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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Tuesday, April 26, 2016 - Vol. 44 N° 104

Ministère de la Santé et des Services sociaux


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Table des matières

Santé et Services sociaux

Discussion générale (suite)

Document déposé

Adoption des crédits

Adoption de l'ensemble des crédits

Documents déposés

Intervenants

M. Marc Tanguay, président

Mme Marie Montpetit, présidente suppléante

M. Gaétan Barrette

Mme Diane Lamarre

Mme Véronyque Tremblay

Mme Monique Sauvé

M. François Paradis

M. André Villeneuve

Mme Chantal Soucy

M. André Spénard

Mme Lise Lavallée

M. Pierre Reid

M. Jean-François Lisée

M. Amir Khadir

Mme Véronique Hivon

M. Jean Boucher  

*          M. Jacques Cotton, Régie de l'assurance maladie du Québec

*          M. André Delorme, ministère de la Santé et des Services sociaux

*          M. Jean Latreille, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je vous demanderais de bien vouloir vous asseoir. Merci beaucoup. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de poursuivre l'étude des crédits budgétaires du volet Santé et Services sociaux pour l'exercice financier 2016-2017.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Busque (Beauce-Sud) est remplacé par M. Reid (Orford) et M. Rochon (Richelieu) est remplacé par M. Villeneuve (Berthier).

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Puisque nous avons débuté nos travaux à 10 h 9 et qu'une période de deux heures doit être consacrée à l'étude de ces crédits ce matin, y a-t-il consentement pour terminer nos travaux à 12 h 9? Consentement? Alors, il y a consentement.

Santé et Services sociaux

Discussion générale (suite)

Alors, nous poursuivons donc la discussion. Nous en étions rendus à un bloc de 19 min 30 s alloué aux députés formant la banquette ministérielle. Alors, pour un premier bloc, ce matin, de 19 min 30 s, je cède la parole à notre collègue de Crémazie.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, chère collègue députée de Taillon.

Alors, pour commencer, ce matin, j'aimerais ça revenir sur une annonce qui a été faite hier, une très belle annonce, l'annonce des 50 supercliniques qui seront développées d'ici 2018 à travers tout le Québec. Je pense que c'est une annonce ambitieuse, une très bonne nouvelle pour les Québécois, puis c'est pour ça que je voulais commencer nos discussions ce matin avec ce sujet et laisser l'opportunité au ministre de nous en parler davantage, pour être certains que les gens comprennent bien ce que ça va changer dans l'accès aux soins au Québec. Et notamment ces supercliniques seront ouvertes sept jours sur sept, 12 heures par jour, et c'est sûr que le premier objectif, c'est de désengorger les urgences, rapprocher les soins du patient. Et c'est une nouvelle qui a été très bien accueillie, puis je lisais ce matin notamment, là, le président du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet, qui disait accueillir favorablement le projet de supercliniques, et je le cite, là : «Je dis depuis toujours que, si l'on peut éliminer les patients moins prioritaires dans les urgences, on va diminuer l'attente des deux tiers.»

Donc, sans faire un plus long préambule, là, M. le Président, là, je céderais la parole au ministre pour qu'il puisse nous en dire davantage sur le développement de ces supercliniques au cours des deux prochaines années.

M. Barrette : Excellent. Merci, M. le Président. Alors, évidemment, c'est une question qui est très pertinente, compte tenu de l'annonce qui a été faite hier. Et je dirais, M. le Président, à la lecture des différents articles dans les médias ce matin, que, pour ceux qui nous suivent, il y a certainement un intérêt à revoir ça un petit peu, l'annonce, parce qu'il y a des questionnements qui ont été formulés par différents observateurs et il y a certaines critiques qui ont été formulées par nos collègues au moins de l'opposition officielle, critiques négatives, et je vais me permettre, évidemment, de pouvoir apporter des informations qui vont éclairer les gens à la lumière des critiques qui ont été faites.

On va revenir peut-être, si vous me le permettez, M. le Président, à la case départ, la case départ étant évidemment que la population est insatisfaite de l'accès à la première ligne, c'est la case départ. La population s'attendait du gouvernement précédent comme du nôtre, les deux, que quelque chose se fasse, parce que ça fait suffisamment de temps et parce qu'on parle ici d'années que ce sujet-là est traité sur la place publique, et, devant l'inaction du gouvernement précédent du Parti québécois, le gouvernement... La population était en droit de s'attendre à ce que notre gouvernement fasse quelque chose. Et, je le dis souvent, la population ne s'attend pas nécessairement à un miracle, mais elle s'attend certainement à ce que des efforts soient faits, avec des résultats tangibles, réels. Par définition, «tangible», c'est réel. Alors, à la déception de la population face au gouvernement précédent, qui d'ailleurs, en passant, je le note, n'a toujours pas de proposition en santé, il n'y en a pas, il n'y en a pas à la CAQ, il n'y en a pas au Parti québécois, il y a des critiques, mais il n'y a pas de proposition, bien, ce que l'on amène aujourd'hui en termes de réforme vient donner de l'espoir à la population. La population voit que notre gouvernement est en mouvement. Il y a une transformation qui est en place, une transformation qui est dessinée pour faire en sorte que, sur le plan de l'accès aux soins de première ligne, cette situation-là se corrige et idéalement se résorbe complètement, idéalement, dans ce mandat. C'est dans cet esprit-là que l'on fait des réformes, la loi n° 10 et la loi n° 20 notamment, et qui sont des lois qui n'ont qu'un seul objectif : l'accès, pour la loi n° 20, des économies, évidemment, et une bonne gestion des dépenses publiques.

Maintenant, ça nous amène à parler de l'accès à proprement parler à la première ligne et ce qui en découle, qui est la coordination entre la première ligne et la deuxième ligne. L'architecture que l'on propose, de notre réseau, est une architecture qui est fondamentalement basée sur la proximité, c'est fondamental. Tous les gestes que l'on pose visent à faire en sorte que, pour les soins de première ligne non urgents...

Et comprenons-nous sur les termes, là, une urgence témoigne d'une condition, une altération de la santé qui nécessite une intervention immédiate, comme dans «immédiat», sous peine d'avoir une détérioration, faute d'intervention. C'est ça, une urgence. L'urgence ultime, là, que tout le monde peut comprendre, c'est l'arrêt cardiaque. On n'intervient pas, on ne peut pas être réanimé. Il y a des urgences qui sont urgentes pareil, là. Un patient qui a une appendicite, ce n'est pas une urgence comme un arrêt cardiaque, mais ça ne peut pas ne pas être pris en charge pendant une semaine. Une appendicite aiguë, ça doit se traiter en urgence, puis on parle ici d'urgence d'heures et, à la limite, de jours, et non une urgence de minutes. Et, au-delà de ça, évidemment, on tombe dans ce qu'on appelle des soins plus électifs, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'urgence, on doit s'en occuper, mais on peut prendre un certain temps, ce n'est pas une faute ou un tort d'un système d'avoir un délai. Tout ne peut pas être instantané dans rien, on va bien en convenir.

Alors, l'architecture des soins de première ligne est basée sur ça. Les soins de première ligne, ce sont des soins qui parfois peuvent être urgents, pour les cas que je viens de décrire, qui peuvent être pris en charge par des médecins de famille, ou des spécialistes en urgentologie, ou d'autres spécialistes à l'urgence, mais ça, c'est la minorité des services, c'est l'infime minorité des services qui sont donnés en première ligne. À titre indicatif, il y a, grosso modo, une trentaine de millions d'épisodes de soins, de services qui sont fournis à la population en première ligne, dont seulement 3 millions en urgence. Et, de ce 3 millions là, là, il y en a à peu près 60 % qui devraient être à l'extérieur de l'hôpital.

Alors, les médecins de famille, aujourd'hui, offrent des services dans une architecture qui est la suivante : un bureau de médecin, que ce soit dans le cadre d'un groupe de médecine de famille ou un bureau solo — c'est comme ça qu'on appelle ça dans le jargon — ou bien à l'urgence, c'est blanc ou noir. Et, comme le volume d'offre de service en cabinet n'est pas à la hauteur en quantité, pas en qualité, la qualité est là, mais en quantité, bien, le débordement, il ne peut pas se faire ailleurs... — quand je dis «débordement», ce n'est probablement pas le bon mot — l'accès ne peut pas passer par ailleurs que l'urgence, et on connaît tous, ça a été tellement documenté, tellement rapporté dans les médias, tellement commenté négativement par la population, avec raison... bien, l'urgence déborde. Et les gens, là, la population, bien, ils sont un peu tannés de voir ça.

Alors, quelles sont les solutions face à ça? Ça passe obligatoirement par une augmentation de la quantité d'accès possibles, potentiels à l'extérieur de l'hôpital, à l'extérieur de l'hôpital. La loi n° 20, c'est ce qu'elle vient faire, elle vient faire en sorte que, dans les cabinets des médecins, en groupe de médecine de famille ou en solo, on augmente l'inscription de patients chez les médecins de famille. Ça, ça passe maintenant par le guichet d'accès aux médecins de famille, je me permettrai, pour ceux qui nous écoutent, de le rappeler, www.gamf.gouv.qc.ca, où on peut s'inscrire. Ça passe aussi par les médecins dans les groupes de médecine de famille, à changer leurs pratiques pour être plus disponibles envers le patient, c'est l'accès adapté. C'est provoqué, ce changement-là, par la loi n° 20. La loi n° 20, je l'ai toujours dit, là, c'est une menace financière à ceux qui ne rendent pas le service. S'ils rendent le service, il n'y a aucun problème. S'ils rendent le service... bien, il y a un problème et il y a une conséquence financière.

• (10 h 20) •

Maintenant, il y a toujours des circonstances où, même si notre médecin de famille rencontre les objectifs de la loi n° 20, pour toutes sortes de raisons, des raisons circonstancielles, le patient ne peut pas aller voir son médecin dans son cabinet cette journée-là, il est à l'extérieur de sa ville. Il travaille au centre-ville, et son médecin est en banlieue, par exemple. Il y aura toujours des circonstances qui feront en sorte que, même si le médecin de famille se rend disponible pour sa clientèle inscrite, ce ne sera pas suffisant, il y aura des circonstances qui feront que le citoyen va devoir aller ailleurs. Je suis ici, à Québec, aujourd'hui. Moi, j'habite à Montréal. Si je veux aller voir mon médecin de famille, je ne vais pas aujourd'hui faire l'aller-retour Québec-Montréal pour aller voir mon médecin de famille où je suis inscrit. Si j'ai un problème mineur, bien, il me faut un endroit où je puisse aller. Et aujourd'hui, ces endroits-là, il n'y en a pas beaucoup d'autres... il y en a, mais il n'y en a pas beaucoup d'autres que l'urgence, et on sait ce que ça veut dire, aller à l'urgence, là, on va aller attendre 12 heures, 15 heures. Alors, il manque un intermédiaire, un intermédiaire qui va pouvoir donner le niveau de service, en qualité et en complexité, équivalent à l'urgence.

C'est quoi, ce niveau-là? Alors, ça veut dire que, si je vais dans une clinique médicale, je dois avoir accès au pain quotidien, aux outils universels de la pratique de la médecine de famille, incluant l'urgence, que sont la radiographie simple... pas les scans, pas les résonances magnétiques, une radiographie d'un poignet. J'ai une entorse, je tombe sur le trottoir parce que c'est l'hiver, j'ai une fracture, il me faut une radiographie. Je tousse, j'ai peut-être une pneumonie, il me faut une radiographie du poumon. Ça, c'est de la technologie d'une grande simplicité, c'est le plus simple possible en radiologie. Aujourd'hui, la médecine se fait de façon quotidienne avec l'échographie, donc l'échographie. Et évidemment, et beaucoup de gens ont vécu ça et le vivent encore, on va voir le médecin dans son cabinet pour un problème mineur, et, pour les problèmes mineurs, il y a des bilans à faire, puis les bilans, ça veut dire, dans la plupart des cas, pas toujours mais dans la plupart des cas, des prises de sang, c'est ça que ça veut dire. Alors là, il faut que, dans cet endroit-là intermédiaire, il y ait ça, des prises de sang.

Alors, une superclinique, qu'est-ce que c'est? C'est un GMF, un groupe de médecine de famille, qui en plus offre des plages sans rendez-vous, à toutes fins utiles, à une clientèle qui n'est pas celle qui est inscrite chez lui. Ça offre à la population du quartier où la superclinique est installée un sans rendez-vous qui est équivalent presque complètement à l'urgence, c'est ça que ça fait. Ça veut dire que moi, là, je suis ici, mettons, à Québec, j'ai un médecin de famille où je suis inscrit, à Montréal, qui est disponible pour moi aujourd'hui, il y a de la place sur sa grille de rendez-vous, mais je suis ici, au parlement, bien, il y aura autour du parlement, pas à cause du parlement mais parce que, dans ce quartier-ci, il y a la population en nombre suffisant pour le justifier, il y aura une superclinique où je pourrai me présenter, même si je ne suis pas inscrit là, et où je recevrai un niveau de soins, de service et d'investigation équivalant à une urgence mais sans attente.

Alors, la superclinique, pour qu'elle soit désignée... Et là je fais la parenthèse de la désignation territoriale. On ne veut évidemment pas que les supercliniques soient toutes installées autour du parlement, on ne veut pas ça. On veut qu'elles soient près de la population, on veut qu'elles soient dans des quartiers, on veut qu'elles soient un soin de proximité, un accès de proximité comme doivent l'être les groupes de médecine de famille. Alors, c'est pour ça que la première règle que l'on fait, c'est : il va y en avoir une par groupe géographique de 50 000 personnes. Une région comme Québec, il va y en avoir six, sept, mais pas 22, parce que ce n'est pas nécessaire, parce que c'est un intermédiaire entre le cabinet et l'urgence. Alors, la distribution géographique est hyperimportante pour que ce soit un service de proximité efficace, efficace. Donc, il faut des heures d'ouverture appropriées, d'où l'obligation, pour être désigné, d'être ouvert 12 heures par jour sept jours sur sept, 12 heures par jour sept jours sur sept, avec l'accès aux trois services que je viens de donner et d'énumérer que sont la radiologie, l'échographie — la radiologie conventionnelle — et les prélèvements. C'est ça qui est la base. Et le 12 heures sept jours sur sept, bien, c'est parce que, bien, la maladie, on ne sait pas quand est-ce qu'elle frappe, et ce n'est pas vrai que c'est le système qui... aujourd'hui, les gens doivent s'adapter au système. Ce n'est pas comme ça que ça doit être, c'est le système qui doit s'adapter aux gens. C'est pour ça que le 12 heures est là et c'est pour ça qu'il y a le samedi et le dimanche qu'on demande, parce que la maladie existe aussi, aussi mineure soit-elle, le samedi et le dimanche.

J'ai entendu des gens critiquer le fait qu'il n'y avait pas de superclinique sur la Côte-Nord. C'est mal comprendre l'idée qui est derrière tout ça. Quand on met une superclinique, on la met parce qu'il y a un problème de surcharge dans les urgences. Alors, si le service d'urgence existe, et qu'il n'est pas débordé, et qu'il est le complément des services qui sont donnés dans des groupes de médecine de famille ou des cabinets de médecin, bien, il n'y a pas lieu d'avoir un intermédiaire. L'intermédiaire vient être le point de soupape, l'allègement de l'urgence. Alors, de penser mettre dans une zone où il n'y a pas 50 000 personnes concentrées sur un territoire une superclinique, bien, c'est difficile d'en voir l'utilité, parce que, s'il y a assez de médecins qui donnent le service dans les cabinets et qu'à l'urgence il n'y a pas débordement, quelle est la plus-value d'avoir une superclinique? En plus, quand on regarde ces régions-là, il y a peu de médecins. Une superclinique, c'est difficile d'imaginer qu'elle va fonctionner en bas de 15 médecins, là.

Alors, dans une ville comme la ville d'où je viens, il y a 12 médecins de famille. Ils sont dans un GMF qui, lui, est à l'hôpital, qui est ouvert dans des heures étendues. Quelle serait l'utilité d'avoir une superclinique à l'extérieur de l'hôpital alors qu'il n'y a pas d'attente?

Alors, l'aspect clinique doit répondre à une problématique. Ce n'est pas un concept, ce n'est pas une décoration, ça doit répondre à une problématique. Alors, de critiquer l'absence de superclinique sur la Côte-Nord comme l'opposition officielle le fait ou en Gaspésie comme l'opposition officielle le fait, c'est vraiment mal comprendre le système de santé.

Alors, la superclinique vient répondre à un problème de surcharge d'un lieu qui s'appelle l'urgence, qui, lui, génère une attente indue. La loi n° 20, les supercliniques, c'est fait pour augmenter l'accès et diminuer les attentes, mais augmenter l'accès, c'est augmenter la quantité d'accès. Alors, si la quantité est suffisante dans une région, bien, elle est suffisante, il n'y a pas lieu d'ajouter quelque chose.

Un de nos collègues, le député de Maskinongé, il est à Louiseville. Il y a une petite installation qui fait office d'hôpital et de CLSC avec une petite urgence superéquipée, dans un endroit où il n'y a pas 50 000 personnes et où les services sont de grande qualité, sans attente. Alors, pourquoi, dans une petite ville comme Louiseville, même si c'est une grande région, y aurait-il lieu de mettre une superclinique? Il y a une raison additionnelle pour ne pas la mettre, la superclinique : il n'y aura pas assez de médecins pour aller là. Le petit nombre de médecins, qui est adéquat, bien, s'il faut qu'ils fassent l'hôpital et le cabinet... À un moment donné, ils ne peuvent pas être à trois places en même temps, déjà qu'ils font deux places en même temps.

Alors là, il y a une logique qui est purement mathématique, qui est purement organisationnelle, qui est factuelle. La superclinique, c'est une soupape là où il y a des problèmes. Où sont les problèmes? Dans les zones urbaines. Ils sont à Québec, ils sont à Sherbrooke, ils sont à Trois-Rivières, ils sont à Drummondville, ils sont à Montréal, ils sont sur les deux rives de Montréal. Et, bien sûr, dans ces endroits-là, il y aura un grand nombre de supercliniques, pas n'importe où, là où c'est indiqué et là où sont les gens.

Alors, l'architecture finale que l'on aura, dans ce mandat-là, c'est un réseau de groupes de médecine de famille qui couvrent le territoire et sont disponibles, avec un intermédiaire qui est un certain nombre de supercliniques, avant d'aller à l'urgence pour recevoir les soins plus complexes. Et évidemment j'aurai certainement le plaisir de continuer là-dessus au prochain bloc ou peut-être même maintenant, là.

• (10 h 30) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, nous poursuivons avec notre collègue de Taillon, pour l'opposition officielle, pour un bloc de 21 minutes.

Mme Lamarre : Merci, M. le Président. Alors, bonjour à tous. Bonne semaine. Dans l'étude des crédits, dans les questions que nous avons demandées à la Régie de l'assurance maladie du Québec, nous avons eu quatre questions qui n'ont pas été répondues ou auxquelles on nous a dit : La réponse à cette question sera transmise par le ministère de la Santé et des Services sociaux, et ça correspond à la question 432, 433, 434 et 435. Ce sont des questions qui concernent le nombre de patients inscrits auprès d'un médecin de famille et le nombre de patients en attente au guichet, la répartition des médecins selon leur taux d'assiduité en vertu des balises fixées par le ministre, le bilan de l'entente conclue en mai 2015 avec la FMOQ, et finalement la copie des rapports trimestriels transmis par le comité paritaire en vertu des articles 26, 27, 31 et 33 de l'entente conclue avec la FMOQ. Alors, j'aimerais savoir très, très... par oui ou non : Est-ce que nous pouvons recevoir ces informations et les réponses à ces questions-là aujourd'hui? J'aimerais les étudier et y revenir plus tard au cours de la journée.

M. Barrette : Ah! M. le Président, je n'ai pas avec moi les réponses à ces questions-là, mais par contre, tel qu'il a été mentionné dans les réponses qui ont été fournies à notre collègue de l'opposition officielle, effectivement nous donnerons les réponses publiquement dans les prochains jours. Nous avons l'intention de faire comme nous l'avions annoncé. On se rappellera que, lorsque nous avons conclu une entente avec la FMOQ, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, nous avions dit que nous allions périodiquement faire un état de la situation le plus précis possible de l'évolution de ce dossier-là. Ceci dit, M. le Président, nous avions à développer un outil informatique qui allait nous permettre de colliger une donnée précise, la donnée que nous avions jusqu'à cette date-ci étant approximative.

Alors, nous avons considéré qu'il était dans l'intérêt du public et dans l'esprit d'une transparence que nous défendons d'attendre que nous ayons des données irréfutables et absolument précises pour les communiquer, pour les divulguer à la population, ce que nous avons l'intention de faire dans les prochains jours. L'outil en question vient d'être... Le déploiement de l'outil vient de se terminer, et nous en sommes à colliger les données pour, de façon totalement transparente, les divulguer à la population. Et, à cet égard-là, ce sera donc à ce moment-là que nous pourrons fournir les réponses à 432, 433, 434 et 435.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Collègue de Taillon.

Mme Lamarre : Merci, M. le Président. Écoutez, il y a quatre questions différentes. Ces questions ont été transmises il y a presque quatre semaines au ministère et à la Régie de l'assurance maladie du Québec. On nous confirme que le ministère doit nous donner une réponse. Moi, je m'attends à ce qu'aujourd'hui ces travaux-là aient été complétés. Il y a quatre sujets différents, donc je voudrais savoir des gens du ministère s'ils sont vraiment incapables de donner suite à l'engagement qu'ils ont pris au niveau de notre demande.

M. Barrette : M. le Président, nous avons, à 432... En tout cas, peut-être que notre collègue n'a pas reçu l'information, mais ce que je vois devant moi, c'est qu'il y a une réponse partielle avec les données de l'ancienne méthode qui ont été fournies. Alors, je suis étonné que la députée de Taillon nous dise qu'elle n'a pas eu de réponse, entre autres à 432, puisque moi, j'ai la réponse devant mes yeux.

Le Président (M. Tanguay) : O.K. Collègue de Taillon.

Mme Lamarre : Il peut nous la redonner s'il l'a, parce que moi, je ne crois pas l'avoir reçu, mais certainement 433, 434 et 435, dont la répartition trimestrielle. Alors, j'ose croire que, comme il y a eu quand même quatre trimestres depuis l'entente avec la FMOQ, il doit y avoir des résultats qui doivent être disponibles, premier, deuxième trimestre, troisième trimestre. Je pense que ces informations-là doivent être données, et le temps file, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Bien, écoutez, M. le Président, je constate que la députée de Taillon semble ne pas avoir reçu une des réponses. Les autres, je ne les aurai pas aujourd'hui, là. Bon. Alors, au 31 mars 2015, selon les informations préliminaires que nous avons, parce que notre outil n'était pas encore en fonction, il y avait 5 millions de patients inscrits à un médecin de famille, 5,4 millions, et il y avait, en attente sur le GACO, 281 000 personnes. Au 31 mars 2016, il y avait 5,6 millions de patients inscrits et 483 000 personnes en attente.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Taillon.

Mme Lamarre : Donc, 200 000 personnes de plus en attente au guichet d'accès.

M. Barrette : Oui.

Mme Lamarre : Alors, pour les rapports trimestriels, comment le ministre peut-il considérer qu'il fait un suivi régulier de l'atteinte des taux d'assiduité, ce qui nous était promis dans le projet de loi n° 20? Parce que, là, il disait qu'il ferait un suivi rigoureux, et il n'est pas capable de nous donner les résultats du premier, ni du deuxième, ni du troisième trimestre après un an. Alors, quel suivi a été vraiment fait par rapport à l'atteinte, par rapport à l'incitatif auprès des GMF qui ne rencontreraient pas leurs cibles?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Alors, M. le Président, le suivi a été fait auprès des GMF qui ne rencontraient pas leurs cibles, et, contrairement au Parti québécois lorsqu'il était au pouvoir, nous sommes intervenus. Aujourd'hui, 98 % des GMF rencontrent leurs cibles.

Maintenant, pour ce qui est de la première partie de la question de la députée de Taillon, alors je vais répéter ce que j'ai dit, parce que, la réponse, je l'ai déjà donnée, mais ça me fait plaisir de la répéter pour que peut-être les choses soient plus claires. Alors, c'est simple, là, nous avions une comptabilité de ces données-là. Parce que, comprenons-nous bien, ce sont des données de comptabilité, c'est compté, le nombre de ceci, le nombre de cela, la proportion de ceci, la proportion de cela. La méthodologie que nous avions à notre disposition jusqu'à maintenant nous donnait une donnée qui était approximative, donc ça nous donnait une tendance. Or, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, et je vais le redire encore ici, nous avons choisi de nous donner un outil qui donnait une donnée précise, précise. Et, à cet effet, il nous fallait faire quelques arrangements administratifs pour que nous puissions mettre en commun certaines données. Nous avons mis en place cet outil au moment où on se parle... en fait, on l'a mis en place, on a fini par pouvoir le mettre en fonction dans les dernières semaines, les dernières semaines étant plus qu'une semaine, ce n'est pas les derniers mois, et nous en sommes à colliger les données.

Et je répète que, dans les prochains jours, et sans aucun doute d'ici la fin de la première semaine de mai, nous aurons... deuxième semaine de mai, parce qu'il y a la semaine de circonscription, nous aurons divulgué les résultats précis. M. le Président, pour clarifier encore plus ce questionnement, l'outil est en direct, il est en ligne, et, dans le futur, nous pourrons, mensuellement à la limite, mais nous avions dit trimestriellement, faire état de la situation auprès de la population, à la satisfaction sans doute de la députée de Taillon.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Collègue de Taillon.

• (10 h 40) •

Mme Lamarre : M. le Président, ce que j'entends, c'est que le ministre connaît les données et nous dit qu'il les a faits, les contrôles, mais il ne veut pas nous les donner à ce moment-ci. On peut se demander pourquoi. Il demande un autre délai de deux semaines, alors qu'on a demandé ça il y a quatre semaines. Quand il dit que 98 % des GMF on atteint ou atteignent leurs cibles actuellement, il faut comprendre que, pour 200 des 263 GMF, le ministre, dans son entente, a réduit les cibles, c'est-à-dire que, pour 200 des 263 GMF, le 68 heures n'est plus requis. Ce sont des périodes de 54 heures d'ouverture, 58 heures, 62, ou 60, ou 64 heures qui sont exigées. Donc, c'est sûr que, si on diminue les obligations, on a plus de chances que les gens atteignent les cibles.

Ce qu'il est important de savoir, c'est le taux d'assiduité, parce que le ministre dit toujours : On va augmenter l'inscription, mais le taux d'assiduité va nous donner les garanties. Or là, ce qu'on constate, c'est qu'il a réintroduit les primes à inscription, et il n'est toujours pas capable de nous donner les mesures claires sur l'amélioration des taux d'assiduité, qui est l'indicateur le plus performant. Autrement, tout ce qu'il a fait, c'est réintroduire les primes Bolduc, qui n'avaient pas démontré aucun avantage.

Alors, j'entends que le ministre va nous déposer l'information dans la deuxième semaine de mai. J'en suis déçue parce que le temps des crédits est un moment pour pouvoir discuter et échanger, et je comprends que le ministre choisit de ne pas donner priorité à ça, puisqu'on l'a demandé il y a quatre semaines.

Alors, je vais passer à un autre sujet, les frais accessoires. Alors, dans les réponses aux questions, on a obtenu, encore de la Régie de l'assurance maladie du Québec, un tableau, qui nous est remis à tous les ans, qui concerne la rémunération moyenne d'un médecin spécialiste, par spécialité, en précisant le montant reçu pour la composante technique. Alors, bien sûr, c'est une moyenne, mais ça donne quand même une idée. Et ce qui est intéressant de ce tableau-là — c'est à la page 149 cette année, c'était à la page 141 l'année dernière — c'est de voir que, dans la colonne, il y a... en fait, dans le tableau, il y a deux colonnes, il y a une colonne qui indique le revenu moyen brut et les frais de cabinet, donc il y a une colonne Frais de cabinet. Alors, je donne un exemple : en dermatologie, 153 dermatologues, le revenu moyen brut, 386 000 $ et les frais de cabinet, 89 000 $. Donc, il y a un montant d'argent qui est déjà désigné dans l'enveloppe pour les frais bien normaux, là, les frais de fonctionnement, les frais de cabinet des dermatologues. Ophtalmologie : alors, revenu moyen, 645 000 $, et 95 000 $, inclus à l'intérieur de ce 645 000 $, dédiés aux frais de cabinet.

Est-ce que le ministre peut me dire... Dans les frais accessoires qu'il a autorisés, il a permis les frais de cabinet. Alors, quels frais de cabinet vont être permis dans le règlement des frais accessoires qui ne sont pas inclus dans les montants quand même substantiels des frais de cabinet, qui sont pourtant très clairement indiqués dans l'enveloppe de rémunération actuelle? Quels frais de cabinet? M. le Président, ma question est celle-là. Quels sont les frais de cabinet différents?

M. Barrette : Alors, M. le Président, évidemment, la question... Il y a deux questions, M. le Président. Vous me permettrez de répondre au commentaire premier sur les groupes de médecine de famille et ensuite de répondre à la question qui a été posée.

Alors, on va rectifier les choses, M. le Président. Je n'ai pas choisi de ne pas divulguer les chiffres, je choisis de divulguer les chiffres précis. Pourquoi? Parce qu'à la lumière de l'interprétation, que je vais qualifier de parfois biaisée, que la députée de Taillon fait des faits...

Mme Lamarre : ...

Le Président (M. Tanguay) : Oui, oui, juste faire attention, M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, à la lumière de l'interprétation non qualifiée que fait la députée de Taillon des faits, il est parfaitement normal pour moi de vouloir divulguer des chiffres précis. C'est parfaitement normal, compte tenu de l'interprétation et du discours qui suit l'interprétation de la députée de Taillon. Les faits disent ce qu'ils disent, et, les faits, on peut leur faire dire ce qu'on voudra, mais, quand on veut faire dire des choses, bien, voilà, c'est un problème.

Et je vais vous donner un exemple, M. le Président. À la dernière question, là, la députée de Taillon a noté et insisté qu'il y avait plus de monde sur le guichet d'accès, sur le GACO. Elle a dit, là... son premier réflexe a été de dire : Il y en a 200 000 de plus, le ministre nous avait dit que ci, il nous avait dit ça. Mais la députée de Taillon, qui suit étroitement l'actualité, a omis de prendre en considération dans son commentaire que, lorsque nous avons annoncé le nouveau site, le guichet d'accès, www.gamf.gouv.qc.ca, nous avons annoncé à ce moment-là que nous avions baissé ce chiffre-là, qui était imprécis par la méthode, de 20 %. Nous l'avons fait descendre à 350 000. J'ai dit «483 000», M. le Président, exprès parce que je savais que la députée de Taillon allait reprendre ça avec cet angle-là. Belle démonstration de ce que fait comme interprétation et sur quoi est construit le discours du PQ. Il y a 10 jours, M. le Président, j'ai annoncé qu'avec notre nouvel outil, 10 jours, nous avions pu éliminer les doublons, et nous sommes passés de 460 000 à environ 350 000 juste par l'élimination des doublons, M. le Président. J'invoque le devoir de ma fonction de transmettre à la population des données qui soient précises et j'apprécierais... j'exprime le souhait auprès de la députée de Taillon de commenter les faits lorsqu'ils sont précisément exprimés.

Maintenant, sur les frais accessoires, M. le Président, je rappellerai ceci, M. le Président. Je ne sais pas si, à la caméra, on peut se rendre jusqu'à moi...

Le Président (M. Tanguay) : Est-ce un matériel didactique, M. le ministre?

M. Barrette : Ah oui, c'est très didactique parce que c'est, évidemment, la publicité de la campagne électorale précédente, de 2014, du Parti québécois, où la chef d'alors, Mme Marois, disait qu'elle était déterminée, c'était le slogan, et en dessous il y a l'enjeu, l'intention, le programme électoral du Parti québécois en termes de frais accessoires que, je répète...

Mme Lamarre : M. le Président, la question, c'est : Quels sont les frais accessoires...

Le Président (M. Tanguay) : Oui, un instant, je...

Mme Lamarre : ...quels sont les frais de cabinet...

M. Barrette : Ai-je la parole, là?

Le Président (M. Tanguay) : Juste un rappel au règlement. Ce ne sera pas long, M. le ministre. Oui, collègue de Taillon.

Mme Lamarre : M. le Président, ma question est précise : Quels sont les frais de cabinet prévus dans le règlement du ministre?, et non pas dans la campagne du Parti québécois. Quels sont les frais de cabinet qui ne sont pas inclus dans les frais de cabinet qui sont déjà prévus dans l'enveloppe de la FMSQ? La question est très précise, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. La question... Juste sur le rappel au règlement, en vertu de 81, 82 la réponse appartient au ministre. Moi, je dois, comme président, m'assurer — puis on l'a vu dans certaines séances que ça a dérapé, je ne parle pas de séances ici, en commission, la CSSS — que les propos sont parlementaires, que ça respecte le débat contradictoire, qu'on respecte la pertinence sous 211, qui, en vertu des crédits, est très, très large.

La réponse appartient au ministre. Il est responsable de ses paroles, de ses actes. La population écoute, est à même de juger. Et, moi, comme président, s'il n'y a pas de propos antiparlementaires... J'ai souligné au ministre : Est-ce que c'est un matériel didactique? Je pense qu'il a compris mon intervention. Alors, là-dessus, peut-être, ça me permet de souligner au ministre peut-être de ramener la réponse dans un temps qui soit proportionnel.

M. Barrette : Tout à fait.

Le Président (M. Tanguay) : Donc, je vous inviterais peut-être à aller vers la conclusion pour qu'on puisse poursuivre les échanges.

M. Barrette : Oui, avec plaisir, M. le Président. Et je pense qu'on a tous noté une certaine agressivité, là, dans le ton de la députée de Taillon. J'espère qu'on va pouvoir continuer dans la cordialité et la collégialité des débats. Le fond du débat étant aussi le Parti québécois qui voulait, je cite, «doter le système de santé de balises claires afin de protéger l'accès aux services et d'encadrer les frais accessoires abusifs». Alors, le Parti québécois, par la voix de la députée de Taillon, semble avoir changé d'optique.

Maintenant, je vais rectifier des propos qu'elle a tenus, M. le Président. Vous ne pouvez pas me reprocher de rectifier un propos que la députée de Taillon, lorsqu'elle a dit avec insistance et, encore une fois, avec une certaine agressivité que le ministre avait...

Le Président (M. Tanguay) : Un rappel au règlement, M. le ministre. Oui?

Mme Lamarre : Je pense que le ministre qualifie le ton de mes interventions et je ne pense pas que ce soit pertinent. Je ne pense même pas que ce soit la vérité.

Le Président (M. Tanguay) : O.K. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

• (10 h 50) •

M. Barrette : Bien, M. le Président, malheureusement, on n'est pas en direct sur les enregistrements, mais ça serait très facile de rembobiner éventuellement et de constater que la députée de Taillon a dit : Le ministre a permis les frais accessoires. Bien non. C'est parce qu'actuellement le ministre n'a pas permis les frais accessoires au moment où on se parle. La loi, elle est claire là, il n'y en a pas, de frais accessoires qui sont permis. Il n'y en a pas. Alors, on ne peut pas affirmer ici que je les permets, il n'y en a pas pour le moment, alors c'est une fausseté.

Maintenant, la députée de Taillon fait référence à des données qui sont celles de la RAMQ et elle oppose le concept de frais accessoires à celui des frais de cabinet. Très bien. Mais elle fait omission... Et là elle veut que je lui réponde, et je lui réponds, mais la réponse est malheureusement complexe.

Les frais accessoires existent, M. le Président, aujourd'hui sous deux formes : il y a ceux qui sont formellement prévus par la loi... en fait, sous trois formes : il y a ceux qui sont formellement, nominativement prévus par la loi... bien, c'est-à-dire qu'il n'y a en pas au moment où on se parle. Il y en avait avant l'adoption de la loi n° 20, à laquelle s'est opposée la députée de Taillon. Quand il y en avait, ceux qui étaient permis, c'étaient ceux qui étaient permis par le Parti québécois, qui les fait naître. Rappelons que les frais accessoires sont nés du gouvernement de l'époque du Parti québécois. Et, les frais accessoires, il y a deux autres formes : il y a des frais abusifs et il y a des frais qui découlent d'un flou dans la loi.

D'où vient ce flou? Il vient du tableau auquel fait référence la députée de Taillon. Depuis la naissance de la Régie d'assurance maladie du Québec, où ont été négociés des tarifs entre l'État... Peu importe le gouvernement, le PQ a fait ça aussi, le Parti libéral l'a fait, d'autres partis l'ont fait dans l'histoire... ce n'est pas vrai, il y a eu juste deux partis qui ont été au pouvoir dans la période en question, ces frais-là ont été négociés en connaissance de cause par les partis, et, je le répète, les partis, à l'époque, ont permis un honoraire professionnel, un honoraire de frais de cabinet et des frais accessoires. De référer au tableau de la RAMQ, c'est de faire abstraction que les gouvernements précédents ont permis trois types d'honoraires : un honoraire professionnel formel, un honoraire de frais de cabinet, dit technique, et un frais accessoire. Et la députée de Taillon en fait abstraction, évidemment à dessein.

M. Tanguay : Pour votre dernière 1 min 5 s, collègue de Taillon.

Mme Lamarre : Oui, M. le Président, ma question était très précise. Elle amenait le ministre à expliquer la différence qui l'a amené à proposer et imposer un amendement sur les frais accessoires, amendement qui fait l'unanimité au niveau de l'insatisfaction de la population, des citoyens, des groupes de patients, qui est contestable même au niveau du transfert des revenus depuis le Canada. Et je pense que le ministre est le seul à ne pas voir l'insatisfaction qu'elle génère et le fait qu'elle ne correspond à rien de justifiable actuellement dans le contexte des rémunérations nombreuses et des rémunérations qui sont déjà prévues.

Alors, c'est tout à fait... Je trouve que l'absence de réponse ou les non-réponses du ministre sont particulièrement éloquentes par rapport à sa zone d'inconfort et à son incapacité de distinguer les frais de cabinet qu'il a autorisés dans les frais...

M. Barrette : M. le Président, article 35.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup... Oui.

M. Barrette : Je pense qu'on me prête clairement des intentions ici, là.

Le Président (M. Tanguay) : Oui, juste faire attention. Ça terminera donc votre bloc, collègue de Taillon. Alors, continuons, chers collègues, à faire ce qu'on a à faire. Vous savez tous ce que vous avez à faire, puis, si des fois il y a des petits accrocs, je pense qu'on ne dépasse pas de façon très, très caractérisée la limite. Alors, continuons dans la bonne entente.

Mme Lamarre : Bien, je pense...

Le Président (M. Tanguay) : Alors, le temps est écoulé, collègue de Taillon.

Mme Lamarre : Même pas une phrase, M. le Président?

Le Président (M. Tanguay) : Votre phrase, elle va être courte?

Mme Lamarre : Bien, je pense que la population va payer ces frais, et elle va juger à ce moment-là. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Bon, alors, maintenant, d'autres occasions de placer de courtes phrases pour un bloc du gouvernement pour 19 minutes, et je cède la parole à notre collègue de Chauveau.

Mme Tremblay : Merci beaucoup, M. le Président. Députée de Taillon, député de Lévis, chers collègues de la banquette ministérielle, M. le ministre, toute votre équipe du ministère de la Santé, bonjour, tout le monde.

Je sais que, tout à l'heure, M. le ministre a évoqué le souhait de peut-être poursuivre sur les supercliniques avant de parler de quadrillage des GMF, les programmes GMF. Vous aviez quelque chose à ajouter toujours là-dessus?

M. Barrette : J'ai quelque chose à ajouter, évidemment. Dans l'esprit de l'intervention de la députée de Taillon, on n'est plus dans les crédits, là, on est dans une séance de débats parlementaires qui vise à faire passer des opinions. Moi, ici, là, je suis ici dans l'esprit des crédits et de l'information la plus transparente possible à la population. C'est ça que je fais ici aujourd'hui, et je pense que c'est utile pour la population.

Alors, lorsque j'ai terminé mon intervention lors du dernier segment, du dernier bloc, j'expliquais pourquoi on ne pouvait pas avoir une superclinique dans des régions qui ne sont pas suffisamment densément peuplées. C'est important de comprendre ça parce que, s'il n'y a pas la densité de population... puis là je vais prendre un exemple simple, là, que tout le monde va comprendre. Il y a quelques médecins de famille autour de Sainte-Anne-des-Monts. Sainte-Anne-des-Monts, là, c'est un endroit qui est magnifique, où il y a des services d'excellente qualité, mais qui est très peu peuplé, alors il y a quelques médecins de famille. Alors, comment pourrait-on imaginer d'avoir des médecins dans le petit hôpital-CLSC-CHSLD qui est à Sainte-Anne-des-Monts, d'avoir un cabinet de médecin dans le village et d'avoir une superclinique? Le sens commun, là... et Dieu sait si les Québécois ont du sens commun, là, ils sont capables de voir à sa face même que ça n'a pas de sens. Alors, ça montre à quel point le discours parlementaire est orienté vers la critique pour la critique. Bon, c'est correct.

Je reviens à l'importance des supercliniques en termes d'intermédiaire entre le groupe de médecine de famille et l'urgence pour la population, donc de l'importance d'avoir un accès sur des heures étendues, sept jours sur sept, 12 heures par jour, sept jours sur sept, avec accès à tous les examens qu'on a à l'urgence. C'est bon, ça, pour la population. Et c'est bon encore plus parce que ce qu'on est en train de faire... Et j'ai compris, Mme la députée, M. le Président, qu'on pourra parler tantôt du quadrillage des GMF, bien, c'est la même chose, l'un s'inscrit dans l'autre, encore la notion de proximité et l'intégration dans le réseau.

Je fais une petite parenthèse : les CISSS, le «i», c'est pour «intégré», «intégration», centre intégré de santé et de services sociaux, l'intégration du domicile à l'hôpital, en revenant à domicile, en passant par la convalescence et d'autres services connexes. La superclinique vient s'inscrire là-dedans, mais c'est un remède à une problématique vérifiée, constatée localement, qui est le débordement de l'urgence.

La députée de Taillon, dans son intervention — et c'est pour ça que je fais le lien, parce que c'est intéressant, peut-être que ça va éclairer sa lanterne critique — elle faisait référence aux livrables qui viennent dans les GMF. Et là elle disait, la députée de Taillon, que, dans les GMF, on avait baissé les standards, les requis. Bien, la députée de Taillon devrait écouter ses collègues de l'opposition officielle parce que, dans le passé, le député de Verchères a fait une prise de parole, au salon bleu pendant 10 minutes de temps, où il a revendiqué qu'on abaisse les standards pour que son GMF à lui garde son financement, dans Verchères. Alors, moi, je trouve ça très étonnant de voir la députée de Taillon dire... ou me reprocher d'avoir changé des standards, alors que son propre collègue, qui est assis à sa gauche, immédiatement à côté d'elle, à l'Assemblée nationale, au salon bleu, il a revendiqué exactement ça. Ça, c'est particulier, mais ça fait partie du débat parlementaire.

Mais ce n'est pas tout, ce n'est pas tout parce que la députée de Taillon montre encore une fois une certaine incompréhension du modèle de GMF ainsi que du cadre de gestion, parce que ce que nous avons changé... ce n'est pas une diminution des exigences, mais bien une modification des exigences, parce que, dans le modèle d'avant les modifications, on permettait dans les heures demandées d'avoir des heures incluses dans l'entente de service à l'hôpital, alors que, là, ce que l'on a fait, c'est exiger un nombre spécifique d'heures, qui était l'équivalent à avant. Il n'y a plus de combinaison possible dans le GMF. Avant, on permettait à des médecins qui étaient en GMF de cumuler leurs 68 heures avec l'urgence de l'hôpital et de faire des combinaisons. Là, on a dit : Non, non, non, là, maintenant, vous allez être tant d'heures dans votre GMF, ce qui est en soi plus exigeant que précédemment. À un moment donné, il faut comprendre les choses et, si on les comprend, il faut les dire telles qu'elles sont.

• (11 heures) •

Alors, dans cet esprit-là de reddition de comptes, l'annonce que l'on a faite hier est accompagnée d'une reddition de comptes sévère. Parce que, dans le modèle des supercliniques, il y a un échange. Le modèle, il a été construit comme ça, il a été construit d'une telle manière... Et je rappellerai que les GMF ont été créés par le chef actuel de la deuxième opposition et que c'est comme ça depuis la naissance. Il y a une participation organisationnelle au fonctionnement du groupe de médecins de famille. C'est la même chose pour les supercliniques, on participe parce que ça fait partie du réseau.

Petite parenthèse : quand le Parti québécois critique les cliniques, ils disent toujours «c'est du privé». Ce n'est pas du privé, c'est extrahospitalier mais dans le réseau public, c'est payé par la RAMQ à 100 %. Mais c'est à l'extérieur de l'hôpital.

Qu'est-ce qu'on fait dans une superclinique? On dit : C'est un partenariat. Vous fonctionnez comme médecins, comme équipe interdisciplinaire, on vous aide à la condition que vous nous donniez des volumes de services. C'est quoi, notre aide? On a un support financier pour le côté opérationnel, l'informatique, les bureaux, les tables d'examen, ce genre de chose là, mais aussi on participe en octroyant, à notre charge, du personnel, on envoie dans une superclinique, dépendamment de sa grosseur, jusqu'à 12 infirmières des trois types et plus, des infirmières auxiliaires, des techniciennes, des cliniciennes. On envoie un octroi financier pour l'opérationnel, ça inclut la possibilité pour la superclinique d'engager une infirmière praticienne spécialisée, un pharmacien, un ergothérapeute, selon le besoin local. On permet, dans ces règles-là, à la superclinique de s'adapter à sa clientèle locale.

Je le répète, on donne une superclinique par 50 000 personnes géographiquement. Ces 50 000 là, dans un quartier, ont un profil de clientèle, quartier jeune et riche, quartier pauvre et plus âgé, et toutes les combinaisons qui existent. Ce n'est pas nécessairement les mêmes besoins, on leur donne la souplesse. Mais on leur dit la chose suivante : Si vous vous engagez, parce que vous devez vous engager pour avoir accès à cet appui-là, vous devez livrer un certain nombre de choses. Si vous ne le livrez pas, on vous coupe.

La seule circonstance où on donne une chance au coureur, la seule, c'est au démarrage. Au démarrage de la plus petite superclinique, celle de niveau 1, qui doit s'engager à donner 20 000 rendez-vous à la clientèle non inscrite dans la superclinique, 20 000 rendez-vous, donc, aux 50 000 citoyens, à toutes fins utiles, par année, par-dessus ce que tout le monde donne comme rendez-vous dans les bureaux et GMF qui sont dans le quartier, si vous n'y arrivez pas la première année, on va vous donner une année de grâce si vous êtes rendus à 16 000, on dit : O.K., vous démarrez, on vous donne une période de transition, d'adaptation, une année. Vous arrivez en bas de 16 000, on vous coupe tout, puis vous ne pouvez pas revenir l'année d'après.

Et à tous les trois ans on fait un bilan. Alors, les exigences sont quoi? Je les répète, là, 12 heures par jour sept jours par semaine, un espace pour les prélèvements à notre charge, au gouvernement, un espace pour l'échographie à la charge des radiologues, public, un espace pour la radiographie à la charge des radiologues, public, pas de frais là-dedans — la dépense, là-dedans, évidemment, on ne peut pas utiliser l'argent à d'autres escients — l'utilisation d'un dossier médical électronique obligatoire, l'utilisation d'une grille de rendez-vous informatisée ouverte au public. Essentiellement, c'est ça. Trois manquements à un des trois, là, un plus un, plus un, sur trois ans, on coupe. Deux manquements successifs au même item, on coupe. Et ça, c'est sur trois ans. Impossible de redevenir une superclinique sur un cycle de cinq ans, donc deux ans après le constat. C'est sévère, ça.

La députée de Taillon, tantôt, dans son intervention, là, a évoqué dans ses propos qu'on ne contrôlait pas les choses. Inquiétez-vous pas, M. le Président, on contrôle les choses. Et ce qui est la marque de notre action, dans ce gouvernement, est la suivante : nous allons donner le service à la population, ou du moins on va tout faire pour le faire. Et la reddition de comptes va être au rendez-vous, et on l'applique. Et on l'a appliquée à date et on continue à l'appliquer. Encore faut-il avoir une donnée qui nous permette de prendre action basé non pas sur des approximations, mais sur des données précises. C'est la raison pour laquelle j'ai répondu à la députée de Taillon, manifestement à son insatisfaction, que, dans les deux prochaines semaines, nous allions maintenant pouvoir divulguer périodiquement des données précises, et non des données imprécises comme celles que j'ai exprimées moi-même il y a quelques instants et sur lesquelles la députée de Taillon a accroché.

Plus 200 000 $ par rapport à l'année d'avant, donc un problème? Non. Plus 200 000 $ parce qu'on avait des doublons, parce que l'outil dont nous disposions était imparfait, ne voyait pas les doublons. L'outil que nous avons maintenant, rien n'est parfait, mais est beaucoup, beaucoup plus précis et nous a d'ailleurs, à sa première application du GACO dans le nouveau site de guichet d'accès, www.gamf.gouv.qc.ca... alors, notre outil, à sa première application, a baissé de 20 % le nombre de personnes qui étaient sur la liste. Le 200 000 $, qui a fait la joie parlementaire de la députée de Taillon, est devenu instantanément une déception. Mais bonne nouvelle, M. le Président : depuis 10 jours, il y a 66 000 Québécois de plus qui sont inscrits et qui attendent d'être vus par les médecins de famille, lesquels j'invite à continuer sur la bonne voie d'inscrire les gens, comme leur entente le prévoit. Nous sommes en mouvement, M. le Président, nous sommes en mouvement, un mouvement de transformation du réseau pour le bénéfice de la population.

Dans le même ordre d'idées, j'arrive maintenant à la question... Bien, en fait, on va arriver à la question que vous allez me poser, parce que je comprends que vous allez me poser une question, vous l'avez évoqué vous-même, sur le quadrillage des GMF. J'allais répondre avant la question.

Mme Tremblay : Vous avez parlé tout à l'heure de proximité également avec le nouveau programme GMF et le quadrillage des GMF, et moi, je trouve ça intéressant parce que, dans mon comté, la circonscription de Chauveau, c'est situé dans la partie nord de Québec, et, depuis une dizaine d'années, on a perdu beaucoup de médecins de famille, qui sont allés s'installer dans la haute-ville de Québec, donc principalement dans le secteur Sainte-Foy. Donc, en ce moment, dans mon comté, j'ai un seul GMF, et je ne vous cacherai pas qu'il y a un nombre insuffisant de médecins pour répondre à la demande du comté. Donc, ce que j'estime, c'est que les ressources sont réparties de façon un peu inéquitable, parce qu'évidemment les gens de mon comté aimeraient avoir leurs médecins de famille près d'eux. Alors, ce que je voulais savoir : Avec le quadrillage, comment vous allez quadriller, justement, les nouveaux GMF? Et en quoi Chauveau va en sortir gagnant?

• (11 h 10) •

M. Barrette : O.K. C'est une question précise pour le comté, mais c'est une question qui est universelle. La réponse que je vais faire, M. le Président, pour Chauveau peut se transposer dans toutes les régions du Québec, parce que la logique, elle est la même.

Et là vous allez me permettre, M. le Président, de faire une petite aparté parce qu'elle est importante, parce que, cette année, c'est la première année où un gouvernement a mis en place un plan de distribution des effectifs médicaux en dehors de l'hôpital. Jusqu'à cette année, les effectifs médicaux étaient gérés de la façon suivante : un étudiant graduait de la faculté de médecine, qu'il soit spécialiste ou médecin de famille, il se voyait offrir des postes qui étaient tous à l'hôpital, et, pour ce qui est de la possibilité de pratiquer à l'extérieur de l'hôpital, c'était la liberté, on pouvait aller n'importe où, il n'y avait pas de contrainte autre que l'entrée dans la région. Il y avait une contrainte qui était une distribution par régions administratives. Dans le cas de Chauveau, c'était la ville de Québec, la... non, pardon, même pas, la région de la Capitale-Nationale, donc ça va loin, là, ça va jusqu'à Charlevoix, jusqu'à Portneuf. Alors, le médecin avait une limitation en termes de possibilité de rentrer dans la région de la Capitale-Nationale mais aucune limitation à l'intérieur de la Capitale-Nationale. Et nous sommes le premier gouvernement à avoir mis en place des limitations à l'intérieur de la région administrative, c'est la première fois que ça se fait. Aujourd'hui, les finissants et les gens qui changent de région, on appelle ça la mobilité interrégionale. L'acronyme, c'est MIR. Alors, les mobilités interrégionales, ils partent de Montréal, ils viennent à Québec, ils pouvaient s'installer n'importe où dans la région administrative. Quelle était la conséquence? Celle, M. le Président, que ma collègue de Chauveau exprime mais pas directement, indirectement, mais tout le monde pouvait aller s'installer autour du centre-ville, autour du boulevard Sainte-Foy, des centres d'achats, et personne n'allait dans Québec-Nord, dans Chauveau et ailleurs, dans Beauport, et ainsi de suite. C'était ça, le problème. C'était, en passant, ce problème-là aussi sous le PQ, mais le PQ, en 18 mois, n'a pas été capable de faire ça. Mais nous, quand on regarde ce qu'on a fait dans les 18 derniers mois, bien, on en a fait pas mal plus, dont ça.

Qu'est-ce qu'on veut faire avec ça? On veut en arriver à avoir un plan de distribution des effectifs médicaux par GMF qu'on va autoriser dans un sous-territoire. Comme par exemple, parce que l'exemple que la députée de Chauveau prend, M. le Président, est un excellent exemple, dans la Capitale-Nationale, là, on devrait identifier, quadriller la région de la Capitale-Nationale en sous-régions, comme pour les supercliniques mais plus petit encore, dans lesquelles on dit : Là, il doit y avoir un GMF, et on doit envoyer les effectifs là. Et c'est ça qu'on est en train de faire. On est en train de dire et aux finissants et à ceux qui sont en mobilité, qui changent de région : Quand vous rentrez dans une région soit par la graduation d'une faculté de médecine soit par le changement de région, vous ne pouvez plus aller n'importe où dans la région, selon votre bon vouloir, voici les besoins. Et en général il y a plus qu'une sous-région dans la grande région qui a des besoins de médecins de famille. Il y en a une, par exemple, qui n'en a plus besoin, elle est autour de la Place Sainte-Foy, là, des centres d'achats. Il n'y en a plus besoin, là, ils sont tous là. Alors, il y en a qui doivent aller dans la basse-ville, il y en a qui doivent aller dans Chauveau, il y en a qui doivent aller dans Beauport, et c'est ce que l'on fait. On ferme le centre, confortable, pour amener les médecins près de la population. C'est ça, le quadrillage.

Et là je fais le lien avec les supercliniques, M. le Président, qui est un lien important. Une superclinique, qui est au centre d'un quartier où il y a 50 000 personnes, une superclinique qui devrait avoir entre 10 000 et 15 000 personnes au moins à charge, bien, on comprendra que, dans ce quartier-là, il devrait y avoir entre trois et quatre GMF, trois et quatre GMF avec une superclinique, avec, après, une urgence, avec, après, un médecin spécialiste. C'est ça qu'on fait. Le quadrillage est essentiel.

Je peux vous dire une chose, M. le Président, les gens concernés, là, les médecins, ne sont pas contents, mais, la population qui nous écoute, elle, ça se peut-u que ce soit ça qu'elle veuille? Je suis convaincu que oui. Et j'irais jusqu'à dire que ma collègue la députée de Chauveau, elle espère sûrement que je réussisse. Je pense, mais elle nous le dira.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci pour cet échange. Maintenant, pour un bloc de 20 minutes, je cède la parole à l'opposition officielle, à notre collègue de Taillon.

Mme Lamarre : Merci, M. le Président. Alors, je prends connaissance d'une citation que le premier ministre Couillard avait exprimée le 21 mai 2014, il disait que... des mécanismes visant la transparence, en lien avec l'abolition du poste du Commissaire à la santé et au bien-être, alors le premier ministre disait : «Il [s'agira] de mettre en place un mécanisme et surtout une culture d'évaluation permanente», annonçait le premier ministre dans son discours d'ouverture du 21 mai 2014. Et c'était dans le décret de l'été 2014 qui créait la Commission de révision permanente des programmes, et on précisait que l'évaluation devait se faire en continu.

À la création du Commissaire à la santé et au bien-être, faite également par l'actuel premier ministre en 2005, et je cite, là, le Commissaire à la santé et au bien-être a normalement comme mandat de s'assurer de déposer... de permettre que le gouvernement dispose «annuellement d'un rapport sur l'état actuel de ce réseau, notamment en ce qui a trait à la qualité et l'accessibilité des services, étant donné la complexité des enjeux en cause et les voix discordantes qui s'élèvent à chaque fois que les débats sont entrepris par rapport à ces questions. Donc, la population, avec la mise en place de cette institution du Commissaire à la santé et [au] bien-être, disposera d'un rapport originant d'une institution crédible qui lui donnera l'état de la situation pour le système de santé et de services sociaux.

«Par ailleurs, il est très important pour le Québec, pour l'État du Québec, de disposer d'un tel mécanisme de reddition de comptes et d'imputabilité...»

Or, le ministre, de façon unilatérale, a décidé d'enlever l'indépendance de cet organisme, et il le fait sous... le seul motif qu'il a évoqué, c'est, en fait, de faire des économies, économies de 2 millions de dollars, qui sont vraiment des économies qui peuvent très facilement être compensées de multiples façons par la nature des recommandations et des commentaires qui sont transmis par le Commissaire à la santé. Alors, on se demande, dans le fond, quelle est la vraie raison pour laquelle le ministre décide d'enlever l'indépendance à cette commission et au commissaire. Et je pense que clairement, quand on regarde la nature des travaux qui ont été faits, de cette commission, mais également ceux qui étaient prévus, c'est-à-dire qu'il y avait, entre autres, des travaux faits sur l'état des urgences des hôpitaux, sur les CHSLD et également sur la rémunération des médecins... alors je me demande quelle raison autre que l'économie présumée faite par l'abolition de l'indépendance du commissaire le ministre peut donner par rapport à la dissolution de cet organisme, qui par ailleurs est soutenu par l'ensemble, l'ensemble des intervenants publics, même des citoyens, des organisations citoyennes et des organisations en santé.

Alors, quelles sont les autres raisons à part le 2 millions, qui n'est pas une vraie économie, même si le ministre veut tenter de nous faire croire que c'est une économie? D'abord, il prétend qu'il va... pas il prétend, mais il affirme qu'il va maintenir, qu'il va transférer une partie des travaux au ministère, donc il va y avoir quand même des coûts. Et, à travers les travaux du commissaire, il y a eu de nombreuses économies qui ont été possibles. Alors, est-ce que le ministre peut nous donner les autres motifs pour lesquels il change le statut du Commissaire à la santé et au bien-être?

Le Président (M. Tanguay) : Juste avant de céder la parole au ministre, puis ça, c'est bon pour tout le monde autour de la table, quand on dit «tenter de faire croire», juste faire attention, je pense que les messages sont suffisamment clairs. Alors, M. le ministre.

M. Barrette : Bien, M. le Président, je suis content que vous le releviez vous-même, parce que je me suis retenu, par collégialité parlementaire, de ne pas faire appel à l'article 35, l'article 35 qui nous empêche, comme parlementaires, de prêter des intentions. Et, quand une question et... une introduction à la question est tapissée mur à mur de quelles sont les vraies intentions du ministre, là, c'est parce que c'est comme si je mentais, là, ou que j'avais des intentions cachées. Moi, je trouve ça assez vexant. Mais je l'ai laissée aller, M. le Président, puis je suis content que vous l'ayez relevé vous-même, là. On vient d'assister à un réquisitoire, une plaidoirie... à un procès d'intention flagrant. C'est décevant.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre, on va... Rajoutez-en pas. Alors, sur le fond des choses, je vous en prie.

M. Barrette : Vous avez raison de me demander de ne pas en rajouter. Il y en a eu amplement suffisamment, vous avez tout à fait raison, dans l'intervention de la députée de Taillon. C'en est presque parlementairement gênant.

Mais je vais quand même...

Le Président (M. Tanguay) : ...qu'il y avait une question, il y avait une question.

M. Barrette : Alors, il n'y a pas d'autres intentions, M. le Président, que celles que j'ai déjà exprimées.

Le Président (M. Tanguay) : D'accord. Collègue de Taillon.

Mme Lamarre : Bien, c'est tout à fait intéressant. Alors, on aura l'occasion un peu plus tard de faire un point de presse avec des gens qui vont, eux, avoir plusieurs raisons pour lesquelles le commissaire doit être maintenu et pour lesquelles son indépendance doit être protégée.

Alors, je vais passer à un autre dossier. En fait, je vais juste poser une question précise : Le ministre va-t-il laisser au moins la Vérificatrice générale vérifier ses réformes?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

• (11 h 20) •

M. Barrette : M. le Président, la Vérificatrice générale est une personne... une institution indépendante, elle est libre de faire ce qu'elle veut. Alors, M. le Président, je vais quand même faire un commentaire, je n'ai pas le choix : On me prête encore des intentions. C'en est drôle, puis je pense que les gens doivent trouver ça amusant de voir qu'on a ces échanges-là, mais ils voient clair. Est-ce que le ministre va laisser la Vérificatrice générale... N'importe qui qui a le b. a.-ba de la vie parlementaire et une connaissance minimale du fonctionnement de l'État sait très bien que je n'ai ni le pouvoir d'empêcher ni le pouvoir de dire quoi faire à la Vérificatrice générale, alors de... Et je postule, M. le Président, que la députée de Taillon a une connaissance minimale du fonctionnement des institutions de l'État, et elle me pose comme question, par hasard et gentiment : Est-ce que le ministre va laisser la Vérificatrice générale faire des évaluations? M. le Président, je me roule intérieurement par terre, actuellement.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Taillon.

Mme Lamarre : Oui, M. le Président. Alors, moi, j'ai très confiance dans le jugement de la population et je pense que la population comprend bien que, depuis de longues minutes maintenant, on ne réussit pas à obtenir vraiment des réponses précises du ministre, mais ça fait partie de ce qui est possible, et le ministre s'en prévaut largement.

Je vais poser une question très précise. Tantôt, le ministre disait qu'il voulait avoir des questions sur les chiffres, mais je vous dirais quand même que l'étude des crédits est quand même un moment où les députés peuvent et sont autorisés à poser des questions sur différents enjeux qui touchent le gouvernement et non pas strictement les crédits.

Alors, à la page 117 du document de la Régie de l'assurance maladie du Québec, avantages prévus au régime, mesures incitatives et particulières, dans la section des GMF, on a un montant qui, l'année passée, était de 85 857 000 $, et cette année il est de 94 millions, donc il y a une augmentation de 10 millions de plus au niveau... en fait 8,8 millions, là, mais dans les mesures incitatives et particulières. Est-ce qu'on peut avoir plus de détails sur la nature des mesures incitatives et particulières, puisqu'il y en a pour 10 millions et que pour moins de 2 millions le ministre est prêt à sacrifier l'indépendance du Commissaire à la santé?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Alors, M. le Président, s'il y avait consentement, je pourrais inviter le P.D.G. de la RAMQ, pour ce niveau de détail là, à venir donner certaines réponses. Sinon, bien, on va attendre qu'on me les fournisse, parce que, là, on me demande des questions très, très, très détaillées, là.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Taillon.

Mme Lamarre : Alors, rapidement, oui, si le changement peut se faire, moi, j'aimerais bien avoir les informations.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, y a-t-il...

Mme Lamarre : ...répéter peut-être, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : On va d'abord demander... Donc, je constate qu'il y a consentement, collègue de Taillon, pour... Alors, je vais d'abord demander, s'il vous plaît, à monsieur — excusez-moi, votre nom m'échappe — de préciser votre nom, vos fonctions pour les fins d'enregistrement.

M. Cotton (Jacques) : Jacques Cotton, président-directeur général de la Régie d'assurance maladie du Québec.

Le Président (M. Tanguay) : Parfait. Merci beaucoup. Alors, collègue de Taillon, pour M. Cotton.

Mme Lamarre : Alors, j'aimerais savoir quelles sont les mesures incitatives et particulières qui sont prévues à la page 117. Pourquoi il y a 8,8 millions de plus versés cette année? Quels sont les résultats attendus? Et quelles sont les prévisions pour 2016-2017?

M. Cotton (Jacques) : Dans les mesures incitatives, vous, vous avez la donnée de l'année passée, là, c'est pour ça que vous me dites que l'évolution...

Mme Lamarre : Oui. À la page 117, on a la prévision 2015-2016, qui est de 94 673 000 $, et, l'an dernier — oui, je compare, c'est quelque chose de très intéressant, dans les crédits, de comparer l'année précédente avec l'année qui commence — on avait 85 millions, donc une différence de 8,8 millions.

M. Cotton (Jacques) : Vous voulez avoir le détail de l'augmentation?

Mme Lamarre : Oui. Bien, pourquoi? Pourquoi il y a 8,8 millions qui sont prévus, là, dans le budget de l'an prochain, de plus?

M. Cotton (Jacques) : De plus? Bien, c'est les mesures incitatives... c'est sûrement les mesures incitatives, mais on pourra vous fournir le détail de façon précise, là. Parce qu'on n'a pas fait l'écart entre les deux, de quoi il est composé, on a donné la donnée pour cette année, mais c'est sûrement en bonne partie les nouvelles mesures pour l'inscription de patients additionnels au niveau des GMF, parce que ça spécifie «avantages prévus aux groupes de médecins de famille», là, on est dans cette catégorie-là dans les mesures incitatives et particulières.

Mme Lamarre : Donc, est-ce qu'on...

M. Cotton (Jacques) : On pourrait vous fournir le détail de l'augmentation.

Mme Lamarre : Oui, vous pouvez le déposer à la commission, la ventilation, donc, de ce 8,8 millions supplémentaire.

M. Cotton (Jacques) : Oui, tout à fait.

Mme Lamarre : Merci beaucoup.

M. Barrette : Alors, si je peux me permettre, M. le Président, en complément, si c'est ce niveau-là d'information que la députée de Taillon recherche, je vais rappeler à la députée de Taillon que nous avons signé une entente avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec qui vise à ce que 85 % de la population soit inscrite et que, si on se rend à 85 % de la population inscrite, particulièrement si elle est inscrite en GMF, les GMF ayant un cadre de gestion qui prévoit un financement qui, lui, varie en fonction du nombre d'inscriptions, alors il va de soi qu'il faut prévoir une augmentation au budget pour respecter notre cadre de gestion. Et, pour citer le chef de l'opposition officielle, qui, à plusieurs reprises au salon bleu, nous a dit qu'une signature, c'était très important, ce qui ne semble pas avoir été le cas lorsque le Parti québécois était au pouvoir puisqu'il n'a pas respecté la sienne dans ses ententes, bien, il va de soi qu'il soit nécessaire de prévoir une augmentation du budget de ces mesures puisque, si les médecins de famille rencontrent leurs obligations, le cadre de gestion prévoyant un financement proportionnel au nombre d'inscriptions, il y aura donc un impact.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Taillon.

Mme Lamarre : Donc, je me rappelle, le ministre disait souvent que le projet de loi n° 20 ne coûterait rien de plus, mais là on voit bien qu'en primes d'inscription il a coûté quelque chose et qu'il s'apprête à en coûter encore quelque chose.

Donc, comment on sait si ces nouveaux patients là inscrits vont réussir à voir leurs médecins de famille les soirs et les fins de semaine dans le GMF — on ne parle pas des super-GMF, là, on va attendre un peu? Et quelles sont les prévisions pour 2016-2017? Parce qu'on a un taux d'inscription. Alors, qu'est-ce qu'on prévoit comme augmentation?

M. Barrette : Bien, ça, je vais quand même la prendre, cette question-là, là : Il est impossible pour nous de prévoir exactement où les gens vont s'inscrire. Alors, quand on a une entente qui prévoit que les médecins de famille vont inscrire 85 % de la population, ce qui n'est pas le cas actuellement, on ne sait pas, on ne peut pas prévoir que les gens vont être inscrits totalement, majoritairement, à moitié, partiellement, rarement en GMF versus une pratique en solo, on ne peut pas prévoir ça. Alors, ce sont des approximations budgétaires, et la vie budgétaire est ainsi faite que rien n'arrive exactement comme dans les chiffres, c'est comme dans nos maisons. Et je me plais souvent à dire que les budgets que l'État fait ne sont pas très différents des budgets que les gens font dans leurs maisons ou dans leurs entreprises, c'est normal. Alors, il est impossible d'arriver et de répondre précisément à cette question-là, qui, elle, dépend, la réponse, de savoir à l'avance ce qui va se passer, ce que nous ne pouvons personne faire ici.

Le Président (M. Tanguay) : Députée de Taillon.

Mme Lamarre : Bien, tantôt, le ministre a quand même dit qu'il y avait 350 000 personnes sur le guichet d'accès. Je pense que ça doit lui permettre d'anticiper à 85 % combien d'argent, potentiellement en tout cas, une fenêtre qui permettrait d'estimer qu'est-ce qu'il reste encore à payer en primes d'inscription pour 2016-2017, puisqu'à la fin 2017, en principe, le potentiel de 85 % de patients inscrits devrait être atteint. Donc, 2016-2017 devrait nous permettre d'estimer, là, le montant prévisible approximativement.

M. Barrette : M. le Président, c'est assez difficile de prévoir quelque chose qui n'existe pas. Il n'y a pas de prime d'inscription, il n'y en a pas.

Mme Lamarre : Article 24 de l'entente, M. le Président.

M. Barrette : Il n'y a pas de prime d'inscription, M. le Président. Il y a le cadre de gestion des GMF qui fait en sorte que le financement est modulé en fonction du nombre de patients inscrits, puis ça, c'est normal, c'est du financement, mais, de prime d'inscription, il n'y a pas ça. Alors, je ne sais pas à quoi fait référence la députée de Taillon quand elle invoque l'article 24, là.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Taillon.

• (11 h 30) •

Mme Lamarre : Alors, dans l'entente conclue par le ministre avec la FMOQ, dans un article que j'avais très bien cité en période de questions, il y avait effectivement une reconduction d'avantages financiers qui étaient liés à l'inscription des patients. Le ministre n'arrête pas de dire que son projet de loi n° 20 est basé sur deux éléments : l'augmentation des primes d'inscription et le taux d'assiduité. Alors, je vais vous lire exactement l'article 24 : «La première mesure vise à payer au médecin un supplément pour la première visite associée à une inscription de tout nouveau patient...» Alors, ça me semble être pas mal équivalent à une prime d'inscription, là. On parle d'un montant, hein, on parle de payer un supplément pour la première visite associée à une inscription.

Alors, quand le ministre conteste même ça, je trouve ça vraiment, vraiment étonnant. Alors, je pense qu'il ferait mieux de convenir qu'il y a de l'argent qui est donné à l'inscription et que, de façon assez claire cette année, ça a été 8,8 millions de dollars en lien direct avec le projet de loi n° 20, mais que concrètement, on doit bien le dire, là, les Québécois ne semblent pas avoir une amélioration de l'accès. On parle bien de l'accès, parce qu'on peut faire toutes sortes de mesures autour, mais l'objectif, et le résultat, et vraiment ce qu'on doit livrer aux Québécois, c'est une amélioration de l'accès quand ils en ont besoin. Et les GMF et le projet de loi n° 20 ont cet objectif-là précis.

Alors, je pense que... On voit qu'on a donné 8,8 millions, puis je ne pense pas que la population puisse dire actuellement qu'elle a vu des changements majeurs au niveau de l'accès. Il y a plus de patients inscrits, on est d'accord, mais il y en a beaucoup qui se retrouvent encore à l'urgence. Les urgences sont remplies de patients inscrits après d'un médecin.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Alors, M. le Président, je pense qu'il est essentiel d'aider ma collègue parlementaire la députée de Taillon à saisir exactement ce qu'elle lit dans les ententes, parce que, manifestement, il y a un bout, là, qui a mal été compris. Alors, pour son bénéfice, de façon à ce que, dans le futur, elle puisse faire une intervention précise, je vais lui expliquer qu'elle est la différence entre une prime et un tarif.

Alors, je m'explique, M. le Président, puis je vais prendre un exemple simple. Dans le réseau de santé, M. le Président, dans le réseau de santé, M. le Président... Prenons le cas d'une infirmière. Une infirmière fait un travail pour lequel elle a des compétences, et il arrive que, par le lieu... — c'est dans nos ententes, dans nos conventions syndicales, c'est de même — il arrive que, pour une infirmière, la même infirmière, si elle pratique sa profession à un endroit, elle ne reçoive pas la même rémunération à l'autre endroit. Mais la rémunération de base est la même. Si une infirmière, pour un quart de travail, est payée 100 $ sur un étage, elle sera payée, à la base, 100 $ n'importe où ailleurs dans l'hôpital. Mais on lui dit, et c'est signé : Si vous faites ce travail-là aux soins intensifs, on va vous donner une prime. Votre salaire de base ne change pas. Vous allez avoir une prime, mais le travail est le même, dans un environnement différent.

Une prime, c'est ça, M. le Président. C'est un ajout quand le même travail est fait dans une autre circonstance, tout simplement. Ce n'est pas la même chose que... Est-ce que j'ai terminé?

Le Président (M. Tanguay) : Nous sommes maintenant rendus... oui. Puis peut-être que vous aurez le consentement des collègues de la banquette ministérielle pour poursuivre votre réponse. Alors, pour un bloc de 19 minutes, je cède la parole à notre collègue de Chauveau.

Mme Tremblay : Aviez-vous d'abord quelque chose à ajouter pour compléter?

M. Barrette : Oui. Je vais continuer parce que c'est très important. Alors que ce à quoi fait référence la députée de Taillon, c'est un acte différent. Et je m'explique, M. le Président, O.K.?

Dans le passé, il y avait une prime, une prime réelle, réelle, réelle. Et je vais l'expliquer par un exemple simple. Dans le passé, si un patient, le patient A, allait voir le médecin pour une entorse de la cheville, il était payé un montant d'argent. Un autre patient, la même journée, allait voir le même médecin au même endroit 10 minutes plus tard, une heure plus tard pour une entorse à la cheville, il recevait un paiement pour la consultation, pour l'entorse de la cheville, qui était le même que le premier, le même, parce que c'était la même consultation. Deux patients du même âge, de la même grandeur, du même sexe, de la même couleur des yeux, qui viennent avec la même entorse à la même cheville gauche, il était payé précédemment le même montant.

Mais, surprise, dans le passé, si le médecin disait à ce patient-là, à un des deux : Je vais t'inscrire sur ma liste, bang! il y avait une prime. Ça, c'est une prime. Ça, c'est une prime. Il n'y a pas eu un seul service de plus, il y a eu une prime à l'inscription, p-r-i-m-e, argent additionnel au service rendu au moment de la rendition du service. Ça, c'est une prime.

Qu'est-ce qu'on a fait aujourd'hui? Avec la loi n° 20, on a une loi qui a des contraintes, et des engagements, et des risques. Le médecin, aujourd'hui, qui accepte d'inscrire un patient prend un engagement de se rendre disponible auprès de ce patient-là, auquel cas, s'il ne remplit pas son engagement, il sera coupé de 30 %. Le médecin, quand il inscrit un patient, s'engage à prendre une responsabilité organisationnelle, médicale, avec des contraintes, qui est l'assiduité, qui, si elle n'est pas respectée, il y a une coupure. Dans l'exemple des entorses que j'ai donné, il n'y avait pas de risque, c'était une prime.

Dans le cas de la prise en charge, il y a un risque, et qui va être exercé si jamais l'entente, la contrainte n'est pas respectée. Alors, le médecin, lui, qui prend l'engagement, au risque de se faire couper, de prendre en charge un patient, bien, il doit le prendre en charge, et, pour prendre le patient en charge réellement, réellement, il faut une première visite, qui est une visite exhaustive, qui est une visite où on reçoit une personne, admettons une personne de 65 ans, qui est rendue à un moment dans sa vie et qui, pour être prise en charge, doit avoir été l'objet d'un bilan. Bonjour, monsieur, bonjour, madame. Avez-vous des problèmes de santé? Laissez-moi vous examiner extensivement, parlons de la façon de prendre en charge votre maladie que vous avez déjà. Voici comment on va fonctionner ici, je vais être disponible pour vous, voici comment se prendront les rendez-vous, vous pouvez appeler n'importe quand, j'ai une équipe, j'ai une infirmière praticienne qui est à côté de moi, on va travailler ensemble, et ainsi de suite.

Ça, c'est la première visite, M. le Président. Et cette première visite n'est pas la même charge de travail en tant que service rendu que la fois d'après où la personne va venir pour une entorse à la cheville gauche, au moment duquel il n'y aura pas de prime. Ça ne peut pas être plus clair que ça, M. le Président. Ça ne se clippe pas dans un 15 secondes. C'est même difficile à raconter dans un point de presse au «hot room», dans notre petit salon où on fait des interventions qui se ramassent dans les médias. Mais par contre, le bout qui se ramasse dans les médias, c'est ma collègue qui dit que c'est une prime, alors qu'elle sait très bien que ce n'est pas une prime. C'est comme une ristourne, ça, chez les pharmaciens, M. le Président. Une ristourne, c'est une ristourne. La députée de Taillon a déjà connu ça, les ristournes. Et est-ce que ça correspondait à un service additionnel? Quand le gouvernement paie la députée de Taillon pour son acte pharmaceutique — parce qu'elle est encore pharmacienne d'officine, elle pratique encore — mais qu'elle a une ristourne de la compagnie qui vend le médicament, est-ce que c'est un service additionnel, ça? Non. Ça, c'est une prime. Alors, je dis ça...

Une voix :

Le Président (M. Tanguay) : Oui, il y a un rappel au règlement. Je vais entendre...

M. Barrette : Alors, je dis ça, M. le Président, simplement pour vous démontrer que la députée de Taillon sait très bien c'est quoi, une prime et c'est quoi...

Le Président (M. Tanguay) : Je vais entendre le rappel au règlement. Collègue de Taillon.

Mme Lamarre : Oui, M. le Président. Je pense que le ministre ne me permet pas d'intervenir dans un dossier où il m'incrimine personnellement et où j'aurais des justifications à apporter. Alors, je pense qu'il n'a pas à faire ce genre d'analogie, parce que les ristournes sont des allocations professionnelles qui sont versées en retour de services professionnels.

M. Barrette : ...ici, là, tout ça, c'est légal.

Le Président (M. Tanguay) : Oui, oui. Continuons, là, ça va bien, là. Chère collègue de Taillon, c'était... je ne pense pas, un rappel au règlement, c'était peut-être un 212, là, après une intervention. Je vous aurais accordé, à ce moment-là, quelques secondes. Parce que l'article 212 existe, il n'y a pas juste les rappels au règlement. Tout député peut, à la fin d'une intervention, brièvement — et je paraphrase l'article 212 — demander à prendre la parole pour rectifier certains faits. Je voyais ça que c'était une rectification factuelle, ce n'était pas un rappel au règlement comme tel en vertu de 35, 211 ou d'autres articles.

Alors, M. le ministre, toujours sur le bloc du gouvernement.

M. Barrette : Bien, M. le Président, j'avais fini mon intervention là-dessus. Je pense qu'il allait y avoir une question, dont je ne connais pas la nature.

Mme Tremblay : M. le Président, on a abordé tout à l'heure les supercliniques, le quadrillage des GMF. J'aimerais maintenant qu'on aborde plus en détail le programme des GMF, parce que, oui, vous en avez parlé tout à l'heure, M. le ministre, que ça existe depuis 2002, sauf qu'il y a des changements qui ont été apportés en novembre 2015. Il y a un tout nouveau programme pour les GMF, axé davantage sur le patient pour améliorer également l'accès aux soins de première ligne.

Ce que j'aimerais savoir, c'est en quoi, dans le fond, nos GMF ont été modifiés.

• (11 h 40) •

M. Barrette : Alors, d'abord, ils ont été modifiés par le quadrillage, comme vous l'avez bien évoqué il y a quelques minutes. Maintenant, on a resserré les règles d'attribution de notre appui financier et en personnel auprès des GMF, on a resserré les règles pour s'assurer que les GMF livrent la marchandise attendue. Et la marchandise attendue est évidemment... c'est un peu la même chose... je ne vais pas tout répéter, évidemment, mais c'est le même principe et ce sont les mêmes éléments de base que ce dont on a discuté pour les supercliniques, à la différence près que les GMF, eux, ont des contraintes qui sont dirigées spécifiquement à leur clientèle inscrite. Et ça, c'est important, comprendre ça. On demande aux médecins, d'abord et avant tout, de travailler en GMF. Nous ne favorisons plus la pratique solo en zone urbaine. On peut comprendre qu'en zone rurale il y a moins de monde, il n'y aura pas des groupes de médecine de famille de 22, là, à la campagne, puis ça, c'est normal. Mais, dans les zones urbaines, on favorise la pratique de groupe, de groupe entre médecins, mais de groupes aussi avec les autres professionnels. Et on veut que ce groupe-là inscrive et donne des services à une population.

Et, cette population-là, on veut un minimum. C'est ça, l'idée des inscriptions. L'idée des inscriptions, quand on dit qu'on veut que 85 % de la population soit inscrite, là, bien, on veut justement que, un, elle soit inscrite. Mais ce n'est pas un hasard, ce n'est pas anodin de parler d'inscription. On veut que l'endroit, le groupe de médecins où les patients, les citoyens sont inscrits, bien, ce groupe-là se rende disponible. Et ça, c'est l'assiduité.

Alors, on veut quadriller le Québec, en mettre partout où sont les gens, et on veut que, dans ces endroits-là, ça soit l'endroit principal où les gens vont rechercher, obtenir leurs services médicaux de première ligne, de première ligne, non urgents, là, pas des P1, P2, P3, là. Des fois, peut-être P3, mais pas P1, P2, il faut être à l'urgence pour ça, c'est vital. Mais, pour le reste, là, on veut que ça soit dans ces endroits-là. Alors, on veut que l'inscription soit là et on veut que les GMF aient l'assiduité.

L'assiduité, là, ça veut dire que le médecin soit disponible pour que le citoyen, huit fois sur 10, trouve là, chez son GMF, le point de service ouvert dans des heures étendues pour obtenir un service. On sait très bien, en pratique, là, on le sait, ça, là, que les gens qui ont un problème de santé mineur... Les gens ont du jugement, les gens savent très bien que, si, demain matin, là, sur une grille de rendez-vous électronique, sur un site Internet, il y a une plage puis ils mettent leur nom, ils savent bien que... ils ont le jugement pour dire : Ça peut attendre à demain, mais, au moins, je le sais qu'à 11 h 30, demain matin, j'ai un rendez-vous, je vais y aller demain. Ils le savent, ils sont capables d'évaluer ça. Ceux qui ont été vraiment malades dans leur vie, là, ils savent, là, ce que c'est vraiment mal filer puis aller à l'urgence versus un problème mineur qui nécessite une intervention, mais qui peut attendre. Les gens ont ce jugement-là. Alors, c'est pour ça qu'on demande aux groupes de médecine de famille de ne pas être ouverts 24 heures par jour, mais d'être ouverts sur des heures étendues pour que les gens puissent s'adapter, que ce service-là soit adapté à leur horaire. Des fois, les gens, c'est compliqué pour eux autres de partir de l'ouvrage puis aller à son GMF, d'où les heures étendues, et ainsi de suite.

Alors, ce que l'on a changé, essentiellement, là, c'est la façon de réglementer les balises qui font en sorte que les GMF fonctionnent de telle ou telle manière. Le GMF, lui, comme pour les supercliniques, accepte ces balises-là en fonction du soutien financier et de personnel qu'on lui envoie. Alors, autant la superclinique, elle, elle est ouverte aux sans rendez-vous qui viennent de partout, autant le GMF, lui, c'est le contraire. C'est sa clientèle à qui elle doit donner des services, tout en ayant une fraction ouverte aux autres. Mais la fraction ouverte aux autres dans un GMF est petite, alors que, dans une superclinique, elle est très grande et elle est même, je dirais, majoritaire. Alors, c'est ça, la différence.

Alors, on comprendra que, si 80 % du temps une personne est capable d'obtenir ses services de première ligne pour des problèmes courants dans son GMF, bien, il y a le 20 % du temps où il y aura la superclinique et, de temps en temps, la nécessité d'aller à l'urgence. Alors là, quand on met tout ça ensemble, c'est un quadrillage et des GMF et des supercliniques, plus fin pour les GMF que les supercliniques, qui est plus macro, l'autre étant micro, mais, dans les deux, le thème, c'est l'accès selon des balises. Et les balises amènent le financement et l'appui en termes de personnel, et malheureusement, si les balises ne sont pas respectées, bien, il y a un retrait.

Mme Tremblay : Merci beaucoup, M. le ministre. Je céderais maintenant la parole à ma collègue de Fabre.

Le Président (M. Tanguay) : Oui. Collègue de Fabre, la parole est à vous.

Mme Sauvé : M. le Président, M. le ministre, chers collègues, les gens du ministère, alors je veux revenir sur toute la question des infirmières praticiennes spécialisées dont a déjà parlé le ministre précédemment et, bien sûr, tout l'aspect de favoriser l'accès aux soins de santé. Mais je me permettrai une petite ligne avant d'aborder cette question, M. le Président. J'aimerais mentionner au ministre mon enthousiasme par rapport à l'annonce des supercliniques pour la région de Laval et particulièrement pour la population de mon comté. Je peux vous dire qu'il y a des grands besoins, et c'est une réponse concrète par rapport à l'accès rapide à des soins de santé. Alors, je me permets de le mentionner, M. le Président.

Alors, les infirmières praticiennes spécialisées, récemment il y a eu l'élargissement de l'acte professionnel avec le règlement qui permet aux infirmiers et infirmières du Québec d'exercer certaines activités professionnelles qui étaient réservées jusqu'alors aux médecins, que ce soit, entre autres, au niveau du suivi des patients, il y a quelques exemples que j'ai : déterminer le plan de traitement relié aux plaies et altération de la peau, prescrire suppléments vitaminiques, et autres actes professionnels, bien sûr. Alors, il y a l'élargissement de l'acte professionnel, mais il y a aussi cet engagement du gouvernement à faire en sorte de rendre disponibles pour la population du Québec 2 000 infirmières praticiennes spécialisées sur une période de 10 ans. Alors, il y a des partenariats, au niveau de la formation universitaire, qui se font, il y a un projet vitrine aussi qui est chapeauté par une chercheuse de l'Université de Montréal et qui se fait à travers cinq régions au Québec.

Alors, ma question au ministre est la suivante : Quel est l'état de situation par rapport à l'engagement qui a été pris par le gouvernement d'avoir 2 000 IPS au Québec?

M. Barrette : Merci pour la question. Je vais me permettre de revenir sur vos remerciements d'avoir mis une superclinique puis je vais juste donner un exemple que je n'ai pas eu le temps de donner, qui m'a échappé tantôt. C'est fait pour régler un problème. On sait qu'à la Cité-de-la-Santé, parce qu'on parle de Laval, hein, c'est très occupé, la Cité-de-la-Santé. Alors, c'est évident, là, qu'il y a un problème à résoudre. C'est évident.

Je vais vous donner des exemples de temps d'attente entre l'arrivée à l'urgence et avoir vu le médecin dans des régions où il n'y a pas beaucoup de monde. Alors, à Forestville, sur la Côte-Nord, la moyenne, là, cette année, là, c'est 1 h 10 min; aux Escoumins, 1 h 5 min; et ainsi de suite, là, je peux en nommer plusieurs, à Papineau, dans l'Outaouais, là, Maniwaki, c'est moins d'une heure. Les petites... les zones où il n'y a pas de population, l'urgence suffit, on n'a pas besoin d'avoir ça comme soupape.

Maintenant, revenons aux infirmières praticiennes spécialisées. Ça, pour nous, c'est un engagement qui est important. Je crois, moi, au travail autonome des infirmières praticiennes spécialisées. J'y crois. Est-ce que ça veut dire qu'il ne doit pas y avoir une collaboration entre les infirmières, pas juste praticiennes spécialisées, mais aussi cliniciennes et autres avec le médecin? Bien, oui, il doit y avoir une collaboration, mais leur autonomie professionnelle, c'est quelque chose auquel je crois... à laquelle je crois. Il n'y a pas aucun doute là-dessus.

C'est pour ça qu'on s'est engagés à en former 2 000 en 10 ans. Maintenant, pour 2 000... On a deux ans de fait et on doit se rendre à 2 000 dans les huit prochaines années. Je vais convenir avec vous, M. le Président, je vais convenir qu'actuellement nous sommes un peu en retard dans la formation, et nous avons établi une feuille de route avec les facultés d'infirmières pour faire en sorte qu'on ait la formation à un rythme approprié pour arriver à remplir notre engagement de 2 000 infirmières praticiennes sur une période de 10 ans. On va y arriver.

• (11 h 50) •

Actuellement, il y a seulement 381 IPS qui oeuvrent dans notre réseau québécois, et elles, comme d'autres, font face à une problématique qu'il faudra résoudre. Alors, M. le Président, là, il n'y a pas de... on est transparents, là, c'est une question qui me provient de notre aile parlementaire, et j'y réponds en toute transparence, et là je mets sur la table le fait que nous ne sommes pas parfaits dans ce secteur-là et nous devons nous améliorer. Nous avons à améliorer la cadence en formation d'infirmières praticiennes spécialisées et nous avons rencontré les facultés pour établir ça. Je vais y revenir dans un instant.

Nous avons une autre chose aussi à résoudre, qui est l'application des ordonnances collectives. Les ordonnances collectives, ce sont des règles qui ont été convenues entre les ordres professionnels, notamment, dans le cas des infirmières, l'ordre des infirmiers et infirmières du Québec et le Collège des médecins, pour que des infirmières, devant une situation clinique bien déterminée, aient l'autorisation de prescrire soit des examens soit des médicaments. Et je vous avoue, je vous admets qu'on n'a pas eu une application de ça suffisamment étendue au Québec et que des efforts doivent être consentis pour améliorer les choses. Les 381 infirmières praticiennes spécialisées, au moment où on se parle, elles travaillent, elles donnent des services, elles peuvent faire plus, j'en suis convaincu, et certainement plus de façon autonome. Il y a une amélioration à faire.

Pour ce qui est de la formation, je le disais il y a quelques instants, il est clair qu'on doit améliorer la cadence. Mais améliorer la cadence, souvent, la question qui nous est posée par les facultés d'infirmières, c'est qu'elles n'ont pas le financement. Bien, on arrive, et là je vais peut-être apprendre quelque chose à la population et aux parlementaires, on arrive au point où il faudra probablement maintenant diminuer le nombre d'entrées en médecine à la faveur d'entrées dans les facultés d'infirmières praticiennes spécialisées, et on comprendra qu'en termes de financement, bien là, c'est des vases communicants, ça coûte plus cher former un médecin qu'une infirmière praticienne spécialisée, et que conséquemment la réduction du nombre d'entrées en médecine... parce qu'on arrive à ça, on arrive à ça, là, on arrive à un point où on forme... ça prend 10 ans, là, pour faire sortir un médecin. À un moment donné, il faut penser à dans 10 ans. On ne veut pas un surnombre de médecins, mais on veut certainement avoir le nombre adéquat de médecins et, encore plus certainement, avoir le nombre approprié d'infirmières praticiennes spécialisées.

Alors, on entre dans une période où il y a des décisions importantes à être prises de ce type-là, et l'élément que je vous donne comme information, M. le Président, pointe largement vers notre intention ferme de réaliser notre engagement électoral de former 2 000 infirmières sur une période de 10 ans, commençant en avril 2014.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, pour un bloc de 18 min 30 s, je cède la parole à notre collègue de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Salutations aux collègues du groupe parlementaire de l'opposition, M. le ministre et son équipe. Bon début de semaine en ce qui concerne ces crédits.

J'aborderais, à ce moment-ci, M. le Président, le thème qu'a abordé le ministre un peu plus tôt ce matin. Le ministre a annoncé, on le sait... et d'ailleurs il a donné à six, ou sept, ou huit, ou neuf reprises l'adresse Internet pour le guichet unique pour s'inscrire, le gemf.gouv.qc.ca...

M. Barrette : G-a.

M. Paradis (Lévis) : G-a, gamf. Et, c'est drôle, le ministre disait : Il y a 66 000 personnes qui se sont inscrites, là, depuis maintenant... Moi, j'avais un chiffre un peu plus bas, mais il faut croire que ça évolue rapidement. On le sait, il y a des dizaines et des dizaines de milliers de patients qui étaient inscrits sur les listes d'attente régionales, M. le Président, les GACO. Et on sait aussi que, normalement, les patients inscrits sur les anciennes listes sont transférés sur la nouvelle. Bon.

Cependant, écoutez, outre le fait de savoir et de se dire que c'est une bonne idée de centraliser, évidemment, l'inscription et de rendre les choses plus faciles, le système a connu certains ratés, puis c'est probablement normal quand on met en place un système, ce qu'on appelle un bogue ou des anomalies. D'ailleurs, on a été informés que des médecins qui travaillaient à Montréal se sont fait référer des patients de Saint-Eustache, des médecins de la Rive-Sud de Montréal se sont fait référer des patients du centre-ville de Montréal, et le ministre a dit qu'il allait apporter des correctifs. Alors, il faut que ça évolue.

Et il n'y a pas seulement les médecins... Et là je pense qu'on va peut-être tenter de rassurer des gens, parce qu'à travers plusieurs communications... et là il y en a une plus précise, c'est l'histoire d'une dame de Granby, Mme Égly, qui est inscrite depuis deux ans sur la liste régionale. Donc, elle a une priorité, depuis deux ans elle est inscrite sur cette liste. Et, lorsqu'elle entend le ministre parler de ce nouveau guichet là, bien, elle est heureuse et s'empresse de s'y inscrire. Elle apprend également que, normalement, elle devrait être transférée automatiquement, que le système va gérer ça. Mais, dans son cas, ça ne se passe pas comme ça. Elle s'inscrit et recevra un appel d'une infirmière qui vérifie son inscription et qui lui dit : Nous nous sommes récemment rendu compte que, lorsque ces personnes comme vous, par exemple, s'inscrivaient au nouveau guichet d'accès unique sur Internet, la nouvelle inscription écrasait les données de l'ancienne inscription au guichet d'accès régional. Alors, dans son cas, autrement dit, elle est peut-être passée à travers les mailles du filet.

Peut-être que le passage du guichet régional au guichet unique ne s'est pas fait sans heurts. Elle a réussi à s'inscrire. Elle demande une révision, un examen médical, reçoit une information... une infirmière qui lui écrit pour dire : Vous, votre priorité de deux ans, elle a été écrasée du fait que vous vous retrouviez... que vous soyez inscrite sur ce nouveau guichet là qui est central. Alors, vous comprendrez que madame dit : Est-ce que je suis la seule? Est-ce que ça s'est déjà passé? Est-ce que d'autres ont vu leur priorité écrasée en fonction de la nouvelle inscription, comprenant qu'au fur et à mesure on s'ajuste à un nouvel outil? Il y a 56 000 patients, qui sont maintenant 66 000 patients, qui sont inscrits sur le nouveau site Internet. Mme Égly dit : Écoutez... Et là elle est un peu inquiète et nous fait parvenir toutes les communications avec les gens responsables, d'où l'inquiétude qu'elle manifeste, et la question qui en ressort : Est-ce que le ministre de la Santé a été informé de ce problème, M. le Président? Est-ce qu'il est possible que des patients déjà inscrits sur les anciennes listes aient passé à travers, comme cette dame, la façon de faire et aient vu leur priorité écrasée au profit de la nouvelle inscription? Et puis est-ce qu'il peut nous garantir que tous les patients qui étaient déjà inscrits ne tomberont pas au bas de la liste, comme elle, en tout cas, a risqué de s'y retrouver, n'eût été du fait qu'elle établit une communication avec une infirmière qui lui confirme le problème et qui lui dit : On va corriger ça dans votre cas?

Rassurons les gens, c'est un gros outil, c'est un outil important. Là, à cette question-là, que répond le ministre, M. le Président?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Bien, M. le Président, je pense que c'est une question qui est très pertinente, surtout que le député de Lévis a fait état d'un cas vécu. Et d'ailleurs, M. le Président, je l'invite, lorsque nous aurons terminé notre séance, hors d'ondes évidemment, à me faire part des coordonnées de la patiente pour que je puisse faire, avec mon équipe, les vérifications les plus précises possible et la rassurer, parce que je suis convaincu qu'on va pouvoir la rassurer.

Le système est construit d'une telle manière, M. le Président, que l'ancienne liste... Je pense que peut-être que le terme qui a été utilisé par la personne-ressource qui a répondu au téléphone a été peut-être le mauvais, puis je ne dis pas ça méchamment, là, parce que c'est simplement pour dire qu'en informatique, des fois, on utilise un terme qui ne correspond peut-être pas à la réalité informatique de ce qui a été fait. C'est clair que les données des GACO ont été éliminées par le transfert, parce qu'il n'y a plus de GACO, mais les données ont été transférées.

Alors, il est possible qu'on lui ait dit que la donnée d'avant ait été écrasée parce qu'elle a été éliminée, il n'y a plus de GACO, mais normalement, là, la façon dont les choses ont été faites est à l'effet que les données sont transférées complètement. Et là ça m'amène à... mais transférées, donc elles n'existent plus en arrière, là, sur le GACO. Alors, c'est peut-être ça qu'on a voulu dire, et ça a donné l'impression qu'il y avait des données qui avaient été effacées. Ce n'est pas censé être possible, mais, si le député de Lévis me donne les informations, je vais avec plaisir faire la vérification.

Maintenant, pour ce qui est de la priorisation, il n'y a jamais eu de priorisation par ordre d'arrivée dans le GACO. Ça n'a jamais existé, mais il y a eu une classification du patient sur la base de sa vulnérabilité, la vulnérabilité étant la présence ou non de tel, tel type de maladie. Comprenons-nous bien, pour schématiser, une personne très âgée qui a quatre maladies chroniques a obligatoirement un niveau de vulnérabilité élevé par opposition à un adolescent de 17 ans en pleine santé, qui a une vulnérabilité inexistante.

Alors, la vulnérabilité, c'est un concept, dans nos bases de données, qui est lié et dépendant de la présence de problèmes de santé connus et aggravés, selon le cas, et c'est comme ça que les patients sont classés en niveaux de vulnérabilité, et le niveau de vulnérabilité, lui, peut changer avec le temps. Et d'ailleurs, quand on s'inscrit au guichet d'accès aux médecins de famille — je ne redirai pas l'adresse, là, pour ne pas indisposer le député de Lévis pour cause de répétition, mais, s'il m'invite, je vais le faire, www.gamf.gouv.qc.ca — il y a une question à laquelle on peut répondre, qui dit... la question, je la sais par coeur, là, première question, c'est : Est-ce que vous venez de façon ponctuelle? Avez-vous un problème de santé connu? Et, un petit peu plus bas, on demande, là : Si oui... là, on donne des exemples. Et, un petit peu plus bas, on peut la cocher : Voudriez-vous qu'une infirmière ou un infirmier prenne contact avec vous pour ça? Et là évidemment, si on prend contact avec une infirmière ou un infirmier, c'est parfait, il n'y a aucun problème avec ça, mais là l'infirmière ou l'infirmier va poser un questionnaire un peu plus élaboré pour justement établir le niveau de vulnérabilité de la personne et la classer correctement. On peut même revenir une fois ultérieure, un an après, six mois après, et rentrer dans le site puis dire : Mon état a changé, et je veux parler à une infirmière. Puis là il va y avoir un requestionnaire : Bon, avant j'étais hypertendu, un an plus tard, malheureusement, j'ai fait un infarctus du myocarde, alors là mon niveau a changé, et le niveau va être adapté.

Alors, peut-être que, dans ce cheminement-là, M. le Président, il y a eu une incompréhension. Mais je serais très heureux de prendre les coordonnées de la personne et faire le tour de ça. Et en même temps ça me permettra de voir s'il y a un accrochage informatique et d'amener la correction si nécessaire.

• (12 heures) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Collègue de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Je vais y aller très rapidement, M. le Président. Tout ce dont on a parlé se retrouve dans l'explication de ce cas. En fait, je vous poserais une question — puis je la pose en 30 secondes pour passer à un autre sujet : Est-ce que le ministre pourrait, ou s'engage, ou a l'intention plutôt de peut-être, avec son équipe, double-vérifier que des patients comme cette dame ne se retrouvent pas avec un accès écrasé par l'arrivée de ce même patient sur une nouvelle liste, histoire de voir si on n'en a pas échappé?

Et je comprendrai aussi, en terminant... Parce que vous disiez que la vulnérabilité de la santé détermine la priorisation, comprenant cependant que, pour une même condition de santé, j'imagine que, dans une même région, celle qui est inscrite avant aura priorité sur celle qui est inscrite plus tard.

M. Barrette : Absolument.

M. Paradis (Lévis) : O.K.

M. Barrette : Maintenant, pour répondre à la question plus précisément pour ce qui est de mon engagement, bien, d'abord, je vais remercier le député de Lévis. Puis j'invite tous les parlementaires des deux côtés de la Chambre... Vous savez, en informatique, quand on met en ligne un nouveau programme, il y a toujours un... on appelle ça un site bêta, c'est un site où qu'on met en place... c'est une première version justement pour que le grand public, à l'usage, découvre ou nous fasse découvrir... Il y a toujours un accrochage. Des grandes compagnies comme Microsoft font ça. Ils nous envoient la version 1, puis, quand on va faire une mise à jour, c'est la version 92.4.27, parce qu'au fil du temps les gens ont identifié des situations imprévues. Alors, je remercie le député de Lévis d'avoir porté à notre attention cette affaire-là et j'invite tout le monde à faire de même, incluant le grand public qui nous écoute. C'est comme ça qu'on va apporter les correctifs, évidemment.

Et je renchéris sur un point, M. le Président, ce sont nos sites. On est propriétaires, on peut le faire évoluer à un coût modique. C'est la politique des TI du gouvernement d'aujourd'hui.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Collègue de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : M. le Président, autre dossier. Ça aussi, c'est important, d'avoir des informations précises, et concrètes, et pertinentes pour nous permettre — on l'a abondamment abordé — d'avoir un portrait de l'état de notre système de santé.

Vous savez, chaque année, M. le Président, et les gens le sauront aussi, dans les études de crédits, l'opposition demande au gouvernement des informations sur le nombre et le pourcentage de patients sans médecin de famille, sur le taux d'inscription, et le ministère répond actuellement avec des données qui sont pour le moins partielles, ce qui fait en sorte que c'est difficile de suivre de manière très, très précise l'évolution du nombre de Québécois qui sont, par exemple, sans médecin de famille.

Je vous donne un exemple. Question n° 86 posée par la Coalition avenir Québec : «Nombre et proportion de personnes n'ayant pas de médecin de famille selon le sexe, l'âge, la région et le besoin non comblé d'affiliation à un médecin de famille, population de 15 ans et plus au 31 mars 2014, 31 mars 2015 et pour toutes les périodes de l'année 2015-2016.» Réponse : 29 % ne sont pas inscrits. Les données ne sont pas ventilées par régions ou sous-régions. Alors, quelque part, ça laisse... oui, ça donne une impression, mais difficile d'y travailler pour viser l'amélioration et le fait que ceux et celles qui nous écoutent soient mieux servis. Pourtant, le ministère a ces informations-là.

Je sais qu'on l'a abordé également un peu, mais... Je vais déposer, M. le Président, si vous le permettez, un tableau obtenu par la CAQ, un tableau exclusif. C'est un tableau très complet des patients sans médecin de famille, qui se nomme Plans régionaux d'effectifs médicaux en médecine de famille par sous-territoire pour atteindre la cible d'inscriptions de 85 %. Ça fait que les données existent. Et ça, bien, elles sont à ce point précises, ces données-là, qu'on apprend, par exemple, qu'en Outaouais il y a 26 000 citoyens qui attendaient pour être pris en charge par un médecin de famille en janvier dernier, que seulement 67 % de la région est déjà inscrite à un médecin de famille, et que les médecins, pour atteindre le fameux 85 %, doivent en inscrire 67 000, qu'à Montréal — tellement précis, là — 56 % des patients ont un médecin de famille, et que 532 000 doivent trouver un médecin pour atteindre la cible de 85 %. Puis là je m'en vais encore plus précis que ça, et le ministre doit le savoir. Donc, c'est des informations qui sont extrêmement intéressantes, extrêmement pertinentes. Plus précis, donc, dans le secteur Saint-Michel — hein, on ne peut pas être plus précis que ça, là — 44 % des patients ont un médecin de famille. 44 % seulement. C'est le pire résultat du Québec en milieu urbain. Ça, c'est Saint-Michel.

Alors, c'est un peu décevant de ne pas avoir ces données-là. Puis je ne reviendrai pas sur la 432, 433, 434, qui n'ont pas été répondues. Le ministre a dit : On va vous rendre ça public d'ici à peu près deux semaines. Alors, ça va aller à peu près dans le même sens. Sachant que ça existe — d'ailleurs, nous les déposons — est-ce que le ministre peut s'engager à diffuser sur le site Internet du ministère une version complète du tableau qu'on lui remet nous-mêmes et le mettre à jour régulièrement pour nous permettre collectivement de suivre l'évolution et l'avancée de ces réformes dans notre réseau de la santé?

Et ma dernière question — je les poserai toutes les deux : Le ministre peut-il nous expliquer que, si les médecins de famille atteignent collectivement un taux d'inscription de 85 % au niveau provincial, est-ce qu'il se peut, à la lumière de ce qu'on voit là — je viens de donner des exemples — que, dans certaines régions, on n'atteigne pas l'objectif et que des patients demeurent des patients orphelins?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Alors, M. le Président, là, c'est de la musique à mes oreilles. Quand j'entends le député de Lévis, j'ai l'impression qu'il est rendu libéral. Je l'invite à suivre éventuellement le bon chemin, le droit chemin et peut-être de penser nous rejoindre. Parce que, là, avec ce qu'il vient d'exprimer, il vient d'exprimer essentiellement les fondements de nos actions.

M. Paradis (Lévis) : C'est un mélange de genres, parce que souvent je l'entends puis j'ai l'impression d'entendre aussi des propositions de la CAQ. Alors donc, il y a un mélange de genres.

M. Barrette : Mais je l'ai déjà dit au salon bleu, M. le Président : Le programme électoral de la CAQ est rendu au Parti libéral. Il est venu avec moi.

Ceci étant dit, M. le Président, je reconnais la communion d'esprit face aux statistiques de la santé qu'exprime le député de Lévis. Ceci dit, M. le Président, le député de Lévis, ce qu'il a fait — puis c'est correct, là, je ne critique pas le travail, au contraire — ce qu'il a fait, c'est qu'il est allé frapper à la porte de chacune des organisations pour avoir... O.K., on me fait signe que non. On a colligé des informations qui ne se retrouvent pas sur notre site à nous, qui ne se retrouvaient pas sur notre site à nous de façon complète.

Je vais répéter ce que j'ai dit tantôt. Ce que le député de Lévis veut voir, c'est essentiellement ce que notre nouvel outil va nous permettre de rendre transparent, mais d'une façon suffisamment précise.

Quand le député de Lévis nous dit que, dans l'Outaouais, il y a seulement 67 % des gens qui sont inscrits à un médecin de famille, c'est pour ça qu'on a fait la loi n° 20, M. le Président. Et c'est là que le Parti libéral, sous moi, là, dans ma bouche, se différencie de la CAQ. Parce que nous avons mis sur la table la loi n° 20, à laquelle s'est opposé la CAQ avec le PQ, alors que ce que le député de Lévis me demande aujourd'hui, au nom de la CAQ, c'est d'avoir accès à des données qui vont justifier une intervention qui va exactement dans le sens du projet de loi n° 20.

Je suis content d'entendre le député de Lévis nous dire aujourd'hui : Ayez des données plus précises et agissez. Mais ça aurait été le fun qu'il nous dise, pendant l'étude de la loi n° 20 et à son adoption : Bien, c'est une bonne chose que vous soyez en train de faire ça, et on vous appuie. Mais non, ça n'a pas été ça, ça a été le contraire.

Alors, M. le Président, je répète, nous avons développé un outil qui nous permet de suivre de façon plus précise l'évolution de cette donnée-là. La loi n° 20, elle a été mise en place pour que le 67 % dans l'Outaouais vienne à 85 %.

Et à la question : Est-il possible qu'il y ait encore des patients dits orphelins?, la réponse, c'est oui, mais, normalement, par choix. Parce que toute la littérature montre que tout le monde ne veut pas être inscrit à un médecin de famille. Ça, ce sont les faits. Et il n'y a pas d'endroit dans le monde où on a mis des règles similaires où il y a eu 100 % des gens inscrits. Il n'y en a juste pas. Parce qu'il n'y a pas d'endroit dans le monde où les gens le veulent nécessairement.

À titre indicatif, M. le Président, 95 % des gens de 65 ans et plus, actuellement, au Québec, sont inscrits dans le médecin de famille. Il y en a 5 % qui ne le veulent pas ou ne le peuvent pas. Et là, 100 %, parfois, ça relève d'une utopie. Mais, comme je l'ai déjà dit à des étudiants d'université en fin de semaine : Si on tend vers l'utopie, évidemment que nous développerons une société parfaite ou presque, et certainement bien meilleure, mais l'utopie, par définition, est rarement atteignable.

• (12 h 10) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Pour une dernière minute...

M. Paradis (Lévis) : M. le Président, dernière minute, uniquement pour rappeler au ministre que les chiffres dont nous parlons sont des chiffres du ministère et pas fouillés par établissements.

Et d'ailleurs je fais plus que ça, je le disais, je vais les déposer, si vous permettez, M. le Président, histoire de tenir compte et de voir que ça vient directement du ministère. Donc, ce sont vos propres chiffres, M. le ministre. J'aurai beaucoup d'autres questions, mais, le temps filant...

Document déposé

Le Président (M. Tanguay) : Il vous reste 30 secondes...

M. Barrette : À moi?

Le Président (M. Tanguay) : À votre échange, collectivement. À vous deux.

M. Barrette : M. le Président, je suis d'accord avec la finalité que le député de Lévis exprime. Maintenant, la finalité pouvant s'exprimer sous différentes formes, j'imagine que le député de Lévis me laissera le loisir de la présentation de diverses données sous la forme qui nous apparaîtra la plus fonctionnelle possible.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Collègue de Lévis, oui?

M. Paradis (Lévis) : Et j'imagine que ce sera dans un échéancier très bref et très rapidement.

Le Président (M. Tanguay) : Parfait. Je vous remercie, chers collègues.

Alors, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes, où elle poursuivra son mandat. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 11)

(Reprise à 15 h 20)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je vous invite à prendre place, s'il vous plaît.

Alors, chers amis, nous allons reprendre nos travaux. Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre l'étude des crédits du volet Santé et Services sociaux pour l'exercice financier 2016-2017.

Comme nous avons débuté notre séance à 15 h 20, nous allons donc terminer, s'il y a consentement, à 18 h 20. Alors, il y a consentement? Merci beaucoup.

Lors de la suspension des travaux, nous avions terminé un bloc qui était dévolu au deuxième groupe d'opposition. Nous poursuivons donc avec un bloc pour 20 min 30 s avec les députés de la banquette... formant la banquette ministérielle, 20 min 30 s. Collègue de Crémazie, la parole est à vous.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. J'aimerais ça... Je souhaiterais profiter de l'occasion de ce bloc pour reprendre un sujet qu'on avait entamé la semaine dernière déjà, dans le début de nos crédits, donc la question de la santé mentale. Et, à cet effet-là, s'il y a consentement, j'aimerais bien qu'on en profite pour en discuter avec l'expert en question, donc le directeur de la santé mentale du Québec, Dr Delorme, qui sera à même, je pense, de répondre à mes questions.

Le Président (M. Tanguay) : M. Delorme. Y aurait-il consentement, collègues, pour permettre à M. Delorme de s'adresser à nous?

Mme Montpetit : Je vous remercie, c'est bien apprécié.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, merci beaucoup. Alors, M. Delorme, comme vous le savez maintenant, pour les fins d'enregistrement, s'il vous plaît, peut-être nous préciser votre nom, vos fonctions, et par la suite je laisserai la collègue de Crémazie commencer la discussion. Alors, M. Delorme.

M. Delorme (André) : Bonjour, M. le Président. André Delorme. Je suis le directeur de la santé mentale au ministère de la Santé et des Services sociaux.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Collègue de Crémazie.

Mme Montpetit : Je vous remercie. Je remercie les collègues, également, de l'opposition pour consentir à cette demande. Et je suis certaine que les réponses les intéresseront également parce qu'on n'avait pas eu l'occasion d'aborder la question de la nouvelle politique en santé mentale lors des derniers échanges que nous avons eus, politique, là, rappelons-le, qui a été annoncée à l'automne dernier, si je ne me trompe pas, au mois d'octobre. Et je veux revenir sur le fait qu'entre autres le Québec est une des premières sociétés au monde, là, qui s'est dotée d'une politique en santé mentale. Et, à l'automne dernier, donc, cette politique a été renouvelée jusqu'en 2020. Et je pense que c'est fort important, là, fort à propos d'aborder ces questions-là quand on sait que personne n'est à l'abri de la santé mentale puis qu'on estime qu'au Québec c'est environ 20 % des personnes qui seront affectées au courant de leur vie, dont certaines personnes qui ne seront jamais diagnostiquées, puis, vous nous en aviez parlé, entre autres 50 % des problèmes qui trouvent leur origine chez les jeunes de moins de 14 ans.

Et donc, je disais, l'automne dernier, le ministre annonçait la nouvelle politique en santé mentale, puis les objectifs de cette politique-là reposaient, entre autres... puis j'en ai pris trois, là, il y en a certainement plus, mais les trois qui m'apparaissaient les plus importants, dont notamment accroître la qualité des soins et des services en santé mentale, favoriser l'équité, mais également assurer la primauté de la personne. Et ce concept-là, la question de la primauté de la personne, semble très important, parce que la politique s'articule autour de ce concept, et ce que j'en disais, dans le fond, c'est que l'orientation suppose la participation de la personne qui vit un problème de santé mentale dans les décisions qui la concernent et que les établissements du réseau de la santé, donc, devront mettre en oeuvre des plans d'action qui vont reposer, dans le fond, sur cette primauté-là dans la prestation et l'organisation de leurs services. Et je voulais, donc profiter de l'occasion pour que vous nous en disiez davantage sur cette valeur qu'on remet au coeur de la politique, donc comment elle se définit et comment les mesures aussi... détailler, dans le fond, les mesures qui vont être mises en place pour favoriser cette orientation.

M. Delorme (André) : Bien, M. le Président, peut-être qu'avant de parler de mesures spécifiques je contextualiserais un peu les choses en mettant en lumière d'abord les valeurs qui sous-tendent le document. Je pense que, comme on vient de le souligner, la santé mentale, c'est une préoccupation gouvernementale, mais c'est aussi une condition, lorsqu'on perd sa santé mentale, qui touche énormément de monde, puis c'est important de situer, donc, les valeurs sur lesquelles on va vouloir construire un ensemble de services qui vont toucher un vaste segment de la population.

Alors, la première, c'est la primauté de la personne. Alors, on ne sera pas surpris de comprendre que, si c'est une valeur fondamentale du plan d'action, ce sera également... parmi les premières mesures qu'on proposera viendront soutenir la primauté comme valeur fondamentale autour de ce plan d'action là.

La deuxième grande valeur, c'est le partenariat avec les membres de l'entourage. Et, comme dans de nombreuses autres situations, quand quelqu'un a une condition, surtout une maladie chronique, comme la plupart des maladies mentales le sont, bien, l'entourage est sollicité à tous les niveaux, en termes de soutien dans le rétablissement, soutien dans la convalescence, soutien dans la réinsertion dans un parcours de vie, que je mettrai entre guillemets, normal, avec tout ce que ça suppose, là, de questionnements, bien entendu, mais, sans les membres de l'entourage, quelqu'un qui est en détresse et en souffrance a beaucoup de difficultés à pouvoir s'en sortir seul. Et donc c'est une valeur qui sous-tend l'ensemble du plan. Il faut qu'on ne pense pas juste à la personne qui reçoit des soins mais à son entourage, qui sera là tout au cours du parcours.

Et finalement une troisième grande valeur, qui est celle du partage des responsabilités. Aujourd'hui, je pense qu'on ne peut pas seuls, comme médecins, comme infirmières, comme psychologues, peu importe... comme professionnels, on n'a pas toutes les compétences, on n'a pas toutes les expertises et on doit travailler en équipe. Et donc le partage des responsabilités, c'est fondamental. Et c'est d'autant plus fondamental qu'on ne peut pas faire tout ça sans le patient et sans son entourage. Alors, pour nous, le partage de responsabilités, ça va jusqu'à inclure le patient et son entourage dans toute la réflexion, dans la construction du réseau, dans la réponse aux besoins des individus mais, éventuellement et bien entendu, à même la construction du plan de soins pour l'individu.

Alors, c'est les trois grandes valeurs qui sous-tendent l'ensemble du plan.

Sur la question, donc... Si on revient sur la question de la primauté de la personne, on a pris la peine, comme première mesure de toutes, d'inscrire une mesure qui touchait à cette primauté-là et on l'a découpée en cinq grandes sous-mesures.

• (15 h 30) •

Alors, on en a une première qui touche vraiment la promotion, le respect, la protection des droits. Évidemment, dans le réseau de la santé, de façon générale, on a des lois qui encadrent le respect de la confidentialité, le respect des droits, on sait bien que, comme individu, je dois donner mon consentement pour recevoir des soins, et on ne peut pas m'imposer des soins sans mon consentement, des tests de laboratoire, et ainsi de suite. C'est d'autant plus vrai en santé mentale. Parce que l'enjeu de la santé mentale, ce n'est pas quelque chose qui est évident, là, on ne voit pas quelqu'un rentrer avec une fracture de sa psyché, alors qu'on le voit très bien rentrer avec une fracture du bras à l'urgence. C'est important de concevoir que, quand la personne arrive avec une détresse qui n'est pas visible autrement que par des larmes ou par des comportements, on doit garder à l'esprit, comme intervenant et comme société, que les droits de cet individu-là sont à respecter à tout prix. Ce n'est pas différent de toute autre pathologie, mais c'est plus difficile parfois de garder à l'esprit cette sensibilité-là qu'on doit avoir par rapport à quelqu'un qui a un trouble mental. Donc, une première mesure qui va toucher à cette promotion au respect et à la protection des droits.

Et donc on s'attendra que chaque établissement du réseau où s'offrent quotidiennement des services et des soins en santé mentale établisse un plan qui respecte cette primauté de l'individu et qui prendra forme avec des mesures spécifiques qui vont toucher à la sensibilisation, par exemple, de son personnel sur les enjeux spécifiques autour des problèmes de santé mentale, de l'information et de la formation des gestionnaires pour qu'on comprenne bien à quel point les enjeux de santé mentale touchent un vaste segment de la population et à quel point on doit avoir une sensibilité à ça. Je n'embarquerai pas dans l'enjeu des coûts qui sont inhérents aux troubles mentaux, mais permettez-moi de le résumer en disant que c'est faramineux, ça coûte des milliards de dollars en perte de revenus, en perte de productivité, en absentéisme, en présentéisme, et que, dans ce contexte-là, on doit être capable de bien sensibiliser nos gestionnaires à la nécessité de donner des services efficaces, rapides, rapidement accessibles. Alors, toute cette question-là de sensibiliser nos gestionnaires, nos intervenants, les personnes utilisatrices de services elles-mêmes pour qu'elles sachent bien quels sont les services qui sont disponibles pour eux mais pour qu'elles sachent bien aussi de quelle façon elles... quels droits elles ont dans l'accès à ces services-là et les attentes qu'elles doivent avoir par rapport au respect des droits qu'on fera preuve auprès d'eux, là, quand ils se présentent.

La deuxième, en particulier... Je reviens juste sur... La loi permet un recours exceptionnel à certaines mesures. On pense entre autres à la loi P-38, lorsque quelqu'un représente un danger, l'état mental de cet individu représente un danger pour lui-même ou pour autrui. De façon exceptionnelle, on peut lui retirer un droit fondamental, celui de circuler, qui est un droit constitutionnel, tel que je le comprends. Je ne suis pas juriste, mais c'est ma compréhension, là, on a le droit de circuler librement. Mais, lorsque notre état mental représente un danger pour soi-même ou pour autrui, on peut se faire retirer ce droit-là. Alors, évidemment, ce n'est pas quelque chose qu'on doit faire à la légère, et c'est important que les cliniciens, les professionnels dans nos urgences, dans nos départements cliniques comprennent bien la complexité de cette mesure-là, comprennent bien la sensibilité qu'ils doivent avoir avant de retirer ce droit-là, et de s'assurer qu'ils le font lorsque c'est requis. Il ne faut pas avoir de complaisance par rapport... ou de négligence, mais on doit s'assurer de ne le faire toujours que lorsque c'est requis. Et donc beaucoup de sensibilisation et de formation pour le personnel pour s'assurer que, lorsqu'on retire ce droit fondamental de circuler, on le fasse avec toute la sensibilité et toute la pertinence requises.

La deuxième grande mesure autour de la primauté des personnes touche à la lutte contre la stigmatisation et la discrimination. Les gens qui souffrent de maladie mentale, la littérature l'a assez bien démontré, un des grands freins à aller chercher des services, c'est la peur qu'ils ont de l'étiquette qu'on va poser et du regard que la société, leur entourage, les proches vont poser sur eux s'ils s'affichent, si on leur donne une étiquette de trouble mental.

Moi, quand j'étais plus jeune, il n'y a pas de cela de nombreuses années, il y avait un discours autour du cancer qui était un peu la même chose. Et, je me rappelle, dans les chroniques nécrologiques, là, on lisait quelque chose... «Nous a quittés après un long combat». Mais jamais on ne parlait du mot «cancer». Il y avait une espèce de préjugé défavorable par rapport à cette maladie-là, puis les gens... on ne parlait pas de ce diagnostic-là à l'époque.

Aujourd'hui, on arrête prendre de l'essence dans un poste d'essence puis on a : les jeudis, 0,03 $ vont aller pour lutter contre le cancer du sein. Alors, on ne peut pas même faire le plein sans se faire... sans qu'on nous rappelle que le cancer est un fléau qui touche plein de monde. Mais, quand il vient le temps de parler de santé mentale, on a encore un peu de difficultés.

Depuis quelques années, le ministère a une campagne annuelle qui vise à lutter contre cette stigmatisation-là, mais, avec le plan actuel, en plus d'avoir cette mesure de lutte à la stigmatisation, on va vouloir que chaque établissement joue un rôle actif, joue un rôle actif, par exemple, auprès de ses employés, joue un rôle actif auprès de sa communauté pour que vraiment on puisse à plusieurs faire cette lutte contre la stigmatisation.

Je prends l'exemple de l'institut en santé mentale Douglas, à Montréal, qui, depuis plusieurs années, fait annuellement différentes campagnes ou différentes activités pour vraiment participer à la lutte contre la stigmatisation. Par exemple, ils ont... je n'ai pas le bon terme, là, mais je sais que, certains dimanches, ils font des activités pour les enfants de la communauté pour les informer et un peu démystifier ce qu'est la maladie mentale. Donc, les gens de la communauté sont invités à venir au Douglas pour participer à des activités. Ils font des activités dans le style des visionnements de film avec des discussions subséquentes, où le film peut aborder directement ou indirectement la maladie mentale, puis quelqu'un qui a une expertise professionnelle, et quelqu'un qui a peut-être vécu une situation comme celle-là, viendra discuter avec le public, après le visionnement du film, sur les enjeux que cette maladie-là a pu avoir pour cette personne-là quand est venu le temps de chercher un emploi, quand est venu le temps d'en parler avec sa famille, et ainsi de suite. Donc, des mesures vraiment qui viennent démystifier et qui viennent changer la perspective ou la vision et le jugement que les gens ont autour d'un individu qui a un trouble mental.

Et je conclurais cette section-ci sur l'observation que j'ai... au cours des dernières années, là, où, dans certaines émissions qu'on voit à la télévision... et je n'en nommerai aucune, mais il y en a une qui passe à tous les dimanches soirs, où on voit maintenant, depuis 10 ou 12 ans, cette émission avoir des invités qui font l'actualité — je crois que le ministre est peut-être déjà allé une fois ou deux à cette émission également. Et, au départ, jamais personne n'allait là pour dire : Bien, moi, j'ai eu des problèmes; moi, j'ai vécu des périodes vraiment difficiles de ma vie. Et il y a une coïncidence, là, et je n'émets pas une relation de cause à effet, mais je note que, depuis que le ministère a sa campagne de lutte à la stigmatisation, on a vu un changement dans les thèmes qui sont abordés et on voit régulièrement des acteurs, des comédiens, des hommes ou des femmes d'affaires se présenter au micro de cette émission-là, et ailleurs dans d'autres émissions, on les entend à la radio, on les voit un peu partout, dire : Bien, moi, j'ai vécu une période de détresse. Et donc chacune de ces actions-là permet à des individus de notre société d'être capables, avec confort et avec assurance, d'aller dire : Bien, moi, je suis passé par là et moi, j'ai dû mettre en place des stratégies pour reprendre le contrôle de ma vie. Et je pense que c'est à force d'actions de cette nature-là que, peu à peu, on va démystifier cette maladie-là et que, dans quelques années, j'en suis convaincu, on pourra parler de la maladie mentale comme on parle du cancer. Et peut-être qu'on aura un : mardi, 0,03 $ iront à la fondation X ou Y pour aider à lutter contre la stigmatisation et lutter surtout contre les maladies mentales.

La troisième mesure, toujours autour de la primauté de la personne, c'est celle qui touche à la personne en tant qu'actrice principale des soins et des services qui la concernent. Ça paraît simple, mais ce n'est pas banal, en particulier dans l'univers de la santé mentale et des troubles mentaux. Parce qu'on part... J'ai eu le plaisir de vous dire la semaine passée que la psychiatrie est une spécialité qui a à peine 115, 120 ans, alors que la chirurgie cumule les millénaires d'expertise et de traditions. Et donc, il n'y a pas si longtemps, la psychiatrie était essentiellement quelque chose qu'on réservait dans un asile à l'extérieur de la ville, avec des grands murs. Et on protégeait les gens à l'intérieur contre la société à l'extérieur, puis on protégeait la société à l'extérieur contre ces gens qui étaient fous. Et donc ce n'est pas évident de passer en quelques décennies de cette perspective qu'il faut qu'on se protège des fous à la perspective qu'on va s'asseoir tous ensemble puis on va discuter de votre plan de traitement.

Ça va de soi quand il vient le temps de parler de «vous avez une douleur à la hanche, on aimerait pouvoir vous proposer certains traitements». Peut-être qu'on va les mettre par étapes, on va commencer par de la physiothérapie, puis de l'ergothérapie, puis, quand on aura vraiment atteint la limite de ces interventions-là, bien, on passera à une chirurgie de la hanche. Ça va de soi, puis on ne le ferait pas sans la personne. Mais, encore récemment, c'est ce qu'on faisait beaucoup en santé mentale. Et donc c'est important de développer vraiment cette capacité de mettre l'individu qui va recevoir nos services au centre de l'équipe qui va déterminer les services qu'on va choisir pour qu'ils soient vraiment en fonction des besoins, du développement, des objectifs de vie, des objectifs de participation sociale que l'individu qui va recevoir nos services se fixe lui-même.

Et donc, dans le plan de primauté que chaque établissement qui offre des services en santé mentale développera, on voudra s'assurer qu'il y aura une section qui vraiment permet d'accompagner les professionnels, les cliniciens qui donnent des services dans l'appropriation, pour eux, du rôle de partenaire de la personne qui reçoit ces services-là. Parce que, je le répète, là, on ne le dira jamais assez, si on s'assoit avec un patient pour discuter de son plan de traitement pour sa maladie cardiaque, pour son diabète, pour ses douleurs articulaires, on doit faire la même chose aussi avec quelqu'un qui a un trouble mental et vraiment articuler nos soins en fonction de ses besoins et de son développement.

Le quatrième élément qu'on voudra développer au sein du réseau, c'est vraiment d'être à l'écoute de la détresse des membres de l'entourage. On a parlé, dans... Quand on parle de maladies chroniques... Je l'ai dit tout à l'heure, on ne peut pas parler de maladies chroniques sans parler de l'entourage, de leur investissement, du temps qu'ils passent pour soutenir leurs proches, et c'est vrai aussi quand quelqu'un a un trouble mental. On comprend que, quand 50 % de ces troubles-là commencent avant l'âge de 14 ans, c'est que ça sollicite la famille très tôt dans le parcours de vie de l'individu, contrairement à, par exemple, une maladie d'Alzheimer qui commence à 55, 65, 75 ans, et là la famille se mobilise pour soutenir la personne. Ici, on a quelqu'un qui, à 13 ans, commence, par exemple, son premier épisode psychotique. Qu'est-ce qu'on fait pour le soutenir à l'école, comme parent? Qu'est-ce qu'on fait pour s'assurer qu'il ne perde pas son réseau d'amis, qu'il continue à jouer au hockey ou d'aller à son cours de piano? Et donc c'est extrêmement — j'ai juste le mot anglais, là, je m'excuse, là — «distressing». Ça provoque énormément de détresse pour l'entourage quand une maladie comme ça, aussi sérieuse que celle-là, frappe un membre de sa famille. Comme on ne connaît pas beaucoup ça, il y a tous les préjugés aussi.

Donc, on voit ici le lien entre soutenir les personnes qui ont la détresse et lutter contre la stigmatisation. Parce que, si c'est difficile pour un individu d'aller consulter parce qu'il a peur de l'étiquette, c'est aussi difficile pour un autre individu de dire, au bureau : Hé! je suis pas mal inquiet, je pense que mon fils commence une psychose. Ah oui? Ah oui? Tu sais, ce n'est pas toujours quelque chose qui est nécessairement bien reçu de l'entourage.

Alors donc, être à l'écoute de cette détresse-là et s'assurer que les organismes communautaires qui agissent auprès des familles pour soutenir ces familles-là soient bien arrimés avec nos services pour qu'on puisse faire la promotion de leurs services, référer les gens de l'entourage auprès de ces organismes-là pour aller chercher à la fois de l'information sur les maladies, sur les conséquences de ces maladies-là et aussi aller chercher des outils pour mieux soutenir leurs proches, mieux les accompagner dans leur insertion ou leur réinsertion dans la société...

• (15 h 40) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous aurons l'occasion peut-être d'en discuter avec les collègues un peu plus tard. Alors, je cède maintenant la parole, pour un bloc de 21 minutes, à notre collègue de Taillon.

Mme Lamarre : M. le Président, j'aimerais laisser la parole à mon collègue...

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Berthier?

Mme Lamarre : ...de Berthier, absolument.

Le Président (M. Tanguay) : Oui. La parole est à vous.

M. Villeneuve : Bonjour, M. le Président. Je vous salue et je veux saluer toutes les personnes présentes ainsi que ceux qui nous écoutent par les médias interposés. Je veux saluer, bien sûr, M. le ministre.

M. le ministre, question très rapide, très simple. Vous connaissez ma région, vous avez déjà fait campagne électorale dans le coin de Saint-Gabriel-de-Brandon, vous connaissez le secteur, vous connaissez aussi Saint-Michel-des-Saints et Saint-Zénon, deux communautés qui actuellement... sur lesquelles se trouvent, pour Saint-Michel-des-Saints et Saint-Zénon, un CLSC, pour Saint-Gabriel aussi, un CLSC.

Alors, je sais que les GMF pourraient demander que des gens, des professionnels de la santé, soient rapatriés chez eux par l'entremise du CISSS. Et, dans le fond, ma question est fort simple : Étant donné que c'est... Saint-Michel-des-Saints, notamment, qui est très isolé, à 1 h 30 min du premier hôpital. Il n'y a pas de GMF, là, à Saint-Michel-des-Saints et Saint-Zénon puis ni à Saint-Gabriel. Est-ce que le ministre peut garantir à mes communautés, aux communautés, que le personnel qui est actuellement dans les CLSC va y demeurer et ne sera pas redirigé finalement dans des GMF?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Là, M. le Président, je suis un peu étonné de la question. Parce que, s'il n'y a pas de GMF, c'est assez difficile de faire migrer le personnel du CLSC au GMF s'il n'y en a pas.

Ceci dit, ça recoupe un peu une des questions qui a été posée précédemment par une de nos collègues, la députée de Chauveau, à laquelle je répondais en disant qu'il est pour nous essentiel dans les prochaines années — et pas pendant les 20 prochaines années, le plus rapidement possible — de faire en sorte que la pratique de la médecine de première ligne migre vers la pratique en GMF. C'est ça qui est la tendance et c'est même devenu un sine qua non de la part des jeunes finissants. Je ne vois plus et je ne connais plus, sauf de rares exceptions, de jeunes qui entrent en pratique autrement qu'en GMF. Ce n'est plus un modèle de pratique qui a vraiment la cote auprès des professionnels autonomes que sont les médecins. Alors, il va donc sans dire qu'au fil du temps la pratique en solo, en cabinet de deux, trois médecins, est probablement un type de pratique qui est en voie de disparition. Et, bien honnêtement, M. le Président, je pense qu'il faut que ce soit en voie de disparition, sauf exception.

Et là j'arrive à l'exception. Évidemment, des groupes de médecine de famille, le mot le dit, c'est des groupes. Ça peut s'appliquer, des groupes de médecins de famille... ou de déployer dans des endroits où il y a une population moins grande, moins dense. Et plus on est dans une zone éloignée... pas une région éloignée, parce que ce n'est pas parce qu'on est dans une région éloignée qu'il n'y a pas des agglomérations. Mais par contre, quand on est dans une zone éloignée d'une région éloignée, ça fait pas mal éloigné. Alors, il y aura encore ponctuellement des gens qui auront des pratiques solos, par choix et non par obligation, dans ces zones-là. Et là, bien, il y aura un support à leur donner.

Alors, à la question précise que notre collègue me pose, nous n'avons pas l'intention de faire migrer du personnel de CLSC dans des GMF à Saint-Michel-des-Saints puisqu'il n'y en a pas. S'il y en avait... Bien, on verra à ce moment-là, mais là on n'est pas rendus là, mais vraiment pas, et on tombe donc dans une question totalement hypothétique.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Collègue de Berthier?

M. Villeneuve : Oui, merci, M. le Président. Bien, écoutez, il y a des GMF... Ça dépend, s'ils migrent, jusqu'où, là, au niveau des gens. Enfin, bref.

Autre point, M. le Président. Saint-Michel-des-Saints, Saint-Zénon ont beaucoup de difficultés à recruter des médecins, Saint-Gabriel aussi. Et l'agence, à l'époque, qui est le CISSS maintenant, avait appuyé une stratégie en se basant sur les IPS, les infirmières et infirmiers praticiens. Et on a vu que, dernièrement, beaucoup d'IPS choisissent d'aller travailler au privé. Donc, la stratégie comme telle pour justement pallier au manque de médecins à Saint-Michel-des-Saints, Saint-Zénon et Saint-Gabriel se trouve quelque peu fragilisée par cette tendance.

Qu'est-ce que le ministre entend faire pour justement s'assurer que Saint-Michel-des-Saints, Saint-Zénon et Saint-Gabriel puissent avoir une couverture médicale? Parce qu'il y a des ruptures de service en termes de médecins. Et donc, comme je vous le dis, les IPS étaient la stratégie sur laquelle tout le monde travaillait, et là on se retrouve dans une situation un peu délicate.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Bon. Alors, M. le Président, il y a beaucoup d'affirmations dans le commentaire introductif de notre collègue député. La réalité, là, n'est pas qu'il y a beaucoup d'infirmières qui s'en vont au privé. On a rapporté le cas d'une infirmière qui s'en allait au privé, une, ou deux, ou trois, là, mais il y a 381 infirmières praticiennes spécialisées au Québec. Il n'y a pas un grand nombre d'infirmières praticiennes spécialisées qui s'en vont au privé. Alors, ça, il faut corriger ça un peu, je pense.

Maintenant, l'accès aux services de première ligne, il va passer aussi par une distribution adéquate sur le territoire des effectifs médicaux nouvellement gradués. C'est par là que ça va passer aussi. Il n'y a pas de problème à ce qu'il y ait des services autonomes livrés par des infirmières praticiennes, c'est quelque chose auquel on croit mais dans un contexte que j'ai déjà décrit, un environnement qui est idéalement celui d'un groupe de médecine de famille.

Je l'ai dit il y a quelques instants, un groupe de médecine de famille, ce n'est pas en opposition avec une zone plus rurale. Alors, il y a des zones plus rurales, au Québec, où il y a des groupes de médecine de famille qui couvrent un grand territoire et qui vont travailler en équipe pour desservir les gens.

Alors, la relation de cause à effet ou encore l'association qui est faite par notre collègue quant à la possibilité de perdre ou de ne pas avoir accès à des services parce qu'une ou deux infirmières praticiennes spécialisées choisissent de s'en aller au privé, je pense que c'est une corrélation que je vais qualifier d'exagérée. Je comprends le commentaire, mais je ne pense pas que ça reflète une tendance. Je pense que la tendance, elle est plutôt inverse, qui est celle, pour nous, de gérer la distribution des effectifs médicaux d'une façon plus serrée.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Collègue de Taillon, la parole est à vous.

Mme Lamarre : Oui, M. le Président. Alors, écoutez, c'est certain, ce matin on a entendu le ministre — et on s'en réjouit — reconnaître le travail des IPS de façon autonome. Je pense qu'il y a urgence... Peut-être qu'il y a peu de gens qui le savent, mais une IPS, dans sa formation, elle signe un contrat qui la lie au régime public en santé pour une période de trois ans. Or, quand on regarde les tableaux avec les taux de diplomation des IPS, on se rend compte qu'on a quand même, sur les 312 infirmières praticiennes spécialisées qui sont en première ligne... donc 312 seulement, il y en a 382, mais il y en a dans les spécialités, 312 en première ligne, bien, on en a probablement autour de 150 qui ont déjà complété leurs trois années dans le système public et qui deviennent donc de très bonnes candidates pour être sollicitées au niveau du système privé.

Et c'est ce qu'on voit dans différents... entre autres, dans la région de mon collègue député de Berthier, première clinique privée sans médecin dans Lanaudière. Mais la lecture de l'article nous dit clairement qu'il y a déjà des équipes d'IPS qui s'installent au privé en facturant 60 $ de la consultation aux patients. Alors, on se rend compte que, dans des circonscriptions, dans des régions plus démunies, comme celle de mon collègue mais il en existe d'autres aussi au Québec, ça va aller très vite, on va vraiment perdre... il va y avoir une migration des IPS du système public au système privé. Il y a donc urgence pour le ministre de redonner à ces IPS leur autonomie.

Ce matin, il a manifesté une certaine ouverture. Est-ce que le ministre peut nous dire qu'est-ce qu'il va mettre en branle immédiatement ou, en tout cas, de façon rapprochée pour permettre l'autonomie des IPS, puisque dans ces villes, Saint-Gabriel, Saint-Zénon, c'est une question, là, de services essentiels qui ne sont pas disponibles à ce moment-ci?

• (15 h 50) •

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, je comprends bien le commentaire de notre collègue de Taillon face à des choix que font des professionnels de la santé. Alors, on connaît l'aversion qu'a le Parti québécois pour tout ce qui est privé, même quand c'est public mais qui est à l'extérieur d'un hôpital ou d'une institution. On sait que c'est, dans la philosophie du Parti québécois et de Québec solidaire, d'ailleurs à proscrire. C'est à proscrire. À moins que nos collègues de la CAQ aient changé de vision à cet égard-là, ce n'est pas le cas à la CAQ. Alors, il y a là une problématique qui semble grave, puisque la députée de Taillon m'invite à prendre une décision de façon urgente. C'est ce qu'elle vient de nous dire. Bon.

Je ne pense pas, moi, que le remède à cette situation-là, si tant est que ça exige un remède, là, ça passe par autre chose que de s'assurer que l'on amène à la fois des effectifs médicaux sur le terrain dans ces régions et qu'on les incite à faire en sorte qu'ils travaillent en interdisciplinarité pour accueillir et collaborer avec ces professionnels-là. On pourrait s'interroger sur la motivation de ces infirmières-là praticiennes spécialisées. Qu'elle est la proportion du désir d'aller au privé? Est-ce que c'est simplement parce que le public ne les satisfait pas ou y a-t-il une composante pécuniaire qui est associée à ça? Je ne le sais pas, moi. Par contre, on demeure dans un pays libre, aux dernières nouvelles, et les gens sont libres de faire les choix qu'ils ou elles veulent.

Mais la réponse à la problématique qui existe dans l'accès en première ligne passe par une distribution adéquate et des effectifs médicaux et des effectifs des autres professionnels, et ce, c'est ce à quoi nous nous appliquons aujourd'hui.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Collègue de Taillon.

Mme Lamarre : Alors, on l'a vu, notre ministre, malheureusement, s'oppose aux cliniques publiques d'IPS. Il y en a une, la clinique SABSA, qui va fermer dans cinq jours maintenant, et il ne la soutient pas, il ne donne pas d'argent, alors que, dans les cliniques qu'il a annoncées hier, il est prêt spontanément à donner un 60 000 $ d'emblée au départ et puis ensuite des montants de 80 000 $ et 320 000 $, selon le nombre de patients pris en charge. La clinique SABSA offre déjà des services, elle a déjà des patients, qui vont devenir orphelins. Il y a 1 500 patients qui vont devenir orphelins le 1er mai. Alors est-ce que le ministre va laisser se créer un réseau de cliniques d'IPS privées alors qu'il s'oppose aux cliniques publiques d'IPS?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président...

Mme Lamarre : C'est un choix, là. Il faut que le ministre soit conscient, là, que, clairement, la population l'observe, et il fait un choix. Il rejette, il refuse de soutenir une clinique qui a déjà des patients et il reste, je vous dirais, immobile face à des risques que les quelques IPS que nous avons, alors qu'il disait ce matin qu'il était pressé d'en avoir beaucoup et qu'il voulait les amener en soutien... Bien, moi, je vois une espèce de non-concordance entre le discours de ce matin où on dit : On en veut, on en veut plus, et le fait que, tout à coup, ce n'est pas grave qu'elles s'en aillent au privé. Je pense qu'on... Le ministre a le pouvoir de donner des messages clairs et de dire aux IPS : On veut vous garder dans le système public, on a besoin de vos compétences, de votre expertise, et vous faites partie de l'amélioration de l'accessibilité aux soins.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Alors, M. le Président, évidemment je vais être totalement cohérent avec toutes les positions que j'ai prises et exprimées à date à cette étude des crédits. Voulons-nous avoir les infirmières praticiennes spécialisées? La réponse est oui. Est-ce que je trouve malheureux qu'elles quittent vers le privé? La réponse est oui. Mais de dire que je suis immobile, bien, ça, M. le Président, c'est vraiment nier les faits et ne pas prendre en compte les commentaires et affirmations que j'ai faits.

Je vais commencer par la première, M. le Président, toujours sur une base didactique. C'est facile de mettre ça à cette échelle-là, là. Il y a deux rues, il y a deux coins de rue entre SABSA et le CLSC, deux minutes sur Google. M. le Président, nous avons offert aux infirmières praticiennes spécialisées, à l'équipe, même, de SABSA de s'intégrer, comme ça devrait être le cas, au CLSC qui est à 40 mètres de l'endroit actuel de SABSA. Ça a été refusé. Alors, on ne peut pas me dire que je suis immobile alors que je fais des propositions.

Maintenant, M. le Président, pourquoi est-ce que je défends à ce point-là l'intégration de ce personnel-là dans une entité? Bien, c'est simple, c'est une question d'efficience. Et, à partir du moment où on prononce le mot «efficience», on entre dans l'environnement budgétaire. Et j'ai dit, au salon bleu, à une question... je vais répéter la réponse que j'avais formulée à l'époque, j'avais dit : Les chercheurs qui ont fait une étude qui a été citée par la députée de Taillon, bien, ces chercheurs-là ont fait une analyse économique et ils ont dit une chose qui est fausse, une chose qui est leur appréciation, ils ont dit que, sur une base annualisée, le coût des services rendus à SABSA était de 204 000 $. Or, comme je l'ai dit au salon bleu, SABSA, pour continuer à vivre, nous a déposé un plan d'affaires qui nous amène à un coût de 465 000 $. Ce n'est pas rien, là! 208 000 $ à 465 000 $ avec des projections qui sont celles d'une certaine clientèle.

Qu'est-ce qu'on a fait, nous, M. le Président? On a été responsables et on a fait l'analyse réelle mais basée sur le bon critère, pas une économie théorique de 120 000 $, qui est l'affirmation des chercheurs, dont Damien Contandriopoulos. Il n'y a pas d'économie à SABSA...

Une voix : ...

• (16 heures) •

M. Barrette : ... — M. le Président, je comprends, mais la réponse ne peut pas être autrement que longue — il y a des dépenses supplémentaires. Parce que, si ces services-là étaient donnés ailleurs, il y aurait des services de plus. Il n'y a pas d'économie, là, qui est là.

Mais laissons faire la partie économique... de l'économie. Revenons au coût unitaire du service, M. le Président. On a fait une comparaison. On a comparé les services fournis chez SABSA à une clientèle qui est celle que l'on connaît et on s'est posé la question : Est-ce qu'il y a ailleurs au Québec des entités, des groupes de médecine de famille, des CLSC qui offrent des services à des clientèles semblables en volume, en proportion? La réponse, c'est oui. La réponse, c'est oui. On a pu comparer le coût unitaire du service avec les données que nous possédions de la clinique L'Actuel et la clinique du Quartier latin, qui sont des cliniques qui oeuvrent auprès de clientèles identiques à celles de SABSA. Et qu'est-ce que l'on a constaté, M. le Président? On a constaté que l'échelle que l'on doit utiliser, évidemment, est le coût d'une visite. On comprend‑u, là, puis on va-tu accepter que le paramètre qu'on doit analyser dans une clinique, c'est bien les visites? Ça ne fait pas de la représentation, une clinique, là, ça ne fait pas de la publicité, M. le Président, ça fait des visites, des gens qui vont recevoir des services. Et je termine là-dessus, M. le Président. Et on a constaté qu'à SABSA le coût moyen par visite était de 131 $ par rapport aux deux autres cliniques que j'ai mentionnées, de 81 $ et 99 $. SABSA coûte 50 % plus cher par visite que les autres. Pourquoi? Parce que c'est le dédoublement.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. On va poursuivre l'échange. Collègue de Taillon.

Mme Lamarre : Alors, j'ai la page 199, ici, du tableau des dépenses récurrentes et non récurrentes des GMF, et en moyenne les GMF coûtent 440 300 $ de frais récurrents, dans lesquels il y a des frais de personnel infirmier, il y a des frais de déplacement, des frais de loyer, des frais de formation, d'aménagement, d'informatisation. Donc, sur ce modèle, le ministre n'a pas de difficulté à donner beaucoup d'argent, et, sur le modèle de la clinique SABSA, qui a une population très spécifique...

Je vais poser une question plus directe, M. le Président, par votre intermédiaire. J'aimerais savoir : Est-ce que le ministre a visité la clinique SABSA?

M. Barrette : Non.

Mme Lamarre : Est-ce que le ministre a regardé l'émission Second Regard qui portait sur des patients qui étaient suivis à la clinique SABSA?

M. Barrette : Je l'aime même enregistrée, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Ah! la question était : L'avez-vous regardée?

M. Barrette : Oui, je l'ai regardée, puisque je l'ai enregistrée pour la regarder. Puis, si vous voulez, on pourra prendre un café chez moi puis on la réécoutera à répétition.

Le Président (M. Tanguay) : O.K. Collègue de Taillon.

Mme Lamarre : Bien, je pense que le ministre fait preuve, dans ce cas-là, d'une situation où il... J'aurais aimé qu'il aille visiter. Moi, je suis allée la visiter avec le chef du Parti québécois et je peux vous dire que, pendant que j'étais là, il y a des patients du CHU de Québec qui y ont été référés, il y a des patients du CLSC voisin, dont le ministre aime bien parler... qui ont référé leurs patients à cette clinique. Donc, il y a une diversité de personnes et de besoins en santé, et le ministre a certainement une connaissance de certains besoins en santé peut-être plus physiques, mais, quand il y a des dimensions plus psychosociales, on le sent beaucoup plus...

M. Barrette : M. le Président...

Mme Lamarre : ...beaucoup plus difficile à sensibiliser, à ce moment-ci, puisqu'il n'a pas pris la peine de visiter la clinique SABSA.

Le Président (M. Tanguay) : Appel au règlement. M. le ministre.

M. Barrette : Oui. Alors, est-ce qu'on pourrait ne pas me prêter des intentions d'expressions émotives?

Le Président (M. Tanguay) : Oui, oui, oui. Alors, faisons attention, chers collègues. Alors, pour encore 30 secondes, collègue de Taillon.

Mme Lamarre : D'accord. Alors, bien, écoutez, moi, ce que je veux... Je vais conclure en disant : Le ministre a un souci irrévocable d'équité entre les médecins du Québec et les médecins de l'Ontario pour la rémunération. Quand il s'agit du nombre d'IPS et du contexte de travail des IPS, je ne sens pas cette même préoccupation, mais peut-être que je me trompe, peut-être qu'au fond le ministre tient immédiatement à offrir les mêmes conditions aux IPS du Québec que ce qu'il y a en Ontario, mais, sincèrement...

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Merci beaucoup. Merci. Alors, pour un bloc de 20 min 30 s, je cède la parole à notre collègue de Crémazie. La parole est à vous.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Je permettrais peut-être au ministre de compléter, s'il en sentait le besoin.

M. Barrette : Oui, bien, merci, Mme la députée. M. le Président, je vais compléter quand même parce que c'est important, là, ici, ce sujet-là. Je le sais que vous allez trouver ça non didactique, mais, lorsqu'on a parlé du programme du Parti québécois, je constate que la députée de Taillon n'était pas présente pour défendre SABSA. Il y avait juste des hommes, d'ailleurs personne qui traitait de la santé. C'est toujours intéressant à voir.

M. le Président, là, si on continue à faire le tour sur SABSA, ce que la population veut aussi, mais je dirais même en premier, ils veulent qu'il y ait une bonne gestion de notre réseau de la santé, une bonne gestion qui va évidemment permettre à donner les meilleurs soins possible à la population dans le meilleur environnement possible, dans le meilleur contexte possible. Et, je le répète, M. le Président, le CLSC... Je serais très heureux, moi, d'intégrer le personnel avec leur approche, avec leur finalité dans le CLSC qui est à côté, mais force est de constater qu'on en fait ici une bataille qui est essentiellement idéologique, à propos de laquelle on fait abstraction de la contrainte budgétaire. C'est comme une campagne électorale où on présente un budget sans crédits. On annonce toutes sortes de choses qui n'arriveront pas, parce qu'on le sait, parce qu'on n'a pas l'argent, mais on les annonce pareil pour faire rêver les gens, et, quand on prend le pouvoir, bien, on annonce des coupures. C'est comme ça que la dernière campagne électorale s'est faite au Parti québécois, c'est comme ça qu'on a pu constater qu'il y aurait eu un déficit de 7 milliards de dollars, 3,2 qui étaient fermes, 7 avec les annonces. C'est ça, la réalité du Parti québécois, et là il n'y a pas de problème, on vend ça à la population puis on le fait, là, sans aucune hésitation.

Et, en passant, ça va être exactement comme ça que ça va se passer avec l'école de la souveraineté. Ça va être pareil parce qu'il est inscrit dans l'ADN du PQ qu'on doit dorer la pilule, faire croire aux gens qu'on a les moyens de pour arriver au bout et de convaincre la population de voter pour soi. Nous, au Parti libéral, on pense que nous devons faire le mieux en commençant par faire le bien, en prenant en considération nos contraintes budgétaires.

Je vais revenir à SABSA, M. le Président. On a comparé des cliniques, puis, oui, je l'ai vue, Second regard. Et, contrairement à la députée de Taillon, moi, je n'ai pas besoin d'aller faire une visite à SABSA, j'ai baigné dans cet environnement-là pendant toute ma carrière. Moi, ça s'adonne que j'ai pratiqué dans des hôpitaux où on voyait de tout, le meilleur comme le pire, les gens dans toutes les conditions, et, s'il y a une leçon que je ne peux pas avoir à recevoir de la députée de Taillon, c'est bien celle de la connaissance de la misère humaine. Je l'ai vue, et je l'ai expérimentée, et je suis ici pour améliorer les choses.

Maintenant, quand on regarde les choses d'une façon rigoureuse — un mot qu'utilise souvent la députée de Taillon — pour prendre une décision, M. le Président, on regarde le côté aussi économique. Comment on a fait ça? Je vais le répéter puis je vais rentrer un petit peu dans le détail. On a regardé la clientèle de SABSA, on a cette information-là dans le détail. On a regardé les proportions de patients très vulnérables en fonction, entre autres, de leur toxicomanie, les autres types de vulnérabilité, et, eh oui, il y a des patients qui ne sont pas classés vulnérables chez SABSA. Il n'y a pas que des patients vulnérables, et ça, c'est la réalité. On peut faire la même chose dans les autres cliniques auxquelles on a comparé SABSA, des cliniques qui sont dans des environnements similaires.

Je vois la députée de Taillon faire non de la tête. Je comprends difficilement comment qu'elle peut dire non, la clinique Actuel ne traite pas des gens vulnérables et la clinique du Quartier latin non plus. Ce sont des cliniques qui sont dans les quartiers les plus défavorisés de Montréal, où il y a une proportion de toxicomanie, d'hépatite C, et ainsi de suite, similaire à ce que la clinique SABSA reçoit comme clientèle.

• (16 h 10) •

Et, oui, par contre, contrairement à ce qu'elle invoque ou évoque dans son commentaire, on est capables d'évaluer les coûts d'opération, et ainsi de suite, parce qu'on a évidemment le financement de l'un et de l'autre. Et, quand on fait cette comparaison-là, M. le Président, ce n'est pas une question d'opposer la valeur ou l'intérêt des infirmières praticiennes spécialisées aux médecins ou les pharmaciens aux médecins. Je comprends que l'approche de la députée de Taillon est toujours teintée de cette opposition-là, mais ce n'est pas ça qui est l'enjeu. L'enjeu est de faire la bonne chose pour le patient, pour les citoyens à l'intérieur de nos contraintes budgétaires. Quand on fait ça et que l'on constate que, pour la même visite dans deux lieux différents, pour les mêmes clientèles et que la visite passe dans un GMF qui est organisé pour avoir un certain volume, un certain débit, une certaine attention, une certaine organisation à sa clientèle, on a des coûts qui sont de l'ordre de 81 $ à 99 $ et qu'on compare ça à 131 $, comment serait-il justifié pour un gouvernement de balayer ça du revers de la main?

On pourrait comprendre, M. le Président, que... — et je vois du coin de l'oeil mon collègue qui est député de l'Ungava, qui... lui, là, il est dans le Grand Nord — on pourrait comprendre... et je veux même vous affirmer que là-bas le service coûte plus cher, parce que là-bas tout coûte plus cher, puis il y a un problème d'accès là-bas aussi. Et il n'y aurait aucune justification de nier ce fait-là, c'est impossible de faire autrement. Mais, si on est dans un environnement urbain où on peut faire autrement, intégrer ces équipes-là dans un environnement où on empêche les dédoublements, où on a l'efficience par la collaboration, où on n'a pas deux systèmes de ceci et deux systèmes de là... J'écoutais, il y a quelques instants, la députée de Taillon nous dire : Quand c'est les médecins, on leur fournit ci, on leur fournit ça, ta, ta, ta. Bien oui, mais, quand c'est une infirmière praticienne spécialisée à Kuujjuaq, là, on va lui fournir ça aussi. Parce que, dans un dispensaire du Grand Nord, il n'y a pas d'autre possibilité. Mais, si, comme gestionnaire, j'ai la possibilité d'unir les forces pour diminuer les coûts d'opération et d'augmenter la collaboration, quel principe de gestion devrait-il m'en empêcher? En réalité, les principes de gestion vont me dire : Si vous ne faites pas ça, M. le ministre, vous n'êtes pas bien bon. Alors, si l'opposition choisit de ne pas faire ça, bien, il y a deux possibilités : ou bien ils ne sont pas bien bons ou bien donc c'est une position idéologique. Je pense que, dans les deux dernières années, tout le monde a compris qu'il y avait, dans la vision de la députée de Taillon et du Parti québécois, une certaine adversité face au corps médical. On l'a tous compris, senti, ça a été clairement exprimé.

Maintenant, M. le Président, en tant que gestionnaires, on ne peut pas emprunter cette voie-là. Avons-nous été actifs face à SABSA? Oui, on leur propose encore aujourd'hui de s'intégrer avec le plus grand des plaisirs. Est-ce que ça va empêcher, cette intégration-là, à ces infirmières-là d'aller sur le terrain comme elles le font partout? La réponse, c'est non. Est-ce que ça va empêcher la clientèle qui aime les services qui sont donnés par ces infirmières-là de les suivre? La réponse est non. Est-ce qu'on va les empêcher de venir les voir? La réponse est non. Les conditions sont là pour continuer ce travail-là, mais nos conditions à nous, bien, malheureusement, doivent prendre en compte la question budgétaire, et non le choix de l'idéologie.

Je le répète, et je termine là-dessus, 131 $ versus 81 $ la visite, ça, c'est la réalité vérifiée. 204 000 $, selon un chercheur, et une demande de 465 000 $, ça aussi, c'est un fait. Et là on voudrait, là, que je ne prenne pas ça en considération, et en plus on me reproche de le prendre en considération. M. le Président, je pense que les gens qui nous écoutent à cette étude des crédits où on décide, et discutons, et débattons de la manière de dépenser les impôts et les taxes des citoyens, qui en paient déjà beaucoup... bien, je pense que c'est opportun de faire la démonstration que je viens de faire de façon à ce que les gens réalisent qu'ici l'enjeu n'est pas l'appréciation du travail fait par les infirmières praticiennes spécialisées, mais bien la gestion du coût du service, tout simplement. Et il apparaît donc raisonnable que, dans un environnement où il est possible de faire des coûts... des gains d'efficience dans notre réseau en demandant la collaboration dans une structure qui soit intégrée, il m'apparaît donc que ce soit la voie à prendre, la voie du bon sens.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Collègue de Crémazie.

Mme Montpetit : Je vous remercie pour cet énoncé éloquent, M. le ministre. Et, si vous me permettez, je reprendrai les échanges que nous avions avec Dr Delorme un petit peu plus tôt, comme le temps passe extrêmement vite, et que nous n'avions pas eu le temps de compléter.

Et j'ajouterais à ça que, bon, pour avoir travaillé, dans une autre vie, là, sur le concept du patient partenaire, j'étais très contente de la réponse que vous nous faites, là, à savoir que c'est une valeur qui va être remise au coeur de la pratique de la santé mentale. Et Dr Delorme mentionnait que la psychiatrie, puis moi, je vais ajouter la psychologie, comme c'est la spécialité que j'ai étudiée, sont des spécialités qui sont encore très jeunes, hein, qui ont à peine 10 ans. Et qui dit jeune dit évolution, dit renouvellement. Et je voyais qu'il y avait plusieurs changements dans les pratiques. Et je voulais aborder la question du suivi intensif dans le milieu, peut-être pour mettre la table très rapidement... puis je vous laisserais aller parce que je suis certaine que vous pourrez nous expliquer ça beaucoup mieux, là, mais je voyais que c'est un concept, dans le fond, qui est appuyé par de nombreuses études expérimentales, là, donc que le suivi intensif en équipe dans la communauté est en train de devenir un modèle de référence dans plusieurs pays, en ce sens qu'il vise à desservir les personnes qui souffrent de troubles mentaux dans le milieu de leur choix, donc dans le milieu ou dans la communauté. Et donc, à cet effet-là, je pense que c'est quelque chose qui est quand même relativement... je vais mettre «relatif», là, mais relativement nouveau, puis je voulais savoir si vous pouviez nous en dire davantage, mais surtout les contextes dans lesquels il s'applique et le type de personnes aussi, parce que je présume que ce n'est pas tous les types de clientèle qui peut s'appliquer non plus.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, M. Delorme, toujours sur le même consentement, je crois, collègues, pour qu'on puisse entendre M. Delorme. Alors, oui, allez-y.

M. Delorme (André) : Oui, juste question que je ne déborde pas, comme j'ai presque fait tout à l'heure, là...

Le Président (M. Tanguay) : Huit minutes.

M. Delorme (André) : Merci, M. le Président. Bon, alors, le suivi intensif, effectivement, c'est une relativement récente modalité, c'est quelque chose... On parlait tout à l'heure, là, de l'ancienne façon de faire de la psychiatrie dans les asiles. Au cours des années 60 et 70, on a commencé un long processus de désinstitutionnalisation pour permettre aux gens de réintégrer peu à peu la communauté. Et donc, dans les années 70, on a développé spécifiquement le suivi intensif dans le milieu vraiment pour accompagner des gens qui avaient généralement des schizophrénies chroniques, qui étaient hospitalisés depuis des années, et là on se demandait comment bien les accompagner pour qu'ils fassent la transition vers la communauté. Et donc le suivi intensif est mené dans ce contexte.

Aujourd'hui, il a évolué parce que la société a beaucoup évolué. On n'a plus maintenant des centaines et des centaines de personnes qui vivent depuis des dizaines d'années dans des hôpitaux psychiatriques, mais on a encore beaucoup de personnes qui souffrent de schizophrénie. En fait, on a presque 1 % de la population qui sera touchée au cours de sa vie par la schizophrénie. Évidemment, 1 %, ce n'est pas beaucoup si vous me dites que j'ai 1 % de probabilité de gagner un gros lot, mais, en termes médicaux, 1 %, c'est beaucoup de monde dans une société, en particulier une maladie aussi complexe et qui peut être débilitante ou handicapante.

Le suivi intensif, donc, s'adresse spécifiquement à cette clientèle-là, et, parmi ceux qui ont la schizophrénie, ça touche à peu près le 10 % qui ont le parcours le plus malheureux, le plus chaotique. Alors, malgré toutes sortes de développement en termes de pharmacologie ou en termes d'autres interventions psychosociales pour soutenir les gens qui ont une schizophrénie, et j'inclurais aussi la maladie affective bipolaire, il y a quand même un 10 % qui, malgré tous les traitements qu'on connaît, ont de la difficulté à se maintenir dans un état d'équilibre, qui font des rechutes à répétition, soit de psychose ou de consommation de substances, de drogues, et qui, suite à la rechute de consommation, refont une rechute psychotique, se retrouvent souvent dans des conditions très précaires de pauvreté, parfois d'itinérance, parfois de judiciarisation après avoir commis certains délits.

Et donc, ce 10 % là, on s'est rendu compte aujourd'hui que c'est ce segment-là de la population qui souffre de schizophrénie qui répond bien à cette modalité-là. C'est une modalité qui est assez, je dirais, impressionnante. C'est la pratique que moi, je fais. J'ai toujours continué à faire une pratique avec une équipe de suivi intensif dans le milieu, et on voit des gens, donc, qui ont un handicap certain avec leur maladie. Et j'ai vu, moi, certains patients arriver, après plusieurs années enfermés dans leurs sous-sols, en psychose chronique, méfiants par rapport à leur entourage, leurs familles, les voisins, la société en général, et, avec une équipe de suivi intensif, être capables de, peu à peu, sortir de cet engrenage de peur, de méfiance, d'isolement, et reprendre des activités, parce que le suivi intensif, ce n'est pas une modalité de traitement, c'est une modalité de réadaptation.

Alors, je donne souvent l'exemple que, si j'ai une fracture de la hanche et que j'ai un traitement pour ma fracture de la hanche, mon parcours de réadaptation ne s'arrête pas là, parce qu'il va falloir que j'apprenne comment me mobiliser, embarquer puis sortir du bain sans trop de difficultés, monter ou descendre de l'autobus, et ainsi de suite. Et donc il y aura des spécialistes de réadaptation, en physiothérapie, en ergothérapie ou autres, là, qui vont m'aider à retrouver une certaine fonction au sein de mes activités quotidiennes. Le suivi intensif, c'est essentiellement ça.

Donc, si je reviens au patient qui me vient à l'esprit, quelqu'un qui était enfermé depuis des années dans son sous-sol et qui, avec ces activités de réadaptation là, a été capable de reprendre contact avec un vieux rêve qu'il avait d'aller à l'école et de devenir chauffeur de poids lourds, qui a refait une inscription à l'école, qui a terminé une formation en conducteur de poids lourds et qui a obtenu son permis, alors ce n'est pas rien, là, quand on part de cinq ans enfermé dans un sous-sol, complètement isolé de la communauté et de son entourage à maintenant j'ai un permis de conduite de poids lourds et je suis capable de me trouver un emploi. Alors donc, le suivi intensif, c'est vraiment... c'est un espoir, c'est une réadaptation, et c'est pourquoi le plan d'action le met comme une des mesures principales à offrir pour les gens qui souffrent de maladies psychotiques comme la schizophrénie ou la maladie affective bipolaire.

On pense que, pour chaque segment de 100 000 de population, on devrait avoir une équipe de suivi intensif, alors ça veut dire que ça en prend plusieurs pour faire le tour du Québec. Évidemment, ça prend aussi une certaine densité, parce que moi, j'ai certains patients que mes collègues... mes professionnels collègues de mon équipe vont visiter deux fois par jour à tous les jours. Alors, évidemment, si on reste... on parlait tout à l'heure de l'Ungava, ou si on reste sur la Péninsule gaspésienne, c'est un peu difficile d'avoir suffisamment de densité pour être capables de faire ce type d'activité là deux fois par jour auprès d'un certain nombre de patients. Mais heureusement on a suffisamment de densité dans à peu près 80 %, 90 % de la superficie du Québec pour être capables d'avoir des équipes de suivi intensif. Et aujourd'hui on a un tout petit peu moins que 50 équipes à travers la province pour desservir la clientèle à la fois dans les milieux urbains, dans les milieux périphériques puis les milieux semi-urbains. Alors, c'est une modalité qu'on continuera à développer parce qu'il reste encore quelques équipes à établir sur le territoire, mais on a beaucoup avancé au cours des 10 dernières années.

Et je voudrais peut-être prendre juste quelques instants, s'il m'en reste...

• (16 h 20) •

Le Président (M. Tanguay) : Oui, 1 min 40 s.

M. Delorme (André) : ... — 1 min 40 s — pour dire que c'est une modalité qu'on a commencé à implanter au Québec depuis 1994. Alors, on l'a reprise dans le plan d'action 2005-2010 et dans le plan 2015-2020 parce qu'il reste encore du développement à faire. Mais on a commencé plus récemment à faire de l'homologation de nos équipes, c'est-à-dire que non seulement on veut que les équipes soient mises en place, mais on veut avoir des critères qui nous permettent de s'assurer que, lorsqu'on offre le service, on l'offre avec un barème de compétence et de service qui répond à une attente spécifique qui est balisée de sorte qu'on est maintenant capables d'aller visiter nos équipes. Et, au moment où on se parle, on a fait le tour de toutes les équipes actuellement développées à travers la province pour s'assurer qu'il y avait une balise minimum de compétence, de qualité et d'efficacité au sein de ces équipes-là.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Pour encore 30 secondes.

Mme Montpetit : J'aurais une autre question, mais le temps va nous manquer. Je vous remercie beaucoup, Dr Delorme, pour vos réponses très claires, très limpides, qui, je pense, répondent certainement à des questionnements de mes collègues également.

M. Delorme (André) : ...plaisir.

M. Barrette : M. le Président, si je pouvais avoir un petit complément dans les 20 secondes qu'il reste, je pense qu'il serait vraiment intéressant de pouvoir revenir là-dessus. Je tiens à féliciter notre directeur, Dr Delorme, pour la précision et l'étendue de son exposé. Je pense qu'on pourrait même s'adresser à l'importance de l'interdisciplinarité dans ce type de travail là, ce serait très intéressant pour informer les gens.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin au bloc appartenant aux collègues formant la banquette ministérielle. Pour un bloc de 24 min 30 s, je cède la parole au collègue de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : M. le Président, en fait, je vais la céder à ma collègue de Saint-Hyacinthe, et on reviendra, si vous me permettez.

Le Président (M. Tanguay) : Oui, tout à fait. Collègue de Saint-Hyacinthe, oui.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Chez nous, à Saint-Hyacinthe, il y a de grosses lacunes d'infrastructures à l'urgence, et le ministre le sait très bien. Alors, de 2009 aller à 2014, donc sept ans, le projet d'agrandissement a été soumis année après année à la défunte agence de santé, et la seule chose que l'agence a faite avec le dossier, c'est de demander au CSSS, de façon répétitive, de représenter le projet sous différents angles. Alors, ça fait plusieurs, plusieurs fois que j'interpelle le ministre à ce sujet. Et, dans le but qu'il n'oublie pas, alors, il est important de lui rappeler que le projet se fait toujours attendre.

Alors, la liste des problématiques est longue, mais, en gros, l'urgence de l'hôpital de Saint-Hyacinthe est tellement petite que les professionnels manquent d'espace pour donner des soins adéquats aux patients, et l'urgence collectionne les avis de non-conformité également. Alors, j'attends toujours... nous attendons toujours que le ministre vienne constater avec ses propres yeux dans quel environnement nos professionnels travaillent jour après jour. Alors, je réitère donc mon invitation au ministre.

Alors, je vais avoir deux questions. Une première question : Quand est-ce que vous allez nous faire honneur de votre présence à l'hôpital pour venir visiter, constater de vos yeux dans quel environnement nos professionnels travaillent? Et mon autre question, que je veux vous poser tout de suite parce que, quand vous allez prendre la parole, je n'aurai plus de contrôle sur la fin, alors : Est-ce que le ministre peut s'engager à passer au dossier d'opportunité pour le projet de l'agrandissement de l'Hôpital Honoré-Mercier, qui est réclamé depuis maintenant sept ans par le personnel de l'urgence et les Mascoutins?

Le Président (M. Tanguay) : Bon. Bien joué, collègue de Saint-Hyacinthe! Alors, M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, je vais vous rassurer, je sais que c'est vous qui avez le contrôle sur ma parole.

Le Président (M. Tanguay) : J'ai si peu de contrôle.

M. Barrette : Ceci dit, M. le Président, je vais vous avouer que c'est une question qui est pertinente et intéressante, que l'on doit prendre dans son contexte, le contexte étant maintenant nouveau. Et, sans vouloir prendre trop de temps de parole, au risque de vous donner la chance de m'interrompre, M. le Président — gênez-vous surtout pas — alors, je vais quand même faire un petit brin d'historique pour ce qui est de la gestion des infrastructures au Québec.

On se rappelle, et je l'ai dit maintenant à plusieurs reprises depuis le dépôt de notre dernier budget, la gestion des infrastructures, dans le passé, se faisait d'une manière un peu différente, en ce sens que le gouvernement prenait en compte l'appréciation que faisaient les agences de leurs infrastructures dans leurs régions. Et, quand ces agences-là faisaient leurs appréciations, elles établissaient un ordre de priorité des projets. C'est comme ça qu'ils fonctionnaient. Et, à l'époque dans la région en question, le projet de l'urgence de l'hôpital de Saint-Hyacinthe avait été déterminé — puis là je ne porte pas de jugement, là, sur la décision qui a été prise par l'agence — comme étant la deuxième priorité. Et je ne veux pas dire que c'était une lointaine deuxième priorité, mais je dis simplement que, précédemment, il y avait cette priorité... cette rénovation-là avait été jugée comme étant la deuxième priorité derrière la première, qui était aussi à propos d'une urgence, qui était Pierre-Boucher. Ce sont deux enjeux de magnitudes différentes parce que les coûts des deux projets ne sont pas les mêmes, évidemment, mais ce sont deux enjeux que j'admets être des enjeux importants pour la région.

Le gouvernement, dans le passé, le nôtre et les précédents, avait de la difficulté, je dirais, parce que je pense que c'est comme ça qu'il faut le dire, d'avoir à faire un ordonnancement parmi les premières priorités des 18 agences. C'était ça qui est le problème. Il n'y avait pas de système d'évaluation national, ce que nous avons fait pour la première fois cette année. Pour la première fois, on met tout le monde sur le même pied d'égalité en termes d'évaluation de la priorisation... pas d'évaluation de la priorisation, mais d'évaluation de la vétusté des équipements. On met tout le monde sur le même pied.

Le bémol d'aujourd'hui, qui va se résoudre dans les deux prochaines années, c'est qu'on a fait l'évaluation formelle de seulement le tiers de notre parc d'équipements, ce qui n'est pas rien, c'est 30 millions de pieds carrés sur 91. Ce n'est pas banal, mais ce n'est pas complet. Pour répondre précisément à la question de notre collègue de Saint-Hyacinthe, l'évaluation selon ce nouveau mode-là n'a pas été faite pour l'urgence de Saint-Hyacinthe, donc le point de comparaison par rapport aux autres n'est pas possible aujourd'hui parce qu'une priorité 2 dans l'ancien système pourrait être une priorité 0, là, par-dessus 1, 2 dans une autre région, là, quand on regarde dans l'absolu. Une priorité 2 dans une région pourrait arriver bien loin derrière une priorité 1 d'une autre région ou bien devant une priorité 1 d'une autre région. C'est ça qu'on fait, là, actuellement. En étant transparents sur l'appréciation de l'état de vétusté des installations physiques de nos hôpitaux, on va, ipso facto, générer un levier d'ordonnancement des projets.

Alors, aujourd'hui — parce qu'il y a deux questions, et je vais essayer, là, maintenant, de répondre plus précisément à la question — je pense que le prochain pas à faire, compte tenu du fait que c'est une urgence de deuxième priorité dans une agence qui avait quand même dans le passé une bonne expérience sur l'évaluation de ça, serait de faire faire plus rapidement une évaluation de l'état des lieux par notre équipe qui fait la classification de toutes les infrastructures. On est au tiers, on s'en va vers le complet.

Et je pense que, oui, je pourrais m'engager aujourd'hui à faire en sorte que l'évaluation, en termes de classification de vétusté, voir si c'est un D ou un E, soit faite par notre équipe de façon indépendante et neutre, là, dans les plus brefs délais. Ça, je suis prêt à faire ça, tout comme je suis prêt... je le fais dès que je le peux, là, je vais voir des situations physiques comme ça. Il n'y a aucun problème à aller faire une visite, évidemment, à Saint-Hyacinthe.

Mais je pense que le plus important, pour répondre à la question de la députée de Saint-Hyacinthe, et le plus utile, même, je dirais, serait qu'on mette ça sur le même pied des autres, c'est-à-dire qu'on fasse maintenant l'évaluation. On en a encore un paquet, d'évaluations, à faire, mais, comme c'est une urgence, je pense que ça serait de bon aloi de procéder maintenant à cette évaluation-là.

• (16 h 30) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Collègue de...

Mme Soucy : ...la parole à mon collègue de Lévis. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. J'ai la chance d'avoir des collègues autour de moi qui arriveront avec des questions pertinentes à travers notre temps de parole. Mais, pour mettre la table, je vais parler de certification des résidences privées pour aînés, et c'est un dossier extrêmement important. Je pense que le ministre considère également que c'est un dossier important. D'ailleurs, le gouvernement a annoncé et publié en octobre 2015 le fameux projet pour moderniser la certification des résidences privées pour aînés. Les groupes ont eu l'occasion de se faire entendre, de faire parvenir des commentaires. C'est maintenant complété, le gouvernement travaille, et le ministre me le confirmera, à terminer la révision du règlement avant l'adoption finale. Il fallait revoir la certification des résidences pour aînés, il y avait des problèmes.

Et on sait que, depuis l'implantation des nouvelles normes, bien, il y a des chiffres qui ont fait la manchette également. 114 résidences qui se sont décertifiées, qui se sont transformées, pour plusieurs d'entre elles, en immeubles à logements, ce qui n'est pas nécessairement une façon de faire qui protège davantage ou mieux, en tout cas, nos aînés. Il reste qu'il y a une révision qui devrait corriger certaines lacunes. Il y a des questions qui demeurent sans réponse actuellement, et les gens du milieu espèrent rapidement qu'on puisse alléger, permettre, en tout cas, d'avoir des réponses à ces questions-là.

Je prends trois éléments notamment qui avaient été mis de l'avant par le Protecteur du citoyen : la définition des profils admissibles de clientèle, les exigences de sécurité et de surveillance, de formation. Ça a été l'objet de beaucoup d'écrits également. Et le Protecteur du citoyen disait qu'il n'existe pas de lien entre la catégorie de la résidence privée pour aînés, le profil de clientèle accueillie. On ne précise pas non plus ce qu'on entend par «personne autonome», «semi-autonome». Bref, il y a une espèce de flou.

Ma question est relativement simple, je pense que ça fait partie des préoccupations du ministre : Est-ce que le règlement final est sur le point d'être présenté? Est-ce qu'on a avancé dans ces mêmes discussions là? Et j'ajoute tout de suite la seconde : 114 résidences qui se sont décertifiées, est-ce qu'on a des façons de faire pour raccrocher ces gens-là, à les recertifier, des résidences qui ont quitté le réseau, à toutes fins utiles?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Ça va?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Alors, oui, M. le Président. Bon, c'est vrai que la question est directe et simple, là, je suis bien d'accord avec ça, puis c'est un sujet qui est un sujet d'intérêt, évidemment. Il y a deux volets, par contre.

Au premier volet, qui est : Est-ce que nous sommes sur le point de publier le règlement?, la réponse, c'est oui. Par contre, en politique et dans le monde de l'Assemblée nationale, être sur le point, ça demande quand même un certain temps, là. On va juste... C'est parce que le règlement, évidemment, est un règlement qui a été revu et qui doit passer par le chemin obligatoire, qui est celui du Conseil des ministres, et le Conseil des ministres, bon, a des travaux et des agendas qui sont ce qu'ils sont. Mais, oui, nous en sommes à l'étape de le faire adopter par le Conseil des ministres. Alors, je pense qu'on peut raisonnablement...

Une voix : ...

M. Barrette : ...et on peut raisonnablement dire que ça va s'en venir bientôt. Ce que nous sommes en train de terminer, évidemment, est la prise en compte... bien, «évidemment», ce n'est pas évident, là, parce que je ne l'ai pas dit. Alors, ce que nous sommes en train de terminer aussi, c'est la prise en compte des très nombreux commentaires que l'on a eus, soit des gens, soit des organisations, soit de propriétaires. On en a plus de 200 pour modifier ou non, en fonction des commentaires, le règlement qui a été révisé. Alors, la réponse c'est : Oui, ça s'en vient.

La question qui vient après, par contre, elle, elle est simple aussi, mais elle est plus difficile à... c'est plus difficile de lui donner une réponse qui serait peut-être satisfaisante aux yeux de notre collègue de Lévis. Y a-t-il des façons de rattraper ces résidences-là pour les recertifier? Là, c'est plus complexe, parce que rappelons-nous que les résidences pour personnes âgées, ce ne sont pas des éléments de notre réseau. Ce sont des entités qui sont légalement indépendantes, en dehors de notre réseau. Conséquemment, l'État, à part le pouvoir d'inspection et de réglementation, n'a pas le pouvoir d'amener des gens à poser le geste qui serait à être posé pour se rattacher soi-même — là, je me mets dans la position de la résidence pour personnes âgées — pour se rattacher à la certification. Vouloir et obtenir une certification, ça demeure un choix qui est posé par... fait, pardon, par le propriétaire ou les propriétaires de la résidence. Et on sait que, dans les résidences pour personnes âgées, il y en a qui sont privées, il y en a qui sont des OBNL. Elles sont toutes privées, mais il y en a qui sont à but lucratif, d'autres à but moyennement lucratif, on va dire, et d'autres qui sont des OBNL, mais ça demeure leur prérogative de faire ce choix-là.

Moi, je suis en faveur de la certification puis je vous dirais, M. le Président, que je pense qu'il est de connaissance commune que les gens la veulent, la recertification. Maintenant, il y a des pas à faire, des gestes à poser envers la certification qui leur appartient, et je n'ai pas le pouvoir d'intervenir vraiment sur ce plan-là.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Collègue de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : M. le Président, je comprends qu'il y a quand même une volonté, là, de faire en sorte qu'on puisse assouplir puis faire que les choses fonctionnement bien, qu'on réponde au questionnement, à la lumière de ce que le ministre nous donne comme réponse. Je passerais la parole, si vous le permettez, à mon collègue de Beauce-Nord.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Collègue de Beauce-Nord.

M. Spénard : Merci, M. le Président. Merci à mon collègue de Lévis pour me donner un peu de temps de parole. Bonjour, M. le ministre.

Moi, vous savez, ce n'est pas des grands projets, c'est un tout petit projet en région, mais qui est déjà là depuis au moins trois ans et qui a été accepté par la Société d'habitation du Québec, il a été accepté aussi au point de vue AccèsLogis. C'est un agrandissement de 21 unités en ce qui concerne le gîte de Saint-Isidore.

Alors, écoutez, ça a commencé le 7 juin 2013, et tout ça, et il y a eu... la SHQ suspendait l'émission d'engagement conditionnel en attendant — ça, c'était au 2 juin 2014 — les orientations du ministère de la Santé quant à la procédure de certification pour les OBNL en habitation.

Vous venez de nous dire, M. le ministre, que c'est hors de votre réseau. Je veux bien comprendre que c'est hors de votre réseau, cependant les autres réseaux, qui sont la Société d'habitation du Québec, de par son programme d'AccèsLogis, se servent de votre réseau pour dire que le dossier est suspendu parce qu'on est en attente de la certification du ministère de la Santé et de sécurité.

Alors, ma question, une question qui a deux volets : Est-ce que cette certification-là va venir avant la fin de la présente session? Vous avez dit : Bientôt sur le point, mais, si on parle de cette session-ci... Et ma deuxième question : Est-ce que la Société d'habitation du Québec peut invoquer ce manque de certification de la part du ministère de la Santé quant au report de l'accessibilité à ces 21 unités qui... Tout est là, la viabilité est faite, etc. Mais là qu'est-ce qu'on se fait répondre depuis un an et demi, c'est qu'on attend, on est en attente puis on ne peut pas rien donner, tout est gelé, on ne peut pas rien donner à cause de l'accord de cette certification-là.

Alors, est-ce que vous trouvez que ça a une cohérence quelconque entre la SHQ et le ministère de la Santé?

• (16 h 40) •

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, je pense que ni vous ni notre collègue de Beauce-Sud...

M. Spénard : Nord.

M. Barrette : Nord. Eh boy de boy, de boy! Alors, je ne voulais certainement pas indisposer mon collègue, M. le Président, en ayant perdu le nord, mais, M. le Président, vous ne serez pas surpris, ni notre collègue de Beauce-Nord, si je lui dis que je n'ai pas la compétence pour répondre en lieu et place de la Société d'habitation du Québec, là. Je ne peux pas juger de leur décision ni vous informer sur ce qui est prévu à leur réglementation ou non. Alors, c'est difficile pour moi de répondre à cette partie-là de la question.

Évidemment, l'autre partie de la question, qui est : Est-ce que ça va passer dans cette session-ci?, ma courte expérience de la vie parlementaire me suggère que oui, mais là c'est une suggestion, là, alors ne vous sentez pas hypnotisé par la chose. Même si c'est une suggestion, je ne veux rien suggérer dans votre esprit, mais je pense que oui, mais je ne veux pas m'engager, d'aucune manière. Je ne peux pas engager le Conseil des ministres. Voilà.

M. Spénard : ...des personnes âgées qui sont en attente de cette construction supplémentaire, de cet agrandissement de 21 unités à Saint-Isidore, dans leur petit village. Alors, ça fait longtemps qu'ils sont en attente, ça fait depuis trois ans qu'ils demandent tout le temps : Qui sont en attente? Qui sont en attente? Et ça augmente tout le temps, mais évidemment il y en a qui ont le temps de mourir en attendant, là. Mais on va se fier sur vous, M. le ministre, pour activer les choses.

M. Barrette : Vous me permettrez, M. le Président, de souscrire à la lecture du député de Beauce-Nord quant à l'importance de ce projet-là, dont je prends connaissance à l'instant, là. Alors, je ne peux pas aller plus loin dans ma réponse, évidemment, parce que ce n'est pas dans mon secteur, mais, pour ce qui est de la certification, le député de Beauce-Nord a raison, il est géré par la Santé, c'est vrai, et j'ose espérer, comme lui, que le règlement sera adopté d'ici la fin de la session.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la parole à notre collègue de Repentigny.

Mme Lavallée : Bonjour, M. le ministre. Donc, on se revoit un an après pour parler encore de l'agrandissement de l'Hôpital Pierre-Le Gardeur. Donc, je vous avais questionné l'année passée à ce sujet-là. L'Hôpital Pierre-le-Gardeur est un centre de services névralgique pour la population du sud de Lanaudière. L'hôpital est confronté depuis des années à un engorgement majeur qui ne peut que s'aggraver avec la croissance démographique et le vieillissement accéléré de la population. Les patients doivent attendre en moyenne plus de 20 heures à l'urgence, l'une des pires au Québec. Chaque année, des milliers de patients se présentent à l'urgence et quittent sans avoir vu un médecin. Il n'y a aucun autre hôpital au Québec avec autant de patients qui quittent, découragés par l'attente.

Le ministre de la Santé a décidé en février 2015 de procéder à un agrandissement de l'hôpital et d'ajouter 150 lits supplémentaires. Bravo! Ce n'est pas suffisant pour répondre aux besoins qui vont augmenter dans les prochaines années. En effet, d'ici 2031, la population du sud de Lanaudière devrait augmenter de 66 000 personnes, soit une augmentation de 24 %. Le nombre d'aînés devrait passer de 12 600 en 2013 à près de 31 700 en 2031.

Selon le plan clinique rédigé par l'ancien Centre de santé et des services sociaux du Sud-de-Lanaudière en 2014, ce n'est pas 150 lits qu'il aurait fallu ajouter, mais 250 lits. Dans ce plan, les besoins estimés par l'hôpital seraient de 483 lits en 2020 et 534 lits en 2025. Bref, sur la base de la projection des besoins pour les 10 prochaines années, la capacité de l'Hôpital Pierre-Le Gardeur devrait augmenter de 251 lits plutôt que 150 lits. Dans Le Journal de Montréal, le P.D.G. du CISSS de Lanaudière, Daniel Castonguay, affirme même, et je le cite : Les 150 lits ne vont pas répondre à tous les besoins.

Le ministère de la Santé sous-estime la demande pour des soins de santé dans le sud de Lanaudière. Une réorganisation des soins sera insuffisante pour répondre à la forte demande. Les citoyens de Lanaudière ne doivent pas revivre la même situation dans 10 ans. Je rappelle que la population du Sud-de-Lanaudière va augmenter de 24 % d'ici 2031, plus de 66 000 personnes.

Comment le ministre peut-il garantir qu'en fonction de l'augmentation démographique prévue dans Lanaudière l'hôpital pourra répondre aux besoins de la population dans plus de 10 années? Et pourquoi ne pas tout de suite prévoir les 250 lits qui seraient requis?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Alors, M. le Président, évidemment... Et je suis content d'ailleurs que plusieurs de nos collègues de la CAQ abordent la problématique des infrastructures parce que ça me permet encore une fois de mettre les réflecteurs sur l'importance d'avoir un budget équilibré pour pouvoir faire ces projets-là. Et je comprends tous les députés, M. le Président, qui viennent ici défendre les projets de leurs comtés, et c'est parfaitement normal, et c'est tout à fait dans la responsabilité de représentation des députés, mais il faut quand même, dans ma réponse, avoir la mesure de l'enjeu provincial de tout le territoire et donc de tous les projets.

Et je fais ce commentaire simplement pour introduire la réponse à la question qui m'est posée. La question qui m'est posée, elle est de deux ordres. Est-ce qu'on va aller de l'avant avec le projet? Est-ce qu'on va changer le projet? La question n'a pas été posée comme ça, mais c'est comme ça qu'elle se traduit, parce que je ne suis certainement pas sans soupçonner que la députée de Repentigny est bien au fait qu'actuellement le projet qui est à l'étape du dossier d'opportunité est un projet de 150 lits et non un projet de 250 lits. Et, je l'ai dit à plusieurs reprises précédemment, nous n'avons pas des sommes infinies à annoncer en matière d'immobilisations. Et là je constate que nous venons d'avoir trois interventions de la députation de la CAQ qui sont pertinentes et qui touchent les immobilisations, et, quand je regarde les trois projets, les trois projets, à eux seuls, excèdent le montant que je peux annoncer cette année, ce qui montre la difficulté à laquelle je fais face et ce qui montre à l'univers québécois l'importance d'avoir des finances équilibrées pour mettre moins d'argent sur la dette, pour dégager des sommes pour répondre aux aspirations de la population qui s'exprime par la voie des députés qui les représentent.

C'est l'occasion fantastique, M. le Président, que l'on m'offre pour illustrer la difficulté qui est devant nous, et je vais la mettre en perspective, M. le Président. Il n'y a pas, il n'y a pas eu, il n'y aura pas d'annonce que je vais faire en matière d'infrastructures où je ne commencerai pas par dire que le plus grand enjeu du Québec en santé, ce n'est pas simplement l'accès, c'est la mise à niveau de nos infrastructures, pour les raisons précises qui sont évoquées dans la question que vient de nous poser la députée de Repentigny. M. le Président, je pense qu'il me reste 10 secondes.

Le Président (M. Tanguay) : Oui.

M. Barrette : S'il y a consentement, je vais peut-être continuer dans le prochain bloc de la partie gouvernementale.

Le Président (M. Tanguay) : Oui. Je pense qu'il y a consentement avec enthousiasme.

M. Barrette : Parce que c'est important de continuer sur cette lancée, M. le Président, la députation de la Coalition avenir Québec... Pour combien de temps qu'on a, M. le Président?

Le Président (M. Tanguay) : Pour un bloc de 20 min 30 s.

• (16 h 50) •

M. Barrette : Excellent. Parce qu'on me donne l'opportunité, M. le Président, de mettre l'emphase une fois pour toutes... puis je le sais que ça ne sera pas une fois pour toutes, ça va revenir, mais je vais profiter de l'occasion, M. le Président, qui m'est offerte sur un plateau de bois... on ne dira pas d'argent parce que ça coûte trop cher, on ne parlera pas d'argent. Alors, je vais profiter de cette occasion pour mettre l'emphase sur la difficulté budgétaire à laquelle on fait face quant à l'enjeu, parce que cet enjeu-là, M. le Président, ce n'est pas un enjeu d'un trottoir ou d'un nid-de-poule. À la limite, on pourrait tolérer un nid-de-poule, à la limite, mais il arrive un moment où il est difficile de tolérer un mauvais état d'une infrastructure qui, à la limite toujours, pourrait affecter la qualité des services qui sont dispensés dans ladite infrastructure.

Ce n'est pas le cas actuellement. S'il y a des infrastructures détériorées au point où on doive les renouveler, entre guillemets, dans une situation de quasi-urgence, on le fait, et ça a préséance sur tout. Et après, évidemment, bien, on doit ordonnancer nos projets en fonction d'une classification qui, elle, traite de la vétusté de nos infrastructures. Et là, par-dessus ça, s'il reste de l'argent, bien, on doit évidemment prendre en considération les besoins de la population.

Et j'ai presque envie, Mme la Présidente, de prendre un moment pour amicalement opposer la position de la députée de Repentigny à celle de la population de Vaudreuil. C'est deux populations quasi miroirs, c'est les extrémités de l'île de Montréal, ce sont deux régions où la population est en forte croissance, et il y a eu un moment dans l'histoire récente où les deux populations étaient en manque d'infrastructures de santé, notamment d'hôpitaux. Au fil du temps, l'une des deux a bénéficié de la construction d'un hôpital neuf, qui est celui de Le Gardeur, et c'était justifié. Ça n'a même pas été fait par le Parti libéral, ça a été fait par le Parti québécois, puis c'était très bien, c'était justifié, on ne le conteste pas.

Mais aujourd'hui, quand on oppose ces deux régions-là, qui sont miroirs, et qu'on oppose un hôpital existant pour lequel nous avons à l'étude un projet d'un ajout de 150 lits à l'autre région où il y en a zéro, dans un contexte de budget limité, quelle décision devons-nous prendre? Je ne veux pas mettre notre collègue dans l'eau chaude, mais, si on pouvait le faire, ça serait intéressant de voir quelle serait la réponse. Il n'y a pas de réponse parfaite. Il y a un compromis, et le compromis est basé sur des faits les plus raisonnés et raisonnables possible.

Alors, la réponse que je peux et dois faire à notre collègue de Repentigny, c'est : Nous avons prévu, pour le moment, un projet d'un ajout de 150 lits. Et de me demander aujourd'hui, sur la base d'appréciations d'autres personnes, de passer tout de suite à 250, quand sa collègue me propose une rénovation à Saint-Hyacinthe, à l'urgence, quand, dans la région de la Montérégie, il y a l'urgence de Pierre-Boucher, quand il y a la problématique dans Beauce-Nord de résidences pour personnes âgées et quand, dans chacun des comtés qu'il y a autour de la table, il y a des projets... et je pourrais même citer le député de Lévis et même le député de la première opposition, celui de Rosemont, qui me demande : Comment ça se fait que je n'annonce pas l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, qui, lui, va coûter 1 milliard de dollars? Bien là, je cherche constamment dans mes poches la poudre de perlimpinpin qui va me faire apparaître de l'argent. Bien, c'est ça, la réalité, là.

Je vais le répéter avec le plus grand des plaisirs, M. le Président, je ne peux pas m'empêcher d'avoir encore une fois ce plaisir... Mme la Présidente. Pardonnez-moi, il est arrivé des impairs, comme ça, puis ça a fini en déclarations qui ont fait les médias, là. Ne partez pas, là, s'il vous plaît, la première opposition, là, sur une notion de sexisme, j'ai juste fait un lapsus. Alors, Mme la Présidente — vous me pardonnez, j'en suis sûr — alors on se retrouve dans une situation qui est... et je dois le dire, où un gouvernement qui n'a pas de compte de banque, qui gère les impôts et les taxes des citoyens, qui doit donc vivre à l'intérieur de ses moyens, baisser sa dette pour dégager des sommes pour justement réinvestir, on se retrouve dans une situation où on doit choisir et faire le meilleur choix possible. Bien, quand j'oppose les deux extrémités de l'île, bien là, on a trouvé qu'à partir du moment où on enrichit l'Ontario voisin en investissant dans leurs infrastructures, parce que notre clientèle de l'Ouest s'en va en Ontario... bien, on a pensé que c'était une bonne idée d'investir au Québec. Je suis sûr que même le Parti québécois va être d'accord que c'est mieux d'investir au Québec qu'en Ontario. Je suis sûr puis je soupçonne qu'à la Coalition avenir Québec ça va être la même position. Je pense ça. Peut-être pourront-ils nous dire, au prochain de leur bloc, si c'est le cas.

Alors, aujourd'hui, là, la réponse formelle que je dois faire à la députée de Repentigny, c'est qu'il y a un projet sur la table, qui est au PQI, qui est un projet qui est fondé, pour lequel nous avons bien l'intention d'aller de l'avant, mais qui, pour le moment, demeure un projet d'un ajout de 150 lits, qui est justifié encore une fois, et j'ose même dire qu'il se réalisera.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, M. le ministre. Donc, on va revenir aux députés de la partie gouvernementale. Donc, la parole est au député d'Orford pour une durée de 14 min 30 s.

M. Reid : 14 min 30 s. Si on n'en a pas assez, on peut continuer sur un autre prochain bloc, j'imagine.

La Présidente (Mme Montpetit) : Absolument.

M. Reid : Parce que moi, Mme la Présidente, je voudrais glisser un mot sur ma mère qui a 90 ans et qu'on va fêter en fin de semaine, ma mère qui suit l'actualité, est en pleine forme, suit ses examens médicaux, elle fait sa marche d'un kilomètre par jour, et surtout elle fait ses mots croisés et elle écoute les médias. Puis, de temps en temps, elle téléphone à son fils, entre autres pour lui dire les choses qu'il faudrait faire en santé ou ailleurs et certaines des modifications, je pense, qui sont apparues depuis que le ministre actuel est là. Il y a certains inputs, on pourrait dire, qui ont peut-être été effectivement transmis, dans des conversations de caucus, des conversations de corridor, au ministre, et j'aimerais peut-être, pour aider ma mère, qui est un peu l'exemple, mais aussi mes frères, mes soeurs, quand on va se rencontrer en fin de semaine, et beaucoup de monde au Québec, essayer d'avoir un peu une perspective historique pour mieux comprendre, de façon plus vulgarisée, qu'est-ce qu'on est en train de faire depuis deux ans et pourquoi ça va marcher.

Mais moi, j'aimerais ça remonter assez loin, parce que ma mère, je l'ai tenu au courant depuis l'époque où, dans une année d'études, avant de devenir recteur de l'Université de Sherbrooke, j'ai voulu étudier le contrôle, et la première chose sur laquelle je suis tombé, c'est un livre sur le contrôle des médecins et de la pratique médicale. J'ai vite abandonné, rassurez-vous. Je me suis intéressé au contrôle de gestion en général, surtout les contrôles internalisés, mais j'ai eu le temps de lire certaines choses qui étaient des idées qui couraient dans les années 90, et l'idée principale... Et, dans ce livre-là, qui était américain, on parlait de trois États, et le troisième, c'était le Québec, et ce qui ressortait le plus, c'était que la quantité de travail à faire pour les médecins dépendait du médecin. Et donc on disait, entre autres, que le médecin décidait combien il voulait gagner pour le genre de vie qu'il voulait faire, et il ajustait sa pratique en fonction de ce montant-là qu'il voulait gagner. On disait ça, là, c'était au début des années 90, mais ce que l'on disait sans toujours le dire, c'était que, finalement, le médecin générait de la pratique. Autrement dit, ce qui a été conclu par beaucoup de monde et, je pense, par le gouvernement de l'époque, du Parti québécois, c'est que, si on a moins de médecins, bien, il y aura donc moins de besoins, et donc moins de pratique, et donc on arrivera dans les coûts avec les coûts qu'on a, etc.

Et c'est des choses dont j'ai discuté avec ma mère, là, et j'ai été surpris... mais je lui ai expliqué pourquoi à l'époque, quasiment pour les défendre, les Pauline Marois de ce monde, les Bernard Landry de ce monde avaient décidé de faire des compressions majeures, entre autres dans les départs à la retraite qui ne sont pas remplacés, et toutes des choses qui, ce que j'expliquais à l'époque, étaient des erreurs de bonne foi. Et je préfère, moi, par nature, disons, supposer que c'est des erreurs de bonne foi puis qu'on n'a pas fait ça méchamment, mais que c'était une erreur néanmoins importante, comme on l'a vu par la suite.

Et c'est une erreur, d'ailleurs, qui, lorsque j'étais, à ce moment-là, recteur de l'Université de Sherbrooke, s'est répercutée également sur les facultés de médecine, parce qu'on a décidé... Et j'en profite pour saluer le Dr Bureau, qui était le doyen, à l'époque, de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke et qui a fait des transformations majeures, d'ailleurs, dans la faculté, et son impact dans le milieu. Mais nous avions une obligation de diminuer le nombre d'inscriptions, parce que, la logique étant que des médecins partent à la retraite, on ne les remplace pas puis on fait moins d'inscriptions, donc, au total, il y aura moins de médecins et donc, au total, il y aura moins de médecins à payer, il y aura moins de besoins. Et ça, on sait bien que c'est une erreur parce que ce n'est pas parce qu'il y a moins de médecins qu'il y a moins de monde malade, là. Tu sais, les gens ne s'en vont pas... Peut-être qu'il y a des cas extrêmes où les gens vont visiter le médecin parce qu'ils ne peuvent plus aller à la confesse, parce qu'il n'y a pas beaucoup de confessions, peu importe, mais, disons... psychologues, mais je pense que ça, ce n'est quand même pas la majorité du monde. Et on a vu, là, que c'était une erreur de voir les choses comme ça. Ce n'était pas une bonne vision du monde.

Et je me rappelle très bien, entre autres, qu'à la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke, et je suis sûr que le Dr Bureau pourrait vous en parler, M. le ministre ou Mme la Présidente, nous avions eu une compression, et, par erreur, nous avions accepté deux étudiants de plus, et on ne nous a évidemment pas subventionnés ces deux étudiants de plus, à un moment où on avait des coupures majeures, par ailleurs. Et non seulement ça, mais c'était tellement fort, cette idée qu'il fallait diminuer le nombre de médecins, qu'on nous a pénalisés pour le nombre d'étudiants qu'on avait pris de trop. Autrement dit, on nous a coupés, on avait quatre étudiants pour lesquels on avait zéro subvention.

Bon, évidemment, on a trouvé différents moyens. Je pense qu'il faut donner crédit au Dr Bureau. On est allés chercher des étudiants au Nouveau-Brunswick. On a signé des ententes pour former des étudiants dans d'autres provinces et pour lesquels on avait des revenus qui nous ont permis de garder la Faculté de médecine à un haut niveau de qualité.

Mais, ceci étant dit, ça donne une idée jusqu'à quel point les idées étaient fortes à ce moment-là que, si on baisse le nombre de médecins, bien, on baisse la maladie ou la quantité de maladies qu'il y avait au Québec à ce moment-là. C'était une erreur claire. Ça, c'est une première période, une première période dans cette histoire, la deuxième étant ce qu'on a fait quand on est arrivés au gouvernement, en 2003, et la troisième période étant ce qu'on fait depuis deux ans. Moi, j'aimerais, avant d'arriver à ce qu'on fait depuis deux ans puis d'avoir une explication vulgarisée, qui va certainement plaire à ma mère, qui écoute ou qui va écouter ce qu'on fait ici aujourd'hui, mais aussi dans les conversations qu'on va avoir en fin de semaine avec mes frères, mes soeurs, mes neveux, mes nièces, et tout ce monde-là... mais, dans un premier temps, j'aimerais ça, Mme la Présidente, que le ministre, qui était de l'autre côté de la clôture... Lui, là, durant le temps qu'on était à l'université, au parlement pour d'autres, lui, il était dans la pratique. J'aimerais ça peut-être qu'il nous commente un peu comment il le voyait pendant cette période-là. Après ça, on passera à la période 2003, où je voudrais faire une petite mise en situation également avant de donner la parole au ministre.

• (17 heures) •

La Présidente (Mme Montpetit) : M. le ministre.

M. Barrette : Alors, Mme la Présidente, je peux vous dire une chose de façon très formelle : De ce côté-là de la Chambre, je peux vous dire que les questions ne sont pas plantées, parce que celle-là, elle est très intéressante, et je ne l'ai pas vue venir, mais elle fait bien mon affaire quand même, parce que, là, notre collègue le député d'Orford, qui a manifestement une grande famille, vous les saluerez toutes et tous quand vous les verrez et que vous aurez, manifestement, une intéressante conversation, peut-être, après avoir visionné notre échange aujourd'hui... Elle me fait vraiment plaisir parce que, ce que vous me rappelez, vous me rappelez grosso modo le début de ma carrière, en ce sens que moi, je suis diplômé d'une faculté de médecine en 1984 et de ma résidence en 1989, alors, dans ces années-là, j'étais au début de ma carrière. J'étais dans ce qu'on appelle, dans notre jargon et dans d'autres sphères on utilise aussi, mon «prime time». Alors là, j'étais, là, sur le début du sommet de ma carrière, puis j'aimais ma carrière, et vous me rappelez... Mme la Présidente, notre collègue me rappelle cette période-là où j'étais abasourdi, mais vraiment abasourdi, j'étais abasourdi parce qu'on voyait arriver un tsunami. Et l'opposition officielle aujourd'hui va probablement dire — elle l'a déjà dit dans ces mots-là ou presque : Là, il y a une réforme qui est un tsunami. Oui, mais, nous autres, le nôtre, là, on y reviendra tantôt, c'est un tsunami de construction, alors que, dans les années 90, c'était un tsunami de destruction. C'était comme ça, là, on n'en revenait pas, quand le Parti québécois était au pouvoir.

Imaginez, là, on est en pratique... Et là je vais vous mettre dans mon contexte de l'époque. C'est hallucinant quand on regarde ça, là. Alors, moi, je sors d'une faculté de médecine, j'avais fait une partie de mon entraînement en France, j'en ai fait une partie aux États-Unis, je reviens au Québec en ayant la certitude que le Québec était moderne, on était les meilleurs au monde, on n'avait rien à envier à personne. Puis là j'arrive au Québec, puis c'est moins drôle que je pensais. Et on arrive dans une période où le gouvernement choisit un virage, et à l'époque on appelait ça le virage ambulatoire, et le virage ambulatoire avait une prémisse, la première, et ce n'était pas propre au Québec, mais c'était un peu comme ça en Occident, au Canada, mais c'était, disons, intensément exercé au Québec, puis, je dirais, avec un petit peu trop d'intensité, parce que le principe qui était sous-tendu était celui que vous avez évoqué : les docteurs, ils coûtent cher parce qu'ils génèrent des examens, ils génèrent des tests, ils génèrent des consultations. Ce qui, à l'époque, n'était pas faux, il y avait une logique, mais pas à ce point-là.

Et, dans le virage qui a été proposé et exercé par le Parti québécois, bien, ce qu'on a fait, mais on a fait comme toujours, on a fait les choses à moitié. On a fait le virage ambulatoire. On a fermé les hôpitaux, on a coupé du personnel, on a vraiment... Quand bien même ils le disent autrement, là, moi, je l'ai vécu, là. On a poussé des gens à la retraite. On a fait un calcul à moyen terme, on a dit : On va vous donner une prime de départ. Ça, c'est une vraie prime, là, en passant, là, pour ceux qui s'interrogent sur la définition de «prime». Je m'y suis adressé ce matin, je ne vais pas revenir. On a poussé les gens à la retraite, pas juste des médecins, des infirmières, d'autres professionnels, parce que, dans la vision du gouvernement de l'époque, du Parti québécois, il y avait une équation qui voulait qu'ils font des affaires pour rien, on va les empêcher de faire des affaires qu'on considère, nous, comme gouvernement, pour rien. Parce que c'était ça aussi, c'était la vision dans le regard, dans l'oeil du ministre de la Santé de l'époque.

Alors, on a dit... Moi, je me rappellerai toujours, là, j'ai fait... moi, je faisais du remplacement à cette époque-là, quand... on avait le droit, je suis allé, moi, à l'Hôpital Saint-Michel, à l'Hôpital Jean-Talon, et ainsi de suite, là, je voyais le personnel se faire dire : Là, là, vous allez, là, perdre votre job, allez à la retraite. Et là nous, on regardait ça puis on se disait : Bien là, c'est parce qu'il y a quand même des services qui sont donnés dans ces institutions-là, il va bien falloir les donner en quelque part, d'ailleurs. Et la théorie du gouvernement était que, ce qui est nécessaire, qu'on arrête parce qu'on choisit qu'il y en a trop, on va forcer l'arrêt ou le ralentissement, bien, ce qu'il va rester, on va le sortir de l'hôpital puis on va le donner ailleurs. Bien oui, mais, pour le donner ailleurs, il faut des ressources, il faut des ressources physiques, il faut des locaux. Il faut avoir du personnel, il faut avoir les médecins. Mais, ô malheur, le gouvernement n'avait pas pensé que ça allait coûter de l'argent. Alors, le Parti québécois, dans sa grande sagesse, qui est vraiment le miroir... C'est amusant que vous me posiez la question parce que c'est le miroir de la dernière campagne électorale. Dans la dernière campagne électorale, le PQ annonçait des milliards de subventions, qui allait nous amener un déficit de 7 milliards, alors que, dans les années 90, on annonçait un virage ambulatoire et le maintien des services, qui allait coûter des milliards, mais ils ne les avaient pas. Dans les deux cas, ils ne les avaient pas. La seule différence entre les deux cas, c'est qu'ils n'ont pas été au pouvoir, ça fait qu'ils n'ont pas pu mettre tout le monde dans le trou, mais, dans le premier cas, ils ont mis le réseau à feu et à sang pendant à peu près 20 ans. C'est ça, la différence.

Et ce n'est pas tout, Mme la Présidente, ce n'est pas tout. À l'époque, et on y reviendra peut-être dans le prochain bloc, à l'époque, Mme la Présidente, et là je vais personnaliser un peu les choses, moi, je suis en radiologie, puis, dans la radiologie, il y a des sous-secteurs, le mien, la radiologie vasculaire et d'intervention. Nous étions, en radiologie, là, en retard, on n'était même pas dans le même fuseau horaire que le Canada, encore moins de l'Amérique du Nord, alors que, dans le reste du monde occidental, et particulièrement dans l'Amérique du Nord, on mettait en place... étaient déployées des nouvelles technologies. Et là, là, c'est une vérité que je vous dis, là, il y a eu un moment dans cette période-là, Mme la Présidente, où moi-même, j'ai fait une pause de congrès. Des congrès, c'est des endroits où on va apprendre, parce qu'en médecine on doit maintenir nos compétences en continu. Je me rappelle, à cette époque-là, on allait dans les congrès, là, puis on allait assister inutilement à des congrès, on ne parlait que de technologies — ma spécialité est très technologiquement dépendante — qu'on n'avait pas au Québec tout court, on ne l'avait pas. Alors, aller dans les congrès pour parler... apprendre comment utiliser telle machine, quelles sont les indications, quelle est la puissance diagnostique, la précision diagnostique, puis là on revient du congrès en ayant appris des nouvelles affaires qu'on ne peut mettre en pratique, bien, on les oublie assez rapidement. Bien, ça, c'était le Québec des années 90 sous le règne du Parti québécois.

Et les conséquences de ça ont été gravissimes. J'étais, moi, dans une faculté de médecine où il y avait 205 étudiants en médecine. Avec les décisions du Parti québécois, on est descendus à 150, il y a même eu une année en bas de 150. Et, quand on sait que ça prend 10 ans, former un médecin de famille... non, sept ans pour former un médecin de famille, 10 ans un spécialiste, on imagine la longueur temporelle de l'impact. Et, quand arrive le moment de corriger la situation, on comprend combien ça prend de temps la corriger, la situation. Et, pour corriger la situation, il faut que quelqu'un décide de la corriger. Cette décision-là de la corriger, la situation, n'a pas été prise ni même acceptée comme étant une situation à être corrigée par le Parti québécois.

Vous me rappelez des souvenirs extraordinaires, mais extraordinairement douloureux, parce que nous, on était dans des salles de conférence, on était sur la place publique...

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, M. le ministre. C'est tout le temps qu'on avait pour cet échange.

M. Barrette : C'est dommage.

La Présidente (Mme Montpetit) : Vous pourrez continuer au prochain bloc si vous le souhaitez. Alors, je vais céder la parole à l'opposition officielle, à la députée de Taillon, pour 10 minutes.

Mme Lamarre : Merci beaucoup.

Une voix : ...

La Présidente (Mme Montpetit) : 10 minutes, oui.

• (17 h 10) •

Mme Lamarre : Alors, le ministre a choisi comme troisième étape le financement à l'activité et il a décidé de faire... Sur le financement à l'activité, on est d'accord avec lui, sur le fait qu'il y a une place pour ça, mais il a fait un choix étonnant, il a fait le choix de calculer la valeur d'un épisode de soins dans un établissement de santé à partir d'un épisode de soins qui serait dans une clinique privée.

Quand on regarde le Registre des lobbyistes, on constate que le Centre de chirurgie RocklandMD, représenté par M. Fernand Taras, a, finalement, demandé deux mandats au niveau du Registre des lobbyistes, un premier mandat dans lequel il souhaitait se voir attribuer un contrat du ministère, ça, c'était le 26 octobre 2015, et un deuxième mandat dans lequel il demandait de pouvoir faire des représentations pour avoir le droit de faire les chirurgies qui nécessiteraient aux patients de séjourner plus de 24 heures au centre, donc au centre Rockland. Le 23 février, donc quelques mois plus tard, six mois plus tard, le ministre annonçait un projet pilote avec trois cliniques privées : la clinique Dix30, qui est dans la circonscription du ministre, une autre clinique, Opmedic, qui appartient à la famille Desmarais, et une troisième qui est la clinique RocklandMD. Alors, par la suite, le ministre a donc déposé au niveau de la Gazette officielle son projet.

Alors, j'ai quelques questions, mais la première : Les 45 jours étant écoulés depuis la publication de l'avis du ministre dans la Gazette officielle, est-ce que le ministre a toujours l'intention d'aller de l'avant avec ces trois cliniques privées?

La Présidente (Mme Montpetit) : M. le ministre.

M. Barrette : Oui.

Mme Lamarre : Parfait. Est-ce que la marge de profit dont il a été question, qui était de 10 %, va toujours être maintenue à 10 %?

La Présidente (Mme Montpetit) : M. le ministre.

M. Barrette : Elle ne sera pas nécessairement maintenue. C'est un maximum, ça pourrait être moins que ça.

Mme Lamarre : D'accord. Et, en ce qui concerne la représentation, au niveau du lobbyisme, de la clinique Rockland à l'effet qu'elle aimerait avoir le droit de faire des chirurgies qui nécessitent aux patients de séjourner plus de 24 heures, donc le deuxième mandat au Registre des lobbyistes, est-ce que le ministre a l'intention de dire oui à cette demande?

M. Barrette : Bien, Mme la Présidente, j'apprends par l'intervention de la députée de Taillon que le Dr Taras, si je comprends bien, là, s'est inscrit au Registre des lobbyistes pour parler de ça. Bien, moi, je n'ai pas parlé au Dr Taras, je ne l'ai pas rencontré, là, j'apprends ça.

Maintenant, Mme la Présidente, quand la députée de Taillon, évidemment, fait cette intervention-là, c'est comme s'il y avait implicitement quelque chose de particulier qui se passait, là, et je tiens à affirmer haut et fort que les citoyens du Québec, aux dernières nouvelles, avaient le droit — c'était honnête, c'était transparent, c'est pour ça qu'on a fait ça — de s'inscrire au Registre des lobbyistes et inscrire leur sujet pour lequel il devait y avoir une conversation potentielle. Alors, je rappelle à la députée de Taillon que ça, c'est permis dans la loi. C'est respecter les règles, c'est ça qu'on veut. Une personne, si elle veut parler à un ministre, doit s'inscrire et dire pourquoi elle vient le voir. Moi, je trouve ça très sain.

Ça ne veut pas dire que je vais le voir puis ça ne veut pas dire que je vais accepter quoi que ce soit. Là, actuellement, je n'ai rien, rien, rien... je n'ai pas eu de conversation à cet effet-là, je n'ai rencontré personne, puis je ne donnerai pas ma décision aujourd'hui, là. Si jamais quelqu'un vient me parler, bien là, à un moment donné, je vais prendre une décision. Mais une chose est certaine : au moment où on se parle, il n'est pas permis, au Québec, en dehors d'un hôpital, d'avoir la possibilité d'un hébergement au-delà de 24 heures, ce n'est pas permis. Alors là, je comprends qu'il y a quelqu'un qui s'inscrit, qui veut me parler de ça, mais disons qu'aujourd'hui, là, excitation zéro de mon bord.

Mais, puisque la députée de Taillon trouve tellement important de prendre en considération les actions de quelqu'un, des actions légales, bien, je lui rappellerai que, son chef de parti, bien, on attend toujours qu'il mette ses avoirs dans Vidéotron dans une fiducie sans droit de regard, on attend toujours ça. Là, pourtant, là, aux dernières nouvelles, il y a une règle à l'Assemblée nationale qui demande ça, puis, aux dernières nouvelles, il n'y en a toujours pas.

Alors, moi, je suis très surpris de voir la députée de Taillon s'émouvoir d'une personne qui respecte les lois et inscrit le sujet duquel elle veut avoir... à propos duquel elle veut avoir une conversation de façon transparente. C'est ça qu'elle doit faire, ça ne m'implique pas d'aucune manière. Puis je ne l'entends jamais s'émouvoir de son chef qui, à date, n'a pas respecté les règles de notre code d'éthique.

La Présidente (Mme Montpetit) : M. le ministre, simplement par souci d'équité du temps entre la question et la réponse, je redonnerais la parole à la députée de Taillon.

Mme Lamarre : Alors, pour l'information au ministre, je suis tout à fait confortable avec le Registre des lobbyistes et je pense que c'est quelque chose qui est tout à fait positif. Donc, j'ai le droit de questionner le ministre sur ses intentions, et c'est clairement ce que je fais, je reste strictement dans ce registre-là. C'est le ministre qui déduit des choses à travers mes questions.

Alors, ma question — je continue parce que j'en ai quelques autres — dans la publication de la Gazette officielle, en ce qui concerne ces cliniques privées, parmi les informations financières que chacune des cliniques va transmettre au ministre, on mentionne les revenus provenant des sommes payées par un usager pour une fourniture médicale, ou autres, on comprend que ce sont les frais accessoires que le ministre a permis au niveau du projet de loi n° 20. Mais, juste un peu plus bas, on dit : «Lorsqu'il y a des revenus des usagers, ceux-ci sont déduits du coût de revient pour obtenir le coût net de production des services.» Or, ça, par exemple, ça, ça pose vraiment une question parce que, si on extrait les frais accessoires, qui semblent être essentiels pour que l'activité puisse être réalisée dans une clinique privée, pourquoi les exclut-on dans la façon dont on va mesurer le coût de cette activité-là lorsqu'elle sera faite en établissement de santé?

M. Barrette : Alors, Mme la Présidente, alors, ça va me demander de donner une réponse un peu plus longue, parce que, là, il y a des choses, des concepts qui ne sont pas les bons concepts qui sont mis sur la table ici, là.

Alors, non, ça ne fait pas référence à des frais accessoires. Première chose.

Deuxièmement, le projet est construit d'une telle manière que, dans un environnement de qualité comparable à ce que l'on retrouve dans notre réseau actuel, même pour ce qui est de nos hôpitaux neufs... Le projet est construit d'une telle manière que nous ayons accès à la totalité des coûts engendrés par une procédure à être évaluée, étalonnée. Alors, il est normal pour nous de demander à ce que la transparence soit totale. Et je tiens à redire ce que j'ai dit la semaine dernière : Il n'y aura pas de patients qui vont être envoyés dans une des trois cliniques s'il n'y a pas à la case départ un engagement formel, vérifiable qu'il y a une transparence complète sur les coûts.

Maintenant, il y a des procédures, au Québec, où il est, même à l'hôpital, même à l'hôpital, et à l'hôpital ce n'est pas des frais accessoires au sens où la députée de Taillon l'entend... il y a des circonstances où il y a un coût potentiellement à la charge du patient. Prenons, par exemple — et ça a existé longtemps dans nos hôpitaux — les lentilles intraoculaires pour la cataracte. Ces lentilles-là, il y avait une lentille payée par le système public et un autre grade qui pouvait être à la charge du patient, c'est permis dans les hôpitaux. On comprendra que, s'il advenait qu'il y ait ce genre de chose là, il nous faut le savoir. Et il nous faut le savoir pourquoi? Pour que, quand on fait l'évaluation du coût unitaire du service que l'on évalue, on puisse savoir ce à quoi ce coût correspond.

Et, dans l'exemple que je viens de donner, c'est très important, parce que, si on évalue un coût qui inclut le choix d'une lentille intraoculaire qui est de plus haut de gamme, payée par le patient, bien, quand on fera la transposition du côté hospitalier, où, par exemple, on ne paierait que la lentille d'un certain niveau mais d'un autre niveau de coût, il ne faut pas que j'impute un coût injustifié au public ou inversement. C'est la même chose, par exemple, pour le coût du personnel. Si, dans cette clinique-là, on paie le personnel 10 % plus cher ou 10 % moins cher, je dois faire la transposition adéquate dans le système public. Alors là, il y a obligatoirement cette mécanique-là à mettre en action pour que la comparaison, l'étalonnement soit équitable.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Peut-être pour 10 secondes.

• (17 h 20) •

Mme Lamarre : Bien, écoutez, je veux simplement attirer l'attention du ministre sur le fait que la CSQ a quand même des recommandations et des questions intéressantes par rapport à ce projet. Et je pense qu'un comité d'éthique et d'évaluation indépendant serait tout à fait approprié pour suivre les travaux.

Est-ce que le ministre a l'intention de mettre sur pied un comité d'éthique, d'évaluation des coûts qui vont être analysés à partir du projet de la Gazette officielle? Est-ce qu'il y a un comité indépendant? Il l'a fait déjà pour d'autres activités, pour les frais accessoires. Est-ce qu'il a l'intention... Et peut-il nous dire la composition?

M. Barrette : Alors, Mme la Présidente, évidemment...

La Présidente (Mme Montpetit) : Avec le consentement des députés de la partie gouvernementale, vous pourrez prendre du temps sur... Il y a consentement. Allez-y, M. le ministre.

M. Barrette : Alors, Mme la Présidente, je vois mal comment on peut faire le lien entre un comité d'éthique... avec quelque chose d'aussi pragmatique et établi que l'évaluation d'un coût d'un service, qui est lui-même totalement documenté, là. Là, l'éthique, ici, là, je ne la vois pas. Je la verrais si j'étais dans l'optique de la députée de Taillon, qui, elle, évidemment, soupçonne... non, peut-être pas soupçonne, mais certainement laisse entendre un problème d'éthique dans notre démarche. C'est comme de me prêter l'intention...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Montpetit) : Un instant, M. le ministre, il y a un appel au règlement.

Mme Lamarre : ...35. On me prête des intentions. Je n'ai pas laissé entendre... J'ai posé des questions d'éclaircissement, de précision, auxquelles le ministre a partiellement répondu. Et, ma question, actuellement, je pense qu'elle vise autant à protéger la fonction ministérielle, dans un contexte d'un précédent pour lequel on n'a pas de référence comparable...

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, Mme la députée de Taillon. Je pense qu'on a, de toute façon, débordé sur cette question-là. Donc, je vous proposerais qu'on en revienne à la partie gouvernementale avec le député d'Orford.

Une voix : ...

La Présidente (Mme Montpetit) : Pour une période de 19 minutes.

M. Reid : Merci, Mme la Présidente. Bien, écoutez, merci pour votre réponse, hein, pour la réponse du ministre tout à l'heure.

On en arrive, après cette période-là, à la période, je dirais, là, de début de printemps 2003, l'élection de Jean Charest. Et c'est la première fois que je me suis présenté en politique. Et évidemment c'est une réflexion. J'avais été à l'université, et j'étais, à ce moment-là, au gouvernement fédéral, et je trouvais que, comme haut fonctionnaire, je ne peux pas parler de ceux qui sont ici, mais j'avais peu de contacts avec la population. Et, quand j'ai eu l'invitation de regarder à me présenter, j'ai étudié la question, j'en ai parlé à ma mère, d'ailleurs, qui est une personne de bon conseil, et en particulier parce qu'un de nos objectifs, c'était évidemment de régler le problème de santé, qui était devenu assez évident, qui était un gros problème, et, moi, ce n'était pas mon intérêt a priori, là, mais ça faisait partie de la situation. Et je me rappelle que la campagne de 2003 était une campagne qui était très, très axée sur les problèmes de santé, et je pense que ce qu'on avait compris un peu... Tu sais, il y a des idées qui ont eu cours, comme dans les années 1990, on en a parlé tantôt, et les idées qui ont eu cours dans les années de 2003 à 2010, en tout cas, là où j'ai... du côté de la barrière où j'étais, c'étaient des idées où, finalement, ce qu'il fallait, c'était mettre de l'argent, c'était de mettre de l'argent, puis encore de l'argent, puis encore de l'argent. Pourquoi? Parce que tout coûte quelque chose. Si on augmente le nombre d'étudiants dans les facultés de médecine, évidemment il faut les subventionner, ça coûte de l'argent. Si on a plus de médecins, bien, on va mettre de l'argent là-dedans aussi. Les facultés de médecine, on voyait bien qu'à la vitesse où on pouvait aller on ne pouvait pas, disons, rattraper le terrain perdu, donc on a ouvert des annexes à des facultés de médecine, par exemple, à Trois-Rivières, pour la Faculté de médecine de l'Université de Montréal, et je pense que, pas longtemps après, on a ouvert également une annexe, si on peut appeler ça une annexe, là, mais, enfin, de faculté de médecine à Chicoutimi, à Saguenay, associée ou affiliée avec l'Université de Sherbrooke, et tout ça pour accélérer... Autrement dit, on courait après le fait qu'il y avait eu une baisse d'effectif, de capacité de soigner, et on avait l'impression que c'est l'argent qui faisait foi de tout. Et, pour tous les autres ministères, et moi, j'étais à l'Éducation, aux Services gouvernementaux, évidemment, on n'avait pas le même poids, quand on discutait avec le ministre des Finances et avec le Conseil des ministres, que la Santé, parce que la Santé était... Malgré nos efforts considérables, malgré les promesses du premier ministre, les engagements, on avait de la difficulté à faire changer les choses.

Il y a des progrès qui ont été faits. Tout le monde était d'accord en particulier avec le fait que la qualité, quand on a des soins... que la qualité est bonne — j'ai vécu ça avec mon fils également — des très, très bons soins une fois qu'on est entré, puis que la difficulté, c'était l'accès, la difficulté principale. Ça fait que comment est-ce qu'on peut avoir un médecin? Comment est-ce qu'on peut rentrer? Pourquoi est-ce qu'on va attendre une journée ou 12 heures, un nombre d'heures qui paraît incorrect dans une société comme la nôtre?

Et donc on a été élus en 2007. C'était encore un sujet majeur, la santé. On a été réélus en... c'était minoritaire. On a été réélus en 2008 dans un gouvernement majoritaire, et c'était encore un sujet majeur, la santé. Et, en 2012, il y a un autre gouvernement qui a été élu, et ça nous a amenés jusqu'à 2014.

Alors, la période pour laquelle j'aimerais entendre le ministre, M. le Président, qui était à ce moment-là à un autre titre, parce qu'il n'était pas juste médecin pratiquant, il était aussi impliqué dans cette question-là... J'aimerais que le ministre nous parle un peu de cette évolution-là, vu de son côté, du côté de la clôture où il était, et pour qu'on puisse par la suite... s'il nous reste du temps dans ce bloc, sinon on prendra le temps, mais pour en arriver par la suite à mettre en place, là, l'information pour mieux comprendre la transformation qui est en train de se faire depuis deux ans. Et il y a beaucoup, beaucoup de choses dans cette transformation, hein? On parle de supercliniques, on parle de site Internet, on parle de projets de loi nos 10, 20, etc., à un point où ça devient difficile, pour ma mère, pour beaucoup d'autre monde comme elle qui sont bien informés, qui s'informent, de comprendre de façon un peu simple pourquoi ça va changer les choses. Alors, en parlant de la période 2003 à 2014, ça va nous permettre de mieux comprendre après ça, une explication plus vulgarisée peut-être sur pourquoi ce qu'on fait actuellement, ça va changer la problématique qu'on a eu tant de misère à changer et qu'on n'a pas vraiment réussi à changer entre 2003 et 2012 avec deux gouvernements différents.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Alors, M. le Président, alors, je vais quand même faire le lien avec la fin de ma réponse du dernier bloc juste pour illustrer les impacts de la décision qu'avait prise le Parti québécois à l'époque. D'ailleurs, je salue la présence du député de Rosemont, qui nous avait informés, dans une commission parlementaire précédente, qu'il avait été, lui, le conseiller de M. Bouchard, là, lorsque ces décisions-là avaient été prises. Et je pense que le député de Rosemont est sans aucun doute fier de sa participation à l'époque. C'était un moment d'effervescence où des décisions ont été prises qui malheureusement ont eu des conséquences assez délétères.

Mais un exemple du côté délétère des décisions qui ont été prises sous le conseil du député de Rosemont, entre autres, c'est qu'on a dû, à l'époque, et moi, je l'ai vécu, là, j'ai vécu ça... Parce qu'il y avait des plafonnements, imaginez, là. Parce que vous me parlez de votre mère. Ça, c'est compréhensible. Il y avait des plafonds, le gouvernement disait aux médecins : On ne veut plus que vous en fassiez, on vous met un plafond. Et nous, les praticiens, là, qui avions des employés, bien, on avait le choix de mettre nos employés dehors ou de continuer à les payer pendant un mois sur six mois. À tous les semestres, il y avait un mois où on arrêtait de marcher, puis on gardait ça ouvert pareil puis, parce que c'est une question de... les employés n'avaient pas à être pénalisés par les décisions gouvernementales, même si dans le réseau public, à l'hôpital, ils l'étaient. Bien, on arrêtait de donner les services.

Ça fait qu'imaginez, là, tantôt je vous disais qu'on était en retard technologiquement au point où on allait dans les congrès inutilement, mais en plus on nous plafonnait, on diminuait l'accès aux services volontairement. Imaginons ça aujourd'hui, un État qui décidait... Imaginez, là, si aujourd'hui, comme gouvernement, on disait au monde, là : Hé! on va vous empêcher volontairement d'avoir accès à des services. L'opposition, aujourd'hui, qui est maintenant dans l'opposition, le Parti québécois, crierait au meurtre. Mais à l'époque c'était ça qu'ils ont fait.

Puis c'était tellement problématique, à l'époque, là... Et ça, c'est 2003, je fais la transition. En 2003, là, il y a eu la crise des urgences, où il n'y avait aucune règle, il n'y avait pas de règle. Les seules règles, c'étaient des coupures, des vraies coupures. Le seul moment dans l'histoire du réseau de la santé où il y a eu des budgets négatifs année sur année en santé, c'est pendant les années du Parti québécois, puis c'est la seule fois dans l'histoire, pas nous autres. Il y a eu la crise des urgences où, à un moment donné, parce qu'il n'y avait pas de règle, il y avait des urgences dépourvues de médecin, l'urgence de Shawinigan où malheureusement est arrivé un drame. Un patient est arrivé en arrêt cardiaque, en infarctus, à l'urgence de Shawinigan, il n'y avait personne. On l'a transféré à Trois-Rivières. Dans le transfert, bien, ça a pris trop de temps, c'est normal, ce n'est pas surprenant. Et là, pour une fois, le chef de la deuxième opposition actuelle, il s'est levé debout puis il a dit : On va mettre des règles. C'est la seule fois où le Parti québécois a mis une règle que je qualifierais de positive dans le réseau, mais ils se sont fait battre cette année-là par nous autres.

Le Parti libéral est arrivé au pouvoir dans ce contexte-là, et, à un moment donné, là, il fallait prendre des décisions, qui auraient dû être prises bien avant, mais il fallait les prendre, et les décisions qui devaient être prises étaient celles de rectifier le tir et de rétablir la situation en termes d'effectif, tous les effectifs : les infirmières, les installations, les médecins. Qu'est-ce que notre gouvernement a fait à l'époque? Bien, il a fait ça, il a fait du rattrapage. Il a commencé par progressivement augmenter à nouveau le nombre d'entrées dans les facultés de médecine. Et c'était dramatique parce que les facultés de médecine, sous le Parti québécois, s'étaient adaptées à la diminution des entrées, vous étiez vous-même... M. le Président, le député d'Orford était lui-même à la tête d'une université et lui est très bien placé pour savoir que les universités avaient diminué...

• (17 h 30) •

Le Président (M. Tanguay) : Oui. Excusez-moi, M. le ministre. Question de règlement?

M. Lisée : Une question d'information. Je pensais qu'on faisait les crédits du ministère de la Santé actuels, ou c'est ceux du...

Le Président (M. Tanguay) : Non, non, non! Collègue, non. Collègue de Rosemont, vous n'allez pas commencer ça, là! Non. Je vous apprécie, vous m'appréciez — enfin, je crois — mais là il ne faudrait pas changer cette situation. Je vous demande si c'est une question de règlement. Je me dois, en vertu du règlement, vous donner la parole, et vous m'indiquez... Bien, en fait, ce n'est pas une question de règlement, c'est une question d'indication. Alors là, une question... une demande d'information, non, ça, on ne peut interrompre un collègue qui a la parole, on ne peut le faire uniquement qu'en soulevant une question de règlement, M. le député de Rosemont. Alors, je vous prie, s'il vous plaît, de laisser la parole à celui qui l'a. Et je pense qu'on peut continuer nos débats de façon sereine. Si vous avez des questions de règlement, je serai toujours rigoureux à vous donner la parole, mais, si vous m'avouez candidement : M. le Président, je veux juste intervenir parce que ce n'est pas une question de règlement, vous allez me rencontrer sur votre chemin, là, collègue de Rosemont.

Alors, M. le ministre, la parole est à vous et uniquement à vous.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Je comprends la pulsion qui pousse le député de Rosemont à intervenir, la pulsion étant générée par la gêne de son passé, mais continuons, M. le Président.

Alors, il fallait rectifier les choses. Il fallait les rectifier, et, comme je le disais, le député d'Orford était aux premières loges de la difficulté qu'ont eue les universités à reconstruire le corps professoral. Il y avait eu une désaffectation, pas au sens où on abandonne ce secteur-là, mais on diminue progressivement, de façon substantielle, les entrées dans les facultés de médecine. Alors, c'est la même chose dans les autres facultés en santé, bien là, l'université, elle, elle n'a pas le choix de s'adapter, là, il y en a moins... bon.

Et là, quand on veut repartir la machine, bien, on ne peut pas faire ça en une année. Mais il fallait le faire, et le gouvernement libéral d'alors a fait ce choix-là et progressivement a réaugmenté le nombre d'entrées dans les facultés de médecine, pour reprendre l'exemple de la médecine, pour l'amener non seulement au niveau d'avant, mais au-delà. Pourquoi? Parce que ce qui était clairement visible dans les années 90, c'est-à-dire l'évolution de la médecine, de la technologie, de la pharmacopée — la pharmacopée, c'est l'arsenal pharmacologique que l'on a à notre disposition pour traiter des maladies — ça se multipliait, c'étaient les heures de gloire de l'industrie pharmaceutique. On était là, nous autres, là, puis on voyait ça, là, se développer, puis on se disait : Ça ne se peut pas, ils ne se rendent pas compte, là, que, là, on va frapper un mur. Bien, nous, quand on a commencé à rectifier le tir, bien, il fallait non seulement revenir au niveau d'avant, mais aller au-dessus parce que développement technologique, parce que développement pharmacologique, parce que besoins nouveaux, parce qu'opportunités thérapeutiques nouvelles, parce que l'évolution de la science, bon. Et ça a été fait, ça a été fait, et ça a commencé en 2003, et ça a été fait progressivement.

Je vois, M. le Président, le député d'Orford lever la main. J'imagine...

Le Président (M. Tanguay) : Oui. Collègue d'Orford.

M. Reid : Oui. C'est que j'aimerais qu'à partir de ça on en arrive à la... Parce que moi, à la fin des années, là, dont on parlait tantôt, là, de cette période-là de fin... de 2008, 2009, 2010, moi, je n'arrivais pas à expliquer à ma mère pourquoi ça ne marchait pas. Parce que ma mère, elle savait qu'on mettait de l'argent chaque année. Je lui en parlais, moi, puis elle disait : Bon, bien, ça va changer. Puis ça ne changeait... en tout cas, on avait l'impression que ça ne changeait pas tant que ça parce qu'il y avait encore bien du monde qui n'avait pas... Elle, elle en avait un, médecin de famille, mais il y avait bien du monde qui n'en avait pas. Moi, je voyais aussi, dans mon comté, qu'il y avait des situations comme ça.

Alors, à partir du moment où on a effectivement formé plus de médecins, etc., de quelle façon est-ce qu'on explique qu'on n'arrivait pas à le faire? Ça va me permettre, M. le Président, de poser la question au ministre après, dans un dernier bout, que pourquoi ça change les choses maintenant, pourquoi on va changer. Alors, pourquoi ça n'a pas changé pendant cette période-là, dans un premier temps?

M. Barrette : Alors, il y a des choses qui se sont améliorées, évidemment. Comme mon collègue vient de le dire, notre collègue député, on a réaugmenté, évidemment, les nombres d'entrées. Donc, il y avait théoriquement plus de médecins qui allaient sortir. Et là arrive la question très pertinente de votre mère : Comment ça se fait que ça n'améliore pas les affaires? C'était une fichue de bonne question. Ce qui n'avait pas été planifié et vu, ce n'est pas la même chose que, dans les années 90, où c'était clair qu'on mettait le réseau dans le trouble, là, ce qui n'était pas prévisible dans les années 2000, c'est le changement de comportement de la nouvelle génération de médecins. C'est ça qui n'était pas prévisible. Et on n'était pas beaucoup à le dire, mais on était beaucoup à le voir. Puis, au début, on n'y croyait pas. Encore une fois, j'étais en pratique dans ce temps-là et non seulement j'étais en pratique, mais j'étais à la tête d'associations ou de fédérations, les gens connaissent mon passé. Et là on regardait ça, là, on a dit : Coudon! C'est-u juste une année? Après deux ans : Coudon! C'est deux ans d'affilée. Là, après trois ans, ça commence à être une tendance. La tendance va-tu arrêter? Malgré les discours que l'on tenait, pas à portes closes mais dans le milieu, parce que ça a pris du temps avant que ce débat-là vienne sur la place publique, ce que l'on a vu, c'est qu'au même moment — c'est pour ça que ça n'a pas marché — au même moment où on faisait... on prenait les décisions, on mettait en place les mesures pour corriger le tir numérique des ressources et des effectifs, le gouvernement libéral, dans ces années-là, a investi beaucoup en blocs opératoires, en équipements, en structures. Il y en a eu, de l'investissement, mais, le résultat tangible, on ne le voyait pas parce qu'au même moment il y avait une collision... ou plutôt un asynchronisme : les deux, là, non seulement ne marchaient pas à la même vitesse, mais marchaient en sens contraire. Le gouvernement investissait dans la formation, dans les équipements, dans les médicaments, dans certaines structures, et les docteurs ralentissaient. Bien là, je vais vous dire une affaire, c'était un méchant problème, là, qu'on n'avait pas vu venir, mais... on ne l'a pas vu venir, mais on l'a vu se développer, par exemple.

Et c'est ça qui nous amène à la question suivante. Notre collègue, M. le Président, nous disait, dans le dernier segment : Qu'est-ce qui va faire que ce que l'on fait aujourd'hui va changer la donne? Bien, il y a un... Est-ce que vous voulez que j'y aille maintenant?

M. Reid : En fait, c'est... Je peux-tu savoir combien qu'il reste de temps?

M. Barrette : Quatre minutes.

Le Président (M. Tanguay) : 4 min 30 s.

M. Reid : Je pense qu'on peut certainement commencer, mais ce que je voulais dire, c'est que, dans cette optique-là, c'est de voir comment ça marche puis ensuite, une fois qu'on a le tronc de l'arbre, là, de comment ça se fait que ça marche, d'expliquer un petit peu certains des feuillages, là, si je peux appeler ça comme ça, des projets de loi nos 10, 20, etc., pour qu'on comprenne qu'est-ce que ça vient effectivement faire pour que ça marche.

M. Barrette : Ce qui a changé lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, et qui aurait dû changer avant... Et le gouvernement libéral d'avant, vers la fin de ses mandats, là, vers 2010, 2011, 2012, le gouvernement de l'époque a commencé à changer son mode de direction en commençant à avoir des exigences sur des livrables. Notre gouvernement a été le premier gouvernement à dire : Bien là, on va vous donner de l'argent, là, et vous allez diminuer et rendre à zéro les listes d'attente en cataractes, vous allez baisser les listes d'attente en chirurgies du genou, vous allez baisser les attentes en prothèses de hanche. Ça a été le début de décisions gouvernementales qui exigeaient des résultats par rapport à l'argent octroyé. Ça a été le début de ça.

Il y a eu l'intermède du Parti québécois, où il n'y a rien de tel qui ne s'est fait. Moi, je me rappelle, la première année, le premier été du règne de 18 mois du Parti québécois, je me rappelle parce que j'étais encore en pratique, je me rappelle qu'il y avait eu une commande de Réjean Hébert de diminuer de 50 millions les dépenses en chirurgies dans le réseau. Eux autres, ils n'avaient pas compris leur expérience des années 90 puis ils ne comprenaient pas ce qui se passait dans les années 2000, mais ils faisaient bien des annonces, par exemple.

Et là on est arrivés au pouvoir. On est arrivés au pouvoir, et là les réformes que l'on met en place, depuis notre arrivée, sont des réformes qui, dans tous les secteurs, ont une couleur, il y a un canevas. Le canevas sur lequel on fait la gestion, là, sur lequel on prend nos décisions et on les écrit, c'est les livrables. Non, le gouvernement du Québec, sous notre règne, n'acceptera plus que l'argent soit dépensé sans qu'il y ait à la clé un livrable. Alors, quand on fait la loi...

M. Reid : ...est-ce que le ministre pourrait donner des exemples de livrables? Parce que ma mère ne comprendra pas ce terme-là.

M. Barrette : De livrables?

M. Reid : Oui.

• (17 h 40) •

M. Barrette : Excellent. Alors, je vais donner un exemple précis. Il est très récent et c'est hier... on est mardi, c'est hier. Hier, là, j'ai fait une annonce qui dit quoi? L'annonce dit : À la case départ, nous allons vous payer si vous vous engagez à être ouverts 12 heures par jour, sept jours par semaine. C'est ça, un livrable. Un livrable, là, c'est d'amener des sous à la condition, pour la personne qui reçoit les sous, là, que la personne s'engage à livrer ce qui est attendu.

L'autre différence, c'est que les décisions qu'on prend en termes de livrables, c'est les besoins de la population. Parce que nous autres, on sait que votre mère, votre tante, votre frère, votre soeur, votre neveu, votre nièce et leurs enfants veulent avoir un accès amélioré, ils ne veulent plus des mesures théoriques. Ça, une mesure théorique, là, ça s'appelle un incitatif. Un incitatif, c'est théorique. Je vais vous envoyer l'argent, là, puis on aimerait ça que vous fassiez telle chose. Bien, l'autre, hein, qui est en face, bien, il peut prendre l'argent puis ne pas faire quelque chose, parce que c'est un incitatif. C'est ça qu'on a vécu dans le passé. Même que, dans l'étude de la loi n° 20, l'opposition officielle me reprochait d'avoir un focus trop grand sur les livrables. Pourquoi vous n'allez pas avec les incitatifs? Parce que les incitatifs n'ont pas marché, parce qu'il y en a, oui, qui ont pris l'argent mais qui n'ont pas livré ce qui venait avec, ce qui était attendu.

Alors, hier, là, quand on a annoncé les supercliniques, on a dit : Bien sûr qu'on va être en partenariat, bien sûr qu'on va envoyer du personnel, puis bien sûr qu'on va vous appuyer financièrement, à la condition que vous livriez ça, et, si vous ne le faites pas, il y aura une coupure automatique. C'est ça, le changement.

Et j'irais même plus loin. L'étendue du changement, c'est que c'est notre approche dans tout, alors qu'avant c'était une approche par un petit secteur. Quand on a commencé ça à la fin des années 2000, début des années 2010, c'était sectorisé, mettons, dans trois chirurgies : la hanche, la cataracte, le genou. Là, on le fait partout. Puis on reprendra peut-être plus tard dans la même veine.

Le Président (M. Tanguay) : Oui, il y aura un autre bloc par la suite. Alors, sans plus tarder, je cède maintenant la parole au collègue de Rosemont?

M. Lisée : Oui.

Le Président (M. Tanguay) : La parole est à vous pour 19 min 30 s.

M. Lisée : M. le Président, j'étais pressé de parler des crédits...

Le Président (M. Tanguay) : Je vous en prie.

M. Lisée : ...2016-2017, je vous remercie de me permettre de le faire avec... Lors des quarts de crédits, le 22 mars dernier, avec le ministre, on avait commencé une discussion, il nous avait dit qu'il allait chercher les informations supplémentaires pour qu'on puisse la compléter. Donc, on cherchait l'évolution de la somme dévolue aux soins à domicile au cours des années précédentes et cette année, 2015-2016, ce sur lequel il devait se repencher, et la prévision pour 2016-2017. Alors, il était revenu à 2000-2011. S'il peut nous redonner ces chiffres-là, ça nous serait très utile.

M. Barrette : Alors, M. le Président, parce que je feuilletais mes documents pendant que la députée de Taillon me posait une question très fine, est-ce qu'il pourrait me la reformuler? Il veut que je remonte à 2000-2011? 2011?

M. Lisée : Ce que vous aviez fait la dernière fois, puis c'est utile pour montrer la progression.

M. Barrette : Attendez une minute que je prenne le total, là, parce que j'ai ici, sur cette feuille-ci...

(Consultation)

M. Barrette : Pardonnez-moi, M. le Président, ça ne sera pas très long. Alors, en aide à domicile, M. le Président, toutes clientèles, nous avons donné, en 2011-2012, 257 179 — c'est très petit — 042 $.

M. Lisée : 257.

M. Barrette : 257.

M. Lisée : ...

M. Barrette : Pardon?

M. Lisée : Soins à domicile.

M. Barrette : Oui, aide à domicile — c'est notre classification. En 2012, 273 039 157 $; en 2013-2014, 299 934 357 $; en 2014-2015, 335 814 956 $; et 2015‑2016, c'est évidemment le budget, ce n'est pas... alors que les chiffres que je viens de donner, c'est les dépenses au réel, et la prévision — le chiffre est plus gros ici, là, c'est pas mal bon — en 2015‑2016... Non, je ne l'ai pas ici, le 2015-2016. Alors, en 2015-2016, évidemment, c'est le prévu et ce n'est pas l'exercé.

(Consultation)

M. Barrette : Je n'ai pas juste la classification pour l'aide à domicile en 2015-2016, mais vous l'avez, j'imagine, dans le budget. Alors donc, on voit que, de 2011-2012, il y a eu une progression substantielle. Je vais prendre les chiffres plus gros, là. Alors, pour l'aide à domicile, on est passés de 257 millions, sur une période de quatre ans, à 335 millions, ce qui n'est pas banal.

Le Président (M. Tanguay) : M. le député... collègue de Rosemont.

M. Lisée : Oui. Je pense que vous n'avez pas le même jeu de chiffres, bien amicalement, que celui que vous nous avez présenté le 22 mars, parce qu'on était plus de l'ordre de 800 millions, 900 millions, 1,2 milliard. Alors, on est sur quelle colonne?

M. Barrette : Ah! bien, M. le Président, c'est parce que le député de Taillon a... Je m'excuse, le député de Rosemont. Excusez-moi. Ça m'est arrivé souvent, hein, dans nos histoires de nos commissions parlementaires, de vous inverser. Ça doit être parce que vous avez une communion d'esprit telle que je mélange vos comtés.

Alors, M. le Président, alors, je pense que le député de Rosemont, quand il m'a demandé de lui donner les chiffres d'aide à domicile, il voulait probablement avoir le total du soutien à domicile, et je vais le lui donner avec plaisir. Alors, en 2011-2012, le total était de 925 192 146 $; en 2012-2013, de 977 224 633 $; en 2013-2014, de 1 056 949 289 $; et, en 2014-2015, 1 120 341 560 $; et le projeté, en 2015-2016, est de 1 131 769 044 $. Alors, sous nous, jusqu'à maintenant, il y a eu une progression du financement dans ce secteur.

M. Lisée : Mais, lorsque le ministre nous dit qu'il ajoute 60 millions en 2016‑2017, est-ce que c'est 60 millions de plus que le 1 131 000 000 $ du 2015‑2016?

M. Barrette : Oui. La réponse, c'est oui.

M. Lisée : Donc, on serait ici à 1 191 000 000 $.

M. Barrette : Pardon?

M. Lisée : On serait donc... pour 2016-2017, il prévoirait 1 191 000 000 $.

M. Barrette : Oui. C'est parce que nous, dans nos tableaux, on a un élément que le député de Rosemont n'a probablement pas : parce qu'en plus il faut ajouter l'indexation. C'est ça qui est la variation, là, mais, oui, le 60 millions s'additionne.

M. Lisée : D'accord. Lorsque nous en avons discuté le 22 mars, on a fait référence à l'engagement d'ajouter 150 millions par année, qui avait été fait lors de la campagne électorale, et le ministre nous disait qu'on était sur le point d'atteindre cet objectif et que ça serait satisfait dans le cadre du mandat. Alors, je voudrais savoir à partir de quel point il calcule cette addition?

M. Barrette : Ah! bien, c'est facile, M. le Président. Le point de départ initial était le budget du Parti québécois en 2014. Et là, ici, M. le Président, là, c'est une question factuelle. Lorsque je suis arrivé en poste et après avoir entendu la question au quart des crédits du député de Rosemont, j'ai fait quelques vérifications.

Et, quand nous, on a présenté notre plateforme électorale, nous avons évoqué, mentionné l'investissement de 150 millions qui, pour nous... — et là tenez-vous bien, M. le Président, et j'invite les gens qui nous écoutent... et j'espère que les journalistes nous écoutent — qui, nous, était 50 millions de plus que l'engagement du Parti québécois, qui était de 100 millions. Or, à ma grande surprise, M. le Président, quand on a eu à prendre connaissance des travaux budgétaires faits par le ministère de la Santé sous Réjean Hébert, mon prédécesseur, on a constaté que l'annonce du 100 millions en soins à domicile du Parti québécois n'était pas budgétée. Nous avons des documents qui nous montrent, noir sur blanc, que le 100 millions en question devait être financé à l'intérieur du budget de la Santé, et nous nous sommes fait, avec succès, vu de l'angle du Parti québécois, piéger par le Parti québécois, parce qu'ils avaient annoncé le 100 millions qui n'existait pas dans leur budget, il était autofinancé dans le réseau. En français, M. le Président, pour que le Parti québécois exerce ça, là, qu'il mette en application une dépense additionnelle en soins à domicile de 100 millions, il aurait dû couper...

Le Président (M. Tanguay) : En conclusion.

M. Barrette : ...dans le réseau de la santé. Le député de Rosemont, qui était là, peut-il nous dire comment lui et son collègue Réjean Hébert allaient... où ils allaient couper pour mettre 100 millions en soins à domicile?

Le Président (M. Tanguay) : O.K. Pour la suite... Oui, collègue de Rosemont.

• (17 h 50) •

M. Lisée : M. le Président, j'essaie, dans les 19 minutes que j'avais, et qui sont 11 minutes, de poser des questions courtes. J'aimerais avoir des réponses et j'aimerais qu'on reste sur les crédits dont on discute maintenant.

Donc, est-ce que je comprends que le ministre dit que sa base de départ est donc le budget du gouvernement qui le précédait, c'est-à-dire 1 570 000 000 $, c'est la base sur laquelle il va ajouter s'il arrive à faire sa promesse électorale? C'est ce que je comprends, c'est ce qui serait logique, donc c'est l'année avant le moment de leur arrivée.

Et, comme on en discutait le 22 avril, je lui dis et je cite notre échange, je disais : «...on convient que l'engagement électoral était de 150 millions de plus par année, donc 150, [la] première année; 300, [la] deuxième année; 450, [la] troisième, et ainsi de suite. Donc, ça, cet engagement-là, ce n'est pas envisageable que ce soit atteint, ce serait seulement [...] 150.» Et le ministre a répondu : «Ça, M. le Président, c'est l'opinion du député de Rosemont. Moi, je pense que c'est envisageable qu'on l'atteigne.» Et, bon, je reprends. Le jour où ça a été annoncé, on a cette manchette : 750 millions sur cinq ans, c'est ce qui était promis, en soins à domicile, de plus.

Alors, si on est d'accord qu'il utilise 1 057 000 000 de 2013-2014, c'est donc qu'il nous dit qu'il est envisageable d'arriver à 1,8 milliard pour le budget 2018-2019 que son gouvernement va présenter. Est-ce que c'est bien le cas?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Alors, M. le Président, puisque le député de Taillon... Rosemont, il me semble... — jamais que je vais parvenir à m'en défaire, j'en suis fort désolé auprès de vous deux — et, puisque le député de Rosemont brandit les documents, je vais brandir notre engagement électoral et notre cadre financier. Et, dans notre cadre financier, il est clairement indiqué... il est clairement indiqué dans le cadre financier que nous allions investir 50 millions de plus que le Parti québécois. Et nous apprenons tous, j'en suis certain, aujourd'hui que le Parti québécois, malheureusement, n'avait pas été transparent. Il n'avait pas dans son budget le 100 millions de dollars additionnels. Ce qui fait que, nous, ce n'est pas 50 millions de plus que le Parti québécois qu'on devait mettre, mais bien 150 millions de plus que la réalité des dossiers de fermeture, des livres de fermeture quand le Parti québécois est allé en campagne électorale.

Et, quand on regarde les chiffres, M. le Président, la réalité, c'est que, quand on regarde la première année où on a été en poste et les années qui ont suivi, incluant ce budget, nous sommes rendus à plus 152 millions. Nous arrivons à notre engagement électoral, M. le Président, et nous y arrivons même en prenant en considération qu'on a eu à rattraper la non-vérité du Parti québécois qui avait annoncé 100 millions non budgétés. M. le Président...

Le Président (M. Tanguay) : En conclusion.

M. Barrette : ...me poser ces questions-là en faisant abstraction de cette réalité-là, bien, on voit de quel bois se chauffe le Parti québécois quand vient le temps de parler budget dans une conversation avec le public.

Le Président (M. Tanguay) : O.K. Collègue de Rosemont.

M. Lisée : Bon! J'aimerais rappeler au public que nous sommes ici pour faire notre travail parlementaire de poser des questions au ministre sur ses crédits et sur sa gestion de son ministère. Il veut toujours parler de la gestion de ses prédécesseurs, mais moi, j'aimerais ça, dans les quelques minutes que j'ai, qu'on puisse savoir ce qui a été dit aux électeurs et ce qu'il est en train de faire. Et je pose des questions courtes et précises. Et donc, là, il vient de me dire que c'est 150 millions sur cinq ans qu'ils avaient promis et que donc cette manchette du Devoir, «750 millions en cinq ans», est fausse, ce n'était pas le cas. J'ai cherché la correction, je ne l'ai pas trouvée. Et, lorsque je lui ai dit, le 22 : On convient que l'engagement était 150 millions de plus par année, 150 la première, 300 la deuxième, 450 la troisième, et donc que ce n'est pas envisageable, et qu'il nous a répondu : «Ça, c'est l'opinion du député de Rosemont. Moi, je pense que c'est envisageable qu'on l'atteigne», là, je venais de dire 450, je n'étais pas rendu à 750.

Alors, est-ce qu'il s'est trompé lorsqu'il a dit que, le 22 mars, le 450 était atteignable et que c'est seulement 150 qu'il va ajouter, même au budget 2018-2019, ou est-ce qu'aujourd'hui il a changé d'avis, ou s'il se rend compte que ce ne sera pas possible? C'est quoi, là? C'était le ministre du 22 mars ou c'est le ministre d'aujourd'hui? Est-ce que c'est 450, 750 comme on disait ici et ce que tout le monde a compris à l'époque puis les reportages du jour? C'est qui? Qui a raison?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Alors, M. le Président, le député de Rosemont nous dit qu'il est précis, hein, il est précis dans ses questions, il dit les choses telles qu'elles ont été dites. C'est tellement dommage que le député de Rosemont n'ait pas été aussi transparent en 2014, à la campagne électorale. Est-ce que le député de Rosemont peut nous dire pourquoi le Parti québécois, en campagne électorale, a caché qu'il n'avait pas l'argent pour injecter 100 millions de dollars dans les soins à domicile, pourquoi il n'était pas capable de le dire? Pourquoi ils ont...

Une voix : ...

Le Président (M. Tanguay) : Oui...

M. Barrette : ...dit à la population qu'ils allaient injecter 100 millions...

Une voix : ...

Le Président (M. Tanguay) : Non, pas besoin... Juste un instant, M. le ministre. Il faut... Non, et, je pense, la pertinence y était, il faut juste faire attention au niveau du mot «caché», qui est antiparlementaire. Alors, peut-être, restons... chers collègues, là, ça achève, là, on poursuit ce soir, restons dans le bon ton. Tout peut se dire, je pense que la pertinence y est, mais je vous invite à faire attention au choix des mots. M. le ministre.

M. Lisée : Donc, la question, on veut savoir : Est-ce que le ministre va réinvestir 150, 450 ou 750 sur son mandat? C'est facile, un des trois chiffres.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, sur la même question.

M. Barrette : Alors, M. le Président, évidemment, le député de Rosemont, qui est un expert dans l'art de ne pas dire ce qu'il ne faut pas dire —c'est ça, sa marque de commerce — il ne veut pas qu'on revienne sur le fait qu'au lieu, pour nous, de partir de 100 millions et se rendre à 150, on part de zéro pour aller à 150. Et il refuse de dire, le député de Rosemont, où il aurait coupé pour faire ça. Et il n'ira certainement pas jusqu'à nous féliciter d'être rendus, cette année, à 152 millions d'argent neuf en soins à domicile, ce qui excède leur engagement qui, dans les faits, était de zéro dollar parce qu'ils auraient dû couper dans les services de notre réseau de santé et de services sociaux. Il ne veut pas, le député de Rosemont, qu'on mette ça en évidence. Il vaut qu'on remette en évidence simplement un chiffre qui ne fait pas son affaire. Mais je dis une chose, M. le Président, je maintiens qu'on arrivera à destination dans notre engagement électoral et qu'on l'aura fait malgré le fait que le Parti québécois allait couper 100 millions de dollars dans les services de santé pour financer quelque chose qui n'était pas budgété. La différence entre le député de Rosemont et moi est que je ne cache pas la réalité pour me mettre en valeur...

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre...

M. Barrette : ...ce n'est pas le même genre de politique.

• (18 heures) •

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre, faites attention avec l'utilisation du mot «cacher» ou «cache», qui est antiparlementaire. Collègue de Rosemont.

M. Lisée : Écoutez, tout le monde voit que le ministre refuse de répondre à la question. Je pose une question facile : Quel est le chiffre de départ? Est-ce que c'est 750 millions, comme tout le monde a compris pendant la campagne électorale, ou est-ce que c'est juste 150? Je comprends — j'essaie de décoder à travers toute la boue qu'il essaie de lancer — que c'est 150. Et il dit : Moi, je n'ai jamais rien coupé. Bien, il s'est vanté d'avoir coupé 200 millions de dollars, grâce à la loi n° 10, qu'il a remis au Conseil du trésor. Il a fait des économies à l'intérieur de son système, il l'a donné au Conseil du trésor et il se vante de faire des économies dans le système pour réinvestir en santé. Et, oui, nous, on augmentait et on allait augmenter les soins à domicile en faisant des économies aussi, tout simplement, comme lui. Il n'y a rien de caché.

Mais j'aimerais revenir aujourd'hui sur son travail à lui. Tu sais, il n'y a plus de Commissaire à la santé, il n'y a plus d'association des gestionnaires, il a détruit tous ceux qui pouvaient donner de l'information. Alors là, on est là, là, on pose des questions, et il refuse de répondre, il parle d'autre chose. Alors, je vais quand même lui poser une question. Parce que nous avons eu, sur les soins à domicile, un témoignage assez étonnant. Parce qu'il nous a dit... J'ai posé des questions en Chambre, il a dit : Non, non, ça n'existe pas, le rationnement des soins à domicile, ça n'existe pas. Et pourtant on a une lettre, qui a été remise à un de nos citoyens, où le CIUSSS de Montréal dit... — voilà, à M. Pigeon, 13 avril 2016 — il a dit : Oui, par la présente, on vous réduit vos heures. Pourquoi on vous réduit vos heures? Nous sommes conscients que cette décision concernant l'ajustement du nombre d'heures de services n'est pas celle que vous souhaitez, mais soyez assuré qu'elle est prise dans le souci d'équité envers tous les usagers du territoire.

Équité. Ce n'est pas en fonction de vos besoins, c'est en fonction de l'équité, c'est-à-dire qu'on n'a pas assez d'argent pour en remettre à tout le monde selon les besoins, donc on vous dit franchement : On — je ne dirai pas le mot «rationner» parce que le ministre ne l'aime pas — étale ce qu'on a équitablement.

Alors, est-ce que le ministre est satisfait qu'il y ait une lettre officielle du CIUSSS de l'Est-de-l'Île-de-Montréal — c'est quelqu'un qui est dans mon comté qui dit ça — est-ce qu'il est satisfait de ça ou est-ce qu'il trouve que c'est inacceptable?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, au prochain bloc, j'invite le député de Rosemont à lire la lettre au complet publiquement. Ça va être intéressant. Parce qu'on l'a, la lettre aussi.

Mais, M. le Président, s'il y a consentement, je vais terminer un peu ma réponse que j'avais commencée... pas à mon collègue d'Orford, mais à mon collègue de Rosemont.

M. Lisée : ...M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Non, non, non. Mais, juste avant, on est toujours sur le bloc du collègue de Rosemont. Il reste une minute, alors...

M. Barrette : Il reste encore une minute?

Le Président (M. Tanguay) : Il reste une minute, oui, alors...

M. Barrette : Ah! bien, écoutez, je vais prendre cette minute-là, M. le Président, évidemment.

Le Président (M. Tanguay) : Ne vous privez pas de l'échange avec le collègue.

M. Barrette : Bien, non, je ne me priverai certainement pas. Parce que le député de Rosemont refuse que soit mentionné même le fait que, ne finançant pas 100 millions par année pendant quatre ans, quatre ans et demi, c'est...

M. Lisée : ...M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Un à la fois. Un à la fois.

M. Barrette : ...450 millions de dollars qui n'étaient pas financés par le Parti québécois et qu'il aurait fallu prendre ailleurs. Pourquoi le député de Rosemont veut-il faire abstraction du fait qu'il n'a pas dit la vérité à la population quand il était...

Le Président (M. Tanguay) : Il faut faire attention, il faut faire attention. M. le ministre, faites attention à l'utilisation des mots. Faites attention à l'utilisation des mots.

M. Barrette : Bien, je vais faire attention.

Le Président (M. Tanguay) : Faites attention.

M. Barrette : Pourquoi le député de Rosemont refuse-t-il de mettre dans l'équation le fait qu'il n'y avait pas 100 millions de dollars par année, pendant quatre ans et demi, à mettre dans leur budget dans les soins à domicile?

M. Lisée : ...

Le Président (M. Tanguay) : On y est, on a changé de bloc...

M. Barrette : Comment peut-il me reprocher quoi que ce soit...

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre, attendez...

M. Lisée : ...

Le Président (M. Tanguay) : Là, un à la fois. Puis c'est la prérogative du président. Un à la fois. C'est le président qui a la parole. Là, nous sommes passés du bloc de l'opposition officielle, donc de l'échange entre le collègue de Rosemont et le ministre, au bloc des députés formant la banquette ministérielle. Il reste donc 19 minutes à ce bloc. Collègues de la banquette ministérielle, la parole est à vous. Y a-t-il consentement pour permettre au ministre de poursuivre? Oui. Alors, M. le ministre.

M. Lisée : ...

Le Président (M. Tanguay) : Vous faites un appel au règlement? C'est‑u un appel au règlement, collègue de Rosemont?

M. Lisée : Bien, une question au président. Puisque le ministre me pose une question directement, est-ce qu'il y aurait consentement pour que j'aie quelques secondes pour lui répondre?

Le Président (M. Tanguay) : Y a-t-il...

Une voix : ...

Le Président (M. Tanguay) : Il n'y a pas de consentement.

M. Lisée : Non? Ah! Bravo!

Le Président (M. Tanguay) : Alors, il n'y a pas de consentement. Alors, M. le ministre, sur le bloc appartenant aux collègues formant la banquette ministérielle, la parole est à vous. Vouliez-vous conclure?

M. Barrette : Alors, merci, M. le Président. Je vais continuer. Tout le monde a vu ce qui vient de se passer, M. le Président, là, et ça continue...

Une voix : ...

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Alors, ici... Mais, écoutez, M. le Président, c'est presque de l'intimidation. On interrompt, alors qu'il n'a pas la parole. On veut me museler, on veut m'empêcher de dire ce qui doit être dit. Le député de Rosemont ne veut pas qu'on insiste sur le fait... Puis rappelons qui est le député de Rosemont, là, c'est le conseiller spécial du Parti québécois quand il y a eu les coupures en santé dans les années 90. Et ce n'est pas le fun pour lui qu'on divulgue le fait qu'aujourd'hui, pendant quatre ans, pour 450 millions de dollars annoncés, il n'y avait pas d'argent dans le budget du Parti québécois et qu'il aurait fallu, à ce moment-là, couper d'autres services. Ça ne fait pas son affaire, ça le pousse à m'interrompre, même quand il n'a pas la parole. Il n'aime pas ça. Et là, M. le Président, si la caméra le montrait, il devrait être assis, mais il se tient debout avec un visage que je considère...

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre, veuillez vous adresser à moi. Collègue de Rosemont, merci beaucoup...

M. Lisée : ...

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, collègue de Rosemont! Le décorum, article 32. Alors, je vous remercie beaucoup de respecter l'enceinte de l'Assemblée nationale. Alors, M. le ministre, la parole est à vous et rien qu'à vous.

M. Barrette : Alors, je continue, M. le Président. Le Parti québécois, qui a choisi de dire à la population qu'il allait injecter en soins à domicile une somme additionnelle, pendant son mandat, de 100 millions par année, 450 millions de dollars pendant un mandat de quatre ans et demi, il a choisi de dire à la population qu'il allait faire ça, mais il a choisi aussi de ne pas dire qu'il ne l'avait pas dans son budget. Et on sait tous que, quand on annonce un investissement qui n'est pas provisionné, ça veut dire qu'on doit couper ailleurs.

Comment le député de Rosemont ou la députée de Taillon peuvent-ils aujourd'hui me reprocher d'avoir, pour cette année, rempli notre engagement et celui du Parti québécois? Parce qu'on l'a fait, nous autres, là. On l'a fait en revenant à l'équilibre budgétaire. On les a investies, ces sommes d'argent là, et on l'a fait pour vrai, de façon vérifiable et en toute transparence. Ça, c'est une politique complètement différente de celle du Parti québécois.

Et, encore une fois, M. le Président, ça va être quoi, à l'école de la souveraineté? Comment ne pas dire ce qui n'est pas disable pour ne pas faire peur au monde? Vendre quoi? Du rêve? La terre existe-t-elle, pour le Parti québécois, ou les pieds sont-ils toujours dans les nuages? Les nôtres sont sur la terre à l'année longue.

M. le Président, je reviens à notre échange...

Le Président (M. Tanguay) : Collègue d'Orford.

M. Reid : Oui. Bien, j'ai bien compris tout à l'heure, là, qu'il y a un changement qui est intervenu dans la façon de faire par la suite. Bon, il y a eu un changement dans les années 2000. Il y a eu de l'argent qui a été investi. Il y a des rattrapages qui ont été faits. Par contre, il y a eu des changements dans le mode de pratique médicale, si on veut. Et ce qu'on a compris tout à l'heure — en tout cas, ce que ma mère a compris aussi, j'en suis sûr — c'est que la notion de «livrable», qui veut dire, par exemple, de donner de l'argent mais s'assurer que l'argent vient quand le service est rendu, plutôt qu'une promesse qui peut ne pas être tenue... Ce qui serait intéressant, pour terminer notre échange là-dessus, M. le Président, avec le ministre, ce serait que le ministre prenne peut-être les principaux éléments dont on parle beaucoup puis dans lesquels c'est facile de rentrer dans un niveau de détails.

Évidemment, c'est des crédits. Tout ça, ça coûte de l'argent, puis c'est une façon de réallouer, de réorganiser les crédits aussi. Puis il y a de la réorganisation humaine là-dedans, de la réorganisation de structures aussi, et en particulier, je pense, là, le projet de loi n° 10... bien, la loi n° 10, la loi n° 20, le site Internet qui a été annoncé il y a quelque temps, les supercliniques, l'évolution des cliniques GMF, etc.

Autrement dit, est-ce que vous pouvez nous traduire, dans ces enjeux-là... enfin, dans ces éléments-là de la réforme ou du changement qui a été... de la transformation qui est faite, de quelle façon est-ce que les exemples que vous donniez tantôt, de livrables, là, de quelle façon est-ce que ça va effectivement... chacun de ces changements-là importants, de quelle façon ça va effectivement amener à obtenir, dans une période de temps x, les services que la population s'attend d'avoir dans un État aussi avancé que le nôtre sur le plan mondial pour sa médecine, pour sa capacité, pour le nombre de médecins de première catégorie, de premier niveau mondial, là, qui sont ici? Comment est-ce qu'on va arriver à avoir ces services-là dont on a raison légitimement de s'attendre d'avoir?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

• (18 h 10) •

M. Barrette : Alors, M. le Président, je vais souligner, moi aussi, ce que vient de dire notre collègue d'Orford : c'est vrai que la qualité de la médecine au Québec est de calibre tout à fait mondial. Nous n'avons pas à rougir ni à être envieux d'un autre système de santé quant à la qualité des soins.

Évidemment, par contre, on a eu et on se pose encore des questions, je pense qu'on a même tiré, là, nos conclusions quant à notre efficacité en termes de gestion, ça, c'est démontré partout. Quand on regarde l'argent rapporté à la richesse collective, le produit intérieur brut, c'est sûr qu'au Québec on investit plus pour le niveau de soins attendus, puis pas simplement attendus nominativement, mais de la manière qu'ils doivent être livrés. Et, à cet égard-là, on comprend les critiques de la population.

Et, quand on aborde la chose sous cet angle-là, bien, il y a deux aspects qu'on doit voir en parallèle : il y a l'accès aux soins — puis on ne mettra pas la qualité des soins, on vient de le dire, la qualité, elle est là — il y a l'accès aux soins et la gestion de ces soins-là. Et, quand je dis l'accès aux soins, là, c'est une chose, la gestion, c'est une autre chose. Sommes-nous performants? Puis, dit différemment, de façon à ce que votre mère et votre famille comprennent, qui sont des laïcs peut-être de la santé, est-ce qu'on en a pour notre argent? Et ça, c'est une question, là, qu'on se pose nous-mêmes à chaque fois qu'on voit un achat de n'importe quoi. Je vais m'acheter un manteau, là, puis ce manteau-là, là, il vaut‑u vraiment ce montant-là? Puis c'est pour ça qu'on magasine. Bon, en santé, on ne peut pas magasiner, là. On a un système qui est monolithique et on est obligé de bien le gérer si on est responsable. Ça n'a pas été le cas dans certaines années passées, dans les années 90, mais là c'est là où on est aujourd'hui.

Alors, prenons le premier aspect, qui est celui de la livraison de l'accès aux services. La loi n° 20, là, c'est le squelette, c'est le noeud, c'est là par où tout passe en termes d'accès. C'est par cette loi-là que l'on exige des heures d'ouverture appropriées, un volume d'activité approprié, une disponibilité appropriée, une connexion appropriée entre les différents professionnels, que ce soient des médecins de famille avec les médecins spécialistes, mais aussi entre les médecins spécialistes et les médecins de famille — ça va dans les deux sens, cette affaire-là — entre tous les types de professionnels : les pharmaciens, les infirmières, les médecins, les autres professionnels. C'est là où on établit des exigences de livraison, comme je m'emploie à le dire.

Prenons l'exemple de l'objectif... pas l'objectif, l'exigence d'avoir 85 % de la population inscrite. Bien, ce 85 % là, ce n'est pas dit ou pris au hasard, c'est parce qu'on sait très bien qu'à la fin, là, c'est la totalité ou presque la totalité des adultes qui seront inscrits et pris en charge. Parce qu'on sait que les jeunes, les adolescents, les jeunes à l'école primaire n'ont pas besoin de médecins de famille, là, ils ne sont pas malades, là... à moins de l'être, malheureusement, là, mais la maladie frappe beaucoup moins les jeunes que les plus vieux. Ça, c'est la nature, c'est la biologie de l'humanité. Alors, on sait très bien qu'à 85 %, là, la population qui a des problèmes de santé va être inscrite. Puis, plus loin que ça, si jamais on voyait qu'étaient laissées pour compte des personnes plus âgées, bien, on a les moyens, dans cette mécanique-là, de faire en sorte qu'on inverserait des ratios, par exemple. Si on voyait que les médecins prennent trop de jeunes, bien, on s'organiserait pour que ça soit le contraire. On a ce levier-là. Dans tous les secteurs d'activité, il y a ça comme livrables.

On a parlé tantôt des heures étendues. Bien, ça, c'est quelque chose de factuel. On a parlé, il y a quelques instants... j'ai parlé du lien avec les médecins spécialistes. On force les médecins spécialistes, dans nos ententes, à prévoir dans leur pratique quotidienne... de réserver des plages de rendez-vous offertes aux médecins de famille qui constatent des pathologies, des situations cliniques médicales qui nécessitent une consultation chez le médecin spécialiste. On les force à prévoir ça, c'est une exigence. Et l'exigence a la même conséquence, si ce n'est pas observé, qu'une coupure. On force ça. On force le médecin spécialiste, dans l'entente, à répondre rapidement aux consultations qui sont faites à l'urgence, qui sont demandées par le médecin de famille pour augmenter la fluidité. Dans tous les secteurs, là, il y a une amélioration de l'accès, j'irais presque à dire, à terme, la normalisation de l'accès, et une normalisation de la fluidité du patient lorsqu'il chemine dans notre système.

Je parlais récemment à une directrice adjointe, une P.D.G. adjointe d'un CIUSSS de la grande région de Montréal, sans la nommer, là, qui me disait à quel point déjà ça avait changé. Le fait, pour certains secteurs d'activité qui ne sont pas prépondérants, d'avoir maintenant une intégration, un accès, vous pourriez dire «forcé», mais défini dans la loi, là... on l'oblige, là, dans la loi. Dans la loi, on empêche les fameux silos, on les brise, les silos, pour que la fluidité soit là. Est-ce que cette transformation-là se fait instantanément, sans un niveau de stress? La réponse est non. Mais, clairement, on est sur ce chemin-là, et les changements se font déjà sentir.

Du côté administratif, est-ce qu'on en a pour notre argent? Bien là, on est vraiment en mouvement, là, on est vraiment en train de mettre en place tout ça. Puisque, là, on est dans le technique, là, ce n'est pas... C'est plus difficile du côté des livrables cliniques, parce que, là, c'est la relation avec les patients. Les patients veulent voir quelque chose de tangible dans leur vie quotidienne. C'est plus complexe, c'est plus... ça prend un certain temps à mettre en place. C'est normal, parce que... quand on arrive dans des territoires où c'est quasiment à 100 % dépendant du comportement qu'on doit changer, de tout le monde, ça va du patient jusqu'au médecin, là, en passant par tous les autres professionnels. Et ça, c'est plus lourd à changer. Mais, quand on tombe dans la technique, bien là, ça va plus vite et là c'est plus direct.

Ça se voit moins bien, ça se présente moins bien à la télévision. Je le sais M. le Président, que mon collègue d'Orford a une grande connaissance du monde des technologies de l'information, il est à même de savoir que ça ne se voit pas, ça. Quand on écrit des lignes de code puis quand on voit un ordinateur fonctionner, on ne voit pas tout le travail qui est derrière puis on ne voit pas toute la portée de ce que l'on met en place. On voit les résultats, par exemple, à la fin. Bien, c'est ça qu'on est en train de faire. Parce que, pour avoir un système performant, il faut pouvoir le mesurer et, pour pouvoir le mesurer, bien, il faut évidemment avoir la capacité... ou la possibilité, plutôt, d'avoir un outil qui nous permette d'avoir la capacité de mesurer et de mesurer correctement, et j'en parlais précédemment. Bien, c'est ça qu'on est en train de mettre en place, tant du côté de la clinique, dans le dossier clinique — le dossier électronique, ça ne se voit pas, mais ça a un méchant impact en termes de gestion — que du côté financier.

Ce que l'on fait de particulier qui ne s'est jamais fait — et ça, là, on peut en prendre, nous, comme gouvernement, la paternité — on attaque les problèmes du système dans leur totalité. Historiquement, les gouvernements ont toujours essayé d'aborder le réseau en réglant un problème sans avoir la possibilité, peut-être la capacité de s'adresser aux autres problèmes qui viennent tout impacter. Le réseau de la santé, c'est un domino : quand il y a une affaire qui ne marche pas, là, ça tombe, puis le reste est impacté. Si on ne s'adresse pas à chacun des éléments clés de notre système, c'est impossible de le transformer. C'est pour ça que les gens disent : Ah! le ministre Barrette, dans ses réformes, il bouscule tout, c'est ci, c'est ça. J'ai entendu le député de Rosemont tantôt dire qu'on fait table rase sur tout puis qu'on détruit ci... Non, non, non, ce n'est pas ça qu'on fait.

On sait que, dans un système complexe comme celui de la santé, il y a des secteurs clés. Un secteur clé, c'est un secteur dans lequel, si on agit, il va y avoir un impact, qui est celui de l'impact de la roche qu'on lance dans un étang calme. On lance une petite roche, et ça fait une vague qui prend tout l'étang. Tout le monde a fait ça dans sa vie, hein, la flaque d'eau dans laquelle on lâche un petit caillou, ça fait une belle vague qui a un impact partout. Bien, les petits cailloux, il faut les identifier, là, il faut identifier les petits étangs, les petites flaques et déterminer le caillou qu'on doit lancer pour avoir l'effet sur toute la surface. C'est ça qu'on fait, et on le fait dans plusieurs secteurs en même temps, parce que c'est la seule manière de transformer de façon définitive notre réseau pour qu'il fonctionne en fonction de ce qu'attendent les citoyens. Ça, il y a du monde qui choisissent de ne pas le comprendre ou de le critiquer. C'est un choix, mais c'est ça qu'on fait.

M. Reid : Est-ce qu'il reste...

Le Président (M. Tanguay) : Collègue, oui, d'Orford, il reste 3 min 20 s.

M. Reid : Pour terminer un petit peu cet échange-là, moi, j'aimerais faire un peu comme on fait en informatique, c'est-à-dire qu'on fait un système puis ensuite on teste, on prend des données-tests puis on regarde ce que ça donne. Et moi, M. le Président, j'ai demandé au ministre une question lorsque le projet de loi n° 10 a été apporté, où on transformait puis on regroupait les hôpitaux, etc. Il m'a donné une réponse positive. Et j'aimerais lui reposer la question, tout en vous disant que c'était un cas que ma mère connaît très bien parce qu'il s'agit de mon fils qui avait six ans, qui, parce qu'on avait du mal à pouvoir aller dans une... rencontrer un médecin... son médecin de famille, par exemple, était absent, on ne pouvait pas... Finalement, en téléphonant au 8-1-1, et tout ça, on est arrivés le vendredi, après une semaine de toussage, et tout ça, à s'apercevoir que ça n'avait pas de sens. Et, même si on était à l'avant-veille du jour de l'An, on est allés à l'hôpital et on a attendu un peu. Et on n'a pas attendu longtemps parce qu'il était en souffrance. Il avait une double pneumonie, on ne le savait pas. Et ils l'ont mis sur l'oxygène tout de suite et ils ont fait des tests de radio. Et on avait la radio entre les mains et là on s'en va dans un autre hôpital, qui était l'hôpital le CHU de Sherbrooke, parce que j'étais à Magog, là. Et ce qui est arrivé à ce moment-là, c'était que, quand on est arrivés à Sherbrooke, même avec les radios dans les mains, dans l'enveloppe, là, on a attendu. On a passé comme si on venait d'arriver puis que mon gars n'était pas malade. Et finalement, là, on a fini par avoir le service, les premiers traitements à peu près 15 heures plus tard que le moment où on est arrivés à l'hôpital de Magog. Puis il a été deux semaines et demie à l'hôpital. Ça coûte cher, ça. Puis on a eu peur, même si on nous avait dit qu'il n'y avait pas de danger.

Et vous m'avez dit... enfin, le ministre m'a dit, lorsqu'on a parlé de la loi n° 10 pour la première fois, qu'en regroupant les hôpitaux cette situation-là ne devrait plus exister parce que ça va être un même hôpital. Alors, je voudrais terminer en reposant la question au ministre : Est-ce qu'après plus d'un an et demi, depuis qu'on s'est parlé de ça, est-ce qu'effectivement pour le petit-fils... un autre petit-fils de ma mère ou d'autres enfants qui vont avoir une situation semblable dans un hôpital qui ne va être peut-être pas un hôpital central... mais est-ce que ce type de problème là va être diminué ou même éliminé peut-être?

• (18 h 20) •

M. Barrette : C'est exactement ce qui ne devrait pas se passer. Ce que vous avez vécu est exactement le symptôme du problème que l'on veut régler. Alors, dans le monde d'aujourd'hui, là, la radiographie, vous ne l'auriez pas dans les mains. Elle aurait été visible... elle est aujourd'hui visible au CHU, et le dossier du patient va être visible tout de suite, même à l'avance, au médecin du CHU. Toutes les données de laboratoire aujourd'hui seront visibles au médecin du CHU — pour prendre l'exemple que je vous avais donné — physiquement. Aujourd'hui, là... Et, je suis d'accord, ces étapes inutiles qui vous ont fait attendre de façon inappropriée — vous me dites 15 heures à l'urgence? — ce n'est pas acceptable. Et ce que l'on fait va obligatoirement corriger ça.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Merci beaucoup. Alors, chers collègues, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30, où elle poursuivra son mandat. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 21)

(Reprise à 19 h 39)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux. Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre l'étude des crédits budgétaires du volet Santé et Services sociaux pour l'exercice 2016-2017.

Comme nous débutons nos travaux à 19 h 39, je demande le consentement afin de les terminer à 21 h 39. Y a-t-il consentement? Oui, il y a consentement.

Alors, nous poursuivons les échanges avec un premier bloc du collègue de Mercier. Vous disposez, cher collègue, de 20 minutes.

• (19 h 40) •

M. Khadir : Merci, M. le Président. J'attire l'attention de mes collègues sur la lettre écrite le 22 avril dernier par plusieurs personnalités de haute compétence du milieu de la santé, je parle de Marc-André Maranda, ex-directeur du programme de santé publique au ministère de la Santé, de Pierre Joubert, directeur de recherche... ex-directeur de recherche et d'évaluation au MSSS, ministère de la Santé, et directeur de recherche, de formation et de développement à l'INSPQ, et de Paul Lamarche, professeur honoraire en administration de la santé; lettre qui a reçu de très nombreux appuis dans tout le réseau et qui confirme un peu les dires de plusieurs intervenants que j'avais invités en point de presse il y a deux semaines pour témoigner de la situation dans le réseau de la santé depuis la réforme introduite par le ministre avec son projet de loi n° 10.

Ce qui est problématique, c'est que non seulement le réseau de santé publique, donc, connaît d'importants problèmes liés à ces changements de structure introduits depuis un an, qui se font de haut en bas dans une vision éclairée, convaincue de sa justesse, niant toute critique et, je dirais, proposition, qui émanent de l'omniscience de notre ministre et de son entourage, mais il n'est pas le seul à avoir introduit des choses qui ont détérioré les problèmes que connaît notre réseau public de santé.

Il y a 14 ans, il y a eu les GMF, les groupes de médecine familiale. Au lieu de surmonter les réticences de l'establishment médical et d'une poignée de gens qui voient la médecine comme une simple entreprise à faire du profit, et se fonder sur, en fait, la vision très généreuse qu'ont la plupart des médecins au Québec, qui veulent rendre des services dans le cadre d'un système public de qualité, adéquatement financé et organisé, on a donc introduit des centaines de millions de dollars pour financer des groupes de médecine familiale, en 2002, c'était sous un autre gouvernement, et, presque 15 ans plus tard, on n'a toujours pas atteint les cibles d'accessibilité que c'était supposé rencontrer. Ah! si, on a atteint, en fait, en passant... Du 31 mars au 1er avril, on a tout d'un coup atteint les cibles, parce qu'on a changé des critères. Je connais un ami professeur de physique dans un collège privé à Montréal à qui la direction a demandé exactement la même chose, de s'assurer que le niveau de ses examens est tel que tous les élèves aient de très hautes notes. Pour ne pas atteindre la crédibilité de la vénérable institution, de grande réputation, et qui, bon, est très chère d'accessibilité, donc, on demande de changer des critères pour qu'on atteigne des cibles. Mais ce n'était pas ça, l'idée. L'idée, c'est que les GMF, financés par des centaines de millions de dollars de fonds publics sur 15 ans, finissent par s'occuper des patients et permettent que les Québécois puissent avoir une accessibilité.

Donc, on a utilisé là une solution privée. Avant ça, il y a eu les cliniques de chirurgie privées, largement financées par l'ancien ministre de la Santé libéral qui est aujourd'hui premier ministre du Québec. On peut donner de nombreux exemples où le gouvernement libéral ou d'autres gouvernements ont pensé que les solutions du système public de santé allaient venir du privé. Même dans la construction de nos centres hospitaliers, on a remis tout le processus, de la conception à la réalisation, au maintien et à la gestion, en partenariat public-privé, à des acteurs privés, avec toutes les conséquences qu'on connaît aujourd'hui : l'augmentation faramineuse des coûts de construction du CHUM, du CUSM... Je vous fais grâce des controverses qui ont entouré l'octroi de contrat du CUSM. Bref, à chaque fois qu'on a eu recours au privé, on n'a pas pu résoudre les problèmes, et, 15 ans plus tard, que ce soit en matière de gestion, de construction, de financement, d'accessibilité de première ligne, le privé se trouve à être un échec.

Je voudrais savoir en vertu, donc, de quel bilan fait de l'implication du privé en santé le ministre compte maintenant vouloir consacrer de l'argent public, des fonds publics pour financer la construction, l'installation et l'opération de 50 cliniques, supercliniques, à travers le Québec, alors que, les CLSC, on les a déjà payés. De ses propres dires sur les ondes d'une radio montréalaise ce matin, les CLSC, au départ, étaient prévus pour rendre ces services-là. Tout le mandat qu'il veut confier aux supercliniques, les CLSC étaient supposés le rencontrer mais n'ont jamais été adéquatement soutenus dans ce travail, et aujourd'hui on veut donc prendre de l'argent public qui devrait aller au renforcement de notre réseau public, dont les installations, les infrastructures sont là, qui pourrait donc rendre ces services à une fraction du coût, puis donner des sommes importantes d'argent à des entrepreneurs privés qui utilisent la médecine comme une occasion d'affaires pour faire du profit avec la maladie des gens. Donc, en vertu de quelle, je dirais, expérience... puisqu'en Ontario et en Colombie-Britannique les autorités sont allées... depuis des années déjà on a une expérience dans le chemin contraire, ont renforcé le réseau public de toutes sortes de manières — je peux lui donner des exemples, s'il le veut — et ils ont obtenu des résultats probants. L'Ontario a fait des progrès considérables en termes d'accessibilité, et la Colombie-Britannique également.

Une voix : ...

M. Khadir : Bien, oui, c'est bref.

M. Barrette : Alors, M. le Président, notre collègue estimé nous a fait un réquisitoire qui est contre le présumé privé, avec des points de référence dont il sélectionne certains aspects, et je vais conséquemment me permettre de faire la distinction et remettre en place certaines réalités.

Bon, notre collègue le député de Mercier considère que le fait d'aller dans une clinique qu'il qualifie de privée permet à des entrepreneurs de faire des profits à partir du réseau de santé. Quel drôle de concept! Ça veut dire que, si c'est vrai, M. le Président, le cabinet d'un médecin de famille est une source de profit indue pour la société, c'est ça que ça veut dire, et on sait que ce n'est pas ça, évidemment. On le sait, que ce n'est pas ça.

Lorsque le gouvernement, via le paiement à la RAMQ, paie des tarifs aux médecins, ce n'est pas pour faire faire de l'argent à l'entrepreneur mais bel et bien pour donner des services dans le cadre d'ententes qui sont convenues entre les différentes parties que sont le gouvernement, dans le cas présent, et des médecins, pour couvrir un honoraire qui est qualifié de professionnel, qui correspond au geste médical, honoraire qui est le même si le geste est posé à l'hôpital ou en cabinet, plus une composante qui couvre les frais d'opération.

Or, n'est-il pas vrai qu'un CLSC existe dans un bâtiment qui n'est pas à l'hôpital? N'est-il pas vrai que le gouvernement octroie un financement, à un CLSC, qui couvre le personnel, les médecins qui y travaillent — souvent ils sont à salaire — et aussi les pieds carrés, l'électricité, et ainsi de suite? Pourtant, le député de Mercier n'appelle pas ça, le CLSC, comme étant privé, non. Dans l'esprit de la députée de Taillon et du député de Mercier, le privé, c'est ce qui n'est pas à l'hôpital. Un CLSC, ce n'est pas à l'hôpital : ce n'est pas privé, c'est correct, c'est dans le public. Mais pourquoi? La seule raison, M. le Président, c'est parce que le député de Mercier doit conclure que les tarifs sont mauvais, sont mal négociés, ils ont été négociés à l'avantage de ceux qui sont dans ces cabinets-là. On sait bien que ce n'est pas le cas, ce n'est pas le cas.

Le député de Mercier me demande pourquoi j'irais au privé, pourquoi je n'irais pas à l'extérieur de l'hôpital dans un contexte public. Comme il voudrait que j'aille à l'extérieur de l'hôpital dans un contexte public en CLSC, pourquoi le contexte public d'un cabinet financé par des deniers publics et contrôlé par des deniers publics serait malsain, par opposition au CLSC? Il n'y en a pas, de raison, autre que l'idéologie, évidemment.

Mais ce qui m'amuse et m'intéresse le plus, M. le Président, c'est quand le député de Mercier prend comme référence l'Ontario et la Colombie-Britannique. Et ça, ça m'amuse beaucoup. Pourquoi? Parce qu'au moment où on se parle j'ai un homologue en Ontario, Eric Hoskins, qui est médecin, lui aussi, un autre doctocrate, selon Québec solidaire...

• (19 h 50) •

Une voix : ...

M. Barrette : Mais bien sûr. Non, mais il dit : Pas du tout, M. le Président, là. Or, hors ondes... Parce qu'évidemment le Dr Hoskins est en santé publique, alors là il a un mérite beaucoup plus grand que le mien, qui n'est pas dans une spécialité de santé publique. Et il n'y a surtout pas de biais là, naturellement, pas du tout, parce qu'à Québec solidaire on est pur, sans reproche, et on détient la vérité.

Or, le Dr Hoskins, qui est ministre de la Santé en Ontario, il est en conflit avec tout le réseau de la santé et particulièrement la médecine. Sur la base de quoi? Sur la base de quoi, de quoi? Les services ne sont pas rendus. De quoi se plaint le gouvernement ontarien? Que l'accès à la première ligne n'est pas bon, que l'argent investi n'a pas livré la marchandise attendue. Mon collègue le député d'Orford, dans le dernier bloc, me demandait de répondre à la question pour sa mère, gentille et qui nous suit, et que je salue encore une fois : Bien, comment ça se fait que ça ne marche pas? Bien, le député de Mercier nous dit : Allons voir en Ontario, ça marche, ça marche. Bien, le ministre de la Santé en Ontario dit que ça ne marche pas, c'est ça qu'il dit, M. le Président, et il est en opposition, en conflit avec l'association médicale ontarienne, équivalent de la FMSQ et la FMOQ, au Québec, rassemblées, parce qu'il veut des livrables. Alors, je suis très amusé d'entendre le député de Mercier dire que ce que je fais, là, ce n'est pas bon parce qu'en Ontario c'est bien mieux, ils ont fait des avancées olympiennes.

M. le Président, je reviendrai compléter ma réponse lorsque le député de Mercier aura terminé son éditorial.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Collègue de Mercier.

M. Khadir : D'abord, Dr Eric Hoskins, les mérites qu'il a n'enlèvent rien aux mérites de notre ministre de la Santé, sauf que les mérites sont différents. Dr Hoskins est un médecin de santé publique et surtout qui a oeuvré dans l'humanitaire, il a oeuvré dans l'humanitaire et au service, disons, de l'intérêt général de patients démunis et se contentant de maigres... — là, je dis ça, là, ce n'est pas un jugement, c'est juste pour qualifier la situation — alors que mon collègue a eu des conditions de travail beaucoup plus reluisantes. Je ne parlerai pas de son bonus de départ, mais, comme radiologue, il avait des sources de revenus autrement plus importantes. Mais surtout ce n'est pas ça qui est important, c'est que son emploi du temps a été, pour l'essentiel des années avant qu'il vienne en médecine, la défense des intérêts corporatistes des médecins que nous sommes, donc ça fait une différence de perspective et de point de vue. Et il a toujours démontré, d'ailleurs, un grand intérêt pour le privé, malgré certains, je dirais, disons, plaidoyers pour le public.

Mais là où le bât blesse, c'est qu'en Ontario... Si le Dr Eric Hoskins se plaint aujourd'hui, c'est qu'ils n'ont pas atteint à sa satisfaction les cibles, au-dessus de 90 % de couverture, ils sont, je pense, aux alentours, actuellement, de 82 %, 83 %. Au Québec, on est dans les 60 %. Donc, on ne parle pas de la même chose. Donc, je pense qu'il faut un minimum d'humilité par rapport aux réalisations de l'Ontario, qui a privilégié le soutien aux cliniques publiques, au renforcement du public. Je défie mon collègue ici, le ministre de la Santé, de me montrer une décision qui a été prise au cours des dernières années par l'Ontario pour soutenir le développement des cliniques privées. Ce n'est pas du tout l'orientation prise ni par l'Ontario ni la Colombie-Britannique.

Ceci étant dit, je reviens à ma question : Combien ça va coûter d'argent public, construire ces 50 supercliniques, combien ça va coûter? Et quel engagement... Comment le ministre... Où le ministre va-t-il chercher les médecins qui doivent peupler ces cliniques-là? Et pourquoi alors ne pas considérer, avec une fraction de cet argent-là, simplement de doter les CLSC des budgets nécessaires pour être ouverts de sept à sept, 12 heures par jour, et au besoin 24 heures sur sept, dans les endroits où la demande est là, de les doter de services de radiologie comme il veut doter les 50 supercliniques? Il pourrait prendre 50 CLSC dans les endroits où on en a le plus besoin, pour une fraction du coût de ces supercliniques, doter les CLSC de toute l'infrastructure et aussi... Bon. Alors, quelle quantité d'argent il veut consacrer? Et pourquoi il ne consacre pas une partie, sinon la totalité de cet argent-là pour renforcer non pas 50, mais peut-être 100 CLSC puis les doter des mêmes installations et capacités pour répondre aux besoins de 12 heures par jour, 20 000 patients... consultations par année, c'est ça, etc.?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Bien, je vois que le député de Mercier, M. le Président, a au moins lu les articles de journaux qui traitaient de notre annonce d'hier. Il ne s'est pas rendu au coût, là, évidemment, de 17 millions qui est prévu pour ces cliniques-là.

Mais ce qui est amusant, M. le Président, c'est de voir l'approche du député de Mercier. On l'a vu, là, les gens qui nous écoutent et qui sont ici présents, dans les secondes qui viennent de s'écouler, n'ont pas oublié ce qui vient d'être dit, mais je vais le répéter quand même. Alors, il y a le bon ministre de la Santé parce qu'il est un médecin qui a fait du communautaire puis de l'aide internationale, et il y a le méchant ministre de la Santé parce qu'il est radiologue. Bon, c'est tout un jugement, ça. C'est ce à quoi je faisais référence, M. le Président, tantôt, quand je voulais faire référence à l'article 35. C'est un peu particulier, hein, je pense qu'on va en convenir tous et toutes, là, le jugement qui est fait sur la base du profil professionnel. Pour le député de Mercier, c'est impossible que, dans ma qualité personnelle, je puisse vouloir quelque chose de meilleur pour notre réseau et pour la population du Québec, ce n'est pas possible, je suis un méchant.

Alors, M. le Président, le député de Mercier, dans sa pensée magique habituelle, celle qui est propre à Québec solidaire...

Une voix : ...

Le Président (M. Tanguay) : Un à la fois, un à la fois.

M. Khadir : ...M. le Président, de rappeler à notre ministre de ne pas me prêter d'intentions. Je ne l'ai jamais traité de méchant, loin de là. Je dis simplement : La défense des intérêts corporatistes puis la défense de l'intérêt général, c'est deux choses différentes, c'est deux mérites différents. Il a ses mérites, l'autre a ses mérites.

Le Président (M. Tanguay) : O.K., c'est bon. Parfait. Alors, M. le ministre.

M. Barrette : Là, il me prête l'intention de défendre des intérêts corporatistes plutôt que l'intérêt général. Si ça, ce n'est pas prêter des intentions, je ne le sais pas, ce que c'est.

Ceci dit, M. le Président, dans le merveilleux monde des merveilles de Québec solidaire, dans ce merveilleux monde, c'est gratuit, les CLSC. Le député de Mercier me dit : Il va trouver où les docteurs? Bien, il va les trouver où, lui, les docteurs pour ouvrir les CLSC 24 heures par jour? Il me dit : Le ministre va dépenser de l'argent pour des supercliniques, pour les équiper, les CLSC se plaignent du manque d'équipement justement pour faire ce genre de mission là. Dans le merveilleux monde imaginaire et fantasmagorique de Québec solidaire, faire ça, il n'y a pas de problème, il n'y a aucun problème, M. le Président, ça va se faire tout seul et sans argent. Les CLSC sont là, dans la tête du député de Mercier, ils sont tout équipés, ils sont prêts à ouvrir 24 heures par jour. Le personnel ne demande que de donner ce genre de services là, il milite pour revenir à ce qu'étaient les CLSC en 1972. La pensée magique, là, Alice au pays des merveilles, c'est ça. Alice, des fois, elle était grande puis elle voyait des choses, puis des fois elle était petite puis elle les voyait différemment, mais ce n'était jamais la réalité.

Il me demande comment je vais faire ça et pourquoi je vais le faire. Bien, je vais le faire pour faire mieux qu'en Ontario, pour faire en sorte qu'au bout de la ligne, M. le Président, nous donnions les services requis à la population, compte tenu des impôts qu'ils paient. Et le chemin que propose, comme toujours, Québec solidaire, qui est dans la magie, la pensée magique totale... Vous savez qu'Alice, hein, dans la chanson, elle consomme des choses, hein? Et là, à un moment donné, au pays des merveilles, là, on doit se poser vraiment des questions.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, pour 40 secondes, collègue de Mercier.

M. Khadir : Bien, j'allais dire simplement que je vois que le ministre, en fait, refuse de répondre. Sur l'essentiel, ce que je lui dis, c'est que les mêmes médecins qu'il veut prendre pour mettre dans ses 50 cliniques pourraient travailler à moindre coût pour le système de santé dans les CLSC. Pourquoi? Pour une différence de base. Par exemple, dans les CLSC, dans les établissements publics, le coût à l'acte est 40 % inférieur que dans les cliniques privées. Ça, c'est dans les ententes que lui-même et d'autres comme lui ont conclues depuis des années. Ensuite, les cliniques CLSC sont déjà payées, on n'a pas besoin de payer davantage. Ensuite, ils ne sont pas incorporés, les médecins dans les CLSC, ils vont l'être dans ces supercliniques, et l'incorporation des médecins coûte quelque chose à l'État. Donc, tout ça va coûter beaucoup plus cher aux contribuables.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

• (20 heures) •

M. Khadir : Donc, avec une fraction de ce qu'il veut dépenser, on peut doter les CLSC de tous les attributs qu'il veut doter les cliniques privées.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant du côté des collègues de la banquette ministérielle, le temps vous appartient pour 19 minutes. Collègue de Crémazie, vous suggérez de permettre au ministre...

Mme Montpetit : Je laisserais... Je vois qu'il brûle au ministre de répondre, donc je lui laisserais un peu de temps pour le faire.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : ...je la remercie, M. le Président, parce qu'au fil d'arrivée je ne peux... Et je vais le dire avec humour et amicalement : Nous sommes vraiment dans le monde d'Amir au pays des merveilles.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre, on peut juste, évidemment, appeler un député par son titre, soit le député de Mercier.

M. Barrette : Ah! mais là je ne l'ai pas nommé. J'ai juste parlé du prénom, ce n'est pas le nom.

Mais, M. le Président, il l'a dit, là, le député de Mercier, M. le Président, enfin, à la dernière seconde. On se croirait au basketball dans le March Madness — Madness, retenons ça — à la dernière seconde du championnat, quand le joueur lance le ballon et que le «buzzer» sonne, que le ballon tombe dans le panier et que l'on voit la victoire. On l'a vu, on l'a entendu, là. Ce qu'il veut, le député de Mercier, c'est que les médecins soient à salaire. Ce que veut la députée de Taillon, c'est que les médecins soient à salaire.

Une voix : ...

M. Barrette : Bien, il y a... Bien oui. Le député de Mercier, il dit qu'il n'a pas dit ça, M. le Président, mais c'est parce que 40 % de moins cher, 40 % de moins cher, M. le Président, c'est parce que les médecins en CLSC sont à salaire. Mais ils sont aussi, en général, moins productifs.

Mais moi, je n'ai pas de problème, M. le Président. Si un jour un gouvernement majoritaire décide d'aller dans cette voie-là ou si Québec solidaire réussit à faire la révolution dans la société québécoise, bien, c'est ça qui arrivera. Aujourd'hui, je ne pense pas que ce soit la voie à suivre, parce qu'assurément, assurément les conséquences du salariat seraient dramatiques, dramatiques. Et je vais me permettre de l'illustrer, M. le Président, parce que c'est un débat qui revient et c'est un sujet qui est sérieux. Le sujet est sérieux parce qu'il est galvaudé, il est galvaudé, et je vais m'expliquer précisément, M. le Président.

Quand chaque député qui est critique en santé prend la parole et qu'il ou elle aborde la question du mode de rémunération des médecins, aucun ne l'aborde exactement de la même manière, mais tous et toutes l'abordent en faisant abstraction — et là je pèse mes mots — de la littérature qui sous-tend l'appréciation du mode de rémunération, parce que, M. le Président, il est clairement démontré par tous les experts indépendants et neutres dans leur approche, pas les experts biaisés qui écrivent régulièrement dans les journaux, il est clairement démontré, M. le Président, preuves à l'appui, qu'il n'y a pas de mode de rémunération idéal, il n'y en a pas, il n'y en a juste pas, et il est clairement établi que chaque mode de rémunération a son travers. Rien n'est plus proche du yin et du yang que la rémunération des médecins, rien. Et la rémunération à salaire des médecins est un mode de rémunération qui par définition diminue la productivité, et ça, c'est expérimenté dans tous les pays du monde. Et ça a été l'histoire du salariat du Québec des 40 dernières années, c'est une réalité qui est incontournable. Et il y a des raisons pour lesquelles le salariat est non productif, et je vais y arriver dans un instant, parce que c'est là où a choisi de m'amener le député de Mercier. Je suis très heureux d'y être, d'ailleurs.

Alors, M. le Président, la problématique du salariat tient de deux ou trois ordres. Premièrement, M. le Président, à salaire, si on faisait ça demain matin, il y aurait une révolte des médecins. Pourquoi il y aurait une révolte des médecins? On la veut peut-être, le député de Mercier serait probablement heureux de l'avoir, la députée de Taillon aussi peut-être, je ne sais pas — je dis «peut-être», là, je ne lui prête pas des intentions, je dis «peut-être», je ne le sais pas. Mais, s'il y avait ça, là, compte tenu du fait qu'on change le mode de l'acte vers la rémunération à salaire, obligatoirement, contractuellement, à toutes fins utiles, il faudrait diminuer les médecins de revenus, c'est obligé, parce que le salaire amènerait les médecins dans le merveilleux monde des normes du travail. À partir du moment où on est à salaire, on est un employé. À partir du moment où on est employé, on tombe sous le Code du travail. À partir du moment où on est sous le Code du travail, on doit avoir un certain régime de rémunération. Et le régime de rémunération prévoit quoi? Ça prévoit des taux horaires, ça prévoit du temps supplémentaire, ça prévoit des vacances, ça prévoit des syndicats, ça prévoit des griefs et ça prévoit des retraites.

Alors, conséquemment, dans un univers tel celui du Québec et de tout l'Occident, où le monde du travail est réglementé selon un code qui prévoit tout ce que je viens de dire et plus, et qu'on est dans un mode où on négocie de la rémunération globale, il va de soi que nous n'aurions pas plus d'argent à mettre dans la rémunération des médecins et que, pour une rémunération globale, c'est-à-dire intégrant la rémunération au quotidien, à la semaine, à l'année à la pension, en gardant la même masse globale actuelle, on baisse les médecins de revenus de façon substantielle. Vont-ils être heureux? Peut-être que non. Vont-ils alors avoir un intérêt à quitter le Québec? La réponse, c'est oui. Est-ce qu'on serait heureux de voir ça? La réponse, c'est non. Mais c'est là où voudrait nous amener le député de Mercier, le salariat.

Et là, M. le Président, je n'ai même pas insisté sur les impacts délétères, par rapport à aujourd'hui, sur la productivité, parce que qui dit salaire dit description de tâches, qui dit description de tâches dit arbitrage, qui dit arbitrage... C'est toujours le plus petit dénominateur commun. On tombe dans l'équité... tous des concepts qui sont louables dans le monde des normes du travail mais qui auraient des impacts majeurs dans le monde médical. Je ne vous dis pas que c'est mauvais, je dis simplement que ce n'est pas blanc et noir comme voudrait le présenter le député de Mercier et que les conséquences qui s'ensuivraient seraient extrêmement néfastes pour le réseau de la santé, parce que toute la littérature montre que le salariat entraîne un ralentissement, une diminution de l'offre.

Dans les années 90, mon collègue le député d'Orford nous racontait que c'était ça, justement, la pensée du gouvernement, diminuer l'offre pour faire des économies. Qu'est-ce que c'est que ça a donné? Demandons au député de Rosemont, il le sait. C'était lui, le conseiller principal.

Alors, dans le livre d'histoire non encore écrit du député de Mercier, dans ses merveilles conceptuelles, bien, c'est là où il veut nous amener. Ce n'est pas bon, ce n'est clairement pas bon. Est-ce que ça veut dire que les autres modes de rémunération sont parfaits? La réponse, c'est non. Mais, quand on discute d'un mode de rémunération, M. le Président, on ne peut faire abstraction des impacts du mode.

Une fois, récemment, j'étais... il y a quelques années, en fait il y a une couple d'années, j'étais dans une conférence où présentait un professeur de Harvard, une personne qui a étudié le problème de façon approfondie, et elle nous présentait ça et elle nous disait que la littérature nous indiquait que là où on devrait s'en aller, c'est une expression anglaise, là, qui s'appelle le «bundled payment». Bien, le «bundled payment», c'est un paiement agrégé qui essentiellement se rapproche énormément du financement à l'activité, il y a une littérature qui prévoit ça, qui démontre ça, et le paiement à l'activité, là, ça force... ou dépend de la précision de la détermination du coût de l'activité et de la vérification du service, de l'activité livrée. Le concept scientifiquement démontré, c'est celui-là, et c'est exactement ça qu'on fait.

• (20 h 10) •

D'ailleurs, dans l'organisation que j'ai déjà dirigée, on avait introduit ce concept-là. On est la seule province au Canada où nous avons un grand pan d'activités cliniques qui a ça, le «bundled payment». Ce n'est pas le financement à l'activité complet, parce que c'est juste une partie. Et ça, le député de Mercier le sait, parce que c'est un médecin spécialiste en pratique. Le député de Mercier, pour lui rafraîchir la mémoire, s'il l'a oublié — on ne sait jamais, peut-être que lorsqu'il rentre dans le salon rouge arrive quelque chose qui lui permet d'être dans un état second, je ne sais pas — il sait bien, par exemple, que, pour un geste chirurgical, le Québec, contrairement à l'Ontario, ne paie pas chacun des actes pré, postopératoires et opératoires séparément, on les paie en bloc. Au Québec, là, c'est un financement quasi à l'activité pour le médecin, pas complètement mais quasi. On paie l'évaluation préopératoire, les visites préopératoires, la visite à l'hôpital la journée de l'opération, l'opération, les visites postopératoires, jusqu'à concurrence de tant, dans un seul paiement. Ça marche.

Savez-vous qu'est-ce que ça a fait, ça, M. le Président? Ça a fait que, dans le passé, là, les médecins qui allaient voir leurs patients quatre fois par jour pour les facturer quatre fois par jour, mais là c'était abusif, bien, ça a été arrêté. En 1999, 2000, 2001, là, je faisais partie de ce réseau-là, à l'époque, pour empêcher ça. Bien, ça, c'est ça que ça fait.

Le problème des modes de rémunération, M. le Président, ce n'est pas les modes, c'est la façon dont ils sont appliqués, ces modes-là. La manière que les textes sont écrits, les échappatoires, les trous dans la passoire, le nombre de trous dans la passoire, c'est là qu'est le problème. À un extrême il y a le paiement en salaire, qui par définition ralentit le système. Ça fait le plaisir de certains politiciens, c'est ça que le PQ a fait dans les années 2000... 90, pardon. Il y a l'autre extrême, il y a le paiement à l'acte, qui, lui, peut générer des abus, c'est vrai, ça peut générer des abus, mais les abus viennent du fait que les textes sont mal écrits. Et bien écrire un texte, en rémunération, je vais vous en dire un, moi : Vous allez être ouvert 12 heures par jour, sept jours par semaine, vous allez donner 20 000 consultations sans rendez-vous à la clientèle non inscrite chez vous. Méchante contrainte, M. le Président. Quiconque est familier avec la pratique médicale voit là une contrainte très sévère, elle est sévère. Je vois le député de Mercier quand même esquisser un sourire de satisfaction, parce qu'il sait bien que c'est vrai que c'est une contrainte, il le sait, mais ça ne fait pas partie de l'idéologie québécoise solidarienne, ce n'est pas là. Et le problème, M. le Président, est la lucidité. Un autre mot pécheur, la lucidité. Elle est toffe, ça, la lucidité, parce que ça nous amène à prendre les décisions qui sont dures. Ça demande d'affronter les gens qui sont en face de nous pas juste en politique, sur le terrain. La lucidité exige de dire : Ça, là, ça ne marche pas, tu le sais, je le sais. Le remède, c'est ça. Ça ne fait pas ton affaire, mais c'est de même.

Je vais donner un exemple, on l'a eu hier, M. le Président, je vais donner un exemple. La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, après l'annonce que l'on a faite des supercliniques, a envoyé un communiqué à ses membres, dont j'ai eu copie, et ça a été redit à la caméra, un reportage, pour moi, qui était fantastique, qui est tellement totalement révélateur : C'est bon, là, ce qui est sur la table, c'est bon, c'est ça qu'on voulait, mais on trouve que c'est exagéré de nous demander quatre heures de plus de disponibilité le samedi puis le dimanche, parce que nous autres, on trouve que c'est d'augmenter les attentes, c'est de la disponibilité qui est inutile. En français, là : Ça ne nous tente pas d'être là à attendre des patients qui pourraient avoir besoin de nous. C'est plate, là, mais c'est ça, la réponse. Alors là, il y a deux parties. Il y en a une lucide qui dit, et c'est moi, là, je me cite moi-même, vous savez comment j'aime ça... Bien, c'est pour préparer les spectacles de Noël qui s'en viennent en 2016. Alors, je me cite moi-même, M. le Président : «La réforme que l'on fait, elle n'est pas dans l'intérêt ni du gouvernement ni des médecins, mais bien de la population.» C'est ça qu'on fait, on fait ça. Et c'est assez extraordinaire de constater que le député de Mercier vient ici, à l'étude des crédits, nous dire que ce n'est pas bon, c'est quand même extraordinaire.

Puis je vais donner un autre exemple, M. le Président, parce que je trouve ça tellement intéressant, ce débat-là. Alors, le député de Mercier a fait référence à la Colombie-Britannique. M. le Président, je vais donner deux chiffres, 15 et 35, même 40. En Colombie-Britannique, il y a une attitude médicale différente par rapport à celle d'ici des 15 dernières années. Un médecin de famille... Le député de Mercier sait très bien qu'en Colombie-Britannique il y a une volonté du corps médical de donner les services. La moyenne de patients vus par jour en Colombie-Britannique est de 35. Au Québec, c'est 14, 14 : cinq plus cinq, plus quatre. Ce n'est pas beaucoup, là, ce n'est pas beaucoup. En CLSC, là, c'est à peu près cinq, juste une main. Bien là, c'est parce que, pour donner les services à la population, là, il faut bien que les services augmentent en quantité.

Et là le député de Mercier vient nous dire, là, vient me dire que ce que je fais pour la population, ce n'est pas bon parce que moi, je n'ai pas la bonne spécialité par rapport à mon voisin, qui, lui, a la bonne. M. le Président, cet argumentaire circulaire qui nous amène ailleurs, dans une abstraction politique, je vais utiliser un autre qualificatif, que je vais retenir, là, bien, ça demeure de l'abstraction politique, M. le Président. Et je pense que la population, elle veut du réalisme politique opérationnalisé, et c'est ce que l'on fait. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Collègue de Crémazie.

Mme Montpetit : Je vous remercie. Il nous reste combien de temps pour continuer...

Le Président (M. Tanguay) : Trois minutes, trois minutes.

Mme Montpetit : Trois minutes pour continuer cet échange fort intéressant avec le ministre. Est-ce que je pourrais proposer qu'on reporte peut-être sur l'autre bloc, M. le Président? Je pense que ce sera plus simple.

Le Président (M. Tanguay) : Oui, pas de problème. Alors, on reportera le 2 min 30 s.

Mme Montpetit : Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, maintenant, la parole est pour... Bien là, on a décidé... on m'a demandé, et j'ai acquiescé à la demande de reporter, alors je reporte, je suis votre serviteur. Alors, deuxième groupe d'opposition, collègue de Lévis, pour 17 minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Il restera trois minutes de plus au ministre, il va lui rester trois minutes de plus tantôt pour continuer. Là, on a 17 minutes, 17 minutes ensemble, ce qui est très court, évidemment, pour répondre à nos questions, le ministre a beaucoup de...

M. le Président, dossier important. Le ministre, tout à l'heure, disait des doigts de la main : Cinq plus cinq, plus quatre, etc. On n'a pas assez de mains pour compter le nombre de personnes qui actuellement travaillent dans des conditions qui ne sont pas toujours faciles. Je parle des 75 000 — et là ça en prend, des mains — des 75 000 préposés aux bénéficiaires, des professionnels de la santé qui donnent des soins puis des services directs aux patients, dont le travail est encadré... hein, ce sont les seuls, d'ailleurs, dont le travail n'est encadré par aucune norme.

La fédération des préposés aux bénéficiaires travaille depuis longtemps, très longtemps pour mettre sur pied une entité professionnelle obligatoire pour protéger le public et encadrer le travail de ceux et celles qu'ils représentent. Ce n'est pas un travail d'hier, c'est un travail de longue haleine. Et je vous dirai, M. le Président, que, dans ce dossier-là, tous, tous s'entendent, sur le terrain, comme professionnels, comme personnes impliquées, tous s'entendent et conviennent du fait que la formation des préposés aux bénéficiaires auprès de nos aînés, elle est plus que nécessaire.

Alors, on supporte une démarche de la fédération. La démarche, c'est de faire en sorte qu'on puisse... que la fédération puisse se doter d'une entité. Un modèle que propose la fédération, ce n'est pas un ordre professionnel, je pense que c'est important de le dire et que les gens le sachent, ce n'est pas un ordre professionnel, ce qui est proposé par la fédération des préposés aux bénéficiaires, c'est une corporation professionnelle. D'ailleurs, ça avait été aussi une recommandation écrite noir sur blanc dans un récent rapport de coroner, on disait : Ce serait important qu'il y ait quelque chose qui chapeaute, qui englobe, une structure, et celle proposée est celle de la corporation. Le premier ministre s'est montré ouvert à ça, le ministre de la Santé le sait très bien, d'ailleurs, j'ouvre les guillemets, le premier ministre qui disait : «Toute initiative pour structurer le travail est positive, car ce seront les patients qui en bénéficieront.» Puis je considère aussi, M. le Président, que le ministre de la Santé lui-même a démontré une ouverture parce qu'il a rencontré les représentants de la fédération suite à une de nos demandes, au terme d'une question, il a pris le temps de les rencontrer. C'était en avril 2015, ça fait quand même un petit bout de temps, c'était en avril 2015. Et, lors de cette rencontre-là, il a dit aux représentants, et nous y étions : Je vais m'occuper de ce dossier-là, je vais l'étudier, je vais l'analyser, vous aurez une réponse franche, honnête, finale dans un court délai. Alors là, les préposés disaient : Il ne faut pas que ce soit trop long. Il dit : Non, ça n'excédera pas une année.

On est en avril 2015 lorsque ça se passe. On est réunis aujourd'hui, en ce moment, en 2016. On a posé une question concernant le dossier, question 76 de la CAQ. Le ministère de la Santé écrit que «l'examen des documents [...] et des démarches [...] effectuées par la Fédération professionnelle des préposé-e-s aux bénéficiaires du Québec [...] confirme, encore une fois, que sa demande relève de [...] l'Office des professions du Québec», qui relève du ministère de la Justice, du ministre de la Justice. Autrement dit, ce n'est pas du ressort du ministère de la Santé et des Services sociaux, même si les 75 000 préposés travaillent auprès de clients qui manifestement sont dans le réseau de la santé. C'est décevant parce que ça fait un an. C'est décevant parce qu'on a l'impression que, là, on repasse par go sur le jeu, là, sans prendre son 200 $, là. On revient au point de départ, on a tout remis les pions là, puis on ne fait plus rien, ça fait un an. Puis là, bien, on dit : Adressez-vous aux bonnes personnes.

Alors, je comprends que les gens de la fédération soient déçus qu'on ne puisse pas aller plus loin, en tout cas que le ministre ne puisse pas s'avancer davantage, à la lumière de la réponse qu'on a là, dans ce processus-là, qui, de l'avis de tous, est partagé. On a besoin de quelque chose pour faire en sorte qu'on travaille davantage à la formation, puis à la protection et des patients, puis à la protection et des préposés.

La question est très, très simple, puis je pense qu'il y a des gens qui sont attentifs, puis probablement qu'ils ont bien hâte d'avoir une réponse du ministre : À défaut de pouvoir avancer dans le dossier, alors qu'on dit que ça doit aller du côté de l'Office des professions, qui relève du ministre de la Justice, est-ce que le ministre de la Santé, qui a déjà rencontré ces gens-là, est prêt, il s'engage à les accompagner, à leur faciliter la tâche, parce que c'est déjà démontrer une certaine ouverture, à les accompagner dans ce processus-là qui est long? Ça fait un an, la réponse n'est pas celle qu'ils auraient souhaitée, mais est-ce que le ministre est prêt à leur faciliter la tâche et à les accompagner pour plaider l'ordre... la corporation professionnelle souhaitée par les préposés aux bénéficiaires?

• (20 h 20) •

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Bon, M. le Président, là, je ne veux pas faire de reproches à notre collègue de Lévis, là, mais, dans l'intervention qu'il vient de faire, qui a mené à sa question, on a souvent... on s'est promené souvent de corporation à ordre professionnel.

Bon, on va régler le problème de l'ordre professionnel, là. Ça, ce n'est pas sous ma juridiction, là, non.

Maintenant, quand on tombe du côté de la corporation, là il y a un problème conceptuel, là, il y a un problème conceptuel. Une corporation, au sens légal du terme, et là je vais accepter toutes les critiques, parce que je m'avance sur un terrain juridique qui n'est pas... dont je n'ai pas la plus grande expertise, là, à propos duquel je n'ai pas la plus grande expertise, mais, une corporation, au sens de la responsabilité et de la protection du public, je pense que ce n'est pas la même chose qu'un ordre professionnel, je ne le pense pas. Je ne pense pas qu'une corporation, au sens de la protection du public, a les mêmes pouvoirs et les mêmes responsabilités qu'un ordre professionnel, je ne le pense pas.

Conséquemment, on n'est pas dans l'univers de la protection du public, là, on est bien plus dans un univers associatif et représentatif. À partir du moment où on sort de l'univers de la protection du public, parce qu'on ne parle plus... selon, M. le Président, les dires mêmes du député de Lévis, qu'on n'est plus dans l'ordre professionnel et qu'on est dans la corporation, on tombe donc dans le corporatisme, parce que ces mots-là ont un sens, on tombe plus dans le monde du travail, la représentation, l'association syndicale, puis là je ne dis pas ça négativement, on tombe dans un autre univers complètement. Alors, j'ai bien, bien, bien de la misère à concilier le concept qui validerait théoriquement mon accompagnement sur la base de la protection du public.

Alors, je vais aller un pas plus loin. Si on tombe dans le monde de la représentation et de l'organisation de défense d'intérêts, qu'est une corporation? Une corporation, c'est une corporation, là, c'est une entité de défense d'intérêts de ses membres, une corporation va avoir des membres, là. Alors, un ordre professionnel aussi, mais ce n'est pas les mêmes responsabilités légales. Bien là, pourquoi moi, j'aurais à accompagner des gens qui peuvent se créer ça, une corporation? Et pourquoi moi, je ferais... je prendrais fait et cause et je prendrais la défense d'une organisation qui veut être dans un mode de représentation qui — et ça, je vais peut-être vous surprendre, M. le Président, serait automatiquement en opposition avec les groupes qui... les organisations qui actuellement officiellement représentent ces gens-là, que sont les syndicats?

Et là je vais vous surprendre un peu plus, M. le Président, parce que les syndicats se sont exprimés au nom de leurs membres, qui seraient les mêmes que dans la potentielle corporation, comme étant contre la corporation. Là, là, moi, là, ce n'est pas mon rôle, comme ministre de la Santé, de prendre la défense d'un mode de représentation par rapport à l'autre, d'en favoriser un par rapport à l'autre, de pousser la création et le développement d'un par rapport à l'autre, certainement pas au nom de la protection du public, parce que ce n'est pas le rôle légal, à ma connaissance, d'une corporation, et certainement pas sur la base de la représentation. La représentation, c'est quelque chose qui... ça fait partie de nos libertés, là, tout le monde a un droit d'association, ça fait partie de notre charte, là. Ce n'est pas à moi d'aller intervenir là-dedans.

Alors là, on m'emmène sur une voie qui est pour le moins difficile à pratiquer et, je dirais, qui est pour le moins minée, et je vais choisir de ne pas aller me faire exploser sur cette voie-là.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Collègue de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : ...l'explication du ministre est donnée un an après cette première rencontre. J'ose imaginer, évidemment, qu'il y avait d'autres dossiers, mais, celui-là, il l'avait lui-même jugé prioritaire, en tout cas avait dit : Je vais m'en occuper, soyez-en convaincus. Ça aura pris un an pour dire : Ça ne tient pas la route, c'est un peu ce que je comprends à travers les propos du ministre.

M. Barrette : ...répondre à ce commentaire-là, ce que je pourrais dénoncer, puis je vais le dire en une seule phrase : Je l'ai déjà dit il y a un an, là. Ce que j'ai dit il y a un an, c'est ce que je viens de dire, mais j'ai dit : Je vais le regarder pareil. Bon.

M. Paradis (Lévis) : Bon. Alors, le ministre aura regardé, on aura compris, M. le Président, et ça aura pris un an.

Est-ce que je comprends que, si la corporation, bien que le ministre avoue lui-même, M. le Président, ne pas être un spécialiste de l'ordre des corporations, puis je n'en suis pas un non plus, mais... Si la corporation n'est pas le modèle possible, qu'est-ce qu'on fait? On laisse ça comme ça? Comment protéger les patients par le biais aussi de l'encadrement, de la structure, de la formation des préposés aux bénéficiaires? Comment encadrer le travail de ces préposés alors que la fédération réclame une corporation pour être aussi capable de faire qu'il y ait un encadrement, un suivi, de la formation uniformisée, harmonisée, que tous suivent le même chemin, quelque part, pour finalement aussi protéger le public et les citoyens qui reçoivent les services?

Le ministre dit : Là, les syndicats ne sont pas contents, ne veulent pas. Ceux qui veulent la corporation, ça risque de faire de la chicane, je ne m'immiscerai pas. Je comprends que le ministre considère que c'est peut-être un terrain miné, mais on fait quoi pour mettre fin au statu quo? Parce que tous s'entendent pour dire qu'il va falloir avoir quelque chose pour maximiser l'encadrement et la formation des préposés aux bénéficiaires, qui aujourd'hui ne sont pas encadrés.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Bien, M. le Président, là, je n'ai pas le choix, pour une rare fois, de vraiment, vraiment, vraiment réfuter les affirmations du député de Lévis, là. D'arriver et de dire qu'aujourd'hui les préposés aux bénéficiaires ne sont pas encadrés, ça voudrait dire que c'est le far west dans notre réseau de la santé, là. Ce n'est pas ça, là. Il y a un encadrement, il y a des gens qui supervisent ces... il y a de la formation. Les préposés aux bénéficiaires, au Québec, ne sont pas libres de faire ce qu'ils veulent, ils ne sont pas libres de rentrer dans une chambre et de lancer les patients sur les murs, là, il y a un encadrement. Bien non, mais c'est parce que, là, de la manière que le député de Lévis présente les choses, M. le Président, c'est le far west au Québec, là, il n'y a pas d'encadrement, il n'y a pas de règle, il n'y a rien. Ce n'est pas le cas, ce n'est pas le cas. Alors, il y a de la formation.

Maintenant, le député de Lévis nous affirme que tout le monde considère qu'il y a une mise à niveau à faire dans le monde des préposés aux bénéficiaires. Bien, qu'est-ce qui substantie ces affirmations-là, substantie autre que les affirmations des principaux intéressés, qui ont une finalité que l'on comprend, là?

• (20 h 30) •

M. Paradis (Lévis) : ...et, dans le sens d'exagération, le ministre ne donne pas non plus sa place, là, je veux dire, hein, l'image est forte, là, envoyer un patient sur le mur, là. On n'est pas rendus là, là.

Reste que le ministre sait très bien qu'actuellement tout ça doit être bonifié, il suffit d'entendre un peu les gens sur le terrain puis de suivre un peu ce qui se passe également. Puis il le sait aussi, M. le Président, il sait pertinemment qu'un préposé aux bénéficiaires, actuellement, qui, à la limite, se ferait congédier d'un établissement peut très bien se faire engager dans un autre dans la semaine qui suit, là. Je veux dire, il y a une notion d'encadrement, il y a une notion de structure.

Ce que je demande au ministre, c'est : Étant conscient de ça, puis je pense que fréquemment des exemples nous sont donnés, est-ce que le ministre voit quelque chose d'autre que la corporation pour faire en sorte qu'on puisse bonifier tout ça? Même au chapitre de la formation, même au chapitre de la formation, avec la lourdeur et les cas qui sont très différents de ce qu'ils étaient ou de ce qu'il y avait il y a 10 ans, on est rendu ailleurs maintenant. Même le premier ministre disait être ouvert à ça, une proposition et une avenue faisant en sorte qu'on puisse avancer. Il y a des préposés qui sont à l'écoute probablement et qui disent : Est-ce qu'on va avoir un appui quelque part? Au nom de ceux que l'on représente, au nom de ceux qui travaillent dans ce domaine-là, au nom de ceux qui viennent nous dire : Ce n'est pas évident, ce qu'on vit actuellement, puis au nom des patients également qui reçoivent ces services-là.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, je vais faire une petite pause ici, là, pour simplement sortir du débat et souligner, M. le Président, l'importance du travail que font les préposés aux bénéficiaires. Il n'y a pas de doute que ces gens-là sont dévoués à leur travail. Il n'y a pas de doute qu'ils sont préoccupés de la qualité de leur travail. Il n'y a pas de doute quant à l'importance et le côté essentiel de leur travail. Mais, l'adéquation que veut faire le député de Lévis entre la création d'une corporation et la qualité du travail livré par les préposés aux bénéficiaires, j'ai de la misère à le suivre, M. le Président.

Il vient de reprendre l'argument de la qualité du travail et la protection du citoyen encore une fois. Bien, faisons un parallèle, M. le Président. Je vais faire un parallèle qui est malheureux, pas dans sa nature mais dans les faits que je vais relater. Cette année, nous avons eu plusieurs signalements, dans l'année, de problèmes de qualité des soins qui sont allés jusqu'à la maltraitance auprès justement de personnes âgées dans les CHSLD. Et je peux vous dire, M. le Président, que j'ai agi sans complaisance. J'ai demandé à notre appareil, à nos fonctionnaires, à nos P.D.G. de CISSS et CIUSSS d'agir sans complaisance, sans hésitation, parce que c'est tolérance zéro. Il y a des CHSLD, M. le Président, où il y a eu des professionnels membres d'ordres professionnels qui ont été congédiés pour cause. Pour ceux qui ne connaissent pas l'expression, qui nous écoutent à la maison, «pour cause», ça veut dire qu'on a trouvé une raison documentée de congédier quelqu'un, une faute professionnelle grave. Et, dans le cas ou les cas que j'ai décrits, ce sont des professionnels membres d'ordres professionnels qui ont fermé les yeux devant des cas de maltraitance. On a agi, on les a congédiés.

Alors, M. le Président...

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre, pour une dernière minute, pour terminer l'échange. Vous aurez l'occasion de poursuivre par la suite. Pour sa dernière minute de ces crédits...

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président.

M. Barrette : Bien, c'est bon.

M. Paradis (Lévis) : On aura sûrement l'occasion de reparler de tout ça. Je poserai une question très, très rapide dans un autre dossier.

La lutte au cancer est un combat de tous les instants. On pense et on parle depuis longtemps d'un registre québécois du cancer que l'on souhaite opérationnel. Depuis 2011, le gouvernement y travaille. On avait inscrit dans les cahiers budgétaires déposés l'an dernier que tout ça, noir sur blanc, serait diffusé en décembre 2015, et je parle des données du registre. Ça ne semble pas être le cas. On nous dit maintenant que ce serait prévu pour 2018, pas avant ça. Tous réclament cet outil-là, tous réclament la possibilité de pousser plus avant et de se doter de ce qui est essentiel.

Est-ce que le ministre peut nous confirmer que le déploiement du registre final aura lieu, donc, en 2018, trois années plus tard que ce qui avait déjà été écrit une première fois? Puis est-ce que c'est possible, soyons optimiste, d'accélérer les travaux pour que ça soit complètement opérationnel à ce moment-là, alors qu'on le souhaitait déjà depuis et qu'on le souhaite déjà depuis un bon bout de temps?

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous sommes maintenant sur le temps du gouvernement, pour 21 minutes.

M. Barrette : Alors, M. le Président, j'aimerais, s'il y a consentement, pour compléter les réponses aux questions auxquelles je n'ai pas pu répondre , surtout la dernière question du député de Lévis, j'aimerais pouvoir donner la parole au directeur québécois de lutte contre le cancer, qui est à ma droite, qui va se présenter, pour donner l'information plus détaillée à la satisfaction du député de Lévis, et peut-être que, de notre groupe parlementaire, il y aura des questions supplémentaires à être posées.

Le Président (M. Tanguay) : Y a-t-il consentement pour entendre monsieur? Oui? Alors, je vous demanderais, pour les fins de l'enregistrement, de nous préciser votre nom, vos fonctions, et la parole sera à vous.

M. Latreille (Jean) : Jean Latreille. Je suis directeur... Je suis médecin, hémato-oncologue. Je pratique...

Le Président (M. Tanguay) : Excusez-moi, on n'a pas entendu votre nom.

M. Latreille (Jean) : Jean Latreille...

Le Président (M. Tanguay) : Juste attendre que j'aie fini de parler, s'il vous plaît. Alors, je vous demande de préciser votre nom, vos fonctions, et la parole est à vous.

M. Latreille (Jean) : Merci. Jean Latreille. Je suis directeur général à la direction générale de cancérologie, alors... puis je suis hémato-oncologue, je vois encore des patients.

Le registre, c'est quelque chose d'assez complexe. Depuis la fin 2010, toutes les données sont envoyées. On a changé notre façon de collecter les données, et toutes les données sont envoyées régulièrement par les hôpitaux dans une banque à la RAMQ. La difficulté qu'on a présentement, puis on en a parlé l'an dernier, est de deux ordres. La première, c'est que, quand on a reçu, d'une compagnie qui travaille pour la RAMQ, le registre il y a environ un an et demi, il y avait 111 000 patients dessus. L'incidence de cancer au Québec devrait être d'environ 48 000. Alors, c'est clair qu'il y avait des problèmes. On a regardé ça avec les gens de la RAMQ, avec la compagnie qui est là présentement, et on s'est rendu compte qu'il y avait des doublons, qu'il y avait des triplets ici et là, et on a passé du temps à corriger ça. Et, à l'automne, ce qui est arrivé, c'est que les données... on était descendus à 65 000, et là on s'est rendu compte que — on est tous des êtres humains — il y a eu des erreurs des archivistes, des registraires dans certains établissements, des erreurs à cause de changements d'organisation reliés à... enfin, c'était multiple.

Ce qu'on a pu faire, là, depuis le début de l'année, c'est qu'on a engagé plusieurs registraires. On a fait comme une corvée, tous les hôpitaux ont contribué à donner des... à nous prêter des registraires qu'on paie. Et là on est en train de diminuer. Les registraires ont commencé à travailler, il y a environ un mois, les données de décembre. Et là on me garantit qu'on va sortir l'incidence et la mortalité pour 2011 en septembre 2016, et, en mars 2017, ça devrait être 2012. Et là, à chaque six mois, on devrait sortir une année. Il est normal qu'on ait deux ans de retard, donc forcément on ne se rendra jamais à 2018-2018, là, c'est-à-dire sortir les données la même année, mais là on pense qu'on est pas mal sur la bonne voie. Toutes nos... Comme vous savez, c'est comme une cohorte qu'on suit, hein, les...

Un des problèmes qu'on avait, c'est que ça a pris beaucoup de temps pour définir qui avait un cancer, avant 2011, qui était prévalent dans les données de 2011, parce que tout est comme nouveau. 2011, tu avais des données de la pathologie, des données de la radiothérapie, des données de la chimio, alors qu'avant c'étaient juste les données d'hospitalisation. Donc, on devrait avoir un meilleur registre, il devrait être très fonctionnel et puis il nous garantit qu'on aurait ça, là, pour septembre 2016, les données de 2011, l'incidence et mortalité.

Le Président (M. Tanguay) : Oui. Alors, pour la suite des échanges, collègue de Crémazie.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Je vais permettre... Je sais que c'est un sujet qui est fort pertinent, fort intéressant, mais il nous reste bien peu de temps pour cette période de questions, puis je m'en voudrais de ne pas aborder la question des soins palliatifs et des soins de fin de vie.

M. Barrette : Bien, à ce moment-là, si vous me permettez, M. le Président, chère collègue, je vais juste donner... terminer ma réponse que j'avais commencée avant la dernière question, sur la fameuse corporation, là.

Alors, je disais que nous avons eu à congédier du monde qui avait été trouvé coupable de maltraitance, et ces gens-là étaient membres d'ordres professionnels. La création d'un ordre professionnel ne garantit pas nécessairement la protection du public. Et de dire qu'il n'y a pas d'encadrement, bien, ce serait nier, par exemple, le fait qu'il y a, pour les préposés, 900 heures de formation, qu'il y a un travail d'équipe, qu'il y a des infirmières-chefs qui chapeautent tout ce travail-là, qu'il y a une administration, qu'il y a un comité des plaintes, qu'on peut se plaindre du préposé. Il y a tout ça, là.

C'est parce qu'on donne l'impression que, les préposés aux bénéficiaires, qui font un excellent travail, il n'y a pas de doute, là, dans un changement de statut ou de structure organisationnelle, il y aura un gain absolument généré... Je ne suis pas ce chemin-là. C'est tout, M. le Président, pour cet élément-là.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Collègue de Crémazie.

Mme Montpetit : Oui, je vous remercie. Combien il nous reste de temps, M. le Président?

Le Président (M. Tanguay) : 15 min 30 s.

• (20 h 40) •

Mme Montpetit : Parfait. Bien, je vais être assez brève dans mon préambule pour qu'on ait le temps de discuter, donc, de la question des soins palliatifs et des soins de fin de vie. Puis je rappellerai, là, que, suite à l'adoption du projet de loi n° 52, donc la loi 2 sur les soins de fin de vie, en décembre dernier, le ministre de la Santé avait déposé un plan de développement quinquennal en soins palliatifs et soins de fin de vie qui, bien, visait deux objectifs, là : mettre en oeuvre les modalités prévues dans la Loi concernant les soins de fin de vie et améliorer l'offre de service en soins palliatifs et soins de fin de vie, et c'est ce deuxième élément sur lequel je souhaiterais m'attarder.

Et j'en profite pour faire un court aparté à l'effet qu'il y a tout juste deux semaines, trois semaines, si je ne m'abuse, on faisait, le ministre et moi, une très belle annonce dans ma circonscription, dans Crémazie, à Montréal, l'annonce de 28 lits supplémentaires de soins palliatifs, dont 18 à l'Hôpital Marie-Clarac, qui est situé dans Crémazie, et 10 lits à l'Hôpital Santa-Cabrini, nouvelle qui a été accueillie avec évidemment beaucoup d'enthousiasme, beaucoup de soulagement aussi, parce qu'on nous dit à chaque fois que ça peut être difficile, lorsqu'il manque de lits, d'avoir des gens qui sont en attente, évidemment, dans cette condition-là.

Et, dans ce contexte-là, je voulais laisser l'opportunité au ministre de nous dire, bon, justement, quant aux objectifs de lits réservés aux soins palliatifs et soins de fin de vie, où nous en sommes exactement dans le déploiement de ces lits-là. Parce qu'il y a eu des annonces justement, Marie-Clarac, Santa-Cabrini. Je crois que, la veille, il y avait également eu une annonce à Shawinigan, et il y en a eu quelques-unes dans les derniers mois à cet effet-là. Donc, je pense, ce serait bon qu'on puisse réviser.

Et on se gardera un petit peu de temps aussi — je vous le dis d'avance pour qu'on puisse gérer le temps — pour la question du projet de loi C-14 aussi, qui a été déposé par le gouvernement fédéral, voir de quelle façon ça va avoir un impact ici, au Québec.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Alors, M. le Président, je suis très content qu'on aborde ce sujet-là parce qu'évidemment c'est un sujet qui revêt une grande importance pour la population québécoise, et non seulement ça revêt une grande importance pour la population québécoise, mais cette importance se retrouve dans le texte de la loi sur les soins de fin de vie, qui dit, et ça vaut la peine de le répéter, qui dit que l'accès à des soins palliatifs de bonne qualité, de grande qualité est un droit. Et ça, je pense que le député de Mercier serait d'accord avec moi, c'est un terme qu'il utilisait pour une autre province, c'est définitivement une grande avancée, ça, pour les citoyens du Québec et les citoyens canadiens. Nous sommes la seule province, à ma connaissance, qui avons enchâssé dans la loi le principe du droit à des soins palliatifs. Alors, ça, c'est très important.

Maintenant, la députée de Crémazie, M. le Président, évoquait le fait que nous avions déposé avant Noël 2015 un plan de développement en termes de soins palliatifs, et c'était effectivement le cas. Et, pour ce qui est des soins de fin de vie et des soins palliatifs, il y a essentiellement deux volets à considérer. Je vais prendre, dans un premier temps, le volet soins palliatifs dans sa globalité.

Je rappellerai que notre plan de développement 2015-2020 de soins palliatifs et de fin de vie est le résultat d'une large consultation d'experts dans ce domaine, canadiens et internationaux. C'est un sujet qui n'est pas évident. Ce n'est pas comme l'organisation des soins de première ligne, c'est, à mon avis, plus simple. Les soins palliatifs, c'est du quotidien, c'est des situations qui sont difficiles. Ce n'est pas toujours évident à analyser, mais il y a certainement du travail à faire de ce côté-là.

Alors, les experts nous ont dit, et on a acquiescé à ça évidemment, l'importance qu'on devait, l'attention qu'on devait porter à cette partie-là de la vie des citoyens. Et les experts nous ont établi... ou ont rapporté, selon une littérature, selon l'expérience de ce que l'on faisait ailleurs en cette matière-là, nous ont rapporté qu'il y avait quand même possibilité de dégager des paramètres, des standards que l'on pouvait appliquer au Québec. Et un de ces standards-là est la nécessité d'un certain idéal d'avoir des lits de soins palliatifs en quantité suffisante, et la quantité qui est recommandée par ces mêmes experts est d'un lit pour 10 000 personnes de population, pas 10 000 personnes en fin de vie mais 10 000 personnes en termes de population. Conséquemment, dans une province comme le Québec, où il y a 8,2 millions de personnes en date d'aujourd'hui, approximativement, on conviendra qu'il nous faut donc automatiquement 820 lits de soins palliatifs pour suffire à la demande, couvrir les besoins des gens qui se retrouvent dans cette difficile situation. En date du 31 mars 2016, le nombre de lits qui sont soit en fonction ou planifiés à être mis en fonction bientôt, on en a 877. Donc, on a, au Québec, pour la totalité de la population, plus de lits que ce que les recommandations indiquent.

Maintenant, est-ce que ça signifie, ça, que la situation est parfaite? Évidemment, la réponse, c'est non. En 2014, nous étions à peu près 8 millions de personnes et on avait moins que le nécessaire, on en avait 760. Alors, déjà, là, en prévision évidemment de ce plan de déploiement de nos ressources en soins palliatifs, on avait déjà commencé à prendre des actions pour nous amener vers le bon chiffre pour la population. C'est la raison pour laquelle on est passés, en deux ans, de 760 à 877. Je le répète, là, il y a un petit bémol, les lits de Santa-Cabrini, là, on les a comptés là-dedans. Ils ne sont pas encore en fonction, ils vont l'être dans les prochaines semaines, puis c'est tout à fait correct de les inclure dans 2016. Donc, on a augmenté, dans notre mandat, à date, de 117 le nombre de lits de soins palliatifs et on excède ce que les experts recommandent, mais la répartition locale, sous-régionale ou régionale n'est pas nécessairement optimale.

M. le Président, la députée de Crémazie faisait référence à l'annonce que l'on a faite à Shawinigan il y a environ trois semaines, approximativement, qui est un exemple parfait de la situation que l'on vit au Québec. Dans la région de Mauricie—Bois-Francs... je m'excuse, Mauricie—Centre-du-Québec — et le Centre-du-Québec inclut les Bois-Francs, évidemment — il y a, au moment où on se parle, et il y avait, avant l'annonce que l'on a faite, plus de lits que nécessaire sur le ratio un pour 10 000, sur la base du ratio un pour 10 000. Mais, quand on prend les sous-régions, et, dans Mauricie—Centre-du-Québec, c'est facile, hein, c'est comme... le Québec est construit comme ça, il y a des espaces assez grands et il y a des points où il y a des villes d'une certaine grandeur, là... La Tuque est une ville de 10 000 personnes, il y a des villes de 30 000, 50 000, 130 000. Alors, quand on allait par sous-régions, on constatait que chaque sous-région, sauf une, avait son ratio approprié, et la seule région qui n'en avait pas, qui n'avait pas le ratio approprié était Shawinigan. C'est la raison pour laquelle nous avons accepté de financer un magnifique projet, soutenu et développé par la population locale, d'une maison de soins palliatifs de huit lits, ce qui a fait que le résultat a été que Mauricie—Centre-du-Québec, au moment où on se parle, aura, en 2016, exactement au moins ce qui est recommandé par les experts et un peu plus.

On avait la même problématique dans la région de Montréal. Dans la région de Montréal, qui compte, grosso modo, 2 millions d'habitants, nous avions... juste un petit instant, là, que je retrouve le chiffre que je n'ai pas en mémoire. Ah! ils sont par CIUSSS, malheureusement. Nous avions, sur le territoire, un nombre quasi adéquat de lits de soins palliatifs. Sans entrer dans le détail des régions, là, dans l'ouest de l'île, dans le CIUSSS de l'ouest, dans le CIUSSS du Nord-de-l'Île, il y en a assez, mais dans l'est il n'y en a pas assez. Sur l'île, au total, il y en a assez.

C'est la raison pour laquelle, la semaine dernière, on a fait effectivement une annonce de 28 lits dans l'est de Montréal, qui inclut des lits à Marie-Clarac. Et je tiens à remercier ici publiquement tous les efforts qui ont été faits par la congrégation, qui est dirigée par soeur Pierre-Anne, qui a évidemment eu le bénéfice de ses efforts. C'est vraiment quelqu'un d'extraordinairement dévoué, et je tiens à saluer ses efforts parce qu'évidemment, là comme ailleurs... mais c'est quand même magnifique de voir toute l'implication des religieuses encore aujourd'hui en santé et notamment en soins palliatifs. Mais on en met aussi une dizaine à Santa-Cabrini.

Est-ce que c'est parfait? Non. Puis je vais faire une petite parenthèse ici qui est importante parce qu'on a vécu une petite situation inconfortable pour la population de l'extrême est de Montréal, parce qu'il y avait des gens qui voulaient, eux, lever des fonds pour faire une maison de soins palliatifs dans l'est et qui, pour le moment, ne verra pas le jour. Pourquoi? Parce que les maisons de soins palliatifs doivent être partiellement autofinancées, et aujourd'hui, lever des fonds, ce n'est pas toujours évident.

• (20 h 50) •

Alors, la problématique des lits de soins palliatifs est complexe, parce que, dépendamment du type de ressource, l'hôpital, le CHSLD, la maison de soins palliatifs, bien, ce n'est pas toujours simple en termes de financement, surtout quand on est dans les maisons de soins palliatifs. Il y a encore des régions où il y a des inégalités, et je nomme, à cet égard-là, certainement les fameux trois «L» que l'on connaît, là, Laval, Lanaudière, Montérégie, Laurentides et aussi... la Montérégie, je m'excuse, les trois «L» étant Laval, Lanaudière, Laurentides, et la Montérégie. Est-ce qu'on va arriver, évidemment, à une distribution adéquate pour les ratios et le sous-régional? Oui, c'est vers ça qu'on s'en va, et on s'est donné deux ans pour arriver à une distribution appropriée.

En soins palliatifs, ça nous amène aussi à la question qui est parallèle, mais identique, qui est celle d'offrir des soins de fin de vie à la maison. Les soins palliatifs, dans notre plan, ce n'est pas simplement une question de lits dans des institutions ou des quasi-institutions que sont les maisons de soins palliatifs, c'est aussi une question de services rendus accessibles par les équipes professionnelles formées, dévouées, adéquates, à la maison.

Aujourd'hui, au Québec, la réalité est simple. Je dis, et je vais peser mon mot, là : Seulement — je le pèse, mon mot, puis je vais y revenir — seulement 11 % des gens finissent leurs jours à la maison, alors qu'on sait, toutes les études le montrent, que bien des gens, bien plus de gens voudraient avoir la possibilité de terminer leurs jours à la maison, chez eux, dans leur environnement, avec leurs familles. Il y a un élément de confort et de réassurance dans ce moment-là de la vie, d'être dans un environnement qui est le nôtre. C'est normal que les gens veuillent ça.

On comprendra évidemment que cliniquement ce n'est pas toujours possible. La fin de la vie, dépendamment de la cause de notre fin de vie, bien, ce n'est pas toujours simple. Sans entrer dans les détails, il y a des maladies qui, malheureusement, induisent des situations cliniques qui nécessitent un support nursing, un support pharmacologique, un support médical qui soit du niveau soit du CHSLD soit de l'hôpital. Dans les situations les plus complexes, c'est l'hôpital. Il y a des gens qui ne veulent pas terminer leurs jours à la maison, qui veulent aller dans une maison de soins palliatifs ou un CHSLD, pas nécessairement à l'hôpital. Mais on doit avoir ce continuum-là d'offre de service pour satisfaire la population. Et, compte tenu du fait que les enquêtes montrent que plus de gens, beaucoup plus de gens voudraient finir leurs jours à la maison, mais confortablement, bien, il faut les équipes et il faut mettre en place ces équipes-là, les former, leur donner les ressources appropriées pour remplir leur rôle.

Et notre objectif est de faire en sorte qu'on double le monde... le nombre de citoyens et citoyennes qui terminent leurs jours à la maison dans les cinq prochaines années. Pourquoi cinq prochaines années? Parce que la partie la plus facile, on est en train de la faire, elle est presque terminée, c'est de mettre en place des lits dans les maisons de soins palliatifs, CHSLD et hôpital. Ça, c'est la partie facile, parce que la marche à monter pour se rendre au niveau approprié et recommandé par les experts, elle n'est pas très haute. Par contre, pour amener les services d'une façon adéquate au domicile au plus grand nombre... parce que peut-être que, si on a du succès, puis on aura du succès, peut-être que ce n'est pas 22 % de gens qui termineront leurs jours à la maison, ça va peut-être être 50 %. C'est possible, mais c'est ce que le temps dira. Dans notre plan quinquennal, on vise à amener ça au double, à 22 %, ce qui, à mon avis, socialement, sera un succès. Puis je le dis tout de suite, ça ne sera jamais 100 %, pour deux raisons, trois raisons... bien, en fait, deux raisons. La première, c'est qu'il y a des gens qui ne voudront pas, de toute façon. Ça ne sera pas leur condition clinique, ça ne leur tentera pas, puis c'est normal, c'est le choix des gens. Mais il y a aussi le côté purement clinique, médical, qui va faire en sorte que, malheureusement, des gens ne seront pas dans un état qui soit — entre guillemets, là, ce n'est peut-être pas le bon mot — gérable. On ne peut pas prendre nécessairement cette prise en charge là par les citoyens.

Je n'ai pas abordé un élément encore plus important dans notre plan de développement, qui est le financement que l'on va offrir aux familles pour avoir du répit dans les derniers moments de gens qui terminent leurs jours à la maison. On sait que c'est un moment difficile pour les familles. On sait que les familles s'occupent beaucoup, puis, vers la fin, c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup d'efforts. Et ces gens-là qui veulent, comme les personnes concernées, terminer leurs jours à la maison, bien, ont un besoin d'un répit, et on offre un financement pour leur permettre d'avoir du répit sous la forme de personnel qui vient les aider dans ces moments-là.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, du côté de l'opposition officielle pour un bloc de 20 min 30 s. Collègue de Joliette, la parole est à vous.

Mme Hivon : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je salue à mon tour toute l'équipe, valeureuse équipe du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Je vais avoir quelques questions rapides et j'espère des réponses tout aussi rapides. Mais c'est vraiment dans la suite logique de ce que la députée de Crémazie abordait. Je pense que le ministre et moi, on ne s'obstine pas longtemps là-dessus, on est, les deux, tout à fait convaincus de l'importance de la loi sur les soins de fin de vie, avec... laquelle j'ai d'ailleurs eu le bonheur de travailler avec mon collègue d'Orford, des années de travail harmonieux.

Et j'avais quelques questions par rapport à, donc, l'implantation de la loi. C'est certain que ça représente un grand changement pour les équipes médicales — et je tiens à les saluer — qui prennent ce virage-là, les médecins, d'ailleurs certains ont témoigné publiquement il n'y a pas plus tard qu'il y a deux semaines, Dr Naud et Dr Viens, pour expliquer leur expérience avec l'aide médicale à mourir. Et je pense que c'est très important. Ils font oeuvre très utile parce qu'ils démystifient les choses. Mais ce qui est clair, c'est qu'il y a encore beaucoup de travail à faire pour que les gens s'approprient correctement cette nouvelle loi là, particulièrement la question de l'aide médicale à mourir.

Alors, j'ai vu, bien sûr, au cours des derniers mois que le ministère a mis de l'avant une campagne d'information, je dirais, relativement modeste, bien que bien faite, dans les journaux, à la radio. Mais, de ce que j'entends, puis j'imagine que le ministre entend la même chose, il y a énormément de questions sur le plancher, auprès des équipes, même moi, à mon bureau de circonscription. Et je me demandais s'il y avait une deuxième phase de prévue, s'il y avait notamment de l'information par la voie de dépliants qui seraient disponibles, s'il y avait, par exemple, des vidéos qui pourraient être disponibles sous forme de questions-réponses, très, très, très accessibles pour la population. Je dois vous dire que j'ai vu Dr Naud répondre pendant une dizaine de minutes dans une émission de télévision, questions-réponses. J'ai trouvé que c'était vraiment intéressant, cette formule-là. Donc, c'est une suggestion que j'aurais à faire au ministre. Je voulais savoir ça.

L'autre élément, je voulais savoir s'il y avait une campagne d'information sur les directives médicales anticipées, qui est un autre changement très important pour l'autonomie de la personne et le respect de ses volontés, qui est prévu dans la loi. Est-ce qu'il va y avoir une directive par rapport à ça? Et finalement à quel moment le registre des directives médicales anticipées va être en vigueur?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : ...trois questions, mais, avant de répondre aux trois questions, M. le Président, vous me permettrez, et je suis sûr que notre collègue de Joliette va me permettre aussi, de souligner l'excellent travail de vulgarisation qu'ont fait les médecins qui sont passés dans les médias pour effectivement démystifier cette chose-là. C'était vraiment de grande qualité, bien mesuré. Je pense qu'on doit le souligner et je profite de l'occasion pour faire de même.

Bon, pour ce qui est d'une deuxième phase par rapport à la campagne que l'on a faite, qui est, c'est vrai, je suis d'accord, là, discrète, là, on n'en a pas prévu une deuxième parce qu'on a prévu bientôt aller dans une campagne, bien, d'information, là, «campagne» étant un grand mot, parce que je ne suis pas sûr que les gens s'attendent à ce qu'on placarde les médias de ce sujet-là, quoiqu'il faille quand même avoir une information publique de masse, je dirais. La prochaine étape va être justement sur les directives médicales anticipées. Alors, ça, c'est prévu dans un deuxième temps.

Je reçois très favorablement la suggestion, à laquelle je n'avais pas pensé d'ailleurs, du vidéo. Alors, on en prend bonne note. Je pense que c'est une excellente idée. Et je dirais spontanément que c'est une excellente idée puis je pense bien qu'on va y donner suite, là. Ce n'est pas bête du tout.

Alors, maintenant, pour ce qui est de la campagne, c'est là où on en est pour les deux campagnes. Alors, je pense que, si on y va dans un deuxième temps, la voie suggérée serait probablement une excellente voie, là.

Mme Hivon : Donc, vidéo, oui, puis dépliant, quand on...

M. Barrette : ...

Mme Hivon : O.K. C'est juste les dépliants aussi, parce que, quand on avait déposé la loi, on en avait...

M. Barrette : Mais ça, on en a, des dépliants. Ça, c'est fait, ça, normalement, les dépliants.

Mme Hivon : O.K. Parce qu'ils ne sont pas... En tout cas, moi, je me suis informée à mon CISSS, parce qu'on a des demandes, s'ils sont faits. S'ils ne sont pas faits, je vous suggère d'en faire. S'ils sont faits, je vous suggère de les diffuser largement.

• (21 heures) •

M. Barrette : Moi, là, les dépliants, là, dès qu'on a eu à mettre en application la loi, ça a été mis en place, ça a été distribué dans le réseau. Mais je comprends du commentaire de notre collègue de Joliette, M. le Président, que ce n'est peut-être pas rendu d'une façon suffisamment visible, mais c'est dans le réseau au moment où on se parle, dans l'établissement, depuis un bon bout de temps d'ailleurs.

Mme Hivon : O.K. Dernière question, oui, c'était le moment du registre.

M. Barrette : Le registre. Alors, ça, je n'ai pas l'information. Bon, on m'indique que la régie est prête à le... Bien là, ça demande un décret, et le décret devrait être fait bientôt. Et tout est prêt pour le registre.

Mme Hivon : Donc, il ne manque que votre signature. Je vous encourage...

M. Barrette : Non, non, un décret, ça demande aussi la signature de d'autres, là, mais...

Mme Hivon : Oui, de d'autres. Mais votre volonté? O.K. Parfait.

M. Barrette : Je ne voudrais surtout pas m'affubler d'un pouvoir démesuré.

Mme Hivon : Ça fait que... Et c'est ça, en termes... je salue l'ouverture du ministre à la proposition de vidéo, je pense que ce serait très pédagogique, questions-réponses, notamment sur les critères pour que les personnes puissent avoir accès. C'est sûr que c'est un gros changement pour les équipes médicales mais pour aussi les personnes, puis je pense aussi que ça simplifierait la vie des équipes médicales — ce n'est pas toujours tout le monde qui est archiformé — d'avoir ça.

M. Barrette : D'accord.

Mme Hivon : Et puis je vais vous le dire d'avance, on ne relèvera pas s'il y a des coûts...

M. Barrette : ...

Mme Hivon : C'est exactement ça, on ne reviendra pas, aux crédits l'année prochaine, sur les dépenses par rapport à ça. Je vous encourage de le regarder.

Puis finalement une dernière petite chose, c'est juste... ça m'a frappée dans C-14, puis on a eu la chance d'en discuter à l'extérieur qu'évidemment on sait que notre loi, elle est valide, ça a été confirmé, elle est en vigueur depuis le mois de décembre, c'est une grande avancée, mais donc, dans le projet de loi fédéral, si on devait modifier les choses et donc s'ajuster, pas pour notre loi, qui est par ailleurs tout à fait valide et s'applique avec ses critères, avec son processus, si on devait s'ajuster, il y a quand même quelque chose qui m'a frappée, c'est le délai de 15 jours qui est prévu entre la première fois où quelqu'un demande et la deuxième, et ce qui a été décrié d'ailleurs par plusieurs, parce qu'on s'imagine qu'une personne qui en a peut-être pour une semaine ou 10 jours à vivre chaque heure peut être vraiment une agonie. Donc, c'est sûr que c'est prévu qu'il peut y avoir des exceptions à cette règle-là, mais je vous suggérerais de dire à votre homologue fédéral que, d'après, ici, ce qu'on a fait, on s'est rendu compte que de mettre un délai comme ça, de l'avis de tous les experts, ce n'était pas une bonne idée.

Donc, voici l'essentiel de ce que je voulais vous dire. Et je laisse la parole à ma collègue de Taillon.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : ...quand même juste répondre, parce que je comprends que ce n'était pas une question, mais je vais aller quand même dans le même sens. Il y a des éléments dans C-14 qui sont clairement... qui peuvent poser problème. Je pense que notre loi était probablement... En fait, je dirais qu'elle est plus claire, plus spécifique. C-14 est quelque chose de particulier, et je suis d'accord sur le fait qu'on n'a pas à faire de changements très, très significatifs, en fait on n'a pas de changements à faire dans notre loi, parce qu'elle est dans un environnement de soins de santé, pour s'adapter à C-14 théorique, parce que la loi n'est pas encore adoptée, il y aura des études, elle va peut-être changer dans certains aspects, on verra à ce moment-là, là, mais C-14, c'est une loi qui est au plus une extension de notre loi, là, ce n'est pas ce que les gens peut-être pensent que c'est.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Collègue de Taillon.

Mme Lamarre : Merci, M. le Président. Alors, il reste 12 minutes seulement, M. le ministre, à cette étude des crédits, donc j'ai quelques questions courtes, rapides. Et ça concerne en particulier, par exemple, les patients stomisés. On sait que, pour eux, le port de l'appareillage est un service essentiel. La contribution, l'allocation qui leur est allouée est de 700 $ depuis 2006, alors que l'Ontario, parce que je sais que parfois le ministre aime à comparer avec l'Ontario, c'est actuellement à 970 $ et ça va passer à 1 050 $ à compter du 1er septembre prochain. Alors, est-ce que le ministre compte rehausser l'allocation pour les patients stomisés?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : La problématique, qui a été soulevée lors d'une pétition et même d'interventions, si je me souviens, du député de Lévis... je pense, avait fait une intervention là-dessus, sur les sacs de stomie...

Une voix : ...

M. Barrette : Non, c'était une pétition? C'était vous... M. le Président, c'était la députée de Taillon? Alors, je pense que c'est un point... c'est quelque chose qui mérite qu'on s'y adresse, et on s'y adresse au moment où on se parle et on est en train de voir quelle sera la meilleure voie, le meilleur chemin pour alléger le fardeau financier pour ces gens-là. Aujourd'hui, je ne suis pas en mesure d'annoncer ni la voie ni exactement ce que l'on veut faire, mais nous nous adressons à la chose et nous pensons avoir de bonnes nouvelles pour cette clientèle-là cette année.

Mme Lamarre : Merci beaucoup. Alors, je pense qu'ils vont être très heureux d'entendre cette information-là.

Dans un autre sujet, le 3 décembre 2015, le ministre a annoncé un programme de financement sur les gicleurs pour les résidences de personnes âgées, un montant de 115,9 millions de dollars sur cinq ans. À la lecture du livre... du cahier de budget, en fait la portion budget de dépenses, à la page 160, le montant pour cette année n'est que de 1,8 million sur un budget annoncé de 115,9 millions. Est-ce que le ministre peut me dire qu'est-ce qui est prévu pour 2016-2017 et 2017-2018?

M. Barrette : Je m'excuse, je n'ai pas saisi la question.

Mme Lamarre : Le financement des gicleurs.

M. Barrette : Oui, était...

Mme Lamarre : Le financement des gicleurs, c'est un enjeu important. Nos expériences très douloureuses au niveau de L'Isle-Verte ont amené des études, ont amené des commissions à se pencher sur la pertinence d'avoir des gicleurs dans les résidences pour personnes âgées. 115 millions annoncé le 3 décembre, là, il y a cinq mois, donc, vous avez annoncé ce montant. Dans le budget pour l'an prochain, il n'y a que 1,8 million. Je me demandais quelles étaient les prévisions pour 2016-2017 et 2017-2018.

M. Barrette : Bon, pour 2016-2017, là, bon, on l'a dans les crédits, il y a une ligne. Bon, bien, 2017-2018, on le présentera lorsqu'on arrivera au budget de 2017-2018. Mais je pense, M. le Président, que ce qui interpelle la députée de Taillon, et elle me corrigera avec plaisir si je me trompe, c'est que le montant est petit, en 2016-2017, par rapport à l'ampleur de, et je vais expliquer la raison pour laquelle c'est comme ça. C'est que le programme de remboursement, le programme de subvention, là, auquel vous faites référence, il a des conditions de débours. Alors, le décaissement que le gouvernement va faire, il sera fait seulement après le complètement des travaux, alors on ne débourse pas d'argent avant que les travaux soient faits complètement, et après que le propriétaire, selon les normes qui sont établies, ait commencé à rembourser. Alors, si les travaux... Parce que ça prend un certain temps, là, faire ces travaux-là, d'abord faire des plans, et ainsi de suite. On s'attend, et c'est la raison pour laquelle le montant est petit, à ce qu'on n'ait pas à débourser cette année, parce qu'on ne débourse pas, dans les règles, de montant tant que les travaux ne sont pas faits et tant qu'après que les travaux aient été complétés le remboursement ait commencé par le propriétaire.

Alors, conséquemment, les montants les plus substantiels vont être à partir de 2017-2018. C'est juste une question de règles que l'on applique, le montant est petit juste pour ça.

Mme Lamarre : Mais, à ce moment-là, comment allez-vous pouvoir budgéter pour 2017-2018? En extrapolant, si on prend 115,9 millions... Ça avait été prévu pour une période de cinq ans. Donc, si on considère que l'an 1 est vraiment — et je comprends bien la démarche qui est faite — de 1,8 million, qu'est-ce qu'on peut prévoir pour 2017-2018 dans le budget, là?

M. Barrette : Alors, je n'ai pas la prédiction ni la prévision pour 2017-2018, mais il faut se rappeler aussi que le remboursement, la subvention qu'on donne, le 200 quelques millions qui est prévu au programme, lui, il est versé sur une période de 10 ans. Alors, le fait qu'on ne commence pas à payer avant un certain temps et, quand on commence à payer, on paie pendant 10 ans, bien, forcément, les montants vont être relativement petits, vont augmenter avec le temps.

Et, en 2017-2018, bien, là on verra la tendance, parce que, là, il y a une tendance, il y a un programme, les gens vont le faire, mais on verra quels seront les montants. Il y a un maximum, hein, dans ce programme-là, ce n'est pas un programme à l'infini, là.

Mme Lamarre : En fait, moi, je me fie au montant qui a été estimé par le ministère et par le ministre, là. Ce qui a été prévu, c'est 115 millions d'ici cinq ans, sur cinq ans. Donc, il a dû y avoir des évaluations, des estimations qui ont dû être faites. Juste s'assurer que le budget sera disponible pour couvrir les frais nécessaires.

• (21 h 10) •

M. Barrette : Quand 2017-2018 va, évidemment, être disponible, bien, on aura des données pour nous permettre d'établir le montant à assigner à cette ligne-là dans le budget, évidemment, mais, le montant qu'on a mis cette année, avec ce que je vous ai expliqué comme mécanique, je pense qu'il est très raisonnable, là. Ce n'est pas tout le monde, là, qui va... ce n'est pas des centaines de résidences qui vont avoir mis en place leurs gicleurs cette année, là.

Mme Lamarre : Alors...

M. Barrette : Juste... Si vous me permettez, M. le Président, quand on se réfère à la province préférée maintenant du député de Mercier, qui maintenant, littéralement, a en grande estime l'Ontario, l'Ontario a eu un programme similaire, l'Ontario a fait exactement comme ça, là, ils ont donné une période de cinq ans, parce que ça ne se fait pas en un an, puis ils ont eu une mécanique de remboursement qui ressemble à la nôtre... ou la nôtre ressemble à la leur.

Mme Lamarre : On comprend que, si jamais des gens complétaient l'installation des gicleurs et que ça dépassait 1,8 million, ils ne seraient pas pénalisés, et il y aurait des provisions qui seraient ajustées pour régler ça quand même.

M. Barrette : Oui, mais on comprend, par exemple, que, dans le programme, il y a un maximum de 3 300 $ par unité d'habitation, là, il y a un maximum pour le total puis un maximum par unité d'habitation. Mais, si les gens qui rentrent dans les paramètres excèdent, on va les payer, c'est sûr.

Mme Lamarre : Un autre dossier dont on a parlé aux crédits en 2014-2015, et j'en reparle cette année, c'est D'un couvert à l'autre, qui est un organisme qui soutient les patients qui sont atteints de schizophrénie, à Longueuil. Ils ont réussi à avoir leur accréditation comme organisme communautaire, ce qui était un grand, grand souhait pour eux, mais malheureusement on leur a répondu qu'il n'y avait pas de financement du programme, du PSOC, qui serait disponible avant quelques années pour eux.

Alors, c'est certain que cet organisme amène des économies, ils ont réussi, par exemple, à éviter des hospitalisations pour un grand nombre de patients. Et malheureusement, au moment où ils ont coupé leurs services, en l'espace de quatre mois il y a eu 20 personnes qui ont dû être hospitalisées, ce qui a coûté plus de 1 million de dollars en hospitalisations.

Alors, il y a des moments où réinvestir, investir auprès de ces organismes qui font un travail colossal pour des patients qui sont atteints d'une maladie particulièrement difficile pourrait faire une différence. Alors, 1 million de frais d'hospitalisation, je pense qu'il y a, à ce moment-ci... Et le ministre m'avait rassurée, m'avait dit qu'il s'intéresserait à ce dossier-là. Alors, est-ce qu'il peut me confirmer si D'un couvert à l'autre obtiendra un financement du programme PSOC dans les prochains mois?

M. Barrette : Je comprends bien, évidemment, je le connais, là, le dossier de D'un couvert à l'autre. Je ne vais pas porter de jugement ici en faveur ou en défaveur de l'organisme en question, je ne pense pas que ce soit le lieu pour moi de faire ce genre de commentaire là.

Par contre, pour ce qui est du financement du Programme de soutien aux organismes communautaires, il y a une mécanique, là, qui existe, et je pense, de mémoire, avoir dit l'année dernière que la première étape à passer pour avoir un financement est d'être reconnu comme organisme par les autorités qui font ces évaluations-là, qui sont locales et sont...

Une voix : ...

M. Barrette : Je comprends. Alors donc, cette étape-là est faite. Ma compréhension, et je pense qu'elle est la bonne, c'est que l'organisme communautaire, après avoir été retenu, doit avoir fait la démonstration qu'ils peuvent lever des fonds. Dans le monde des organismes communautaires, c'est comme ça que ça fonctionne. Le financement du PSOC, le Programme de soutien aux organismes communautaires, pour ceux qui ne sont pas familiers avec l'acronyme, c'est un complément. On soutient à une hauteur peut-être pas équivalente à 100 %, mais on soutient lorsqu'il y a démonstration qu'il y a une capacité de lever des fonds. Et, pour moi, de passer outre cette étape-là, ça crée un précédent qui est difficile, là. Alors, c'est sûr qu'ici, à la caméra, par exemple... puis je ne dis pas qu'il faut le faire hors caméra, ce n'est pas ce que je dis du tout, là, mais on peut comprendre la vague que ça ferait si demain matin, d'une façon officielle et récurrente, je force le financement par le PSOC d'une organisation qui n'a pas fait le même chemin que les autres. Là, on tombe dans l'équité.

Encore une fois, je reviens là-dessus, ce n'est pas une question de porter un jugement envers l'organisation, c'est juste par souci d'équité envers les autres bénévoles puis les autres organismes de bienfaisance qui essaient de se faire reconnaître, qui essaient de lever des fonds et qui attendent, eux et elles aussi, d'avoir accès au PSOC après avoir fait la démonstration qu'ils pouvaient lever des fonds, eux autres aussi. C'est ça qui est la problématique, là, à mon avis, là.

Le Président (M. Tanguay) : Oui. Une dernière minute.

Mme Lamarre : Alors, écoutez, cet organisme-là, depuis avril 2015, a obtenu son accréditation, et il la demandait depuis 2004, en 2004, 2009, 2012 et 2015. Alors, j'attire simplement l'attention du ministre sur ça.

Dernière question. Le programme d'exonération financière pour le soutien à domicile, le PEFSAD, un montant de 5 millions devait être ajouté cette année. Est-ce que le ministre peut confirmer qu'il est prévu au budget?

M. Barrette : Si des budgets sont... Si de l'argent est prévu au budget pour le PEFSAD?

Mme Lamarre : Le programme d'exonération financière pour le soutien à domicile, le PEFSAD.

M. Barrette : Non, je sais c'est quoi, le PEFSAD. Est-ce que la question est à savoir s'il y a de l'argent qui va aller au PEFSAD? La réponse, c'est oui.

Mme Lamarre : 5 millions ajouté, il y avait un 5 millions qui devait être ajouté. Et, si oui, où est-il?

M. Barrette : Alors, nous aurons une annonce à faire prochainement à ce sujet-là, et évidemment je vais me garder le luxe de préserver la hauteur de mon annonce en temps et lieu.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à l'échange. Collègue d'Ungava, maintenant, pour une période de 18 minutes, la parole est à vous.

M. Boucher : Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, recevez mes salutations, de même qu'aux gens de votre équipe qui vous accompagnent. Salutations aux collègues, là, de l'équipe gouvernementale, salutations aux collègues de l'opposition. Et, sans vouloir offusquer personne, salutations aux personnes les plus importantes pour moi, les gens du comté d'Ungava. «Unusakut», «wachiya», «Kuei». Bonne fin de soirée à tous.

Alors, M. le ministre, je vous propose un pacte. On a 18 minutes : j'en prends la moitié, je vous en laisse la moitié. C'est assez bon, ça? Donc, vous aurez l'occasion de répondre, et passer vos commentaires à ce que je dirai, et en profiter en même temps pour faire vos remarques finales.

Donc, je veux vous parler un petit peu du comté d'Ungava. Vous savez, bon, c'est souvent à la blague, là, qu'on me dit : Tu as la moitié du Québec à toi tout seul, etc., mais c'est vraiment un comté particulier, hein? Vous avez eu l'occasion de venir... Est-ce que c'était l'automne passé? Le temps passe tellement vite que...

M. Barrette : C'était à l'automne... au printemps passé.

M. Boucher : Au printemps, c'est exact.

Des voix : ...

M. Boucher : Non, c'était en septembre.

M. Barrette : En septembre passé.

M. Boucher : Exactement. Parce que, le 2 septembre, j'étais à Inukjuak et je vous ai...

Une voix : ...

M. Boucher : C'est ça. Donc, toujours est-il que... Un comté de plus de 865 000 kilomètres carrés, 1,3 fois plus grand que la France, hein? Si c'était un pays, ce serait le 34e plus grand pays au monde, après le Venezuela. Donc, ça vous donne une idée, là, des défis puis de ce qui peut se passer là-bas, que ce soit en éducation, santé et services sociaux, etc.

Vous avez eu l'occasion de venir visiter le comté, comme je vous disais, fin août, début septembre, l'an passé, et puis c'était seulement la partie nord du comté, encore une fois, seulement deux villages, ce n'était pas une visite complète, mais vous avez été à même de voir, bon, quels sont... il y en a qui parlent de problèmes, moi, j'aime mieux parler de défis, il me semble que c'est plus positif, relever un défi, que de voir des problèmes partout, alors quels sont les défis à relever dans le comté d'Ungava et puis tout ce qui peut... Tout est plus difficile là-bas, tout est plus compliqué. Ce qui pour nous, gens du Sud, est normal, va de soi, ne pose pas de question, là-bas tout est plus lent, tout est plus difficile à porter puis tout est plus difficile à faire aboutir, malgré le fait qu'on a des excellents soins de santé là-bas, je peux le dire, bon, tout à l'honneur du personnel, autant les médecins, les infirmières que les gens du réseau de la santé et services sociaux qui travaillent au Nunavik. J'ai eu l'occasion de l'expérimenter moi-même, pas une grave maladie, mais suffisamment grave, là, pour être évacué d'urgence de Kuujjuaq par avion-ambulance, et puis je peux vous dire qu'entre être hospitalisé à Kuujjuaq et être hospitalisé à Montréal c'est comme le jour et la nuit. Si on arrive à Montréal, on a vraiment l'impression, là, d'être à l'hôpital dans le tiers-monde, un hôpital de guerre, alors qu'à Kuujjuaq on a l'impression d'être dans un hôpital de luxe, là, comme on voit des fois à la télévision, dans certains hôpitaux américains.

• (21 h 20) •

Ceci étant dit, beaucoup de défis. Vous avez eu l'occasion de voir... On parlait plus tôt aujourd'hui, bon, des problèmes de maladie mentale, où on parlait de l'Hôpital Douglas. Je vous avais amené visiter l'Hébergement communautaire Ungava, M. le ministre, si vous vous souvenez, où il y avait huit hommes atteints, bon, de certains problèmes de maladie mentale, qui vivaient en genre de foyer de groupe, qui sont régulièrement suivis par l'Hôpital Douglas. Puis, chez nous, bien, la maladie mentale, c'est quand même... Si on pense qu'ici, au sud, là, il y a des préjugés, que c'est quelque chose qui est tabou, là-bas c'est multiplié par 10, souvent exacerbé par des problèmes de consommation de drogues, des gens qui... qui inhalent, pardon — j'allais dire «analysent», ce n'est pas ça du tout — qui inhalent des vapeurs d'essence pour trouver un état second, et puis malheureusement, bien, je ne suis pas médecin, puis vous me corrigerez si je dis des niaiseries, M. le ministre, mais souvent ces substances-là exacerbent ou mettent à jour des maladies mentales, bon, que ce soient des psychoses ou la schizophrénie, qui n'auraient peut-être pas apparu ou auraient apparu plus tardivement, là, chez certains individus. Donc, à cet endroit-là, il y a moyen, là, de prendre ces gens-là puis de rendre une vie quand même acceptable et puis une qualité de vie, là, qui fait que ces gens-là puissent passer une vie quand même agréable.

On a beaucoup parlé, bon, pour ceux qui suivent les médias, des suicides, des nombreux suicides de jeunes qu'il y a eu à Kuujjuaq dernièrement. Il y en a deux autres dans un autre village, à Salluit, qui est le deuxième village le plus au nord du Québec, mardi dernier. Donc, on n'a pas idée, là, de la souffrance de ces gens-là. Puis on dit : Bien là, écoutez, là, ils ont des autos, ils ont des maisons, on envoie de l'argent en masse là-bas. De quoi ils se plaignent? Je peux vous dire que c'est des populations où il y a beaucoup de défis à relever puis des populations qui sont vraiment souvent démunies par rapport à ce qui leur arrive. Ils ne sont pas démunis dans le sens qu'ils ne sont pas capables, mais ils sont dépassés par les événements et dépassés par rapport à tout ce qui leur arrive.

Si je peux vous parler, bon, de la partie plus au sud du comté, où on retrouve, bon, les communautés cries, par exemple, j'aimerais bien, si l'occasion se présente, M. le ministre, que vous ayez l'occasion de venir à Mistissini, un village... une communauté crie d'environ 3 000, 3 500 personnes à peu près à 90 kilomètres au nord de Chibougamau où ils ont... appelons ça un CLSC pour faire plaisir au député de Mercier, comme un genre de miniclinique, minihôpital où on fait même de la dialyse, on peut même prendre en charge des patients accidentés. J'aimerais bien vous amener là un de ces jours, M. le ministre, pour que vous ayez l'occasion de voir de vos propres yeux comment on fait les choses du côté de la régie de la santé crie.

Vous savez, bon, moi, je suis probablement le seul comté du Québec où j'ai trois... appelons ça des régies de la santé différentes, le CIUSSS Baie-James, la régie de la santé crie et la régie de la santé du Nunavik, où chacun, bon, a ses budgets, avec des populations qui sont conventionnées, des populations qui... trois cultures différentes, trois langues différentes, avec une quatrième langue qui est la langue commune, l'anglais, mais on sait que les Cris parlent encore beaucoup le cri, les Inuits, l'inuktitut. Et finalement, bien, la population qu'on peut appeler les Blancs du comté, le sud du comté, est très majoritairement francophone. Donc, quatre langues qui sont encore bien vivantes dans le comté.

J'aimerais, bon, M. le ministre, que vous me parliez un petit peu de votre expérience, puis de la visite, puis des constats que vous avez faits, là, lorsque vous êtes venu au nord. Et puis comment vous voyez la situation, là? Quelle est l'évolution à venir, selon vous?

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, c'est peut-être dommage que le dernier sujet que l'on aborde dans notre étude de crédits soit celui des Inuits et des populations autochtones du Nord-du-Québec, et puis j'irais même jusqu'à dire des populations autochtones dans leur ensemble, parce qu'il y a des problématiques même ici, dans le sud, que l'on connaît, d'autres qu'on connaît moins. Et je fais référence, par exemple, à la problématique du vieillissement de la population qu'on vit ici, dans le comté de Chauveau, dans la communauté que l'on connaît ici, huronne, à Wendake.

Il y a une problématique autochtone qui est à géométrie variable, qui a un dénominateur commun qui est celui de la difficulté, de la sévérité des enjeux, et qui est à géométrie variable certainement en termes de latitude — sans apostrophe. Plus on va au nord, je dirais, dans mon expérience, et pire c'est. Et, puisque le député d'Ungava, M. le Président, me demande de relater mon expérience, bien, je vais le faire avec le plus grand des plaisirs. J'ai été élevé, moi, dans une zone où il y avait des communautés autochtones mais au sud, et ce que j'ai vu dans mon enfance et mon adolescence n'a aucune commune mesure avec ce que l'on voit au Nunavik, aucune commune mesure. Le choc culturel de la rencontre de nos nations est maximal là-bas, le différentiel temporel, social est maximal là-bas, et les conséquences sont à l'avenant.

Je vais me permettre, à cette étape-ci, de souligner et de saluer toutes les équipes qui sont au nord en santé et services sociaux, qu'elles soient du Sud ou qu'elles soient inuites... Parce qu'il faut dire «inuites» aussi. Il n'y en a pas beaucoup, mais, du côté social, du côté de tous les problèmes que le député d'Ungava a soulevés, toxicomanie, le choc culturel, et tout ça, il y a une implication qui est remarquable de certains... de la plupart des acteurs de la communauté inuite, pour un problème qui est immense. On voit des choses qu'on ne pensait plus voir. Et je me souviens avoir rencontré des équipes du Sud, des équipes médicales d'infirmières et de médecins, à Puvirnituq et à Kuujjuaq, qui avaient été là-bas parce qu'ils avaient le goût — le député de Mercier va aimer ça — ils avaient le goût de l'aide humanitaire. On est au Québec, sur un territoire qui est immense, mais... on est au Québec, dans le Canada, et malheureusement ce sont des conditions, souvent, de tiers-monde réelles que l'on voit là-bas, tant physiques que sociales. C'est impressionnant. Médicalement, on voit des choses qu'on pensait éradiquées. Moi, j'ai été... j'ai fait un cours de médecine, là, où on pensait qu'on avait éradiqué, dans notre monde occidental, la tuberculose. Bien, là-bas, aujourd'hui, là, c'est endémique. Salluit, vous le savez, M. le député, M. le Président, c'est endémique. Ça, c'est du tiers-monde, là. Au Québec, au moment où on se parle, les cas de tuberculose, là, il y en a deux types de souches, il y a une souche africaine et il y a la souche du Nord. Ce n'est pas banal, là. Et ça, évidemment, on sait, particulièrement dans le cas de la tuberculose, les pires conditions pour la transmettre, c'est la proximité, la promiscuité, parce que c'est transmis par l'aérosol, là, en anglais c'est «airborne», là, c'est des gouttelettes dans ce que l'on respire. Là-bas, dans le Nord, les conditions sont parfaites, malheureusement, pour créer des épidémies de tuberculose, une maladie qu'il y a 30 ans on pensait l'avoir battue. Eh bien, non. Malheureusement, la nature est très forte, et ce n'est pas vrai que la médecine est plus forte que la nature. Oui dans certains cas, mais pas au total, il y a toujours cet équilibre-là. Les défis, conséquemment, qu'il y a dans le Nord sont immenses, mais absolument immenses. En santé, c'est évident, c'est évident.

En éducation, c'est encore plus spectaculaire. J'ai encore en mémoire l'école secondaire de Puvirnituq, où il y a eu cette année, l'année dernière, un seul diplômé du secondaire. Tous ceux qui sont entrés, là, ont décroché avec le temps. Ce n'est pas banal, là, ça. Dans une société où on veut prôner la valeur de l'éducation pour accéder à autre chose, si on n'arrive pas à ça là-bas, c'est assez difficile, là.

• (21 h 30) •

En santé, c'est évident, vous y avez fait référence : le suicide, la toxicomanie, la distribution des services. Les gens ne réalisent pas qu'une équipe... Et là je dis «une équipe», c'est important, pas juste un médecin, un médecin et une infirmière de garde, ça prend l'avion pour aller chercher quelqu'un dans le petit village à côté. Parce qu'on ne réalise pas qu'au Nunavik... moi, je ne l'avais pas réalisé, là, on ne réalise pas que, le Nunavik, qui est le nord du Québec, il n'y a rien au centre. Il y a un chapelet de 14 petits villages pour 14 000 personnes, il y a deux grosses villes de 2 000 personnes, puis tout le reste, c'est des petits villages de 500, 600 personnes. Quand quelqu'un est malade, là, il y a un dispensaire, et, oui, c'est mené par une infirmière, mais, quand il faut amener le patient à l'hôpital, il faut prendre l'avion. C'est comme ça. Ça veut dire que l'équipe de garde part avec sa trousse, son équipement, prend l'avion pour amener quelqu'un qui est en crise d'asthme. C'est des enjeux qui sont d'un autre monde, d'un autre ordre.

Alors, on imagine les ressources que l'on doit mettre en place pour ne serait-ce que faire un minimum de prévention pour soigner les gens, pour les transférer, les transporter à l'extérieur quand la condition médicale l'exige, on imagine la difficulté interculturelle qu'il y a dans les problèmes de santé mentale.

Dans ma visite, j'en ai vu, moi, là, j'en ai vu. J'ai vu des patients en isolation physique parce que c'était un problème de schizophrénie, une vraie, vraie, vraie psychose aiguë, et il fallait protéger le patient en l'isolant. Dans un environnement du Sud, là, c'est une situation qui est pas mal plus simple à gérer que dans un environnement du Nord. Les défis, là, on ne peut pas... on peut les comprendre, ça se raconte, mais, quand on le voit, ça prend une couleur complètement différente, c'est plus grave encore, les défis sont plus grands encore.

Et, quand on constate que les enjeux dans le Nord sont des enjeux qui commencent, à mon avis, par, physiquement, le logement, qui, eux, consécutivement, ont un impact social et ultimement sur la santé des gens — référence à ce que je viens de dire, la tuberculose — là on a un méchant défi. Ce qui m'emmène, moi, à prendre la défense, sur le plan politique, de ces populations-là face aux promesses du gouvernement fédéral. Il est clair que notre gouvernement va avoir une conversation avec le gouvernement fédéral pour faire en sorte qu'on règle le problème de ces communautés-là. Les communautés autochtones des Premières Nations les plus choyées, c'est celles qui sont conventionnées — on le sait, vous le savez vous aussi — c'est la Baie-James. Ils sont conventionnés, il y a de l'argent qui rentre. Ce sont des gens qui se sont pris en main, qui développent leur économie. C'est vraiment magnifique à voir. Quoi, il y a 50 ans de retard, il y a 30 ans de retard au Nunavik? Ils ne sont pas conventionnés de la même manière. Ils n'ont pas le même niveau de financement. Puis, à côté de ça, il y a tous les autres qui sont non conventionnés dans le Sud, qui vieillissent et lesquels tombent entre deux chaises. On n'a qu'à penser au Projet Tortue à Wendake. Mais, dans le Nord, là, c'est multiplié par 10.

Alors, il y a une défense de ces intérêts-là qu'on doit faire de façon à ce que, dans la conversation — pour employer le terme à la mode aujourd'hui en politique fédérale — qui est en train de commencer en termes de financement de ces communautés-là, on doit s'assurer que ça arrive, ce financement-là, et que ces gens-là puissent, par une meilleure organisation, je dirais, de tout... pas simplement de la santé, le logement, tout dans la vie quotidienne... qu'ils n'ont pas, finissent par se résoudre.

Mon expérience, elle est celle d'un constat de l'ampleur des défis auxquels, c'est clair, il faut s'attaquer avec les moyens que l'on a. Et, dans ce dossier-là du Nord et du Grand Nord, ça va passer par un partenariat — j'ose employer comme mot — avec le fédéral. Mais c'est clair que ni l'un ni l'autre ne peut tout faire tout seul. Mais il y a un point de départ, et le point de départ est dans notre relation fédérale-provinciale, à mon avis, pour eux. Et, je dirais même — je terminerai là-dessus — ça devient une obligation quasi morale.

Le Président (M. Tanguay) : Pour une dernière minute, M. le ministre, j'imagine que vous vouliez... Vous m'aviez demandé de vous le souligner, pour faire vos remerciements, pour la dernière minute de ces crédits. Nous terminons à l'instant, alors...

M. Barrette : Alors donc, je vais aller rapidement. Alors, M. le Président et chers collègues de toutes les formations parlementaires, politiques, je tiens évidemment à vous remercier pour votre participation. Cette année, on a choisi de faire l'étude des crédits d'une façon très ouverte, et je pense que vous l'avez vu, là. C'est des sujets qui n'étaient pas planifiés, et je pense que c'est à l'avantage et à l'honneur des parlementaires. Et les crédits nous auront permis, de la part de tous les parlementaires, peu importe leur formation politique, d'offrir une séance d'information détaillée à la population, qui, j'en suis convaincu, comprend les enjeux.

Les crédits, M. le Président, c'est le résultat d'un travail très intense pendant des semaines, et qui met en jeu... et qui est le résultat du travail de toute l'équipe qui est derrière moi. Puis je sais qu'il en manque, mais, même s'ils ne sont pas là, j'en profite de saluer tous les directeurs, tous les sous-ministres, tous les sous-ministres adjoints, leur personnel, les équipes qui nous entourent au ministère sur le plan politique. C'est un travail titanesque, à chaque année, que l'on reprend, et on le reprend pour quoi? Pour le bénéfice de la population.

Je pense qu'on peut dire aujourd'hui, avec les exposés qu'on a faits, que le travail qu'on a accompli dans les deux dernières années arrive au moment où on va récolter le fruit de nos efforts. Et le fruit de nos efforts est au mérite des équipes qui sont derrière moi et à côté de moi, à droite et à gauche, M. le Président.

Je termine en remerciant le plus chaudement possible le travail de tous ces gens qui ont travaillé avec énergie, avec des heures étendues pour permettre à cette étude des crédits de s'être déroulée de la meilleure façon possible.

Je dirais, M. le Président, que c'est notre troisième, là, étude de crédits. C'est probablement la meilleure qu'on a eue en termes de profondeur et de niveau de débat. Alors, je remercie tout le monde.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. le ministre. Et je fais miens, vous me permettrez...

M. Barrette : M. le Président, j'ai fait une omission...

Le Président (M. Tanguay) : Oui?

M. Barrette : J'ai oublié de vous remercier.

Le Président (M. Tanguay) : Ah! Bon, bien, ça, ce n'est pas une grosse omission.

M. Barrette : Ça s'est tellement bien passé, là, que vous n'avez quasiment pas eu à intervenir...

Le Président (M. Tanguay) : Ah, presque pas! Alors, merci beaucoup. Merci, chers collègues, également d'avoir rendu ces crédits très, je pense, importants et fructueux. Et les conversations de part et d'autre étaient relevées. Alors, merci et bravo à chacun de nous pour nous tous.

Adoption des crédits

Alors, le temps alloué à l'étude des crédits, chers collègues, budgétaires du portefeuille Santé et Services sociaux étant presque écoulé, nous allons maintenant procéder à la mise aux voix des crédits.

Alors, le programme 1, Fonctions de coordination, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Mme Lamarre : Sur division.

Le Président (M. Tanguay) : Adopté sur division.

Le programme 3, Office des personnes handicapées du Québec, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Mme Lamarre : Sur division.

Le Président (M. Tanguay) : Adopté sur division.

Le programme 4, Régie de l'assurance maladie du Québec, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Mme Lamarre : Sur division.

Le Président (M. Tanguay) : Adopté sur division.

Adoption de l'ensemble des crédits

Enfin, l'ensemble des crédits budgétaires du portefeuille Santé et Services sociaux pour l'exercice financier 2016-2017 est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Mme Lamarre : Sur division.

Le Président (M. Tanguay) : Adopté sur division. M. le ministre?

M. Barrette : M. le Président, je m'en voudrais de ne pas remercier toutes les équipes qui nous appuient dans nos travaux parlementaires et j'ai nommé les pages et l'équipe de l'audiovisuel qui permet à la population d'avoir accès à nos travaux.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

Documents déposés

Alors, en terminant, chers collègues, je dépose les cahiers explicatifs des crédits et les réponses aux demandes de renseignements.

Je lève la séance. Et la commission ayant accompli son mandat ajourne ses travaux au mercredi 27 avril 2016, après les affaires courantes, afin d'entreprendre un nouveau mandat. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 21 h 38)

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