Journal des débats (Hansard) of the Committee on Health and Social Services
Version préliminaire
42nd Legislature, 2nd Session
(October 19, 2021 au August 28, 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Wednesday, February 9, 2022
-
Vol. 46 N° 5
Special consultations and public hearings on Bill 15, an Act to amend the Youth Protection Act and other legislative provisions
Aller directement au contenu du Journal des débats
11 h (version non révisée)
(Onze heures seize)
Le Président (M. Provençal)
:Bonjour à tous. Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services
sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les
personnes de bien vouloir éteindre la sonnerie de leur appareil électronique.
La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et
auditions publiques sur le projet de loi numéro 15, Loi modifiant la Loi
sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions légales. Madame la
secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, monsieur
le président. M. Derraji (Nelligan) est remplacé par Madame Weil, Notre
Dame de grâce, Madame Sauvé (Fabre), par madame Robitaille Bourassa-Sauvé,
Monsieur Marissal Rosemont, par Monsieur Zanetti, Jean Lesage et Monsieur
Arseneault Îles de la Madeleine par monsieur Ouellette René Lévesque.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Ce matin, nous
entendrons les personnes et groupes suivants : la Fédération québécoise des
directions d'établissement d'enseignement et Mme Geneviève Rioux. Je
souhaite à ce moment-ci la bienvenue à la Fédération québécoise des directions
d'établissement d'enseignement. Vous avez dix minutes pour votre exposé, après
quoi nous procéderons à la période d'échanges avec les membres de la
commission. Je vous invite à vous présenter et je vous cède la parole.
M. Prévost (Nicolas) : Monsieur
le Président, Monsieur le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux,
chers députés membres de la Commission, bonjour. Je me présente, Nicolas
Prévot, président de la Fédération québécoise des directions d'établissement
d'enseignement. Permettez-moi d'abord, au nom des 2100 membres de la
Fédération québécoise des établissements d'enseignement que nous représentons,
de vous remercier et de nous recevoir aujourd'hui afin de vous présenter le
fruit de notre réflexion au sujet du projet de loi 15 concernant la
protection de la jeunesse. Tout en sachant très bien que nous ne sommes pas des
spécialistes...
M. Prévost (Nicolas) : ...de
la santé et des services sociaux, loin de nous l'intention de faire des
recommandations spécifiques sur les différents aspects du projet de loi.
Cependant, comme collaborateur de premier
plan, la fédération tient, d'entrée de jeu, à souligner la grande importance
qu'elle accorde à ce projet de loi, ses membres étant d'ores et déjà engagés
dans la prestation de services éducatifs aux enfants, de leur sécurité et leur
bien être. Tout cela nous tient évidemment bien à cœur. Nous saluons votre
souhait de mettre l'enfant au cœur des actions et des futures décisions.
Nous pensons toutefois, et c'est là
l'essentiel de nos propositions, qu'une meilleure collaboration entre le réseau
de l'éducation et la protection de la jeunesse pourrait s'avérer très utile à
votre projet d'amélioration du système actuel. Les constats du passé nous
démontrent un travail colossal des intervenants des services sociaux et du
réseau scolaire, mais nous notons de trop nombreux constats d'échec quant à l'aspect
collaboratif. Les enfants passant beaucoup de temps à l'école, le personnel de
nos équipes-écoles est en effet bien placé pour détecter tout changement dans
l'attitude ou le comportement des enfants susceptibles de subir de la
maltraitance, et je sais qu'il serait très heureux de pouvoir y contribuer
davantage.
Mais avant d'aller plus loin, j'aimerais
vous présenter ma collègue, madame Elizabeth Joyal, secrétaire de la Fédération
québécoise des directions d'établissement.
• (18 h 20) •
Mme Joyal (Élizabeth) : Monsieur
le Président, Monsieur le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux,
chers députés, membres de la commission, bonjour.
J'aimerais, moi aussi, vous remercier de
nous recevoir aujourd'hui afin d'apporter notre contribution au
perfectionnement de ce projet de loi si important pour les enfants issus d'un
milieu familial dysfonctionnel et non sécuritaire. Car la maltraitance peut
évidemment nuire aux résultats scolaires et à la réussite éducative des enfants
qui vivent dans un milieu familial inadéquat, vous êtes bien placé pour le
savoir.
Bénéficiant des compétences nécessaires
pour diagnostiquer les problématiques susceptibles d'affecter la vie des
enfants que nous éduquons, notre position privilégiée de proximité au quotidien
peut s'avérer d'une grande utilité pour celles et ceux qui ont la
responsabilité de protéger leurs droits, mais encore faut-il s'assurer de tirer
avantage de cette position privilégiée.
Nous serons heureux de contribuer à
l'émergence d'un système plus efficace de protection de nos enfants en vous
avertissant formellement de toute situation potentiellement problématique que
pourraient vivre les enfants que nous côtoyons dans le cadre de notre mission
éducative. L'École peut en effet apporter son soutien aux enfants en
difficulté, ne serait-ce que par l'entremise d'un signalement. Des points de
contact statutaires ou automatiques, lorsqu'un enfant change de milieu
familial, par exemple, permettraient également à nos réseaux respectifs
d'assurer une transition plus harmonieuse des enfants vers le nouvel
environnement, incluant le réseau scolaire.
Le meilleur suivi des enfants que
permettrait une plus grande collaboration entre le réseau de l'éducation et
celui de la protection de la jeunesse assurerait, nous en sommes convaincus, le
resserrement des mailles du filet de protection que nous souhaitons optimiser
ensemble tout en maintenant l'enfant au cœur de nos décisions. Merci.
M. Prévost (Nicolas) : Donc,
merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre exposé.
Alors, nous allons débuter cette période d'échanges avec monsieur le ministre,
alors je vous cède la parole.
M. Carmant : Et j'ai combien
de temps?
Le Président (M. Provençal)
:Vous avez 15 minutes...
M. Carmant : Quand même,
15 minutes. O.K. D'accord.
Le Président (M. Provençal)
:...15 secondes.
M. Carmant : D'accord. Bien,
merci beaucoup, merci pour votre témoignage. Je dois vous dire que je suis
extrêmement touché de votre présence aujourd'hui, là. Je pense que ça envoie un
message puissant de l'implication puis des liens qu'il faut tisser entre les
services aux jeunes et les écoles primaires et secondaires.
Moi, ce que j'aimerais vous dire, c'est
qu'une des choses qui me tient vraiment beaucoup à coeur, c'est qu'on puisse
améliorer, d'abord peut-être, ces liens qui sont entre les services scolaires
et les services de première ligne. Pendant la pandémie, les... J'ai parlé
quasiment à chaque semaine, là, pendant la première vague, là, au directeur de
la protection de la jeunesse, et ils ont créé des ponts avec le milieu
scolaire...
M. Carmant : ...mais je
pense qu'il faut également créer des ponts avec les services de première ligne.
Par exemple, dans mon comté, il y avait très peu de liens entre les écoles et
les services, les centres de pédiatrie sociale. Les écoles ne connaissent pas
les services de première ligne, les services SLIP pour les mères... pour les
mamans qui sont en difficulté, le service CAF pour les enfants qui font des
crises ou qui ont des pensées suicidaires, le service négligence pour les
enfants qui n'ont pas de lunch, qui n'ont pas de... qui sont mal habillés, qui
sont mal... tu sais, dont les soins personnels sont douteux. Puis comment on peut
renforcer ces liens-là, faire qu'on passe par cette première ligne avant
d'aller à l'aide à la protection de la jeunesse? J'aimerais ça vous entendre
là-dessus.
M. Prévost (Nicolas) :
Bien, dans un premier temps, j'aimerais réitérer qu'on est, nous aussi, très
heureux d'être ici aujourd'hui et de représenter nos directions d'établissement
parce que c'était effectivement très important. L'enjeu de nos jeunes
ressources, la protection de la jeunesse, là, c'est vraiment un enjeu qui nous
tient vraiment à cœur. Mettant, sur les services de... Dans le fond, c'est de
travailler en amont, de travailler en prévention, je comprends bien.
Je pense qu'il se développe dans les
derniers temps avec l'apparition d'Agir tôt, entre autres, où il y a eu
beaucoup de rencontres qui ont été mises en place et, je vous dirais, partage
de connaissances entre ces divers réseaux là, je pense que le fait de mettre en
place Agir tôt et de le mettre de façon plus structurée va aider le milieu
scolaire à justement faire appel à des instances, là, de premier niveau, de
première ligne pour aller vraiment en prévention, ce qui sera toujours mieux,
bien entendu. Bon, avec l'arrivée aussi de nos petits de maternelle 4 ans dans
les dernières années, je pense qu'il faut aussi consolider cette présence-là
vers des organismes qui existent déjà. Oui, on y voit, là, une grande
importance. Maintenant, comment le mettre en action? Ça va beaucoup avec des
recommandations qu'on a faites dans notre mémoire d'approches collaboratives,
que les instances puissent se rencontrer, apprennent à se connaître et
connaissent ce qui se passe dans les différents milieux. Donc, ça, ça peut être
un moyen qui va faciliter grandement le comment on pouvoir aller vers les
services de proximité.
M. Carmant : Super.
Merci. En plus c'est Agir tôt qui vous aide à faire ça. Moi, je suis
extrêmement heureux.
M. Prévost (Nicolas) :
Ça ne nuit pas.
M. Carmant : Je n'y
avais même pas pensé.
M. Prévost (Nicolas) :
Ça ne nuit pas.
M. Carmant : Super. Bon,
maintenant, au niveau de la protection de la jeunesse, l'enjeu qu'on a, puis
qu'on vit, puis je pense que c'est un petit peu ce que je lis quand je lis
votre mémoire, c'est que quand même 60 % des signalements ne sont pas
retenus. Puis je vais vous dire qu'avec la pandémie, les signalements ont
augmenté, mais le taux de rétention, lui, est contraire, il est en train de
baisser. Donc, comment, selon vous, on renforcit ou on clarifie les raisons qui
vont faire que la protection de la jeunesse va intervenir? Ou quels mécanismes
on peut mettre sur pied pour que tant de signalements ne soient pas rejetés?
Je vais vous dire que, tu sais, aux congés
scolaires, c'est spectaculaire, là, tu sais. Quand l'école ferme, là, le nombre
de signalements baisse drastiquement, là. Il faut se l'avouer, ça. Donc, qu'est
ce qu'on peut faire pour s'assurer que les signalements soient... Pas plus
pertinents parce qu'ils sont tous pertinents, mais soient... vont être mieux
reçus et ont plus de chances d'être retenus? Parce que, vous le savez, je suis
sûr, chaque signalement mérite du temps terrain, mérite une enquête. Mais, tu
sais, même ceux qui ne sont pas retenus ne sont pas juste : Ah! Non, on
ferme, là. Il y a toujours quelque chose qui se fait quand la DPJ reçoit un
signalement. C'est pour ça que j'aimerais au moins que ça passe par la première
ligne. Mais si on est vraiment inquiet, là, que l'enfant est compromis, qu'est
ce qu'on peut faire pour clarifier les critères de compromission qui vont faire
qu'un signalement va être retenu?
Mme Joyal (Élizabeth) :
Encore une fois par des tables où on pourra discuter de ces critères, où
l'école pourrait être partie prenante, en ce sens que nous observons des choses
sur le terrain qui peut être seraient des indices supplémentaires s'il y avait
un échange tout d'abord pour ces indices-là. Parce qu'au moment où un
signalement n'est pas retenu, une fois que l'école a fait le travail, c'est
difficile de savoir pourquoi, selon l'enquête qui a été menée parce que les
détails de l'enquête ne sont jamais tous communiqués pour des raisons
évidentes.
Donc, à ce moment-là, s'il y a discussion
sur pourquoi. Par exemple, c'est nommé dans notre mémoire, mais les
signalements que nous avons l'obligation de faire en tant que directions d'école
pour les enfants qui ne fréquentent pas de façon assidue, régulière, c'est
souvent un premier...
Mme Joyal (Élizabeth) : ...un
indice important de problèmes à la maison et dans cette situation-ci,
difficilement, il y aurait une autre instance qui pourrait y répondre, dans les
autres programmes sociaux, là, qui supportent. Donc, on comprend qu'il peut y
avoir beaucoup de situations qui sont portées à l'attention de la DPJ. Mais ça,
c'est quand même un drapeau important, la non-fréquentation, qui est d'ailleurs
une obligation pour nous, mais qui n'est pas toujours une priorité du côté DPJ
pour toutes sortes de motifs qui leur appartiennent puis ne me sont pas
communiqués. Mais d'un premier coup d'oeil, cet enjeu-là semble important.
M. Carmant : D'accord. Donc,
ces tables-là ne sont pas monnaie courante, alors.
Mme Joyal (Élizabeth) : Pas
du tout. Les... en tout cas, pas à ma connaissance. Les tables... les
directions de façon régionale ou sectorielle, directement, les directions qui sont
interpellées dans des dossiers directement, non, on est partie prenante une
fois qu'un dossier est ouvert, une fois qu'une enquête est en branle. À un
certain point, oui, mais il y a d'autres choses qui peuvent être... être
faites, pardon, oui.
• (11 h 30) •
M. Carmant : J'espère que les
changements qu'on apporte à la loi au niveau de la confidentialité pourront
aider, là, ça, c'est un très grand point. Parlons en des absences répétées.
Quels sont les critères de non-fréquentation scolaire qui mènent à un
signalement? Parce que pendant la pandémie, on a vu une explosion, là, de ces
signalements-là. Est-ce qu'il y a des... C'est quoi, c'est comme deux jours pas
à l'école sans avertir? C'est comment... Comment vous gérez ça ou est-ce que ça
varie d'un établissement à l'autre?
M. Prévost (Nicolas) : Il n'y
a pas de critère, là, écrit ou prescrit par aucune loi ou peu importe. Donc,
c'est vraiment par la gestion de chaque établissement scolaire. Bien entendu,
bon, ça peut effectivement varier d'un établissement à l'autre. Mais je vous
dirais, là, il faut... quand on va faire un signalement au niveau de la
protection de la jeunesse concernant des absences des élèves,c'est vraiment
dans des cas, là, où on a une absence prolongée, là, sans motif raisonnable,
puis là on peut vous parler de semaines, là, exemple, un deux semaines ou
encore là, des absences ponctuelles, tu sais, une à deux journées par semaine,
mais qui sont sur une... tu sais, qui sont sur une durée quand même importante
et surtout avec des motifs d'absence qui nous apparaissent pas justifiés.
Maintenant, il n'y a pas... mais je tiens
à souligner que c'est effectivement pour nous une problématique de... pour
faire un bon... il n'y a pas de mauvais ou de bons signalements, ce n'est pas
ce que je veux dire, mais pour s'assurer de faire les choses correctement, il
faudrait aussi connaître les critères, tous les critères qui sont d'office, là.
Nous, on y va avec le personnel qu'on a dans nos établissements, qui ont des
connaissances plus fines, nos psychologues, psychoéducateurs qui nous servent
de référents à ce niveau-là, mais on n'a pas de retour, comme Mme Joyal le
disait tantôt, quand ce n'est pas retenu. Pourquoi? Donc, ça nous aiderait
peut-être à comprendre et à mieux... à faire des signalements de façon
différente.
M. Carmant : Puis moi, les
DPJ me disent que pendant la pandémie, un des gains qu'on a fait, c'est qu'on a
eu ce rapprochement entre la protection de la jeunesse et le réseau scolaire.
Êtes vous d'accord ou il y a encore beaucoup de pas à faire?
M. Prévost (Nicolas) : Bien,
dans le fond, oui, il y a eu un certain rapprochement, mais il y a encore
beaucoup de pas à faire, monsieur le ministre. Et la pierre n'est pas seulement
dans la cour de la DPJ, là, la pierre est aussi dans la cour du réseau
scolaire, là. On n'est pas sans faute ou sans tache dans tout ça nous non plus,
là. Des fois, c'est dans notre propre réseau qu'on aurait à clarifier et à
stabiliser certaines choses pour améliorer cette collaboration-là. Parce que
qui dit collaboration, ça se fait à deux, là. Ce n'est pas seulement de lancer
la pierre dans les réseaux sociaux, puis dire : Oh! Oh! Tu sais, donc nous
aussi, on a des modifications à faire puis des changements à faire. Je ne sais
pas si Élizabeth, tu voulais....
Mme Joyal (Élizabeth) : C'est
ça.
M. Carmant : Et si vous
auriez une recommandation, une demande pour faciliter ce rapprochement, qu'est
ce que ce serait?
M. Prévost (Nicolas) : Bien,
on voit dans le projet de loi que le directeur national a quand même un rôle
d'établir des forums, forums de discussion, bon, avec les différents
intervenants aux niveaux régionaux, entre autres. Mais nous, on croit qu'il
serait pertinent que quelqu'un du réseau scolaire puisse... parce qu'on voit
dans le projet de loi qu'il y a quand même une certaine latitude au directeur
national de choisir les gens qui pourraient être présents. Je pense que ce
serait très pertinent qu'il y ait quelqu'un qui représente le réseau scolaire
justement pour qu'il y ait cet arrimage-là puis une discussion pour qu'on
puisse... que ça se répercute sur le terrain...
11 h 30 (version non révisée)
M. Carmant : ...entendu. Est-ce
que... comment on pourrait, est ce qu'on devrait, mais peut être qu'ils n'ont
pas le temps non plus, là, puis je comprendrais très bien, les... justement,
les professionnels dont vous parlez qui sont dans les écoles, est-ce qu'ils
pourraient contribuer plus? Est-ce qu'il y aurait moyen de travailler avec eux?
Quand je parlais de collaboration de première ligne, milieu scolaire, par
exemple, ou...
Mme Joyal (Élizabeth) : Oui.
Il y a toujours façons de collaborer. J'ai envie de dire, ce n'est pas qu'il y
a une non-collaboration, c'est qu'elle est peut-être pas sur une base
suffisamment fréquente, puis ce qui s'échange aussi est très important. Donc,
vous en parliez tantôt, la portion de la confidentialité vient jouer, mais est-ce
qu'on peut impliquer davantage les professionnels? Assurément. Ils sont
d'ailleurs impliqués à chaque fois qu'il y a un dossier pour les élèves, ça ne relève
pas entièrement de la direction de l'école. Évidemment, ce sont tous les
intervenants de l'école qui sont impliqués à ce moment-là.
M. Carmant : D'accord.
Donc, les signalements sont... il y a un certain protocole pour signaler. Ce
n'est pas comme le professeur prend le téléphone, là.
Mme Joyal (Élizabeth) : Ça
peut être le professeur prend le téléphone aussi, mais il y a toujours échange
dans l'équipe-école sur une situation pour un élève. Après ça, on détermine qui
doit faire l'appel, là. Mais ça, ça peut varier d'un établissement à l'autre.
Ce n'est pas un protocole établi de façon formelle dans les CSS ou au sein même
des établissements. Ça peut varier.
M. Carmant : Parfait.
Merci beaucoup. M. le Président, avec votre consentement, je passerai la parole
à la députée de Soulanges.
Le Président (M. Provençal)
:Oui, madame la députée, à vous.
Mme Picard : Merci,
monsieur le président. Le projet de loi prévoit des mesures de transition et
d'accompagnement personnalisé pour les jeunes sous la protection qui atteignent
l'âge adulte. On connaît l'importance de l'éducation et de la formation
professionnelle pour assurer un avenir à ces jeunes et favoriser leur
autonomie. Quel rôle peuvent jouer les directions d'établissement dans ces
mesures de transition et d'accompagnement personnalisé?
M. Prévost (Nicolas) : Bien,
tout d'abord, il faut souligner que c'est une bonne nouvelle maintenant qu'il y
ait cet accompagnement des dettes qui se poursuit sur une plus longue période,
là, avec les élèves qui sont plus vieux et qui oui, fréquentent nos
établissements, là, en formation générale des adultes et en formation
professionnelle. Le rôle de la direction d'établissement va être sensiblement
le même que l'on... même si l'élève est plus vieux, il y a quand même un rôle
important d'un suivi à travers ces établissements-là, que sont la formation
générale des adultes et de formation professionnelle, de s'assurer quand même
d'un suivi et d'une mise en place des actions qui ont été déterminées par la
protection de la jeunesse et, souvent, des actions qui sont mises en place dans
l'établissement scolaire.
Et ça m'amène, la question est très
pertinente, ça m'amène sur l'enjeu de... collaboratif encore, mais sur l'enjeu
de... Il y a des plans d'intervention souvent dans nos établissements scolaires
et il y a des plans d'action au niveau, souvent, de la protection de la
jeunesse. Et encore là, souvent, trop souvent, malheureusement, il n'y a pas de
concordance entre les deux plans d'action qui devraient se parler, en quelque
part, parce que les moyens qui sont mis en protection de la jeunesse devraient
se poursuivre dans le milieu scolaire et ce qui est mis en place dans le milieu
scolaire devrait avoir un certain suivi au niveau familial, au niveau de la
santé et des services sociaux aussi. Donc, on a deux... tu sais, deux gens qui,
deux instances qui travaillent très, très fort à mettre en place des choses,
mais malheureusement, pas assez souvent, les deux... il y a croisement dans les
plans d'action et ça se répercute aussi aux adultes et en formation
professionnelle. Parce que là, ce n'est pas parce que ces élèves-là sont plus
vieux qu'ils n'ont pas besoin d'un suivi et d'un encadrement de la part... et
c'est le rôle de la direction de s'en assurer.
Mme Picard : Merci.
M. Carmant : Il reste 20 secondes.
Ça va? Alors, merci beaucoup, monsieur le ministre. Je vais maintenant céder la
parole à la députée de Notre-Dame de grâce pour les 10 minutes 10 secondes
suivantes.
Mme Weil : Merci, M. Prévost,
Mme Joyal, et comme la ministre, je vais vous dire que... très, très
contente que vous soyez là. Et vous savez, comme députés, on est sur le
terrain, il y a des organismes communautaires et l'école... Ça va mieux, là,
comme ça? Et c'est l'école qui est vraiment le centre de vie dans une
communauté. Et j'ai découvert récemment, puis ce n'est pas le programme
provincial, mais c'est un programme de la Ville de Montréal qui identifie, avec
les commissions scolaires, c'est plus des commissions scolaires, mais les
centres, je pense c'était avec les commissions scolaires, mais le programme
existe toujours, pour identifier les familles vulnérables. C'est comme ça que
c'est dit. Et moi, je suis allée visiter ce centre, je ne connaissais pas le
programme, et donc le centre communautaire...
Mme Weil : ...des événements
pour l'été font un peu de... C'est surtout beaucoup de jeunes Noirs, mais plus
anglophones. Donc, il y a des cours de français, ils font et font un peu
d'activité physique. En tout cas, c'est extraordinaire. C'est le centre Loyola.
Et c'est un organisme, vraiment, là, qui a toujours besoin de financement, etc.
Vous savez, tous les organismes communautaires cherchent de l'argent, mais ça
donne des résultats. Alors, et il y a vingt ans, j'étais à la Régie régionale.
Juste pour vous expliquer pourquoi, je pense que nous, le ministre et moi, et
tous ceux qui sont ici, on est contents de vous recevoir, il y a 20 ans,
quand on avait de la régionalisation, j'étais à la Régie régionale de Montréal,
et on voulait faire, avec la Santé publique, qui était régionalisée à l'époque,
parce qu'on avait identifié les poches de vulnérabilité partout à Montréal, un
«reaching out» vers le système scolaire, parce qu'on se disait : On ne
peut pas faire ça tout seul. Ça n'a pas été possible à l'époque. Donc, vous mettez
le doigt sur quelque chose de bien important, donc comment faire en sorte
que... Et c'est plusieurs partenaires. Il y a DPJ, mais il y a la prévention,
les organismes communautaires, comme disait le ministre. Comment... Vous allez
peut-être vous répéter, mais je veux bien comprendre. Qui vous voyez à cette
table? Bien, c'est à dire, dans cet effort pour créer cette société
bienveillante, comme la commission spéciale nous recommande, et vous êtes au
coeur de ça, hein, vraiment au coeur, vous voyez les enfants et les parents
tous les jours, qui vous voyez dans cette... les acteurs qui peuvent faire une
différence s'ils sont en communication? Vous avez mentionné DPJ, ça, je le
comprends, vous faites des signalements, mais parmi les autres acteurs qui
seraient importants pour vous, au-delà des professionnels.
• (11 h 40) •
M. Prévost (Nicolas) : Mais
je crois, comme vous l'avez mentionné, que l'école étant le milieu de vie de
ces enfants-là quotidiennement, bon, j'ai un peu, tantôt, en vous disant que
sur le... bon, le directeur national, je pense que, oui, il devrait avoir...
puis quand je parle quelqu'un du réseau scolaire, je parle de quelqu'un du
réseau terrain. Et est-ce que je veux expliquer, c'est qu'il y a des gens qui
sont dans les centres de services qui font de l'excellent boulot, mais ils ne
sont pas sur le terrain des vaches à vivre des situations dans nos écoles. Vous
avez parlé des professionnels. Je vois effectivement un lien quand même assez
direct, c'est nos référents, c'est eux qui ont le plus de connaissances à ce
niveau-là. Donc ça peut être eux. Mais, si on va au-delà de ça, moi, je vois
vraiment le rôle aussi d'une direction d'établissement qui a, je vous dirais,
une vue d'ensemble aussi de ce qui se passe dans l'établissement, qui a peut être
moins la vue compartimentée que l'avis de l'enseignant, de l'éducatrice du
service de garde, donc, cette vue plus globale là. Puis, je vois aussi une
présence, pas seulement au niveau national, mais aussi au niveau régional, de
vraiment rapprocher les deux groupes.
Mme Weil : J'ai aussi
remarqué, puis c'est sûr que je ne pose pas trop de questions sur comment ils
se sont retrouvés, mais les travailleuses sociales des CISSS et CIUSSS qui sont
aussi, des fois, ils sont interpellés, parfois, ils connaissent, chez nous, en
tout cas, N.D.G, Côte-des-Neiges, ils semblent bien connaître leur milieu, mais
ils comptent beaucoup sur les organismes communautaires pour les allumer,
connaissent la DPJ, sont... donc il y a des choses qui se passent dans certains...
Il faudrait repérer les efforts qui ont été faits. Vous, est-ce que vous
faites... Donc, vous, vous allez à la DPJ surtout, hein, c'est ça votre... Et
je comprends. Je comprends. Même s'il y a trop de signalements, mieux vaut
être, comment dire, sûr que de prendre des chances, hein? Alors, moi, je
comprends tout à fait ce réflexe. Et je l'ai appris lors de la COVID, la
première vague, l'étude qui a été faite, parce qu'il y avait eu une baisse de
signalements, et quand l'école a repris, on a vu que l'école joue un rôle très
important. Donc, essentiellement, je vais laisser... Je veux juste d'être sûr
que... parce que c'est vraiment une occasion en or de vous avoir. Mais je
vais... Oui, vas-y avec ta question. Avec la permission...
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, à vous la parole.
Mme Robitaille : Merci, M. le
Président. Bien, Mme Joyal, monsieur Prévost, merci d'être là. C'est vraiment
important. Comme disait ma collègue, l'école est vraiment un centre de vie,
hein, pour nos jeunes. J'aimerais qu'on se parle la confidentialité. Le
ministre en a parlé tout à l'heure, mais je pense que c'est une question très
importante. Et puis vous en parlez aussi dans votre mémoire. Vous dites :
«La loi devrait empêcher qu'un parent choisisse de ne pas...
Mme Robitaille :
...divulguer certaines informations en prétextant leur confidentialité lorsque
la sécurité d'un enfant est en cause. Bien, évidemment, c'est un sujet délicat.
Il y aura des amendements aussi qui vont chercher à circonscrire autrement la
confidentialité. Jusqu'où... Est-ce qu'on devrait interpréter la définition de
confidentialité d'une façon plus large qu'elle l'était avant? Puis jusqu'où on
peut aller? Donnez-nous un petit peu des...
Mme Joyal (Élizabeth) :
J'ai envie de vous répondre qu'on veut être partie prenante de cette
confidentialité-là, comme direction d'école, là, je m'exprime comme une
directrice. Nous allons tenir cette confidentialité-là, aussi, au regard des
informations qui pourraient nous être transmises. On comprendrait aussi qu'on
ne va pas nous donner la totalité des infos. Ceci étant dit, les propos qui
sont mentionnés dans ce mémoire font référence à des situations vécues déjà.
C'est-à-dire un élève nous est confié, il change de milieu, il arrive dans
notre école, et, parce qu'un parent ne souhaite pas divulguer certaines
portions d'informations, on n'y aura pas accès. Et c'est à ce moment-là que,
des fois, les interventions qui peuvent être mises en place ou les réactions
qu'on pourrait avoir dans le milieu pour bien traiter le dossier ne nous seront
pas acheminées, et ce sera le parent qui en aura décidé.
Je questionne qui devrait être le gardien
de ce qui doit être communiqué ou pas. Dans ce cas-ci, ce que j'en comprends,
c'est que, maintenant, c'est le parent qui en fait le choix. Est-ce que ça ne
pourrait pas plutôt être l'intervenant, l'agent porteur du dossier? Je
questionne ça pour, au final, mieux traiter un dossier d'élève puis se
retrouver avec un dossier bien traité pour cet enfant-là, l'enfant au cœur de
la décision. Le parent, on comprend qu'il a des droits au regard de tout ça.
Mais qu'en sera-t-il de ce que nous pourrons faire pour cet enfant?
Mme Robitaille : Est-ce
que l'enfant devrait avoir plus de pouvoirs? Je m'explique. Parce que c'est sûr
qu'au primaire peut-être que c'est plus délicat. Mais, quand il est adolescent,
est-ce qu'il ne devrait pas avoir plus de pouvoirs à savoir quoi partager, et,
si on lui pose des questions à l'école, pouvoir répondre librement aux
questions qu'on lui pose?
Mme Joyal (Élizabeth) :
Bien, tu sais, à l'école, l'enfant qui est questionné choisit de donner des
réponses ou de ne pas en donner. Quand nous, on fait référence à la
confidentialité, on parle de celle qui nous sera communiquée de façon
officielle et de façon vérifiée. Donc, les élèves, même au primaire,
choisissent de s'exprimer, des fois pas. Les propos ne sont pas nécessairement
invalides, mais ils valent toujours mieux qu'ils soient vérifiés par un
intervenant qui est dans ce dossier-là et qui s'implique. Donc, à partir de là,
c'est plutôt quand le parent choisit de dire : Bien, je ne veux pas qu'on
dise ça. Si ça peut être nuisible au développement, au traitement, pourquoi
gardons-nous la chose confidentielle, alors qu'elle pourrait être utile? Dans
certaines autres situations, ce n'est pas grave, qu'on n'ait pas l'info. On ne
veut pas nécessairement dire qu'on veut tout, mais on veut le maximum pour
pouvoir bien faire les choses.
Mme Robitaille : Donc,
si je vous entends comme il faut, le parent ne devrait pas avoir le pouvoir
absolu de décider qu'est-ce qui doit être dit et pas, que l'intervenant
pourrait aussi avoir un certain pouvoir, dans certains cas, à confier, là, à
l'école certains éléments importants.
Mme Joyal (Élizabeth) :
L'enfant au coeur de la décision.
Mme Robitaille : En ce
moment, là, pratico-pratiques, là, est-ce que les intervenants de la DPJ ont
souvent des rapports directs avec l'école?
M. Prévost (Nicolas) :
Avec les intervenants de l'école, à l'heure où on se parle, oui, mais très peu,
dans le sens où les intervenants de la protection de la jeunesse vont se
manifester, là, dans un établissement scolaire. Ils sont surtout là dans un but
de rencontre avec l'enfant, il y a très peu d'échanges, très, très peu
d'échanges avec les intervenants scolaires lors des visites de la protection de
la jeunesse. Et l'inverse est aussi vrai de notre côté, là, tu sais. Comme je
vous dis, nous, on a des affaires aussi à faire, on a des changements à faire
aussi pour transférer l'information qu'on a à l'école vers la protection de la
jeunesse aussi. Mais il y a très, très peu de communication.
Mme Robitaille : Donc,
vous en voudriez beaucoup plus, là, un changement de paradigme, là, pour qu'il
y ait plus d'échanges, plus de fluidité entre les différents partenaires?
M. Prévost (Nicolas) :
Écoutez, j'ai été direction d'établissement pendant 21 ans, et très
rarement...
M. Prévost (Nicolas) : ...quand
les intervenants de la DPJ vont venir à l'école, là. Un matin, ils cognent, ils
viennent voir notre secrétaire puis ils disent : Aujourd'hui, je viens rendre
visite à tel élève. Donc, on l'apprend là.
Mme Robitaille : Mais un
enseignant ne pourrait pas appeler un intervenant directement? Disons qu'il
sent que quelque chose ne va pas ou... Il n'y a pas d'échange direct
nécessairement?
M. Prévost (Nicolas) : Oui.
Bien, le personnel scolaire pourrait aussi quand même communiquer directement
avec l'intervenante s'il y avait des modifications dans le comportement de
l'élève, exemple. Tu sais, souvent, on a le nom, quand même, de l'intervenante
qui s'occupe du dossier. Mais il y a très, très peu d'échanges, là, des deux
côtés.
Mme Robitaille : Merci. Donc,
ce serait à favoriser.
M. Prévost (Nicolas) :
Définitivement.
Mme Robitaille : O.K.
Parfait. Merci. Allez-y.
Le Président (M. Provençal)
: Merci.
• (11 h 50) •
Mme Weil : ...je connais
moins... excusez-moi, ça va... je connais moins comment ça fonctionne dans le
système scolaire, mais donc... Parce qu'on a beaucoup parlé, hier, de,
justement, cette question de sensibilité par rapport à certaines informations,
et tout de même, protéger l'enfant à long terme, même, sa réputation, etc.
Donc, ça a été recommandé par des ordres professionnels qui sont venus hier,
des psychoéducateurs, qu'il y a moyen de faire en sorte de transférer
l'information d'un professionnel, membre d'un ordre professionnel, à l'autre.
Parce que chacun a cette sensibilité, cette formation pour savoir, O.K., quelle
information devrait être transmise, et comment.
Est-ce que vous voyez ça dans votre milieu
éventuellement? Parce qu'il y aura certainement, bon, des discussions au
ministère, un règlement, etc., sur comment cette disposition de la loi va
s'actualiser. Que pensez-vous de cette approche-là, au lieu de laisser ça entre
les mains de la famille, qui va peut-être vouloir peu dire, on ne sait pas,
mais de professionnel en professionnel, d'une institution à l'autre?
M. Prévost (Nicolas) : Sans
ouvrir les valves, là, complètement. Il ne faut pas non plus être réfractaires
à... Tu sais, je comprends nos professionnels, là. On discute souvent avec eux,
puis, oh! tu sais, sous... le couvert de l'ordre professionnel, de transmettre
les informations, puis qu'ils veulent le faire avec les bonnes personnes, au
bon moment. Mais il ne faut pas freiner ça non plus, là. Tu sais, il ne faut
pas ouvrir, bon, que ça devienne public, mais il faut encourager ce discours-là
que plus les gens seront au courant, et mieux on va pouvoir intervenir avec
l'enfant. Donc, oui, bien, il y a encore du travail à faire à ce niveau-là.
C'est, à notre avis, encore assez fermé.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons poursuivre avec le député de
Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, monsieur
le Président. Merci beaucoup. Je voudrais... sur la question de la
confidentialité. Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples de choses
qui peuvent arriver parce qu'il y a un manque de communication, ou parce que,
disons, la confidentialité a été, disons, interprétée avec des critères trop
serrés, là, puis qu'il vous a manqué de l'information, puis que ça a entraîné
des préjudices pour l'enfant?
M. Prévost (Nicolas) : Oui,
je peux vous donner des exemples très concrets.
M. Zanetti : Sans nommer les
noms, évidemment.
M. Prévost (Nicolas) : Non,
non, non. Très souvent, dans les milieux défavorisés, on voit l'arrivée de
nouveaux étudiants dans nos établissements parce qu'ils ont été placés dans une
famille d'accueil. Le dossier scolaire va suivre très rapidement, mais le
dossier d'aide, donc tout ce qui a trait aux services, justement, d'encadrement
au niveau psychosocial ou comportemental, lui, il ne suit pas, ce dossier-là,
tant que les professionnels ne s'échangent pas l'information, parce que le
professionnel ne veut pas le faire avec la direction d'école, ou ne veut pas le
faire avec l'enseignant.
Donc, on a un nouvel élève qui est là.
J'ai ses notes de bulletin. Je sais que l'élève vit des difficultés, mais je
suis... je ne peux pas... le plan d'intervention ne suit pas, il y a des choses
qui ne suivent pas, parce que sous l'aspect, sous la raison de la
confidentialité, les gens ne veulent pas transférer tout de suite. Et parfois,
je dois vous dire que le transfert entre professionnels, ça peut prendre
beaucoup de temps avant que ça se fasse. Pas parce que ce n'est pas un souci
qu'ils ont de le faire, mais, bon, vous connaissez, comme nous tous, là,
l'enjeu des professionnels dans le réseau scolaire...
M. Zanetti : Ils sont dans le
jus.
M. Prévost (Nicolas) : ...qui
font parfois cinq, six, sept, huit établissements scolaires, là. Donc, on vit
avec cet enjeu-là de confidentialité qui part, et là on n'est pas capables de
mettre en place rapidement des choses qui pourraient aider l'élève dans son
cheminement.
M. Zanetti : Et dans le
scénario, par exemple, ou le plan d'intervention suivrait le dossier de
l'élève, là, le dossier normal, comment est-ce que... qui aurait accès à ça?
C'est-à-dire que... J'imagine que ce n'est pas, vous le recevez, puis là vous
le mettez sur...
M. Zanetti : ...site Internet,
là, c'est dans un dossier, puis là il y a les directeurs qui peuvent le voir,
l'enseignant qui... Qui... Dans le fond, comment est ce que vous pouvez assurer
la confidentialité de ces données là confidentielles que vous recevriez?
M. Prévost (Nicolas) : Oui.
L'accès au dossier d'aide, là, elle est très... je vous dirais, elle est
accessible seulement aux intervenants, donc directions d'école, enseignants et
les intervenants qui sont... qui ont à travailler avec les élèves. Seulement,
ces personnes-là ont accès au dossier d'aide. Sinon, ce n'est pas... il n'y a
pas d'autre accès.
M. Zanetti : O.K. Puisque ce
que ça permettrait de faire, si je comprends bien, c'est que ça permettrait de
mettre en oeuvre le plan d'action plus rapidement, de soutenir l'élève plus
rapidement, sinon, bien, il peut y avoir un trou de service de 3 mois, six
mois, peut être.
Mme Joyal (Élizabeth) : Des
erreurs d'intervention...
M. Zanetti : Des erreurs
d'intervention. Comme par exemple, mettons...
Mme Joyal (Élizabeth) : Bien,
je ne sais pas, tout dépendant ce qu'un enfant peut vivre, pour la raison pour
laquelle on l'a déplacé. Il y a des enjeux importants de diverses natures. Il y
a des erreurs qui peuvent être commises involontairement, par des intervenants,
en mentionnant des choses, en suggérant des choses, en ne sachant pas ce que
l'élève a vécu. Donc, à partir de là, je pense que, pour améliorer la qualité
de l'intervention, si l'info se transmet rapidement, nous, on évite ces
erreurs-là, puis on assure la qualité des services auxquels on est tenus, là.
M. Zanetti : Puis, dans les
choses dangereuses qui peuvent arriver, là, qu'est ce qu'on peut... Qu'est ce
qui peut arriver, mettons, qui est... parce que vous ne savez pas qu'un tel
parent, mettons est violent, puis là, bien, vous le contactez, puis là, je ne
sais pas, qu'est ce qui peut arriver de...
M. Prévost (Nicolas) : Bien,
qui a accès? Qui peut contacter l'élève en question, déjà là?
M. Zanetti : O.K. Ça, il
faut... Ça vous ne le savez même pas.
M. Prévost (Nicolas) : Bien
non, des fois, on l'apprend très tard, trop tard. Certaines interventions,
comme Mme Joyal le dit, interventions de niveau pédagogique, des fois, l'élève
sur certains retards d'apprentissage ou qui ne sont pas connus ou soumis, qui
amènent des troubles de comportement, exemple, mais, si on confronte l'élève à
ses troubles d'apprentissage directement, bien là, on fait exploser l'élève.
Donc, si on était en amont, bien, on éviterait ce type d'intervention là. Puis
j'attirerais aussi votre attention sur une partie du mémoire, sur les enfants
qui sont scolarisés à la maison parce qu'on en a de plus en plus, de demandes
de scolarisation à la maison. Donc, l'enfant fait une demande de scolarisation
à la maison. Pour nous, au niveau scolaire, on n'a plus de suivi... aucun, donc
je pense qu'il y aurait des choses importantes à aller voir à ce niveau-là
aussi.
Le Président (M. Provençal)
: Merci.
M. Zanetti : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, je remercie Mme Joyal et monsieur Prévost pour leur
contribution à nos travaux.
Je suspends les travaux pour pouvoir
laisser place à la prochaine intervenante. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 56)
12 h (version non révisée)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux. Je
souhaite maintenant la bienvenue à Mme Geneviève Rioux, présidente de la
Fédération des familles d'accueil et ressources intermédiaires du Québec, et
Mme Rioux est accompagnée de Me Mylène Leblanc. Alors, vous disposez de 10
minutes pour votre présentation, et par la suite nous allons procéder aux
échanges. Alors, je vous cède la parole, puis je vous demanderais de vous
renommer, s'il vous plaît. Merci.
Mme Rioux (Geneviève) : Parfait.
Mme Geneviève Rioux, présidente de la Fédération des familles d'accueil et
ressources intermédiaires du Québec. La fédération tient à remercier les
membres de la commission de lui permettre d'exprimer les commentaires et les
demandes des familles d'accueil dans le cadre du projet de loi 15. Dans ce
contexte, la fédération fait de nouveau valoir la position de ses membres, mais
cette fois, particulièrement, elle se fait gardienne de l'intérêt des enfants.
Seul regroupement exclusivement dédié à la défense et au soutien des familles
d'accueil à l'enfance du Québec, la fédération représente 2600 familles
d'accueil, mais surtout elle représente plus de 5 000 enfants partout au
Québec.
C'est portés par nos familles d'accueil
inspirantes et bienveillantes que d'entrée de jeu nous constatons que le projet
de loi concrétise, sans plus, l'état actuel du droit de la jeunesse au Québec.
C'est insuffisant. Nous vous remercions d'avoir mis en avant et rapidement
cette priorité d'un grand changement nécessaire, mais nous déplorons que le
projet de loi 15 ne soit pas à la hauteur de l'intérêt des enfants. Il n'est ni
créateur de droits, ni de mesures de contrôle des agissements de la Direction
de la protection de la jeunesse et il relègue aux oubliettes une réelle commission
des droits des enfants. Les attentes des familles d'accueil des enfants du
Québec sont nombreuses et légitimes face à un projet de loi qui doit être
novateur.
Le but de ces consultations particulières
étant de bonifier le projet de loi, la FFARIQ propose dans son mémoire des
modifications que nous jugeons urgentes et essentielles pour les enfants. Afin
d'offrir un filet social sécurisant et bienveillant à nos enfants, chacun a un
rôle déterminant à jouer. La FFARIQ croit que les règles claires, précises
doivent être établies, et tous les acteurs entourant nos enfants se sentiront
concernés et concertés dans une société bienveillante pour eux. Les enfants
d'aujourd'hui sont l'avenir de notre société, nous devons les entourer et leur
garantir un bien-être. Les personnes investies dans le quotidien des enfants,
dans leur environnement propre doivent être impliquées et reconnues dans leur
rôle de protection...
Mme Rioux (Geneviève) : ...afin
que tous ces acteurs se sentent concernés. Nous sommes d'avis qu'un changement
de culture significatif doit être apporté en lien avec les principes de
divulgation des renseignements et de la confidentialité. Tels que décrit dans
le rapport de la commission Laurent. Ces principes sont complexes et mal
appliqués, les règles de la confidentialité nuisent à la collaboration. Il est
nécessaire qu'un réel transport d'informations à tous les acteurs puisse être
possible pour orienter des pratiques professionnelles centrées sur l'intérêt de
l'enfant.
Nous vous remercions de vouloir inclure
les familles d'accueil dans votre projet de loi, mais, pour nous, lorsque l'on
fait mention de toute personne, à l'article actuel, déjà, les familles
d'accueil ainsi que les professionnels entourant les enfants en faisaient
partie. Cependant, les directeurs de la protection de la jeunesse ne doivent
plus être les décideurs quant à la divulgation d'informations. C'est pourquoi
vous devez modifier le «peuvent» par un «doivent» clair et sans ambiguïté.
La CDPDJ, dans le cadre de son mandat,
possède de nombreuses responsabilités, incluant celles d'intervenir au débat
judiciaire comme si elle était partie. Toutefois, force est de constater que la
CDPDJ est quasi absente de la scène judiciaire telle que dénoncée par plusieurs
juges, auteurs et la communauté judiciaire. La FFARIQ est d'avis que
l'organisme chargé de la mission et investi des pouvoirs de la CDPDJ devrait
être un organisme dédié exclusivement aux enfants. En effet, la CDPDJ est loin
d'avoir comme unique mission d'assurer le respect des droits des enfants. Bien
qu'à première vue, il pourrait y avoir certains avantages qu'un même organisme
traite à la fois des plaintes en lien avec la charte ainsi que les demandes en
vertu de la LPJ, nous n'identifions aucune valeur ajoutée à cette situation
dans la pratique.
• (12 h 10) •
Dans un contexte comme le recommande le
rapport de la commission Laurent, dans un souci de cohérence et d'efficacité,
la fédération croit que l'ensemble des pouvoirs et mandats de la CDPDJ
devraient être transférés à un nouvel organisme pouvant se consacrer
entièrement et exclusivement à la défense des droits des enfants et
représentatif des nombreuses particularités de la jeunesse du Québec. Cet
organisme doit être autonome, indépendant et impliqué et voir le jour sans
tarder. Cet organisme doit être le réel gardien de nos enfants.
La FFARIQ recommande que la Direction de
la protection de la jeunesse soit indépendante des CISSS et CIUSSS et qu'elle
ait sa propre administration pour assurer à l'institution son impartialité et
son indépendance. Ainsi, elle aurait ses propres budgets, ses propres règles et
ne serait pas tributaire d'un autre organisme. Dans le but d'incarner davantage
la protection de l'enfant, le directeur devrait être imputable et devrait
rendre des comptes au ministre de la Santé et des Services sociaux.
Il ne faut pas oublier que le Directeur de
la protection de la jeunesse intervient dans un contexte d'autorité, que le
pouvoir de l'État doit être adéquatement balisé, ce qui n'est pas le cas actuellement.
L'article 35 de la... se lit ainsi : Le directeur et toute personne qui
agit en vertu des articles 32 ou 33 ne peuvent être poursuivis en justice
pour des actes accomplis de bonne foi. Dans ce contexte, malgré l'existence de
jugements de la Chambre de la jeunesse dans lequel sont dénoncés de graves
manquements du directeur, celui-ci n'est pratiquement jamais tenu civilement
responsable de ses fautes. Les dommages causés à des enfants, à leurs parents
et à toute personne, incluant des familles d'accueil, demeurent ainsi trop
souvent non assumés. Nous sommes d'avis que l'article 35 doit être modifié
afin que le directeur puisse répondre civilement de ses actes, assurer le
respect des droits et nécessairement une meilleure protection pour nos enfants.
Le DPJ a l'obligation de soumettre un portrait complet et franc de l'ensemble
de la situation d'un enfant, peu importe ses prétentions. Il n'a pas de cause à
gagner et l'intérêt de l'enfant doit toujours primer. En dernier ressort, c'est
le tribunal qui doit trancher, tel que mentionné dans un jugement. L'omission
d'informations ou son partage déficient sont aussi publiquement dénoncés. Trop
souvent, ces principes ont été bafoués au détriment des enfants.
À notre avis, il est nécessaire que le
projet de loi 15 introduise un article faisant de ces principes un pilier
pour les directeurs de la protection de la jeunesse. L'introduction du nouvel
article 83, en 2016, a permis de bonifier la preuve présentée au tribunal
afin que le tribunal puisse entendre le meilleur intérêt de l'enfant. Les
années passées ont créé de la jurisprudence importante et déterminante pour les
enfants. La FFARIQ tient à souligner le travail important de la magistrature
dans...
Mme Rioux (Geneviève) :
...intérêt. Certains flous demeurent, parfois, et malheureusement, ça crée des
délais au niveau juridique. Alors, encore une fois, nous proposons des
éclaircissements à apporter afin que la durée des débats à la cour qui ne
servent pas à l'intérêt des enfants... mais présentement, ce délai sert
l'intérêt du directeur. La FFARIQ propose de bonifier l'article 91: «La DPJ
assure l'aide, conseils et assistance, non seulement à l'enfant et aux parents,
mais à toutes les personnes.» Actuellement, on offre l'aide aux enfants et aux
parents. Tous les gens qui s'occupent des enfants, bien, ont besoin d'aide,
conseils et assistance aussi. Il s'agit... Une fois hébergés, ce n'est pas une
réponse en soi aux besoins des enfants, il s'agit d'une mesure de protection.
Une fois l'hébergement donné, les besoins ne s'arrêtent pas là pour soutenir
l'enfant. La personne qui en prend charge doit être elle-même soutenue.
L'accompagnement des familles d'accueil doit… tout comme celui des enfants, est
défaillant, les conseils inexistants et l'assistance insuffisante. Si la
stabilité de nos enfants est primordiale pour le législateur, que le projet de
loi en est le vecteur, l'aide, les conseils et l'assistance doivent prendre un
grand virage.
Depuis quelques années, on a vu apparaître
plusieurs termes: «confié à», «tiers significatif», «famille d'accueil»,
«famille élargie», «famille d'accueil de proximité»... En connaissance de
cause, on constate que ces différentes appellations et ses dérivés créent
différentes catégories d'enfants selon le statut administratif ou juridique de
la personne qui l'héberge, plus précisément, l'aide financière et le soutien
professionnel pouvant bénéficier à l'enfant varient en fonction de ce statut.
La Chambre de la jeunesse, l'une des divisions de la Cour du Québec, confie un
ou des enfants à une personne, mais c'est l'établissement qui détermine si
celle-ci peut devenir ou rester famille d'accueil. La FFARIQ est témoin
quotidiennement de situations où des enfants confiés à des personnes par les
tribunaux ne reçoivent pas de services, pas d'aide, pas d'assistance, car le
directeur refuse d'accréditer ou bien ferme sans raison valable les familles
d'accueil, malgré qu'un juge avec l'ensemble de la preuve ait choisi de confier
l'enfant à cette personne. La FFARIQ milite donc pour que l'obligation soit
insérée dans la LSSSS et les lois connexes afin que l'enfant confié à toute
personne par la Chambre de la jeunesse se voit octroyer le statut de famille
d'accueil dès son arrivée chez cette personne. Nous croyons fermement que
lorsque la Chambre de la jeunesse décide de confier un enfant à une personne,
celle-ci doit bénéficier, dans l'intérêt supérieur de cet enfant, des moyens
pour lui donner une qualité de vie digne et égale aux autres enfants hébergés
en famille d'accueil du Québec.
On propose aussi d'élargir la définition
du terme «enfant», afin de pouvoir venir aider nos petits devenus grands,
c'est-à-dire nos 18-21 ans. Une personne âgée de moins de 18 ans ou une
personne âgée d'au plus 21 ans qui consent à maintenir son hébergement, soit à
son domicile soit à l'endroit où il est à ses 18 ans, afin de compléter un
projet vers l'autonomie, notamment ses études ou un besoin d'accompagnement
vers la vie adulte. La loi doit être claire. Les jeunes adultes ont le droit à
l'équité et au meilleur en maintenant leur hébergement jusqu'à l'âge de 21 ans.
Je vais laisser la parole à Me Leblanc.
Le Président (M. Provençal)
: Je suis obligé de vous mentionner que... j'ai laissé
couler, étirer le temps, mais votre 10 minutes est déjà terminé depuis un petit
peu. Alors, je m'excuse, je suis obligé de céder la parole à monsieur le
ministre. C'est lui qui va diriger l'échange maintenant.
M. Carmant : Merci. Puis
merci beaucoup, Me Rioux, puis je suis sûr que Me Leblanc va pouvoir participer
à la discussion. OK, je prends bien note de ce que vous nous avez dit. Je pense
que, quand même, je suis fier du projet de loi qu'on dépose, mais je comprends
votre message qu'il faut aller plus loin, puis je pense qu'on est tous là pour
pouvoir aller plus loin.
Premièrement, je pense que je commencerais
par l'intérêt de l'enfant. Quels changements au projet de loi vous dites qui
seraient nécessaires pour l'améliorer? Puis, tu sais, de dire que ça
représente... Que le projet de loi représente l'État de droit actuel, je pense
qu'on a tous entendu des reportages ou des cas concrets où on nous dit que
l'intérêt de l'enfant n'est pas priorisé, là, ça fait que je ne pense pas que
c'est encore le droit actuel...
M. Carmant : ...je pense
que, ce qu'on vient faire, c'est l'asseoir. Mais je suis d'accord avec vous,
comment mieux l'asseoir, ça, je suis prêt à vous vous entendre là-dessus.
Mme Leblanc (Mylène) :
Je vais prendre la question. Merci de votre question. En fait, je m'exprime
comme ça, c'est sur deux pans, O.K.? Au niveau de l'intérêt de l'enfant, c'est
un grand concept. Ce qui est fait, actuellement, dans le projet de loi 15,
effectivement, c'est très bien. Ça, je vais vous le dire, c'est très bien.
Par contre, moi, je suis une praticienne,
hein, je suis sur le terrain. Donc, quand je vais à la cour, la difficulté avec
tout ça, c'est la portion application. Ce qui est présentement écrit, par
exemple le préambule, l'intérêt de l'enfant, la question de la stabilité, on
parle des articles 3 et 4, le travail que vous avez fait, c'est très bien,
finalement. Par contre, moi, comme juriste, ma difficulté, actuellement, c'est
quand je vais arriver au tribunal. J'avais déjà ça par la Cour suprême, par des
enseignements, et tout ça. Donc, oui, ça envoie un message clair à tous les
alliés pour les enfants. Mais, pour moi, comme juriste qui va aller à la cour
avec ça, ça apporte une tout autre connotation, puis c'est difficilement
applicable.
La proposition qu'on fait avec la FFARIQ,
puis c'est là-dessus que je pense qu'on pourrait...
Une voix : ...
Mme Leblanc (Mylène) :
Excusez-moi, excusez-moi. Qu'on pourrait développer tous ensemble, c'est de se
dire : Bien, allons plus loin. Et, en pratique, je m'excuse, c'est un
anglicisme, mais la «trick», c'est de dire : L'article 4, c'est le
copain de l'article 91.1, ça va ensemble. Donc, ça, ça ne peut pas... Le
principe, c'est 4, mais l'application, moi, quand je vais au tribunal, c'est
91.1. C'est ça, c'est ça... En fait, j'espère que je réponds bien à votre
question, mais c'est ça pour mettre du poids sur le terrain, voilà.
• (12 h 20) •
Une voix : ...
Mme Leblanc (Mylène) :
Je vais faire vite, O.K.
Une voix : ...
Mme Leblanc (Mylène) :
O.K. J'y vais vite. Je vous explique. Je ne saurais pas sans cacher que, ce que
la FFARIQ dit dans son mémoire, un, raccourcir les délais de placement. Les
délais de placement actuels dans 91.1, en fait, la durée que ça prend avant de
donner un placement à majorité est beaucoup trop longue. Parce que, quand on a
6 mois, tu sais, on entend souvent ça théoriquement, le temps. Mais, moi,
quand je représente un petit bébé qui a 10 jours puis que ça fait
10 jours qu'il attend, bien, il a attendu toute sa vie. C'est ça, c'est ça
qu'il faut prendre conscience. Donc, quand tu as six mois puis que ça fait six
mois que tu es en famille d'accueil, tu as attendu toute ta vie, ça fait que tu
as le droit à un projet de vie, toi aussi. C'est ça qu'il faut comprendre.
Donc, raccourcir ces délais-là. Puis je crois que la communauté judiciaire et
les juges sont ouverts à tout ça, la population est ouverte à ça. Puis
peut-être aussi, dans 91.1...
M. Carmant : Attendez.
Est-ce qu'il y a des dangers d'aller trop court, par exemple? Parce que j'imagine
qu'on l'aurait fait avant.
Mme Leblanc (Mylène) :
Oui. Le danger d'aller trop court, c'est de dire : Bien, ça va enlever la
possibilité à des parents, à des gens de se reprendre en main, O.K.? Donc, ce
qu'il faut dire, c'est qu'il faut laisser un temps, mais qui est variable selon
l'âge d'un enfant. Comme je l'ai dit comme exemple 6 mois, quand tu as
6 mois, c'est toute ta vie. 6 mois, quand tu as cinq ans, ça peut avoir
une autre connotation. 6 mois quand tu as presque 40 ans, bien, O.K., tu
sais, c'est... Bon. Alors, c'est dans ce sens-là. Donc, c'est pour ça que les
délais, les mois sont différents selon l'âge de l'enfant. Et c'est déjà le
principe dans la loi.
Maintenant, quand on parle, souvent la
crainte... Je vous explique, c'est une crainte, disons, qui est un peu de la
population générale, mais il ne faut pas oublier... C'est la crainte de se voir
enlever nos affaires, de dire : Ça va aller trop loin, cette loi-là, puis
tout ça. Puis tous les parents ont, un jour, cette réflexion-là. Mais ce qu'il
ne faut pas oublier, c'est que la Loi sur la protection de la jeunesse, c'est
une loi d'exception, donc elle ne s'applique qu'en cas d'exception. Alors, si
ça fait six mois que, par exemple, un enfant n'est plus dans son milieu
familial, donc on applique cette loi-là par exception, et ça fait six mois
qu'il est là, et, à un moment donné, il va falloir statuer. Son parent, il a le
temps, là, de se reprendre en main pendant ce temps-là. Il peut même se
corriger avant l'application de la loi. Et c'est les cas les plus graves aussi,
ce n'est pas des petits cas, c'est les cas graves, l'exception. Voilà. Je ne
sais pas si...
M. Carmant : Ah! c'est
très clair.
Mme Leblanc (Mylène) :
Oui? O.K.
M. Carmant : Est-ce
qu'il y a d'autres choses dans 91 ou on peut passer...
Mme Leblanc (Mylène) :
Oui, O.K. Non, dans 91, ce que je propose, et la FFARIQ aussi, c'est de...
Mme Leblanc (Mylène) :
...en fait, c'est de dire, quand on parle du projet de vie d'un enfant, 91 dans
les derniers paragraphes, ce n'est pas vraiment important pour l'explication,
mais c'est de dire 91 doit... on doit statuer sur un projet de vie. Alors, il
faudrait éclaircir, c'est quoi, un projet de vie. Est-ce que c'est une
adoption? Est-ce que c'est une tutelle? Est-ce que c'est un placement à
majorité? Est-ce que c'est de poursuivre des contacts avec des parents, même si
l'enfant est en famille d'accueil? C'est de permettre au tribunal qu'on lui
présente l'ensemble de la situation et que le tribunal puisse dire O.K. Cet
enfant-là, son intérêt, c'est l'adoption. Cet enfant là, son intérêt, oh! c'est
des contacts avec sa famille bio, puis d'être en famille d'accueil en même
temps. Oh! cet enfant-là, c'est de retourner dans sa famille bio puis qu'il n'y
a plus de compromis. Tu sais, c'est...
M. Carmant Mais qu'est
ce qu'on présente au juge actuellement?
Mme Leblanc (Mylène) :
En fait, quand on est sur 91.1, on ne présente, je veux dire, bien, finalement,
le projet de vie. Ça peut prendre... Je vais vous donner un exemple de... que
j'ai en tête parce que c'est un de mes dossiers que j'ai faits, ça peut
prendre, entre le placement d'un jour puis une adoption, quatre ans. Puis il
n'y a pas de raison quant à moi. Tu sais, c'est son projet de vie, à l'enfant,
bref.
M. Carmant : Mais donc
le clarifier dès le début, ce serait le changement. Non?
Mme Leblanc (Mylène) :
En fait, c'est de clarifier... Quand les délais de placement sont expirés,
quand on va statuer sur le projet de vie, donc, on a laissé les chances et le
temps s'écouler, selon le début de 91.1, et là, on se dit : Eh! la
stabilité de l'enfant, il faut statuer là-dessus. C'est quoi son projet de vie?
Quand le délai est expiré, c'est malheureux, mais il faut aller de l'avant pour
l'enfant, pour l'intérêt de l'enfant.
M. Carmant : Compris.
91.1, c'est fait?
Mme Leblanc (Mylène) :
Oui, c'est fait.
M. Carmant : Modifier le
peuvent par doivent. Ça aussi, on veut quand même laisser un peu d'autonomie ou
de l'autonomie professionnelle, je veux dire. On essaie d'avoir un bon
équilibre. Qu'est ce qui vous ferait dire que doivent... Parce que si on
comprend tous la loi, parce que le préambule est de... c'est clarifier,
pourquoi on doit changer de peuvent par doivent selon vous?.
Mme Rioux (Geneviève) : Ça
fait longtemps que la loi existe, ça fait longtemps que c'est un peuvent. Et
c'est encore problématique dans l'application. On a donné la chance. 91.1, là,
le délai de placement, il est écoulé. Les délais sont expirés. C'est des
enfants actuellement qui, par un manque de transparence, par un manque
d'échange d'informations, qu'on se retrouve avec des difficultés énormes sur le
terrain à partager, à remettre les... à donner les services aux enfants.
Alors, c'est vrai qu'on voudrait laisser
de l'autonomie aux directeurs de la protection de la jeunesse. Ils l'ont eue.
Maintenant, ce qu'on vient dire, c'est : Il faut encadrer. Il faut. Vous
disiez tantôt, 91.1, vous avez nommé. Est-ce que ce n'est pas un peu inquiétant?
Tu sais, les gens... Mais si ça vient avec tout ça, c'est ça vient à... Quand
on arrive en cour, puis qu'on a les bonnes preuves, qu'on a bien aidé, bien
conseillé les parents, bien soutenu l'entourage de l'enfant, qu'on a tout mis
en place, se pourrait-il qu'on n'ait plus besoin du 91.1? Parce que rendu là,
c'est utopique, vous allez me dire, mais si on met en place des mesures, qu'on
arrive dans un tribunal où que tout est clair, les débats sur l'application, la
transparence puis tout ça, ne sont plus utiles, bien, on va... on va centrer
directement sur l'enfant devant le tribunal, et ça va éviter aussi des
dépassements de délais.
Mme Leblanc (Mylène) :
Oui. Puis sur le doivent ou le peuvent, là où le bât blesse, ça s'imbrique un
petit peu avec... Je vous ai écouté, tous, hier, évidemment, mais ça s'imbrique
un petit peu avec toute la question d'un directeur national de la protection de
la jeunesse et toutes ces questions-là parce que, tu sais, dans la question de
l'indépendance du directeur ou de la directrice, ce qu'il faut se dire, c'est
que la personne, en fait, qui détient l'information, en fait, c'est le DPJ. Et
quand il y a un tiers ou une personne comme une famille d'accueil qui la veut,
il devient dans ce processus-là juge et jury... juge et partie, excusez. Donc
ça fait en sorte que c'est aussi le directeur ou la directrice qui décide de
dévoiler ou non ce qu'elle a elle-même collecté ou non. Donc, c'est un peu
un...
Mme Leblanc (Mylène) : ...c'est
toute cette transparence-là qu'il faut ouvrir. Bien entendu, ce n'est pas du
voyeurisme, c'est pour ça, c'est dans l'intérêt de l'enfant. Si, par exemple,
je sécurise une maman d'accueil ou un papa d'accueil, bien, le petit bonhomme
va mieux aller. Donc, quel est l'intérêt de ne pas en parler? Il n'y a pas
d'intérêt à... cacher n'est pas le bon mot, mais à retenir cette
information-là.
M. Carmant : Peut-être avant
de passer la parole, mais une dernière question. Vous dites qu'on ne supporte
pas suffisamment les familles d'accueil, une question très terrain, là, mais on
a ajouté comme de l'aide pour les familles d'accueil, avez-vous vu une
différence dans la dernière année?
Mme Rioux (Geneviève) :
Merci. En fait, quand ça a été annoncé cet été, la fédération était bien
contente. La semaine passée, on nous a indiqué le titre que ces intervenants
dédiés au soutien aux familles d'accueil allaient porter et va se nommer
intervenant au soutien professionnel de l'usager. Comprenez- vous qu'on est
rendu sur le terrain, moi, je ne le comprends pas, malheureusement, c'est... La
volonté était claire du ministre, merci encore. Sur le terrain, actuellement,
aucune application à ce jour, on est dans la théorie, nommer le titre, ces
choses là. Et quand on parle de clarté, de transparence et qu'on doit avoir un
chef qui va aller donner les directives très, très claires, c'est ce qu'on en a
besoin présentement.
• (12 h 30) •
M. Carmant : Merci. Monsieur
le Président, je passerais, avec votre permission, la parole à la députée de
Lotbinière-Frontenac.
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Mme la députée.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Merci. Bonjour, moi, je voulais revenir sur
ce que vous avez mis dans votre mémoire, là, qu'«une personne ou une famille
d'accueil soit admise à l'audience entière de toute demande relative à l'enfant
qui lui est confié», en ce moment, comment ça se passe?
Mme Rioux (Geneviève) : C'est
particulier.
Mme Leblanc (Mylène) : Quel
chemin entre lorsqu'il n'y avait pas cet article et maintenant? O.K. Et la
raison en est fort simple, c'est que la personne qui voit quotidiennement cet
enfant-là, dans ce contexte-là, c'est la famille d'accueil ou la personne qui
en prend soin. Donc, elle est les yeux de tout ça, c'est une pertinence
incroyable, et il y a une bonne jurisprudence qui s'est établie en ce sens-là.
Par contre, là où le bât blesse, puis c'est un peu ce qu'on dit dans le
mémoire, il y a trois trucs qui sont un peu, pour nous, difficiles à comprendre,
parce que si on est là dans l'intérêt de l'enfant... Je vais vous donner des
exemples. Par exemple, on va avoir encore des téléphones de la protection de la
jeunesse qui vont faire le débat, à savoir: Moi, je veux que la famille
d'accueil témoigne, par exemple en premier, et qu'elle quitte après, alors que
l'article ne dit même pas ça. On sent, et on le vit, là, sur le terrain, une
envie de les sortir, et là, tout, tout, tout est bon, la confidentialité,
étirer le débat, etc. Donc, il faut venir, disons, clarifier cet article là,
pourquoi? Parce que, quand on parle de ça, pour moi, qui est avocate, parfois à
l'enfant et parfois à d'autres parties, je me dis: Mais, mon Dieu, on prend du
temps de cour pour, disons, faire du millage. Tu sais, il n'y a pas de
partisanerie là-dedans, il n'y a pas... tu sais, on n'a pas de temps ce cour à
perdre, à savoir, bon, la famille d'accueil qui est là depuis 5 ans, avec
l'enfant, doit-elle rester, etc.? Ça n'a pas lieu d'être. Moi, je pense que
ces précisions-là, c'est dans ce sens-là.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Qu'est-ce que vous pensez de la
représentation systématique des enfants par un avocat?
Mme Leblanc (Mylène) :
Excellente question, je suis contente que vous me la posiez. Je me suis vraiment
questionnée, bon, de un, que ce soit dans le projet de loi, merci, c'est
correct. Par contre, avec les années, sur le terrain, bon, je n'ai pas la
science infuse, mais moi, ça fait 10 ans que je fais ça puis je n'ai jamais vu
de débat où est-ce qu'il n'y avait pas d'avocat à l'enfant, je n'en ai jamais
vu. D'office, c'est souvent la Commission des services juridiques et l'aide
juridique qui va représenter les enfants ou d'autres avocats. Donc, que de
venir cristalliser ce principe-là avec...15, merci, et c'est nécessaire, et ça
prend aussi une formation pour ces avocats-là, pour moi, vraiment, c'est une
spécialisation, et ça prend, ça, oui.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Présentement, est-ce qu'il y en a une
formation pour les avocats?
Mme Leblanc (Mylène) : Comme
a dit le Barreau...
12 h 30 (version non révisée)
Mme Leblanc (Mylène) : ...puis,
oui, tous les avocats, bon, on ne doit pas prendre des mandats qui ne sont pas
bons... auxquels on n'est pas, disons, en harmonie, là, puis qu'on n'a pas la
connaissance et tout ça. On doit... Mais est-ce qu'il y a spécifiquement
beaucoup de formation en droit de la jeunesse? Malheureusement, non. Je dois
dire que non. Et dans des débats très, très pointus, ça pourrait arriver que
l'intérêt de l'enfant, on l'échappe un petit peu.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup de votre réponse.
Alors nous allons poursuivre cet échange avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup pour votre présentation, surtout qu'on a une idée
claire, je pense que le ministre aussi, de comment ça se passe devant les
tribunaux et l'application de la loi de la jurisprudence qu'est ce que ça crée
puis où sont les failles, qu'est ce qu'il faut renforcer. Donc, je pense que ce
ne sera pas la dernière fois qu'on va avoir appel à votre expertise. J'ai peu
de temps, alors j'aimerais aller directement, page 14, 3.3, où vous invoquez
donc la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Il y
a eu un article la semaine dernière qui a créé beaucoup, beaucoup d'inquiétudes.
Et vous dites... bon, ce que vous dites, c'est que les juges, les avocats
disent que, depuis quelque temps, plus de 25 ans, bon, après cette fusion, là,
on voit une absence de plus en plus prononcée depuis un certain temps. La
CDPDJ, ils répondent que, bon, bien, c'est... Quand le tribunal est saisi, il
doit se retirer, etc., et qu'ils sont limités par la loi. Et donc je vais en
vouloir venir à : Qu'est-ce qu'on fait pour créer une institution
indépendante pour bien représenter, surtout dans des cas de lésion des droits,
l'enfant, protéger l'enfant?
Mme Leblanc (Mylène) : ...j'entendais
hier... tu sais, il y avait des commentaires, puis le mot chien de garde est
intervenu. Pour moi, comme juriste, puis, bon, les gens que je côtois en
jeunesse, bon, souvent la CDPDJ, c'est vraiment pour nous le dernier rempart.
Le nombre de cas avec les familles d'accueil où est-ce... une famille
d'accueil, ce n'est pas une partie, mais elle a tellement d'informations
pertinentes que nous, souvent, moi, dans mes dossiers au privé, j'ai appelé la
CDPDJ pour des enfants et son rôle est d'une importance capitale. Et, bon, vous
allez dire: C'est moi qui dis ça, qui suis-je pour dire ça, mais moi, je pense
que l'idéal serait de scinder la CDPDJ actuelle et de dire, bien, qu'il y
aurait une Commission des droits de l'enfant, de la jeunesse et, bon, une
CDP... en tout cas, pour les chartes, bref, d'un côté charte et d'un côté
jeunesse, que ce soit scindé. Et n'oublions pas aussi qu'avec le volet
jeunesse, bien, il y a risque que madame... la commission Laurent, bref, Mme
Laurent avait dans son rapport la question d'un sous commissaire aux Affaires
autochtones à l'enfance, qui est aussi important. Donc, moi, la solution, c'est
de le scinder.
Quant à la présence sur le terrain de la
commission, bien, écoutez, c'est ma vision juridique de mes connaissances à
moi. Quand j'ai lu, en fait, l'article de Mme Moisan, pour ne pas la nommer, je
n'ai pas été surprise. Ça existe, c'est vrai, c'est des choses qui sont
constatées sur le terrain et c'est réellement... ça arrive.
Maintenant, moi, ma connaissance
judiciaire, c'est que le volet jeunesse de la CDPDJ se divise en deux. Donc, il
y a les enquêtes et il y a aussi le côté judiciaire. Puis je dis en deux, mais
ce n'est pas vrai. En fait, c'est beaucoup plus que ça. Si on regarde l'article
23, 23 de la loi actuelle, c'est, en fait, tout ce que doit faire... Les
responsabilités de la CDPDJ sont toutes énumérées à 23 pour le volet jeunesse.
Là où le bât blesse, c'est qu'actuellement, ce que j'entends de l'article qu'on
a tous lu, c'est qu'il semblerait que la CDPDJ, elle, voudrait se concentrer
sur des volets plus systémiques, plus larges. Mais c'est l'un de ces... je
pense qu'il y a cinq sous paragraphes, c'est très, très long, cet article-là.
C'est une chose qu'elle porte dans sa mission, dans sa responsabilité en vertu
de la DPJ. Et la difficulté, c'est que... mais qu'est ce qu'on fait des autres?
Et qu'est-ce qu'on fait de nos dossiers, nous, les juristes, où est-ce qu'on se
dit: Oups, mais ils sont plus là, ils sont rendus où? Qu'est-ce qu'est ce qui
se passe? Le...
Mme Leblanc (Mylène) : ...l'enfant
qui voudrait les appeler, qu'est ce qui se passe avec ça? C'est ça, la...
Mme Rioux (Geneviève) :
...c'est vraiment... ça a énormément sauvé. Tu sais, dans les dernières années,
la fédération, avec les... on accompagnait les familles d'accueil. On a empêché
des lésions de droits importantes. Et, dans les derniers mois, la fin de
non-recevoir, c'est dramatique, là. Actuellement, on n'a plus personne où aller
se tourner, là.
Mme Weil : On va en
venir, donc, à cette fameuse phrase, donc l'article 23 b. Lorsqu'on dit
que, bon, "elle peut intervenir en vertu de la présente loi, à moins que
le tribunal n'en soit saisi déjà". Et on dit qu'il n'y a pas de
jurisprudence sur ce que ça veut dire. Est-ce que vous... Est-ce que c'est dans
ces cas là que vous voyez le désistement, parce que le tribunal en a été saisi?
Ou est-ce que c'est plus large?
Mme Leblanc (Mylène) :
O.K. Dans ses responsabilités, si on regarde juste les enquêtes, O.K., et c'est
vraiment... c'est toute la mécanique. Ma compréhension, c'est que, dans son
volet enquête, et c'est normal, lorsque la CDPDJ fait une enquête et que le
tribunal en est saisi, est saisi de quoi, bien, la situation de l'enfant, il
fait lui aussi sa propre enquête, le tribunal. Donc, ce serait un peu... bien,
encore là, c'est mon opinion, mais une aberration de dire : Bien, on a une
CDPDJ qui enquête sur le même sujet qu'un tribunal hyperspécialisé. Donc, on ne
déploie pas les ressources, et elle met fin à cette enquête-là. C'est mon
interprétation.
Maintenant, si on va plus loin dans
d'autres paragraphes de cet article-là, ce que ça dit, c'est qu'elle prend les
moyens légaux qu'elle juge nécessaires pour que soit corrigée la situation où
les droits des enfants sont lésés. Donc, elle a une fonction légale. Et ce
n'est pas acceptable, individuellement, pour un seul enfant, ou pour
10 enfants, ou pour une communauté d'enfants, qu'elle ne soit pas là. C'est
là qu'est la difficulté. Les enquêtes, ça peut prendre deux semaines, quatre
mois, six mois et on n'oublie pas que le temps a une autre signification pour
un enfant. C'est ça un peu, la mécanique.
Mme Weil : Donc, il y a
certains cas où ils peuvent intervenir et doivent intervenir en vertu de leurs
obligations et puis... parce qu'il n'y a pas de jurisprudence, à moins que le
tribunal n'en soit déjà saisi, mais c'est interprété. Mais vous, les avocats...
parce que j'ai eu beaucoup d'avocats depuis un certain temps qui confirment ce
qu'on a vu dans cet article, mais la CDPDJ en vient à ça, et d'autres limites
qui peuvent avoir. Est-ce que... Bien, la question, c'est : Que
pensez-vous de la création, justement... Bon, vous, vous parlez de scinder et
de créer une entité qui ressemblerait à ce commissaire qui est recommandé par
la commission spéciale?
Mme Leblanc (Mylène) :
Oui, tout à fait.
• (12 h 40) •
Mme Weil : Avec avec
aussi un rôle en amont aussi, parce que...
Une voix : Exact.
Mme Weil
:
...Mme Laurent est venue le dire, c'est plus que juste judiciaire, c'est
aussi engager les jeunes, les enfants, des dialogues pour cette bienveillance,
développer sa bienveillance. Mais, au besoin les familles, l'enfant même
pourrait contacter. Et il y a une expérience en Ontario aussi où ils ont fait
des études là-dessus, où ça fonctionne bien, ce représentant de l'enfant.
Mme Leblanc (Mylène) :
Tout à fait.
Mme Rioux (Geneviève) : En
fait, la commission, nous, dans notre pratique, en tant que famille d'accueil,
ou maman, ou tante... parce qu'il faut comprendre la commission, ce n'est pas
juste pour les enfants hébergés, là, c'est pour tout petit Québécois qui a des
besoins, et tout le monde pouvait appeler parce qu'il y avait une lésion de
droit. Nous, au niveau des familles d'accueil, c'est lorsque les enfants ne
pouvaient pas avoir de traitement d'orthodontie, ne pouvaient pas avoir de
services particuliers, on transférait à la CDPDJ, puis eux, qui ont le droit,
le pouvoir d'aller au niveau de l'établissement, d'avoir des informations
confidentielles, tout ça... On recevait de notre côté un appel de
l'établissement qui disait : Ah! bien, en fin de compte, on va le payer,
l'orthodontie, tout ça. C'était ça, la mécanique. Et, même cette mécanique-là,
là, on parle d'aller devant les tribunaux ou ces choses-là... non, non.
L'orthodontie, je vous le rassure, on n'a jamais été devant les tribunaux. Mais
aujourd'hui cette implication-là, elle n'est même pas là parce que ce n'est pas
un sujet systémique. En effet, tout petit Québécois n'a pas besoin de broches,
mais tout enfant qui en aurait besoin, placé en hébergement, ne devrait pas se
faire dire : Bien, tes parents n'ont pas les moyens de payer, pourquoi
nous, on le paierait?
Mme Weil : Vous faites
une recommandation... qui est très intéressante pour ceux qui sont à la fin de
leur enfance, de 18, 19, 20 ans. Pourquoi les familles d'accueil ne
pourraient pas jouer...
Mme Weil : ...comme nous, les
parents qui ont eu des enfants à cet âge-là et on sait très bien qu'ils ont
besoin d'aide, d'accompagnement, d'orientation. Alors, ces enfants de la DPJ
encore plus, parce qu'ils n'ont pas grandi dans cet environnement. Et là aussi,
je pense qu'il y a un projet, je pense qu'il y a eu un projet pilote en Ontario
qui a montré de... pouvez-vous en parler dans les minutes qui restent?
Mme Rioux (Geneviève) : En
fait, pour nous, c'est important. Il faut comprendre que les cocos, qu'ils
soient placés en début, très jeunes, à 16, 17 ans, quand ils arrivent à leurs
18 ans, ils ont un train de retard. Puis ce n'est pas de leur faute. Ce n'est
pas une question d'intelligence, hein? Plus ton sac à dos est lourd
d'expériences, d'obstacles, plus ça... C'est plus long à avancer. Nous-mêmes...
Moi, je me rappelle, à 18 ans, là, ah, j'avais besoin de ma mère, et sur un
temps, disons-le. Et là on leur dit : Non, non, prends ton petit sac à dos, là,
envoye, tu as 18 ans et un jour. Pas et deux jours, et un jour. Envoye, on te
pousse l'autre bord du nid. On va essayer de te trouver un appartement que tu
n'as pas les moyens de payer. Si on se rend compte qu'il est aux études, bien
on va... Puis il a-tu des prêts et bourses? Non. Bien, on va faire une demande
de solidarité.
Tu sais, on les équipe comme on peut, puis on les
garroche parce qu'ils veulent pouvoir en rentrer d'autres. Nous, on ne peut pas
dire : Non, non, je vais le garder plus longtemps, parce qu'on a un contrat qui
dit que ce lit-là appartient à l'établissement. Mais ces jeunes-là, ils ont
réellement besoin de nous. Puis encore aujourd'hui... Ça fait 17 ans que je
suis famille d'accueil. Mon frère, ça fait 16 ans qu'il est famille d'accueil.
Et ces jeunes de 30 ans viennent nous voir puis ils ont encore besoin de nos
conseils.
On ne vous demande pas de nous permettre de les
garder jusqu'à 30, 40 ans, là. Tu sais, je veux dire, on comprend, là. Mais
tout de moins, de respecter le rythme comme tout... On l'a nommé, hein? Tout
Québécois, petit Québécois, à 18 ans, est-ce qu'il y a une loi qui oblige le
parent à le mettre dehors, à dire : Bien, débrouille-toi? Tu sais, comme les
animaux, là, tu sais, on les pousse en bas de l'arbre, puis : Apprends à voler.
Non, ils ont besoin d'un accompagnement. Puis on a le pouvoir, et c'est simple,
hein? Changez la définition de l'enfant, amenez-le jusqu'à 21 ans. Oui, c'est
simple. Si on veut vraiment, oui, ça va apporter des coûts, ces choses-là, je
comprends, mais il faut les aider. C'est nos futurs adultes.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, madame.
Mme Weil : Merci beaucoup.
C'est un investissement...
Le Président (M. Provençal)
:Alors monsieur le député de
Jean-Lessage, vous prenez le relais?
M. Zanetti : Oui, merci.
Merci beaucoup pour votre présence puis aussi pour votre générosité, là, comme
famille d'accueil. C'est vraiment touchant cet engagement là. J'ai peu de
temps. Je vais aller droit au but. La question de la confidentialité est
soulevée souvent, je sais. Puis je pense que tout le monde comprend ici, là, la
pertinence puis l'importance que les familles d'accueil aient plus
d'informations pour intervenir de façon plus judicieuse pour l'intérêt de
l'enfant, pour que ça se passe mieux en général. La question que ça pose, c'est
: Comment la baliser? Tu sais, qu'est-ce qui... C'est jusqu'où la
confidentialité doit aller ou jusqu'où elle ne doit pas aller? Puis quel genre
d'informations, disons, vous voulez qui soient transmises aux familles
d'accueil?
Puis, hier, il y avait l'Ordre des travailleurs
sociaux et thérapeutes conjugaux qui disait : On peut donner une information
d'une façon qui aide à mieux intervenir, sans nécessairement donner tous les
détails crus de ce qui s'est passé dans l'expérience de l'enfant. Je ne sais
pas si vous avez entendu ce bout-là. Est-ce que vous trouvez que c'est une
position qui est balancée? Ou vous trouvez que c'est risqué que ça ne soit pas
assez? Ou comment vous avez reçu ça?
Mme Leblanc (Mylène) : Bon,
comment on a reçu ça? En fait, on est ici pour une discussion, là. En fait, moi
et la FFARIQ, on n'est pas nécessairement en accord avec cette image-là, au
sens que je crois que la dame a donné une expérience, bon... elle disait un
exemple qui disait, bon, il y avait une histoire de garde-robe dans l'exemple,
ou je ne sais trop, et là... Mais en fait, ce qu'il faut plutôt se demander,
c'est : Moi, actuellement, comme juriste sur le terrain, je me satisfais de ces
articles-là qui sont déjà là. Bon, j'aimerais ça qu'il y ait des petits plus.
Mais la difficulté, en fait, c'est de se dire :
Dans quel intérêt de l'enfant on ne partagerait pas ça si c'est nécessaire? Tu
sais, c'est de venir, encore excusez... flipper la question. Mais pourquoi je
ne dirais pas à la mère d'accueil : C'est un enfant qui a été abusé puis c'est
un enfant qui a peur des garde-robes parce que c'est arrivé là? Dans quel
intérêt de l'enfant on ne dirait pas ça? Je crois que c'est ça, la clé de
cette... de ça.
M. Zanetti : Bien, si,
mettons, je fais l'avocat du diable, je me mets dans la position de l'enfant.
C'est sûr que ça dépend l'âge qu'il a, là, mais je me dis...
M. Zanetti : ...l'enfant il
arrive puis la famille d'accueil est super, elle est généreuse puis tout ça,
mais il ne l'a pas choisi, il ne leur fait pas encore confiance. Il pourrait...
Peut-être qu'à un moment donné il va leur faire confiance, puis il va leur
parler, puis leur dire tout ce qu'il veut. Mais peut-être qu'il veut...
peut-être qu'il préfère qu'ils ne sachent pas tout d'avance. Peut être que,
quand tu as 2 ans, tu ne penses pas à ces affaires-là, mais, quand tu as
neuf, huit ans, 10 ans, tu sais, peut-être que tu te dis : Coudon, je
vais leur dire à mon rythme, mais, en même temps, bon... Ça fait que je me mets
dans... C'est là que moi, je vois l'intérêt de l'enfant.
Mme Rioux (Geneviève) : Ma
mère disait souvent : Si jeunesse savait et si vieillesse pouvait. Je ne
sais pas si vous connaissez ce dicton, mais, quand j'étais jeune à dire :
On sait bien, les parents, on sait rien. Pourquoi je vous nomme ça? Parce qu'il
y a bien des affaires qu'on ne veut pas que nos parents sachent. C'est normal.
Puis il y a bien des affaires qu'on aimerait leur annoncer beaucoup plus tard.
Moi, ça a pris 30 ans avant de lui dire la première fois que j'ai fait du
pouce que... Puis c'était pour son bien. Je vous dirais... Mais l'important...
Tu sais, je vous comprends, il faut respecter le désir de l'enfant, mais est-ce
que, pour créer le lien avec cet enfant là, est ce que, si je l'immerge dans
l'eau, moi, l'expérience que j'aie, c'est un garde-robe ou c'est un bain, puis
l'enfant est en panique, puis, à chaque fois, je lui fais vivre un traumatisme,
puis je ne le sais pas… comment vous voulez qu'il développe un lien de confiance
avec moi? Je le traumatise à chaque fois que je le touche. C'est là un peu,
c'est que, oui, l'enfant, il va venir... Puis qui nous nomme des choses plus
tard, à son rythme, je n'irai pas lui dire : Ah! bien, je le savais déjà.
Tu sais, c'est le rôle de parent de savoir des choses puis de ne pas le nommer,
mais par contre de diriger là-dedans puis d'amener l'enfant à nous amener des
informations. C'est ça, le parent, c'est ça, les intervenants, services de
garde puis... Parce que ça, on le nomme pour tous les gens essentiels autour
des enfants...
M. Zanetti : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Alors, on va terminer cet échange avec le député de
René-Lévesque. À vous.
• (12 h 50) •
M. Ouellet : Merci. Bonjour,
mesdames. Bienheureux d'avoir eu l'opportunité de jaser avec vous avant parce
qu'il y a de la matière dans ce mémoire qui, malheureusement, avec le peu de
temps que j'ai, ne mérite pas que je n'aie pas assez de temps pour approfondir.
Puis le collègue de Jean-Lesage a parlé de confidentialité. On a eu l'occasion
d'en parler. Je suis convaincu du bien-fondé de votre demande. On a eu une
excellente discussion sur 91.1. On aura d'autres téléphones à avoir ensemble
parce que j'ai besoin d'autres précisions et j'aime le postulat que vous amenez
sur l'importance de fixer des délais finaux pour statuer sur le projet de vie.
Je pense que vous donnez une obligation, au législateur, d'agir dans ce sens
là. Mais j'aimerais peut-être avoir une précision sur un point que j'ai vu dans
votre mémoire. L'importance de bien communiquer l'information, donc, la preuve.
Ça, j'aimerais vous entendre là-dessus. C'est... Je suis un peu tombé sur le
derrière, disons-le, comme ça, là, c'est comme si je pensais que c'était
acquis, mais ça ne semble pas le cas. Ça fait que j'aimerais peut-être vous
entendre là-dessus brièvement. Qu'est-ce qu'on doit faire avec ça, là?
Mme Leblanc (Mylène) : O.K.
Disons que je vais circonscrire très rapidement, là, cette difficulté-là, je
vais l'appeler comme ça, cette chose-là qu'il faut amener de l'avant. En fait,
la difficulté, c'est rapporté, là, par plusieurs jurisprudences, c'est un
constat, parfois, on n'est pas dans les cas généraux, on est dans les cas
d'exception de l'exception de l'application de la Loi sur la protection de la
jeunesse, mais parfois il y a des situations où est ce que c'est la protection
de la jeunesse, c'est la DPJ qui va accumuler l'information, la recueillir puis
tout ça, parfois, selon l'idée qu'elle se fait de l'intérêt de l'enfant, avec
bienveillance et tout ça... on a tous des idées, c'est une table ronde, puis
c'est bien correct comme ça, sauf qu'avec sa perception de la chose ils vont
communiquer la preuve dans leur dossier de façon à respecter leur idée. Bon, et
c'est normal, c'est très humain et tout ça. Par contre, en toute bienveillance,
parce que le directeur de la protection de la jeunesse est un expert en la
matière, bien, il faut que les intervenants qui se présentent au tribunal le
soient à livre ouvert, ouvrent leur jeu. Ce n'est pas parce que, pour eux,
telle information qui n'était pas importante doit rester enfouie. Il faut la
révéler de façon complète parce que peut être que cette petite information-là
qui, pour eux, n'avait pas nécessairement beaucoup d'importance, juxtaposée
avec le témoignage de la famille d'accueil, va allumer toute une lumière et va
dire : Attendez, là, monsieur le juge, ça ne fonctionne pas, on a omis de
faire ça, on n'est pas dans l'intérêt de l'enfant. Quand on pratique en
protection de la jeunesse, c'est confidentiel, mais dans cette
confidentialité-là, c'est un livre ouvert. Et c'est là-dessus que...
Mme Leblanc (Mylène) : ...pour
la majorité du temps, je le répète, ça fonctionne bien, la Protection de la
jeunesse et tout ça. Mais, dans les cas d'exception, c'est catastrophique. On
est allé jusqu'à dire dans la jurisprudence qu'on aurait caché des faits.
M. Ouellet : Donc, si je
comprends bien, ce que vous nous dites, c'est: Il ne faut pas... puis je ne
veux pas dire cacher, mais il ne faut pas omettre de transmettre l'information
si on pense qu'avec le jugement qu'on a porté, ça va venir contredire...
Mme Leblanc (Mylène) : Notre
théorie?
M. Ouellet : ...notre
théorie, c'est ça. O.K., O.K.
Mme Leblanc (Mylène) : Exact.
C'est exactement ça, là, mon idée, oui.
M. Ouellet : D'où
l'importance d'une libre circulation d'information dans un contexte
confidentiel?
Mme Leblanc (Mylène) : Oui,
oui.
M. Ouellet : Ça, c'est
correct.
Mme Rioux (Geneviève) : ...de
l'article 83.
M. Ouellet : L'article 83.
Parfait. Y a-tu d'autres choses qu'on peut faire pour favoriser la circulation
de l'information, justement pour le bien-être de l'enfant? Parce qu'on parlait
de confidentialité tout à l'heure, là, de la transmission de la preuve. Est-ce
qu'il y a une autre chose qu'on devrait mettre de l'avant?
Mme Leblanc (Mylène) : Oui.
En fait, on a dans notre mémoire une portion... Parce que le corollaire, pour
nous, des grands pouvoirs qu'on accorderait, par exemple, tu sais, quand on
parle de clarifier les pouvoirs du directeur national ou de la directrice
nationale, etc., puis d'expliquer bien ce qu'il en est... Maintenant, dans la
LBJ actuelle, il y a une immunité, une immunité que je vais qualifier, tu sais,
dans mon langage, de blindée, de mur à mur, ceinture, bretelles, parachute.
Bref, quoi qu'il en soit ou presque, le DPJ ne pourra jamais, ou presque,
répondre de ses actes civilement, O.K., ce qui fait en sorte que, bien,
parfois, ça peut... puis, la majorité du temps, ça marche bien, les choses se
passent bien, mais ça peut, des fois, faire boule de neige et faire des
montagnes parce que, justement, on a retenu, pas malicieusement, mais de
l'information et on est imputable en plus... on n'est pas imputable de ce résultat-là.
Donc, au final, bien, quoi qu'on ait fait, bien, il n'y a pas de réparation
pour cet enfant-là, on n'a pas circulé l'information. C'est des lourds
pouvoirs, puis il faut que... Le pendant de ces lourds pouvoirs là, bien, c'est
de pouvoir les contrôler de...
M. Ouellet : ...ou
l'amoindrir?
Mme Leblanc (Mylène) :
L'amoindrir; pour moi, comme juriste, l'amoindrir, parce que... Je vais prendre
un exemple: par exemple, les policiers n'ont même pas ça, n'ont même pas cette
protection-là, les policiers au Québec n'ont pas ça. Donc.... Mais il y a des
choses... Évidemment, c'est un métier à risque, être intervenant. J'ai du
respect, tu sais, c'est... Ça prend une protection, mais pas mur à mur.
M. Ouellet : Merci beaucoup,
mesdames.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, je vais remercier Me Leblanc et Mme Rioux pour,
premièrement, votre présence et, deuxièmement, votre contribution à nos
travaux. Je suspends les travaux jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 56)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 8)
Le Président (M. Provençal)
:Bienvenue à la Commission de la santé
et des services sociaux. La commission est réunie afin de poursuivre les
consultations particulières et...
Le Président (M. Provençal)
:...auditions publiques sur le projet
de loi numéro 15, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et
d'autres dispositions législatives. Cet après-midi, nous entendrons les
personnes et groupes suivants : la Commission de la santé et des services
sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador, la Commission des
droits de la personne et des droits de la jeunesse, l'Ordre des psychologues du
Québec et monsieur Camil Bouchard.
Je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentants de la Commission de la santé et des services sociaux des
Premières Nations du Québec et du Labrador. Vous avez dix minutes pour votre
exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres
de la commission. Je vous invite à vous présenter et à débuter votre exposé. À
vous la parole.
M. Gray (Richard) : (S'exprime
dans une langue autochtone) Richard Gray… I'm here with Leila
Ben Messaoud Ouellet, and she's our special advisor here on projects at the
commission. All my relations, my brothers and sisters… thank you for giving us
this time to share our voices today. Good afternoon, Mr. President, and welcome
to… today. Mr. Minister Carmant, ladies and gentlemen.
• (15 h 10) •
First, we want to recognize that
we are on unceded First Nations territory, and we take this opportunity to
salute all our brothers and sisters who are listening today on this important
subject that affects the well-being and future of our children and families. As
stated yesterday by APNQL chief Ghislain Picard and chief Mequish of the
community of Obedjiwan, First Nations have never ceded their rights, let alone
the right to decide the future, education and well-being of their children
throughout the territory.
Let me be clear about our position
here today concerning our participation in this hearing. In no way thissignify that we are promoting the Youth
Protection Act over the federal law C-92, an act respecting First Nations,
Inuit and Native children, youth and families. On the contrary, we have been
working hard on trying to minimise the negative effects of the Youth Protection
Act in our communities, well promoting the principals of C-92 and encouraging
communities to fully exercise their… in child and family services under the
federal law or continue using the… economy provincial model. This is their
choice to make, hence the title of our brief : For a law worthy of our
children. Unfortunately, Bill 15 does not recognize the economy… of First
Nations nor that it addresses the choice of which legal regime they may want to
use, as recommended by the Laurent Commission.
It was in a spirit of
collaboration that we actively participated in the work of the standing
committee on the application of the Youth Protection Act and working group on…
specific to First Nations children and families. At the… our participation in
this committee, we were pulled to forget about bringing the Youth Protection
Act into harmonisation with C-92. I want to underline here, we were very
disappointed in receiving this kind of messaging from the bureaucrats managing
this committee. With regards to the bill, we applaud the efforts made by Québec
with the introduction of its bill, but it's clear there are limits to the
current bill for First Nations.
Yesterday, I heard many questions
about the community of Obedjiwan and their law now in force, and the concerns
of their law applying to their children off reserve. I'm sorry to say this, but
I must remind you that I never heard anyone on your commission yesterday raise a
red flag or concern that the community was never informed about their 60
children living off reserve, located in the Saguenay—Lac-Saint-Jean
administrative region, that they were put into care, some permanently. They
were only recently made aware of this, because they were exercising their
jurisdiction and making efforts to collaborate for those off reserve cases.
The Youth Protection Act is
pretty clear, and it says this is not supposed to happen, according to section
72.6.0.1 and 81.1. How can you now raise concerns about their laws applying off
reserve when you see your Youth Protection Act selling them? I think this is a
perfect example of why communities are starting to look seriously at creating
their own laws. You place 60 of their children without ever letting them know,
and most of these cases concern children placed in non-native foster care, and
some have prohibition of parent contact. How many other children have escaped
the communities in this broken system? This is a question that has long been
asked by all communities since the coming… of the Youth Protection Law, and
more particularly since the introduction of maximum placement periods. One must
wonder if these amendments…
M. Gray
(Richard) :
...the
bill will… Will the situation really change? Allow us to doubt this very much.
We raise this doubt because, despite our repeated requests, in 2006, and
several calls to action from various reports, the complete elimination for all
indigenous children from maximum placement periods is not found in bill 15. We
were disappointed and we expected more. Currently, the bill mentions that we
are not limited by these placement periods, but only when a family council has
been formed while the continuity of care and stability of bonding for a child
are essential and already objectives that underpin maximum placement periods.
The need to avoid cultural breakdown of First Nation's children is clear and is
also a fundamental element to consider in the analysis of their interest. Despite
the importance of cultural continuity in the length of the healing process for
parents or guardians who have experienced multiple traumas which maybe longer,
all of these elements should be considered to explain the exemptions of First
Nations from the maximum duration set out in the new protection act, as
recommended in the call to action 108 of the Viens Commission report.
Just a brief reminder for
those not aware, here in Quebec the majority of communities through their First
Nation's child and family services agencies take on certain responsibilities in
youth protection and they all offer… service developed and governed by the
communities themselves. I also want to highlight that these prevention services
have only been financed since 2009 from the federal Government, and that
current youth protection act does not recognize nor promote these services as
the preferred approach to dealing with negligence cases which are the majority
of cases that are being retained in youth protection.
We are encouraged to
finally see bill 15 that these provisions are now finally being recognized. The
question remains though, will the youth protection services truly embrace the
cooperation aspects in bill 15, or choose to continue questioning the ability
of these services? These cooperation aspects must be made stronger like the
principles outline in C-92. I'm now… the… off to Leila.
Mme Ben
Messaoud Ouellet (Leila) : Merci Richard. Hier, plusieurs questions
ont été posées concernant l'article 37.5 de la Loi sur la protection de la
jeunesse, qui prévoit la conclusion d'une entente établissant un régime
particulier de protection de la jeunesse entre le gouvernement du Québec et une
communauté, regroupement de communautés, nation ou regroupements autochtones.
Nous tenons à vous réitérer que, comme le chef de l'APNQL l'a mentionné hier,
la loi C-92 va beaucoup plus loin que l'article 37.5 en ce qu'elle
affirme la compétence des Premières Nations en matière de services à l'enfance
et à la famille. Les ententes du 37.5 ne sont qu'une autre forme de délégation.
Ces ententes, contrairement à la loi fédérale, peuvent s'échelonner sur
plusieurs années avant de se voir concrétiser. Pensons au Conseil de la nation
atikamekw, le sénat ou les communautés attikameks de Manawan et Wemotaci ont
signé une entente 37.5. Ces derniers avaient débuté leurs travaux sur le
régime particulier en protection de la jeunesse en 2002, mais ils n'ont signé
une entente qu'en 2018. Également, nous avons entendu, hier, le ministre
Carmant s'inquiéter que sous C-92, il pourrait y avoir plusieurs lois provenant
d'une même nation. Nous tenons à mentionner qu'il s'agit également d'une
possibilité sous l'article 37.5. D'ailleurs, en quoi avoir une loi qui
répond aux besoins de la communauté même, aux traditions, aux coutumes et
aux... et aux pratiques - pardon - est problématique? Au contraire, selon nous,
cela fait toute la différence.
De plus, l'article 21 du projet de
loi 15 permet à un directeur ou toute autre personne qui agissent en vertu
des articles 32 ou 33, si elle l'estime nécessaire, pour assurer la
protection d'un enfant dont elle a retenu le signalement, pénétrer à toute
heure raisonnable, ou en tout temps dans un cas d'urgence, dans une
installation maintenue par un établissement dans un lieu tenu par un organisme
ou dans lequel un professionnel pratique sa profession afin de prendre
connaissance sur place du dossier de cet enfant et d'en tirer copie. Les
centres de santé sont considérés comme des organismes aux yeux de la loi. Nous
craignons que cette modification du projet de loi entraîne des effets pervers
pour les Premières Nations. En effet, les Premières Nations peuvent ressentir
de la... méfiance - pardon - envers le système de la santé. L'impact d'une
telle modification sur les Premières Nations envers les professionnels est, à
notre avis, trop important pour ne pas être considéré. Il existe tout un
contexte particulier pour les Premières Nations. Pensons aux pensionnats
indiens, la rafle des années...
Mme Ben Messaoud Ouellet (Leila) :
...La discrimination systémique auxquelles font face les Premières Nations et
j'en passe. Encore une fois, comme avec le projet de loi 125 qui prévoyait
la durée maximale d'hébergement, le projet de loi 15 ne prévoit pas
d'extension pour les Premières Nations. On applique ainsi un article sans se
soucier et se questionner sur les répercussions négatives que cela peut
engendrer sur les enfants et familles autochtones. Les familles doivent sentir
qu'elles peuvent aller chercher de l'aide sans qu'elles se sentent menacées.
Nous recommandons d'exempter les organismes des Premières Nations de
l'application de l'article 21.
Depuis le dépôt du rapport de la
commission Laurent, nous demeurons dans l'attente de la mise en œuvre de la
recommandation sur l'instauration d'un poste de commissaire adjoint et de son
équipe, consacré exclusivement aux enjeux entourant les enfants autochtones,
avec le commissaire au bien être et aux droits des enfants. Sachant qu'il
existe une surreprésentation des enfants autochtones en protection de la
jeunesse et que le besoin est criant, est urgent, le travail sur la mise en
œuvre de cette recommandation aurait dû déjà être entamé. Malheureusement, elle
a été reportée dans l'attente de l'adoption du projet de loi.
• (15 h 20) •
Et il me reste un paragraphe, M. le
Président. Finalement, la Loi sur la protection de la jeunesse ne comporte
aucune exigence précise quant à l'accès à des services dans une langue autre
que le français, à un interprète ou à des documents traduits, d'autant plus que
le projet de loi 96 ne vient pas modifier le règlement autorisant les
ordres professionnels à déroger à l'application de l'article 35 de la
Charte de la langue française. Et je cite: «pour étendre l'exemption à tous les
professionnels exerçant leur activité dans une réserve, dans un établissement
où vit une communauté autochtone ou sur les terres de catégorie 1 ou 1-N
au sens de la Loi sur le régime des terres dans les territoires de la
Baie-James et du Nouveau Québec, nonobstant leur lieu de résidence, comme le
recommandait la commission Viens à l'appel à l'action numéro 11...
numéro 12», pardon. C'est pourquoi nous présentons aujourd'hui un mémoire
contenant nos principales recommandations. Nous vous remercions de nous avoir
écoutés. «Meegwetch».
Le Président (M. Provençal)
: merci beaucoup pour la présentation de votre exposé.
D'ailleurs, votre mémoire, je pense qu'il est conjoint avec l'APNQL, alors je
tenais à le signaler. Maintenant, nous allons initier la période d'échange avec
monsieur le ministre. Alors, M. le ministre, je vous cède la parole.
M. Carmant : Merci
beaucoup, monsieur le Président. «Kwe», M. Gray, Madame
Messaoud. Beaucoup d'informations en dix minutes. Premièrement, juste
pour dire, hier, je n'ai pas mentionné ou parlé, là, un fond de 37.5. et j'ai
très bien compris le message, là, de chef Picard, là, sur le c-92 puis la
différence, là. On n'a pas besoin de revenir là-dessus, je pense.
Hier, on a fait une discussion très
ouverte, là, avec monsieur Picard, le chef Mequish sur les différences et
l'implication. Aujourd'hui, on vous a pour avoir la chance de parler un petit
peu du PL 15, ce qui... serait le sujet de la conversation aujourd'hui.
Premièrement, je pense que le projet de
loi est clair, les services de prévention et de première ligne vont être
reconnus. Pouvez-vous me dire quelles sont vos réserves par rapport à
l'application de cette partie-là du projet de loi?
M. Gray
(Richard) : Certainly. I think we mentioned,
earlier in our commentary, that we were happy to see that prevention services
are finally being recognized in Bill 15.
Just to let you know as
well, and I want to repeat this again, we're concerned about the cooperation
aspects that are cited in the articles of law. Because the articles of law say
yes, that there should be some collaboration, cooperation with the services,
but there is also an analysis of their ability to give services. We raise this
red flag again because what happens if youth protection workers aren't familiar
with these services, don't make the effort to understand theses services in the
community? Will they just continue using their youth protection practices and
avoid these kinds of collaboration mechanisms that are now in the law?
You heard me earlier talk
to you about 60 children and… from the community of Obedjiwan that are residing
in Lac-Saint-Jean-Roberval area, and the community wasn't notified. And there
are specific articles of the law, 72.6.01, that speak to the fact that the
communities are supposed to be notified. So here's an example of youth
protection workers…
M. Gray
(Richard) :
...or services not respecting the actual articles of law. We already
know there are some disputes or some trouble around collaboration between
protection services and prevention services that were described in the Laurent
Commission and the Commission... report as well. So, one hopes that the
collaboration that's highlighted in the Bill 15 will be really embraced by the
workers within the Youth protection services and collaborate with those First
Nation protection services. That's our wish. We hope that...
M. Carmant : OK, je comprends
très bien. Puis d'ailleurs, soyez rassuré, là. J'ai déjà demandé de voir
comment c'est... comment ça se fait que ce n'était pas connu, là. On va aller
au bout de la chose.
Deuxième chose que j'aimerais clarifier
avec vous. Moi, je suis un... j'ai été impressionné par le concept de cercle de
famille, à un point tel que j'ai demandé à toutes les DPJ du Québec de
réactiver un programme qui est inspiré de ça, qui s'appelle Ma famille, ma
communauté et qu'il faut mettre partout dans le Québec. Maintenant, je veux
comprendre, quand vous dites que la durée... qu'on élimine la durée maximale de
placement, mais seulement dans le cas où il y a le cercle familial, quelles
seraient les situations où il n'y aurait pas ce cercle familial? Parce que je pensais
que c'était la façon dont ça se faisait dans les communautés.
M. Gray
(Richard) : Mais... I can explain to thatit's a... I think, a practice that comes
from the model, present model, from the... 37.5, where there's family council
put in place. I appreciate the information you're sharing about Ma famille, ma
communauté. It's unfortunate though, when we're looking at maximum placement
periods, that the only time we can talk about getting rid of maximum placement
periods, it's a condition that these kinds of family councils have to be put in
place.
In terms of customs and
practices, I don't want to generalize based on First Nations' customs and
traditions that everybody utilizes family councils as a generalization, I don't
want to make that a generalization, but I believe it's a concept, I think, that
First Nations could easily adopt if it's something that is not part of their
current customs practice or traditions, or something similar, like a family
council. I believe there is some openness around that as well and I'm happy to
see that the Ministry is trying to utilize, I guess, more community resources
in these instances, but again, I repeat, making that link to having to put this
as a condition in order to avoid the limitations on maximum placement periods,
I think it's a little bit of a shortfall of Bill 15. Leila, I don't know if you
want to add anything?
Mme Ben Messaoud Ouellet
(Leila) : Oui. Si je pouvais me permettre, là, monsieur le ministre,
aussi concernant, là, cette formation de conseil de la famille, ça sera plus ou
moins possible ou difficile dans des mesures provisoires ou c'est urgent
d'agir. On croit qu'il y a des difficultés, là, de former un conseil de famille
assez rapidement, puis de mettre en place, comme Richard le mentionnait, des
conseils de famille ou... présentement, je sais qu'il y en a en Outaouais, dans
certaines régions, auprès de certaines communautés, mais ce n'est pas uniforme
à l'échelle régionale. On va donc un peu échapper des enfants, là, de ces
durées maximales d'hébergement là parce qu'il n'y aura pas de conseil de
famille qui va avoir encore été mis sur place. Tu sais, il faut penser aussi à
la logistique, la composition de ce conseil de famille-là sur communauté, là,
comment ça va se concrétiser en réalité, les durées, l'animation de ces
conseils de famille là. Donc, il y a plusieurs choses aussi à voir autour des
conseils de famille. C'est pourquoi nous, on recommande d'exempter l'ensemble
des enfants autochtones, comme le recommandait la commission Viens, parce qu'il
y a un filet de sécurité pour un enfant autochtone, pas juste par le conseil de
famille. Il peut y avoir des révisions, des réévaluations plus serrées auprès
d'un enfant autochtone pour, justement là, permettre que... l'exemption des
durées maximales d'hébergement.
M. Carmant : ...vraiment
compris que c'est un processus plus généralisé, puis que c'était un filet de
sécurité comme vous dites. Moi, je suis très ouvert à l'adapter. Quand il n'y a
pas ce conseil de famille, c'est... comment ça se passe, pouvez-vous me
l'expliquer. Parce qu'on a quand même un certain temps pour l'implanter, ce
n'est pas comme...
M. Gray
(Richard) :
Well,
I think...
M. Gray
(Richard) : ...I think, earlier, as I
mentioned to you, it's going to be important that communities have some
openness to develop a process that meets their needs, that meets their
traditions. I think that has the mandate of, you know, giving the decision
making to the community, rather than in informing the director or Youth Protection.
I think those are important elements that's hould be maintained. But at the
design and process, those are aspects that communities should have input in and
the Youth Protection system should respect those processes and adaptations that
they want to put in place in this regard.
M. Carmant : O.K. Puis le
point est bien fait. Autre point que j'aimerais vous poser comme question, puis
ça, c'est un enjeu, au niveau de la confidentialité, puis de l'échange
d'informations. Quelle est votre crainte par rapport à cette augmentation, là,
de la capacité d'aller chercher de l'information? Pouvez-vous le plus partager
avec moi? Là, vous m'avez parlé des agences. Pourquoi les exempter? Plus on a
de l'information, mieux c'est, non?
• (15 h 30) •
M. Gray
(Richard) :
Well,
I think I'll respond this way. We've noticed that you now included «body» into
the language of those entities, where Youth Protection can go and get
information. So you've enlargened, I guess, the definition of who is targeted
here. And this raises a concern for us, from a First Nation's point of view,
because we have health centers, in our community. And I don't know if you're
aware or if you understand how First Nations services are organized. Normally,
a lot of our members go to health centers to get information, to receive care,
to do consultations, and a lot of these health centers are places where these
prevention services are offered at the same time.
And if you now open up
this definition, broad definition to inclue health and social services centers
in First Nations communities, my fear is that there will be a lot of fears on
the part of First Nations members who are experiencing problems and wanting to
go to these health centers that they view as sanctuaries, as places they can go
ans get healing, and not worried about anybody coming in to intrude into their
private matters. So, this is something that is very sacred, in First Nations
communities, even, you know, leadership, right now, in first Nations
communities, this is something taboo. We treat confidentiality very highly, in
our First Nations communities. So, now, if we're talking about opening doors
for somebody's preventative services and allowing protection workers to come in
to these kinds of settings, I think it will break the trust and confidence that
we're trying to achieve as part of the goal around Bill 15, in terms of
building better prevention services and more links between prevention and youth
protection services. I think there has to be a focus on that. But if you're
going ot say, at the same time: We're trying to build better collaborations,
but we want to come inside and inspect your files, it's really, I think, a
little too much, in my opinion. I don't know, Leila, if you want to add to
that.
M. Carmant : Parce que, tu
sais, nous, le modèle...
Mme Ben
Messaoud Ouellet (Leila) : Bien...
M. Carmant : Go ahead, sorry.
Mme Ben Messaoud Ouellet
(Leila) : Je voulais simplement rajouter que, justement, au niveau des
centres de santé, ils collaborent déjà avec les établissements, les CISSS et
les CIUSSS, pour transmettre l'information aux intervenants. Donc, ce n'est pas
de transmettre l'ensemble du dossier, mais transmettre le suivi des parents et
des enfants. Donc ça, ça se fait déjà.
Comme Richard l'a mentionné, on s'inquiète
un peu au niveau du lien de confiance de l'intervenant avec les parents. Que
l'intervenant allochtone débarque avec ses gros sabots sur la communauté pour
aller consulter un dossier du centre de santé, j'ai peur qu'avec le contexte
particulier des Premières Nations, en sachant que certaines femmes autochtones
qui sont enceintes ne veulent pas obtenir, aller chercher des services, parce
qu'elles ont peur de se faire signaler, qu'avec tout ce contexte là, bien,
malheureusement, on fait que les parents, les enfants ne vont pas chercher des
services en prévention parce qu'ils ont peur que ces informations-là soient
retenues contre eux. Ça fait que c'est pour ça que, pour le contexte
particulier, malheureusement...
15 h 30 (version non révisée)
Mme Ben Messaoud Ouellet (Leila) :
...qui entoure les Premières Nations. On demande, en fait, une extension au
niveau des organes des Premières Nations.
M. Carmant : O.K., je
comprends votre point. Juste pour donner l'image image que, moi, je... L'idée
du législateur, comme on dit, c'est, par exemple, à l'urgence, si le médecin
fait le signalement, bien, l'infirmière, elle, est n'a rien à dire, tu sais,
pour compléter l'information. C'était plus dans ces sens-là. Mais je vois où
est votre position. Monsieur le président, si vous permettez, je passerai la
parole à la députée de Lotbinière Frontenac, s'il vous plaît.
Le Président (M. Provençal)
: Vous avez deux minutes, Mme la
députée.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Pardon? Combien de temps?
Le Président (M. Provençal)
:Deux minutes.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Merci. Bonjour. J'aimerais savoir pourquoi
vous ne voulez pas qu'on modifie la définition de «parent» qui se trouve à
l'article 1.
M. Gray
(Richard) : Leila, I'll let you take this one.
Mme Ben
Messaoud Ouellet (Leila) : Parfait. Bien, merci, Richard. En fait, ce
qu'on trouve particulier avec cette modification là, de «parent», c'est que le
projet de loi 15 crée vraiment une section au niveau des dispositions
particulières aux autochtones. Donc, on vient rajouter de prendre en
considération la continuité culturelle, la collaboration au niveau des services
préventifs de première ligne, mais dans un même temps, on vient restreindre la
définition «parent». Actuellement, quand on regarde la Loi sur la protection de
la jeunesse, la façon dont c'est écrit, c'est que ça comprend aussi le
fournisseur de soins. Le fournisseur de soins, c'est qui? Bien, c'est «kokum»,
c'est grand-maman, grand-papa qui s'occupe de l'enfant actuellement, mais qui
n'est pas tuteur, là, au sens de la loi, mais qui s'occupe de l'enfant depuis
sa naissance. Quand on regarde la définition de la loi actuelle, ça inclut
autant le père et la mère que la grand-mère qui s'occupe vraiment, au jour le
jour, de l'enfant, parce que les parents lui ont confié. Par contre, avec le
projet de loi, là, si je ne me trompe, là, c'est à l'article 2, on vient restreindre
cette définition pour inclure père et mère, ou tuteur au sens vraiment de la
loi, donc un tuteur... un tuteur qui a été nommé par les juges. Puis on sait
que les Premières Nations ne vont pas aux tribunaux, là, pour faire nommer un
tuteur. Mais c'est cette modification, ce que'elle fait, c'est que les grands-parents
devront se présenter en cour pour demander d'être partie au dossier, d'être
entendus, pour être entendus au dossier de l'enfant, tandis que quand tu es un
fournisseur de soins, quand tu es inclus comme parent de facto, tu n'as pas
besoin de faire une demande pour être entendu au dossier, tu es déjà inclus de
facto à l'audience, parce que c'est toi qui s'occupe de l'enfant au jour le
jour, c'est toi qui connais vraiment les besoins de l'enfant. Il s'en occupe au
jour le jour. Donc, c'est vraiment au niveau administratif, c'est pour éviter
aux grands-parents de devoir demander aux juges de se faire entendre, d'être
partie à l'audience. Donc, nous, on dit : Bien, on devrait inclure, pour les
Premières Nations, les fournisseurs de soins, ces personnes-là qui s'occupent
au jour le jour de l'enfant parce que les parents auront confié la garde.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons
poursuivre cet échange avec la députée de Notre Dame de Grâce. Je vous cède la
parole, madame.
Mme Weil : Merci, Monsieur le
Président. Alors, «kwei», donc, M. Gray et Mme Ouellet. I can
go in English, you know, for part of it, in French for the other part. I'm
going to start in English. Yesterday, we had a kind of very interesting
conversation because we went broad, we went broad and talked about Bill C-92
and the impatience of the community. And I mentioned that there were a few
number of groups that came, you know, sort of the regular groups have come, they represent civil society,
and I was struck by the… sort of a sense of understanding, where people have
reached that point now because there's been a lot of efforts and there's been a
lot of tragedies, and that it sensitizes people.
And so, I want to get to
Bill-C92 in the approach that is taken, and understand you're getting into the
technicalities, but I think it's useful to people to hear the bigger discussio,
and then, then, it's easier for most of us. We haven't really, you know, we don't have as much… So, I have
lived a little experience with them when we went to visit a nation, Lac-Simon,
and it was a visit organised by the Government, and it was a wonderful experience. And I've got to chat with a
social worker for the whole evening and she really explained to me everything. She…
well, everything, she explained the approach, she explained why they're in the
best position, they help children who've had trauma. She said: We can handle this,
you know. But it was a really wonderful
discussion and it's so concrete, kind of examples that helped people, and sort
of move on. So, I want to understand if you could just, and for…
Mme Weil : ...wasn't listening to us, en français, en anglais, whatever. C-92
and what... because most of us are not, you know, our studies have been in other areas, there have been efforts
though to sensitize all of us qat the National
Assembly. We had a great course that we all had to
take. It was wonderful. Just explains it for the people. And then, we can get
in the things that rally need to change fast as you wait for a bigger
discussion on C-92. What is it about, you know, the insufficiencies obviously in Bill 16 that you are mentioning?
But big picture.
M. Gray
(Richard) : Yes. Well, I think Chief Picard
and Chief Mequish gave good testimony yesterday about C-92. And the affirmation
that jurisdiction for child and family services rest with First Nations
communities. And I want to reiterate this to you and to everybody in the commission, and anybody who is listening,
First Nations have inherent rights. We have jurisdictions. We've been subject
to colonization since founding of the constitution and we've never had
discussions with First Nations around those inherent rights. Provinces, now,
act as colonial powers, want to keep those powers and don't want to share. And
when we talk about the Court of Appeals challenge, we see Québec challenging
the First nations through the Québec Court of Appeals process. Again, as an example that we're not
willing to really recognize those inherent rights.
• (15 h 40) •
So, for First Nations,
this is very hurtful, and very disrespectful. We've been pleading since…
telling it like it is over 30 years, now, saying: Look, we have to have
conversations about how we could better improve the Youth Protection Act. It's
a law that's being imposed on us. It's a colonial law. We didn't ask for this.
We see now C-92 as an opportunity for First Nations create our own laws that
govern us, by First Nations, for First Nations.
First Nations communities
like Obedjiwan have been experiencing and using the Youth Protection Act for
25 years now, for over 25 years. They know the shortcomings of the
Youth Protection Act. They have made the choice which the law allows under C-92
through the section 20 process on notification to get… to exercise your
jurisdiction, but also to get involved in coordination agreements. This process
allowed them to basically give notice to the Government about their intention. So, they exercise their right in terms of
serving notice about their intention to exercise their jurisdiction.
They also have another
process to go through to enter into a coordination agreement discussion. They
wanted to sit down with Québec
and have discussions with Québec about their law. They have a minimum of twelve months that they
have to wait before their law becomes force of law for their benefit, but they
also have to make reasonable leverage in order to reach that threshold before their
law becomes force of law within this twelve months window. That's the minimum.
Because Québec chose not to
participate in these discussions and only in the end as observers, you know, it created a lot of uncertainty in
terms of how the jurisdictions would cooperate and speak with one another.
So, I'm getting back to
my point, here, about coordination agreements which is really an important
element within C-92. The health jurisdictions talk with each other about how
they're going to work with each one another, how they're going to cooperate,
how are they going to collaborate. Is Québec willing to even share resources to the First Nations communities?
So, those are some of the matters that are supposed to be discussed in these
coordination agreements.
The other element that's
in C-92 are those minimum standards, I call them. For instance, I believe there
is section… They're from section 10 to section 18 in law C-92. But just to give
you an example, the standards basically say that you're no longer supposed to
use poverty as a factor when it comes to deciding whether a case becomes a
protection case. The standard is pretty clear, saying: No. Stop using poverty
as an excuse to bring kids in care. Use prevention services to work with those
families and support them. The other element…
M. Gray
(Richard) :
...that
the standards talk about, I'm just naming a few of them here, but… is priority
of placement. We finally see now in Bill 15 that Québec has moved towards
mirroring the C-92 standards when it comes to placement, I believe, there's
section 16 about priority of placement. You know, what we just… what the
community talked about yesterday in terms of having found out when they asked
Québec about these Youth Protection files of community and finding out that 60
of the kids have been placed without the community being notified… you know,
I'm sorry, but I'm still having a hard time getting my head around this. This
is not supposed to happen now with this changes that Bill 15 is proposing, but
also because of the standards that exist in C-92. This shouldn't be happening
at all, you know. Service providers, First Nations, non-First Nations should be
working with the communities to make them aware that they're interacting with
First Nations families, regardless of residency.
Mme Weil : Thank you. OK. So, I have two minutes, but… Fascinating, thank you. That was very helpful. So, we
have Bill 15 before us, and if you were to make a recommendation… So… what
happened, and you would want to make sure that there's an article in Bill 15,
because that's what before us right now, I mean… efforts are ongoing, but we
have Bill 15 before us. Are there measures in Bill 15 or is there an amendment
that you would bring to make sure that that never happens again? Obviously, the
law is fuzzy right now if that happens… the practices.
M. Gray
(Richard) : Well… Yes. Well, Bill 15 talks
about placements having to occur in First Nations communities with extended
family. So, I think this is an important addition that's coming in Bill 15, and
like I said it mirrors the principles in C-92, which is very important.
The thing that we really
wanted out the Youth Protection Act completely was this whole notion of maximum
placement periods. We wanted that out. We've been arguing against this since
2006, when it was first introduced. You can imagine, in 2006, I mentioned
earlier in my speech that we had no investment of prevention services in our
First Nations communities, zero. The only service that was available for First
Nations communities to access were Youth Protection services. So, we had more
kids coming in… than ever before, and it's been… that door has been there ever
since. It's only now that we see the Youth Protection Act through Bill 15
saying: OK, First Nations communities now have prevention services. We think we
have to start working with them so that we can start dealing with cases of
negligence, start dealing with those cases where prevention services can better
deal with them than prevention services. And First Nations communities now have
these services.
So, getting rid of these
maximum placement periods, in my opinion, is something that's critical. Right
now, the way Bill 15 is reading, it's being contingent on a family council
being put in place. I think family… concepts of family councils are important
and are good, and that's for First Nations communities to decide if they want
to use them or not. But making that as a condition to put in place before you
get rid of these maximum placement periods, I think, is not respecting the
spirit of the commission Laurent report, it's not respecting the spirit of the
commission Viens report, and it's something we've been asking since 2006. And
you see in our brief the results of that, you know, First Nations kids are
still coming… when you look at the number of cases, around 85% of the youth
protection cases are dealing with negligence. Youth protection is not the best
means to deal with negligence, prevention services are. So, that's what I
wanted to contribute to that.
Mme Weil : Thank you very much. It was very helpful. Thank
you.
Le Président (M. Provençal) :
Merci beaucoup. Alors, nous allons poursuivre cet échange avec le député de
Jean-Lesage. Alors, monsieur le député, je vous cède la parole.
M. Zanetti : Merci,
monsieur le Président. Merci beaucoup pour votre présence et votre message.
Bon, moi, je suis un député de Québec
solidaire puis je suis en faveur non seulement de la souveraineté du peuple
québécois, mais aussi de la souveraineté des peuples autochtones. Et je veux
que... Je le dis pour que ce soit clair, pour que ma question soit bien
comprise, là. Nous aussi, on voudrait que le p.l. no 15 aille plus loin
puis aille jusqu'au bout, en fait, dans l'idée de remettre entre les mains des
peuples autochtones...
M. Zanetti : ...la
protection de la jeunesse. Ma question est la suivante : Comment
souhaiteriez-vous que l'interaction... Souhaiteriez-vous qu'il y ait ou qu'il
n'y ait pas une interaction entre les systèmes de protection de la jeunesse
autochtones et les systèmes de protection de la jeunesse québécois, dans un modèle
où l'autodétermination des peuples autochtones serait reconnue? Par exemple,
parce que ça a été soulevé, puis je n'ai pas tout à fait bien compris ce que
vous avez dit en introduction par rapport aux enfants qui seraient en dehors du
territoire de la communauté. Est-ce que... Comment est-ce que vous voudriez que
ça fonctionne pour que vos services s'occupent de ces enfants-là?
M. Gray
(Richard) : Well, I'll return back to my
statement I made at the beginning for you. I said that the community, when they
created their law, that started collaborate… they wanted to collaborate with
the local centres jeunesse. The community of Obedjiwan is uniquely situated.
All lot of their members reside in La Tuque, a lot of them reside in
Roberval, so they deal with two centres jeunesse, le centre jeunesse Mauricie
et le centre jeunesse Saguenay—Lac-Saint-Jean. I think the chief explained yesterday that the collaboration,
discussions they were having were going very, very well. They were encouraged
that, at least on the ground, in those two regions, the CIUSSS were going to
collaborate with the community on the implantation of their law. They were
sharing files with the community that they had open for off-reserve community
members.
• (15 h 50) •
In the community, the
community, as I mentioned early, has been managing their youth protection
services under… agreement for over 25 years. They know who's in their
community, they know how the youth protection act operates, they're masters of
it. They reached a point where now they feel like: Look, the youth protection
act is not meeting our needs. They saw an opportunity here to create their own
law that covers all of their members, regardless of their residency. So, that's
why they reached out to the CIUSSS and asked them: Who are your files you have
on our members that are off community. We want to talk with them, we want to
have discussions with them.
As a matter of fact, the
chief to us, in our conversation, within that when their law came into force,
off-reserve community were reaching to the chief saying: Help us. Le centre
jeunesse is ignoring your law, they're telling us: You have to follow the youth
protection law, instead of following your community law. So, the community
members were very traumatized by the fact that the protection agencies were
telling them: We're not… we're following Québec law, you have to listen to us. They were totally ignoring the
community's law.
For me, I think that
that's very disrespectful to the community, it's not respecting the rule of law
at all for the community. You know, I think that the Government should have shown leadership and said: Hey, this discussion is in the hand of the court of
appeal right now. Until that decision comes out, the rule of law stands, you
have to work with the community, and collaborate with them, and cooperate with,
and talk about how you're going to work together for the members that are currently in youth
protection off the community. That's not happening, that's what the chief said
yesterday. That's unfortunate. So, that's an obvious we'd like to see, if they…
the mentally, the cooperation and collaboration by the Government when it comes to the community's law.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons poursuivre maintenant avec le
député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci
beaucoup. «Kwe». Merci d'être avec nous. J'essaie de bien comprendre l'énorme
distinction que vous faites entre la loi C-92 et les dispositions
actuelles qui étaient permises à travers la Loi sur la protection de la
jeunesse, de l'article 32 et 33. Est-ce que vous pouvez me donner la grande
différence en matière de gestion ou la grande différence en matière
d'application des propres lois que C-92 permet aux communautés versus ce que
l'article 32 et 33 permettrait ou au permet encore aux communautés? Quelle
est la grande différence?
M. Gray (Richard) : Mais
la grande différence, c'est le fait que le ministère Québec est responsable,
via les organisations, les institutions comme les CISSS, CIUSSS, qui nommaient
un directeur de la protection de la jeunesse pour la communauté. Ils vont
construire leurs propres lois et ils vont...
M. Gray (Richard) : ...nommer
les «authority» par eux-mêmes. Ça veut dire... est maintenant par la
«community», et pas le ministères de Québec, et pas la DPJ de Québec puis ses
institutions, le CISSS, CIUSSS. Ça, c'est la grande différence, «the
imputability». Le «imputability» reste avec les «community» et pas à Québec.
Ça, c'est la grande différence, c'est le fait que les juridictions pour les...
ce n'est plus eux et pas eux, maintenant, via leurs propres lois. Ça veut dire,
il n'y a pas d'«imputability» à Québec. Quand il fait le suivi des dossiers
dans leur «community», ce n'est pas leur instance, «authority», comme le chef
est... via les institutions, ils ont créé, et ils vont créer leurs propres
services, et ils vont offrir ses services à la population. Ça, c'est la loi
comme la «community»... a créé maintenant.
Les juridictions, évidemment, ils doivent
collaborer ensemble pour voir comment... s'il y a une personne qui vit hors
«community» et la loi «community», c'est pour tout le monde malgré la
résidence. Ça veut dire, les juridictions doivent collaborer ensemble et
discuter ensemble. Pour moi, la grande différence, c'est la reconnaissance...
des droits ancestraux qui permettent la «community» de créer leurs propres
lois. Maintenant, la loi protection de la jeunesse, c'est vraiment une loi
coloniale par la province qui a imposée sur la «community». Et les pouvoirs
restent avec le directeur de protection de la jeunesse qui va dire : Oui,
vous avez fait «responsibility» via section 32 ou 33 et qui peut réitérer
ça à n'importe quel moment ou décider... une décision, le «community» n'aime
pas.
Maintenant, j'ai mentionné, tout à
l'heure, ils ont prise en charge 60 enfants de la «community» hors
«community», O.K., qui vivent hors «community», sans nommer... sans informer le
«community» qu'ils ont fait ça. Maintenant, avec la loi communautaire, c'est
juridiction affirmée par le «community» que : Aïe! C'est assez, vous ne
pouvez pas faire ça avec nos enfants, vous avez maintenant une obligation
légale de parler à nous quand ça touche nos enfants. Je pense que ça, c'est la
grande distinction que j'aimerais apporter, mais elle est là. Je ne sais pas si
vous avez d'autres choses... vous pouvez ajouter.
Le Président (M. Provençal)
: Bien, rapidement, s'il vous plaît.
Mme Ben Messaoud Ouellet
(Leila) : Non, ça fait le tour, Richard.
Le Président (M. Provençal)
: Bien, je vous...
M. Ouellet : ...comprends
bien, ce n'est pas juste de créer l'institution ou l'organisation qui s'en
occupe, mais c'est de décider, de quelle façon, dans quelle loi, dans quelle
obligation, la communauté peut exercer sa protection en matière de jeunesse.
C'est ce que je comprends, là.
M. Gray (Richard) : Oui.
M. Ouellet : O.K.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre contribution et votre
participation à nos travaux.
Je suspends les travaux pour pouvoir
accueillir le prochain groupe. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 15 h 57)
(Reprise à 16 heures)
Le Président (M. Provençal)
: Je souhaite la bienvenue aux représentants de la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je vous
rappelle que vous aurez 10 minutes pour votre présentation et par la suite,
nous procéderons aux échanges avec les membres de la commission. Alors,
mesdames, je vous cède la parole.
Mme Arpin (Suzanne) : M. le
Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, je suis Suzanne
Arpin, vice-présidente de la Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse, responsable du mandat jeunesse. Je suis accompagnée de Me
Catherine Gauvreau, Me Karina Montminy et Me Yiolaine Williams, conseillères
juridiques à la commission.
Je tiens d'abord à mettre de l'avant que
la commission inscrit son action dans une perspective globale de promotion et
de défense des droits des enfants en reconnaissant qu'ils sont des personnes à
part entière à qui il faut donner une voix en toutes circonstances. Elle érige
l'intérêt de l'enfant au titre de considération primordiale qui doit être au
premier plan dans toutes les interventions réalisées à leur endroit.
Pour la Commission, la protection des
enfants du Québec est une responsabilité collective qui revient à la fois aux parents,
à l'entourage des enfants, aux DPJ, aux acteurs du système judiciaire, aux
organismes institutionnels et du milieu ainsi qu'au gouvernement.
À titre d'institution publique gardienne
des droits des enfants, la commission fait partie de cet ensemble qui forme le
filet de protection de l'enfant. Elle y joue un rôle unique par la combinaison
des pouvoirs et fonctions que lui confèrent la LPJ et la Charte des droits et
libertés de la personne.
La commission exerce d'une part une
mission spécifique quant à la protection de l'intérêt de l'enfant et au respect
de ses droits qui lui sont reconnus par la LPJ, et étant une Commission des
droits de la personne, une mission plus large en droit de la personne qui
inclut la promotion et le respect des droits de l'ensemble des enfants en vertu
de la charte, dont le droit à l'égalité.
Comme le prévoit la LPJ, la commission
peut notamment intervenir sur demande ou de sa propre initiative lorsqu'elle a
des raisons de croire que les droits d'un enfant ou d'un groupe d'enfants dont
la situation est prise en charge par la DPJ sont lésés. Elle mène des enquêtes
individuelles ou systémiques et dispose du pouvoir de saisir le tribunal
lorsque l'intérêt des enfants le commande. La Commission peut d'ailleurs
utiliser la voie judiciaire lorsqu'elle juge nécessaire que soit corrigée la
situation ou les droits d'un enfant ont été lésés. Ces fonctions incluent
également celle de faire de l'éducation aux droits, des recommandations aux
différents acteurs institutionnels et gouvernementaux ainsi que de la
recherche. Étant donné la mission et les responsabilités fondamentales que la
commission exerce afin de s'assurer que les droits de l'ensemble des enfants du
Québec soient pleinement respectés...
16 h (version non révisée)
Mme Arpin (Suzanne) : ...la
réforme de la LPJ l'interpelle au plus haut point. Elle constitue, à ses yeux,
un premier jalon de plusieurs chantiers annoncés par le gouvernement, qui
doivent ultimement mener à une véritable reconnaissance des droits de l'enfant
et de son intérêt. C'est dans cette perspective et à la lumière des différents
travaux qu'elle a menés, que la commission a analysé le projet de loi. Au fil
des ans, à travers de nombreuses enquêtes, elle a dégagé des problématiques
récurrentes d'application de la LPJ, ayant comme conséquence de léser les
droits des enfants. La commission a formulé des recommandations de différentes
natures aux DPJ, aux établissements de santé et de services sociaux ainsi qu'à
divers ministères. La commission salue ainsi les ajouts proposés à son
préambule et à l'article 3 de la LPJ, qui reconnaîtrait explicitement que
l'intérêt de l'enfant est une considération primordiale dans toute décision
prise à son sujet. La commission accueille de même, avec satisfaction, l'énoncé
dans le préambule à l'effet que le Québec s'est déclaré lié par la Convention
relative aux droits de l'enfant. Il doit largement comprendre que les droits
contenus à la LPJ doivent s'interpréter et s'appliquer en tenant compte de
cette convention. La commission recommande toutefois de modifier l'article 3 de
la LPJ pour ajouter les caractéristiques de l'identité culturelle des enfants
racisés et des enfants des minorités ethniques aux facteurs à prendre en
considération lorsque des décisions doivent être prises en vertu de cette loi,
et ce, dans l'intérêt de l'enfant et dans le respect de ses droits.
Sur un autre sujet, la commission estime
essentiel, dans le cadre du présent exercice, de rappeler les grands fondements
de principe du maintien en milieu familial de l'enfant. Il prend sa source dans
la charte et dans la LPJ, ainsi que dans la Convention relative aux droits de
l'enfant. Insistons ici sur le fait que la LPJ est une loi d'exception qui
constitue une intrusion dans la vie privée des familles. Des interventions
privilégiant que l'enfant demeure dans son milieu familial doivent d'abord être
évaluées et mises en place, et cela, en fonction de son intérêt. C'est pourquoi
la commission recommande de modifier le projet de loi pour qu'il soit clair que,
l'objectif de l'intervention, en matière de protection de la jeunesse, prévu à
l'article 4, soit que l'enfant demeure confié à ses parents, à moins que cela
soit contraire à son intérêt. La commission est favorable à l'ajout des termes
«avec intensité requise» à l'article 8 qui porte sur les services, mais juge
essentiel que le gouvernement agisse, dès maintenant, plus largement pour
garantir la mise en oeuvre du droit aux services visés à cet article, sans quoi
la modification proposée risque de rater sa cible. Ainsi, la commission réitère
à nouveau les recommandations formulées dans son dernier rapport sur la mise en
œuvre de la LPJ, qui portait spécifiquement sur les délais d'intervention de DPJ
et sur l'accès aux services requis dans l'ensemble des missions des CISSS et
des CIUSSS.
La commission estime par ailleurs que,
malgré le progrès que la modification, à l'article 9 de la LPJ, représenterait,
quant au droit de l'enfant à des contacts avec des personnes significatives,
elle s'avère insignifiante... insuffisante, je m'excuse, au regard du droit de
l'enfant à des communications confidentielles. À l'heure actuelle, elle
continue de constater que des enfants placés en milieu substitut se voient
refuser des contacts avec des tiers, incluant des personnes significatives pour
l'enfant, et ce, pour des motifs et en suivant une procédure qui ne sont pas
conformes à la loi. La commission recommande ainsi à nouveau de rendre la loi
plus claire et explicite quant aux pouvoirs du DPJ à ce sujet.
Dans un autre ordre d'idées, le projet de
loi propose d'introduire des mesures spécifiques à la LPJ pour tenir compte des
situations des enfants autochtones et de leurs familles. La position de la
commission est claire à ce sujet: Il est essentiel de reconnaître le droit à
l'autodétermination des peuples autochtones en ce qui concerne le bien-être de
leurs enfants. Il revient aux seules nations autochtones de savoir et de
déterminer quel est le meilleur intérêt des enfants autochtones et, par
conséquent, de prendre en charge leur propre système de protection de la
jeunesse. Depuis des années, la commission insiste sur l'urgence d'agir pour
modifier les pratiques des DPJ dans l'intervention auprès des enfants
autochtones. Elle a appuyé, sans restriction, les appels à l'action proposés
par la Commission Viens en matière de protection de la jeunesse. Elle considère
que le gouvernement du Québec et les autorités autochtones doivent les mettre
en place afin d'offrir un système de protection respectueux des droits des enfants
autochtones. La commission fait part, dans son mémoire, de ses observations et
commentaires en lien avec le présent projet de loi...
Mme Arpin (Suzanne) :
...La commission traite ensuite dans son mémoire d'autres sujets d'importance:
le partage des renseignements confidentiels et l'accès aux dossiers. Elle
explique la raison d'être du régime de confidentialité prévu dans la LPJ,
lequel repose notamment sur les risques reliés à la stigmatisation de l'enfant
pris en charge par le système de protection de la jeunesse ainsi que
l'intrusion dans la vie privée des familles que représente l'intervention en
protection de la jeunesse. Le principe de confidentialité n'est cependant pas
absolu. Des dispositions particulières de cette loi permettent déjà la divulgation
de renseignements qui sont nécessaires afin de garantir la protection de
l'enfant et le respect de ses droits.
Dans le cadre de ses interventions, la
Commission a rappelé à plusieurs reprises l'importance de protéger les
renseignements confidentiels des enfants et de leurs parents, ceux-ci étant
reconnus comme une composante du droit au respect de la vie privée. Elle a
notamment mis de l'avant que les problèmes de communication en lien avec les
renseignements confidentiels résidaient dans l'application des règles de
confidentialité et non dans la formulation des dispositions applicables.
L'ajout d'un principe d'interprétation en faveur de la communication de
renseignements, si elle est justifiée par l'intérêt de l'enfant ou la
protection d'un autre enfant, proposé par le projet de loi répondrait en partie
aux préoccupations de la Commission à ce sujet. Ceci dit, la Commission indique
dans son mémoire quelques réserves relatives à la portée de certaines
dispositions du projet de loi facilitant la divulgation des renseignements
personnels.
• (16 h 10) •
La Commission se réjouit de la
reconnaissance du rôle du ministre à l'égard des enfants en protection de la
jeunesse, ce qui répondrait à sa recommandation de renforcer les
responsabilités ministérielles en vue de veiller au respect des droits des
enfants. Elle demeure toutefois convaincue de la pertinence d'attribuer à un
ministre la responsabilité de veiller au respect des droits de tous les enfants
dans la prise des décisions au sein de l'appareil gouvernemental, obligation
qui incombe au gouvernement quant à la mise en oeuvre des droits des enfants au
Québec. Elle invite ainsi le gouvernement à poursuivre ses travaux dans cette
visée.
La Commission a en outre insisté sur la
nécessité d'uniformiser les pratiques des DPJ et relevé l'absence d'entité
nationale permettant d'assurer la cohérence de leurs actions au niveau du
Québec. La commission actuelle accueille donc avec satisfaction l'institution
d'un directeur national de la protection de la jeunesse dont les
responsabilités seraient de cette nature. La Commission entend poursuivre
l'exercice de ses mandats en collaboration avec cette nouvelle instance en
regard de la promotion et la défense des droits de l'enfant.
En terminant, la commission a rappelé
qu'il existe au Québec un ensemble d'acteurs qui oeuvrent auprès des enfants et
de leur famille pour assurer la promotion et la défense de leurs droits. Le
rapport est nécessaire au fonctionnement effectif de l'ordre et de
l'organisation des services destinés aux enfants et à leur famille au sein de
la société québécoise. La Commission ne peut qu'insister sur l'importance de
développer une meilleure collaboration entre l'ensemble des acteurs concourant
au bien être de l'enfant de même qu'au respect de ses droits. Je vous remercie.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre exposé, madame. Nous allons
maintenant débuter nos échanges avec le ministre. Alors, Monsieur le ministre,
je vous cède la Parole.
M. Carmant : Merci
beaucoup. Merci beaucoup, me Arpin. Merci à toutes d'être présentes
aujourd'hui.
Le Président (M. Provençal)
: ...pour informer l'ensemble des membres que le mémoire
final est déposé sur Greffier maintenant pour.... le Mémoire de la commission.
M. Carmant : Oui. Puis
j'ai lu en diagonale mais pas si vite que ça. Je vais je partir de ce que vous
avez dit, puis ce que j'ai pu voir, rapidement, dans vos recommandations. Mais,
je pense, il faut aller directement dans le sujet. Quand on lit la
recommandation 1, où vous dites que en matière de procréation... En
protection de la jeunesse, la priorité soit le maintien de l'enfant dans son
milieu familial, à moins que... soit contraire à son intérêt. Ce n'est pas
clair que ça va dans le sens des recommandations de la commission spéciale.
Êtes vous en accord ou en désaccord avec ce que... le rapport de la commission
spéciale sur la primauté de l'intérêt de l'enfant?
Mme Arpin (Suzanne) : En
fait, ce que l'on dit, c'est que en droit, il est bien reconnu qu'à moins que
ce soit contraire à son intérêt, qui doit être la considération primordiale
dans l'application de la LPJ, il devrait être auprès de ses parents. Tant la
Charte que le Code civil que la Loi de la protection de la jeunesse reconnaissent
que les parents sont les premiers responsables de leur enfant, et le projet de
loi énonce des devoirs et des responsabilités des parents. Donc, il faut
mettre, donc, en...
Mme Arpin (Suzanne) : ...il
faut mettre en place des services qui vont venir soutenir les parents pour
assumer leur rôle de parents et, dans le cas échéant, mettre fin à la situation
de compromission, parce que le principe la Loi de la protection de la jeunesse,
c'est est de mettre fin à la situation de compromission et de voir à ce qu'elle
ne se reproduise pas, ça, c'est la philosophie de base. Maintenant, quand il
n'est pas... quand c'est contraire à l'intérêt de l'enfant de demeurer auprès
de ses parents, il ne sera pas auprès de ses parents.
M. Carmant : O.K. La ligne
est fine, mais je vois votre point. Une chose que j'aimerais vous poser tout de
suite, c'est qu'il y a plusieurs des groupes qui sont passés, qui nous ont
parlé, là, du rôle tellement important de la Commission des droits de la
personne, droits de la jeunesse, puis comment ça les a aidés avec des cas
problématiques. Mais ils nous disent que, récemment, ils sentent que vous
semblez moins interactifs ou moins présents sur le terrain, est-ce qu'il y a eu
un changement récemment, est-ce que c'est le cas? Pouvez-vous me commenter ce
que les gens ont dit hier et aujourd'hui?
Mme Arpin (Suzanne) : Oui,
tout à fait. Alors non, il n'y a pas de changement, le mandat et la mission de
la commission demeure toujours le même. On a toujours deux grands axes dans lesquels
on peut se déployer, soit de faire des enquêtes, ce qu'on fait depuis 40 ans,
ou soit d'intervenir au niveau judiciaire. Et, au niveau judiciaire, bien, nos
mandats n'ont pas changé. Nous, notre niche, comme vous le savez, monsieur le
ministre, c'est vraiment les lésions de droit. Donc, quand on intervient ou
quand on enquête, c'est vraiment uniquement dans le but de... quand on a des
raisons de croire qu'il y a une lésion de droit. Comme toute organisation agile
puis qui veut faire plus et qui se pose toujours la question: Qu'est-ce qu'on
peut faire de plus, de mieux pour les enfants pour lesquels on a le mandat de
protéger en termes de lésion de droit? Bien, on réfléchit et on se dit: Est-ce
qu'il y a des actions qui pourraient être beaucoup plus porteuses que, par
exemple, on va toujours continuer à faire des dossiers individuels d'enfants au
tribunal en lésion de droit, mais ce qu'on est en train de regarder, c'est:
Comment est-ce qu'on pourrait avoir une plus grande portée pour nos enfants qui
seraient, par exemple, dans une situation de lésion de droit?
D'ailleurs, on fait une recommandation, à
cet effet-là, que le juge à la Chambre de la jeunesse puisse, dans des dossiers
individuels en protection ou en lésion de droit, faire des ordonnances qui
seraient de nature systémique. Alors, on aurait un dossier d'enfant, pour
lequel il y aurait un correctif qui serait apporté pour cet enfant- là, mais en
même temps, on pourrait aller chercher un correctif préventif pour des
centaines d'autres enfants. Donc, on était au tribunal, on continue à y aller,
on va continuer à y aller, mais, par exemple, il y a des dossiers où, quand on
réalise que ce n'est pas un dossier de lésion de droit, là on n'est pas dans
notre mandat. La semaine dernière, une de mes collègues a obtenu justement...
on a obtenu une homologation de jugement sur le fait que la DPJ a reconnu,
devant le tribunal, les lésions de droit, donc on a eu un jugement. On va dans
d'autres dossiers bientôt pour faire des conférences de règlement à l'amiable
et on va tenter d'amener le DPJ à reconnaître la lésion de droit, parce que ce
qu'on veut pour nos enfants, c'est que le correctif s'applique rapidement. Je
ne sais pas si j'ai été assez claire, M. le ministre.
M. Carmant : Oui, tout à
fait, tout à fait. Puis ça, ça m'amène vraiment à ma prochaine question, parce
qu'une des choses qu'on n'a pas incluse dans le projet de loi, justement, c'est
la notion de commissaire puis de charte, là, puis, justement, c'est parce qu'on
veut bien la comprendre et bien la placer. Puis, évidemment, la Commission des
droits de la personne, droits de la jeunesse, tu sais, vient spontanément dans
les discussions quand on parle de ça. Vous, comment vous voyez ça, le
commissaire qui est proposé par la commission puis comment vous vous
positionnerez par rapport à cette structure-là qu'on veut créer?
Mme Arpin (Suzanne) : Alors,
on s'était prononcé très rapidement à l'effet qu'on est tout à fait d'accord
avec le fait qu'il y a un commissaire au bien-être et aux droits des enfants,
c'est essentiel. On a besoin de cette loi-là qui va porter la voix des enfants,
pas juste des enfants en protection de la jeunesse, mais de tous les enfants du
Québec. Alors ça, c'est essentiel. On a besoin de cette forme d'accompagnement,
je ne dirai pas représentation, parce que je ne veux pas mélanger avec les
termes légaux, mais d'accompagner les enfants dans des processus, que ce
commissaire-là puisse mettre en place des suivis auprès des ministères pour
voir si les programmes appliqués aux enfants sont correctement appliqués, qu'il
puisse avoir une voix à l'Assemblée nationale pour venir faire rapport. Alors,
c'est essentiel qu'on ait un commissaire au bien-être et aux droits des
enfants. Et, à la commission, on s'est mis très rapidement en action, nous
sommes à redéfinir complètement notre capacité d'action en jeunesse, on est
vraiment...
Mme Arpin (Suzanne) : ...de
tout revoir pour le mieux-être de nos enfants, puis pour le meilleur respect de
leurs droits. On est en train de déployer nos orientations jeunesse. Comme vous
le savez, on est en train de déployer nos axes de régionalisation. On a eu un
budget pour pouvoir retourner en région, de pouvoir aller travailler le plus
près possible des groupes communautaires, des organismes et de se déployer en
région. Donc, on est déjà au travail sur ça. Et si demain matin, le
gouvernement nous disait, nous demandait de prendre en plus ce mandat-là, nous
serions tout à fait prêts, et on répondrait présent. Bien sûr, avec une autre
structure qui serait... on a la structure où on fait la protection de la
jeunesse, LPJ, mais on aurait vraiment une structure, un porteur, un
commissaire qui porterait la voix de tous les enfants au Québec.
M. Carmant : D'accord. Et il
n'y aurait pas de paradoxe, là, entre le p. l. 15 qui dit que nous, on
veut tout faire pour l'intérêt de l'enfant en... évidemment, en prenant pour
acquis que tout a été fait en amont, là, au niveau du maintien dans la famille.
Puis vous, votre recommandation numéro 1 qui dit quand même que la
priorité doit être de rester dans le milieu familial.
Mme Arpin (Suzanne) : En
fait, pas la priorité, c'est que... ce que le droit international et le droit
interne nous dit, c'est que le premier endroit où doit être un enfant, c'est
chez ses parents. C'est ce que la Convention relative aux droits de l'enfant
aussi, comme enseignement, nous dit. Les parents étant les premiers
responsables de leur enfant, l'enfant, normalement, il doit être chez ses
parents. L'État ne peut pas s'immiscer à retirer un enfant s'il n'a pas de
motif. Alors, le premier lieu où il doit être, c'est chez ses parents. Par
contre, si c'est contraire à son intérêt, qui est la considération primordiale,
bien, il ne doit pas être chez son parent.
• (18 h 20) •
M. Carmant : Au niveau de
l'article 91 de la loi actuelle, on n'y a pas vraiment touché, mais
plusieurs nous en ont parlé. Quelles seraient les modifications ou les
suggestions que vous auriez à nous faire pour l'article 91?
Mme Arpin (Suzanne) : Est-ce
que je peux passer la parole à Catherine ou...?
Le Président (M. Provençal)
: Aucun problème, allez-y.
Mme Gauvreau (Catherine) : En
fait, on n'a pas fait de suggestion, là, dans notre mémoire par rapport à une
modification à l'article 91. Vous parlez, là, des ordonnances qui peuvent
être rendues par le tribunal, M. le ministre?
M. Carmant : ...je n'ai pas
eu le temps de lire au complet votre mémoire, là, comme vous comprenez, mais je
pensais que vous seriez des bonnes... des bons intervenants pour nous discuter
des améliorations qu'on pourrait faire au niveau de l'article 91 et 91.1.
Mme Gauvreau (Catherine) :
Mais, en fait, la commission s'est prononcée en faveur, là, des durées
maximales d'hébergement. Et l'objectif, là, de celle-ci, c'est de permettre,
lorsque celles-ci sont atteintes, de déterminer un projet de vie, là, qui vise
la stabilité des liens et la continuité, là, des soins qui sont donnés à
l'enfant. Donc, a commission estime, là, qu'il est important, là, de respecter,
là, cette disposition. Et que lorsque l'enfant se trouve dans un milieu de vie
qui est permanent, donc, souvent, c'est des situations, là, où des enfants sont
confiés en majorité. C'est avant de le déplacer, là, de s'assurer que c'est bel
et bien dans son intérêt de le faire, là, donc de procéder. Il y a une
recommandation, là, dans notre avis, qu'il est important, là, d'évaluer...
c'est la situation particulière de l'enfant, à savoir si oui ou non, il est
dans son intérêt de le déplacer et aussi, là, de tenir compte, là, dans cette
évaluation de son intérêt, là, le lien d'attachement qu'il a eu ou qu'il a
développé, pardon, avec ses parents d'accueil. Donc, on voit des fois des
situations, là, que ce soit dans des enquêtes ou des interventions judiciaires
où on retire des enfants qui, pour eux, de leur milieu de vie substitut, mais
pour eux, c'est leur milieu de vie. Ils ont été souvent plusieurs années au
sein de ces familles d'accueil et on comprend qu'il peut y avoir des situations
où c'est dans son intérêt de le retirer, mais on met une mise en garde ou en
fait, on estime qu'il devrait avoir une évaluation rigoureuse de sa situation
avant de les déplacer. Donc, ce serait peut-être la modification, là, qu'on
propose. Je ne sais pas si c'est à 91 ou 91.1, mais ce serait la modification
qu'on vous propose, M. le ministre.
M. Carmant : Merci. Puis un
autre point aussi au niveau législatif, judiciaire, là, c'était la
représentation de l'enfant par un avocat. Avez-vous des commentaires là-dessus?
Puis on nous a même dit que...
M. Carmant : ...d'aller plus
loin, puis d'aller même... quand c'est des mesures volontaires, que l'enfant
devrait être représenté, et ça, le plus tôt possible dans le processus.
Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Gauvreau (Catherine) :
Bien, si je peux me le permettre, on n'est peut-être pas allé aussi loin que de
vous préciser, là, des moyens, mais c'est clair que le droit d'être représenté
ou même de consulter un avocat est déjà prévu, là, dans la Loi sur la
protection de la jeunesse, et que la commission est d'avis, là, que ce
droit-là, soit pleinement ... ou que les enfants puissent pleinement exercer ce
droit-là. Donc on serait... on verrait d'un bon oeil le fait que des mécanismes
soient mis en place ou, du moins, que vous réfléchissez à la question pour
s'assurer, là, que ce droit soit bien... enfin, que les enfants puissent avoir,
dans tout le cadre du processus, là, parce que l'article 5 ne limite pas au
processus judiciaire, là, M. le ministre, donc qu'ils puissent avoir accès,
s'ils le souhaitent, à un avocat ou, du moins, qu'un avocat puisse leur être
désigné. Mais, en fait, ça, c'est à déterminer, là, la façon de le faire, mais
on voit ça d'un bon oeil.
M. Carmant : Puis un autre
mot, là. Vous avez, vous aussi, insisté sur l'aspect de la prise en charge
pleine par les Premières Nations. Puis je pense qu'on a été clair aussi dans le
préambule. Nous, on a quand même des questions sur les Premières Nations qui
habitent hors communauté et le fait qu'il y aurait plusieurs lois sur... tu
sais, par exemple, quelqu'un qui est à Montréal et qu'il y a quelque chose, tu
sais, comme comment on gère ça, là, concrètement, au niveau de la DPJ? Telle
loi s'applique, comment...
Mme Arpin (Suzanne) : On n'a
pas regardé cette question-là, on s'est vraiment penchés sur le projet de loi,
tel qu'il était. Mais je pense que peut être qu'il faut continuer à réfléchir à
cette question-là, mais on ne s'est pas penchés de façon spécifique sur
l'application pour les établissements publics, de comment les soins, comment
les services vont être donnés, quelle DPJ va donner les services, de qui va
relever... ça, on n'a pas regardé cet aspect-là de la question.
M. Carmant : D'accord. M. le
Président, je passerais la parole à la députée de Roberval, s'il vous plaît.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, une minute, Mme la députée.
Mme Guillemette : Merci.
Merci, monsieur le ministre. Merci, mesdames, d'être avec nous aujourd'hui.
Donc, très rapidement, je ne ferai pas un gros préambule, j'aimerais vous
entendre sur la confidentialité. Je pense qu'il faut assouplir, mais comment on
fait pour protéger quand même l'enfant et donner assez d'informations aux
intervenants pour qu'ils puissent bien intervenir avec l'enfant?
Mme Arpin (Suzanne) : Je vais
céder la parole à ma collègue, Catherine.
Mme Gauvreau (Catherine) :
Bonjour, Mme la députée. En fait, peut-être rappeler ou préciser que la
commission estime qu'il est dans l'intérêt de l'enfant de partager les renseignements
personnels concernant sa situation, là, lorsque l'objectif... Ou les
renseignements concernant ses parents lorsque l'objectif de la divulgation est
nécessaire pour assurer sa protection. Puis, comme mentionné, il existe déjà
plusieurs exceptions, là, qui sont prévues dans la loi, mais notamment, là,
dans le cadre, là, du rapport sur la mise en œuvre, là, la LPJ, qui a été
déposé, là, en 2020 par la commission. On a constaté que, souvent, les
problèmes résident dans l'application des règles ou, du moins, la bonne
compréhension. Donc, on peut assouplir des règles. Mais si les intervenants qui
vont devoir se partager ou, du moins, obtenir un certain renseignement ou, du
moins, les divulguer à qui de droit, bien, s'ils n'ont pas compris quels renseignements,
quels types de renseignements et dans quelles circonstances ceux-ci doivent
être divulgués, bien, on n'est pas avancé plus loin, là, dans la protection,
là, ou le respect du meilleur intérêt de l'enfant. On met vraiment l'accent sur
ce point précis.
Puis, aussi, peut-être rappeler que la...
a sa raison d'être aussi, là, dans le respect de l'intérêt de l'enfant puis
aussi dans son droit du respect à sa vie privée. Il y a quand même... tu sais,
on s'entend que le dossier DPJ contient beaucoup d'informations de nature très
sensible, là, sur la situation, là, que vit l'enfant. Ou, par exemple, un
parent, là, qui serait suivi, là, en désintoxication. Donc, on veut, là, qu'il
crée... l'objectif, là, c'est qu'il aille chercher des services et qu'il puisse,
par la suite, là, assumer pleinement son rôle auprès de son enfant. Donc, on
n'est pas contre l'élargissement, là, de certaines...
Mme Gauvreau (Catherine) :
...de confidentialité. On estime qu'elle devrait être précisée. À titre
d'exemple, là, il y a une dans le projet de loi, là, qui mentionne qu'on va
élargir aux professionnels qui ne travaillent pas au sein des établissements,
là, de santé et services sociaux de partager des renseignements dans le cadre
d'évaluation d'un signalement. Pour nous, c'est très logique. Ce n'est pas
logique qu'une infirmière qui travaille, je viens de Montréal, là, donc, du CHU
Sainte-Justine puisse divulguer des renseignements au DPJ, mais que, si elle
pratique l'autre côté de la rue, dans une clinique, elle ne pourrait pas le
faire ou ce serait plus difficile pour elle de transmettre... de divulguer ces
renseignements-là.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Merci pour votre réponse. Alors, nous
allons poursuivre avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Je vous cède la
parole, madame.
• (18 h 30) •
Mme Weil : Merci,
monsieur le Président. Merci à vous tous d'être ici. Je vais revenir à la
question du ministre, parce qu'on a eu des discussions sur la question du rôle
des DPJ, en vertu de la loi, évidemment, mais aussi les commentaires des juges,
ces dernières années, commentaires des avocats, d'ailleurs, on a eu des
commentaires, la perception, et un article de journal, qu'en gros la DPJ se
retire dans des cas de lésion au droit. Et tout ce questionnement par rapport
au mandat de la DPJ. On a parlé, donc, une avocate qui était là, qui est
souvent devant les tribunaux, que les juges s'en plaignent. Je pense que vous
connaissez bien ça, l'historique de tout ça, c'est souvent rapporté au fil des
années. Mais aussi que l'orientation, c'est d'aller plus vers ce qui est
systémique, donc. Et ce qui est évoqué, c'est une question de personnel, de
ressources.
Alors, c'est de bien comprendre,
peut-être, la portée de cette entrevue, vous l'avez... et les choix que vous
faites. Bien, l'entrevue, c'est un reflet d'une discussion. Mais votre...
Est-ce que vous opérez, actuellement, une réorientation? Ce serait la première
question. En matière d'intervention devant le tribunal, sauf évidemment, on
comprend, lorsque c'est déjà... le tribunal est déjà saisi, là. Donc, selon une
disposition de la loi, vous ne pouvez pas. Mais votre rôle d'intervenir pour
protéger un enfant, un enfant dont les droits ont été lésés, est-ce que vous
changez l'orientation? C'est ça qui semble... c'est la perception, c'est le
débat public, là, actuellement.
Mme Arpin (Suzanne) :
Alors, je vais vous répondre. J'imagine que vous parlez non pas de la
protection de la jeunesse, mais bien de la Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse. Parce que je ne suis pas...
Mme Weil : Oui, oui,
oui. CDPDJ. C'est plus facile, CDPDJ.
Mme Arpin (Suzanne) :
D'accord. Ça, c'est la première chose. Deuxièmement, vous comprendrez que je ne
commenterai pas une chronique. C'est une chronique d'opinion. Alors, voilà. Et,
pour vous dire aussi, plusieurs acteurs du milieu juridique souhaitent nous
voir dans les salles d'audience, dans tous les dossiers. Mais, notre mandat, ce
n'est pas d'être dans un dossier à faire de la protection de la jeunesse. La
commission ne se substituera pas aux enfants qui sont superbement bien
représentés par avocats, aux parents qui peuvent être représentés. Ce n'est
pas... Je n'aime pas ça le dire de façon négative, mais ce n'est pas le mandat
de la commission, on ne représente pas les enfants, on ne représente pas les
tiers, on ne représente pas les familles d'accueil ni les grands-parents. Ça,
c'est vraiment le travail des avocats à la cour.
Mais les avocats souhaitent nous voir dans
les salles d'audience pour être plus confortables à faire leur dossier,
prétextant qu'on les aide, que c'est plus facile quand on en est là, dans les
dossiers de protection. Parfois, ils vont nous dire : Oui, mais, quand
vous êtes là, ça nous permet d'avoir des documents qu'autrement c'est très
difficile. Bien, là, on a une belle occasion, madame la députée, justement, de
faire faire des modifications à la loi pour que les accès que la commission a
au dossier d'un jeune client, d'un enfant, bien que les avocats d'enfants
puissent avoir le même accès, si c'est ça, vraiment, le problème.
Mais comme notre mandat n'est pas d'être
dans les salles d'audience, dans les dossiers de protection, nous n'agissons
que dans les dossiers où il y a vraiment des lésions de droit. Et, quand je
vous dis qu'on regarde pour des portées plus systémiques, ce n'est pas pour ne
pas aller dans le dossier d'un enfant, bien au contraire, il faut rentrer dans
un dossier pour avoir, avec la recommandation qu'on fait aussi que le juge
puisse faire des ordonnances systémiques, pour que ça puisse bénéficier à
beaucoup d'enfants...
16 h 30 (version non révisée)
Mme Arpin (Suzanne) : …de
façon beaucoup... que les remèdes soient plus rapides et que ça profite à
beaucoup plus d'enfants. Un enfant, c'est important, mais si son dossier, à
lui, peut faire en sorte que d'autres sont protégés de lésions de droit, bien,
je pense que c'est une avenue qu'il faut regarder, et on est justement en train
de regarder ça. Mais il n'y a pas de position à ne pas aller au tribunal. On
est en train de regarder comment on fait mieux et comment on fait plus pour les
enfants justement dans ces dossiers-là, et c'est ça. Et si le gouvernement
voulait nous donner le mandat d'être assis dans chacun des dossiers à tous les
jours, bien, on ferait ce mandat-là. Malheureusement, ce n'est pas ça notre
mandat.
Mme Weil : ...l'article 23
de la loi qui dit, bon : La Commission exerce les responsabilités
suivantes, conformément aux autres dispositions de la présente loi. Sur demande
ou de sa propre initiative, elle enquête sur toute situation où elle a raison
de croire que les droits d'un enfant - d'un enfant - ou d'un groupe d'enfants
ont été lésés par des personnes, des établissements ou des organismes même si,
au moment de l'enquête, l'intervention en vertu de la présente loi a pris fin à
moins que le tribunal n'en soit déjà saisi. Donc, on parle de cas individuels. Qui
va vous interpeller pour intervenir, ou comment vous...
Mme Arpin (Suzanne) : Oui.
Vous me permettez, c'est vraiment dans les cas où on fait des enquêtes
administratives, c'est-à-dire que ça peut être un parent, un avocat, un enfant,
un grand-parent, un tiers qui nous dit : Moi, je pense que les droits de
mon enfant ont été lésés, j'ai cette conviction-là. Alors, nous, on fait une
enquête, on va cueillir des preuves. On fait une enquête en toute neutralité.
Et on fait... Par la suite, on fait un exposé factuel qui est envoyé aux mis en
cause, qui est ciblé, et après, si... pendant tout ce temps-là... Je dois vous
dire qu'à 90 % des cas... Quand on nous demande de faire enquête pour une
raison de croire à une lésion de droits, 90 % des cas, on a une admission
du Directeur de la protection de la jeunesse à l'effet qu'effectivement des
droits ont été lésés, et des correctifs sont apportés. Si ce n'est pas possible
d'avoir ce genre d'entente là, bien là, il y a un rapport qui est soumis au
commissaire à la commission, et on fait des recommandations envers ce mis en
cause là qui suit nos recommandations.
Mme Weil : Et s'il n'y a pas
de remède ou il n'y a pas de changement ou il n'y a pas de suite, qu'est-ce que
vous pouvez faire? Quels sont vos pouvoirs?
Mme Arpin (Suzanne) : On a le
pouvoir de saisir le tribunal si les recommandations n'étaient pas suivies.
Mme Weil : Et est-ce que
c'est fréquent que ça arrive ou... que vous...
Mme Arpin (Suzanne) : Non, ce
n'est pas fréquent. Non. Non parce qu'habituellement les mis en cause qui sont
habituellement les DPJ, là, c'est pas mal toujours le même bassin. Oui.
Mme Weil : Ce mandat-là
occupe quel pourcentage de vos ressources et de votre temps parmi tout ce que
vous faites en protection de la jeunesse, des cas semblables qui sont des cas
individuels?
Mme Arpin (Suzanne) : Oui,
oui, mais comme la loi le dit, c'est soit des situations... le dossier d'un
enfant ou d'un groupe d'enfants. C'est pour ça qu'on fait des enquêtes
individuelles - on en fait plusieurs - et on fait des enquêtes systémiques ou
des audits quand les situations, là, sont assez semblables dans une région. Par
exemple, on est souvent alimentés par des avocats ou des juges qui nous disent :
Eh! là, on voit tel genre de problème. Et là, nous, ça nous permet de
déclencher un audit ou une enquête systémique. Alors, nous, on a des
enquêtrices - on va le dire - qui font vraiment les enquêtes dans les dossiers
de... quand on a des raisons de croire qu'il y a des lésions de droits et on a
des avocates, des procureurs qui sont au contentieux et qui font les dossiers
au tribunal.
Mme Weil : Merci pour cette
réponse. Dans des modèles, ailleurs au Canada, par exemple, je pense qu'il y a
un ombudsman en Ontario qui représente les enfants. Donc, ils ont comme une
indépendance, ils ne sont pas liés nécessairement à leur... comment dire, le
pendant de la CDPDJ. C'est vraiment des institutions très indépendantes. Bien,
vous l'êtes aussi, mais vous avez plusieurs mandats, mais, eux, ils ont juste
ce mandat, les enfants. D'après ce que... Je ne sais pas, peut-être vous
pourrez...
Mme Arpin (Suzanne) : Bien,
oui. Bien, en fait...
Mme Weil : Vous pouvez
peut-être éclairer, là.
Mme Arpin (Suzanne) : Vous
pouvez vous renseigner...
Mme Weil : Et la commission
en a parlé lorsqu'ils ont proposé le commissaire. Donc, ils ont donné quelques
exemples d'autres provinces qui ont des institutions semblables avec un
commissaire, un genre de commissaire, mais avec d'autres noms, qui intervient
beaucoup avant qu'il y ait... je veux dire même, sensibilisé, approche. On voit
que c'est une mission très, très large...
Mme Weil : ...selon la
commission spéciale. Donc, si vous pouvez peut-être comparer avec un modèle qui
ressemble à ça avec... donc... où on n'est pas une commission comme vous
l'êtes, sur les droits, nécessairement, mais un commissaire qui est là comme
un... moi, j'ai utilisé le mot "chien de garde", mais peut-être la
voix des enfants, une voix qui représente réellement les enfants en toutes
instances, et juste les enfants. Qu'en pensez-vous?
Mme Arpin (Suzanne) :
Alors... bien, tout à fait. D'ailleurs, je fais partie de ce conseil, c'est le
Conseil canadien des défenseurs des enfants et des jeunes. Et on a fait en
sorte à la commission Laurent, justement, de présenter ces modèles-là. On a
beaucoup alimenté la commission Laurent pour les aider, là, à se faire une idée
et une tête sur cette question-là. Et ce que mes collègues du reste... de
l'extérieur du Québec nous envient, c'est justement le fait qu'on peut aller
dans les dossiers au tribunal, ce qu'eux n'ont pas. Ils sont plus des ombudsmans,
plus des commissaires au bien-être, mais ils n'ont aucun pouvoir coercitif, ce
que nous avons pour Québec. Et c'est quelque chose qu'ils regardent toujours, à
chaque fois qu'on a des rencontres, c'est quelque chose qui nous différencie,
qui nous distingue, et c'est ça, c'est toute la différence. Et plusieurs des
défenseurs au Canada ont des mandats. Ils ne sont pas tous pareils. On a un
excellent document là-dessus, d'ailleurs. Il y en a, ça va être les blessures
graves qu'ils vont enquêter seulement. D'autres vont enquêter sur des problèmes
scolaires. Chacun un mandat très, très, très particulier. Je m'excuse...
• (16 h 40) •
Mme Weil : Combien...
Deux minutes. Moi, il me semble que... Parce qu'il y a... je reçois beaucoup
d'appels, hein, d'avocats, de parents, etc. Et des fois on sent que, s'il y
avait comme une voie extérieure avant que les choses s'empirent... parce que
des fois on regarde le dossier puis on s'est dit: Ouf! Il y a mécompréhension,
etc., comme un intervenant qui arrive plus tôt dans... La mécompréhension,
souvent, c'est beaucoup ça, là, entre l'intervenante et la famille. Vous, vous
n'êtes pas encore là parce que c'est lésion aux droits, donc on est vraiment
rendus là où c'est catastrophique.
Et je ne sais pas s'il y a un modèle
quelque part dans le monde, mais on dirait que même la DPJ pourrait en
bénéficier. C'est comme une voix neutre, un genre de médiateur, un genre de
médiateur. Parce que des fois on le voit... surtout s'il y a des enfants avec
des problèmes de développement. Des fois, c'est un parent qui peut l'avoir et
ce n'est pas reconnu. Il y a une avocate qui m'a dit ça, elle le voit souvent.
Ils ne comprennent pas pourquoi le père agit de cette façon, puis ce n'est pas
de la violence, c'est juste... ils ne sont pas capables de communiquer, et...
ça, peut-être l'autisme, et autres. Et donc, dans ce système, ces gens-là sont
assez perdus.
Alors, je ne sais pas, là, mais moi, je
sens, dans ce que j'entends... ça prend quelqu'un qui serait un genre de
médiateur parce que ce que je remarque, même avec la protection de la jeunesse,
même l'intervenante est toute seule souvent dans un dossier. Puis, avant
qu'elle puisse avoir l'appui de quelqu'un d'autre pour prendre des décisions...
Et les relations deviennent tendues et ça devient un dialogue de sourds, et ça
devient... c'est de pire en pire, ils sont devant la justice, etc.
Alors, un genre de médiateur, mais en
prévention. Alors, je ne sais pas... vous n'êtes pas peut-être nécessairement
dans ça, là, parce que c'est vraiment le quotidien, mais je l'entends beaucoup
des avocats. Et les avocats sont là aussi. Peut-être, le fait d'avoir un avocat
au dossier, avec le projet de loi, cet avocat peut jouer ce rôle, ce n'est pas
vraiment son rôle, mais les amener à la médiation pour que les gens se
comprennent et que les gens ne soient pas boqués, parce que des fois c'est
beaucoup ça, on le voit, et c'est des dossiers qui reculent de dix ans, là,
quand on regarde... et c'est de pire en pire. Puis là il n'y a plus personne
qui se comprend, puis... Bon. Alors ça, je ne sais pas... Et le droit de
l'enfant est toujours pris... Le droit de l'enfant est toujours en question
parce que, pendant tout ce temps-là, ses droits sont lésés.
Mme Arpin (Suzanne) :
Alors, si je peux me permettre, madame la députée, nous avons à la commission
une excellente équipe de médiatrices. Et, dans nos fantaisies, on commençait à
regarder, justement, qu'est ce qu'on pourrait faire de plus encore pour les
enfants, pour les familles. Vous voyez, bientôt, on s'en va dans des dossiers
en conférence de règlement à l'amiable, on va tenter d'aller chercher...
Mme Arpin (Suzanne) : ...une
reconnaissance de la lésion de droits, ça aussi, ce sont des outils
intéressants. Est-ce qu'il faut passer par la commission? Est-ce qu'il faut
passer par des organismes communautaires qui pourraient accompagner les
parents? Mais ça va prendre un chef d'orchestre qui va tout bien unifier ces
actions-là à poser, tant pour les enfants que pour les parents.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons maintenant faire la conclusion
de cet échange avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci beaucoup.
Merci pour votre présence. Est-ce que vous pourriez nous expliquer la
recommandation 17 de votre mémoire, celle qui dit: «La commission recommande
d'être rattachée directement à l'Assemblée nationale pour tous les aspects de
sa gestion, y compris les aspects budgétaires»? Je n'ai pas eu le temps de tout
lire, là, évidemment, mais, si vous pouviez nous l'expliquer, j'apprécierais.
On n'a pas le son. Ça se peut-u?
Mme Arpin (Suzanne) : C'est
mon erreur, parce qu'il devient rouge. Enfin, bref, c'est compliqué. C'est une
demande qui est faite... qu'on fait depuis plus de 25 ans, d'être rattachés à
l'Assemblée nationale. En fait, on voudrait être rattachés à l'Assemblée comme
l'est la protectrice, comme l'est la Vérificatrice générale. Comme vous le
savez, nous sommes un organisme sous le ministère de la Justice. Alors, ce
qu'on demande, c'est de pouvoir être rattachés directement à l'Assemblée
nationale, tant pour les budgets que pour la reddition de comptes, comme le
fait la protectrice ou la Vérificatrice générale, entre autres. Étant un
organisme nommé aux deux tiers, on souhaiterait avoir cette même liberté de
pouvoir s'adresser aussi à l'Assemblée nationale pour notre reddition de
comptes et que les parlementaires puissent nous poser des questions sur ce qui
a été... dans l'année, les recommandations qui ont été suivies, celles qui
n'ont pas été suivies, pourquoi, vraiment une reddition de comptes sur le
travail qu'on fait en jeunesse et en charte.
M. Zanetti : Si je comprends
bien, ça vous donnerait une plus grande indépendance. Est-ce que c'est ça? Ou
une possibilité de prendre des initiatives de communication, davantage.
Mme Arpin (Suzanne) : Est-ce
que quelqu'un d'autre voudrait y aller? Sinon, je vais tout prendre le temps.
Mme Montminy (Karina) : Bien,
absolument, on est vraiment... C'est une garantie supplémentaire, puis c'est
vraiment dans les garanties, en droit international, là, qui nous permettent,
là... qui nous permettraient d'être pleinement indépendants et de renforcer
cette garantie.
M. Zanetti : Parfait. Bien,
merci. Je vous remercie.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, je remercie Mmes Williams, Gauvreau, Montminy et
Arpin pour leur contribution à nos travaux et à votre présence, bien entendu.
Alors, je vous souhaite une belle fin de journée. Je vais suspendre les travaux
pour que nous puissions accueillir le prochain groupe. Merci beaucoup de votre
collaboration et de votre contribution.
(Suspension de la séance à 16 h 46)
(Reprise à 16 h 52)
Mme Grou
(Christine) :Ça va? Alors, M. le
Président, M. le ministre...
Le Président (M. Provençal)
:Madame, je vais vous... Simplement,
pour les gens qui nous écoutent, je vous souhaite la bienvenue de façon
officielle, aux deux représentantes de l'Ordre des psychologues du Québec,
c'est-à-dire la Dre Christine Grou et la Dre Isabelle Marleau. 10 minutes
pour votre présentation. Par la suite, on procède aux échanges. Alors là, je
vous cède vraiment la parole, madame.
Mme Grou
(Christine) : Merci. Je ne voulais pas perdre une fraction de
seconde. Alors, merci, Monsieur le Président. Monsieur le Ministre, messieurs
et mesdames les députés membres de la Commission, l'Ordre des psychologues vous
remercie pour l'invitation à cette audition particulière sur la Loi modifiant
la Loi de la protection de la jeunesse.
Alors, je suis Dre Christine Grou,
présidente de l'Ordre des psychologues du Québec, psychologue clinicienne et
neuropsychologue spécialisée en santé mentale, et je suis accompagnée du Dr
Isabelle Marleau, directrice de la qualité du développement de la pratique,
psychologue spécialisée en pédiatrie et spécialisée dans le développement de
l'enfant.
Alors, d'entrée de jeu, l'Ordre des
psychologues salue le dépôt de ce très attendu projet de loi. Il traduit bien
l'intention d'améliorer, donc, la protection de la jeunesse. En décembre 2019,
nous avions présenté un mémoire à la commission Laurent sur les enjeux relatifs
à la sécurité et au développement des enfants et nous sommes très heureux de
constater que le projet de loi s'inscrit en continuité avec notre mémoire, qui
faisait d'ailleurs écho à bien d'autres, et où on avait souligné l'importance
des enjeux d'attachement, de la continuité et de la stabilité des liens,
notamment, et de s'assurer que les...
Mme Grou
(Christine) : ...besoins au regard du développement des enfants
étaient comblés, l'accessibilité aux services également, entre autres choses.
Alors donc, cela étant dit, on souhaite
vous adresser certaines préoccupations, la première étant la notion du temps
qu'on retrouve à deux endroits, donc aux articles 1 et 6. Alors, dans les
considérants, on ferait la suggestion de modifier le libellé parce que la
notion du temps peut porter à confusion. On peut aisément penser que c'est
parce que la notion du temps est différente chez l'enfant et chez l'adulte,
alors qu'on fait surtout référence à l'impact du temps qui passe et au grand
préjudice pour le développement de ne pas agir en temps opportun ou de retarder
une décision difficile.
Dans un deuxième temps, sur la primauté de
l'intérêt de l'enfant. Alors, on salue le fait qu'il devienne primordial, on
est tout à fait d'accord avec ça. Cela dit, c'est dans l'application que tout
reste à voir parce qu'il va falloir s'entendre sur l'opérationnalisation de ce
principe-là. Il va falloir aider les intervenants dans l'appropriation du principe.
Il va falloir avoir une compréhension commune, ce qui va peut-être passer par
la formation du mentorat. Il va falloir soutenir les intervenants de terrain
dans leur pratique clinique. Et, une chose très importante, il faudra que
l'organisation des services fasse en sorte que l'opérationnalisation du
principe soit aussi un intérêt premier des établissements. À l'article 6,
on suggère un petit ajout, c'est-à-dire on mentionne que l'implication des
parents doit toujours être favorisée et on suggère d'ajouter «à condition de ne
pas contrevenir à l'intérêt premier de l'enfant». Donc, ce que ça veut dire,
évidemment, c'est que, quand l'enfant a des liens significatifs avec ses
parents, c'est dans son intérêt de les maintenir, mais il faut s'assurer que cette
continuité de l'implication ne nuise pas à l'intérêt premier.
Ensuite, on vous amène aux enjeux de
confidentialité. Alors, on est tout à fait d'accord avec la nécessité d'une
circulation plus fluide de l'information, quand c'est dans l'intérêt de l'enfant,
pour assurer sa sécurité et son développement. Donc, on a besoin d'avoir les
leviers nécessaires. Et la confidentialité, pour nous, n'est pas une valeur
absolue. Mais bien qu'on comprenne l'intention de vouloir rendre les choses
plus fluides, on a quand même certaines préoccupations, notamment aux
articles 6 et 21 du projet de loi.
Alors, commençons par l'article 6. On
a ajouté une clause interprétative qui risque d'engendrer une certaine
confusion, à notre avis. C'est-à-dire qu'on doit déjà divulguer les situations
problématiques. On comprend que ça se fait souvent à géométrie variable et que
les intervenants, les professionnels ont une interprétation restrictive de la
divulgation. Mais le correctif risque d'augmenter la confusion. Parce qu'ici on
demande aux professionnels d'interpréter une loi, et c'est très différent
d'interpréter une loi, ce n'est pas du tout équivalent à porter un jugement
clinique quant à l'intérêt de l'enfant ou à sa protection. Alors, pour,
justement, éviter toute confusion, il vaudrait beaucoup mieux baliser, donc
donner un cadre de référence, donner des balises de pratique, indiquer les
situations où il convient de divulguer que de demander aux professionnels
d'interpréter, donc, de manière à favoriser la communication.
Ensuite, à l'article 21, donc, on
veut élargir l'obligation de communiquer les renseignements au Directeur de la
protection de la jeunesse. Et actuellement, ce qui s'applique aux
établissements du réseau de la santé et des services sociaux, on veut l'élargir
à tous les organismes et aux cabinets de professionnels. Donc, on comprend que
ça peut concerner un renseignement pour l'enfant, sur un des parents ou sur une
autre personne et que la Direction de la protection de la jeunesse pourrait
entrer en tout temps, s'il y avait urgence, pour prendre connaissance du
dossier. On s'est questionné sur les motifs de cet élargissement-là, sur qu'est
ce qui cause problème pour qu'on veuille élargir, bien qu'on comprenne la
nécessité de la fluidité. Et, s'il y avait un élargissement aux cabinets privés
de professionnels, par exemple, ou à d'autres organisations, il faudrait
vraiment se pencher puis réfléchir aux méfaits potentiels que ça pourrait
engendrer, donc, on peut imaginer plusieurs exemples. Mais il faudrait s'assurer,
ici, que le milieu ne devient pas l'ennemi du bien.
Sur l'accompagnement jusqu'à majorité,
écoutez, on partage ce que d'autres vous ont dit, c'est-à-dire que, d'abord,
18 ans, c'est jeune, et les jeunes qui sont sous la protection de la
jeunesse sont moins outillés, plus carencés, souvent moins outillés pour faire
face...
Mme Grou
(Christine) :...la vie adulte, et ce
qu'on souhaite, c'est qu'on évite une rupture trop brutale puis trop précoce,
donc, dans les services de protection, éviter aussi une rupture du lien de
confiance. À 17 ans, avoir une seule rencontre, si l'enfant consent, avec un
prestataire de services qui demeure encore à définir parce qu'on ne sait pas
nécessairement c'est qui, c'est périlleux. Alors, on est d'avis que le passage
de la vie adulte, ça ne se passe pas nécessairement dans la 18e année,
mais plutôt entre la 18ème et la 25ème année, et que donc, il faudrait
peut-être aller plus loin dans l'accompagnement des jeunes pour leur offrir du
soutien.
Évidemment, sur le directeur national et
sur le Forum des directeurs, on salue l'intention. Encore une fois, c'est une
excellente mesure. Mais nous espérons que ses responsabilités lui permettront
de rester à l'affût de la réalité des intervenants, de soutenir les pratiques,
de répondre aussi aux défis de l'accessibilité compétente et de la qualité, de
la continuité, de la stabilité des services. En 2019, on avait mentionné qu'il
fallait s'assurer que les conditions d'exercice permettent une offre de
services de qualité, qu'il fallait favoriser une continuité essentielle au
développement du lien de l'attachement, qu'il fallait s'assurer aussi que les
professionnels aient une formation puis le soutien clinique nécessaire. Alors,
sur la direction et sur le forum, c'est une excellente chose parce que cela va
permettre d'harmoniser les pratiques, ça va permettre aussi d'assurer la mise
en œuvre des perspectives et des orientations. Mais on souhaite que les
réalités ou les particularités, évidemment, de chacun soient tenues en compte.
On souhaite surtout que le forum puisse aussi assurer du soutien aux
intervenants terrain.
Alors, on souhaite, en fait, que ce soit
une mesure qui ne soit pas uniquement top down, pour m'exprimer en bon
français, mais qui soit vraiment à deux sens, c'est-à-dire que le terrain
puisse remonter au Forum des directeurs et aux directeurs de la protection de
la jeunesse, tous les problèmes qui peuvent être rencontrés pour s'assurer que
les jeunes ont ce qu'il faut pour assurer leur protection.
• (17 heures) •
En conclusion, donc, il y a beaucoup de
pain sur la planche encore qui nous reste collectivement à faire pour protéger,
puis pour assurer... pour améliorer la vie des jeunes, pour les protéger, pour
assurer leur sécurité. La loi traduit vraiment une intention de mieux faire. Il
faut voir maintenant comment cette loi-là va se traduire auprès d'eux, nos
jeunes, nos enfants. Et je pense qu'il faut considérer qu'une loi seule ne
pourra pas changer la qualité de vie de ses enfants puis de ces adolescents-là.
Il y a tout un défi d'opérationnalisation auquel on va offrir toute notre
collaboration. Parce que c'est un défi qui n'est pas seulement celui de la
Direction de la protection de la jeunesse, mais c'est un défi qui est sociétal,
collectif et qui nous concerne, nous comme ordre professionnel. Il est aussi
impératif d'assurer l'accessibilité à l'ensemble des services requis, à
l'ensemble des services requis, la qualité et la continuité des suivis, la qualité
des liens qu'ils apprendront à développer et la priorisation d'un développement
harmonieux afin de les amener à une vie heureuse et à une pleine autonomie.
Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, madame la présidente,
pour cet exposé. Nous allons maintenant initier la période d'échange avec
Monsieur le ministre. M. le ministre, je vous cède la parole.
M. Carmant : Merci, Monsieur
le Président. Bonjour, Dre Grou, Dre Marleau, très content de vous voir, c'est
toujours un plaisir.
Une voix : Bonjour, Dr
Carmant.
M. Carmant : Bonjour. Puis,
Isabelle, je ne dirais pas qu'on a déjà travaillé ensemble, mais quand même. Je
ne peux pas m'empêcher.
Mme Marleau
(Isabelle) :C'était un plaisir, je dois
le dire.
M. Carmant : Parce que le
premier point, justement la clarification sur le temps. Le neurologue en moi
est tout à fait d'accord avec vous, mais je ne sais pas si, au niveau des
juristes, là, est-ce que ça complique un peu la compréhension de l'article.
Donc je pense qu'il va falloir regarder ça d'un peu plus près, mais
l'intention, je la comprends tout à fait, puis je pense que le point est bien
pris.
Un point qui est important puis qu'on n'a
pas beaucoup parlé, puis j'ai entendu certains DPJ le mentionner. J'ai demandé
il y a deux ans, là, quand on a commencé tout le processus, une des choses que
j'ai demandées, c'est que l'accès aux services professionnels pour les enfants
et les parents soit prévu dans les 30 jours lorsque demandé par la protection
de la jeunesse. Puis, ça, ce n'est pas toujours bien reçu parce qu'il y en a
qui disent : Bien, quelqu'un à la protection de la jeunesse peut avoir un
problème moins urgent que quelqu'un qui n'y est pas. Mais moi, je suis
convaincu que quand on regarde...
17 h (version non révisée)
M. Carmant : ...du problème,
là, c'est important. Certains m'ont mentionné: est ce que ça devrait être dans
la loi, cet aspect-là? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Mme Grou
(Christine) :Je vais me permettre de
répondre, puis je vais céder la parole au docteur Marleau. Je pense qu'en fait,
pour un enfant, le passage du temps a des effets dramatiques, c'est-à-dire que,
si on n'intervient pas en temps opportun, ça peut avoir des conséquences
importantes. D'où la notion du temps, c'est là que le temps est important pour
un enfant. Mais cela dit, c'est évident que tous les enfants n'ont pas
nécessairement le même niveau d'urgence, mais... et ça, ça demande une bonne
évaluation. Mais je veux juste qu'on fasse attention quand on parle de donner
un service dans les 30 jours parce qu'il ne faudrait pas non plus aller
vers toutes sortes de stratégies pour s'assurer qu'on a un premier appel
téléphonique à l'intérieur de 30 jours, mais qu'on ne donne pas
nécessairement le service requis. Et, ce que ça veut dire, c'est que si, par
exemple, un enfant a besoin de parler à un travailleur social, qu'il puisse
parler à un travailleur social, s'il a besoin et psychoéducateur, que ça puisse
être psychoéducateur, s'il a besoin d'un psychologue, que ce soit un psychologue,
mais que ce soit au-delà d'un premier appel pour qu'il disparaisse d'une liste
d'attente virtuelle. Peut-être, docteur Marleau, vous avez autre chose à dire
là dessus?
Mme Marleau
(Isabelle) :Je pense qu'effectivement, un
panier de services, c'est absolument essentiel. Et, en fait, on pourrait aussi
insister sur des pratiques collaboratives puis de l'interdisciplinarité, parce
que l'ensemble des professionnels et puis des intervenants peuvent offrir, là,
un premier service. Puis, parfois, l'intensité de service, comme on en voit
dans d'autres domaines, il y a des intensités de services qui, comme vous le
mentionnez, là, peuvent être distincts selon les problématiques, et là, à ce
moment-là, on offre le bon service à la bonne personne au bon moment, puis
c'est ce qu'on souhaite.
Mme Grou
(Christine) :Mais je pense que ce qu'on
souhaite aussi, puis j'ajouterais: je pense que ce n'est pas juste souhaitable
d'offrir un service, mais vraiment d'offrir le bon service, d'offrir le service
dont l'enfant a besoin à ce moment-là,
M. Carmant : Oui. Puis je
suis bien conscient, puis très intolérant face aux techniques, là, que vous
mentionnez, là. Tu sais, on s'assure que ce ne soit pas le cas. Au niveau de la
formation puis du forum, je pense, c'est super important l'harmonisation des
pratiques, de la connaissance, tout ça. Comment vous voyez le rôle de la
directrice nationale de la protection de la jeunesse là-dedans? Et aussi le
rôle de l'Ordre, qui... Tu sais, comment vous vous voyez positionné par rapport
à ça?
Mme Grou
(Christine) :Bien, moi, je la vois comme
un rôle partagé, c'est-à-dire que je pense qu'il devrait y avoir une obligation
de formation des intervenants, mais en même temps une offre de formation...
Puis ça, c'est très important, si on veut garder une vraie interdisciplinarité
puis une richesse des pratiques au profit de l'enfant, il faut aussi assurer
une formation spécifique à chaque type de profession. Donc, il faut y avoir un
tronc commun, mais il faut y avoir aussi de la formation pour chaque
professionnel. Puis, cela dit, je pense que dans un contexte où on réfléchirait
les besoins de formation ensemble, les ordres pourraient faire tout un travail
de formation de leurs membres. Mais je pense qu'il faut que l'ensemble des
intervenants, puis quand je dis l'ensemble des intervenants, c'est aussi le
forum des directeurs puis c'est aussi les directeurs, soient formés à certaines
réalités cliniques, aux enjeux développementaux, notamment, aux enjeux de
l'attachement qui sont fondamentaux pour qu'un enfant puisse se construire.
Mme Marleau
(Isabelle) :Absolument. Puis, quand on
parle de formation, on parle aussi de supervision, de consultation entre pairs.
On pourrait bonifier aussi dans la... En fait, les intervenants sur le terrain
nous mentionnent ces besoins-là dans le contexte des populations qui sont très
difficiles à desservir. C'est un travail émotionnellement intense, donc le
soutien des pairs, là, p-a-i-r-s est extrêmement important. Alors, il pourrait
y avoir des programmes où on valorise les professionnels ou les intervenants
seniors qui pourraient avoir dans leur dans leur mandat ou tâche, là, de former
les juniors. Ça pourrait faire partie, là, de la formation de base qui serait
offerte.
Mme Grou
(Christine) :Oui. Puis, vous savez,
j'ajouterais que, concrètement, ce n'est simple pour un jeune professionnel qui
commence, parce que, moi, je pense juste à la notion de l'intérêt de l'enfant,
puis je peux imaginer des lieux où l'enfant même a des intérêts en conflit,
c'est à dire, parfois, il y a un lien d'attachement avec une personne qui ne
répond pas à ses besoins et développementaux. Plus là quel intérêt on va
prioriser? Et tout ça, justement, peut se résoudre en parlant à quelqu'un de
plus senior ou à quelqu'un qui a déjà...
Mme Grou
(Christine) : ...réfléchi. Donc, le soutien, la formation, la
supervision doit prendre plusieurs formes, puis je pense qu'il ne faut pas
lésiner là-dessus.
M. Carmant : Superbien,
bien, bien entendu. Dernière petite question, là, pour moi, avant que je passe
la parole à d'autres députés. Il y aurait la problématique de la
confidentialité. Les autres ordres aussi ont exprimé, là, peut-être, je dirais,
un certain inconfort ou... Est-ce qu'on va trop loin? Comment vous vous
positionnez? Tu sais, je veux dire, on ne veut pas rentrer dans les bureaux
puis s'en aller avec les dossiers, là, ce n'est pas ça, l'idée. L'idée, c'est
vraiment d'aller chercher le plus d'informations possible. Par exemple, à
l'hôpital, si c'est le neurologue ou le médecin qui fait le signalement, bien,
tu sais, ça va être la seule personne qui va entrer en contact avec la DPJ. Tu
sais, nous, c'est vraiment élargir le bassin d'informations le plus possible.
Mme Grou
(Christine) : Mais, ça, on comprend très bien. Ce qu'on s'est
demandé, c'est quel était le problème qu'on voulait régler. Puis, en fait, on
craint toujours, dans un contexte comme ça, les dérives, hein, ou un retour
trop grand du balancier. Donc, on s'est demandé : Est-ce qu'il y a un problème
à régler? Parce que les professionnels ont déjà une obligation de divulgation.
Donc, qu'est-ce qui fait qu'on veut aller aux cabinets privés? Puis on s'est
mis à penser à plusieurs situations où ça pourrait être risqué de voir
quelqu'un venir voir le dossier ou de voir une information partagée, puis je
pourrais donner certains exemples. Mais prenez juste pour exemple l'adolescent
qui est ambivalent par rapport à sa famille d'accueil, qui dit, par exemple, à
son psychologue vouloir la quitter. Bon. Puis l'adolescent a 15 ans, il
veut la quitter, mais il est ambivalent, il n'est pas certain, puis etc. Ça se
retrouve au dossier, puis finalement ça finit par aller aux yeux ou aux
oreilles de la famille en question, qui confronte l'adolescent. Mais qu'est-ce
qui arrive? L'adolescent, il risque de perdre un lien avec la famille
d'accueil, mais il risque aussi de perdre son lien de confiance avec le
professionnel à qui il l'a confié, puis heureusement qu'il pouvait le confier.
• (17 h 10) •
Et prenons un exemple encore plus probant,
pour moi, de la mère qui a un enfant qui a des problèmes de santé, puis ça,
vous avez connu ça, Dr Carmant, des problèmes neurodéveloppementaux majeurs
avec des problèmes de santé majeurs. Et l'enfant se voit avec la mère qui est
épuisée, et la mère confie... a le réflexe de consulter, confie à son
psychologue, par exemple, qu'il y a des journées où elle s'imagine son enfant
mort parce qu'elle a besoin d'un répit, parce qu'elle ne respire jamais puis
parce qu'elle est plus capable de voir les souffrances de son enfant. Le fait
de le dire à quelqu'un, de le confier à quelqu'un est définitivement un facteur
de protection parce qu'on va pouvoir examiner les mécanismes à mettre en place,
justement, pour protéger la mère et son enfant. Mais, si cette information-là
risquait de faire en sorte qu'elle se voit retirer son enfant, elle ne le dira
pas puis elle n'aura pas d'aide. Donc, c'est pour ça qu'on peut imaginer
l'envers de la médaille. Et on s'est demandé quel problème veut-on régler pour
élargir ce bris de confidentialité. Mais encore là, je le répète, la
confidentialité n'est pas une valeur absolue pour nous. Il faut juste le
réfléchir.
M. Carmant : Parfait.
Oui, tout à fait. Puis mieux le baliser, là, je comprends. Je pense que
l'exemple était bien choisi. Monsieur le Président, je passerai la parole au
député de Lac-Saint-Jean, s'il vous plaît.
Le Président (M. Provençal)
: Oui, avec plaisir. Monsieur le député. Il reste, à titre
informatif, cinq minutes.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, monsieur le Président. Bonjour, Dre Grou, Dre Marleau. Écoutez, je ne
suis pas un spécialiste autant que vous, autant que mes collègues en la
matière, mais c'est quelque chose qui vient me chercher et qui me touche quand
même particulièrement. Et moi, j'aimerais ça peut-être revenir au niveau de la
notion du temps. On a entendu la Fédération des familles d'accueil qui en a
parlé beaucoup, la notion du temps, puis dans un contexte toujours de cas
exceptionnels, là, c'est quand même bien de le mentionner. Et est-ce que les
délais sont parfois trop longs? Parce qu'elle mentionnait que, dans la vie d'un
enfant de 10 jours ou de 6 mois, c'est toute une vie, hein? Donc,
j'aimerais vous entendre un peu là-dessus. Je sais que c'est difficile aussi
parce qu'on vient faire un lien avec l'article 91 aussi, dans tout ça,
mais j'aimerais vous entendre là-dessus, au niveau... plus en profondeur, au
niveau de la notion du temps. Est-ce que c'est trop long quand on parle de cas
exceptionnels? Et qu'est-ce qu'on pourrait faire pour améliorer ces délais de
temps?
Mme Grou
(Christine) : Alors, cette fois-ci, je vais demander au Dre
Marleau de commencer.
Mme Marleau
(Isabelle) : Écoutez, on est absolument d'accord avec ce que
vous dites...
Mme Marleau
(Isabelle) : ...que c'est une... Quand on parle d'un week-end
pour un jeune enfant d'un an, bien, un week-end, c'est deux jours sur 365 et
c'est... on peut presque le calculer ou se faire une image de cet ordre-là,
donc... Et les capacités aussi de s'ajuster pendant ces périodes-là sont
également... ne sont pas autant développés, là, chez des très jeunes enfants.
Donc, effectivement, il y a possibilité que, dans des cas plus extrêmes,
effectivement, oui, on pourrait dire que c'est trop long, dépendamment de ce
qu'on entend par trop long, et il faut agir.
Mme Grou
(Christine) : Non, mais l'exemple que je pourrais peut être
vous donner, c'est que, quand on a des petits enfants, et, bon, j'ai eu des
petits enfants, ils ont déjà été petits, à un moment donné, on compte en nombre
de dodos parce que c'est une notion de temps significatif. Puis un dodo pour un
enfant, là, c'est interminable. Un enfant qui a peur, un enfant qui a mal, je
veux dire, il n'a pas développé, en dedans de lui, les ressources dont il a
besoin pour se contenir. Il a besoin d'avoir un adulte significatif, rassurant,
qui va le contenir. Un enfant qui est pris avec une problématique, par exemple,
parce qu'il ne veut pas aller à la maternelle, ce n'est pas dans deux jours puis
dans trois jours qu'il va avoir besoin de soutien, c'est maintenant.
Et pour un enfant, vous comprenez que
l'enfant n'a pas un cerveau mature, donc un problème qui nous semble petit peut
être la fin du monde pour un enfant, c'est son monde qui s'écroule, et c'est ça
qu'il ne faut pas perdre de vue. Parce que, si on veut que sa sécurité
affective se construise, si on veut que sa sécurité psychique se construise
puis si on veut assurer sa sécurité physique... Vous savez pertinemment, comme
moi, qu'un nourrisson, je veux dire, vous le laissez dénutri, puis écoutez, sa
vie va en dépendre.
Alors, c'est dans ce sens-là que la notion
du temps est déterminante parce... Puis ce n'est vraiment pas juste parce que
le temps est différent pour l'enfant et pour l'adulte, c'est parce que
d'attendre, donc, d'attendre une semaine, quand la sécurité d'un enfant est
compromise, quand il est mort de peur, quand il y a des... quand il est
convaincu, par exemple, que sa vie dépend de quelque chose, il n'y a personne
pour le rassurer, je veux dire, c'est déterminant. Et c'est beaucoup plus
dommageable, c'est beaucoup plus préjudiciable que si ça se passe dans la vie
d'un adulte qui y a quand même une maturité, et un recul, et une capacité,
donc, de trouver des ressources ou d'aller les trouver ailleurs.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : ...c'est
tout pour moi, monsieur le président.
Le Président (M. Provençal)
: Il reste une minute, si la députée de Lotbinière-Frontenac
veut formuler.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Bonjour, mesdames. Tout à l'heure, vous en avez parlé brièvement, là, de
l'importance d'offrir aux jeunes un continuum de services. J'aimerais que vous
précisiez qu'est ce que vous entendez par ça puis comment vous voyez ça, s'il vous
plaît.
Mme Grou
(Christine) : Mais, quand on parle d'un continuum de services,
on parlait de la transition à la vie adulte, hein, parce que, quand il arrive à
18 ans, à un moment donné, tout le cadre et les liens qui a pu développer, puis
souvent, ce n'est pas facile de développer des liens, donc ça va se terminer,
et c'est très jeune. Puis je vais même vous dire, 17 ans, là, il y a
beaucoup de jeunes qui veulent juste avoir les coudées franches, qui veulent
voler de leurs propres ailes, ils ne voient pas la pertinence des services, ils
n'ont pas encore eu à se trouver un logement, ils n'ont pas encore eu à gagner
des sous, ils n'ont pas encore eu à assurer leur autonomie puis à remplir leur
frigo. Quand ils vont devoir faire tout ça, la vie devient pas mal plus
difficile. Peut être qu'ils vont avoir besoin d'aide, peut être qu'ils vont
développer des problèmes d'anxiété, peut être qu'ils vont développer des
difficultés d'adaptation, et là ils ne sauront pas où aller chercher ni l'aide
ni les services puis ils n'auront plus de liens significatifs pour être capable
de les orienter. Et c'est dans ce sens-là qu'on trouve que la transition entre
18 et 20 quelques années... puis, bon, à vous de déterminer le moment, mais ce
qu'on dit, c'est que le passage à l'âge adulte, je comprends qu'à 18 ans
on peut aller voter puis on peut rentrer dans un bar, mais ça ne fait pas de
nous des adultes accomplis. Et les jeunes qui sont sous la protection de la
jeunesse ont des besoins... d'abord, ils ont souvent moins d'adultes
significatifs autour d'eux, ils ont moins de références, ils ont encore plus
besoin d'accompagnement puis d'être capable d'avoir des références stables dans
le temps pour les accompagner dans ce passage-là qui ne sera pas finalisé parce
qu'ils atteignent leur majorité, leur majorité légale.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Nous allons maintenant...
Le Président (M. Provençal)
: ...madame la députée de
Notre-Dame-de-Grâce pour 10 min 10 s
Mme Weil : Merci, M. le
Président. Bonjour, docteur Grou, docteur Marleau. C'est vraiment intéressant
de vous entendre, parce que vous amenez des nuances dans des mots, des
expressions qu'on utilise presque depuis deux ans, là. Et tout le monde a
absorbé ces expressions : notion de temps, le temps de l'enfant, l'intérêt
de l'enfant, mais chacun peut avoir sa compréhension. Alors, vous amener des
précisions qui font en sorte que, O.K., on comprend de quoi on parle. Alors, si
on revient sur votre précision. L'article, donc, c'est l'article 16 du
projet de loi 15 : «agir avec diligence pour assurer la protection de
l'enfant compte tenu-donc, vous êtes beaucoup plus précis que la notion de
temps-de l'impact-c'est ça qu'on cherche-dont l'impact chez l'enfant du temps
qui passe sans prendre action.» Donc, les conséquences sur son développement,
l'anxiété que l'enfant pourrait développer, des séquelles qui ne pourront pas
être récupérées, là. Vous le voyez vraiment comme comme des psychologues, et c'est...
En fait, c'était l'objectif de cette notion de temps, mais c'est la première
fois, je pense, qu'on l'entend aussi précisé comme ça. Alors, merci. Est-ce que
vous avez un rajout?
Mme Grou
(Christine) : Non, je vous laisse continuer. Je pense que vous
avez très bien saisi.
• (17 h 20) •
Mme Weil : Et donc ensuite,
encore une fois, la primauté de l'intérêt de l'enfant, donc, stipule que
l'implication des parents doit toujours être favorisée. Vous, vous dites :
Attention au «toujours», là, le «toujours» et sans nuance, ça fait comme
l'absolue. Alors, tout ça va vraiment alimenter notre réflexion. Je voulais
peut-être vous amener, parce que ma collègue aura aussi des questions,
l'accompagnement, la majorité. On en a beaucoup parlé et je pense qu'il y a
vraiment un consensus d'aller plus loin, parce qu'on a... certains, on a des
petits enfants, donc on a eu des enfants qui avaient 18, 19, 20 ans,
21 ans. On les a accompagnés jusqu'à leur baccalauréat, juste, bon...
leurs études, toujours là comme conseil, bon, et donc ça donne, évidemment,
confiance, hein, aux enfants, et ces gens-là sont tellement importants. Et
c'est de voir... de vous entendre là-dessus. Et d'un point de vue d'expertise
psychologique, c'est : Qu'est-ce que ça peut faire d'amener cet appui?
Surtout des jeunes plus vulnérables avec l'expérience de vie qu'ils ont eue, et
peut-être qu'ils n'ont pas eu tellement de personnes dans leur vie en qui ils
pouvaient vraiment avoir confiance. Et là on avait le regroupement des familles
d'accueil qui disaient : Nous, on pourrait jouer un rôle important de 18 à
21 ans, parce qu'on a déjà une relation de confiance. Il dit : on a
des gens qui reviennent nous voir à 40 ans, 50 ans, donc... Bon,
c'est un peu l'histoire, et c'est intéressant, c'est la première fois que
j'entends ça comme solution. J'aimerais vous entendre sur comment vous voyez
ça, ces âges-là 18, 19, 20 ans, des gens qui sont quand même assez
vulnérables
Mme Grou
(Christine) : Pour moi l'âge de 18, 19, 20 ans, ce n'est
pas, en termes de maturation cérébrale, et là c'est la neuropsychologue qui
parle, là, ce n'est pas l'âge adulte, c'est à dire ce n'est pas le moment où le
cerveau a fini sa maturation. Donc, au niveau de ce qu'on appelle les fonctions
exécutives, la capacité de s'organiser, de planifier, d'anticiper les
conséquences de ses actions, d'avoir une flexibilité qui permet de voir un
ensemble de solutions à des difficultés, de savoir où aller chercher, donc, les
références, d'être en rapport avec les institutions, par ailleurs, hein,
d'aller chercher un permis de conduire, de faire une transaction bancaire,
d'aller contracter... bref, quoi que ce soit, on sait à quel point les jeunes
peuvent avoir besoin de conseils. Puis on sait aussi qu'avant 24 ans, il y
a un bon nombre d'hospitalisations en santé mentale, c'est-à-dire qu'on sait
qu'il y a une fragilité des jeunes quand ils ne sont pas bien pris en charge,
et je pense qu'il faut faire attention à ça. Puis on sait aussi que les jeunes
qui sont sous la protection de la jeunesse sont encore plus vulnérables. Alors
donc, ça a été tellement difficile pour eux de développer des liens
significatifs, ils sont tellement plus à risque d'avoir des problèmes de
confiance en eux puis des problèmes d'estime d'eux-mêmes, je pense qu'il faut continuer
à les aider à se construire. C'est comme si on les a amenés jusqu'à majorité,
et là on les amène au bord d'une piscine, puis on a le choix entre les pousser
jusqu'à l'autre côté de la rive ou encore les laisser tomber dedans. Peut être
qu'il y en a qui vont nager et peut être une bonne proportion, mais il y en a
qui vont se noyer. Puis je pense que c'est ça qu'il faut éviter. Je ne sais pas
si, docteur Marleau, vous voulez ajouter quoi que ce soit.
Mme Marleau
(Isabelle) : Oui. En fait, parce qu'entre 18 et 25 ans,
puis on peut très bien le lire, là, dans le rapport Laurent, hein, il y a
beaucoup de statistiques où on voit qu'il y a beaucoup de troubles de santé
mentale...
Mme Marleau
(Isabelle) : ...Se cristalliser et puis... Durant cette
période-là. Donc, ça s'ajoute aux vulnérabilités ou à toutes les vulnérabilités
qui se sont potentiellement accumulées ou tous les traumas que ces jeunes-là
ont dû... auxquels ils ont dû faire face. Puis c'est... Je voudrais faire écho,
là, à ce que... Je crois que c'était à Mme Laurent qui parlait de
l'apprentissage de la citoyenneté, hein, alors c'est effectivement durant cette
période-là et c'est extrêmement important. Et on est en train de laisser ces
jeunes-là à eux-mêmes alors qu'ils sont dans cette période là, où ils font cet
apprentissage-là, qui est absolument essentiel, là, pour...
Mme Grou
(Christine) : Puis, tu sais, il faut ajouter que c'est
l'apprentissage d'être capable d'avoir une éducation, d'avoir accès à des
qualifications professionnelles, d'avoir un appartement, de garder un
appartement, d'avoir un emploi, de garder un emploi. C'est l'apprentissage
aussi de la vie de couple, de la parentalité pour certains. Donc, on veut les
aider à construire ça. On veut vraiment, je pense, en tout cas, je souhaite les
aider à vraiment aller vers la vie adulte, mais une vie adulte pleine et
entière.
Mme Weil : Merci, merci
beaucoup.
Une voix : ...
Le Président (M. Provençal)
: ...minutes. Mme la députée.
Mme Robitaille : Merci,
mesdames. C'est extrêmement intéressant et c'est extrêmement pertinent. Puis
Merci de parler de l'importance de suivre ces jeunes-là, d'entre 18 et
21 ans, de suivre, justement, de s'assurer... puis 'il faut le faire, il
faut essayer de trouver une façon, j'espère, avec le ministre, de s'assurer
d'une transition pour ces jeunes-là. Je veux juste vous dire, je suis sur la
députée de Bourassa-Sauvé, c'est Montréal-Nord. Et il y a d'énormes problèmes
de marginalisation de ces jeunes-là qui sont, des fois, dans la délinquance. Et
si on avait un soutien, un soutien, peu importe, ou s'ils pouvaient rester dans
leur famille d'accueil, évidemment, ça ferait une énorme différence. Je pense
aussi à France Labelle, la directrice du Refuge des jeunes à Montréal, qui en
accueille, des jeunes qui ont entre 18 et 21 ans, là, et c'est extrêmement
problématique. Puis on le voit plus puis c'est une nécessité, alors, merci,
merci de nous dire ça et de nous le rappeler.
Je voulais, moi, revenir sur la question
de la confidentialité. Il y a, vous le dites, il y a tout ce qui est
renseignement, là, tout ce qui est confidence dans une séance de
psychothérapie. Il y a ça. Mais on parlait aussi, ce matin à la Fédération
québécoise des directions d'établissement scolaire, qui nous disait, par
contre, il y a de l'information qui ne circule pas, il y a... Et quand on parle
d'élargir ce qui est confidentiel, c'est aussi, évidemment, les rapports ou le
plan d'intervention de la DPJ, qui devraient être mieux communiqués aux écoles,
par exemple, de façon plus rapide, plus efficace. Est-ce que vous êtes d'accord
avec ça?
Mme Grou
(Christine) : Honnêtement, moi, j'aurais tendance à vous dire
Il faudrait se demander quelle information devrait être à communiquer et qu'est
ce qui est pertinent de communiquer. Parce que quand on transfère l'information
à une école, par exemple au niveau du plan d'intervention, il y a énormément
d'informations sensibles. Puis, à certains moments, il y a une information qui
n'est même pas à la portée du jeune. Donc, il faut faire attention à qui on...
Qui va avoir accès à cette information-là et quelle est l'information qu'on
diffuse, est-ce qu'elle est pertinente. Puis ce qu'on veut, dans le fond, c'est
que ce soit une information... C'est que ce soit nécessaire, que ce soit
pertinent, que ce soit efficace, donc est-ce que c'est nécessaire à la
protection de l'enfant et est-ce que ça va être efficace pour qu'on puisse le
protéger. Et toute information ne sera pas nécessairement ni nécessaire ni
efficace. Je vous dirais même qu'il y a des situations où ça sera peut-être le
contraire.
Alors, je pense que, moi, je ne suis pas
du tout contre, on n'est pas contre la transmission de l'information. Il faut
juste ne pas ouvrir un buffet à la carte puis dire : Qu'est-ce que...
réfléchissons sur comment transmettre, quoi transmettre et comment surtout ne
pas créer de préjudice. Et je reviendrais peut-être à ce que vous avez dit,
d'entrée de jeu, c'est-à-dire que quand vous dites que c'est... bon, en fait,
que nous vous avons rappelé l'importance d'assurer le suivi entre 18 et
25 ans. Je veux juste revenir sur le fait que, oui, c'est important, mais
ce n'est pas la seule chose importante. Parce qu'il faut quand même qu'avant
18 ans, on leur ait aussi donné accès à tous les services dont ils ont
besoin. Parce que s'ils n'ont pas ça, tu sais, c'est une continuité, dans le
fond, hein, et s'ils n'ont pas...
Mme Grou
(Christine) :...entre 0 et 18 ans,
bien, on va arriver tard dans le processus. Et s'ils ont tout ça puis qu'on ne
donne pas le 18 à 20 quelques années, bien, malheureusement on risque de
compromettre encore une fois le processus, alors c'est vraiment une continuité.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Merci beaucoup.
Mme Robitaille : ...
Le Président (M. Provençal)
:Je m'excuse. Alors, même si l'échange
était très intéressant. Alors, on va continuer cet échange avec le député de
Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci beaucoup.
Sur la question de la confidentialité, là, si je comprends bien votre position,
c'est : ne soyez pas flou en remettant ça, au fond, au jugement
professionnel de chaque intervenant, parce que c'est une patate chaude, puis
aussi ça peut mener à des abus, dans le sens que ça peut amener à un mauvais
jugement puis à trop de divulgation d'informations.
Mme Grou
(Christine) :Bien, en fait, ce qu'on dit,
c'est que les intervenants ont déjà l'obligation de divulguer une information
quand que la sécurité de l'enfant est compromise, O.K, donc il y a déjà cette
obligation-là. Et là on veut élargir ça, c'est-à-dire qu'on veut que la
Direction de la protection de la jeunesse puisse outre les organisations du
réseau de la santé et des services sociaux, aller dans les autres organisations
et aller dans les cabinets pour aller chercher l'information lorsqu'il juge que
l'intérêt de l'enfant est compromis ou encore que son bien être est compromis.
Puis on n'a pas parlé du mot «bien être» qui jette aussi une confusion parce
que le bien être, c'est large. Et donc c'est là où on se demande : Mais
qu'est-ce qui pose problème pour qu'on veuille élargir, et est-ce qu'on ne va
pas finalement... Et là, je le répète, notre position, c'est que la
confidentialité n'est pas une valeur absolue, mais en même temps, quand on veut
lever la confidentialité, il faut savoir pourquoi on le fait. Et là ce qu'on
dit c'est : Mais pourquoi on veut élargir? On n'est pas contre du tout,
mais si on élargit, il va falloir baliser, paramétrer pour ne pas causer un
préjudice plus grand que le problème qu'on essaierait de régler.
• (17 h 30) •
M. Zanetti : Parce que pour
reprendre, disons, faire de l'extrapolation sur un exemple que vous avez donné
tantôt, si, par exemple, il y a un jeune qui témoigne à son psychologue qu'il a
des idées suicidaires, par exemple. Bon là, vous, vous allez évaluer s'il faut
que vous le disiez. Si vous pensez vraiment qu'il va passer à l'acte, là vous
allez le dire. Si vous pensez que non, vous n'allez pas le dire. En même temps,
si lui, l'enfant, il sait que vous allez le dire, s'il vous le dit, peut-être
qu'il ne vous le dira pas puis qu'il va passer à l'acte direct, ça fait que ce
n'est pas évident. Puis, moi, j'ai l'impression que si, dans la loi, on met une
liste d'épicerie, des choses qui peuvent être dites ou doivent être dites, on
risque d'en oublier ou d'en mettre peut- être trop, alors il va falloir des
critères. À un moment donné, il va falloir que ces critères-là, si on parle de
sécurité de l'enfant puis le bien être de l'enfant, nécessairement on ne peut
pas passer à côté du fait que ça interpelle le jugement professionnel des
intervenants. Où on trace la ligne? C'est... Je trouve ça compliqué.
Mme Grou
(Christine) :Je pense qu'on ne peut pas
aller aussi loin que ça à l'intérieur d'une loi. Mais cela dit, il faut
réfléchir à pourquoi on veut élargir. Puis si on élargit, là il faut baliser
puis paramétrer. Quand on parle du professionnel qui reçoit un jeune suicidaire
dans son bureau, ce qu'il doit évaluer, c'est le risque de passage à l'acte,
hein, c'est le risque de dangerosité. C'est ça qu'il doit évaluer. Et donc...
Parce qu'il y a une différence entre un risque de passage à l'acte suicidaire,
des velléités suicidaires, des idéations suicidaires. Il y a une différence
entre quelqu'un qui a un plan, quelqu'un qui n'en a pas, quelqu'un qui a des
idées, mais qui dit : Je ne ferai pas. Bon, ça fait la différence du
monde.
Puis il y a un paquet de choses... Puis on
parle de ça, mais on pourrait parler d'un jeune, par exemple, qui confie à un
psychologue qu'il a des fantasmes, je ne sais pas, moi, sur sa sœur adoptive
puis qui lui adresse ça. Bien, vaut mieux qu'il puisse adresser ça pour être
capable de traiter ça puis pour être capable d'avoir des comportements
adéquats. À partir du moment où il rentre dans le bureau... Puis là on parle
d'un psychologue, mais ça peut être un autre professionnel. Il rentre dans un
bureau, il y a un lien significatif avec quelqu'un, puis il ne peut pas en
parler, bien là, on a muselé un ensemble de gens. Donc, que ce soit des parents
épuisés qui voudraient avoir une pause ou qui ont peur de perdre les pédales
avec leurs enfants puis à qui on peut donner des moyens puis des ressources.
Donc, c'est sûr que quand il y a un danger, quand il y a une situation de
compromission, l'obligation demeure. Mais quand on n'est pas là... Puis oui, le
jugement clinique...
17 h 30 (version non révisée)
Mme Grou
(Christine) :...doit d'appliquer, et
c'est très heureux que ça puisse s'appliquer, puis c'est ça qu'on doit baliser,
nous, avec nos professionnels. Quand il n'y a pas une dangerosité immédiate, il
vaut peut-être mieux laisser la personne parler pour que le traitement puisse
être entrepris puis que, justement, on puisse l'amener à évoluer vers autre
chose sans qu'il y ait passage à l'acte.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons terminer
cet échange avec le député de René Lévesque.
M. Ouellet : Merci beaucoup,
monsieur le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, mesdames. Je vais
continuer sur la discussion que nous avons sur la confidentialité. Le
regroupement des familles d'accueil nous ont fait comprendre ce matin qu'il est
important pour eux, dans certains cas, d'avoir certaines informations pour
permettre de comprendre dans quels comportements passés le jeune s'est retrouvé
pour éviter comme familles d'accueil de répliquer des situations qui pourraient
être traumatisantes ou, à la limite, là, qui pourraient causer colère et
débordements.
Ce que j'entends dans votre mémoire, c'est
que vous nous dites comme recommandation l'importance de produire et de
diffuser des lignes directrices, justement pour baliser quels genres
d'informations qui peuvent être transmis, mais surtout à qui et à quelle
occasion. C'est bien ça qu'il faut comprendre?
Mme Grou
(Christine) :C'est exactement ça qu'il
faut comprendre, puis l'exemple de la famille d'accueil est un excellent
exemple. Parce qu'écoutez, je suis tout à fait d'accord qu'une famille
d'accueil a besoin d'avoir de l'information sur l'état de santé, sur les
carences, sur un ensemble du vécu du jeune qu'ils vont accueillir, puis qu'ils
doivent être partie prenante, de toute façon, des interventions, c'est
essentiel. C'est essentiel à la compréhension et à la capacité des familles
d'accueil d'investir ce jeune-là. Mais encore là, est-ce que ça veut dire que
tout doit être dit, que tout doit être divulgué, que tout doit être diffusé? Et
c'est là où on se questionne sur : est-ce qu'on doit vraiment ouvrir les
livres ou plutôt paramétrer? On est d'avis qu'il faut paramétrer, puis
réfléchir à quelle est la bonne information, quelle est la juste... et c'est la
même chose dans une école. Vous avez un enfant qui a un trouble
neurodéveloppemental, vous l'amenez dans une classe, il vaut mieux que
l'enseignant sache ce qui en est de cet enfant-là. Mais quelles sont les
informations qui doivent être dites? Qu'est-ce qui est pertinent au travail de
l'enseignante ou à l'accueil de la famille? C'est la question qu'il faut se
poser.
M. Ouellet : Est-ce que vous
aller aussi loin dans le cas de jeunes qui sont bien conscients, là, c'est-à-dire
qu'ils sont en âge de comprendre par où ils sont passés puis par où ils vont
aller, de demander la permission de divulguer certaines informations, est-ce
qu'on doit aller là, d'avoir l'autorisation du jeune en question? Je pense à un
jeune peut-être de 13, 14, 15 ans, là, qui ne veut peut-être pas dire ce
qui s'est passé parce que c'est un lourd bagage, puis il ne veut pas se faire
juger, puis il est déjà passé au travers, puis il ne veut pas que cette
histoire-là se réplique. Est-ce qu'on devrait aller jusqu'à demander
l'autorisation dans certains cas? Vous nous dites : Par devoir de
précaution, allons-y.
Mme Grou
(Christine) :Ah! mais moi, je vais vous
dire, dans le meilleur des mondes, puis je pense que ma collègue Marleau va
vous dire la même chose, dans le meilleur des mondes, tu es psychologue, tu as
un jeune de 15 ans en face de toi. Si tu es convaincu que c'est dans son
intérêt de divulguer, il vaut mieux l'amener à le faire et donc vaut mieux...
c'est parce qu'il faut comprendre que si on le fait sans l'avoir amené, sans
l'avoir amené à cheminer sur les bienfaits de la divulgation, non seulement il
va se rebiffer contre la famille qui va avoir une information qu'il ne veut pas
donner, mais il va se rebiffer contre le professionnel avec lequel il a réussi
à créer un lien significatif puis qui va le briser. Et on ne veut pas ça, alors
que le professionnel est bien placé pour l'amener à adresser un problème, par
exemple, ou même à divulguer une information qui va l'aider. Mais ça se
travaille, ça, en thérapie, et si on va trop vite... Puis encore là, je ne
parle pas des situations de danger. Je ne parle pas des situations où la
sécurité est compromise parce que là, il faut de toute façon.
M. Ouellet : D'accord.
Mme Grou
(Christine) :Mais dans toute autre
situation, ça se travaille et c'est plus porteur.
M. Ouellet : J'ai encore du
temps, M. le Président?
Le Président (M. Provençal)
:Je vous permets une dernière question
avec une réponse rapide.
M. Ouellet : Avez-vous des
exemples, justement, d'informations qui ont été dites qui causeraient
préjudice? Parce qu'on a eu cette discussion-là, on essaie d'obtenir le genre
de comportements qui aurait été énoncé et qu'il n'aurait pas fallu parce que ça
cause préjudice.
Mme Grou
(Christine) :Bien oui, une enfant, par
exemple, dont les parents auraient déjà mentionné à quelqu'un qu'ils ont déjà
pensé à la placer, qui ne le savait pas. Puis, finalement, l'enfant l'apprend
par quiconque, dans quelque milieu que ce soit, puis la personne ne le savait
pas, puis elle dit : Ah! Mes parents ont déjà voulu me placer? Tu sais.
Donc, un enfant qui aurait vécu des traumas et qui n'en aurait pas souvenir. Un
jeune qui aurait besoin de ventiler tout son fiel...
Mme Grou (Christine) :
...quand tu es adolescent, de toute façon, il y a toujours des moments où tu
détestes tous les adultes qui sont autour de toi et c'est normal même quand ils
sont bienveillants, et tu as besoin de le dire. Donc, un jeune qui verrait ça
diffusé à la personne contre qui il en avait, puis qui verrait la personne
revenir avec lui en disant : Bien, tu as dit tout ça de moi, tu sais, tu
as dit tout ça. Ça pourrait être très préjudiciable pour la relation. Mais des
exemples comme ça, il y en a plusieurs, donc, c'est... puis Dre Marleau en a
certainement des tonnes aussi.
Le Président (M. Provençal)
: Malheureusement, il ne nous restera plus de temps pour
écouter le Dre Marleau. Alors, je tiens à vous remercier, Dre Marleau et Dre
Grou, là, pour votre contribution puis votre collaboration et votre présence à
nos travaux. Je vous souhaite une belle fin de journée. Nous allons suspendre
les travaux pour faire place au prochain groupe. Merci beaucoup, mesdames.
Mme Grou
(Christine) : Bonne fin de commission. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 39)
(Reprise à 17 h 46)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux. Je
souhaite maintenant la bienvenue à M. Camil Bouchard, ex-président du Groupe de
travail pour les jeunes, Un Québec fou de ses enfants. Alors, je vous rappelle
que vous aurez 10 minutes pour votre exposé, et par la suite nous aurons nos
échanges avec les membres de la commission. Je vous cède maintenant la parole.
M. Bouchard (Camil) : Merci
bien, merci, M. le Président. Bonsoir, tout le monde. Je sais que vous avez eu
une longue journée. J'essaierai d'être le plus clair possible... (panne de son)
...enfin le pouvoir aux enfants, c'est comme... j'ai l'impression que c'est ça,
l'objectif du projet de loi n° 15. Dans tous les cas,
le principe premier, le principe porteur du projet de loi, c'est l'intérêt de
l'enfant, et l'intérêt de l'enfant, dans le fond, c'est son pouvoir ultime,
hein? C'est le seul qui doit prévaloir dans toutes les décisions qui sont
prises en fonction de cette loi-là.
Les intervenants sociaux puis les juristes
et journalistes ont dû trop longtemps, selon moi, composer avec une lourde
ambiguïté. À l'article 3 de la Loi de la protection de la jeunesse, on affirme,
et je cite, que «les décisions prises en vertu de la présente loi doivent
l'être dans l'intérêt de l'enfant et dans le respect de ses droits». Fort bien,
mais en contrepartie, à l'article 4, on affirme avec autant de force que, et je
cite, «toute décision prise en vertu de la présente loi doit tendre à maintenir
l'enfant dans son milieu familial». Cela laisse sous-entendre que maintenir ce
lien serait de facto dans l'intérêt de l'enfant. Il fallait donc faire la démonstration,
selon cette interprétation, que le retrait de l'enfant de sa famille était dans
son intérêt.
Le fardeau de la démonstration est
désormais renversé dans l'énoncé suivant du projet de loi n° 15.
Je cite : «Toute décision prise en vertu de la présente loi doit viser la
continuité des soins et la stabilité des liens d'un enfant et des conditions de
vie appropriées à ses besoins et à son âge. En conséquence, le maintien de
l'enfant dans son milieu familial doit...
M. Bouchard (Camil) :
...être privilégié à condition qu'il soit dans l'intérêt de cet enfant. On doit
donc désormais démontrer que l'intérêt de l'enfant est réellement mieux servi
par son maintien dans le milieu familial.
Alors... mais j'ai trois réserves
concernant l'article 6 qui modifie l'article 4 de la loi. Au premier
paragraphe, dans, et je le cite, «en conséquence, que le maintien de l'enfant
dans son milieu familial doit être privilégié», je recommande de remplacer le
mot «privilégié» par «pris en compte» ou alors «considéré dans l'évaluation des
conditions qui favorisent l'intérêt de l'enfant». Le législateur ne doit pas
faire du maintien dans le milieu familial un choix de préférence, selon moi,
mais une option à considérer. Cela, me semble-t-il, dissiperait tout doute quant
à l'intention de la loi et en faciliterait, je pense, l'application. Il ne faut
surtout pas inviter l'ambiguïté à se refaire un nez, ici et là, dans la loi.
Deuxième réserve, au paragraphe 2,
dans, et je cite, «la décision de tendre à confier l'enfant à des personnes qui
lui sont les plus significatives, notamment les grands-parents et les autres
membres de la famille élargie», fin de la citation. Cette invitation à
considérer encore une fois la priorité à la famille élargie par le mot
«notamment» nous ramène subtilement mais encore une fois à la préséance des
liens familiaux. Par conséquent, je recommande la formulation suivante :
«La décision doit tendre à confier l'enfant à la personne ou aux personnes les
plus significatives de son réseau d'adultes et de préférence à une ou des
personnes avec qui l'enfant aurait pu développer un attachement sécuritaire.»
• (17 h 50) •
Troisième réserve, à 4.3, paragraphe d, on
peut lire, et je cite : «Les personnes à qui la présente loi confie des
responsabilités envers l'enfant ainsi que celles appelées à prendre des
décisions à son sujet en vertu de cette loi doivent, lors de leurs
interventions, tenir compte des caractéristiques des minorités
ethnoculturelles», fin de la citation. Alors, la question, c'est : Qu'est-ce
qu'on vise exactement par cet alinéa? Est-ce qu'on vise une meilleure prise en
compte des relations particulières de certaines communautés avec l'autorité,
avec l'État, avec les services sociaux? Une acceptation plus grande de la part
des intervenants des écarts à la normativité en matière de discipline, en
matière de soins d'enfants? Est-ce qu'on souhaite une pratique clinique
ethnodifférenciée? En quoi l'alinéa sert-il mieux les intérêts de l'enfant? Le
Québec urbain et périurbain devenant de plus en plus ethnoculturel, il
m'apparaît important de clarifier explicitement la portée de cet alinéa au
regard de l'intérêt de l'enfant. Par ailleurs, le terme «minorité» ne me semble
pas des plus heureux, là. Le terme renvoie à un dénombrement statistique, finalement.
Pourquoi pas «communautés ethnoculturelles», davantage reliée, cette
expression, à l'appartenance à un groupe culturel?
Alors, dans le cas où le législateur
maintient cet alinéa, moi, je recommande la formulation suivante, et je
cite : «Tenir compte des caractéristiques des communautés ethnoculturelles
en priorisant toujours l'intérêt de l'enfant. À cet égard, et je continue la
citation, que vous n'avez sans doute pas sur votre texte, là, à cet égard, sont
obligatoires la formation des intervenants en contexte ethnoculturel et
l'accompagnement des enfants des familles dans les services de protection par
une ressource familière avec leur culture.» Fin de la citation.
Une autre réserve concerne, celle-là,
l'article 91.1 de la présente Loi de la protection de la jeunesse. La
présente loi prévoit que le dépassement des durées maximales d'hébergement est
permis en certaines circonstances, comme par exemple un retour présumé à court
terme dans sa famille, l'intérêt de l'enfant ou encore, et je cite, «motif
sérieux». À l'usage, ces exceptions sont devenues quasiment une règle, et le
dépassement, chose usuelle. Alors, pour respecter l'esprit du projet de
loi 15, je recommande fortement que le seul motif que l'on puisse invoquer
pour un dépassement à la durée d'hébergement soit l'intérêt de l'enfant, de cet
enfant, spécifiquement à démontrer et que l'article 91.1 de la présente
loi soit modifié en conséquence.
Maintenant, le pouvoir des enfants et le
pouvoir des données de la DPJ. La DPJ, c'est l'urgence des services sociaux,
tout le monde sait ça. Mais ça ne signifie pas pour autant que les DPJ
devraient automatiquement être exclues du jeu en matière de prévention. Les
directeurs de la protection de la jeunesse peuvent, au contraire, y jouer un
rôle clé. J'ai eu le privilège, durant ces dernières années, de coopérer avec
Éclore, un organisme de concertation pour les tout-petits de la Côte-Nord, un
territoire qui est aux prises avec des taux extrêmement élevés, là, en
protection de la jeunesse. Les actions menées par Éclore et l'ensemble de ses
partenaires ont abouti à la création des communautés de bienveillance envers
les enfants...
M. Bouchard (Camil) :
...qui a lourdement pesé dans l'approche adoptée par la Commission spéciale sur
les droits des enfants et de la protection de la jeunesse. Et la directrice de
la protection de la jeunesse de la région, Mme Gallagher, a joué un rôle
essentiel dans cette démarche-là. Elle a notamment mis à notre disposition les
données agrégées, les signalements traités et obtenus sur son territoire par
sous-territoire sur une période de cinq ans. Ces données nous ont non seulement
permis des calculs de taux de signalement par sous-territoire de MRC ou de
CLSC, mais surtout de bien circonscrire avec précision les contextes dans
lesquels ces signalements ont été faits. Les dates de signalements, types de
signalements par alinéa et sous alinéas, sexe et âge des enfants, sources de
signalement, adultes présumés responsables, etc. En tout, plus de
300 données pour chacun des enfants aident à cerner le contexte de chacun
des signalements. Ces données permettent, comme nous l'avons même expérimenté
sur la Côte-Nord, de réunir les intervenants de chaque MRC, y compris les élus,
là, qui nous ont demandé ça spécifiquement : On veut des données sur notre MRC
autour des mêmes réalités, des mêmes graphiques éloquents avec mission
d'identifier des enjeux sur lesquels les efforts de prévention locaux devraient
porter.
Ces enjeux diffèrent souvent, de fait,
d'un sous territoire à l'autre. Pour les uns, il s'agirait de prévenir les abus
sexuels, pour les autres, la négligence sanitaire ou la négligence éducative ou
encore des pratiques disciplinaires abusives. Dans certains cas, la
toxicomanie, les problèmes de santé mentale des parents seront des enjeux
priorisés, dans d'autres la violence conjugale. Pour les autres, l'isolement
des familles ou le manque de logements abordables, ça s'est présenté, ou la
période entourant la tenue des festivals, ça se présente aussi. Et ce n'est pas
rare, les changements importants, rapides et souvent imprévisibles dans la
dynamique économique des régions.
Nous avons pu constater l'impact de cet
exercice de mise en commun des données sur la cohésion des intervenants locaux
engagés à prévenir la maltraitance. Les facteurs de risque locaux associés à la
maltraitance leur apparaissent clairement à tous en même temps, et cerner
ensemble un ou deux enjeux rapproche de la solution, ce qui est souvent simple.
Cela réduit considérablement les tiraillements entourant les avenues de
prévention à emprunter et ça réduit beaucoup, beaucoup le sentiment
d'impuissance vis-à-vis le problème qui pourrait paraître autrement
insurmontable. Et ça donne aux enfants surtout, aux enfants signalés, aux
enfants qui sont confiés à la protection de la jeunesse, souvent, ça leur donne
un pouvoir collectif énorme, trop souvent occulté de révéler aux yeux même de
leur communauté les défis qu'elles doivent relever pour assurer leur bien être,
leur sécurité et leur développement.
Je recommande donc que le projet de
loi 15 comporte des dispositions obligeant les DPJ à partager des données
associées aux signalements portés à leur attention avec l'autorité responsable
et imputable du développement et du suivi des programmes de prévention de la
maltraitance envers des enfants et envers les jeunes sur leurs territoires et
sous territoires. Et je recommande aussi que la maltraitance envers les
enfants, puisque j'y suis, et étant donné que c'est un véritable enjeu de santé
publique comme l'a d'ailleurs reconnu la Commission spéciale sur les droits des
enfants et la protection de la jeunesse, que l'autorité désignée par le
ministre de la Santé et des Services sociaux comme responsable et imputable du
développement du suivi des programmes de prévention de la maltraitance envers
les enfants et les jeunes, soit le directeur régional de santé publique de
chacun des territoires. Alors voilà, M. le Président. Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Je vous remercie beaucoup pour votre exposé. Nous allons
débuter cette période avec le ministre. M. le Ministre.
M. Carmant : Bien, merci
beaucoup, M. Bouchard. Toujours un plaisir de discuter de ce sujet avec
vous que je sais vous tient grandement à coeur. En fait, les explications
étaient vraiment très claires. Puis votre but, c'est quand même de... c'est
vraiment d'éliminer toute confusion au niveau de l'intérêt de l'enfant, qu'il
soit primordial, même par rapport au fait de le maintenir dans sa famille. Il y
a des endroits où cependant, justement, la CDPDJ nous parlait, aujourd'hui,
puis ils parlaient de principe de droit, là, mais clairement, pour vous, je
pense que la clarté doit primer dans notre projet de loi.
M. Bouchard (Camil) :
Oui, tout à fait, puis on a trop souvent vu cette... apportée cette ambiguïté
durant des années dans l'énoncé du projet de loi sur la protection de la
jeunesse. C'est comme si, tranquillement, on avait dérivé vers un une loi qui
protégeait les liens familiaux...
M. Bouchard (Camil) : ...et
les enfants et qu'on avait deux... on avait une espèce de dualité d'objectifs à
poursuivre, dans le fond. Et les premiers articles d'un projet de loi, j'ai
appris ça quand j'étais député, là, puis je m'en souviens encore un petit peu,
ça définit pas mal l'esprit de tout le reste de la loi. Et les projets... les
articles 3 et 4 sont extrêmement importants. Et si on n'est pas clair à ce
moment-là, on ne le sera jamais dans le reste de la loi et on oubliera que
l'intérêt premier, c'est vraiment l'intérêt de l'enfant. Et c'est le seul...
c'est le pouvoir ultime de l'enfant qui est signalé, il n'y a pas d'autre
pouvoir. Et je trouve que le projet de loi 15 aborde cette question-là avec
lucidité et courage, dans le fond, parce qu'on revient souvent sur cet
élément-là, mais on veut aussi donner la parole aux enfants dans le projet de
loi. On veut les écouter, on veut les entendre, on va leur faire une place. On
introduit aussi le concept d'un avocat pour défendre l'intérêt de l'enfant en
cour, etc. Je pense que cette intention-là doit être absolument protégée tout
le temps.
M. Carmant : ...peut pas être
plus clair. Merci beaucoup. Quand on a parlé des minorités ethnoculturelles, on
voulait toucher le point que, je pense, ça avait touché beaucoup Mme Laurent,
là... de la surreprésentation non seulement des autochtones, on en a parlé
largement, mais également des communautés noires à la protection de la
jeunesse, et je voulais m'assurer qu'on adresse ce point-là. On nous avait
proposé le terme «racisé», mais, bon, «racisé», c'est... je ne sais pas si ça
va être un terme qui va persister à travers le temps, d'où le terme, d'où la
terminologie qu'on a utilisée. Puis, vraiment, on a par exemple, dans notre
programme Négligence, maintenant, on demande l'implication d'organismes
communautaires qui sont bien au courant de de ces notions-là. Donc, je voulais
voir avec vous quelle serait, selon vous, la meilleure façon, là, de s'assurer
que les réalités soient respectées selon les différentes communautés. Puis il y
a un point que le député de René-Lévesque a mentionné plus tôt cette semaine
également, les disparités territoriales, tu sais, que moi, je n'avais pas
nécessairement adressées, mais que je pense qu'il faut également adresser. Puis
vous le mentionnez bien avec Éclore, là. Je pense que ça va être important
aussi que les services soient enchâssés par rapport à cette réalité-là.
• (18 heures) •
M. Bouchard (Camil) : Oui. En
ce qui concerne les communautés ethnoculturelles, il y a toujours ce danger de
dérive du relativisme culturel quand on aborde cette question-là, autrement dit
que l'intérêt de l'enfant soit tranquillement, discrètement et avec toute la
meilleure volonté du monde relégué au second plan quand on regarde la réalité
ou le contexte culturel de l'enfant. Puis il y a des exemples qui nous viennent
à l'esprit, là. Il y a des pratiques disciplinaires d'une très grande violence
dans certaines communautés, envers les enfants, qui ne sont pas acceptables du
point de vue de la norme qui prévaut chez nous et qui ont des impacts chez tous
les enfants qui en sont victimes. Et moi, ma crainte vis-à-vis l'énoncé qu'on
voit dans le projet de loi, c'est qu'on dérive vers un relativisme culturel en
essayant de mieux accueillir ces communautés, comment dire, de diluer l'intérêt
de l'enfant dans l'accueil qu'on fait aux communautés, dans l'espace qu'on
donne aux pratiques culturelles.
Et moi, ce qui m'a toujours guidé dans mes
décisions, c'est ce que la science nous enseigne à propos des pratiques et des
soins que l'on doit offrir aux enfants, à tous les enfants de toutes les
cultures. Par exemple, les pratiques éducatives abusives ne servent pas le
développement des enfants, puis on connaît très bien les conséquences que ça a
sur le développement, la santé mentale des enfants ultérieurement et très
longtemps dans leur vie, de même, l'absence de soins adéquats, outils, etc.
Alors moi, j'avais une crainte par rapport à ça et
c'est pour ça que j'ai mentionné qu'on devrait obligatoirement... À mon avis,
le projet de loi devrait sans doute ouvrir quelque chose là-dessus. On devrait
obligatoirement demander aux intervenants qui pratiquent dans les communautés
culturelles qu'ils suivent une formation dédiée à ces pratiques qui sont très spécifiques
aux communautés culturelles. C'est très important. Et tout cet aspect aussi
d'accompagnement des familles dans le processus de fréquentation de la Loi de
la protection de la jeunesse, par exemple dans les services de protection de la
jeunesse, est extrêmement important aussi. Bien les entendre, bien les écouter,
écouter leur réalité, mais aussi...
18 h (version non révisée)
M. Bouchard (Camil) : ...en
profiter pour établir des liens de compréhension de ce qu'on entend par un par
un contexte de développement sain pour un enfant, et d'échanger avec avec ses
parents à ce sujet là. Et j'en ai souvent fait, moi, dans des rencontres avec
des parents dans des communautés ethnoculturelles, puis c'est passionnant. Mais
il faut toujours que l'intérêt de l'enfant soit mis en premier tout le temps,
tout le temps.
M. Carmant : Très, très, très
intéressant, là, ce que vous avez mentionné sur Éclore et puis le partage de
données. J'essaie d'amener ça au ministère, puis ce n'est pas une simple tâche,
là, l'accès aux données. Mais comment... je veux dire, c'est exceptionnel ce
qui a été fait sur la Côte-Nord. Comment peut-on reproduire ça à travers le
Québec?
M. Bouchard (Camil) : Par un
article dans le projet de loi. Parce qu'on peut, je pense, obliger les
directeurs de protection jeunesse, à point nommé durant une année, à partager
ces données avec... Moi, j'ai une préférence, vous le savez, pour le directeur
de santé publique comme étant le porteur d'un plan d'action de prévention de la
maltraitance envers des enfants. On pourra discuter plus longuement si vous
voulez, mais je pense qu'il doit... ces données-là doivent être partagées avec
le responsable et une personne imputable des programmes et des services de
prévention, parce qu'il y a une mine d'information extraordinaire autour de
chacun des signalements qui est fait à la direction de la protection de la
jeunesse. Et lorsqu'on les examine attentivement... Et c'est fou parce que
c'était une demande, ça, des élus municipaux. Quand on a fait les rencontres,
on a commencé par faire des rencontres régionales sur la Côte-Nord, et les élus
municipaux sont venus de voir puis nous ont dit : Écoutez, c'est intéressant,
mais dans ma commune, autant à moi, à quoi ça ressemble? Et aussitôt, qu'on
répond à cette question-là, vous avez tous les intervenants sur votre bord. Ils
sont assis autour de la même table, ils regardent les mêmes graphiques, ils
regard les mêmes données, ils ont les mêmes explications et ils parviennent à
avoir des discussions sur des enjeux précis sur lesquels ils doivent se pencher
s'ils veulent prévenir que ces signalements-là n'apparaissent de nouveau dans
leur tableau de bord à la fin de l'année. Et je pense, moi, que c'est quasiment
un devoir que de se pencher collectivement sur ces données-là parce que... et
c'est un pouvoir qui est... c'est le pouvoir que les enfants apportent
lorsqu'ils sont signalés à la protection de la jeunesse. Ils nous disent, dans
le fond : Si vous me regardez attentivement et si vous prenez des notes
sur ce pour quoi on a signalé ma situation puis qu'elle a été retenue à la
protection de la jeunesse, vous allez comprendre ce qu'elle a changé autour de
moi, vous allez comprendre ce qu'elle a changé autour de ma famille. Vous allez
peut-être mieux aider ma famille au moment opportun. Vous avez peut être mieux
pourvoir aux besoins de ma famille en termes de logement, en termes de revenus.
Peut-être que vous allez aménager le temps de travail puis le temps d'absence
de mon père, qui doit aller travailler dans les mines puis qui s'absente,
«fly-in fly-out», par exemple. Sur la Côte-Nord, c'est un problème. Alors, moi,
je pense qu'on doit ça aux enfants. On leur doit de partager la réalité qui les
a amenés à un signalement de la protection de la jeunesse et s'en servir pour
prévenir d'autres signalements dans ces communautés.
M. Carmant : Super! Merci
beaucoup. Monsieur le Président, je passerai la parole à la députée de
Roberval, avec votre permission.
Le Président (M. Provençal)
:Avec plaisir. Mme la députée.
Mme Guillemette : Merci,
monsieur le président. Merci beaucoup, monsieur Bouchard, d'être avec nous
aujourd'hui. C'est un plaisir de vous avoir avec nous. Écoutez, vous parlez de
plus de souplesse, de communauté bienveillante. J'aime beaucoup entendre ça
pour nos plus jeunes. Et vous dites... vous faites une proposition que «le p.l. 15
comporte des dispositions obligeant les DPJ à partager les données associées
aux signalements portés à leur attention avec l'autorité responsable et
imputable du développement et suivi des programmes de prévention à la
maltraitance envers les enfants et les jeunes sur les territoires et
sous-territoires». Ça implique la confidentialité, le secret professionnel
aussi, j'imagine. Vous voyez ça comment, le partage de ces informations envers
tous les intervenants du territoire? Parce qu'on sait qu'il y a des
intervenants qui ont des ordres professionnels, mais d'autres...
Mme Guillemette : ...Intervenants
n'ont pas d'ordre professionnel. Donc, quels éléments on pourrait partager et
comment on pourrait bien inscrire ça dans un projet de loi?
M. Bouchard (Camil) :
Bien, je pense qu'on ne partage pas des données nominalisées, on ne partage pas
des données qui peuvent identifier des personnes non plus que des rues et des
quartiers. On partage les données qui sont agrégées par sous-territoire de MRC,
donc c'est déjà assez large. Ces données-là sont... La confidentialité,
l'anonymat est de soi garanti parce qu'on s'éloigne vraiment du dossier
individuel pour arriver à agréger toutes les données d'un sous territoire.
Et c'est assez fascinant de voir comment
émergent soudainement, quand on agrège ces données-là, des profils de
territoire par rapport à des types de signalement qui sont prévalents sur ces
territoires-là et le type de situations qui apparaissent sur ce territoire puis
qui n'apparaissent pas à 100 kilomètres plus loin, sur un territoire administratif.
La réalité de la Haute-Côte-Nord, sur la Côte-Nord, n'est pas du tout ça celle
de Blanc-Sablon, hein, on se comprend là dessus.
• (18 h 10) •
Et quand on a des données agrégées pour
tout le territoire, on n'y comprend absolument... tu sais, c'est difficile de
saisir la réalité. Mais quand on commence à faire ça part sous-territoires de
MRC, soudainement, ça devient comme... Pour les participants, pour les
intervenants, pour les élus, ça devient quelque chose de plus concret, de plus
significatif puis de plus engageant parce qu'ils se reconnaissent dans ces
données-là. Et ils valident les données lorsqu'on les rencontre, parce qu'on
teste les données avec eux: Qu'est ce que vous pensez de ce profil-là, qui nous
vient des signalements de votre territoire, qu'est ce que ça vous dit? Quels
sont les enjeux que vous voyez prioritaires là-dedans?
Puis, tu sais, il y a des communautés où
les gars travaillent, ça n'a pas de bon sens, tu sais, en surtemps tout le
temps, 16 heures par jour, 12 heures par jour. Ils sont fatigués, ils
sont sur les amphétamines, ils étirent de la corde de la patience au bout.
Souvent, les femmes sont isolées, les mères sont isolées avec les enfants.
Arrive un incident, bien, un signalement d'enfant. Bon, alors, dans certaines communautés,
vous ne verrez pas ça du tout, mais dans d'autres, oui, parce que c'est ça leur
réalité socioéconomique.
Alors, tout l'intérêt est d'arriver à
transférer ces données-là d'une façon graphique, d'abord, c'est des graphiques.
Vous pouvez aussi avoir des tableaux avec des nombres, mais vous n'arriverez
jamais à distinguer qui, dans ces données, que cela concerne vraiment, jamais.
Mme Guillemette : S'il
me reste une petite minute, M. Le Président. On a entendu la Fédération des
familles d'accueil aujourd'hui. Ils nous disaient que, souvent, il va leur
manquer d'information, eux, pour bien soutenir l'enfant qu'ils accueillent.
Est-ce que c'est possible de leur fournir de l'information? Mais comment on
fait pour bien équilibrer l'information à laquelle ils ont besoin pour bien
soutenir?
M. Bouchard (Camil) : Je
ne peux pas vous répondre clairement à cette question-là. Je ne me suis jamais
vraiment penché là-dessus. Puis mon opinion, non, franchement, elle ne serait
pas très éclairante.
Mme Guillemette :
...merci beaucoup, monsieur Bouchard.
M. Bouchard (Camil) : Je
vous en prie.
Le Président (M. Provençal)
: Merci, Mme la députée. Nous poursuivons cet échange avec
la députée de Notre-Dame de grâce.
Mme Weil : Bonjour,
Monsieur Bouchard, plaisir, plaisir de vous revoir.
M. Bouchard (Camil) : Ah
bien! Bonsoir. Oui.
Mme Weil : On a été
député en même temps, que je pense que c'était juste un mandat.
M. Bouchard (Camil) :
Bien oui.
Mme Weil : Mais j'étais
à la régie régionale, peut-être même dans le réseau, à l'Association des
centres jeunesse, lorsque vous avez sorti votre magnifique recherche et
document. Je voudrais vous amener, parce que je sais que vous avez une grande
sensibilité à ça... C'est comment on fait pour travailler tous ensemble, la
première ligne en prévention et l'institutionnel?
J'ai quelques exemples où j'ai vu... c'est
Batshaw. Parce que, moi, c'est Notre-Dame-de-Grâce mais il y a Côte-des-Neiges,
là-dedans, il y a un vrai mélange, même si c'est des comtés différents, là. Et
il y a beaucoup de diversité. Et... parce qu'on dirait que, dans ce coin-là,
les gens se connaissent. Ils connaissent les organismes communautaires. Batshaw
connaît les organismes communautaires. Ils reçoivent des signalements. Puis,
des fois, en prévention... ils veulent avoir l'écho de l'organisme
communautaire qui travaille dans un certain milieu. Et on m'a parlé d'une
initiative: prendre le téléphone puis on va se parler, là. Et finalement...
Mme Weil : ...je n'irai pas
dans le détail, je ne connais pas le cas précis, mais ils ont pu travailler
ensemble, et c'étaient certaines communautés qui rentrent, donc des nouveaux
arrivants, ça peut-être des réfugiés, des demandeurs d'asile, etc., puis c'est des
profils différents, et donc on a beaucoup ça, on a beaucoup ça à Montréal.
Donc, comment il faut s'adapter? Et souvent, c'est ces organismes
communautaires, sur le terrain, il le voit, puis ils sont en lien avec l'école,
puis il y a quelqu'un, la travailleuse sociale du CIUSSS ou du CISSS, qui
connaît l'école. Ils ont tissé, ils ont réussi à tisser quand même un réseau de
contacts, de communication, peut être parce que la communauté est plus petite,
je ne sais pas ce que c'est, mais il y a une tradition aussi historique que, il
y a 60 ans, de se parler en... tout le monde. Et je l'ai vu de mes yeux
parce que j'étais en visite. C'était l'école d'été pour les plus vulnérables,
bon, qu'ils avaient créée avec un organisme communautaire, tout ça, venant de
l'argent de la Ville de Montréal qui avait de l'argent, justement, pour
désigner les enfants vulnérables, généralement issus de la diversité. Donc,
tout ça, ça c'est un exemple, il y en a partout, je pense.
Et comment on fait et comment la
protection de la jeunesse peut peut-être... je dirais, c'est une formation, est
ce que c'est des visites sur le terrain? Comment les sortir, peut être, de peut
être partout, là, pour aller à la rencontre de toutes ces ressources qui
existent dans la communauté, et l'école aussi qui joue un rôle important? Et je
sais que la prévention, c'est quelque chose qui est important pour vous, je
suis aussi une fan de la Santé publique parce qu'à l'époque les régies
régionales faisaient des plans avec la Santé publique, on avait toutes les
données, puis ensuite on faisait un plan d'action pour... Ça, c'est dans les
années 90, début des années 2000. Alors, ça, ça a disparu de... hein,
je pense qu'il n'y a pas ça maintenant. Il faudrait les ramener parce qu'ils
ont été des acteurs vraiment extraordinaires dans le domaine. Alors, je vous
pose cette question et je vous laisse aller, voire, j'aimerais ça vous entendre
sur tout ça et votre expérience, partout au Québec, sur ces questions-là de
tisser ces liens.
M. Bouchard (Camil) : Oui, bien,
j'ai vu beaucoup de ces expériences-là aussi, madame la députée, et je les ai
vu s'effondrer aussi parce que ça tient à la bonne volonté, souvent, de
quelques personnes, de quelques acteurs importants dans les communautés, et
qu'une fois ces personnes-là, ou bien épuisées, ou bien changées de territoire,
etc., les liens qu'on avait tissés et les projets ou les actions qu'on avait
mis en place s'étiolent tranquillement, puis perdent de leur puissance, perdent
de leur intensité, perdent de leur continuité.
Et c'est pour ça, moi, que j'insiste
tellement pour qu'on puisse identifier une autorité, sur le territoire
administratif, qui peut avoir la responsabilité, l'imputabilité aussi, le
pouvoir de rassembler toutes les personnes autour d'un même projet commun,
autour d'un même objectif, d'un même enjeu. Éparpiller les actions en
prévention parce que les uns ont des spécialités, puis les uns ont des outils,
puis les uns ne les ont pas, etc., ça, c'est la loi de l'instrument, tu as un
marteau et ça te prend des clous, ça ne marche pas. Ça prend quelqu'un qui
dit : Voici les données dont nous disposons, voici une réalité à laquelle
on fait face et que pensez-vous devons nous faire durant la prochaine année
pour faire diminuer cette courbe-là de signalements, de taux de signalements de
nos enfants à la DPJ? C'est ça, c'est la seule question légitime en ce qui me
concerne en protection de la jeunesse, c'est comment faire pour faire diminuer
les courbes de taux de signalements à la protection de la jeunesse.
Mais, si on n'a pas d'autorité locale pour
le faire ça, si on n'est pas capable d'identifier cette autorité locale pour le
faire, on n'y arrivera pas, on n'y arrivera pas. On va être à la merci, et tant
mieux quelquefois, de la bonne volonté de bien du monde, puis de la synergie,
puis de la dynamique qui s'est développée historiquement de cette
communauté-là. Mais, dans l'autre communauté d'à-côté qui aurait tant besoin de
ce type d'énergie et de dynamique, c'est inexistant parce qu'il n'y a personne
pour rassembler les gens.
Alors, la Santé publique, le directeur de
santé publique a ce pouvoir-là. S'il identifie une menace au bien être et à la
santé de sa population, le directeur de santé publique a le pouvoir de
convoquer, autour de sa table... tous les organismes qui peuvent avoir une
influence pour diminuer les risques à la santé ou au bien être de sa
population. Le client, là, le patient du directeur de la santé publique, c'est
la population. Alors, quand il identifie un risque, il a le pouvoir de...
M. Bouchard (Camil) : ...tout
le monde autour de lui, et il n'y a personne qui peut refuser, à moins que ça
soit un organisme gouvernemental, dans lequel cas il faut que le ministre ou le
ministère soit d'accord. Mais ce pouvoir-là, il est extraordinaire, mais en
même temps, c'est une responsabilité épouvantable parce qu'à la fin de l'année,
le ministre peut se retourner, puis demander à son directeur de santé publique
régionale : Comment se fait-il que les taux ont augmenté? Qu'est-ce que
vous n'avez pas fait ou qu'est-ce que vous avez fait qui aurait dû... qu'est ce
que vous avez omis de faire ou qu'est ce qui n'a pas fonctionné? De telle sorte
à ce qu'on en a encore des résultats qui sont navrants en ce qui concerne les
taux de mauvais traitements envers des enfants. Et tu sais, quand il y a une
liste d'attente, là, qui n'en finit plus à la protection de la jeunesse, là, le
ministre délégué, il sait à qui s'adresser, c'est la directrice ou le directeur
d'un Centre de la jeunesse. Mais quand il y a des programmes de prévention qui
ne sont pas mis en place ou qui sont mis en place de façon maladroite ou qui ne
respectent pas les règles qui sont prescrites par les expériences qui ont été
faites et qui font la démonstration que c'est comme ça qu'il faut faire, là, à
qui on s'adresse au niveau régional? Est-ce que quelqu'un peut me répondre?
Moi, je n'ai jamais trouvé la réponse. Je n'ai jamais trouvé la réponse et je
pense que c'est essentiel, si on veut changer la donne, il faut que dans chacun
des territoires, on ait une personne vers qui on peut se tourner et demander
des comptes et cette personne-là doit avoir du pouvoir et des connaissances.
Mme Weil : C'est intéressant,
il y a de la matière à réflexion, là, c'est formidable. C'est tellement vrai...
Oui?
M. Bouchard (Camil) : Mais
regardez ce qu'on a fait avec le tabagisme, le suicide chez les jeunes, les
grossesses adolescentes, les accidents mortels d'automobile. Qui a réglé les
questions? C'est la santé publique en collaboration avec les ministères
concernés. Ils sont bons quand on leur donne des ressources puis le pouvoir
pour le faire.
• (18 h 20) •
Mme Weil : Ils jouaient quand
même ce rôle, un peu, là, en mobilisant, je vous rappelle de ça, là, avec les
régies régionales parce qu'elles avaient cette autorité, les régies régionales,
puis il y avait la dimension protection de la jeunesse, mais préprotection de
la jeunesse. Moi, je représentais ce secteur là, mais... Et donc il y avait,
comment dire, la main tendue pour essayer de... commencer à dire... ce n'était
pas... en tout cas, ils n'ont pas pu aller très loin parce qu'il y a eu
tellement de réformes dans le réseau de la santé et des services sociaux dans
les années qui ont suivi, que la santé vraiment a prédominé. Et finalement tout
ce qui était prévention... J'ai ma collègue de... Bien, merci beaucoup, c'est
très intéressant.
M. Bouchard (Camil) : Je vous
en prie.
Le Président (M. Provençal)
: ...moins d'une minute.
Mme Robitaille : Bon, bien,
écoutez, très rapidement. Quand même, les organismes communautaires... une
partie intégrante quand même dans des secteurs comme Montréal-Nord, où... dont
je représente, les organismes communautaires jouent un rôle majeur. Est-ce
qu'il ne faudrait pas les faire partie de la solution en leur donnant plus
d'argent, en les finançant mieux?
M. Bouchard (Camil) : Bien,
je pense que c'est surtout l'instabilité qui est un problème chez les
organismes communautaires. On a beaucoup amélioré leur sort, je pense, depuis
les années où... de ses enfants, là, il y a quand même de l'amélioration dans
ce domaine-là et ils sont... L'organisme dont je parlais tantôt... c'est un
organisme de concertation des gens qui sont impliqués, engagés en protection de
l'enfance, en développement des tout petits sur la Côte-Nord. Ils font un
travail formidable. Mais alors, ce qui... moi... se présente encore comme un
problème des plus importants, c'est la stabilité dans leur financement. Il y a
des programmes qui viennent, il y a des programmes qui meurent, ils sont
remplacés par d'autres. Il y a des périodes de transition qui sont pénibles
dans les organismes. Bon, voilà.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, nous poursuivons avec le
député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Merci, monsieur
le président. Merci beaucoup, monsieur Bouchard. Je trouve ce que vous apportez
extrêmement important par rapport à la prévention. J'aimerais avoir des
précisions sur votre vision de ce que devrait faire la DPJ comme prévention
parce que vous avez parlé aussi du rôle de la santé publique régionale dans la
prévention. Mais quelle devrait être la part de la DPJ?
M. Bouchard (Camil) : Bien,
la moitié de ma présentation, dans le fond, porte là-dessus, et c'est, je
pense, le partage des connaissances qu'elle cumule, la DPJ, sur les enfants qui
sont signalés à la protection de la jeunesse. Si on veut prévenir un problème,
il faut le connaître correctement et on a cette capacité. Puis, on a créé ça au
fil des ans, là, des organismes de...
M. Bouchard (Camil) : ...de
recherches au Québec ont fait leur travail, puis les chercheurs universitaires
ont fait leur travail, puis les gestionnaires du réseau des services sociaux
ont fait leur travail, puis on a créé des banques de données importantes autour
des signalements qui sont faits en protection de la jeunesse. Et la richesse de
ces données-là est absolument incroyable. Et par territoire de MRC ou par
territoire de CLSC en milieu urbain, on peut arriver à identifier, à partir de
ces données-là, ce qui importe le plus, les enjeux prioritaires en termes de
prévention auxquels il faut s'adresser durant un, deux ou trois ou quatre ans,
peu importe, là, mais pour arriver à faire fléchir les taux de signalements
envers les enfants dans ces quartiers-là. On n'arrivera pas à faire fléchir les
taux de signalements au niveau national si on n'arrive à le faire au niveau
local et régional. Les acteurs locaux et régionaux là-dedans sont absolument
essentiels, et franchement il n'y a pas d'autre réponse que ça. La DPJ en a
déjà plein les bottines. On ne va pas lui demander d'écrire les politiques puis
des plans d'action en prévention. Elle reçoit les enfants pour lesquels tous
les efforts antérieurs ou bien ont été inefficaces ou ont été absents auprès
d'eux. Elle reçoit ces enfants. C'est notre urgence. Alors, tu sais, tu ne
demandes pas un urgentologue d'aller réparer la courbe dangereuse sur une route
en campagne, tu ne lui demandes pas ça. Tu demandes au ministère de Transport
d'aller faire de la prévention... d'aller réparer cette courbe dangereuse,
hein, de la... Mais au bout du compte, il va toujours... puis ça va prendre une
urgence au niveau social, puis c'est la directrice ou le directeur de la
protection de la jeunesse.
M. Zanetti : C'est très
clair. Merci.
M. Bouchard (Camil) : Je
vous en prie. Ça m'a fait plaisir de vous voir.
Le Président (M. Provençal)
:On conclut cet échange avec le député
de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci
beaucoup, monsieur le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, monsieur
Bouchard.
J'ai participé à Éclore Côte-Nord pas plus
tard qu'en 2018. Effectivement, on m'a présenté les statistiques de ma région,
et ça m'a mis sur le cul. Le taux de maltraitance des enfants de 0 à 5 ans
était un des plus élevés sur la Côte-Nord. Et lorsqu'on a vu les chiffres, bon,
c'est une prise de contact et un constat frappant, mais ça nous a permis à tous
les acteurs, les politiciens, que ce soit au niveau national ou au niveau
local, régional, de prendre conscience qu'il existait une solution qui
s'appelait la bienveillance, d'être à l'écoute et de tout faire en notre
pouvoir pour mettre les moyens en matière de prévention pour faciliter
justement le passage des enfants dans des situations difficiles à des
situations plus faciles.
Le ministre, tout à l'heure, vous
demandait la recette pour réussir Éclore Côte-Nord partout au Québec. Je pense,
monsieur le ministre, que ce n'est pas de le centraliser, mais bien de le
décentraliser et de donner un financement adéquat pour permettre la collecte de
données, qui va permettre par elle-même la prise de conscience locale. Ce que
M. Bouchard nous témoigne aujourd'hui, c'est la volonté d'un milieu de
faire une différence. Ça peut être à l'échelle d'une MRC, d'un quartier, d'une
communauté, mais c'est au milieu de décider de quelle façon on doit le faire.
Alors, je suis content que vous l'ayez
abordé, monsieur Bouchard, parce que ça a fait une énorme différence chez nous.
Je ne dis pas que nos taux sont beaucoup meilleurs, mais ils s'améliorent avec
les années. Donc, je veux vous remercier de nous avoir indiqué la marche à
suivre et de nous indiquer quelles sont les prochaines étapes à franchir.
Donc, je laisserais mon dernier temps de
parole à vous, question de nous indiquer comment une communauté peut faire une
énorme différence dans la bienveillance à ces enfants.
M. Bouchard (Camil) : Oui.
Bien, regardez, là, l'expérience que j'ai eue sur la Côte-Nord a été
déterminante, là, parce que... Vous me dites qu'elle a été déterminante chez
vous et pour vous, mais pour moi, ça l'a été beaucoup, parce que le pas à
franchir, c'est celui de la concrétisation. Et notre pire ennemi, en protection
de l'enfance, c'est le déni, le déni. C'est toujours le problème de quelqu'un
d'autre ou c'est le problème... la première page du journal durera trois jours,
puis c'est fini. Granby nous a sortis du déni, mais quand on a fait cette
expérience-là, sur la Côte-Nord, de dévoiler les données sur la Côte-Nord, on a
pris un risque énorme. On ne savait pas... Tu sais, on est tous des apprentis
sorciers là-dedans, là. Puis, moi, je me disais : Ah! il ne faut pas
stigmatiser la région puis il ne faut pas... Mais il y a eu un... ça a eu un
effet extraordinaire parce qu'on a tous sortis du déni en même temps. On s'est
tous dit : Bon, O.K, très bien, voici la réalité. Et c'est là que les élus
locaux, municipaux et régionaux sont arrivés, puis ils nous ont dit :
C'est intéressant...
M. Bouchard (Camil) : ...en
même temps troublant, mais, dans ma communauté, comment ça se présente et
comment je pourrais faire une différence en tant qu'élu? Puis les réunions
qu'on a eues autour des données, là, les premiers à entrer dans la salle puis
les derniers à sortir de la salle, c'étaient des élus, c'étaient les maires des
MRC, parce que leur mission, c'est de veiller au bien-être de leur communauté
puis de leurs citoyens, et les enfants, ça fait partie de leur mission aussi.
Tu sais, ils ne sont pas élus avec ce mandat-là, mais ça fait partie intégrante
de leur mission, puis ils veulent avoir des éclairages sur ce qui se passe dans
leur communauté puis... Écoute, pour moi, c'était un... ça aura été, parce que
ce n'est pas fini, là, le futur antérieur, c'est fabuleux, là, mais ça aura été
une expérience très révélatrice à ce niveau-là. On ne peut se passer des
données qui sont disponibles; on ne peut se passer en même temps d'un
acquiescement, d'un assentiment, d'une adhésion de tout le monde en regard de
ces données-là.
• (18 h 30) •
Alors, qu'est-ce qu'on... Sur quoi
s'accorde-t-on lorsqu'on regarde tout ce qui se passe dans notre communauté?
Sur les priorités qu'on doit adopter en vertu d'un objectif de diminution des
taux de signalement dans notre communauté. Et moi, je pense que ce qui nous
manque maintenant, c'est deux choses: au niveau national, qu'on se donne un
objectif, qu'on se donne un objectif de diminution des taux de signalement à la
Protection de la jeunesse; et au niveau régional, qu'on se donne des objectifs
aussi locaux et régionaux, et, une fois l'objectif fixé, qu'on identifie les
moyens précis pour y arriver. Et là-dedans, là, il y a beaucoup à boire et à
manger, il y a plein de connaissances qu'on peut mettre à contribution. Le
problème n'est pas là. Le problème, c'est d'abord de consentir à se donner un
objectif et d'y tenir.
Et moi, je me rappelle, là... J'ai
mentionné tout à l'heure l'exemple du suicide chez la cohorte des jeunes, il y
a quelques années de cela, peut-être une vingtaine d'années. On était les
champions mondiaux, quasiment, du suicide chez les jeunes. Bien, j'ai un
collègue à l'Université du Québec, Brian Mishara, qui a créé un centre de
prévention du suicide, puis un ci, puis un ça. ... Il y a eu des gouvernements
qui ont pris ça par le chignon du cou, puis il a dit: On va faire un plan
d'action pour réduire le suicide chez nos jeunes. Et là, chacune des régions a
adopté des politiques, puis des plans d'action, puis des programmes, puis des
services, puis on s'en est sorti. Alors, il faut faire la même chose au niveau
du mauvais traitement envers les enfants.
Le Président (M. Provençal)
: M. Bouchard, je ne peux que vous remercier de ce
témoignage et de cette conclusion, je trouve que ça conclut bien cet échange.
Alors, merci beaucoup.
Ceci étant dit, la commission ajourne ses
travaux à demain, jeudi 10 février, après les affaires courantes. Encore merci
pour votre collaboration et votre contribution, M. Bouchard.
(Fin de la séance à 18 h 31)