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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Thursday, August 20, 2015 - Vol. 44 N° 60

Special consultations and public hearings on Bill 44, An Act to bolster tobacco control


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Association québécoise des dépanneurs en alimentation (AQDA)

Directrices et directeurs régionaux de santé publique du Québec

Les Breuvages Blue Spike

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ)

Institut Philippe-Pinel de Montréal

Réseau du sport étudiant du Québec (RSEQ)

Coalition Priorité Cancer au Québec

Union des tenanciers de bars du Québec (UTBQ)

Intervenants

M. Marc Tanguay, président

M. Marc H. Plante, président suppléant

Mme Véronique Hivon, vice-présidente 

Mme Lucie Charlebois

M. Jean-François Lisée

Mme Chantal Soucy

M. Claude Surprenant

*          M. Pascal Laporte, AQDA

*          M. Michel Gadbois, idem

*          M. Guy Leroux, idem

*          M. Richard Guénard, idem

*          M. Jean-Simon Venne, idem

*          M. Richard Massé, CIUSSSCentre-Est-de-l'Île-de-Montréal 

*          M. François Desbiens, CIUSSSMauricie-et-Centre-du-Québec

*          Mme Isabelle Goupil-Sormany, CIUSSSCapitale-Nationale 

*          M. Nicolas Gagnon-Oosterwaal, Les Breuvages Blue Spike

*          Mme Nicole Damestoy, INSPQ

*          Mme Annie Montreuil, idem

*          Mme Michèle Tremblay, idem

*          Mme Renée Fugère, Institut Philippe-Pinel de Montréal 

*          M. Paul-André Lafleur, idem

*          M. Jean-Sébastien Turcotte, idem

*          M. Gustave Roel, RSEQ

*          M. David Hammond, idem

*          M. Stéphane Boudreau, idem

*          Mme Nathalie Rodrigue, Coalition Priorité Cancer au Québec

*          M. Serge Dion, idem

*          Mme Claire Jutras, idem

*          M. Peter Sergakis, UTBQ

*          M. Sébastien Sénéchal, idem

*          M. Guy Arbour, idem

*          M. Jacques Beaulieu, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones... de votre téléphone cellulaire.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 44, Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Iracà (Papineau) est remplacé par Mme Boulet (Laviolette) et M. Paradis (Lévis) est remplacé par M. Surprenant (Groulx).

Auditions (suite)

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ce matin, nous entendrons d'abord l'Association québécoise des dépanneurs en alimentation du Québec, par la suite les directeurs régionaux de santé publique du Québec et finalement les Breuvages Blue Spike.

Alors, je souhaite immédiatement la bienvenue aux représentants de l'Association québécoise des dépanneurs en alimentation du Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation et par la suite vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Je vous prierais, d'entrée de jeu, de bien vous nommer, chacun d'entre vous, et de préciser les fonctions que vous occupez. Et, sans plus tarder, bien, la parole est à vous.

Association québécoise des dépanneurs en alimentation (AQDA)

M. Laporte (Pascal) : Oui. Je me présente, Pascal Laporte, je suis détaillant. J'opère 15 dépanneurs dans les régions de Lanaudière, l'est de Montréal et la Mauricie, et je suis aussi président du conseil d'administration de l'association des dépanneurs du Québec.

M. Gadbois(Michel) : Si vous m'entendez, moi, je suis Michel Gadbois. Je suis le président de l'association des dépanneurs.

M. Leroux(Guy) : Guy Leroux, je suis directeur des affaires publiques et je m'occupe de la recherche pour le mémoire.

M. Guénard(Richard) : Richard Guénard. Je suis détaillant à Roberval, le Dépanneur Chez Ricky. Depuis sept mois, moi, je fais «pas de carte, pas d'achat» pour tout ce qui est achat de tabac, loterie et bière.

M. Venne(Jean-Simon) : Jean-Simon Venne. Je suis président de la firme de recherche Niric. On effectue des études de mégots à travers le Canada, le seul territoire qu'on n'a pas fait, c'est le Yukon dans les six dernières années. Je tiens à préciser qu'on vient tout juste d'être mandatés par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse pour effectuer une étude cet automne.

M. Laporte (Pascal) : Donc, chers députés, bonjour. En tant que détaillant opérant 15 dépanneurs et président du conseil d'administration de l'Association québécoise des dépanneurs en alimentation, je vous remercie de nous donner l'opportunité de présenter notre mémoire et d'échanger avec vous dans le cadre de la consultation du projet de loi n° 44.

Tout d'abord, j'aimerais prendre quelques minutes pour nous présenter et nous situer. Créée en 2007, l'AQDA s'est rapidement imposée comme la plus importante association de dépanneurs du Québec. Nous avons deux missions pertinentes : premièrement, améliorer l'environnement d'affaires des dépanneurs — et, croyez-moi, nous en avons grandement besoin — deuxièmement, renforcer les pratiques socialement responsables de l'industrie telles que la prévention de la vente de tabac ou d'alcool et de loterie aux mineurs. Ce sera un élément clé de nos propos aujourd'hui.

L'AQDA regroupe des bannières de toutes tailles ainsi que des propriétaires indépendants de diverses origines et dans chacune des régions du Québec, de Paspébiac à Senneterre. La moitié des dépanneurs au Québec sont membres chez nous, mais évidemment nous nous assurons de représenter l'ensemble de notre industrie, membres ou non. L'AQDA intervient auprès des gouvernements et sur la place publique sur les enjeux d'affaires et réglementaires qui préoccupent ses membres et touchent nos catégories de produits, comme l'alcool, l'essence, la loterie, le tabac, les breuvages et boissons, les aliments, et bien d'autres. Nous sommes aussi affiliés à l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation, soit la plus grande association canadienne de dépanneurs. Cela nous permet d'avoir une voix forte sur des enjeux comme les frais de cartes de crédit, qui sont de juridiction fédérale.

Bien que nous soyons de petits commerces, les 6 400 dépanneurs du Québec forment une grande industrie. On parle de 55 000 emplois, 700 millions en salaires et surtout 3,5 milliards de dollars par année en contribution de taxes au trésor québécois. Vos conviendrez que ces statistiques sont plutôt impressionnantes. Il faut savoir en effet que les dépanneurs sont de grands percepteurs de taxes, car la plupart des produits vendus chez nous sont beaucoup plus taxés que la moyenne, allant de 25 %, environ, pour l'alcool, 35 % pour l'essence, 75 % pour le tabac et évidemment 100 % pour la loterie.

De plus, la cote d'amour des Québécois envers les dépanneurs est la plus forte au pays. On vit une relation de proximité avec l'ensemble du Québec. Avec en moyenne 400 visites par jour par dépanneur, le Québec tout entier nous visite deux fois par semaine. C'est donc dire l'immense impact de notre réseau et, bien entendu, la grande responsabilité que nous avons lorsqu'il s'agit, par exemple, de prévenir la vente de produits pour adultes auprès des mineurs. Les dépanneurs sont une source d'enrichissement et de vitalité pour le Québec, chaque ville et village du Québec compte au moins un dépanneur, et ceux qui n'en ont pas font tout pour en avoir un, allant même jusqu'à créer des coopératives et les subventionner, dans certains cas.

Les dépanneurs créent de l'emploi partout, ce sont des répartiteurs uniques de richesse collective. Ils fournissent un gagne-pain et une autonomie financière à des milliers de pères et mères de famille. Plusieurs nouveaux arrivants ne demandent qu'à se tailler une place au soleil parmi nous, et nous sommes très fiers de dire qu'ils ont dépassé le seuil des 40 % de nos effectifs, avec en tête la dynamique communauté chinoise.

Enfin, dernier élément clé, le dépanneur respecte les lois et règlements, perçoit et remet les taxes au gouvernement et s'engage au coeur de sa communauté. Je suis persuadé que vous appréciez, vous aussi, les dépanneurs. Vous en comptez une cinquantaine en moyenne par comté, vous les fréquentez sans doute souvent, et je suis certain que vous ne souhaitez rien d'autre que la réussite et la vitalité de notre industrie, et je vous en remercie.

Alors, nous sommes ici, bien entendu, pour parler d'enjeux de santé. J'invite donc notre président, Michel Gadbois, à présenter les grandes lignes de notre mémoire.

• (9 h 40) •

M. Gadbois (Michel) : Merci. Je vais tout d'abord remercier la ministre d'être présente, parce qu'en plus j'ai le plaisir que c'est ma députée, le bureau de comté est à peu près à 10 minutes de chez nous. Et je vais malheureusement lire moi aussi, parce qu'on a huit recommandations. Je ne les présenterai pas toutes maintenant. Vous les verrez en page 10, où vous les avez déjà en résumé. Je veux m'attarder surtout sur ce qu'on considère les plus importantes, c'est-à-dire les trois, quatre premières.

Alors, notre mémoire est intitulé Pas de carte, pas d'achat. C'est aussi simple que ça — Pour une offre encore plus légale et responsable. Pour vous résumer de manière simple le contenu de ce mémoire étoffé de 50 pages, je vais me servir de notre sommaire exécutif, en pages 10 et 11, comme guide et survoler avec vous les faits saillants. Il y a quatre volets, dans le projet de loi, qui nous préoccupent et pour lesquels nous demandons des modifications. Je vais les prendre un par un et les traiter au complet avant de passer au suivant.

Alors, le premier volet est celui qui concerne la prévention de vente aux mineurs. D'abord, nous ne serons pas les seuls à vous dire que les amendes proposées pour la vente aux mineurs sont d'une ampleur radicale et dévastatrice. En effet, le projet de loi n° 44 propose des hausses d'amendes maximales de 6 200 % pour une première offense et de 4 200 % pour une deuxième offense. Je vais vous dire bien honnêtement qu'à un tel niveau ça ne fait plus grand différence pour nous, car l'effet sera le même, celui de faire fermer un dépanneur. Aucun dépanneur n'a les moyens de payer un tel montant, et le simple fait de récupérer celui-ci dans ses opérations pourrait prendre des décennies, compte tenu de la marge de profit minuscule du commerce d'accommodation.

Au-delà du montant comme tel, il appert, somme toute, que le gouvernement a fait le choix d'accroître la répression des détaillants de tabac dans le but d'améliorer leur conformité à ne pas vendre aux mineurs. Cette politique de tolérance zéro, si on veut, est non seulement manifeste par les amendes dont je viens de vous parler, mais aussi par la hausse vertigineuse des inspections du ministère du MSSS en 2014, ces fameuses tournées dans lesquelles des mineurs payés par le ministère viennent chez nous tenter d'acheter du tabac et nous prendre à défaut. Ces inspections sont passées de 2 400, environ, à plus de 5 000 en 2014, un nombre record pour les annales du MSSS. Bien que nous adhérons entièrement à la volonté du gouvernement d'améliorer le taux de conformité des détaillants, idéalement l'élever à 100 % et pour toujours, nous ne croyons pas que la voie de la répression accrue est la solution. Nous pensons que cette voie a donné ce qu'elle avait à donner et qu'il nous faut regarder en avant, vers une nouvelle étape qui s'appelle le cartage obligatoire.

En effet, nous prenons la moyenne canadienne de conformité des détaillants à ne pas vendre aux mineurs, je dis bien canadienne, soit toutes les provinces réunies, et celle-ci atteint un maximum de 85 % en 2007 et, depuis huit ans, n'a jamais dépassé ce seuil. Il faut voir la réalité en face, le cartage subjectif selon l'apparence d'âge, tel qu'on le pratique depuis 25 ans, semble avoir atteint ses limites, et c'est probablement dû au fait qu'il comporte une grande part d'humain, et, tant qu'il y aura de l'humain, il y aura de l'erreur. En ce sens, pour nous, la répression accrue ne donnera rien. Cela peut certes sembler facile pour les gens de l'extérieur de dire : Oui, vous n'avez qu'à carter et faites votre job. Et c'est vrai, c'est notre job, mais, dans les faits, c'est un défi de tous les jours.

Si j'ose faire le constat pragmatique aujourd'hui, c'est bien entendu parce que nous avons une meilleure solution à proposer, qui vient régler le problème une fois pour toutes, qui vient garantir une conformité parfaite de 100 %, en plus qui vient alléger le fardeau des dépanneurs, et c'est le cartage obligatoire, d'où le titre de notre mémoire Pas de carte, pas d'achat. C'est aussi simple que ça. Ce n'est pas d'hier qu'on se penche sur cette solution et qu'on valide sa faisabilité, qu'on mesure nos appuis, et aujourd'hui je vous annonce que nous sommes fin prêts pour aller de l'avant. Que vous le mettiez ou non dans la loi, nous, on y va.

Je m'explique. Nous avons ici avec nous M. Richard Guénard, propriétaire du Dépanneur Chez Ricky de la bannière Sagamie à Roberval, évidemment en plein coeur du comté du premier ministre. M. Guénard est un pionnier et un modèle pour les dépanneurs, et voici pourquoi. L'an dernier, il a échoué une inspection mystère, il s'est retrouvé en cour, suite à quoi il a été acquitté pour preuve de diligence raisonnable. Jusqu'à date tout va bien. Sauf que M. Guénard a été bouleversé par cette expérience-là, comme vous pouvez vous imaginer, comme tous les 5 000 dépanneurs qui ont eu ça. Alors, c'est quand même 5 000 dépanneurs sur 6 400, c'est une situation qu'on ne peut pas continuer. D'avoir à subir un stress pareil a été trop pour lui, et, s'il avait été condamné, il aurait dû cesser la vente de tabac pendant un mois. Il aurait été littéralement... il aurait perdu son gagne-pain. Alors, Richard a pris les choses en main et il a instauré le cartage obligatoire dans son magasin, seul, sans attendre, et, depuis six mois... Cela fait six mois qu'il carte tous les clients, peu importe l'apparence, que ce soit pour acheter du tabac, de l'alcool, de la loterie, et ça fonctionne. Un peu d'ajustement, certes, au début, mais depuis tout le monde est habitué, et personne ne s'en formalise. Richard Guénard a affronté les peurs, les craintes, les préjugés. Aujourd'hui, c'est un homme parfaitement heureux... il a l'air heureux, qui a la paix d'esprit et la pleine satisfaction de remplir ses obligations sociales, et je peux vous le dire en connaissance de cause, et le respect non seulement de ses clients, mais aussi de ses compétiteurs.

Donc, la demande n° 1 de notre mémoire est que le gouvernement intègre l'obligation de carter tous les clients de tabac dans sa loi, de sorte que le cartage obligatoire soit mis en place partout rapidement et en même temps.

Le Président (M. Tanguay) : Je veux juste vous indiquer : Votre 10 minutes est maintenant rendu 11 minutes. Il n'y a pas de problème, la ministre vous cède de son temps, mais c'est du temps d'échange que vous n'aurez pas. Alors, vous avez deux, trois autres points à étayer. Si vous pouvez le faire dans la prochaine minute et demie, vous allez ainsi avoir du temps pour discuter avec la ministre. Donc, à partir de... depuis deux minutes, vous êtes sur son temps. Alors, je vous en prie.

M. Gadbois (Michel) : D'accord. Essentiellement, donc, ce qu'on vous annonce aujourd'hui, c'est que, dans les semaines à venir, nous allons lancer notre campagne, à travers le Québec, du cartage obligatoire volontaire par nos détaillants. On voudrait essentiellement que le gouvernement nous appuie soit dans notre campagne ou soit en l'insérant dans les propositions du projet de loi.

Le second volet, rapidement, c'est celui de la prohibition du menthol. C'est pour ça que nous avons ici M. Jean-Simon Venne. Pour nous, les études sont sommaires. On demande, comme vous allez voir dans nos recommandations, que le gouvernement fasse plus d'études, qu'il reporte à plus tard avant de l'appliquer. Nos chiffres, nous, ont été très clairs. M. Venne pourra répondre là-dessus. Et, pour ceux qui ont pensé qu'on manipulait les chiffres, je peux vous dire que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse participe au même type... et on souhaiterait que le gouvernement du Québec participe aussi au même type d'enquête pour voir sur le terrain la réalité que nous voyons dans nos magasins et la réalité qu'on voit sur le terrain en collectant les mégots de cigarettes.

La dernière chose que j'aimerais dire, c'est parler de ce que j'appelle l'éléphant dans la pièce, pour prendre une expression américaine, c'est-à-dire la contrebande. Il y a des solutions pour la contrebande. Il y a des solutions qu'on a proposées à la ministre dans notre mémoire. Il y a des solutions en Alberta, il y a des solutions en Colombie-Britannique, où ça n'existe pas, où on s'est entendus. Nous, on a parlé souvent avec les chefs, et on pense qu'ils ont aussi intérêt que nous la santé de leurs jeunes, et il faut mettre fin à cette pratique-là sur les réserves. On veut qu'on aille plus loin. La dernière commission parlementaire qu'on avait demandée et qu'on a eue sur la contrebande, le gouvernement s'est engagé à le faire. Il ne s'est rien produit encore. Ça va nous faire plaisir d'en discuter avec vous pourquoi est-ce qu'on appelle ça l'éléphant dans la pièce. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je dois soustraire quatre minutes du 23 à la ministre. Il reste 19 minutes pour échanger. Merci. Mme la ministre.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, M. Laporte, M. Gadbois, M. Leroux, M. Venne et... je ne me souviens plus de votre nom...

M. Guénard (Richard) : Guénard.

• (9 h 50) •

Mme Charlebois : ...Guénard, merci d'être là et de venir nous partager vos préoccupations en regard du projet de loi. Et sachez que vos recommandations vont être prises en compte, non seulement vos recommandations, l'ensemble des recommandations de tous ceux qui font des présentations, mais aussi, je me permets de le rappeler aux auditeurs, ceux qui nous ont fait parvenir des mémoires puis qui ne peuvent pas venir en commission parlementaire, les mémoires vont être aussi pris en considération dans leur ensemble.

Dans le contexte où on est, vous savez qu'il y a quand même une évolution des mentalités dans la société en ce qui regarde la prévalence au tabac. Si on arrivait avec le projet de loi tel qu'il est... si on était arrivés il y a 15 ans, je ne suis pas certaine qu'on aurait eu le même consensus social, mais, où on est aujourd'hui, il y a plusieurs points dans le projet de loi qui m'amènent à penser qu'il y a une évolution dans la population quant à la mentalité sur le tabac.

Et je voudrais, d'entrée de jeu, vous aborder sur la cigarette électronique. Vous nous parlez de la cigarette électronique et vous nous faites mention, dans votre mémoire, que vous voulez qu'ils soient assujettis aux mêmes règles, en tous points, les boutiques spécialisées, là, les boutiques de «vape shop», là, que les dépanneurs. Pourquoi vous demandez ça? J'aimerais ça vous entendre davantage là-dessus.

M. Gadbois (Michel) : Bien, pour le garder au plus simple, ce qu'on réalise, c'est que, dépendant de comment le gouvernement va considérer le produit, si le produit comme les appareils peuvent être présentés et que ce n'est pas considéré comme des produits de tabac, à ce moment-là, on présume que ça va s'appliquer partout et dans les dépanneurs. Ce qu'on veut savoir aussi, c'est quelle réglementation vous allez faire sur les fioles de nicotine, parce que ça, vraiment, entre guillemets, c'est illégal. Simplement placer... Les restrictions que vous allez mettre en place, on veut qu'elles s'appliquent à tout le monde et on va les appliquer.

Si vous voulez une plus grande ouverture pour des raisons dites thérapeutiques, jusqu'à nouvel ordre, je ne suis pas un spécialiste, on veut que ça s'applique à tout le monde aussi et non faire comme en ce moment. Parce qu'on a approché le gouvernement fédéral là-dessus, évidemment ils sont en élection, mais on est très heureux de vous voir vous pencher sur ce problème-là, parce que les détaillants sentent une concurrence déloyale. Parce que nous, on a été très sévères dans nos directives avec nos membres. On a dit : Ce n'est pas parce qu'il y a un vide juridique en ce moment là-dedans qu'il faut que vous le preniez comme quelque chose qui n'est pas sous la Loi du tabac. Vous allez vous comporter comme si c'étaient des cigarettes, point à la ligne. C'est ça, notre proposition à nos membres.

Maintenant, on ira des deux bords. Ce qu'on veut, c'est tout simplement, comme on dit en bon français, «a level playing field» ou d'avoir tout simplement la même situation que la concurrence sur le marché, point à la ligne.

Mme Charlebois : Vous savez qu'en ce qui concerne les fioles le contenu, le produit, c'est légiféré par Food and Drug, Santé Canada, ce n'est pas au Québec qu'on va légiférer ça. Nous, on légifère sur l'affichage, sur où on peut utiliser la cigarette électronique, l'encadrement, bref, de comment ça... les points de vente, etc. Est-ce que vous êtes à l'aise avec le fait qu'on interdise l'affichage à l'extérieur? Parce que ça nous a été recommandé hier par, justement... hier ou avant-hier, par les représentants des boutiques de vapotage, que, de l'extérieur, ça ne les dérange pas qu'ils ne puissent pas afficher en autant qu'ils peuvent dire leur nom, boutique... «vape shop», je ne sais pas quoi, là, mais qu'à l'intérieur ils puissent démontrer les produits, puisque ce sont les seuls produits qu'ils vont vendre. Mais, de l'extérieur... et sûrement pas en présence de mineurs, par exemple. Ça, je dois vous dire ça. Il y a la même interdiction quant à l'usage chez les mineurs.

Est-ce que vous seriez à l'aise, vous, de savoir qu'une boutique de cigarettes électroniques... Parce que leur prétention, c'est qu'il faut démontrer aux gens c'est quoi, le produit, puis comment l'utiliser. Il y en a qui sont même allés jusqu'à nous demander de les laisser vapoter en dedans pour démontrer l'usage. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Gadbois (Michel) : Oui. Le terme «vapoter», ça doit être parce que ce n'est plus ma génération, j'ai de la difficulté avec cette expression-là, mais, essentiellement, tout ce que je vous dis, c'est que, si c'est permis pour ces groupes-là, ça doit être permis pour nous. On se fie vraiment à la décision du gouvernement sur l'interprétation qu'ils vont faire de ce produit-là, surtout s'il n'y a pas de nicotine. Est-ce qu'il tombe dans la même catégorie que les cigarettes? Donc, ma réponse va être la même que j'ai faite tout à l'heure : Si vous ouvrez le marché puis que c'est clair quelles sont les tolérances du gouvernement, à ce moment-là elles s'appliquent à tout le monde. Si vous avez des restrictions à exprimer, on va les appliquer avec la même rigueur qu'on doit appliquer les autres restrictions qu'il y a dans la Loi sur le tabac.

Mme Charlebois : Dites-moi, est-ce que les produits qui sont vendus dans les dépanneurs sont les mêmes que les produits qui sont vendus dans ces boutiques-là? Bref, les cigarettes, est-ce que c'est du genre comme ça, électroniques, ou comme cette petite boîte? Vous connaissez sûrement ces produits-là, parce que c'est ça qui est... Moi, en tout cas, c'est ce que j'ai vu dans les dépanneurs, mais je n'ai pas vu les mêmes produits qui sont vendus dans les... Ça, vous le conviendrez avec moi, là, que c'est un méchant incitatif pour les jeunes, quoi que, là, ça va être défendu, mais, même pour quelqu'un qui a arrêté de fumer, comme moi, c'est joli. Vous conviendrez avec moi qu'il y a un petit cachet, là. Ça fait un peu...

Alors, dites-moi, dans les boutiques spécialisées, ce n'est pas ça qu'ils vendent...

M. Gadbois (Michel) : ...vous va bien, mais...

Mme Charlebois : Hein?

M. Gadbois (Michel) : J'oserais dire que ça vous va bien, oui, effectivement.

Mme Charlebois : Non, merci. J'ai eu tellement de difficulté à arrêter de fumer qu'il n'y a pas de danger que je me mette à vapoter. Mais, dites-moi, est-ce que vous vendez les mêmes produits que les boutiques de vapotage ou ce sont seulement ces produits-là que vous vendez?

M. Gadbois (Michel) : Je vais demander à M. Guénard de répondre. Moi, je peux vous répondre, mais lui, il opère, alors il va vous dire c'est quoi, les...

M. Guénard (Richard) : On vend les deux formats, c'est-à-dire qu'on a les fioles aussi, puis on a le... comme tu vois, là, comme tu nous as montré, le petit... les deux...

Mme Charlebois : ...la grosse cigarette, là...

M. Guénard (Richard) : la grosse cigarette, puis tu...

Mme Charlebois : ...à un prix pas mal plus élevé que ceux-là, là.

M. Guénard (Richard) : C'est ça.

Mme Charlebois : Est-ce que c'est indiscret de vous demander combien vous vendez ceux-là puis les autres que vous parlez, qui sont plus dispendieuses, mais, tu sais, pas à un prix exact, là, mais un ordre de grandeur?

M. Guénard (Richard) : Ceux-là qui sont déjà en... qu'on remplit, c'est 45 $ pour l'achat de la cigarette plus le liquide, les autres sont alentour d'une dizaine de dollars, si je ne me trompe pas, là. Bien, c'est parce que c'est à usage unique. Un coup que c'est fini, c'est poubelle. Ça fait que...

Mme Charlebois : Est-ce qu'il y a des gens qui vous demandent ou est-ce que vous, de votre plein gré, vous faites la formation aux clients pour s'assurer que ça va les maintenir en arrêt tabagique? Parce que, souvent, les gens, ce qu'ils nous disent en tout cas... Je vous dirais que 95 % du temps, quand ils achètent ça, c'est pour arrêter de fumer.

M. Guénard (Richard) : Je ne suis pas sûr que ça fonctionne pour arrêter de fumer. Ceux-là qui prennent avec nicotine, en tout cas, moi, je vais dire que les chances qu'ils arrêtent, c'est très, très mince.

Mme Charlebois : Le Dr Ostiguy, c'est le contraire qu'il nous disait. Est-ce que ça a un lien avec la formation, vous pensez, comme comment l'utiliser, etc.?

M. Guénard (Richard) : Si tu prends de la nicotine, que tu la prennes en cigarette ou que tu la prennes en fiole, tu vas prendre la même nicotine pareil. Tu sais, à des degrés de nicotine de six, 12 et 18... Moi, ce qu'on vend beaucoup au dépanneur, c'est du 18. Ça fait que, rendu à 18 milligrammes, qu'ils appellent, ou je ne sais pas trop, mais...

Mme Charlebois : Ce que le Dr Ostiguy nous disait, c'est que la cigarette a une combustion qui a plusieurs produits chimiques qui ne sont pas dans la cigarette électronique. Vous avez raison que la nicotine est encore là, et ça crée une dépendance, mais ce n'est pas le même type de, comment vous dire... La combustion, il y a plus de produits chimiques qui sont à l'intérieur. Est-ce que, vous, votre personnel est formé pour vendre les cigarettes électroniques ou s'ils vendent ça comme un autre paquet de cigarettes?

M. Guénard (Richard) : On n'est pas formés pour le vendre, là, comme tel. On n'a pas d'information plus précise que ça non plus. On est un peu devant le néant là-dessus, là, je vais dire.

Mme Charlebois : Mais ce que je retiens, c'est que — votre recommandation — ce soit la même application, la même réglementation, les mêmes lois pour une boutique spécialisée que les détaillants.

M. Gadbois (Michel) : Oui, autant au domaine de l'ouverture qu'au domaine des restrictions. Ce qu'on doit voir aussi, ce qu'on attend du gouvernement, c'est comment est-ce qu'il perçoit le produit, O.K.? Parce que le débat est encore là, alors...

Mme Charlebois : La seule différence, en tout cas, je pense, qui existe ou qui peut nous amener à penser qu'il y a une petite différence, c'est que, dans les dépanneurs, les enfants peuvent rentrer en même temps que vous vendez ces produits-là, alors que, dans une boutique spécialisée, ça va être interdit aux mineurs. Ça fait que c'est peut-être là où j'ai une réflexion, en me disant : Les gens qui vont rentrer dans une boutique spécialisée savent très bien le produit qu'ils vont aller acquérir, puis ça va être des majeurs, des gens qui ont 18 ans et plus. Alors, empêcher la boutique de vapotage de démontrer ses produits, je ne sais pas.

M. Gadbois (Michel) : ...psychologue, je peux vous dire que ce n'est pas parce que c'est présent que... Je pense que les jeunes vont peut-être regarder d'autres choses avant de regarder ces produits-là. Parce qu'ils peuvent toujours aller les voir. Puis il n'y a rien qui empêche des parents de rentrer avec des jeunes dans les «vape shop», là.

Mme Charlebois : Ça va être interdit.

M. Gadbois (Michel) : Oui, bien je leur souhaite d'être inspectés aussi souvent que nous autres, puis peut-être que vous allez réussir. Mais, nous, ce qu'on dit au départ, l'important, c'est : pas d'accès. Je ne peux pas vous garantir que, parce que... Si vous dites, d'ailleurs, que ces produits-là doivent être cachés, bien, on va le prendre puis on va dire : On va les cacher comme on a fait avec les cigarettes.

Mme Charlebois : Bien, c'est ce qui est dans le projet de loi, ce qui est proposé, c'est la même réglementation que...

M. Gadbois (Michel) : C'est ça que je vous dis, on est pour les restrictions, mais les mêmes pour tout le monde.

• (10 heures) •

Mme Charlebois : O.K. Maintenant, vous avez parlé beaucoup du menthol dans votre mémoire. Vous nous dites que vous pensez que les études de l'Institut de la statistique québécoise ne sont pas complètes. Qu'est-ce qui vous amène à penser ça? Parce que les études qu'on a sont... Puis elles sont diverses, hein, il y en a plusieurs, à travers le monde, qui nous disent... Même, il y a une recommandation de l'Organisation mondiale de la santé qui nous demande d'interdire toutes les saveurs. Qu'est-ce que qui vous amène à penser que l'étude de la statistique n'est pas bonne?

M. Gadbois (Michel) : Bien, avant de passer la parole à M. Venne, qui, lui, a fait les études, on se base beaucoup sur la pratique. Pour nous, la réalité, c'est beaucoup plus que des sondages auprès d'adolescents sur leur perception de la réalité. Je pourrais même vous dire que ça pourrait passer dans notre réalité. Je pense que la dernière chose qui passe dans la tête d'un ado quand il commence à fumer, c'est : Maudit, j'ai envie de fumer de la menthe, O.K.?

Ce qui dépasse l'entendement pour nous, c'est que la réalité est tout à fait le contraire, O.K.? Comment ça se fait que... Si 30 % pourraient fumer du menthol, comment ça se fait que, dans notre clientèle, les jeunes de 18 à 25 ans, O.K., ne fument même pas pour 1 % du menthol? La réalité du marché. À ce moment-là, vous allez me dire : Bien, le menthol doit être tout à la contrebande si effectivement 30 % des gens... Et ils ont une belle sélection de contrebande. Vous allez m'en entendre parler souvent, mais ils ont des choix énormes. Et, vous le savez, c'est près de chez nous, là, on les voit passer régulièrement.

Et je vais quand même passer la parole à M. Venne, qui est quand même un spécialiste là-dedans, mais nous, on vous parle d'expérience de nos ventes sur le terrain. C'est ça, la réalité qu'on connaît.

M. Venne (Jean-Simon) : Bien, peut-être juste vous donner un aperçu de comment on fonctionne pour faire une étude, c'est très terre à terre, vous allez voir. On n'a pas poussé la science très loin, là, pour faire nos études. C'est essentiellement des statistiques.

Alors, on fait du repérage sur les sites qui sont identifiés avant. Donc, c'est des visites d'observation à savoir où les gens qui utilisent cet édifice-là vont fumer quand ils sont en pause, ou à l'heure du lunch, ou à l'heure de la récréation quand on parle d'une école, et on fait l'identification de ces endroits-là. Il y a toujours des endroits qui sont privilégiés. Évidemment, dans les écoles, il n'y a pas d'endroit officiel, il n'y a pas de cendrier d'installé. Il y a par contre toujours un endroit bien identifié, très souvent sur le bord de la cour ou le long de la clôture. Et, lorsqu'évidemment tout le monde est parti, soit le soir ou la fin de semaine, on va ramasser tout simplement l'ensemble des mégots qui se situent à cet endroit-là, et là on fait une analyse, au laboratoire, d'identifier les mégots : Ah! voici, ça, c'est tel, ça, c'est tel.

On ramasse beaucoup plus de mégots qu'on en a besoin parce qu'il y en a une grande quantité qui est discartée parce qu'on ne peut pas les identifier. Ils sont tout simplement trop brûlés ou consommés. Mais tout ce qui est identifiable est identifié, bien trié, puis après ça on fait tout simplement le comptage de qu'est-ce qu'on a ramassé par marques, contrebande ou légales, type de cigarettes. Puis c'est comme ça qu'on identifie qu'est-ce qu'on a trouvé qui avait du menthol dans l'échantillon.

Alors, c'est le même processus qui se répète à chaque site et après ça, bien, c'est une question de savoir est-ce qu'on a un échantillon statistiquement viable et quelle est la marge d'erreur, et là ça dépend évidemment de la grosseur de l'échantillon. Donc, la corrélation est faite vraiment de cette façon-là. Mais je vous dirais qu'on n'était pas surpris des chiffres qu'on a vus au Québec, parce qu'on voit exactement la même chose que ça soit en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick ou en Ontario. C'est très, très, très similaire quand on compare une école secondaire avec un «high school» ou avec un collège, et il y a une corrélation qui se tient, qui est quand même assez solide, là. Donc, nous, c'est ce qu'on fait, c'est ce qu'on analyse puis c'est ce sur quoi je peux commenter, là.

Mme Charlebois : Les mégots de cigarettes que vous ramassez, vous dites que vous les ramassez sur le terrain d'une école secondaire?

M. Venne (Jean-Simon) : Oui, c'est-à-dire qu'on identifie l'endroit où les jeunes vont fumer durant leurs pauses ou leurs lunchs. Très souvent, c'est juste de l'autre côté de la clôture, donc sur le bord du trottoir, parce qu'ils ne peuvent pas être sur le territoire de l'école, donc ils jouent le jeu. Et c'est vraiment une activité qu'ils font en groupe, c'est rare qu'on a des fumeurs solitaires. Donc, il y a toujours un endroit qui devient le lieu où on va fumer, et on discute, et après ça, bien, on jette évidemment le mégot par terre, parce qu'il n'y a pas de cendrier et de... C'est interdit, donc... Tandis qu'un lieu public ou un édifice privé, bien, il va y avoir un cendrier d'installé, un lieu pour les fumeurs, et là, évidemment, c'est très, très facile à identifier.

Mme Charlebois : Je peux juste vous dire que... là je ne suis plus à l'adolescence, mais quand même, quand j'ai commencé à fumer, c'était tellement raide, la nicotine, la fumée de cigarette, que j'ai moi-même... Je me suis souvenu de ça avec les consultations, parce que je ne m'en rappelais pas, honnêtement, et je me suis souvenu que c'est avec le menthol que j'avais commencé à fumer. J'ai le goût de vous dire que ceux qui vont fumer, comme vous dites, sur le bord de la clôture... puis, encore là, ce n'est pas des études scientifiques que je vous donne, là, puis je ne veux pas non plus argumenter sur les études, parce que ce n'est pas le but de l'exercice, mais ceux qui vont là, c'est vraiment ceux qui sont habitués de fumer, donc ils ont passé le stade du début. Mais le début du tabagisme, à ce qu'on en a compris, se fait souvent avec le menthol, justement à cause de l'irritation.

Maintenant, qu'est-ce que vous pensez de l'Organisation mondiale de la santé? Pourquoi ils nous recommandent d'interdire toutes les saveurs, dont la menthe? Ils ont aussi des études, puis ce n'est pas les études de l'Institut de la statistique du Québec, et on nous recommande d'interdire les saveurs. Et on a tendance à se coller, parce que vous savez qu'on a signé l'entente-cadre, on a adhéré à ça au Québec. Qu'est-ce que vous pensez que... Pourquoi ils nous recommandent d'interdire les saveurs, dont le menthol?

M. Venne (Jean-Simon) : Bien, je vous dirais que je ne peux pas commenter leurs études, je ne les ai pas vues. Je n'ai pas vu comment ils procèdent. Je ne veux pas du tout... On tente de rester vraiment sur les faits ici. Moi, ce que je vous dirais, c'est que nous, ce qu'on ramasse, puis on ramasse vraiment tout, là, quand on vide un site, on le vide, là, il ne reste rien, on n'en voit pas, là. Alors, c'est tout simplement ça.

Mme Charlebois : Maintenant... Oui?

M. Gadbois (Michel) : Juste rajouter, Mme la ministre, juste un point que je pense qui est important. Je pense que, de la façon dont on le résume, c'est qu'on a voulu vérifier notre réalité de marché à nous, dans nos commerces, et ça s'est confirmé, O.K., quand on a ramassé les mégots.

L'autre réalité qu'il faut comprendre, puis on l'a fait pour les saveurs, c'est que... Puis même j'ai été en Europe, parce qu'ils sont pris avec le même problème de contrebande puis ils nous ont demandé... On est le seul endroit au monde qui ont deux réserves indiennes aussi près de centres urbains comme les nôtres, qui ont 10 manufactures qui marchent, depuis 2002, à plein régime, O.K.? Alors, eux autres, c'est le problème qu'ils ont, d'Afrique du Nord, de rentrer avec des prix très bas sur les cigarettes légales. C'est comme ça que le marché de contrebande arrive en Europe. Il n'y a pas de frontière, alors ça se fait.

Nous, cette réalité-là, tout ce qu'on vous dit, c'est qu'en bout de ligne ça ne sert à rien, parce que vous allez les envoyer les acheter illégalement ou, quand ils se réunissent ensemble, bien, le petit pusher de la gang va passer son menthol à qui il veut mais au dixième du prix. Alors, c'est ça qu'on dit, c'est : Les petits cigares à saveur ont été interdits par le fédéral il y a quatre ans. Si vous remarquez, dans les saisies de la GRC, je pense qu'il y a eu une augmentation de 6 000 % à peu près des saisies de petits cigares de saveur. Les gens qui fument, si, comme vous le dites, ils tiennent à fumer du menthol, ils n'arrêteront pas, ils vont aller le chercher. Puis, en plus, malheureusement, la loi va les encourager à l'acheter 80 % moins cher, parce qu'il n'y a pas de taxe, et là ils vont entrer dans le réseau.

Et, la manière dont ça fonctionne, il y a une partie qui est le crime organisé, vous le savez, l'autre partie, c'est M. et Mme Tout-le-monde qui vont en chercher comme... Si vous vous rappelez des jeunes qui fumaient du pot... je suis sûr que vous ne vous rappelez pas de ça, mais, dans les écoles secondaires, O.K., bien, il achetait son stock à lui puis, pour se payer son stock, il le revendait aux autres. Mais c'est la même chose pour la cigarette, c'est la même chose qui se produit pour les petits cigares, c'est la même chose qui va se produire pour le menthol. Alors, oui, c'est vrai, vous pouvez régler le problème, mais vous allez le mettre sous le tapis. La réalité, c'est qu'elle va continuer, puis vous n'aurez rien réglé.

Mme Charlebois : M. Gadbois, je veux juste vous rassurer en ce qui concerne la contrebande. Je ne vous dis pas que c'est tout réglé, mais, de 2008 à 2014, on est passé de 30 % à 14 %. Il y a eu une réduction. Est-ce qu'il y a encore du travail à faire? Oui, j'en conviens avec vous. Vous connaissez très bien mon comté, ça fait qu'on n'ira pas plus loin que ça.

Je veux juste dire quelque chose, M. le Président...

Le Président (M. Tanguay) : Rapidement, quelques secondes.

Mme Charlebois : Quand quelqu'un va fumer quelque chose à saveur, ça sent la fraise, ça sent le... Moi, je pense qu'il va démontrer qu'il est dans l'illégalité. Là, on n'aura plus besoin d'aller voir le mégot, ça va sentir.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, je cède la parole à notre collègue de l'opposition officielle, député de Rosemont, pour un bloc de 14 minutes.

M. Lisée : Merci. M. Laporte, M. Gadbois, M. Leroux, M. Venne, M. Guénard, bienvenue. Plusieurs des recommandations que vous faites, certaines d'entre elles sur le cartage, me semblent intéressantes, et je vais y revenir, mais d'abord j'aimerais en savoir un peu plus sur votre organisation. M. Gadbois, vous êtes président depuis combien d'années?

M. Gadbois (Michel) : 2007, depuis la création.

M. Lisée : 2007, depuis la création. Quel est le budget annuel de votre organisation?

• (10 h 10) •

M. Gadbois (Michel) : Je ne vous le donnerai pas parce que je ne pense pas que c'est pertinent. Puis ce n'est pas pour être embêtant, O.K.? Il varie sur nos capacités de ramasser de l'argent. La façon dont nous, on fonctionne, c'est : chaque année, on a un sommet annuel où les détaillants — vous allez le voir dans notre mémoire — on décide des priorités. Et, sur ces priorités-là, des détaillants nous donnent un mandat de soit faire des campagnes, faire des représentations, etc. Des fois, le contexte réglementaire nous permet de le faire, puis on peut intervenir. Des fois, il faut faire de la recherche.

Et nous, en plus des détaillants qui nous paient pour leur membership, on a aussi nos manufacturiers qui nous paient pour le membership. Je me fais souvent poser la question, avant que vous me la posiez : Est-ce que les manufacturiers de tabac contribuent? Oui, ils contribuent, mais c'est nous qui demandons les montants d'argent selon les campagnes qu'on veut faire et nos besoins. Ça ne marche pas toujours. Des fois, ça marche. Et on le fait pour d'autres campagnes, que ce soit le dossier des frais de cartes de crédit ou tout autre dossier comme le prix minimum de la bière, comme le dossier sur le prix du lait, la régie, comme on a fait d'ailleurs avec le ministre Girard pour toute la déréglementation.

D'ailleurs, je vous invite à lire notre livre vert, vous allez voir qu'il y a 28 recommandations. Le tabac est important, mais c'est loin d'être notre seule préoccupation. Alors, si vous regardez les 28 recommandations, vous allez voir qu'on est même de concert avec le gouvernement pour mettre en place toute une révision de la réglementation qui touche notre secteur au niveau administratif.

M. Lisée : M. Gadbois, je ne disconviens pas que vous intervenez sur plusieurs sujets en plus du tabac, mais, sur vos campagnes sur le tabac, je serais très intéressé de savoir quelle est la proportion de votre budget qui vient des compagnies de tabac.

M. Gadbois (Michel) : Je ne peux pas vous le dire parce que ça dépend si je fais une campagne ou si je ne fais pas une campagne.

M. Lisée : En ce moment, la campagne que vous menez en ce moment, est-ce que c'est 10 %?

M. Gadbois (Michel) : Je ne peux pas...

M. Lisée : Est-ce que c'est 90 %?

M. Gadbois (Michel) : Pas du tout. Je ne peux pas vous dire par coeur, mais ce n'est pas la majorité de nos ressources. La majorité de nos ressources vient de nos détaillants, O.K.?

M. Lisée : Ce n'est pas la majorité de vos ressources. Mais est-ce que c'est entre le tiers et la moitié?

M. Laporte (Pascal) : Si je peux me permettre, en fait, on fait appel à tous nos fournisseurs. Les fournisseurs de tabac sont des fournisseurs parmi tant d'autres. On a les fournisseurs de bière, on a des fournisseurs de lait, de chips, etc. Donc, on demande à tous nos fournisseurs de vouloir contribuer, puis le tabac en fait partie, oui. Dans quelle proportion? Je n'ai pas le chiffre avec moi, mais probablement dans la même proportion que nos ventes, là.

M. Lisée : Probablement la même proportion que vos membres?

M. Laporte (Pascal) : Probable. Que nos ventes.

M. Lisée : Écoutez, ça va un petit peu à la question de votre crédibilité, parce que vous existez depuis 2007, vous gérez vos budgets, vous êtes là depuis des années et vous nous dites que vous ne savez pas, vous ne pouvez pas nous dire quelle est la proportion de votre budget qui vient des compagnies de tabac. Je veux dire, moi, j'ai été le directeur général du CERIUM, j'avais un budget de 1 million, je pouvais vous dire au dollar près la proportion qui venait de l'Université de Montréal, la proportion qui venait d'Hydro-Québec, qui était notre partenaire, la proportion qui venait de chacun de nos partenaires et chacune de nos chaires. Alors, je suis un peu surpris que vous disiez que vous ne savez pas quelle est la proportion de votre financement qui vient des cigarettiers, d'autant que, sur la question du menthol, sur la question de la contrebande, sur la question des saveurs, les positions que vous défendez sont identiques à celles des compagnies de tabac.

M. Gadbois (Michel) : Quelle surprise, hein?

M. Lisée : Quelle surprise.

M. Gadbois (Michel) : Parce que c'est nos fournisseurs, comme n'importe quel de nos fournisseurs, s'ils ont intérêt qu'on vende un produit et que ce produit-là fait partie de nos tablettes, on le vend. Donc, ils ont des intérêts communs, avec plaisir, comme, essentiellement, j'ai des intérêts communs avec la SAQ, avec Loto-Québec, qui sont membres chez nous aussi.

M. Lisée : Bien, des intérêts communs, je sais que...

M. Gadbois (Michel) : Si l'essence de l'intérêt de la commission, c'est de connaître nos finances, je vous dis : Je ne suis pas venu ici préparé pour faire ça. Si c'est ça, votre intérêt particulier à vous, on s'en reparlera après, parce que je ne suis pas venu préparé pour présenter mes chiffres.

Je trouve ça malheureux que c'est votre première question et votre première préoccupation quand les détaillants, aujourd'hui, annoncent que... non pas à l'instar du gouvernement, mais que nous, on va régler le problème, je pense, qui est le plus préoccupant pour la société québécoise, et je pense que, pour cette commission, c'est d'assurer 100 % de conformité. C'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui. Vous pouvez continuer à me poser la question, je n'y répondrai pas.

M. Lisée : Très bien. Bien, écoutez, moi, je vous dis simplement qu'en tant que parlementaires nous recevons des gens... On va recevoir Imperial Tobacco. Ils sont financés à 100 % par Imperial Tobacco. On va savoir exactement pourquoi ils nous disent ce qu'ils nous disent. On a eu hier l'association des propriétaires, ils nous ont dit ce qu'ils disaient. On va avoir l'association des compagnies de vapotage. Donc, on sait à qui on parle et on sait de quoi on parle, et ces gens-là ont une crédibilité totale.

Vous, le fait que vous nous disiez aujourd'hui que vous ne savez pas quelle est la proportion de votre budget, que vous gérez depuis la création de l'association, qui vient des cigarettiers, je m'excuse de vous dire que ça met en cause la crédibilité de ce que vous avez à nous dire, d'une part. Je vais continuer à échanger avec vous, hein? Ça ne met pas en cause la totalité de la crédibilité, mais je pense que c'est un problème. Je sais que la question vous avait été posée au Sénat canadien. Vous avez répondu : Je n'ai pas les chiffres, je reviendrai une autre fois. Bien là, c'est une autre fois, vous ne les avez toujours pas. C'est louche. Je vous le dis, là, votre position, elle est louche. Bon.

Alors, maintenant qu'on a dit ça, je vais donc me concentrer avec vous... pas sur les questions qui concernent le menthol, ou la contrebande, ou ce sur quoi vous dites la même chose que les cigarettiers. Je sais ce qu'ils disent, les cigarettiers. On discutera peut-être avec eux. Je vais me concentrer sur ce qui vous concerne, c'est-à-dire les dépanneurs. Les dépanneurs, c'est important, il y a une histoire d'amour entre les Québécois puis les dépanneurs. Vous faites partie de notre vie, on ne veut pas que vous fermiez. On sait que c'est compliqué — moi, mon père était détaillant aussi — les marges sont petites. Il n'y a pas de problème.

Alors, sur le cartage, ça, j'avoue que c'est un genre de grand mystère, parce que vous nous dites : Bon, bien là, on est choqués, on est décidés, pas de carte, pas de tabac. Bien, pourquoi vous ne vous êtes pas choqués il y a 10 ans? Pourquoi vous faites ça maintenant? Moi, j'avais l'impression, avant d'être sur cette commission, que c'était comme ça : pas de carte, pas de tabac. Pourquoi vous ne l'avez pas fait depuis 10 ans?

M. Gadbois (Michel) : Bien, si vous avez écouté ce que j'ai dit tout à l'heure, je n'aurais pas besoin de vous répondre encore une autre fois, mais je vais le préciser. D'abord, je vous ai donné l'historique de la conformité à travers le Canada. Ça s'est toujours fait sur une base discrétionnaire, c'est-à-dire sur une base de perception, comme ça se fait partout ailleurs dans le monde, incidemment, d'une part. On s'est rendu compte qu'on atteignait un sommet qui ne pouvait pas bouger. Parce que, comme je dis, l'erreur est humaine, et il y a toujours un moment où, soit la perception du jeune, même s'il est entraîné, même s'il a suivi nos programmes de formation, etc., O.K., on ne dépasse pas ce seuil-là. Et, en plus, depuis les deux dernières années, les inspections, qui sont souvent — et c'est expliqué par des juges — presque des guets-apens pour essayer de prendre les détaillants, c'est tellement répandu que, justement, comme je vous le mentionnais, à nos sommets, les détaillants ont dit : Il faut faire quelque chose. Et le cartage obligatoire...

M. Lisée : Qu'est-ce qui vous empêchait de le faire avant? C'est ça, ma question.

M. Gadbois (Michel) : Bien, tout d'abord, quand quelqu'un fait le cartage et l'autre ne le fait pas... Le principe, au départ, c'est la concurrence sur le marché. Et ce qu'on vend, vous le saurez, c'est du temps. Le dépanneur, ce qu'il vend en premier, c'est du temps, un service rapide, on rentre, on sort. Alors, évidemment, si vous avez un dépanneur...

Puis je pourrai demander à mes collègues d'en parler, surtout dans le cas de M. Guénard qui a eu le courage de le faire même si la compétition ne le faisait pas, O.K.? Ce qu'on a réussi à faire, si on veut, c'est de dire aux détaillants : Il va falloir que vous soyez solidaires là-dedans puis que vous oubliiez la concurrence. Il y en aura toujours un qui va essayer, quelque part, de se donner un avantage de temps en ne demandant pas, en plus, le temps que ça demande, de passer la carte, etc. Alors, oui, c'est ça qui freinait. C'est la concurrence qui freinait. Maintenant...

M. Lisée : O.K. Je comprends. Donc, je comprends que des détaillants... Parce qu'on a les statistiques, ils disent que 25 % des jeunes affirment... des mineurs affirment s'approvisionner directement auprès des dépanneurs et que la moitié d'entre eux affirment ne pas avoir été cartés. Alors donc, il y a un réel problème. Vous dites vous-mêmes : Le taux de conformité est de 80 %, 85 %. Ça veut dire qu'il y en a 15 % où il n'y a pas de taux de conformité.

Puis, si vous nous dites : Écoutez, donnez-nous le signal que pas de carte, pas de tabac, pas de loto, pas d'alcool, on va vous le donner. Ça, je n'ai aucun problème avec ça, puis on va en discuter avec la ministre à l'article par article. Puis déjà, dans le projet de loi, on dit : On vous donne l'autorisation d'utiliser des cartes émises par le gouvernement. Ça, si c'est ça, la solution, il n'y a aucun problème avec moi, vous allez le faire. De la même façon, je l'ai dit à vos collègues tout à l'heure... hier, des détaillants, la première offense à 125 000 $, je trouve ça excessif. Loto-Québec dit : Première offense, deuxième offense, troisième offense. C'est un système qui me semble beaucoup plus adapté. Et aussi le fait de pouvoir remettre une infraction sur-le-champ plutôt que d'attendre... Ça, ce sont tous des trucs sur lesquels, avec la ministre, on va discuter. On va essayer de trouver un système qui soit aidant et qui soit efficace, parce que c'est ce à quoi on veut en venir.

Sur la question de la contrebande, bon, vous parlez beaucoup de ça, cependant, comme la ministre l'a indiqué, le pourcentage de contrebande a baissé ces dernières années et il a baissé en même temps qu'il y avait un certain nombre d'obstacles supplémentaires qui vous ont été imposés, que ce soit une augmentation du prix du tabac, un certain nombre d'éléments. Et, en fait, le nombre de dépanneurs a augmenté sur la période. Alors, comment pouvez-vous dire que chaque intervention législative réglementaire supplémentaire donne immédiatement du gaz aux contrebandiers, alors qu'il y a plus de dépanneurs qu'avant, malgré l'augmentation du fardeau réglementaire?

• (10 h 20) •

M. Laporte (Pascal) : Juste avant de passer à la contrebande, si vous voulez, j'ai écouté religieusement ce que vous avez dit sur le monde du dépanneur puis, comme vous savez, moi, je suis un propriétaire de dépanneurs, donc j'opère des dépanneurs depuis plus de 20 ans. Quand on parle qu'on a un taux de conformité de 85 % sur le cartage, je peux vous assurer qu'on a les mêmes préoccupations que vous. Pour nous, c'est important. On ne veut pas vendre du tabac à des mineurs, puis j'espère que vous nous croyez. Tu sais, on n'est pas des gens qui... On a des enfants nous aussi puis etc. On a les mêmes convictions que vous, c'est certain.

Nos employés, on fait... les membres de nos équipes, on fait tout ce qui est en notre pouvoir pour s'assurer que c'est fait à chaque transaction. On fait beaucoup de formations, on fait des suivis, on fait des rappels, mais on dirait que c'est difficile de franchir le cap du... d'aller plus loin que le 85 %. Parce que c'est une question humaine. Essayez d'imaginer une préposée qui peut avoir 17 ans, qui travaille derrière le comptoir avec... qui pourrait être intimidée par certains jeunes, qui a été intimidée une fois parce qu'elle ne voulait pas lui vendre du tabac puis, bon, finalement, par après, elle en échappe un, elle en échappe deux. C'est des choses qui peuvent arriver.

Donc, si vous voulez qu'on soit conforme à 100 %, moi, je peux vous dire qu'avec la loi actuelle c'est impossible. C'est impossible. Ça fait que c'est pour ça que nous...

M. Lisée : O.K. Non, mais ça, là-dessus, on est en...

M. Laporte (Pascal) : C'est pour ça que nous, on propose le cartage obligatoire, peu importe l'âge du client.

M. Lisée : Je comprends.

M. Laporte (Pascal) : Donc, ça deviendrait une première mondiale. Si on veut vraiment donner... J'entendais hier à la commission, ici, j'entendais des gens dire : On voudrait que le Québec soit à l'avant-garde, hein, en matière de tabagisme chez les jeunes. La solution, c'est ça, plus que le menthol.

M. Lisée : Là-dessus, là, vous m'aviez, à cartage, O.K.? Donc, je suis très ouvert à cette suggestion. Mais ce que je vous dis sur la contrebande, c'est que, depuis 2008, il y a eu trois hausses de taxes, l'interdiction des étalages dans les points de vente, l'arrivée des nouvelles mises en garde plus grandes, le prix plancher pour les achats autres que les cigarettes, et il y a eu une baisse de la contrebande. Pourquoi est-ce que maintenant, avec une nouvelle réglementation, tout à coup, il y aurait inversion de la tendance?

M. Gadbois (Michel) : Je peux vous répondre sur bien des façons. Je vais essayer un petit historique, parce que je suis dans ce dossier-là depuis très longtemps. À toutes les fois que j'essaie d'en sortir, il me ramène toujours dedans, pour prendre les mêmes expressions que vous.

Alors, la première chose à comprendre, c'est que la contrebande a repris sa force à partir de 2002, O.K., tout simplement parce que les taxes ont augmenté, on ne pourra pas le nier, ont augmenté de 100 % dans cette période-là. L'État a perdu de l'argent, nous avons perdu de l'argent, et, grâce aux interventions du gouvernement, suite à la commission parlementaire que nous avions demandée, avec toutes les pressions qu'on a mises dessus, O.K., effectivement, ça a baissé. Maintenant...

Le Président (M. Tanguay) : En conclusion, s'il vous plaît. En concluant, s'il vous plaît.

M. Gadbois (Michel) : ...la réalité sur les réserves n'a pas changé, et M. Venne peut vous donner les rapports en Nouvelle-Écosse ou ailleurs, on est devenu le meilleur exportateur au Canada, O.K., à partir de Kahnawake et Kanesatake, pour l'Ontario et les Maritimes, qui, eux, ont doublé leurs taux de contrebande.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant poursuivre l'échange, et vous aurez peut-être l'occasion de compléter votre réponse dans le contexte du bloc de notre collègue de Saint-Hyacinthe pour neuf minutes.

Mme Soucy : Bonjour. Merci d'être ici ce matin. Moi, j'aimerais ça vous entendre plus particulièrement sur les défis au quotidien que vous avez sur le cartage, en fait de savoir si les gens sont majeurs ou pas. C'est quoi, votre défi au quotidien?

M. Gadbois (Michel) : Je vais laisser la parole aux deux détaillants. Vous allez voir, c'est les mêmes défis.

M. Guénard (Richard) : Le défi au quotidien, c'est compliqué, O.K.? Parce que, s'il arrive rien qu'une personne à la fois, ça va bien. C'est le groupe, si on a un 10, 12 clients puis que... On dit toujours à nos employés : Allez plus vite, allez plus vite, allez plus vite pour ne pas que le monde attende, parce que, quand ça attend, ça gueule ou ça...

C'est pour ça que moi, quand j'ai été acquitté au mois de janvier, j'ai mis tout de suite le cartage obligatoire pour tout le monde. Comme ça, pas de secret, ça a pris un mois, puis tout était rentré dans l'ordre.

Mme Soucy : Bien, félicitations, c'est tout en votre honneur. Parce que, bon, hier, on a eu cette discussion-là, et puis, bon, il y a un commerçant qui me disait : Bien, on ne peut pas le faire, c'est très difficile, les gens sont réticents à nous montrer leurs cartes. Rien ne vous oblige à le faire. Mais pourquoi tout le monde ne le fait pas? Vous, vous le faites. Pourquoi tout le monde ne le fait pas? Volontairement, là, évidemment.

M. Laporte (Pascal) : Oui. Si je peux me permettre, le fait de carter tout le monde, peu importe l'âge, à notre connaissance, ça n'existe pas nulle part au monde. Donc, moi, en tant que détaillant, si moi, je décide demain matin de dire : Si vous voulez avoir de l'alcool, du tabac ou de la loterie, vous devez nous présenter votre carte, je passe pour un hurluberlu, là, je passe pour quelqu'un vraiment, là, qui est sur une autre planète.

Par contre, M. Guérard a réussi, lui, à le faire, et c'est tout en son honneur. Je suis vraiment fier de lui. Même si c'est un compétiteur, loin, mais un compétiteur, je suis fier de lui quand même. Par contre, si c'est dans la loi et que tout le monde le fait, moi, je suis convaincu qu'au bout de quelques mois ça va tout simplement devenir une habitude, hein? On va se présenter dans un établissement pour acheter notre caisse de bière puis, par habitude, on va sortir notre pièce d'identité, parce que tout le monde le fait.

Ça fait que c'est pour ça que c'est difficile de pouvoir l'implanter par nous-mêmes, parce que ça devient, en quelque sorte, un désavantage concurrentiel.

M. Gadbois (Michel) : Ce qu'on vous a dit ici, par contre, c'est qu'on n'attendra pas le résultat des travaux de la commission, on va commencer à le faire. Au sommet, l'année dernière, ça a été sanctionné. Ça faisait deux ans qu'on en parlait. À la dernière commission parlementaire, à l'époque où... je pense que c'était M. Bolduc qui la présidait, on avait déposé cette recommandation-là. Alors, ce n'est pas d'hier que c'est venu.

Mais, pour faire allusion à ce que M. Lisée a soulevé tout à l'heure, ça a pris quand même un électrochoc auprès des détaillants pour réaliser qu'ils ne pouvaient pas vivre dans cet environnement-là, d'une part, et, d'autre part, que c'était techniquement rendu là et qu'on devait le faire également pour la loterie et l'alcool, et on va le faire. J'aimerais que ça soit accéléré, O.K., mais je pense qu'on peut donner l'exemple là-dessus. Puis je vous assure que notre association va mener ce dossier-là.

Mme Soucy : Donc, vous, ça passe par le cartage obligatoire. C'est ce que vous demandez au gouvernement, d'obliger de faire des campagnes de publicité puis d'avertir tout le monde que pas de cartage, bien, pas de vente, en fait.

M. Laporte (Pascal) : C'est certain que c'est difficile d'avoir un taux de conformité de plus de 85 %. Ça veut dire que, tôt ou tard, on risque, dans un de nos établissements, de se faire prendre, entre guillemets, par... Et, malgré tous les efforts qu'on fait, là, pour ne pas que ça arrive, ça risque d'arriver, et les conséquences sont beaucoup trop élevées, on ne peut pas se permettre ces conséquences-là. C'est pour ça que le cartage obligatoire vient régler ça, puis on devient conformes à 100 %, puis on enlève tout ce risque-là.

M. Gadbois (Michel) : Ce qui est un peu contradictoire, c'est que... Puis M. Laporte pourra le confirmer, parce que j'ai été en cour avec lui — il est rendu à trois maintenant, sur 15 magasins — quand on s'acharne sur un détaillant, on ne le lâche pas, là, O.K.? C'est sûr, O.K., qu'ils vont attraper un détaillant s'ils décident de le faire. Je peux vous donner les trucs pour le faire. Mais, c'est drôle, quand on arrive devant un juge, le juge, les trois quarts du temps, si on monte notre dossier puis on montre que nos gens ont été formés puis que les gens sont de bonne foi, nous dit que «vous avez fait preuve de diligence», et très souvent, O.K., la cause est renvoyée. D'abord, je pense que maintenant on est rendus à un point où même les avocats, quand on les rencontre, les avocats de la couronne, nous regardent, puis ils voient le dossier, comment il est préparé, puis ils disent : Ça ne vaut pas le temps, on renvoie la cause.

Je pense que, là, on s'est assez «sizés», en bon français. On va passer aux actes, on va régler ce problème-là une fois pour toutes. Puis je pense que non seulement vous... On souhaite votre collaboration, mais regardez-nous puis, dans les prochaines semaines, vous allez voir, ça va se répandre.

Mme Soucy : On sait qu'il y a des problèmes, on est conscients qu'il y a des problèmes de contrebande dans les réserves. Selon vous, selon...

Une voix : ...

Mme Soucy : Oui, évidemment. Selon votre connaissance, est-ce qu'il y en a actuellement, de la contrebande pour les cigarettes au menthol?

M. Gadbois (Michel) : Oui. Si vous avez reçu... et vous l'avez reçu, on avait notre campagne où on présentait... D'ailleurs, on avait gentiment commencé dans le comté de la ministre avec une détaillante qu'elle connaît bien. Ce qu'on disait, c'est qu'on arrivait quand même avec un clin d'oeil, avec une boîte-cadeau avec un ruban vert — et vous l'avez tous reçue, comme députés — et on vous disait : Ne faites pas un cadeau aux contrebandiers, O.K.? Alors, là-dedans, on a fait les études et les analyses dont vous parlez. On a répertorié... combien, Guy, de...

• (10 h 30) •

M. Leroux (Guy) : On a répertorié une dizaine de produits de contrebande au menthol, des marques comme des marques amérindiennes, des marques qui sont exportées illégalement des États-Unis et des marques canadiennes. On en a répertorié une dizaine, mais on sait qu'il en existe, au Canada, jusqu'à 20 à 25. Donc, faire un produit de cigarette au menthol, au niveau de la contrebande de tabac, ce n'est absolument pas un problème, là, techniquement, ils le font déjà puis ils ont les capacités, demain matin, de répondre à la demande.

M. Gadbois (Michel) : Ça me ferait plaisir de vous amener, ainsi que M. Lisée puis Mme la ministre, faire une visite des cabanes à tabac pour vous le montrer. On l'a fait dans le passé avec des caméras cachées, qu'on a mis sur YouTube. On a nous-mêmes fait des inspections avec des jeunes qui demandaient des caisses de tabac, il n'y a jamais eu de contrôle. Les produits sont affichés, il y a du marketing qui se fait.

Dans notre mémoire, ce qu'on vous dit, c'est qu'on est dans une situation où on banalise malgré tout le 15 %, avec ce que ça représente. C'est vrai que ce n'est pas aussi haut que ça l'a déjà été, mais c'est comme... on est assis sur un volcan, ça peut repartir n'importe quand. Encouragez-le pas avec quelque chose qui va tout simplement rester dans le marché. Ça, c'est notre première recommandation.

La deuxième, c'est qu'il y a des solutions. Moi, j'ai parlé à des chefs de bande à Ottawa, on a eu des rencontres, ils attendent des solutions. Parce qu'eux autres, ils n'aiment pas être perçus comme ça puis ils n'aiment pas que leurs jeunes soient impliqués dans ce genre de commerce là. Et, par exemple, je cite, à un certain moment donné dans le mémoire et ailleurs, que l'Alberta, la Colombie-Britannique sont arrivées avec des solutions très simples. Ce qu'ils ont dit, c'est : Payez la taxe, on va faire le calcul du nombre d'habitants proportionnels qui doivent sauver la taxe, comme c'est le cas, par exemple, sur les réserves dans le bout de Roberval, et on va vous rembourser la taxe. Et, en vous remboursant la taxe... C'est ce qu'ils veulent, c'est séparer le montant. Ce montant-là a été investi dans des programmes d'études pour les jeunes. Ça, c'est positif. Ça se fait en Alberta, ça se fait en Colombie-Britannique, zéro contrebande.

Mme Soucy : Alors, ça va être le temps d'interpeller les chefs des partis politiques au fédéral, ils sont en campagne électorale.

Dans votre... Vous avez fait une étude sur les mégots de cigarettes trouvés dans les cours d'école. Moi, je ne connais pas votre méthodologie de recherche. Est-ce que c'est possible de déterminer si les mégots de cigarettes étaient vraiment ceux des employés et ceux des élèves? Il doit y avoir des proportions à ça. Est-ce que c'est...

Le Président (M. Tanguay) : En quelques secondes.

M. Gadbois (Michel) : ...c'est probablement la même proportion que professeurs et étudiants, mais je laisse... Il a expliqué la méthodologie, mais, si tu veux...

Le Président (M. Tanguay) : En quelques secondes, il reste 10 secondes.

M. Venne (Jean-Simon) : Oui. Bien, très rapidement. Lorsqu'on fait la visite d'observation, je vous dirais que ce qu'on voit, c'est les jeunes. Les professeurs vont très, très rarement fumer avec les jeunes sur le bord de la clôture. Je pense qu'on a vu ça une seule fois au Canada. C'est vraiment des jeunes ensemble lors des pauses.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, nous vous remercions, représentants de l'Association québécoise des dépanneurs en alimentation du Québec.

J'invite maintenant les directeurs régionaux de santé publique du Québec à prendre place, et nous suspendons quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 33)

(Reprise à 10 h 37)

Le Président (M. Tanguay) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous accueillons maintenant les représentantes, représentants des directeurs régionaux de santé publique du Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger et de discuter avec les parlementaires. Bien prendre soin, pour les fins d'enregistrement, entre autres, de vous identifier, votre nom et vos fonctions, et la parole est à vous.

Directrices et directeurs régionaux de santé publique du Québec

M. Massé (Richard) : D'accord. Merci beaucoup, M. le Président. Mme la ministre, MM. et Mmes les députés, bonjour. Richard Massé, je suis directeur de la santé publique de Montréal.

M. Desbiens (François) : François Desbiens, directeur de la santé publique de la Capitale-Nationale et aussi, par intérim, de la Côte-Nord.

Mme Goupil-Sormany (Isabelle) : Et Isabelle Goupil-Sormany, directrice, santé publique, Mauricie—Centre-du-Québec.

M. Massé (Richard) : Comme vous l'avez vu dans le mémoire qui vous a été déposé, ce mémoire-là parle au nom de l'ensemble des 18 directeurs régionaux de santé publique du Québec, donc on trouve l'ensemble du territoire. Vous savez que les mandats qui sont confiés aux directeurs de santé publique comprennent la protection de la santé de la population, et notamment des gens qui sont plus vulnérables, mais ça inclut aussi les politiques publiques pour réduire les risques à la santé et évidemment la politique sur le tabac, étant une chose fort importante.

Je dois dire que le mémoire qui vous est présenté fait suite aussi à la présentation qui a été faite il y a presque deux ans maintenant en commission sur la santé sur l'étude du rapport de la mise en oeuvre de la Loi sur le tabac et qu'on a continué de travailler avec un grand nombre d'intervenants à travers le Québec pour être capables de vous présenter ce mémoire-là et les recommandations afférentes, notamment avec les prisons, avec des départements de psychiatrie et de santé mentale, de réadaptation, les hôpitaux et CSSS de l'ensemble de la région de Montréal et du Québec. Donc, c'est quand même le fruit d'un travail très large qui a été fait.

• (10 h 40) •

Cette diapo-là vous montre l'importance de l'impact du tabagisme. Je n'irai pas dans le détail parce que, dans le mémoire, vous l'avez. Je ne pense pas que c'est nécessaire de rentrer dans ce détail-là. Ceci dit, je veux quand même souligner quelques faits. Il y a encore 1,4 million de personnes qui fument la cigarette au Québec. C'est un impact considérable : 10 ans d'espérance de vie de moins chez les fumeurs. L'impact sur les inégalités sociales de santé, où c'est un des grands déterminants. L'écart entre les régions du Québec, ce n'est pas homogène, on a des régions qui sont jusqu'à près de 30 %, d'autres qui sont autour de 15 %. Les jeunes en difficulté, 66 % des jeunes, centres jeunesse, qui fument. Santé mentale, deux à trois fois plus de prévalence de tabagisme chez les... Donc, il y a vraiment des populations qui sont plus vulnérables, et on pense que c'est vraiment important à la fois de changer les normes, ce qui a été fait beaucoup dans les 25 dernières années au Québec, mais aussi de protéger le plus possible des lieux contre l'impact du tabagisme.

Il faudrait d'abord souligner, puis je pense que c'est important, que la loi qui nous est présentée, c'est une loi qui est robuste, c'est une loi qui est audacieuse, c'est une loi qui nous permet de toucher des points qui ont évolué. Les cigarettiers sont très inventifs, ils ont des stratégies de marketing qui sont dérangeantes et ils développent des produits pour contourner les lois. Donc, c'est vraiment important de mettre à jour cette législation-là.

Le fait d'introduire la cigarette électronique à l'intérieur de la Loi sur le tabac nous apparaît un élément central, important, incontournable. Et déjà plusieurs personnes ont adressé cette question-là ici, en commission parlementaire, mais on pense que ça, c'est vraiment une chose importante, le phénomène qui est en croissance, on en voit partout, ce n'est pas réglementé. Je n'irai pas plus loin, parce que probablement qu'on en discutera tantôt, mais, clairement, c'est important.

L'interdiction de... L'aromatisation, incluant le menthol, comme phénomène d'introduction au tabac, c'est vraiment un facteur d'initiation à l'utilisation du tabagisme chez les jeunes. Je pense que ça, c'est bien démontré. Non seulement l'Organisation mondiale de la santé, mais les gens qui travaillent dans le domaine du tabac en... du tabagisme en général vous diront que c'est vraiment un phénomène d'initiation. Ce n'est pas pour rien qu'on se retrouve avec 30 % des jeunes qui ont utilisé des produits du menthol et qu'on se retrouve chez les jeunes qui fument régulièrement, quotidiennement, jusqu'à un sur deux par rapport à 5 %, un sur 20, chez la population adulte, nonobstant les études qui sont faites avec des méthodologies qui peuvent être questionnées. Je pense que ça, c'est des données qui sont relativement fiables, qui peuvent évoluer dans le temps, mais ça démontre l'importance d'un facteur d'initiation autour du menthol.

Soulignés aussi dans le projet de loi, la protection au niveau des terrasses, des bars, des restaurants, les véhicules en présence d'enfants et puis les terrains des CPE, garderies comme étant des éléments centraux. Il y en a plusieurs autres, je ne veux pas tous les mettre, mais je veux juste dire qu'on supporte, on souligne ces choses-là puis on pense que c'est des améliorations qui sont importantes.

Ceci dit, on va se concentrer sur les propositions d'amendement et de recommandation pour maintenir la robustesse, pour éviter qu'il y ait des éléments qui diminuent la robustesse au niveau du projet de loi.

Le premier, c'est en lien avec des recommandations qui ont été faites avec le réseau de Montréal sans tabac. Donc, c'est 80 partenaires qui sont associés pour regarder ces choses-là, et une des choses les plus importantes que les gens nous mentionnent et que nous, on tient, c'est que l'initiation est au coeur du combat qu'on... dans la lutte sur le tabagisme. Donc, tout ce qui peut être fait par le réseau de santé, par la santé publique, mais par tout le réseau de santé pour lutter contre l'initiation, c'est un facteur fondamental. Et ce qu'on voit, c'est un effort très important de la part de l'industrie pour augmenter l'initiation, pour favoriser leur clientèle future.

Premier amendement puis le premier enjeu. Il y a des personnes dans le réseau de santé — et c'est vraiment une des recommandations centrales qu'on propose — qui sont exposées à fumer du tabac dans un réseau qui a fait ses preuves au cours des dernières années pour être capable de réduire le tabagisme. On l'a fait... Et donc, la première recommandation, c'est l'interdiction des chambres pour les fumeurs. On sait que, dans les endroits où est-ce qu'il y a de l'hébergement, on peut avoir jusqu'à 40 % des chambres qui peuvent être réservées pour les fumeurs. Bien nous en prenne, ce n'est pas ça, la situation sur le terrain. Il y a beaucoup moins de chambres que ça. Il y en a encore, et on pense qu'on est capables d'aller à zéro chambre fumeurs, et c'est ce qu'on vous recommande.

Déjà, on l'a fait au niveau des centres jeunesse, déjà on l'a fait à l'institut Pinel. Vous allez avoir les gens du CIUSSS du nord de Montréal qui vont venir vous présenter leurs recommandations, et eux vont vous dire que non seulement ils le font, mais ils veulent aller plus loin encore que ce qui est dans la législation. On est en train de le faire avec l'institut Douglas en santé mentale, on est en train de le faire avec le centre de réadaptation avec Sainte-Justine, l'institut de santé mentale. Donc, toutes ces organisations-là ont développé des politiques sur la lutte au tabagisme, des politiques sans tabac dans leurs établissements. Ils ont été capables de le faire progressivement, avec l'aide et le mentorat, mais avec l'aide des réseaux de santé et de la santé publique. Donc, on est capables vraiment d'aller plus loin.

On est capables d'aller plus loin sur les terrains aussi. À l'agence de la santé, ou l'ex-agence de la santé de Montréal, on avait une politique sur les terrains, politique qui a été accompagnée par plusieurs établissements. En fait, l'ensemble des établissements de Montréal voulaient utiliser cette politique-là à titre de démonstration, et ça a un impact important. Et c'est ce qui est fait aussi au Centre jeunesse de Montréal, centre jeunesse que vous avez déjà rencontré.

Les prisons du Québec sont maintenant totalement sans fumée. S'il y en a qui nous disent qu'il y a des populations qui sont difficiles à intervenir... C'est difficile d'intervenir en milieu carcéral, vous le savez très bien. Pourtant, ils ont réussi, parce que non seulement il y avait des risques pour les personnes qui étaient là, il y avait des feux, il y avait des difficultés à contrôler les comportements des gens...

Donc, on a les mêmes problèmes, dans certains cas, au niveau des institutions de santé mentale ou au niveau des jeunes. Les gens dans les établissements nous demandent d'intervenir auprès d'eux pour faire des établissements sans fumée, et, plutôt que de le faire seulement à la pièce, ce qu'on a commencé à faire, puis la démonstration est évidente... On pense qu'on est prêts à aller à une étape supérieure puis de recommander que ce ne soit non seulement plus de chambre, mais aussi plus de fumoir, sauf pour les CHSLD. On pense que ça doit s'accompagner d'une politique d'abandon ou de politiques d'établissement sans fumée pour tous les établissements. Avec la réorganisation du réseau de santé, on avait déjà, avant, des progrès importants. Il y a eu les fusions et des changements au niveau des organisations. On pense qu'avec ces changements-là on a un risque de recul par rapport aux politiques sans tabac que les établissements s'étaient déjà données volontairement. Et là je pense qu'on peut aller plus loin et aussi offrir des services d'abandon pour le tabac à ces personnes-là qui sont dans ce qu'on appelle un «teachable moment», un moment où est-ce que les gens peuvent être sensibles pour arrêter de fumer, être réceptifs à cette situation-là.

Établissements d'éducation supérieure — et on salue ce qui est dans la loi déjà pour protéger les jeunes, que ce soit CPE, que ce soit garderies, que ce soit écoles primaires, secondaires — on pense qu'on doit aller plus loin au niveau des cégeps, des collèges et des universités. Il y a 15 % des gens qui s'initient après l'âge de 18 ans. Déjà, au cégep, on a des gens qui ont 16 ans, 17 ans, donc on a des gens plus jeunes qui sont au cégep, on est encore en phase d'initiation, et je pense qu'il y a une cohérence par rapport au réseau de l'éducation qui devrait être exemplaire pour pouvoir protéger les jeunes complètement.

Abris pour fumeurs. On pense que les abris pour fumeurs, ça devrait être une chose du passé. Honnêtement, il y a des risques associés aux gens qui utilisent ces abris-là. Il y en avait un au ministère de la Santé au temps où j'étais au ministère, ici, et je peux vous dire que c'était sérieusement emboucané. En fait, les études nous montrent à quel point il y a des produits toxiques qui s'accumulent dans ces abris-là. Vous savez qu'il y en a qui se sont écrasés en tuant des gens qui étaient dans les abris, parce que c'est chaud dans l'abri, puis il y a de la neige en hiver, donc ça provoque des problèmes. Donc, on pense que cette chose-là, elle n'est plus nécessaire. Puis, dans un contexte de dénormalisation où est-ce qu'on veut créer des espaces sans fumée, le fait de permettre de créer des abris, on va à l'inverse. Si on se met à avoir des abris à neuf mètres d'une terrasse qu'on a interdit de fumer, on recule, d'après moi, là. Donc là, on pense qu'on ne devrait pas aller dans ce sens-là.

Salon de cigares et pipes à eau. Bon, vous direz : Il n'y a pas beaucoup... 25 salons qui ont eu, pour les pipes à eau puis les cigares, un permis, historiquement, puis qui ont pu avoir cette clause grand-père là. Le phénomène est plus important que ça. En fait, les gens ont reconnu qu'au niveau des salons de thé, puis je pense que les gens... vous en avez discuté ici, en commission parlementaire, il y en a beaucoup plus d'illégaux. On a de la misère à les repérer, on a de la misère à savoir ce qui se passe, et là on se retrouve vraiment avec deux poids, deux mesures dans un système qui est difficile.

On a une perception de risque diminué pour les gens qui utilisent les pipes à eau. Vous avez eu cette discussion-là. Ce n'est pas exact, c'est une mauvaise perception. On pense que ça, c'est vraiment un risque qui existe et on pense qu'on est capables d'arrêter cette chose-là, et non seulement d'éviter qu'il y ait des salons de thé qui l'offrent aux jeunes de tout âge, d'ailleurs, mais aussi de revenir puis dire : Bien, cette clause grand-père là ne devrait peut-être pas être maintenue, puis on devrait arrêter.

Il y a un signal à donner par rapport à un phénomène qui est en émergence, c'est un phénomène qui est en croissance, on a parlé des cigarillos, des petits cigares qui sont en croissance et puis qui maintenant sont aussi importants que la cigarette, la chicha, et c'est aussi un phénomène qui est en croissance.

Emballage neutre. Il y en a d'autres qui vont vous en parler de façon importante. On pense qu'à l'instar de ce que l'Organisation mondiale de la santé dit la standardisation des mises en garde est une chose importante. On a vu les efforts de l'industrie pour avoir des paquets qui sont attractifs, stratégies de marketing, tout ce qui va autour du «branding» est très, très important. Plus on va diminuer ces tendances de «branding» spécifique au tabac, plus on va diminuer la pression pour initier le tabagisme. Donc, ça fait partie de cette chose-là, je pense que c'est important qu'on puisse se diriger vers des emballages neutres. On a même des emballages pour lesquels...

Le Président (M. Tanguay) : M. Massé, vous avez dépassé de 1 min 40 s. Peut-être, dans le prochain 30 secondes, si vous pouvez conclure... Parce que c'est du temps de moins que vous avez d'échanger avec les parlementaires, qui ont lu votre présentation. Mais donc, si vous pouvez peut-être conclure d'ici les 30 prochaines secondes... et après ça l'échange débutera.

• (10 h 50) •

M. Massé (Richard) : Parfait. Montant. Montant qui a été fixé par réglementation en 2008, on pense qu'on est mûrs pour augmenter à 20 $. On veut éviter de continuer de vendre des articles à la pièce. On ne veut pas que cette chose-là arrive. Pour l'instant, c'est une base volontaire, mais on pense... cette mesure-là est importante.

Système de surveillance. En Ontario, ils demandent d'avoir des permis. Nous, on dit : Bien, ce n'est peut-être pas nécessaire, un permis. Ça pourrait faire partie de la solution, mais ce qui est certain, c'est que la densité des points de vente est un élément important. On n'a pas de système pour mesurer la densité des points de vente et le relier à l'initiation puis au taux de tabagisme, notamment chez les jeunes. Donc, on pense qu'il faudrait qu'on ait un système de surveillance.

Deux choses qui ne sont pas des amendements — je ne vais pas étirer plus longtemps, M. le Président : le prix de la cigarette. C'est la moins chère au Canada. On est à peu près 20 %, presque 25 % moins cher que les autres provinces. Vous avez vu dans le rapport le lien entre l'augmentation des prix et la diminution du tabagisme. Avec les coûts qui pourraient être sauvés en coûts directs pour le système de santé, en coûts indirects pour les personnes, donc, on pense qu'il y a de l'espace, en faisant attention toujours à la contrebande, mais les efforts québécois au niveau de la contrebande ont été très significatifs.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Massé. Maintenant, je dois... Vous avez déjà excédé le 10 minutes de trois minutes. Je dois maintenant céder la parole pour les échanges, qui seront fructueux et qui vous permettront évidemment de transmettre votre présentation. Je cède la parole à la ministre, qui disposait de 22, maintenant qui dispose de 19. La parole est à vous.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Mais je ne suis pas inquiète, on va rattraper... On va pouvoir échanger, mais vous allez aussi échanger avec mes collègues parlementaires, puis ça va nous permettre de bien mettre la table.

D'entrée de jeu, merci beaucoup d'être là. Je tiens à... M. Massé, Mme Goupil-Sormany et M. Desbiens, merci de venir nous renseigner davantage sur les dommages que cause le tabagisme. Et j'aimerais ça, en quelques secondes — je sais que je vais vous demander un tour de force — que vous expliquiez aux gens qui nous écoutent, là, c'est quoi, votre devoir, votre mission. Parce que moi, je suis la ministre responsable de la Santé publique, mais vous êtes directement en action, vous, vous voyez directement les choses sur le terrain. C'est quoi, votre rôle dans la population, la santé... Parce que les gens ont de la difficulté à départager la santé curative de la santé publique. Si vous pouviez expliquer ça rapidement, ça serait déjà mettre la table sur votre rôle.

M. Massé (Richard) : Bien, je vais utiliser l'exemple du tabac. Le ministère de la Santé a déjà un rôle au niveau de l'inspection, puis de la réglementation, puis du suivi de cette chose-là. Donc, nous, on le fait moins. Par contre, il y a de l'information qui nous est transmise du ministère de la Santé s'il y a des choses qui sont anormales.

Les choses qu'on fait le plus, c'est d'accompagner les gens qui travaillent auprès des fumeurs, par exemple centres d'abandon sur le tabac, des choses qui sont financées, on supporte, on fait de la formation, on donne des outils. On travaille avec, directement, les gens sur le terrain qui donnent ces services-là. Des lignes téléphoniques pour l'abandon sur le tabac qu'on supporte, la même chose. Les campagnes de promotion qu'on fait, l'appui aux établissements. Les établissements nous demandent régulièrement d'aller les voir, de voir comment est-ce qu'on installe une politique de lutte contre le tabac chez eux, comment est-ce qu'on peut former les employés, quel genre d'outils on peut employer pour le faire, c'est quoi, les étapes, c'est quoi, la progression qu'on peut faire pour installer une politique de lutte au tabagisme, et puis suivre la situation. On a vu qu'au niveau de la cigarette électronique... Je n'ai pas eu le temps d'en parler, j'en profite un tout petit peu...

Mme Charlebois : ...une question là-dessus.

M. Massé (Richard) : On a vu que ça a évolué beaucoup. On en a profité pour aller voir, pour faire une enquête, pour voir la situation, qu'est-ce qui se passe, parce que ça change très rapidement, voir qui l'utilise, comment est-ce qu'ils l'utilisent. J'ai vu de mes yeux des gens dans les laboratoires faire des mélanges de produits pour nous dire : Bien là, maintenant, vous avez 16 % de nicotine dans le nouveau produit qui n'est pas supposé être disponible, mais que tout le monde peut avoir. On le voit, on est capables de voir qu'est-ce qui se passe, de voir qui qui rentre dans ces boutiques-là, puis de dire : Ça nous pose vraiment des problèmes. Donc, suivre la situation, faire des enquêtes, supporter les gens, travailler avec les groupes communautaires, travailler avec les établissements de soins.

Mme Charlebois : Dans le fond, travailler et veiller à la santé de l'ensemble de la population.

M. Massé (Richard) : Exact.

Mme Charlebois : Merci beaucoup. Parce qu'on a vraiment besoin de... Tu sais, au-delà du curatif, il faut travailler en mode préventif, puis c'est souvent ça qui va faire en sorte que, dans le curatif, ça va coûter un petit peu moins cher mais qu'on va prévenir des drames humains aussi.

Ma première question va aller directement sur les établissements de santé et services sociaux. Quand vous dites : Plus de fumoir, plus de chambre, plus... Qu'est-ce qu'on va faire avec la marijuana thérapeutique?

M. Massé (Richard) : Marijuana thérapeutique, c'est des choses qui sont, je dirais, relativement marginales pour l'instant. Je pense qu'il y a des médicaments relativement efficaces, dans les établissements de soins, que les gens utilisent. Est-ce qu'il y a des exceptions qui pourraient être faites? Je ne le sais pas. Honnêtement, on ne s'est pas penchés sur la marijuana thérapeutique. C'est un phénomène qui est vraiment marginal, je dois dire, ce n'est pas quelque chose qui est très fréquent, puis pas dans les milieux hospitaliers.

Par cohérence, ça serait assez difficile de commencer à laisser des choses errer à droite puis à gauche. Honnêtement, les gens dans les établissements, ce qu'ils nous demandent, c'est d'avoir une politique uniforme d'établissements sans fumée. C'est vraiment ça que les gens qui sont dans les établissements nous demandent.

Mme Charlebois : Oui, je sais, puis je sais qu'il y a des établissements qui y travaillent déjà, puis il y en a déjà qui sont sans fumée. Mais je vous reviens notamment en CHSLD où, en tout cas, tout ce qui concerne le côté thérapeutique, je vous entends, vous dites : C'est vraiment marginal. Vous avez raison, parce que c'était illégal avant. Est-ce que, s'il y a une demande... Puis vous savez que c'est devenu légal, là, le fédéral a légalisé la marijuana thérapeutique, il faut quand même le prévoir dans notre projet de loi. Vous êtes d'accord?

M. Massé (Richard) : Oui, mais je laisse les établissements de courte durée pour aller dans les établissements de longue durée, puis peut-être qu'il y a des choses, là, qui pourraient être plus dans les établissements de longue durée, parce qu'on parle de soulager des problèmes à long terme, là, des problèmes chroniques, puis ce que nous, on propose, c'est garder des fumoirs mais pas des chambres pour fumeurs dans les CHSLD. Puis ce que les gens nous disent, c'est : Les gens qui sont hospitalisés, alités, ils sont assez malades que, d'abord, la plupart d'entre eux ne fument pas, donc, de plus en plus, il y a de moins en moins de fumeurs, que fumer au lit, c'est un problème très sérieux, puis ils ne peuvent pas toujours accompagner les malades, donc c'est un risque pour le feu. Et il y a eu des incendies qui ont été déclarés comme ça non seulement dans les lits, mais dans les fumoirs. Et donc on propose une mesure intérimaire pour les gens qui sont ambulatoires. Et ce que vous proposez, c'est plus pour des gens qui sont ambulatoires que des gens pour lesquels le niveau de maladie est suffisant pour ne pas qu'ils puissent sortir de leurs lits, puis on ne pense pas qu'on puisse rentrer des lits dans des fumoirs.

Donc, on propose une mesure intermédiaire pour les CHSLD, pour les gens qui ont des problèmes vraiment long terme, chroniques... qui sont de garder des fumoirs dans ces centres-là. Au CHUS du nord de Montréal, ils vont vous dire qu'eux autres pensent qu'il ne devrait plus y avoir de fumoirs, et c'est leur recommandation pour leurs établissements et pour l'ensemble des établissements.

Mme Charlebois : Vous avez raison, probablement que l'usage de la marijuana est dans les soins de longue durée plus que dans la courte durée.

Je vais vous amener tout de suite sur les abris pour fumeurs. Puisqu'on a parlé des fumoirs dans les établissements, mais là on va aller dans les abris pour fumeurs. Vous savez qu'on a reçu les représentants de restauration, les représentants des bars, les tenanciers de bar, et tout ça, puis ce soir on va recevoir l'Union des tenanciers de bars, et ils sont tous d'avis que nous devrions permettre les terrasses et/ou ils nous ont suggéré aussi d'avoir des fumoirs sur la terrasse.

Parlez-moi de la fumée secondaire, des effets. Et est-ce que vous considérez que, si on fait un abri ou si on met la moitié de la terrasse fumeurs puis l'autre moitié non-fumeurs qu'on pose un bon geste? Comment vous voyez ça, vous, puis comme... C'est quoi, la réflexion qui a été entreprise par la santé publique là-dessus?

M. Massé (Richard) : Bon. D'abord, les décès par fumée secondaire, c'est un phénomène qui est important, ce n'est pas un phénomène qui est marginal. On en a à peu près 1 000 qui arrivent à chaque année. Donc, ce n'est pas une chose qui est banale pour le Québec, là. Donc, il y en a très régulièrement des gens qui sont atteints de ça. Il y a des centaines, des milliers de produits toxiques, des produits cancérogènes, il y en a des centaines. Donc, ils se retrouvent concentrés dans ces abris-là, qui sont plutôt un endroit pour s'exposer de façon active.

Du point de vue dénormalisation...

Mme Charlebois : Ça doit être comme dans une auto. Quand on dit : Dans la voiture, c'est 27 fois plus concentré, dans l'abri, ça doit être sensiblement la même chose?

M. Massé (Richard) : Bien, je n'ai pas de mesure exacte, mais je peux vous dire que, dans l'abri du ministère de la Santé, quand il y en avait un, c'était extrêmement toxique, parce que j'ai déjà eu à y aller pour parler à des gens et puis je peux vous dire que ce n'était pas nécessairement bien. Donc, je suis bien content qu'il n'est plus là. Je pense qu'il y a une concentration de toxiques qui est très significative dans ces abris-là.

Il y a un enjeu de dénormalisation. On veut passer un message comme quoi, de plus en plus, on veut des endroits qui sont non-fumeurs puis que c'est la norme. C'est que les gens peuvent fumer, ceux qui veulent, mais dans des endroits qui sont plus privés. Là, tout d'un coup, on remet cette question d'abris là.

La question des terrasses avec la séparation des terrasses, ça me fait penser quand on a commencé à parler de mettre des zones non-fumeurs dans les restaurants, puis qu'on s'est rendu compte que ça ne marchait pas du tout, puis que ce n'était pas ventilé comme il faut, puis que les portes s'ouvraient continuellement, puis que les gens laissaient les portes ouvertes, puis que, si le vent change de bord, bien là, la fumée s'en va de l'autre côté. Dans le fond, là, on revient un peu à ça, à essayer de trouver des compromis pour quelque chose qui ne fonctionne pas.

Ailleurs au Canada, les gens, une bonne partie des provinces ont décidé de le faire. Ils l'ont implanté. À Montréal, on est la seule grande ville canadienne pour laquelle il n'y a pas d'interdiction de fumer sur les terrasses des restaurants et des bars. Donc, les autres l'ont fait.

Puis tout le monde nous disait : Ça ne marchera pas, ça n'a pas de bon sens. Puis là ils essayaient de trouver des compromis, ils essayaient de trouver des affaires, là, de broche à foin — je m'excuse de le dire comme ça, là — des affaires qui sont comme raccommodées pour dire : Bien là, ça ne marchera pas, mais on va essayer de raccommoder ça à droite puis à gauche. En vérité, nos collègues, quand ils l'ont fait, ça a marché puis il y a eu peu d'impact sur la clientèle, puis, dans certains cas, un impact positif, parce qu'il y a plus de personnes qui y sont allées.

Donc, essentiellement, je pense qu'on doit être relativement homogènes, on doit être relativement consistants dans les mesures qu'on propose, puis, pour moi, on est en train de comme essayer de trouver des compromis qui ne sont pas bons, qui ne sont pas bien.

• (11 heures) •

Mme Charlebois : D'autant plus que, si tout le monde est dans la même situation, tu sais, il n'y a pas de comparatif. On nous a dit : Ça va être terrible, on va devoir envoyer les gens fumer sur le trottoir. On n'aura pas de personne pour surveiller nos terrasses. Et moi, j'ai demandé aux propriétaires, j'ai dit : O.K., mais est-ce que ça prend absolument quelqu'un? Est-ce qu'on n'est pas rendus là au Québec? Puis les Québécois et les Québécoises sont suffisamment respectueux des règlements et des lois, je pense, puis je veux vous entendre là-dessus. Est-ce que vous pensez que les gens vont affronter cette directive-là puis qu'ils n'iront pas fumer sur le trottoir ou qu'ils ne vont pas se distancer de l'établissement? Moi, je ne sens pas qu'il y aura une confrontation, en tout cas pas avec les gens avec qui j'ai parlé tout l'été. J'ai fait exprès pour m'exposer, pour aller sur les terrasses, puis je n'ai pas senti ça, même de la part de fumeurs.

M. Massé (Richard) : Mais non seulement je ne pense pas qu'il va y avoir de confrontation, mais je pense que, du côté des propriétaires aussi, la norme va changer, puis ils vont faire comme ailleurs. Je veux dire, nos collègues de Toronto, avec lesquels on est en contact régulièrement, il y a eu les mêmes questions, les mêmes appréhensions, et ça s'est bien fait, et du côté des clients et du côté des propriétaires. Nos collègues de Vancouver, avec lesquels on est en contact régulier, la même chose. Mais c'est comme je dis, les autres grandes villes canadiennes, on le voit, on le sait.

Ça fait que, non, je suis d'accord avec vous, je ne partage pas tellement d'appréhensions. Est-ce qu'il y a des individus qui vont critiquer? Oui, il y a des individus qui vont critiquer, mais cette chose-là... C'est comme quand on a introduit la loi, en 1998. Quand on a introduit la loi, en 1998, les gens nous disaient qu'on était en train de faire mer et monde. Et puis on a vu l'évolution des moeurs, puis les gens disaient : Bien non, on est mieux protégés, on est plus confortables puis on va y aller plus, même, parce que, maintenant, on se sent plus respectés. La majorité des gens ne fument pas, on veut s'assurer de garder une norme pour protéger les gens qui ne fument pas.

Mme Charlebois : Pour l'ensemble de la population, c'est ça, oui?

M. Desbiens (François) : Juste un complément d'information. Puis on sait qu'en diminuant le nombre d'endroits où les gens peuvent fumer ça les incite à moins fumer et à cesser. Et c'est ça qu'on souhaite. Parce qu'avec l'ampleur du nombre de fumeurs — puis on ne veut pas qu'il y ait de recrutement — puis l'impact sur les coûts de santé, que la société paie au complet, donc, il faut progressivement, année après année, rendre moins d'endroits où les gens peuvent fumer, et ils vont cesser de fumer. Puis ça, ça va être bon pour la santé puis pour les budgets de l'État.

Mme Charlebois : Et je vais aller même plus loin que ça, c'est non seulement ça, mais c'est pour ceux qui sont justement en arrêt de tabagisme. Pour l'avoir vécu et connaître de mes amis qui ont arrêté de fumer, quand il n'y en a pas autour de toi, c'est beaucoup plus facile d'arrêter de fumer que quand ça fume à deux pieds de toi, là. Et, honnêtement, quand on mange, ce n'est pas tellement agréable à sentir. Ça, c'est une chose.

Mais moi, je reviens toujours à ce qu'il peut y avoir des enfants, à ce qu'il peut... les conséquences de la fumée secondaire. Je suis toujours là. On nous a dit que, sur une terrasse, il n'y en avait pas tant que ça, des conséquences sur la fumée secondaire. Qu'est-ce que vous en pensez, vous?

M. Massé (Richard) : Bien, écoutez, c'est sûr que, sur une terrasse ouverte à l'extérieur, qui est bien ventilée, il va y avoir moins de concentré de produits, mais il va y en avoir quand même parce que, les produits qui sont cancérogènes, il y en a beaucoup, puis ils vont s'y retrouver. Puis, quand moi — je m'excuse de prendre un exemple personnel — je me retrouve sur une terrasse, puis j'y vais, puis qu'il y a des gens qui fument derrière moi, j'essaie de trouver la table la plus loin ou de trouver un autre endroit pour ne pas être exposé.

Donc, je veux dire, il y a un phénomène d'incommodement. Il y a des produits toxiques qui sont là. Et donc c'est sûr qu'il y en a. Il y en a moins, mais là, tout d'un coup, vous avez des terrasses qui ont des paravents sur les côtés pour éviter que... s'il pleut, puis là vous concentrez les produits. Vous avez l'effet du vent. Si vous avez quelqu'un qui est au centre, il va emboucaner les autres qui sont alentour. Comment est-ce que vous faites pour commencer à gérer toutes ces situations-là? Quand je disais tantôt : Tricoter pour essayer de trouver des solutions qui ne fonctionnent pas, c'est un peu ça, là.

Mme Charlebois : Je vous entends, merci de votre explication. Je vais vous amener sur les cigarettes électroniques. Vous vous doutiez bien qu'on était pour en parler. Il y a un principe, en santé publique, que, quand on n'a pas les études à long terme, les études concluantes sur certains produits... Puis vous savez très bien que les compagnies de tabac sont avant-gardistes, hein? Elles ne vont pas se laisser faire, elles vont essayer de ne pas perdre trop de terrain. On sait déjà qu'elles ont déjà fait l'acquisition de certaines compagnies de vapotage. Est-ce que vous êtes non seulement à l'aise avec la façon dont on a l'a intégrée, on a assimilé la cigarette électronique aux produits du tabac, mais est-ce que vous avez des recommandations? Parce qu'on nous a dit : Dans les établissements de vapotage, vous pourriez ne pas permettre l'affichage à l'extérieur, mais, à l'intérieur, vous pourriez nous laisser exposer nos produits, laisser expliquer comment faire l'usage de ces cigarettes électroniques là.

Et je veux aussi que vous me parliez des éléments de toxicité. J'ai de la difficulté à le dire tout le temps, je m'enfarge dans le x, là, mais je veux que vous me parliez des dangers. Parce qu'il y en a quand même, hein? Il y a de la dépendance, puis on peut commencer à fumer avec ça. Je veux vous entendre là-dessus dans l'entièreté. Parce que vous savez qu'on a gardé une porte ouverte aussi pour les saveurs. C'est le seul élément avec qui on a laissé les saveurs, mais on s'est gardé une porte ouverte par règlement pour dire : Si on s'aperçoit que les jeunes se mettent à fumer avec ça... qu'on peut arriver et intervenir par règlement. Alors, parlez-moi de l'ensemble du dossier.

M. Massé (Richard) : O.K. D'abord, c'est un phénomène en émergence, vous le savez bien, phénomène pour lequel on a des jeunes, des adultes... La plupart des gens qui utilisent la cigarette électronique, c'est des gens qui fument, donc il y a un lien très direct entre le fait de fumer. Puis les gens disent que ça pourrait être un outil pour aider à arrêter de fumer. En fait, il y a certaines études qui montrent une certaine efficacité, probablement comparable à celle d'un timbre à nicotine ou de d'autres produits qu'on utilise, mais, ceci dit, il manque d'études pour connaître vraiment l'efficacité, et c'est une des choses qu'on recommande, qu'on continue de faire cette étude-là. Donc, je pense qu'au niveau de l'efficacité pour arrêter de fumer on doit reconnaître qu'il pourrait... c'est un potentiel qui est là mais qu'on manque d'information avant d'aller trop loin, puis là on doit être très prudents sur ça.

Quant aux produits qui sont inhalés, la plupart des gens... Et là c'est un peu difficile, parce que ce sont des produits qui sont non réglementés. En théorie, on n'a pas de produit avec de la nicotine. En pratique, on peut avoir de la nicotine dans tous les endroits qui vendent des cigarettes électroniques que j'ai visités à Montréal, donc c'est comme facilement et largement accessible, à des concentrations variables. On sait que les appareils ne sont pas réglementés, ils ne fonctionnent pas les uns comme les autres. Donc, on ne sait pas exactement les doses qui sont faites. On ne sait même pas les concentrations des produits qui sont dedans. Des fois, ils sont déjà tout faits dans une bouteille qui vient de l'extérieur, généralement de Chine, je m'excuse, et puis de d'autres endroits, ils sont faits dans les laboratoires. J'en ai vu faire des mélanges devant moi. Honnêtement, je revenais à 50 ans en arrière, là — je peux me projeter, j'avais 10 ans. Mais je dois dire qu'on... c'est un peu traumatisant.

Donc, oui, c'est dérangeant, parce qu'on ne sait pas ce qu'il y a dedans puis on ne sait pas les concentrations qui sont inhalées par les personnes. Oui, il y a des produits qui contiennent, par exemple, le formaldéhyde, qui peuvent être cancérogènes, à des niveaux qui sont certainement plus bas que ce qu'on a au niveau de l'utilisation des produits du tabac. Donc, ça, c'est sûr qu'il y a une concentration plus faible de ces produits-là. De dire que ces produits-là ne peuvent pas avoir des effets sur la santé, je pense que c'est trop tôt pour dire ça. Puis, quand on contient des cancérogènes, je pense qu'on peut toujours dire qu'il peut y avoir des effets négatifs, même si les concentrations sont plus faibles.

Parlons un peu de la nicotine. La nicotine, c'est un produit qui, bon, pour les enfants, peut être très toxique. Donc, s'il n'y a pas de réglementation pour protéger les bouteilles, les gens peuvent s'intoxiquer. Mis à part ça, c'est un produit qui n'a pas tant d'effet sur la santé à des microdoses, mais c'est un produit qui peut induire des dépendances s'il est absorbé rapidement. Avec un inhalateur, il est absorbé rapidement, augmente la dépendance. La dépendance à la nicotine, ce n'est pas pour rien que les compagnies de tabac achètent des compagnies, parce que c'est le même marché, c'est les mêmes personnes.

Est-ce que c'est un produit qui a un effet passerelle? Plusieurs personnes regardent ces études-là pour dire : Est-ce qu'il y a un effet passerelle de l'initiation aux cigarettes électroniques vers d'autres produits du tabac? Il est trop tôt pour être capable de dire ce genre de chose là. Je sais que, cette semaine, il y a eu une étude, dans le JAMA, qui laissait sous-entendre qu'il pourrait y avoir un lien. Ce n'est pas un lien de causalité, c'est un lien plus situationnel. Je pense qu'il est trop tôt pour dire que... ni oui ni non dans cette chose-là. Il faut être prudent pour ne pas affirmer des choses quand on n'a pas l'information. Mais ce qui est sûr, et ça, j'en suis convaincu, c'est qu'il y a un effet de dénormalisation, un effet d'acceptation. En laissant utiliser la cigarette électronique avec les mêmes types de marketing que la cigarette avait, puis là vous avez eu des démonstrations de cette chose-là, avec les mêmes images, avec les mêmes stratégies de marketing, comme je me répète, ces choses-là nous emmènent dans un terrain qui est très, très près de ce qu'on a vécu à l'initiation de la cigarette.

Donc, prudence. Pour nous, c'est vraiment prudence face à un produit pour lequel... beaucoup d'intérêt, des risques et puis des données sur l'efficacité pour la cessation qui sont encore à démontrer. On ne pense pas qu'on doit bannir pour les adultes. Puis j'entends bien, puis je les connais, le Dr Ostiguy, le Dr Juneau qui sont venus présenter puis qui disent : Bien, nous, nos patients, on a des succès, des taux de succès. Oui, tant mieux, puis je suis bien content de ça, des patients qui ont des problèmes chroniques très sérieux, des patients qui ont essayé d'autres méthodes avant pour arrêter, des fois des méthodes combinées pour arrêter, et puis qui n'ont pas eu de succès avec ces méthodes-là. Donc, on est dans une clientèle très, très particulière. Il y a un accompagnement qui est fait. Donc, soyons aussi vigilants de ça.

Un dernier volet, je m'excuse d'être si long, sur la cigarette électronique, mais, si vous décidiez de faire quelque chose pour rendre les endroits où est-ce qu'on vend ces cigarettes-là... je pense que ça doit être protégé. Donc, ça doit s'accompagner d'une évaluation des effets sur la santé puis d'une normalisation des produits. Ça doit être des endroits où est-ce qu'il n'y aura pas de jeunes en bas de 18 ans qui vont y aller, donc protégés. Ça, c'est vraiment important, vous l'avez mentionné tantôt, ça, c'est vraiment important, sans ça, on recule, là. Là, on ne s'en va pas par en avant, on s'en va par en arrière.

• (11 h 10) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Massé. Je dois maintenant céder la parole à notre collègue de Rosemont pour un bloc de 13 minutes.

M. Lisée : Merci. Merci, M. Massé, Dre Goupil-Sormany, Dr Desbiens, je suis très heureux que vous soyez là. D'ailleurs, nous avons insisté pour votre présence lorsqu'on a fait la liste des invités et on est contents que la ministre ait accepté que vous soyez présents.

Je vais continuer sur la cigarette électronique. Alors, vous nous dites : Évidemment, la difficulté, c'est la composition des fioles, l'absence de contrôle. On a eu ici l'association des vapoteurs qui nous dit : Bien, nous, on travaille avec le gouvernement fédéral pour avoir une norme ISO, on veut être réglementés, on veut savoir exactement ce qu'il y a dedans. Ça peut être long, c'est une norme volontaire. On sait que la France a légiféré récemment sur la normalisation du contenu et du contenant. On avait un constitutionnaliste, ici cette semaine, qui nous a dit que le Québec a toute latitude législative pour légiférer s'il le décide, y compris sur la cigarette électronique, le contenu.

Évidemment, jusqu'à maintenant, on s'est toujours fiés sur Santé Canada, qui a des laboratoires, et tout ça. Mais, si on décidait, nous, de légiférer, de dire : Bon, on regarde la norme française, on se... on est satisfaits avec celle-là, on a décidé que, sur le territoire du Québec, ça va être notre réglementation, est-ce que vous pensez que ça serait une bonne idée?

M. Massé (Richard) : O.K., vous comprenez que je ne vais pas parler de la constitutionnalité ou de la légalité de l'un ou de l'autre, ce n'est pas mon domaine à moi, mais est-ce que ça doit être fait? Ça doit être fait, c'est nécessaire. Ces produits-là, actuellement, on ne sait pas ce qu'il y a dedans les fioles. Puis encore je vous ai dit : Ça, ce sont les fioles qui sont faites, mais il y en a d'autres que les gens constituent. On ne sait pas non plus les appareils, qu'est-ce qu'ils donnent. Il y a plusieurs centaines de marques d'appareils qui semblent ne pas donner les mêmes doses, et puis il y a des variations dans les produits que les gens prennent. Donc, oui, cette réglementation-là, avec des normes, est une chose nécessaire, et je pense qu'on doit avoir ça avant d'élargir puis d'aller plus loin, tout à fait.

M. Lisée : Vous êtes, donc, le directeur de la santé publique de Montréal, vous avez travaillé au ministère de la Santé. Si on décidait de le faire, je ne vous demande pas votre avis constitutionnel, mais, si on décidait de le faire, est-ce qu'on a la capacité de le faire? C'est-à-dire : Est-ce qu'on a les ressources, au ministère de la Santé, ou est-ce qu'on peut les trouver pour à la fois décider d'une norme et faire des vérifications pour l'application de la norme?

M. Massé (Richard) : Bien là, je vais être obligé de prendre des exemples autres. Par exemple, en santé environnementale, on en fait, des normes. Donc, on sait, au Québec, comment faire des normes. Dans plein de domaines, on fait des normes. Donc, est-ce qu'on serait capables de faire des normes? La réponse : oui. Dans le domaine du tabac, on n'a pas été amenés à le faire, puisque c'était le gouvernement fédéral qui avait ce mandat-là. Maintenant, si on décidait de le faire, on serait capables de se donner la capacité.

Ceci dit, mon souhait, ça serait que ça soit une norme qui soit relativement robuste. Le danger des normes, c'est de faire des choses qui vont être ping-pong, là : un peu ici, un peu là, un peu là. Donc, il faut qu'il y ait un certain consensus autour de cette chose-là, et ça, c'est un défi en soi, compte tenu de la nouveauté du produit et du fait que ce produit-là évolue continuellement. Par exemple, les compagnies maintenant, elles ne parlent plus seulement de mettre de la nicotine, mais même mettre des produits, des dérivés des produits du tabac là-dedans. Donc, il faut que cette chose-là suive, entre guillemets, l'évolution d'un marché qui est très rapide.

M. Lisée : Justement, ça nous donnerait la capacité de dire que, pour nous, la cigarette électronique ne peut pas avoir de produits de tabac à l'intérieur sur le territoire québécois. Là, nous aurions la capacité de dire ça. Évidemment, la norme, elle est réglementaire, donc on peut la modifier sans modifier la loi, selon l'évolution à la fois de la science et des produits.

M. Massé (Richard) : ...quand qu'on ne sait pas ce qu'il y a dedans. Et là c'est un problème, c'est qu'on ne sait pas ce qu'il y a dedans.

M. Lisée : Sur la question des terrasses... Bon, je suis content que vous nous ayez dit que vous avez des contacts avec vos collègues de la Santé publique de l'Ontario et de Colombie-Britannique, où l'interdiction a été faite, totale, donc il n'y a pas de section fumeurs sur les terrasses, il n'y a pas d'abri. Mais où vont les fumeurs? Parce qu'il y a quand même 20 % des Québécois qui sont fumeurs. On a de bonnes raisons de penser qu'ils sont surreprésentés dans les bars et les brasseries, les terrasses. On sait qu'ils veulent fumer, parce qu'ils sortent puis ils sortent même à moins 20° — ça, c'est du monde qui veulent fumer! Il y a des mégots... Là, on a un débat sur les neuf mètres autour de la propriété de la terrasse : est-ce qu'il y a neuf mètres, il n'y a pas neuf mètres, on tombe sur le trottoir. Sur la Grande Allée, ici, il n'y a pas neuf mètres. Dès qu'on sort de la terrasse, on est sur la voie publique. À Montréal, sur le boulevard Mont-Royal, sur la rue Crescent, ça va être le cas.

Donc, comment vous voyez ça, là? Où vont-ils fumer?

M. Massé (Richard) : La réponse, elle peut être simple puis elle peut être compliquée. La réponse simple, c'est : Bien, qu'est-ce qu'ils font en hiver ces gens-là? Essentiellement, ces gens-là continuent de fumer dans les lieux privés puis, quand ils vont avec les amis, ou seuls, ou en groupe, bien, ils s'abstiennent de fumer dans les restaurants. Donc, réponse pour une majorité de l'année, presque huit mois sur 12, ils le font déjà et ils le font relativement bien, ils vont continuer de faire la même chose.

M. Lisée : Mais là, donc, c'est l'été, il y a la terrasse, on sort de la terrasse, on est sur le trottoir. Ils ont le droit de fumer sur le trottoir, mais la fumée est portée par le vent vers la terrasse, il y a quand même un problème.

M. Massé (Richard) : Oui, mais il y a une limite, là. Je veux quand même... Est-ce qu'on va commencer à interdire de fumer sur la rue, sur les trottoirs pour dire : Vous devez fumer dans vos domiciles seulement? Donc, il y a comme une limite là. Je pense qu'on invente progressivement une norme sociale différente. On y va au fur et à mesure qu'on voit qu'on est capables de le faire, hein? C'est comme ça qu'on l'a fait depuis plus que 12 ans maintenant, 17 ans.

Donc, à ce moment-là, ça, c'est, je pense, une étape importante qui soit franchie. Déjà, de faire cette chose-là, ça serait une chose qui serait un pas en avant significatif. On était des leaders mondiaux en tabac, je pense que ça, c'est... il faut qu'on avance pour ça.

M. Lisée : On est tous d'accord, je pense, autour de cette table, pour dire qu'on veut avancer, on veut savoir où on va. Et puis, donc, j'ai trouvé légitime ce que nous ont dit les propriétaires de brasserie, de taverne, etc., de dire : Bon, bien, comment ça va... On avait dit non dans les restaurants parce qu'il y avait la possibilité d'aller sur la terrasse. Maintenant, on dit non sur les terrasses. Le projet de loi, tel que rédigé, nous dit que nous devons policer les neuf mètres à l'extérieur et nous sommes responsables s'il y a quelqu'un qui fume dans neuf mètres à l'extérieur. C'est beaucoup, surtout l'hiver. Est-ce que cette règle des neuf mètres... est-ce qu'elle existe en Ontario et à Vancouver, par exemple?

M. Massé (Richard) : Là, je ne pourrais pas vous dire exactement combien est-ce qu'elle est, puis peut-être que je ne suis pas la meilleure personne pour vous répondre à cette chose-là. On pourrait vous donner l'information, mais je ne l'ai pas exactement. Je sais qu'il y a des périmètres de protection, mais qu'est-ce qu'ils sont, comment est-ce qu'ils sont appliqués, je ne le sais pas. Mais j'ai confiance qu'on est capables de faire cette protection-là puis que, les gens, une fois qu'on va leur dire, la grande, grande majorité des gens, on n'aura pas besoin de les policer. Et ça, c'est une chose importante. On n'a pas toujours besoin d'un garde-fou pour rentrer dedans. On a besoin d'avoir une limite en disant aux gens : Ça, on voudrait socialement protéger les gens pour ne pas qu'ils y aillent. Et, généralement, ça, c'est assez pour qu'ils n'y aillent pas, pour la grande majorité des gens.

M. Lisée : Parce que, là, de plus en plus, on a des terrasses. Donc, il y a le restaurant qui est sur la rue, le trottoir et la terrasse qui occupe une ou deux places de stationnement, O.K.? Et donc, entre les deux, il y a la rue. Si on dit : Bon, vous ne pouvez pas fumer dans le restaurant, vous ne pouvez pas fumer sur la terrasse qui est dans le stationnement, bien, ce qu'il reste, c'est le trottoir entre les deux. Et donc on va avoir des situations où les gens vont être sur le trottoir en train de fumer entre le restaurant, qui, parfois, est ouvert, et la terrasse qui est ouverte. Vous ne craignez pas ça?

M. Massé (Richard) : Bien, écoutez, d'abord, les passants, ça, je veux dire, les gens qui passent, ça ne nous préoccupe pas. Puis j'imagine que quelqu'un qui... Puis, à Montréal, on voit cette situation-là que vous décrivez, là, avec les terrasses, là. Bien, j'imagine que quelqu'un qui est sur la terrasse puis qu'il y a le restaurant à côté, il ne va pas aller se mettre entre les deux pour fumer, c'est... Non seulement ce n'est pas ça qui est prévu, mais ce n'est pas, je dirais, l'esprit social qu'on souhaite que les gens aient. Et je pense qu'ils vont le respecter. Quelqu'un qui n'a pas le droit de fumer sur une terrasse, puis qui s'en va fumer à deux pieds à côté, puis que moi, je suis là, probablement que la plupart des gens vont dire : Écoutez, là, ça n'a pas de bon sens, vous ne pouvez pas faire cette chose-là. Au début, il va y avoir des gens qui vont probablement essayer, puis la norme va évoluer. Puis j'ai confiance que les Québécois vont respecter cette norme-là.

M. Lisée : Sur la question des chambres, là, je vous trouve un peu raide, je vous trouve un peu raide. Je veux dire, on a une population vieillissante qui a fumé. Elle n'aurait pas dû fumer, c'est mauvais pour la santé, O.K.? Mais là il a 72 ans, il a fumé, il est dans une chambre dans un CHSLD, puis là vous dites : Bien là, à partir de maintenant, tu n'as plus le droit de fumer dans ta chambre. Il n'y a pas...

• (11 h 20) •

M. Massé (Richard) : Merci de soulever cette question-là. On se retrouve avec des gens qui ont 72 ans, qui sont alités, qui ont des maladies chroniques puis qui sont assez malades pour rester au lit. On parle des gens qui sont en CHSLD, là, des gens qui vont rester au lit. Des gens qui vont rester au lit, on s'attend qu'ils vont avoir peut-être des problèmes cognitifs, peut-être recevoir des médicaments qui peuvent avoir un impact sur leurs capacités. Vous voulez qu'il y ait quelqu'un qui soit à côté quand ils vont fumer? Il y a déjà des feux, dans les lits, qui sont arrivés. Vous voulez qu'on supporte cette chose-là? La vérité, c'est que les gens qui sont alités dans les CHSLD sont de plus en plus malades. Ça fait que, ceux-là, honnêtement, ça ne fonctionne pas, c'est un risque. C'est un risque pour eux, c'est un risque pour les gens qui travaillent alentour d'eux. Et puis c'est un phénomène qui est en déclin. On pense qu'on doit les aider.

M. Lisée : Oui. Justement, il est en déclin.

M. Massé (Richard) : On pense qu'on doit les aider, on pense qu'on doit les aider, ces gens-là. Mais, par contre, les gens — puis là c'est là qu'on fait un compromis — les gens qui sont encore ambulatoires, les gens qui ne sont pas alités... Fumer au lit, personne ne va vous... Vous n'allez pas recommander que les gens fument au lit, non? Mais les gens qui sont capables de se déplacer, ces gens-là vont pouvoir aller au fumoir. C'est le compromis qu'on propose. Puis aider les gens à arrêter de fumer... Dans la politique, on dit : On peut aider les gens à arrêter de fumer, ça fonctionne.

M. Lisée : Oui. Mais là ce que vous dites, c'est que... Oui, évidemment, je suis d'accord avec vous, si vous êtes alité, si vous êtes malade, vous ne devriez pas fumer. Mais on a une population de vieux snoreaux, hein, et c'est tout ce qu'il leur reste, c'est la cigarette, tu sais? Il y a vraiment... Mais il y a aussi...

Une voix : ...

M. Lisée : ...oui, et il y a aussi... Là, on fait deux poids, deux mesures. Moi, évidemment, comme dans toutes les familles, j'ai des oncles et des tantes âgés. Certains sont chez eux et fument, certains sont en résidence, en CHSLD, et fument, mais ils sont mobiles. Et là on dirait : Bien, si vous êtes à la maison, vous avez le droit de fumer chez vous; si vous êtes en CHSLD et que vous êtes mobile, vous êtes sain d'esprit, vous n'avez pas de droit de fumer chez vous. Il n'y a pas un problème d'équité?

M. Massé (Richard) : Oui. Ils ont le droit d'aller fumer dans un fumoir. Parce qu'ils sont chez eux, mais en même temps c'est un environnement pour lequel il y a des travailleurs, c'est un environnement pour lequel les chambres pour fumeurs sont mises un peu partout, ils ne peuvent pas les regrouper, ça fait qu'elles sont mises un peu partout, les gens ne ferment pas les portes, et donc il y a les salles alentour qui sont exposées. Donc, vous n'êtes pas capable de créer un environnement qui protège les autres patients et protège les travailleurs.

M. Lisée : La distinction, c'est que c'est un lieu public ou semi-public par rapport aux lieux privés.

M. Massé (Richard) : Semi-public. Mais c'est pour ça qu'on dit qu'il doit y avoir pour les gens qui sont mobiles... — vous avez introduit cette variable-là qui est importante — pour ces gens-là, qu'ils puissent avoir accès à un fumoir. Les gens qui sont alités, qui sont assez malades...

M. Lisée : Très bien, vous avez répondu à ma question. J'ai juste une minute. J'en ai une autre. Sur les 25 salons de cigares ou de pipes à eau, O.K... Donc, on sait qu'il y a un marché pour ça, notre population d'origine moyen-orientale en particulier, mais là on a la capacité d'avoir, dans les 25 lieux de cigares et de pipes à eau, narguilés... Ils sont d'accord pour mettre des avertissements : Fumer une heure ici, c'est comme fumer 150 cigarettes, etc., Si on leur dit de mettre ça, ils vont tout mettre ça. Mais il y en a beaucoup plus qui sont illégaux, qu'on veut fermer. Est-ce que ce ne serait pas préférable de dire : Écoutez, il vous en reste 25. On ferme les illégaux. Si vous voulez vraiment fumer ça, parce que vous avez fait ça toute votre vie quand vous habitiez au Maroc, ça existe, il y en a 10, puis il y a des avertissements sur les murs disant que vous êtes en train de vous suicider. Ce ne serait pas préférable, ça, que d'abolir les 10 qui restent et d'envoyer les gens vers les sites illégaux, qui sont nombreux?

M. Massé (Richard) : Non. On ne veut pas envoyer les gens vers les sites illégaux, on veut donner une norme comme quoi on pense que ce n'est pas quelque chose qui est un lieu de tabagisme public. On veut empêcher qu'il y ait du tabagisme dans les lieux publics. Là, tout d'un coup, on fait une exception avec 25 qui ont une clause grand-père en sachant qu'il y a tous les autres. Ça fait que, oui, on veut contrôler le phénomène émergent, là, des salons de thé pour lesquels on a de la chicha qui est disponible, mais je pense qu'il ne faut pas dire que ces gens-là ont un privilège éternel, ces 25 là, ce qui n'empêche pas que les gens qui veulent fumer la pipe à eau chez eux peuvent le faire, là. Je veux dire, on n'empêche pas l'utilisation de la pipe à eau. Mais, en public, comme lieu public, ça n'a plus sa place.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Saint-Hyacinthe pour un bloc de neuf minutes.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Bonjour. Seriez-vous d'accord pour dire qu'il est primordial que le personnel des boutiques qui vendent des cigarettes électroniques ait une formation? Est-ce que vous pensez que c'est nécessaire qu'il ait une formation? Est-ce que vous pensez aussi qu'il devrait y avoir des lieux établis pour cette vente de cigarettes électroniques là, puisqu'on est d'accord pour dire que c'est un outil de sevrage? Alors, avec toutes les... ce que vous avez mentionné tantôt, les doses, qu'il faut qu'elles soient bien établies, qu'est-ce que vous pensez de ça? Pensez-vous qu'il est nécessaire qu'on détermine, qu'on accrédite, par exemple, les boutiques puis qu'on s'assure que le personnel est bien formé?

M. Massé (Richard) : Bien, d'abord, je vais être obligé de reprendre un petit peu la prémisse. Vous m'avez dit que c'est reconnu que ce sont des outils de sevrage. Je pense qu'il est peut-être un peu tôt...

Mme Soucy : Non. Si on part de la prémisse...

M. Massé (Richard) : Ah! si on part de cette prémisse-là. O.K.

Mme Soucy : ...que c'est un outil de sevrage puis qu'on veut s'en servir comme outil de sevrage.

M. Massé (Richard) : Bon. O.K. Parfait. Bien, c'est une grosse prémisse déjà, parce qu'il nous manque beaucoup d'informations pour être certains de cette chose-là, là. C'est sûr qu'on pense que la cigarette électronique, c'est quelque chose qui doit être encadré, c'est quelque chose pour lequel les gens devraient connaître leurs produits. Est-ce qu'on devrait faire une formation spécifique? Je ne suis pas sûr que c'est le réseau de santé qui doit faire une formation spécifique pour aider les gens à vendre des cigarettes électroniques. Je ne me vois pas tellement dans ce commerce-là, là, personnellement. Mais c'est sûr que le souhait, c'est que les gens connaissent leurs produits.

Dans les boutiques où je suis allé, dans les boutiques électroniques, généralement les gens connaissaient les produits, je dois dire, dans les boutiques spécialisées — spécialisées — puis, dans les endroits qui sont non spécialisés, puis là je ne ferai pas la distinction entre les dépanneurs et les autres, généralement beaucoup moins ou pas. Donc, les gens vendent ces produits avec moins de connaissances. Il peut y en avoir, des gens, qui vont les connaître, mais je peux vous dire que l'expérience qu'on a, c'est que les gens ont beaucoup moins de connaissances. Et puis, dans le fond, ils doivent... comme si ce n'était rien du tout ou n'importe quoi.

Mme Soucy : Bien, seriez-vous d'accord pour dire que les dépanneurs, ce n'est peut-être pas l'endroit, ce n'est pas l'endroit idéal pour vendre des cigarettes électroniques, qu'on pourrait peut-être, je ne sais pas... dans les pharmacies, par exemple, puis se concentrer à deux, trois points de vente, pour s'assurer justement que le personnel ait le temps de l'expliquer?

M. Massé (Richard) : O.K. Je ne le verrais certainement pas dans les pharmacies. C'est un débat auquel j'ai déjà participé il y a bien longtemps, puis j'espère que c'est un débat qui est réglé, que les pharmacies ne vont pas rentrer dans le business du tabac.

Pour ce qui est des dépanneurs, écoutez, je pense que les dépanneurs, en autant qu'on n'a pas la vente aux mineurs... Parce que, là, ça, c'est ce phénomène-là qui nous inquiète. Tant qu'on n'a pas la vente aux mineurs, ça... Ça nous dérange.

Personnellement, la cigarette électronique, actuellement, les gens fumeurs qui veulent la fumer pourraient, puis il y aura peut-être — peut-être, je suis bien prudent — un bénéfice que les gens puissent l'utiliser, mais quand ils ont essayé d'autres méthodes puis quand ils ont un certain soutien, un certain support, parce qu'on sait que c'est beaucoup plus efficace. Autrement que ça, honnêtement, là, la place de ça est vraiment... à être prudent, à prendre avec des pincettes.

Tout ce qui est le volet marketing, commandites, et puis l'accès dans les lieux publics, puis l'accès aux jeunes, ça nous pose beaucoup de questions actuellement, parce que c'est très ouvert. Ça fait que, pour ce qui est des dépanneurs, il faudrait qu'on soit certains qu'il y a un respect intégral, je dirais, de ces conditions-là qu'on retrouve dans la Loi sur le tabac.

Mme Soucy : Vous parlez de recherches, bon, qu'il y a encore de la recherche à faire. La recherche nécessaire pour clarifier, là, les résultats probants sur les effets du produit, combien de temps ça peut prendre puis combien d'argent que le gouvernement devrait investir? Combien de temps, environ, ça peut prendre pour...

M. Massé (Richard) : La difficulté avec la recherche, c'est que ce n'est jamais un jour pour toujours, puis que les gens inventent des produits, puis on voit qu'il y en a plusieurs qui vont rentrer. Ça fait que ça, c'est une chose.

Ceci dit, on a besoin que les gens se mettent ensemble, ce n'est pas une recherche qui va être faite dans un petit endroit. Pour avoir des données épidémiologiques de qualité, il va falloir regrouper l'information d'études qui sont faites non seulement au Québec, mais qui sont faites au Canada, en Amérique du Nord, en Europe, ailleurs. Donc, ça prend un consortium. Comme on fait des études scientifiques calibrées, randomisées et de qualité, c'est ça qu'on a besoin. Ça fait que les partir de zéro, ça prend du temps, puis c'est pour ça qu'il faut se mettre en équipe.

Donc, la proposition, c'est évidemment de faire de la recherche, mais cette recherche-là doit se faire dans des réseaux de recherche, dans des équipes de recherche, et c'est ça qu'on propose. Il n'y aura pas une réponse demain matin. Par contre, les normes, on peut utiliser ce qu'on a maintenant, mais s'assurer de faire évoluer les connaissances qu'on a puis les normes en fonction des connaissances.

Mme Soucy : O.K. Je vais revenir dans les CHSLD. C'est quoi, à peu près, le pourcentage de fumeurs dans les CHSLD actuellement?

M. Massé (Richard) : Ah! ce n'est pas beaucoup. Les gens qu'on a contactés, j'ai parlé à mon équipe pour avoir... Je n'ai pas un chiffre précis à vous donner, mais, les gens, ce qu'ils nous ont dit, c'est qu'il y a de moins en moins de fumeurs. Dans les nouvelles personnes qui rentrent dans les CHSLD, la plupart sont assez malades. Les gens sont de plus en plus des gens qui ont plusieurs maladies, qui sont donc très lourds au point de vue des soins. Donc, la plupart des gens, même si c'étaient des fumeurs, le cas que M. Lisée mentionnait tantôt, ne fument plus au moment où est-ce qu'ils sont en CHSLD, parce qu'ils sont trop malades puis ils sont alités. Donc, c'est de moins en moins. C'est, je dirais, une très petite minorité des gens qui, même, fumaient avant qui, maintenant, vont fumer en CHSLD.

• (11 h 30) •

Mme Goupil-Sormany (Isabelle) : C'est ça. Moi, j'aimerais bien citer l'exemple qu'on a eu dans le CSSS Bécancour—Nicolet-Yamaska. On n'a plus qu'une seule fumeuse pour tous les sites d'hébergement. Ils ont adopté une politique sans fumée. Chaque nouveau résident est accompagné, soutenu. On l'aide à cesser de fumer. Puis on a réussi, il n'en reste qu'une. On pourrait la nommer, là, je suis sûre que les gens le savent, c'est qui.

Donc, tu sais, on est capables de le faire, on est capables de soutenir les changements, puis il faut... Même les personnes âgées peuvent cesser de fumer, puis il ne faut jamais l'oublier.

Mme Soucy : Plusieurs nous disent que la vapeur des cigarettes électroniques, ce n'est pas un enjeu pour la santé. Partagez-vous cet avis?

M. Massé (Richard) : Non. Je ne partage pas cet avis, parce que, d'abord, il faut regarder... On ne sait pas exactement les composants qu'il y a dedans. On sait qu'il y a des composants cancérogènes. On sait qu'il y en a moins que dans la cigarette, mettons, régulière. Ceci dit, on voit maintenant l'introduction de nouveaux produits ou est-ce qu'il va y avoir des dérivés de produits du tabac qui vont être dedans. Donc, faisons très attention de quoi on parle. Puis de dire qu'il n'y en a pas, ça ne serait pas exact. De dire qu'il y en a moins, c'est probablement exact avec ce qu'on connaît comme produits actuellement.

Mme Soucy : D'où l'importance que ce soit homologué par Santé Canada pour vérifier le contenu des produits. Vous mentionnez qu'il y a eu quand même des effets positifs sur l'interdiction de fumer sur les terrasses dans d'autres provinces. Avez-vous des données à nous présenter sur les effets positifs de l'interdiction de... sur la clientèle, en fait?

M. Massé (Richard) : C'est difficile de voir une mesure séparément. Ce qu'on voit, ce sont des mesures de façon plus générale, puis on voit que l'exposition à la fumée indirecte est quelque chose qui est plus élevé au Québec qu'ailleurs. Et là je vais être obligé, pour avoir les données, à vous parler des véhicules moteurs. On sait qu'on a à peu près 30 % des jeunes, des jeunes en bas de 16 ans, qui sont exposés à la fumée indirecte au Québec, alors que c'est beaucoup... à peu près la moitié en Ontario, deux fois moins en Ontario puis au Canada. Donc, on voit que les endroits où est-ce que les gens ont réglementé pour limiter l'exposition à la fumée indirecte a un impact sur l'exposition des gens. Sur les pourcentages, je ne suis pas capable de vous répondre avec un... l'exact... parce qu'il y a beaucoup de mesures qui sont difficiles à...

Mme Soucy : Tantôt, vous avez parlé de l'effet positif sur l'achalandage.

M. Massé (Richard) : Ah! l'achalandage.

Mme Soucy : Oui, sur l'achalandage.

M. Massé (Richard) : Excusez-moi, là, je pensais sur l'exposition. Mais, non, sur l'achalandage, en fait, il y a plusieurs personnes qui nous ont mentionné, puis ça a été rapporté dans les autres villes, qu'il y a des gens qui n'y allaient pas, qui se restreignaient d'y aller, et qui maintenant y vont parce que ce sont des lieux qui sont mieux protégés.

Mme Soucy : Avez-vous des données sur ça? Non?

M. Massé (Richard) : ...on pourrait demander aux collègues de nous en fournir, si vous voulez.

Mme Soucy : J'aimerais ça que vous nous dites comment ça se fait qu'il y a plus de jeunes qui fument au Québec que dans le reste du Canada. Est-ce que c'est parce qu'il n'y a pas assez de prévention? L'éducation manque à ce niveau-là?

M. Massé (Richard) : Bien, il y a un enjeu historique, là. Historiquement, on avait des taux de tabagisme qui étaient aussi extrêmement élevés au Québec, au-delà de 50 % dans la population. Donc, c'était vraiment très, très élevé. On a baissé quand même régulièrement, mais les autres ont baissé aussi puis ils sont plus bas que nous. Il y a un enjeu de scolarisation, il y a un enjeu de pauvreté. On sait qu'il y a un lien entre la scolarisation et la pauvreté puis les taux de tabagisme, ça fait que probablement des enjeux culturels puis des enjeux reliés à la richesse collective, notamment à l'éducation.

Il y a un phénomène de masse, il y a un phénomène de groupe. L'initiation au tabac, c'est un enjeu de pairs, mais c'est un enjeu familial. On sait que les gens dans lesquels... il y a des familles, les parents fument, bien, à ce moment-là, les enfants vont plus fumer. Ça fait qu'au fur et à mesure qu'on va changer la norme sociale des parents, des écoles, des milieux, tous les milieux, on va pouvoir le baisser. Puis moi, j'ai bon espoir qu'on va pouvoir se rendre comme aux États-Unis, à Los Angeles ou San Francisco, où est-ce qu'ils ont en bas de 12 %, ou...

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

M. Massé (Richard) : ...à Vancouver, où est-ce que ce sont les mêmes taux.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous vous remercions, les représentants des directeurs régionaux de santé publique du Québec.

J'invite maintenant Breuvages Blue Spike à prendre place, et je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 34)

(Reprise à 11 h 39)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos travaux. Nous recevons maintenant le représentant de Breuvages Blue Spike. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez de 10 minutes de présentation. Par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Peut-être bien préciser, d'entrée de jeu, votre nom, vos fonctions, et la parole est à vous.

Les Breuvages Blue Spike

M. Gagnon-Oosterwaal(Nicolas) : M. le Président, Mmes et MM. membres de la commission, je suis Nicolas Gagnon-Oosterwaal, président et cofondateur de Blue Spike, une entreprise familiale fondée en 2003, basée à Montréal.

Nous employons près d'une quarantaine de personnes et créons 60 autres emplois partout en province. Nous sommes présents et actifs dans deux industries, dont les boissons alcoolisées. Nous fabriquons et vendons des cocktails prêts à boire, nommément «coolers», des spiritueux et des bières de microbrasseries. Ces produits sont vendus dans six provinces canadiennes, dans une dizaine d'États aux États-Unis, et tous fièrement produits au Québec.

• (11 h 40) •

Nous commercialisons aussi des cigarettes électroniques sous notre propre marque nommée EVO. Ces produits sont disponibles sous forme jetable ainsi que sous forme rechargeable. Nous vendons ces produits dans les dépanneurs et stations-services du Québec, dont les grandes bannières corporatives comme Couche-Tard, Esso, Ultramar, Boni-Soir, et autres. J'aimerais préciser que nous ne vendons pas nos produits dans ce qu'on appelle les «vape shops» et que nous ne vendons aucun produit du tabac traditionnel. Nous ne sommes d'aucune façon reliés ou associés aux grands cigarettiers.

En ce qui concerne la raison de notre présence ici aujourd'hui, soit le projet de loi n° 44, j'aimerais d'entrée de jeu saluer l'ouverture de la ministre ainsi que des autres membres de la commission envers les différents points de vue des participants qui luttent contre le tabagisme, incluant le nôtre. Nous souscrivons aux objectifs de la ministre de protéger les jeunes et les non-fumeurs et d'inciter les consommateurs de produits du tabac à cesser de fumer. Nous partageons aussi la volonté gouvernementale de renforcer cette lutte en imposant des règles claires et contraignantes. D'ailleurs, nous avons été une des premières compagnies de l'industrie, il y a maintenant déjà plus d'un an, à contacter le gouvernement et ainsi militer pour une réglementation claire, juste et efficace pour la cigarette électronique au Québec. Nous joignons donc notre voix à toutes les autres qui ont exprimé leur satisfaction face au contenu du projet de loi, qui est généralement juste, équilibré et équitable.

Par contre, j'aimerais aborder avec vous aujourd'hui trois points qui, selon moi, nécessitent des précisions et amendements afin d'accroître l'efficacité du projet de loi, soit l'encadrement de la publicité de la cigarette électronique qui se fait à l'extérieur des points de vente, l'encadrement du marchandisage et de la visibilité des produits sur les lieux de vente et, troisièmement, le contrôle de la chaîne de commercialisation des produits.

En ce qui concerne le premier point, nous sommes d'avis que la publicité commerciale ou de style de vie pourrait générer un certain abus, comme l'ont démontré certains experts au cours des derniers jours. Cet abus potentiel pourrait faire mauvaise presse au produit, créer de la désinformation face à celui-ci et mettre en deuxième plan son objectif principal, soit la lutte au tabagisme. Nous partageons donc la position du gouvernement par rapport à l'interdiction de faire de la publicité commerciale ou de style de vie pour les produits de cigarette électronique. Par contre, il existe une différence fondamentale entre la publicité commerciale et la publicité informative.

En ce qui a trait à la cigarette électronique, tous s'entendent pour dire que le produit est beaucoup moins nocif que la cigarette traditionnelle et que le produit peut être un excellent outil pour arrêter de fumer. Ces points ont déjà été mentionnés plusieurs fois par plusieurs experts très crédibles ici même, donc je ne m'y attarderai pas personnellement, étant sous l'impression que ces points sont déjà partagés par les membres de la commission.

Mais nous sommes d'avis que les citoyens ne possèdent pas encore toute l'information requise pour leur permettre de faire un choix de consommation éclairé, et ceci va encore une fois dans le même sens des propos de certains experts qui m'ont précédé ici même, à la commission, qui mentionnaient un certain phénomène de désinformation par rapport à la cigarette électronique, et c'est cette désinformation qui malheureusement crée des inquiétudes injustifiées quant à la consommation des produits et en sa capacité de lutter contre le tabagisme. Nous sommes donc d'opinion qu'une publicité informative approuvée par le gouvernement du Québec et fondée sur un argumentaire rationnel quant aux caractéristiques et aux qualités du produit pourrait répondre aux besoins des consommateurs qui veulent arrêter de fumer. Mieux informés et mieux préparés, les chances de succès de leur sevrage seraient accrues, contribuant du coup à réduire efficacement le taux de tabagisme au Québec.

Depuis le 31 mai 2008, la loi actuelle interdit aussi l'étalage des produits du tabac à la vue du public dans les points de vente. Ceci est dû au fait que tous connaissent les aspects nocifs de la consommation des produits du tabac et que le gouvernement tente de limiter sa consommation afin de protéger la santé publique. En pratique, le projet de loi n° 44, tel qu'écrit actuellement, vise à limiter considérablement la possibilité d'acquérir une cigarette électronique en la traitant exactement comme un produit du tabac au niveau de la publicité et du marchandisage, et ce, malgré que tous les experts s'entendent pour dire que la cigarette électronique est un produit beaucoup moins nocif pour la santé.

En ce sens, nous croyons que le gouvernement devrait différencier les deux produits et permettre l'affichage des produits de cigarette électronique sur les lieux de vente. Le produit le moins nocif devrait avoir un positionnement préférentiel, comme le mentionnaient certains experts ici même, et ce, dans tous les points de vente où le tabac traditionnel est vendu. Les dépanneurs sont, selon nous, en effet, les endroits les plus appropriés pour rappeler l'existence et la disponibilité de la cigarette électronique et inciter, par le fait même, les consommateurs à choisir un produit moins nocif.

Les produits du tabac sont disponibles dans plus de 8 000 points de vente au Québec. Nous ne sommes pas d'avis que de limiter la distribution du produit moins nocif à seulement 150 ou 200 points de vente aidera le gouvernement à lutter efficacement contre le tabagisme. Le contraire devrait plutôt s'appliquer. Le gouvernement devrait encourager le plus possible l'accessibilité du produit le moins nocif, soit la cigarette électronique, et de limiter au maximum l'accès et la visibilité des produits du tabac.

Je sais qu'une des craintes de la ministre et des membres de la commission soit que la cigarette électronique devienne une passerelle vers le tabac traditionnel. Plusieurs experts mentionnent le contraire, et plusieurs études le démontrent aussi, comme une étude de l'OMS qui révélait que seulement 1 % des consommateurs réguliers de cigarette électronique n'avaient jamais fumé de tabac traditionnel avant leur premier essai de cigarette électronique.

Je partage les soucis de la ministre à ne pas créer de passerelle vers le tabac, surtout pour les jeunes. Dès le lancement de nos produits et avant toute mention de loi limitant la vente des produits aux mineurs, notre compagnie encourageait déjà nos détaillants à agir de façon responsable et éthique et de seulement vendre nos produits à des gens d'âge majeur.

Comme plusieurs études démontrent que la cigarette électronique n'est pas une passerelle vers le tabac et que la cigarette électronique peut être un excellent outil à la lutte contre le tabagisme, nous croyons sincèrement que le législateur devrait permettre un positionnement préférentiel de ce produit sur les lieux de vente. C'est dans ce sens que nous proposons donc de permettre à tous les détaillants, incluant les dépanneurs, de continuer à pouvoir étaler les produits de cigarette électronique à l'intérieur des lieux de vente, et ce, pour une période transitoire minimale de deux ans.

Nous jugeons qu'en allouant une période minimale de deux ans pendant laquelle la visibilité des produits en lieux de vente serait permise, combinée avec la possibilité de faire de la publicité informative par rapport aux produits permettrait à l'industrie d'éduquer la majorité des fumeurs actuels sur les bienfaits de la cigarette électronique, ses modes d'utilisation et les endroits où les consommateurs pourraient s'en procurer. Le délai exact pourrait être défini par réglementation pour permettre au gouvernement d'agir plus tôt ou plus tard, dépendamment des réalités du marché du moment.

En bref, en donnant un certain avantage compétitif à la cigarette électronique, le gouvernement encouragerait et maximiserait la transition du tabac vers la cigarette électronique et ainsi accélérerait l'atteinte de ses objectifs. Limiter l'accès, la visibilité et permettre de la désinformation de se propager par rapport à la cigarette électronique ralentiraient l'atteinte des objectifs du gouvernement, selon nous.

Le troisième et dernier point dont j'aimerais discuter avec vous est le contrôle de la chaîne de commercialisation. Une des rares raisons qui inquiète les experts sur les bienfaits de la cigarette électronique est le fait que leur contenu n'est pas toujours clair et garanti. Sans loi et réglementation, il est prévisible que certains s'inquiètent sur l'absence des normes par rapport aux ingrédients, à leur provenance et aux normes de fabrication des produits. Pour cette raison, nous préconisons un contrôle plus rigoureux de l'industrie de la part du gouvernement. Nous sommes en faveur de l'obligation de détenir des permis à toutes les étapes de la chaîne de commercialisation, en incluant les fabricants, les importateurs et les distributeurs. Dans le même ordre d'idées, l'imposition de normes standardisées à l'industrie pour chacune des étapes permettrait d'uniformiser les composantes du produit et donc aiderait le gouvernement à mieux encadrer et à protéger la santé publique, d'où notre proposition d'ajouter une telle disposition à l'article 20 de la Loi sur le tabac.

En conclusion, je réitère que le projet de loi n° 44 est d'une importance significative dans la lutte contre le tabagisme et que les dispositions qui y sont proposées sont généralement pertinentes, équilibrées et équitables. Mais nous avons la forte conviction qu'en incluant les trois propositions mentionnées aujourd'hui, soit l'encadrement d'une publicité informative approuvée par le gouvernement, un positionnement préférentiel pour les produits de cigarette électronique sur les lieux de vente pour une période minimale de deux ans et un contrôle plus rigoureux de la chaîne de commercialisation, la ministre ainsi que le gouvernement atteindront plus rapidement leurs objectifs dans la lutte contre le tabagisme, pour la protection de la jeunesse et pour l'amélioration de la santé publique. Je vous remercie de votre attention... et maintenant prêt à répondre à vos questions.

Le Président (M. Plante) : Merci beaucoup, M. Gagnon. Donc, on est rendus à la période d'échange pour un temps de 20 minutes avec la partie ministérielle, donc je cède la parole à Mme la ministre.

Mme Charlebois : Merci, M. Gagnon, de votre présence. Vous allez nous apporter une autre lumière, qui va certainement nous permettre d'avoir un autre point de vue mais aussi de prendre de bonnes décisions quant à la bonification du projet de loi. Et merci de vous être rendu disponible pour venir nous faire part de vos observations.

Vous avez dit beaucoup de choses. J'ai compris qu'en partie vous n'êtes pas tout à fait satisfait qu'on inclue la cigarette électronique dans le projet de loi... qu'elle soit assimilée aux produits du tabac pour certains éléments.

• (11 h 50) •

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : C'est ça, pour certains points spécifiques.

Mme Charlebois : C'est ça. Et j'ai le goût de vous dire qu'à l'article 24 il y a toute la spécificité de ce qui est interdit en publicité pour les produits du tabac, mais il y a un... c'est ça, de la loi actuelle, puis ça va se prolonger dans la prochaine loi, mais, à la fin de l'article 24, il dit toutefois... il est dit, là : «Toutefois, la publicité qui vise à communiquer aux consommateurs des renseignements factuels sur un produit du tabac — ce dont la cigarette électronique va être assujettie — y compris sur le prix ou les caractéristiques intrinsèques du produit du tabac et sur les marques de produits du tabac est permise dans la mesure où il ne s'agit pas d'une publicité ou d'une forme de publicité faisant l'objet d'une interdiction», les interdictions précédentes. Voilà. Ça vous permettrait d'informer les gens, d'une part... bien, ça permet déjà, et on n'est pas en contradiction avec la loi fédérale à ce niveau-là. Ça fait que le fait d'inclure la cigarette électronique ne vous permettra pas de faire de la publicité, comme il est stipulé à l'article, mais à tout le moins d'informer les gens, puis c'est ce que j'ai compris que vous souhaitiez faire. Est-ce que je me trompe?

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Exact. Moi, je pense que, comme le Dr Ostiguy et le Dr Juneau mentionnaient plus tôt à la commission, il y a un problème de désinformation. Mais, moi, ce que j'aimerais, c'est aller encore plus loin, que le gouvernement s'implique et réglemente l'information qui est diffusée par rapport aux produits de cigarette électronique aux consommateurs qui désirent arrêter de fumer. Il y a une mauvaise presse des produits qui est faite actuellement, ce qui cause des inquiétudes injustifiées et qui fait en sorte que certains consommateurs pensent que la cigarette électronique est aussi nocive que la cigarette traditionnelle, ce qui n'est pas le cas. Alors, nous, on aimerait avoir le droit de faire cette publicité-là, informative, sur les lieux de vente aussi pour vraiment aider la transition du fumeur au vapoteur et aussi que le gouvernement s'implique dans la diffusion d'information concrète, crédible par rapport à l'efficacité de la cigarette électronique et du fait qu'elle soit beaucoup moins nocive que la cigarette traditionnelle.

Mme Charlebois : Comme je vous dis, la publicité informative, dans la loi actuelle... puis ce qui n'est pas modifié va être permis, mais la publicité informative... Vous semblez d'accord avec moi là-dessus. Où j'ai un malaise... et puis je pense que vous pourrez très bien la faire, les entreprises qui font la vente de produits de vapotage, mais là où j'ai un malaise... et vous avez certainement entendu comme moi plusieurs intervenants dire que nous n'avons pas d'études à long terme qui nous permettent de croire qu'il n'y a aucun danger. Ça fait que le gouvernement, certainement, tant que nous n'aurons pas des études concluantes, ne pourra pas faire la promotion d'un produit où il y a quand même un élément de nocivité et où on peut générer des dépendances. Alors, moi, je pense qu'au niveau informatif ce sera votre travail, mais je ne pense pas que ce soit le devoir du gouvernement de commencer à faire la promotion de la cigarette électronique. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Oui, je comprends votre point de vue. Effectivement, il y a peu d'études à long terme, parce que le phénomène est plutôt récent. Je crois que toutes les études par rapport à la cigarette électronique qui vont sortir dans les prochaines années vont sans aucun doute être plus positives que n'importe quelle étude qui a jamais été faite sur le tabac. On ne peut pas avoir un produit plus nocif que le tabac. Je pense qu'il y a des chiffres qui mentionnent que ça tue un consommateur sur deux, là, au long terme. Alors, c'est sûr que ça ne sera jamais pire. Est-ce que c'est sans nocivité aucune? Probablement pas, mais c'est certain que c'est moins nocif. Mais je comprends si le gouvernement doit attendre des recommandations, des études à plus long terme. Mais moi, j'aimerais que le gouvernement encadre ça très, très bien.

Comme je mentionnais au début de ma présentation, une de nos divisions, dans notre compagnie, vend des breuvages alcoolisés. Avant de soumettre... avant de faire de la publicité pour les breuvages alcoolisés, on doit soumettre au gouvernement la publicité, à la RACJ. Il y a des frais associés à ça. La RACJ regarde la publicité, la lit, regarde si elle respecte tous les lois et règlements, qui sont bien clairs, bien définis pour tous les détenteurs d'enjeux de l'industrie. Si c'est approuvé, on peut faire la publication de la publicité. Si ce n'est pas approuvé, parce que ça ne respecte pas la réglementation, on ne peut pas aller de l'avant. Et ces réglementations-là s'appliquent pour les grands brasseurs du Québec et les plus petites compagnies comme la nôtre.

Mme Charlebois : Bien, c'est la même chose avec la publicité sur le tabac, là. Il faut qu'elle soit soumise au ministère. C'est déjà dans la loi qu'il faut soumettre afin de faire vérifier exactement si ça correspond en tous points, au même titre que la RACJ.

J'aurais aimé ça vous entendre davantage sur ce qui concerne la nocivité. Vous savez que j'ai entendu... bien, pas juste moi, mais mes collègues aussi, nous avons entendu, en commission parlementaire et à plus d'une reprise, que les compagnies de tabac commençaient à s'investir, à acheter des détaillants ou, en tout cas, des fabricants, ou s'investissent, bref, dans le marché de la cigarette électronique. On a même entendu que non seulement il y en a qui ne mettent pas juste de la nicotine, mais on commence à mettre des produits du tabac directement dans la cigarette électronique. Alors, vous comprenez qu'il y a comme une forme d'inquiétude pour nous, devant tant d'audace, de faire en sorte que nous puissions carrément en faire une promotion.

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Je suis d'accord avec vous. Je suis aussi inquiet que vous par rapport au contenu et la provenance de certains ingrédients dans certains produits. Je pense que je vous en avais déjà fait part, moi, je suis pour une standardisation des ingrédients, des quantités, des provenances, de la déclaration sur l'étiquette de qu'est-ce qu'il y a dans le produit. Même, il y a quelques années, la Société canadienne de cancer avait fait une étude sur huit produits de cigarette électronique, avait fait des tests sur les ingrédients qui étaient à l'intérieur de la cigarette électronique, avait comparé avec ce qu'il y avait sur la liste d'ingrédients, si liste d'ingrédients il y avait de déclarée, et nos produits étaient une des seules deux cigarettes électroniques qui ont respecté les exigences de la Société canadienne du cancer.

Moi, je demande que tous les détenteurs d'enjeux dans l'industrie suivent les mêmes réglementations, qu'il y ait des réglementations claires pour s'assurer que le gouvernement offre des produits de qualité aux Québécois, et que les Québécois puissent savoir c'est quoi qu'il y a dans les produits, et qu'ils soient assurés que ça soit bon pour leur... moins nocif pour la santé que les produits du tabac réguliers.

Mme Charlebois : Vous savez comme moi que les ingrédients, c'est contrôlé par Food and Drug en ce moment, et c'est là que vous devez... puis c'est le bon moment, là, il y a des campagnes électorales. Alors, interpellez les gens pour voir quelle est leur intention à ce niveau-là, au niveau de la cigarette électronique, pour savoir le contenu, comment ils entendent... est-ce qu'ils entendent légiférer là-dessus, est-ce qu'ils... Bon.

Pour ce qui est de la mise en garde, j'ai retenu votre recommandation. On va regarder aussi celle sur les produits du tabac, mais, tant qu'à faire, sur les produits, peut-être qu'on pourra examiner qu'est-ce qu'on peut faire au niveau de la mise en garde pour la standardiser sur les produits qu'on vend pour les cigarettes électroniques.

Pour ce qui est de l'ensemble de l'oeuvre, vous dites : On a beaucoup... Vous êtes satisfait de l'ensemble du projet de loi. Il y a l'étalage que vous nous parlez. Vous parlez de l'affichage, tout ça, mais, au niveau de l'étalage, vous nous dites : Laissez l'étalage dans les produits où il y a des produits du tabac. Moi, ce qui m'inquiète, je vous le dis franchement, c'est qu'il ne se vend pas le même produit dans... ou il y en a, des dépanneurs ou des marchés d'alimentation, qui vendent la cigarette électronique plus complexe ou, en tout cas, plus performante, mais la plupart vendent des petites cigarettes électroniques pour les jeunes, qui incitent au tabac. Alors, moi, l'étalage, ça m'interpelle un peu, dans le sens où, dans les boutiques ou détaillants... Puis il y a des jeunes qui vont dans ces boutiques-là, qui vont voir ça. Il y a comme une renormalisation. C'est pour ça qu'on pensait, dans le projet de loi, l'inclure, l'interdiction de l'étalage des produits de la cigarette électronique, autant chez les détaillants de tabac que chez les autres, parce qu'on se disait, notamment chez les détaillants de tabac : Bien, on renormalise de mettre des petits paquets de cigarettes. Parce que c'est très, très, très subtil, hein, il y en a qui se ressemblent tellement, là, c'est à s'y méprendre.

Par contre, on a eu des détaillants de vapotage qui nous ont dit : Bien, laissez-nous au moins afficher nos produits. Ils sont même allés jusqu'à nous dire : Laissez-nous au moins instruire les gens puis laissez-nous la possibilité de les faire vapoter pour leur montrer comment utiliser. Alors, qu'est-ce que vous pensez de tout ça?

• (12 heures) •

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Premièrement, même le Dr Juneau, hier, mentionnait qu'aucune étude ne prouve que la cigarette électronique est une passerelle vers le tabac. Oui, il y a des produits qui sont très similaires, en termes de look et design, à des cigarettes régulières. Ça pourrait être une des standardisations et une des normes appliquées par le gouvernement provincial ou fédéral par rapport aux dimensions, aux couleurs et aux autres caractéristiques des produits de cigarette électronique.

Notre compagnie, comme d'autres, offre des produits jetables. Donc, les plus petits produits, à environ 10 $, c'est des produits jetables. Il y a des produits aussi rechargeables, qui sont les cigarettes un peu plus complexes. Il y a de la demande pour les deux types de produit.

La cigarette rechargeable, qu'on vend aussi, mais il faut la dévisser, il faut remplir du liquide, il faut brancher ça dans son ordinateur, dans le port USB, pour s'assurer que la batterie recharge efficacement, et tout ça. À chaque 30 jours, il faut rechanger la bobine chauffante. Ce n'est pas fait pour tout le monde. C'est un produit qui est un peu plus compliqué. Et la transaction moyenne dans une «vape shop» est entre 75 $ et 100 $, le kit complet de la cigarette un peu plus compliquée, avec une bouteille de liquide.

La cigarette jetable, qui coûte seulement 10 $, est beaucoup plus accessible pour la majorité des consommateurs, en termes de coût, qui désirent arrêter... essayer d'arrêter de fumer. Et je pense que le meilleur test pour voir si on peut devenir un vapoteur est de prendre une cigarette jetable à 10 $, l'essayer pendant deux, trois jours chez eux, dans des circonstances réelles, et voir si on veut devenir un vapoteur.

Au niveau d'essayer les saveurs en magasin, je pense que ce n'est pas absolument nécessaire. La majorité d'entre nous achètent leurs aliments à l'épicerie sans y avoir goûté auparavant. Je pense que le seul objectif des magasins de vapotage pour essayer les produits en magasin serait de faire une différenciation entre la saveur de fraise et la saveur de bleuet ou de saveur x, y, z. Je ne pense pas que c'est nécessaire, mais je pense que se donner une chance de rendre la cigarette électronique plus visible que la cigarette de tabac est un pas dans la bonne direction. Il faut donner le goût aux fumeurs de transitionner vers la cigarette électronique.

Si je peux me permettre un exemple très imagé, tout le monde sait qu'il y a des Big Mac au McDonald. La seule chance qu'on a de vendre de la salade au McDonald, c'est de le mettre sur une affiche, de le mettre en spécial puis de dire qu'il y a moins que 50 % des calories du Big Mac. Si on met la salade... on la met en dessous du comptoir, on ne forme pas les employés et on n'en parle jamais, on ne se donne pas de chance de vendre la salade au McDonald. C'est sûr que ce serait mieux que chaque Québécois ait une diététiste qui fait son menu quatre fois par semaine, et tout, mais je pense qu'à chaque fois que quelqu'un commande une salade à la place d'un Big Mac au McDonald on prend un pas dans la bonne direction. Et mentionner aux gens que, dans 8 000 points de vente de tabac, il y a des cigarettes électroniques qui sont moins nocives que le produit régulier qui est disponible partout, dont tout le monde connaît l'existence, est un pas dans la bonne direction.

Les seules gens qui vont être contents si on cache les cigarettes électroniques dans les dépanneurs vont être les grands cigarettiers. Des études des détaillants en alimentation du Québec prétendent que 33 % de la baisse des ventes de cigarettes traditionnelles provient de la croissance des ventes de cigarettes électroniques. Alors, ils ne nous aiment pas. Ils savent qu'à chaque fois qu'il y a quelqu'un qui consomme un bâton de cigarette électronique c'est deux paquets de cigarettes de moins. Eux vont vouloir qu'on le cache, sans aucun doute, parce qu'ils savent que tout le monde sait qu'il y a leurs grandes marques dans les dépanneurs, et ce n'est pas tout le monde qui sait que le produit est accessible... les produits de cigarette électronique sont accessibles dans les dépanneurs. Moi, je pense que, pour que le gouvernement atteigne ses objectifs, il faut mettre de l'avant, donner un avantage concurrentiel aux produits moins nocifs, je n'en ai absolument aucun doute.

Mme Charlebois : Je ne partage pas votre opinion, parce que je pense que le marché est tellement en grande croissance que les gens savent qu'ils peuvent se le procurer au dépanneur. Mais, bon, on a chacun notre point de vue là-dessus, puis je respecte votre opinion, là, il n'y a pas de problème.

J'aimerais ça vous entendre parler sur l'affichage. Puis je veux aussi vous dire que, concernant... Avant d'aller à l'affichage, là, j'ai ici, devant les yeux, un article qui a été publié, qui nous dit... Puis j'en ai parlé hier, puis je le sais que vous allez me dire, probablement, que l'étude n'est pas concluante, puis c'est un peu ce que je disais en début : On n'a pas des études long terme. Mais il y a déjà une étude américaine qui nous dit qu'il y a 2 530 collégiens à Los Angeles qui ont commencé à fumer parce qu'ils avaient commencé à vapoter. Alors, je ne veux pas me baser seulement sur cette étude, honnêtement, parce qu'il manque de documentation, mais il n'en demeure pas moins qu'il faut quand même y penser.

Et je veux vous amener aussi à réfléchir sur la renormalisation du geste de fumer mais aussi de voir des produits. Parce qu'il n'en demeure pas moins que, si vous le voyez sur le comptoir, ça vous amène à penser que vous pouvez vous mettre quelque chose à la bouche. Donc, le premier réflexe qu'on a tous quand on se met quelque chose entre les doigts, c'est fumer. Moi, je ne pense pas à vapoter, là, je pense à fumer. Une fois qu'on a dit ça, on peut avoir des points de vue partagés, puis, en tout cas... Mais il faut avoir un réflexe de prudence. C'est ce que je veux vous dire.

Parlez-moi de l'affichage, si vous voulez bien, parce que ça m'interpelle...

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Est-ce que je peux répondre à ce commentaire?

Mme Charlebois : Bien sûr, bien sûr.

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Parfait. Alors, sur l'étude du JAMA qui est sortie hier, même la CBC a répondu dans la même journée en disant que, oui, il y a un aspect de corrélation entre le fait de fumer la cigarette électronique et le fait de fumer la cigarette traditionnelle. Mais même les gens de santé publique qui me précédaient expliquaient que ce n'est pas parce qu'il y a un lien de corrélation qu'il y a un effet de causalité. Ce n'est pas nécessairement à cause que les gens ont fumé de la cigarette électronique qu'ils fument du tabac traditionnel. C'est peut-être le niveau d'éducation de leurs parents, leurs habitudes de vie qui causent qu'ils vont essayer la cigarette électronique, essayer le tabac et faire d'autres essais dans leur vie quotidienne.

Mme Charlebois : On dit la même chose mais dans le sens où on dit qu'il n'y a pas d'étude de long terme qui nous prouve autre chose. Mais je ne veux pas qu'on s'étende trop là-dessus, parce qu'on dit la même chose pour des raisons différentes, mais, bon.

Parlez-moi de l'affichage. Vous me dites : Au niveau de l'affichage, les boutiques de «vape shop», nous autres, on aimerait mieux qu'il n'y ait pas d'affichage. Expliquez-nous votre point de vue, là.

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Non, moi, je pense qu'il faut qu'il y ait de l'affichage sur les produits les moins nocifs partout où est-ce qu'on peut...

Mme Charlebois : ...l'affichage extérieur?

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Les boutiques spécialisées devraient être sous les mêmes réglementations que les dépanneurs et stations-services. Si l'affichage est permis dans les boutiques spécialisées, ça doit être permis dans les dépanneurs. Si l'affichage est permis dans les dépanneurs, ça doit être permis dans les boutiques spécialisées. Moi, mon point là-dessus, c'est que le produit moins nocif devrait être plus visible que le produit le plus nocif. On se donne une chance de faire la transition du fumeur au vapoteur.

Et je sais qu'il y a certaines personnes qui mentionnaient que ce serait peut-être seulement dans les «vape shops» qu'on devrait avoir le droit de faire de l'étalage. Moi, je pense que le lieu de conversion le plus propice à transférer un fumeur à non-fumeur est au dépanneur et sur le lieu de vente du produit le plus nocif. La personne qui rentre dans la «vape shop» et qui est prête à dépenser 75 $ ou 100 $ a déjà probablement réfléchi sur ses besoins d'arrêter de fumer et a fait l'effort d'aller au centre d'achats, d'aller au coin de la rue pour acheter un dispositif rechargeable.

Mais il y a des gens... Puis, si je peux me permettre l'exemple du menthol, on parle beaucoup du menthol depuis le début de la commission, qu'il y a des chances que le menthol soit banni au Québec. Or, exemple, le 1er janvier 2016, le menthol est banni au Québec, et le monsieur rentre au dépanneur le matin pour acheter son paquet de menthol, le caissier lui répond : Non, il n'y a plus de menthol, c'est banni, le projet de loi n° 44 a été passé, et tout ça. D'après moi, il y a trois scénarios possibles. Il se dit : Ah! bien, peut-être, je peux aller sur la réserve puis acheter du menthol là-bas, peu importe...

Une voix : ...

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : ... — c'est ça — peut-être : Ah! bien, je vais acheter un paquet de cigarettes traditionnelles, parce qu'il n'y a plus de menthol, mais je veux vraiment fumer. Et le troisième scénario, c'est : Ah! bien, je vais passer à la cigarette électronique. Ça, du menthol, c'est permis. S'il y a une affiche dans le magasin qui dit : Le menthol est disponible ici, c'est moins nocif, ça coûte juste 10 $. Vous êtes rentré dans le point de vente avec un budget de 10 $ pour acheter un paquet de cigarettes au menthol, il y a cette alternative moins nocive en lieu de vente dont on fait l'affichage en magasin, on augmente nos chances que cette personne-là achète un produit de menthol directement sur le lieu de vente.

Si on l'oblige à aller à un autre point de vente, à une boutique spécialisée, faire 15 autres kilomètres pour dépenser 75 $ pour s'acheter une fiole au menthol, il y a des chances aussi qu'il transitionne vers la cigarette électronique. Mais, d'après moi, on augmente nos chances et on va baisser le taux de tabagisme si on donne l'option au consommateur de cigarettes traditionnelles, sur le lieu de vente du produit nocif, de transférer à la cigarette électronique. C'est là que le lieu de conversion est maximisé, selon moi.

Mme Charlebois : Ce que j'ai mal compris dans votre mémoire... J'ai cru comprendre que c'était écrit : On n'aimerait pas voir l'affichage comme, exemple, Boutique de vapotage Charlebois, ou Vape shop Charlebois, ou... C'est ça que je n'arrive pas à saisir. Dans votre mémoire, là, ce que j'ai compris, c'est que vous ne souhaitez pas d'affichage extérieur. Advenant, là, que la loi était adoptée telle quelle, vous savez qu'il n'y a pas d'affichage permis, si on disait aux boutiques de vapotage : O.K., comme les dépanneurs, pas d'affichage, pas de produit exposé, est-ce que... En fait, ce que je veux vous dire : Pas d'affichage, mais est-ce qu'on peut laisser aux boutiques de vapotage la possibilité d'afficher et d'exposer leurs produits, si la loi était adoptée comme elle l'est en ce moment, avec cet amendement-là?

Le Président (M. Tanguay) : En quelques secondes.

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Moi, je crois que, si les boutiques de vapotage ont le droit de faire l'étalage des produits à l'intérieur de leur boutique, les dépanneurs devraient aussi avoir le droit. Tout le monde devrait jouer avec les mêmes règlements et mêmes lois.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au collègue de Rosemont pour un bloc de 12 minutes.

• (12 h 10) •

M. Lisée : Merci beaucoup pour votre présence, M.Gagnon-Oosterwaal. Bravo pour le lancement de votre entreprise, la création d'emplois et votre participation à la lutte contre le tabagisme. Voilà, vous êtes un entrepreneur du XXIe siècle.

J'ai des questions d'abord sur... Comme vous le dites, votre produit est une transition beaucoup moins nocive que les produits du tabac. On a eu plusieurs témoignages en ce sens-là. Des cardiologues nous ont fait la promotion, comme vous, de l'avantage comparatif qu'il faut donner à votre produit puisqu'il permet de réduire la nocivité de façon spectaculaire. Et moi, je suis assez sensible à vos arguments. Et d'ailleurs j'ai des enfants en bas âge, donc je suis un consommateur de McDonald et je mange de la salade. Puis vous avez raison que j'ai su qu'il y avait des salades maintenant plus grosses récemment parce qu'ils l'avaient affiché. Bon.

Alors, écoutez... Donc, on est d'accord là-dessus. Je pense que c'est une bonne discussion à avoir dans l'article par article sur quel est le niveau d'avantages comparatifs qu'on peut donner : informatifs, informatifs, bien sûr; style de vie, il n'en est pas question. On ne veut pas avoir le... On a eu le «Marlboro Man», on ne veut pas avoir le «Blue Spike» ou le «EVO Lady». Vous êtes d'accord avec ça.

Tester deux choses avec vous. Vous nous dites, en entrepreneur responsable : Écoutez, ça prend des normes, il faut pouvoir savoir quels sont les ingrédients dans le liquide rechargeable. Pour l'instant, on est un peu dans le Far West, on attend des normes fédérales. On a eu des gens ici qui nous parlent de la constitution d'une norme ISO qui pourrait arriver dans un moment, on ne sait pas lequel, mais on a eu un constitutionnaliste qui nous a dit : Écoutez, si le québécois veut légiférer là-dessus, il en a la capacité. On peut très bien légiférer là-dessus. Et, avant vous, j'ai parlé à docteur... M. Massé, le directeur de la Santé publique de Montréal, pour lui dire : Bien, si on décidait de légiférer, est-ce que la Santé publique aurait la capacité d'établir la norme et de la vérifier? La réponse, c'est oui. Bon. Est-ce que vous, comme manufacturier et vendeur d'un produit, vous seriez opposé à ce que le Québec ait sa propre norme et l'applique sur votre produit?

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Absolument pas, je suis en faveur que le gouvernement du Québec réglemente l'industrie, détermine les ingrédients, leur contenu, leur provenance. C'est absolument nécessaire pour protéger la santé publique. Présentement, vous utilisez le terme «Far West». Je suis d'accord avec vous. Il y a plusieurs entreprises qui possèdent un, deux magasins qui font les liquides eux-mêmes. M. Massé mentionnait qu'il en avait visité quelques-uns, que ça l'avait ramené 50 ans en arrière, que ça lui faisait peur. Je suis du même avis. Il faut réglementer ça, il faut encadrer ça le plus rapidement possible. Je pense que demander des normes ISO au gouvernement fédéral est un bon concept. Si ça prend quatre ans, c'est inacceptable que, pour les quatre prochaines années, il n'y ait aucune norme, aucune réglementation par rapport à ces produits-là. Il faut que le gouvernement agisse rapidement, responsablement. Si le fédéral ne le fera pas, moi, j'encourage fortement le gouvernement du Québec à le faire.

M. Lisée : Très bien. Bon, comme vous le savez... Vous êtes dans une entreprise, vous avez votre produit, il y a d'autres entreprises qui ont des produits, vous savez que les cigarettiers veulent entrer sur ce marché-là aussi. Il y a une idée que j'ai évoquée plus tôt cette semaine, c'est d'interdire aux producteurs de tabac de produire, de manufacturer ou de mettre en marché des cigarettes électroniques. Qu'est-ce que vous pensez de cette idée?

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Ça, c'est plus une décision économique. Je pense que la première étape doit être de réglementer et d'encadrer les ingrédients, la publicité, le marchandage, et tout ça. Moi personnellement, je n'ai aucune association avec les grands cigarettiers, je suis en compétition avec eux. Alors, techniquement, plus ils ont de bâtons dans les roues, mieux je me tiens. Alors, je pourrais être favorable à ça. Je pense que la première étape, par contre, c'est l'encadrement, la responsabilisation, parce que les grands cigarettiers pourront peut-être trouver des trucs de s'infiltrer dans cette industrie-là malgré la législation qui leur empêcherait, en utilisant des divisions dans d'autres pays ou... je ne le sais pas. Je pense que tout le monde sait qu'ils peuvent être créatifs. Mais moi, je répète, je n'ai aucune association avec eux. Je suis en compétition. Je ne pense pas qu'ils apprécient la compétition particulièrement.

M. Lisée : D'accord. Donc, vous nous dites, vous avez des produits, la cigarette jetable et la cigarette rechargeable, électronique dans les deux cas, mais vous ne commercialisez pas dans les «vape shops». Pourquoi pas? Ce serait un endroit de plus pour vendre vos produits.

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Oui, les «vape shops», eux, ils contrôlent la manufacture puis la fabrication des produits, c'est ça, leur modèle d'affaires. Les détaillants d'alimentation, les dépanneurs, eux, achètent des produits, les revendent. Il y a beaucoup plus de dépanneurs au Québec que de «vape shops». C'est plus simple de... bien, pour nous, basé sur notre expérience, c'est plus simple de vendre dans les dépanneurs. On pense que le produit devient plus accessible, et c'est la seule façon de vendre des produits jetables. Selon nous, le modèle rechargeable est compatible avec les «vape shops» à cause qu'il faut retourner aux «vape shops» acheter d'autre liquide à chaque fois. Alors, c'est un différent modèle d'affaires que la «vape shop» qui vend...

M. Lisée : Vous en avez des rechargeables aussi.

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Exact. Nous, on vend ça, mais ça représente un certain pourcentage de nos ventes, ce n'est pas majeur. Et nous, on a, disons, exemple, quatre différentes saveurs, une «vape shop» va en avoir 50, là. C'est une différente réalité.

M. Lisée : ...acceptaient de vendre vos produits, est-ce que vous voudriez qu'ils les vendent?

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Je n'aurais pas de problème à vendre mes produits aux «vape shops».

M. Lisée : Maintenant, sur l'affichage, ce que vous dites, vous proposez d'interdire complètement pour les «vape shops» l'affichage incluant toute mention de marque et de nom d'entreprise à l'extérieur des commerces. Alors, comment on va savoir qu'on peut acheter des cigarettes électroniques?

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : C'est ça. Je pense qu'il faut juste bien juger qu'il n'y ait pas d'abus par rapport à ça, que le nom ne soit peut-être pas évocateur ou fasse d'allégation thérapeutique. Je pense que les gens aussi pourront être créatifs de ce côté-là, sur les noms des boutiques. Il faut juste agir de prudence par rapport à ça.

M. Lisée : Mais, si c'est écrit «vape shop» ou «magasin de cigarettes électroniques», est-ce que ça vous va?

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Oui, oui, si c'est quelque chose comme ça. Mais, si le magasin s'appelle Sauvez-vous la vie avec la cigarette électronique, peut-être que c'est un peu abusif.

M. Lisée : O.K. Si c'est leur marque de commerce?

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Exact. Mais les gens vont déclarer que c'est leur marque de commerce, et le gouvernement fédéral va dire que c'est une allégation thérapeutique qui n'est pas légale, qui n'est pas permise. Nous, on est une compagnie responsable, on travaille avec des détaillants responsables, on ne fait aucune allégation thérapeutique par rapport au produit. Si on laisse une porte ouverte aux grands cigarettiers ou aux autres compagnies indépendantes de le faire, on peut rentrer potentiellement dans un terrain glissant. Alors, je demanderais au gouvernement d'agir avec prudence par rapport à ça.

M. Lisée : L'Association pulmonaire nous proposait d'apposer sur les cigarettes électroniques deux avertissements, un disant : Ce produit contient de la nicotine, la nicotine crée une dépendance, est mauvaise pour la santé, et l'autre disant : Ce produit contient de la nicotine mais est nettement moins nocif qu'une cigarette traditionnelle. Ça, est-ce que ça vous irait?

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Oui. Moi, je pense que ça rentre dans le cadre de publicité informative, de transmission d'information, de gestion de la désinformation que j'encourage le gouvernement à imposer aux fabricants et aux distributeurs de cigarettes électroniques. Moi, je pense que de transmettre de l'information sur la cigarette électronique va aider le gouvernement à lutter contre le tabagisme. Et même probablement que le gouvernement devrait demander aux grands cigarettiers de parler de cigarette électronique puis de marquer sur le paquet : Avez-vous considéré transférer vos achats dans la cigarette électronique? C'est un produit moins nocif. Oui, ça contient de la nicotine, puis on peut utiliser la même ligne que Dr Juneau proposait par rapport à ça, mais c'est là qu'on va convertir un fumeur à un vapoteur et c'est là que le gouvernement va faire des gains dans sa lutte contre le tabagisme.

M. Lisée : Donc, vous proposez que l'avantage comparatif, dans les dépanneurs, les points de vente, de la cigarette électronique, ce soit que, pendant deux ans, dites-vous, ou une période similaire, vous puissiez afficher cette information-là de la moins grande nocivité et de la présence de nicotine quand même. Je trouve ça intéressant.

Plusieurs personnes sont venues nous dire qu'il y avait une perception assez répandue que la cigarette électronique était aussi nocive que la cigarette traditionnelle, et on a eu l'exemple par un détaillant, tout à l'heure, du Saguenay, qui nous l'a dit. Il a dit : Bien, c'est la même chose, il y a de la nicotine, O.K.? Alors, je ne doute pas de sa bonne foi, mais c'est sûr aussi que sa marge de profit est plus forte. Ou l'est-elle? Je vous pose la question : Est-ce que la marge de profit du dépanneur est plus forte sur la cigarette traditionnelle que sur la cigarette électronique?

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Le volume de tabac traditionnel représente la très grande majorité de l'industrie, là, plus de 95 %, plus de 97 %. Alors, c'est sûr que les détaillants font plus d'argent en vendant du tabac au volume. Maintenant, sur les marges de produits spécifiques, je ne connais pas les détails des ententes des grands cigarettiers avec les différents détaillants.

Je reconnais qu'il y a une désinformation, puis on l'a vue ce matin encore, par rapport à ça, alors je pense que...

• (12 h 20) •

M. Lisée : Mais ce que je veux savoir, c'est si la désinformation peut être intéressée, si on est dans un système où le dépanneur a intérêt à vendre la cigarette traditionnelle plutôt que la cigarette électronique. Parce qu'au-delà du volume... Le volume, c'est une chose, mais, s'il change complètement son volume vers la cigarette électronique avec le même rendement économique, pour lui, c'est kifkif.

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : La vraie solution à ça et, comme dans toutes les entreprises commerciales capitalistes, la seule solution à long terme est de vendre un produit que le consommateur veut. Alors, même si les grands cigarettiers donnent plus de marges aux détaillants pour des cigarettes traditionnelles mais que le client veut un produit moins nocif sur la santé, dans le dépanneur, c'est ça qu'il va vendre. C'est ça, la vraie seule solution à long terme. Mais généralement, économiquement, on est capables de donner des marges plus élevées pour les cigarettes électroniques que les compagnies de tabac le font pour les produits de tabac traditionnels, et ça, c'est la réalité dans la majorité des détaillants, mais je ne connais pas toutes les ententes.

M. Lisée : Donc, vous êtes capables. Donc, vous dites qu'en fait la marge peut être supérieure à l'unité, pour la cigarette électronique, que la cigarette traditionnelle.

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Absolument. Une cigarette traditionnelle... une cigarette électronique comme ça se détaille 35 $, 40 $ dans un dépanneur. Le dépanneur va payer entre 22 $ et 26 $, ça va faire 14 $ à 18 $ de profit. Un paquet de cigarettes peut coûter entre 7 $ et 10 $, vous pouvez vous imaginer qu'il fait 1 $ ou 2 $ de profit. Il préfère grandement vendre ça et faire 12 $ de profit sur la transaction.

M. Lisée : Bon. Ça, c'est une information qui devrait être largement répandue pour inciter, donc, les dépanneurs à faire plus d'argent en proposant la cigarette électronique à tous les acheteurs de cigarettes traditionnelles.

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Nos équipes font ça à tous les jours.

M. Lisée : O.K. J'ai entre les mains les modalités du programme de fidélisation de Rothmans, Benson & Hedges pour les dépanneurs du Québec — j'aurais voulu en parler aux dépanneurs tout à l'heure. Et évidemment plus ils ont de stock, plus ils vendent de cigarettes — là, ils passent d'argent, or ou platine, comme les programmes de fidélisation, et ils peuvent gagner des voyages, avion, chambres d'hôtel, location d'une voiture, forfaits ou autres éléments d'un voyage. Est-ce que vous êtes au courant de ça? Est-ce que vous savez si ça a un impact sur les dépanneurs?

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Oui, je suis au courant, oui, ça a un impact. S'il n'y avait pas d'impact, ils ne le feraient pas. Alors, les grands cigarettiers compétitionnent pour avoir l'espace tablette et l'inventaire dans les dépanneurs, et tentent d'inciter tous les détaillants à garder le plus grand nombre de produits de leur portfolio, et trouvent des façons créatives de faire ceci tout en respectant la loi.

M. Lisée : Très bien. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Saint-Hyacinthe pour une période de huit minutes.

Mme Soucy : Merci. Merci d'être ici. Actuellement, la publicité, vous dites, bon : Ce serait une bonne chose qu'elle soit encadrée. On a fait référence, au courant de la... depuis le début de la commission, des publicités qui étaient associées directement avec «fumez, vous allez devenir plus mince» ou le style de vie. Vous, actuellement — vous avez déjà sûrement fait de la publicité — vos produits, est-ce qu'ils font de la promotion du style de vie ou de la promotion de, justement, là, associer l'acte de fumer avec la minceur?

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Non, absolument pas, on ne fait pas ça. Je pense que, techniquement, de mentionner... de faire un lien entre la cigarette électronique et la minceur serait une allégation thérapeutique. Ceci n'est pas permis, selon le gouvernement fédéral. Je me répète, mais nous, on vend à des détaillants crédibles, qui ne prendront pas de risque pour une compagnie comme la nôtre de mettre en péril même leur permis de tabac ou leur réputation. Quand on a commencé à vendre les produits à nos détaillants, on leur disait : Il n'y a pas de loi, il n'y a pas de réglementation, mais vous devriez être responsables, et être critiques, et vendre seulement à des gens d'âge majeur. C'était leur choix de respecter notre demande ou pas, mais nous, on a agi de façon responsable et éthique. Alors, on ne s'embarque pas là-dedans, on ne le fait pas.

Le professeur de l'université de l'Ontario, de Guelph, qui était ici hier a montré des publicités de différentes compagnies. Il n'avait aucune publicité qui provenait de notre compagnie à cause qu'on n'en fait pas, malgré que j'ai vu qu'il avait des produits de notre marque avec lui. Alors, il connaît l'existence de notre compagnie, il n'a juste pas trouvé de publicité, parce qu'on n'en fait pas. C'est ça.

Mme Soucy : Faites-vous... Vous n'en faites pas non plus sur les réseaux sociaux, de ce genre de publicité?

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Pas nécessairement sur les réseaux sociaux. Sur les réseaux sociaux, les gens peuvent se prendre en photo, et tout ça. Là, on ne peut pas contrôler tous les messages qui se passent dans les réseaux sociaux. Mais, nous, notre focus se fait sur les lieux de vente, parce que c'est là qu'on fait la conversion du fumeur au vapoteur. Alors, nous, la majorité de nos investissements en marketing, en publicité sont sur les lieux de vente.

Mme Soucy : O.K. Vous avez mentionné que, bon, il serait préférable de montrer — puis j'ai bien aimé votre exemple, c'était très imagé, avec la salade du McDo — alors, qu'il serait préférable de rendre justement la cigarette électronique visible pour, bon, en faire une certaine promotion, en fait montrer au moins qu'elle existe dans le dépanneur. Vous dites également qu'il y aurait une période de transition de deux ans. Si j'ai bien compris, la période de transition de deux ans, c'est pour qu'elle soit accessible dans les dépanneurs. C'est quoi, la période de transition de deux ans que vous parlez?

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Oui, c'est ça, ce serait pour permettre aux détaillants et aux fabricants de faire la promotion des produits marchandisés et étaler les produits à l'intérieur du dépanneur ainsi que faire de la publicité informative sur les lieux de vente.

Mme Soucy : Pour deux ans, c'est ça? Pour un...

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Je prétends qu'en deux ans on peut éduquer les consommateurs, leur mentionner où les produits peuvent être vendus. Ce n'est pas toute la population qui sait que les cigarettes électroniques jetables et/ou rechargeables sont vendues dans les dépanneurs. Il faut transmettre cette information-là au public. Puis ça pourrait être plus longtemps. Comme je le mentionnais, je pense que le gouvernement devrait se permettre une certaine latitude par rapport à ça, d'utiliser peut-être une réglementation pour étudier le marché, à ce moment-là, et décider quelle date exacte le moratoire pourrait terminer.

Mme Soucy : Vous avez parlé de cigarettes électroniques jetables. Pour vous, c'est nécessaire de... pour justement que ça soit accessible, vu qu'on sait que souvent le tabagisme est lié au milieu socioéconomique plus défavorisé, donc ça augmente... Pour vous, ça augmente les chances d'aider les gens à sortir du tabagisme, si j'ai bien compris.

La part du marché du jetable que vous vendez dans les dépanneurs versus ceux qui sont un peu plus complexes, ça représente quoi, environ?

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Bonne question. Les deux freins à l'utilisation des cigarettes jetables... des cigarettes rechargeables, pardon, sont le fait que c'est compliqué et le fait que c'est coûteux.

Mme Soucy : Mais votre part du marché?

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : C'est ça. Nous, on vend les deux. C'est présentement environ 50-50. Alors, une transaction sur deux est faite pour des cigarettes jetables, une transaction sur deux, sur des cigarettes rechargeables. On n'a pas d'étude précise qui mentionne que les gens qui achètent des cigarettes jetables passent ensuite aux cigarettes rechargeables, mais économiquement c'est beaucoup plus avantageux de consommer des cigarettes rechargeables, bien entendu. Ça, la preuve économique est facile à faire. Sauf qu'à 75 $ ou 100 $ ce n'est pas tout le monde qui peut faire l'essai. J'entends des histoires, à chaque semaine, de gens qui vont au dépanneur, qui disent : Je m'en vais chez ma tante, j'ai entendu dire qu'elle voulait arrêter de fumer le 1er janvier, c'était sa résolution, ça n'a pas fonctionné. En allant arrêter mettre de l'essence, je vais acheter une cigarette à 10 $, je vais lui donner en cadeau, on va lui donner une autre chance...

Mme Soucy : C'est plus accessible.

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Ce n'est pas tout le monde qui aime assez leurs tantes pour acheter 75 $ de cigarettes électroniques. 8 $ à 10 $...

Mme Soucy : Vous ne vendez pas dans les... Vous avez mentionné que vous ne vendez pas dans les «vaposhops». Bien, pour vous, c'est quand même possible de percer ce marché-là?

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Oui, potentiellement. Nous, ça fait nombre d'années qu'on travaille avec les détaillants. On pense que c'est un bon point de vente pour exposer le produit, pour le vendre, pour le commercialiser. Alors, on a décidé, quand on a lancé le produit, d'utiliser ce réseau de distribution là. Nous, on pense que c'est le meilleur. C'est un choix d'affaires. Et, comme je dis, le modèle d'affaires des «vape shops» n'est pas compatible avec la vente de produits jetables nécessairement. Ils n'auraient pas avantage à vendre des produits jetables, alors je ne sais pas s'ils nous encourageraient dans ce sens-là.

Mme Soucy : O.K. C'est quoi, la différence? Parce que, dans votre mémoire, vous dites : La cigarette électronique et puis le cigarillo électronique. C'est quoi, ce cigarillo?

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : C'est juste un différent modèle. Les saveurs sont différentes. Le format est un peu différent. Ça reste que c'est le même principe.

Mme Soucy : O.K., parfait. Donc, dernière question : Avez-vous approché le fédéral jusqu'à maintenant pour justement leur partager, là, vos craintes et puis faire un peu de pression justement pour qu'ils légifèrent la cigarette électronique?

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Oui, on a approché le fédéral. Plusieurs groupes ont approché le gouvernement fédéral. La ministre avait demandé à un comité sur la santé de mettre du temps sur ça. Ils ont déposé leur rapport il y a maintenant trois ou quatre mois. Je m'attendais à ce que la ministre Ambrose en fasse commentaire dans les dernières semaines avec les élections fédérales. Le processus a sans doute été ralenti.

• (12 h 30) •

Mme Soucy : Vous avez... Je veux dire, vous ne faisiez pas partie de ce groupe-là avec les recommandations, non?

M. Gagnon-Oosterwaal (Nicolas) : Non. Nous, on a émis nos recommandations par écrit au gouvernement fédéral. Ils ont invité les différents détenteurs d'enjeux à émettre leurs opinions et leurs recommandations. Nous, on a fait ça, d'autres aussi l'ont fait. Puis, ils ont procédé à quelque chose qui ressemble, j'imagine, à une commission parlementaire, ils ont émis un rapport. Maintenant, il reste à agir sur le rapport, qui était généralement favorable à la cigarette électronique, avec un encadrement clair, juste et qui protégerait la population canadienne.

Mme Soucy : Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous vous remercions pour votre temps et votre disponibilité aujourd'hui.

Alors, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise à 14 h 7)

La Présidente (Mme Hivon) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande donc à toutes les personnes qui sont dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 44, Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme.

Nous entendons cet après-midi l'Institut national de santé publique du Québec, l'Institut Philippe-Pinel, le Réseau du sport étudiant du Québec, la Coalition Priorité Cancer et l'Union des tenanciers de bars du Québec.

Donc, je souhaite bien sûr la bienvenue à nos invités. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous identifier, ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre présentation, qui sera suivie d'une période d'échange d'environ 50 minutes. Donc, sur ce, la parole est à vous.

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ)

Mme Damestoy (Nicole) : Merci, Mme la Présidente. Mme la ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse et à la Santé publique et membres de la commission, il me fait plaisir de vous présenter notre analyse du projet de loi n° 44.

Aujourd'hui, je suis accompagnée de Mmes Michèle Tremblay et Annie Montreuil, qui sont les auteures du mémoire qui vous a été déposé et qui seront d'une grande contribution pour répondre à vos questions.

D'emblée, je souhaite souligner que l'institut accueille très favorablement ce projet de loi qui contribuera sans contredit à l'amélioration de la santé de la population québécoise. Rappelons quelques données juste pour se... en introduction : 10 000 Québécois meurent chaque année de maladies dues au tabac. Aujourd'hui, ça veut dire que 27 personnes en décéderont. En plus des fumeurs qui décèdent rapidement des maladies dues au tabac, plusieurs fumeurs et ex-fumeurs souffrent longtemps avant de mourir. Les produits du tabac sont encore sur le marché malgré les 70 composés chimiques cancérigènes reconnus et la dépendance qu'ils créent. Encore aujourd'hui, 1,4 million de Québécois font l'usage du tabac régulièrement.

• (14 h 10) •

Examinons, dans un premier temps, les mesures du projet de loi appuyées par l'Institut national de santé publique. Lors de notre analyse du projet de loi n° 44, cinq mesures nous apparaissent incontournables. La première concerne l'encadrement de la cigarette électronique. L'institut considère que la proposition d'élargir le champ d'application de la loi à la cigarette électronique est justifiée. En effet, la cigarette électronique avec nicotine est un produit qui n'est pas approuvé par Santé Canada mais pourtant accessible au Québec dans plusieurs boutiques et par intermédiaire d'Internet.

Elle est probablement moins dommageable pour la santé que la cigarette pour les fumeurs et est beaucoup utilisée par les fumeurs pour diminuer leur consommation de tabac ou même cesser de fumer. Cependant, elle attire aussi la curiosité des jeunes, qu'ils soient fumeurs ou non fumeurs. À l'heure actuelle, nous ne disposons pas de suffisamment d'études sur ses effets sur la santé à long terme, sur son efficacité réelle pour cesser de fumer ni sur son impact sur l'usage des produits du tabac par les jeunes. L'encadrement de la cigarette électronique au Québec, par la loi, est bien fondé et prudent, car cela ferait en sorte d'en interdire la vente aux mineurs, d'interdire la publicité, la promotion et l'étalage, d'interdire l'usage de la cigarette électronique dans les endroits où il est interdit de fumer, tout en permettant aux fumeurs adultes qui désirent utiliser ce produit pour les aider à cesser de fumer de toujours y avoir accès.

Finalement, il serait aussi important de s'assurer que des normes de fabrication soient instaurées pour garantir tant la sécurité que la qualité des dispositifs et de ses différents composants.

Deuxièmement, l'interdiction des arômes. L'institut appuie fortement la mesure proposée visant à interdire la vente des produits du tabac aromatisés, incluant le menthol. Certains additifs permettent de minimiser les désagréments des premières expériences, celles dont on se rappelle, qui, souvent, sont à l'origine de l'initiation de l'habitude tabagique. Le menthol, par exemple, possède des propriétés refroidissantes, anesthésiques, analgésiques qui modèrent l'irritation due à la fumée du tabac. En 2012-2013, c'est près de 60 % des jeunes Québécois de sixième année du primaire et du secondaire qui avaient fait l'usage du tabac au cours du dernier mois qui avaient utilisé un produit du tabac aromatisé.

Le menthol n'est pas visé par la loi canadienne, et plusieurs produits y échappent. C'est pourquoi, à l'instar de cinq autres provinces canadiennes, nous appuyons cet article du projet de loi qui interdit tout ajout d'additif aromatisant, incluant le menthol.

Passons aux nouvelles interdictions de fumer qui sont proposées. L'interdiction de fumer dans les véhicules automobiles en présence de mineurs de moins de 16 ans. L'institut considère que cette mesure est amplement justifiée. La fumée dégagée par deux cigarettes, lorsque les fenêtres sont fermées, peut générer une exposition à des particules fines qui dépasse les normes dictées par l'OMS. Les particules fines pénètrent profondément dans les poumons, et la fumée inclut une multitude de composés qui sont dommageables pour la santé. Ainsi, les enfants peuvent être exposés à des niveaux élevés de particules néfastes pour leur santé, même si le temps passé à l'intérieur du véhicule est relativement court. On sait par ailleurs que le quart des fumeurs québécois fument régulièrement, ou à l'occasion, dans leurs voitures en présence d'enfants. De plus, une mesure législative interdisant de fumer dans les voitures en présence d'enfants est efficace, et plus de huit fumeurs et ex-fumeurs québécois sur 10 appuient déjà une telle mesure.

L'interdiction de fumer sur les terrasses. Le projet de loi n° 44 propose d'interdire complètement de fumer sur les terrasses et les autres aires extérieures exploitées dans le cadre d'une activité commerciale. L'institut est tout à fait en accord avec une telle mesure. Certaines études démontrent une augmentation de la concentration des composantes néfastes pour la santé dans l'air et le sang des non-fumeurs qui sont exposés à la fumée de tabac sur les terrasses. Lorsqu'on sait que les travailleurs des restaurants et des bars qui servent des clients fumeurs sur une terrasse pendant plusieurs heures et de façon répétée... ces résultats sont préoccupants. Enfin, sept Québécois sur 10 approuvent une interdiction de fumer sur les terrasses, une mesure en vigueur dans cinq provinces et un territoire canadien déjà.

L'interdiction de fumer à neuf mètres de toute porte communiquant avec plusieurs lieux visés par la loi. Au Québec, il est interdit de fumer à l'extérieur dans un rayon de neuf mètres des portes de plusieurs lieux, dont les établissements de santé et d'enseignement. Le projet de loi n° 44 propose d'étendre une telle interdiction à tous les lieux de travail et tous les lieux qui accueillent le public. L'institut appuie cette mesure. La concentration de particules fines à l'extérieur de l'entrée d'édifices, en présence de fumeurs, peut dépasser de deux fois le niveau de base, ce qui peut être problématique, en particulier pour les personnes souffrant de problèmes respiratoires.

Enfin, dans les endroits où il est déjà interdit de fumer à neuf mètres des portes, les fumeurs se rassemblent parfois près des fenêtres qui s'ouvrent et près des entrées d'air. La fumée peut donc pénétrer à l'intérieur de l'édifice. Cette situation paradoxale a d'ailleurs été documentée dans le rapport de mise en oeuvre de la Loi sur le tabac 2005-2010. C'est pourquoi cette interdiction devrait s'appliquer aussi aux fenêtres qui s'ouvrent et aux entrées d'air.

Parlons maintenant des trois mesures que l'institut souhaite voir intégrées dans le projet de loi. D'abord, une mesure qui concerne les lieux servant à la garde d'enfants. La loi actuelle interdit de fumer à l'intérieur des lieux servant à la garde d'enfants aux heures où les enfants sont présents. Or, les enfants peuvent être tout de même exposés à des polluants de la fumée du tabac si des personnes fument en dehors des heures d'ouverture. En effet, dans les lieux intérieurs, une partie des polluants de la fumée du tabac demeure dans la pièce longtemps après que la dernière cigarette ait été éteinte. Ces polluants s'accumulent sur les surfaces et sont très difficiles à déloger. Certains sont remis en circulation dans l'air beaucoup plus tard, et d'autres peuvent même se transformer en de nouvelles particules cancérigènes, avec des réactions chimiques avec les molécules d'oxygène. Les enfants sont particulièrement vulnérables lorsqu'ils rampent, qu'ils jouent par terre, qu'ils portent des objets à la bouche et ils peuvent, donc, respirer ou ingérer ces particules. C'est pourquoi l'institut estime qu'il devrait être interdit de fumer en tout temps dans ces lieux afin de protéger la santé des tout-petits.

Dans les établissements du réseau de la santé et des services sociaux. Les établissements du réseau de la santé et des services sociaux peuvent aménager, en ce moment, des fumoirs pour les personnes qui sont hébergées, et certains peuvent également réserver jusqu'à 40 % des chambres pour les fumeurs. Or, selon le rapport de mise en oeuvre de la Loi sur le tabac, certains fumoirs ne répondent pas aux exigences prévues dans cette loi, et les chambres réservées aux fumeurs ne sont pas regroupées. Il faut remédier à cette situation, même dans les lieux où l'interdiction complète de fumer peut sembler plus difficile à respecter, comme les centres qui hébergent des personnes atteintes de problèmes de santé mentale, les centres de traitement des dépendances et les centres jeunesse.

Il existe de plus en plus d'études et d'expériences terrain, notamment au Québec, démontrant qu'il est possible d'offrir des lieux totalement sans fumée pour ces clientèles. En cohérence avec leur mission d'offrir des environnements sains, l'institut suggère d'interdire les fumoirs et les chambres où il est permis de fumer dans les établissements du réseau de la santé, à l'exception des CHSLD, où seuls les fumoirs pourraient être permis.

J'aimerais terminer avec une mesure qui limiterait encore davantage la promotion du tabac : c'est la mesure qui concerne l'emballage neutre. Avec la diminution des possibilités de commandite, de publicité, de promotion des produits du tabac, le paquet de cigarettes est devenu un outil promotionnel par excellence, et ce, malgré l'obligation des mises en garde devant atteindre 75 % de la surface du paquet. En 2006, le Québec a adopté un décret le liant à la convention-cadre de lutte contre le tabac de l'OMS, signée par le Canada. On y prône de limiter ou d'interdire l'utilisation de logos, de couleurs, d'images de marque ou de textes promotionnels sur les emballages.

L'Australie a mis en place, depuis décembre 2012, l'emballage neutre, et certaines études réalisées dans ce pays nous apprennent notamment que les fumeurs perçoivent depuis ce moment leurs paquets comme étant moins attrayants et les cigarettes comme étant de qualité moindre. Les gens remarqueraient davantage les messages de mise en garde, et l'emballage neutre inciterait plusieurs fumeurs à cesser de fumer.

Pour ces différentes raisons, l'institut réitère sa suggestion, déjà émise en 2013, à l'effet d'obliger les compagnies de tabac à présenter leurs produits dans des emballages de format neutre et prédéterminé, de manière à ce que les produits et les emballages ne puissent se distinguer que par les noms de leurs marques.

Pour conclure, Mme la Présidente, Mme la ministre, le projet de loi est excellent, et nos ajouts visent à protéger encore davantage les jeunes et les non-fumeurs. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Hivon) : Merci. Vous avez respecté le temps de manière extraordinaire. Donc, sur ce, nous allons débuter la période d'échange avec la partie gouvernementale pour une période de 22 minutes. Donc, Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Charlebois : Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Damestoy, Mme Laguë — est-ce qu'elle est là? Oui? Ah! elle est derrière — Mme Tremblay, Mme Montreuil, merci d'être là et d'être venues partager vos connaissances avec nous. Ça va certainement enrichir la bonification du projet de loi, parce que, vous savez, quand on consulte, ce n'est pas pour une partie de plaisir, c'est vraiment une consultation. Comme je l'ai dit aux gens depuis le début, on entend tous les groupes qui se présentent, ça va aider à bonifier le projet de loi. Mais aussi on va lire tous les mémoires. Ce n'est pas tout le monde qui a eu la chance ou le privilège de venir le présenter devant nous, mais on va tous les lire et on va certainement travailler à bonifier le projet de loi. Hein, on est en consultation, et c'est pour ça. Alors, merci d'être venues.

J'ai le goût de tout de suite vous demander, quand vous dites : «...interdiction de fumer sur les terrains de jeux pour enfants de même que sur les terrains et aménagements sportifs publics permettrait de protéger», etc., quand vous parlez de lieux publics, qu'est-ce que vous entendez par «lieux publics»? Ça concerne les parcs, les installations? Jusqu'où vous entrevoyez ce qu'est une propriété, un terrain public? Le terme «public», finalement.

Mme Damestoy (Nicole) : Oui. Bien, disons, on va commencer par le principe, le principe étant de suggérer l'ajout de l'interdiction de fumer sur les terrains de jeux, d'abord et avant tout, et autres lieux fréquentés par les jeunes, puisque l'idée en arrière de ça, c'est vraiment la visibilité de l'usage du tabac dans les lieux fréquentés par les jeunes. Puisqu'on sait très bien que ce qu'on appelle la norme sociale... Donc, plus l'usage de la cigarette est visible, plus il est conçu comme étant courant et normal, et c'est un facteur qui est associé à l'initiation au tabagisme chez les jeunes.

Et cette mesure qui interdirait l'utilisation du tabac dans les terrains de jeux serait cohérente avec celle qui prévaut déjà sur les terrains des établissements d'enseignement, par exemple, hein? On ne peut pas dire qu'on a été très à fond dans le détail, je dirais, de la nature des endroits qui pourraient être touchés, mais l'esprit en arrière de cette suggestion était celui-ci. Alors, est-ce que mes collègues auraient peut-être quelque chose à rajouter?

• (14 h 20) •

Mme Montreuil (Annie) : Bien, c'est une mesure aussi qui est cohérente avec plusieurs autres interventions qui visent à diminuer la visibilité et l'accès au tabac, mais notamment la visibilité, comme, bon, l'interdiction d'étalage dans les points de vente, l'interdiction de fumer sur les terrains des écoles, l'interdiction de vendre aux mineurs. Donc, il y a plusieurs mesures, déjà, qui sont en place et qui visent à diminuer l'accès et la visibilité des produits du tabac pour les jeunes.

Mme Charlebois : Et ça a été un sujet de discussion au cours de l'été. On a vu souvent des reportages où on... j'ai entendu... Puis j'ai été à même de constater moi-même : derrière chez moi, il y a une cour d'école, et, derrière la cour d'école, qu'est-ce qu'il y a? Bien, il y a un parc. Et, quand j'ai entendu le reportage à la télé, j'ai dit : C'est vrai, il y a beaucoup de jeunes qui vont au parc, même en dehors des heures de classe; on fait quoi?

Alors, ça a été... C'est une recommandation que vous nous faites, finalement, de tenir compte du terrain des établissements mais en tout temps, finalement, pas juste pendant les heures de classe, là. Dès qu'il y a une utilisation par les jeunes d'un espace public, il faut considérer de voir à faire en sorte qu'il n'y ait pas de tabagisme qui... en tout cas, qu'il n'y ait pas personne qui fume. C'est ça?

Mme Damestoy (Nicole) : Exactement. Oui.

Mme Montreuil (Annie) : On considérait que c'était vraiment important dans les endroits où... que les jeunes et les enfants... les adolescents et les enfants fréquentent, comme les terrains de jeu. Et on pensait aux aménagements sportifs publics, et ça peut inclure les piscines. Dans ces endroits-là, alors, il y a plusieurs... Il y a certaines provinces qui ont déjà mis en application des interdictions de fumer dans ces... dans les terrains de jeu, sur les aménagements sportifs, et il y a plusieurs villes au Québec aussi qui sont déjà allées de l'avant.

Mme Charlebois : O.K., les aménagements sportifs, les piscines. J'ai pris note. Dites-moi, quand vous parlez des services de garde... J'ai pris connaissance de votre mémoire, puis je vous entendais tantôt, et là je me disais... Donc, à la conclusion, c'est : Quand on veut devenir service de garde en milieu familial... Parce que c'est clair que, pour les installations, ça ne pose pas un problème ni dans les CPE ni dans les garderies privées. Mais, dans le milieu familial, ça veut dire que c'est terminé : une responsable en service de garde en milieu familial et sa famille ne pourront plus fumer, jamais. C'est ce que vous souhaitez, du moins. Parce que, si on ne peut pas fumer sur les lieux, bien, c'est clair qu'il faut que toute la famille ne fume pas. Puis j'irais plus loin que ça : même les visiteurs ne pourront plus fumer à l'intérieur du service de garde. C'est ce que vous souhaitez?

Mme Montreuil (Annie) : Cette mesure-là, effectivement, c'est davantage les garderies en milieu familial que ça toucherait. Ils ne pourront plus fumer à l'intérieur de leurs maisons s'ils veulent être un service de garde. Parce qu'on sait que les résidus de fumée se déposent, s'accumulent, s'incrustent dans les surfaces, incluant les tapis, les meubles, mais aussi sur des surfaces qu'on considère qu'elles sont plus dures, comme les murs, la peinture, c'est très difficile à déloger. Puis, ces substances-là, certaines sont remises en suspension dans l'air et certaines se transforment en nouvelles substances cancérigènes, différentes de celles qui sont présentes dans la fumée. On ne sait pas quels sont les effets à long terme. En fait, on sait que c'est des substances cancérigènes, on ne sait pas quelle quantité de polluants entraîne quel type de maladie. Mais, pour les enfants, les jeunes enfants qui portent des objets à leurs bouches, eux, on est capables de mesurer ces polluants-là, chez les enfants, parce qu'ils les absorbent par la bouche et parce qu'ils les respirent.

Alors, il y a déjà plein de mesures qui visent à protéger les enfants qui sont en service de garde en milieu familial. Ce serait une mesure additionnelle. Et c'est très facile à vérifier. Les résidus de fumée peuvent... Dans les études qu'ils l'ont fait, c'est simplement en prenant un échantillon, avec un type de coton, de poussière. Donc, c'est quelque chose qui n'est pas compliqué à vérifier.

Mme Charlebois : Mais on n'a pas d'idée quelles maladies ça peut engendrer? Vous n'avez pas d'exemple du tout, du tout, du tout?

Mme Montreuil (Annie) : Ce sont des substances cancérigènes qui sont présentes dans le tabac, donc on se doute que c'est le même genre de maladies que le tabagisme entraîne. On ne sait pas quelle quantité, quelle quantité d'exposants les enfants doivent être exposés pour développer plus tard ou pour augmenter leur risque de développer certaines maladies qui sont liées à l'exposition au tabac. Ce sont des études qui sont assez récentes, qui datent de quelques années, on n'est pas rendus là encore.

Mme Damestoy (Nicole) : Mais, dans le domaine...

Mme Charlebois : C'est inquiétant, hein?

Mme Damestoy (Nicole) : Pardon.

Mme Charlebois : Excusez-moi. Allez-y.

Mme Damestoy (Nicole) : J'allais dire : Dans le domaine, il n'y a pas de seuil minimal. Dans le fond, on devrait viser une exposition nulle.

Mme Charlebois : Oui. Puis c'est inquiétant quand vous le dites, porter à la bouche des particules qui étaient sur le tapis, juste y penser, ça nous fait peur un peu.

Je vais vous amener maintenant sur l'interdiction de fumer dans les établissements de santé. Vous avez sûrement entendu notre dernier groupe qui est venu juste avant l'heure du dîner, les directeurs de santé publique qui sont venus nous présenter un mémoire, puis on nous a parlé justement, tout comme vous, d'interdire le tabagisme dans les établissements de santé partout au Québec, les centres jeunesse aussi, et aussi les centres de soins de longue durée. Et je leur ai posé la question suivante, que je vais vous reposer : On fait quoi de la marijuana thérapeutique?

Mme Damestoy (Nicole) : Bien, on ne s'est pas spécifiquement penchées sur la question — vous avez vu que le mémoire est muet à ce sujet — puisqu'on a vraiment pris, je dirais, une lunette d'analyse qui portait sur les conséquences à la santé publique, donc on regarde les impacts sur la population en général. Par contre, donc, l'utilisation de la marijuana, on rentre vraiment plus dans une dynamique thérapeutique. Donc, il n'y a pas de positionnement officiel, je dirais, de l'institut, on n'a pas étudié la question spécifiquement.

Par contre, c'est sûr que, d'un point de vue clinique, il y a plusieurs... différentes manières de prescrire la marijuana, il n'y a pas uniquement la marijuana qui est fumée. Mais, à ce moment-là, on rentre dans une relation médecin-patient, finalement, qui n'est pas du ressort de la santé publique.

Mme Charlebois : Parce qu'on a eu d'autres échanges pendant l'heure du dîner, vous vous doutez bien, hors commission — ça n'arrête jamais, là — et qu'est-ce que vous diriez si on statuait sur des mesures d'exception? Parce que ce qu'on me disait avant le dîner, c'est que c'est des cas d'exception en ce moment. Admettons qu'il y en a plus, puis ce serait de toute façon dans du traitement à long terme, probablement plus dans les CHSLD que dans les hôpitaux, que ça, ça va être utilisé... Alors, si on faisait du traitement d'exception en abolissant le 40 % mais en gardant une possibilité pour ces personnes-là qui ne pourraient peut-être pas se rendre dans un fumoir, au CHSLD, qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Damestoy (Nicole) : Bien, c'est un peu difficile pour moi de vous donner une réponse songée, puisqu'on n'a pas vraiment étudié la question.

Mme Charlebois : O.K. Vous n'êtes pas plus favorables aux fumoirs dans les établissements de santé, que j'ai pris connaissance?

Mme Damestoy (Nicole) : C'est ça.

Mme Charlebois : Pourquoi?

Mme Damestoy (Nicole) : Bien, en fait, la question des fumoirs dans les établissements de santé, c'est parce que... Bien, en ce moment, les fumoirs sont permis ainsi qu'un certain nombre de chambres fumeurs dans certains types d'établissements, à condition qu'elles soient regroupées. Or, l'analyse de la mise en oeuvre de la Loi sur le tabac démontre qu'il y a des fumoirs qui ne respectent pas les règles du jeu puis que les chambres ne sont pas toujours regroupées, ce qui n'est pas toujours facile à faire non plus, hein, il faut se rendre à l'évidence. Et donc ça expose les patients qui sont non fumeurs de même que le personnel soignant à une exposition involontaire à la fumée de tabac, le fait qu'on ne soit pas capable de respecter les normes ou d'appliquer le regroupement des chambres tel qu'il était prévu initialement. Donc, c'est un peu une impossibilité d'appliquer les mesures qui étaient initialement prévues qui nous amène vers cette réflexion.

Mme Charlebois : Pour le 40 %?

Mme Damestoy (Nicole) : Oui.

Mme Charlebois : Pas pour le fumoir?

Mme Damestoy (Nicole) : Fumoir aussi, oui.

Mme Charlebois : Ah oui?

Mme Damestoy (Nicole) : Peut-être, Mme Montreuil peut compléter, puisque...

Mme Montreuil (Annie) : Bien, selon le rapport de mise en oeuvre de la Loi sur le tabac 2005-2010, il était rapporté que plusieurs des fumoirs ne respectaient pas les conditions qui étaient énoncées dans le projet de loi, donc d'avoir des... de fonctionner avec pression négative, une ventilation indépendante, d'avoir des portes qui s'ouvrent et qui se ferment automatiquement. Donc, toutes ces conditions-là font en sorte d'empêcher que la fumée sorte, et se propage ailleurs, puis expose d'autres personnes que les gens qui sont à l'intérieur du fumoir. Donc, il semblerait, selon le rapport de mise en oeuvre de la loi, qu'il y avait plusieurs problèmes au Québec, là, concernant ces fumoirs-là. Donc, c'est pour cette raison-là et aussi parce que c'est cohérent avec la mission des établissements de santé d'empêcher qu'il y ait des fumoirs et des chambres fumeurs.

Dans certains établissements, ça peut sembler plus difficile à implanter. Mais, comme on l'a documenté dans le mémoire, on a des exemples de... on a des données, en fait, sur les clientèles, comme celles qui souffrent de problèmes de santé mentale, les gens qui sont aux prises avec des problèmes de dépendance à d'autres substances. Ces personnes-là, bien qu'elles fument en plus grande proportion que la population en général, elles veulent autant que les autres arrêter de fumer. Et souvent les professionnels ou les intervenants sont réticents à... ce sont surtout les professionnels et les intervenants qui ont des réticences à intervenir auprès de ces personnes-là pour le renoncement au tabac.

Mais finalement on a des expériences québécoises qui démontrent que les gens sont intéressés à se débarrasser de leur dépendance. Et même les gens aux prises avec des problèmes de santé mentale veulent arrêter de fumer. Et, lorsqu'on les accompagne et qu'ils ont un soutien, c'est quelque chose qu'il est possible de faire. Alors, puisqu'on a de plus en plus d'évidence qui démontre que c'est faisable, donc on est allées de l'avant avec cette recommandation-là.

Mme Charlebois : Il y a déjà des établissements à Montréal, si je ne m'abuse, qui ont fait de leur établissement un établissement sans fumée.

Mme Montreuil (Annie) : Après nous, vous allez entendre l'Institut Philippe-Pinel, vous pourrez leur demander plus de détails là-dessus.

• (14 h 30) •

Mme Charlebois : Oui, c'est ça. C'est certain qu'on va leur demander comment ils ont accompagné les gens, et tout.

Je vais aussi vous amener sur les terrasses, parce que c'est un... et puis le neuf mètres. C'est deux sujets, là, qui font parler beaucoup par les temps qui courent. Commençons par les terrasses. On nous dit que... certaines personnes nous disent que nous exagérons et qu'il faudrait permettre la moitié ou, encore là, un fumoir. J'entends votre position que, non, on ne va pas si loin que ça, qu'il faut absolument demander aux restaurateurs et aux propriétaires de bar d'interdire la fumée de cigarette sur les terrasses. Est-ce que vous croyez que c'est mission impossible ou si vous croyez que ça va être facilement fait? Est-ce que vous croyez que la société est rendue là?

Mme Damestoy (Nicole) : Je ne pense pas que ça soit mission impossible, au contraire. Puis la fumée... Bien, comme on explique dans le mémoire, la fumée de tabac sur la terrasse... je fais référence au fait qu'on devrait réserver 50 % de la... on pourrait réserver 50 % de la terrasse à des fumeurs. La présence des particules fines associées à une cigarette consommée sur une terrasse fait monter les composantes et l'exposition des gens qui sont autour. Ça, c'est un fait. C'est très variable, l'exposition qu'on peut avoir sur une terrasse, ça dépend du nombre de fumeurs, de comment ils sont assis sur la terrasse, comment le vent tourne, etc. Et donc l'exposition sur la terrasse, pour les clients, soit, mais ce qui nous concerne particulièrement, c'est l'exposition pour les travailleurs qui ont à venir servir les clients de manière répétée pendant de longues heures, et eux ont une exposition répétée à la fumée secondaire. C'est mission possible, puisque ça ne serait pas la première province, au Québec, qui appliquerait une telle mesure. Je ne sais pas si mes collègues aimeraient compléter.

Mme Montreuil (Annie) : Bien, on pourrait ajouter qu'on a des données qui démontrent que 70 % des Québécois sont d'accord pour interdire de fumer sur une terrasse, alors on n'a pas vraiment de raison de croire que ça ne se passerait pas bien. Quand il a été interdit de fumer à l'intérieur des restaurants et des bars, contrairement à ce qu'on appréhendait, ça s'est bien passé et ça a bien été respecté, puis aujourd'hui tout le monde en profite.

Mme Charlebois : Est-ce que vous croyez que ça va prendre une surveillance supplémentaire ou si les Québécois, Québécoises sont rendus là? On n'a pas besoin d'une police pour se faire dire : Non, tu ne peux pas fumer? Si on met de l'affichage, si on dit aux gens : Maintenant, la loi, c'est que tu ne peux plus fumer sur une terrasse... Pensez-vous que ça prend absolument quelqu'un pour aller vous dire : Non, allez fumer en dehors de la terrasse?

Mme Montreuil (Annie) : Bien, je pense que, pour ces mesures-là, on peut sûrement s'inspirer de ce qui a été fait dans les autres provinces. Donc, ils peuvent nous indiquer s'il y a des mesures peu coûteuses, faciles à implanter, qui facilitent le respect de la loi. Par exemple, dans d'autres... je pense à d'autres contextes, là, mais, dans les immeubles résidentiels, le fait de mettre des affiches qui indiquent : Ici, c'est interdit de fumer, bien, ça donne plus de légitimité aux non-fumeurs de dire : Bien, regardez, vous ne pouvez pas fumer ici parce qu'il y a une... comparativement à quand il n'y a pas d'affichage comme ça. Donc, ça, c'est une mesure qui est relativement peu coûteuse puis qui peut faciliter l'implantation, incluant la participation des autres personnes, là, pour faire respecter la loi.

Mme Damestoy (Nicole) : Sept Québécois sur 10 se disent déjà en faveur. Puis il faut faire appel, je dirais, à la bonne volonté des fumeurs. La plupart des gens, quand c'est interdit, respectent les interdictions, hein?

Mme Charlebois : Oui. Puis je pense qu'honnêtement, pour avoir jasé avec des fumeurs, c'est des gens respectueux, quand même, pour la plupart. Puis il y a plusieurs provinces qui l'ont mis en application — pour renforcer vos propos — et on pourra toujours, comme vous le dites, s'inspirer de la pratique, comment ils ont pu faire ça. Puis j'ai même le goût de vous dire qu'il y a actuellement, déjà, des propriétaires de restaurant qui le font, des bannières, mais aussi des propriétaires indépendants, et je me demande comment ils ont réussi à le faire.

Il y a le neuf mètres aussi qui nous interpelle. Encore là, les commerçants... Vous savez, quand on fait des projets de loi comme ça puis qu'on veut protéger la santé des gens, on ne se lève pas le matin en se demandant qu'est-ce qu'on peut faire pour embêter les gens. Ce n'est pas ça, le but de l'exercice, c'est de protéger la santé de l'ensemble de la population. Et là, quand on a mis la norme de neuf mètres, c'était justement neuf mètres de la porte, évidemment, jusqu'à concurrence de la fin de la propriété de l'établissement. Parce qu'il y en a qui pensaient qu'on envoyait les gens fumer au milieu de la rue, mais ce n'est pas le cas, là, on ne veut pas faire tuer personne en voiture.

Mais, ce que j'allais vous dire, ce neuf mètres-là semble problématique justement pour ces propriétaires d'entreprise là qui disent qu'ils, encore là, vont devoir avoir à mettre du personnel à l'extérieur pour superviser ce type de réglementation là. Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que c'est dans le même esprit que pour les terrasses, vous croyez? Est-ce que vous pensez qu'on peut aller aussi loin que ça, non seulement pour la santé publique... Parce qu'on a des statistiques et des enquêtes qui nous disent que, oui, il faut s'éloigner de l'établissement pour justement la qualité de l'air, et tout. Mais, au-delà de tout ça, est-ce que vous pensez qu'on peut aller aussi loin que ça non seulement pour la santé publique... Parce qu'on a des statistiques et des enquêtes qui nous disent que, oui, il faut s'éloigner de l'établissement pour, justement, la qualité de l'air, et tout, mais, au-delà de tout ça, est-ce que vous pensez qu'on peut... on va trop loin ou qu'on peut aller jusque-là avec le neuf mètres, pour demander aux gens d'aller fumer plus loin? Pourquoi on demande ça, là? Moi, j'ai la réponse, mais je veux vous entendre.

Mme Damestoy (Nicole) : Bien, encore une fois, le neuf mètres est, je dirais, un principe qui démontre à quel point l'utilisation du tabac, et l'exposition à la fumée de tabac, est nocive pour la santé des non-fumeurs. Donc, c'est un principe qui s'appliquait jusqu'à présent à certains lieux qui, dorénavant, si le projet de loi... serait dans tous les lieux publics et tous les lieux de travail. Donc, c'est vraiment un geste significatif par rapport à ce qu'on comprend de cette exposition involontaire. Est-ce que c'est nécessaire d'aller mettre des gens pour surveiller? Bien, je pense qu'il y a une notion de logique et d'intelligence des fumeurs. Comme on disait tantôt, les gens sont respectueux la plupart du temps sans nécessairement avoir quelqu'un qui les surveille. Mais je veux passer la parole à ma collègue Mme Tremblay, qui...

Mme Tremblay (Michèle) : Oui, oui. Je veux juste renchérir sur ce que Mme Damestoy vient de dire. C'est que, dans le fond, on a aussi une évolution de la norme sociale, dans le sens que, quand le projet de loi a été adopté en 2005 et on a interdit de fumer à neuf mètres des établissements, de certains établissements, c'étaient les établissements de santé, entre autres. Mais, quand vous allez l'hôpital, il y a un neuf mètres, et les gens font très bien l'association que ce n'est pas très sain d'avoir à passer à travers un nuage de fumée, définitivement.

Donc, je pense que la norme, au niveau de notre société, elle est rendue là puis je considère aussi que les fumeurs sont assez respectueux, sont très conscients, dans le fond, que c'est dommageable pour la santé des non-fumeurs. Ils souhaitent vraiment arrêter de fumer, ils ne sont juste pas rendus... ils n'ont pas réussi encore, mais ils vont réussir à arrêter de fumer éventuellement. Puis je pense qu'il faut aussi se rappeler qu'on a 80 % de non-fumeurs au Québec, et donc des gens qui ne sont... ils sont chanceux, ils ne sont pas dépendants du tabac, mais qui ne devraient pas avoir à subir cette exposition-là quand on arrive près des édifices publics.

Mme Charlebois : 80 % de non-fumeurs, c'est quand même considérable.

Mme Tremblay (Michèle) : Il faut ne pas l'oublier, quand même.

Mme Charlebois : Bien, voilà.

Mme Tremblay (Michèle) : On l'oublie souvent.

Mme Charlebois : Exact, exact. Et, quand on passe à travers une haie d'honneur de nicotine, pour ceux qui ont arrêté de fumer, comme certaines personnes que je connais, dont moi, bien, c'est un rappel direct, direct, puis c'est une renormalisation du geste de fumer. Alors, si on éloigne, je pense que c'est un plus.

Je vais vous faire parler de la cigarette électronique, évidemment. Vous vous doutez bien qu'on ne peut pas passer outre ce sujet-là. Et je vais... Ça va même m'amener à parler de l'Institut national de santé publique, dans le sens où votre mission... vous allez chercher vos données où, votre mission, c'est exactement quoi. Puis, quand on parle de cigarette électronique en ce moment, on passe notre temps à dire qu'il n'y a pas d'étude. Puis vous savez comme moi qu'il y a un principe en santé publique qui dit que, quand on n'a pas d'étude concluante à long terme, on ne peut... il y a un principe de précaution. Alors, c'est pour ça qu'on a encadré la cigarette électronique comme elle l'est en ce moment. On l'a amalgamée avec les produits du tabac. Il y a les mêmes usages, les mêmes interdictions, les mêmes points de vente, les mêmes conséquences et, dans la vente, où on peut l'utiliser, à qui on peut vendre, et etc.

J'aimerais ça vous entendre sur... Un, on a laissé le choix des saveurs, mais on s'est gardé une porte ouverte qui, par règlement, nous permettrait, si on s'aperçoit qu'il y a une petite dérive, que les jeunes se mettraient à fumer ça ou que même... que la prévalence au tabac augmenterait pour l'ensemble de la population, parce que ce serait une passerelle, bien, que nous puissions réglementer pour, justement, interdire les saveurs plus tard. Ça, c'est le premier élément.

Le deuxième élément, je veux que vous me parliez des études concluantes — en fait, c'est votre travail, je pense — c'est de ça que je voudrais vous entendre, parce que les gens ont l'air sceptiques quand on dit ça.

La Présidente (Mme Hivon) : Il reste un 40 secondes pour répondre. Mais peut-être que le sujet va revenir.

• (14 h 40) •

Mme Damestoy (Nicole) : Oh! je vais aller sur la mission de l'Institut national de santé publique. Donc, nous sommes le centre d'expertise et de référence en santé publique au Québec, et notre mission est de documenter avec la littérature scientifique pour aider les décideurs à prendre leurs décisions qui ont des impacts sur la santé publique, donc qu'est-ce qu'on connaît, qu'est-ce que la science nous dit qu'il faut faire ou qui fonctionne, qu'est-ce que la science nous dit qui ne fonctionne pas et qu'est-ce qu'on ne connaît pas.

Et, dans le domaine de la cigarette électronique, il y a beaucoup d'incertitudes encore aujourd'hui. Il y a certaines études qui émergent, notamment par rapport à l'efficacité de la cigarette électronique pour aider les fumeurs à cesser, mais il y a seulement deux études qui ont été faites de manière rigoureuse qui commencent à examiner cette question, donc c'est très insuffisant avant de conclure définitivement. Et il y a certains éléments d'étude qui nous laissent présumer qu'il pourrait y avoir un lien, chez les jeunes en particulier, entre l'utilisation de la cigarette électronique et une utilisation éventuelle de la cigarette traditionnelle, ou, disons, un intérêt. Mais on n'a pas encore suffisamment de données pour être en mesure d'affirmer qu'il y a vraiment un lien de cause à effet. Mais il y a quand même des doutes, des incertitudes qui nous font croire que ce que vous avez mis de l'avant, qui est une approche très prudente, surtout par rapport à l'attrait que la cigarette électronique a envers les jeunes, c'est une mesure qui nous semble très prometteuse, parce que...

La Présidente (Mme Hivon) : Je vous remercie, je vous remercie. On doit cesser ici, mais peut-être que ça va revenir. Donc, je cède maintenant la parole, pour une période de 13 minutes, à l'opposition officielle.

M. Lisée : Merci, Mme la Présidente. Dre Damestoy, Dre Laguë, Dre Tremblay, Mme Montreuil, merci d'être là. Effectivement, vous avez fait un travail de recension scientifique important. Je vais vous parler de plusieurs sujets mais d'abord d'un élément qui est absent du projet de loi, qui est l'emballage neutre ou standardisé. Il y a un débat... bien, il y a un débat... je ne pense pas qu'il y ait un débat scientifique, mais les cigarettiers affirment qu'il y a un débat, c'est leur façon d'essayer de semer le doute, sur l'efficacité de la mesure. Vous citez un certain nombre d'études subséquentes à la décision de l'Australie d'imposer l'emballage standardisé. J'aimerais ça que vous nous en fassiez un résumé. Quelle est la connaissance scientifique, en ce moment, de l'impact de l'emballage neutre sur la consommation, la volonté de quitter le tabagisme?

Mme Damestoy (Nicole) : Alors, je passerais la parole immédiatement à ma collègue qui a examiné cette question en particulier.

Mme Tremblay (Michèle) : Bien, écoutez, l'expérience de l'Australie, elle est jeune. Ce qu'on avait comme études auparavant, c'étaient plutôt des études où on allait valider avec des adultes fumeurs ou avec des jeunes. On leur montrait des paquets, que ce soit un paquet neutre ou un paquet de marque, et on leur demandait toutes sortes de questions par rapport à l'attrait que ça pourrait avoir, par rapport à leur perception de la nocivité des cigarettes qui se trouveraient dans un paquet neutre versus un paquet qui est de marque. Et c'était déjà assez intéressant de voir que, dans le fond, les paquets brun foncé, pas très intéressants, avec des grandes mises en garde, les gens percevaient que c'était un produit de qualité moindre. Ce que l'Australie a fait en...

M. Lisée : Ils ont l'impression, en voyant un paquet qui est neutre, qui est standardisé, qui n'est pas attrayant...

Mme Tremblay (Michèle) : Voilà. Voilà, absolument.

M. Lisée : ...ils en tirent la conclusion que ça ne doit pas être de bonne qualité.

Mme Tremblay (Michèle) : Voilà. Vous m'avez bien comprise. Depuis décembre 2012, avec l'Australie qui a décidé d'aller de l'avant avec l'emballage neutre, ils ont commencé à faire des études, ils ont fait ce même genre d'études, à savoir auprès de fumeurs qui avaient vu... depuis que l'emballage neutre était en place, quelle était leur perception du paquet, et ils ont retrouvé à peu près la même chose, c'est-à-dire que le paquet n'était pas vraiment attrayant. Puis je ne sais pas si vous avez vu les paquets, c'est brun olive, c'est vraiment la couleur la plus inintéressante qu'il n'y a pas. Et donc ils ont aussi...

Il faut dire qu'en Australie, par la même occasion, ils ont décidé d'augmenter la grandeur des mises en garde sur le paquet. Donc, ce que ça a fait, c'est que, dans le fond, les mises en garde ont été beaucoup plus remarquées sur ce type de paquet là que lorsqu'on avait un paquet bleu pâle, avec toutes sortes de beaux dessins graphiques où là on distrayait les gens de ça.

Donc, à la fois chez les adultes, ils ont remarqué ça, donc diminution de la perception de l'attrait, c'est déjà une première chose, diminution de la perception de la qualité des cigarettes. Ils avaient l'impression que le style de vie qu'on veut faire porter avec la marque de cigarettes, ça ne leur appartenait plus puis ce n'était pas eux...

M. Lisée : C'est moins sexy, là, pour... On pogne moins avec ce paquet-là qu'avec des paquets attrayants. Voilà.

Mme Tremblay (Michèle) : Absolument. Et ce qu'ils ont aussi remarqué, c'est que, dans le fond, la mise en garde étant tellement prédominante sur l'emballage neutre, le fumeur, lorsqu'il fume 20 fois par jour, son paquet, il le sort, il le regarde et il tombe toujours sur la mise en garde et l'image qui est très forte, et donc ça le porte à réfléchir — il sait très bien que ce n'est pas bon pour la santé, mais il a besoin de fumer — et donc ça le portait à réfléchir plus à l'idée d'arrêter de fumer. Et ils ont même observé que les fumeurs avaient plus l'intention... et qu'ils cachaient leurs paquets pour ne pas voir la mise en garde, et même qu'ils cessaient en plus grande proportion de fumer. Ce sont des premières études et...

M. Lisée : Ils cessaient en plus grande proportion de fumer...

Mme Tremblay (Michèle) : Oui, ils faisaient...

M. Lisée : ...à cause des mises en garde et de la nouvelle présentation non attractive du paquet.

Mme Tremblay (Michèle) : Voilà. Bien, je vous dirais qu'ils faisaient plus une tentative d'abandon du tabac. Puis on le sait que, quand on fait une tentative d'abandon du tabac, on n'a pas 95 % de taux de succès, c'est très difficile. Mais ça, ce sont des données qui sont extrêmement intéressantes, parce que, là, on n'est plus dans l'essai, la perception, on commence à être dans l'intention et le comportement dans un monde réel. Et donc cette expérience-là, elle est extrêmement intéressante.

M. Lisée : D'accord. Donc, il y a toutes les raisons qui militent en faveur du fait que le Québec devrait faire comme l'Australie pour avoir des résultats comparables.

Mme Tremblay (Michèle) : Absolument. Parce que, dans le fond, ce n'est pas qu'auprès des adultes que ça incite à arrêter de fumer, ça a aussi un impact au niveau des jeunes, qui sont extrêmement intéressés, ils ont été ciblés depuis tellement d'années par les sortes de paquets de cigarettes. Puis je pense que les gens de d'autres organismes vous en parleront, mais les paquets... c'est incroyable la quantité de sortes de paquets, des paquets sous forme de briquets, des paquets qui ressemblent à des boîtiers cosmétiques. Et donc, toutes les stratégies pour rendre le paquet très attrayant, très cool, c'est les jeunes que ça vise en grande partie.

M. Lisée : Il y a un chiffre ici, dans votre mémoire : «Finalement, l'introduction de l'emballage neutre en Australie [a] engendré une hausse [...] de 78 % des appels à la ligne d'aide à l'arrêt tabagique.» C'est considérable.

Mme Tremblay (Michèle) : Voilà. C'est considérable et ça s'est poursuivi sur une longue période de temps.

M. Lisée : Sur un autre sujet, bon, les terrasses. On va avoir M. Sergakis, tout à l'heure, qui va venir nous dire que, finalement, ce n'est pas très grave qu'il y ait de la fumée sur les terrasses, et qu'on devrait avoir des sections fumeurs et non-fumeurs séparées d'un mètre et demi, et que, si on ne fait pas ça, il va nous poursuivre. Bon, alors, on est... on tremble dans nos bottes, là, on a hâte d'en discuter avec lui tout à l'heure.

Mais ce que j'ai trouvé plus intéressant, c'est les détaillants, des gens des bars et des restaurants qui ont des terrasses, qui nous disent : Bon, bien, écoutez, on avait interdit à l'intérieur du restaurant parce qu'il y avait la possibilité d'aller sur la terrasse. Là, maintenant, on va interdire sur la terrasse, et là, évidemment, le fumeur... Parce qu'on dit : Oui, il y a 80 % de fumeurs, oui, il y a 20 %...

Mme Tremblay (Michèle) : Pas de fumeurs...

M. Lisée : ...de non-fumeurs. Il y a 80 % de non-fumeurs, très bien. Oui, mais ça veut dire qu'il y a 20 % de fumeurs, puis on dit : 1 million... vous avez dit : 1 million de Québécois qui fument. Ça fait quand même beaucoup de monde. Puis je suis sûr que la majorité d'entre eux savent que c'est mauvais pour la santé, aimeraient arrêter de fumer. Moi, mon père, il arrêtait de fumer tous les deux mois. Je veux dire, il le savait que c'était mauvais pour la santé.

Et il y a la moitié d'entre eux qui ont dit, dans le sondage Léger, qu'ils étaient favorables à l'interdiction sur les terrasses, il y en a la moitié d'entre eux qui ont dit qu'ils étaient défavorables à l'interdiction. Donc, on a quand même, là, une minorité significative de fumeurs qu'on va affecter dans leur vie personnelle et parfois à leur corps défendant. Vous avez parlé : J'aimerais arrêter de fumer, j'ai essayé six fois, je n'y arrive pas; si je vais à la terrasse, ça me prend ma cigarette au moins à l'heure. Tu sais, c'est physique, là, c'est du poison, ça. Vous le savez que c'est du poison, hein?

Bon, alors là, on dit : Écoutez, vous ne pourrez pas fumer sur la terrasse, il n'y aura pas de section fumeurs, non-fumeurs, et en plus vous ne pouvez pas fumer à neuf mètres autour. Et vous, vous avez fait... Vous avez regardé dans les provinces, il y en a que c'est trois mètres, il y en a que c'est quatre mètres, il y en a que c'est neuf mètres, il y en a que ce n'est rien, il n'y a rien de prévu. Sauf que, dans plusieurs cas, on va avoir une situation où, sur la Grande Allée ou sur la rue Crescent, bien, c'est des terrasses une à côté de l'autre et qui donnent directement sur la rue, et donc les fumeurs vont se mettre sur le trottoir où ce n'est pas interdit, et il va y avoir des amas de fumeurs à côté des terrasses. Comment on résout ce problème-là?

Mme Montreuil (Annie) : Bien, d'abord, je voudrais répondre à la proposition de mettre des zones fumeurs et non-fumeurs. Ce que les études démontrent, c'est d'abord que, l'exposition aux particules fines, on est capables de la mesurer même sur une... dans un lieu extérieur comme une terrasse. Les seuils ne dépassent pas toujours les conditions qui sont... c'est-à-dire les normes des organismes de santé comme l'OMS, mais il reste quand même qu'on est capables de... on voit, on est capables de déceler chez les gens, dans l'air... les tests qui sont faits avec des machines, dans l'air mais aussi dans le sang puis la salive des non-fumeurs exposés, qu'il y a une augmentation. On est capables de déceler les biomarqueurs de l'exposition à la fumée de tabac chez eux. C'est hautement variable, selon le vent, selon le nombre de fumeurs, la proximité de fumeurs, l'endroit où la terrasse est placée. Est-ce qu'on est au centre-ville avec des gratte-ciel ou on est dans un club de golf? Donc, ça va faire une énorme différence sur la quantité. Puis, au niveau des moyennes entre toutes ces différentes conditions là, on est quand même capables de déceler une augmentation des marqueurs de l'exposition à la fumée, on est capables de la mesurer.

Alors, l'idée de faire une zone fumeurs et non-fumeurs sur la terrasse, étant donné que la fumée voyage comme ça de... Je veux dire, ça ne fonctionne pas à l'intérieur, ça ne fonctionne pas plus à l'extérieur. Donc, ce serait une mesure inutile, en fait.

Les fumeurs, six mois par année, quand c'est l'hiver, ils n'y vont pas, sur la terrasse. Qu'est-ce qu'ils vont... Ils vont fumer à l'extérieur. Ces mesures-là ont aussi un impact sur le changement de comportement des gens. Rappelez-vous, en 2005, lorsqu'il était interdit de fumer à l'intérieur des restaurants et des bars, à l'institut on a fait une étude, on a suivi des... bien, on ne les a pas suivis, on les a interrogés, on les a interviewés au téléphone, un groupe de fumeurs, une cohorte de fumeurs et d'anciens fumeurs récents qu'on a appelés un mois avant l'interdiction et un an et demi après, et ce qui est ressorti de ce sondage-là, c'est que, notamment pour les restaurants, la moitié des fumeurs qui fumaient avant au restaurant, à l'intérieur, la moitié ne fumaient plus quand ils allaient au restaurant, donc ils ne prenaient même pas la peine de sortir pour aller fumer, ils ne fumaient plus, puis l'autre moitié continuait à fumer. Dans les bars, c'était plus élevé, mais les gens sortaient, puis on voyait qu'ils fumaient un moins grand nombre de cigarettes, mais ils allaient fumer dehors et puis...

• (14 h 50) •

M. Lisée : D'accord. Mais, dans l'état actuel du projet de loi, sur Grande Allée, ou sur Crescent, ou sur Mont-Royal, où il y a des terrasses une à côté de l'autre, l'endroit où les fumeurs pourraient fumer, c'est sur la voie publique. C'est problématique.

Mme Montreuil (Annie) : C'est problématique, mais ça ne veut pas dire que c'est impossible à faire. Puis, s'il y a plusieurs autres provinces qui ont réussi, d'autres grandes villes à travers le Canada ont réussi — Montréal, Québec, c'est parmi les dernières grandes villes où ce n'est pas interdit de fumer sur les terrasses — alors il y a sûrement moyen de... Nous, on n'a pas regardé cet élément-là dans notre mémoire, mais, si on regarde un peu ce qui se fait autour de nous, il y a sûrement... on peut sûrement aller puiser dans les expériences des autres provinces pour trouver des façons de rendre ça faisable et...

M. Lisée : Très bien. Bien, ça, ça m'intéresse beaucoup, parce que, tu sais, si on disait que le neuf mètres s'applique à l'espace public, bien là, la Grande Allée serait complètement une rue non-fumeurs, tout simplement.

Une voix : Ce serait une bonne chose.

M. Lisée : Vous, vous dites que ce serait une bonne chose. Bien, c'est une...

Une voix : Un trottoir.

M. Lisée : Oui, un trottoir, mais c'est parce que, justement, si tu as trois fumeurs qui vont sur le trottoir de la Grande Allée et qui fument à côté de la terrasse qui est non-fumeurs, bien, c'est comme s'il y avait une section fumeurs dans la terrasse, parce que l'exposition à la cigarette est la même.

Mme Tremblay (Michèle) : Mais je serais portée à vous dire...

M. Lisée : Pardon?

Mme Tremblay (Michèle) : Je serais porté à vous dire que les fumeurs, oui, quand ils fument un paquet par jour, vont avoir des fortes envies de fumer de façon régulière aux heures, mais il y a des gens qui se promènent en avion pendant six, sept, huit heures, alors il y a possibilité de se retrouver dans une situation sans avoir à aller fumer aux heures. Il y aurait sûrement des alternatives qu'ils pourraient utiliser si le manque est trop grand. Et je ne suis pas certaine que les gens vont passer des cinq, six heures sur les terrasses non plus. Puis souvent, quand on est au resto, on peut passer deux heures, les gens vont fumer dehors une cigarette puis ils reviennent.

M. Lisée : Oui, mais on sait que les fumeurs sortent par moins 20° pour aller fumer, alors ils sont résilients, ils sont résilients.

Mme Tremblay (Michèle) : C'est clair.

M. Lisée : Sur la question des espaces sportifs, je suis un peu scandalisé d'apprendre, en vous lisant, qu'on peut fumer à la pataugeoire en ce moment, sauf dans Côte-Saint-Luc, qui semble un des endroits au Québec où on disait : Bien, non, dans les parcs, dans les pataugeoires, etc., on n'a pas le droit de fumer, y compris à neuf mètres des pataugeoires. Alors donc, moi, je suis tout à fait d'accord avec vous. Je fréquente des pataugeoires, compte tenu de l'âge de mes enfants, mais je n'ai jamais vu personne fumer. Alors, je pense que ça devrait devenir une règle générale.

En ce moment, la loi interdit l'utilisation de cigarettes dans les espaces sportifs fermés mais pas les espaces ouverts comme le Stade Saputo ou le stade Molson. Est-ce que vous, vous proposez que, même dans des endroits sportifs ouverts, ce soit interdit?

La Présidente (Mme Hivon) : Je vous demande une réponse en 15 secondes.

M. Lisée : Oui ou non?

Mme Montreuil (Annie) : Bien, ce qu'on propose... Oui.

M. Lisée : Oui? Merci.

Mme Montreuil (Annie) : Mais, ce sur quoi on s'est penchés, on pensait plus aux endroits publics de jeu qui s'adressent aux jeunes et aux adolescents. On avait vraiment la perspective de diminuer l'exposition sociale des jeunes et des adolescents, parce qu'on sait que ça entraîne une augmentation de l'initiation au tabagisme puis que c'est cohérent avec plein d'autres mesures qui sont déjà en place pour diminuer la visibilité du tabac pour les jeunes.

La Présidente (Mme Hivon) : Merci. Merci beaucoup. Alors, je vais maintenant céder la parole au deuxième groupe d'opposition pour une période de neuf minutes. M. le député de Groulx.

M. Surprenant : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Alors, j'aime bien le débat au niveau des terrasses, puis on va y revenir tantôt, mais j'ai une question peut-être un peu plus pragmatique, pour l'instant, plutôt que sociale, au niveau comportemental, social. Alors, vous avez mentionné que vous suggéreriez un huit heures précédant l'ouverture d'une garderie pour éviter qu'il y ait de la fumée et la toxicité que cela peut avoir, également ce qui s'imprègne au niveau des objets pour les enfants, parce qu'ils mettent ça dans leurs bouches, le risque que ça peut avoir au niveau de la santé, qui, pour l'instant, est inconnu.

Alors, dans un mémoire qu'on a reçu plus tôt, on n'en avait pas fait état, le mémoire venait de la Fondation des maladies du coeur. Alors, je vais juste vous lire un petit paragraphe qui disait que «même après que la fumée se soit estompée, ces substances toxiques — toxiques, j'ai bien dit, puis là il n'y a pas de doute, il me semble, c'est toxique — peuvent se retrouver sur les surfaces environnantes, un effet appelé fumée tertiaire». Alors, c'est un concept qu'on ne connaissait pas. On a la fumée secondaire, mais là on parle de fumée tertiaire.

Alors : «Une étude [a été] publiée dans la revue Pediatrics [et] nous apprend que plusieurs personnes ne sont pas conscientes de ce problème. "Nous savons que certaines composantes de cette fumée tertiaire sont toxiques. Les résidus de quelque 250 métaux, substances chimiques et autres éléments toxiques contenus dans la fumée de cigarette s'incrustent dans les meubles, les tentures, les tapis et les autres surfaces et y demeurent longtemps après que la fumée se soit dissipée..."»

Alors, ça peut s'appliquer à une garderie, mais je vais faire l'avocat du diable et je vais parler de l'automobile. Alors, quand les gens fument dans l'auto... Là, on parle d'interdire que les gens fument alors que leurs enfants sont dans l'auto. Mais, vous savez, les gens fument même quand les enfants ne sont pas là. Il y a des conséquences à ça. Il y a des tissus dans les autos, alors ça absorbe la fumée, puis ça reste là. Puis même les gens peuvent avoir fumé, et, quelques minutes après, tout le monde embarque dans l'auto et on part, donc il y a de la boucane encore en suspens. Alors, est-ce qu'on ne devrait pas, de ce côté-là aussi, envisager d'interdire de fumer un certain temps avant que des enfants entrent dans l'auto, finalement?

Mme Damestoy (Nicole) : Bon, alors, je vous dirais : Il faut commencer quelque part et, en ce moment, à l'intérieur des véhicules automobiles... Donc, ça, c'est bien démontré que la concentration des composés toxiques associés à la fumée secondaire peut augmenter très rapidement dans une voiture, surtout quand les fenêtres sont fermées, puis, au Québec, les fenêtres, elles sont fermées souvent. Et c'est cette exposition de courte durée à des niveaux très intenses qui nous préoccupe en ce moment, et, en ce moment, il n'y a rien pour protéger les enfants de cette exposition-là.

Par contre, vous avez raison, c'est-à-dire que, l'utilisation de la cigarette dans un milieu fermé comme une voiture, c'est sûr que ça fait des composants qui se déposent puis c'est sûr qu'il y a une exposition à la fumée tertiaire aussi. Mais commençons par ce qui est déjà le plus nocif, le plus flagrant. Et, dans le cas de l'exposition des enfants de moins de 16 ans à l'intérieur d'un véhicule automobile, le Québec est la dernière province à se pencher sur cette mesure. Un.

Deux, l'exposition des enfants à des produits de fumée tertiaire à l'intérieur d'un véhicule est pas mal moins grande, en durée, que l'exposition qu'ont des enfants dans une garderie, qui y passent jour après jour l'entièreté de leurs journées. Ça atteint un niveau d'exposition plus grand. Les enfants sont dans la garderie toute la journée, tous les jours et ont des activités qui font en sorte qu'ils ingèrent les particules. Je ne vous dis pas que... C'est vrai, éventuellement, dans la voiture, vous avez raison, mais, en niveau de... Si on a à prioriser les interventions, l'exposition à la fumée secondaire à l'intérieur du véhicule est vraiment celle qu'on devrait prioriser, d'autant plus qu'on est la dernière province à mettre une telle mesure de l'avant.

M. Surprenant : Vous avez dit : À l'intérieur des véhicules, qu'on devrait prioriser?

Mme Damestoy (Nicole) : C'est-à-dire, le fait de fumer lorsque les enfants sont à l'intérieur de la voiture.

M. Surprenant : De fumer, simplement. D'accord, d'accord. Alors, vous dites que le risque serait moins grand dans l'auto parce que les enfants y sont moins longtemps. J'en conviens qu'ils sont généralement moins longtemps dans une auto, quoique parfois on peut faire des longs voyages en voiture, alors... Dans une garderie, les espaces, par contre, sont beaucoup plus grands pour que la cigarette puisse se diluer. Dans une voiture, c'est concentré comme espace. Alors, j'aimerais que... j'apprécierais si vous pouvez m'indiquer le risque de toxicité dans un espace restreint, alors que...

Mais je me souviens, en fait, ma jeunesse... On était six chez moi, et les cinq autres fumaient dans l'auto, évidemment. Moi, je ne fumais pas. Mon père est mort du cancer. Ma mère, elle fait de l'emphysème puis elle va... il ne lui en reste pas longtemps. Alors, je m'attends à ce que moi aussi, un jour, j'écope de ça. Alors, qu'est-ce qu'on peut faire pour que les jeunes d'aujourd'hui n'écopent pas de ça? Parce qu'à mon avis il y a une concentration importante de boucane. Puis les gens, souvent, fument un, deux puis trois paquets par jour, là, bien souvent, puis je l'ai vécu. Alors, de la boucane, il y en avait dans l'auto puis il y en a encore dans les autos, encore, des gens qui fument beaucoup, donc des enfants affectés par ça.

Et on parle... au niveau de la vapoteuse, il y a une faible toxicité. Si on fait une comparaison, dans une auto, la toxicité, une fois que les gens ne fument plus, est-ce qu'elle pourrait être équivalente à une vapoteuse, à la limite? Est-ce que vapoter serait moins pire que de retrouver un enfant dans une auto alors que les gens ont fumé beaucoup puis qu'il y a de la toxicité qui demeure là?

Mme Damestoy (Nicole) : Je vais passer la parole à ma collègue.

• (15 heures) •

Mme Montreuil (Annie) : Je vais commencer par votre dernière question. Donc, ce qui ressort des études actuellement, ce qu'on sait sur les effets de la vapeur de cigarette électronique sur la santé, c'est que c'est beaucoup moins nocif que la fumée de tabac. Ce n'est quand même pas un produit inoffensif, mais il y a beaucoup moins de substances toxiques que dans la fumée de tabac. Quels sont les effets à long terme ou quelle quantité ça prend pour entraîner des... ça, on ne le sait pas encore, il est trop tôt.

Donc, dans une voiture, l'exposition des jeunes à la fumée est très toxique... c'est-à-dire les niveaux peuvent être élevés, puis ils sont confinés parce que l'espace est petit. Donc, la proximité avec le fumeur fait en sorte que l'exposition peut... Il y a des études qui disent... Par exemple, juste pour vous donner un ordre de grandeur, les normes de l'OMS, c'est : au-dessus d'une exposition de 25 à 30 microparticules sur une période de 24 heures, c'est dommageable pour la santé. Alors, dans une voiture, il y a des études qui montrent qu'on peut se rendre à 42. Même sur une courte période de temps comme 10 minutes, si on rapporte sur 24 heures, ça donne une moyenne de 42, donc déjà on dépasse beaucoup les normes. Et les enfants ne peuvent pas, dans une voiture, trouver une autre alternative, dire à leurs parents : Bon, bien, je vais y aller en métro ou... Ils ne peuvent pas se déplacer par eux-mêmes. Donc, c'est pour ça qu'on trouve que c'est une... On recommande d'interdire de fumer dans les voitures en présence d'enfants.

Mais par contre... Puis, dans ce même cubicule là, on peut penser que l'exposition aux vapeurs de cigarette électronique qui... On sait aussi qu'il y a de la nicotine qui est transmise dans la vapeur. Donc, oui, la vapeur est moins nocive que la fumée de tabac, mais, à long terme, dans une voiture, on ne sait pas quels seraient les effets de l'exposition des enfants à ces substances-là. Donc, le fait que l'interdiction de fumer dans la voiture en présence de jeunes s'applique aussi à la cigarette électronique, ce serait logique en fonction de ce qu'on sait aujourd'hui et surtout de ce qu'on ne sait pas aujourd'hui.

Mme Damestoy (Nicole) : Mme Tremblay voulait compléter.

Mme Tremblay (Michèle) : Moi, je pense que vous avez une très bonne idée de sujet de recherche, dans le sens... oui, dans le sens que je ne suis pas... Il faudrait qu'on retourne voir s'il y a vraiment des études... Maintenant qu'on interdit de fumer de plus en plus dans les voitures, ça serait intéressant d'aller mesurer, effectivement, le taux de composantes toxiques qui demeurent quand on ne fume pas en présence d'enfants, mais qui demeurent dans les tissus de voitures. Je trouve que c'est... il me semble que c'est une excellente... Mais je ne crois pas qu'on ait les données, pour l'instant, pour pouvoir comparer si ça, c'est plus nocif que, par exemple, à l'intérieur de milieux de garderie, mais je pense que c'est une excellente idée.

Mais je serais portée à dire, comme Dre Damestoy, que, dans le fond, déjà d'interdire de fumer en présence d'enfants dans les voitures, c'est une première étape, puis effectivement peut-être que, dans quelques années, on sera rendus à une autre étape où, là, on suggérera très fortement aux gens de ne jamais fumer dans leurs voitures à cause des composantes qui y demeurent très longtemps et qui seraient respirées par des gens qui ne fument pas. Donc, moi, je trouve que c'est une très bonne idée de recherche.

M. Surprenant : Merci.

La Présidente (Mme Hivon) : Bon. Alors, je vous remercie. Il reste 20 secondes. Est-ce que vous pouvez être très rapide?

M. Surprenant : Non, en fait, je n'ai pas de question de 20 secondes. Je peux laisser aller.

La Présidente (Mme Hivon) : Pas de... Désolée, c'est rapide. Donc, écoutez, je vous remercie beaucoup, à vous trois, pour une présentation très intéressante.

Et, sur ce, je vais suspendre les travaux quelques instants et demander au prochain groupe de prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 15 h 3)

(Reprise à 15 h 5)

La Présidente (Mme Hivon) : Alors, nous reprenons nos travaux, et je tiens à souhaiter la bienvenue aux représentants, représentante de l'Institut Philippe-Pinel. Donc, je vous invite, pour les fins d'enregistrement, à bien vouloir, d'entrée de jeu, vous identifier, ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Et je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. La parole est à vous.

Institut Philippe-Pinel de Montréal

Mme Fugère (Renée) : Alors, merci de nous avoir convoqués. Mme la Présidente, Mme la ministre, membres de la commission, je suis Renée Fugère, je suis la présidente-directrice générale de l'Institut Philippe-Pinel de Montréal. À ma droite, il y a le recteur, Paul-André Lafleur, qui est médecin psychiatre et qui, au moment de l'implantation du projet d'Hôpital sans fumée, était le directeur général, donc il est l'artisan de ce projet. Et, à ma gauche, il y a M. Jean-Sébastien Turcotte, qui est le directeur des soins infirmiers, direction des programmes de l'institut, qui viendra témoigner, si vous voulez, de l'évolution depuis les 10 dernières années. Dr Lafleur se concentrera sur l'historique et aussi le processus d'implantation.

M. Lafleur (Paul-André) : Peut-être commencer en vous disant qu'en psychiatrie c'est particulier, c'est-à-dire que la cigarette a toujours été beaucoup plus tolérée que dans d'autres milieux de la santé. On fait toujours une distinction, et ça paraît même dans le projet de loi. Pour dire combien on revient de loin, l'Institut Philippe-Pinel de Montréal, dans le temps où j'ai accédé à la direction générale, non seulement les patients pouvaient fumer et partout, mais encore, nous leur fournissions les cigarettes. Et les membres du personnel de l'unité aidaient les plus malades à rouler leurs cigarettes, parce qu'évidemment, pour économiser un peu, c'était du tabac et du papier. Donc, nous partions de loin.

Mais il a fallu bouger, il a fallu évoluer, pour différentes raisons. D'abord, je pense qu'il y a eu de la sensibilisation croissante non seulement de la population, mais en particulier des gens qui travaillent dans le domaine de la santé, donc des membres du personnel de l'Institut Philippe-Pinel de Montréal, de certains patients aussi qui ont été de plus en plus inquiets des effets que le tabac pouvait avoir sur eux, et de la fumée secondaire, notamment. Parce qu'il faut savoir que la fumée secondaire, c'est plus tard qu'on a compris à quel point elle était néfaste. On a fait face à des problèmes croissants. J'en nommerais un : le recrutement. On a déjà perdu d'excellentes infirmières qui venaient faire un tour puis qui disaient : Non, moi, je ne viendrai pas travailler dans un milieu aussi enfumé, et on pouvait les comprendre.

Et puis finalement, bien, ce qui nous a donné l'élan, ça a été, évidemment, les nouvelles dispositions, en 2002 et surtout en 2003, par rapport à la Loi sur le tabac de l'époque. On se trouvait... En fait, si on ne modifiait pas nos façons de faire par rapport au tabac, évidemment, on allait être dans l'illégalité. Pour un institut en psychiatrie légale, c'était tout à fait déplorable d'être dans l'illégalité. Alors, on a regardé toutes les possibilités, on a consulté dans les milieux environnants, les autres milieux de la santé, puis il y a des gens qui disaient : Bien, moi, je ne fais rien, on attend que les choses changent, au fond, puis on verra en temps et lieu. Il y a eu des demi-mesures. Par exemple, on reporte le tabac à trois mètres des portes de l'institution, mais, à l'intérieur, on ne regarde pas trop ce qui s'y passe, donc des demi-mesures. Il y a des espèces de mesures inefficaces. On a regardé la possibilité d'établir des fumoirs à l'Institut Philippe-Pinel de Montréal. Pour des raisons architecturales que je vous épargne, ça aurait été un coût absolument faramineux.

Ensuite, bien, il y a les compromis douteux. On a pensé, par exemple, à laisser les patients fumer dehors, les laisser fumer dans leurs chambres. Dans leurs chambres, ce n'était pas possible. 40 % des chambres, seulement, devaient être allouées à des fumeurs. Qu'est-ce qui allait se passer pour... En fait, on avait près de 80 %, 85 % des patients qui fumaient. Qu'est-ce qui allait arriver avec les autres? Fumer dehors, ça pouvait être en contravention avec certaines activités thérapeutiques. On aurait eu constamment de la pression pour permettre aux patients de sortir, et ça pouvait... Aussi, ça brimerait ceux qui étaient plus malades, ceux qui ne pouvaient pas sortir pour différentes raisons. Donc, il fallait qu'on trouve une autre solution, et celle à laquelle on est parvenus, c'est celle de l'Hôpital sans fumée.

Il y a eu plusieurs obstacles à l'établissement d'un hôpital sans fumée. Le premier, c'étaient les mythes qui circulent autour des patients psychiatriques et du tabac. Le premier, le plus important de ces mythes, c'était : ils vont devenir dangereux encore plus. Les patients de l'Institut Philippe-Pinel de Montréal, par définition, sont dangereux. Mais là on s'est fait dire : Ça va être épouvantable, vous allez avoir des passages à l'acte, vous allez avoir des bagarres, et tout ça, ça risque d'être terrible. C'est un mythe.

Et on a pu un peu atténuer les craintes, quoique pas complètement, parce qu'un mythe est difficile à déraciner, par l'expérience qui avait été faite ailleurs, parce qu'on était le deuxième hôpital au Canada à procéder ainsi. Et l'autre institution en psychiatrie qui a fait la même chose, évidemment c'est un hôpital de psychiatrie légale, celui de Penetanguishene en Ontario, sécurité maximum comme nous. Et ils avaient constaté, comme nous devions le faire par la suite, que la violence dans l'institution s'était atténuée avec l'implantation de cette mesure. Donc, ça déboulonnait ce mythe.

• (15 h 10) •

Il y avait la question des droits et libertés. Alors, ça, c'est intéressant parce que justement, Penetanguishene, qui a initié ça quelques années avant nous, il y a un patient de là-bas qui a porté plainte contre l'institution hospitalière et il y a eu un jugement dans cette cause, de la Cour supérieure de l'Ontario, qui était extrêmement intéressant et qui réglait un petit peu cette question-là. En tout cas, on avait des assises légales. Ils avaient dit que, non, ce n'était pas un traitement imposé, c'était une mesure, en fait, pour tout le monde; non, ça n'allait pas à l'encontre de la Charte des droits et libertés, qui ne consacre pas le droit au tabac et qui disait aussi que, même si c'était un lieu de résidence du patient, même si... il y avait d'autres personnes qui évoluaient dans ce milieu et qu'en conséquence on pouvait prendre des mesures semblables. Alors donc, ça, c'est un autre obstacle qui, pour nous, tombait.

Les autres, ils venaient de l'intérieur de l'institution, ils étaient un peu plus pervers. La pitié : C'est tout ce qu'ils ont. La facilité : Quand il fume, il est tranquille. Une certaine mesure de contrôle : Tiens-toi tranquille, sinon tu vas aller à ta chambre puis tu ne peux pas fumer. Alors, vous voyez, donc, il y avait... À l'intérieur des milieux, le tabac souvent fait l'objet d'un usage, je dirais... bon, j'ai utilisé le mot «pervers», là, enfin, donc qui n'est pas tout à fait approprié. Alors donc, ça, c'étaient les obstacles. Il y en avait d'autres de nature plus scientifique. On sait, par exemple, que le tabac accélère le métabolisme. En conséquence, il allait falloir réévaluer la posologie des médicaments qu'on administre, et puis il y avait des aspects comme ça qu'il fallait regarder. Alors, voilà un peu pour les obstacles qui se présentaient.

La démarche et l'implantation. Plusieurs des obstacles dont j'ai mentionné, on les a beaucoup travaillés, et donc ça s'est fait dans la démarche d'implantation. Alors, première chose, on est allés voir tout ce qui s'était fait ailleurs, réunir une vaste documentation là-dessus. Après ça, on a formé un comité d'implantation, et le soin qu'on a apporté à la formation du comité est important. Je vous donne l'exemple suivant : il fallait que des patients soient présents sur le comité, il fallait que des fumeurs soient présents sur le comité. Donc, on ne faisait pas un comité avec des gens, d'un côté, tous contre le tabac et, de l'autre côté, toutes les personnes qui fument, incluant les membres du personnel, révoltées par notre projet. En fait, devant le conseil d'administration qui était très réticent pour certaines des raisons que je vous ai dites plus haut, ça a été, je dirais, le cri du coeur d'un infirmier fumeur faisant partie du comité d'implantation et siégeant aussi sur le conseil d'administration qui a été déterminant pour remporter l'adhésion du comité.

Donc, ce comité d'implantation, ensuite, devait, en quelque sorte, s'assurer que ça puisse se faire dans l'institution. L'étape suivante, ça nous prenait une unité pilote. On a 15 unités de soins dans l'Institut Philippe-Pinel de Montréal. On en a une qui s'est avancée, unité d'admission, en disant : Nous, on est prêts à le faire, on en a discuté même avec les patients de l'unité en ce moment et on est prêts à s'engager là-dedans, et ça, ça a été un élément déterminant. Les gens du comité d'implantation disaient que c'était la clé du succès, parce que, quand vous avez des gens qui sont déterminés, qui veulent porter ce projet-là, bien, évidemment, ils résolvent tous les problèmes qui se présentent et ils les résolvent à l'avance pour ceux qui, s'engageant moins volontiers dans le projet, vous arrivent avec ça. Et là on n'avait qu'à les renvoyer à l'unité pilote pour leur dire : Regardez avec vos collègues qui ont si bien fait ce que vous pourriez faire pour surmonter les problèmes qui se présentent.

Alors, ça a été graduel, on a fait ça sur un an. Le projet a germé en 2003, et le comité... fin 2003; le comité d'implantation, mars 2004; octobre 2004, la première unité, l'unité pilote. Le directeur général, moi à l'époque, voulait aller vite. Le comité d'implantation m'a dit : Non, on va se donner un an. Et ils ont eu raison parce que, sur un an, il y a, je crois, une ou deux unités à qui, à la fin, il a fallu l'imposer. La majorité de l'hôpital était devenue sans fumée à ce moment-là. On avait fait une date butoir. Est-ce qu'il me reste un mot peut-être?

La Présidente (Mme Hivon) : Il reste une minute.

M. Lafleur (Paul-André) : Bon. Je vais m'arrêter ici.

La Présidente (Mme Hivon) : Ah oui? Bon, très bien. Merci.

M. Turcotte (Jean-Sébastien) : Peut-être me laisser... Donc, où en sommes-nous 10 ans après? Un bilan avait été demandé au coordonnateur des unités, qui reflète une adhésion à des degrés divers des patients à la politique de l'Hôpital sans fumée. Ceux-ci doivent s'y conformer, puisqu'elle est en vigueur et implantée à l'intérieur du périmètre de l'enceinte hospitalière, incluant les cours intérieures sécurisées.

Sept des 15 unités respectent intégralement la politique. Les autres unités où les patients peuvent avoir des sorties de par le mandat de ces unités-là : réhabilitation, réinsertion sociale, ont une adhérence imparfaite de par l'accès... par l'absence d'une motivation intrinsèque absente. Ils profitent donc de leurs sorties pour fumer, et ceci représente un incitatif pour demander des sorties aussi.

D'autre part, ceci est susceptible d'amener des divers comportements de magouille, de sollicitation, voire d'intimidation sur les unités. Ces comportements sont autant d'invitations, pour les intervenants du personnel, à des fins d'éducation, de motivation et de gestion des conflits, si tel est le cas. Lorsque des patients fumeurs sont nouvellement admis en... Il y a une... Voyons! Excusez-moi. Lorsqu'il y a des patients fumeurs qui sont nouvellement admis, une thérapie de remplacement par timbres est prescrite, et il est rare que des symptômes de sevrage soient présents. De façon rarissime, on peut avoir des patients qui, de façon compulsive, lors de leur sortie, vont fumer, exemple, un paquet de cigarettes en quelques heures, et là on peut voir certains symptômes, mais c'est vraiment marginal comme effet.

La Présidente (Mme Hivon) : Je vais vous arrêter ici. Je sais que c'est frustrant, mais je suis certaine qu'on va revenir sur le sujet. C'est juste pour laisser le temps à la période d'échange. Donc, je vous remercie beaucoup. Je vais céder la parole à Mme la ministre pour la partie gouvernementale, un 22 minutes d'échange.

Mme Charlebois : Est-ce qu'il vous reste beaucoup de temps dans votre présentation ou si vous en avez pour une ou deux minutes maximum?

M. Turcotte (Jean-Sébastien) : Pour moi, moins d'une minute.

Mme Charlebois : Et vous, madame?

Mme Fugère (Renée) : Moi, je ne présente pas.

Mme Charlebois : Bon, bien, finissez puis...

M. Turcotte (Jean-Sébastien) : Allez-y.

Mme Charlebois : Oui. Non, mais c'est parce qu'on va pouvoir... mais si vous n'avez pas d'objection, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Hivon) : ...pas d'objection, c'est parfait.

M. Turcotte (Jean-Sébastien) : Absolument. Donc, c'est ça, donc, quant aux enjeux pour le personnel à l'intérieur d'un hôpital sans fumée, bien, il y a eu une amélioration de la gestion du temps en lien avec l'organisation du travail et l'absence de gestion du tabac, une amélioration de la qualité de vie des patients, une absence d'impact sur la médication psychiatrique, absence d'impact dû à la fumée secondaire, achats des patients plus diversifiés en lien avec les choix de vie, impact positif sur la santé des patients, facilitation de l'occupation des chambres doubles, parce qu'on a une grande partie de nos unités où on a des chambres doubles.

Le côté négatif, bon, comme je l'ai déjà mentionné, il y a la magouille, l'augmentation des fouilles et la gestion du trafic de cigarettes. Si des patients désirent fumer, ils n'ont pas le privilège de sortir seuls. Le personnel doit les accompagner, pour certains patients.

Donc, ça complète où est-ce que nous en sommes.

Mme Charlebois : Bien, merci beaucoup. Ça va? Je peux y aller?

La Présidente (Mme Hivon) : Oui, allez-y.

Mme Charlebois : O.K. Alors, merci beaucoup d'être venus nous présenter... Parce que vous allez vous douter que je suis bien intriguée par le processus. J'ai entendu docteur... — mon Dieu! attendez un peu — Lafleur me parler... vous avez parlé à tout le monde ici de... comme les étapes que vous aviez franchies, mais on va aller plus loin là-dedans. J'ai bien entendu que vous dites qu'il y avait à l'époque, en 2005, quand vous avez démarré le processus, 80 % à 85 % des gens qui fumaient à l'intérieur de l'établissement.

M. Lafleur (Paul-André) : C'est conforme à ce qu'on relève, par exemple, chez les patients schizophrènes, qui constituent une large partie de la clientèle à l'Institut Philippe-Pinel de Montréal, qui ont un taux de tabagisme beaucoup plus élevé que la population en général et pour qui c'est beaucoup plus difficile de cesser de fumer.

Mme Charlebois : Maintenant, ce n'est plus le cas.

M. Lafleur (Paul-André) : Non. En fait, il y a une nuance et une précision. La majorité de nos patients, lorsqu'ils quittent l'Institut Philippe-Pinel de Montréal, recommencent à fumer, et ça, on l'avait prévu dès le départ, parce que c'est quand même quelque chose qui est connu. Et un aspect qui avait été intéressant, c'est qu'au fur et à mesure que les unités devenaient sans fumée, moi, avec le comité de direction, j'allais manger avec les patients, quelques semaines plus tard, sur les unités, sur chacune des unités, et je trouvais ça intéressant de demander leurs impressions. Il y en avait évidemment certains qui regrettaient, en des termes très vifs pour certains, que le tabac ait été cessé, mais la plupart disaient que soit ça ne les incommodait pas soit qu'ils en étaient contents. Ils savaient, de toute façon : la question de leur payer le tabac, c'était fini, donc c'était une bonne partie de leurs revenus qui étaient épargnés, le bien-être social pour la majorité d'entre eux. Et je me souviens d'un patient particulièrement enthousiaste, qui donnait tous les avantages qu'il tirait de ça, comment il se sentait mieux. Je lui disais : Quand vous allez sortir, est-ce que vous allez fumer? Il dit : Le jour où je sors, immédiatement je recommence à fumer. J'ai dit : Pourquoi? Parce que — il dit — je suis incapable de m'arrêter. Dès que la proposition, dès que l'offre du tabac est là, je ne pourrai pas m'en empêcher.

Alors donc, ce n'était pas tant chez ce patient-là en particulier, c'est anecdotique, mais ce n'était pas tant le plaisir qu'il allait retrouver que la dépendance, la souffrance à laquelle il était confiné, de ne pouvoir dire non au tabac.

Mme Charlebois : J'ai aussi lu dans votre mémoire qu'il y a... quand vous déplacez les patients de chez vous vers les centres hospitaliers autres, que ça déstabilise, je crois, la médicamentation, parce qu'il n'y a, chez vous, pas de possibilité de fumer, ailleurs oui. Alors, vous nous recommandez de faire l'interdiction de la fumée de cigarette partout. Mais ça débalance à ce point-là la médication des gens?

• (15 h 20) •

M. Lafleur (Paul-André) : Pour certains médicaments, puis certains délicats — je pense à la clozapine, par exemple, qui est le meilleur des antipsychotiques mais qui est aussi celui qu'il faut surveiller le plus près en raison des effets secondaires importants qu'il peut avoir s'il est mal contrôlé — ça change, en effet, les concentrations sériques de façon importante. Alors, c'est une chose avec laquelle on a dû apprendre à composer, et c'était beaucoup... c'était la crainte majeure, je dirais, des médecins de l'institution. Alors, on avait la chance d'avoir un excellent service de pharmacie, on s'est vraiment documentés sur le domaine et on le fait bien.

Et le problème actuellement n'est pas seulement lorsqu'on envoie les patients dans d'autres institutions. Nous avons des patients qui rentrent et qui sortent. Donc, il y a des unités où ils sont plutôt confinés à l'unité, mais il y en a d'autres où ils vont à l'extérieur. Ça veut dire : quand ils y vont, ils fument, quand ils reviennent, ils ne fument plus. Et, le problème de l'ajustement de la médication, je dirais qu'on est rendus experts à ce niveau-là et que ce n'est pas si compliqué que c'était appréhendé. Donc, c'est une chose avec laquelle on peut composer sans trop de difficulté.

Mme Charlebois : Par contre, vous nous recommandez quand même de faire l'interdiction de tabac dans les autres établissements de santé, puisque ça a été possible chez vous.

M. Lafleur (Paul-André) : Bien, disons que...

Mme Charlebois : Pour le personnel, à tout le moins, qui y travaille.

M. Lafleur (Paul-André) : Oui. Moi, je formulerais ça de la façon suivante : Je ne crois pas qu'il y a d'obstacle à ce qu'on l'implante dans tous les milieux de la santé, y compris les milieux psychiatriques. Quand j'ai quitté l'Institut Philippe-Pinel de Montréal — parce que j'ai été absent de là à peu près sept ans — je suis allé au pavillon Albert-Prévost de l'Hôpital du Sacré-Coeur. C'était à l'époque le plus gros département de psychiatrie, je dirais, et quasiment du Québec, parce qu'on avait récupéré Fleury — c'est toute une histoire — donc la plus grosse urgence, le plus gros département de psychiatrie, et on a implanté des mesures différentes — ce n'était pas un hôpital sécuritaire — mais on a aussi fait l'interdiction du tabac sur les lieux, et ça a bien fonctionné. C'était assez agréable de voir, par exemple, un fumoir peu intéressant visuellement et à l'odorat transformé en salle d'exercice. Alors, il y a des choses comme ça qui ont été faites.

Mme Charlebois : Vous dites aussi dans le mémoire que vous aviez demandé un bilan, au coordonnateur des unités, qui reflète une adhésion, à des degrés divers, des patients à la politique de l'Hôpital sans fumée. Ceux-ci doivent s'y conformer puisqu'elle est en vigueur et implantée à l'intérieur du périmètre de l'enceinte hospitalière, incluant les cours intérieures sécurisées. Cependant, vous mentionnez que sept des 15 respectent intégralement la politique. Qu'est-ce qui arrive des huit? En quoi elles ne respectent pas puis que... Qu'est-ce que vous faites?

M. Turcotte (Jean-Sébastien) : C'est parce qu'il y a différents mandats. Il y a des unités, on les appelle les unités d'admission-réadmission-expertise, où les patients arrivent de la prison directement, ils viennent chez nous, ils sont confinés pendant le temps de l'évaluation, 30 à 60 jours maximum, et ils quittent pour la cour, puis le processus suit son... Donc, eux, ils n'ont aucune sortie, là, dans la communauté durant leur séjour chez nous, puis après ça ils transitent à la prison. Donc, c'est assez simple. Il y a aussi des unités spécifiques où c'est seulement des femmes avec des sentences fédérales, donc qui arrivent de la prison. Elles sont chez nous et elles n'ont pas accès à la communauté. Donc, il n'y a aucun accès à la cigarette.

Sur les unités de réinsertion, donc là les patients vont, plusieurs fois par semaine, aller à des activités dans la communauté et donc être en contact avec la cigarette, et ils peuvent en ramener sur l'unité, tu sais, par la magouille, et donc il peut s'en fumer sur l'unité, puis ça, c'est très difficile pour ceux qui sont confinés sur l'unité, parce que ce n'est pas égal. Il y a des patients qui sont quand même confinés sur l'unité.

Mme Charlebois : Mais vous travaillez à uniformiser.

M. Turcotte (Jean-Sébastien) : C'est uniformisé, mais, vous comprenez, ce n'est pas le non-respect par les employés, ou les gestionnaires, ou la direction, c'est vraiment par un phénomène de trafic, si vous voulez.

Mme Fugère (Renée) : Et ce qu'on doit préciser aussi, c'est que ce n'est pas un fort pourcentage. Alors, c'est isolé, c'est des événements isolés, et ça permet aux équipes traitantes, finalement, de reprendre les plans de soins, de reprendre l'éducation, de faire des entrevues motivationnelles pour développer, là, justement, une motivation intrinsèque à l'arrêt du tabac en les conscientisant davantage sur les risques pour eux-mêmes et pour autrui.

Mme Charlebois : Mais, en tout cas, ce qui me frappe, c'est que c'est drôlement fort, pour jouer dans la médication d'un patient, là, les conséquences du tabagisme. Je ne sais pas si les gens réalisent, là, mais, quand on est rendu à dire qu'il y a un impact sur la médication des gens, on s'aperçoit quand ils fument puis quand ils ne fument pas, c'est grave, là. Il y a quand même quelque chose d'important. Je n'avais pas pensé à cette avenue-là, puis ça me frappe.

M. Lafleur (Paul-André) : Ça modifie le métabolisme, en effet, oui. Donc, la dégradation des médicaments se fait moins rapidement à partir du moment où les patients ne fument plus, ce qui fait que, quand ils retournent à l'extérieur, qu'ils fument plus, la dégradation des médicaments se fait plus rapidement, et, par prudence, il faut majorer un petit peu leur posologie.

Mme Charlebois : Je sais qu'il y a plusieurs personnes qui n'ont pas vu cette avenue-là arriver, mais je vais vous poser la question quand même. Vous souhaitez que tous les établissements... c'est une recommandation que vous nous faites, que tous les établissements de santé deviennent sans fumée. Que pensez-vous... Parce qu'il y a la marijuana thérapeutique qui fait son apparition dans nos milieux, qui est maintenant légale, et ce n'est pas quelque chose qui est généralisé, c'est des cas d'exception, on va se dire la vérité. Si vous nous recommandez d'abolir, donc, le tabac, donc il n'y aura plus 40 % des chambres, si on suit votre recommandation, qui pourraient être avec fumée, est-ce que vous croyez que nous devrions aménager un fumoir particulier ou garder un certain pourcentage de chambres? Comment vous nous suggérez de gérer ça? Parce que ça se fait en milieu de longue vie, là... en soins de longue durée — excusez-moi, milieu de longue vie, je déparle.

Mme Fugère (Renée) : Nous n'avons pas réfléchi à cette question, il est clair, mais nous avons eu, dans le cadre des deux dernières années, des patients qui avaient une prescription de marijuana thérapeutique. Alors donc, ce qu'on a fait à ce moment-là, c'est que les patients ont été réévalués par un interniste, et on a revalidé, si on veut, l'indication thérapeutique, et finalement, médicalement, ces patients-là n'avaient pas à prendre, selon les opinions que nous avions, de la marijuana thérapeutique. Donc, ça a été cessé, et les patients s'y sont conformés et ont terminé leur séjour sans aucun incident et sans aucune recrudescence, si vous voulez, des motifs qui avaient motivé la prescription au départ. Alors, ça, c'est notre expérience, qui est très limitée, là, qui est aussi anecdotique. Je pense qu'il y a toujours place à la précaution et à la prudence. Et il y a des patients, effectivement, pour lesquels la prescription de marijuana thérapeutique est justifiée, et je pense justement qu'il faut être prudent lorsqu'on légifère, même si on sait que les lois durent pour longtemps et qu'il y a place aussi à des exceptions.

Les chambres, chez nous en tout cas, dans un milieu sécuritaire, c'était impossible, la balise du 40 %, structurellement et aussi en lien avec le pourcentage de patients que nous avions à l'époque. Maintenant, le pourcentage a beaucoup, beaucoup diminué. Si on regarde, et ce n'est pas une étude scientifique, là, c'est uniquement sur la foi de notre expérience, lors du projet d'implantation à la pharmacie, le coût a été de 40 000 $. On comprend, là, que c'est des données de 2005, là, alors l'inflation et tout, là, mais maintenant c'est 10 000 $ par année et c'est concentré sur les nouveaux patients qui arrivent via des mandats d'ordonnance judiciaire, que ce soit dans les admissions, dans les expertises ou dans les réadmissions, et les autres patients.

Alors donc, on voit qu'il y a une nette diminution, là, de demandes. Et il arrive aussi, et ça, nous n'avons pas le chiffre, que des fumeurs qui arrivent chez nous, de par le non-accès, ne demandent pas non plus de thérapie de remplacement et cessent de fumer pour la période où ils sont à l'établissement.

Mme Charlebois : Mais évidemment, ayant arrêté de fumer moi-même, je peux vous dire que je n'ai pas demandé d'accompagnement puis j'aurais dû. Je recommande aux gens de demander de l'accompagnement, parce que c'est non seulement plus facile, mais aussi on fait ça de façon plus responsable. On s'évite beaucoup de problèmes. C'est une petite recommandation que je fais aux gens qui veulent arrêter de fumer.

Ceci étant, je vous le dis, je suis renversée sur les conséquences du tabac sur la médication. Je suis renversée de tout ça, mais je veux vous dire que vous étiez des précurseurs en 2005, quand même. On est en 2015, on commence à parler de restreindre la fumée dans les établissements. On nous suggère fortement d'éliminer les 40 %... Mais vous étiez vraiment avant-gardistes et dans un milieu où les gens n'auraient jamais pensé que vous puissiez... Alors, moi, je constate que c'est possible puis qu'on peut peut-être élargir dans l'ensemble du réseau.

On nous a aussi recommandé, dans les services de garde en milieu familial... On nous a parlé de cigarettes électroniques. J'aimerais ça vous entendre sur ces deux avenues-là. Je sais que c'est hors votre champ de compétence, mais, du fait que vous êtes dans le monde médical, je me dis que vous devez avoir des opinions quand même quant à ce qu'on fait avec les jeunes en centres de la petite enfance, en milieu familial, parce que, si c'est possible chez vous, ça veut dire que, si on demande au milieu familial de faire en sorte qu'il n'y ait pas de fumée dans la maison, c'est possible aussi.

• (15 h 30) •

Mme Fugère (Renée) : Bien, c'est possible comme c'est possible chez tous les parents qui ne sont pas dans des milieux de garde, et qui décident de ne pas fumer parce qu'ils sont conscients des risques pour eux-mêmes et pour leurs enfants, et qui, de façon responsable, décident de ne pas fumer en présence de leurs enfants. Alors, c'est sûrement possible, là, au niveau des milieux de garde aussi, mais je pense que, comme on peut imaginer, c'est l'application de ça qui risque d'être difficile.

Mme Charlebois : Ce qu'on nous dit, c'est que ça va aller avec l'ensemble des autres réglementations. Il y a une surveillance accrue, apparemment, dans les... bien, pas apparemment, il y a une surveillance accrue dans les centres de petite enfance, mais de toute façon on verra plus tard, dans l'étude article par article et dans la possibilité d'application.

Cigarette électronique, j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Est-ce que vous avez réfléchi à cette possibilité? Est-ce que vous avez des patients qui vous on parlé, dire : Bien, on ne peut plus fumer, on peut-u vapoter?

Mme Fugère (Renée) : Bien, la question nous a été posée mais pas nécessairement par les patients, mais par le personnel. Et nous avons, pour des raisons plus sociales, décidé d'interdire aussi la cigarette électronique à l'intérieur de l'hôpital, parce que le geste de fumer, ça renormalise la... de fumer. Et, même si on sait que les conséquences sur le plan médical ne sont absolument pas comparables, bien qu'on n'a pas toutes les études qu'on souhaiterait avoir, on a interdit parce que c'est un hôpital sans fumée, et on pourrait dire maintenant un hôpital aussi sans vapotage.

Mme Charlebois : Je suis d'accord avec vous que la renormalisation du geste... C'est pour ça qu'on a encadré la cigarette électronique quant à l'usage, la vente, les lieux de vente, etc., et on l'interdit aux mineurs, l'achat, et tout ça.

J'aimerais ça qu'on puisse reparler de votre processus d'implantation, parce que vous l'avez fait rapidement dans votre présentation, puis je pense que c'est important qu'on s'y attarde comme il faut, parce que, s'il y a des gens qui nous écoutent dans d'autres établissements de santé, ils vont peut-être être intéressés à pouvoir partager votre expérience pour pouvoir, eux autres aussi, implanter ça chez eux.

Alors, moi, j'aimerais ça que vous me repreniez un petit peu... sans reprendre toute la présentation, mais me dire ça vous a pris combien de temps, exactement, à implanter le processus complet, là. Parce que vous êtes devenus, en 2005... en dedans d'une année ou...

M. Lafleur (Paul-André) : Oui. En fait, la première unité, c'est en octobre 2004, et la dernière, là, il y avait une date butoir, qui est devenue sans fumée, c'est en octobre 2005. Donc, on s'est donné un horizon d'un tout petit peu plus d'un an. Mais le comité d'implantation travaillait déjà, lui, depuis plusieurs mois avant qu'il y ait le projet pilote qui émerge sur la première unité à avoir fait ça.

Le rôle du comité d'implantation a été important. C'était, je dirais, un facilitateur d'échanges, quelqu'un qui... faciliter les échanges, donner du soutien, donner de l'information. Il y a eu des conférences scientifiques d'organisées pour les membres du personnel. Il y a eu de l'information scientifique diffusée aux patients. On a écouté tout ce qui causait problème, ce qu'on pouvait faire. On a donné du soutien aux patients mais aussi aux membres du personnel. Eux aussi ont eu accès à des mesures de remplacement pour le tabac gratuitement en cette période-là, parce que notre idée, c'était : puisqu'ils fumaient avec les patients... Ils travaillent avec eux, ils fument avec eux, le tabac est admis, on les prive eux aussi, et donc on va leur donner accès... on ne les obligera pas à payer pour les mesures, au fond, qu'on leur impose. C'est un exemple.

On a aussi donné après, quand ça se faisait, des mesures de reconnaissance et de gratification. Donc, il y avait des cadeaux qui étaient donnés aux patients, à certains intervalles, en leur disant que c'était pour les remercier de s'imposer ce processus-là... en fait, de comprendre qu'on leur impose ce processus-là et qu'on voulait leur témoigner, donc, notre reconnaissance et reconnaissance de l'effort qu'ils avaient à faire, pas toujours sur une base volontaire, mais, quoi qu'il en soit, de l'effort qu'il y avait à faire.

On a investi à différents égards et, je vous dirais, par boutade, mais ce n'est même pas une boutade, c'est vrai, on sauvait de l'argent, on sauvait 65 000 $, je pense, par année, de tabac. Donc, on a évidemment redonné ça, et plus, de différentes manières. On a, par exemple, repeint les unités après qu'elles aient été... qu'on ait cessé d'y fumer. Il fallait donner certaines gratifications. On a augmenté les légumes et les fruits, leur accès sur l'unité. On avait distribué, à un moment donné, une machine à maïs soufflé par unité, donc, en disant : C'est un aliment qui n'a pas trop de calories, à moins qu'on l'inonde de beurre, et tout ça. Toutes sortes de mesures qu'on a mises en place pour faciliter. On donnait des paquets de gomme, les premières semaines, aux patients des unités lorsqu'ils arrêtaient. Ce n'étaient pas des gommes avec de la nicotine, ça ne faisait pas partie des mesures de remplacement, mais on ajoutait ça en plus pour le besoin strictement oral.

Alors donc, il y a beaucoup de... Il y avait énormément, comme ça, de soin qui a été apporté et de détails. Ça a été étudié. Avant l'implantation, évidemment, le comité des bénéficiaires avait été rencontré, ça avait été discuté avec lui. Il y avait des patients de certaines unités qui voulaient rencontrer le directeur général et lui dire leur façon de penser. J'étais allé les voir avant la mise en place, et ce qui m'avait à l'époque étonné, c'est que ceux qui étaient les plus révoltés, les seuls, en fait, qui étaient vraiment... puis qui considéraient les... en fait, ils ne considéraient pas les arguments, ils étaient révoltés, ils ne voulaient pas, c'étaient les adolescents. Mais moi, je leur avais rétorqué qu'eux, de toute façon, ils n'avaient même pas le droit, point. S'il y avait certains aménagements dans le projet de loi, il n'y en avait pas pour eux. Et donc je n'avais aucun scrupule dans leur cas. Pour les autres, oui. Pour ces grands malades, en plus, qui étaient là pendant... qui seraient là pendant des années, des décennies pour certains, oui, là, il y avait certaines questions, des scrupules. On a fait des comités d'éthique là-dessus. Alors, on a une éthicienne qu'on avait fait venir, entre autres, puis qui avait animé quelques réunions qui avaient été très animées, très houleuses, parce qu'il y avait, du côté des membres du personnel, des personnes qui étaient radicalement contre. Il y avait...

Donc, c'est pour ça. C'était beaucoup de discussions, d'où le fait qu'on fait un comité en 2004, après avoir déjà tout pensé, en mars 2004, mais ce n'est qu'en octobre qu'on commence, donc beaucoup de discussions, beaucoup de préparations, beaucoup d'invités. Le Dr Gervais était venu, d'ailleurs, nous rencontrer, et tout ça. On avait même invité à l'une de nos conférences du midi un Américain spécialiste des questions qui était plutôt contre. Alors donc, on a dit : On fait ça dans la transparence, ouverture. Et je crois que c'est vraiment ça, la... Les clés du succès, ce sont des gens engagés, enthousiastes, qui veulent, c'est vraiment de le faire dans la transparence, pour les bonnes raisons, et c'est de prendre tous les moyens pour respecter la clientèle qui le fait.

Mme Charlebois : Est-ce que vous diriez aujourd'hui, si vous alliez questionner et vos patients et votre personnel, que, dans ces deux catégories, vous auriez un taux de satisfaction énorme au fait que ce soit un établissement sans fumée?

M. Lafleur (Paul-André) : Je vous laisserais peut-être répondre à ça. Oui?

M. Turcotte (Jean-Sébastien) : Moi, je suis convaincu que oui. Je me rappelle, il y a 15 ans, là, quand j'ai commencé à l'institut puis que c'était fumeurs, là, puis, ceux qui avaient des verres de contact, les yeux brûlaient à la fin du quart de travail, il y avait des toux qui se développaient chez les membres du personnel, il y avait... Ce n'était vraiment pas sain, là, comme... Puis, chez nos membres du personnel, d'emblée, on avait des gens sportifs chez nous, ça fait partie d'une caractéristique de nos employés, donc il y avait une demande aussi d'avoir un milieu sain pour venir travailler. Puis, chez les patients, je vous dirais qu'il y a une paix sociale, là, qui s'installe. Puis ce n'est pas problématique. Aussitôt que... Ceux qui viennent pour la première fois, puis on leur annonce, là, rapidement qu'on est un hôpital sans fumée, des fois ça maugrée un petit peu, mais rapidement, bien, c'est la normalité puis c'est comme ça. Puis il y a une absence du produit. Donc, c'est facile.

Mme Charlebois : Il y a un centre de jeunesse qui est venu témoigner cette semaine, puis ils nous ont dit : On s'attendait à avoir plus de fugues, puis ça n'a pas été le cas.

M. Turcotte (Jean-Sébastien) : Alors, ça n'a aucun effet.

Mme Charlebois : Ça n'a pas été le cas du tout parce qu'ils se sont... c'est devenu la normalité autant pour le personnel que pour les jeunes, puis il n'y a pas de problème, à ce qu'on nous a dit.

M. Turcotte (Jean-Sébastien) : Parce que ceux qui ont l'opportunité de fumer avec des sorties de réinsertion, bien, ils peuvent le faire, puis...

La Présidente (Mme Hivon) : Merci. Ça met fin, donc, à la période d'échange avec la partie ministérielle. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Rosemont pour une période de 13 minutes.

M. Lisée : Merci, Mme la Présidente. Mme Fugère, M. Turcotte, Dr Lafleur, merci d'être avec nous. C'est très inspirant, le récit que vous avez à nous faire, l'expérience que vous avez menée, l'audace dont vous avez fait preuve, transformation importante. Vous racontiez que vous fournissiez les cigarettes, hein, on... Le chemin parcouru par vous, mais par toute la société et par l'Occident en entier est remarquable. On fumait dans les avions, là, dans les années 70. Une réunion politique sans fumée, ça n'existait pas, c'était inconcevable. On aurait dit que ça arriverait, personne ne l'aurait cru, et donc la capacité d'adaptation, elle est réelle. Elle est réelle, et là c'est le temps pour la société québécoise de faire un pas de plus dans cette direction-là. Et ce n'est pas la timidité qui doit nous guider, c'est l'ambition, et c'est ce que vous nous dites. C'est ce que vous avez fait à l'institut Pinel, c'est ce que le Centre jeunesse de Montréal a fait aussi, et, en ce sens-là, vous êtes un peu nos guides, notre boussole dans ce qu'on doit faire.

Vous nous dites, dans vos recommandations : «...nous souhaiterions que la loi inclue tous les établissements de santé et d'éducation comme non-fumeurs, et que l'installation de fumoirs soit interdite à l'intérieur des murs. Idéalement, les périmètres extérieurs devraient l'être...» C'est-à-dire qu'on ne permet plus qu'à neuf mètres de la porte ce soit le cas. On a eu d'autres recommandations en ce sens-là pour dire : Bien, sur tout le terrain de l'hôpital jusqu'à l'espace public ou à la propriété voisine, ça devrait être interdit pour qu'il n'y ait plus ce mur de fumée qu'on traverse. Mais vous ajoutez un bout de phrase, que je vais vous demander d'éclairer : «...les périmètres extérieurs devraient l'être à l'exclusion des endroits où des enjeux de sécurité ou de besoins liés à des populations vulnérables et démunies rendent acceptables certains aménagements.» Qu'est-ce que vous voulez dire?

• (15 h 40) •

Mme Fugère (Renée) : C'est le bémol que j'ai mis, dans le sens où, bon, les établissements de santé sont situés dans divers endroits. Pinel est près des raffineries, et on a une population vulnérable et captive avec de très longues durées de séjour. Beaucoup de patients ne sortent pas de l'institut ou sortent peu de l'institut, et, dans l'hypothèse où il y aurait une interdiction complète de fumer sur un grand périmètre... Parce que c'est un peu comme un grand terrain de baseball chez nous, là. Alors donc, effectivement, c'est très large. Alors, il y a beaucoup d'air qui y circule, de sorte que, même si quelques patients, parfois, ou quelques membres du personnel fument à l'extérieur, ça ne cause pas de grands problèmes. Il n'y a pas de haie d'honneur chez nous non plus. Et on a le boulevard Henri-Bourassa qui est... où les patients et le personnel devraient aller fumer. Nous avons rencontré la mairesse d'arrondissement il y a quelques mois parce que, sur Henri-Bourassa, il y a une limite de vitesse qui n'est pas respectée. Et donc nous sommes inquiets que, dans l'hypothèse ou plusieurs ou quelques-uns de nos... soit notre personnel ou de nos patients aillent fumer sur le trottoir... On trouve, premièrement, que ce n'est pas très adéquat, là, d'aller fumer près d'un boulevard, et il y a ces enjeux de sécurité aussi.

Alors donc, ça ne veut pas dire que ça arriverait. Parce que, comme j'ai dit, moi, j'ai un bureau en surplomb, alors donc je vois, là... parce que je suis souvent dans mon bureau à y travailler, et il y a très peu de personnes qui fument sur le périmètre, et il n'y a pas ce nuage de fumée comme dans beaucoup d'hôpitaux du centre-ville, là, quand on entre par la porte, alors là il y a une forte concentration de fumée. Mais, chez nous, il n'y a pas ça. Alors, c'est pour ça que je dis : Il pourrait y avoir certains aménagements, dépendamment de préoccupations significatives. Autrement dit, je pense qu'il doit y avoir une certaine souplesse pour ne pas créer de nouveaux problèmes s'il n'y en a pas à un endroit.

M. Lisée : Mais donc ce que vous dites, c'est que, lorsque sortir du périmètre pose un problème de sécurité, par exemple sur le trottoir d'Henri-Bourassa, où le risque d'accident est réel, ou trop près d'une raffinerie, où on veut éviter des explosions, donc on pourrait aménager un espace fumeurs dans la zone de... dans le périmètre de l'établissement public. C'est ce que vous dites. O.K.

Une autre question. On sait que, dans les milieux de prison, la cigarette est souvent une monnaie d'échange. Les non-fumeurs ont des cigarettes pour s'échanger, acheter, etc. Est-ce que ça a déjà été le cas à Pinel?

Mme Fugère (Renée) : Bien, ça a déjà été le cas de façon ponctuelle, si vous voulez, pour certains patients. Alors donc, à ce moment-là, souvent, les autres patients... Surtout depuis que l'hôpital est sans fumée, ce genre de cas d'espèce arrive pour ceux qui quittent, qui vont en sortie de réinsertion et qui reviennent après à l'hôpital. Et, même s'il y a des fouilles chez nous... Parce que, quand on sort, quand on rentre, on doit de nouveau passer au détecteur, si vous voulez. Et ils ont une case où ils doivent laisser leurs effets personnels, là, avec leurs paquets de cigarettes et leurs briquets, et tout, mais, vous savez, les gens sont ratoureux, hein, alors donc ça passe. Et là, habituellement, les autres patients vont s'en plaindre au personnel, et c'est une occasion, justement, de revisiter les différents enjeux avec l'individu en question. Et donc... Mais c'est...

M. Lisée : Mais ça n'a pas été remplacé par une autre devise de remplacement que la cigarette?

Mme Fugère (Renée) : Non, non. Habituellement, bon, il y a tout le travail, si on veut, avec l'équipe thérapeutique, qui se fait avec le patient, et les patients sont aussi avisés qu'il y a des règles, quand même, lorsque les patients sortent, à savoir... Il y a des objectifs à ces sorties, et, lorsque le patient revient, il doit rencontrer son intervenant pour vérifier si les objectifs de la sortie ont été rencontrés. Et, s'il y a eu des incartades, justement, en lien avec d'autres besoins qui n'étaient pas nécessairement thérapeutiques, alors là, à ce moment-là, c'est revisité. Et aussi les patients, habituellement, sont avisés que, dans l'hypothèse où les objectifs des sorties ne sont pas rencontrés, alors, il pourrait y avoir des mesures qui sont prises.

Alors donc, ils sont toujours informés qu'ils ont une liberté et, s'ils n'utilisent pas la liberté à bon escient, qu'il pourrait y avoir des conséquences, et donc ils sont traités de façon responsable.

M. Lisée : Très bien. Je vous félicite et je vous remercie.

La Présidente (Mme Hivon) : Alors, nous allons maintenant passer la parole au deuxième groupe d'opposition. Pour débuter les échanges, Mme la députée de Saint-Hyacinthe.

Mme Soucy : Merci. Merci d'être ici. Si l'institut Pinel a réussi malgré sa clientèle qui est particulière, diriez-vous qu'avec un minimum de volonté, si on l'impose à tous les établissements de santé, ils sont capables de réussir?

M. Lafleur (Paul-André) : Moi, j'en suis convaincu. Parce que je vous dirais que, quand j'ai quitté l'institut, donc, pour sept ans, puis que j'ai été au pavillon Albert Prévost de l'Hôpital du Sacré-Coeur, gros département de psychiatrie, cette question-là était importante, et je ne croyais pas qu'elle aurait pu se résoudre aussi facilement qu'elle l'a été. Mais, encore là, il y avait des gens très enthousiastes par rapport à ça. On avait reçu un bon soutien aussi de l'hôpital, il y a des pneumologues qui avaient une expertise par rapport à ça qui avaient bien creusé le sujet. Donc, ça s'est fait de façon relativement harmonieuse.

C'est bien différent, bien sûr, parce qu'on peut sortir de Prévost, pour la plupart des patients, sauf les soins intensifs, sauf l'urgence, pour aller fumer à l'extérieur. Mais, à l'intérieur des locaux, ça a été implanté, je dirais, plus facilement que je l'aurais cru. Donc, je crois que c'est possible à grande échelle.

Mme Soucy : Vous mentionniez qu'il a fallu avoir un cri du coeur de l'infirmier fumeur. Quels ont été ses arguments pour être si mobilisateur, pour arriver à mobiliser et convaincre ses collègues du projet?

M. Lafleur (Paul-André) : Bien, lui, entre autres, a fait part de sa propre expérience. Oui, il fumait puis il l'avait toujours assumé, il a fait comme un peu une sortie du placard, mais c'était une dépendance, c'était quelque chose qu'il regrettait, qu'il avait voulu arrêter, et que les membres du conseil d'administration qui avaient ces scrupules, dont il était à peu près le seul à fumer, ne devaient pas, dans leur statut de non-fumeurs, au fond, priver les patients de cette opportunité et de cette chance de rendre le milieu plus sain et de leur donner l'occasion de cesser de fumer. Je dirais que ça tournait autour de ça. Je pense que c'était aussi l'engagement qu'il avait là-dedans, en tant que fumeur, qui était convaincant.

Mme Soucy : Merci.

La Présidente (Mme Hivon) : Est-ce qu'il y a d'autres questions?

Mme Soucy : Excusez-moi, juste...

La Présidente (Mme Hivon) : Oui, continuez.

Mme Soucy : Est-ce que vous aviez eu une subvention pour le projet ou c'est quelque chose que vous avez autofinancé puis...

M. Lafleur (Paul-André) : Non, c'est quelque chose qu'on a autofinancé.

Mme Soucy : Il y a un coût relié à... Il y a un coût, quand même, relié à ça.

M. Lafleur (Paul-André) : Oui.

Mme Soucy : Est-ce que vous avez un ordre de grandeur?

M. Lafleur (Paul-André) : C'était à peu près 50 000 $, si je me souviens bien, que ça avait coûté à l'institution, tout compté. Parce qu'évidemment, comme je vous disais, on était dans la situation extrêmement particulière où on a fait des économies sur le tabac. Mais, au total, c'est à peu près ce que ça nous avait coûté.

Mme Soucy : C'est quoi, la nature des dépenses, par exemple? Parce que, dans le fond, c'est...

M. Lafleur (Paul-André) : Bien, je dirais que les produits de remplacement étaient certainement des dépenses, alors donc les fameux timbres de nicotine, et tout ça, et les différents produits. C'est un aspect.

Mme Fugère (Renée) : Il y a eu les gâteries, si vous voulez, ou de meilleures habitudes de vie, à savoir les fruits, les légumes, aussi les réaménagements d'unités des... On a renouvelé aussi tout le matériel récréatif sur les unités, et puis, c'est ça, les patients voient des films. Alors donc, différentes choses. Ce sont des petites choses. Le gros de la dépense, c'était vraiment la pharmacopée, là.

Mme Soucy : Mais, si, au Québec, on estime que la baisse de 1 % du taux de tabagisme génère quand même des économies directes de 40 millions puis indirectes de 70, alors c'est payant, le 50 000 $ que vous avez investi.

M. Lafleur (Paul-André) : On ne l'a jamais regretté.

Mme Soucy : Merci.

La Présidente (Mme Hivon) : M. le député de Groulx, c'est à vous.

• (15 h 50) •

M. Surprenant : Merci, Mme la Présidente. Merci. Alors, dans le projet de loi, on rajoute des conditions, des contextes où les gens ne pourront pas fumer. Et puis, au contraire, ce que je comprends, c'est que c'est beaucoup les conditions qu'on va mettre, d'accompagnement, entre autres, pour favoriser la réduction, finalement, de l'usage de la cigarette qui donnent des résultats. Alors, on a entendu plus tôt, dans les mémoires qui ont été déposés, les gens considéraient qu'il y a beaucoup des conditions, actuellement, qui sont en place... des règles, des lois qui sont en place qui sont difficiles à appliquer, en fait, qu'il n'y a peut-être pas assez de gens qui sont là pour s'assurer de l'application et du contrôle de ça. Et d'en rajouter, bien, ça va prendre encore plus de gens, puis peut-être qu'on n'aura pas possibilité de tout contrôler.

Et je reviens aussi, également, au niveau de mon point au niveau des voitures, tantôt, puis des garderies. La clientèle qui fume, il a été dit que c'est beaucoup la clientèle, disons, à faibles revenus, la clientèle en difficulté qui fume. Alors, je crois que, les garderies, en fait, on veut s'y adresser, mais la clientèle... Ce n'est pas la clientèle qui fume qui a, bien souvent, accès à ces garderies-là, par le profil qu'on a déjà déclaré au niveau de la clientèle qui fume. Donc, si on veut vraiment aider la clientèle qui fume à réduire de fumer, vous ne pensez pas qu'au lieu de modifier un paquet de lois on ne devrait pas prioriser l'accompagnement puis d'investir de ce côté-là, par votre...

Mme Fugère (Renée) : Bien, c'est une question...

M. Surprenant : ...souci que vous avez eu, là?

Mme Fugère (Renée) : C'est une grande question que vous posez. C'est une question sociale, c'est une question politique. Même si vous pensez à un investissement dans des solutions de remplacement, je pense que ça demande minimalement, de la part des gens qui fument et qui ont une dépendance à la fumée, une motivation. Donc, même si vous offrez beaucoup de mesures de remplacement, si la motivation n'est pas là, alors donc, à ce moment-là, vous avez beau offrir beaucoup de soutien, les gens n'adhéreront pas.

Chez nous, on a fait un sondage, parce qu'on est aussi un hôpital promoteur de santé, donc on a fait un sondage, l'an dernier, où on posait différentes questions sur des saines habitudes de vie. Donc, il y avait des questions sur le tabac, il y avait des questions sur l'activité physique, sur la sédentarité, sur les loisirs et sur l'alimentation. Et l'ensemble... c'est ça, c'était pour le personnel. Et l'ensemble du personnel... Nous, on a uniquement 10 % de notre personnel qui fume de façon régulière. De ces 10 % là, il y en a uniquement 23 % qui aimeraient arrêter de fumer avec du soutien, mais ils ont répondu que c'était inutile, pour nous, de proposer puisqu'ils n'avaient pas la motivation.

Alors donc, je pense qu'à ce moment-là c'est là qu'il faut aller — ce qu'on parle — dans la prévention primaire. Et ça n'est pas parce qu'ils sont déjà fumeurs, mais c'est l'éducation, finalement. Et c'est ce qui a été fait souvent, qu'on a vu dans les médias, la sensibilisation, et aussi de sensibiliser les gens pas uniquement sur leur santé à eux, mais sur l'impact de la fumée secondaire ou de la fumée tertiaire chez les autres.

M. Lafleur (Paul-André) : Je pense aussi que les... On n'en est pas au même point. Moi, j'ai l'impression que, recommencer, si on ne l'avait pas fait jusqu'à maintenant et qu'on le faisait aujourd'hui à l'institut Pinel, ça se ferait encore beaucoup plus facilement qu'à l'époque. On voit, en discutant avec les professionnels travaillant à l'institut Pinel... Je pense aux médecins. Moi, j'avais des médecins qui étaient venus se plaindre de ça à moi avant. Ils disaient : Tu travaillais sur les unités il y a quelques années, puis là tu es rendu que tu implantes un projet comme ça, ça ne tient pas debout. Aujourd'hui, même les médecins de l'époque qui sont encore là, qui avaient cette attitude-là, ce ne serait plus le cas. On est plus avancé, comme société, je pense que c'est plus facile.

Et, oui, des mesures de soutien, mais, Dre Fugère est tout à fait juste, ça prend une motivation. Et là vous avez, maintenant au Québec, plusieurs organismes très motivés à faire avancer cette cause. Vous avez plusieurs projets pilotes déjà implantés. Vous avez les unités jeunesse... les centres jeunesse qui sont venus. Vous avez des hôpitaux qui le font de plus en plus. Il y a un effet d'entraînement. Et moi, je ne crois pas que ce soit le levier financier qui soit déterminant en ce moment, je pense qu'une détermination du législateur est importante.

M. Surprenant : Merci.

La Présidente (Mme Hivon) : Ça va? Alors, je vous remercie beaucoup pour votre présentation et je suspends les travaux de la commission le temps que le prochain groupe, le Réseau du sport étudiant du Québec, puisse prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 54)

(Reprise à 16 h 6)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux. Nous accueillons maintenant les représentants du Réseau du sport étudiant du Québec, et donc bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de temps de 10 minutes pour faire votre présentation, et par la suite vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. À titre d'introduction, je vous demanderais de bien vouloir vous nommer, préciser vos fonctions, et la parole est à vous. Merci.

Réseau du sport étudiant du Québec (RSEQ)

M. Roel (Gustave) : Merci beaucoup. Tout d'abord, merci de nous recevoir dans ce marathon que vous avez, de consultations, on en convient. Et donc on va essayer de profiter au maximum du 10 minutes.

Mon nom est Gustave Roel, donc, président-directeur général du Réseau du sport étudiant. Je suis accompagné présentement de Stéphane Boudreau, qui est le directeur des communications et marketing et également responsable du programme De Facto.

Et j'ai vraiment l'honneur aujourd'hui d'être accompagné par le Dr David Hammond, professeur associé à la chaire sur la santé à l'Université de Waterloo, de là le besoin possible d'avoir un peu de traduction. Et, si vous me permettez, je vais être quand même assez concis, mais je tiens quand même à vous présenter Dr Hammond. Donc, on parle de conseiller à l'Organisation mondiale de la santé, expert en intervention sur la recherche du tabac, également témoin expert en lien avec l'usage du tabac, a reçu des nombreuses récompenses à travers son travail, notamment avec l'Association médicale canadienne et la société de statistique royale du Canada.

Dans le cadre du Réseau du sport étudiant, en lien avec la mission que nous avons, on a à travailler sur la pratique sportive des jeunes, puis, quand qu'on parle des jeunes, pour nous, on parle de la maternelle jusqu'à l'université. Ça représente au-delà de 187 000 étudiants-athlètes au niveau de la province au complet. Dans ce cadre-là, on travaille également au niveau de la santé. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui et qu'on est intéressés par le projet de loi de... la loi n° 44.

Donc, en raison de ces éléments-là, depuis 2004, on a travaillé à développer un nouveau programme, qui s'appelle De Facto, donc c'est le programme sur lequel on a déposé le mémoire comme tel aujourd'hui. Ce programme, dans le fond, c'est un programme de dénormalisation du produit du tabac. Et l'orientation sur laquelle on le prend dans ce type de travail là, c'est de travailler beaucoup sur la... de ne pas être moralisateur auprès des jeunes, mais plutôt d'utiliser leurs capacités et leur intelligence à faire, donc, la lumière sur qu'est-ce que le tabac et l'industrie du tabac comme telle.

Avant que je cède la parole à Dr Hammond, qui va pouvoir vous parler sur deux points essentiellement, soit l'harmonisation et les mises en garde de santé standardisées, moi, je tiens à affirmer, au nom des 187 000 étudiants-athlètes que nous avons dans notre réseau ainsi que l'ensemble de la population scolaire, que le projet de loi qui est sur la table est essentiellement important pour cette population-là, et je vous dirais qu'il est important également, l'amendement qui... certains amendements qui sont proposés, notamment celui qui nous, nous touche plus directement, celui d'élargir l'interdiction à tout ce qui est... tout endroit où un jeune peut se retrouver, que ça soit dans un parc, que ça soit dans un terrain de jeux. Dans le fond, c'est de leur permettre d'avoir un milieu sécuritaire et sain pour pouvoir explorer et se réaliser dans ce domaine-là. Je cède la parole à Dr Hammond.

• (16 h 10) •

M. Hammond (David) : Je vous remercie de l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je voudrais commencer par vous présenter mes excuses pour la qualité de mon français.

Je suis un scientifique en santé publique et mène une étude approfondie des recherches scientifiques portant sur les questions discutées ici aujourd'hui, y compris le tabagisme des jeunes, l'aromatisation et le design des produits du tabac. Mon témoignage d'aujourd'hui est également basé sur mon expérience de conseiller pour des pays de par le monde quant à la réglementation du tabac. J'ai, par exemple, servi comme témoin expert au nom de pays comme l'Australie, le Royaume-Uni et le Canada dans le cadre de poursuites impliquant des compagnies de tabac.

On m'a demandé de traiter de deux questions aujourd'hui. Tout d'abord, je tiens à témoigner au sujet de l'impact de l'interdiction des arômes de tabac qui est contenue dans le projet de loi n° 44. Comme vous le savez bien, il existe des restrictions fédérales sur les produits du tabac au Canada. Toutefois, ces restrictions ont d'importantes exemptions, notamment pour le menthol, qui est la saveur la plus répandue pour les cigarettes. L'exemption actuelle pour le menthol dans les règlements fédéraux est comme une interdiction de soda qui exempte Coke et Pepsi : elle n'est ni logique ni efficace.

Le projet de loi n° 44 va fournir une protection supérieure pour les enfants et les jeunes du Québec. La preuve démontre sans équivoque que les produits avec des saveurs, comme le menthol, ont un plus grand attrait chez les jeunes. J'ai examiné des milliers de documents de l'industrie du tabac, et ces documents commerciaux établissent clairement que les saveurs sont un moyen efficace de commercialiser et de promouvoir le tabagisme pour les jeunes. Ces documents sont également compatibles avec les données de prévalence.

Au Canada et au Québec, les fumeurs de cigarettes chez les jeunes sont environ six fois plus susceptibles d'utiliser le menthol que les fumeurs de cigarettes adultes. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles le menthol est un puissant produit d'initiation. En plus de leur goût, les produits au menthol sont perçus par beaucoup comme des produits moins nocifs, en partie parce qu'ils anesthésient la gorge et masquent l'expérience hostile de l'inhalation de la fumée.

L'interdiction des saveurs ici proposée ramènerait le Québec en phase avec les recommandations internationales de la Convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac. J'ai moi-même siégé au comité responsable de l'élaboration des lignes directrices, basées sur des données probantes, pour les articles 9 et 10, qui couvrent les tests et la réglementation des produits du tabac dans les 180 pays qui ont ratifié la convention-cadre. Les articles 9 et 10 des lignes directrices recommandent que les saveurs qui augmentent l'attrait ou l'appétence du tabagisme, comme le menthol, soient limitées ou interdites. Québec rejoindrait alors d'autres provinces canadiennes, l'Union européenne et un nombre croissant d'autres juridictions dans la mise en oeuvre des restrictions complètes de saveurs dans les produits du tabac. Je ne doute pas que ces restrictions permettraient de réduire l'adoption du tabagisme chez les jeunes Québécois.

On m'a aussi demandé de parler des emballages de tabac. Je suis conscient que les groupes de santé dans le Réseau du sport étudiant du Québec ont réclamé l'emballage neutre, comme en Australie. Je sais aussi que la ministre déléguée à la Santé publique, Mme Lucie Charlebois, a déclaré, le 5 mai dernier, qu'elle considérait instaurer un règlement, suite à l'adoption du projet de loi n° 44, pour standardiser les mises en garde de santé sur les paquets.

Les paquets de tabac sont de toutes formes et toutes tailles. Dans des pays tels que le Canada, les paquets sont la forme la plus importante de marketing qu'il reste à l'industrie, et les entreprises continuent d'innover au niveau de la forme physique des paquets. Cela pose un sérieux défi pour les mises en garde de santé. J'ai pris plusieurs exemples de formes d'emballage, en face de moi, qui illustrent comment la forme et la taille des paquets de tabac modifient et détériorent les mises en garde de santé. En particulier, les emballages de cigarettes minces et ultraminces réduisent le texte de mise en garde, et ce, à une taille pratiquement illisible.

J'ai conseillé des pays du monde entier sur le design des mises en garde de santé et je peux attester que la grande variété dans des formes d'emballage est un problème considérable pour maximiser l'efficacité des mises en garde de santé. Voici un exemple de Player's. Si on fignole un peu, on peut complètement enlever la «part» extérieure du paquet où se trouve la mise en garde et simplement la jeter.

Les consommateurs sont généralement d'accord : nous avons mené des recherches sur cette question et nous avons constaté que les jeunes en particulier perçoivent les mises en garde sur les paquets minces comme moins efficaces. Le problème devient encore plus grave pour les paquets à bords arrondis ou à formes inhabituelles, qui sont souvent utilisés pour les petits cigares et d'autres produits du tabac.

La qualité de mise en garde de santé ne devrait pas dépendre de la marque ou du type de cigarettes que fume un consommateur. Par conséquent, des pays tels que l'Australie et le Royaume-Uni ont adopté des règlements visant à standardiser la forme et la taille des paquets. Cela peut être fait de plusieurs façons : par la mise en place d'une dimension minimale pour les surfaces des mises en garde; en exigeant que leurs surfaces soient planes et à arêtes carrées, pour éviter des bords arrondis ou cachés; et un mode standard d'ouverture des paquets de sorte que les volets et les autres types d'ouverture ne viennent occulter les mises en garde.

J'ai ici plusieurs exemples de paquets standardisés d'Australie. Dans le cadre des règlements existant là-bas, il existe une dimension minimale pour les principaux côtés de paquets. Les formats minimaux d'emballage, comme en Australie et à l'Union européenne, ont la conséquence bénéfique supplémentaire d'éliminer les cigarettes ultraminces, qui sont un moyen de marketing très efficace pour cibler les jeunes filles et qui sont faussement perçues comme moins nocives que les cigarettes régulières.

Ma compréhension est que le Québec a, dans sa loi actuelle, l'autorité réglementaire requise pour encadrer les emballages et les mises en garde de santé et pourrait donc standardiser celles-ci. Cette mesure a l'appui de plusieurs groupes de santé publique. Cela permettrait au Québec d'atteindre les objectifs gouvernementaux en renforçant les connaissances du public pour la santé et en réduisant l'initiation au tabagisme chez les jeunes.

Je vous remercie de l'opportunité de parler avec vous aujourd'hui. Je serai heureux de répondre à toute question que vous pourriez avoir et, je regrette, mais mon français n'est pas assez bon pour bien parler sans texte à lire, donc, si cela ne pose pas de problème, je répondrai aux questions en anglais. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much. Nous allons maintenant débuter la période d'échange, et, pour une période de 20 min 30 s, je cède la parole à Mme la ministre.

Mme Charlebois : Alors, M. Roel, M. Boudreau et M. Hammond, merci d'être là. Merci de nous faire part de vos préoccupations et de vos points de vue sur le projet de loi sur le tabac. Ça va certainement permettre d'enrichir nos connaissances mais aussi d'apporter... de bonifier le projet de loi de façon impeccable. Et, d'entrée de jeu, je veux vous féliciter de vous soucier des jeunes par le sport, mais aussi par l'intérêt de ce qu'ils consomment. Vraiment, c'est tout à votre honneur. Puis je pense que c'est étroitement lié, l'alimentation, le sport et le tabagisme, là... l'interdiction de tabagisme. Honnêtement, c'est extrêmement lié, alors j'imagine que vous devez être heureux de voir que nous allons réglementer la cigarette électronique. Je ne vous ai pas entendus en parler, mais j'imagine que vous êtes heureux de voir que nous allons l'interdire aux mineurs. D'entrée de jeu, je vais vous questionner là-dessus.

M. Roel (Gustave) : Dans le fond, on est très heureux dans la mesure, effectivement, qu'on va venir baliser et faire en sorte que nos jeunes ne commencent pas à fumer. Le fait qu'on a demandé à Dr Hammond d'être avec nous, c'est justement parce qu'on a besoin d'un expert pour être capables de voir quels sont les impacts possibles. Ce n'est pas notre expertise. Notre expertise, vous l'avez bien mentionné, et je vous en remercie de l'avoir fait ressortir, c'est effectivement la santé de nos jeunes à travers l'activité physique. Et c'est pour ça que le programme De Facto a travaillé depuis, maintenant, 2004 à faire en sorte que les jeunes comprennent par eux-mêmes quels sont les impacts. Donc, on ressort les effets, les faits comme tels, et c'est à eux à prendre une décision, donc les responsabiliser à dire : Est-ce que j'y vais ou je n'y vais pas? Par contre, concernant les effets, je ne sais pas si le Dr Hammond veut parler au niveau de cet élément-là.

• (16 h 20) •

M. Hammond (David) : Well, I'll just add to that to say that, you know, Québec is... will be standing along with many other provinces in terms of the increasing regulations around e-cigarettes, particularly cheaper brands used among youth. And I think, as you've heard in your hearings, this is a very complicated issue. There are arguments on both sides. But I think there is very strong consensus and agreement that e-cigarette should not be used by youth, and measures such as prohibiting sales to youth and a minimum age have very strong consensus, not just among public health advocates here, in Canada, but, I think, around the world.

Mme Charlebois : Est-ce que vous considérez que ça pourrait avoir un effet passerelle, c'est-à-dire que les jeunes pourraient commencer à fumer avec la cigarette électronique pour transférer éventuellement vers le tabagisme?

M. Hammond (David) : Well, you know, I think there's again agreement that we don't want young people using nicotine and ingesting nicotine. There's all sorts of reasons, in terms of the deleterious effects of nicotine in the developing brain, and certainly, you know, there's a possibility that the use of any nicotine products can... you know, might lead to smoking later on. So, again, I think there's very strong consensus. I haven't even heard proponents of e-cigarette suggest that these are something that youth should be using.

So I think the proposition, as I understand it in the bill, to have a minimum age restriction, I think, is a very sensible public health measure and one that will ensure that it will help to minimize the use of nicotine products among youth in general.

Mme Charlebois : Donc, vous devez être d'accord avec le fait qu'on va interdire et l'affichage et le... voyons! l'exposition des paquets de cigarettes électroniques dans un dépanneur. Vous devez être en accord avec ça, parce qu'on va les réglementer au même titre que les paquets de cigarettes vont devoir être cachés. Vous êtes à l'aise avec tout ça?

M. Roel (Gustave) : Je vous dirais que les jeunes sont à l'aise avec ça. Si vous regardez, à la page 6 du mémoire qu'on vous a déposé, le sondage qui a été fait auprès des jeunes, c'est des éléments qu'ils soulèvent. Encore une fois, notre objectif avec De Facto, c'est de faire en sorte qu'ils prennent conscience et qu'ils fassent des choix. Et, dans cette consultation-là, dans ce sondage-là, ils ont dénoté notamment le fait que... au niveau des emballages neutres, ils ont dénoté également, au niveau des faits... d'interdire des nouveaux produits. Donc, c'est le message qu'ils nous passent, donc ils vont dans le sens que vous abordez présentement.

Donc, toute solution possible pour faire en sorte que nos jeunes ne commencent pas à fumer... Je pense que les statistiques le prouvent, et vous avez plusieurs personnes, j'imagine, qui sont venues vous faire cette démonstration-là, vous en avez à l'intérieur de notre document... Bien, l'objectif, c'est de faire en sorte que nos jeunes ne débutent pas dans ce processus-là. C'est vraiment ça.

La raison pour laquelle je disais tantôt de pouvoir étendre cette interdiction-là dans les lieux publics comme des terrains de jeux, par exemple, c'est exactement l'objectif sur lequel nous, on essaie de travailler.

Mme Charlebois : Les gens qui ont participé au sondage, ce n'est pas seulement des sportifs, là, c'est des gens de tout acabit, hein?

M. Roel (Gustave) : Exactement. Exactement, et c'est pour ça que je disais tantôt qu'on représente, oui, 187 000 étudiants-athlètes, mais, lorsqu'on s'adresse avec De Facto, pour nous, c'est l'ensemble de la population scolaire à laquelle on s'adresse, pas uniquement ces jeunes-là.

Mme Charlebois : Je pense que docteur avait quelque chose à ajouter?

M. Hammond (David) : No. I would just... You know, we know that the point of sale is a very effective way of marketing. It's not just for tobacco and cigarettes, it's for all products. That's why Québec and other provinces have banned display and marketing of cigarettes at the point of sale. We know that the point of sale has very broad reach among youth. If you walk in to buy milk or a candy, you're exposed to it. And I think that any restriction that helps to reduce marketing of any nicotine product to youth is a good thing. And any marketing of e-cigarettes needs to be carefully controlled, and that if there is any marketing for e-cigarettes, it should be towards the purpose of discouraging smokers, by promoting people to quit smoking rather than potential gateway to increase smoking.

I would just add to that that, as much as e-cigarette is a very difficult issue, I think it's important that we keep our focus on the products that people are using now... and, we know, are killing them, like menthol cigarettes. So you may know that in Québec about half of youth smokers, in Québec, have used a menthol product in the last months. That's half of all your regular youth smokers. And we also know, as I'm sure you've heard, that one out of every two or one out of every three of those kids will die from smoking if they continue in their habit.

So, as much as e-cigarettes are a very important issue, I think it's very important that public health measures focus on the products that are out there right now, and they're being used very widely among youth, and that would include menthol products, and ensuring that they continue to get the best health information that they can on their packaging.

Mme Charlebois : Ce que je constate ici, c'est écrit : «Près du tiers des [étudiants] du secondaire III à V qui fument la cigarette, 31 %, choisissent la version [...] menthol», c'est ce que vous venez de dire, je pense, en anglais. Mais, drôle de hasard, on avait des détaillants des dépanneurs hier, on avait aussi d'autres représentants, on nous disait que c'était une part infime de leur marché, le menthol, et que les jeunes — leur constat, eux autres, sur le terrain — n'achètent pas de menthol. Les statistiques que vous avez proviennent de l'enquête et proviennent définitivement de jeunes Québécois, là?

Une voix : Oui. Tout à fait.

Mme Charlebois : O.K. Est-ce que, Dr Hammond, vous pourriez me dire pourquoi l'Ontario ont mis un délai pour l'adoption... pour l'interdiction du menthol? Avez-vous une idée? Parce que, nous, ce n'est pas ce qu'on projette, là, on dit : Toutes les saveurs. Vous le savez, vous avez lu notre projet de loi. Mais pourquoi l'Ontario ont fait différent?

M. Hammond (David) : Well, I am always careful about understanding or saying that I understand politics, but, as you may know, a number of provinces... most provinces of Canada have either proposed a bill or implemented a ban on menthol. And there are differences in how quickly they brought in that ban. Other provinces like Nova Scotia and New Brunswick have acted much more quickly. So I can't speak to why they decided to have a longer lead time. Some people might suggest it's because of lobbying, to give retailers and manufacturers some advanced time. And, as you know well, that's typically... you know, you need to provide the industry with some time to adjust. But I think the examples in the other provinces certainly demonstrate that it's possible to have a relatively short implementation deadline. I mean, that has happened, and there have been no problems in terms of implementing those bans, to my knowledge.

Mme Charlebois : Non, je comprends. Je veux vous ramener sur les cigarettes électroniques, parce que vous me dites : Concentrons-nous sur le produit comme tel du tabac, qui tue davantage que la cigarette électronique, j'en conviens avec vous, mais, moi, l'effet passerelle me fait peur. Et vous avez dû remarquer que, dans notre législation, c'est le seul produit sur lequel on a conservé les saveurs. Par contre, on s'est gardé une possibilité de règlement pour pouvoir l'interdire si on s'aperçoit que les jeunes, ou d'autres populations, tendent vers ça puis que ça va augmenter la prévalence au tabac.

Je comprends aussi que les compagnies de tabac, créatives comme elles le sont, ont commencé à s'investir dans la cigarette électronique et à y introduire le produit du tabac, pas seulement la nicotine, qui crée la dépendance, mais là ils commencent à introduire le produit du tabac. Alors, est-ce que vous ne considérez pas qu'on doit être très vigilants, partout au Québec, concernant ces cigarettes électroniques là, même si on sait que plusieurs s'en servent pour arrêter de fumer?

M. Hammond (David) : The short answer is yes. I think you do need to be very careful about these products, and, you know, you are one of many jurisdictions that are struggling with this issue, and, you know, why it is such a struggle? It's because you have some people saying these things increase smoking, you have some things... saying that will decrease smoking, and they are both correct. It depends upon who uses them and for what purpose. So, obviously, they could promote smoking among youth. They can help to sustain smoking among smokers. If I can't smoke at work or I can't smoke in parks, I might quit smoking. If I use an e-cigarette to get me through those times, maybe I continue smoking. At the same time, we know that many Canadian adults are trying these things to get off cigarettes.

So that is what makes this difficult: both sides are correct. And the answer is how there are regulated, and that is precisely, I think, what you are dealing with, and that is why, as I have said, I think regulations that discourage youth of e-cigarettes, among young people, are the first and critically most important step, and that is, I think, what I see in your Bill 44.

There are another set of issues that are even more complicated, such as, well, «Wat flavors should remain, what flavors should not remain?» I think there's consensus that you don't need bubble gum and peanut butter flavors in e-cigarettes for smokers to want to use them to quit. I think there is a... It's not a simple issue, and so I don't pretend to give you advice on what specific flavors should be addressed. My understanding of your bill is that it gives the province the authority to decide at a later point, and my personal opinion is that that would be a reasonable basis for future decisions.

• (16 h 30) •

Mme Charlebois : D'accord. Merci, vous répondez très bien à ma question, en tout cas.

Je vais vous parler maintenant de l'emballage neutre. J'ai vu vos recommandations. Vous m'avez parlé de l'étiquette de mise en garde. Qu'est-ce que vous pensez si l'étiquette de mise en garde est réglementée, avec des dimensions, etc.? Est-ce que ça peut compenser pour l'emballage neutre? Première question.

Deuxième question : Vous qui êtes de l'Ontario — je vous reviens encore avec l'Ontario, vous allez dire «elle est fatigante» — comment se fait-il que l'Ontario n'a pas réglementé sur l'emballage neutre dans le nouveau projet de loi? Puis Dieu sait qu'ils sont rigoureux dans leur projet de loi.

M. Hammond (David) : Well, I grew up in Alberta, so I won't take responsibility for everything from Ontario.

Well, you know, the history of tobacco control is that measures that were once new and radical become commonplace. When the first jurisdiction tried to ban smoking in the workplace, it was never going to work, it was never going to happen, and now we find it difficult to imagine the opposite. And standardizing the warnings on packages is, I believe, going to follow the same course. You know, we have packs called superslims, with pink flowers on them, called Vogue, and I think that people will look back in 20 years and say, «I can't believe we ever had that, I can't believe we had these nice superslim packages.»

So why have another province done it? Well, Australia has done it, and, in the last year, about half a dozen other countries have step up and said that they were going to do it. And provinces have always been at the forefront of new measures for tobacco control in Canada. It's rarely the federal Government that steps up and says, «We're going to do it first.»

So I think that this will happen. I think it's a question of who wants to take leadership. And I think that this is an opportunity of having good regulation, good protection for kids or better protection for kids. And so I think it's a case of which province or jurisdiction in Canada wants to take leadership. You may or may not know that something like this was very close to happen 15 years ago in Canada and then there was all sorts of court cases for different reasons with the companies.

So I can't tell you why other provinces have done it. I think that it likely will be a province that steps forward and takes leadership on this issue, and I think, as I said, it's a question between good treatment or better treatment. So I suppose we'll see.

Mme Charlebois : Mais, quand je vous parle de réglementer l'étiquette, ce que je vous dis, c'est que les dimensions vont être réglementées. Là, les petits paquets ne seraient plus permis avec une réglementation. Mais, vous, ce que vous souhaitez, c'est qu'on y aille pour la totale, de faire en sorte que tout le paquet devienne neutre. C'est ça? C'est ça, votre recommandation?

M. Hammond (David) : Well, I mean, it's not so much what I want. I think the most important step is to insure we have agreement around the world that this is a uniquely lethal product and it requires unique health warnings. And I have helped many countries to design their health warnings. And there is something I'm not suppose to say in public, but I can certainly tell you that in Canada, you know, the Government said to me, «Jeez, it is very difficult for us to design a health warning when we don't know if the picture is going to be on the side of the text or on top of the text.» And if you could see, they cropped the pictures differently, and this text is so small. So it's very hard to design a warning.

So I think one of the first measures in tobacco control has always been to present health information in the most direct standard way, and I think that standardizing the shape and size of packages is the most important thing. Other countries have gone further in terms of prohibiting brand imagery. I mean, that is what you see here. I mean, that's not what I'm speaking about today, but it's the same principle of standardizing the package, and I think starting with a standard shape and size for health warnings is a very good starting place.

Mme Charlebois : Ce qui m'a impressionnée, c'est qu'en Australie il y a des études, je crois, qui le démontrent, le taux de tabagisme... la prévalence au tabac s'est grandement réduite suite à l'emballage neutre. Est-ce que je me trompe?

M. Hammond (David) : Yes. And I'm actually serving as an expert witness on behalf of the Australian Government, and the U.K. Government, and the Irish Government, all of whom have been sued by the tobacco companies. So I can't disclose anything private, but certainly they have had, in Australia, their largest decrease in prevalence ever recorded in history, and that is starting from an already low level. So that certainly helped.

And I know... There's actually... I mean, it's funny because it's the two topics I'm speaking of today, but there are two dominant international trends in tobacco products. One is the increased flavoring and use of menthol and these things where you crush the filter and it releases menthol, and the second one is slim and superslim packaging. And it's not me saying that. You can read the trade magazines for the industry, and it says these are the two dominant trends. It's not an accident that those two trends are preferentially targeting young people. And so I think that's one of the reasons why the Australian regulations have been so effective, because they are really changing and altering the two dominant ways that companies are trying to promote smoking to youth.

So, I'm sorry, that was a long answer to your question. The short answer is, «Yes, smoking has gone down to historic levels.»

Mme Charlebois : Mais je vous ai entendu dire, dans votre réponse longue, que les pays qui ont normalisé les paquets ou, en tout cas, qui ont des paquets standard sont poursuivis en ce moment par les compagnies de tabac?

M. Hammond (David) : That is correct.

Mme Charlebois : Alors, j'avise la population que les compagnies de tabac sont persistantes.

Alors, je vais vous amener sur, maintenant, les terrains de jeux. Vous avez vu qu'on a eu beaucoup de recommandations à l'effet que... ce n'est pas dans le projet de loi en ce moment, mais qu'on devrait interdire le tabac sur les lieux publics des terrains de jeux des enfants. On a même eu un groupe qui nous a demandé que, dans tous les établissements scolaires, que ce soit primaire, secondaire, cégep et universitaire, soit interdit le tabac. Je veux vous entendre là-dessus, étant donné que notre réflexion ne s'était pas rendue là. Est-ce que vous croyez que c'est aller loin que d'interdire dans tous les établissements scolaires et particulièrement les aires de jeux, les parcs ou... J'aimerais vous entendre sur jusqu'où on devrait aller. Seulement les terrains de jeux ou bien les plages, tout ce qui est public?

M. Hammond (David) : Well, to be honest with you, I'm not an expert in that area, and so, you know, I would defer to others that you've spoken to. I want to be careful about not providing you with my opinion in areas that I don't feel fully qualified to do so, you know. So I'll simply say that, you know, those sorts of regulations had been implemented in other places. I think they've been quite popular, and actually they have surprisingly little resistance from smokers themselves who, I think, recognize people's wishes and perhaps rights to experience smoke-free environments. But perhaps I'll hand it back to you.

M. Roel (Gustave) : Merci. Je ne suis pas un expert non plus dans ce domaine-là. Par contre, j'ai un vécu assez long au niveau du domaine de l'éducation. Je proviens d'une commission scolaire, donc c'est tout récent, le nouveau poste que j'occupe aujourd'hui, et j'ai eu à gérer des conseils d'étudiants pendant plusieurs années, et les éléments que les étudiants amènent souvent, dans les trois priorités dans une commission scolaire, c'est souvent le fait d'avoir un accès à l'école sans fumée. Pourtant, il y a une loi qui fait une ligne bleue en quelque part, où les gens doivent fumer plus loin que la ligne bleue. Le problème, c'est que l'écran de fumée n'est plus à la porte. Elle est au bout du corridor, si vous voulez, ou de l'allée.

Donc, dans ce sens-là, je vous répondrai oui. C'est ça que les jeunes veulent, c'est ça que les étudiants-athlètes... Ce qu'ils veulent, c'est d'avoir un endroit où ils ne sont pas confrontés nécessairement à ça, donc, d'une part, parce qu'ils veulent protéger leur santé, mais, du deuxième côté... C'est de faire en sorte qu'ils ne débutent pas déjà à fumer, déjà là. Et, vous le savez aussi, les effets de la fumée secondaire et ces éléments-là. Moi, je vous dirais : Le plus loin possible, encore mieux pour la clientèle que nous représentons. La réponse est oui.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Rosemont pour une période de 13 minutes.

• (16 h 40) •

M. Lisée : Merci, M. le Président. M. Roel, M. Boudreau, Dr. Hammond, welcome to the National Assembly. I want to commend you on the quality of your French. Parce que vous avez lu, mais j'ai entendu des anglophones lire moins bien que vous. I would put you between Stephen Harper and Jean Chrétien.

Bon, d'abord, je tiens à vous féliciter pour votre travail. Le sondage dont vous parlez, que vous avez fait auprès des jeunes en général, est très parlant, est très parlant. Vous dites : «...près de neuf jeunes sur 10 considèrent que l'industrie du tabac profite de leur sentiment d'invincibilité et de leur naïveté pour les attirer et les rendre dépendants aux produits du tabac.» Et ça, on a montré, aux États-Unis entre autres, que les campagnes antitabac les plus efficaces auprès des jeunes étaient celles qui parlaient de la volonté des compagnies de les manipuler, hein, et c'est parce que, bon, les jeunes aiment être autonomes. Quand on leur dit : Vous vous faites manipuler, ils réagissent négativement. Si on leur dit : C'est mauvais pour votre santé, ils disent : Non, je suis en pleine santé. Bon. Alors donc, c'est bien de voir la conscience des jeunes de la volonté manipulatrice des compagnies de tabac.

Ensuite, vous dites : «60 % des jeunes fumeurs ou anciens fumeurs âgés de 18 à 24 ans identifient les produits du tabac aromatisés comme ayant fait partie de leurs premières expériences avec le tabac.» Alors, effectivement, c'est ce que l'industrie du tabac essaie de nier, mais votre sondage est probant, 60 %, c'est considérable. C'est chez les jeunes Québécois que la popularité des produits du tabac aromatisés est la plus élevée au Canada. 59 % des élèves fumeurs de la troisième à la cinquième année du secondaire, au Québec, consomment des produits du tabac aromatisés, ce qui est 9 % de plus, neuf points de pourcentage de plus que la moyenne canadienne. C'est un des rares cas où je voudrais bien que le Québec atteigne la moyenne canadienne, sinon réussisse à montrer la voie.

Je vais vous parler du tabac à chiquer, parce que vous êtes avec des jeunes sportifs, et, bon, il faut faire des distinctions, il y a le tabac à chiquer et à cracher, ensuite il y a le tabac que l'on met sur la gencive sans le mâcher et dont la nocivité est moins grande. Tout est nocif, mais, si on fait une gradation, cette nocivité-là est moins grande. Et on a l'impression que c'était d'un autre âge, le tabac à chiquer, mais vous nous dites que, presque toujours aromatisé, ce produit est très populaire chez les jeunes sportifs. Pourquoi? Dans quelle mesure?

M. Roel (Gustave) : Nouvelle tendance.

M. Lisée : Nouvelle tendance?

M. Roel (Gustave) : Il faut comprendre que les jeunes sont aussi influencés par des modèles qu'ils voient, et c'est ça qu'on voit présentement de plus en plus. Donc, ça nous préoccupe. On n'a pas de... Dans notre cas à nous, et je vais laisser le Dr Hammond donner plus d'information, dans notre cas à nous, on n'a pas plus d'information très précise sur combien, mais ce qu'on voit, c'est qu'il y a une augmentation, et ça, on le ressent, et ça, on l'entend. Dans ce sens-là, nous, ça nous préoccupe. Donc, c'est pour ça qu'on dit : Écoutez, vous êtes dans un travail important, ça serait peut-être déjà important de commencer à le considérer, parce qu'il y a quelque chose là à l'heure actuelle et il risque d'avoir un dérapage là aussi.

Dr Hammond, je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter.

M. Hammond (David) : Well, I think, again, it speaks to the importance of social norms, people that kids look up to, and I think it speaks to action from both ends. I know for a fact that there are groups trying to work with the Major League Baseball Association, for example, to ban the use of smokeless tobacco at all levels. And I think the other direction is the one that Québec is undertaking, which is to get it out of sports areas, to get it out of playgrounds and to break that association.

These are associations that have been built up for many decades very carefully through industry marketing. I have read tens of thousands of these documents, and they're very clear in saying why kids smoke. You know what? Kids don't smoke just for the nicotine, because you have to try the product before nicotine has an effect on you. And so that initial trial is all about the image of smoking and the value that it provides, and one of those values is : I'm a tough guy, I'm a real serious baseball player, so I have smokeless tobacco. So this is built up over many decades, and I think, you know, getting tobacco use outside of the sports areas and sporting events is an important component of trying to break that association.

M. Lisée : M. Roel, M. Boudreau, est-ce que c'est permis sur les terrains de sport au Québec de chiquer pour les jeunes?

M. Boudreau (Stéphane) : Oui.

M. Lisée : C'est permis en ce moment?

M. Boudreau (Stéphane) : Oui, c'est permis. Même la cigarette électronique... sont sur les terrains. C'est banalisé en ce moment, c'est vu comme une tendance. Quand on va dans un championnat, ou une pratique, ou même une partie d'une saison régulière, on le voit. C'est régulier tant au football, au baseball que le hockey.

M. Lisée : Alors, quelle serait la réaction si on décidait de bannir à la fois la cigarette électronique, la cigarette traditionnelle, le tabac à chiquer ou à sucer, du jour au lendemain, pour les jeunes? Comment vous géreriez ça?

M. Roel (Gustave) : Moi, je prendrais un bout de réponse de Dr Hammond tantôt : C'est un changement, dans le fond, pour nous, de normes sociales. Et, dans le programme De Facto, c'est quelque chose qu'on a mis de l'avant dès le départ, depuis 2004. Et les jeunes, dans le fond, réagissent fortement et positivement à ça, parce qu'effectivement ce qu'on leur démontre, c'est qu'ils sont manipulés présentement, et c'est ça qu'on arrive à leur donner avec les faits. Est-ce qu'il peut y avoir une réaction? Peut-être, mais je vous dirais que la majorité de nos étudiants-athlètes, présentement, ils seraient favorables à quelque chose comme ça, c'est... et vous le voyez dans les résultats que vous avez énumérés tantôt. L'information qu'ils nous donnent, c'est : On veut le sortir de cet élément-là et changer les normes sociales.

M. Lisée : Est-ce qu'il y a des athlètes québécois connus qui sont des mauvais modèles en ce moment? Est-ce que vous les connaissez? Vous pouvez nous donner leurs noms, on va les convoquer.

M. Boudreau (Stéphane) : Moi, je ne m'avance pas.

M. Roel (Gustave) : Je ne pense pas que je l'ai marqué dans le mémoire.

M. Boudreau (Stéphane) : On doit les côtoyer. On doit les côtoyer. Là, je ne m'avance pas.

M. Lisée : On se parlera tout à l'heure. On se parlera tout à l'heure parce qu'on pourrait faire une campagne, trois anciens chiqueurs, olympiques ou autrement, qui disent : Moi, j'arrête de chiquer. Bon, tu sais, on peut travailler là-dessus. O.K.

Et évidemment, là, en ce moment, la loi va enlever, comme, bien, le rappelle la ministre, les saveurs dans le tabac à chiquer, dont, vous dites, ils sont essentiellement aromatisés. Est-ce que ça aura un impact important sur la baisse de la consommation, chez les jeunes, du tabac à chiquer?

M. Hammond (David) : Yes, we certainly expect that to be the case. I could have brought many more products, and you've probably seen these, but, you know, if you haven't, come on up afterwards. So this is a blunt trap, but it's the same idea. I mean, they smell like candy. This is called Grapes Gone Wild. I mean, they are presented with candy flavors for a reason : it makes them more interesting to initiate and it really masks the taste and the feel of having tobacco in your mouth. So, yes, I mean, that's... the flavors are in there because they are an incentive to try, and taking them out reduces that incentive to try in the first place.

M. Lisée : Il y a deux recommandations que vous faites qui ne sont pas dans le projet de loi tel que rédigé mais que nous, au Parti québécois, on appuie. Le premier, c'est l'interdiction des familles de marques et des cigarettes minces et ultraminces. Là, vous dites : Ceux-là, il faudrait que ça n'existe plus, les cigarettes minces et ultraminces. Pourquoi?

M. Hammond (David) : Well, as I said, I mean, one of the positive benefits of requiring a minimum pack size for the warnings is that these disappear. They used to have these in Australia, they are no longer allowed. You know, the benefit of that is not just that people get superior health information, so young girls that are smoking these are getting the same health information as men that might smoke these, but these are...

You know, it's interesting, but the desire to be slim, to lose weight is one of the most common reasons for young people to try smoking. And, you know, 70, 80 years ago, very few women smoked. It used to be illegal in places like New York City for women to smoke, and the American Tobacco Company, in the 1930s, came out with the first advertising campaign and it was, «Reach for a Lucky instead of a sweet.» In other words, smoke a cigarette instead of eating a candy. And that campaign has persisted through Virginia Slims to Vogue, and it really hits on one of the most important reasons why young girls smoke.

And so it has the benefit, again, of trying to cut the chord with that very effective reinforcement. You don't have to come out and say, «Smoking makes you skinny» when you name it, the... a name of a fashion brand and write the word «superslim» on the pack, as is the case. And, if you look at these cigarettes, they're beautiful and they're very small. This one's cut in half, but you can see that it's the entire marketing package, with the product design, with what's written on there, that together reinforces that belief.

M. Lisée : Dr Hammond, vous êtes une des sommités internationales en la matière. Donc, vous l'avez dit, vous avez été témoin expert pour le gouvernement australien, le gouvernement du Royaume-Uni et de l'Irlande. Ce matin, dans Le Devoir, vous dites : «Je m'attends à ce que le gouvernement [québécois] adopte une loi qui soit forte[...]. [Le] Québec a démontré, au fil des années, un leadership important en matière de lutte au tabagisme [...] et s'est engagé à protéger les jeunes. Les mesures déjà prévues dans le projet de loi vont certainement aider, mais, en ajoutant une mesure sur la standardisation de l'emballage des paquets de cigarettes, ça va aider encore plus. C'est comme aller chez le docteur et se faire demander : Est-ce que vous voulez le bon traitement», le projet de loi actuel, ou est-ce que vous voulez un traitement encore meilleur, celui avec les paquets standardisés? Eh bien, moi, je vous dis que, pour le Parti québécois, c'est sûr qu'on veut le traitement encore meilleur, et on va travailler là-dessus.

Évidemment, ce qui pourrait un peu refroidir les ardeurs de membres du Conseil des ministres, c'est que les compagnies de tabac poursuivent. Et poursuivre, ça coûte cher pour se défendre. Parfois, on gagne. On gagne 15 milliards de dollars, récemment. On est en appel, mais quand même. Alors, pourriez-vous... Je sais que l'Australie a été poursuivie deux fois au moins mais a gagné...

Une voix : ...

• (16 h 50) •

M. Lisée : Trois fois. Alors, pouvez-vous résumer rapidement quelle est l'ampleur de l'effort des compagnies de tabac pour essayer d'empêcher l'Australie de faire ce qu'elle a fait avec les paquets standardisés?

M. Hammond (David) : So you're correct in that there were three separate legal challenges. The first one has been heard, and the Australian Government won. The second one is the World Trade Organization challenge, which has been heard but not decided. And the third one, the case has not been heard. I can tell you that...

M. Lisée : Est-ce que j'ai compris qu'ils sont intervenus dans une entente Singapour et l'Australie pour introduire, dans l'entente Singapour-Australie, une disposition qu'ils pouvaient ensuite invoquer en disant que l'Australie était en contravention de cette convention?

M. Hammond (David) : Yes. Without providing my personal opinion, what happened is Philip Morris opened a company in another country for which there was no trade after the Australian Government had announced regulations, so they could then say that those trade interests were damaged. Legal scholars don't believe that those cases have much merit, but they are disincentive, there is no question. I mean, the tobacco companies have sued the Canadian Government many times. You may or may not know that they've just announced that they're suing him again.

M. Lisée : Oui.

M. Hammond (David) : So, you know, these things are as much to scare governments from acting as they are to have merit...

M. Lisée : Mais parfois ça fonctionne. Ça fonctionne parce que... Est-ce que j'ai raison de dire que le Togo a voulu adopter une législation antitabac, les compagnies... je pense que c'est Philip Morris, leur a dit : Bien, non seulement on va vous poursuivre, on a poursuivi l'Australie, et le Togo a considéré qu'il n'avait simplement pas les moyens d'embaucher des avocats et donc n'a pas adopté la loi antitabac qu'ils envisageaient?

M. Hammond (David) : Well, it's... Yes. I mean, that's a fact, you know, in their history, they've sued for smoke-free restrictions, they've sued for all sort of things. I think what's most important is that the case in Australia and in the U.K. has preceded. And it's usually the first country that gets hit, and Australia has taking that on. So, you know, the threat of legal action from the tobacco industry always exists and it's...

M. Lisée : Je sais que mon temps est terminé, mais je vais quand même... ask you this question : If we proceed, and we're sued, and I convince the Minister, would you be an expert witness for Québec?

M. Hammond (David) : Well, I'd be happy to. You can see my hairs are going grey from the other cases, so I'm not sure I have much else to lose, but...

M. Lisée : Merci. Merci beaucoup.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Saint-Hyacinthe pour un bloc de neuf minutes.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Plusieurs spécialistes sont venus ici également puis nous ont parlé du modèle australien. Mais vous avez aussi cité le modèle du Royaume-Uni, qui avait été aussi... qui avait aussi adopté des mesures pour le paquet standardisé. Pouvez-vous nous présenter un peu le... nous parler de ça, parce qu'il est moins cité? En fait, on le cite beaucoup moins que celui de l'Australie. Est-ce que c'est parce qu'il a eu un moins haut taux de succès ou...

M. Hammond (David) : No, it's just the timing of it. So Australia was the first country to actually pass a bill and is today the only country to actually implement it. So that happened about two, three years ago. So a number of other countries have proposed their passed bills, it's just that they have not yet been implemented. Now, having said that, in terms of standardizing the size of the package, that's in the European Union Tobacco Products Directive. So that will happen throughout Europe. Countries like the U.K. and Ireland have gone further to standardizing the appearance by eliminating branding and brand imagery. So I think it's just a function of the timeline in that Australia was the first to have fully implemented, and we now have a true example of what it looks like in practice.

Mme Soucy : Quels sont les autres pays qui envisagent d'aller de l'avant avec la mesure de standardisation des paquets?

M. Hammond (David) : There's a long growing list, so... I mentioned U.K., Ireland, France, Norway, India, Brazil. Canada came close in the 1990s. There was recently... I think it was last month, there was a meeting of Health ministers from... I forgot to say New Zealand. So there's a... I think it was like when Canada first put pictured health warnings on packages. In 2000, Canada was the first, there was nobody. That's now being implemented in, I think, more than 70 or 80 countries around the world. So what you see is an adoption curve where it goes like this, and I think plain packaging... you know, there must be a dozen countries that have said, «OK, we intend to do this», and they are in different stages of actually drafting bills, passing bills and then, ultimately, implementation.

Mme Soucy : Vous avez mentionné que vous avez conseillé plusieurs gouvernements et puis que, bon, vous ne pouvez pas dire publiquement certaines choses. Pourquoi? Parce que ces choses-là pourraient aider d'autres gouvernements à se protéger ou à se défendre contre les compagnies de tabac.

M. Hammond (David) : Yes. And, you know, that is why we... There is a treaty, a public health treaty with the World Health Organization. 180 countries have ratified it. And so that has been very helpful in jurisdictions sharing information and evidence, which is especially important because of the threat of litigation. And so it is... What you see is countries actually getting together and working together, different... It could be provincial jurisdictions that are assisting each other and sharing evidence and resources.

So I think, you know, my work is a part of that. I'm a researcher, I read industry documents and I try to inform them to the best that I can about what the evidence is. My job isn't to say, «Québec or any other jurisdiction should do these things.» My job is to say, «If you want to reduce tobacco use, if you work to do this thing, this is what you can expect.»

Mme Soucy : Au Québec, on estime que la baisse de 1 %, de 1 point du pourcentage du taux de tabagisme réduirait... en fait, aurait des économies directes de 40 millions puis indirectes de 70 millions. En Australie, si on prend le cas de l'Australie qui a baissé son taux de 3 % avec le paquet neutre, alors c'est payant pour l'État, même si on a des risques de poursuites.

M. Hammond (David) : Yes. I mean, you know, I think countries like Australia have done it, first and foremost, to protect children. It's a wonderful benefit that actually saves healthcare costs and money. And so you're absolutely right, I think that there are strong economic incentives for jurisdictions to reduce tobacco use and promotion among kids.

You know, this is a long game, because it's so addictive. You know, the health consequences are, on one hand, a long time away, but on the other hand, the key is whether the kid picks up the product and starts to use it, because we know that many people can never get off that train once they begin, because of the pharmacological effects of nicotine. So this is a long game with very expensive costs, financial costs to governments, and, as you say, there are some substantial financial benefits to that sort of reduction in smoking.

Mme Soucy : Pouvez-vous nous dire combien l'Australie a dépensé pour se défendre?

M. Hammond (David) : Well, in the one case that's been decided so far, the answer is nothing, because the industry lost and they paid the Government's costs. So I don't pretend to know the legal protocols in every jurisdiction, but my understanding is, typically: if a country is sued and the industry loses, the industry pays the costs. So, you know, that's certainly the case in Australia, and my understanding is that's been the case in other legal actions I've been involved in, where companies have sued countries and lost.

Mme Soucy : D'après vous, quelles seraient, en fait, les mesures en lien avec la prévention pour éviter, justement, l'initiative au tabagisme, qui devraient être... qui devraient faire partie d'un gouvernement responsable, les mesures de prévention?

• (17 heures) •

M. Hammond (David) : Well, I think it's mainly the ones that are in your bill. I think it's reducing incentives for kids to smoke. Menthol, flavors are an incentive. Innovation in packaging designs and the shape that reinforce the reasons why kids might want to smoke are important incentives. And, you know, at the end of the day, that was the most important criteria for Australia. So I think it's many of the things in your bill and some of the other things we've talked about today. Sorry.

Mme Soucy : Bien, j'aurais dû peut-être préciser ma question, mais, au niveau scolaire, il devrait peut-être y avoir de la prévention au niveau académique dès le bas âge, qui devrait peut-être faire partie du système d'éducation ou des cours d'éducation physique aussi.

M. Hammond (David) : I mean, absolutely. I think the school environment is an important one. And, you know, it's a... The lesson in tobacco control is that there's no one measure that is effective, it's the combination of measures. And so we heard references to anti-smoking media campaigns, to work that is done in schools, so all of those things are important. And the one thing that... I would just caution this : If you asked a tobacco company, «How do you stop kids smoking?», they say, «Check for ID and tell kids that they shouldn't smoke.» Now, it's not to say that those aren't important, but what is important is to adjust the fundamental reasons why they do smoke, and it has to do with the product and how it's delivered to kids. So I think it's the combination of measures. And just telling kids not to smoke isn't enough. You actually have to remove, as I said, some of the incentives in the product, in the package itself, that actually increases smoking.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

Mme Soucy : Merci beaucoup.

Le Président (M. Tanguay) : Dr. Hammond, thank you very, very much for your time. Merci beaucoup, M. Boudreau, M. Roel également. Alors, c'est tout le temps que nous avions aujourd'hui. Merci pour votre présence.

Je suspends nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 2)

(Reprise à 17 h 12)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous accueillons maintenant les représentantes, représentants de la Coalition Priorité Cancer. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation, et par la suite vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Je vous demanderais, d'entrée de jeu, de bien vouloir vous nommer, préciser vos fonctions, et, sans plus tarder, la parole est à vous.

Coalition Priorité Cancer au Québec

Mme Rodrigue (Nathalie) : Merci beaucoup, M. le Président. Mme la ministre, mesdames et messieurs de la commission, je suis Nathalie Rodrigue, présidente de la Coalition Priorité Cancer au Québec. Et nous vous remercions de nous permettre de vous présenter notre point de vue dans le cadre de la consultation sur le projet de loi n° 44, Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme. Je suis accompagnée du président du Comité patients et survivants de la coalition, M. Serge Turgeon, ainsi que de la Dre Claire Jutras, médecin de famille et médecin-conseil en santé publique et touchée de près par le cancer.

Aujourd'hui, 18 hommes et femmes sont morts dû au tabagisme, demain 18 hommes et femmes mourront dû au tabagisme, après demain 18 hommes et femmes mourront encore à cause du tabagisme, pour un total, au Québec, de 6 500 hommes et femmes par année. On peut parler d'un fléau.

La Coalition Priorité Cancer a été créée en 2001. Elle a pour mission de donner une voix forte, de soutenir et de défendre les personnes touchées par le cancer, on parle des patients, des survivants, proches aidants et leurs familles. Notre objectif principal est d'obtenir un véritable plan de contrôle du cancer et de faire en sorte que les autorités publiques, au plus haut niveau, se responsabilisent à l'égard des enjeux de la lutte contre le cancer et de l'action sur les déterminants de la santé. Par ses membres, la coalition représente près de 1,5 million de personnes.

Nous sommes ici parce que le tabagisme est un tueur et que ceux qui fabriquent et vendent des produits du tabac le savent parfaitement et qu'ils utilisent tous les artifices possibles pour maquiller et enjoliver leur réalité. Et cette réalité, elle est très claire : près du tiers de tous les cancers ont le tabagisme pour origine et pour 85 % des cancers du poumon.

Nous sommes venus vous dire que nous appuyons le projet de loi n° 44, qui permettra de lutter un peu plus efficacement contre ce fléau. Également, au nom des centaines de milliers de personnes qui sont mortes à cause du tabagisme et des dizaines de milliers d'autres qui en mourront dans les prochaines années, nous aimerions que vous alliez plus loin dans le durcissement de la législation contre le tabagisme.

D'entrée de jeu, nous appuyons fermement les mesures préconisées quant aux zones sans fumée, soit l'interdiction de fumer à moins de neuf mètres de toute porte d'un établissement public, sur les terrasses des bars et restaurants, dans les véhicules en présence d'enfants, ainsi que dans les lieux communs d'édifices de deux logements et plus. Évidemment, nous souscrivons aussi aux mesures interdisant toutes les saveurs, incluant le menthol, pour l'ensemble des produits du tabac.

Pareillement, nous nous réjouissons de l'assujettissement de la cigarette électronique, avec ou sans nicotine, à la Loi sur le tabac, ce qui interdira sa vente aux mineurs, la publicité de type style de vie ainsi que son usage là où fumer est interdit.

Certains prétendent que les cigarettes électroniques peuvent être une alternative, une méthode pour cesser de fumer. Les avis en ce sens ne font pas consensus auprès des professionnels de la santé. Toutefois, comme le démontrent de nouvelles recherches publiées ces jours-ci chez nos voisins du Sud, il y aurait un grand risque pour que le vapotage électronique soit associé à l'initiation du tabagisme chez les jeunes.

Par ailleurs, à l'instar de beaucoup d'autres organismes, nous suggérons au législateur d'apporter des amendements pour renforcer le message antitabagique et pour préciser la portée des dispositions déjà incluses dans le projet de loi. Nous nous intéressons particulièrement à la protection contre la fumée secondaire, dont la nocivité est maintenant amplement démontrée.

Dans cette optique, nous proposons les amendements suivants : en ce qui a trait à la fumée secondaire, que l'interdiction de fumer et aussi de tous les autres produits du tabac sur les terrains d'écoles primaires et secondaires soit appliquée en tout temps, et non seulement aux heures durant lesquelles des mineurs s'y trouvent, et inclure les terrains des établissements collégiaux; que le rayon de neuf mètres d'interdiction de fumer s'applique aussi à partir de toute fenêtre ou prise d'air et non seulement les portes d'un établissement public; que les abris pour fumeurs soient situés à plus de neuf mètres de toute fenêtre ou prise d'air, et non seulement des portes d'entrée; de ne plus permettre de fumoirs dans les centres jeunesse, les départements ou unités psychiatriques et dans les centres de réadaptation et de ne plus permettre de chambres fumeurs dans les installations de santé, bien que nous soyons conscients que de telles mesures peuvent être difficiles à appliquer, notamment dans le contexte de soins psychiatriques ou de soins palliatifs de fin de vie; de préciser les droits des propriétaires et gestionnaires d'immeuble d'interdire de fumer dans leurs édifices.

En ce qui a trait à la réglementation sur les emballages, à défaut d'obliger l'emballage neutre et standardisé des produits du tabac, nous proposons que la mise en garde sur les paquets soit standardisée par voie de règlement, incluant la taille minimale de la mise en garde.

En ce qui a trait à la promotion des produits du tabac, nous souhaitons vivement que des mesures soient incluses de manière à instaurer un pouvoir réglementaire pour mieux encadrer et interdire certaines activités promotionnelles entre les fabricants et les détaillants, notamment les paiements en lien avec une promotion ou les programmes de performance. De même, nous vous demandons d'interdire dans un point de vente toute affiche comportant des images de produits du tabac ou des emballages de tabac autres que ceux autorisés par le ministère.

D'autres mesures sont à considérer. Nous appuyons également d'autres mesures mises de l'avant par nos partenaires et par différentes organisations, qui devraient être considérées par le gouvernement du Québec pour rendre encore plus efficace la lutte contre le tabagisme. Deux d'entre elles nous apparaissent importantes : l'imposition d'un moratoire sur tout nouveau produit du tabac, c'est-à-dire l'interdiction de mettre sur le marché de nouveaux produits, de nouvelles marques ou de nouveaux emballages de produits du tabac. Il faut comprendre que, par l'introduction de nouveaux produits, l'industrie déploie de nouvelles stratégies de marketing auprès des consommateurs, ciblant particulièrement les jeunes. L'interdiction de l'utilisation des cigarettes minces et ultraminces. Son association avec la mode, principalement féminine, par certaines compagnies, est dangereuse. Par le passé, c'est notamment grâce à l'apparition de ces cigarettes que l'industrie a réalisé une partie de son marketing auprès des femmes, ce qui a contribué à l'augmentation du taux de tabagisme chez ces dernières. Une interdiction de toute cigarette dont le diamètre est inférieur à 7,5 millimètres ou dont la longueur dépasse 70 millimètres serait souhaitée pour décourager cet engouement de mode et de tendance. Merci.

• (17 h 20) •

M. Dion (Serge) : Alors, moi, je vais vous entretenir sur d'autres actions pour appuyer la législation contre le tabagisme.

Alors, globalement, les mesures contenues dans le projet de loi n° 44 visent principalement deux objectifs : un, rendre les produits du tabac moins attrayants afin de réduire l'initiation au tabagisme et d'augmenter la cessation tabagique, et, deux, renforcer la protection des non-fumeurs, tout particulièrement les jeunes, contre la fumée du tabac secondaire.

Comme nous l'avons indiqué précédemment, la Coalition Priorité Cancer au Québec appuie ce projet de loi tout en proposant, par des amendements, d'aller plus loin dans la même logique de réduction du tabagisme et de la protection contre la fumée secondaire. Nous pensons que le renforcement de la réglementation contre le tabagisme ne sera pas suffisant pour atteindre les objectifs visés. D'autres mesures devraient être prises... devraient être mises de l'avant pour appuyer l'action législative et pour développer dans la population, notamment chez les jeunes, une nouvelle norme comportementale excluant le tabagisme et privilégiant de saines habitudes de vie.

Nous sommes d'avis que le gouvernement du Québec devrait hausser immédiatement et de manière significative, y compris son indexation, la taxe sur tous les produits du tabac ainsi que sur les cigarettes électroniques et tout autre produit connexe. Contrairement à certaines croyances, les effets pervers des hausses de taxes sur la contrebande des produits du tabac sont largement exagérés ou montés en épingle par les fabricants et les vendeurs de ces produits.

Nous croyons que les temps ont changé et que le moment est venu de prendre le taureau par les cornes. S'il y a un effet démontré, c'est bien la relation directe entre le prix du produit et la décision de l'acheter. Plutôt que d'engloutir les montants de taxes récupérés dans le fonds consolidé de l'État, nous suggérons au gouvernement d'investir directement dans le financement et la promotion de saines habitudes de vie ainsi que dans le soutien aux initiatives du milieu, notamment les organismes communautaires visant à prévenir le tabagisme et à modifier les comportements. Si besoin est, la surveillance de la contrebande du tabac pourrait être augmentée, mais parions qu'à terme les résultats seront largement bénéfiques tant pour la santé des Québécois que pour la santé de nos finances publiques.

Ceci étant dit, vous nous permettrez de conclure sur cette observation : La coalition incite fortement le ministère de la Santé et des Services sociaux à réinvestir dans la promotion et la prévention dans le domaine de la santé et du mieux-être. Cela est d'autant plus justifié qu'il assume annuellement une facture de plus de 1 milliard de dollars en soins directs de santé dont la cause est le tabagisme.

De plus, nous espérons que le gouvernement du Québec adoptera le plus rapidement possible une politique nationale de prévention qui concernera autant les individus que les communautés. Par exemple, dans le cadre d'une vision préventive et à long terme du développement social et économique de notre société, les décisions et les initiatives de l'État devraient tendre à promouvoir et à appuyer les meilleures habitudes de vie, dont le non-usage du tabac.

Nous tenons à remercier les membres de la Commission de la santé et des services sociaux de nous avoir permis de présenter nos commentaires sur le projet de loi n° 44 pour le renforcement de la lutte contre le tabagisme. Nous apprécions cette opportunité d'appuyer la coalition québécoise contre le tabac ainsi que les nombreuses autres organisations pour qui la lutte contre le tabagisme au Québec est une priorité. Nous considérons que l'utilisation du tabac tout comme l'exposition à la fumée secondaire sont des fléaux publics qu'il faut combattre de toutes nos forces.

En raison des stratégies de marketing déployées par l'industrie du tabac pour séduire les consommateurs, autant les adultes que les jeunes, des centaines de milliers de Québécois sont entraînés et enchaînés dans la dépendance du tabac et de la nicotine. Nombreux sont ceux et celles qui y laisseront leur santé et leur vie. Voilà pourquoi nous appuyons le projet de loi n° 44 et pourquoi nous formulons d'autres propositions qui permettraient d'appuyer le renforcement de la lutte contre le tabac, notamment l'accentuation de la promotion des saines habitudes vie. Nous encourageons vivement le gouvernement à continuer à assurer une vigilance sur les actions de l'industrie du tabac et l'assurons de notre soutien à cet égard. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, nous allons débuter une période d'échange avec les parlementaires, et je cède la parole à Mme la ministre pour 18 min 30 s.

Mme Charlebois : Alors, merci beaucoup, M. le Président. Oui?

Une voix : ...

Mme Charlebois : Ah! excusez. Allez-y.

Mme Jutras(Claire) : Je suis médecin, je travaille en prévention, mais la raison pour laquelle je suis ici, c'est que le travail que vous êtes en train de faire est fondamental. Le mot «cancer», moi, je l'ai appris à neuf ans : ma mère a eu un diagnostic de cancer du sein. J'avais un petit frère de trois ans, j'avais une grande soeur de 14 ans. Je peux vous dire que ça frappe comme un bulldozer. C'est dans mon coeur, c'est dans mon cerveau, c'est dans mes tripes, et ça fait 40 ans.

Ce que vous êtes en train de faire ici est important, et je vous remercie de nous donner l'occasion de participer à ce processus démocratique. Sachez, quand vous allez retourner rédiger votre projet de loi, que derrière le mot «menthol», derrière le mot «terrasse», derrière le mot «fumoir», il y a des papas, il y a des mamans, il y a des enfants qui souffrent et qui ont mal. Vous avez leur vie, ou leur mort, ou leurs souffrances entre vos mains, parce que le tiers des cancers est lié au tabac.

Mme Charlebois : Ça va? Alors, bien, merci, Mme Rodrigue, M. Dion et Dre Jutras, d'être ici et de venir nous partager vos connaissances, votre expérience et surtout vos préoccupations quant au projet de loi. Et j'ai le goût de vous dire que j'étais là... je n'étais pas là en 1998, mais en 2005, alors qu'il y a eu révision de la Loi sur le tabac. J'étais députée déjà élue et je participais activement à la commission parlementaire depuis 2003. Et, quand le projet de loi a été déposé, ce projet de loi là m'a amenée à quitter cette habitude de tabagisme. Et je fais partie de celles qui ont perdu un membre de leur famille — bien que je ne veux pas aller là-dessus, parce que je ne le fais pas pour ma cause, je le fais pour l'ensemble de la population, étant ministre responsable de la Santé publique — mon père est mort d'un cancer du poumon, alors je comprends très bien les propos que vous avez tenus. Puis je ne le dis pas avec émotivité, soit dit en passant, parce qu'on va me dire que je suis émotive. Bon.

Une fois que je vous ai tout dit ça, je crois que la société québécoise a évolué grandement quand on parle de tabagisme. En ce moment, le projet de loi sur lequel on travaille, c'est prévenir la consommation chez les jeunes, protéger la santé des non-fumeurs et favoriser la cessation du tabagisme. Tout ce qui est prévu dans le projet de loi est là pour ça.

Et j'ai le goût de vous dire qu'on entend plusieurs groupes, ce n'est pas pour rien, c'est parce qu'on veut s'assurer qu'on va entendre tous les points de vue possibles et impossibles. Puis il y a des groupes qu'on n'entendra pas mais qui nous envoient leurs mémoires. Tous les parlementaires ici, de toutes formations politiques confondues, vont prendre le temps de prendre connaissance de tous les mémoires, puis on va travailler ensemble pour bonifier le projet de loi pour s'assurer qu'on aura le meilleur projet de loi possible pour faire en sorte que notre population soit bien protégée, notamment les jeunes. Parce qu'en ce moment la prévalence au tabac stagne au Québec. On sait pourquoi, c'est parce que, chez les jeunes, il n'y a pas une recrudescence, mais ça ne baisse pas puis c'est là qu'il faut travailler, entre autres.

J'ai le goût de vous amener à me parler de cigarettes électroniques. Vous en avez parlé un petit peu, mais pas tant que ça, et cigarette électronique, c'est un moyen... on se fait dire... Il y a deux côtés, hein? On se fait dire par certaines personnes que... Puis les études ne sont pas concluantes, vous le savez. Il y a différentes études, mais on est au début. C'est en effervescence, c'est en ébullition, mais c'est en grande croissance, les boutiques de vapotage, la cigarette électronique aussi, mais je dois vous dire qu'il n'y a pas d'étude concluante qui nous dit : Oui, c'est vrai que ça permet à des gens d'arrêter, puis c'est... non, c'est mieux d'éliminer la cigarette électronique. Alors, ce qu'on s'est dit, contrairement à tous les autres produits du tabac, que ce soit le tabac sans fumée, bref, le tabac à chiquer, là, les... Toutes les saveurs sont éliminées de tous les produits du tabac, sauf pour la cigarette électronique. On s'est gardé, par contre, une voie réglementaire possible pour l'interdire si on s'aperçoit qu'il y a une recrudescence puis que ça devient une passerelle pour les gens pour commencer à fumer. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Mme Jutras (Claire) : Bien, en fait, j'aime votre vision globale, parce qu'effectivement... Je suis aussi un médecin, donc la lutte au tabac, c'est vraiment important. D'entrée de jeu, je dirais que ce n'est pas la cigarette électronique qui tue, et vous avez raison, actuellement on n'a pas assez de recul. Mais je pense que, dans des contextes comme ça, le principe de précaution vaut, c'est-à-dire on va essayer... Et votre projet de loi est, à mon point de vue, tout à fait équilibré en ce sens-là, c'est-à-dire qu'il n'empêchera pas les gens pour qui ça pourrait être utile de l'utiliser dans un but de cessation tabagique ou de réduction des méfaits, mais en même temps il va essayer de protéger les jeunes et les ex-fumeurs.

Parce qu'il ne faut pas se leurrer, je trouve que la cigarette électronique, ça peut être un... quand les ex-fumeurs voient ça, avec les volutes de fumée, et tout ça, ça doit être, pour certains, tellement tentant. Donc, je pense qu'il faut y aller avec modération. Ce n'est pas lui qui tue, mais je pense que c'est très prudent de l'avoir mis dans votre projet de loi, s'assurer, donc, que les jeunes y toucheront le moins possible. Se garder une petite réserve avec l'aspect réglementaire sur les saveurs, c'est génial. Protéger les ex-fumeurs, donc, et toute la notion de renormalisation, je pense que ça, c'est particulièrement fondamental. J'ai toujours trouvé que la cigarette électronique, ça ressemblait à un simulateur de vol, c'est-à-dire que, pour les jeunes, si tu apprends à fumer dans les meilleures conditions possible, après c'est facile de passer. Donc, votre projet de loi, moi, je pense qu'il est tout à fait équilibré puis j'abonde, là, dans le sens d'aller de l'avant avec ça.

Mme Charlebois : On a appris pendant les consultations que, même dans la cigarette électronique, on commence à introduire du tabac et non pas juste de la nicotine. Je ne savais pas ça. Est-ce que vous avez déjà entendu parler de ça en tant que médecin?

• (17 h 30) •

Mme Jutras (Claire) : Bien, c'est une compagnie... Ce n'est pas encore ici, au Québec. Ils veulent chauffer le tabac plutôt que le combustionner, si vous voulez, donc ce n'est pas juste l'aspect nicotine. À mon point de vue, mais je ne suis pas une experte là-dessus, je trouve que le tabac, il devrait être le moins possible présent, puisqu'il y a un paquet de cancérigènes, alors que la nicotine ne cause pas les maladies, elle cause la dépendance, qui est en fait une maladie. Mais donc, personnellement, je trouve que c'est un produit qui ne devrait pas être sorti, et, si vous avez le moratoire sur les nouveaux produits, on pourrait être protégés, nous.

Mme Charlebois : Parlons donc des espaces publics comme les écoles primaires, secondaires. Vous nous suggérez d'élargir ça aussi... les établissements collégiaux. Il y a même quelqu'un qui m'a dit : Pourquoi pas les universités, tant qu'à y être? Ce sont des établissements publics financés par des fonds publics. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Pensez-vous que la société est rendue là?

M. Dion (Serge) : Concernant les espaces publics, écoutez, si on revient un petit peu en arrière, que de chemin parcouru! On fumait dans les hôpitaux il n'y a pas si longtemps, etc. Qu'est-ce qui va nous attendre demain, après la loi? Ça va être quoi, le prochain cheval de bataille? Qu'est-ce qu'il reste aux fumeurs? Il va rester des espaces publics. Donc, nous, ce qu'on préconise, évidemment, on ne fait aucune distinction primaire, secondaire, université : allez-y, allez-y, il n'y a aucun problème.

Cependant, j'aimerais vous amener ailleurs. Je pensais vous parler d'espaces publics pour l'après-loi, mais j'ai envie de vous en parler tout de suite, parce qu'il y a des choses qui se sont faites dans le monde, qui sont très intéressantes, depuis plusieurs années. Je vais vous donner quelques exemples.

On parle de cours d'école, mais est-ce qu'on parle de plages? Est-ce qu'on parle d'espaces verts? Je peux vous dire qu'en 1900... qu'en 2011 à New York... Depuis 2011 à New York, si vous en grillez une sur Times Square, ça va vous coûter 50 $ d'amende. On est à près de 184 villes... ou plutôt 184 villes comptant au moins une plage non-fumeurs, près de 1 000 parcs ou espaces verts, appelez ça comme vous voudrez, qui interdisent carrément le tabac. Il y a même en France qu'il y a eu... ils ont eu des plages de non-fumeurs, des espaces verts. Même, c'est en Espagne... non. Écoutez, je veux retrouver... À Tokyo, Tokyo, on s'entend que ce sont des gens qui fument beaucoup, il y a des rues sans tabac. Donc, vous me demandez des espaces publics, oui, allons-y, il n'y a aucun problème. Je n'ai aucun problème avec ça.

On peut reculer encore un petit peu plus loin, de manière un petit peu plus ponctuelle. Aux Olympiques d'hiver de 1992 à Albertville, le gouvernement a décrété l'interdiction de fumer sur les sites de compétition extérieurs. Personne ne s'en est offusqué. Ça s'est appliqué sans problème. On parle de 1992, ça fait 23 ans. Donc, vous me demandez pour ce qui est espaces publics, je n'ai aucun problème avec ça. Même que votre projet de loi devrait aller encore un petit peu plus loin ou du moins se ménager des portes de sortie où est-ce qu'il serait possible de réglementer à ce niveau-là.

Mme Charlebois : Les activités promotionnelles entre les fabricants et détaillants, bref, les ristournes, ce n'est pas illégal en ce moment dans le projet de loi actuel. Vous m'en reparlez, est-ce que c'est parce que vous entendu des gens qui ont des, comment vous dire... je n'ai peut-être pas le bon mot quand je parle de ristournes, mais qui ont des bonifications?

Mme Rodrigue (Nathalie) : Mais il n'y a pas personne qui va en faire la publicité, mais on sait que, pour certains produits, si vous vendez plus de barres de chocolat ou de sacs de chips, vous allez avoir une ristourne ou... mais, si vous avez un meilleur étalage, il y a des choses qui peuvent arriver. On a entendu dire, pour certaines personnes... quand ils vont dans un dépanneur et qu'ils partent avec une caisse de bière, ils se font dire : Un petit paquet de cigarettes avec ça? Bon, on n'est pas au McDo, mais jamais personne ne va s'en vanter. Il n'y a pas un commerçant qui va dire qu'ils font la pratique. Mais, dans les faits, ce sont des choses qui arrivent.

Et, concernant les ristournes, mais ça pourrait être sous forme de plus que tu vends de cigarettes, plus on te donne de cartons de cigarettes gratuits, comme on avait dans les bars : plus tu vendais de barils... de bière pression, à chaque 10 barils, tu en avais un gratuit. Alors, on voudrait s'assurer que ces pratiques-là ne... on va dire, si elles existent ou si elles pourraient exister, soient... qu'il y ait une interdiction de ces pratiques-là entre le fabricant et les commerçants.

Mme Charlebois : O.K. Vous voulez qu'on le stipule plus précisément dans la loi!

Mme Rodrigue (Nathalie) : Oui, je pense que oui.

Mme Charlebois : Parlez-moi du rayon de neuf mètres, puis on va parler des terrasses. Parce que le prochain qui va venir va nous dire qu'il faut laisser les détaillants... les tenanciers de bar et de taverne, et etc., et les restaurateurs survivre et qu'on devrait avoir un moyen de transition, c'est-à-dire de... Ce qu'il suggère, c'est d'avoir la moitié de la terrasse avec fumée puis l'autre moitié sans fumée, ou d'avoir... Il y a un groupe, hier, qui nous a dit même : Des abris. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Mme Jutras (Claire) : Vous vous êtes déjà baignée dans une piscine? Mais, s'il y a quelqu'un qui fait pipi dedans, je vous défie de ne pas sortir. Ça fait que moi... On a déjà vécu les espèces de restaurants avec des aires où, genre, il y avait un petit mur, puis, si elle fumait, moi, j'étais à côté. Franchement!

Des terrasses, là, sans fumée, il y en a partout. L'autre colline parlementaire, là, à Ottawa, là, j'y suis allé encore récemment, tu peux manger sur les terrasses, c'est bondé, ils n'ont pas fermé puis ils ont survécu. Pourquoi on ne pourrait pas faire ça, nous autres aussi?

Mme Rodrigue (Nathalie) : Puis, avec des espaces réservés, si le vent change de côté, tout le monde change de place? C'est un peu irréaliste.

M. Dion (Serge) : Je pourrais même rajouter quelque chose. Je demeure en Outaouais et je travaille à Ottawa. Je parlais de ma comparution aujourd'hui à mes collègues de travail, et puis il y en a un qui m'a fait remarquer : Ah! bien, c'est intéressant, parce que moi, j'ai recommencé à aller dans les restaurants et dans les terrasses quand la ville d'Ottawa ou le gouvernement ontarien a passé sa législation. Donc, quand on dit que ça va être une catastrophe annoncée, j'ai beaucoup de misère à les croire. Pour la petite histoire, j'ignore si mon copain est allé manger une salade avec un verre d'eau, ça, je ne le sais pas, mais tout ce que je peux vous dire, c'est que ces gens-là vont regagner une clientèle qui avait déserté.

Mme Jutras (Claire) : En tout cas, regardez, moi, je n'ai pas l'air de boire juste de l'eau puis manger de la salade, puis je vais sur les terrasses à Ottawa, mais pas au Québec.

Mme Charlebois : Moi, ce qu'on a entendu aussi... Je vous entends, là, dire : Bon, bien, ça existe déjà. On le sait qu'il y a des restaurateurs au Québec qui le font déjà. On nous a dit aussi qu'il y avait eu une perte de clientèle. Ceux qui sont déjà passés, ils ont perdu 25 %, je pense, de leurs clients qui n'ont pas été récupérés. Je leur ai demandé, puis je ne sais pas votre point de vue là-dessus : Est-ce que c'est attribuable seulement au tabac ou bien s'il y a d'autres lois qui ont fait en sorte que votre clientèle a diminué, exemple le 0,08, le taux d'alcoolémie? Est-ce qu'il y a d'autres facteurs? Vous, votre croyance sur cette perte de clientèle, est-ce qu'elle est attribuable au tabac, au taux d'alcoolémie ou... Vous parlez avec la population, comment vous voyez ça? Qu'est-ce que les gens vous disent?

Mme Rodrigue (Nathalie) : Bien, moi, j'ai travaillé dans la restauration et l'hôtellerie jusqu'en 2001. Donc, quand je suis partie, ça fumait encore dans les bars. Et, de temps en temps, je retourne au petit bistrot où je travaillais, maintenant c'est devenu non-fumeurs, et la clientèle est demeurée. Ce qu'on avait vu par contre, c'est que le 0,08 a eu quand même beaucoup d'influence, parce qu'une personne qui arrivait là à 7 heures le soir, puis qui repartait à 2 heures du matin, puis qui avait pris cinq, six bières, là elle en prenait trois. Alors, je pense que la baisse du chiffre d'affaires est aussi attribuable à cela, mais aussi la hausse des coûts des produits de l'alcool. Il faut quand même avoir un bon budget si on veut aller passer toute la semaine, à tous les soirs dans un bar, là, c'est de moins en moins donné. Le verre de draft à 1 $, on ne le voit plus, c'est la pinte à 8 $, 9 $.

M. Dion (Serge) : Il y a d'autres facteurs aussi qu'on pourrait rajouter à ça. On parle de terrasses, on parle de quoi, là, ici, au Québec? On parle de quelques semaines par année et on ne parle pas de milliers de places par restaurant. Donc, encore là, j'ai beaucoup de difficultés à gober ça.

D'un autre côté, d'autres facteurs, évidemment il y a le facteur économique. À la dernière crise de 2008, il était sorti des statistiques où est-ce qu'il y avait beaucoup de restaurateurs qui s'étaient plaints d'une baisse d'achalandage, et, curieusement, il y a eu un transfert vers le fast-food. Pourquoi? Parce que le fast-food ne coûte rien comparativement à un repas avec une bouteille de vin. Donc, les facteurs sont multiples. La cigarette en est un, mais, encore là, je ne me souviens pas en quelle année où est-ce qu'on a interdit ça dans les bars et les restaurants, il y en a combien qui sont venus déchirer leur chemise sur la place publique? Ça, je l'ignore, mais il ne devait pas y en avoir tant que ça.

• (17 h 40) •

Mme Charlebois : Merci, c'est éclairant. J'avais déjà quelques arguments, mais vous m'en avez fourni d'autres, c'est intéressant.

Parlons donc du neuf mètres, parce que ça, on en entend parler. On nous a dit que le neuf mètres va faire en sorte, justement, pour les tenanciers de bar et aussi les restaurateurs, qu'il va falloir vérifier, mettre un employé dehors pour s'assurer qu'il n'y a pas personne... à cause de la présomption, qu'il n'y a pas personne à l'intérieur du neuf mètres. Puis évidemment que, si le terrain de la propriété finit à quatre mètres, hein, on s'entend que c'est le trottoir ensuite, on ne va pas demander aux gens de fumer sur la ligne blanche, là, ça, c'est... C'est le neuf mètres ou la limite du terrain, là, hein? Puis il y a quelqu'un qui nous a demandé de le clarifier, puis on va travailler là-dessus pour clarifier ça dans le projet de loi pour que ça soit bien clair pour tout le monde qu'on ne demande pas aux gens d'aller fumer en plein centre du chemin, là. Ce n'est pas ça, le but de l'exercice. Mais le neuf mètres pose problème, à leur avis, parce qu'il y aurait un coût de main-d'oeuvre associé à ça. Est-ce que vous croyez que, si on met des affiches, on fait de la pédagogie une fois la loi adoptée, ce sera nécessaire d'avoir un employé dehors pour dire aux gens : C'est interdit de fumer, ou, si c'est affiché, si on fait vraiment de la pédagogie, qu'on fait la promotion, de dire : C'est maintenant interdit... Au même titre qu'on a fait avec le 0,08. Il n'y a personne qui tient la main de chaque client dans le bar puis dit : Aïe!

Mme Rodrigue (Nathalie) : Si on est capable de donner des contraventions à des personnes qui sont stationnées au mauvais endroit, ou etc., il pourrait y avoir le même principe, c'est-à-dire qu'on met les affiches pour dire que, dans cette section-ci, on ne peut pas fumer, ou quoi que ce soit, et avec une possibilité de sanction. On le fait pour les excès de vitesse, on le fait pour plein d'autres choses, alors, qu'à ce moment-là... bien, peut-être que les policiers ne voudront pas avoir quelque chose en plus à faire, mais c'est peut-être de donner l'opportunité ou l'autorisation à des gardiens de sécurité, dans les hôpitaux, entre autres, de pouvoir peut-être émettre une contravention. Il y aurait sûrement quelque chose à voir là-dessus, sur laquelle on n'a pas vraiment encore beaucoup réfléchi. Mais on est conscients que, justement, l'histoire du neuf mètres peut être très difficile à appliquer. Par contre, si on ne peut pas en tenir compte parce que le terrain n'est pas assez grand, mais de toujours faire attention quand même aux prises d'air et aux fenêtres, là, qui peuvent s'ouvrir, pour éviter que la fumée entre à l'intérieur.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous nous tournons maintenant vers notre collègue de Rosemont pour une période de 12 minutes.

M. Lisée : Merci beaucoup de votre présence. Merci de votre témoignage. Merci, docteure, pour le témoignage, aussi, nous disant que, derrière les mots «menthol», «terrasse», il y a le mot «cancer». Il y a le mot «cancer» qui est là. Une personne sur deux va finir par en mourir, une vingtaine, par jour au Québec, meurent des conséquences du tabac, et c'est très lourd pour le budget de l'État québécois, 4 milliards de dollars.

Vous approuvez les mesures du projet de loi. Vous proposez d'aller plus loin. Je vous signale que nous sommes d'accord, nous, au Parti québécois, avec votre recommandation sur l'emballage neutre et sur le moratoire de tout nouveau produit. Ça, ce sont des amendements que nous avons déjà annoncés, et, avec la ministre, on est prêts à regarder d'autres amendements qui nous ont été proposés.

Vous allez plus loin cependant en parlant d'une hausse immédiate et significative de la taxe sur l'ensemble des produits du tabac. Alors, évidemment, ça, ce n'est pas envisagé par le gouvernement pour l'instant. Il y a eu des hausses importantes ces dernières années. Je sais que le niveau québécois est inférieur à celui de certaines provinces canadiennes encore. Il y a toujours la question de la contrebande qui nous est présentée comme contre-argument. Alors, expliquez-moi pourquoi cette hausse de taxe, qui aurait un impact sur la vente, on le sait, c'est direct, hein, l'appel... le signal de prix a un impact sur la consommation. Mais pourquoi vous pensez que ce ne serait pas... ça ne provoquerait pas une augmentation de la contrebande?

Mme Rodrigue (Nathalie) : Bien, parce que, de toute façon, il y a une limite à ce que les contrebandiers peuvent faire. On sait dans quel secteur du Québec il y a le plus de contrebande. À un moment donné aussi, on sait que les personnes qui fument sont souvent dans des milieux défavorisés, alors tout le monde n'a pas nécessairement les moyens de pouvoir aller s'acheter des cigarettes dans des lieux réservés. Donc, il y a quand même une limite à ce qui peut être fait.

Et je pense aussi qu'il y a un moyen pour la police, et tout ça, d'améliorer ses services de surveillance sur la contrebande. Je pense que les gens connaissent qui vend, connaissent aussi beaucoup qui achète, et il y a moyen de faire quelque chose là-dessus. Et, en haussant la hausse des taxes, ça peut permettre d'investir, justement, un peu dans... beaucoup plus dans la surveillance, mais surtout aussi dans la prévention. Et d'accorder aux organismes communautaires et dans le milieu scolaire beaucoup plus de formation et d'éducation auprès des jeunes, surtout en milieu défavorisé, pourrait aussi venir contrecarrer le fait que les gens ne commencent pas à fumer, donc moins d'impact sur la contrebande, mais une meilleure santé publique en général.

M. Lisée : Il y a une autre avenue qui a été envisagée ailleurs, c'est de réclamer des permis, de vendre des permis aux manufacturiers, aux distributeurs, certains disent aux dépanneurs, moi, je n'y suis pas favorable, mais, en tout cas, à d'autres acteurs de la chaîne, et d'utiliser cet argent-là pour faire de la promotion, de la conscientisation. On sait que le gouvernement est désargenté en ce moment, et ce serait une source de revenus qu'on pourrait établir, qui pourrait avoir un impact indirect à la hausse sur le prix du paquet de cigarettes, mais qui ne serait pas une taxe directe. Est-ce que vous seriez favorables à ce type de tarification où il y a des permis?

M. Dion (Serge) : Oui, tout à fait, parce que nous, à travers notre loupe, la hausse du prix... On veut que cet argent-là soit réinjecté en prévention, hein? Ça, ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'on va aller travailler, au niveau de l'investissement, et non de la dépense, le préventif versus le curatif. On sait pertinemment que le ministère de la Santé — théoriquement, on s'entend — c'est une dépense. Donc, ces argents-là devraient être réinjectés en amont. Ça, ça veut dire qu'on travaille en préventif. À ce moment-là, les coûts qui vont en découler à travers le temps et à travers les années sont extraordinaires.

J'allais rajouter une chose. Je fais une tournée provinciale pour aller rencontrer des gens qui sont atteints de cancer. Je leur demande les bons coups et les mauvais coups du système de santé, pas des médecins, du système de santé, etc. Et, de temps à autre, je vais leur poser la question : Si vous étiez ministre de la Santé, qu'est-ce que vous feriez demain matin? On m'a donné toutes sortes de réponses. Jusqu'à temps qu'il y en ait un qui me pose la question, à moi : Et vous, que feriez-vous? Et puis il a fallu que je m'arrête pour y penser. Et, toujours selon notre loupe, à la coalition, je lui ai répondu : Je ne veux pas être ministre de la Santé. Je préférerais être ministre de l'Éducation, et augmenter les heures d'éducation physique, et augmenter les cours en prévention, que ce soit... peu importe, que ce soit au niveau social ou, peu importe, préventif. Donc, oui, nous, on serait d'accord avec ça, tout à fait.

Mme Jutras (Claire) : Ça aurait l'avantage de nous donner l'idée d'où il y en a, notamment voir s'il y a une concentration proche des écoles, et tout ça. Parce qu'on a deux armes puissantes, hein, pour baisser le tabac, mais, parmi les plus puissantes, là, c'est la loi puis les taxes. Ce sont nos deux plus puissantes. Puis, au Québec, vous l'avez dit, on a les taxes, au Canada, parmi... je pense que c'est même la province où elles sont plus faibles. Donc, ce n'est pas une équation, si j'augmente les taxes, que je vais augmenter la contrebande. Donc, la contrebande, c'est toujours l'argument qui est utilisé pour justement qu'on ne fasse pas quelque chose qui est très efficace pour baisser la clientèle de fumeurs. Je pense que c'est ça qu'il faut garder en tête.

M. Lisée : Vous avez donné l'exemple tout à l'heure de Times Square, que j'ignorais. Donc, Times Square a été désigné un endroit sans fumée, et on peut avoir une contravention de 50 $ si on fume à Times Square. Donc, ça veut dire qu'on pourrait donner aux municipalités la capacité de désigner des places et des rues non-fumeurs.

M. Dion (Serge) : Tout à fait, tout à fait. Pourquoi on ne donnerait pas ce pouvoir-là aux municipalités? Parce que, si on pense que les Américains sont capables de faire appliquer ça à Times Square, qu'est-ce que vous croyez qu'on serait capables de faire, que ce soit ici, sur la terrasse Dufferin, par exemple? Ce serait quelque chose qui serait envisageable, tout à fait.

M. Lisée : Très bien. Sur la question de l'emballage neutre, alors, comme vous le savez, on en a discuté juste avant, le fait que les compagnies de tabac punissent les juridictions qui sont les premières à s'avancer sur un terrain comme celui-là, ils l'ont fait en Australie, ils l'ont fait en Irlande, ils l'ont fait au Royaume-Uni, est-ce que vous pensez que ça devrait modérer nos transports ou augmenter notre détermination, le fait qu'on soit sous le coup de la possibilité de poursuites?

• (17 h 50) •

Mme Rodrigue (Nathalie) : Moi, je crois que ça devrait augmenter notre détermination. Et il faut arrêter, à un moment donné, de plier face à des menaces, ou quoi que ce soit. De toute façon, moi, je trouve que cette manière de procéder là est totalement immorale. Ça ne tient pas la route. On vend un produit cancérigène qui contient près de 4 000 produits toxiques. Déjà qu'on continue à le vendre, alors que, quand il y a eu un peu de bactéries de listériose dans le fromage au Québec, on a ramassé tout le fromage. À un moment donné, il ne faudrait pas non plus que les compagnies exagèrent. Et quitte à ce qu'on essaie peut-être de modifier la perception culturelle des gens face aux compagnies du tabac, mais il faut qu'à un moment donné ça devienne aussi «out» de fumer que d'aller tuer un lion dans une réserve. À un moment donné, là, il va falloir qu'on arrête.

Puis il faut arrêter d'avoir peur. Puis, s'il y a une majorité de Québécois qui se lèvent puis qui disent : Nous sommes d'accord avec le fait d'avoir des paquets de cigarettes neutres... Et je suis certaine que même des fumeurs vous le diront, parce que, s'il y a une chose qui est dure de faire, c'est bien d'arrêter de fumer. C'est une drogue dure qui travaille sur les mêmes neurotransmetteurs que l'héroïne. Ça fait qu'arrêtons de penser que c'est juste de la petite boucane qu'on fait puis que, les gens, s'ils fument, c'est parce que ça leur tente. Les gens sont malades. Dre Jutras nous l'a expliqué aujourd'hui, ce n'est pas juste une mauvaise habitude, c'est une maladie. Donc, à un moment donné, il faut arrêter d'avoir peur des tueurs puis mettre... retrousser nos manches, puis on se battra.

M. Lisée : Je suis d'accord avec vous. Je vous remercie beaucoup pour votre action et votre témoignage.

Mme Rodrigue (Nathalie) : Merci beaucoup.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Saint-Hyacinthe pour huit minutes.

Mme Soucy : Merci. Merci d'être ici. Votre témoignage, Dre Jutras, était très prenant, je dirais, très... un beau témoignage. Ça nous sensibilise au coût humain derrière ça.

Vous qui gérez des... en fait, travaillez avec les cancéreux, quels sont les coûts liés directement au traitement de cancers liés au tabagisme?

M. Dion (Serge) : Bien, c'est 1 milliard par année. Je ne peux pas vous donner une ventilation exacte, mais, au Québec, c'est 1 milliard par année qui s'envole en fumée.

Mme Rodrigue (Nathalie) : Mais ça, ce sont des coûts de traitement, de soins ou ces choses-là qui sont évalués, mais, encore là, avec certaines réserves. On n'a pas de registre du cancer pour évaluer exactement combien de personnes ont ce type de cancer, mais après ça combien chaque épisode de soins a comme coût sociétal.

Mais il y a aussi ce qu'on n'évalue pas souvent, c'est le coût pour le proche aidant, c'est le coût pour l'appauvrissement de la famille, ce sont des coûts qui sont énormes. Le coût d'un décès avant temps, ça a aussi une valeur économique. À la coalition, on avait déjà fait faire une étude économique sur les coûts du cancer. Là, je n'ai plus les chiffres en tête, malheureusement, parce qu'on en voit, des statistiques, dans une année, mais les coûts sont astronomiques. Et, s'il faut en prendre une partie, si investir pour défendre certains principes de ce projet de loi là permet à long terme de sauver sur les autres coûts, je pense qu'on n'appelle pas ça une dépense, on appelle ça un investissement.

Mme Soucy : En parlant d'investissement, tantôt vous parliez, vous disiez qu'il valait mieux faire de la prévention que faire du curatif. Si on doit prioriser pour faire de la prévention, est-ce qu'on devrait cibler les milieux socioéconomiques défavorisés puis se concentrer sur ces milieux-là en premier pour faire de la prévention?

M. Dion (Serge) : J'imagine que c'est ce qui est ciblé.

Mme Jutras (Claire) : Mais je vais vous dire quelque chose... je vais prendre un chiffre, parce que je trouvais que... Si vous me permettez, je vais faire un parallèle.

En 1973, il y avait... en décès sur la route, décès routiers, on en avait 2 209. En 2014, si mes chiffres sont bons, on est à 336, ou quelque chose comme ça. Je suis contente d'avoir les bons chiffres. On conduit toujours avec une auto, avec un volant, une pédale à gaz puis une pédale à frein. Comment ça se fait que, malgré qu'on a plus de véhicules en circulation, plus de titulaires de permis, on a réussi à baisser le nombre de victimes? Pourtant, on n'a pas changé. Qu'est-ce qu'on a fait? On a mis des appuie-têtes, des ceintures obligatoires, des radars photo, phares allumés le jour, sièges d'auto pour enfants, coussins gonflables, des véhicules plus sécuritaires, des campagnes punchées, des pneus d'hiver obligatoires, des petites bandes qui font grrr quand tu sors de la route, les cours de conduite obligatoires, des points d'inaptitude progressifs. Qu'est-ce qu'on a fait? Je pourrais en nommer plein d'autres. On n'a pas changé le conducteur, ou pas trop, on a changé ce qu'il y a autour. Puis on ne l'a pas fait juste pour les jeunes qui étaient peut-être plus à risque d'accident, on l'a fait pour l'ensemble de la population.

C'est pour ça que vous avez un pouvoir immense de faire des mesures générales pour couvrir sur... le changement d'environnement, qu'il soit économique, social, politique. Et ces changements-là ont une puissance inimaginable, comparé à moi avec un patient à la fois pour l'aider à cesser de fumer. C'est là qu'est votre pouvoir énorme.

Mme Soucy : Vous parlez justement de moyens. On a entendu plusieurs groupes, puis il y en, entre autres l'association pour les détaillants d'alimentation, qui ne sont pas... en fait, qui ont fait un saut en voyant les amendes, une grosse différence, là, faire un gros bond, les amendes qui sont destinées aux propriétaires, aux vendeurs de tabac qui vendent à des mineurs, en fait. Donc, ça, c'est quelque chose qu'eux autres ont demandé de rétablir, parce qu'ils trouvaient ça vraiment exagéré.

Alors, dans les mesures, vous dites : Bien, ça prend plusieurs mesures, plusieurs lois. Est-ce que vous pensez que ça passe absolument par le moyen coercitif pour dissuader les propriétaires de vendre aux mineurs puis de donner une formation à leurs employés, de s'assurer que c'est... qu'il faut carter?

Mme Jutras (Claire) : Oh! attendez, là. Carter, ce n'est pas pareil. Je vois que nos réussites en accidents de la route ont été liées à des sanctions plus sévères. Je ne sais pas. Peut-être poser la question, c'est y répondre, notamment par rapport à l'alcool, aux excès de vitesse.

L'histoire de carter, là, ça, là, c'est parfait. Pour les compagnies de tabac ou les industriels, qu'est-ce que ça met? Ça met tout le poids sur un individu, hein? C'est sa responsabilité. Si tu fumes, c'est ta faute, si tu en achètes, c'est de ta faute. C'est facile, c'est David contre Goliath, là. C'est le tout... Il faut responsabiliser le jeune, il faut responsabiliser l'enfant? Ça n'a pas de...

Mme Soucy : Non, non, moi je parle du commerçant.

Une voix : On parle aussi du commerçant, là, les amendes pour les commerçants.

Mme Jutras (Claire) : Alors, pour le commerçant, mais vous avez parlé de carter. Moi, carter, c'est de faire porter au jeune l'odieux de devoir carter. Non. Puis plus tu vas lui dire «carter», plus il va vouloir le faire. Dis à un jeune : Fais-le pas, il va le faire. Donc, je pense que... C'est sûr que ça ne fait pas l'affaire, mais, moi, quand j'ai une contravention puis j'ai excédé de vitesse... ça ne m'est pas arrivé souvent, mais, si ça m'arrivait, je dirais : Bien, j'ai couru après. J'ai juste à ne pas le faire.

Mme Soucy : Mais, pour une mesure pratico-pratique, il faut quand même que le propriétaire s'assure qu'il a 18 ans, puis le moyen de s'assurer qu'il a 18 ans puis qu'il est majeur, c'est de carter, parce qu'on ne peut pas lui demander de... Vous comprenez?

Mme Jutras (Claire) : Non, non, ce que je veux dire... mais c'est la pénalité sur le jeune s'il en achète, là. C'était ça que...

Mme Soucy : Non, c'est la pénalité... Moi, je parlais de la pénalité vraiment sur le vendeur. Mais c'est... Êtes-vous d'accord avec...

Mme Jutras (Claire) : L'augmentation des sanctions? Bien là, ça fait depuis 1994 qu'ils savent qu'ils n'ont pas le droit à des mineurs. On est en 2015. Ça fait 11 ans. S'ils ne savent pas encore comment faire, on va leur montrer. Puis, des fois, la méthode dure, c'est la meilleure.

Mme Rodrigue (Nathalie) : Quand ça fait mal dans le portefeuille, habituellement, là, ça...

Mme Soucy : Je vais vous poser une question. Vous, en tant que médecin, est-ce qu'à l'heure actuelle vous êtes à l'aise de conseiller à un patient, à un de vos patients qui a un problème de tabagisme puis qui veut diminuer, d'utiliser la cigarette électronique?

Mme Jutras (Claire) : Alors, c'est très intéressant, ce que vous dites, mais, en cessation tabagique, l'expert de sa vie, c'est le fumeur lui-même. Donc, je ne recommande pas, je ne décommande pas. Je lui dis : Toi, te connaissant, qu'est-ce qui serait le meilleur? J'ai des choses efficaces à proposer, mais, si le patient m'arrive avec la cigarette électronique, bien, on va regarder ensemble c'est quoi, ses objectifs. Puis on va le travailler ensemble, avec un bon counseling. Parce que des produits miracles pour cesser de fumer, ça n'existe pas.

Mme Soucy : C'est la volonté en premier, évidemment.

Mme Jutras (Claire) : Pas la volonté. Il y a une dépendance physique, et le fumeur a appris à fumer, il faut le déprogrammer.

Mme Soucy : Alors, vous parlez de déprogrammer. Alors, c'est nécessaire qu'il y ait un sevrage qui se fasse puis que la personne... le patient soit bien accompagné, qu'il soit accompagné par un professionnel, en fait, de la santé ou quelqu'un qui s'y connaît pour bien le conseiller, pour que ça fonctionne.

Mme Jutras (Claire) : Bien, il y en a qui réussissent à arrêter. Chacun peut... Quelqu'un peut arrêter «cold turkey», mais, selon les évidences scientifiques, les meilleures façons d'arrêter de fumer, c'est... on recommande d'avoir une dose de nicotine pour contrôler la dépendance qui est physique. Mais maintenant ce n'est pas la seule dépendance, il y a une dépendance qui est psychologique ou comportementale. Parce que le tabac, c'est... Bien, en fait, la nicotine, qui cause la dépendance, elle est associée aux rituels de tous les jours : je prends un verre, un café, j'ai une cigarette; je rentre dans mon auto, je m'allume une cigarette; j'appelle quelqu'un, je prends une cigarette. Tu n'arrêtes pas d'appeler quelqu'un, tu n'arrêtes pas de prendre ton café puis tu n'arrêtes pas de conduire ton auto. Donc, il faut déprogrammer. Et l'idée, c'est... Souvent, les gens s'imaginent que c'est miracle, ils vont se mettre une patch ou ils vont prendre la cigarette électronique, ça va finir. Donc, effectivement, les recommandations sont doubles : supplémenter le patient avec une thérapie de remplacement de nicotine ou une médication pour cesser de fumer — ça double le potentiel de réussir — et un bon counseling par un professionnel de la santé.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à l'échange avec les parlementaires. Merci beaucoup aux représentantes, représentants de la Coalition Priorité Cancer.

Je suspends momentanément nos travaux.

(Suspension de la séance à 18  heures)

(Reprise à 18 h 5)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux.

Alors, nous recevons maintenant les représentants de l'Union de tenanciers de bars du Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation, dans un premier temps, et par la suite vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Je vous demanderais, d'entrée de jeu peut-être, de vous nommer, de préciser vos fonctions, et par la suite, donc, la parole est à vous. Merci.

Union des tenanciers de bars du Québec (UTBQ)

M. Sergakis (Peter) : Je m'appelle Peter Sergakis, je suis le président de l'Union des tenanciers de bars du Québec.

M. Sénéchal(Sébastien) : Bonjour, Sébastien Sénéchal, je suis l'avocat de l'Union des tenanciers de bars du Québec et aussi administrateur.

M. Arbour(Guy) : Mon nom est Guy Arbour, je suis un modeste ingénieur spécialiste dans les matériaux délétères.

M. Beaulieu (Jaques) : Bonjour, mon nom est Jacques Beaulieu, je suis communicateur scientifique.

M. Sénéchal (Sébastien) : Alors, la première personne qui va parler, c'est M. Arbour, en fait, qui va vous présenter succinctement, en fait, l'étude du risque incrémentiel associé à la fumée de tabac, qui a été réalisée par lui.

M. Arbour (Guy) : D'abord, écoutez, c'est une étude qui est vraiment à titre indicatif, qui n'a pas une prétention d'exhaustivité. On n'est pas un organisme de recherche, on est un bureau d'ingénieurs qui utilisons des appareillages qui sont sur le marché, qui sont connus.

M. Sénéchal (Sébastien) : Juste un instant, M. Arbour, je pense qu'on entend mal.

M. Arbour (Guy) : Ah oui?

M. Sénéchal (Sébastien) : Est-ce qu'il y a moyen...

Une voix : ...

M. Sénéchal (Sébastien) : Ah! je pensais que ça avait été communiqué à l'Assemblée nationale. Ça a tout été communiqué, mais on en a des copies.

Une voix : ...excusez-moi.

 (18 h 10)

M. Sénéchal (Sébastien) : Non, non, mais écoutez... Vous n'en avez pas eu, vous non plus? On en a...

Le Président (M. Tanguay) : O.K. Alors, veuillez prendre place.

Une voix : Oui, il y en a d'autres.

Le Président (M. Tanguay) : Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît, et on vous écoute. La parole est à vous. Merci.

M. Arbour (Guy) : Bon. Alors, assez succinctement, on a voulu établir, en termes de risque, si le fait d'avoir des fumeurs qui sont sur les terrasses et qui sont à distance raisonnable pouvait constituer un risque acceptable ou inacceptable en termes des normes publiques qui existent ici. L'élément qui est utilisé pour déterminer la nocivité de fumée secondaire, ce sont les particules fines de 2,5 millimètres... pardon, micromètres et moins par mètre cube. Et, à Montréal, il y a couramment... La moyenne, pour l'année passée, c'était à 11 microgrammes par mètre cube environ, et ça peut varier, dans une journée, entre cinq et 20 microgrammes, pour une journée normale qui n'est pas trop polluée. Le fait d'être sur une terrasse et il y a des fumeurs en nombre relativement... en nombre significatif fait augmenter, pour une période très brève, d'un niveau qui peut aller de cinq à 15 microgrammes lui-même. Alors, si on ajoute les deux, surtout compte tenu que l'exposition sur une terrasse n'est pas sur 24 heures mais sur quelques heures, on en arrive à un total qui est à peu près dans les normes de 25 microgrammes par mètre cube qui sont celles de la ville de Montréal ou d'autres organismes comme l'Organisation mondiale de la santé, et ainsi de suite.

Du côté français, où maintenant des règles pour l'usage du tabac, beaucoup plus strictes que les nôtres, sont en place, on a fait cette distinction entre les terrasses ouvertes, donc les espaces ouverts, et les espaces clos. Dans cette étude, on décrit c'est quoi, un espace clos. À l'époque où on fumait à l'intérieur des restaurants, c'étaient des espaces clos, et on arrivait avec des quantités en termes de PM2,5 qui étaient très élevées, et évidemment on a conclu, à ce moment-là, que c'était inacceptable. Du côté français, après avoir examiné le pour et le contre, ils sont venus à déterminer que, si une terrasse était ouverte, et là il y a une série de critères qui définissent une terrasse ouverte, donc l'air circule, on en arrive à des concentrations qui sont acceptables. Maintenant, si vous êtes un adepte du risque zéro, qui n'existe pratiquement pas en science, c'est sûr que ça ne vous satisfait pas. Par contre, si on regarde les normes telles qu'elles sont définies pour la protection de notre santé, bien, on arrive dans des barèmes qui sont à peu près comparables.

Mais je vous encourage à lire au détail l'étude, c'est... Il est certain qu'on aimerait qu'il y ait dans le monde plus d'études semblables pour qu'on puisse avoir des résultats qui soient plus tranchants. Mais il est clair que, si les gens, physiquement, sont assez éloignés, parce que, dès que vous avez quelqu'un qui fume très proche, vous avez les... Et, sur les appareils, on voyait très bien, vous aviez des mesures considérables. Mais, dès qu'une certaine distance existe, il y a une dissipation qui se fait dans l'espace naturel, à l'air libre, là, qui est assez phénoménale. Voilà, ce sont les modestes conclusions.

M. Beaulieu (Jacques) : Bonjour. Moi, tout au long de ma carrière, j'ai eu l'occasion de signer ou cosigner plus d'une trentaine de livres sur divers sujets de santé. J'ai même eu le privilège de participer à la rédaction de deux rapports de santé publique sur le tabagisme. Alors, lorsque M. Sergakis, le président de l'UTBQ, m'a approché, j'ai d'abord été assez étonné, puis j'ai compris sa démarche. L'étude qu'il a commandée sur la fumée de cigarette sur les terrasses apporte certainement un éclairage pertinent sur l'état réel de la situation, comme vous allez le voir en lisant le rapport. Il y avait eu l'étude Kennedy, en 2013, qui avait apporté... qui avait porté sur quelques terrasses et qu'on venait donc d'étendre l'échantillonnage et d'en apprécier les résultats.

C'est particulièrement à ce niveau que le projet devient intéressant. En somme, au lieu de s'en tenir à une discussion purement technique où on compare, par exemple, les niveaux de pollution urbaine à ceux engendrés par la cigarette sur les terrasses des bars, M. Sergakis a fait un pas en avant et propose des solutions qui ne sont pas dénuées de bon sens : d'abord, faire une distinction claire entre les terrasses closes et les terrasses ouvertes, puis apporter une proposition quant aux terrasses avec tables et parasols, et finalement terminer en proposant l'idée de terrasses avec section fumeurs et non-fumeurs avec une zone tampon d'au moins 1,5 mètre entre les deux.

Ayant eu l'occasion d'étudier l'histoire de la lutte contre le tabac, particulièrement au Québec, j'ai été à même de réaliser non seulement le changement radical de l'opinion publique face au tabagisme, mais la façon dont ces changements ont pu se réaliser. D'abord, il faut réaliser que, depuis la première Loi sur le tabac, en 1908, ces changements se sont opérés par étapes, échelonnés sur de longues périodes de temps. En somme, les gouvernements ont eu la sagesse de légiférer en aval des changements dans la perception du tabagisme dans l'opinion publique, et non en amont. Par exemple, on a vu naître des sections fumeurs et non-fumeurs avant la loi interdisant le tabac à l'intérieur des restaurants. Les mentalités étaient prêtes, donc la loi pouvait être proposée. On pourrait, ici, énumérer toutes ces étapes et jalons qui ont marqué l'évolution des mentalités et celle des lois et règlements entourant le tabagisme, mais cela serait probablement assez long.

Dans la poursuite de cette évolution, le gouvernement actuel propose une nouvelle loi, et l'UTBQ appuie inconditionnellement toutes les mesures proposées par celle-ci, sauf celle où il est question d'abolir tout tabagisme sur les terrasses. Tant nos membres qu'une bonne partie de notre clientèle — de leur clientèle, en fait, devrais-je dire — ne sont pas prêts pour une mesure si radicale. L'UTBQ propose, en fait, un continuum dans la lutte au tabagisme en franchissant une autre étape en ce qui concerne les terrasses. Plutôt que de tout interdire radicalement, pourrait-on proposer, dans un premier temps, un encadrement du tabagisme sur les terrasses? C'est pourquoi nous proposons une définition de ce que devrait être une terrasse avec espace ouvert et une terrasse avec espace clos, et une division des terrasses avec sections fumeurs et non-fumeurs espacées l'une et l'autre d'au moins 1,5 mètre.

Tous et chacun d'entre nous rêvons, à juste titre, d'un Québec sans fumée. Si nous sommes aujourd'hui beaucoup plus près de ce noble objectif, nous le devons à toutes ces étapes rendues possibles : d'abord, par l'information et l'éducation au grand public, et ensuite suivi de lois adaptées à l'époque où elles ont été proposées. Bien sûr, il reste encore bien des marches à gravir pour atteindre l'objectif zéro en matière de tabagisme, mais, d'un point de vue de santé publique, mieux vaut probablement les grimper une à la fois plutôt que de risquer de perdre pied et de mettre en péril des actifs si bien acquis. Je vous remercie.

M. Sénéchal (Sébastien) : Alors, l'UTBQ pense, en fait, que le gouvernement du Québec va un peu trop loin, en fait, en voulant interdire de façon absolue, en fait, la consommation de tabac sur les terrasses. C'est clair qu'il est facile de plaire à la majorité lorsque la majorité est non-fumeurs. On parle de huit personnes sur 10. Il y en a quand même deux personnes sur 10 qui demeurent fumeurs au Québec. Et, dans les établissements licenciés, blague à part — qui a passé dans les médias — il y a plus de fumeurs que... en fait, ils sont plus représentés, en fait, que dans la population en général. On ne s'avancera pas sur un chiffre, mais on peut vous dire de façon sûre et certaine qu'il y a plus de fumeurs qui fréquentent les établissements licenciés que dans la population en général. Il y a eu, en fait, une interdiction du tabac, et à juste titre, dans les établissements licenciés depuis 2006. Cette interdiction-là, en fait, on a appris à travailler avec elle. Il y a eu un très gros impact. Peu importe ce qui est parfois galvaudé, il y a eu un impact, on vous le dit. Ce n'est pas parce que tous les bars ne sont pas fermés aujourd'hui qu'il n'y en a pas eu, d'impact, il y en a eu un très gros.

Par contre, on s'est rabattus, notamment, sur les terrasses, et il y a eu, entre autres, à Montréal... Depuis 10 ans, il n'y a jamais eu autant de terrasses dans la rue, sur les toits, parce que c'est un phénomène. En fait, les gens se sont rabattus sur l'extérieur et ils se sont dit : Bon, bien, on ne peut plus fumer à l'intérieur des établissements, il y a une nouvelle façon de faire, une nouvelle façon de consommer, on va quand même consommer à l'extérieur. Dans un pays nordique, on peut le faire cinq à six mois par année. Les tenanciers ont dû s'adapter à ça, notamment parce qu'il y a des questions de tranquillité publique. Il faut être capable de gérer ces gens-là sur les terrasses. Que ce soit l'hiver comme l'été, il faut les gérer, il faut gérer les gens qui s'amassent maintenant à l'extérieur, en fait, et qui peuvent déranger leurs voisins. Tout ça, on s'est habitués à ça. On n'est pas habitués et on ne sera pas capables, en fait, de passer la prochaine étape qui est proposée par le gouvernement du Québec, c'est-à-dire d'aller contrôler notre clientèle à neuf mètres de l'établissement.

Ici, en fait, il y a une intervention qui est demandée et qui est exagérée, selon ce que nous... en fait, ce que nos experts ont déterminé. On sait que l'Organisation mondiale de la santé... Je le sais, vous allez nous le dire qu'il y a une tolérance zéro. C'est le seul polluant, là, où il y a une tolérance zéro. Mais, pour qu'il y ait une tolérance zéro, il faut qu'il n'y ait aucun fumeur. Puis, pour l'instant, le produit est encore légal, et il y en a 22 %, de fumeurs, au Québec, donc il faut vivre avec eux. Et, pour vivre avec eux, il faut être capable de vivre avec eux dans un certain environnement, et, cet environnement-là, il faut qu'on soit capables de continuer, en fait, à opérer des établissements licenciés puis à respecter la minorité.

On est une province qui respecte beaucoup les minorités. Je comprends que le terme est excessivement galvaudé. On ne parlera certainement pas d'accommodement raisonnable en matière de fumée. Par contre, il faut trouver une façon de vivre ensemble. Et la façon de vivre ensemble, dans des normes qui sont respectables et respectées selon des barèmes internationaux, ce serait de faire un espace qui est fumeurs et un espace non-fumeurs et de laisser une zone tampon de plus de 1,5 mètre. On pense que c'est une façon d'aller de l'avant, de continuer dans la logique du gouvernement, qui s'inscrit vers une réduction, même une abolition des produits du tabac, probablement, mais il faut laisser le temps au temps. Et c'est un pas en avant.

L'Union des tenanciers de bars du Québec ne vous demande pas de rester dans l'immobilisme. On vous suggère et on vous tend la main, on vous dit : Toutes les terrasses qui sont fermées, interdisez le produit. Les terrasses qui sont ouvertes, permettez-nous, en fait, d'offrir à la clientèle une alternative. Et, si la clientèle, avec le temps, nous dit : On n'en veut plus, de cigarettes, on n'a pas besoin du gouvernement pour nous le dire, on est dans un libre marché, et on va réagir, et on va offrir ce produit-là.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à votre 10 minutes, qui était devenu un 12, peut-être un 30 secondes pour compléter, pour que l'échange puisse débuter avec les parlementaires.

Une voix : Allez-y, M. Sergakis.

M. Sergakis (Peter) : Oui. Excusez. Je pense que votre gouvernement, il tient un discours à deux vitesses. Il faudrait que... Je vais vous prendre un contexte que... On prend la rue Sainte-Catherine : présentement, la rue est fermée, certaines places, les piétons, ils marchent sur le trottoir puis, l'autre temps, ils marchent dans le milieu de la rue. Notre clientèle, si je comprends le projet de loi n° 44, notre clientèle, il faut qu'ils aillent fumer... neuf mètres, c'est bien ça? O.K. Qu'est-ce qui arrive avec les piétons qui marchent sur le trottoir? Puis qu'est-ce qui arrive avec les... Bien, je vous donne un exemple, là : l'été, avec les feux d'artifice, il y en a, dans la rue, à peu près 100 000, personnes. Qu'est-ce qui se passe avec les clients... pas les clients, les piétons puis les gens qui marchent dans le milieu de la rue?

Je m'excuse, peut-être... parce que je pose les questions... Je devrais parler seulement, c'est ça? Est-ce qu'il y a un...

Le Président (M. Tanguay) : Non, non. Je vous explique. Vous aviez 10 minutes de présentation, qui est devenu 13. Les trois minutes, je les prends sur le temps de la ministre, qui aimerait peut-être discuter avec vous.

M. Sergakis (Peter) : O.K. Combien de temps qu'il...

Le Président (M. Tanguay) : Alors, si vous voulez, je pourrais peut-être lui céder la parole, et, pour le temps qu'il lui reste, 18 min 30 s, vous pourriez échanger.

Alors, je cède la parole à Mme la ministre. Si vous voulez... vous avez sûrement des questions. Merci beaucoup, merci.

Mme Charlebois : Alors, M. Sergakis, M. Sénéchal, M. Arbour et M. Beaulieu, merci d'être ici et de nous faire part de vos préoccupations, de nous parler de comment vous voyez le projet de loi. Et sachez que toutes les préoccupations sont prises en compte, même ceux qui n'auront pas la chance de venir ici faire leurs représentations. On va prendre le temps de consulter tous les mémoires et on va travailler ensemble, tous les parlementaires, à faire en sorte de bonifier ce projet de loi là.

Je vous ai entendu, dans votre allocution, nous parler de vos études, et vous semblez m'avoir dit : Oui, je sais, vous allez me parler de l'OMS. C'est certain que je vais vous parler de l'Organisation mondiale de la santé puis c'est certain que je vais vous parler des études scientifiques indépendantes. Est-ce que vous réfutez la valeur des études scientifiques indépendantes que nous avons, qui sont dans des revues scientifiques?

• (18 h 20) •

M. Sénéchal (Sébastien) : En fait, si vous avez la chance de lire le rapport, on les reprend, ces... on vient à la même conclusion que Kennedy : il y en a une... En fait, il y en a un, impact. Cet impact-là, en fait, c'est de déterminer pendant combien de temps cet impact-là dure et à quelle distance, en fait, il y a réellement un impact. Parce qu'à l'autre bout de la salle, même si, en fait, on était sur une terrasse, et vous fumeriez, Mme la ministre, il n'y en aurait pas, d'impact, sur ma santé à moi. Alors, on ne dit pas qu'il n'y a aucun impact lorsque quelqu'un s'allume une cigarette à l'extérieur, ce qu'on vous dit, c'est que cet impact-là peut être acceptable, dépendant de la distance à laquelle vous êtes de celui-ci puis pendant combien de temps vous y êtes exposé.

On est d'accord avec toutes les autres études, en fait, qui ont été réalisées à travers le monde. On trouve simplement étrange que le gouvernement nous remette sur le nez, en fait, que l'Organisation mondiale de la santé dit que respirer pendant une seconde de la fumée de cigarette, ça va nous tuer, alors que vous continuez à vendre le produit. Si c'est dangereux à ce point-là sur une terrasse, c'est dangereux dans la rue. Si c'est dangereux dans la rue, c'est dangereux aux feux d'artifice. Ce n'est pas juste dangereux parce que c'est sur une terrasse d'un établissement licencié. Il faut faire attention lorsqu'on utilise, en fait, cet argument-là, parce que je pense qu'il se retourne contre ce gouvernement. On pense actuellement que, malheureusement, s'il y a tolérance zéro, c'est vous qui avez la clé. Mais vous ne pouvez pas faire un choix entre la terrasse et la rue. Si ce n'est pas possible de fumer sur une terrasse, ce n'est pas possible de fumer dans la rue non plus, ce n'est pas moins dangereux.

Mme Charlebois : Est-ce que vous comprenez que le projet de loi vise... Il a trois objectifs, hein : prévenir la consommation du tabac chez les jeunes, protéger la santé des non-fumeurs et favoriser la cessation de tabagisme. Pour quelqu'un qui veut arrêter de fumer, voir les autres fumer autour et sentir la nicotine, la fumée secondaire, est-ce que vous croyez que c'est bon?

M. Sénéchal (Sébastien) : En fait, je pense qu'on s'inscrit exactement dans les trois objectifs du gouvernement. Premièrement, on protège les jeunes, parce que, dans nos établissements, on ne représente aucun restaurant. Je pense que c'est bien compris, l'Union des tenanciers de bars du Québec, c'est des personnes de 18 ans et plus, donc des personnes qui normalement sont capables de prendre leurs décisions. Deuxièmement, on offre un choix, c'est-à-dire d'avoir un environnement sans fumée sur une terrasse où il y a des sections, alors dans une question de protection. Et, troisièmement, bien, on est en train de justement rendre ce geste-là, dans la même logique que le gouvernement, de moins en moins acceptable, c'est-à-dire qu'on est en train de ghettoïser encore les fumeurs et de leur dire : Regardez, vous autres, vous allez rester ensemble, puis on va vous regarder, nous, les non-fumeurs, parce que vous êtes en train de vous rendre malades.

C'est exactement la technique qui a été utilisée, en fait, par les différents gouvernements dans le monde, c'est-à-dire de rendre ce comportement-là inacceptable. Mais ce qu'on vous dit, c'est que vous allez un peu trop vite. On vous demande de franchir un pas à la fois et non de courir, en fait, alors que, partout dans le monde, la tendance n'est pas là, sauf... Je vous le dis, vous avez raison, au Canada, en fait, on semble vouloir, en fait, limiter la consommation de tabac sur les terrasses et dans l'État de New York. Mais, partout dans le reste du monde, il n'y a personne qui court. On peut y aller un peu plus tranquillement, et on ne se fera pas accuser, comme en 2005, d'être les derniers en matière de lutte contre le tabagisme.

Mme Charlebois : Est-ce que vous êtes au courant qu'au Canada les seules provinces qui ne légifèrent pas sur les terrasses sont le Manitoba, la Colombie-Britannique et nous?

M. Sénéchal (Sébastien) : Et pourtant la Colombie-Britannique est certainement, en fait, un exemple, disons, en différentes matières, notamment en environnement. Et, écoutez, il y a une...

Mme Charlebois : Vous êtes en train de me dire que, sur l'ensemble du Canada, on devrait imiter la Colombie-Britannique et rester dans ceux qui n'autorisent pas?

M. Sénéchal (Sébastien) : Ce qu'on est en train de vous dire...

Une voix : ...

M. Sénéchal (Sébastien) : Pardon?

Une voix : Et la France.

M. Sénéchal (Sébastien) : Oui. Non. Bien, en... Regardez...

Mme Charlebois : Non, mais je parle du Canada, là.

M. Sénéchal (Sébastien) : Non. Au Canada, c'est clair, en fait, qu'il y a une tendance, il y a une tendance que moi, je pourrais qualifier aussi de bloc de l'Ouest, il y a une tendance... Il y a une tendance, en fait, qui est de radicaliser les choses. Mais, écoutez, est-ce qu'on veut absolument suivre l'Alberta ou le Nouveau-Brunswick ou on veut se comparer aux États-Unis, aux pays d'Europe? Vous pouvez choisir ce que vous voulez, mais ce que je vous dis, c'est qu'il n'y a pas d'urgence. En fait, on peut légiférer, et y aller par étapes, et ne pas avoir l'air fou dans notre grande Confédération canadienne en faisant des... en suivant, par exemple, la France.

Je pense que le gouvernement doit intervenir pour protéger les mineurs dans les autos, dans les parcs. Vous avez tout à fait raison de le faire. Protégez-les, les mineurs. Vous avez raison d'intervenir dans les établissements de santé. Mais est-ce nécessaire, en fait, de faire une terrasse à l'air libre et la rue? Je ne sais pas si c'est nécessaire de le faire.

Mme Charlebois : Est-ce que vous avez entendu la majorité des représentations qui sont venues ici, en ce moment, et nous dire que... Je ne sais pas pourquoi, là, l'ensemble des représentations qu'on a eues nous disent qu'il n'y a pas de problème, il faut absolument interdire de fumer sur les terrasses.

J'ai posé la question parce que j'ai entendu la suggestion de limiter la terrasse à... une partie de la terrasse. On nous a même dit... Une autre association de tenanciers de bars, la corporation que vous connaissez sûrement, nous a dit : Avoir un fumoir, ce serait utile sur la terrasse. Et on pose des questions notamment à plein de gens, plein d'intervenants, on nous a dit qu'il y avait plus de toxicité dans un abri pour fumer, que c'était encore plus dangereux pour les personnes qui y allaient. Et, pour ce qui est de limiter l'espace de la terrasse, on nous a aussi dit que ce n'était pas souhaitable, qu'il y avait, veux veux pas, un échange de fumée secondaire.

M. Sénéchal (Sébastien) : Peut-être demander à M. Arbour de répondre à la deuxième partie, là, mais...

Mme Charlebois : Pourquoi, à votre avis, il y a une tendance, au Québec, à tous nous recommander la même chose?

M. Sénéchal (Sébastien) : Bien, parce que je pense qu'en général... l'Union des tenanciers de bars du Québec pense, en général — puis elle aussi, elle est d'accord — qu'on ne devrait pas fumer au Québec. Mais il y a des fumeurs. Et on vous a dit, dans notre rapport, et d'entrée de jeu, que, tous les endroits fermés, il faut les bannir. Certainement qu'il ne faut pas faire un fumoir. Par contre... En fait, je vais laisser M. Arbour vous parler de toxicité, là, parce que c'est...

M. Arbour (Guy) : Oui. Écoutez, il est certain que, dans la population, beaucoup de gens sont contre le tabagisme, la cigarette, et j'en suis, O.K.? Alors, c'est évident que huit personnes sur 10, probablement, en moyenne, vont vous dire qu'ils sont contre ce genre de mesure.

Toutefois, ce qu'on essaie de dégager comme conclusion, c'est qu'il y a une distinction vraiment cruciale — et les Français l'ont faite, et d'autres gens l'ont faite à travers le monde — à faire entre les espaces clos et les systèmes ouverts. Un système ouvert, il y a une dissipation qui se fait. Mettez, par exemple, une voiture : si vous la mettez en plein milieu d'ici avec le moteur qui tourne, tout le monde est mort au bout de 20 minutes, O.K.? Mais, si cette voiture est dehors, ça se dissipe énormément. On est dans le trafic avec des milliers de voitures autour de nous et on le tolère.

Même chose pour ces fumées délétères de cigarettes. C'est fondamental. Je veux dire, quand vous référez à des espaces enfumés, les terrasses enfumées, elles ont des auvents, c'est fermé sur le côté. On a fait des mesures, on voit très, très bien la différence. Quand une terrasse n'est pas ouverte, et c'est bon de le préciser, il y a accumulation. Si ce n'est pas le cas, ça se diffuse. Puis la terrasse, là, l'exemple que vous aviez sur Sainte-Catherine, au-dessus d'un toit comme ça, là, c'est évident, c'est aux quatre vents, ça se diffuse immédiatement. Alors, il faut faire attention.

Il y aurait peut-être une espèce de régie interne à développer pour caractériser les terrasses et puis arriver peut-être, de temps en temps, à l'improviste et voir si effectivement on arrive en bas des normes — je parle du 25 microgrammes par mètre cube — c'est fort possible. Mais c'est ça, la distinction, je pense, qu'il est important de faire. On n'est pas à l'intérieur, là.

Mme Charlebois : Je vous entends, mais j'ai le goût de vous dire que ce n'est pas la tendance de la population, ce n'est pas la demande de l'ensemble de la population. Mais, une fois...

M. Arbour (Guy) : ...à l'intolérance.

Mme Charlebois : ...que je vous ai dit ça, moi, j'ai parcouru cet été... Pendant mes vacances, j'ai fait le tour puis je me suis promenée justement sur des terrasses pour entendre les gens. Puis savez-vous quoi? Quand les gens me voient arriver puis... les gens me connaissent dans mon comté, particulièrement, et, quand ils me voient arriver, ils savent très bien que... puis tout le monde m'a parlé du projet de loi, des fumeurs comme les non-fumeurs. Et je vais vous dire que ça a été des exceptions qui m'ont dit que ce n'était pas une bonne idée.

M. Beaulieu (Jean) : Mais la plupart des curés rencontrent surtout des croyants, alors il y a ce phénomène qui joue aussi.

Mme Charlebois : Bien, dans mon comté, je vais vous dire que les gens me connaissent assez pour mon franc-parler, me connaissent assez pour ma franchise et me connaissent assez pour ma réceptivité à entendre des points de vue divergents, mais je vous laisse ça à vous.

• (18 h 30) •

Je veux juste rectifier des faits concernant la baisse de clientèle, parce que, oui, il y a eu un impact, probablement, avec l'interdiction de tabac. Je ne veux pas dénier ça, mais je veux juste vous dire que c'est un ensemble de facteurs. Il y avait le 0,08, il y a tout ce qui était le coût de la boisson à l'époque. J'ai travaillé dans le milieu, en passant, ça fait que je connais un petit peu la clientèle de bar. J'ai travaillé assez longtemps là-dedans pour vous en parler. Et il y a eu, oui, l'interdiction de cigarettes, le taux d'alcoolémie qui a fait une méchante différence — et vous en êtes conscients, certain — et le coût de la boisson, mais j'ai le goût de vous dire aussi que vous avez récupéré, certainement, des clients qui ne fumaient pas, qui veulent justement... Entre autres, moi. Moi, personnellement je suis une cliente qui évitait ces endroits-là depuis que j'avais arrêté de fumer et je me permets maintenant d'y aller. Mais j'ai un collègue ici qui fume, j'aimerais ça l'entendre vous poser une question.

M. Plante : Oui, parce que tantôt j'ai... Je fais malheureusement partie du 20 % de la population restant à fumer, donc je fais partie, comme vous avez exprimé, de votre problème à gérer si on interdit... Non, mais, tu sais... Tantôt, j'étais... mais là c'est mon problème à gérer. Donc, tantôt, vous avez dit : Si on interdit de fumer sur les terrasses, les fumeurs vont devenir un problème à gérer ou vont causer un problème aux tenanciers, parce qu'ils vont devoir, bon, bien, sortir, s'en aller sur le trottoir, ou tout ça.

Ça m'intrigue beaucoup, ça, parce que... Je vais vous dire, hier après-midi, on avait une pause de commission parlementaire, et ici, sur la Grande Allée, la majorité des terrasses sont non-fumeurs, là, et j'étais assis avec une collègue, et tous les deux, on est très surpris, il y a quelqu'un qui s'est allumé une cigarette, et la serveuse lui a dit : Excuse-moi, est-ce que tu pourrais aller fumer... tu ne peux pas fumer ici. Il s'est levé bien gentiment et il est allé... Et même moi puis ma collègue... Je me suis levé, moi, je suis allé fumer une cigarette... bien, j'ai laissé mon verre sur la table, je suis allé fumer une cigarette tout poliment et tout gentiment.

Mais j'aimerais savoir pourquoi, pour les tenanciers de bar, tout d'un coup ou abruptement comme ça, ça deviendrait un problème, puisqu'en disant, partout au Québec, que c'est interdit, bien, ça deviendrait comme dans les moeurs, puis on serait habitué de se lever puis de sortir pour ne pas incommoder personne qui sont autour de nous.

M. Sénéchal (Sébastien) : Bien, écoutez, si la cigarette était interdite partout... Parce que je prends votre raisonnement : Ça ne serait pas un problème sur les terrasses non plus, O.K.? Donc, c'est sûr que, si vous y allez en microcosme, puis là vous nous dites : Bien, on va décortiquer ça... Prenez l'exemple : Si c'est interdit sur toutes les terrasses au Québec, bien, est-ce que ça va être plus facile à gérer? Non, ça va être un problème partout. Ça va être un problème partout. Parce que, là, vous avez laissé votre verre sur la table, O.K.? Bon, vous avez laissé votre verre sur la table. Il y a des phénomènes, peut-être que vous êtes moins habitué, mais ça s'appelle le GHB, ça, et, quand on laisse notre verre sur la table, bien, il y a des bonnes chances, en fait, qu'on soit obligés, en fait, de surveiller votre verre, parce que, quand vous allez revenir... Peut-être que vous n'êtes pas au goût de certains de vos collègues sur les terrasses, mais il y a des jeunes filles, en fait, qui sont des proies, en fait, et c'est un réel problème dans les établissements licenciés. On ne peut pas sortir notre verre, on ne peut pas l'abandonner, hein, bon, puis on ne peut pas l'amener dans la rue non plus, puis encore moins à neuf mètres.

Et, quand on est rendu à neuf mètres, en plus, bien là, il y a toute une question, en fait, de réintégrer, en fait, l'établissement. C'est-à-dire que, quand c'est une terrasse... Comme par exemple, sur la Grande Allée, ici, bon, bien, les terrasses, elles sont relativement petites. Elles sont spacieuses, elles sont belles, mais elles sont relativement petites. Il y a des terrasses de plusieurs centaines de personnes, en fait, dans les établissements. Et, oui, ça cause un problème quand on est rendu avec 100 personnes qui se retrouvent dans la rue et qui décident de parler, de discuter ensemble et de festoyer, parce qu'après ça il faut demander, en fait, à notre personnel de sécurité de ne plus être sur notre espace à nous mais d'aller dans la rue puis d'intervenir là où les policiers doivent intervenir normalement.

Alors, oui, il y en a, des problèmes. Il y en a, des problèmes, mais le plus gros problème, en fait, le plus gros problème, c'est que, justement... Et ça, c'est très intéressant, ce que vous dites là, c'est qu'il y en a déjà, des terrasses non-fumeurs. Cette offre-là existe, elle est régulée par le marché, et on n'a pas besoin, en fait, d'intervenir pour protéger quelque... Parce qu'il faut avoir une motivation, là, quand on est l'État, là. Il faut avoir une motivation puis il faut avoir une raison. Vous nous le dites vous-mêmes, en fait : Ça fonctionne déjà. Mme la ministre dit : Je me suis promenée dans mon comté, et il y a des gens qui sont tannés. Bien, il y a des gens, en fait... Et nous, on le voit quotidiennement, quand un fumeur, en fait, dérange des non-fumeurs, bien, il va avoir la décence, la plupart du temps — la plupart de temps, je vous le dis, parce qu'on n'en voit pas, d'escarmouche sur les terrasses — de se tasser et d'aller à l'extérieur. Il y a déjà ce respect-là qui existe au Québec entre les individus. On n'est pas à l'intérieur d'un aéroport, on n'est pas dans un avion, on est dehors sur une terrasse. Il faut se demander si on a absolument besoin de légiférer et d'interdire manu militari, en fait, à toute personne de consommer dans des circonstances comme celles-là. J'espère avoir répondu à votre question.

Mme Charlebois : En fait — M. le Président, je vais reprendre la parole — si c'est possible pour certains propriétaires de... tenanciers de bar qui ont des terrasses, je me demande pourquoi ce n'est pas possible pour l'ensemble, d'une part. D'autre part, quand vous me parlez de la France, j'ai le taux de prévalence au tabagisme, qui est tout près de 30 %, alors que nous, on est à 22 %, et c'est stagnant depuis plusieurs années. Notre objectif, c'est de baisser de 6 % en cinq ans, et c'est un objectif très raisonnable, mais il faut poser des gestes pour y arriver. Si c'est possible pour beaucoup de propriétaires de terrasse, pourquoi un certain groupe s'y objecte?

M. Sénéchal (Sébastien) : C'est possible pour tous les propriétaires de terrasse, c'est possible à tous actuellement d'interdire. On est dans une propriété, disons, publique... privée avec un accès public. Les propriétaires le font s'ils le veulent bien, ça dépend de ce que la clientèle désire et souhaite. Ici, sur la Grande Allée, on le souhaite. Ailleurs, on ne le souhaite pas nécessairement.

Maintenant, vous avez dit tout à l'heure : La prévalence, elle est... ou, en fait, le nombre de fumeurs est à peu près stable, là, puis on essaie de ne pas intéresser les jeunes. Les jeunes n'ont pas accès à nos établissements. On pense que vous atteignez ou vous visez, en fait, une mauvaise cible. Vous avez des excellentes idées dans ce projet de loi n° 44 là, mais, ce que vous recherchez, vous ne l'atteindrez pas, en fait, et vous ne diminuerez pas le nombre de fumeurs au Québec en interdisant la consommation de tabac sur les terrasses. Ce que vous allez faire, par contre, c'est faire mal à une industrie qui n'a pas besoin d'avoir plus mal qu'elle a déjà.

Mme Charlebois : Si je vous écoute, là... Puis j'ai écouté les gens qui vendent du tabac sans fumée, j'ai écouté d'autres petits groupes qui me disent : Bien, ça, nous autres, on est juste une petite partie, le menthol, c'est juste une petite partie des ventes. Les bars me disent : C'est juste une petite partie. Tout le monde me dit : C'est des petites parties. Finalement, on n'a pas besoin de rien faire.

Ce qu'on veut, ce qu'on vise avec le projet de loi, je vais vous le rappeler, là, c'est protéger la santé des non-fumeurs, pas juste les jeunes, là, des non-fumeurs. Puis, quand vous dites — c'est quand même incroyable : Oui, il y a 20 % des gens qui fument puis il y a 80 % qui ne fument pas, mais les 20 % ont le droit... C'est vrai, ils ont le droit de fumer, mais ils peuvent respecter le 80 % et, comme le fait mon collègue, aller fumer à l'extérieur.

Puis, pour ce qui me... en ce qui me concerne, pour le GHB, puisque vous en parlez, ça existe déjà. On n'a pas besoin de la loi actuelle pour savoir qu'il y a des jeunes filles qui sont agressées à cause du GHB en ce moment. Ça fait que ce n'est pas la terrasse qui va être interdite de fumer qui va faire qu'il n'y en aura plus, là... ou qu'il va y en avoir.

M. Sénéchal (Sébastien) : Bien, avec beaucoup de respect, en fait, non, vous allez accentuer le problème de façon fort importante, parce que les gens qui vont quitter la terrasse ne pourront pas apporter leurs verres. Ça, c'est... Ça, je ne discuterai pas longtemps là-dessus. Le fait de ne pas garder son oeil sur son verre, c'est un problème, ça va être un problème de GHB, et autres. Par contre...

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

M. Sénéchal (Sébastien) : Pardon?

Le Président (M. Tanguay) : Je vais maintenant céder la parole, pour la suite de la discussion, à notre collègue de Rosemont pour 13 minutes.

M. Lisée : Oui, merci, M. le Président. Bonjour, bonjour à tous. M. Sergakis, vous allez nous poursuivre si on adopte le projet de loi tel quel. Sur quelles bases?

M. Sergakis (Peter) : L'avocat est là.

M. Lisée : Bien, je sais, mais c'est à vous que je pose la question, c'est vous qui avez dit ça. Sur quelles bases?

M. Sergakis (Peter) : Bien, sur quelles bases... Je pense que c'est abusif, qu'est-ce que vous voulez faire sur les terrasses. J'ai entendu Mme la ministre, tout à l'heure, qui dit : On veut protéger la santé des 80 % non-fumeurs. Mme la ministre, vous voulez que les 20 %, ils meurent, là. C'est ça que vous voulez?

M. Lisée : Non. Ça, vous auriez...

M. Sergakis (Peter) : Mais non, mais un instant!

M. Lisée : Vous pourriez nous poursuivre si c'était notre intention.

M. Sergakis (Peter) : Non, non, parce que... Un instant!

M. Lisée : Bien, M. Sergakis, je vais vous poser la question, parce qu'en 2005 vous avez poursuivi aussi. Vous étiez contre la loi de 2005 qui interdisait la fumée... de fumer à l'intérieur des établissements. Vous avez demandé une injonction. Vous avez gagné?

M. Sergakis (Peter) : Un instant, on va vous expliquer. La dernière minute, le gouvernement... C'était le PQ qui était là ou le libéral qui était là?

M. Lisée : 2005, malheureusement, c'était le Parti libéral.

• (18 h 40) •

M. Sergakis (Peter) : Oui, O.K. Je vais vous expliquer qu'est-ce que vous nous avez méfait à ce moment-là. Vous avez dépensé, jusqu'avant l'audience, là, à peu près 2 millions. Donc, vous avez présenté à M. Grey en disant : Si vous perdez, vous payez les 2 millions. Vous avez joué le bras. Puis c'est comme ça que vous faites, les gouvernements, tout le temps, là, vous écrasez le petit. C'est ça que vous avez été... Non, mais je vais vous expliquer...

M. Lisée : Mais c'est vrai que le jeu...

Le Président (M. Tanguay) : À l'ordre, s'il vous plaît! Je vais prendre la parole, là, comme président. M. Sergakis, il y a des mots qu'on ne peut pas, malheureusement ou heureusement...

M. Sergakis (Peter) : Mais qu'est-ce que j'ai dit, monsieur? Je suis poli.

Le Président (M. Tanguay) : Je ne le répéterai pas.

M. Sergakis (Peter) : Non, non, je suis poli. Je n'ai pas dit... Je n'ai pas insulté personne.

Le Président (M. Tanguay) : Non, M. Sergakis, la parole est à moi. Merci. Il y a des mots qu'on ne peut pas utiliser. Vous êtes un homme intelligent, vous les connaissez très, très bien, alors je vous demande juste votre collaboration. Faites attention, s'il vous plaît. La parole est à vous.

M. Sergakis (Peter) : Merci, monsieur. Merci. Là, vous pouvez régler le problème, interdit la cigarette...

M. Lisée : Je comprends votre argument.

M. Sergakis (Peter) : ...puis arrêter aussi remplir le Trésor avec l'argent de 20 % des fumeurs. Parce que c'est ça que vous faites, là. Puis ça...

M. Lisée : Ce n'est pas tout à fait la question que je vous posais, M. Sergakis. Alors, moi...

M. Sergakis (Peter) : Non, mais... Bien oui, mais laissez-moi finir. Oui.

M. Lisée : Mais, sur la question de vos poursuites en 2005, le juge a refusé de vous donner une injonction, et vous avez retiré votre plainte en 2009.

M. Sergakis (Peter) : On ne pouvait pas plaider. Je vais vous expliquer puis je vais vous le répéter autant de fois que vous voulez. Quand vous avez demandé, le juge, à la dernière minute que le coût du gouvernement... jusqu'à ce moment, c'était 2 millions. Ils ont demandé, les avocats du gouvernement... Vous avez demandé à la juge, si on perdait, de payer le 2 millions. Je vous explique : J'étais seul à payer, j'étais seul à payer tous les frais, là.

Je répète encore, c'est ça que les gouvernements, ils font. Je vais faire attention à... les mots, qu'il m'envoie... C'est ça que vous faites tout le temps dans toutes les causes. Vous creusez le petit, O.K.? Vous gagnez...

M. Lisée : Bon, on va passer sur le fond.

M. Sergakis (Peter) : Non, non, mais c'est la réalité.

M. Lisée : On va...

Une voix : ...

M. Lisée : Creuser. Il a dit «creuser».

Le Président (M. Tanguay) : Creuser.

M. Lisée : Creuser. O.K. On va passer sur le fond. Je veux parler à M. Arbour. M. Arbour, vous dites, dans votre... Je l'ai lue attentivement, votre étude. C'était fait sérieusement, je vous en félicite. Mais vous dites, en conclusion : «Sous toutes réserves et à moins que d'autres études ne démontrent le contraire», j'affirme ce que j'affirme. Or, aujourd'hui, l'Institut national de la recherche scientifique nous a présenté une revue de littérature scientifique sur l'impact de la fumée secondaire sur les terrasses : «L'exposition de non-fumeurs à la fumée [du] tabac sur une terrasse — selon une étude australienne de 2010 — peut également être détectée dans la salive et [l']urine.» Et ils ont fait un test sur 28 non-fumeurs ayant fréquenté une terrasse de restaurant pendant trois heures — trois heures, pas 24 heures, trois heures — ils ont détecté une augmentation significative de la concentration de deux éléments nocifs dans l'urine et dans la salive. Pour les clients de terrasses et bars, la durée... Évidemment, la durée de l'exposition, comme vous le dites, est plus importante, s'il y a plus de fumeurs, c'est plus important.

Et il y a aussi la fumée tertiaire. Alors, la fumée tertiaire — ça, c'est le mémoire de la Fondation des maladies du coeur : «Les résidus de quelque 250 métaux, substances chimiques et autres éléments toxiques contenus dans la fumée de cigarette s'incrustent dans les meubles, les tentures, [...]les autres surfaces et y demeurent longtemps après que la fumée se soit dissipée.» Alors, voilà des études qui disent qu'il y a un impact réel non seulement sur les particules dans l'air, mais qu'on trouve dans la salive et dans l'urine.

M. Beaulieu (Jacques) : ...un impact. Vous dégagez quelque chose qui a un impact partout. Maintenant, l'appareillage de mesures dont on dispose permet d'aller chercher des traces, des traces infimes, et voilà. Est-ce que, ces matériaux-là, ces traces sont toxiques ou pas? Écoutez, le cyanure... L'arsenic, par exemple, c'est une substance qui est toxique, mais c'est celle qui confère le goût à l'ail, alors c'est... Je ne veux pas dénigrer ces études, au contraire, bien au contraire, mais, bon, écoutez...

M. Lisée : D'accord. Alors, vous dites aussi que...

M. Beaulieu (Jacques) : ...c'est une question de quantité, tout ça, là.

M. Lisée : Oui, bien, c'est ça. Mais vous dites : À moins qu'il y ait d'autres études. Je vous cite des études qui montrent que c'est suffisamment important pour qu'il y ait des traces dans la salive puis dans l'urine. Et vous n'avez pas testé non plus la fumée tertiaire, c'est-à-dire l'impact des résidus qui sont sur les tables et qui restent. Ça, vous ne l'avez pas testé, ça.

M. Beaulieu (Jacques) : Oui, oui. Bon, j'essaie de répondre à votre question. L'élément par lequel on mesure couramment l'exposition à la fumée de cigarette, c'est nos particules fines de 2,5. Alors, si vous me citez une étude qui va se baser sur le même genre d'évaluation, qui est le standard, à peu près, dans l'industrie, le mesurage de la cigarette... la mesure de cigarette, là, évidemment, je vais pouvoir comparer puis affirmer. Mais je ne réfute aucune étude de quiconque, bien sûr.

M. Lisée : Je ne mets pas en doute vos résultats, mais vos résultats sont fondés sur les particules dans l'air.

M. Beaulieu (Jacques) : Bien sûr.

M. Lisée : C'est ça. Et je vous dis : Bien, il y a d'autres études qui sont fondées sur d'autres éléments, la salive et l'urine, qui démontrent autre chose.

M. Beaulieu (Jacques) : C'est ça. Bien, absolument. Écoutez, là, j'avoue qu'on compare un peu des pommes avec des raisins, mais néanmoins vous avez raison de le mentionner.

M. Lisée : Bien, on compare l'impact sur les... Oui, oui. O.K. Parce que vous dites, là : «Sous réserve d'autres études», alors, je vous en donne. Là, vous dites : Écoutez, l'important, c'est que l'exposition à l'extérieur... Vous dites : Une terrasse qui serait couverte, où il y aurait trop de parasols, etc., vous êtes d'accord, ça, ça devrait être non-fumeurs, mais une terrasse qui est ouverte ou qui n'a pas trop de parasols, bon... Mais vous admettez que ça dépend aussi de la direction des vents et que, si les vents dominants sont du bon côté, ça va. Mais que faites-vous si le vent tourne dans une journée? Pouvez-vous prévoir ça?

M. Beaulieu (Jacques) : Bien, écoutez, c'est au gérant d'établissement de gérer son établissement et puis de décider, à ce moment-là, que c'est... Il y a sûrement un client qui va se plaindre que ce n'est pas acceptable. À ce moment-là...

M. Lisée : Donc, il pourrait intervertir.

M. Beaulieu (Jacques) : C'est une gestion privée, vous savez. On n'a pas besoin de faire venir la police à tout bout de champ dans ces...

M. Lisée : O.K. Je comprends. Donc, on pourra faire une rotation. Vous dites que vous avez fait des mesures à l'intérieur aussi, et là ça donnait des valeurs très importantes «qui ne font que démontrer à quel point — là, je vous cite — était bien inspirée l'idée de prohiber la cigarette à l'intérieur des bars et restaurants».

M. Beaulieu (Jacques) : Aucun doute là-dessus, monsieur.

M. Lisée : Vous savez que M. Sergakis, lui, il était contre à l'époque.

M. Beaulieu (Jacques) : Bien, c'est son point de vue. Écoutez, je fais... on travaille pour une firme indépendante.

M. Lisée : Je comprends. Je tiens juste à vous le souligner.

M. Sergakis (Peter) : M. Lisée, à l'époque, j'avais proposé les fumoirs, là.

M. Lisée : Vous avez proposé des fumoirs.

M. Sergakis (Peter) : Oui, puis j'avais proposé les établissements non-fumeurs en affichant dehors, ou les établissements fumeurs, là. C'est pour ça que je propose maintenant... Il y en a, des propriétaires, qui disent : Moi, je veux ma terrasse non-fumeurs. Puis il y en a d'autres qui disent : Pourquoi que le gouvernement, ils vont nous imposer tout le temps? C'est tanné qu'ils nous disent : Fais ça, fais ça, et...

M. Lisée : Je comprends. Je vais vous le dire, je vais vous le dire parce que je suis très sensible à l'argument que maître a indiqué : Pourquoi c'est permis... ce serait interdit sur la terrasse, mais, sur la rue, ce ne serait pas interdit, etc.?

M. Arbour, dans votre document, vous dites très bien : «La présente étude reste limitée à une évaluation qualitative de l'exposition [des] consommateurs[...]. Elle ne peut prétendre investiguer le risque pour les travailleurs de terrasses où on fume.» Vous ne couvrez pas les travailleurs. Or, les travailleurs sont sur la terrasse, sont exposés pendant huit heures d'affilée à la présence de fumée.

M. Beaulieu (Jacques) : Bien sûr. Écoutez, vous pouvez commander une étude à la CSST, mais je suis persuadé qu'ils vont pouvoir... l'IRSST va faire ça. C'est des études pour les... du domaine des travailleurs, ce qui régit tout le droit des travailleurs.

M. Lisée : Je comprends, mais... Très bien.

M. Beaulieu (Jacques) : C'est extrêmement complexe, extrêmement structuré, et on parle de différents budgets en termes d'études.

M. Lisée : Oui, mais votre prétention, c'est que le consommateur, selon votre unité de mesure, n'est pas exposé à suffisamment d'intoxicants sur une période courte, mais vous ne pouvez... et vous partez de cette conclusion pour dire : Bien, donc, on pourrait avoir des terrasses fumeurs—non-fumeurs. Mais, si on prend le point de vue du travailleur, vous ne pouvez pas arriver à cette même conclusion.

M. Beaulieu (Jacques) : Oui, c'est ça. Bien, écoutez, vous avez... ça peut être nuancé par le fait que le travailleur est en présence de fumée lorsqu'il vient faire le service à la table. Il n'est pas toujours là. En général, il reste à un poste de travail qui est autour du bar.

M. Lisée : Oui, mais vous ne le savez pas, vous le présumez. Ce n'est pas ce que vous démontrez.

M. Beaulieu (Jacques) : C'est pour ça qu'on recommande qu'il y ait une étude, par exemple du genre que peut faire l'IRSST, approfondie. Vous savez, c'est complexe. Il faut que vous munissiez chaque travailleur d'un équipement pendant tout son quart de travail, que ça soit sur plusieurs établissements, dans des conditions différentes. Ça demande un budget d'un demi-million pour faire ça.

M. Lisée : Je comprends, mais... Donc, la conclusion à laquelle vous en arrivez pour les consommateurs, pour vous, elle est valide. Moi, je dis qu'il y a d'autres études qui montrent autre chose. Mais, pour les travailleurs, vous ne pouvez pas vous prononcer. Et la différence, maître, entre la rue et la terrasse, c'est que, sur la terrasse, il y a des travailleurs qui sont obligés d'y aller constamment, là où il y a des fumeurs. Sur la rue, il n'y a pas de travailleur, aux feux d'artifice, il n'y pas de travailleur.

M. Beaulieu (Jacques) : Écoutez, si vous voulez...

M. Lisée : Et, si on prend le point de vue de la protection des travailleurs, même chose pour votre suggestion, que je comprends, qui n'est pas dénuée de sens, de dire : On va faire des restaurants fumeurs, des restaurants non-fumeurs, mais là-dedans il y a des travailleurs qui sont exposés à la fumée.

• (18 h 50) •

M. Beaulieu (Jacques) : Oui. Bon, il n'y a aucun doute là-dessus. Et, pour avoir la réponse à ça, il faut faire des études.

Ce qui m'a surpris, en consultant une quantité incroyable d'études — d'ailleurs, on en cite une centaine dans notre modeste étude, là — c'est que, justement, le risque sur la santé des travailleurs, ça a été très peu étudié, pourtant ça vaudrait probablement la peine de le faire.

Mais, comme je vous dis, il y a toujours la présomption que, n'étant pas attablé, le travailleur n'est pas baigné continuellement dans le contexte mais l'est épisodiquement lorsqu'il fait le service. Alors, ça peut être un argument, mais, pour en avoir le coeur net, ça prend 1 million de dollars puis une étude approfondie pendant un certain temps.

M. Sénéchal (Sébastien) : Et, M. Lisée, avec votre permission, en fait, les travailleurs, ils circulent aussi dans la rue. Ils ont droit à la même protection, en fait, de la part de leur gouvernement lorsqu'ils marchent dans la rue que lorsqu'ils travaillent. Donc, je pense, en fait, que...

M. Lisée : Mais ils ne sont pas tenus d'être huit heures d'affilée sur une terrasse fumeurs.

M. Sénéchal (Sébastien) : Mais il n'y a personne qui est tenu d'être huit heures d'affilée. Et, si c'est ça, votre... Non, il n'y a pas personne qui est tenu... parce que les travailleurs, en fait, ils oeuvrent à l'intérieur et ils oeuvrent à l'extérieur. Ils se promènent. Ils ne sont pas en contact avec des fumeurs pendant huit d'heures d'affilée. Et, si c'est ça, uniquement, votre préoccupation... Parce que, si c'est ça, la réalité, là, bien, écoutez, dites, en fait, aux consommateurs qui sont sur les terrasses d'aller chercher leurs bières, en fait, par une vitre de l'établissement, puis le consommateur, il va aller la chercher puis il va aller la payer. Alors, si c'est uniquement ça, la considération du gouvernement, il y a des solutions, bien, il y a des solutions pour ça. Donc, d'interdire le service...

M. Lisée : Non, bien, on voudrait que les serveurs servent les 80 % de non-fumeurs aussi à la terrasse.

M. Sénéchal (Sébastien) : Mais ils peuvent les servir. Ils peuvent les servir, mais... Alors, les fumeurs, eux, iront se servir, en fait iront les chercher à l'intérieur, leurs bières, si vous le voulez, M. Lisée. Il n'y en a aucun, problème. Alors, on peut régler cette situation-là. Tout ce que ça demande, en fait, c'est un peu de collaboration et peut-être d'imagination pour permettre, en fait, une activité, qu'on soit d'accord ou pas avec elle, pendant un certain temps encore.

M. Lisée : Je peux juste dire que moi, je vais continuer à y aller, à vos terrasses.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la collègue de Saint-Hyacinthe pour neuf minutes.

Mme Soucy : Merci d'être ici. Vous dites, puis je vais vous citer : «Beaucoup de Québécois disent pencher pour ce compromis, à condition que [les terrasses] "fumeurs" ne [soient] pas [placées] en amont des vents dominants [de] la terrasse!» Je veux revenir là-dessus, là, parce que je pense que je n'ai pas bien saisi vos propos. Donc, le vent qui souffle habituellement au sud-est, bon, vous allez dire : On va mettre les fumeurs-là. Mais je ne sais où est-ce que vos commerces sont situés, là, mais, mettons Montréal, le vent, il tourne de bord quand même quelques fois dans l'été. Il me semble que... Je ne sais pas, là, mais ça me paraît peu probable que vous changiez les clients de place parce que le vent change de place, hein, il me semble.

M. Beaulieu (Jacques) : En tout cas, bien, les vents dominants sont d'ouest en est, mais je vais laisser peut-être répondre...

Mme Soucy : Bien, c'est un exemple, là.

M. Sénéchal (Sébastien) : Bien, c'est sûr que, normalement, là, ça vient de l'ouest vers l'est, hein? Donc, ça change une fois de temps en temps dans l'été. Si on se rend compte, en fait, que, cette journée-là, il y a une dépression, une dépression majeure, alors on demandera, en fait, aux gens, là, d'inverser... Parce que sûrement qu'il y aura 50-50 sur les terrasses, 60-40. Écoutez, tout ça est gérable, là, en fait...

Mme Soucy : ...

M. Sénéchal (Sébastien) : Non, c'est très facilement gérable. C'est déjà géré, actuellement, dans le plus grand respect. Alors, ce qu'on pourra faire, en fait, c'est de continuer de travailler avec notre clientèle. Sincèrement, là, c'est un commerce de proximité. Les gens se parlent, hein? Ce n'est pas des multinationales, là. Il y a sept ou huit personnes sur la terrasse d'un côté, sept ou huit personnes sur l'autre. Alors, à partir de moment où il y a un vent changeant, bien, il est possible qu'il se mette à pleuvoir, et on rentrera tous en dedans, on ne fumera pas. Mais normalement, quand le vent vient de l'ouest vers l'est et qu'il fait beau, il n'y a pas de problème.

Mme Soucy : Vous ne trouvez pas que vous vous compliquez la vie pour garder...

Une voix : Des clients? Non.

Mme Soucy : Bien, les clients... En 2009, il était supposé également d'avoir une baisse de clientèle, c'est souvent cet argument-là qui vient.

Mais je vais vous emmener sur... Vous affirmez que, bon, les clients fumeurs ne sont pas prêts pour une interdiction de fumer sur les terrasses. À mon avis, ce n'est pas un argument très valable, parce que, s'il fallait attendre que tous les groupes soient prêts à faire un changement, on ne ferait rien au Québec, hein, parce que c'est rare qu'on a l'approbation, que tout le monde est d'accord. Est-ce que le droit des non-fumeurs de fréquenter vos terrasses est...

M. Sergakis (Peter) : Je peux-tu vous répondre, madame?

Mme Soucy : Vous pouvez y aller, monsieur.

M. Sergakis (Peter) : Vous parlez des droits de non-fumeurs, puis c'est à vous de régler le problème. Interdire la cigarette, puis arrêter de collecter les taxes, puis remplir les coffres, là, avec les fumeurs, c'est ça, le problème, là. Si vous voulez faire quelque chose important, quelque chose efficace... Parce que, là, vous faites des demi-mesures, parce que, les règles, là, de terrasse, les fonctionnaires, là, ou qui qui a préparé les parties de la loi n° 44, ils n'ont pas visité les terrasses qui existent. Là, présentement, moi, j'ai une terrasse de 500 personnes, c'est au quatrième étage, puis le monde, ils montent en haut à pied. Qu'est-ce que vous voulez que je fais avec la terrasse, là?

Mme Soucy : Vous parlez justement des terrasses. Bien, il y a de nombreux bars qui n'ont pas de terrasse en raison qu'ils n'ont pas l'endroit, en fait, l'emplacement pour en installer. On peut dire que l'interdiction de fumer sur les terrasses va rendre le terrain de jeu économiquement plus uniforme pour tous les bars, puisque...

M. Sergakis (Peter) : Madame, vous n'acceptez jamais qu'il y avait une baisse de 25 % quand on a interdit de fumer à l'intérieur. Le gouvernement, avec Loto-Québec, il a perdu 200 millions annuels avec l'interdiction. Parce qu'on s'entend, tout le monde, là, que, oui, il y a une petite baisse. On a détruit l'industrie au complet, puis là on va les détruire encore bien plus avec quelque chose que ça ne fonctionnerait pas, parce que, là, les gens, ils vont marcher sur le trottoir, puis la terrasse est à côté, puis il va fumer, puis nous, on ne peut pas intervenir...

Mme Soucy : Bien, le neuf mètres, de toute façon, c'est quelque chose que... on va en discuter lorsqu'on fera l'étude détaillée article par article puis on va trouver une solution à ça.

Vous parliez tantôt de taxes puis de... Vous êtes un contribuable, vous, vous payez des taxes. Savez-vous combien ça coûte, l'effet du tabagisme, à l'État québécois? C'est vos taxes également, vous êtes un contribuable.

M. Sergakis (Peter) : Mais je l'ai, la réponse, madame. Si vous interdisez le produit, là, vous n'avez plus de problème de... que ça vous coûte 2 milliards par année en santé. C'est comme ça qu'on va régler le problème. Là, peut-être que vous pouvez sortir que la cigarette est légale, puis tout ça, mais vous avez les pouvoirs, là, de mettre les lois, de contrôler tout ça.

Mme Soucy : Bien là, on essaie de contrôler au moins les endroits où est-ce que les gens peuvent fumer, là. Là, on est là présentement pour...

M. Sergakis (Peter) : Mais non, non. Vous voulez... Non. Qu'est-ce que vous faites, qu'est-ce que vous faites basé sur votre fait? Vous avez encore 20 % fumeurs. Tranquillement, les 20 %, c'est ça que vous dites, là, il va mourir, puis vous autres, vous collectez les centaines de millions par année.

Mme Soucy : On va essayer qu'ils ne meurent pas...

M. Sergakis (Peter) : Non, mais c'est comme ça que...

Mme Soucy : ...puis on va essayer aussi de protéger ceux qui ne fument pas, parce que, quand même, les fumeurs doivent s'adapter à la forte majorité de gens qui ne fument pas. Puis, vous l'avez dit, c'est 20 %.

M. Sergakis (Peter) : Ce n'est pas la majorité. La minorité a des droits. Les minorités, là, il faut qu'on protège...

Mme Soucy : Mais il y a toujours moyen de fumer ailleurs, aussi.

M. Beaulieu (Jacques) : Si vous me permettez, si moi, j'étais fumeur — je ne le suis pas, là — si j'étais fumeur puis je fumais sur une terrasse, si je prends ma cigarette puis je vais fumer à neuf mètres plus loin, je vais intoxiquer les gens qui vont passer à côté de moi sur la rue à neuf mètres plus loin.

Mme Soucy : Bien, vous allez sûrement moins l'intoxiquer, celui qui passe — puis ça prend deux secondes — que votre personnel qui travaille huit heures par jour. On s'entend sur ça, là.

• (19 heures) •

M. Sergakis (Peter) : Je m'excuse. Je veux dire quelque chose, mais je ne veux pas insulter personne. Aujourd'hui, j'entends n'importe quoi pour vous défendre, n'importe quoi. Vous avez tout le temps la réponse pour vous défendre, mais vous ne regardez pas la réalité. Je m'excuse, là. Non. Vous avez toujours les réponses. Je veux avoir la ... Probablement, vous pensiez aux votes. 80 %, les non-fumeurs, ils vont voter pour vous autres, et non les 20 %. Si c'était à l'inverse, mais peut-être que vous prenez une autre décision, là. C'est ça que je vois ici. C'est ça que je vois. Vous dites n'importe quoi, que... vous avez toujours les réponses pour vous défendre votre cause sans regarder la réalité, tout le temps. Qu'est-ce que j'ai entendu ce soir ici, là, c'est ça que vous avez, là. Je m'excuse, là, puis... C'est ça.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. M. Sergakis, c'était important de vous entendre, puis on était heureux de le faire, de même que d'entendre les personnes qui vous accompagnaient. Malheureusement, c'est tout le temps qui nous est accordé. Alors, l'Union des tenanciers de bars du Québec, merci beaucoup pour votre présentation.

Et je suspends nos travaux jusqu'à demain, vendredi 21 août, à 8 h 30. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 19 h 1)

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