but it's not the best route for others with specific medical conditions, for example male fertility factor, someone with bilateral blocked tubes. In that case, IUI would be a waste of money. They should be directed right back to an IVF where we know that success rate is higher, and IUI would really not have a great success rate, and, in fact, you'd be wasting your money on those treatments. And what was the other question?

Mme Lamarre : Quel pourcentage, diriez-vous, de patientes pourraient passer directement à la fécondation in vitro?

Mme Dubé (Carolynn) : Well, for example, when you look at the total number of patients who have male factor infertility, that consists of 35% to 40% of our population nationwide. So, those people would probably benefit. And that doesn't include other groups. But, specifically, that would be at least 40%.

So, just... And I'll add one more thing. It's not to say... Sometimes IUI is a process that we could initiate at first, but we also have to look at the success rate after. You know, maybe looking at three cycles, if this hasn't work, is this something that we need to continue on to the sixth cycles or is this patient and her specific condition... Is it best that we move them directly to an IVF cycle in order to save some money and some time? Because, at the end of the day, time, for lots of our patients, is of the essence, and every month that goes by, fertility drops. So, especially for women in higher reproductive ages, every month that goes by, and they're waiting for these IUI tests, can add up to six months or an additional year on their fertility journey.

• (20 h 20) •

Mme Lamarre : À votre connaissance, est-ce qu'il y a des lignes directrices de traitement pour choisir certaines informations, certains contextes d'utilisation de la fécondation in vitro? Vous parlez de l'âge, vous avez... On a eu d'autres personnes qui sont venues nous présenter, d'autres organisations, sur l'âge. Are there any Canadian guidelines about the optimal age or are there any other guidelines about some specific aspects of this bill which usually... we find them in guidelines instead of a law instead of a bill?

Mme Robert (Véronique) : Vous voulez dire : Est-ce qu'il y a des lignes directrices qui vont recommander l'insémination plutôt que la FIV dans certains cas?

Mme Lamarre : Non, de façon générale, sur les différents éléments dont vous parlez, l'âge, par exemple, ou différents aspects... Parce que ce que nous, on observe, dans les gens qui viennent faire des représentations, c'est que plusieurs disent : Certains aspects, le nombre d'embryons, l'âge limite, tout ça, ça ne devrait pas être dans une loi, parce que la loi, elle est très statique. Ça devrait être dans des lignes directrices de traitement qui, elles, évoluent avec la science.

Mme Robert (Véronique) : O.K. D'accord.

Mme Dubé (Carolynn) : Yes. Yes, we are in agreement that this should be not a law, but this is... that there should be guidelines, and that the medical physicians and the medical team at the fertility clinics or even one's own family physician... that those guidelines are used, because every case is different. Every individual is different. And what one diagnosis does, how it affects one person may be a little bit different, based on one's personal health and that sort of things. So, yes, we're in agreement with the guidelines versus making it law. Oui, merci.

Mme Lamarre : La dernière question, c'est sur le paiement, la contribution que les gens auraient à faire par eux-mêmes. Ça va par revenu familial. Or, on a beaucoup de familles reconstituées, alors, là aussi, il y a comme une complexité de savoir quel revenu nous allons prendre en considération et comment on va trouver le bon revenu. Et, malgré ça, il faudra encore que les gens déboursent d'eux-mêmes, commencent à payer eux-mêmes à 20 %, 40 %, 60 %. Donc, ça, ce sont des facteurs qui limitent, selon vous? Vous l'avez tantôt dit un peu, mais il y a la dimension aussi de déterminer le vrai revenu familial, dans un contexte où les familles sont souvent reconstituées.

Mme Dubé (Carolynn) : So, I hope I understand correctly. With families, and families that have come together... As a group, our patients do find the new... You were referring back to the tax credit, is that... C'est correct? Oui.

Mme Lamarre : Yes.

Mme Dubé (Carolynn) : The tax credit, as it's written, is... It's very complicated to understand, as it's written for us, for our patients, and so it probably would be very confusing for some Québec families...

Mme Lamarre : Citizens.

Mme Dubé (Carolynn) : ...and Québec individuals. So, it will be very difficult to... One of our concerns is that we're unsure of how long the process will actually take. So, if, for example, we're applying for a tax credit and our patient is looking for the reimbursement up front, how long would they have to wait for that money to be reimbursed? Is it a few weeks? Is the turnaround a few months? What are all the pieces of information, and the paper work, and those sorts of things, that will come into play? And, again, we're talking about time, and when we talk about time and fertility, time is precious and it's precious for all of us. And so, you know, if it's a six-month process, well, that's six months that may, may not... So, that's something that we would... that our patients have said that they are concerned about, looking at, you know, the process of actually applying for the funding and whether or not they apply up front or on the end, what does that look like, for them.

Mme Lamarre : Vous parlez... Votre dernière recommandation, c'est une campagne de sensibilisation à l'infertilité : «advertising campaign». Est-ce qu'il y en a déjà eu et quels ont été les impacts? Est-ce qu'il y en a eu ailleurs?

Mme Dubé (Carolynn) : A fertility campaign, when we look at education... I had a discussion with a gynecologist last week, and she said : You know, I really wish I had more educational material. I see so many women who are 35, come into my office and they had no idea that the decrease of their fertility had already started. And she said : You know, I look at them and I just want to say : You needed to start five years ago. And now we're in this situation. So, looking at how we live our lives today, families are starting later, but women especially are furthering their education, they're going to school longer, people getting married later, so they're not looking at starting families quite often until they get closer to 30, into their early 30's. And then, all of a sudden, they're realizing that we're having issues here and hadn't realized that, you know, their fertility, after 35, really starts to decrease drastically.

And so, having campaigns, and we're not talking about... I'll refer back to a campaign that I know from... It's not fertility, but I do know that it was one successful campaign that Nova Scotia ran for antismoking. It was hugely successful over a period of four, maybe five, six years. And, when I look at that, it was, you know, social media, a few commercials, educating people on the actual realities of their fertility, because we don't talk about it. It's something that people don't like to talk about, because it's behind closed doors, and it's embarrassing, and people don't talk about it with their families. So, I think that, starting things...

And that's what we do. As an organization, we're responsible, we give that information to patients and although we are the Infertility Awareness Association of Canada, we field questions all the time from patients, who say... who want information about their own fertility. They may not have an infertility issue, it may just be that they have questions. Could I have this issue? And so, that's where we were thinking that that could, along... Down the line, it would be an investment up front for the next generation, so that they're more aware.

Le Président (M. Tanguay) : We will let the representative of the riding of Lévis to have an exchange with you for a period of 8 min 30 s. So, M. le député de Lévis, la parole est à vous.

• (20 h 30) •

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Dubé, bonjour, Mme Robert. Je poserai également mes questions en français, tout doucement pour ensuite avoir vos réponses. Elles seront relativement brèves.

Vous parlez du programme de procréation assistée au Québec et vous en faites l'éloge. Vous dites : Voilà une approche progressiste et avant-gardiste du Québec qui consistait à faire de la santé maternelle et infantile une priorité.

Mme Robert (Véronique) : On parle du programme actuel qui est en vigueur, oui.

M. Paradis (Lévis) : Oui, c'est ça, absolument. Et d'ailleurs ma question s'ensuit. Le programme actuel, tel qu'on le connaît, vous en parlez de façon extrêmement positive.

À la lumière de ce que vous recevez comme commentaires de ceux que vous représentez, des patients, des futurs utilisateurs, l'adoption du projet tel que présenté concernant la procréation assistée risque-t-elle de faire perdre des acquis que vous vantez? Est-ce que ce serait un recul par rapport à ce que l'on a obtenu comme gain pendant ces quatre années de programme?

Mme Dubé (Carolynn) : Thank you for the question. We do feel that this bill as tabled is a setback for the province. The world's eyes are on Québec and their amazing fertility program as it stands now. And Québec has one of the lowest multiple birthrates in the world, and that happened, you know, quite quickly. It wasn't something that took years, and years, and years, you know, and the inception of the program and utilising single embryo transfer, elective single embryo transfer, really reduced the rate of multiples from 30% to 7%, and that is one of the lowest in the world. And so, by introducing IUI as an initial step in someone's fertility journey, what we believe we will start to see is the risk of having multiple pregnancies and multiple births is going to start to creep up on us.

The national average for multiple births is about 17% or 18%. So, Québec, at 7%, is significantly lower, and so that number will most likely start to creep up towards the 17%, which is the national average. So, we do feel that it is a setback, and that also, for a province that recognizes infertility as a disease, the patients feel that, you know, it's taking that medical condition away from them and starting to make it look a little bit more like a consumer product versus a disease. That is what we are hearing, and so we do feel that it is a step backward for the province, and for our patients, and for the country probably as a whole.

The other thing that does affect is that we were going from three funded cycles to one cycle, and that the tax credit really... If you are under the age of 35, you are only eligible for that tax credit once. If you have a child through assisted reproduction technology already or have a child, you won't be eligible for that credit. So, there are lots of things that really do retract all of the work that the province has done since 2010.

M. Paradis (Lévis) : Vous avez parlé, vous avez abordé... et je reprends un peu le thème du financement, c'est-à-dire du remboursement tel qu'on le connaît maintenant et du crédit d'impôt potentiel à venir être établi en fonction du revenu de la famille ou des parents. Est-ce que ceux qui vous parlent et qui s'inquiètent, au-delà du moment où serait versé le montant lorsqu'on décide d'agir ou plus tard... Est-ce que certaines personnes vous ont dit que cette nouvelle façon de faire allait les empêcher d'agir et de laisser tomber le projet de fonder une famille?

Mme Dubé (Carolynn) : Yes. So, our patient population does say that, and it's quite an extensive patient population, because although... Again, people who have lots of money will be able to access the program and have always been able to access the program. It's the couples that really are in that middle to lower-class that — you know, I hate to use that term — or income bracket — excusez — that really are going to be affected, and even the ones that are in the middle-income bracket... And I speak from experience. That was my husband and I : I had university debts, we have a mortgage, two car payments, and then you don't expect to get a bill, and I did. I lived in a province where coverage still doesn't exist. And so, when you have to come up with $12,500 on one day in order to initiate the hope that this will work... because it doesn't always work, and so you're taking a big risk and patients say : I'm paying a lot of money up front for something that I don't know will even work, and that's a huge risk.

And people, if they can afford to do it, may take that risk, but lots of people can't, and the patients that we talked to...It happens in others provinces, I see it, I talk to them. I have friends that are them, and that is a very real concern, and it is a very real concern for the residents of Québec.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Je vais céder ma place.

Le Président (M. Habel) : Parfait. Donc, je passe la parole à la députée de Gouin pour un temps de trois minutes.

Mme David (Gouin) : Merci. Je trouve qu'il y a une sorte d'absent dans ce débat, c'est le problème social de la baisse de la fertilité, qui est quand même un problème qui commence à m'apparaître important, là. Quand on commence à lire là-dessus, on se rend compte que ça n'est pas seulement un problème médical qui affecte quelques personnes, c'est en train de devenir une sorte de problème social, et je me demandais si votre association avait fait des études, ou était au courant de recherches, ou est-ce que votre association croit que la recherche pour connaître les causes de l'infertilité grandissante devrait être au coeur de nos préoccupations? En fait, c'est ça, ma question.

Mme Dubé (Carolynn) : Thank you for your question. You are right. Infertility affects one in six Canadians. It affects one in six Québec families, Québec couples, and there are probably many factors that affect us, I can't speak to all of them, I'm not a medical professional. However, looking at families... And, as I said before, lots of younger families are not looking to start a family like they were 20 years ago, in their mid-20s, for example. They are waiting later, they are getting educations, they are travelling the world. They are doing all the things that they wanted to do before they start their families, to make sure that they have all their ducks in a row in order to ensure that they have a lifestyle... that they can provide a stable lifestyle for a family.

And so part of the issue is that women are waiting later to start their families, and I'm not talking that they are waiting until they are 40, but they are waiting into their earlier 30s. And, you know, they are trying to conceive for a year or two, and, if they are not even starting to start... if they are not looking to start their families, say, they are 32, by the time they try to conceive for a year or two, they are getting closer to that 35, your bracket... and that's definitely... It's a societal issue, and we don't just see it in Canada, we do see it in other countries. So, that is definitely a part of it. We would like to work closely with our physicians and clinics across the country to make sure that we really do have an understanding. And that's where these educational programs can come in.

Le Président (M. Habel) : Merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre temps.

Mme Dubé (Carolynn) : Ah oui! Merci.

Le Président (M. Habel) : Mme Robert, merci beaucoup, et Mme Dubé.

Je vais suspendre les travaux quelques instants. Puis j'invite le prochain groupe à prendre place.

(Suspension de la séance à 20 h 40)

(Reprise à 20 h 44)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux. Nous accueillons aujourd'hui les représentants, représentantes de La Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec.

Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez donc d'une période de présentation de 10 minutes. Par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Je vous demanderais, pour les fins d'enregistrement, de bien vouloir indiquer vos noms et fonctions au sein de l'organisme, et, sans plus tarder, la parole est à vous.

La Fédération des coopératives de services
à domicile et de santé du Québec (FCSDSQ)

M. Caron (J. Benoit) : Merci beaucoup. Mon nom est J. Benoit Caron. Je suis directeur général de La Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec. Je suis accompagné, à ma gauche, de Mme Gabrielle Bourgault-Brunelle, qui est conseillère à la recherche, au développement et à la gestion de projet, et, à ma droite, de M. Paul Levesque, qui est conseiller en relations gouvernementales et relations publiques. Et je vous présente les excuses de notre vice-président, Secteur santé, M. Pierre Beaulieu, qui a eu un contretemps de dernière minute, qui devait être ici pour cette présentation-là.

Alors, M. le Président, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, Mmes et MM. les députés, d'abord et avant tout, au nom des coopératives de santé du Québec, nous voudrions vous remercier de nous permettre de venir aujourd'hui prendre la parole afin de faire entendre les voix des coopératives de santé pour cet important projet de loi qu'est le projet de loi n° 20. Pour les coopératives de santé, être sélectionnées comme participantes par la Commission de la santé et des services sociaux, c'est déjà une reconnaissance importante du modèle coopératif.

Nous sommes bien conscients que ce projet de loi réveille les passions. Toutefois, nous nous devons de souligner que l'objectif premier des coopératives de santé est de permettre l'amélioration d'une plus grande proximité des soins de santé de première ligne à la population. L'objectif des coopératives de santé se retrouve donc particulièrement bien dans l'énoncé au point 1 du chapitre I, Objet et définitions du projet de loi n° 20, où on y lit : «1. La présente loi vise à optimiser l'utilisation des ressources médicales et financières du système de santé dans le but d'améliorer l'accès aux services de médecine de famille...» Nous ne pouvons donc pas être opposés à un projet de loi qui reprend la raison d'être des coopératives de santé.

Cependant, et nous tenons à le rappeler, la solution pour permettre l'accessibilité à des soins de santé de première ligne passe obligatoirement par le personnel médical et principalement par les médecins. Dans les coopératives de santé, les médecins sont des partenaires essentiels qui sont au centre de la vie de la coopérative, et nous souhaitons vraiment continuer à maintenir cette relation privilégiée avec eux.

Avant de vous présenter nos différentes recommandations, permettez-moi de vous présenter le modèle des coopératives de santé. Au Québec, il y a 52 coopératives de santé. Les coopératives de santé membres de la fédération comptent plus de 178 000 dossiers, soit donc 178 000 patients, dont plus de 60 000 d'entre eux sont des membres de ces coopératives. La fédération compte aussi plus de 130 médecins participants et plus de 50 infirmières.

Dans les faits, qu'est-ce qu'une coopérative de santé? En tout premier lieu, une coopérative est une association de personnes se regroupant afin de satisfaire des besoins communs. De plus, une coopérative de santé assume quatre fonctions principales :

1° la coopérative de santé assume une gestion immobilière assurant un lieu de pratique propice à la médecine de première ligne;

2° la coopérative de santé veille à la gestion administrative de l'entreprise;

3° la coopérative de santé assume la gestion de l'offre de services à proximité de sa communauté pour tous les citoyens; enfin,

4° la coopérative de santé assume la gestion des services complémentaires en prévention et en prévention en santé pour l'ensemble de sa communauté, comprenant, bien entendu, ses membres.

Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu'une tendance semble se dessiner dans la pratique de la médecine familiale au Québec. En effet, les médecins tendent à choisir une pratique axée sur les soins plutôt que sur l'acquisition et la gestion d'une clinique, d'un cabinet, qui exige du temps et des ressources. Cette tendance vient principalement des jeunes médecins qui préconisent un changement de valeur dans leurs pratiques. Par conséquent, la pratique en coopérative est particulièrement adaptée à cette nouvelle réalité. Pour les médecins plus âgés, la pratique en coopérative est aussi très intéressante, car elle concorde souvent avec la volonté de mettre fin aux tâches liées à la gestion des ressources humaines, des tâches administratives et des responsabilités immobilières. Cela permet souvent de retarder le départ à la retraite, puisqu'elle permet aux médecins de réduire le nombre d'heures consacrées à l'administration pour les investir dans sa pratique, pour le meilleur intérêt des citoyens, par l'investissement qu'il pourra faire au niveau des soins.

De plus, on constate l'existence d'une médecine à temps partagé. Les temps partiels s'additionnant entre leurs différents lieux de pratique permettent ainsi aux médecins de travailler à temps plein dans des points de service diversifiés. Cette médecine à temps partiel est essentielle à la vie des coopératives, car c'est en additionnant les temps partiels que les coopératives de santé arrivent à offrir des médecins à temps plein.

Advenant l'adoption du projet de loi n° 20 sous cette forme ou avec des modifications, certains médecins, nous croyons, devront avoir davantage de patients à leur charge au cours des prochains mois et des prochaines années. C'est pourquoi les coopératives de santé se positionnent telles des solutions pour les médecins disposant de temps pour de nouveaux patients, ceci considérant la clientèle et les territoires desservis par le réseau dont on vous parle.

• (20 h 50) •

Toutefois, et nous devons en faire état au ministre, des remontées de notre réseau nous laissent croire que le projet de loi n° 20 aura peut-être des conséquences négatives inattendues. À titre d'exemple, une coopérative pourrait voir des médecins quitter la coopérative pour consacrer leurs pratiques en un seul lieu où on offre de meilleures conditions salariales.

En conclusion, la mise sur pied de coopératives de santé répond aux mêmes objectifs que ceux poursuivis par le projet de loi, soit d'optimiser l'utilisation des ressources médicales dans le but d'améliorer l'accès aux services de médecine de famille à la population du Québec. C'est pourquoi il est nécessaire de favoriser une meilleure connaissance et une meilleure utilisation des coopératives par le réseau de la santé afin de répondre aux objectifs de M. Barrette. De surcroît, la formule coopérative est porteuse de valeurs et de principes menant une société à impliquer le citoyen au coeur des processus décisionnels, lesquels sont directement reliés au développement de services de proximité de leur communauté.

Nous avons six recommandations sur lesquelles nous pourrons revenir plus en détail, nous l'espérons, lors de la période d'échange. Ces recommandations viennent directement de nos membres qui vivent la problématique de la proximité des soins de première ligne.

Notre première recommandation : La fédération recommande de favoriser le développement des coopératives de santé au Québec en considérant qu'elles sont des outils de démocratisation favorisant la prévention et la promotion en santé et la vitalisation des communautés par leur offre de services.

Notre deuxième recommandation : La fédération recommande que la formule des coopératives de santé soit connue et reconnue dans le milieu de la médecine, et cela grâce au soutien marqué du ministère de la Santé et des Services sociaux et de ses relais sur le terrain, tout particulièrement nos futurs centres intégrés de santé et de services sociaux.

Notre troisième recommandation : Que des incitatifs positifs qui ne sont pas nécessairement ou obligatoirement financiers soient prévus aux règlements du projet de loi n° 20 afin d'encourager les médecins dans leurs pratiques de première ligne hors des établissements de santé. Il est essentiel d'y inclure les coopératives de santé afin de respecter les outils de développement dont se sont dotées les communautés du Québec.

Notre quatrième recommandation : Advenant qu'une coopérative de santé soit dans une zone considérée comme démédicalisée, la fédération recommande que, pour ces coopératives, les heures d'AMP soient comptabilisées lorsqu'elles sont effectuées au sein de la coopérative.

Notre cinquième recommandation : Advenant qu'une coopérative de santé soit dans une zone avec une masse critique de patients orphelins, la fédération recommande que les médecins pratiquant dans la coopérative puissent faire reconnaître leurs heures d'AMP lorsqu'ils offrent des services avec ou sans rendez-vous à ces dits patients orphelins.

Finalement, notre sixième recommandation : En regard de l'expression des besoins des soins de première ligne par les communautés et des objectifs poursuivis par le projet de loi n° 20, le réseau de la santé devrait reconnaître les coopératives de santé comme des lieux d'accueil privilégiés, des leviers de développement, en favorisant une saine répartition des effectifs médicaux au Québec.

En conclusion, je vous rappelle que l'objectif des coopératives de santé est d'agir — et ça, c'est très important — en complémentarité des réseaux de santé déjà présents. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la parole au ministre pour une période de 20 minutes.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, M. Caron — et là je ne veux pas faire d'impairs — M. Levesque et Mme Bourgault-Brunelle c'est ça? Je m'excuse, au début, je n'avais pas bien saisi votre nom.

Bien, je suis bien content que vous soyez là, parce que, dans le réseau de la santé, je pense que vous êtes la seule organisation que je n'ai jamais rencontrée. C'est la première fois qu'on se voit. Et je comprends de votre mémoire et de votre présentation que vous ne venez évidemment pas nécessairement... En fait, vous ne venez pas du tout critiquer le projet de loi, mais vous venez nous faire une présentation pour vous inclure dans le projet de loi, ce qui fait en sorte que je voudrais avoir une conversation avec vous, si vous me le permettez, informative pour tout le monde, parce que — et je le dis d'entrée de jeu, là, puis je vais vous poser la première question là-dessus, vous allez l'aimer — vous savez que vous êtes... vous avez été — en tout cas, du moins, dans ma perception — dans une certaine opposition avec les organisations représentatives de médecine de famille. Qu'est-ce qui vous différencie? Puis je vais vous poser la question plus précisément.

Quand j'ai regardé votre mémoire, je n'étais même pas sûr de... en vous lisant, je savais à qui j'avais affaire, mais pas dans votre titre. Vous êtes la Fédération des coopératives de services à domicile et de santé, alors que, dans mon univers, jusqu'à aujourd'hui... bien, d'abord, je ne savais pas que vous aviez une fédération, mais vous étiez dans le monde des coopératives de santé, qui, elles, sont, on va dire, en compétition avec ce que la FMOQ voit comme l'organisation de première ligne, parce qu'il y a souvent eu des tensions entre vous, là, je pense, en tout cas, sur la place publique... peut-être pas vous spécifiquement, là, mais la FMOQ a beaucoup critiqué l'existence des coopératives de santé comme telles. Mais maintenant je vois que, dans votre titre, il y a aussi les services à domicile. Il y a-tu un bout que je n'ai pas compris? Et en quoi vous différenciez-vous, par exemple, d'un GMF?

M. Caron (J. Benoit) : Alors, c'est très différent, mais votre question exige une réponse assez complexe.

M. Barrette : Allez-y, on a le temps.

M. Caron (J. Benoit) : Premièrement, il faut dissocier le secteur services à domicile. On s'est déjà rencontrés, M. Barrette, sur le projet de loi n° 10, entre autres, concernant particulièrement les coopératives de services à domicile. Cette fédération-là existait déjà, et, lorsque le développement des coopératives de santé s'est particulièrement accéléré au milieu des années 2000, les coopératives de santé ont souhaité s'affilier ou s'associer dans une association provinciale. Et, considérant la proximité d'intervention entre les coops de services à domicile qui font aussi des soins — pas par des médecins — et la réalité des coopératives de santé, les deux secteurs ont décidé de travailler ensemble, parce qu'on travaillait, dans tous les cas, pour ces deux secteurs-là avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, premièrement.

Deuxièmement, on n'est pas du tout un GMF, quoiqu'on a des coopératives de santé qui sont des GMF. On a quelques coopératives de santé qui sont des GMF. Plusieurs espèrent un jour pouvoir être un GMF ou un satellite de GMF. Puis là on attend, d'ailleurs, le développement, là, du nouveau cadre de référence, là, par rapport aux GMF.

Pour ce qui est de la FMOQ, nous étions avec le Dr Godin il y a une dizaine de jours à peu près. Il faut savoir que c'est un secteur qui est émergent, les coopératives de santé, la première en 1998. La majorité des coopératives de santé ont cependant vu le jour au milieu des années 2000, particulièrement 2005, 2006, 2008, et ce qui nous a amenés à avoir 52 coopératives de santé.

En cours de route, il y a plusieurs ajustements qui ont dû être faits. Il y a, premièrement, une grande méconnaissance où, même vous, je pense que vous nous découvrez un peu aujourd'hui. Alors, c'est la même chose pour d'autres regroupements comme la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec ou le citoyen normal, les médias, etc. Alors, on a investi beaucoup, avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, la Régie de l'assurance maladie du Québec, notamment, pour un peu encadrer, si on veut, l'offre de services qui est faite au sein des coopératives de santé. Je vous dirais qu'il y a une évolution très positive qui s'est effectuée au cours des trois, quatre dernières années, particulièrement les deux, trois dernières, où on a complété un exercice de positionnement harmonieux avec tous ces acteurs-là.

Est-ce que j'ai répondu à votre question, Dr Barrette?

M. Barrette : Oui, mais ça va m'amener à un certain nombre de questions supplémentaires. Vous vous rappellerez, il y a deux ou trois semaines, un mois, même pas un mois, là, il y a eu l'épisode de Windsor. Ce n'est pas une coopérative, ça.

M. Caron (J. Benoit) : Je ne crois pas.

M. Barrette : C'était la municipalité qui faisait ça. J'aimerais ça que vous m'éclairiez, parce que ce n'est pas que je ne vous connais pas, mais on n'a jamais à se rencontrer pour les coopératives comme telles. Je me rappelle que vous étiez venus pour la loi n° 10, mais pour les services à domicile, là. Je comprends que vous regroupez deux activités, à toutes fins utiles, là, mais la connaissance que j'ai de votre univers et la connaissance qui est transmise par la FMOQ...

Éclairez-nous, là, sur votre mode de fonctionnement. J'imagine que vous avez des règles. Si vous êtes une fédération ou une coopérative, vous devez avoir un code de conduite, de déontologie.

M. Caron (J. Benoit) : Oui, tout à fait.

M. Barrette : Vous devez avoir un contrat type. Éclairez-nous, là, sur ce que ça représente en termes de privilèges, de conditions d'accès, de contributions des individus, comment vous fonctionnez, là, dans le quotidien, du moins dans les recommandations que vous faites à vos membres.

• (21 heures) •

M. Caron (J. Benoit) : O.K. Merci beaucoup, M. Barrette, de me donner l'occasion de parler un peu plus des coopératives de santé. Il faut savoir que les coopératives de santé voient le jour là où il y a disparition ou absence de services de première ligne. Alors, au Québec, vous le savez, on avait certainement 1 200 ou 1 300 cliniques ou cabinets qui étaient exploités autrefois par des omnipraticiens généralement. Avec le départ à la retraite de plusieurs d'entre eux et pour d'autres raisons très diverses, on a vu une diminution significative des cabinets, qui étaient autrefois, comme je le disais, exploités par les omnipraticiens. Dans beaucoup de régions, on s'est donc retrouvés avec une absence de services de première ligne. Et ce n'est pas nécessairement le premier réflexe que des citoyens vont avoir, mais là où les services de proximité sont de plus en plus éloignés, c'est-à-dire que les services exigent un déplacement important... insécurise aussi des populations comme des populations plus âgées ou des jeunes familles, l'absence de services à proximité a fait en sorte que des... Puis d'ailleurs les coops de santé, vous savez, ça existe dans le monde, là. Il y en a partout, qui sont très différentes des nôtres, mais le concept de coopérative de santé existe depuis très longtemps, internationalement.

Alors, on a vu tranquillement l'apparition de ces coops-là qui résultaient d'une mobilisation des citoyens, des communautés, de plusieurs organisations qui exploraient la possibilité de se doter dans leur région d'un service de médecins de famille. Naturellement, en tout cas, on prétend ou certains ont prétendu qu'il y avait moins de médecins que les besoins qui étaient présents, alors, tout de suite, dans le développement de ces coopératives de santé là, on a tenté de minimiser l'implication du médecin pour qu'il puisse se consacrer... Et le temps qu'il avait... Parce que souvent, je l'ai dit dans notre présentation, là, d'entrée, souvent, nous, on va travailler avec des bouts de médecins : un temps partiel. Il a une journée à donner par semaine. On lui dit : Inquiète-toi pas. Viens, fais ta pratique, fais ton métier, nous, on s'occupe du reste. Le médecin assume les frais qui sont engendrés par l'exploitation, ou, en tout cas, son activité. Les citoyens, eux, investissent dans la coopérative, qui va s'assurer, premièrement, de développer les services, d'aller chercher ou de trouver des médecins qui ont des disponibilités pour venir pratiquer dans ce milieu-là. Et on va s'occuper de l'administration, on va s'occuper du secrétariat. Puis le médecin vient pratiquer, tout simplement. Le médecin assume des frais. Le membre de la coopérative n'est pas nécessairement un patient. D'ailleurs, vous l'avez vu dans le mémoire, on a 180 000 patients, mais on a 60 000 membres. Donc, ça ne veut pas nécessairement... Il n'y a pas nécessairement une relation de patient parce que tu es membre. Ça, il y a longtemps que c'est réglé. Et le statut de membre, dans une coopérative de santé, ne donne pas un accès privilégié au médecin. Alors, le médecin, c'est comme dans n'importe quel cabinet ou dans n'importe quel GMF, il va déterminer sa capacité de recevoir des patients. Donc, le membre est là, dans un élan de solidarité et de prise en charge citoyenne, pour s'assurer d'une proximité de services, parce que, si les citoyens ou les communautés ne le faisaient pas, il n'y en aurait tout simplement pas, de services.

M. Barrette : Toujours pour qu'on comprenne bien le détail de la chose, tout le monde, là, vous dites : Le médecin qui vient chez vous assume ses frais.

M. Caron (J. Benoit) : Oui. Le Collège des médecins l'exige.

M. Barrette : Oui, ça, je le sais. C'est des questions de compréhension, là, puis vous allez aussi loin que vous le pouvez ou vous me dites que ce n'est pas de mes affaires. Si ce n'est pas de mes affaires, je peux comprendre, ça, là.

Mais vous dites : Le médecin assume ses frais. Mais en même temps vous assumez, vous, des frais. Alors, c'est quoi, la relation que vous avez, là? Vous établissez les frais... Moi, j'ai toujours eu l'impression, à tort ou à raison, puis vous allez me confirmez le tort ou la raison, que le médecin qui allait chez vous n'avait pas la pleine charge des frais qui étaient encourus à sa pratique.

M. Caron (J. Benoit) : Il a la pleine charge des frais qui sont en lien direct avec sa pratique. Il faut savoir que ce qu'on souhaite, dans les coopératives de santé, c'est diversifier les activités. Donc, c'est d'offrir d'autres services de santé qui ne sont pas nécessairement offerts, qui sont offerts par d'autres professionnels, qui sont des services, souvent, non assurés. On souhaite de plus en plus développer des services de prévention et de promotion en santé. Il y a des services qui sont non assurés, qui ne concernent pas nécessairement le médecin, là. Alors, ça, le citoyen paie pour ça. Donc, ça atténue, bien entendu... parce qu'on va utiliser l'immeuble à d'autres fins, aussi, que celui de la pratique du médecin. Donc, le médecin assume sa partie à lui, la partie où il doit assumer ce que ça a coûté dans sa journée de pratique, là.

Tantôt, je voudrais revenir, Dr Barrette, vous dire est-ce qu'il y a des règles... Le passé nous a amenés à développer deux importants outils qui s'appellent un cadre de référence, où on a huit principes directeurs et 48 recommandations. Normalement, les coopératives de santé doivent respecter ces 48 recommandations-là ou ces huit principes directeurs là. Et on a aussi, avec la collaboration de plusieurs partenaires, développé un processus de conformité où on peut aller dans une coopérative de santé, faire une analyse et des recommandations pour amener les administrateurs... Parce qu'il faut savoir que ces coops de santé là sont des entreprises collectives, exploitées à des fins non lucratives, qui sont administrées par les citoyens, un conseil d'administration d'une douzaine de personnes, messieurs, madames, citoyens, des organismes, des représentants de différents milieux, qui administrent. Alors, on veut les amener, ces administrateurs-là, à s'assurer de la conformité qui est présente dans des pratiques, qui sont le respect des règlements, le respect des lois. Au moment où on se parle, selon les dernières informations qu'on a, on n'a aucune plainte, il n'y a aucune poursuite contre aucune coopérative de santé. Bien entendu, le cadre de référence comme le processus de conformité ont certainement contribué, là, à permettre à ces citoyens-là, qui prennent en charge l'offre de services de première ligne, d'être plus familiers avec les pratiques conformes.

M. Barrette : Hypothétiquement, si j'auditais vos livres, dans une coopérative quelconque, et que j'auditais les livres d'un GMF, mettons, là... mais peut-être pas un GMF, de quelqu'un d'autre qui loue des espaces de bureaux pour des médecins, la charge, le coût aux médecins serait le même chez vous ou dans la même fourchette qu'ailleurs.

M. Caron (J. Benoit) : Dans un GMF, je ne peux pas vous le dire.

M. Barrette : Non, non, non, oublions le GMF parce qu'il y a de l'argent qui vient de l'État, là, mais un propriétaire d'édifices à bureaux qui loue des espaces, là.

M. Caron (J. Benoit) : Par contre, je vous dirais...

M. Barrette : Et la raison pour laquelle je vous pose cette question-là, je vais être très franc avec vous, c'est ce qui se dit dans le milieu, que vous faites — et ça, vous l'avez entendu, je suis convaincu, l'expression, là — une conférence... une conférence! une...

M. Levesque (Paul) : Une concurrence déloyale.

M. Barrette : Pardon?

M. Levesque (Paul) : Une concurrence déloyale.

M. Barrette : Exactement. Bien voilà, comme quoi qu'on entend la même chose.

M. Caron (J. Benoit) : Ce n'est pas ce que le Dr Godin nous disait récemment.

M. Barrette : Non, non, je vous dis que ça a déjà circulé, là.

M. Caron (J. Benoit) : Oui, oui, effectivement.

M. Barrette : Éclairez-nous.

M. Caron (J. Benoit) : Ça a déjà circulé. Naturellement, je l'ai dit, il y a une prise en charge puis une réglementation qui s'est développée dans la pratique, hein? Je vous ai parlé de 2005‑2008, là, c'est presque avant-hier, ça, là. Alors, au cours des dernières années, on a dû composer afin de s'assurer d'une conformité puis d'une pratique qui respecte tout ce qu'on peut penser qu'on doit respecter. Je vous ai dit qu'une coopérative de santé est une entreprise collective exploitée à des fins non lucratives.

M. Barrette : Ah! ça, je n'ai aucun doute là-dessus.

M. Caron (J. Benoit) : O.K. Alors, vous comprenez que, quand on est ce que je viens de décrire, on n'a pas un objectif de générer des excédents. Alors là, l'objectif que la coopérative de santé a, c'est d'offrir des services à proximité, le plus de services possible, bien entendu des services d'un omnipraticien, mais également d'autres services, là, d'autres professionnels, comme je vous l'ai dit. Et, comme elle est exploitée à des fins non lucratives, c'est très différent que si je suis un cabinet, puis je suis un propriétaire d'immeuble, puis je veux rentabiliser mon investissement. Alors, il n'y a pas cet objectif-là. C'est sûr que, dans une coopérative de santé, comme on n'a pas ces obligations de générer des excédents, on offre peut-être des meilleures conditions de location. L'objectif de l'entreprise, c'est d'être rentable, non pas de générer des excédents, alors ça fait quand même une différence, là, sur les attentes que les investisseurs peuvent avoir sur les résultats qu'on va attendre. M. Levesque, vous voulez poursuivre?

M. Levesque (Paul) : Mais simplement vous indiquer qu'à la page 19 de notre mémoire on dénote bien : «...la participation financière des médecins contribue à la viabilité [des] coopératives. Ce principe prend en compte l'équité en matière de rémunération à l'acte majoré de 30 % à 35 % par la RAMQ...» C'est ce que la fédération recommande. Ce n'est pas forcément toujours appliqué dans l'ensemble des coopératives, mais c'est ce qui est recommandé par la fédération.

M. Caron (J. Benoit) : On n'est pas bien méchants, vous savez.

M. Barrette : Non, non, non, ce n'est pas ça. Écoutez, là, je profite de votre présence pour avoir une discussion très, très ouverte, comme vous le voyez, là, ça m'intéresse. De façon globale, là, vous avez des groupes de... En équivalents temps plein, dans vos coopératives, ça va de quoi à quoi?

M. Caron (J. Benoit) : 4,2. La moyenne, c'est...

M. Barrette : Vous avez une moyenne de 4,2 par coopérative.

M. Caron (J. Benoit) : ...4,2 médecins par coopérative, et on estime que chacune souhaiterait en avoir trois ou quatre de plus. On en a qui ont plusieurs médecins, plus d'une douzaine. On en a qui ont une journée-médecin par semaine.

M. Barrette : O.K. Et la quasi-totalité de vos coopératives sont évidemment dans des endroits plus isolés, bien, en tout cas, moins bien servis.

M. Caron (J. Benoit) : Semi-urbains. C'est 25 à 50 kilomètres d'un centre plus important. Contrairement à ce qu'on croit, là, on n'est pas dans les zones les plus éloignées, on est plutôt dans les zones semi-urbaines, disons.

M. Barrette : Vous êtes entre les deux.

M. Caron (J. Benoit) : C'est ça. C'est ça.

M. Barrette : Alors, vous êtes en quelque part, mettons, entre Québec puis Drummondville, mettons.

M. Caron (J. Benoit) : Bien, beaucoup de Chaudière-Appalaches, la Mauricie—Centre-du-Québec, la Montérégie, l'Outaouais.

M. Barrette : C'est ça. Pouvez-vous me donner un éventail des services que vous donnez?

M. Caron (J. Benoit) : Oui.

M. Barrette : Non médicaux, j'entends, là.

M. Caron (J. Benoit) : Gabrielle?

• (21 h 10) •

Mme Bourgault-Brunelle (Gabrielle) : Dans les services non médicaux, donc on agit effectivement beaucoup en prévention et promotion en santé. C'est un libellé qu'on a adopté à l'échelle du réseau, à savoir que tout ce qui était en amont ou en complémentarité du curatif... Donc, on va avoir beaucoup d'ateliers sur la nutrition. Les saines habitudes de vie sont un sujet qui est de plus en plus omniprésent dans les activités des coopératives de santé. Il y a des groupes de discussion, il va y avoir des rencontres locales, des groupes de marche. D'un autre côté, outre les activités, disons, un peu plus sociales, un peu plus en prévention, il y a toute une gamme de services complémentaires qui vient s'adjoindre, autant au niveau de la santé mentale, par exemple, qu'au niveau de la conscientisation par rapport à la santé de l'individu. On va aller, par exemple, d'une nutritionniste à de la chiropractie, en passant par un psychologue, un travailleur social. Donc, dépendamment... et ça, il faut quand même le spécifier, considérant que les entreprises sont administrées par et pour des usagers et autres représentants, mais les services qui sont menés et qui sont offerts, qui sont développés, font écho aux besoins des communautés qui sont représentées par l'essence même de l'entreprise, qui est une coopérative.

Donc, le développement de l'offre de services va refléter les besoins exprimés par l'ensemble des membres qui sont collectivement propriétaires de l'entreprise.

M. Caron (J. Benoit) : Les services infirmiers, par exemple aussi, les prélèvements sanguins...

Mme Bourgault-Brunelle (Gabrielle) : Les soins infirmiers sont de plus en plus utilisés.

M. Barrette : Quel est...

Mme Bourgault-Brunelle (Gabrielle) : Il y a des IPS aussi, mais là, on tombe dans le curatif.

M. Barrette : Excusez-moi de vous avoir interrompue. Vous avez fini?

Mme Bourgault-Brunelle (Gabrielle) : Pardon?

M. Barrette : Je vous ai interrompue.

Mme Bourgault-Brunelle (Gabrielle) : Non, bien, on commençait à verser peut-être un peu plus dans le médical, là, si on commence à entrer dans les soins infirmiers. Mais effectivement il y a une grande prédominance de soins infirmiers. Mais je crois qu'il était question du non-médical.

M. Barrette : O.K. Quelle est votre relation globale avec les CLSC?

M. Caron (J. Benoit) : Généralement, dans le cadre de référence, nous, il ne devrait pas y avoir de coop de santé si elle n'est pas en partenariat avec le CLSC. Donc, généralement, ce qu'on préconise, c'est... Même, à l'idée d'un projet de coopérative de santé, une des premières directives qu'on va donner, c'est qu'il y ait l'établissement d'un lien avec le réseau local, le réseau régional, de façon à éviter effectivement, là, une concurrence. Il doit... Là où il y a une coop de santé, normalement, c'est parce qu'il n'y a pas d'autre alternative.

M. Barrette : O.K. Juste comme ça, puis je vais terminer là-dessus parce que le temps passe, évidemment, vous avez dit que vous aimeriez, en moyenne — on dit une moyenne, là — avoir trois, quatre médecins... Là, je comprends qu'il y a des médecins qui vont dans vos coops parce que c'est une espèce de clés en main. Même s'il y a des frais, là, ils paient, là, mais c'est un clés en main. Ils arrivent, puis c'est un bel environnement, là, je ne parle pas de la couleur des murs, là, mais c'est confortable. Ce n'est pas une critique, c'est même un compliment.

M. Caron (J. Benoit) : C'est modeste.

M. Barrette : Non, non, mais on sait que les médecins préfèrent ne pas avoir la problématique d'avoir à gérer. Ça, on le sait, on est rendu dans un monde comme celui-là. Là, je vais vous poser la question inverse : Pourquoi vous avez de la misère à recruter?

M. Caron (J. Benoit) : Bien, c'est le nombre, je pense, aussi, puis c'est les régions. Alors, c'est sûr qu'il y a beaucoup de médecins qui vont peut-être avoir plus d'envie d'aller dans un centre où il y a un environnement aussi. On sait que la pratique médicale isolée, ce n'est pas celle qui est particulièrement identifiée. Alors, c'est sûr qu'on a... je l'ai dit, c'est des lieux quand même modestes. C'est des lieux... Il y a la réalité des médecins, je suis désolé, mais il y a beaucoup de médecins qui ont déjà des horaires assez complets et qui n'ont pas de disponibilité. Il y a la quantité aussi. Moi, je dis souvent : Les coopératives de santé, qui étaient un phénomène marginal, qui sont devenues une réalité sociale, ne multiplient pas les médecins.

M. Barrette : Donc, d'où votre demande de vous inclure dans les AMP.

M. Caron (J. Benoit) : Parce qu'on croit qu'on peut... D'ailleurs, on ne croit pas, on l'affirme : On favorise une meilleure répartition des effectifs médicaux sur l'ensemble du territoire québécois. Il y a bien des endroits où, s'il n'y a pas une coop de santé, effectivement, on va pouvoir avoir accès à un médecin, on a juste à faire 25, 50, 60 kilomètres. On rapproche le service en permettant à un médecin qui a une journée à investir de venir la faire chez nous. C'est pour ça que le projet de loi n° 20 nous intéresse, M. Barrette, parce qu'on vous offre — ou on offre aux médecins qui auront à compléter leur pratique — des lieux où ils pourront venir avec la portion qu'ils ont à offrir.

M. Barrette : J'ai bien compris. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous cédons maintenant la parole à notre collègue députée de Taillon pour une période de 12 minutes.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. M. Caron, Mme Bourgault-Brunelle et M. Levesque, bonsoir. Merci. D'abord, moi, ce qui m'étonne dans votre titre, c'est que vous êtes La Fédération des coopératives de services à domicile et de santé au Québec, alors la portion services à domicile, est-ce que vous pouvez nous en parler un petit peu plus?

M. Caron (J. Benoit) : Oui, je vous en ai parlé il n'y a pas si longtemps. La portion services à domicile, vous savez qu'au Québec il y a 102 entreprises d'économie sociale en aide à domicile qui offrent des services d'activité de la vie domestique et d'activité de la vie quotidienne. On travaille à l'intérieur d'un programme du ministère de la Santé et des Services sociaux qui s'appelle le programme... le PEFSAD. Et on est là depuis 1996‑1997. On a 7 800 préposés. On intervient auprès de 100 000 personnes en perte d'autonomie approximativement.

Mme Lamarre : Mais vous n'avez pas de médecins qui font du service à domicile.

M. Caron (J. Benoit) : Non.

Mme Lamarre : C'est juste ça que je voulais clarifier.

M. Caron (J. Benoit) : Non. Oui.

Mme Lamarre : Donc, il n'y a pas de services médicaux à domicile.

M. Caron (J. Benoit) : Il y a des services, et puis, dans certaines coopératives de services à domicile, on va avoir quelques infirmières, mais principalement c'est vraiment des services au niveau des AVD et des AVQ, là, qui ne sont pas offerts par des professionnels de la santé, là, mais par des préposés d'aide à domicile.

Mme Lamarre : Oui, d'accord. Et là, dans votre préoccupation, parce que, si on revient bien à votre mémoire et à votre préoccupation, c'est que, dans le projet de loi n° 20, vous avez... vous craignez, dans le fond, de perdre votre capacité d'attraction pour des médecins puisque les activités qu'ils font dans les coopératives ne sont pas reconnues comme des activités médicales particulières.

Tantôt, vous avez dit : Ce serait bon que ce soit prévu dans les régions éloignées. Mais là il y a quand même des PREM, il y a des plans régionaux d'effectifs médicaux, qui, eux, visent justement à compenser cet accès et cette distribution des médecins sur le territoire. Là, vous iriez dans le PREM et dans l'AMP en même temps?

M. Caron (J. Benoit) : Actuellement, il n'y a aucun PREM dans... Les coops ne sont pas là, là.

Mme Lamarre : Vous n'avez pas accès. Vous ne faites pas partie...

M. Caron (J. Benoit) : C'est ça. Par contre, dans les AMP, on a quelques exemples où la coopérative... en considérant son milieu, les agences ont reconnu la pratique au niveau des AMP. Donc, les heures que le médecin fait dans la coopérative contribuent à quantifier ses actes médicaux particuliers. Ça, c'est un avantage, là. Ça veut dire que...

Une voix : ...

M. Caron (J. Benoit) : C'est actuellement exceptionnel, mais le médecin qui a une obligation, hein — je pense que c'est une douzaine d'heures par semaine que certains médecins peuvent avoir comme obligation au niveau des AMP — bien, s'il peut les faire dans la coopérative, il va être peut-être plus collaborateur pour venir offrir ses services dans ce lieu-là, dans cette communauté-là.

Mme Lamarre : Bien, l'objectif des AMP, c'était un peu de faire en sorte que les médecins aillent vers des pratiques ou des lieux, je vous dirais, des lieux d'exercice, là, pas nécessairement de lieux physiques, mais des types d'exercice où on avait des besoins particuliers. Et il y en avait deux qui avaient été principalement ciblés, c'est-à-dire les soins aux personnes très âgées, vulnérables et l'urgence. Donc, vous, vous vous positionnez où dans ça?

M. Caron (J. Benoit) : Bien, je pense que, pour plusieurs milieux, on a des personnes en perte d'autonomie, qui habitent dans certaines communautés où il n'y a pas nécessairement un centre hospitalier, une urgence, puis tout ça. Donc, la coopérative qui est là a cette préoccupation-là de ces clientèles-là également, là. Donc, de permettre à un médecin qui a quelques heures à donner de venir les donner dans une coopérative de santé, on pense que ça contribue à l'atteinte des objectifs que vous décrivez.

Mme Lamarre : O.K. Parce que la préoccupation qu'on a, c'est qu'on a 8 millions de Québécois à servir. Et il faut s'assurer qu'on ne créera pas tellement d'exceptions, dans toutes les caractéristiques de sous-groupes, que, finalement, on va se retrouver avec encore moins de médecins disponibles pour un patient gériatrique normal. Et ça, c'est une des préoccupations, là, de créer tellement de sous-groupes, tellement de sous-catégories de médecins, de leur donner finalement des options pour faire d'autres types de pratique que celle qui est vraiment la prise en charge de patients chroniques, de patients qui ont des problèmes et de patients aussi qui ont besoin d'avoir accès à un médecin de famille en première ligne, finalement.

M. Caron (J. Benoit) : Bien, partout où les... Il faut se rappeler, Mme Bellemare, que, là où il y a un projet de coopérative de santé qui voit le jour, c'est parce qu'il y a des besoins qui sont très présents, très criants, tellement criants qu'ils mobilisent une population à s'investir pour mettre sur pied une coopérative de santé. Ce n'est pas spontané, hein? Là où sont nées les coopératives de santé, c'est parce que les besoins étaient très présents.

Ces besoins-là étaient présents aussi bien au niveau des personnes en perte d'autonomie, au niveau des jeunes familles, au niveau d'une clientèle plus familiale, sans caractéristique particulière. Donc, c'est les citoyens qui expriment le besoin, là. Et, comme je vous dis, ce n'est pas dans notre réflexe naturel de faire tout ce travail-là. Développer une coopérative de santé demande... est très exigeant pour chaque citoyen, pour chaque communauté. Donc, on croit que ça atteint l'objectif que vous voulez un peu protéger, là. Et on est probablement un bel exemple de réussite dans ce sens-là parce que, là où nous sommes, il n'y a personne d'autre.

• (21 h 20) •

Mme Lamarre : Oui. Mais ça, je peux en témoigner, vous avez... Vous êtes localisés à beaucoup d'endroits où, vraiment, c'est à mi-chemin entre une zone urbaine et une zone, finalement, souvent très proche rurale. Et il y a quand même une bonne densité de population, puis les gens ont de la difficulté à recruter, mais en fait la préoccupation qu'on a, c'est... Et je vais vous poser une question très directe : Est-ce que vous avez des médecins, par exemple, qui travaillent avec vous et qui appartiennent à un GMF, qui sont aussi...

M. Caron (J. Benoit) : Absolument, oui, oui.

Mme Lamarre : O.K. Alors là, c'est un peu là qu'on a à choisir, finalement, ou à faire des choix difficiles, jusqu'à un certain point, parce qu'on sait que les GMF, actuellement, sont aussi en pénurie de médecins. Et on voudrait assurer finalement une ouverture au niveau des heures de disponibilité des médecins, plus le soir, les fins de semaine. C'est ça qui va nous aider à rattraper la première ligne. Puis, en même temps, vous, vous dites : Nous aussi, on répond à ce besoin-là, mais dans un contexte plus particulier. Comment on peut optimiser le recours aux ressources médicales limitées qu'on a?

M. Caron (J. Benoit) : Bien, je pense que la coopérative de santé va contribuer à l'atteinte des objectifs du GMF aussi, là. Le GMF, il a une obligation ou, en tout cas, une volonté d'offrir de toucher le plus de clientèles possible, de se rendre accessible. Il y a d'ailleurs des heures de pratique qui sont étendues, plus que dans un cabinet régulier. On a des coopératives de santé qui sont devenues des satellites de GMF. Donc, je pense qu'il y a une coopération qui peut s'établir, entre une coopérative de santé et un GMF, qui va contribuer à la réalisation de la mission de chacun.

Mme Lamarre : O.K. Mais, à ce moment-là, si vous êtes des satellites du GMF, vous n'avez pas besoin d'avoir des AMP parce qu'à ce moment-là vous avez la reconnaissance, là, des heures GMF, et des primes GMF, et de l'organisation structurelle du GMF, finalement.

M. Caron (J. Benoit) : M. Levesque?

M. Levesque (Paul) : Simplement, peut-être, vous informer : on a très peu de coopératives qui sont des GMF. Et la question des AMP, on l'a vraiment posée sous deux angles : des zones démédicalisées — ce qu'on peut appeler des zones démédicalisées — ou des zones avec une masse critique de patients orphelins. Et ce n'est pas aux coopératives de décider si on est dans une masse critique d'orphelins ou si on est dans une zone démédicalisée. Ce sera aux centres intégrés de santé et de services sociaux ou au ministre de décider qu'on est dans une de ces deux zones. Et, à partir de ce moment-là, on amène l'idée que des AMP puissent être ouvertes pour compenser ça. Mais c'est vraiment dans ces deux zones-là. On est bien conscients que les AMP répondent à des spécificités que vous avez très bien expliquées, mais, nous, c'était vraiment la spécificité démédicalisée, en zone démédicalisée ou zone avec beaucoup de patients orphelins, là où certaines de nos coopératives se retrouvent particulièrement.

Mme Lamarre : Alors, c'est ça. Donc, vous ciblez quand même deux caractéristiques, deux contextes particuliers. Mais faisons abstraction de tout ça puisque, là, ce sont des caractéristiques un petit peu plus marginales, dans le fond, mais où vous vous positionnez comme une option intéressante. Il reste que l'ensemble du projet de loi n° 20 vous préoccupe parce que vous dites : Si on exige des médecins de faire... ou de voir 25 patients dans l'endroit où ils exercent principalement, là il ne nous restera peut-être plus beaucoup... il va nous rester encore moins d'heures de médecins. Est-ce que c'est ça, votre préoccupation? Parce que, si vous êtes ici aujourd'hui, c'est un peu pour nous parler de cette préoccupation-là.

M. Caron (J. Benoit) : Bien...

M. Levesque (Paul) : ...

M. Caron (J. Benoit) : Oui, vas-y.

M. Levesque (Paul) : Au départ, quand on a vu arriver le projet de loi n° 20, pour les coopératives de santé, on l'a vu positivement, en considérant que les médecins devraient prendre plus de patients; donc, s'ils devaient prendre plus de patients, ils devraient peut-être les prendre dans les coopératives de santé.

Toutefois, on a eu des retours du réseau, et tout en... c'est ce que M. Caron disait tout à l'heure au ministre, qui nous a soulevé le fait que ça aurait peut-être l'effet inverse, puisque les gens auraient peut-être une pratique qui serait plus localisée à un endroit donné afin de remplir les critères du projet de loi n° 20. Et, dans les coopératives de santé, un des concepts majeurs, c'est le principe de la médecine à temps partiel. Dans beaucoup de nos coopératives, il n'y a pas de médecin qui travaille à temps plein. Dans certaines coopératives, nous en avons, mais c'est souvent l'addition de plusieurs médecins qui font un médecin à temps plein. Donc, effectivement, si le projet de loi n° 20 avait pour conséquence d'aller à l'encontre de cette médecine à temps partiel qui favorise les coopératives de santé, ça pourrait avoir des impacts négatifs qui ne sont pas souhaités par les coopératives de santé, évidemment.

M. Caron (J. Benoit) : Il faut savoir qu'on a... puis ça, c'est important de le repréciser, nous ne sommes pas ici pour parler à la place des médecins. Je pense qu'ils ont leurs organes de communication, et ils vont venir, ou ils sont venus, ou... On est vraiment ici pour les citoyens, parce que les membres, les propriétaires, collectivement, des coopératives de santé, ce sont les citoyens. Nous, on pense que la coopérative de santé va favoriser une mobilité du médecin qu'on n'aura pas autrement. S'il n'y a pas d'infrastructures pour accueillir le médecin qui a une journée à donner, le médecin n'ira pas dans cette communauté-là, et les seuls qui seront pénalisés, ce seront les citoyens.

Mme Lamarre : Il y a des groupes qui sont venus ici, donc, avant vous pour nous mentionner des inquiétudes par rapport aux quotas de patients. Encore ce matin, là, on avait le nombre de 25 patients par jour, cinq jours-semaine. C'est sûr que ça, ça peut effectivement vous priver de ressources au niveau médical dans ce contexte-là. C'est un peu votre préoccupation. Moi, je sais aussi qu'effectivement, souvent, ces coopératives-là sont faites avec énormément d'efforts des citoyens, localement, qui investissent, qui travaillent très fort eux-mêmes, même pour contribuer au recrutement des médecins et pour s'assurer qu'il y ait un minimum de services. Et ça aussi, ça traduit une difficulté d'accès importante, là, dans ces régions-là. Donc, c'est sûr qu'on ne veut pas vous priver de ça. Mais là vous avez cette inquiétude-là, parce que les quotas de patients par médecin, ça vient certainement diminuer, en tout cas, le temps de déplacement des médecins pour se rendre jusque dans vos lieux, si vous êtes un peu à l'extérieur, et aussi il y a une perte de temps, là, qui correspond à des patients et qui risque de diminuer la capacité des médecins à atteindre les quotas prévus dans le projet de loi.

M. Caron (J. Benoit) : Je vous dirais qu'on y voit des menaces et des opportunités, parce que, s'il lui manque 25 patients et que, là où il est, dans sa réalité, il n'a pas la possibilité de répondre à cette obligation-là, bien, on va lui offrir, nous, de venir faire les 25 patients chez nous, là.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à l'échange avec notre collègue de Taillon. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Lévis pour huit minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Bonsoir, M. Caron, M. Levesque, Mme Brunelle.

Je reviendrai et je vous permettrai encore de réidentifier les inquiétudes que vous manifestez. Je comprends que vous êtes ici pour présenter un modèle, vous offrir également comme partenaire...

Une voix : Absolument.

M. Paradis (Lévis) : ...pour faire en sorte que notre système soit meilleur, c'est ce que j'entends. Et certaines personnes découvriront peut-être un peu qui vous êtes et ce que vous faites, parce qu'il y a peut-être des gens qui en prennent conscience maintenant. Vous me corrigerez : Ce n'est pas d'hier, les coopératives de santé. Est-ce que je me trompe? Pour avoir fouillé un peu, il y a déjà un bout de temps, ça. La première, 1995...

M. Caron (J. Benoit) : 1998, mais il y en a eu une pendant longtemps.

M. Paradis (Lévis) : Saint-Étienne-des-Grès, je pense en 1995, à ce moment-là.

M. Caron (J. Benoit) : C'est ça.

M. Paradis (Lévis) : Puis vous avez dû ramer fort pour arriver à ce que vous êtes aujourd'hui, nous dites-vous. Je veux que les gens comprennent, 60 000 membres, 178 000 citoyens, je comprends donc que vos membres sont des espèces de contributeurs volontaires à l'amélioration du réseau de santé.

M. Caron (J. Benoit) : Absolument.

M. Paradis (Lévis) : Il fut un temps où vous disiez vous-même, dans certains documents, avoir, bon, une mauvaise presse, souvent des critiques, disons-le comme ça, en raison de la contribution demandée aux membres en question. Est-ce que ça s'est aplani ou il y a encore des... Est-ce qu'il y a encore des gens qui doutent de ce que vous faites et de ce que vous êtes?

M. Caron (J. Benoit) : Il y a certainement des gens qui doutent, mais ils doutent en silence pour le moment. Ce que je veux dire, c'est que c'est sûr que la... Les dernières années ont contribué à démystifier le concept des coopératives de santé. Il faut savoir que l'offre de services de première ligne, on est habitués, au Québec, depuis des décennies, d'y avoir accès d'une façon. Les coopératives de santé ont initié une nouvelle façon de faire avec une implication citoyenne. Alors, moi, je suis toujours impressionné de voir comment l'implication citoyenne peut être dérangeante ou inquiétante, quand c'est des citoyens eux-mêmes qui se mobilisent pour s'organiser, parce qu'il n'y a personne qui vient les organiser. Alors, quand vous dites... Bon, ça s'est aplani un peu. Pour le moment, depuis plusieurs mois, sinon quelques années, il n'y a aucun média qui nous court après, personne ne remet en question... Je vous l'ai dit, on a rencontré différentes associations médicales, on travaille avec certains d'entre eux, tout est assez positif actuellement.

M. Paradis (Lévis) : On parle du projet de loi n° 20, on parle évidemment de ce que ça suppose, du quota potentiel demandé à des médecins omnipraticiens. Vous avez parlé également des AMP. Je ferai seulement une parenthèse. Est-ce que certaines des coopératives de santé actuellement, les médecins qui y pratiquent bénéficient du fait que le temps fait dans la coopérative devient du temps fait en établissement en fonction des AMP? Est-ce qu'il y a des ententes de ce type-là?

M. Caron (J. Benoit) : C'est marginal pour le moment. C'est marginal. Il y a très, très peu de coops de santé où c'est...

M. Levesque (Paul) : Mais c'est parce que ça existe qu'on a fait cette proposition. Parce qu'on sait que ça a déjà existé dans certaines coopératives et... dans quelques coopératives vraiment de manière très imitée, à tel point qu'on a fait la proposition en disant : Nous, dans des endroits démédicalisés ou avec des masses de patients orphelins critiques, ça pourrait être quelque chose d'intéressant.

M. Paradis (Lévis) : Mais ça se fait très, très marginalement, mais ça se fait actuellement.

M. Levesque (Paul) : Sur décision de l'agence.

M. Paradis (Lévis) : Oui, absolument. O.K. Quel serait... Bien, évidemment, je le répète puis je le comprends comme ça, il y a une espèce de travail de promotion aussi. C'est ce que vous faites et c'est ce que vous présentez : vous faire connaître davantage. Dans sa forme actuelle, le projet de loi n° 20, revenons-y parce que vous êtes aussi ici dans ce contexte-là, dans sa forme actuelle, adopté tel quel, est-ce que ça vous sert ou ça vous dessert?

• (21 h 30) •

M. Caron (J. Benoit) : Je l'ai dit tantôt à Mme Bellemare, je crois qu'il y a autant... Pour nous, il y a des opportunités, mais il y a également des menaces. On est probablement le concept le plus souple pour un médecin qui doit compléter sa pratique, parce qu'il lui manque des patients ou qu'il lui manque des heures de pratique, parce qu'on lui demande... Il n'a pas à investir, il n'a pas à construire, il n'a pas à élaborer un projet. Il vient, il fait sa pratique et il repart. Puis, depuis le début, on s'est développés avec, je le disais tantôt, au début, des bouts de médecins : il a une journée, il a deux jours, il a une demi-journée, on est ouverts à toutes ces portions de pratique là de façon à compléter... On l'a dit dans le début de notre intervention, c'est l'addition des temps partiels qui nous permet d'avoir des médecins à temps plein. Et peut-être qu'on est plus souples que d'autres structures, ce qui peut favoriser, dans le projet de loi, si on est... Si le projet de loi est adopté tel qu'il est présenté, bien, on propose une solution aux correctifs ou aux obligations, aux nouvelles obligations que les omnipraticiens auront.

M. Paradis (Lévis) : Je vous pose une dernière question et je laisse une question à ma collègue de Saint-Hyacinthe. Qu'est-ce qui vous manque actuellement pour faire en sorte que vous puissiez franchir le cap du 4,2 que vous avez actuellement? Vous le dites, il y a des régions où il y en a davantage, mais, bon, il y a des régions où vous en manquez cruellement. Qu'est-ce qui vous manque comme pouvoir attractif?

M. Caron (J. Benoit) : On fait la Journée Carrière de la Fédération des médecins résidents, et ce qu'on découvre constamment, c'est, bien entendu, qu'on n'est pas connus. Tu sais, 52 coopératives de santé au Québec, dans la masse des services de première ligne, on est très, très peu, donc on est très peu connus.

Ensuite, bien entendu, si le réseau de la santé — et ça, on le dit dans notre mémoire — reconnaissait les coopératives de santé comme des lieux de pratique potentiels pour les médecins, dans un souci d'une meilleure répartition des effectifs médicaux, sans générer des investissements, pour qui que ce soit, très importants... Parce qu'il y a une volonté citoyenne de participer et de contribuer aux services de proximité en services de première ligne. Alors, déjà, moi, si j'avais un souhait à faire, bien : que les prochains centres intégrés de santé et de services sociaux considèrent que les coopératives de santé sont, dans certains milieux, une alternative puis une option dans laquelle on doit viser. Ça serait déjà extraordinaire.

M. Paradis (Lévis) : Je vais laisser une question à ma collègue de Saint-Hyacinthe.

Le Président (M. Tanguay) : Oui, collègue de Saint-Hyacinthe.

Mme Soucy : Bonsoir. Bien, en fait, moi, je vois ça d'un oeil très positif, l'implication citoyenne. Souvent, c'est plus efficace, en fait. Est-ce que vous diriez que ce concept-là est plus populaire chez la communauté où est-ce qu'une... plus une communauté anglophone que francophone?

M. Caron (J. Benoit) : C'est francophone.

Mme Soucy : Ils sont plus francophones. O.K.

M. Caron (J. Benoit) : Oui. Bien, actuellement... En tout cas, on en a peut-être quelques-uns qui desservent... Ce n'est pas un enjeu puis ce n'est pas... C'est tout simplement que, là où il y a eu des coopératives de santé, c'étaient surtout des milieux francophones. Donc, c'est principalement des milieux francophones.

Mme Soucy : O.K. Les médecins, en ce moment, qui vous offrent leurs services, vous dites, bon : C'est une médecine à temps partiel. Les médecins qui travaillent à temps partiel le font souvent par, je dirais... une raison de santé, un problème de santé, ou familial? Est-ce que vous remarquez ça dans les médecins qui vous offrent leurs services?

M. Caron (J. Benoit) : Bon. Je vous dirais que la plupart des... Quand on — puis c'est important, merci de nous permettre de le préciser — vous dit qu'on a des médecins qui travaillent chez nous à temps partiel, ça ne veut pas dire qu'ils ne travaillent pas ailleurs, là.

Mme Soucy : Non, mais ça pourrait aussi.

M. Caron (J. Benoit) : O.K. Mais généralement ils travaillent ailleurs. Ils ont une semaine de travail assez bien remplie. Cependant, 54 %, je crois, des médecins qui pratiquent dans les coopératives de santé sont des gens qui ont des obligations familiales. Alors, c'est sûr qu'ils travaillent à temps plein, mais, bon, il y a des obligations aussi qui sont présentes, là.

Mme Soucy : Donc, c'est quoi, la plus-value? Parce que vous dites : Bien, ils travaillent à temps plein aussi, mais ils viennent chez nous parce qu'ils ont des obligations familiales.

M. Caron (J. Benoit) : Non, parce qu'ils ont une disponibilité. Dans leurs obligations, soit d'AMP soit toute obligation qu'ils peuvent avoir envers le réseau de la santé, s'ils disposent encore d'une demi-journée qu'ils peuvent investir, bien on leur offre de venir l'investir chez nous. Mais la plupart des médecins qui travaillent dans les coopératives de santé sont des personnes qui travaillent à temps plein.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, merci beaucoup. Nous remercions les représentants de la Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec.

Et, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, après les affaires courantes.

(Fin de la séance à 21 h 35)

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