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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Wednesday, May 18, 2016 - Vol. 44 N° 109

Clause-by-clause consideration of Bill 81, An Act to reduce the cost of certain medications covered by the basic prescription drug insurance plan by allowing calls for tender


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Table des matières

Remarques préliminaires

M. Gaétan Barrette

M. Jean-François Lisée

M. François Paradis

Étude détaillée

Autres intervenants

Marc Tanguay, président

M. Amir Khadir

Mme Véronyque Tremblay

Mme Marie Montpetit

M. Paul Busque

Journal des débats

(Onze heures dix-neuf minutes)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 81, Loi visant à réduire le coût de certains médicaments couverts par le régime général d'assurance médicaments en permettant le recours à une procédure d'appel d'offres.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par M. Morin (Côte-du-Sud).

• (11 h 20) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

Remarques préliminaires

Nous allons donc, sans plus tarder, débuter par les remarques préliminaires, et à cet effet, pour une période maximale de 20 minutes, je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Gaétan Barrette

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, évidemment, à tous nos collègues parlementaires pour cette étude détaillée du projet de loi n° 81, un projet de loi qui est d'abord et avant tout dans l'intérêt du public québécois, qui paie très cher un régime d'assurance médicaments et dont on a la responsabilité, évidemment, de s'assurer que les taxes et impôts payés par les citoyens soient dépensés correctement.

Nous sommes rendus à l'étape de l'étude détaillée du projet de loi, un projet de loi très court, de trois articles, M. le Président, dont deux articles principaux et un article plus technique sur lequel il n'y a pas vraiment de débat à faire, à mon avis, deux articles, M. le Président, qui habilitent le gouvernement, le ministre à faire des appels d'offres tant du côté de l'achat de médicaments que dans la distribution du médicament. Pourquoi? Parce qu'évidemment, je l'ai dit à plusieurs reprises, je viens de le dire, je vais le répéter, nous payons trop cher nos médicaments au Québec, c'est un fait qui est reconnu partout, M. le Président, et ce coût-là qui existe, bien, il existe parce qu'il y a des pratiques, sur le terrain, d'achat et de distribution, de relations commerciales entre les divers intervenants entre la production du médicament et la livraison de ce médicament auprès des citoyens, qui fait en sorte que le coût soit élevé. Alors, évidemment, il y a plusieurs acteurs qui sont en cause et, comme il y a plusieurs acteurs en cause, il y a donc lieu de s'adresser législativement à tous ces acteurs-là d'une façon la plus efficace possible, dans le bénéfice, évidemment, des citoyens.

Hier, M. le Président, à l'adoption du principe, j'ai cité la députée de Taillon, qui est la critique officielle au Parti québécois en matière de santé, qui disait elle-même qu'il y avait, dans son estimé, elle-même pharmacienne propriétaire — on s'en rappelle, la députée de Taillon est pharmacienne propriétaire — qui reçoit des allocations professionnelles, des ristournes dans le cadre de cette mécanique-là... elle-même est bien au fait de cette mécanique-là et elle disait qu'on pouvait par des appels d'offres faire des économies substantielles, de l'ordre de centaines de millions de dollars, M. le Président. Est-il nécessaire de rappeler que la députée de Taillon a été présidente de l'Ordre des pharmaciens dans le passé et qu'en tant que présidente non seulement elle a constaté ça, mais je me souviens même qu'elle a amené en discipline d'anciens présidents de l'association des pharmaciens propriétaires du Québec? Mais, malgré tout, il semble que la problématique ne se soit pas résolue.

Hier, M. le Président, à l'adoption de principe, l'opposition officielle, la deuxième opposition et le troisième groupe parlementaire sont venus au micro nous dire clairement qu'ils étaient d'accord avec le fond, la finalité du projet de loi n° 81, c'est-à-dire qu'il y avait une problématique qu'il fallait régler et que les appels d'offres étaient une solution qui était à envisager, M. le Président. La deuxième opposition et le troisième groupe parlementaire se sont exprimés sur la portée. Le troisième groupe parlementaire a dit qu'on n'allait pas assez loin, la deuxième opposition nous a évoqué le fait qu'il fallait être prudents, ce avec quoi nous sommes tout à fait d'accord, mais l'opposition officielle, M. le Président, a pris un tout autre angle, comme d'habitude, et je le dis dans mes remarques préliminaires pour le bénéfice non pas de nos collègues parlementaires sur l'attitude que nous aurons de ce côté-ci pendant cette étude détaillée, mais pour le public pour qu'il comprenne bien ce qui va se passer.

L'opposition officielle, par la voix du député de Rosemont, nous a annoncé d'une façon non équivoque... Parce que, on le sait, au Parti québécois, là, tous les sujets, tous les sujets sont des sujets gigognes, hein? Les poupées russes qu'on connaît, il y en a une qui s'imbrique dans l'autre, qui s'imbrique dans l'autre, qui s'imbrique dans l'autre. Ça, c'est la mécanique du député de Rosemont, et on la connaît. Le député de Rosemont hier, à l'adoption de principe, nous a dit que lui, là, il allait s'adresser aux médecins. Comme d'habitude, au Parti québécois, on accuse un groupe dans la société. Au Parti québécois, ce n'est pas l'idée qui compte, c'est le véhicule, les véhicules, c'est de mettre en cause un groupe de citoyens : ils sont responsables de quelque chose. Le député de Rosemont nous expliquait que le problème, c'étaient les médecins qui prescrivaient trop. Puis c'est vrai, c'est vrai qu'ici on prescrit plus qu'ailleurs, mais le projet de loi, M. le Président, c'est un projet de loi qui vise à habiliter le ministre de la Santé et des Services sociaux à faire des appels d'offres, ce n'est pas un projet de loi sur les médecins. Il y a d'autres projets de loi. On en a assez parlé à date, des médecins, inquiétez-vous pas, tout le monde s'en rend compte au Québec, mais ce projet de loi n'est pas un projet de loi qui vise à changer la pratique des médecins.

Le député de Rosemont aussi a fait référence à la politique du médicament, et là son intention est claire, et il l'a dit d'une façon non équivoque, il a dit : La politique du médicament, c'est le choix. Non, monsieur, on n'arrêtera pas, nous allons déposer des amendements. Alors, hier, on a eu un spectacle, M. le Président, d'un député qui nous a annoncé que, dans cette étude détaillée, on allait essayer de transformer un appel d'offres très simple qui ne vise simplement, exclusivement qu'à permettre au ministre de la Santé de faire des appels d'offres. Ce n'est pas, M. le Président... il n'y a pas une ligne, il n'y a pas un mot qui nous permettent d'évoquer, d'insinuer que ce projet de loi est un projet de loi de politique du médicament. Il n'y en a pas.

Alors, M. le Président, le député de Rosemont, qui est actuellement dans une course à la chefferie, va peut-être vouloir transformer cette commission parlementaire en plateau pour faire sa course à la chefferie. Nous n'allons pas embarquer, M. le Président, dans cette direction-là. Et, non, je vous le dis, M. le Président — vous allez être très sollicité dans cette étude détaillée — c'est un projet de loi qui porte sur un seul sujet : des appels d'offres en achat de médicaments et en distribution de médicaments, et ce projet de loi là n'est pas un projet de loi construit ni conçu pour être une nouvelle politique du médicament, sujet qui est un sujet très intéressant, M. le Président. D'ailleurs, lors des consultations publiques, l'Ordre des pharmaciens est venu nous dire qu'il y avait des choses à faire du côté de la politique du médicament et ils ont bien dit que ça, c'était en dehors du projet de loi n° 81.

Alors, les raisons pour lesquelles on est ici, M. le Président, ce sont ces raisons-là. C'est un projet de loi qui vise à habiliter le ministre à faire des appels d'offres, non pas à faire une politique du médicament, et vous comprendrez évidemment mon éventuel silence face à des amendements qui viendront à profusion dans une intention peut-être... et je ne veux pas, M. le Président, prêter des intentions, la conséquence serait évidemment de consommer du temps. D'aucuns pourraient prendre ça comme étant une façon de faire de l'obstruction ou encore, M. le Président, une façon de se mousser dans une campagne à la chefferie. Nous n'embarquerons pas là-dedans.

Un dernier commentaire, M. le Président, un appel d'offres... c'est-à-dire, le projet de loi, c'est un projet de loi qui permettrait au ministre de faire des appels d'offres, mais des appels d'offres, ça se construit, M. le Président, dans un appel d'offres. Des appels d'offres, il s'en fait, M. le Président, dans tous les secteurs gouvernementaux, il s'en fait aux Transports, il s'en fait dans l'achat d'équipement, il s'en fait dans l'achat de services, et des appels d'offres, ça n'est pas dans un projet de loi, ça ne s'écrit pas dans un projet de loi. Et évidemment, là aussi, les trois groupes parlementaires, M. le Président, vont tenter de vouloir déposer des amendements qui feraient quelque chose qui ne se fait pas, et là-dessus, M. le Président, je peux vous annoncer, là aussi, d'entrée de jeu mon silence.

Alors, voilà comment se feront les travaux. J'espère qu'ils se feront de façon sereine et efficace mais qu'ils se feront sur l'objet du projet de loi, qui, je le répète, M. le Président, en terminant... projet de loi qui a deux articles opérant dans sa finalité — un appel d'offres sur l'achat de médicaments, un appel d'offres sur la distribution — un troisième article qui est purement administratif, M. le Président. Je vais, à partir de maintenant, évidemment laisser le public et les journalistes qui nous écoutent juger de la façon de procéder, dans l'étude détaillée de ce projet de loi, de la part de nos collègues des oppositions. Merci, M. le Président.

• (11 h 30) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux, de protection de la jeunesse, de soins à domicile, de santé publique et de prévention, le collègue de Rosemont, à faire ses remarques préliminaires pour une période maximale de 20 minutes.

M. Jean-François Lisée

M. Lisée : Merci, M. le Président. Je tiens à saluer le ministre, à saluer les collègues parlementaires, le collègue de Lévis, les membres de la commission, Mme la secrétaire et vous, M. le Président, et faire quelques remarques préliminaires.

D'abord, je suis très heureux d'être porte-parole pour les questions de santé publique, les questions de médicaments pour l'opposition officielle, le Parti québécois, et ceux qui ont suivi la commission, que vous avez présidée avec beaucoup de compétence au cours des derniers mois, savent que, quel que soit le projet proposé, j'ai toujours défendu la bonne politique publique, la bonne politique publique.

Le ministre de la Santé nous a fait perdre deux ou trois semaines l'automne dernier en disant qu'il fallait absolument facturer les frais accessoires, et, avec ma collègue de Taillon, avec l'appui de la Protectrice du citoyen, de beaucoup d'associations, nous avons tenté de le convaincre que c'était de la mauvaise politique publique. Il a dit que ça ressemblait à de l'obstruction, qu'on ne comprenait pas, qu'on avait des mauvais arguments et il s'est rangé à notre opinion récemment, il s'est rangé à notre opinion.

Alors, nous pensons apporter ici des arguments solides fondés sur des témoignages que nous avons entendus, fondés sur des impératifs de bonne politique publique pour les gens qui nous ont élus, les gens qui nous ont envoyés ici pour faire ça. Alors, ceux qui ont vu des extraits de mes échanges avec le ministre dans le passé vont se demander : Mais comment est-ce que je pourrais en faire plus pour défendre mon point de vue maintenant que je suis candidat au leadership? La réponse, c'est : Non, j'en fais toujours autant pour défendre la bonne politique publique, ni plus ni moins, et je m'engage à bien le faire.

Je suis déçu, très déçu d'entendre le ministre avoir fait dans sa présentation un exercice de fermeture d'esprit par rapport à ce qu'il nous a dit au tout début de nos travaux et je le cite : Nous savions que ce projet de loi était bref. Il avait tenté de nous le passer rapidement en le déposant dans un projet de loi antérieur en fin de discussion, pensant que nous n'y verrions que du feu, et vous aviez, M. le Président, après consultation avec vos juristes, bien vu que sa tentative était irrecevable, et on vous en remercie, ce qui fait que ces amendements d'hier sont devenus un projet de loi et qui ont permis une consultation, une vraie consultation, pas un passage rapide sans débat, et ça, c'est grâce à vous aussi, M. le Président, grâce à votre vigilance. Et, au début de nos travaux, et je le cite, le ministre disait : «La commission parlementaire, j'ose espérer[...], va nous permettre de faire une certaine lumière [...] de nous donner des indications sur d'éventuels ajustements que nous pourrions apporter à notre projet de loi...» Ah! bien oui, des éventuels ajustements, c'est pour ça qu'on a entendu tous ces gens qui sont venus nous dire qu'il y avait des ajustements à faire sur les deux articles opérationnels, sur un en particulier et qui sont venus nous dire : Bien, il y a plein d'autres ajustements à faire, parce que, les déterminants du coût prohibitif des médicaments au Québec, il y a un outil qui peut être les appels d'offres, mais il y a des tas d'autres outils qui pourraient être mis en oeuvre immédiatement pour atteindre l'objectif visé par le ministre et l'intitulé du projet de loi, c'est-à-dire faire en sorte que le coût du médicament soit moindre.

Et j'ai entendu le ministre poser des questions très sensées fondées sur le réel à tous les gens qui sont venus nous parler, y compris sur d'autres éléments que ceux qui sont dans le projet de loi, et donc on a pu penser, je le vois aujourd'hui à tort, que le ministre était à la recherche de plusieurs leviers pour le bien public. Et plusieurs leviers lui ont été proposés par l'Ordre des pharmaciens, par plusieurs groupes, également par un organisme solide, indépendant, précieux qui s'appelle le bureau du Commissaire à la santé. Le Commissaire à la santé, dans sa dernière prestation publique en carrière et en carrière de son institution, est venu proposer au ministre des éléments que nous proposerons dans nos amendements. Et, vous savez ce dont je parle, le ministre a aboli la fonction du Commissaire à la santé. Il n'existe plus, il ne reviendra plus nous dire que le ministre est sur le mauvais chemin, il ne pourra plus nous dire si le ministre erre. Il a disparu comme l'association des directeurs d'établissement, qui n'existe plus, comme l'association des directeurs de centre jeunesse, qui n'existe plus parce que le ministre les a abolies. Alors, ce qui reste, c'est l'opposition officielle, c'est la deuxième opposition, c'est la troisième opposition, et, dans ses remarques préliminaires, le ministre a montré tout de suite une certaine impatience à l'idée qu'on ait l'outrecuidance de proposer des amendements à son projet de loi parfait, finalement, il est parfait.

Au début de nos consultations, il se montrait ouvert à des ajustements, il a invité tous ces gens-là. Encore une fois, on a mal présumé, M. le Président, que, s'il les invitait, c'était pour les écouter, pour les entendre et pour améliorer son projet de loi. Mais on apprend avec stupeur ce matin que, comme les deux semaines que nous avions perdues sur les frais accessoires, bien, on a perdu notre temps dans ces consultations, parce que le ministre nous revient avec un projet de loi inchangé, inchangé. C'est quand même extraordinaire. Tu sais, c'est comme la politique de ce gouvernement en éducation, là, les deux dernières années sont disparues, rien de ce qui a été fait en deux ans n'est maintenant appuyé par le ministre de l'Éducation actuel. C'est deux ans qu'on a perdus puis qui ne reviendront plus jamais, là, M. le Président. On les a perdues pour toujours, ces deux années-là, là. C'est comme à la fin de la deuxième saison de Dallas, quand Bobby se réveille dans la douche et que toute l'année précédente avait été inventée dans sa tête, hein? Vous vous souvenez de ça, oui. C'était inacceptable de faire en sorte de faire disparaître un an de la vie de tous les téléspectateurs qui avaient fait confiance au scénariste. Bien là, aujourd'hui, le scénariste nous dit : Bien, finalement, avoir fait venir toutes ces associations, tous ces groupes, tous ces experts, j'ai perdu votre temps. Soit c'est ça soit il dit : Vous n'avez rien dit d'intéressant, vous n'avez rien dit d'intelligent, je savais tout avant, je vous ai fait la gentillesse de vous inviter puis de vous écouter, mais je sais toujours tout aujourd'hui, puis il n'y a rien qu'on va changer.

Alors, pour citer le ministre dans une phrase très sage qu'il a prononcée tout à l'heure, je vais laisser le public juger. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, pour ses remarques préliminaires, j'invite notre collègue de Lévis et porte-parole du deuxième groupe d'opposition à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 20 minutes.

M. François Paradis

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Salutations à tous les collègues, le ministre, les collègues de l'opposition officielle, autres collègues. Elles seront brèves.

Il y a des questions bien simples dans ce document-ci, et, systématiquement, la nature économique et la valeur économique de ce dont on aura à discuter puis son application, bien sûr, je pense qu'on est tous à peu près d'accord. Et j'écoutais les collègues dans leurs discours concernant l'adoption de principe : Est-ce qu'on paie les médicaments trop cher? Je pense qu'à cette question-là on peut communément répondre oui. Est-ce qu'on peut faire mieux? Je pense qu'on peut dire également oui. Est-ce que les méthodes et les façons qui sont proposées peuvent mener à cela? Oui. Est-ce qu'elles sont les meilleures? On en jugera à travers les amendements et ceux que nous proposerons également.

Oui, il est vrai cependant... et je dois dire qu'il est vrai qu'à travers tous ceux qui sont venus ici nous rencontrer d'autres éléments ont été mis en place. Dans le contexte même de ce projet de loi là, il y a des choses sur lesquelles on devra discuter, les craintes qui ont été exprimées sur des ruptures potentielles, sur la façon dont se fera la distribution, sur la façon dont se concevront également ces appels d'offres, et là est la base même, la fondation même de l'exercice, et là-dessus aussi on aura à intervenir également. Mais, globalement, tous ceux qui sont venus en commission parlementaire, en auditions sont venus nous dire qu'il y a moyen de faire quelque chose, ne serait-ce qu'au chapitre économique de la chose, et, en ce sens-là, à travers les très brefs articles du projet de loi, nous aurons également à discuter, à se faire rassurer, à faire en sorte que les patients soient rassurés, que l'on puisse atteindre l'objectif souhaité et on demandera également des précisions au ministre et on ira également de quelques propositions qui feront l'objet de discussions qui seront constructives, j'en suis sûr.

J'entends le collègue qui dit que d'autres choses ont été dites — c'est un fait aussi, personne ici ne peut dire ne pas les avoir entendues — des mesures qui permettraient également d'agir sur cette méga-industrie des médicaments, notamment sur la problématique des prescriptions, sur le rôle du pharmacien, sur le rôle du médecin, sur la consommation générale de médicaments, sur la contribution clinique de ceux qui y travaillent. Bon, écoutez, nous serons attentifs, évidemment, à ce qui sera dit et aux discussions qui seront faites, mais je vous dirai, M. le Président, que nous serons aussi extrêmement actifs dans l'application même et dans la bonification des articles sur le plan économique, permettant de faire en sorte que collectivement on puisse globalement payer moins cher pour nos médicaments au Québec et, a priori et par conclusion, faire en sorte que ces économies-là puissent aussi servir à des investissements extrêmement importants dans bien des sphères de services auprès des citoyens, notamment, et j'en ai en tête, à travers le domaine de la santé.

Bref, je dis simplement que nous entamons cette étude article par article avec énormément d'ouverture, avec des questionnements, avec en toile de fond, évidemment, cette inquiétude et cette vision qu'ont les intervenants dans ce domaine-là d'avoir une politique plus globale mais en comprenant fort bien également qu'il y a des notions économiques qui devront être réglées, que dans les faits le but de l'exercice est de faire que les Québécois paient moins cher et soient mieux servis, et c'est en ce sens-là que nous irons de certains amendements qui seront présentés en cours de travaux, M. le Président. Merci.

• (11 h 40) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, y a-t-il d'autres collègues qui désireraient faire des remarques préliminaires? Je n'en vois pas, alors... Oui, collègue de Mercier? Non? Merci beaucoup.

Étude détaillée

Alors, s'il n'y a pas de motion préliminaire, nous allons immédiatement débuter l'étude article par article, et j'invite donc le ministre à nous faire la lecture de l'article premier.

M. Barrette : Alors, M. le Président, donc, article 1, très simple :

1. La Loi sur l'assurance maladie (chapitre A-29.01) est modifiée par l'insertion, après l'article 60, des suivants :

«60.0.0.1. Aux fins de l'inscription à la liste des médicaments, le ministre peut recourir à une procédure d'appel d'offres afin de conclure avec un fabricant reconnu un contrat établissant le prix et les conditions d'inscription d'un médicament ou d'une fourniture. Le médicament ou la fourniture faisant l'objet d'un tel contrat est inscrit à la liste et tout autre médicament ou toute autre fourniture visée par l'appel d'offres en est exclu. Toutefois, le ministre peut, le cas échéant, inclure à la liste le médicament d'origine, lequel est inscrit comme un médicament d'exception.

«60.0.0.2...»

Est-ce que je le lis, tout l'article, au complet, là? Oui?

Le Président (M. Tanguay) : Oui, oui.

M. Barrette : D'accord. «Aux fins de l'approvisionnement des pharmaciens propriétaires à l'égard d'un médicament ou d'une fourniture faisant l'objet d'un contrat visé à l'article [60.0.1], le ministre peut recourir à une procédure d'appel d'offres afin de conclure avec un grossiste reconnu un contrat prévoyant les conditions de cet approvisionnement et la marge bénéficiaire. Un tel contrat accorde au grossiste, à l'égard de ce médicament ou de cette fourniture, l'exclusivité de l'approvisionnement des pharmaciens propriétaires, lesquels ne peuvent s'approvisionner qu'auprès de lui.

«[60.0.3.] Un appel d'offres visé aux articles 60.0.0.1 et 60.0.0.2 est effectué selon les conditions et modalités que détermine le ministre par règlement.»

Alors, M. le Président, compte tenu de mes commentaires introductifs, je pense que tous les gens auront compris la nature de cet article.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Y a-t-il des interventions? Collègue de Rosemont.

M. Lisée : Oui, M. le Président. Je vais déposer un amendement et ainsi je veux démontrer aux collègues et au ministre que notre objectif, c'est d'avoir un bon projet de loi. Si le ministre est complètement fermé à toute amélioration, il peut dire non rapidement, et on passera à autre chose, parce qu'on n'a pas de temps à perdre avec de la fermeture d'esprit, mais je veux l'aviser tout de suite que nous avons six amendements, nous en avons six — nous n'en avons pas 1 000, on n'en a pas 100, on en a six — et que, s'il veut démontrer de l'ouverture d'esprit, il sache qu'à chacun de ces amendements on peut faire un vrai bon débat de fond. On est prêts à discuter avec lui, à les modifier, à les bonifier comme on l'a fait dans les projets de loi antérieurs. Et notre objectif ici, ce n'est pas de passer trois semaines sur ce projet de loi de trois articles. Ça peut se régler en quelques jours.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, oui, donc je vous inviterai... et je vais permettre les échanges, mais, avant de le lire, je suspendrai. Mais faisons cet échange. Et, avant que vous le lisiez, je suspendrai, le temps de donner des copies de cet amendement-là. M. le ministre.

M. Barrette : Alors, M. le Président, puisque le député de Rosemont veut travailler avec efficacité, pour une fois, pour une fois, parce que ça n'a pas été le cas à aucun moment dans les projets de loi que nous avons étudiés à cette Commission sur la santé et les services sociaux... Pas une seule fois l'opposition officielle, et particulièrement le député de Rosemont, n'a accepté de déposer à l'avance ses amendements. Là, il nous dit quoi? Il nous dit qu'il y en a six et il nous dit que, M. le Président, il voudrait travailler avec efficacité et il recherche l'ouverture.

Ma réponse est simple : L'efficacité viendrait évidemment par le dépôt en liasse de ces amendements. Il y en a six. Ça ne doit pas être compliqué, M. le Président, de les déposer tout de suite. Ça simplifierait les débats. Alors, va-t-il le faire? Je lui demande avec tous les égards possibles.

Deuxièmement, toujours le même commentaire, on l'a entendu, M. le Président, dans les remarques du député de Rosemont. Je vais faire, moi, une réplique à son commentaire. Quand, là, moi, là, je vais faire une offre sur une maison, O.K. — j'ai hâte de voir les amendements — ça n'inclut pas l'auto qui est dans le garage ni les vêtements qui sont dans la garde-robe. Alors, quand je fais une offre d'achat sur une maison, c'est une offre d'achat sur une maison, et ça n'inclut pas l'auto dans le garage, ni les vêtements dans les garde-robes, ni la vaisselle dans les tiroirs.

Alors, j'ai hâte de voir, M. le Président, quelle va être la nature des amendements, les six amendements, si le député de Rosemont, par respect ou par intention d'avoir des travaux efficaces, nous les dépose en bloc.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, collègue de Rosemont. Et, pendant ce temps, votre amendement premier se distribue. Mais sur l'échange, collègue de Rosemont.

M. Lisée : Bien sûr. Pour des fins d'efficacité, je vais être très bref, parce que je ne veux pas perdre ni votre temps ni le temps du ministre.

La tradition parlementaire ici, celle qui a été très bien défendue par l'actuel leader parlementaire du gouvernement lorsqu'il était dans l'opposition, c'est que les oppositions, qu'elles soient libérales, péquistes, ou adéquistes, ou caquistes, ne déposent pas en liasse leurs amendements au début de l'examen article par article, et je vais être fidèle à cette tradition parlementaire, qui n'est pas un manque de respect, à moins que le ministre considère que son parti ait manqué de respect au gouvernement précédent. Alors, si on peut passer, de façon efficace, à l'amendement, je pourrais le lire.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, juste pour clore cet aspect du débat.

M. Barrette : Pour clore là-dessus, M. le Président. Ce n'est pas une question de tradition parlementaire, c'est un choix. Le député de Rosemont a le choix de les déposer en liasse et il vient de nous dire qu'il vise l'efficacité.

C'est la troisième fois, si j'ai bien compté, là, qu'il fait référence à la perte de temps. Il sait évidemment très bien, intellectuellement que les amendements, s'ils étaient déposés en liasse, nous permettraient d'avoir une vue d'ensemble sur sa pensée, là où il veut aller. Il choisit — c'est un choix — il choisit de ne pas les déposer. Ce n'est pas une question de tradition, c'est une question de choix. Alors, c'est un jeu de chat et de la souris. Ça, c'est la tradition parlementaire et ce n'est pas un manque de respect. Alors, il n'y a aucun problème, M. le Président, à ce que le député de Rosemont garde sa tradition, qui n'est pas quelque chose qui est inscrit nulle part, c'est son choix.

Je rappelle au député de Rosemont que, sur le plan purement intellectuel, le fait, évidemment, d'avoir les amendements à la case départ nous permettrait évidemment, un, de voir une vue d'ensemble sur la direction que veut prendre l'opposition et, à nous, évidemment, de faire des travaux avec les avocats, nos équipes pour voir si on peut répondre rapidement et apporter des ajustements, même avoir des conversations, M. le Président, hors commission, hors d'ondes. C'est ça, l'efficacité. Mais, évidemment, le député de Rosemont dit une chose, en fait une autre, mais on est habitués. Ça, ce n'est pas une tradition parlementaire, c'est une tradition péquiste et particulièrement une tradition, une habitude du député de Rosemont, qui a l'habitude d'avoir un très beau discours, mais à la fin il ne fait pas ce qu'il annonce, mais il l'enrobe toujours très bien. Je l'ai souvent noté, d'ailleurs, et je l'en ai félicité et je l'en félicite encore, ses capacités oratoires sont excellentes, mais, de temps en temps, il faut quelqu'un en face pour lever le voile sur la nature réelle de ses propos.

Le Président (M. Tanguay) : Chers collègues, si vous voulez, on va poursuivre l'échange, et je n'ai pas de problème là-dessus, mais je vous invite à la prudence, de part et d'autre, de ne pas se prêter d'intentions ou — c'est en vertu de l'article 35 de notre règlement — de tenir l'un envers l'autre des propos blessants. Et, je réitère ce que je vous ai déjà dit, lorsque l'on qualifie le comportement d'un collègue, bien, on s'avance sur un terrain très glissant. Alors, moi, je n'ai pas de problème.

Nous sommes sur les 20 minutes de l'article 1. Si vous le désirez, soit passez à votre amendement ou moi, je vais permettre l'échange. Comme vous le désirez.

M. Lisée : Alors donc, c'est mon choix, tout simplement. Et il y a un autre cinq minutes, là, qu'on a perdu pour toujours, hein, avec les remarques du ministre. Alors, moi, je voudrais procéder à faire de la politique publique pour le bien de nos électeurs et j'aimerais pouvoir lire l'amendement.

• (11 h 50) •

Le Président (M. Tanguay) : Oui. Alors, il est distribué. Je vous invite à le lire et par la suite à l'expliquer.

M. Lisée : Alors, article 1 : Modifier l'article 1 du projet de loi par l'ajout, à la fin du deuxième alinéa, des mots suivants : «Le ministre peut recourir à une procédure d'appel d'offres uniquement après qu'ait été obtenue une dérogation du Conseil du trésor afin de permettre l'octroi du contrat à plus d'un fabricant.» Fin de citation.

Alors, je vous fais mon commentaire. L'objectif est d'assurer que les impacts d'une éventuelle rupture d'approvisionnement puissent être atténués. Sinon, il faudrait modifier la Loi sur les contrats des organismes publics, chapitre C-65.1, et je crains que notre amendement...

Une voix : ...

M. Lisée : O.K. Et je crains que, si nous n'adoptons pas notre amendement, en fait, il y aura un problème légal avec la proposition du ministre. Donc, c'est un amendement pour permettre au ministre de ne pas se faire avoir par la Loi sur les contrats des organismes publics et lui permettre... À chaque fois qu'il veut faire un appel d'offres, puisque nous sommes d'accord avec ce principe, il devra, selon notre lecture de l'état du droit québécois en ce moment, avoir une dérogation du Conseil du trésor. Alors, aussi bien le mettre dans la loi.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre, sur l'amendement.

M. Barrette : Alors, M. le Président, alors je note et je retiens avec joie que le député de Rosemont vient de nous dire — et il l'avait dit hier — et il vient de répéter qu'il est d'accord avec le levier qui est proposé ici, qui est celui de l'appel d'offres. Déjà là, d'avoir cette prise de position là, ça montre que les parlementaires peuvent travailler dans l'intérêt public. Alors, retenons que le député de Rosemont vient de nous dire qu'il était d'accord avec le principe de notre projet de loi, la finalité du projet de loi, ce qui est très bien, je l'en remercie.

Maintenant, M. le Président, bien que je souscrive évidemment aux fondements qu'il nous a exprimés quant à la sécurité de l'approvisionnement, je vais simplement lui indiquer que nous n'avons pas besoin légalement... et là je soumettrais au député de Rosemont, M. le Président, que sa lecture de la loi actuelle est peut-être quelque peu, et je le dis avec égard, imprécise. Alors, la réalité, M. le Président, c'est que nous n'avons pas besoin d'avoir cette dérogation-là, parce que la dérogation serait nécessaire si nous faisions des appels d'offres dans un cadre où nous étions les acheteurs.

Alors, la loi sur les appels d'offres auxquels a fait référence le député de Rosemont, c'est une loi qui vise la situation où l'État, lui, est un acheteur. Or, ce projet de loi là n'est pas un projet de loi où le gouvernement achète, mais vient fixer les prix, et, conséquemment, sur le plan légal, nous n'avons pas simplement besoin d'avoir cette dérogation-là pour arriver à la finalité que vise le député de Rosemont. Pour arriver à la finalité que vise le député de Rosemont, il faut simplement faire en sorte que l'appel d'offres soit construit d'une telle manière qu'on prenne cet élément-là en considération. Et ça, c'est totalement sans égard à la Loi sur les appels d'offres du gouvernement, de l'État lorsqu'il est l'acheteur. Ici, on n'est pas l'acheteur, on fait un appel d'offres pour aller fixer les prix et, dans l'appel d'offres, on peut avoir toutes sortes de modalités qu'on n'écrira pas dans la loi, évidemment, qui vont pouvoir prévoir éventuellement... prendre en considération, plutôt, la problématique de la sécurité de l'approvisionnement.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Rosemont.

M. Lisée : Oui. Je comprends la distinction que fait le ministre entre l'État acheteur et l'État... disons, l'État policier...

M. Barrette : ...

M. Lisée : ...enfin, l'État régulateur. Merci, M. le ministre. Je comprends cette différence. Tout de même, il nous semble qu'il y a une vulnérabilité juridique. Le sous-ministre Michel Fontaine avait d'ailleurs parlé en ce sens lors de l'étude du rapport du Vérificateur général sur l'approvisionnement en médicaments des hôpitaux. Dans ce cas-là, c'était l'État. Et il avait souligné l'importance de cette dérogation à chaque fois.

Maintenant, si le ministre ne souhaite pas cet amendement, je n'en discuterai pas plus longuement.

Une voix : Merci. M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, encore une fois, je le répète, là, je souscris à l'importance de s'assurer que l'appel d'offres soit construit d'une telle manière, rédigé d'une telle manière qu'on prenne en considération la sécurité de l'approvisionnement, mais je répète que la Loi sur les contrats des organismes publics, les achats, les appels d'offres ne s'applique pas ici. Et ce n'est pas parce que je suis contre l'amendement, c'est parce que cet amendement n'a pas de champ d'application dans le cadre de la loi sur les achats des organismes publics, tout simplement.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, collègues, y a-t-il d'autres interventions sur l'amendement? S'il n'y a pas d'autre intervention, chers collègues, nous allons procéder au vote sur ledit amendement. Alors, l'amendement est-il adopté?

Une voix : ...

M. Barrette : Rejeté.

Le Président (M. Tanguay) : Rejeté. L'amendement est rejeté. Alors, l'objet du débat redevient l'article 1 dans son ensemble. Y a-t-il d'autres interventions? Peut-être par souci d'alternance, collègue de Mercier.

M. Khadir : Merci, M. le Président. J'aurai moi-même un amendement à présenter à l'article 1 qui est... Je ne sais pas si tout le monde l'a reçu.

Le Président (M. Tanguay) : ...on ne l'a pas encore distribué. Il n'a pas été distribué.

Alors, je suspends une minute.

(Suspension de la séance à 11 h 56)

(Reprise à 11 h 58)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, nous sommes de retour, et pour la présentation, la lecture et l'explication de son amendement je cède la parole au collègue de Mercier.

M. Khadir : Merci, M. le Président. Les collègues savent que nous sommes très en faveur de l'esprit de cette loi, que nous avons voté en faveur de son principe. Hier, je me suis exprimé pendant de longues minutes sur l'importance d'être le plus complets possible, maintenant qu'on y est, de s'assurer qu'on se donne les meilleurs moyens, donc de doter la loi de toutes les possibilités et recours pour assurer de meilleurs prix.

Donc, mon amendement vise à renforcer les capacités de la loi. Donc, à l'article 1, je voudrais modifier l'article 60.0.0.2 par l'insertion, à la suite du paragraphe original de l'article, de la phrase suivante — donc, on ajouterait la phrase : «Les grossistes reconnus coupables d'infractions liées aux gonflements frauduleux du prix des médicaments commises au Canada ou d'infractions semblables commises à l'étranger ou ayant plaidé coupables à un certain nombre de ces infractions seront exclus du processus d'appels d'offres pendant 10 ans, même en cas d'absolution conditionnelle ou inconditionnelle.»

• (12 heures) •

Le Président (M. Tanguay) : Alors, s'il n'y a pas d'autre explication, nous allons ouvrir le débat.

M. Khadir : ...que nous ne sommes pas au Québec les seuls à avoir un certain nombre de problèmes avec le prix des médicaments. Cependant, aux États-Unis, à cause du False Claims Act, le gouvernement américain, l'État fédéral possède un recours très, très puissant et efficace pour, disons, s'assurer que les médicaments sont offerts au meilleur prix, et il est avéré depuis de nombreuses années, je l'ai mentionné à plusieurs reprises dans certaines interventions, que l'industrie des médicaments est parmi les secteurs industriels les plus souvent condamnés, incriminés dans des pratiques de fausse représentation, de fausse facturation. Je vous donne un exemple : en 2011, sur 9 milliards d'amende obtenus en cour contre l'ensemble des secteurs d'activité économique, plus de la moitié concernaient le secteur pharmaceutique, et, parmi les entreprises ayant été incriminées dans toutes sortes de pratiques de contrôle des coûts, de fausse facturation, de ristourne, toutes sortes de pratiques qui, aux États-Unis, sont illégales, on a en cause les grossistes... pas seulement les fabricants, des grossistes.

Donc, notre amendement cherche à doter le ministère de la capacité de prémunir le processus d'octroi de contrats publics contre la grande... je dirais, la grande expérience et la grande capacité de plusieurs de ces grossistes-là à manipuler le marché et à contrôler l'offre dans le marché à leur avantage. Ça, ça veut dire également que, dans le fond, le problème qui existe souvent au Québec, au Canada comme aux États-Unis, c'est que, malgré toutes les dispositions législatives et les règlements, il y a une pression dans le type, je dirais, de culture d'affaires qui existe au sein de l'industrie pharmaceutique, qui cherche tout le temps à contourner les processus, gonfler ses prix, maintenir des prix élevés. Et donc on envoie le message.

Le gouvernement actuel a parlé, à plusieurs reprises, de sa détermination d'envoyer les bons messages, d'être très, très actif dans la lutte à la corruption, dans la lutte à tout ce qui est contrôle des coûts par la collusion dans l'octroi des contrats publics. Or, la RAMQ achète... en fait, paie, bon an, mal an, quelque chose alentour de 3 milliards de dollars en médicaments. C'est un gros poste budgétaire en termes d'octroi de contrats dans les négociations qui vont se faire alentour des médicaments. Il est très important qu'on envoie les bons messages. C'est un secteur qui intéresse beaucoup, beaucoup de gens, et, malheureusement, bon, quand il y a beaucoup d'argent en jeu, parfois ça pousse ces secteurs industriels là à contourner les lois.

Donc, c'est un message clair pour que le secteur pharmaceutique cesse de jouer avec le feu, et nous prenne au sérieux, et comprenne notre détermination à obtenir les meilleurs prix pour le public québécois.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, je comprends évidemment la finalité qui est visée par notre collègue de Mercier. Bon, déjà en partant, là, puis là ce n'est pas un jugement sur la valeur de l'amendement, c'est un jugement, là... ou un commentaire, plutôt, M. le Président, sur l'applicabilité de cet article-là, parce que, là, on parle de poser un geste sur la base d'infractions «commises à l'étranger ou ayant plaidé coupables à un certain nombre de ces infractions», et ainsi de suite, je dois dire, M. le Président, que je ne suis pas sûr qu'on puisse appliquer ça. Avoir accès à l'information, ça pose un certain nombre de problèmes, là. Il faut avoir certaines informations, puis là on implique des informations sur des actions, des décisions ou des gestes posés à l'extérieur de notre juridiction. Alors, ça, ça pose un certain problème en soi.

L'autre élément que ça pose comme problème — et on fait un débat, là, alors je suis bien disposé à avoir cette discussion-là pendant un certain temps, évidemment — l'autre problème, c'est que le député de Rosemont, tout à l'heure, et, je suis sûr, bientôt le député de Lévis et sans aucun doute le député de Mercier, va invoquer la nécessité de s'assurer de mettre en place des mesures ou faire des appels d'offres qui garantissent la disponibilité. Bon. Qu'est-ce qu'on fait si, à un moment donné, il y a deux distributeurs, par exemple, au Québec qui... Mettons qu'on prend un cas de figure là, il y a deux grossistes au Québec, mettons, et que les deux ont été coupables. Qu'est-ce que je fais, là? Ça veut dire qu'au bout il n'y aura plus de distribution au Québec?

Je comprends la finalité, là, je comprends l'impact, l'objectif qu'on vise ici, évidemment. Comme le député de Mercier l'a dit avec justesse, c'est clair, là, qu'à quelque part il y a quelqu'un, là, qui met de l'argent dans ses poches, qui ne devrait pas le faire. Il en met trop. Il n'y a pas de doute là-dessus, là, il n'y a aucun doute. Le message qu'on envoie, là, c'est qu'actuellement, bien, il y a une correction à apporter. Je n'ai entendu personne, là, spontanément venir me faire des propositions réelles sur un document, là, qui étaient substantiellement significatives. Tout le monde se cherche un moyen de passer à côté de ça. C'est plate, là, mais cette étude détaillée là, elle est là pour que ça arrive, cet appel d'offres là, à moins que quelqu'un en quelque part me montre qu'il y a d'autres solutions, mais d'autres solutions dans le cadre d'appels d'offres, là, d'achats, là, pas de politique du médicament, là. On parle ici d'achat de médicaments.

Alors, ici, on a une proposition qui pourrait mettre notre réseau en péril, d'une part. D'autre part, M. le Président, nous sommes en train de faire quelques vérifications. Pendant que le député de Mercier nous faisait la lecture de son amendement... Nous sommes en train maintenant de faire quelques vérifications, si ce genre d'éléments là ne sont pas déjà prévus, par exemple, à l'Autorité des marchés financiers, et ainsi de suite, pour ne pas évidemment entrer en conflit sur le plan législatif et réglementaire avec d'autres dispositions.

Alors, à cette étape-ci, je n'ai pas de commentaire supplémentaire à faire. Peut-être que le député de Mercier pourrait nous dire, lui, s'il ne voit pas aussi des risques et/ou difficultés quant à la nécessité d'avoir accès à des informations qui ne sont pas sur notre territoire, là.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, je vais permettre au collègue de Mercier de poursuivre l'échange, et par la suite le collègue de Rosemont voudra s'inscrire dans ce débat-là. Alors, collègue de Mercier.

M. Khadir : Je signale à mes collègues qu'il s'agit des grossistes et non des fabricants. Donc, même si on a affaire à deux grossistes qui contrôlent ce marché-là, il n'y a rien qui empêche, pour un médicament donné, il n'y a rien qui empêche le ministère de passer par-dessus la tête des grossistes et de faire affaire directement avec les fabricants. Plusieurs législations le font. Donc, je ne pense pas que mettre, disons, à l'écart quelques grossistes ou deux grossistes qui fournissent un même médicament sur le territoire québécois mette en cause l'approvisionnement ou l'accessibilité du médicament.

Cependant, on peut toujours introduire une modification à mon amendement qui serait un sous-amendement qui pourrait le rendre conditionnel, à moins, par exemple... Je donne un exemple, là. Je ne veux pas l'introduire tout de suite, là. Par exemple, ça pourrait dire : On maintient ça, à moins que l'exclusion mette en cause l'approvisionnement, la sécurité de l'approvisionnement pour la population québécoise.

L'autre élément que je voudrais mentionner, c'est que ça s'inspire, en fait, des différentes dispositions qui existent actuellement à l'Autorité des marchés financiers. Mais la période d'exclusion est un peu plus longue, celle qu'on a introduite ici, mais ça peut se négocier. Donc, je demande là la collaboration de la présidence pour savoir : Si on a besoin de vérifications, est-ce qu'on peut suspendre l'examen de mon amendement jusqu'à ce qu'on ait obtenu les, disons, vérifications nécessaires, à savoir la compatibilité de mon amendement avec les renseignements demandés?

Finalement, pour terminer, pour ce qui est des juridictions à l'étranger, c'est tout un débat maintenant dans l'ensemble des questionnements qui sont devant nous, qui sont devant les autorités publiques, que ça soit au Québec, au Canada ou dans d'autres pays, sur les moyens d'éviter l'évasion fiscale ou les pratiques fiscales frauduleuses. On est devant les mêmes phénomènes. C'est-à-dire comment se doter de lois qui fassent en sorte que le comportement d'une entreprise soit tenu compte dans son ensemble? Parce que c'est la même question sur, par exemple, les profits d'une entreprise quand les entreprises géantes déclarent quelques milliers de dollars de profit.

Là, l'exemple ne me vient pas immédiatement à l'esprit, mais je pense qu'il s'agissait de Google ou d'Amazon qui, de manière ridicule, en Grande-Bretagne, ne déclaraient que quelques dizaines de milliers de dollars de profit, alors qu'ils font des centaines de millions, sinon des milliards de profit sur un territoire aussi grand que la Grande-Bretagne. Pourquoi? Parce que l'entreprise a réussi à compartimenter toutes ses activités et, dans des opérations, réussit donc à éloigner du regard public et de la possibilité de les imposer une partie de ses profits, et là on est justement en train d'essayer de trouver les moyens d'éviter de se laisser embobiner par ça.

Alors, si les infractions, parce que les infractions dans le contrôle du prix des médicaments peuvent très bien se produire aux États-Unis, mais directement affecter...

• (12 h 10) •

Une voix : ...

M. Khadir : Vous voulez que je termine?

Le Président (M. Tanguay) : Non, non, non.

M. Khadir : Très bien. Elles peuvent directement affecter le marché québécois parce que c'est dans la manière dont telle entreprise vend, par exemple, le brevet sur son médicament et les prix qui sont payables à ce brevet-là au Delaware qui affecte le prix pratiqué ici, et, si c'est condamné aux États-Unis, on dirait que, bien non, ça ne nous concerne pas parce que c'est une infraction enregistrée aux États-Unis.

Moi, je pense qu'il faut surmonter ça, il faut trouver les moyens et moi, je suis sûr que le gouvernement dispose du contentieux judiciaire, juridique pour l'aider... je m'excuse, le contentieux juridique nécessaire pour l'aider à formuler quelque chose qui fasse en sorte que le message soit clair, qu'on ne prendra plus jamais ces choses-là à la légère comme on l'a trop longtemps fait, et, quand une entreprise se rend coupable de contournement des règles en vigueur aux États-Unis, chez nos voisins ou en Europe, bien, ils en seront tenus responsables ici à chaque fois que ça nous concerne et affecte nos contrats.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, je l'ai dit et je vais le redire, je comprends très bien la portée, la pensée du député de Rosemont et la portée de son article.

Je suggère, si nos collègues sont d'accord, que nous prenions ça en délibéré. Je comprends très bien là où on veut aller. Pour moi, là, le principe qui est exprimé par l'amendement, je suis bien confortable avec ça. On a une problématique, je l'ai dit dans les remarques introductives, M. le Président, on a un enjeu à l'achat et on a un enjeu dans la distribution parce qu'il y a des liens commerciaux qui viennent augmenter le prix du médicament de façon substantielle et, manifestement, l'industrie ne s'autorégule pas, et nous, comme payeurs, en faisons les frais. Alors, si l'industrie ne peut pas se réguler et nous l'a démontré, bien, peut-être qu'il faut avoir des règles. Le projet de loi vise ça.

Et je comprends, le député de Mercier veut avoir des garde-fous supplémentaires que je comprends. Alors, je propose donc au député de Mercier, si les collègues sont d'accord, de le prendre en délibéré pour, comme il l'a dit, avoir une réflexion avec notre contentieux pour faire le lien entre toutes les lois et règlements qui existent en cette matière.

Le Président (M. Tanguay) : Juste avant de vérifier s'il y a consentement pour suspendre l'étude de l'amendement du collègue de Mercier, j'aimerais savoir si le collègue de Rosemont veut s'inscrire dans le débat. Oui?

M. Lisée : Oui. Simplement pour dire que nous appuyons l'amendement déposé par le collègue de Mercier, nous sommes d'accord pour la suspension aussi.

Simplement indiquer que, dans le cadre de la loi n° 1 qui a été adoptée par notre gouvernement pour faire en sorte que, dans les appels d'offres gouvernementaux, y compris municipaux, les commissions scolaires, etc., elles soient soumises à une obligation d'obtention d'un certificat de bonne conduite de l'Autorité des marchés financiers... et il était prévu qu'une entreprise étrangère qui faisait des appels d'offres, qui participait à un appel d'offres au Québec devait aussi démontrer par les mêmes critères que ceux assujettis aux entreprises québécoises qu'elle n'était pas associée à des personnes qui avaient commis des infractions ou qu'elle n'avait pas elle-même commis des infractions au Québec ou à l'étranger. Et donc cette démonstration devait être faite.

Donc, l'AMF est déjà en mesure de faire ces vérifications lorsqu'elles peuvent être faites, et cette idée est déjà présente dans notre corps législatif depuis l'adoption à l'unanimité de la loi n° 1 présentée par le Parti québécois.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Barrette : ...ou d'observer une convergence sur la date du référendum, je comprends qu'il y a une convergence sur notre projet de loi, alors je suis bien content de le constater. Alors, j'imagine qu'il y aura consentement à prendre la chose en délibéré.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, chers collègues, je comprends qu'il y a... et je vous pose formellement la question : Y a-t-il consentement pour suspendre le débat sur l'amendement du collègue de Mercier?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Tanguay) : Consentement. Alors, il y a le consentement.

Collègues, l'objet du débat redevient donc l'article 1. Y a-t-il des interventions. Collègue de Rosemont.

M. Lisée : Oui. J'ai un amendement à proposer.

Le Président (M. Tanguay) : Nous allons, si vous le désirez bien, suspendre, le temps d'en faire des photocopies.

M. Lisée : D'accord.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, nous suspendons nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 15)

(Reprise à 12 h 18)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Pour la présentation de son amendement, je cède la parole au collègue de Rosemont.

M. Lisée : M. le Président, j'ai le plaisir de vous déposer un amendement qui se lit comme suit :

Article 1 : Modifier l'article 1 du projet de loi par l'ajout, à la fin du deuxième alinéa, des mots suivants : «Lorsque le ministre procède à un appel d'offres, il doit octroyer le contrat à plus d'un fabricant.»

Le Président (M. Tanguay) : Avez-vous des explications?

M. Lisée : Oui, bien sûr. Bien, on a eu, dans la période de consultation, un très grand nombre d'interventions disant que, parmi les effets pervers de l'utilisation des appels d'offres, il y avait le fait que la disparition de plusieurs fabricants pour un même produit conduisait à une situation de monopole du fabricant restant et qu'à ce moment-là il pouvait à la fois augmenter son prix, puisque tous les autres étaient disparus du marché, ou, si de bonne ou de mauvaise foi il y avait un problème d'approvisionnement chez ce fabricant, bien, il n'y avait pas de solution de rechange.

Alors, notre objectif est double : en s'assurant qu'il y ait davantage qu'un fabricant dans un appel d'offres, c'est de faire en sorte qu'il n'y ait pas de pénurie et que des économies à court terme ne soient pas complètement perdues par des prix plus élevés à moyen terme parce que le seul fabricant restant pourrait dicter le prix à ce moment-là.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. M. le ministre.

• (12 h 20) •

M. Barrette : Alors, M. le Président, comme je l'ai dit dans mes remarques introductives, là, ce projet de loi là, c'est un projet de loi qui vise à habiliter le ministre à faire des appels d'offres, mais on ne peut pas mettre dans une loi les règles de l'appel d'offres, la construction, la rédaction de l'appel d'offres. On ne peut pas faire ça, par définition, et ça ne se fait pas nulle part dans le corpus législatif, M. le Président. Jamais dans une loi on ne va mettre : Voici, l'appel d'offres doit prévoir telle affaire. On va mettre des exclusions, on va mettre des affaires légales comme le député de Mercier a évoqué tantôt, mais pas la mécanique de la rédaction de l'appel d'offres.

Je vous donne un exemple, M. le Président. Si, demain matin, là... Quelque chose de simple que tout le monde qui nous écoute va comprendre. Admettons, là, qu'aujourd'hui on soit rendu à un moment où a apparu il y a 10 ans l'aspirine, O.K.? L'aspirine, c'est une molécule hypersimple que tout le monde fabrique, et, si demain matin j'avais à faire un appel d'offres, je pourrais sans aucun problème faire un appel d'offres avec un seul fournisseur, parce que l'aspirine, c'est un médicament qui est facile à faire, qui est fait par tout le monde, et à peu près tous les fabricants font de l'aspirine. C'est comme ça.

Alors, on ne peut pas à la fois faire un projet de loi qui vise à permettre l'appel d'offres et mettre des règles d'appel d'offres dans le projet de loi, sinon, M. le Président, si c'est ça, là, ce qui n'existe pas, encore une fois, dans aucune loi, sinon, ça veut dire que, là, on va passer à une étude détaillée pour prévoir tous les types d'appel d'offres qui existent sur la planète, là, dans la planète médicaments et mettre des règles. Ce n'est pas comme ça que ça peut marcher, là. Ça, c'est juste le gros bon sens. Je comprends, puis je me suis exprimé là-dessus, c'est clair que, quand on va rédiger un devis, hein, le document qu'on met sur la place publique pour que les fournisseurs fassent une proposition, on doit prendre en considération ce genre d'éléments là, je l'ai dit. Maintenant, ce n'est pas l'endroit où on doit mettre ça.

Alors, une loi, c'est fait pour permettre quelque chose, et le quelque chose, lui, il a une variation potentiellement infinie d'applications, et cette infinité ne peut pas se mettre dans une loi. C'est pour ça qu'il y a des règlements et, en matière d'appels d'offres, c'est pour ça que chaque appel d'offres est différent l'un de l'autre. C'est tout.

Alors, encore une fois, oui pour la finalité, mais non pour le véhicule, tout simplement.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Collègue de Rosemont, et par la suite on ira voir avec le collègue de Lévis. Collègue de Rosemont.

M. Lisée : Le ministre nous parle de ce qu'il faut qui soit dans la loi, ce qu'il faut qui soit dans les règlements et ce qu'il faut qui soit dans la rédaction de l'appel d'offres, qui, dans certains cas, est confidentiel. Très bien, mais il va y avoir quelque chose dans les règlements, donc il va y avoir des paramètres dans les règlements qui vont aller au-delà de la loi. Donc, on admet d'emblée que ce n'est pas de la loi à l'appel d'offres et qu'il n'y a rien entre les deux.

Moi, j'ajoute une case en disant que, s'il y a des choses qui vont être dans les règlements, donc immuables dans la formulation des appels d'offres, qui, eux, seront plus détaillés et, en certains cas, confidentiels, bien, ça peut être vrai aussi en haut de la chaîne, c'est-à-dire dans la loi. On peut décider, comme législateurs, évidemment de ne pas écrire l'appel d'offres dans la loi. Ça serait absurde, mais on peut dire : Bien, nous, en tant que législateurs, qui sommes soucieux des bris d'approvisionnement, qui sommes soucieux de la constitution de monopoles, nous décidons, puisque nous décidons de donner au ministre le pouvoir de faire des appels d'offres... on restreint son pouvoir en disant : Mais seulement lorsqu'il a plus de fabricants. Il n'y a rien qui nous empêche de faire ça. Et on est très, très loin du règlement, c'est un principe général. Ensuite, le règlement mettra ça en musique, et ensuite l'appel d'offres lui-même s'adaptera aux circonstances.

La tarification dégressive, qu'on nous a expliquée ici et qui est bien connue, fait en sorte de faire une décision d'avoir un appel d'offres qui assure le fait que plusieurs fabricants vont participer à l'approvisionnement du médicament dont on a réussi à réduire le prix grâce au processus d'appel d'offres. Mais, dans son principe même, il suppose la survivance de plusieurs fabricants, ce qui est une garantie de compétitivité dans l'appel d'offres suivant et de non-rupture d'approvisionnement. Le ministre utilise l'exemple de l'aspirine, il dit : Je peux très bien le demander à un seul, parce que c'est fabriqué par plusieurs autres. Donc, il y en a plein, de fabricants. Bien, très bien, ça ne posera aucun problème à en avoir deux, il y en a plein, il y en a plein.

Alors, moi, je pense que c'est un principe de saine gestion que nous proposons ici, et il n'y a aucune raison légale, technique de ne pas inscrire dans la loi quelques paramètres. Et je tiens à rassurer le ministre tout de suite que nous n'en avons que quelques-uns, de ces paramètres, à lui proposer et qu'évidemment on serait très intéressés. S'il a des indications à nous donner sur son intention réglementaire, ça nous aiderait aussi à baliser le débat. Il l'avait fait la dernière fois lorsque nous avons discuté des GMF, nous avons discuté du projet de loi n° 20. Il y a un moment où, après avoir insisté pendant quelques jours, il s'était rendu à notre argument, et on l'en remercie. Il nous avait déposé ses intentions réglementaires, qui avaient beaucoup éclairé le débat. S'il veut le faire aussi, ce serait bien, mais, quoi qu'il en soit, ce principe général, c'est dans la loi qu'il va, à notre avis.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Bien, M. le Président, je pense que le député de Rosemont vient de nous montrer clairement... ou bien vient de rater son intervention, là, il vient de montrer clairement qu'il y a quelque chose qu'il n'a pas saisi dans le principe de l'appel d'offres.

Alors, si je mettais ça dans une loi, et je ne le mettrai pas, là, je vous le dis tout de suite, là, je ne le mettrai pas, il devrait savoir — peut-être ne le sait-il pas, je vais l'informer — le principe, la force d'un appel d'offres, la force, c'est évidemment par l'appel d'offres, qui, lui, prévoit la garantie d'un marché d'aller chercher le prix le plus bas possible. C'est ça, la force de l'appel d'offres. Et, par définition, avoir un appel d'offres qui prévoit à la case départ trois fournisseurs, bien, par définition, le marché n'étant pas garanti, ne va pas générer le prix le plus bas. Et le député de Rosemont nous a dit à quel point pour lui c'était important de faire de la bonne législation. Il nous l'a dit, il a dit : On est ici pour faire de la bonne législation. Or, en matière de... qu'est la matière traitée par la loi n° 81, c'est d'aller chercher le prix le plus bas.

Alors, le député de Rosemont veut faire de la bonne législation, je comprends qu'il veut, lui aussi, aller chercher le prix le plus bas. Il nous a dit qu'il était d'accord avec les appels d'offres. Là, il nous dit que ça serait bien de mettre dans la loi l'obligation d'avoir toujours deux fournisseurs. Donc, par définition, on ne va pas chercher le prix le plus bas. Et, dans la circonstance où on sait, là, que le marché est inondé de plusieurs fabricants, bien, la loi rendrait illégale la possibilité d'aller chercher le prix le plus bas par un seul fournisseur. Alors, est-ce que je dois comprendre que le Parti québécois veut s'enlever le moyen d'aller chercher le prix le plus bas, les économies les plus grandes pour investir ailleurs en santé? Jamais un gouvernement de Québec solidaire ou de la CAQ ne ferait ça. Alors, on voit ici que ou bien le député de Rosemont n'a pas saisi la force de la mécanique d'un appel d'offres ou bien c'est autre chose, mais je pense qu'avec l'explication que j'ai donnée le député de Rosemont voit à sa face même que l'argumentaire qu'il vient de tenir n'est pas le choix à faire pour un bon législateur.

Le Président (M. Tanguay) : Le débat va se poursuivre, mais je vais permettre au collègue de Lévis de s'inscrire dans le débat. Collègue de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. À cette étape-ci, j'émets des réserves, elles sont notamment, entre autres... et je comprends le sens sur la volonté de préserver des marchés, la volonté d'éviter des ruptures. Ça, c'est très patient, c'est très citoyen, c'est très utilisateur, et ça a été mentionné à quelques reprises.

J'émets des réserves parce qu'il y a une notion extrêmement économique à ce projet de loi là. Le but de l'exercice, c'est de faire en sorte qu'on sauve de l'argent. Ce n'est pas compliqué. Puis on sait qu'on paie trop puis qu'il y a moyen de faire autrement. Je le disais en préambule. Je comprends le principe de l'appel d'offres. En tout cas, ce que j'en comprends, c'est qu'à partir du moment où tu en as un qui soumet le prix le plus bas et ramasse le marché, c'est là qu'on est en mesure, par le biais même de l'appel d'offres, d'aller chercher le coût moindre. D'en avoir automatiquement deux ou davantage fait en sorte qu'on va se priver d'économies. Et c'est la base même de l'appel d'offres. C'est là où j'émets des réserves. Je comprends moins bien cette notion économique là, parce qu'on devra prendre le prix le plus bas, le deuxième obligatoirement, faire la moyenne des deux pour aller chercher moins que ce qu'on aurait pu aller chercher. Moi, dans ma tête à moi, l'aspect de l'appel d'offres est celui-là. Donc, des réserves à ce niveau-là. Je pense qu'on se prive d'économies substantielles à ce chapitre-là.

Cependant, je comprends aussi le principe de la rupture potentielle et de la crainte que certains peuvent émettre de voir, par exemple, un seul fabricant, pour mille et une raisons, arriver dans un processus ou en rupture, en défaut d'approvisionnement. En ce sens-là, je pense qu'on peut pallier à cette problématique-là, et on l'a dit, dans la forme et la façon dont sera monté bien sûr l'appel d'offres, mais en initiant et faisant en sorte qu'on puisse créer un comité d'experts, et j'y reviendrai, sur la mise en place puis la détermination de l'appel d'offres en question, un comité d'experts, j'y reviendrai, je le proposerai, pour faire en sorte... et ça a été suggéré par notamment l'Ordre des pharmaciens, de faire en sorte qu'on puisse éviter les écueils en fonction d'un appel d'offres bien monté.

Alors, je pense qu'il y a moyen de faire autrement sans se priver d'économies potentielles intéressantes, et c'est le but même de l'exercice et du projet de loi sur lequel on discute présentement. La notion du «doit», dans un contexte comme celui-là, honnêtement, me semble ne pas mener au résultat que l'on escompte.

• (12 h 30) •

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Bien, encore une fois, M. le Président, là, je vais être très bref, tous les commentaires qu'on veut entendre, là, ils sont du côté de l'application de la loi. La rédaction de l'appel d'offres, la rédaction du devis, c'est tout là. Ce n'est pas dans la loi, là, ça, là.

On est tous d'accord sur la prudence qu'on doit afficher... ou exercer, plutôt, dans la rédaction de l'appel d'offres, du devis, on est tous d'accord avec ça, mais ça, ça sera à ce moment-là. Là, ici, on débat de la loi qui permet de faire ça et on ne peut pas mettre dans la loi... Je pense que tout le monde convient de ça, là. C'est illusoire de penser qu'on puisse mettre dans un appel d'offres tous les cas de figure. Et là c'est comme si on essayait de mettre tous les cas de figure. C'est illusoire et ce n'est pas comme ça que les lois sont faites, là.

Une voix : ...de Rosemont.

M. Lisée : Oui. Il y a une version simpliste des choses puis il y a une version réaliste des choses. Pourquoi est-ce que Toyota est devenu le premier vendeur de voitures aux États-Unis? Il avait de bonnes voitures au moment où les géants américains s'étaient assoupis sur le domaine de l'innovation, mais Toyota se rendait compte que sa capacité de compétitionner était fondée sur sa chaîne d'approvisionnement et qu'il fallait toujours qu'il y ait plus qu'un fournisseur pour chaque appel d'offres. Ça, c'est la méthode Toyota : il faut toujours qu'il y ait plus d'un fournisseur pour chaque appel d'offres. Et il est arrivé qu'il achète un peu plus cher pour être sûr qu'il y en ait plusieurs. Et donc ça lui assurait, sur la vie de l'entreprise, qu'il y avait constamment de la compétition pour le plus bas prix possible, pour chacun des éléments constitutifs de sa voiture, et il savait que juste un appel d'offres net, fret, sec, ça avait des effets pervers.

Bien, ici, c'est la même chose, et c'est pourquoi il y a le principe qui a été expliqué pendant la commission parlementaire — peut-être que le ministre était occupé à autre chose pendant que c'était expliqué — c'est la tarification dégressive. Alors, on dit : Faites des appels d'offres, essayez de nous donner le plus bas prix possible. Alors là, tout le monde se chicane pour avoir le plus bas prix possible. Mais sachez que, si vous avez le plus bas prix possible, on vous donnera 60 % du marché, 60 % à vous, puis on répartira le 40 % qui reste auprès des deux ou trois autres soumissionnaires qui avaient soumissionné plus cher que vous. Mais, s'ils veulent entrer dans le marché au plus bas prix possible qu'on a obtenu, ils pourront garder cette part de marché. Donc, ça assure ce que le collègue de Lévis veut, le plus bas prix possible, en lui offrant 60 % de la part de marché et ça fait en sorte de garder sur le marché plusieurs fabricants, puisqu'ils ont la minorité du marché. Ça permet aussi de faire en sorte que, si le premier fournisseur qui nous a donné le plus bas prix qu'on applique à tout le monde est en rupture de stock, bien, on s'est assurés qu'il y ait deux autres fabricants qui soient toujours en train de produire et produire pour nous. Et donc on peut augmenter sa production, leur production pour pallier à des pénuries.

Alors, est-ce que c'est une idée complètement extraterrestre? Bien, on en retrouve l'ombre dans un document que le ministre de la Santé et des Services sociaux a publié avant le début de ces consultations, c'est-à-dire l'Analyse d'impact réglementaire sur le projet de loi à l'étude, et on y lit : «La nécessité de réduire les risques de rupture d'approvisionnement en maintenant sur le marché plus d'un fournisseur.» C'est son ministère qui écrit ça, là, parle de la nécessité de réduire les risques de rupture d'approvisionnement en maintenant sur le marché plus d'un fournisseur. Et il dit à la page 8 : «Le recours à des appels d'offres accroît le risque de rupture d'approvisionnement dans certaines circonstances. Selon le cas, il est préférable de retenir plus d'un fournisseur.»

Bien, c'est ce que je veux mettre dans le projet de loi, ce que ses experts ont écrit dans son document d'analyse réglementaire. Alors, je comprends mal qu'il refuse l'avis de ses propres experts.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, évidemment, le député de Rosemont fait une interprétation, comme toujours il me prête des intentions. Je ne refuse pas ça, au contraire. Je l'ai dit et je le redis, puis, s'il le faut, je vais le redire 40 fois, là, ou 60 fois, ou 100 fois. Bien évidemment, M. le Président, on doit prendre ça en considération lors de la rédaction d'un appel d'offres, c'est clair, il n'y a pas de doute.

Ce que je dis, et je vais le répéter, c'est qu'il peut y avoir des circonstances où cette problématique-là n'existe pas, et ce serait évidemment se paralyser soi-même, rater des occasions de meilleures économies si on inscrivait ça dans le projet de loi comme étant une sine qua non. Une loi, c'est une loi. La loi, si elle dit ça, elle dit : Voici, la loi, c'est une loi qui permet de faire des appels d'offres qui, eux, doivent être rédigés en fonction de la situation constatée lors de l'appel d'offres. Si un médicament est actuellement produit par 40 fournisseurs sur le territoire québécois — il n'y en a pas 40, fournisseurs, je prends un exemple qui n'existe pas — bien, il n'y a pas de problème à la case départ. S'il advenait, évidemment, qu'il y a un seul fournisseur, bien là, l'appel d'offres va être assez difficile, c'est une négociation un à un. Alors, on n'a pas besoin de mettre une contrainte de ce niveau-là dans un texte de loi. La loi vise à faire en sorte qu'on puisse faire le devis, l'appel d'offres, le devis étant écrit en fonction de la situation du sujet considéré, le sujet étant la multitude de médicaments qui font partie de l'appel d'offres. C'est simple, cette affaire-là, M. le Président.

Le député de Rosemont, là, il a commencé son intervention en disant : Il ne faut pas être simpliste. Bien, il est simpliste dans sa proposition, il est simpliste. Ah! approvisionnement, sécurité, on en met deux. Pourquoi pas trois, pourquoi pas quatre? Alors, il est simpliste, il réduit tout à ce concept-là, alors que le concept, c'est d'abord d'avoir une loi qui le permet et ensuite de comprendre que, et il le dit lui-même, il y a plusieurs manières d'aller chercher le meilleur prix : le prix dégressif; l'appel d'offres à un, deux, trois fournisseurs; des encans inversés. Il y a toutes sortes de mécaniques, là. Maintenant, la mécanique, elle est parfois plus appropriée à un sujet, le médicament étant une vaste étendue de sujets, qu'à d'autres. Alors, on ne peut pas mettre dans la loi tous les cas de figure, c'est pour ça qu'on fait une loi qui est un concept et qu'après il y a l'application de la loi.

Alors, contrairement à ce que dit le député de Rosemont, M. le Président, un règlement, ça ne va pas au-delà de la loi. Ça, c'est les mots qu'il a dits : «Le règlement va aller au-delà de la loi.» Bien non, le règlement, lui, va permettre l'application de la loi. Il n'y a pas de règlements qui vont au-delà de la loi. La loi, c'est la loi, et le règlement applique la loi. Mais on voit l'utilisation des mots, c'est la qualité du député de Rosemont de pouvoir arriver puis construire un discours mais qui, malheureusement, souvent ne tient pas la route. C'est un peu comme le concept de l'indépendance, ça se fait, là, sans aucun problème à la population, mais non, il y a des problèmes, ce n'est pas simple de même. C'est joli, mais ce n'est pas simple de même. C'est la problématique du discours du député de Rosemont, il est comme ça. Il fait des phrases élégantes qui ont l'air de faire du sens. Malheureusement, souvent, pas toujours, mais souvent, ça n'en fait pas — c'est un très mauvais français, d'ailleurs — ça n'en a pas, de sens.

Et actuellement la loi, elle est faite pour ça, elle permet les appels d'offres. Tout le reste, et depuis le début, M. le Président, on est dans l'application de la loi, on n'est pas sur le sujet, mais je le laisse aller puis je n'invoque aucune règle, là, à date, mais, à un moment donné, on va arrêter de parler, là, puis on va laisser les éditoriaux se faire.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Rosemont.

• (12 h 40) •

M. Lisée : Oui. Je suis content d'apprendre le ministre dire qu'il ne veut pas invoquer aucune règle, si j'étais hors sujet, alors qu'il vient de parler d'indépendance. Bon, d'accord. Il y a encore cinq minutes qu'on ne reverra plus jamais, là, qu'on vient de passer à parler d'autre chose que le projet de loi.

Donc, moi, je veux revenir sur le projet de loi. Un règlement, ça va au-delà de la loi pour préciser l'objectif du législateur et du pouvoir exécutif, c'est tout ce que ça veut dire, ça va au-delà, c'est plus précis. C'est plus précis, ça va au-delà. Au-delà des indications données par la loi, il y a un règlement qui donne des indications supplémentaires qui sont cohérentes avec ce que la loi a indiqué et va encore plus au-delà : l'appel d'offres, qui, lui, est très détaillé quant à l'intention de l'administrateur.

Le ministre a dit : Oui, mais pourquoi il en veut deux?, ça pourrait être trois. Bien, écoutez, l'amendement, c'est : «Lorsque le ministre procède à un appel d'offres, il doit octroyer le contrat à plus d'un...» «Plus d'un», ça, oui, ça peut être deux, mais ça peut être trois. On l'a rédigé comme ça. Alors, ça ne peut pas être un.

Alors, j'attends toujours un exemple, tu sais. Je suis prêt à être convaincu que le ministre... de dire : Écoutez, règle générale, il doit octroyer le contrat à plus d'un fabricant. J'accepterais ce sous-amendement du ministre s'il le formulait, s'il me donnait un seul exemple de l'inapplicabilité en tout temps d'avoir plus d'un fabricant. La seule chose qu'il m'a dite jusqu'à maintenant, c'est : L'aspirine, tout le monde le fait, et, dans un autre cas fictif, il y en a 40 qui le font. Bien, s'il y en a 40 qui le font, on peut demander le plus bas prix possible, donner à cette personne 60 % du marché et à deux autres fabricants 40 % du marché au prix le plus bas obtenu. Alors, je ne vois rien dans les exemples qu'il m'a donnés jusqu'à maintenant qui empêcherait l'application de cette règle générale que ses experts suggèrent d'appliquer dans sa propre étude d'analyse d'impact réglementaire pour exactement les raisons que j'invoque et qui ont été invoquées par plusieurs experts et ordres qui sont venus nous voir : Faites attention, un appel d'offres à un seul fabricant, ça provoque des effets pervers mauvais pour la santé, des pénuries et mauvais pour la bourse du gouvernement, la création de monopoles.

Alors, j'attends un exemple d'inapplicabilité de cette règle générale. Et qu'il ne me dise pas : Bien, il y en a plein qui le font. Mais, s'il y a plein qui le font, on fera un appel d'offres, on appliquera le plus bas prix aux trois fabricants.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, vous savez, moi, je suis une personne généreuse dans mes commentaires et dans mes actions, alors je ne vais pas lui en donner un, je vais lui en donner trois, hein, ce n'est pas compliqué. Alors, sont inscrits à la liste des médicaments, des molécules extrêmement courantes — il y en a même qu'on trouve dans le sol — le calcium, la vitamine D et l'acétaminophène — l'acétaminophène, là, le Tylenol, O.K., sans faire de promotion. Alors, voilà trois exemples, pas un, trois pour lesquels il y a des milliers de fabricants sur la planète — trois — milliers. Alors, pourquoi moi, là, comme gouvernement, là, je m'empêcherais de faire un appel d'offres pour un seul fabricant quand je sais qu'il y a exactement, M. le Président, 0,000 chance d'avoir une rupture d'approvisionnement?

Le député de Rosemont cherchait juste un exemple. Pour le convaincre que son argument ne tenait pas la route, je viens de lui en donner trois. Bien là, j'imagine qu'il va revenir pour m'en demander 60, parce qu'il vient de perdre son argument.

Le Président (M. Tanguay) : Un rappel au règlement. Collègue de Rosemont.

M. Lisée : Bien, très clairement, le ministre vient de me prêter une intention en essayant de dire que j'allais lui poser une question.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, veuillez continuer, M. le ministre.

M. Barrette : Alors, M. le Président, je comprends. Alors, je vais répéter : 0,000 périodique — ça, ça va jusqu'à l'infini — chance d'avoir une rupture d'approvisionnement pour trois. Il en voulait un, je lui en ai donné trois : calcium, Tylenol, vitamine D. Alors là, le député de Rosemont, par fierté oratoire, voudrait quand même que son amendement soit là. Bien là, n'est-ce pas là un exemple de perte de temps?

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Rosemont.

M. Lisée : Écoutez, si je voulais perdre du temps, je dirais quelque chose comme «0», virgule, un certain nombre de zéros et je le répéterais une deuxième fois. Ça, ce serait une façon de perdre du temps. Mais, les trois exemples qu'il m'a donnés, je le remercie de me les avoir donnés, mais je ne vois pas comment ils contredisent mon principe et le principe qui lui est suggéré par ses experts.

Je vais prendre une ressource encore plus disponible : des bouteilles d'eau. Si on décidait que le gouvernement va en appel d'offres pour toutes les bouteilles d'eau qu'il achète, puis je pense qu'il ne devrait jamais acheter des bouteilles d'eau puis qu'on devrait se débarrasser même du principe des bouteilles d'eau, là, mais, s'il décidait de faire ça, bien là, faire des bouteilles d'eau... Je veux dire, il y a plein de monde qui font des bouteilles d'eau, il y en a plein partout, alors pourquoi demander plus qu'un fabricant? Bien, d'abord, l'appel d'offres va nous donner le plus bas prix possible, et puis la compagnie A qui fait des bouteilles d'eau, qui a obtenu le contrat puis qui a 60 % du marché, s'il y a un incendie dans sa manufacture, pas assez d'eau pour éteindre l'incendie — tout se peut — bien, on saura immédiatement qu'il y a deux autres entreprises qui sont déjà dans notre système et qui pourront nous approvisionner, parce que c'est vrai que des produits très généralement disponibles, bien, ils sont quand même fabriqués, mis dans des circuits de distribution et livrés. Et ils en fabriquent et ils en livrent à peu près autant que la demande. Alors, si tout à coup il y a une rupture d'approvisionnement chez un... bien là, les autres, je veux dire, ils n'ont pas prévu d'augmenter l'offre, et, si nous, on ne l'achète pas, bien, ils se sont déplacés à l'extérieur de notre marché, et ce n'est pas simple de les ramener.

Alors, c'est une mesure de prudence qui s'applique dans tous les cas et qui s'applique dans les cas proposés par le ministre, mais, s'il veut me proposer un sous-amendement qui dit «sauf exception justifiée par le ministre» dans un mécanisme qu'il pourrait nous proposer, je serai d'accord. Moi, je veux qu'on avance. Mais, de refuser que cette règle générale soit dans le projet de loi, je pense que c'est imprudent, c'est une marque d'imprudence, et ce sera ma dernière intervention là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : M. le ministre.

M. Barrette : Bien, moi, j'ai dit ce que j'avais à dire, je ne vais pas le répéter. On est dans le champ réglementaire, M. le Président, j'ai dit clairement qu'il fallait prendre ces éléments-là en considération dans le règlement, la rédaction du devis, et ça n'est pas du champ du projet de loi comme tel.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Je vais déposer un autre amendement après la finalité de cette discussion, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, sur l'amendement du collègue de Rosemont, y a-t-il d'autres interventions? Collègue de Rosemont.

M. Lisée : ...par appel nominal, s'il vous plaît.

Le Président (M. Tanguay) : Oui. Alors, constatant qu'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder au vote par appel nominal, la question étant : L'amendement du collègue de Rosemont est-il adopté? Mme la secrétaire.

La Secrétaire : Oui. M. Lisée (Rosemont)?

M. Lisée : Favorable.

La Secrétaire : M. Paradis (Lévis)?

M. Paradis (Lévis) : Rejeté.

La Secrétaire : M. Barrette (La Pinière)?

M. Barrette : Contre.

La Secrétaire : Mme Tremblay (Chauveau)?

Mme Tremblay : Contre.

La Secrétaire : Mme Montpetit (Crémazie)?

Mme Montpetit : Contre.

La Secrétaire : Mme Busque... M. Busque, pardon, (Beauce-Sud)?

M. Busque : Contre.

La Secrétaire : M. Tanguay (LaFontaine)?

Le Président (M. Tanguay) : Abstention.

La Secrétaire : L'amendement est rejeté.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, l'amendement est rejeté. Chers collègues, l'objet du débat redevient l'article 1, et je crois que, collègue de Lévis, vous voulez prendre la parole.

M. Paradis (Lévis) : Oui, M. le Président, pour déposer un amendement.

Le Président (M. Tanguay) : Oui. Alors, peut-être, nous allons suspendre nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 47)

(Reprise à 12 h 52)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, pour la présentation de votre amendement, collègue de Lévis, la parole est à vous.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. En fait, c'est assez simple, et vous me donnerez votre avis, je peux le lire tel que demandé. En fait, vous aurez compris qu'il aurait pu être écrit différemment, en demandant de retirer, à toutes fins utiles, l'article 60.0.0.2 et de faire que le 60.0.0.3 devienne le 60.0.0.2.

On comprendra qu'il y a un article, là, qui a été supprimé, celui qui fait état d'appels d'offres concernant les grossistes, concernant les conditions d'approvisionnement et les marges nécessaires. Est-ce que de le dire comme ça, c'est assez compréhensible ou si vous préférez que le lise?

Le Président (M. Tanguay) : Je pense que...

M. Paradis (Lévis) : Tout le monde comprend, là?

Le Président (M. Tanguay) : Oui, oui.

M. Paradis (Lévis) : Bon, ce n'est pas bien, bien compliqué. M. le Président, s'il y a un élément qui a été, en tout cas, soumis à maintes reprises, une inquiétude qui a été relevée à maintes reprises, c'est ce dossier-là, cette problématique d'appel d'offres pour les grossistes au chapitre, notamment, de la distribution.

On a entendu les gens qui sont venus présenter leur point de vue nous expliquer que leur modèle d'affaires, à toutes fins utiles, compte tenu de ce qui existe déjà en termes de rémunération dans ce dossier-là, et par le biais des appels d'offres, s'écroule. Et, au-delà de ça, et encore davantage, on nous a dit : Logistiquement, ce n'est pas faisable. Il y a des gens qui nous ont dit : Si on fait ça, il faut qu'on repense notre logistique, qu'on repense nos flottes, qu'on oublie la possibilité de le faire, ce n'est pas applicable. Certains ont même dit : Bien, on ne pourra pas participer à un appel d'offres, il n'y en aura pas, ça ne se fait pas, ça brise le processus. Puis déjà le modèle d'affaires est assez serré. Et je comprends qu'il y a assurément, dans ce vaste monde là, des sommes à récupérer puis de l'argent qui transite. Mais, au-delà de ça, on est venu ici nous expliquer la problématique concernant l'appel d'offres au niveau de la distribution, au niveau des grossistes.

Ce que propose le ministre, ça ne se fait pas nulle part. Des appels d'offres pour les grossistes, il n'y en a pas. En fait, ce n'est pas vrai, je rectifie, ça se fait à une place, c'est en Australie. Mais, en Australie, ça se fait de façon très différente, le mode de rémunération n'est pas semblable, puis le modèle ne s'applique pas à ce qui pourrait se faire ici, à moins que le ministre me dise le contraire. Mais, en ce sens-là, au chapitre de l'approvisionnement du Québec, compte tenu du territoire, compte tenu des problématiques, compte tenu de la logistique et de cette inquiétude manifestée par ceux-là mêmes qui seront appelés à participer à l'appel d'offres, bien, il me semble qu'il y a une crainte légitime. Oui, d'accord pour sauver sur le coût du médicament, mais j'ai la nette impression qu'au chapitre des grossistes on embarque dans quelque chose qui risque, là, de provoquer des problématiques d'approvisionnement sérieuses et qu'au surplus, bien, diront les principaux intéressés... remet en question un modèle d'affaires qui déjà a été longuement exposé.

Alors, l'amendement est simple, M. le Président, c'est de conserver, évidemment, pour les médicaments — la cause est bonne, on en a parlé — de faire en sorte qu'on puisse avancer là-dessus mais qu'on retire ce qui, à ses yeux mêmes, de l'avis de ceux qui ont à faire le travail, est absolument inapplicable.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, avec tout le respect que j'ai pour le député de Lévis, là, je vais simplement dire ceci : Il n'y a pas un seul groupe commercial qui est venu en commission parlementaire nous dire qu'il trouvait que c'était l'idée du siècle, tant du côté des producteurs que des distributeurs. Ils nous ont tous dit, tous dit qu'il y avait de la marge. Tout le monde.

Alors, la proposition du député de Lévis, l'amendement qui est déposé, elle pose un problème. C'est comme si le député de Lévis prenait fait et cause pour les grossistes. Je ne pense pas que ce soit ça et je ne prête pas d'intentions au député de Lévis, mais l'effet est celui-là, là. Puis, je vais le dire différemment, là, c'est comme si on prenait la position des grossistes pour du cash, du cash au sens de : Aïe! Oui, ils nous disent que ça ne se fait pas, c'est impossible, donc c'est impossible. Bien non, je n'y crois pas. Il dit lui-même qu'il y a des pays où ça se fait.

Tout comme pour le débat précédent que l'on a eu, là aussi il y a des façons de faire les choses. Il m'a donné deux exemples. Je pourrais prendre l'exemple du député de Mercier, qui, lui, nous dit : Passons par-dessus les grossistes puis faisons-le. On pourrait prendre cet exemple-là. Il y a des gens qui ont déjà évoqué ça. On pourrait séparer le territoire, hein, ça a été mentionné, ce genre de chose là. Mais là on tombe dans l'application de la loi, encore une fois, on est encore dans l'application de la loi. Alors là, par rapport au débat précédent qu'on a eu, on va vraiment plus loin, là, on vient d'abandonner la possibilité d'aller chercher une économie alors qu'on sait très bien, là, et tout le monde l'a dit, là, sans le chiffrer, là, en commission parlementaire... là aussi, il y a de l'argent à aller chercher, hein? Les grossistes, là, ils sont... hein, combien de fois, là, qu'on a entendu... puis combien d'articles qu'il y a eu récemment sur les grossistes qui achetaient des pharmacies, les liens surprenants entre des pharmaciens que d'aucuns ont suggéré que c'étaient peut-être des prête-noms, là, mais le bailleur de fonds, c'est un grossiste? Il y a quelque chose là, là, c'est clair. La commission parlementaire, là, je pense qu'on est tous d'accord ici, les parlementaires de toutes les formations, qu'il y a quelque chose là.

Alors, de proposer d'abolir cet élément-là du projet de loi, c'est évidemment d'abdiquer. Et je sais que le député de Lévis, M. le Président, et sa formation politique ne sont pas dans ce mode-là, et conséquemment, là, sans entrer dans le détail, je ne peux pas accepter cela.

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Lévis, pour quelque 30 secondes.

M. Paradis (Lévis) : M. le Président, en fait, il faut que le ministre comprenne et que les gens comprennent qu'on ne prend pas fait et cause pour les grossistes, on prend fait et cause pour le patient. Le risque qui a été mentionné, de découverture à travers la province, la difficulté d'appliquer à un seul grossiste la distribution telle que proposée, l'outil que propose le ministre, dans ma tête — puis il me l'expliquera à la reprise d'une séance — n'est, dans ma tête, pas le bon. Pourquoi le ministre ne renégocie pas les compensations?

On le sait, il y a des frais fixes de 6,5 % depuis 2012 décidés par le gouvernement, il y a de l'argent puis il y a de la marge. Alors, pourquoi risquer, sur le plan logistique, une distribution par le biais d'un outil comme celui-ci, alors que le gouvernement pourrait renégocier les compensations, parce que c'est lui qui les fixe également pour aller chercher l'argent qui est manifestement, et ça a été dit, probablement et amplement disponible?

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, cher collègue.

Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 13 heures)

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