Journal des débats (Hansard) of the Committee on Health and Social Services
Version préliminaire
42nd Legislature, 2nd Session
(October 19, 2021 au August 28, 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Wednesday, April 6, 2022
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Vol. 46 N° 23
Special consultations and public hearings on Bill 28, An Act to terminate the public health emergency
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11 h (version non révisée)
(Onze heures trente-trois)
Le Président (M. Provençal)
:Bonjour à tous. Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services
sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les
personnes de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électriques.
La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et
auditions publiques sur le projet de loi numéro 28, loi visant à mettre
fin à l'état d'urgence sanitaire. Madame la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, monsieur
le président. M. Ciccone...
11 h 30 (version non révisée)
La Secrétaire : ...Marquette
est remplacé par monsieur Barrette, La Pinière.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Ce matin, nous
entendrons les personnes suivantes : Dr Luc Boileau et Mme Julie
Labbé conjointement avec M. Guy Thibodeau et monsieur Jean-François Fortin
Verreault. Comme la séance a débuté 15 minutes plus tard que notre... alors
on va avoir besoin d'un consentement pour terminer 15 minutes plus tard.
Des voix : Consentement.
Le Président (M. Provençal)
:On n'a pas le choix parce qu'on ne
retournera pas le groupe. Merci. Je souhaite la bienvenue au docteur Boileau.
Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après
quoi, nous procéderons la période d'échange avec les membres de la commission.
Je vous invite à vous présenter et à débuter votre exposé. Je vous cède la
parole, monsieur.
M. Boileau (Luc) : Merci
beaucoup. Merci, M. le Président. Alors, je... Et M. le ministre et Mesdames,
Messieurs les députés. Je me présente, Luc Boileau. Je suis le directeur
national de la santé publique par intérim. Et je suis ici aujourd'hui pour d'abord
vous remercier de m'inviter pour me donner le privilège d'être avec vous pour
les consultations sur le projet de loi 28 et de répondre à toutes vos
questions. Alors, je vais tenter de faire mon allocution à l'intérieur des dix
prochaines minutes et je crois pouvoir y réussir.
Alors, comme directeur de la santé
publique par intérim, je trouve évidemment important d'expliquer à mon tour,
là, plus en détail pourquoi on a besoin de ce levier législatif pour continuer
de servir et de bien protéger la population. Alors, comme vous le savez, on est
actuellement en plein coeur d'une sixième vague. Il y a des incertitudes sur
cette vague-ci et on ne sait pas comment évoluer avec précision.
Mais il y a une chose qui est sûre, c'est
qu'au moment où on se parle, la tendance reste à la hausse. Alors on aimerait
bien sûr, comme vous tous, je suis certain, mettre ça derrière nous, mais ce n'est
pas la réalité. Et il y a bien sûr une grande différence entre la levée de la
plupart des restrictions et la fin de la pandémie.
Alors, on est actuellement dans une phase
transitoire de pandémie. Et le projet de loi, tel que je le comprends, vient
appuyer ce processus de transition. L'arrivée de cette nouvelle vague
démontre... pardon, à elle seule toute l'importance d'avoir les leviers et les
pouvoirs nécessaires pour agir de façon responsable et diminuer les impacts sur
la santé de la population.
Comme vous le savez, je suis entré en
poste plus récemment, là, ça fait trois mois, alors que la cinquième vague
battait son plein. Puis elle était bien sûr accélérée par le contexte d'un
nouveau variant, l'Omicron. Mais auparavant, dans mes différentes fonctions, en
particulier bien sûr celles de P.D.G. de l'INESSS, j'étais en mesure d'observer
la situation. Alors, depuis le tout début, de par son caractère très
imprévisible, la pandémie nous met toujours sur le qui-vive puisqu'il y a eu
des changements, vous les avez vus, qui se sont présentés avec l'évolution de
ce virus-là et de ses différentes caractéristiques.
Alors, on a vu au cours des derniers mois
à quel point les nouveaux variants peuvent effectivement changer très
rapidement. Il faut donc pouvoir prévoir, anticiper, mais aussi être agile et
agir lorsque c'est nécessaire. Or, comme directeur national de santé publique
par intérim, je suis d'accord qu'on est rendu à un moment... Excusez-moi, ce n'est
pas ce que vous craignez que j'aie, à un moment opportun.
Des voix : ...
M. Boileau (Luc) : Non,
non. Moi, je trouve que ça s'inscrit bien dans la Conversation, là. Mais
rassurez-vous, ce n'est pas ça, j'ai d'autres petits problèmes. Alors, ce que
je disais, c'est que je suis d'accord, comme plusieurs, qu'on est rendus à un
moment où est-ce qu'on... C'est opportun, là, de lever l'état d'urgence
sanitaire. Mais il est nécessaire de maintenir certaines mesures transitoires.
Alors, dans ce projet de loi là, il y a
des éléments fondamentaux pour nous permettre de continuer à gérer efficacement
la pandémie. Alors, de la façon dont ça fonctionne au Québec en temps normal,
comme je comprends le système, c'est chaque direction régionale de santé
publique fait des actions de façon locale ou régionale, mais le plus souvent, c'est
local. Contrairement à ce que certains pourraient le croire, la Loi de la santé
publique, selon moi, ne permet pas au directeur national de santé publique d'avoir
une portée nationale dans ces actions. C'est davantage région par région.
Alors, l'état d'urgence sanitaire, elle,
elle a permis de mettre en place et de mettre en oeuvre des actions de santé
publique sur le plan national. Sans l'état d'urgence, il n'aurait pas été
possible de mettre en place les différentes mesures sanitaires qui permettaient
de réduire les contacts et, par conséquent, la propagation de la maladie sur l'ensemble
du territoire québécois. Alors, Impossible alors de se rendre... De rendre
obligatoire le port du masque dans les lieux publics, de rendre obligatoire
aussi l'enseignement à distance pour les enfants, de limiter la capacité d'accueil
dans les différents lieux publics, par exemple.
Alors, comme vous le savez, on est entré
dans une nouvelle étape de la gestion de la pandémie. On met en place le fameux
vivre avec le virus. Alors, il faut peu à peu reprendre la vie normale car...
M. Boileau (Luc) : ...succession
des confinements et des mesures sur la période des deux dernières années a eu
des conséquences sur plusieurs plans pour à peu près toute la population.
Alors, on est bien conscient de cela. Mais, comme vous le savez, on a
recommandé, plus tôt cette semaine, d'ailleurs, que le port du masque
obligatoire soit maintenu, pour l'instant, pendant quelques journées de plus,
quelques semaines maximum, mais en tout cas, pour l'essentiel, c'est pour le
mois d'avril, parce que la plupart des autres mesures ont été levées
progressivement au cours des dernières semaines et des derniers mois.
Et, même si le Québec vit une hausse de
cas et d'hospitalisations, la Santé publique n'a toujours pas l'intention de
renouveler ou de recommander de nouvelles mesures populationnelles. Alors,
c'est maintenant à chacun, pour les autres et pour soi-même, de prendre ses
responsabilités en fonction de la situation des autres et de la sienne aussi.
Alors, chaque personne doit faire ce qu'elle a à faire pour réduire ses risques
d'avoir la COVID et se protéger, mais aussi protéger les autres. On appelle,
globalement, au sens civique de la population... Pardon.
Mais, ceci étant dit, avant la fin de
l'état d'urgence... plutôt avec la fin de l'état d'urgence sanitaire, le projet
de loi, tel que je le comprends encore, nous permet de préserver des leviers
qui sont nécessaires à notre disposition pour pouvoir continuer de protéger la
population. Alors, l'idée est notamment d'être en mesure de mobiliser les
forces vives pour vacciner et dépister efficacement. Ce sont des éléments clés
pour notamment protéger les personnes les plus vulnérables, qui, comme on le
sait, là, sont les plus à risque des complications. Alors, les décrets et les
arrêtés qui demeureraient en vigueur jusqu'à la fin de l'année, au
31 décembre prochain, 2022, sont absolument nécessaires à nos yeux pour
conserver notre agilité puis notre efficacité à protéger la population au cours
des prochains mois.
• (11 h 40) •
Alors, comme je le comprends, le maintien
de certains arrêtés ministériels vise à permettre, entre autres, l'embauche de
personnes salariées temporaires grâce à la plateforme qu'on appelle Je
contribue. Alors, à défaut, de pouvoir compter sur ce personnel temporaire, il
faudrait avoir recours aux employés dits réguliers... pardon, du réseau de la
santé et des services sociaux pour assurer ces services de dépistage et de
vaccination. Et on le voit actuellement, avec la sixième vague, le taux
d'absentéisme chez les travailleurs de la santé est élevé et il ne baisse pas,
là, en ce moment. Alors, dans l'état actuel, sans la contribution des
travailleurs recrutés grâce à la plateforme Je contribue, le dépistage puis la
vaccination essentiels devraient être organisés uniquement avec le personnel
régulier du réseau qui est déjà largement sollicité et qui est en situation de
fragilité, là, avec le contexte actuel. Alors, ça me paraît invraisemblable de
pouvoir faire ça.
Un autre élément très important du projet
de loi et qui vise à poursuivre la vaccination pour un nombre ou un grand
nombre de personnes qui sont autorisées plutôt que par des personnes... qui
sont autorisées à le faire plutôt que par des personnes qui se retrouvent
habituellement sur la liste des professionnels qui sont habilités, là, de façon
courante à vacciner. Je sais que ça a déjà été abordé, mais je veux juste le
mentionner, en temps normal, ça se limite aux infirmières, aux médecins, aux
infirmières et infirmiers auxiliaires, aux infirmiers, bien sûr, aux
sages-femmes, aux inhalothérapeutes et aux pharmaciens. Mais, dans le contexte
d'une urgence sanitaire, on a eu la nécessité d'élargir le bassin de personnes
autorisées à vacciner et on a pu ainsi compter sur la contribution de plusieurs
autres groupes. D'abord, les étudiants, que ce soit en soins infirmiers, en
médecine, en pharmacie, en sages-femmes, les infirmières auxiliaires ou les
infirmiers auxiliaires aussi, les dentistes, les hygiénistes dentaires, des
diététistes, des nutritionnistes, des optométristes, des orthophonistes, des
physiothérapeutes, des techniciens ambulanciers se sont ajoutés au groupe, et
c'était essentiel pour pouvoir offrir cette vaccination de masse qui était
requise dans le contexte. Alors, en cette sixième vague, mais également au
cours des prochains mois. Comme on ne peut pas prédire ce qui va arriver, nous
sommes toutefois assurément convaincus que nous pourrions encore avoir besoin
de ces personnes pour nous appuyer dans le dépistage et dans la vaccination.
D'ailleurs, la vaccination est toujours en
cours. Vous l'avez entendu, la dose de rappel, la quatrième dose a été mise de
l'avant depuis la semaine passée pour les personnes en CHSLD, en RPA, dans
d'autres installations et pour des 80 ans et plus. Et, depuis ce matin,
aujourd'hui, ce sont les personnes de 70 ans et plus qui peuvent prendre
rendez-vous pour cette quatrième dose, tout en respectant un intervalle, bien
sûr, minimum de trois mois entre la troisième et la quatrième dose. Et c'est la
même chose pour les personnes de 60 ans et plus qui vont pouvoir
s'inscrire dès lundi matin prochain. Alors, le vaccin demeure un outil
remarquable, extrêmement efficace pour, vraiment, là, par rapport à...
M. Boileau (Luc) : ...ou
quoi que ce soit d'autre, là, pour prévenir les complications graves, c'est une
bonne nouvelle. Et en raison de la venue du variant BA2, on veut offrir une
immunisation supplémentaire à ces personnes qui sont à risque et qui sont déjà
bien protégées par les doses précédentes, mais qui pourraient être plus à
risque avec le temps parce que l'efficacité vaccinale baisse qu'elles soient
naturelles par l'infection ou par la vaccination. Alors, il faut des ressources
pour l'administrer, alors la même chose pour les dépistages. Les tests de
dépistage, ça fait partie des principaux moyens pour lutter efficacement contre
la pandémie de la COVID-19. Alors, il y a eu un virage, on le sait, vers les
tests rapides de dépistage pour une bonne partie de la population, mais il y a
encore beaucoup de dépistage qui doit se faire en clinique. Alors, ces tests
sont réservés aux travailleurs de la santé, oui, mais aussi à plusieurs autres
clientèles, notamment les personnes symptomatiques qui travaillent dans le
milieu scolaire ou les milieux de garde, les proches aidants, les personnes de
65 ans.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, Dr Boileau, je vais devoir
vous interrompre, alors je vais... Les gens auront sûrement des questions à
vous poser pour compléter votre présentation. Je m'excuse. M. le ministre. Je
vais vous maintenant vous céder la parole pour débuter cet échange. Vous avez 15 min 15 s.
M. Dubé : Alors, M. le
Président, merci beaucoup à mes collègues de l'opposition, aux députés du
gouvernement. Merci encore une fois d'être là pour ce projet de loi si
important. M. Boileau, je ne peux pas... Dr Boileau, je ne peux pas
m'empêcher de prendre juste quelques secondes pour vous remercier d'avoir
accepté ce défi-là il y a trois mois. Au moment où vous êtes arrivé avec nous,
ce n'était vraiment pas facile d'avoir su relever ce défi-là. Je pense que
d'avoir donné aussi un répit au docteur Arruda qui avait vraiment besoin de se
reposer. Je pense qu'on a eu la chance de vous avoir puis je tiens à vous
remercier pour votre présence. J'entends souvent des commentaires excessivement
positifs de la part du public qui a une grande confiance dans vous, dans vos
sorties, lorsque vous faites vos points de presse puis je tenais à vous le
mentionner parce que vous avez fait un travail remarquable depuis que vous êtes
là, puis merci beaucoup Dr Boileau.
Je vais aller sur trois, quatre sujets. Le
premier, vous le dites souvent, puis je pense que c'est rendu presque un
euphémisme de dire qu'il faut apprendre à vivre avec le virus, et j'aimerais
vous demander deux exemples, un exemple positif de ce que ça veut dire vivre
avec le virus puis peut-être un exemple négatif. Ce que je veux dire, c'est que
si vous aviez à dire à quelqu'un, ça veut dire quoi de continuer à faire de
vivre avec le virus puis aussi de faire attention de ne pas faire parce qu'il y
a beaucoup de gens qui vous écoutent aujourd'hui, qui savent que vous êtes en
commission. Je sais qu'on va parler des mesures d'urgence, mais je vous ai
entendu souvent dire : Il faut vivre avec le virus. J'aimerais ça vous
entendre sur un petit conseil à donner et l'autre à ne pas faire.
M. Boileau (Luc) : Bien...
donc, d'abord merci pour vos bons mots. Vivre avec le virus, ça veut dire vivre
en... ça ne veut surtout pas dire vivre en oubliant le virus. Vivre avec le
virus, c'est de vivre en toute conscience qu'il y a un risque associé à ce virus-là
qui est un virus qui est très contagieux et qui fait en sorte qu'on peut être
atteint et on peut atteindre d'autres personnes. Alors, le côté positif de la
chose, c'est qu'on a appris, au fil des deux dernières années, qu'il y a des
façons de se protéger, des façons simples, d'abord le masque, le lavage des
mains, la distanciation, d'être prudents dans nos sorties, là qui ont
fréquente. Ce n'est pas une question que nos amis sont plus fins que les autres
pour de virus, tout le monde est égal là dessus, mais c'est vraiment de pouvoir
tirer avantage de tout ce qu'on a appris dans les deux dernières années. Et les
choses dont il faut encore se méfier et qui laissent présager aussi des risques
pour la population, c'est une activité de civisme, c'est-à-dire de reconnaître
que, lorsqu'on a des symptômes, bien, on est probablement atteints de cette
maladie-là puisqu'elle est très fréquente et on doit s'isoler. Et si ce n'est
pas la COVID, et si c'est la grippe, puisqu'elle pourrait arriver aussi, alors
de s'isoler aussi pour éviter de propager ça aux autres personnes. Et cet
isolement-là devrait durer 10 journées, les cinq premiers sont sous une
formule d'un isolement plus à domicile, de rester bien confiné soi-même puisque
la charge virale que nous avons peut être très élevée pendant les cinq premiers
jours, et les cinq autres journées, elle est toujours là, elle va en diminuant,
mais donc de pouvoir sortir et vaquer à quelques activités, mais en s'assurant
que nous restions très prudents, donc toujours porter le masque, ne pas aller
danser, chanter, pas aller au restaurant, pas aller dans les spectacles, de
respecter cela. Alors...
M. Boileau (Luc) : ...le côté
très positif de l'histoire de la COVOD, c'est que ça a permis une solidarité.
Ça a permis aux gens d'adapter de nouvelles mesures, d'être conscientisés, puis
de développer ce sens civique. Le côté négatif, c'est quand on le néglige et
qu'on croit que parce qu'on n'a plus de symptômes ou qu'on a entendu parler que
ça pouvait durer moins longtemps, bien, c'est prendre des risques pour les
autres. Et ce n'est pas soi-même, on ne se réinfectera pas pendant les journées
qui suivent, on peut se réinfecter après, là, bien sûr, mais on ne se
réinfectera pas pendant les journées qui suivent, et le côté négatif, c'est
lorsqu'on laisse passer l'opportunité de bien agir pour les autres, alors que
pour soi-même, on s'en est mieux sorti. Ça reste une maladie grave, une maladie
qui est fréquente, une maladie qui amène des gens plus à risque dans le circuit
des hôpitaux et des fois, malheureusement, pire encore. Et ces personnes-là se
connaissent, mais il faut aussi que tout le monde les connaisse, ce sont des
gens de plus de 60 ans en général, qui sont plus fragilisés. Il faut être
conscient que si on va les rencontrer, bien, il ne faut pas avoir trop de
symptômes. Il ne faut pas en avoir, puis il ne faut pas avoir fait des sorties
qui nous amènent à risque de les contaminer.
M. Dubé : Alors, ce que je
retiens, docteur Boileau, puis je vais aller plus spécifiquement sur le p.l.
28, mais ce que je retiens, c'est que le virus est encore bien là, puis, il
faut continuer de se protéger, alors je pense que vous avez quand même
maintenant régulièrement des points de presse puis je pense que ces points-là
ont été soulevés encore hier. Vous avez dit dans votre présentation, puis je
pense que c'est important d'expliquer toute la question des limites actuelles
de la loi de santé publique quand vous parlez, par exemple, de la portée
régionale versus nationale, donc d'avoir... j'aimerais ça que vous élaboriez un
petit peu pour expliquer comment ça nous a aidés d'avoir les mesures d'urgence
sur une base nationale plutôt que régionale. Je pense que c'est peut-être moins
connu de la population à cet effet-là, là.
• (11 h 50) •
M. Boileau (Luc) : Oui. Les
leviers disponibles actuellement sont maintenant législatifs, permettent à des
directeurs de santé publique, des directeurs régionaux de santé publique d'agir
localement lorsque c'est requis. Il y a eu différentes situations pour ce
faire. Moi, je dirigeais la Santé publique de la Montérégie quand on a eu le
verglas et il y a eu certaines situations où on pouvait agir dans des crises
associées à cela, avec de l'influenza et autre chose. Mais ça peut arriver et,
habituellement, ce sont des maladies infectieuses ou des risques
environnementaux importants qui nous permettent de dire : On crée un
espace de protection et on empêche les gens soit d'entrer ou on invite les gens
à quitter le territoire. Quand j'étais très jeune, ça fait déjà un petit bout
de temps, il y avait... j'étais en charge des situations de
Saint-Basile-le-Grand, alors il y avait eu une évacuation. Ce sont des choses
qui peuvent être faites avec les leviers qui existent en ce moment. D'essayer
de repléter ça dans toutes les régions et toutes les localités pour avoir une
approche d'une mesure qui doit être standard pour l'ensemble d'une population,
c'est impossible. Il faut faire ça avec le levier des états d'urgence, sinon on
n'y arrive pas. Ça demande un circuit de décision qui est beaucoup trop long et
qui a des risques majeurs de dérapage. Et ça ne peut pas se faire ici. Et
toutes les juridictions à l'extérieur du Québec ont saisi ces mêmes
occasions-là d'amener des mesures pour que l'ensemble des populations puissent
être d'abord avisées de ces risques-là, mais aussi invitées à suivre des règles
pour empêcher les propagations. Alors, on n'est pas dans des pays où on est
capable d'être extrêmement sévère de ce côté là, mais ces leviers là, ici, ont
été essentiels et la seule manière de le faire, c'est de le faire dans un
contexte de mesures d'urgence...
M. Dubé : Nationales.
M. Boileau (Luc) : ...nationales.
M. Dubé : Le deuxième point
aussi, puis on en a déjà parlé, parce qu'on se dit souvent, bien, un peu ce que
je retiens, on veut être opérationnel parce que ça va tellement vite lorsqu'une
vague revient, puis, etc. Parlez-moi aussi de la flexibilité que les mesures
sanitaires... mesures d'urgence nous ont donné entre les vagues. Parce que, tu sais,
les gens disaient : Bien, là, la vague est terminée, vous devriez arrêter
puis vous recommencerez. Je veux juste voir le côté opérationnel de ça, ce que
nous ont permis les mesures d'urgence.
M. Boileau (Luc) : Je n'étais
pas celui qui dirigeait la santé publique, mais comme je l'ai mentionné tantôt,
j'étais tout à côté, là, dans un espace de visibilité, là, comme PDG de
l'INESSS, mais il est clair que c'était impossible de ne pas avoir une
continuité dans ces mesures-là pour justement, dans notre propre contexte au
Québec, permettre de faire du dépistage, pour voir arriver comment se...
reviendraient les autres vagues et de permettre de faire de la vaccination pour
pouvoir justement contrer les effets de cette progression que... dont on
pouvait nous attendre et de pouvoir...
M. Boileau (Luc) : ...également
met de l'avant des mesures, qui ont été mises de l'avant... je me répète, là...
dans des périodes qui étaient plus creuses en termes de risques. Par exemple,
le port du masque, lorsque c'est arrivé, on était entre deux vagues, et c'était
une mesure qui s'annonçait comme essentielle, dans la progression de la
connaissance sur le coronavirus, d'être installée dans une population. On
n'avait pas d'autres outils, on n'avait pas, à ce moment-là, les outils qu'on
connaît aujourd'hui, de vaccination, et ça s'est avéré très utile, et ça
s'avère encore utile, évidemment, avec les décisions qui ont été prises, cette
semaine, après nos recommandations.
Donc, on ne peut pas regarder l'arrêt
d'une vague en disant : Bon, bien, ça vient de finir aujourd'hui par... l'INSPQ
dit que c'est rendu là, on arrête les mesures. Elles doivent continuer parce
qu'il y a des gens qui continuent, d'abord, à être infectés, et d'autres qui
vont revenir. Ce sont des cycles qui sont normaux avec des maladies
infectieuses comme ça, contagieuses, il faut s'attendre à ça. L'important,
c'est de les voir venir, d'être bien outillés et de faire en sorte que la vague
soit la moins élevée et la moins dommageable possible.
M. Dubé : Très bien. Je vois
le temps qui file, Dr Boileau. J'aimerais ça aussi vous entendre, parce que je
l'ai entendu souvent, là, puis c'est légitime de poser des questions parce que
le projet de loi a été bâti comme ça... de cette fameuse date là du 31 décembre
2022. C'est quoi, les outils qui vous restent après cette date-là, là, dans le
contexte actuel, où on mettrait, là... il y aurait une acceptation des mesures
transitoires? Quels sont les outils qui vous restent pour qu'on soit protégés
après le 31 décembre 2022? Comment vivre avec le virus... je reviens encore à
ça, mais... après le 31 décembre?
M. Boileau (Luc) : Bien,
d'abord, il y a bien des chances que le virus ne suive pas les intentions
parlementaires, et qu'il soit encore là après le 31 décembre. Ça, il faut
envisager ça, d'une part. Mais d'autre part, c'est que je pense que, dans ces
mesures transitoires là, nous serons avec un système adapté pour faire en sorte
que le dépistage soit intégré dans les pratiques plus courantes dans le système
de santé et de services sociaux. Il y a plusieurs pièces qui peuvent,
progressivement, dans cette période transitoire, prendre le relais, et donc on
sera outillés, au lendemain du 31 décembre, pour ce faire. La même chose pour
la vaccination. Sans doute qu'il y aura eu un paysage ajusté pour nous
permettre de maintenir cette force vive là. D'ici là, il faut anticiper... mon
collègue Dr Longtin le disait hier... qu'il y aura... qu'il est possible qu'il
y ait une autre vague. En fait, c'est vraisemblable, c'est toujours comme ça
que ça va se passer. Mais s'il y a une bonne charge qui a été cherchée, en ce
moment, d'immunité et de vaccination, ça va nous permettre d'agir autrement.
L'autre chose, qui est très importante
pour moi, c'est les autres projets qui sont sur la table, donc, et ça, c'est ce
que je crois, là, que les systèmes d'information et la capacité d'absorber
l'information, de la voir en temps réel le plus possible nous permettent
d'avoir des routes agiles, rapides, réactives pour connaître l'état des lieux
et agir pour vacciner, ou dépister, ou d'anticiper quelque chose qui arrive,
que ce soit le coronavirus ou autre chose, d'ailleurs, et on n'est pas à
l'abri, d'abord, d'autres variants puis d'autres choses. Donc, le système va
être prêt après.
M. Dubé : Donc, c'est notre
responsabilité d'être sûrs qu'on a les mesures qui sont en place, parce que ça
pourrait continuer après le 31 décembre, je pense qu'on en est tous conscients.
Pendant que je vous ai, il y a eu quand même des développements intéressants
sur un des outils, qui est le fameux médicament Paxlovid, et j'aimerais en
profiter, là, parce qu'encore une fois les choses avancent bien. Qu'est-ce qui
s'est passé, là... Avez-vous senti peut-être, du côté de la population,
peut-être une meilleure acceptation du médicament au cours des dernières
semaines? Parce qu'on sait tous, maintenant, que le médicament est disponible
en pharmacie sans prescription, comme tel. Alors, j'aimerais vous entendre
là-dessus. Parce que vous m'en avez parlé, mais j'aimerais que les Québécois
entendent un peu l'avancée de ça, en termes d'un outil supplémentaire pour ceux
qui contracteraient le virus.
M. Boileau (Luc) : Le
Paxlovid est un médicament... visiblement, une innovation qui peut être très
utile. Tout le Canada est pris avec un problème de complexité pour offrir le
Paxlovid et le rendre disponible rapidement aux personnes ou aux groupes qui en
ont besoin, partout, mais le Québec a mis de l'avant le système qui risque
d'être le meilleur sur la scène canadienne, j'oserais même dire, mondiale. Le
fait d'avoir si rapidement permis de créer un consensus, qui a été couvert
par...
M. Boileau (Luc) : ...les
autorités gouvernementales, pour faire en sorte que les pharmaciens puissent
évaluer les personnes avec les tests suffisants, la connaissance suffisante et
prescrire le Paxlovid et en assurer un suivi, parce qu'il y a une complexité de
ce médicament-là, c'est un atout considérable. Il nous faut reconnaître que les
gens, avec la montée du BA.2, et en particulier les personnes sont très
vulnérables, il y a des critères justement de l'Institut national d'excellence
en santé et services sociaux qui sont connus. Puis ces personnes-là se
connaissent, elles savent que, si elles développent des symptômes, il faut
qu'elles puissent agir rapidement. On a des médicaments, des anticorps
monoclonaux, mais on a le Paxlovid qui se donne plus facilement, c'est par la
bouche, et on peut la voir en pharmacie. Et il y a des gens qui n'ont pas
profité de la vaccination, au fil des deux dernières années, qui elles,
lorsqu'elles se présentent avec ça, il faut qu'elles puissent aussi être aidées
pour diminuer le risque de complications parce qu'elles n'ont pas...
M. Dubé : Mais avant, Dr
Boileau, juste parce que vous, vous le savez, là, mais ce que je voulais
peut-être faire ressortir, c'est que, jusqu'à cette annonce-là qui est
effective depuis le 1er avril, c'est que les gens devraient avoir une
prescription du médecin et ils devaient soit aller à l'hôpital ou avoir une
prescription du médecin, ce qui rendait l'accès difficile parce qu'il y a la
difficulté d'avoir... Alors, maintenant, c'est ça qui a changé depuis quelques
jours, là, puis vous avez vu une augmentation dans l'utilisation du médicament
depuis ce temps-là.
M. Boileau (Luc) : Oui, une
augmentation dans les demandes aussi, parce que les gens, c'est au pharmacien à
faire l'évaluation, mais là les gens viennent à la porte et puis ils le font
par téléphone aussi, bien sûr, s'ils ont des symptômes, ils ne sont pas bien.
Mais c'est le «game changer», excusez... le changement majeur, c'est le
raccourci de l'accès...
Le Président (M. Provençal)
:...M. Boileau, pour votre réponse.
M. Boileau (Luc) : Je finis
comme ça, là.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, merci, M. le ministre. Alors,
je cède maintenant la parole au député de Nelligan pour la suite.
• (12 heures) •
M. Derraji : Merci, M. le
Président. Je n'ai pas le même temps que M. le ministre, je n'ai pas le même
temps, je vais vous poser une question courte, si c'est possible d'avoir une
réponse courte. Vous répondez quoi à quelqu'un qui vous dit : Même si on
l'attrape, la COVID, ça donne un rhume à peu près?
M. Boileau (Luc) : Bien, je
lui dis, il est chanceux que ce soit juste ça, parce que, malheureusement, pour
certains autres, ça peut être plus grave, mais c'est vrai, que pour la
majorité, ça s'apparente à un rhume, et on est chanceux, parce qu'on a été
vacciné. Mais pour d'autres, même si elles ont été vaccinées, elles peuvent
développer une maladie grave surtout si elles sont plus âgées. Mais la personne
a raison parce que c'est très fréquemment comme ça, mais ça n'empêche pas que
certains ont des risques.
M. Derraji : C'est une
déclaration responsable et irresponsable?
M. Boileau (Luc) : Pardon?
M. Derraji : Est-ce que c'est
une déclaration responsable ou irresponsable?
M. Boileau (Luc) : Que je
viens de faire?
M. Derraji : Non, non, mais
pas vous, non, non, non, mais pas vous. Si quelqu'un dit que, même si on
l'attrape, ça donne un rythme à peu près, pensez-vous que c'est responsable ou
irresponsable?
M. Boileau (Luc) : Bien, en
tout cas, moi, je vais surtout vous dire que c'est vrai, parce que c'est
vraiment le plus souvent comme ça grâce à la vaccination, alors c'est la
réalité. Maintenant, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres choses qui
peuvent arriver pour des gens qui ont plus de risques, mais c'est certainement
la réalité et tant mieux.
M. Derraji : Donc, vous dites
que c'est la réalité, c'est un rhume. Vous venez aujourd'hui demander des
mesures exceptionnelles et vous demandez que la période de transition
qu'aujourd'hui les parlementaires votant une période de transition jusqu'au 31
décembre 2022, vous ne voyez pas une contradiction?
M. Boileau (Luc) : Non, pas
du tout, parce qu'il y a quand même... ce n'est pas la totalité des personnes
qui vont avoir une maladie mortelle, et tant mieux, si nous n'avions pas la
vaccination, nous aurions une situation catastrophique, ce serait épouvantable,
là, vraiment, il faut imaginer ça. Alors, on a la chance d'avoir déjà beaucoup
de personnes vaccinées, mais il faut maintenir cette immunité-là justement pour
que les gens ne développent pas de maladies graves, et on a besoin de ces
mesures de transition pour surveiller et vacciner.
M. Derraji : Mais, docteur
Boileau, docteur Boileau, on a... vous l'avez très bien dit à plusieurs
reprises, le ministre, le premier ministre, on a le plus haut taux de
vaccination presque dans plusieurs nations. Vous vantez beaucoup de résultats
qu'on a le plus haut taux de vaccination première dose, un peu moins deuxième,
un peu moins la troisième dose. Vous venez de confirmer que la personne qui a
déclaré, même si on l'attrape, ça donne un rhume à peu près, qu'elle a raison
et que c'est une déclaration responsable. En même temps, vous demandez aux
parlementaires que vous avez besoin de mesures transitoires et de situations
exceptionnelles, parce que le virus est encore, il est encore là, mais je
n'arrive pas à suivre. Si c'est un rhume, si c'est un rhume, vous venez de le
confirmer, si c'est un rhume, pourquoi autant de mesures exceptionnelles? On a
vécu.
M. Dubé : ...
Le Président (M. Provençal)
:Non, M. le ministre M. le ministre...
M. Derraji : Mais c'est
sérieux, mais, M. le Président, il n'a pas le droit...
Le Président (M. Provençal)
:Non, M. le ministre.
M. Dubé : Je veux juste
demander...
12 h (version non révisée)
M. Derraji : ...mais, s'il
vous plaît, M. le Président, il n'a pas le droit....
M. Dubé : M. le Président...
M. Derraji : M. le Président,
il n'a pas le droit...
Le Président (M. Provençal)
:S'il vous plaît! S'il vous plaît!
M. Derraji : ...il n'a pas le
droit de m'interrompre, il n'a pas le droit de m'interrompre!
M. Dubé : Je voulais juste
vous demander conseil pour essayer de bien comprendre...
Le Président (M. Provençal)
:Non!
M. Dubé : ...si ce genre de
question là peut être posée. C'est incroyable!
M. Derraji : Il n'a pas le
droit de m'interrompre! Il n'a pas le droit de m'interrompre! Il n'a pas le
droit de m'interrompre!
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre, je m'excuse, c'est un
échange entre le député de Nelligan...
M. Dubé : Je posais une
question...
Le Président (M. Provençal)
:...oui, et le Dr Boileau, et j'ai
fixé... on avait arrêté votre temps, pour ne pas...
M. Derraji : ...absolument
récupérer mon temps, c'est difficile. Il n'a qu'à écouter les réponses du Dr
Boileau.
Dr Boileau, c'est très important, ce que
vous êtes en train de dire. Je vous ai demandé... Il y a quelqu'un qui a
déclaré: Même si on l'attrape, la COVID, ça donne un rhume, à peu près. Vous
êtes d'accord. Vous m'avez même dit que c'est responsable comme déclaration.
Cette déclaration vient du premier ministre du Québec, ça vient du premier
ministre du Québec.
M. Dubé : ...
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre, M. le ministre!
M. Derraji : Donc, ce que je
vous dis, vous... M. le Président, vous... je vous laisse gérer, parce que je
n'ai pas intervenu.
Le Président (M. Provençal)
:Oui, oui.
M. Dubé : Donc, vous...
Le Président (M. Provençal)
:Non! M. le ministre! M. le ministre,
je suis obligé de vous demander de vous taire.
M. Dubé : ...
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre...
M. Derraji : Et ce n'est pas
votre rôle de répondre! ...adressez-vous au président. ...
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre... M. le ministre, je
m'excuse!
M. Dubé : ...
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre, s'il vous plaît...
M. Derraji : On n'a pas le
droit, c'est irresponsable!
Le Président (M. Provençal)
:...on est dans un échange.
M. Derraji : C'est
irresponsable, ce que vous faites!
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre...
M. Dubé : ...
M. Derraji : ... Vous ne
respectez même pas le président.
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre, s'il vous plaît!
M. Dubé : Incroyable!
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre, s'il vous plaît!
M. Derraji : Respectez nos
rôles, respectez...
Le Président (M. Provençal)
:S'il vous plaît! Je vais suspendre la
rencontre, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 12 h 5)
(Reprise à 12 h 7)
Le Président (M. Provençal)
:M. le député de Nelligan, s'il vous
plaît! Alors, nous reprenons nos travaux. Je veux spécifier qu'en aucun temps
un ministre n'a le droit d'interrompre un parlementaire de l'opposition lorsque
ce dernier est en train de discuter et de faire un échange avec les gens qui
sont présents. Alors, il sera souhaitable que ça ne se reproduise plus. M. le
ministre, vous avez bien saisi mon message?
M. Dubé : ...M. le Président,
merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Je vous demanderais votre
collaboration, M. le ministre.
Alors, M. le député de Nelligan, là, on
recommence avec le temps qui vous est donné.
M. Derraji : Merci, M. le
Président, de rappeler les bonnes façons de faire dans notre commission.
Dr Boileau, je vous ai posé une question
très simple, je vous ai partagé une déclaration: «Même si on l'attrape, la
COVID, ça donne un rhume, à peu près.» Vous avez dit que c'est la vérité, ça
donne un rhume pour plusieurs personnes. Ma question est très simple: Si c'est
un rhume que ça donne à une bonne majorité, si c'est grâce à la vaccination...
on arrive à contrôler, pourquoi vous nous demandez des mesures exceptionnelles
aujourd'hui pour continuer l'état d'urgence jusqu'au 31 décembre 2022?
M. Boileau (Luc) : C'est bon?
Une voix : Oui...
Le Président (M. Provençal)
:...
M. Boileau (Luc) : Si je vous
demande ça, c'est parce que justement, on souhaiterait que pour la grande
majorité des gens, sinon on espérerait pour la totalité, ça ne soit qu'un
rhume. Mais malheureusement, pour certains, ce n'est pas que ça. Alors, la
réalité, c'est ça. C'est que pour plusieurs, et il y a des milliers de
personnes, il y en a... écoutez, les données de CIRANO nous montrent que la
semaine passée, on était entre 30 000 et 40 000 personnes par jour
qui s'infectent et qui ont la COVID. Donc, si tout le monde se retrouvait dans
les hôpitaux, au bout de 2 jours, on serait fini, là. Alors, il faut
justement s'assurer que pour la majorité d'entre ces personnes, ça puisse se
traduire comme un rhume... un rhume ou une petite grippe. Il y en a qui... ça
va souffrir plus que ça, et certains vont se retrouver dans le contexte
hospitalier, et d'autres, pires que ça. Alors, les mesures transitoires sont là
justement pour nous assurer qu'on puisse tenir cette route-là de santé publique
pour protéger les gens et de leur permettre d'avoir accès à la vaccination,
accès au dépistage, accès comme système à l'information pour pouvoir agir
rapidement. Ça ne pourrait être autrement.
M. Derraji : Mais Dr
Boileau... Dr Boileau, je veux vraiment vous suivre. Vous êtes quelqu'un
responsable. Vous êtes à la tête de la santé publique, mais vous savez très
bien le poids des mots. Je ne vous apprends rien. Vous êtes docteur, et vous
comprendrez très, très bien le choix des mots. Je vous viens de vous poser une
question très simple. Même si on l'attrape, ça donne un rhume à peu près. Donc,
pour une bonne majorité, c'est difficile de leur accepter les mesures d'un état
d'urgence. C'est ça que je vous dis. C'est que si c'est un rhume, et vous vous
le dites très bien, qu'une bonne majorité ne vont pas avoir les complications
nécessaires. D'ailleurs, il y a les médicaments. Et même pour les gens
hospitalisés, il y a un autre médicament. Je vous dis que sur la place
publique, le message que c'est un rhume, quand j'essaie de voir d'autres côtés,
des pouvoirs que le gouvernement cherche, bien, c'est des mesures
exceptionnelles. C'est un état d'urgence. C'est là où j'essaie de comprendre
c'est quoi la logique qui est derrière.
• (12 h 10) •
M. Boileau (Luc) : Bien...
Le Président (M. Provençal)
:Dr Boileau.
M. Boileau (Luc) : Écoutez,
si... à moins que j'aie manqué quelque chose, mais il me semble que le projet
de loi, c'est pour lever l'état d'urgence. Ce n'est pas pour le maintenir.
Et...
M. Derraji : Oui, oui. Le
premier article est levé, mais il y a cinq arrêtés que je ne vous apprends
rien. Le ministre vient de vous poser des questions. Nommez-moi...
M. Boivin (Luc) : Mais
regardez les mesures qui sont...
M. Derraji : Oui, oui,
juste... il y a cinq arrêtés. Il y a cinq arrêtés jusqu'au 31 décembre
2022. Cinq arrêtés. Vous avez vu, entendu la Fédération des infirmières la
semaine dernière. Vous avez entendu l'APTS. En après-midi, il y a des
spécialistes en droit qui vont le dire. Vous, vous venez de dire :
Écoutez, pour la bonne majorité, c'est un rhume. Mais en parallèle, c'est un
rhume, mais je veux cinq arrêtés parce que pour moi, la mesure transitoire,
c'est important jusqu'à la fin de l'année.
M. Boileau (Luc) : C'est bon?
Je peux répondre?
Le Président (M. Provençal)
:Oui, allez-y.
M. Boileau (Luc) : Regardez,
je ne sais pas comment le réexpliquer, là, mais je vais le dire comme ça, c'est
un projet qui, à mon sens, trouve sa racine, d'abord, sur le fait qu'on enlève
l'état d'urgence puisqu'elle n'est plus nécessaire pour aller de l'avant avec
des mesures populationnelles qui sont d'envergure. Nous ne sommes pas à l'abri
d'un nouveau virus qui pourrait se transformer ou d'un nouveau variant, mais
pour l'instant, nous ne le voyons pas à l'horizon, mais on n'est pas à l'abri.
On a vu l'Omicron arriver. Un. Deux, dans le contexte du BA.2, même dans le
contexte d'Omicron, mais maintenant dans un contexte du BA.2, c'est encore plus
ça, nous avons besoin de pouvoir maintenir une efficacité des services de santé
publique et du système de soins pour maintenir la vaccination de la population,
son dépistage. Juste, en ce moment, là, on donne la quatrième dose pour un bon
nombre et on va, pourra probablement être obligé de le continuer...
M. Derraji : Mais moi, je
vous comprends, je vous comprends.
M. Boileau (Luc) : Bon, bien,
si vous comprenez, tant mieux, monsieur.
M. Derraji : Non, non, je
vous comprends. Si je reviens à la question de départ, le choix des mots est
important en santé publique.
M. Boileau (Luc) : C'est pour
ça que je choisis mes mots, là.
M. Derraji : Je ne vous
apprends rien. Oui, oui, mais vous dites, vous dites un rhume.
M. Boileau (Luc) : Non,
monsieur...
Le Président (M. Provençal)
:Il faudrait répondre, par exemple, le
Dr Boileau, s'il vous plaît.
M. Boileau (Luc) : Regardez,
là, il y a une série de... les gens, là, des fois, quand il s'exprime en
quelques mots... moi, quand je vois un patient, là, quand je voyais parce que
je n'en vois pas en ce moment, là, à moins que... mais quand je voyais un
patient, là, ce n'est pas en deux secondes. On est obligé de leur dire les
mots, puis d'ailleurs Boileau avait dit, il y a très longtemps : Ce que
l'on conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent
aisément. Mais il faut encore les dire. Alors, tout ça, ça fait en sorte qu'il
y a des nuances, des fois, qu'on ne peut pas entièrement faire, mais il est
très juste, il est vrai que pour la majorité des personnes actuellement sur la
planète et au Québec, quand elles sont vaccinées comme elles le sont, le BA.2
s'exprime par une maladie moins sévère, et tant mieux.
M. Derraji : Excellent. Vivre
avec le virus. Je vous ai entendu parler...
M. Derraji : ...des mesures,
masques, réduire les contacts, chaque personne doit faire ce qu'il a à faire.
Je ne vous ai pas entendu parler de la qualité d'air. Est-ce que c'est vivre avec
le virus... équivalent, ne pas parler de la qualité d'air que ce gouvernement
ne veut pas régler jusqu'à maintenant?
M. Boileau (Luc) :
Spécifiquement au coronavirus ou...
M. Derraji : Je parle du
coronavirus, oui, oui, le coronavirus, absolument, oui.
M. Boileau (Luc) : Parce que
les enjeux de qualité d'air touchent plusieurs dimensions. Et si on parle du
coronavirus, la situation au Québec, elle n'est pas en péril pour la question
de la qualité de l'air. Il y a beaucoup d'efforts... D'abord, il y a beaucoup
de mesures qui ont été prises de ce côté-là, si on parle des environnements
intérieurs, évidemment, là.
M. Derraji : Les milieux
clos.
M. Boileau (Luc) : Les
milieux clos, c'est ça.
M. Derraji : Donc, vous ne
partagez pas... sur la qualité de l'air sur les milieux clos. La scientifique
en chef, le rapport qu'elle a fait, qu'elle a envoyé à toutes les provinces
pour agir sur la qualité de l'air dans les milieux clos, y compris les écoles.
M. Boileau (Luc) : Mais c'est
ce qu'on fait. Alors, je partage certainement le fait qu'il faut tenir compte
de ça parce que c'est une variable qui est importante, mais c'est ce qui est
fait. Alors, s'il n'y avait rien qui était fait, je serais inquiet, mais ce
n'est pas ça, c'est ce qui est fait. Et on nous demande souvent...pour pouvoir
analyser les situations et encourager, justement, la validation de plusieurs
situations qui peuvent apparaître à risque, mais c'est ce qui est fait.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour cette réponse. Nous allons maintenant
passer à la suite des échanges avec le député de Rosemont.
M. Marissal : J'ai combien de
temps...
Le Président (M. Provençal)
: Deux minutes.
M. Marissal : O.K., merci.
Bonjour, Dr Boileau. Je ne m'éterniserai pas, là, dans les salutations. Moi,
j'ai un petit malaise ici, là, je dois vous le dire en toute honnêteté, là. Il
me semble qu'on est en plein mélange des genres. D'habitude, ici, on entend des
témoins. Au bout de la table, il y a des témoins. Là, vous agissez, me
semble-t-il, en promoteur de ce projet de loi là. Quel a été votre rôle dans la
rédaction du projet de loi n° 28?
M. Boileau (Luc) : Est-ce que
je peux répondre?
M. Marissal : Bien sûr,
rapidement.
M. Boileau (Luc) : Mon rôle,
ça a été celui de dire : Si nous enlevons les leviers que nous avons à
notre disposition, nous prenons des risques. Et j'ai essayé de calibrer les
risques par rapport à cela et de dire : Si nous n'avons pas ces
mesures-là, nous ne serons pas capables de tenir la route en toute
vraisemblance pour assurer une sécurité quant à la protection de la population
devant le coronavirus. C'est spécifique au virus. C'est ce que j'ai dit, c'est
ce que j'ai manifesté quand les gens ont dit : On est prêt à lever les
mesures sanitaires. J'ai regardé les conséquences de ça et j'ai avisé, dans les
échanges qui nous ont été permis d'avoir, qu'il nous faut maintenir les
éléments que vous avez sur la table.
M. Marissal : Mais,
comprenez-moi bien, ce n'est pas que c'est désagréable de vous voir, au
contraire, là. Moi, je suis de ceux, parfois, qui demandent votre présence en
commission parlementaire pour parler de votre travail puis parler de la
pandémie, mais pas pour parler d'un projet de loi. Les gens qui défendent le
projet de loi sont de l'autre côté, là. Puis c'est correct, c'est leur job.
Puis quand le ministre ou les ministres ont besoin, ils amènent des
fonctionnaires puis des juristes. Là, moi, je suis devant un mélange des genres
parce que vous, vous défendez... Quand mon collègue de Nelligan vous a
demandé : Pourquoi vous demandez ça? Vous avez répondu : Je demande
ça parce que. Vous n'êtes pas dans l'explication scientifique d'une situation
pandémique, là, vous défendez bec et ongles un projet de loi. Vous ne vous
sentez pas un peu instrumentalisé par le politique ou, à moins que ce soit le
contraire, vous poussez le politique?
M. Boileau (Luc) : Est-ce que
je peux répondre?
M. Marissal : Oui, je vous en
pris.
M. Boileau (Luc) : Je ne me
sens pas instrumentalisé, je me sens assez libre et indépendant, vous le savez,
vous m'avez souvent entendu dire cela, mais je vais juste remettre ça sur la
table comme il faut, avec la clarté que vous exigez, puis qui est tout à fait
légitime. Moi, je comprends que le levier qui est à ma disposition, comme
directeur national de santé publique, s'apparente à ce qu'on va retrouver dans
le projet de loi. Ce qui m'importe, et vous avez raison là-dessus, ce qui
m'importe, c'est que nous puissions maintenir ces activités-là. Et s'il y a
moyen de les maintenir différemment, tant mieux, mais je n'en vois aucun, puis
je connais assez... ça fait 40 ans, là, que je suis dans le système de santé et
de services sociaux, j'ai eu l'occasion de regarder ça sous différents angles.
Et la manière pour maintenir la mobilisation requise en ce moment, trouvez-là,
mais moi, je la vois comme essentielle dans cela et ça... on a une inquiétude
dans le domaine de la santé publique. Si on devait se perdre ces moyens-là,
nous serions vraiment mal pris.
M. Marissal : Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Nous allons maintenant céder la parole au député des
Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci beaucoup,
M. le Président. Moi aussi, j'ai peu de temps, je vais aller droit au but.
Merci d'être là, M. Boileau. J'aimerais savoir... c'est la question.
M. Arseneau : ...Plusieurs se
posent. Qu'est-ce qui distingue le Québec des autres juridictions pour
nécessiter le maintien de plusieurs décrets et de règles? Alors qu'ailleurs, on
semble pouvoir faire face et vivre avec le virus sans ces instruments
extraordinaires que vous demandez et que le gouvernement demande.
M. Boileau (Luc) : Je
pense que je n'ai pas, pour être franc, je n'ai pas fait le tour des autres
juridictions sur ces aspects-là. Je regarde ce que nous, nous avons besoin dans
notre propre contexte, avec les leviers et les caractéristiques de notre
système de santé et de services sociaux et de santé publique. Et cette
analyse-là fait en sorte qu'on réclame le maintien de ces gestes-là, au
quotidien, de dépistage et de vaccination.
M. Arseneau : Et ça,
c'est nécessaire pour maintenant, c'est nécessaire jusqu'en décembre. Qu'est-ce
qui vous donne à penser que ce ne sera pas nécessaire en janvier 2023?
M. Boileau (Luc) : Parce
que sur la table, en même temps, dans la progression de la gestion de ce
système-là, on a confiance que des éléments de redimension de ces capacités de
dépistage et de vaccination vont pouvoir avoir lieu. Donc, c'est une période de
transition. C'est une période qu'on a besoin, de quelques plusieurs mois encore
pour pouvoir s'assurer de faire cela. Et on est pas mal en route pour faire en
sorte que ça fonctionne bien d'ici la fin du mois de décembre, d'une part.
Mais d'autre part, c'est que pour cette
période-ci, il y a tout de même des risques encore. Vous voyez la sixième
vague. Je ne veux pas annoncer une septième, là, mais on a des appréhensions
sur...
• (18 h 20) •
M. Arseneau : Bien,
justement, parce qu'on ne peut pas annoncer une septième mais qu'on devine
qu'il pourrait y en avoir une sous toutes sortes de formes ou que le virus va
encore muter, ça semble assez évident, pourquoi décembre? Parce que ces
pouvoirs-là, vous ne les aurez pas davantage une fois que la loi s'éteint.
M. Boileau (Luc) : Non,
mais moi, ce n'est pas les pouvoirs comme les moyens. C'est les moyens de
vacciner, les moyens de dépister.
M. Arseneau : D'accord.
Dépister. J'ai une dernière question. Pourquoi on ne rétablit pas le dépistage
PCR alors que les tests rapides dépistent tardivement? C'est prouvé, le BA.2
déjoue les tests antigéniques. Pourquoi, pourquoi on ne rétablit ça à grande
échelle?
M. Boileau (Luc) : C'est
une question qui est très bonne que nous nous posons régulièrement et que...
M. Arseneau : Est-ce que
c'est une question financière?
M. Boileau (Luc) : Non.
M. Arseneau : Est-ce que
c'est une question d'accès aux petits tubes ou aux réactifs?
M. Boileau (Luc) : Non,
non, c'est vraiment une question de... Je vais répondre à votre question. Les
tests PCR sont d'une grande utilité, bien sûr. On est capable de suivre des
groupes et des populations pour faire en sorte que nous puissions agir avec
rapidité. On ajoute un groupe, qui sont les personnes qui ont besoin de
Paxlovid, on le rajoute, là, c'est fait. Alors, ce sont des tests qu'on ne
devrait pas multiplier. L'utilité d'un test rapide qui se présente
différemment, vous avez raison, là, ce n'est pas la même sensibilité.
M. Arseneau : Mais les
gens actuellement se promènent alors qu'ils sont testés...
Le Président (M. Provençal)
:Je m'excuse, M. le député.
M. Arseneau : ...négatifs
qui sont porteurs.
Le Président (M. Provençal)
:Je dois céder la parole à la députée
d'Iberville.
Mme Samson : Merci, M.
le Président. Bonjour, Dr Boileau.
M. Boileau (Luc) : Bonjour.
Mme Samson : Dr Boileau,
êtes-vous d'accord avec moi que ni les Québécois ni les Suédois ni les Chinois,
aucun peuple sur la Terre n'est à l'abri d'un nouveau virus, que ce soient le
coronavirus, le sida ou une autre bibitte qui pourrait se jeter sur nous parce
que quelqu'un dans le monde a fait quelque chose de pas correct? Donc, Il n'y a
personne qui est à l'abri d'une nouvelle pandémie.
M. Boileau (Luc) : Oui.
Mme Samson : Celle-là,
on l'a connue, c'est la seule qu'en tout cas, moi, j'espère que j'aurai connue
de mon vivant mais il pourrait y en avoir d'autres de d'autres types, de
d'autres genres.
M. Boileau (Luc) : Oui.
Mais mettons qu'on est capable de voir ça arriver. Le coronavirus, on ne
pouvait pas le voir immédiatement arriver lorsqu'il est arrivé, mais avec la
connaissance qu'on a, on est capable de faire suivre... de suivre ça très, très
bien.
Mme Samson : O.K. Et
êtes-vous d'accord avec moi si je dis que... Et c'est le rôle d'un gouvernement
responsable de s'assurer qu'en tout risque de pandémie, ses Infrastructures
puis ses installations sont habilitées à réagir rapidement et convenablement?
Ça, c'est la job d'un gouvernement, puis d'un ministère de la Santé, puis des
officiers de la Santé, puis des docteurs.
M. Boileau (Luc) : Je
pense que c'est ce qu'on comprend puis c'est ce qu'on fait.
Mme Samson : O.K. Moi,
j'aimerais qu'on m'explique qu'est-ce qui empêche le gouvernement actuel de se
préparer à une pandémie qui pourrait... Ou un virus qui pourrait nous tomber
dessus le 6 janvier prochain si ce projet de loi là n'est pas adopté? Je
ne vois pas qu'est-ce qui empêche un gouvernement responsable de se doter des
infrastructures, de négocier avec les corps de... les Syndicats pour s'assurer
d'avoir toute la flexibilité dans l'éventualité où il devait... Parce que le
gouvernement pourrait toujours déclarer un nouvel état d'urgence sanitaire.
C'est dans ses options. Alors, je ne vois pas qu'est-ce que ce projet de loi
là...
Mme Samson : ...s'il
n'est pas adopté, puis je pense qu'il ne devrait pas être adopté, à part le
premier article, dans mon livre à moi, ça n'a pas de bon sens. Qu'est-ce qui
l'empêche de se préparer à une autre pandémie en janvier ou en février
prochain? Je ne vois pas qu'est-ce qui l'empêche.
Le Président (M. Provençal)
:Vous avez 10 secondes pour
répondre.
M. Boileau (Luc) : Bien,
c'est parce qu'il y a deux choses. Il y a une nouvelle... il y a des mesures
exceptionnelles qui pourraient être prises si on en avait quelque chose de
complètement dramatique qui se passait. Puis la deuxième, c'est que, si on
arrête tout ça, en ce moment, on va aller vers des risques énormes puis on va
tuer du monde. Ça fait que, donc, il faut quand même être réaliste, là, il
faut... Moi, je pense que, là, je veux bien, mais, si on n'est pas capable de
maintenir une immunité dans la population et de vacciner nos gens, là, c'est
une affaire qui va nous rendre exceptionnels sur la planète, puis pas à peu
près.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup de vos réponses,
docteur Boileau.
Alors, nous allons suspendre les travaux
pour faire place au prochain groupe. Merci beaucoup de votre collaboration puis
de votre contribution.
(Suspension de la séance à 12 h 25)
(Reprise à 12 h 28)
Le Président (M. Provençal)
:Nous poursuivons maintenant avec un
nouveau groupe. Je souhaite la bienvenue à Mme Julie Labbé,
présidente-directrice générale du CIUSSS du Saguenay-Lac-Saint-Jean,
M. Guy Thibodeau, président-directeur général de la CIUSSS de la
Capitale-Nationale, et Monsieur Jean-François Fortin Verreault,
président-directeur général du CIUSSS de l'Île-de-Montréal. Je vous informe que
vous disposez de 10 minutes, et, par la suite, nous aurons nos échanges.
Je vous cède la parole.
Mme Labbé (Julie) : Alors,
bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Donc, vous
m'avez présentée, Julie Labbé, P.D.G. du CIUSSS Lac-Saint-Jean, accompagnée de
mes collègues, Monsieur Thibodeau et monsieur Fortin Verreault.
D'abord, je tiens à vous remercier au nom
de tous mes collègues du réseau de la santé et des services sociaux de nous
offrir cette opportunité aujourd'hui. Vous savez, depuis mars 2020, nos vies à
tous ont été chamboulés. Comme vous le savez, notre réseau subissait déjà une
forte...
Mme Labbé (Julie) : ...pression
qui n'a pu que s'accentuer durant ces deux dernières années. Un contexte d'une
ampleur jamais vue commandait sans aucun doute des mesures exceptionnelles, des
moyens inhabituels. Cela s'est avéré être un défi logistique majeur avec des
impacts humains sans précédent. Nous sommes ici aujourd'hui afin de vous
partager comment cela s'est traduit sur le terrain, entre nos murs, ce que nous
avons véritablement vécu ces dernières années, alors que nous devions soutenir
nos équipes qui étaient au front, au front pour notre population, pour nos
personnes vulnérables, pour nos tout petits, dans l'espoir de pouvoir retrouver
une forme d'équilibre social pour notre santé mentale, parce que l'homme est
grégaire, parce qu'il a besoin de sa communauté, particulièrement en période de
crise.
Les différentes mesures exceptionnelles
mises en oeuvre dans le cadre de l'état d'urgence, les deux dernières années,
ont permis à notre réseau d'intégrer plus d'agilité et d'utiliser des leviers
de gestion importants afin de protéger notre population et de maintenir un
certain niveau de soins et de services à la population québécoise. Bien
évidemment, nous sommes conscients de la nécessité à ce qu'on apprenne à vivre
avec le virus au cours des années à venir. Cette volonté nous commande
d'apprendre à nous gouverner sans mécanismes de gestion exceptionnels et je
tiens d'entrée de jeu à vous rassurer, nous sommes déjà, depuis plusieurs mois,
dans une dynamique de transition vers nos opérations courantes.
• (12 h 30) •
Dans le contexte de l'urgence sanitaire,
c'est l'ensemble de nos façons de faire qui ont dû être revues dans de très
courts laps de temps. L'une des grandes richesses du réseau de la santé et des
services sociaux est son capital humain, porté par des gens passionnés qui se
sont montrés extrêmement engagés et résilients dans cette lutte. En mon nom et
en celui de mes collègues, je profite de l'occasion pour réitérer toute ma
reconnaissance à l'égard du personnel de toutes catégories confondues de la
santé et des services sociaux, des médecins, des gestionnaires, des
partenaires. Dès la première vague et de façon de plus en plus soutenue par la
suite, nos équipes ont également été déployées dans les résidences privées pour
aînés, des ressources intermédiaires, afin d'assurer la sécurité des aînés.
Elles ont agi comme agents de prévention, aides de services. Elles ont
également soutenu le personnel soignant sur place lors du rehaussement des
mesures de prévention et de contrôle des infections et ont dispensé de la
formation aux proches aidants. Le réseau de la santé des services sociaux était
fragilisé, la pression était bien réelle avant la pandémie, mais elle s'est
accentuée. 754, c'est le chiffre que nous vous invitons à retenir. 754
aujourd'hui, c'est le nombre exact de jours que nos équipes cumulent depuis le
début de la pandémie et malheureusement, ce n'est pas terminé et ça ne le sera
pas tant et aussi longtemps que nous devrons prendre en charge des vagues d'une
certaine ampleur et les besoins d'une population vieillissante qui a des
besoins de soins et de services.
La disponibilité de la main-d'œuvre est un
enjeu incontournable dans certaines régions comme la mienne. La problématique
est d'ailleurs amplifiée par le vieillissement accéléré de sa population, qui
est en avance de 10 ans par rapport à l'ensemble de la province. Nous nous
devons de répondre aux besoins populationnels en contexte de pandémie et de
déployer les actions nécessaires afin que les services essentiels soient
maintenus pour notre population. Les leviers rendus accessibles par les arrêtés
ministériels ont contribué, que ce soit par le réaménagement dans
l'organisation du travail, par différents incitatifs au volontariat, par
l'arrivée massive de renforts exerçant d'autres professions à continuer de
protéger et desservir la population en matière de soins de santé. Les primes et
les incitatifs financiers ont effectivement favorisé le volontariat, qui permet
d'absorber une demande amplifiée par la pandémie, mais ce qu'il faut surtout
retenir, c'est que ces incitatifs représentent un gage de reconnaissance envers
leurs efforts soutenus.
En ce qui a trait à Je contribue, la
plateforme Je contribue s'est avérée un atout précieux dès les premiers jours.
Nous avons été aux premières loges pour témoigner de l'esprit de coopération et
la solidarité de notre population qui s'est levée pour soutenir les équipes
offrant et protéger notre communauté. En plus de cette mobilisation historique,
les processus d'embauche ont été allégés en les rendant davantage flexibles,
rapides et ouverts concernant les différents champs d'expertise. Aussi, les
décrets, en regard des actes réservés à certaines professions, ont évidemment
contribué à ce que nous puissions revoir la manière d'orchestrer les soins et
services et miser sur le plein potentiel de chaque individu. Il ne faut surtout
pas passer sous silence un retour colossal d'employés retraités du réseau qui
ont repris les armes pour se joindre à cette force collective. Leur
savoir-être, leur expérience et leur grand dévouement ont fait une différence
notable. L'Impact de l'arrivée de tous ces renforts est significatif et il faut
maintenant s'assurer de le rendre pérenne. Nous avons déjà commencé en
renvoyant et en intégrant de nouvelles façons de faire. La société québécoise
pour lutter collectivement contre la COVID-19 s'est engagée dès le début dans
l'importante campagne de dépistage menée depuis maintenant deux années. Elle
s'est également mobilisée massivement dans la campagne de vaccination... tout
est indispensable dans la lutte que nous poursuivons ensemble contre la
COVID-19. La rapidité de mobilisation de personnel ainsi que de l'ensemble des
ressources matérielles nous a permis de mener de front ces deux campagnes
auprès du plus grand nombre en... très peu de temps et à travers le déploiement
de grands sites tels que le Stade olympique à Montréal ou des sites en
proximité comme... au Saguenay-Lac-Saint-Jean...
12 h 30 (version non révisée)
Mme Labbé (Julie) : ...de
vaccination sont aussi une preuve de l'agilité dont fait preuve nos
organisations. Pensons au vaccinobus qui a circulé dans les quartiers, villes
et événements de la capitale nationale. Les décrets ont également permis la
mobilisation de plusieurs types d'emploi afin de pouvoir protéger nos
populations. Le décloisonnement de certains actes a permis de lancer un appel à
la collaboration ouverte aux professionnels de santé de différents horizons qui
ont rapidement levé leurs mains pour venir en renfort. Le déploiement de nos
services au plus proche de l'ensemble de la population a été au cœur de nos
activités de dépistage et de vaccination.
Offrir un service en santé et services
sociaux à l'ensemble des Québécoises et des Québécois, le principe même d'un
réseau véritable au service des gens. La télésanté facilitée dans le cadre de
l'état d'urgence est un exemple de l'agilité et de la créativité dont les
équipes de nos établissements ont fait preuve au cours des dernières années.
Les soins virtuels ont démontré leur complémentarité aux services réguliers
ainsi que des bénéfices importants à la population qui, de par leur condition
ou éloignement, pouvait difficilement se déplacer dans nos installations. Il
s'agit d'une avancée notable dotant les avantages sont réellement significatifs
pour la population. Annoncé dans le plan santé, le déploiement plus large de la
télémédecine sera un élément important pour les prochaines années. Les mesures
transitoires prévues dans le projet de loi n° 28
permettront donc de poursuivre encore le développement de la télémédecine tout
en intégrant et consolidant dans nos différentes trajectoires régulières déjà
en place.
Enfin, en ce qui concerne les dispositions
légales entourant la gestion et l'attribution des contrats, il s'agit d'un
autre exemple d'arrêtés que nous avons appliqué avec grande vigilance afin
d'assurer une centralisation pour une sortie de ces circonstances
exceptionnelles. Les contrats octroyés de gré à gré qui perdurent à ce jour
correspondent principalement aux baux de location pour l'entreposage et les
sites de vaccination. Nous voyons présentement à stabiliser, à régulariser ces
ententes. À l'heure actuelle, au vu d'une certaine instabilité qui continue de
se projeter, il pourrait être périlleux et plus coûteux pour la population de
mettre un terme à ses contrats dans l'immédiat. Il est nécessaire de maintenir
des mesures temporaires pour permettre une transition harmonieuse. Le projet de
loi n° 28 préparé prévoit le maintien de certaines
mesures pour nous assurer de l'agilité logistique essentielle à la transition
vers la reprise des activités régulières et l'intégration progressive des
activités spécifiques à la COVID à travers nos opérations courantes. Cette
intégration doit se faire de manière graduelle, transitoire, au fur et à mesure
de la diminution d'intensité des différents actes,
En conclusion, les leviers que nous nous a
donné le gouvernement étaient des mesures temporaires pour répondre aux besoins
criants de la crise. Nous sommes conscients que ces exceptions doivent, dès que
possible, faire place à une gestion opérationnelle régulière. C'est d'ailleurs
ce que nous avons commencé à faire. Nous avons certainement aussi hâte que vous
de reprendre nos opérations courantes, de cesser le délestage, de reprendre nos
efforts afin de développer et d'améliorer l'accessibilité de nos soins et de
nos services. C'est d'ailleurs notre rôle à titre de P.D.G. d'un établissement
de santé et de services sociaux.
Ce projet de loi nous offre de précieux
moyens d'agir de manière responsable et prudente, pour la santé des Québécoises
et des Québécois. Malheureusement, le virus est encore présent. Bien que
l'avenir semble encourageant, nous ne savons pas encore parfaitement à quoi
nous devrons faire face cet automne et au cours des mois à venir. Malgré les
réussites vécues, les troupes sont essoufflées, et la bataille n'est pas
terminée. Notre réseau, tout comme les personnes qui les composent, est
résilient et fort, mais il est ébranlé. En sachant que ces mesures nous ont
malgré tout aidé à sauver des vies humaines, la question ne se pose pas. Nous
ne pouvons qu'être reconnaissants d'avoir pu compter sur des leviers de gestion
supplémentaires pour affronter cette crise sanitaire. Rappelons que l'objectif
premier de ces mesures est de protéger notre population. Aussi, M. le
Président, nous vous remercions encore de cette invitation, et nous serons
prêts à recevoir les questions.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Mme Labbé. Et,
écoutez, vous avez lu votre présentation, les députés de l'opposition
apprécieraient pouvoir recevoir ce texte-là pour pouvoir mieux participer à
l'échange. Alors, est-ce que ça serait possible de le faire parvenir
immédiatement au secrétariat de la commission, s'il vous plaît?
Mme Labbé (Julie) : Avec
plaisir.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Ceci étant dit, je
vais céder maintenant la parole à M. le ministre pour votre échange.
M. Dubé : Très bien.
Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais premièrement, Mme Labbé, vous
remercier pour votre intervention, mais j'aimerais aussi prendre juste une
minute pour vous remercier, vous, ce que vous représentez avec vos deux autres
collègues. Vous vous êtes de la région du Saguenay, M. Thibodeau de la Capitale-Nationale,
et M. Fortin Verreault, du CIUSSS de l'Est-de-l'Île-de-Montréal. Je pense
que vous représentez très bien trois régions du Québec qui ont eu à travailler
avec la COVID au cours des dernières années, puis j'en profite pour vous
remercier au nom des Québécois parce que souvent, les Québécois voyaient des
points de presse du premier ministre, voyaient des... ce qui se lisait dans les
journaux, mais les gens qui travaillent sur le terrain, c'est vos équipes, c'est
vous, pendant deux ans, et vous...
M. Dubé : ...vous l'avez
bien dit, puis je pense que c'est important qu'on ait ce forum-là aujourd'hui
pour en profiter pour vous remercier, vous et vos équipes qui travaillez
souvent dans l'ombre. Alors, j'en profite pour vous dire un grand merci pour
tout ce que vous avez fait, puis pas toujours dans des conditions faciles.
Alors, je voulais vous le mentionner.
Deuxièmement, vous avez parlé de
l'importance des contrats parce que c'est un des cinq arrêtés qui va rester
dans le projet de loi. Et on s'était fait demander, la semaine dernière, entre
autres, par les députés de l'opposition, mais aussi par, entre autres, le
Barreau, de donner plus d'information sur les contrats. Et j'en profite, parce
que vu que j'ai le droit de parole présentement, peut-être pour faire deux
précisions, M. le Président, puis après ça, on pourra... Les gens vont mieux
comprendre, je pense, la question de la transition du temps des contrats dont
on parlait ou dont Mme Labbé parlait dans sa présentation.
Il y a eu, effectivement, là, le chiffre
qu'il faut retenir, c'est pour à peu près 5 milliards de contrats de gré à
gré au cours des deux dernières années, là, à peu près 4 milliards jusqu'à
l'exercice 2021, et, jusqu'à l'exercice 2022, c'est à peu près
5 milliards. De ces 5 milliards de contrats là, qui sont pour les
EPI, des équipements de protection, des... il reste seulement pour
37 millions de contrats qui vont devoir être renouvelés pour la
vaccination et le dépistage jusqu'au 31 décembre 2022, donc
37 millions de contrats sur 5 milliards. Il va rester
75 millions de contrats, encore une fois, sur 5 milliards pour la
question d'entreposage qui est pour cinq ans.
Alors, ce que vient de dire
Mme Labbé, je veux juste le mettre en contexte, là, donc 5 milliards
de contrats qui ont été négociés durant deux ans. Et ce que le projet de loi de
demande, c'est de garder pour 37 millions de contrats pour le dépistage et
la vaccination jusqu'au 31 décembre et pour 75 millions de contrats pour
l'entreposage. En termes simples, là, si on prenait 5 000 dollars de
contrats, on dirait : C'est 37 dollars qui restent pour la
vaccination, puis 75 dollars pour l'entreposage sur cinq ans. Ce qui veut
dire qu'il y a eu environ 4 000 contrats et il en resterait 265 qui
sont renouvelés, justement, pour être efficace, un peu ce que Mme Labbé
vient de dire.
• (12 h 40) •
Puis ça, je pense que c'est important de
le mentionner parce que c'est un point qui a été soulevé souvent par
l'opposition. On s'est engagé, puis je me suis engagé, la semaine dernière,
lors des premiers événements, la première commission, de dire, M. le
Président : On ira plus loin que ce qui est demandé par le rapport. Le
rapport ne demande pas toute cette information-là, alors je trouvais important,
au moment où c'est soulevé par les P.D.G., de pouvoir donner cette
information-là, qui sera disponible lorsqu'on aura le...
Maintenant, j'aimerais madame Labbé ou
peut-être de vous, puis ça peut être au niveau de la Capitale-Nationale parce
que je sais qu'il y a beaucoup de contrats qui étaient faits par le CHUQ à
Québec, d'expliquer aux gens pourquoi c'était important de fonctionner de gré à
gré. Puis je ne sais pas lequel de vous trois peut peut-être répondre à cette
question-là. Mais cette agilité-là, au moment... Puis là je pense, entre
autres, à l'achat de ce qu'on appelle des EPI, là, des équipements de
protection individuelle. Comment, pour vous, c'était important d'avoir cette
flexibilité-là lorsqu'on est en plein milieu de la crise? J'aimerais ça que
vous preniez quelques minutes pour nous expliquer ça, mais surtout de
l'expliquer aux Québécois. Et après, bien, on expliquera pourquoi qu'on veut
prolonger quelques-uns de ces contrats-là pour une période déterminée. Je ne
sais pas qui veut répondre, oui.
Mme Labbé (Julie) : Je
pourrais peut-être me lancer, M. le ministre. Alors, pour la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, pour la première vague, évidemment, là, on a eu à
porter des contrats de gré à gré très rapidement pour répondre aux besoins,
donc surtout concernant les équipements de protection individuelle. Pour la
région au total, c'est environ une soixantaine de contrats qui ont été donnés,
de l'ordre de 27 millions. Évidemment, après la première vague, pour notre
région, nous nous sommes assurés d'avoir une gestion très rigoureuse. Donc,
même si nous avions la possibilité d'être gré à gré, la façon dont on a
fonctionné pour les vagues subséquentes, c'est que nous nous sommes assuré
d'appeler cinq, six fournisseurs ou du moins les fournisseurs concernés par nos
besoins pour leur permettre de venir soumissionner. Donc, on s'est assuré de
façon rigoureuse de le faire, et ce, à chacune des vagues.
Là, où on a demandé aussi de la
flexibilité par rapport au gré à gré, c'est pour nos baux de vaccination. Nous
avons sept sites de...
Mme Labbé (Julie) : ...pour
répondre aux besoins de l'ensemble de la population sur un très vaste
territoire. Donc, c'est important de garder ces baux encore actifs qui
représentent, c'est les derniers, 500 000 dollars pour notre région. Et on doit
poursuivre en ce sens qu'on ne sait pas quelle va être la situation
épidémiologique pour les prochains mois à venir. On nous demande de se préparer
à une vaccination massive pour l'automne, et ce sera évidemment à suivre. Donc
c'est comme ça qu'on a fonctionné pour notre région.
M. Dubé : Parce que je vais
manquer de temps, puis je veux profiter du temps que j'ai avec vous, est-ce que
c'est sensiblement la même réponse pour Montréal et Québec, en termes de
proportion?
M. Fortin Verreault
(Jean-François) : Je peux y aller. Oui, effectivement, nous, c'est le
même type, là, et évidemment le plus gros contrat a été fait avec le Stade
olympique pour la vaccination, il y a eu plus de 1 million de doses qui ont été
données. On a aussi été dans une logique de prix de marché, je vais vous donner
un exemple, les agents de sécurité, les préposés à l'hygiène salubrité en
main-d'oeuvre indépendante, c'était sur la base des tarifs normés prévus aux
appels d'offres là, là, du Centre d'acquisitions gouvernementales. Donc, est-ce
que les Québécois en ont eu pour leur argent puis est-ce qu'on a été soucieux
d'utiliser ça de façon parcimonieuse? La réponse, c'est oui. On n'avait pas
l'occasion de le faire dans un appel d'offres standard, parce que le besoin de
main- d'oeuvre était extrêmement rapide, là on l'a vu lors de la dernière
vague, la rapidité fulgurante dans lequel on a dû se réorganiser.
M. Dubé : O.K. Peut-être,
monsieur Thibodeau.
M. Thibodeau (Guy) : Oui,
c'est la même chose pour nous, M. le ministre, là. Dans le fond, à chaque fois
qu'on pouvait faire un contrat de façon régulière, on le faisait, il faut voir
qu'un appel d'offres régulier, c'est, minimalement, 8 semaines de publication.
Tout ça, donc c'est beaucoup de délais avec la capacité puis la rapidité avec
laquelle on devait réagir, donc... Mais nous, on a respecté tous les paramètres
aussi demandés... plusieurs soumissionnaires, quand même utilisé le levier
qu'on avait de façon diligente. Actuellement, là, c'est 17 % de nos contrats,
nous, qui ont été donnés en mode de gré à gré sur l'ensemble des contrats de
l'établissement. Et il y en aura quelques-uns qu'on va... évidemment, tout ce
qui est vaccination, dépistage et entreposage.
M. Dubé : Merci, monsieur
Thibodeau. Une des, puis je vais vous pouvez poser la question à vous trois,
là, vous déciderez qui peut répondre, une des mesures transitoires qu'on trouve
importantes, c'est d'être capable de prolonger la contribution de ceux qui sont
par Je contribue. Qu'est-ce qui arrive, demain matin, si on lève l'urgence
sanitaire puis on n'a pas cette mesure transitoire là, qu'est-ce qui arrive
dans vos trois régions?
M. Thibodeau (Guy) : Je peux
vous répondre, si vous le souhaitez, M. le ministre et M. le Président, mais
nous, Je contribue, dans la Capitale-Nationale, depuis le début, c'est plus de
6 500 personnes qui sont venues nous aider aux activités de vaccination, aux
activités de dépistage et aux enquêtes de santé publique. Donc, ça a permis
évidemment au personnel régulier de l'organisation de faire le maintien du
service. Il y a eu quand même beaucoup d'enjeux, mais c'est très clair qu'en
termes de capacité de réaction on a besoin d'avoir accès encore temporairement
à cette main-d'oeuvre-là pour être capable de réagir rapidement selon
l'évolution de la situation.
M. Dubé : Mais, monsieur
Thibodeau, là, je veux juste être clair, quand je vous dis : Qu'est-ce qui
arrive, demain matin, si on lève les mesures d'urgence puis qu'on n'a pas les
mesures transitoires de Je contribue, est-ce que ces 6 000 personnes là peuvent
continuer à travailler pour vous?
M. Thibodeau (Guy) : Non, on
ne sera plus capable d'avoir accès à ces personnes-là qui sont hyperutiles pour
le réseau, donc inévitablement, on va devoir faire des choix très difficiles au
niveau de l'offre de service régulière et les soins spécifiques à la pandémie.
Donc, non, si on enlève le... on n'aura plus accès à ces personnes-là qui
contribuent, le terme est bon, et c'est clair qu'on ne pourra pas faire face
aux demandes, en lien avec l'urgence sanitaire, qui ne sera plus une urgence
sanitaire, mais en lien avec les demandes quand même d'évolution de la
pandémie,
M. Dubé : Puis peut-être
juste rapidement, Mme Labbé ou ou M. Fortin Verreault, le nombre de personnes
qui sont dans Je contribue dans vos deux régions, s'il vous plaît.
Mme Labbé (Julie) : Oui, pour
nous, c'est 1 500 personnes qui... lesquelles on serait privé d'avoir de leur
contribution pour nos centres de dépistage et pour la vaccination.
M. Fortin Verreault
(Jean-François) : De notre côté, là, on parle de 1 800 personnes au
total.
M. Dubé : Pour votre
région... Maintenant, on a vu, puis, tout à l'heure, le docteur Boileau, je ne
sais pas si vous avez eu la chance de l'entendre durant... lorsqu'il était là,
il a parlé de l'importance d'avoir l'urgence sanitaire qui pouvait être entre
les vagues, parce qu'on le sait, on est rendu à notre sixième vague, là, mais
ce que j'aimerais bien comprendre...
M. Dubé : ...comment,
pour vous, c'était important d'avoir les mesures d'urgence entre les vagues
pour être capable justement de bien fonctionner? Est-ce que je pourrais vous
entendre là-dessus sur une des personnes? Ou si vous voulez commenter là-dessus
parce que le Dr Boileau a été très clair, on n'aurait pas pu enlever les
mesures à chaque fois. Est-ce que c'est une question de JeContribue? Je
voudrais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.
M. Fortin Verreault
(Jean-François) : Bien, je peux me lancer. Le premier élément, le
virus est toujours avec nous, hein. Ça fait qu'au quotidien, là, je vais
prendre des exemples très concrets dans les centres hospitaliers, à l'Institut
universitaire de santé mentale, on doit quand même, même quand on n'est pas
dans une vague, avoir des zones dédiées avec des gens qui sont en isolement.
Puis je vais faire un clin d'œil aux aides de service qui sont là, qui
s'occupent, par exemple, des registres pour les patients, pour être sûr qu'on
soit conforme en lien avec les procédures de prévention et contrôle des
infections. Donc, même si on n'est pas dans une vague, les patients ont ces
besoins-là. Donc, c'est vraiment un appui pour faire face à la charge
supplémentaire que la COVID entraîne. Puis je pourrais le donner aussi, cette
réalité-là est vraie en dépistage, elle est vraie en vaccination, elle est
vraie au niveau communautaire aussi en première ligne dans la communauté. Même
quand on n'est pas dans une vague, on fait des activités de promotion pour la
vaccination, par exemple. Donc, c'est tous des éléments qui aident, là, à faire
face au virus.
M. Dubé : Comme je n'ai
pas beaucoup de temps, est-ce que vous désirez commenter peut-être les autres
régions ou c'est sensiblement la même...? Oui.
Mme Labbé (Julie) : C'est
simplement la même chose.
M. Dubé : M. Thibodeau,
la même chose à Québec?
• (12 h 50) •
M. Thibodeau (Guy) : Oui,
mais je dirais pour... ce que mon collègue dit, on était toujours sur tension,
alors il fallait toujours demeurer prêt à être en mesure de réagir rapidement.
Puis je pense que c'est important de préciser que ces leviers-là ou tout ce qui
venait avec l'agence sanitaire, on n'utilisait pas dans nos opérations
régulières. C'était vraiment pour gérer les activités pandémie. Et je vous
dirais, il fallait qu'on soit prêt à tout moment à intervenir rapidement, d'où
l'importance que ces mesures-là soient en place.
M. Dubé : Très bien. Un
des arrêtés, parce qu'il y en a seulement cinq, un porte sur les ressources
humaines. Dites-moi comment ça aurait été possible d'avoir l'aide extérieure
que vous avez ou même l'aide intérieure si on n'avait pas eu les primes qui ont
été mises en place?
M. Fortin Verreault
(Jean-François) : Mais je peux comprendre, là, au début, donner
l'exemple, là, très concret, là, nous, pour la cinquième vague, on a été frappé
très fortement, là. On a dépassé le niveau 5 d'hospitalisation, là, qui
était prévu au plan national. C'est 9 000 quarts de travail
supplémentaires qu'on a été capable d'aller chercher chez les employés
cliniques grâce aux primes. Donc, concrètement, ce que ça a évité, ça a évité
d'utiliser les mesures de l'arrêté, puis forcer des gens à travailler ou forcer
des déplacements. On n'a presque pas utilisé, là, les mesures contraignantes.
On a été capable de le faire en mode volontaire. Ça fait que c'est un milieu de
travail qui est beaucoup plus sain. Puis les gens acceptent de donner plus de
temps...
M. Dubé : D'éviter
d'utiliser le fameux 007 parce que vous aviez mis des primes supplémentaires
pour être capable d'attirer des gens à rester plus longtemps au travail. C'est
bien ce que je comprends, là?
M. Fortin Verreault
(Jean-François) : Exactement.
M. Dubé : Puis est-ce
que Mme Labbé, M. Thibodeau, même chose dans vos deux régions?
Mme Labbé (Julie) : Bien,
c'est identique. Puis j'ajouterais aussi la... de nos retraités qui sont venus
aussi nous prêter main forte. Donc, les primes ont aidé à amener une force de
travail supplémentaire pour passer à travers chaque vague, à travers la crise.
M. Thibodeau (Guy) : C'est
la même chose de notre côté, M. le ministre.
M. Dubé : Maintenant, on
a entendu des chiffres astronomiques sur les entrepôts que ça prenait pour être
capable de garder les contrats quand on a mis en place. Ça veut dire quoi à
Québec en termes d'entreposage, M. Thibodeau? Parce que je pense qu'il ne
me reste pas beaucoup de temps.
Le Président (M. Provençal)
:30 secondes.
M. Dubé : Il me reste
30 secondes. Êtes-vous capable de nous donner un ordre de grandeur pour
les gens comprennent bien pourquoi c'est important de garder accès à ça?
M. Thibodeau (Guy) : Bien,
nous, dans le fond, c'est deux entrepôts qu'on veut maintenir. Ça représente
tout près d'un million de dollars, mais il faut voir que dans nos
entrepôts, on a toutes les EPI pour le CIUSSS, mais c'est nous qui répond à
toutes les besoins de la région aussi. Donc, il faut qu'on soit capable de
répondre aux RPA, aux organismes du milieu. Et je ne suis pas dans une position
où je peux me permettre de faire des commandes et attendre que le matériel
arrive, là. Donc, nous, oui, on a, entre autres, un entrepôt qui est assez
grand, mais qui nous sécurise beaucoup parce qu'on est capable de réagir puis
de soutenir la région instantanément.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup.
M. Dubé : Puis encore
une fois, merci pour votre travail des deux dernières années, à vous puis à vos
collègues qui vous regardent aujourd'hui. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:La parole est maintenant au député de
Nelligan.
M. Derraji : Merci, M.
le Président. Merci pour votre présentation. Malheureusement, je n'ai pas eu le
temps de la lire. Je n'ai pas de question, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. M. le député de Rosemont.
M. Marissal : …
Le Président (M. Provençal)
: M. le député...
M. Arseneau : ...pas de
questions.
Le Président (M. Provençal)
:Pas de questions? Mme la députée
d'Iberville.
Mme Samson : Je n'ai pas de
questions, M. le Président, puis je vais vous dire pourquoi : J'ai vu
beaucoup, dans ma vie, de productions audiovisuelles, là, puis c'est la
première fois que je vois une vidéo corporative live et sans aucun effet
spécial.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, Mme la députée. Alors, merci à
vous trois pour votre présentation, et nous vous souhaitons une bonne fin de
journée.
Alors, la commission va suspendre ses
travaux. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 54)
14 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 15 h 2)
Le Président (M. Provençal)
: Bonjour à tous. Bienvenue à la Commission de la santé et
des services sociaux. La commission est réunie afin de poursuivre les
consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 28,
Loi visant à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire. Cet après-midi, nous
entendrons les personnes et groupes suivants: le professeur Patrick Taillon, le
professeur Louis-Philippe Lampron, Me Martine Valois et la Ligue des droits et
libertés.
Je souhaite maintenant la bienvenue au
professeur Patrick Taillon. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons aux échanges. Alors, je vous
invite à vous présenter et je vous cède immédiatement la parole. Merci.
M. Taillon (Patrick) :
Bonjour, M. le Président, et merci aux membres de la commission pour cette
invitation.
Sortir de l'état d'urgence, c'est
compliqué, c'est surtout névralgique et, si c'est mal fait, ça peut à long
terme produire des effets pervers plus graves que ceux associés à sa simple
prolongation. Les options ne sont pas illimitées: grosso modo, à peu près deux
ou trois scénarios possibles.
Le premier, c'est le scénario d'une sortie
rapide de l'état d'urgence, qui peut conduire à un scénario de va- et-vient.
Des périodes courtes et récurrentes d'état d'urgence deviennent en quelque
sorte un état d'alerte. Pour bien des raisons, cette voie était difficile à
pratiquer au Québec. Je crois que, si ça n'avait été que du virus et des
restrictions qui visaient la population, cela aurait été la bonne voie à
appliquer. Mais l'état d'urgence au Québec est associé aussi à une crise
organisationnelle...
15 h (version non révisée)
M. Taillon (Patrick) : ...crise
de notre capacité de soins, et c'est ce qui explique, à bien des égards, le
fait qu'on a été obligés de prolonger aussi longtemps, probablement trop
longtemps, cet état d'urgence. Et donc au point où nous en sommes, après plus
de deux ans, pratiquer le va-et-vient, pratiquer le sortir de l'état d'urgence,
coûte que coûte, pour y retourner peut-être à la fin de l'été, à l'automne ou
en décembre, bien, ça pourrait - c'est une opinion bien personnelle, mais une
conviction profonde - être perçu et vécu comme un échec, comme une incapacité
de notre État de prévoir, d'anticiper une incapacité qui pourrait miner notre
cohésion sociale.
Deuxième façon de sortir de l'état
d'urgence, c'est la plus fréquente, c'est la plus logique et c'est aussi la
plus périlleuse, elle consiste à pérenniser, mais partiellement, certains
aspects de l'état d'urgence. C'est le scénario auquel je m'attendais avec le
projet de loi n° 28. Il faut alors faire l'inventaire du bon et du
mauvais, et incorporer le bon, ou ce qui est nécessaire, dans - vous me
pardonnerez le cliché - la nouvelle normalité. Donc, il faut inscrire dans le
droit normalement applicable, ce qu'on appelle le droit commun, les innovations
positives ou restrictives dont on a besoin pour la suite des choses. Le projet
de loi n° 28 emprunte un autre chemin. C'est tout à l'honneur du
gouvernement, qui tente ici de pratiquer une sortie progressive, mais complète,
irréversible, de l'état d'urgence. Néanmoins, ce que l'on ne pérennise pas avec
le projet de loi n° 28, on le fait... on le pérennise ailleurs ou on va le
pérenniser plus tard, des bonnes pratiques comme la télémédecine, le
décloisonnement des actes réservés des professionnels, l'enseignement à
distance, des primes salariales. Toutes sortes de mesures comme celles-là vont,
d'une manière ou d'une autre, devoir trouver un chemin dans la normalité, dans
le droit commun, mais ce n'est pas via le projet de loi n° 28 que ces
mesures vont le trouver.
Donc, cette pérennisation partielle et
collective, elle peut se faire plus tard, lorsqu'on aura plus d'informations.
Elle peut se faire ailleurs dans d'autres projets de loi. Certains ont déjà été
débattus, voire adoptés. Mais il ne faut pas oublier que l'exercice
d'inventaire est, tôt ou tard, nécessaire. Et donc à mes yeux, le projet de loi
n° 28 est une bonne solution à court terme. Il comporte un immense
avantage sur le plan procédural. Il fait en sorte que le gouvernement va, dès
son adoption, cesser d'adopter de nouveaux décrets, il va soigner, si je peux
dire, sa dépendance à ce moyen très efficace, surtout en temps de crise, qu'est
la gouvernance par décret.
Sur le fond, il ne faut pas avoir des
attentes démesurées à l'endroit du projet de loi n° 28, puisque les
changements les plus importants ont déjà eu lieu avant son adoption, soit un
déconfinement significatif. Et le projet de loi opère un gel, un cran d'arrêt
pour cinq arrêtés, qui perdurent, et pour un certain nombre de contrats. Ma
critique ici, elle porte surtout sur la vision à long terme associée au projet
de loi n° 28. Le projet de loi n° 28, si ça tourne mal, s'il y a une
autre vague, s'il y a un nouveau variant qui serait moins bien adapté à notre
dispositif de vaccination actuel, bien, si on accepte de prévoir le pire, et
c'est ça aussi, le travail des élus, bien, si on accepte de prévoir le pire, le
projet de loi n° 28 pourrait nous plonger dans ce scénario du va-et-vient,
du recul, du retour à la case départ, où il faudrait alors redéclarer un nouvel
état d'urgence pour réadopter des mesures que l'on souhaite... avec lesquelles
on souhaite tourner la page.
Sinon, l'autre solution, si jamais il
fallait prévoir le pire, serait d'accepter que d'autres rendez-vous législatifs
seront inévitables. Deux types de rendez-vous législatifs sont à venir. Le
premier rendez-vous, probable, à moins que le virus disparaisse, et que le
système de santé, sa capacité de soins s'accroît de manière significative,
bien, les débats que le projet de loi n° 28 repousse à plus tard, cette
Assemblée risque d'avoir besoin de les conduire cet automne. L'exemple le plus
manifeste, à mes yeux, c'est l'exemple du masque dans les transports publics.
Là, il fait partie, si je comprends bien, des mesures visées par le gel...
M. Taillon (Patrick) : ...des
cinq arrêtés, bon, pour la période transitoire, très bien, mais en décembre, si
on a besoin du masque dans les transports publics, bien, il est fort probable
que les solutions, ça sera soit de retourner à l'état d'urgence, ce que je ne
souhaite pas, ou soit de saisir cette Assemblée d'un projet de loi pour prévoir
une capacité gouvernementale, une délégation de pouvoirs vers le gouvernement,
une capacité d'imposer ce masque dans les transports publics lorsque les
circonstances se présentent. Donc, ce rendez-vous législatif, il est fort
probable. Mais, si vous me permettez un autre scénario encore plus
hypothétique, imaginons qu'il y ait une vague très forte durant la prochaine
élection. Cette législature sera alors dissoute, et il sera impossible de
saisir l'Assemblée d'un tel projet de loi durant la prochaine élection. Il n'y
aura alors que la voie du retour en arrière par la déclaration d'urgence, ce
qui, dans un contexte de débat hautement polarisé comme on le rencontre dans
une élection, sera certainement une voie difficile à pratiquer. Donc, premier
rendez-vous possible, les mesures qu'il faudra peut-être un jour pérenniser. On
risque d'avoir à en débattre à l'automne prochain.
• (15 h 10) •
L'autre rendez-vous, ce deuxième type de
rendez-vous, il est inévitable et souhaitable, c'est la grande réforme à long
terme, la réécriture des règles qui encadrent l'exercice du pouvoir d'urgence
au Québec. Quel est le rôle du Parlement durant l'exercice de ce pouvoir
d'urgence? Il est temps de faire un bilan de l'expérience qu'on a vécue dans
les dernières années et d'en tirer les conséquences qui s'imposent. Trois
suggestions. Il y en a plus dans le court écrit que je vous ai soumis, mais ce
sont les trois points qui me tiennent le plus à coeur pour cette réforme
inévitable à venir. Je vais rapidement, M. le Président.
Premièrement, il faut que cette réforme
soit plus large que l'urgence sanitaire. La prochaine crise pourrait être une
crise de sécurité civile, elle pourrait être une crise environnementale, donc
il faut réformer l'ensemble du pouvoir d'urgence dont dispose le Québec. Il
faut le faire aussi dans une dynamique d'affirmation de l'autonomie
constitutionnelle du Québec. Il y a trop de gens au Canada qui prétendent que
le pouvoir d'urgence, avant cette crise, c'était l'exclusivité du pouvoir
fédéral. La présente crise a démontré le contraire, et c'est important
d'affirmer cette autonomie-là.
Deuxième changement, qui me semble le plus
important. Si on devait ne faire qu'un seul changement au rôle du Parlement en
temps de crise, c'est l'article 122 et le pouvoir de désaveu parlementaire
qu'il faudrait faire. Ce pouvoir est extrêmement important, puisqu'il permet à
tout moment aux parlementaires de contrôler et de désavouer l'exercice du
pouvoir d'urgence. Malheureusement, en ce moment, tel qu'il est rédigé, ce
pouvoir est assez flexible, mais très rigide sur le fait que le désaveu, c'est
tout ou rien, il faut désavouer tous les décrets, la déclaration d'urgence d'un
seul coup. Le simple fait de revoir l'article 122 pour permettre aux
parlementaires de choisir une norme, un décret, un problème durant l'état
d'urgence transformerait profondément la capacité de cette Chambre d'exercer un
contrôle, un suivi et éventuellement un désaveu chirurgical de certaines
mesures d'urgence.
Enfin, troisièmement, et je conclus
là-dessus, il y a des changements qu'il ne faut pas faire, et il y en a un qui
me semble évident: il ne faut pas créer d'obstacles au déclenchement de l'état
d'urgence, on ne peut pas prévoir les crises. Il faut que, face à l'imprévisible,
il... Il doit rester possible et relativement facile de déclencher l'état
d'urgence. Mais, une fois qu'on préserve cette efficacité, cette simplicité
dans le déclenchement de l'état d'urgence, toutes les mesures, et il y en a
quand même plusieurs dans l'écrit que je vous ai soumis, qui permettent
d'augmenter le rôle de contrôle, d'enquête, de délibération de l'Assemblée
nationale et de ses commissions durant l'état d'urgence sont des mesures
souhaitables tant qu'elles n'ont pas d'effet paralysant ou qu'elles ne minent
pas l'efficacité de l'action gouvernementale. Et, à mon humble avis, là-dessus,
on peut s'inspirer de plusieurs mécanismes, dont celui de la loi fédérale sur
les mesures d'urgence, pour justement sculpter un plus grand rôle pour le
Parlement sans que ça se joue au détriment de l'efficacité nécessaire de
l'action gouvernementale en temps de crise.
Sur ce, je m'arrête.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, M. Taillon, pour votre exposé. Nous allons
immédiatement débuter cette période d'échange avec, là, M. le ministre pour une
période de 15 min 15 s. Mais, avant toute chose, j'aimerais avoir le
consentement pour que la députée de Sherbrooke puisse remplacer pour cet
échange-là le député de Rosemont. Consentement? ...
M. Dubé : ...consentement,
oui, tout à fait.
Le Président (M. Provençal)
:Ça va? Merci. Alors, M. le ministre,
les 15 min 15 s suivantes vous appartiennent.
M. Dubé : Très bien. Alors,
je ne sais pas si on dit «Pr Taillon», mais premièrement, merci beaucoup de
venir nous accompagner dans cette analyse-là des mesures d'urgence.
Mais d'abord et avant tout, M. le
Président, j'aimerais profiter de mon temps de parole pour vous adresser un
commentaire. J'aimerais, avant qu'on poursuive... Puis je reviendrai au Pr
Taillon tout de suite après, ça va être rapide. Ce matin, j'ai entendu le
député libéral de Nelligan qui a parlé d'une déclaration du premier ministre,
qui dit que la COVID ressemble à un rhume. Je tiens à mettre au clair quelque
chose. Le député omet délibérément, M. le Président, de mettre en contexte que
le premier ministre indiquait qu'il n'était pas envisagé de mettre de nouvelles
mesures, en raison du haut taux de vaccination au Québec, et que, comme le
premier ministre était triplement vacciné, et comme c'est le cas chez bien des
Québécois, son expérience a été celle d'un rhume. Je dirais, M. le Président,
qu'on doit tous être responsables, et c'est notre devoir. Je demanderais au
député de collaborer, et non de désinformer. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. le ministre, mais, et ça,
ça s'adresse à tout le monde, il va falloir faire attention de ne jamais prêter
d'intentions, d'une part ou d'autre, merci. Sur ce, période d'échanges.
M. Dubé : Merci beaucoup.
Alors, M. Taillon, j'ai beaucoup apprécié le travail que vous avez fait. J'ai
lu votre mémoire puis je pense que vous avez une rigueur plus que professorale,
je dirais, législative, qui est exemplaire. Puis merci de prendre le temps de
venir nous rencontrer pour nous éclairer sur la façon, pour nous, de se sortir
correctement des mesures d'urgence, puis, vous l'avez bien expliqué, il y a
plusieurs scénarios. Mais une des choses qui me fascine... Puis ce matin, je
pense que l'équilibre que l'on doit garder... Puis je pense que vous le
soulevez bien ce matin. On a eu la chance d'entendre nos P.D.G., trois P.D.G.
Je ne sais pas si... Avez-vous eu la chance d'écouter leurs présentations?
M. Taillon (Patrick) : En
partie, oui.
M. Dubé : En partie.
Malheureusement, les députés de l'opposition n'ont pas voulu leur poser des
questions, puis je pense que ce serait instructif de bien comprendre le point
de vue de ceux qui ont été sur le terrain depuis deux ans, de ce qu'ils ont
vécu. Alors, moi, je vais vous la poser, la question. Vous me dites que vous
les avez entendus sur plusieurs sujets. Comment on fait pour garder cet
équilibre-là?
Par exemple... Puis là je vous donne un
exemple très, très concret. Moi, je leur ai posé la question ce matin, j'ai dit
: Écoutez, qu'est-ce qui arrive si on enlève, demain matin, Je contribue?
Peut-être que vous avez entendu cette question-là. Puis je comprends très bien
qu'on aimerait ça, mettre ces mesures d'urgence là de côté, mais encore une
fois, aujourd'hui, on est encore dans une sixième vague. Puis vous avez
entendu, quand je leur ai posé la question, j'ai dit : Il vous manquerait
combien de personnes, demain matin, si on enlevait les mesures d'urgence, et
qu'on voulait continuer à vacciner? Vous avez entendu les chiffres, 9 000,
6 000, 1 800, dépendamment des régions. Ce qu'on propose aujourd'hui
comme mesures transitoires temporaires, c'est exactement ça, mais j'aimerais
l'entendre d'un point... Là, on a entendu des gens de terrain ce matin.
J'aimerais ça l'entendre d'un point de vue de légiste, parce qu'on essaie de
trouver le bon compromis pour se sortir de l'état d'urgence, mais en même
temps, puis comme l'a bien dit le Dr Boileau, de ne pas se mettre dans le
trouble, parce que notre rôle, en tant que gouvernement, c'est d'agir pour
protéger le public. Ça fait que vous connaissez bien la loi, puis je voudrais
vous entendre sur cet équilibre-là, s'il vous plaît.
M. Taillon (Patrick) : Il y
pourrait avoir une solution assez brutale, qui consisterait à prendre le
contenu des cinq arrêtés, puis de les inscrire dans une loi, et, justement,
pérenniser ce que, dans le projet de loi, n'est qu'une solution temporaire.
Mais même ce scénario très brutal pourrait poser des problèmes, parce qu'il y a
des mesures, notamment dans les relations de travail, qui se justifient, en
temps de crise, si jamais elles étaient contestées devant les tribunaux, qui,
si on les inscrit de manière pérenne dans une loi, poseraient problème. Donc,
je comprends que, pour les gens qui sont dans les opérations vaccination, Je
contribue, ils ont besoin de règles particulières pour pouvoir poursuivre ces
opérations-là.
Est-ce que ces règles ont absolument
besoin d'être prévues dans des arrêtés? Elles pourraient être inscrites dans la
loi, mais je pense que la solution qui consiste à identifier, de façon précise
et circonscrite, les arrêtés... Puis je ne me prononce pas... je n'ai pas assez
une connaissance opérationnelle du terrain pour me prononcer sur le choix de
chacun de ces arrêtés-là. Je présume qu'effectivement le volet...
M. Taillon (Patrick) : ...organisationnelle
de la crise de la COVID, de la gestion de notre capacité de soins nécessite des
règles organisationnelles extraordinaires. Et donc de les geler temporairement
dans un mécanisme qui est celui qui est proposé me semble une solution
raisonnable. Et je me positionne même comme plutôt sur le spectre des inquiets
en soulevant dans mon mémoire la question de qu'est-ce qui arrivera si jamais
il y avait une vague irrésistible, et que parmi les cinq arrêtés, on découvrait
qu'on en a oublié un sixième et septième? Et c'est là que porte peut-être ma
critique du projet de loi. Mais sur le fait que ces outils-là sont pertinents,
moi, je n'en doute pas.
M. Dubé : O.K., très
bien. Donc, parce que je veux bien comprendre votre commentaire, puis je ne
sais pas si au moment où vous avez fait votre mémoire, si on avait déposé les
amendements pour clarifier les amendements qui allaient rester? Alors, je ne
sais pas si c'était avant ou après, là.
• (15 h 20) •
M. Taillon (Patrick) : Oui,
oui, oui, j'ai vu les amendements.
M. Dubé : O.K., vous
avez vu les amendements. Alors donc, c'est là que je pense... je vous demande,
là, si vous trouvez que c'est le compromis correct parce que les amendements ne
sont pas dans la loi, mais on y réfère clairement parce qu'on dit que les cinq
thèmes sont là, là : les ressources humaines, les achats, les primes, etc.
Il y a cinq thèmes. Donc, vous êtes à l'aise avec ça? Je veux juste être
certain. Vous trouvez que c'est la bonne façon de faire dans les circonstances?
Je veux juste...
M. Taillon (Patrick) : Mais
le fait de dénoncer explicitement quels sont les cinq arrêtés ne change pas le
contenu du projet de loi puisqu'avant c'était implicite.
M. Dubé : Et voilà.
M. Taillon (Patrick) :
0ptaSauf que c'était difficile de savoir
exactement c'étaient lesquels. Même des juristes habitués de lire les décrets,
c'est assez unanime que leur lecture est assez pénible parce qu'il faut comme
remonter le courant, remonter la lecture d'un décret qui en modifie un autre.
D'ailleurs, dans mon mémoire, je propose qu'une éventuelle réforme du pouvoir
d'urgence devrait s'accompagner, là, d'une espèce de codification
administrative pour faciliter la lecture.
M. Dubé : Très bien.
Mais d'ailleurs, c'est en écoutant des commentaires comme le vôtre ou comme le
Barreau, au cours des dernières semaines, et comme le disait le député de
Rosemont, on a écouté les députés aussi, et c'est pour ça qu'on a décidé de
mettre ces arrêtés-là comme amendements au début. Contrairement à d'habitude,
on n'a pas attendu de faire l'article par article, on l'a mis au début de la
commission. O.K., ça va pour ça.
Le deuxième point que j'aimerais soulever
avec vous, puis je pense qu'on aurait sûrement la chance de vous reparler. Moi,
je voudrais juste m'inscrire, là, clairement, devant les députés, puis surtout
les Québécois qui nous écoutent, sur votre recommandation de modifier la Loi de
la santé publique. Et je voudrais juste être très clair, là, on est d'accord.
On est d'accord parce que, puis d'ailleurs, je dois vous dire, vous l'avez
sûrement lu de par votre rôle de ce que vous enseignez, la commissaire à la
santé et au bien être, Mme Castonguay, a été très claire dans son rapport
du mois de janvier qu'elle a déposé, pour dire : La Loi de la santé
publique devrait être revue. Elle a été très, très claire pour être sûre, entre
autres, là, qu'il y a une séparation entre la santé publique, garder ça loin du
politique. Vous aviez... alors moi, mais je veux bien, bien comprendre, puis
encore une fois, j'ai bien lu ce que vous avez dit, en même temps, on est tous
conscients qu'en ce moment, ce qu'il y a urgence de faire, c'est d'enlever
l'urgence et d'avoir des mesures de transition, et que la révision, une
révision en profondeur de la Loi sur la santé publique, ne peut pas se faire
comme ça ici avec les autres sujets. Ça va prendre une réflexion beaucoup plus
grande pour aller chercher... et c'est ça que j'aimerais vous expliquer un peu
pour que les gens comprennent, entre l'exercice que nous faisons d'enlever les
mesures sanitaires, mais sans se mettre dans le trouble, donc de garder
quelques mesures de transition, puis de ce que vous suggérez, avec laquelle on
est d'accord, que ça prendrait une révision en profondeur de la loi de la santé
publique.
M. Taillon (Patrick) : Oui,
ça prend une révision en profondeur, et elle ne peut pas se faire sur un coin
de table. Il faut en parler avant, pendant et après l'élection pour justement
avoir le temps de faire un vrai bilan de ce qui s'est passé. Il faut éviter de
réécrire ces mécanismes d'urgence en ayant qu'en tête la crise qu'on vient de
vivre. Il ne faut pas que ça soit trop calqué sur cette unique crise parce que
la prochaine va porter sur complètement autre chose d'imprévisible. Et il y a
un contexte, une réalité qui est la suivante, c'est que cette assemblée a
malheureusement fonctionné au ralenti depuis deux ans. Et donc sa dissolution
est imminente. Et donc le menu, il y a de la...
M. Taillon (Patrick) : ...législatives,
donc, il faut faire des choix. Et je ne pense pas que dans le peu de temps que
laisse le temps actuel de travaux parlementaires, c'est une réforme... Moi, ce
que je souhaite, c'est d'entendre les partis politiques s'engager dans la voie
de cette réforme là puis en même temps, prendre le temps de la faire lentement
et de façon... bien, pour qu'elle ne soit pas le fruit d'une simple
improvisation.
M. Dubé : Bien, je veux,
je veux vous rassurer, là, cet engagement-là, notre gouvernement l'a pris
plusieurs fois. Je le reprends aujourd'hui, donc, pour être très clair. On l'a
pris lorsqu'on a déposé le plan en santé parce qu'on s'est engagé à faire des
nôtres les recommandations de la commissaire à la santé. Donc, je veux juste
vous dire que cet engagement-là de refaire en bonne et due forme la loi sur... de
réviser la Loi sur la santé publique, je peux vous dire qu'on est d'accord
après avoir vécu ce qu'on a vécu.
Mais en même temps, quand vous parlez tout
à l'heure de l'article 122, puis ça, je pense, c'est important d'y revenir
parce que peuvent être que dans cette loi-là les Québécois, puis même certains
légistes ne connaissent pas tous les tenants et aboutissants de ça. Vous dites
en même temps : Comment on peut faire pour peut-être la modifier sans
nécessairement le faire au détriment de l'efficacité gouvernementale? Ça,
j'aimerais vous entendre parce que c'est un peu ça, c'est pour ça que je
faisais référence tout à l'heure à la conversation qu'on a eue ce matin avec
les PDG. Comment trouver cet équilibre-là, en donnant à l'opposition le droit
de s'objecter à certaines choses, en trouvant l'équilibre? Je ne sais pas...
j'aimerais ça qu'on en parle un peu, je ne sais pas si on a le temps de le
faire, là, mais...
M. Taillon (Patrick) : Si
le déclenchement de l'état d'urgence reste facile, fonctionnel, le gros morceau
de l'efficacité gouvernementale qui est préservée et ensuite que l'Assemblée
joue un rôle plus plus actif de délibération, d'enquête, ça ne pose pas de
problème. Il y a peut-être juste un obstacle culturel lorsqu'on compare le
parlementarisme québécois avec l'équivalent au fédéral. C'est que c'est vrai
que dans notre tradition parlementaire à nous, dans les travaux de commission,
les ministres sont présents. Donc, c'est sûr qu'à Ottawa, par exemple, sur la
Loi sur les mesures d'urgence, on lance des enquêtes parlementaires, des
comités d'étude, etc., mais le ministre est absent, donc l'efficacité
gouvernementale est préservée par le fait que le ministre est occupé à autre
chose. Mais à la... sous réserve de cette différence là, l'inspiration qu'on
peut puiser dans la Loi sur les mesures d'urgence du fédéral, là, c'est quand
même... ils ont fait l'exercice il y a quelques années après les abus qu'on a
connus avec la crise d'octobre. Il y a quand même plusieurs mécanismes pour
accroître le rôle des parlementaires qui pourraient être très, très utiles au
Québec. Moi, j'insiste sur 122 parce que du moment où l'Assemblée peut venir
désavouer non pas tout le dispositif, mais une mesure, elle a le rapport de
force ensuite, pour jouer un rôle plus actif.
M. Dubé : Un très bon
point, puis je pense qu'il y aura peut-être un jour une réforme parlementaire
qui permettra ça, mais ça, c'est un autre débat, là, à savoir si les ministres
devraient toujours être là.
Un autre point que je trouve important de
voir avec vous, c'est le fameux rapport qui suit l'état d'urgence. Puis une
autre chose que j'aimerais vous rassurer, vous en tant que professeur, on a
pris l'engagement comme gouvernement parce que la loi dit que ça doit être
déposé 90 jours suivant la fin de l'état d'urgence. Là, je ne sais pas quand
est-ce qu'elle prendra fin, là, parce qu'on doit voter le projet de loi, mais
en même temps, je vous dirais qu'on a pris l'engagement qu'on allait répondre à
cet engagement-là qui est dans la loi en ce moment, bien avant les
90 jours, pour être capables de déposer notre rapport avant la fin de la
session parlementaire. Alors, ça, je veux le répéter parce que je ne me
souviens pas si je l'ai dit ici en commission, mais quand vous dites : On
prend un engagement lorsqu'on est en commission, c'est presque aussi important
que celui qu'on peut prendre par écrit. Ça, c'est le premier point et le
deuxième point, M. Taillon, je l'ai expliqué ce matin lorsque j'ai parlé
des fameux contrats. Je ne sais pas si vous l'avez entendu.
M. Taillon (Patrick) : Non.
M. Dubé : Mais on s'est
engagés à donner plus que ce qui est demandé par la loi en donnant non
seulement les contrats qui sont dans le SEAO, le système où ont été... tous les
contrats, mais on s'est engagés à ce qu'ils soient plus faciles à analyser, les
contrats qui ont été donnés, par type de contrats, dans les dates qu'ils ont
été donnés. Puis j'ai donné même quelques statistiques ce matin, vous pourrez
l'écouter, là, du nombre de contrats, qui représentent à peu près deux pour
cent des contrats qui vont être encore en application jusque soit au
31 décembre ou pour les contrats qui se rapportent aux entrepôts. Donc,
c'est pour minimiser un peu, on a parlé de gros...
M. Dubé : ...chiffres, là,
mais du 5 milliards il ne reste même pas 100 millions de contrats sur les deux
termes dont on parle. Alors, je pense, ça sera important de le voir, puis on
s'est engagés que ça soit dans le rapport qu'on va déposer à la fin du
processus. Je ne sais pas s'il me reste du temps.
Le Président (M. Provençal)
: 10 secondes, M. le...
M. Dubé : 10 secondes. Bien,
pour vous remercier, professeur Taillon, parce que ça a été très éclairant
d'avoir cet équilibre-là dans votre présentation aujourd'hui. Merci beaucoup.
M. Taillon (Patrick) : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, M. le ministre. Nous allons poursuivre cet
échange avec le député de La Pinière pour les 10 minutes 10 secondes suivantes.
Alors, M. le député, je vous cède la parole.
• (15 h 30) •
M. Barrette : Merci, M. le
Président. M. le ministre... Je suis sûr que le ministre est heureux de me voir
aujourd'hui, j'en suis convaincu.
Me Taillon, j'ai lu votre mémoire, j'ai
écouté les échanges qu'il y a eu... qui ont eu lieu ce matin, et de votre
mémoire je retiens une chose qui est assez importante, et vous considérez que,
si on avait à revenir à imposer... réimposer les mesures d'urgence telles...
qui existent dans la loi, ce serait perçu comme étant un échec. Bon. Moi, je ne
suis pas d'accord avec vous, là, parce qu'il y a un élément de temporalité
là-dedans que ni vous, ni moi, ni le ministre ne peut contrôler: les grippes,
là, ça arrive dans certaines saisons, et, dans l'état actuel du projet de loi
dont on discute, il pourrait très bien, à l'hiver prochain, apparaître un
variant Z qui serait aussi meurtrier que le premier. Alors donc, c'est
circonstanciel, c'est temporel.
La raison pour laquelle je vous pose cette
question-là, c'est que... Quelle est la justification, selon vous, aujourd'hui
d'avoir un projet de loi qui nous amène au 31 décembre? Ne trouvez-vous pas
cette date-là comme étant purement arbitraire?
M. Taillon (Patrick) : Oui.
Je suis d'accord avec vous que la perception d'un retour en arrière s'il
fallait déclarer à nouveau l'état d'urgence relève, là, d'une lecture bien
personnelle, mais, bon, c'est une conviction que je vous partage. Vous pouvez
évidemment... M. le Président, M. le député peut évidemment faire une tout
autre lecture, et je pense que les choses auraient pu en être autrement. Si on
avait fait du va-et-vient depuis le début, ce ne serait pas la même chose que
de le faire après deux ans.
Sur la date de décembre, bien, il me
semble évident que c'est une date qui est un peu... qui comporte le risque
suivant, c'est qu'habituellement c'est une date qui est associée à un recul de
la situation pandémique. Donc, c'est un peu étrange de terminer à cette
date-là. Elle a la sagesse, cette date-là, par contre, de, je dirais, tasser
la... de créer un gel des... que cette Assemblée va décider durant la période
électorale, hein, elle installe une forme de paix électorale. Donc, il
fallait... Il faut régler quelque chose avant l'élection. Ça, ça me semble
impératif. On ne peut pas... Durant... Au début de l'automne, le Parlement
et... cette Assemblée va mourir, elle ne pourra plus être convoquée, elle ne
pourra plus se réunir, donc c'est impossible début de l'automne, et donc
décembre, novembre, c'est à peu près les seules dates court terme qui me
semblent possibles, mais qui comportent le risque, là, de se retrouver dans une
situation où on dit qu'on va complètement tourner la page sur les outils
temporaires dont on a besoin, et donc on s'évite la réflexion sur les outils
permanents qu'on aurait besoin, O.K., les outils modérés, mais des outils
néanmoins canalisés, encadrés. Peut-être que cette discussion-là, elle sera
nécessaire en novembre ou en décembre.
M. Barrette : Oui. Bon. Quand
on regarde la biologie de la chose, là, la période d'accalmie, elle est avant
l'élection, et la prochaine crise, théoriquement, biologiquement parlant, elle
est après. Le virus, il se comporte comme ça. Essentiellement, il y a un
passage d'un hémisphère à l'autre, il y a la température, la saisonnalité et ainsi
de suite, là. On aurait très bien pu arrêter ces mesures d'urgence là, très
bien pu les arrêter même au mois d'août. Ça n'aurait rien changé, parce que,
s'il n'y avait... s'il y a lieu de revenir à des mesures d'urgence, ça va être
après l'élection.
Alors donc, moi, j'ai de la difficulté à
ne pas voir là un opportunisme, dans le sens temporel du terme - je ne qualifie
pas plus ça de ça - politique.
M. Taillon (Patrick) : Oui.
Bien, si les choses étaient à refaire... Moi, j'ai été surpris par la manière
dont... l'habilité du projet de loi n° 28, avec sa stratégie du cran d'arrêt et
du gel, même si j'ai la crainte que je partage devant vous. Mais c'est sûr que,
si c'était à refaire, peut-être que cette stratégie du projet de loi n° 28
d'identifier rigoureusement les outils que l'on pourrait encore avoir de besoin
et de...
15 h 30 (version non révisée)
M. Taillon (Patrick) : ...dire :
Bien, laissez-nous que ces outils-là. Et maintenant, on va travailler comme
avant pour les nouvelles règles. C'est vrai que c'est une solution qui... moi,
je ne l'avais pas vu venir, mais qu'elle aurait pu être implantée bien avant.
Mais je n'en ferai pas le reproche puisque je n'en ai pas fait moi-même la
suggestion à l'époque.
M. Barrette : Mais Me
Taillon, moi, ce qui m'intéresse, c'est que pour vous, c'est vrai, ça aurait pu
être fait avant.
M. Taillon (Patrick) : Oui,
oui, oui.
M. Barrette : Là, je vais
vous poser une question qui est vraiment, vraiment intéressante, à mon sens,
parce que vous l'approcher sous l'angle de : De quoi allons-nous avoir
besoin dans le futur? Puis vous avez raison. On peut discuter sur la
temporalité. On vient de le faire. Mais ce dont on aura besoin dans le futur,
on peut aussi les aborder sous l'angle : Qu'est ce qu'on évite comme
problème actuellement? Quand vous regardez les mesures qui sont là, là, ne
trouvez-vous pas qu'on se paye un évitement de problèmes? Et je vais m'expliquer.
Parce que je n'ai pas beaucoup de temps, ça va être très clair. Écoutez, là, qu'on
prolonge des baux pour des centres de vaccination, permettez-moi l'expression :
«Big deal.» Par contre, on s'évite beaucoup, beaucoup de problèmes syndicaux
parce que comme on a le décret pour donner des primes qu'on prolonge, c'est
correct, les bénéficiaires de primes, c'est très bien, mais on sait, vous et
moi, qu'il y a bien d'autres enjeux d'ordre syndical là-dedans, et c'est
normal. Alors, revenons à la temporalité. La période, entre guillemets, d'accalmie
biologique, on va la vivre, là. On va la vivre à partir, essentiellement, de la
fin de la session parlementaire. Alors, de prolonger, essentiellement, en se
protège. Moi, je le vois comme ça. Est-ce que vous avez quelque chose à m'objecter?
Parce que quand vous regardez les cinq décrets, là, il y en a au moins quatre
sur cinq... trois minimum qui sont purement de portée syndicale en termes d'impact.
Un qui est une espèce d'intermédiaire, puis l'autre, bon, écoutez, les baux de
centre de... tu sais, «big deal», là, on s'entend là-dessus, là. Il n'y a pas
le problème, là.
M. Taillon (Patrick) : Il ne
faut pas minimiser l'importance de l'aspect relations de travail. Et c'est
probablement le plus complexe parce que quand je dis que la sortie de crise
implique une pérennisation partielle, pondérée et encadrée, c'est peut-être un
des aspects où le législateur a le moins de marge de manœuvre en raison de la
jurisprudence de la Cour suprême du Canada sur le droit à la négociation
collective. Alors, même lorsqu'on fait un cadeau ou une prime aux travailleurs
syndiqués, et encore plus lorsque ça a un caractère exceptionnel, dérogatoire
et restrictif, bien, ces mesures-là sont plus difficiles et probablement même
impossibles d'inscrire dans une nouvelle normalité. Et donc, il est
probablement plus sage, si ces mesures sont indispensables, de les inscrire
dans un état temporaire et d'exception. C'est probablement une manière plus
appropriée de réussir à les défendre devant les tribunaux. Et pour le moment,
les tribunaux ont, à l'exception, là, du décret sur le couvre-feu pour les
personnes sans-abri, ont validé toutes les mesures prises. Donc, on reste dans
cette logique qui vise à probablement se préserver d'une contestation qui
viendrait si ces mesures étaient inscrites dans la durée, dans la longue durée,
là, normale.
M. Barrette : Tout à fait, la
longue durée. Mais pour ce qui est de la période en question, la contestation
prend du temps. Ça n'a pas d'effet. Mais dans les faits, par opportunisme de
calendrier, je dirais, là, on s'évite un problème. Je l'ai dit comme ça. Je
pense que vous êtes peut-être en accord avec une partie de ce que je disais.
Il me reste deux minutes, Me Taillon, je
vais aborder une affaire. Voulez vous bien me dire, alors, là, ne me reprochez
pas ma familiarité, voulez vous bien me dire, là, comment ça se fait qu'on n'est
pas capable, là, là, dans ce projet de loi là, là, amener des clauses de
désaveu, là? Il existe, ça existe, vous le dites dans votre mémoire. Il y a un
modèle au Canada. Il est fédéral. Bon, je comprends que le fédéral, c'est un
péché mortel, là, pour certains, j'ai dit pour certains. Alors, il me semble
que dans ce projet de loi là, il aurait été possible d'introduire ça. Ça aurait
été une espèce de baume au reste. Donc, ça aurait été faisable, là. Vous êtes
un expert là-dedans, là. Alors, vous savez que ça existe. Vous avez conseillé
le gouvernement dans les deux dernières années.
M. Taillon (Patrick) : C'est
vous qui dites ça.
M. Barrette : Bien, c'est-à-dire
vous avez témoigné.
M. Taillon (Patrick) : C'est
vous qui dites ça. Moi, je...
M. Barrette : Une mauvaise
expression, je m'en excuse, Me Taillon, mais disons que vous avez été une
inspiration gouvernementale.
M. Taillon (Patrick) : Bien,
ça, c'est flatteur, en effet.
M. Barrette : Ça, c'est...
voilà. Vous auriez pu être une inspiration pour 122 pour ces clauses-là. Est-ce
que ça aurait été faisable d'après vous?
M. Taillon (Patrick) : Bien,
moi, je vais répondre de bref parce que le temps est précieux, mais il n'y a
rien qui empêche un amendement dans le cadre du projet de loi actuel qui
permettrait à l'Assemblée, à tout moment, de désavouer l'un des cinq...
M. Taillon (Patrick) : ...les
cinq arrêtés.
M. Barrette : Il n'y a rien
qui...
M. Taillon (Patrick) : C'est-à-dire
que l'Assemblée, elle est souveraine, elle adopte une loi et elle peut prévoir
tous les mécanismes qu'elle veut bien. Ça, c'est d'une part. Et d'autre part,
durant cette crise, oui, la Loi sur la santé publique minimisait énormément le
rôle du Parlement. On souhaite, ce rôle, qu'il soit plus grand à l'avenir. Mais
à plusieurs reprises, le gouvernement a posé des gestes qui n'étaient pas
obligatoires, comme le projet de loi sur la manifestation devant les écoles, le
débat sur la vaccination du personnel de santé. Donc, moi, ce que je dis, c'est
: Dans cette sortie de crise, il faut continuer à s'imposer des standards
élevés, même si la loi ne nous les impose pas.
M. Barrette : Donc, il me
reste 10 secondes, Me Taillon...
M. Taillon (Patrick) : Oui,
pardon.
M. Barrette : ...vraiment,
parce que je me chronomètre. Il avait l'opportunité de le faire, et le choix a
été fait de ne pas le faire, ce n'est pas dedans.
• (15 h 40) •
M. Taillon (Patrick) : Oui,
mais le gouvernement présente un projet, et c'est l'Assemblée qui l'adopte.
M. Barrette : Oui,
faites-vous-en pas, on est encore là.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député. Nous
allons poursuivre maintenant avec la députée de Sherbrooke pour
2 min 37 s.
Mme Labrie : Très peu de
temps pour discuter de tout ça. Bonjour, M. Taillon. Vous avez partagé une
crainte, qui est également partagée par nous, qu'advenant un nouveau variant ou
une nouvelle vague on doit, finalement, malgré ce projet de loi là, recourir
encore à l'état d'urgence. Est-ce qu'il y a un amendement précis que vous nous
recommandez de faire, dans ce projet de loi là, pour éviter que ça se produise?
Est-ce que l'amendement des désaveux, par exemple, serait un compromis à faire
pour nous donner un peu plus de leviers démocratiques, advenant qu'on soit
obligés de retourner à l'état d'urgence? Est-ce qu'il y a un autre moyen d'y
arriver?
M. Taillon (Patrick) : Non.
Sur le front de l'inquiétude, si on est covido-inquiets, la stratégie du gel,
elle repose sur le fait que la Santé publique, le ministre, ceux qui ont
préparé le projet de loi ont évalué qu'avec ces outils-là ils sont capables. Et
donc, si on a besoin d'un autre outil, il faudra soit convoquer cette Assemblée
pour l'adoption d'un projet de loi rapide, soit miser sur les pouvoirs qui
existent déjà. Directeur régional de la santé publique a des pouvoirs,
directeur national aussi. Mais ça reste assez limité. Ou, sinon, ce qui, pour
moi, est un recul, revenir à l'état d'urgence. Mais dans l'autre scénario,
c'est-à-dire alléger, le projet de loi n° 28, si ça va bien, il est bien
organisé pour aller plus vite que le calendrier prévu, le gouvernement peut
retirer ses arrêtés. Mais c'est dans le scénario où ça irait mal. En même
temps, est-ce qu'il faut rester à tout jamais dans l'état d'urgence, parce
qu'il faut prévoir le pire? Non. À un moment donné, il faut trouver un nouvel
équilibre, une nouvelle façon d'encadrer la menace qui perdure. Je m'excuse
pour le temps.
Mme Labrie : Est-ce que...
Parce que je vous ai entendu dire que la réforme sur l'état d'urgence qu'on
veut faire, vous nous recommandez d'attendre un moment pour la faire plus à
tête reposée, je dirais, pour résumer votre idée. Vous nous soumettez quand
même des propositions de ce qu'on devrait inclure dans cette réforme-là. Est-ce
qu'on ne peut pas commencer quand même à utiliser le projet de loi n° 28
pour, déjà, amener des éléments de changements, les intégrer au projet de loi
n° 28, en se disant quand même que la réforme plus complète, on la fera
plus tard? Mais déjà, intégrer des choses comme la notion de désaveu, le faire
maintenant?
M. Taillon (Patrick) : Oui,
et je pense que le mécanisme de «fade-out», là, de decrescendo... Puis ça se
peut que ça figure dans une prochaine réécriture de la Loi sur la santé
publique. Donc, oui, la loi fixe un cadre minimal. Il y a le droit
parlementaire aussi, qui permet à l'Assemblée des interpellations, toutes
sortes de mécanismes, aussi, pour forcer le gouvernement à rendre des comptes.
Oui, il faut s'imposer dès maintenant les meilleurs standards, même si ces
standards ne sont pas obligatoires.
Mme Labrie : Donc, on n'a pas
à attendre de faire cette réforme complète, on peut dès maintenant, dans ce projet
de loi là, amorcer des choses?
M. Taillon (Patrick) : Je
l'espère, oui.
Mme Labrie : Parfait, je vous
remercie.
Le Président (M. Provençal)
:...beaucoup, Mme la députée. Je cède
maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine pour
2 min 37 s.
M. Arseneau : Merci beaucoup,
M. le Président. Me Taillon, merci d'être là et de partager votre point de vue
avec nous, qui est très éclairant. J'ai accroché, à la page 7, sur le contexte
où l'autonomie constitutionnelle du Québec a souvent été fragilisée. Est-ce que
vous suggérez... Parce que c'est quand même une réforme importante, là,
d'étendre, justement, les pouvoirs du Québec au-delà de l'état d'urgence et de
la Loi sur la santé publique. Ça ne peut pas être fait maintenant, ce n'est pas
ce que vous suggérez. Vous suggérez qu'on l'attaque comme un chantier plus
vaste ou ça peut être fait plus rapidement, selon vous?
M. Taillon (Patrick) : Quand
la Loi sur la santé publique a été contestée, décision très importante de la
Cour d'appel, je crois, cet hiver, qui a validé le dispositif, on a utilisé la
Loi sur la sécurité civile, parce qu'on n'avait pas assez de débats
parlementaires, puis parce que les deux lois sont à peu près identiques. Donc,
au fond, mon propos, c'est de dire... Ça fait des années qu'on entend des
collègues dire que l'urgence, ce n'est que fédéral. C'est faux, on en a
maintenant la preuve. Le Québec, un peu comme la doctrine Gérin-Lajoie nous
permet de... ce qui est de compétence chez nous est de compétence partout,
bien, si c'est de compétence du Québec, si c'est de la compétence du Québec,
l'urgence en éducation, l'urgence en environnement, l'urgence en sécurité
publique, l'urgence sanitaire, c'est aussi de notre compétence. Donc, pour le
moment, on a comme deux lois, peut-être qu'il y en a une troisième qui
m'échappe.
Mais lors d'une réécriture, il faudrait
peut-être consolider l'acquis de cette crise...
M. Taillon (Patrick) :
...notre relation avec Ottawa pour bien marquer le fait que ce qui est de notre
compétence l'est aussi en temps d'urgence. Et c'est ça l'esprit de la
suggestion.
M. Arseneau : Mais l'autre
volet, c'est celui de la crainte du va-et-vient. La Crise...en fait, l'état
d'urgence a duré deux ans, mais moi, j'ai le profond sentiment qu'on n'a pas
été en état de crise pendant deux ans et que le va-et-vient aurait pu être
exercé pendant toute la période, de la même façon que si on avait une crise en
sécurité civile. Il y a un barrage qui éclate, on colmate. La crise est
terminée, on peut investir, et ensuite, il craque à un autre endroit, nouvelle
crise et ainsi de suite. Et est-ce que ce n'est pas le fait, justement, qu'on
n'ait pas respecté l'esprit de la loi sur le 10 jours ou 30 jours, puis
qu'ensuite on dise : Bien, on revient à un état de rétablissement, un peu
comme on dit en sécurité civile, qu'on est pris avec une loi comme celle-là
pour en sortir?
M. Taillon (Patrick) : Bien,
je dirais deux choses. Si on avait seulement eu besoin de restrictions qui visent
la population, je pense qu'on aurait pu en sortir, faire du va-et-vient, puis
ç'aurait été très sain, mais c'est une crise organisationnelle et de capacité
de soins. Puis là je pense que, là, il y a des limbes et un labyrinthe de
problèmes.
Et l'autre aspect, c'est que, si on avait
une loi qui encadre l'urgence, qui permettait de dire : Voilà, c'est
terminé. À partir de maintenant, vous ne pouvez plus adopter de décrets, mais
ceux qui sont déjà en vigueur vont produire des effets jusqu'à telle date, bien
là, on aurait pu, je crois, sortir fréquemment de l'état d'urgence. Mais même
dans les beaux étés qu'on a eus, on a gardé quand même des mesures comme le
masque. Et donc, à moins que... c'est peut-être le cas, il y a moyen d'imposer
le masque par d'autres voies, ce n'est pas ma compréhension de la chose, on est
un peu coincé. Donc, il faut... Pardon.
Le Président (M. Provençal)
:Je vous remercie beaucoup. Non, c'est
moi qui gère le temps, je m'excuse. Alors, je dois maintenant passer la parole
à la députée d'Iberville qui va compléter cet échange.
Mme Samson : Merci, M. le
Président. Me Taillon, préférez-vous maître ou professeur?
M. Taillon (Patrick) :
Monsieur, Patrick, tu sais, l'idéal.
Mme Samson : Me Taillon, deux
petites questions très rapides. Pouvez-vous me dire, en droit du travail,
quelle loi empêche un employeur de donner un bonus à un employé?
M. Taillon (Patrick) :
Lorsqu'on a adopté la Charte canadienne des droits et libertés, on a prévu un
article 2 qui prévoit la liberté d'association. La Cour suprême a dérivé de
cette liberté d'association, que ça voulait dire le droit de négocier les
conditions de travail. Et donc même si ça a l'apparence d'un cadeau, d'une
prime, cette jurisprudence, elle fait en sorte que la mesure décidée
unilatéralement soit positive ou restrictive, elle est une atteinte à la
liberté de négocier les conditions de travail. Et c'est pour ça que depuis une
dizaine d'années, on voit beaucoup moins de lois spéciales dans le secteur public,
cette jurisprudence est apparue dans ces années-là, et, par contre, on ne sait
pas si certaines de ces limitations pourraient être justifiées. Mais ça crée un
contexte juridique où, là, c'est plus périlleux. Voilà.
Mme Samson : O.K., je
comprends. Donc, la voie de la négociation est inévitable.
M. Taillon (Patrick) : C'est
comme si on place la négociation au-dessus des bonnes conditions.
Mme Samson : Au-dessus des
bonnes nouvelles qu'un patron peut envoyer à ses employés.
M. Taillon (Patrick) : Parce
que derrière la bonne nouvelle, il peut y avoir un piège ou une fausse bonne
nouvelle. Alors, on dit : D'abord et avant...
Mme Samson : Oui, oui... Ma
deuxième question, c'est quand on lit dans la loi l'impossibilité pour
quiconque de poursuivre quiconque. Comment peut-on s'accaparer autant de
pouvoir sans en avoir les responsabilités?
M. Taillon (Patrick) : Je
dois vous avouer que ça m'a échappé. L'impossibilité de poursuivre...
Mme Samson : Personne ne peut
poursuivre personne.
M. Taillon (Patrick) : Oui.
Un, ça m'a échappé, c'est de ma faute, mais...
Mme Samson : Bien, moi,
j'aurais fait une méchante bonne avocate, hein?
M. Taillon (Patrick) : Oui,
mais je sais que, de toute manière, les tribunaux, devant des clauses
privatives de recours, généralement, n'y voient qu'un indice, là. Et,
généralement, c'est... Même si le... dit : Vous n'avez pas de recours,
généralement, le tribunal va quand même dire : Non, non...
Mme Samson : On va écouter.
M. Taillon (Patrick) : Oui,
mais je dois vous confier que ça m'a échappé. Je profiterai de la pause pour...
Mme Samson : Je vais vous le
trouver en fumant une cigarette à la pause.
M. Taillon (Patrick) : Oui,
oui, tout à fait.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, Mme la députée, je dois vous
dire que vous avez terminé. C'était très intéressant...
Mme Samson : ...dans la tête,
là, je suis toute correcte.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, merci beaucoup, M. Taillon, pour votre présence et
la qualité de ces échanges. Sur ce, je vais suspendre quelques minutes pour
qu'on puisse faire place au prochain... à M. Lampron qui va prendre la place.
(Suspension de la séance à 15 h 49)
(Reprise à 15 h 53)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux. Nous
accueillons maintenant le professeur Louis-Philippe Lampron, professeur de
droit à l'Université Laval. Monsieur, je vous rappelle que vous avez dix
minutes pour votre présentation et par la suite, nous procéderons à la période
d'échanges. Alors je vous cède immédiatement la parole.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Merci beaucoup,
monsieur le Président. Alors, Monsieur le Ministre, Mesdames et messieurs les
députés, c'est un plaisir d'être ici avec vous aujourd'hui. Merci donc de cette
convocation pour parler du projet de loi 28, initialement baptisé Loi
visant à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire, mais je sais qu'il un
amendement, là, qui a eu cours le premier jour et qui a rajouté une portion
importante, là, au titre.
Alors ma présentation d'aujourd'hui vise
essentiellement à faire un retour sur les principes qui sont applicables
justement pour encadrer l'état d'urgence sanitaire au Québec, régime juridique
exceptionnel qui permet, il faut le rappeler, là, de rompre temporairement
l'équilibre des pouvoirs qui caractérise tous les États...
M. Lampron
(Louis-Philippe) :...démocratique entre
les branches de pouvoir gouvernemental étatique, en fait, donc entre le
gouvernement, le législatif et le judiciaire.
Alors, voilà maintenant plus de deux ans
que nous sommes sous l'égide de l'état d'urgence sanitaire qui a été édicté le
13 mars 2020, évidemment, avec l'arrivée de la pandémie de COVID-19 et
l'état d'urgence sanitaire a été décrété au moment justement de l'arrivée de ce
virus-là sur le territoire québécois par le gouvernement et il est renouvelé
conformément à l'article 119 de la Loi sur la santé publique, depuis,
selon la première option, on aura l'occasion d'y revenir, là, de 10 jours
en 10 jours.
Évidemment, dans un contexte où le
gouvernement peut mettre fin à l'état d'urgence sanitaire de sa seule
initiative et sans avoir pour ce faire à adopter une loi, c'est quand même
important de le rappeler, bien, l'objectif de ma présentation d'aujourd'hui,
c'est de dire : Donc tant qu'à adopter une loi, qu'est ce qu'il est possible de
faire, en fait? Et donc, on va le voir, il va avoir deux grandes parties à ma
présentation. La première, ça va être de parler de la justification des
pouvoirs qui souhaitent être maintenus par le gouvernement pour amorcer cette
phase de transition-là, parce qu'il est important de faire la distinction entre
le régime juridique que représente l'état d'urgence sanitaire, régime juridique
de gouvernance, en fait, exceptionnel, et la crise de la COVID-19 avec laquelle
on doit vivre et on devra vivre au Québec et partout à travers le monde dans un
avenir prévisible. Alors, à partir du moment où ce qui est devant nous, avec le
projet de loi 28, ça semble être, et j'aurai l'occasion d'en débattre, évidemment,
là, avec les membres de cette commission, un projet de loi transitoire, bien,
il faut se demander si les pouvoirs qui souhaitent être conservés par le
gouvernement, ils peuvent se justifier dans l'état actuel de la pandémie, étant
entendu que le régime juridique exceptionnel qui est l'état d'urgence
sanitaire, bien, ce n'est pas quelque chose qu'on peut maintenir au cas où la
crise se rematérialise dans le futur. En fait, il faut vraiment que ça soit
justifié dans l'ici et maintenant.
Et le deuxième volet de ma présentation
d'aujourd'hui va venir... je vais essayer de traiter des lacunes, en fait, qui
se sont révélées à l'usage, là, en ce qui concerne les dispositions qui
encadrent actuellement les pouvoirs, là, justement, qui permettent au gouvernement
de basculer en état d'urgence sanitaire et on va parler spécifiquement de
l'article 119 et bien sûr, de l'article 129.
Alors sur la question d'abord des pouvoirs
maintenus, bien, il est clair qu'à partir du moment, et je reviens là-dessus,
hein, c'est le point de départ de l'analyse, il n'est pas nécessaire de
légiférer pour mettre fin à l'état d'urgence sanitaire. Il est nécessaire de
légiférer si tant est qu'on souhaite maintenir, et c'est l'essentiel du projet
de loi 28, certains pouvoirs en vigueur, le temps qu'on soit capable de
finaliser, de sortir de la crise de la COVID-19. Et donc, moi, le premier
commentaire que j'aurai à faire, c'est de continuer le travail d'amendement et
cette fois-là, de retirer le titre initial de la loi. Pour moi, de mettre dans
le titre d'une loi transitoire le fait que c'est un projet de loi qui vise à
mettre fin à l'état d'urgence sanitaire dans un contexte où le gouvernement n'a
pas besoin de légiférer pour mettre fin à l'état d'urgence sanitaire, c'est de
nature à entretenir la confusion et, à mon sens, on aurait tout avantage
collectivement à vraiment spécifier déjà dans le titre de la loi c'est quoi
l'objectif de cette loi-là. Et ce n'est pas de mettre fin à l'état d'urgence
sanitaire, mais c'est bien d'assurer la transition, en fait, et c'est une loi
qui concerne spécifiquement la crise de la COVID-19.
Deuxième commentaire, ça prend des fleurs,
hein, pour que ce soit crédible, évidemment, et donc j'aimerais saluer
l'amendement qui a été apporté au premier jour des travaux, justement, là,
parlementaires, pour discuter du projet de loi 28, qui était nécessaire et
qui sans quoi aurait fait l'objet des critiques que j'avais à formuler, c'est
de dire de procéder par le biais d'une consolidation des pouvoirs, hein. Les
cinq arrêtés qui souhaitent être maintenus et qui contiennent, selon ma
compréhension du projet de loi 28, l'entièreté des pouvoirs que le
gouvernement souhaite conserver à partir du moment où le projet de loi 28
deviendrait une loi. Donc, ça, c'était quelque chose de nécessaire parce que,
justement, ça permet d'être capable de travailler ensemble à déterminer et à
discuter de la suffisance des motifs qui peuvent être avancés, justement, par
le gouvernement et, à terme, par l'Assemblée nationale, là, si tant est qu'on
veut les conserver, ces pouvoirs-là.
Bon. Maintenant, il reste le plus dur à
faire parce que, et là, je vais faire un rappel de principes qui sont
applicables en matière de droits et libertés de la personne, quand une crise
frappe, une crise de la nature de celle de la COVID-19, évidemment,
l'application des textes sur les droits et libertés de la personne, on est dans
un flou jurisprudentiel parce qu'on n'a jamais eu, depuis l'ère de la Charte
canadienne, de crise de cette ampleur-là. Mais il y a une chose qui est claire,
c'est que le gouvernement jouit, l'État, en fait, jouit d'une marge de
manoeuvre supplémentaire pour justifier des atteintes aux droits fondamentaux,
des restrictions aux droits fondamentaux qui découlent des nombreux décrets qui
ont été adoptés pour...
M. Lampron
(Louis-Philippe) :...capable de protéger
la maison collective, là, ça, c'est clair et net dans la jurisprudence. Bon.
Une fois qu'on a dit ça, cette marge de manoeuvre là pour justifier les
atteintes aux droits fondamentaux, elle n'est pas illimitée et elle décroît au
fur et à mesure que la crise avance, en fait. Alors, évidemment, la marge de
manoeuvre était beaucoup plus grande au début, quand on naviguait véritablement
à vue, parce qu'on connaissait très peu de choses du virus, etc., et que, donc,
le gouvernement pourrait justifier, dans le contexte d'une contestation
judiciaire, des mesures même s'il n'était pas assis sur des données très
solides qui démontrent son efficacité, en fait, pour lutter contre la COVID-19,
au tout début de la crise. Plus on avance et plus il faut que les données
soient solides pour justifier des restrictions aux droits fondamentaux.
Et donc là, plus de deux ans après le
début de la crise de la COVID-19, dans un contexte où on espère, hein, on
s'accroche presque à la peinture sur les murs pour espérer un retour à la
normale, bien, nécessairement, le gouvernement va avoir fort à faire pour
justifier les atteintes aux droits fondamentaux qui découlent des pouvoirs
qu'il souhaite maintenir en vertu du projet de loi 28. Ça ne veut
évidemment pas dire que c'est impossible, mais il va falloir qu'il ait des
arguments solides à faire valoir. Et l'autre élément que je voulais souligner,
c'est que plus l'atteinte aux droits fondamentaux est importante, qui découle
du décret, là, et les cinq arrêtés qui y demeurent, plus le travail va être
important à faire pour justifier la restriction aux droits fondamentaux. Donc,
ça, c'est des éléments dont on doit absolument tenir compte.
• (16 heures) •
Et, à cet égard-là, même si dans ma
présentation d'aujourd'hui, hein, 10 minutes, c'est très court, je ne vais
pas m'arrêter trop avant sur... je ne veux pas analyser, là, les cinq arrêtés
en conseil qui ont été adoptés. J'invite les parlementaires à surveiller
notamment l'article 4 du projet de loi 28 qui implique des
restrictions importantes au droit à la vie privée, sans que le projet de loi
permet vraiment de déterminer pour quelles raisons est-ce qu'on souhaite garder
ces pouvoirs-là, et évidemment l'arrêté 2022-030, là, qui autorise des
pouvoirs de contournement des conventions collectives dans un contexte où la
négociation collective des conditions de travail, c'est sûr que c'est au cœur
de dispositions qui protègent la liberté d'association en vertu de la Charte
canadienne et de la Charte québécoise. Alors, moi, ces pouvoirs-là, là,
m'apparaissent mériter une attention supplémentaire pour s'assurer, justement,
qu'on ait des motifs sérieux à faire valoir dans l'éventualité d'une
contestation.
Deuxième élément. Je vois qu'il me reste
deux minutes, ce sera donc vitesse grand V. Je crois qu'à partir du moment où
l'Assemblée nationale choisit de sortir de l'état d'urgence sanitaire par le
truchement d'une loi, bien, je pense qu'on ne peut pas faire l'économie de
lacunes importantes qui se sont révélées à l'usage, en fait, en ce qui concerne
les balises qui encadrent le pouvoir discrétionnaire du gouvernement de
basculer en état d'urgence et de maintenir cet état d'urgence là. Je fais
référence, bien sûr, à l'article 119 de la Loi sur la santé publique,
d'une part, là, qui a été interprété par le gouvernement de manière tout à fait
légale. Par ailleurs, ça a été confirmé par la Cour d'appel du Québec dans
l'arrêt Bricka récemment. Et donc il y a un choix qui était laissé à
l'initiative du gouvernement, soit sur le temps court de la crise, donc
déclaration d'état d'urgence, le gouvernement peut faire ça de sa propre
initiative. Renouvellement aux 10 jours, il peut le faire de sa propre
initiative. Et là il y avait le flou entre la lettre et l'esprit, hein, parce
qu'il y a un délai de 30 jours où, là, il faut que l'Assemblée nationale
soit mise dans le coup pour le renouvellement de l'état d'urgence sanitaire, ou
de 10 jours si on le fait 10 jours, si on le fait de 10 jours en
10 jours, et c'est le choix qui a été fait et qui a été validé par la Cour
d'appel, là. C'est permis par l'état actuel de la Loi sur la santé publique.
Moi, il me semble que tant qu'à légiférer
sur la COVID-19 et dans l'éventualité où il y a toujours une possibilité,
considérant, pour reprendre l'expression de mon collègue Taillon, qui me
précédait, là, la nature crépusculaire du projet de loi 28, il y a
toujours possibilité, donc, que la crise de la COVID-19 s'emballe à nouveau et qu'on
doive malheureusement, personne ne le souhaite, rebasculer dans un état
d'urgence, je pense que c'est l'occasion spécifiquement de dire : En ce
qui concerne la crise de la COVID-19, si on doit rebasculer un état d'urgence
sanitaire, ça va se faire avec un débat à l'Assemblée nationale. Il me semble
que c'est fondamental d'être capable de rajouter ça dans un projet de loi de la
nature du projet de loi 28.
Et le dernier élément pour les vingt
secondes qui me restent, c'est l'article 129, là. Il me semble très, très
important de corriger ce qui apparaît comme une lacune importante là où on en
est rendu dans l'état d'urgence, dans la crise de la COVID-19, considérant le
fait que l'article 119 a permis au gouvernement, de sa seule initiative,
de maintenir ce régime juridique exceptionnel là pendant deux ans, sans
discontinuer, de s'assurer qu'on va avoir plus qu'un rapport d'événement,
surtout celui qui est libellé à l'article 129, là, qui, peut être, à mon
sens, respecté, si on s'en tient à la lettre de la loi, uniquement en collant
les décrets dans un document et en disant : Voici le rapport d'événement.
Alors, voilà ce que j'avais à dire, là,
comme déclaration initiale. Il va maintenant me faire plaisir d'échanger avec
vous, bien sûr.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. Lampron, pour
votre exposé. Nous allons immédiatement débuter cette période d'échanges avec
M. le ministre.
M. Dubé : Me Lampron,
c'est un plaisir de vous attendre aujourd'hui. Je pense que l'Université Laval
doit être fière de ses finissants...
16 h (version non révisée)
M. Dubé : ...c'est
tellement clair ce que vous dites aujourd'hui. Qu'on soit d'accord ou en
désaccord avec certains points, ce n'est pas ce qui est important. L'important,
c'est la clarté de votre exposé. Puis je veux... Je veux vous le mentionner, c'est
très bien. Je voudrais juste revenir sur votre titre.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui.
M. Dubé : Je veux juste
bien le... Pouvez-vous le répéter parce que vous saisissez tellement bien le
besoin que si on peut en discuter avec nous, les gestes dans les prochains
jours... Pouvez-vous me le répéter? Quel quel était votre suggestion pour le
titre du projet de loi?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :C'est de retirer tout
simplement le fait que la loi vise à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire.
M. Dubé : O.K. Le
reste...
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui. Ça, ça va. Ça va.
M. Dubé : O.K. Je
comprends très bien.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Ce n'était pas...
M. Dubé : Je voulais
juste être certain.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui.
M. Dubé : O.K. Donc, de
faire référence. Puis tant qu'à vous avoir, est-ce que ça serait des mesures
temporaires ou transitoires, selon vous, qui serait le mot plus approprié, le
plus approprié?
M. Lampron (Louis-Philippe) :Moi, j'irais pour temporaire.
M. Dubé : Temporaire.
O.K.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :À partir du moment où
on est dans le, ça doit expirer en décembre 2022...
M. Dubé : Au plus tard
parce qu'on s'entend la plupart des mesures auxquelles on réfère pour le 31 décembre,
c'est au plus tard, alors que pour les contrats, c'est... Vous l'avez bien lu.
J'apprécie beaucoup... Mon Dieu! Vous avez parlé de fleurs, mais effectivement,
c'est à écouter plusieurs légistes et les députés de l'opposition qu'on on a
pris la décision de spécifier comme premier amendement qu'il fallait avoir une
description beaucoup plus claire dans le projet de loi sur les cinq thèmes, je
vais les appeler comme ça, là. Alors, merci de l'avoir noté parce que je peux
vous dire qu'il y a plusieurs légistes au ministère qui ont travaillé très fort
pour faire cet exercice-là de concision et de rassembler tous les décrets pour
les mettre sur ces cinq thèmes là.
Puis je pense que vous pouvez sûrement
reconnaître le travail qui a été fait pour mettre ça ensemble. Alors merci de
le souligner pour, entre autres, les légistes qui nous qui nous écoutent
aujourd'hui. Vous avez une expertise. Je regardais sur le site Web, là, vous
avez une expertise, particulièrement dans les droits fondamentaux. C'est quoi
votre intérêt? Parce qu'avant de vous poser des questions, je voulais juste
savoir pourquoi... Vous faites un point qui est excessivement important, moi,
je pense, pour la suite des choses. Alors, dites-moi c'est quoi, votre
expertise en termes, là, de droit, mais spécifiquement pour les droits et les
libertés.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Je travaille
effectivement sur spécifiquement la Charte canadienne et la Charte québécoise
des droits et libertés, et plus particulièrement les libertés fondamentales,
mais également quand je m'intéresse à ces outils-là, qui ont une valeur
supralégislative, bien, je m'intéresse à la reconnaissance juridique du
principe de démocratie et ce que ça prend institutionnellement pour être
capable de s'assurer du maintien, en fait, d'une véritable démocratie,
notamment le fameux équilibre des pouvoirs entre le législatif, le judiciaire
et l'exécutif?
Et c'est ce qui me mène à m'intéresser
aussi, depuis les dernières années, notamment, aux critères qui permettent ou
ne permettent pas d'avoir recours à la disposition générale de dérogation aux
droits et libertés de la personne, notamment dans le contexte du projet de loi
no 21 et également dans le contexte de l'état d'urgence, là. C'est certain
que, moi, la pandémie, quand je dis que c'est un apprentissage qu'on a tous
fait à la dure, moi, les dispositions de l'article... des articles 118 et
suivants de la Loi sur la santé publique, avant l'éclatement de la pandémie, je
n'avais pas eu l'occasion de m'y intéresser, là. Mais là où ça rejoint
directement mon expertise, c'est justement parce que les droits et libertés de
la personne, c'est le socle de légitimité en deçà duquel, en principe, les
gouvernements et les États ne peuvent pas aller.
M. Dubé : Je voulais
juste vous mentionner, un peu comme je l'ai fait avec un professeur Taillon un
petit peu plus tôt aujourd'hui, ouvrir cette porte-là sur le besoin de refaire
la Loi sur la santé publique. Puis, je pense qu'avec des experts comme vous, qu'on
entend aujourd'hui, professeur Taillon qu'on a écouté tout à l'heure, que notre
gouvernement s'engage de s'embarquer dans cette analyse-là et de refaire. Puis
je suis content qu'on pourra avoir vos coordonnées si jamais on décide d'aller plus
loin là-dedans parce que je pense que c'est important. Puis je l'ai dit, que la
Commissaire à la santé nous a demandé de le faire dans un exercice qui devrait
être rigoureux, mais peut-être à l'extérieur des mesures d'urgence dont on
parle. Mais je voulais juste voulu mentionner, surtout maintenant que je suis
conscient de l'expertise que vous avez.
Maintenant, où je vous demanderais de nous
aider, puis j'ai posé exactement la même question au professeur Taillon ce
matin, un peu plus tôt aujourd'hui, pardon, vous avez eu connaissance de la
loi. Votre expertise, on vient à parler, dans droits et libertés, mais vous
avez aussi, j'espère, peut-être entendu nos P.D.G., nos P.D.G. qui étaient de
trois régions très différentes puis qui ont eu... qui nous ont bien expliqué qu'ils
avaient tous les mêmes problèmes de... puis ils reviennent aux cinq arrêtés qu'on
a décidé de continuer. Quand vous... Avec votre expertise des droits et
libertés, là, est-ce qu'il y en a... Puis je veux vous entendre, je veux avoir et
les fleurs et le pot parce qu'on est là pour ça. Vous les avez entendus. Qu'est-ce
qui...
M. Dubé : ...vous titille le
plus, puis lesquels vous êtes peut-être plus d'accord, parce que c'est
important de vous entendre sur les côtés positifs et négatifs de ça. Et c'est
pour ça que je pense que notre défi, si vous me permettez, à part le titre,
c'est de trouver l'équilibre, dans les prochains mois, pendant qu'on s'organise
de façon permanente, parce que c'est ça, notre objectif, d'avoir des mesures
temporaires qui nous permettent de nous organiser. Quel est cet équilibre-là
entre les droits et libertés et des pratiques sur le terrain, comme les P.D.G.
nous ont expliqué clairement aujourd'hui?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, c'est-à-dire que
la flexibilité dont on bénéficie, à travers des instruments comme la Loi sur la
santé publique ou l'état d'urgence sanitaire, là, ça se justifie sur le temps
court d'une crise, et donc des décrets comme ceux qui affectent les conditions
de travail, parce que c'est beaucoup de ça dont il est question, évidemment,
dans les présentations auxquelles vous référez, et le besoin que, du côté
employeur, on soit capable, entre guillemets, de se revirer sur un 10 cents
pour être capable de s'assurer de protéger le plus grand nombre, c'est sûr que
c'est une considération qui est importante. C'est un objectif, là, je reviens
avec le critère de l'arrêt Oakes, là, qui passerait le test initial. Est-ce que
c'est un objectif suffisamment important pour...
• (16 h 10) •
M. Dubé : Juste pour que tout
le monde comprenne, quand vous faites référence à l'arrêt Oakes, là, juste
peut-être en dire quelques mots là-dessus.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui, effectivement. Je
compte toujours pour acquis que tout le monde sait c'est quoi, l'arrêt Oakes,
voilà. Tout raisonnement, en droits et libertés de la personne, ça fonctionne
selon un raisonnement en deux temps : un, il faut faire la preuve d'une
atteinte au droit fondamental. Et, ensuite, l'État peut essayer de justifier
l'atteinte. Pour justifier l'atteinte, il faut passer à travers une grille
d'analyse en quatre étapes, qui est celle qui a été établie en 1986 dans
l'arrêt Oakes.
La première étape, c'est l'objectif
suffisamment important, hein? On ne peut pas justifier, en quelque circonstance
que ce soit, une atteinte aux droits fondamentaux sans qu'on poursuive un
objectif considéré comme étant suffisamment important. Alors, en contexte de
pandémie parce que la pandémie n'est pas terminée, malheureusement, qu'on poursuive
un objectif de flexibilité, ça, ça passe l'étape un. Là où ça devient plus
difficile, parce qu'on avance dans la pandémie et qu'il s'agit, bien sûr, d'une
atteinte à ce qui constitue le cœur de la liberté d'association, hein, depuis
2015, là, ça a été très, très clairement cristallisé par la Cour suprême du
Canada, c'est-à-dire le fait qu'il y ait négociation collective des conditions
de travail lorsqu'il y a, justement, syndicat appliqué, unité d'accréditation,
etc.
Alors, c'est certain que de justifier le
maintien de pouvoirs exceptionnels qui permettent de contourner les conventions
collectives sur le temps long d'une crise, bien, ça peut se justifier sur
certaines particularités des pouvoirs qui se retrouvent dans le décret 2022-30.
Et, encore une fois, je n'ai pas fait une analyse détaillée, là, de ces
pouvoirs-là, mais d'y aller globalement, uniquement en disant que, parce que la
pandémie n'est pas terminée, il faut qu'on continue à avoir ces pouvoirs
exceptionnels là en main au cas où il y ait une résurgence ou que sais je
encore, ça, c'est certain que c'est plus difficile à justifier, plus la crise
avance, parce que...
M. Dubé : Ça, c'est dans le
deuxième point. Puis je veux juste vous mentionner, parce qu'effectivement, et
c'est pour ça qu'il était important, suite à vos demandes puis à vos collègues,
de préciser qu'est-ce qui restait dans les arrêtés et qu'est-ce qui partait.
Parce qu'on a enlevé 007, qui était, pas besoin de vous l'expliquer, vous le
savez, c'est quoi qui... Mais, en même temps, on a gardé les primes. Alors là,
dans l'article, dans le deuxième critère, il y aurait ce choix-là ou cette
discussion, à savoir qu'est-ce qui est resté et qu'est-ce qui n'est pas resté.
Est-ce que'on parle de la bonne chose, là?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Exactement. Qu'est-ce
qui se justifie, qu'est-ce qui justifie de pas. Un critère qui est vraiment
important, là, puis je fais référence à ça, à quelque chose qui a été discuté,
parce qu'il y a un parallèle à faire avec la Loi fédérale sur les mesures
d'urgence et le débat qui a eu cours avec le convoi des camionneurs.
M. Dubé : Oui, avec qu'est-ce
qui est arrivé à Ottawa.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Exactement. Et donc il
y a eu un débat qui a eu cours à la Chambre des communes. Mais ça, ce n'est pas
Justin Trudeau et son gouvernement qui a décidé, de bonne grâce, de tenir ce
débat-là. Ils ont tenu le débat parce qu'ils étaient forcés de le tenir par la
loi. Et ça, c'est un bel exemple, en fait, là, des balises qui permettent
d'encadrer un pouvoir exceptionnel.
M. Dubé : Toujours dans votre
deuxième critère ou vous...
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, c'était une
introduction. Je me suis permis un commentaire, mais je m'en allais sur le...
M. Dubé : Je veux juste vous
suivre, parce qu'il me reste sept minutes, puis je trouve ça excessivement
important pour la suite des choses. Ça fait que je vous laisse débouler, là.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Très bien. Et donc,
ensuite, de dire qu'on garde ces pouvoirs-là, encore une fois, de flexibilité,
dans un contexte où la crise perdure, ça passe le test un. Mais la flexibilité,
ce n'est pas nécessaire, ce n'est pas une adéquation, en fait, qui va faire en
sorte que l'Assemblée nationale, si jamais le projet de loi 28 devient une loi,
que cette loi-là est contestée, que les chances de succès, si c'était
éventuellement contesté en vertu des droits et libertés de la personne, là,
seraient très élevées. C'est pour ça qu'il faut vraiment être certain que c'est
en vertu de l'ici et maintenant, et non pas du peut-être demain que les
pouvoirs se justifient.
M. Dubé : Voilà. Bien, on
pourra en reparler, parce qu'on manque de temps, mais quand on parlait que
l'arrêté, par exemple, sur les primes, finissait, on l'avait mentionné,
finissait le 16 avril, puis lorsque la seizième... la sixième vague, pardon,
j'ai dit la seizième vague, la sixième vague a été confirmée, pour nous,
c'était évident qu'il fallait rajouter d'un mois. Alors, c'est le genre de
discussion sur le court terme dont vous parlez...
M. Dubé : ...les trois
et quatre, c'est quoi? Je veux juste vous entendre. Vous avez dit : Il y a
quatre choses à prendre en considération.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui, on est dans
l'arrêt Oakes, en fait.
M. Dubé : Oui, toujours
parce que c'est important de...
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Ensuite, c'est la
proportionnalité. C'est pour ça que ça devient toujours plus difficile pour
l'État à cette étape là, la première étape, elle passe souvent assez facilement
la rampe.
M. Dubé : Oui, très
bien.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Ensuite, la question,
c'est : Est-ce que les moyens choisis par le gouvernement, par l'État sont
proportionnels par rapport à l'objectif poursuivi?
M. Dubé : À la sévérité,
oui, O.K.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Là, il y a le critère
du lien rationnel, de l'atteinte minimale. Est-ce qu'on a conçu le moyen de
manière à porter atteinte le moins possible aux droits fondamentaux en cause?
Et à la fin, c'est la balance des effets. En fait, est-ce que les avantages
produits par la mesure l'emportent sur la gravité de l'atteinte aux droits?
M. Dubé : Très bien, on
en a parlé souvent de ça.
M. Lampron (Louis-Philippe) :Ttout à fait.
M. Dubé : O.K. C'est
très clair. Maintenant, je reviens à la question que je vous ai posée tout à
l'heure. On a peut-être divergé un peu avec l'arrêt Oakes. Mais revenons sur ce
que vous avez entendu des P.D.G. ce matin. Ils vous on dit : Écoutez, on a
besoin de on a besoin de Je contribue, on a besoin de ça pour la vaccination.
Tout ce que vous avez entendu. Dans les cinq termes, là, qui sont maintenant
précisés par l'amendement qui sera discuté avec les députés, qu'est-ce... s'il
y en a qui vous titillent plus que d'autres ou que vous dites : Ça, pour
nous, vous n'avez pas besoin de ça? J'aimerais ça vous entendre sur ces cinq-là
parce que c'est ce qui reste, là, ces cinq arrêtés-là.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, écoutez-moi sur
les cinq termes, puis c'est pour ça dans... et d'ailleurs vous allez avoir un
mémoire écrit, c'est simplement que j'ai essayé désespérément d'arriver avant
l'audition et je n'ai pas été en mesure alors...
M. Dubé : je suis
certain que ça va être clair.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Et j'espère que ça va
l'être très clair à tout le moins.
M. Dubé : Ça va être
très clair.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Mais là, ça ne l'était
pas avant que j'arrive, et donc je ne vous l'ai pas envoyé. Mais là, moi,
les... ce qui me titille, pour reprendre votre expression, il y a deux choses.
C'est dans le détail de 2022-2030, c'est à dire que, globalement, qu'on ait
besoin de certaines mesures considérant là où on en est dans la sixième vague
et qu'on en ait besoin ici et maintenant, de maintenir une certaine forme de
flexibilité hors convention collective peut être que, dans certains cas, ça
justifie, mais mur à mur, je ne suis pas certain que ça justifie, surtout en
considérant l'importance du droit fondamental dont il est question. Alors ça,
c'est ce qui me titille, de un. De deux, moi, c'est l'article 4. Je
voudrais peut-être y revenir en disant : Quel est l'objectif de
l'article 4? Parce qu'il y a une capacité importante qui est laissée au
gouvernement de demander des informations qui relèvent de la vie privée par
ailleurs, mais il n'y a pas de mise en contexte ou en fait, quand je l'ai lu
initialement, puis là-dessus je pense que je partage le point de vue de mon
collègue Taillon, on croyait que c'était pour vous aider dans la reddition de
comptes, mais comme y rien d'autre sur la reddition de comptes, je cherche.
M. Dubé : Je peux
m'essayer, M. le Président, parce qu'on a... Il me reste quoi?
Le Président (M. Provençal)
:2 min 30 s.
M. Dubé : Deux minutes.
Mais c'est une très bonne question. L'objectif derrière 4 était très clair,
c'était au niveau de l'information qu'on a pour la vaccination parce que, ce
qu'on veut, c'est continuer la vaccination et du dépistage. Mais
particulièrement pour la vaccination, vous savez que c'est une donnée
personnelle, c'est un individu, et de la façon dont on a construit nos systèmes
qui étaient inexistants, on s'est dit : On va aller chercher une
information personnelle, mais on va avoir une information globale. Moi, là,
comme ministre ou gestionnaire au ministère, ce n'est pas de savoir qui l'a eue
ou pas, c'est de savoir si on a des tendances. Alors, c'est dans ce
contexte-là. Alors, est-ce que ça serait peut-être besoin de le préciser si ça
dérange tant que ça? Ce sera peut-être quelque chose à discuter. Mais je
voulais juste expliquer que c'était pour avoir une information qui nous permet
de voir les grandes tendances dans la vaccination, dans le séquençage, toute une
foule de raisons, mais jamais dans l'objectif d'avoir l'information sur un
individu. C'est comme ça que je le résumerais.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Et est-ce qu'il y a
possibilité, dans ce cas-là, de... excusez-moi. Est-ce qu'il y a... on dirait
Netflix qui vient de commencer.
M. Dubé : La meilleure
façon, c'est de l'enlever.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui, oui, exactement.
Est-ce qu'il y a possibilité, dans ce cas-là, d'aller chercher les mêmes
informations, mais de manière purement anonymisée? À partir du moment où le
M. Dubé : C'est le ce
qui est fait comme étape intérimaire.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui.
M. Dubé : C'est amassé
sur une base personnelle. Quelqu'un qui se fait vacciner, on a son information,
mais il faut s'assurer que l'information qui va, par exemple, au ministère ou
au gestionnaire, est sur une base dénominalisée.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :O.K.
M. Dubé : Alors, voilà.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Très bien.
M. Dubé : Mais cela
reste un bon point, puis je suis content que vous le souleviez parce que ,si
jamais on a cette discussion-là avec les collègues de l'opposition alors. Et je
veux vous rassurer dans votre demande puis je finis là-dessus, M. le Président,
qu'on va respecter notre engagement de déposer le document avec les... Plus
d'informations sur les contrats.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui.
M. Dubé : J'en ai parlé
dans la présentation de tout à l'heure de donner un peu plus d'informations
qu'il y a dans le SEAO pour que des gens puissent s'y reconnaître, puis c'est
un engagement que j'ai pris. Vous l'avez, vous en aviez parlé. Alors, je veux
juste dire que c'est un engagement qu'on prend.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le ministre.
M. Dubé : Merci pour
votre présentation, maître.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :merci.
Le Président (M. Provençal)
:Nous poursuivons avec le député de
Nelligan pour les 10 min 10 s qui suivent.
M. Derraji : Merci, M.
le Président. On a un excellent...
M. Derraji : ...excellent
mémoire, merci, bien, excellente présentation. Je ne sais pas si je dois
revenir à des propos tenus où je n'étais pas là, M. le Président, mais pas de problème
si on veut rectifier le tir, on va le rectifier d'une autre manière. Mais je
trouve ça désolant qu'on a répandu sur quelque chose que j'ai dit. Je n'étais
pas là. Donc, merci, M. le Président, merci de votre intervention tout à
l'heure.
Première question : Est-ce qu'on a besoin
d'une loi pour mettre fin à l'état d'urgence sanitaire?
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Non.
M. Derraji : Je vais
répéter ma question.
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Oui.
M. Derraji : Est-ce
qu'on a besoin d'un projet de loi ou d'une loi pour mettre fin à l'état
d'urgence sanitaire, que le gouvernement a mis en place depuis mars 2020?
• (16 h 20) •
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Non.
M. Derraji : Donc, pour
vous, le fait d'avoir cette commission parlementaire, comment vous qualifiez...
Je ne veux pas vous faire dire des choses. Comment vous qualifiez cette
commission parlementaire et le fait qu'on s'assoit ici pour étudier ce projet
de loi?
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Bien, ça revient un peu au commentaire que
je faisais initialement, c'est-à-dire à partir du moment où l'essentiel du
projet de loi 28 ne vise pas à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire,
mais vise à mettre en place des pouvoirs qui vont demeurer en vigueur, le temps
de la transition.
M. Derraji : Excellent.
Le mot clé, c'est «pouvoir». Donc, est-ce que c'est un gouvernement qui est
assoiffé du pouvoir?
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Bien, je ne sais pas s'il est assoiffé de
pouvoir, mais assurément, il y a, dans le projet de loi 28, le désir - et
c'est même le seul objectif du projet de loi 28 - de maintenir des
pouvoirs.
M. Derraji : Oui, mais
de l'autre côté, on vous a dit qu'ils ont besoin de ces pouvoirs pour continuer
à gérer la pandémie...
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Oui
M. Derraji : ...que
chacun qualifie à sa manière. Le virus circule encore. Parfois on a tendance à
dire que ça ressemble à un rhume. Parfois, on a tendance à dire que ça
ressemble à autre chose. Un projet de loi sans reddition de compte, sans
rapport d'événement. Une loi transitoire sans reddition de comptes, est-ce que
c'est ça un État de droit?
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Bien, la seule reddition de comptes... Et
là je vais profiter de votre question pour revenir sur ce que le ministre a dit
en clôture. Bien, c'est certain que le rapport d'événement... Et c'est pour ça
que, moi, je... c'est sans doute plus clair que dans les 20 secondes qui
me restaient pour en parler, dans ma présentation ou dans mon mémoire, je
l'espère. Mais le rapport d'événement, l'article 129, là, on doit le
contextualiser. Moi, je suis heureux d'entendre le ministre dire : On va
mettre plus que ce qui est exigé de 129. Mais à partir du moment où on débat,
en ce moment, d'un projet de loi qui porte spécifiquement non pas sur la fin de
l'état d'urgence sanitaire -parce que vous le soulignez, on n'a pas besoin
d'une loi pour ça - mais sur la COVID 19. Comment on va faire pour, à tout le
moins jusqu'au 31 décembre 2022, gérer le virus qui est toujours avec
nous? Et donc la reddition de comptes...
M. Derraji : Mais selon
cette logique, le virus va disparaître après le 31 janvier...
31 décembre. C'est ça, la loi. Le pouvoir, c'est ça. Encore une fois, vous
êtes un homme de droit, le pouvoir demandé par le gouvernement jusqu'au
31 décembre. Ce gouvernement a oublié que le 31 décembre dernier, ils
ont envoyé l'alerte Amber à tous les Québécois pour leur rappeler le
couvre-feu. Donc, comme par hasard, le pouvoir, ils n'ont plus besoin de ce
pouvoir jusqu'au 31 décembre. Parce que le lendemain, le 1er janvier
2023, il n'y aura plus de pandémie, il n'y aura plus de virus.
Donc, comment concilier cette notion de
pouvoir absolu et l'État de droit, du moment que vous êtes quelqu'un qui veille
sur l'État de droit?
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Oui. Bien, il y a la possibilité de
contester les pouvoirs qui sont... qui demeurent en vigueur si... que le projet
de loi 28 devient une loi en vertu des droits et libertés de la personne. Il
faut garder en tête que la marge de manoeuvre, dont bénéficiait le
gouvernement, comme je le disais, a été amoindrie au fur et à mesure qu'on a
avancé dans la crise, d'une part.
Mais pour terminer mon idée sur la
reddition de comptes, je pense que ce qui est important, c'est qu'on corrige la
lacune dans le projet de loi 28, en fait, de 129, qu'on ne fasse pas
simplement se contenter collectivement d'un engagement et qu'on s'assure,
considérant l'impact très grand pour le futur, en fait, et pour qu'on soit
capable collectivement d'apprendre de nos erreurs, quand erreurs il y a sans
doute eues, bien qu'on libelle, en fait, la nature de la reddition de comptes,
qui va devoir avoir cours après, quand on sera sorti de la COVID 19.
M. Derraji : Mais vous
avez raison, professeur Lampron, et c'est très clair vos propos. Le problème,
c'est que je n'ai pas de rapport d'événement avec la voie utilisée depuis 2020.
Aujourd'hui, le gouvernement, le conseil des ministres... Le ministre vient
d'arriver d'un conseil des ministres. Aujourd'hui, il y a un renouvellement de
décret, encore une fois, pour prolonger l'état d'urgence sanitaire, et on est
rendus au 107e. Il n'y a pas de dépôt de rapport d'événement. C'est stipulé
pourtant dans la Loi sur la santé publique. Au lieu de changer la Loi sur la
santé publique.... Il y a des élections au mois d'octobre. Qu'est-ce qu'on
demande? Ils ont interprété... Et corrigez-moi si je me trompe. Ils ont
interprété les deux articles au renouvellement hebdomadaire versus le renouvellement
au mois pour qu'ils nous demandent aujourd'hui un chèque pour continuer toutes
les mesures avec les 5 arrêtés jusqu'au 31 décembre. Est-ce qu'on
partage la même lecture?
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Bien, écoutez, ma critique... Moi, je pense
que je partage la ligne que vous défendez sur le fait qu'il est important
d'avoir une reddition de comptes. Je pense que, pour moi, l'article 129
est absolument...
M. Lampron
(Louis-Philippe) :...suffisant pour
assurer le maintien de la confiance de la population envers nos institutions
parce qu'on a besoin d'un véritable post-mortem. Je pense qu'on a tous appris à
la dure et que, ce faisant, les rôles des uns et des autres dans une crise de
la nature de celle de la COVID-19, il y a eu quelques essais-erreurs. Et donc,
c'est important qu'on soit capables de revenir pour déterminer quelles sont les
interactions qui, au sens de la légitimité politique, doivent être prévues et
encadrées par la loi entre le directeur de la santé publique, l'INSPQ, le premier
ministre, ministre de la Santé, etc. Et pour ça, un rapport d'événement, en
tout cas, tel que libellé à 129, c'est absolument insuffisant. Ça, c'est très
clair.
M. Derraji : Mais vous avez
raison, parce que de plus en plus qu'on avance et on voit les scandales, y
compris le scandale de Herron, on a vu aussi les contrats, on a vu les
sondages, les sondages que le gouvernement faisait même pour tester la
popularité du premier ministre et du ministre de la Santé. Vous avez vu les
contrats gré à gré, hein, il y en a pas mal, notamment un cofondateur de la CAQ
qui a eu un contrat. Est-ce que c'est ça, pour vous, la définition d'un État de
droit? Est-ce que c'est comme ça qu'on se gouverne dans un État démocratique,
sans les balises? Parce que vous l'avez vu.
Nous, moi, en tant que député de
l'opposition, est-ce que j'ai joué mon rôle en tant que député de l'opposition?
Parce que le gouvernement a choisi d'une manière délibérée un renouvellement
hebdomadaire de l'état d'urgence par décret et non pas venir à l'Assemblée
nationale, parce qu'on peut interpréter l'article comme on le veut. Mais
j'aimerais bien savoir l'interprétation d'un expert en droit. Quand un
gouvernement utilise le même projet de loi, la même loi, le même article et il
choisit de renouveler l'hebdomadaire versus le mensuel, ça vous donne quoi
comme lecture sur ce gouvernement?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, écoutez, je ne
veux pas faire de procès d'intention, encore une fois, mais, je veux dire, la
question initiale que vous avez posée, c'est : Est-ce que c'est ça, un
État de droit? Il faut garder en tête que, dans un État de droit, il y a
toujours des pouvoirs qui permettent la sortie de l'équilibre des pouvoirs, un
temps court, en fait. Le problème, et ça a été révélé, à mon sens, très
clairement dès la première année de la crise de la COVID-19, hein, parce qu'il
y a eu des accalmies à un certain moment... Alors, la gouvernance par décret
était-elle nécessaire, au sens politique du terme, pendant deux ans, sans
discontinuité? Pour moi, c'est largement questionnable. Mais ce qui est surtout
largement questionnable, c'est que l'Assemblée nationale a été mise hors jeu
dans les renouvellements, en fait, de l'état d'urgence sanitaire. Et ça, c'est
pour moi une lacune claire qui a été révélée de la lettre de l'article 129.
M. Derraji : C'est excellent,
parce que... Mais là, je vous le dis, parce que votre passage en commission est
extrêmement pertinent. Premièrement, on n'a pas besoin de ce projet de loi pour
lever l'état d'urgence. Ce qu'on essaie de dire, c'est que c'est un projet de
loi pour retirer l'état d'urgence. Un.
Deux, ce que j'aime dans vos propos, c'est
la notion de reddition de comptes. Mais c'est ça, le rôle d'un député de
l'opposition. Le rôle, c'est contrôler les actions du gouvernement. Ce
gouvernement gère avec un pouvoir absolu. Et je ne sais pas si vous avez
entendu, la semaine dernière, les membres de la FIQ et l'APTS. Je sais que la
partie gouvernementale n'aime pas ça. Ils ont même fait un montage avec leurs
propos, mais pas de problème. Ces deux personnes, ces deux regroupements, qui
représentent des professionnels de la santé, disaient, et j'aimerais bien vous
entendre : Ils sont où, les conventions collectives? On a un ministre de
la Santé qui gouverne dans un système avec des arrêtés, avec des décrets, et
les conventions collectives ne sont presque plus sur la table. Et il y a un
membre qui était dans votre place qui disait : Bien, je me sens que j'ai
les deux mains du gouvernement sur mon cou. Vous interprétez comment ce mode de
gouvernance, avec des arrêtés et décrets, versus le mode de gouvernance normal,
où on navigue avec des conventions collectives?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, écoutez, je veux
dire, on est hors du droit commun, à quelque part. C'est une situation qui doit
se justifier de manière absolument exceptionnelle. Et c'est pour ça que moi,
j'aime parler de l'état d'urgence sanitaire comme étant un bazooka en matière
démocratique. Alors, c'est un outil, on peut y avoir accès, mais on ne doit y
avoir accès qu'avec beaucoup, beaucoup de prudence et de parcimonie. Et c'est
pour ça que ça prend des balises très, très claires qui assurent une reddition
de comptes et qui assurent surtout que le lieu des débats à l'Assemblée
nationale, c'est fondamental.
M. Derraji : Merci de
rappeler que le lieu des débats, c'est l'Assemblée nationale. C'est ça, notre
devoir. Vous avez dit «bazooka». Comment vous interprétez le fait qu'on est
arrivé au 107e décret?
M. Lampron (Louis-Philippe) :Je... Écoutez...
M. Derraji : Mais ça se voit,
ça se voit. Votre expression est très claire. Est-ce qu'il y a un autre État
fédéré au monde qui vit la même situation au Québec, avec un gouvernement qui
gouverne par décrets et sondages depuis le début de la pandémie?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, écoutez, je n'ai
pas fait l'analyse comme telle, mais je pense ne pas me tromper en disant qu'au
Canada, à tout le moins, nous sommes la seule province à avoir imposé un état
d'urgence sans discontinuer depuis le début de...
M. Derraji : Merci, merci. Le
gouvernement caquiste confirme l'exception québécoise même en gestion de la
pandémie?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Je vous laisse le mot
de la fin.
M. Derraji : O.K. Merci.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. le député. Nous allons
poursuivre maintenant avec la députée de Sherbrooke...
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Merci, M. Lampron, c'est un plaisir. Vous avez tenu des propos
inquiétants tout à l'heure, vous avez dit que le rapport d'événement, si on
s'en tient à ce qui est prévu, ça pourrait être simplement un collage des
différents décrets, bien plus que ça. C'est préoccupant. Vous nous avez invités
à utiliser le projet de loi pour exiger une meilleure reddition de comptes.
J'aimerais vous entendre, donc, vous nous confirmez que c'est possible
d'utiliser ce projet de loi là, d'abord, pour exiger une meilleure reddition de
comptes?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien sûr.
Mme Labrie : D'après
vous, qu'est ce qu'on devrait inclure comme exigence en matière de reddition de
comptes dans le projet de loi?
• (16 h 30) •
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Je vais revenir à
l'article 129, en fait, puis si le passé est garant de l'avenir, encore
une fois, il y a eu un débat dès le début de la pandémie entre la lettre et
l'esprit de l'article 119. Et donc, l'esprit, à cause du temps court et du
temps long, laissait entendre qu'après 30 jours, bien, en principe, ce
n'était pas un vrai choix qui était laissé dans les mains du gouvernement,
alors que la lettre le permettait. Et c'est l'interprétation qui a été celle du
gouvernement qui a été validée par la Cour d'appel. Bon, alors, si le passé est
garant de l'avenir, quand on lit le deuxième alinéa de l'article 129, il
prévoit que le rapport d'événement doit préciser la nature et, si elle est
déterminée, la cause de la menace à la santé de la population, ça, je pense que
ça va, on la connaît tous, qui a donné lieu à la déclaration d'état d'urgence
sanitaire. La durée d'application de la déclaration, ça, aussi, c'est assez peu
contraignant, ainsi que les mesures d'intervention mises en œuvre et les
pouvoirs exercés en vertu de l'article 33. C'est très minimaliste, en
fait. Donc, essentiellement, on respecte, pour moi, la lettre. Si jamais
j'étais un juriste coquin et que je ne voulais pas de vraie reddition de
comptes, je pourrais très bien me coller à la lettre et dire : Écoutez,
voici les pouvoirs qui ont été exercés. Voici les décrets qu'on a adoptés. On
fait un beau document avec ça. On rend ça public, et c'est un rapport
d'événement. Or, on a besoin de beaucoup plus que ça, surtout dans un contexte
où un régime juridique exceptionnel comme l'état d'urgence sanitaire a été
maintenu pendant plus de deux ans, qui continue à être maintenu. Alors, il me
semble que de... et je pense que pour ça, il faut s'élever au-dessus des
considérations purement partisanes et aller voir plus loin, en fait. Parce
qu'une crise de cette nature-là, on va peut-être en frapper d'autres au Québec,
et pas uniquement au niveau épidémiologique, hein, je veux dire, il y a
peut-être d'autres situations comme celle-là. Et je pense qu'il est fondamental
qu'on soit capable de se regarder collectivement et de faire un véritable
post-mortem de comment on a géré la pandémie. Pas pour être capable de taper
sur les doigts de celles et ceux qui étaient aux commandes de l'État au moment
où la bombe a éclaté, mais pour qu'on soit capable d'améliorer les procédés. Et
pour moi, c'est valable pas uniquement pour la Loi sur la santé publique, mais
pour tous les mécanismes, puisqu'il y en a d'autres, qui permettent à un
exécutif gouvernemental de basculer dans ce régime exceptionnel qui est un état
d'urgence qui peut se justifier dès qu'il y a une crise qui frappe, et il faut
protéger le plus grand nombre.
Mme Labrie : Vous
semblez adhérer à notre demande de commission d'enquête sur l'ensemble de la
gestion de la pandémie. Donc, si je vous entends bien, on doit exiger dans ce
projet de loi là des amendements avec une liste de la reddition de comptes
qu'on souhaite voir, là.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Absolument, parce que
129 est largement insuffisant, là. Je veux dire, on pourrait très bien respecter...
en fait, je pourrais moi-même le respecter, le rapport d'événement, en faisant
le collage des décrets, je pense.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup.
Mme Labrie : C'est bien
entendu. Parfait.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Mme la députée. M. le
député des Îles-de-la-Madeleine, on poursuit.
M. Arseneau : Merci
beaucoup. On va poursuivre, effectivement. Merci, professeur Lampron, de
partager votre expertise avec nous et votre appréciation de la façon dont on a
géré la pandémie. Est ce que je comprends bien... je ne veux pas interpréter
vos propos, que, selon votre conception des choses, on aurait pu utiliser
l'état d'urgence de façon beaucoup plus parcimonieuse dans le temps court à
certains moments? Première vague, exemple, un deuxième vague, troisième vague,
mais entre ces périodes-là, levez tout simplement l'état d'urgence. Est-ce que
ce à quoi on aurait pu s'attendre si on avait interprété la loi d'une autre
façon?
M. Lampron (Louis-Philippe) :Mais bien sûr, puis il y a eu des tentatives dans le passé.
On pense au projet de loi 61, bon, évidemment, ça n'allait pas dans le
sens de mesures transitoires et de lever l'état d'urgence, c'était au
contraire, ce qui était proposé, c'était de le maintenir indéfiniment. Mais il
y avait des moments d'accalmie dans la pandémie où on aurait pu effectivement
revenir à un mode de gouvernance plus normal, parce que c'est exceptionnel le
fait que l'exécutif soit en mesure d'imposer des normes d'application générale.
C'est le rôle de l'Assemblée nationale.
M. Arseneau : Et ce qui
rendrait les choses plus complexes aujourd'hui, après deux ans, le rapport
d'événement est beaucoup plus touffu qu'il aurait été au bout de la première
vague, par exemple. C'est ce qu'on comprend. Si on voulait amender
l'article 119 de la loi, uniquement, là, comment le faire? Ce serait avec
l'assentiment de l'Assemblée nationale, dès qu'on dépasse 10 jours
essentiellement, c'est ça?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui, bien, on peut
s'inspirer de ce qui se passe avec la Loi fédérale sur les mesures d'urgence
qui permet à l'exécutif de basculer en état d'urgence pour sept jours
exécutoires, mais qu'ensuite, il faut que ce soit avalisé suite à un débat à la
Chambre des communes.
M. Arseneau : Et que ce
soit incontournable qu'il y ait débat.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Et que ce débat-là soit
incontournable. Ça, il ne faut pas qu'on permette d'échappatoire, en fait,
parce que c'est trop sensible dans une situation comme celle-là.
M. Arseneau : Absolument.
Le rapport d'événement, je vais y revenir brièvement. Vous le voyez non
seulement sur la question des mesures sanitaires populationnelles, bien
entendu, mais aussi sur toute la question des décrets de gré à gré, mais aussi,
par exemple, aux relations de travail. Est-ce qu'il y a d'autres éléments que
vous voyez sur lesquels...?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, moi, il
16 h 30 (version non révisée)
M. Lampron
(Louis-Philippe) :...une crise de cette
ampleur-là, c'est parce qu'on a eu des informations, mais elles étaient
filtrées, en fait, et donc je pense que ce qui est fondamental, c'est qu'on
soit capable d'aller au fond des choses et qu'on soit capable de déterminer
quels sont les standards qui assurent l'indépendance, par exemple, du directeur
ou de la directrice de la santé publique de l'INSPQ et dans quelle mesure
est-ce que les décisions qui peuvent être prises par le truchement de ces
pouvoirs exceptionnels le sont en s'appuyant sur la politique ou, au contraire,
ne s'appuyant sur la science, ce que ça prend pour être capable de protéger le
plus grand nombre. Et là, évidemment, je ne veux pas citer, mais je vais le
faire quand même, l'oncle de Spider-Man, mais a grand pouvoir, grandes
responsabilités. Tu sais, donc, dans des situations comme celle-là où on
utilise des pouvoirs exceptionnels... Et on a le droit, c'est bien que les
gouvernements aient accès à des mesures comme celles-là pour être capable,
quand une crise frappe, de protéger le plus grand nombre. Mais, s'ils le font
pour assurer l'adhésion de la population envers les institutions publiques, c'est
fondamental, dans ce cas-là, de faire preuve d'encore plus de transparence qu'en
temps normal parce que ce sont des pouvoirs exceptionnels.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons conclure
cette période d'échanges avec la députée d'Iberville.
Mme Samson : Merci, M. le
Président. Me Lampron, je vais revenir à l'article 4 qui vous accroche un peu.
Je ne l'aime pas moi non plus, mais le ministre nous dit que, dans la réalité,
dans les opérations, les données sont anonymes. Mais, si l'article 4 n'est pas
amendé, les données pourraient un jour ne pas être anonymes. Est-ce que je suis
correcte, il n'y a rien dans l'article 4 qui oblige les données à être
anonymes?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, je pense que l'article
4 doit s'interpréter en conformité avec le reste de la législation, et donc,
grosso modo, ce que ça permet, ça autorise, en fait, la collecte d'informations,
même personnelles, mais il y a d'autres dispositions qui protègent ces
informations-là une fois qu'elles sont dans les mains du gouvernement, donc...
Mme Samson : Ça fait qu'elles
sont où ces autres dispositions-là?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Là, vous me posez une
colle.
Mme Samson : O.K. J'aime bien
ça faire ça.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui. Il y a plusieurs
mécanismes qui protègent, là, les données personnelles.
Mme Samson : O.K. Ça m'inquiétait.
Et j'ai un dernier petit bout et c'est sur l'article 119 ou 129. Je pense, c'est
129 où vous dites que, bon, il faut pouvoir justifier la transition ou la
conservation de mesures x, y, z, et moi, je soumettrai aux ministres qu'il
devrait adopter et inclure les deux petits articles de mon projet de loi 898
qui boucherait ce trou-là et permettrait, à l'Assemblée nationale, de jouer son
rôle dans l'éventualité où le gouvernement souhaite renouveler d'urgence
sanitaire et que ce ne soit pas ad vitam aeternam. Maintenant, on sait qu'ils
savent compter jusqu'à 107, mais on n'est pas obligés de se rendre jusqu'à 226.
Merci, M. le Président. C'est tout pour moi.
Le Président (M. Provençal)
:Ça va? Alors, maître Lampron, on
tient à vous remercier pour votre contribution et votre participation à nos
travaux. Sur ce, je vais suspendre pour laisser place à la prochaine
intervenante. Merci beaucoup.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Merci, tout le monde.
(Suspension de la séance à 16 h 37)
(Reprise à 16 h 41)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux. Avant de
passer à la présentation de notre invité, ça me prend le consentement pour
permettre au député de Rosemont de reprendre sa position à notre table comme
membre de la commission. Consentement. Et je tiens à remercier la députée de
Sherbrooke pour sa présence et la contribution aux échanges que nous avons eus
précédemment. Maintenant, je souhaite la bienvenue à Me Martine Valois,
professeure de droit de l'Université de Montréal. Alors, Mme Valois, vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, et par la suite nous procéderons
aux échanges. Alors, je vous cède la parole, madame.
Mme Valois (Martine) : Merci,
M. le Président. Alors, ça me fait plaisir d'être présente parmi vous et
d'avoir répondu positivement à la convocation qui m'a été envoyée. Donc, M. le
Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, merci pour cette
opportunité de présenter ces observations relativement au projet de
loi 28. Alors donc, j'ai envoyé un peu tard un mémoire qui, j'espère, a
été distribué aux membres de la commission. Alors, je vais réitérer ici
quelques points importants de ce mémoire.
Donc, ma position, celle que j'exprime en ce
moment, est que le projet de loi 28, qui a vocation de prolonger l'état
d'urgence sanitaire au 31 décembre 2022 alors que les conditions posées
par l'article 118 de la Loi sur la santé publique pour justifier la
déclaration d'état d'urgence ne sont plus satisfaites, et la prolongation de
l'état d'urgence, à mon avis, dans le projet de loi 28, visent des fins
autres que la protection de la santé de la population. Cette prise de position
s'appuie sur les trois considérations principales suivantes.
D'abord, l'évolution de la pandémie et les
progrès de la vaccination ne justifient plus le maintien de l'état d'urgence
sanitaire et des pouvoirs exorbitants du droit commun autorisé par la Loi sur
la santé publique en cas de menace grave à la santé de la population. Ainsi,
les mesures prises en vertu de l'article 23 de la Loi sur la santé
publique, que le gouvernement souhaite prolonger, ne sont pas liées à des
menaces à la santé de la population, elles concernent principalement la gestion
des ressources humaines du réseau de la santé, tandis que les mesures de
prophylaxie qui permettent de protéger la population contre la COVID-19 peuvent
être continuées sous le chapitre 9 de la Loi sur la santé publique sous
l'autorité d'un directeur de la santé publique.
Quant aux contrats qui ont été conclus
pendant les deux ans d'état d'urgence, la nécessité de leur renouvellement
jusqu'au 31 décembre 2022 ou pour cinq ans sans égard aux dispositions de
la Loi sur les contrats des organismes publics n'a pas été démontrée. Il est
urgent de mettre fin à la gouvernance par décrets et arrêtés ministériels
qu'autorisent les dispositions extraordinaires de la Loi sur la santé publique.
L'Assemblée nationale est la seule autorité ayant la légitimité démocratique
pour intervenir et modifier les normes juridiques applicables à l'ensemble de
la population. Le renversement de la hiérarchie de normes...
Mme Valois (Martine) : ...opérer
par la déclaration d'état d'urgence est contraire aux principes de la primauté
du droit législatif. Alors, depuis le 13 mars 2020, s'autorisant de
l'article 118 de la Loi sur la santé publique, le gouvernement du Québec
adoptait le décret 177-2020 déclarant l'état d'urgence sanitaire au Québec. Cet
état d'urgence a été renouvelé plus de 100 fois sans jamais obtenir
l'assentiment de l'Assemblée nationale et sans jamais avoir été débattu devant
elle. Cet article 118, qui autorise la déclaration d'état d'urgence impose
des conditions bien définies pour justifier l'état d'urgence. Il doit exister
une menace grave à la santé de la population, réelle ou imminente, qui
nécessite l'application immédiate de mesures prévues à l'article 123 de la
loi pour protéger la santé de la population.
De manière évidente, la troisième
condition, soit la nécessité de l'application immédiate, n'est plus présente. À
ce jour 82 %, et je tire ces chiffres... et même je pense que c'est rendu
à 83 %, je tire ces chiffres de ce qui est publié par l'Institut national
de santé publique, a reçu au moins deux doses de vaccin contre la COVID -19
et 50 % a reçu trois doses. S'il y a une condition sanitaire qui est
préoccupante au Québec, la maladie de la COVID-19, il n'y a plus d'urgence
sanitaire. Depuis le 13 mars 2020, plus d'une centaine, voire même
150 décrets et arrêtés ministériels ont été pris sous le coup de cet état
d'urgence renouvelé sans interruption. Plusieurs de ces décrets et arrêtés
ministériels ont été pris en vertu du dernier alinéa de l'article 123,
celui qui, de manière générale, permet de prendre toute mesure pour protéger la
santé de la population, alors que beaucoup de ces arrêtés ministériels et
décrets ne concernaient pas des mesures visant la protection de la santé de la
population de manière directe. Dans le projet de loi 28, la majorité des
décrets que le gouvernement souhaite prolonger ne concerne aucunement des
mesures de prophylaxie visant à protéger la santé de la population. Ces mesures
peuvent être prises par les directeurs de santé publique et par le ministre en
vertu des pouvoirs réguliers qui sont conférés par la Loi sur la santé
publique, et je parle ici du chapitre 9 de la loi.
En ce qui concerne les mesures
opérationnelles et de gestion du personnel, faute d'urgence celles-ci doivent
être restreintes au minimum et faire l'objet de dispositions législatives
précises qui seront débattues par les élus. Alors, ce que je veux dire ici,
c'est que malgré qu'on a réduit le nombre de décrets qui pourraient continuer à
s'appliquer après la fin de l'état d'urgence, il reste que ça compose plusieurs
pages, 1 des décrets compte 75 pages, et l'Assemblée nationale doit
pouvoir avoir de manière précise les dispositions qui resteront en vigueur.
Comme le Barreau l'a souligné, il importe de faire une codification d'abord
administrative des mesures qu'on souhaite conserver et ces mesures-là ne
doivent pas être incorporées par renvoi dans le projet de loi, mais être
précisées dans le projet de loi.
En ce qui concerne les contrats publics
conclus à l'encontre des règles de la LCOP, qui est la Loi sur les contrats des
organismes publics, après plus de deux ans de l'état d'urgence, il est plus que
temps que leur renouvellement soit soumis au processus habituel d'octroi des
contrats publics. L'État d'urgence est un état d'exception qui transfère un...
qui opère un transfert de pouvoirs de l'organe législatif vers l'exécutif. Ce
transfert ne peut se justifier que lorsqu'une situation exceptionnelle existe,
qui exige l'application de mesures hors du commun, immédiate et sans
formalités. Pour déclarer l'état d'urgence, une loi de l'Assemblée nationale
devait l'autoriser à agir. C'est ce que fait l'article 118 de la Loi sur
la santé publique. Or, les conditions fixées par l'article 118, comme je
l'ai déjà dit, sont bien définies. Ce pouvoir permet à l'exécutif de prendre
toute mesure, même sans tenir compte, et j'insiste là-dessus, des lois
existantes, parce qu'on dit à l'article 223 : malgré toute disposition
contraire. Il permet pour ainsi dire au gouvernement de ne pas se soumettre aux
autres lois, comme cela a été le cas pour la Loi sur les contrats des
organismes publics. Ce pouvoir ne doit donc pas être exercé à la légère. Depuis
le 13 mars 2020, un groupe réduit de membres du conseil exécutif, on le
sait que le quorum qui est fixé par une directive non contraignante pour le...
Mme Valois (Martine) : ...le
conseil exécutif, en vertu de la Loi sur l'exécutif et de cinq membres ou le
ministre, agissant seul, a pris des mesures exceptionnelles qui n'ont jamais
obtenu l'assentiment de l'Assemblée nationale ni même été débattues devant
cette Assemblée. Rien dans la situation sanitaire au Québec n'empêchait
l'Assemblée législative, élue par la population du Québec, d'exercer ses
pouvoirs.
Je suis allée sur le site des Publications
du Québec, et j'ai fait le décompte des lois qui ont été adoptées par
l'Assemblée nationale depuis le 13 mars 2020, et j'ai compté 168 lois. Donc, ce
chiffre démontre que cette Assemblée était tout à fait en mesure de délibérer,
d'évaluer et de voter à propos des mesures concernant la lutte contre la propagation
de la COVID-19, et qu'elle peut toujours le faire dans un contexte sanitaire
qui n'est plus urgent. Par conséquent, le projet de loi n° 28, dans sa forme
actuelle, doit être complètement modifié pour répondre aux exigences
démocratiques, qui veulent que le droit soit établi par les représentants élus,
et pas seulement par un petit groupe d'entre eux. Je vous remercie.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, maître, pour votre
présentation. Nous allons procéder maintenant à la période d'échange. J'invite
donc le ministre à débuter.
• (16 h 50) •
M. Dubé : Très bien. Merci
beaucoup, M. le Président. Mme... Me Valois, pardon, encore une fois,
j'apprécie énormément votre présence aujourd'hui. Je salue toute l'expertise
qui peut nous être amenée au cours de ce débat-là, pour les membres du
gouvernement et de l'opposition, pour être certains que, s'il y a des
modifications à faire au projet de loi, on les fera. J'ai toujours dit qu'un
projet de loi c'était perfectible. On peut être d'accord ou en désaccord avec
certains de vos commentaires, mais c'est justement, on est dans un État de
droit et de liberté de parole. Alors, pour moi, je le répète, je suis... Vous
ne m'entendez pas ou... Je ne sais pas...
Mme Valois (Martine) : Oui,
oui...
M. Dubé : O.K. Alors, merci
beaucoup pour votre présentation. Je pense qu'un des défis... Puis là je vous
demande... Vous avez vu quand même... Puis je voulais juste préciser un petit
point technique, là. Lorsqu'on est venus une première fois en commission
parlementaire, en consultations particulières, la semaine dernière,
effectivement, j'ai déposé des amendements pour donner des précisions sur les
arrêtés qui ont été consolidés par nos légistes, donc vous avez pu en prendre
connaissance. Puis je voulais juste bien comprendre votre demande, puis encore
une fois, même si on a un désaccord. Mais je veux juste bien comprendre. Vous,
vous dites que ça devrait être inclus, que non seulement on peut y faire
référence... Parce qu'en ce moment ils sont publiés dans la Gazette, etc.,
parce qu'ils... depuis qu'on a fait cette condensation. Là, vous dites qu'on
devrait les inclure en détail dans le projet de loi? Est-ce que c'est ça que
vous avez dit?
Mme Valois (Martine) : Oui,
c'est ce que j'explique. Je pense qu'elles devraient être précisées dans le
projet de loi, et non pas être incorporées par renvoi. Et mon deuxième argument
est qu'elles devraient être réduites au minimum, puisque, évidemment, ces
mesures ont été prises sous l'autorité de l'article 123 de la Loi sur la santé
publique, qui permet d'adopter des décrets malgré toute disposition contraire.
M. Dubé : Bon, laissez-moi
juste vous donner deux considérations. Puis encore une fois, je ne suis pas là
pour vous faire changer d'idée. Je veux juste bien comprendre votre point. Il y
a des éléments là-dedans... Puis je pense que je l'ai mentionné à un ou une des
intervenantes, là, depuis une semaine. Dans les arrêtés, entre autres, sur les
ressources humaines, il y a près de 50 % des termes qui ont été élaborés
qui portent sur les primes. Puis, oui, on peut bien référer qu'il y en a pour
75 pages, mais quand on connaît la complexité de nos conventions collectives,
il faut référer à ce qu'on veut mettre de l'avant, parce qu'il faut être très
clairs sur les mesures spécifiques. Il y a donc 50 % des 75 pages qui sont
liées aux primes, hein? Vous en avez pris connaissance, vous pouvez le voir. Il
y a 24 % de ces mesures-là qui sont liées à la main-d'oeuvre indépendante.
Donc, on a 80 %, ou à peu près 80 %, de l'arrêté qui concerne soit
les conventions collectives et qui concernent les engagements qu'on a pris
d'encadrer la main-d'oeuvre indépendante.
La raison pour laquelle je reviens avec
ça, dans votre contexte, votre point... Juste qu'on se comprenne bien.
50 % des amendements qui sont là peuvent tomber demain matin, ils n'ont
pas besoin d'être reconduits jusqu'au 31 décembre. Parce que nous avons dit...
M. Dubé : ...qu'on avait
extensionné les primes pour jusqu'au 14 mai, si je me souviens bien de la date.
Si on inclut toute cette documentation-là dans le projet de loi, on n'a plus la
flexibilité des arrêtés ou des règlements. Je voudrais juste vous entendre
là-dessus, parce que, là, on rendrait un projet de loi qui se veut simple...
versus d'être capable de mettre toute cette documentation-là qui, dans un mois
ou deux, ne serait pas nécessaire. Alors, je veux vous entendre là-dessus.
Mme Valois (Martine) : Alors,
si le gouvernement entend mettre fin à ses primes le 14 mai, pourquoi ça ne se
retrouve pas dans le projet de loi 28, actuellement? Parce que c'est là-dessus
que les... Si vous prévoyez ne plus avoir besoin de ces primes-là après le 14
mai, quitte à adopter une autre déclaration d'urgence et à imposé ces... à
permettre d'octroyer ces primes-là.
Mais je pose d'abord à la
question, et ça, les tribunaux n'y ont pas répondu, je pose d'abord la
question : Est-ce que l'article 123, et surtout l'alinéa 8, parce que ce
qui est mentionné dans ces décrets vous autorise à utiliser ces mesures de
gestion du personnel et de gestion opérationnelle pendant deux ans, alors qu'on
parle de mesures qui sont nécessaires pour protéger la population... Donc,
les...
M. Dubé : Excusez-moi, je
vous laisse terminer. Je pensais que vous aviez terminé. Allez-y.
Mme Valois (Martine) : Alors,
ces pouvoirs d'urgence là, ils sont définis à l'article 123. Et un des
arguments que j'ai soulevés, dans mon mémoire, c'est qu'on devait se référer
aux premiers alinéas, qui parlent vraiment de mesures d'urgence pour empêcher
que la menace à la santé de la population devienne toujours de plus en plus
grave.
Donc, je pose déjà la question :
Est-ce qu'elles ont été légalement adoptées en vertu de l'article 123, et
lesquelles doivent absolument être prolongées? Et, si elles ne seront pas
prolongées après le 15 mai ou le 14 mai 2022, ça doit être dans le projet de
loi.
M. Dubé : Alors, je vais
faire le lien entre ma question, votre réponse... Comme je vous dis, on n'est
pas obligé d'être d'accord, mais moi, je comprends un peu plus votre point de
vue. Maintenant, le lien que je veux faire, c'est le danger de la population.
Vous avez entendu nos P.D.G. qui sont venus un peu plus tôt, aujourd'hui. Et,
quand je leur demande de... leur dire : Demain matin... Puis, encore une
fois, je vais le répéter, là, notre objectif, c'est d'enlever des mesures
d'urgence, on s'entend, là, tout le monde s'entend là-dessus, on veut les
enlever. Notre point, comme l'a dit le Pr Taillon, tout à l'heure, c'est
quelles sont les mesures temporaires ou transitoires qu'on devrait avoir. Vous
avez entendu, ce matin, les P.D.G., qui ont dit : Si on enlève les mesures
d'urgence, parce qu'on peut le faire par décret, on est tous d'accord avec ça,
on peut l'enlever par une décision du Conseil des ministres, mais si on n'a pas
de mesures transitoires, moi, je crois qu'on met la population en danger. Et
c'est là que... Quand vous avez entendu les P.D.G., qu'est-ce qu'ils nous ont
dit ce matin? Ils nous ont dit qu'à Québec, si on n'avait pas Je contribue, il
nous manque 9 000 personnes pour vacciner. En ce moment, vous l'avez dit, un de
nos enjeux, c'est la vaccination. Vous avez dit qu'on avait peut-être seulement
50% ou 53% dans la troisième dose.
Je veux juste vous entendre sur ce
lien-là, parce que je comprends ce que vous dites, mais nous... et ce que
j'entends des P.D.G., ils ont besoin de Je contribue. Ils ont besoin des primes
pour être capables de travailler à court terme en ce moment. Alors, je veux
vous entendre entre ce que vous dites, au niveau droit, au niveau de la
législation, et je respecte votre point, mais qu'est-ce que vous répondez aux
P.D.G. qui, eux, sont sur le terrain et qui ont besoin d'avoir ces gens-là en
place?
Mme Valois (Martine) : Alors,
ma réponse, c'est que je suis légiste, je ne suis pas gestionnaire. Je n'ai pas
eu l'occasion, ce matin, d'entendre les P.D.G., mais la question fondamentale
que je vous pose, M. le ministre, est : Est-ce que vous aviez et que vous
avez toujours besoin de l'article 123 de la Loi sur la santé publique pour
opérer, c'est-à-dire pour imposer des mesures opérationnelles et permettre à
d'autres, par exemple, à d'autres personnes, d'autres professionnels de la
santé, d'opérer et de donner des vaccins sans... Il n'y a aucune autre loi,
dans l'arsenal législatif au Québec, qui vous...
Mme Valois (Martine) : ...d'agir
ainsi. Et s'il s'agit d'autoriser des professionnels de la santé et qu'on pense
même à modifier le Code des professions de façon pérenne, pourquoi ne pas le
faire tout de suite?
M. Dubé : Bien, écoutez,
c'est une très, très bonne question. Puis je pense que c'est une question qu'on
a, notamment le Dr Boileau, mais plusieurs des intervenants sont venus le dire
au cours des dernières semaines, quand quelqu'un nous demandait le pourquoi de
la date du 31 décembre 2022, c'est pour être capable d'avoir justement ces
discussions-là avec l'office des protections... l'Office des professions,
pardon, bien, à titre d'exemple, parce qu'on est tous d'accord, on est tous
d'accord qu'on veut être capables d'avoir une meilleure équipe de vaccination
qui implique qu'on est passé de cinq professionnels, cinq types de
professionnels qui peuvent vacciner à plus de 20, justement par les mesures
d'urgence, parce qu'on avait besoin de vacciner jusqu'à 100 000,
125 000 personnes par jour.
• (17 heures) •
Et si on n'avait pas eu ces mesures
d'urgence là, je vous dirais que de négocier avec l'Office des professions pour
le faire avec toute la lourdeur que ça implique, alors, est-ce qu'on se donne
jusqu'au 31 décembre pour être capable de mettre ces mesures en place? Je
vous dirais que... Donc, à votre question, est-ce qu'on a besoin de cet article-là?
La réponse est oui. Il faut être capable d'avoir des mesures transitoires qui
nous permettent... On est dans la sixième vague en ce moment. On est capable,
Madame, de vacciner les gens qui veulent se faire vacciner, mais il faut avoir
des vaccinateurs, il faut avoir les centres de vaccination, il faut être
capable de faire le dépistage.
Alors, je vous entends. Vous avez raison
d'un côté législatif. Mais lorsque vous me dites... Puis c'est pour ça, si
jamais vous avez la chance d'écouter nos P.D.G. ce matin qui viennent nous
dire : Écoutez, si vous nous enlevez ça, c'est dangereux, on ne sera pas
capables de continuer à vacciner les gens. Alors, je vous entends. Puis du côté
législatif, vous avez raison, mais il faut se donner le temps de la transition
pour être capables de dire : Oui, on enlève les mesures d'urgence. Tout le
monde le reconnaît, c'est ce qu'on veut. Mais en même temps, donnez-nous la
transition et le temps nécessaire de pouvoir mettre ces mesures-là. Puis je
pense que votre exemple du Code des professions, de l'interopérabilité, je
pense que la... les témoignages, qu'on soit d'accord ou pas avec les
témoignages des P.D.G., c'est eux qui se sont occupés de la COVIV sur le
terrain au cours des deux dernières années, moi, je pense que c'est important
de les écouter aussi, là.
Mme Valois (Martine) : Si
je peux me permettre, M. le ministre, j'aimerais vous lire un article de la Loi
sur la santé publique. Et j'ai mentionné dans mon mémoire qu'il y avait des
dispositions dans cette loi, des pouvoirs réguliers donnés aux directeurs, aux
directeurs de santé publique et au ministre. J'aimerais vous lire
l'article 117 qui se lit comme suit : «Le ministre peut, à la demande
un directeur de santé publique ou de directeur national de santé publique,
mobiliser les ressources de tout établissement de santé et de services sociaux
au Québec qu'il estime nécessaire pour répondre à une situation d'urgence en
santé publique. Les établissements de santé et de services sociaux visés sont
alors tenus de se conformer aux directives du ministre.»
Alors, il existe des pouvoirs dans la Loi
sur la santé publique, dans la loi sur les services de services de santé... la
Loi sur la santé et les services sociaux. Et je crois que le gouvernement, qui
a commencé la campagne de vaccination depuis le début de janvier 2021, ou même
avant, aurait pu prévoir cette transition beaucoup plus rapidement et faire cet
exercice-là qu'on fait un peu à la dernière heure alors qu'il n'y a plus
d'urgence de sanitaires
M. Dubé : Où on peut
débattre, c'est qu'il n'y ait pas d'urgence, là, avec le nombre de décès de
personnes qui sont encore affectées. Je vais respecter votre opinion, là, qu'il
n'y a pas de... qu'il n'y a pas d'urgence en la matière. Mais en même temps, je
vous dirais que vous avez entendu aussi les gens qui ont dit qu'en ce moment la
Loi de la santé publique ne permet pas d'avoir ces conditions-là entre les
vagues. Là, vous me parlez de dire est-ce qu'on pourrait, parce qu'il était
possible d'avoir peut-être une accalmie entre deux vagues, de faire les
changements que vous parlez. Mais écoutez, on a été très clair. Les P.D.G. ont
dit, la Santé publique nous a dit : Entre les vagues, on doit continuer de
vacciner, on doit continuer de dépister. Et ça, ces personnes-là, on ne les
avait pas, là, si on n'avait pas eu les mesures spéciales comme Je contribue ou
l'interopérabilité.
Alors, je veux juste dire que vous...
Encore une fois, on s'entend sur le principe. Vous dites que c'est tard. Moi,
je vous dis qu'on est prêts à le faire, mais en même temps, j'ai entendu les
P.D.G. qui sont sur le terrain qui nous...
17 h (version non révisée)
M. Dubé : ...écoutez,
faites-nous des mesures transitoires parce que si vous vous enlevez des mesures
d'urgence comme ça, tout d'un coup, c'est dangereux. Puis moi, ce que je pense,
notre objectif en tant que gouvernement, c'est de protéger les Québécois. Les
Québécois, oui, ils sont tannés, mais je pense qu'ils sont... ce qu'ils
veulent, c'est être protégés, puis ils veulent être capables de se faire
vacciner quand ils en ont besoin. Puis on a entendu le docteur Boileau, pas
plus tard qu'en début d'après-midi, qui nous dit, maître : Ce n'est pas
évident ce qu'on vit en ce moment.
Ça fait que je vous entends, je vais
prendre en considération vos points, mais il y a des éléments d'équilibre entre
ce que la loi nous permet de faire, l'agilité qu'on a besoin pour gérer une
pandémie et ce que j'ai entendu, entre autres, des... Mais est-ce qu'on sera
capable, dans un avenir rapproché, de travailler sur la Loi de la santé
publique qui viendrait peut-être clarifier des éléments vous amener aujourd'hui?
100 % d'accord. Et je l'ai dit tout à l'heure ou aux deux personnes qui
vous ont précédé, s'il y a un engagement qu'on peut prendre, c'est de le faire,
ce changement-là, mais beaucoup plus global sur la Loi de la santé publique. Je
pense qu'il faut le faire. Alors, je voulais juste... Je ne sais pas s'il me
reste du temps, là.
Le Président (M. Provençal)
:20 secondes.
M. Dubé : Mais je voulais
vous remercier pour votre contribution, parce que même quand on n'est pas d'accord,
on est capables d'avancer, et c'est ce que vous nous permettez de faire. Alors,
merci beaucoup pour votre intervention aujourd'hui. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. le ministre. Nous allons
poursuivre cet échange avec Me Valois. Et la parole appartient au député de
Nelligan.
M. Derraji : Me Valois, merci
beaucoup. Excellente présentation. Est-ce que vous me suivez?
Mme Valois (Martine) : Oui.
M. Derraji : Ah, excellent! C'est
très clair. Je vais vous citer, et je vais vous demander, première question :
Est-ce qu'on a besoin de ce projet de loi pour mettre fin à l'état d'urgence
sanitaire?
Mme Valois (Martine) : La
réponse est la même que celle fournie par mon collègue Louis-Philippe Lampron,
la réponse est non.
M. Derraji : Donc, deux
experts qui nous disent aujourd'hui qu'on n'a pas besoin de ce projet de loi
pour lever l'état d'urgence. Merci pour la précision. Je vais vous citer :
«La prolongation de l'état d'urgence par le gouvernement dans le projet de loi 28
vise des fins autres que la protection de la santé de la population». C'est
toute une déclaration venant de votre part, mais comme j'ai en face de moi une
juriste qui pèse ses mots, ça m'intéresse de savoir c'est quoi, ces fins autres
que la protection de la santé de la population. Pouvez-vous donner des
exemples? Pourquoi le gouvernement veut absolument ce pouvoir?
Mme Valois (Martine) : À mon
avis, ce qui est... les pouvoirs que le gouvernement veut garder concernent
surtout certains alinéas de l'article 123 et, entre autres... et on peut
le comprendre pour l'article... le paragraphe 3 : «ordonner à toute
personne, ministère, organisme de lui communiquer ou de lui donner accès
immédiatement à tout document ou à tout renseignement en sa possession.» C'est
ce qui fait qu'à l'Université de Montréal, nos données personnelles ont été
transmises au gouvernement pour vérifier l'état de vaccination du personnel de
l'Université de Montréal. Il y a aussi l'accès... le paragraphe 7... l'alinéa 7 :
«faire les dépenses et conclure les contrats qu'il juge nécessaires», et le
fameux alinéa 8 : «ordonner toutes autres mesures nécessaires pour
protéger la santé de la population.»
Alors, le gouvernement nous dit :
Nous avons besoin du maintien de l'état d'urgence pour continuer, prolonger des
contrats, pour embaucher du personnel, pour donner du personnel non qualifié de
manière générale, selon, là, les lois professionnelles, et également pour la
gestion des ressources humaines dans le réseau de la santé. Ma réponse est que
le pouvoir d'urgence est un pouvoir qui est exceptionnel. Et, si on veut
maintenir ces mesures-là qui n'ont rien à voir avec la santé de la population,
il faut le faire de manière précise dans le projet de loi. On aurait dû le
faire bien avant. On aurait dû... Avec les 168 autres lois qui ont été
débattues et votées par l'Assemblée nationale, on aurait dû faire cet exercice
beaucoup plus tôt. Il n'est pas trop tard pour le faire et...
Mme Valois (Martine) : ...au
lieu de lancer un ballon, et je m'excuse d'utiliser cette expression-là, la
semaine dernière, en proposant de prolonger tous les décrets adoptés depuis la
déclaration d'état d'urgence. On aurait dû mettre, dans la loi, les mesures
spécifiques et proposer des amendements à des lois, comme on le fait dans
plusieurs projets de loi, pour justement permettre aux professionnels de
vacciner les personnes...
M. Derraji : C'est très, très
clair. Je vous remercie, c'est très clair. J'espère que les Québécois vont
écouter vos propos parce que c'est très clair. Vous dites aujourd'hui que ça ne
sert à rien, un projet de loi pour lever l'état d'urgence. Vous avez clarifié
beaucoup les fins autres que la protection de la santé. J'espère que les
Québécois... Et d'ailleurs on va avoir partagé vos propos parce que c'est
tellement pertinent et très clair. Je reviens à une autre question. Vous avez
dit l'évolution de la pandémie, les progrès de la vaccination ne justifient
plus le maintien de l'état d'urgence. On a même entendu le premier ministre qui
disait que, du moment qu'il est vacciné, les symptômes, ça ressemble à un
rhume. Tout à l'heure, j'ai posé la question au directeur national de la santé
publique. Bien, du moment qu'on a une bonne majorité... On se vante, hein, on
se vante qu'on a une bonne population vaccinée au Québec. Et donc, selon les
propos du docteur Boileau, ça ressemble à un rhume. Mais aujourd'hui le
gouvernement demande des mesures exceptionnelles jusqu'au 31 décembre
2022. Pourquoi, selon vous, le gouvernement tient à ce pouvoir? C'est quoi...
C'est quel justificatif, selon vous?
• (17 h 10) •
Mme Valois (Martine) : Alors,
au mois de mai 2021, sur le site de Radio-Canada, on rapportait les propos de
M. le ministre Christian Dubé qui admettait que la continuation de l'état
d'urgence donnait une flexibilité au gouvernement. Comme juriste, je crois
qu'on ne peut pas, dans la même phrase, parler d'état d'urgence et de
flexibilité. Et c'est la raison pour laquelle je soutiens et je maintiens qu'on
doit mettre fin à la déclaration d'état d'urgence et que, s'il y a des mesures
qui doivent être continuées, elles doivent être faites en dehors de l'état
d'exception. Et je voudrais juste vous dire que c'est ma position, mais que je
m'appuie, comme vous savez peut-être pu le voir dans mon mémoire, sur les
propos de deux... de trois juristes d'exception qui sont professeure en administration
publique, professeure en santé publique à l'Université d'Ottawa et qui ont
écrit un texte qui s'appelle, et permettez-moi, là, de citer, L'état d'urgence
sanitaire au Québec : un régime de guerre ou de santé publique? Alors, je
vous invite à lire ce texte-là.
M. Derraji : Oui, je l'ai lu
et je vous remercie. Mais c'est tellement intéressant ce que vous dites,
professeure, et je vous remercie parce que ça remet les pendules à l'heure. Ce
gouvernement qui gouverne par décrets et sondages depuis mars 2020, et vous
avez vu les sondages... Dans un État de droit, mon rôle en tant que le
législateur, c'est contrôler l'action gouvernementale, c'est ça mon rôle. Votre
rôle, en tant que juriste, c'est contrôler l'État de droit. Pensez-vous que l'État
de droit, en fonction de ce que vous avez sur la table aujourd'hui, un
gouvernement qui gouverne par décrets, qui... sur toute chose, y compris sur la
popularité de ses ministres, est... à respecter l'État de droit, sachant que le
rôle de l'opposition est réduit, on n'existe presque plus?
Mme Valois (Martine) : Je
crois que l'État de droit aurait dû permettre le débat des mesures sanitaires
devant l'Assemblée nationale au moins depuis la fin de la première vague.
M. Derraji : Ils ont fait une
interprétation d'un article de projet de loi d'une manière délibérée pour
renouveler l'état d'urgence hebdomadaire, comme, aujourd'hui, ils ont signé le
107e décret, au lieu de venir chaque mois demander l'avis des membres, des
autres élus du peuple. Il y avait deux choix. Pourquoi ils ont autorisé... ils
ont opté pour l'hebdomadaire versus le mensuel? Selon vous, c'est quoi, votre
interprétation?
Mme Valois (Martine) : Mon
interprétation est que le gouvernement ne voulait pas discuter, il ne voulait
pas que les mesures soient débattues et voulait limiter les questions et...
Mme Valois (Martine) : ...les
remises en question de l'Assemblée nationale aux périodes de questions, ce qui,
à mon avis, est insuffisant. Ils ne respectaient pas la primauté du droit
législatif sur l'exécutif.
M. Derraji : Pensez-vous que
le droit législatif a été bafoué?
Mme Valois (Martine) : Je
crois que le rôle qu'on a de façon délibérée évincer le rôle de l'Assemblée
législative, formée de représentants élus.
M. Derraji : Vous avez vu le
projet de loi, il n'y a pas de reddition de comptes. Encore une fois, il n'y a
pas de, je dirais, de rapports d'événements. Comment vous qualifiez que la
volonté du gouvernement est de dire qu'il veut maintenir l'état d'urgence avec
les cinq arrêtés jusqu'au 31 décembre et non pas une autre date? C'est quoi
votre interprétation en tant que légiste?
Mme Valois (Martine) : Mon
interprétation est qu'on veut maintenir l'état d'urgence au moins jusqu'après
la formation du prochain gouvernement et qui sera vraisemblablement, là, au
mois de novembre.
M. Derraji : La lecture, elle
est plus élections, on veut avoir le pouvoir total. On ne veut pas renouveler
d'une manière hebdomadaire... Chaque semaine., on veut un décret jusqu'à la fin
de l'année parce qu'on a une élection au mois d'octobre.
Mme Valois (Martine) : Je
crois que c'est l'objectif de ce projet de loi là. Et, en même temps, une loi,
c'est, disons, un peu symbolique en disant à la population : On veut mettre
fin à l'état d'urgence, mais ça fait quand même plusieurs semaines, voire
plusieurs mois, qu'on annonce qu'un projet de loi serait déposé. Et je crois
qu'il aurait dû être déposé bien avant.
M. Derraji : Oui, faire
semblant à la population qu'on met fin à l'état d'urgence. C'est ça, votre
propos?
Mme Valois (Martine) : Je ne
dis pas faire semblant, je dis qu'il y a un symbole et on veut maintenir l'état
d'urgence jusqu'au moins après les élections.
M. Derraji : Merci beaucoup.
Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député. Alors,
on poursuit cet échange avec le député de Rosemont. Merci, M. le Président. Me
Valois, merci beaucoup d'être là. Les anglophones ont un dicton qui dit :
Faites attention à ce que vous demandez parce que vous pourriez l'obtenir. En
vous écoutant, il y a une autre version qui m'est venue en tête : Faites
attention à ce que vous dites parce que des fois vous pourriez avoir raison. Et
j'ajouterais même que ce n'est pas parce qu'on a raison que ça fait toujours
plaisir.
Ce que vous dites, quant au maintien et à
la reconduction systématique depuis deux ans de l'état d'urgence, c'est
exactement notre position dans ma formation politique que le gouvernement a ici
l'économie de ce que vous appelez la primauté du droit et la primauté
parlementaire. C'est exactement notre point de vue que les élus de l'Assemblée
nationale ne sont pas des bibelots qu'on peut déplacer et sur lesquels on peut
laisser s'accumuler la poussière quand on ne veut pas qu'ils parlent, mais
qu'ils ont un rôle à jouer. Et ce rôle — nous partageons, je pense,
Me Valois, la même opinion là-dessus — n'a pas été rempli, donc
il y a eu un trou dans ce principe de primauté parlementaire depuis deux ans.
Supposons que les six premiers mois étaient vraiment rock and roll, puis qu'on
devait mettre une cloche de verre, peut être, O.K., d'accord, je conviens, mais
pas après, pas après. C'est ce que je comprends de votre point. C'est assez
clair et je vous en remercie.
On peut débattre des intentions du
gouvernement. J'ai entendu des choses aussi honnêtement que je ne crois pas ou
qui me iris les poils, par exemple, qu'on a besoin de bafouer les droits
parlementaires pour gérer des palettes dans des entrepôts. Ou quand le
directeur de la Santé publique nous dit ce matin qu'il y a des gens qui vont
mourir si on... Je trouve ça un petit peu fort le café. Cela dit, quand on nous
dit on a besoin, par exemple, de monde pour faire des opérations de
vaccination. Ça, ce n'est pas bête, là, c'est un fait. Je trouve ça assez
contradictoire, cela dit, que, demain, on va fermer, dans ma circonscription,
le plus gros centre de vaccination au Québec, qui est le Stade olympique, là.
Je trouve ça un peu contradictoire, là, cela dit, puis ça ne va pas mal avec ce
que vous dites, qu'il n'y a peut-être plus d'urgence sanitaire au premier
titre. Je ne dis pas que la pandémie est finie, mais, mettons, là, qu'on
dit : O.K., on veut s'assurer de pouvoir rappeler tout le monde, tous ces
gens qui, volontairement puis généreusement, sont revenus travailler pour
piquer, là, par exemple, on fait quoi? Parce qu'il est tard, là, puis on ne l'a
pas fait avant, le gouvernement ne l'a pas fait avant les discussions avec
l'Office des professions, puis on ne l'a pas fait. Ça fait que, mettons qu'on
veut se passer de 28, qui est un mauvais projet de loi, on fait ça comment?
Mme Valois (Martine) : Alors,
on peut, dans le fond, rentrer dans le projet de loi n°28, proposer les
modes...
Mme Valois (Martine) : ...qui
sont demandées, en fait, par le Code des professions pour permettre à d'autres
professionnels de poser des actes. Alors il faudrait proposer des amendements
aux autres lois concernant les professionnels et le faire dans le même projet
de loi. Alors, c'est juste un exercice législatif, c'est quelque chose qui peut
être fait assez facilement et qui aurait dû être fait avant même le dépôt de ce
projet de loi là.
M. Marissal : Oui. Je vous
remercie, Me Valois. Je n'ai plus de temps. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:...excellent. Maintenant, le député
des Îles de la Madeleine va poursuivre cet échange avec vous, Maître.
M. Arseneau : Merci beaucoup,
monsieur le Président. Merci Mme Valois, pour votre présentation, professeure
Valois. L'article 1 du projet de loi 28 actuellement se lit comme
suit : L'état d'urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 est
renouvelé... et renouvelé depuis prend fin. Je comprends que c'est inutile
puisqu'il s'agit simplement de ne pas renouveler l'état d'urgence pour qu'il
n'existe plus. Mais vous dites dans votre mémoire que, en quelque sorte, on
maintient l'état d'urgence. Donc, en réalité, moi, ce que je comprends, c'est
que vous êtes d'accord avec notre affirmation lorsqu'on a vu le projet de loi,
que l'on efface l'état d'urgence, mais qu'on maintient la gouvernance par
décret puisque c'est essentiellement ce que la loi vient faire. Maintenir des
décrets pour un certain nombre de mois, voire un certain nombre d'années. Vous
partagez cette analyse-là?
• (17 h 20) •
Mme Valois (Martine) : Oui.
Je partage cette analyse.
M. Arseneau : Lorsque vous
dites qu'on pourrait faire les choses autrement, je trouve ça intéressant parce
que c'est aussi le manque de clarté au début qu'on avait dénoncé dans le projet
de loi qui donnait des pouvoirs extrêmement larges en disant : Tout ce
qu'on n'a pas abrogé est maintenu. Essentiellement, c'était extrêmement
difficile de s'y retrouver. Là, on se vante d'avoir réduit ça à cinq arrêtés,
mais avec des... ou cinq sujets, mais avec des, comment dirais-je, avec des
annexes qui sont passablement longs. Est-ce que vous pensez qu'il pourrait être
réaliste de résumer encore les quelques éléments qui sont absolument
nécessaires dans l'espace de quelques lignes ou quelques phrases, quelques
pages? C'est ce qu'on comprend de votre propos, pour modifier d'autres lois qui
semblent embêter le gouvernement à l'heure actuelle?
Mme Valois (Martine) :
qui sont déposés. On regarde seulement le projet de loi 61, le projet de
loi 66 ou des projets de loi qui énoncent certaines règles et qui vont...
il y a une dernière section qui modifie d'autres lois pour donner effet au
contenu principal du projet de loi. Je voudrais revenir sur ce que vous avez
dit parce qu'effectivement, il y a une contradiction inhérente entre le titre
de la loi et même entre l'article 1 et l'article 2, puisque on dit
que l'état d'urgence prend fin et on maintient des décrets qui ont été adoptés
pendant la déclaration d'état d'urgence. Donc, ou bien ils étaient nécessaires
pendant l'état d'urgence et alors on doit y mettre fin, ou bien on aurait pu
prendre ces mesures en dehors de l'état d'urgence par d'autres dispositions qui
auraient été débattues devant l'Assemblée nationale et on pourrait les
continuer puisqu'ils seraient devenus partie du corpus législatif.
M. Arseneau : Merci beaucoup,
Me Valois.
Le Président (M. Provençal)
:...Me Valois. Alors, nous terminons
cet échange avec la députée d'Iberville.
Mme Samson : Merci, Monsieur
le Président, merci, Me Valois, pour vos propos. J'aurais aimé vous entendre et
vous êtes libre de le faire, vous n'êtes pas obligée de répondre à ma question,
mais j'aurais aimé avoir votre opinion sur l'article 2 du projet de loi 28
qui dit que ni le gouvernement, ni le ministre ou toute autre personne ne peut
être poursuivis en justice pour avoir accompli un acte dans le cadre des
décrets. Est-ce que c'est courant dans un projet de loi de voir qu'un
gouvernement s'accapare autant de pouvoirs sans reconnaître aucune
responsabilité quant à ses actions? Est-ce que c'est démesuré ou c'est dans la
norme, c'est raisonnable?
Mme Valois (Martine) : C'est
ce qu'on appelle une clause d'immunité et oui, cette clause-là, elle est dans
toutes les lois. Et ce qu'il faut retenir, c'est la question de la bonne foi ou
l'exercice des fonctions. Généralement, on dit que toute personne, le
gouvernement ne peut être poursuivi, tout ministre...
Mme Valois (Martine) : ...pour
un acte accompli de bonne foi dans l'exercice des fonctions. Alors, c'est une
clause d'immunité qui est là parce que dans l'histoire du droit public et de la
common law, on pouvait poursuivre en justice toute personne en dommages. Alors,
non, ce n'est pas une disposition extraordinaire. Ce n'est pas la disposition
extraordinaire qu'on pourrait dire qui doit absolument disparaître du projet de
loi.
Mme Samson : Je vous
remercie, Me Valois. C'est tout pour moi, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, Mme la députée. Alors, Me
Valois, on tient à vous remercier pour votre collaboration, votre contribution
et votre présence à nos travaux. Les échanges ont été fort appréciés par
l'ensemble des membres de la commission. Sur ce, je vous salue et je mets fin à
cet échange en demandant une suspension pour permettre au dernier groupe de
venir vous remplacer. Merci beaucoup et bonne fin d'après-midi, madame.
Mme Valois (Martine) : Merci.
Bonne fin d'après-midi à tous.
(Suspension de la séance à 17 h 25)
(Reprise à 17 h 31)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à
Mme Alexandra Pierre et Mme Diane Lamoureux, qui représente la Ligue
des droits et libertés. Alors, mesdames, vous avez dix minutes pour votre présentation,
et par la suite nous procéderons à nos échanges. Alors, je vous cède
immédiatement la parole, et vous pouvez vous renommer, s'il y a lieu.
Mme Pierre
(Alexandra) : Bonjour, mon nom, c'est Alexandra Pierre. Je
suis la présidente du conseil d'administration de la Ligue des droits et
libertés. Et je suis avec ma collègue Diane Lamoureux qui siège au conseil
d'administration de la ligue.
Donc, avant de commencer, on tient à vous
remercier donc à remercier la Commission de la santé et des services sociaux
pour cette invitation à participer aux consultations particulières et aux
auditions publiques du projet de loi. 28.
Un petit mot sur la ligue. La ligue a été
fondée en 1963. Et c'est un organisme à but non lucratif, indépendant et non
partisan qui vise à faire connaître, à défendre et à promouvoir l'universalité,
l'indivisibilité et l'interdépendance des droits reconnus dans la Charte
internationale des droits humains... des droits de l'homme. La Ligue
interpelle, tant sur la scène nationale qu'internationale, les instances
gouvernementales pour qu'elles adoptent des lois, des mesures, des politiques
qui sont conformes à leurs engagements à l'égard des instruments internationaux
de défense des droits humains. La ligue, elle a aussi pour rôle de dénoncer les
situations de violation dont ces instances gouvernementales sont responsables.
Elle mène des activités d'information, de formation, de sensibilisation dans ce
sens-là et des actions qui visent à faire connaître le plus largement possible les
droits qui se rapportent à l'ensemble des aspects de la vie en société.
Depuis... Rentrons dans le vif du sujet
donc. Depuis l'entrée en vigueur de l'état d'urgence sanitaire au Québec, le
13 mars 2020, la ligue reconnaît la nécessité d'adopter des mesures
sanitaires individuelles et collectives. Elle a fait et elle fait encore
confiance aux avis de la Santé publique. Cette confiance ne lui a cependant
pas... ne l'a cependant pas empêché de jouer son rôle de chien de garde du
respect des droits humains pendant toute cette période. En effet, à chacune de
ses interventions, la ligue a rappelé que la gestion de la crise sanitaire ne
peut pas faire l'économie du respect des droits et des libertés des personnes
qui résident sur le territoire québécois. Il est clair que, depuis mars 2020,
la déclaration et le maintien de l'état d'urgence sanitaire ont interrompu le
débat démocratique autant sur les enjeux de fond, qui affectent la société
québécoise, que sur les débats démocratiques sur la pertinence et l'impact des
mesures de gestion de la pandémie. C'est pour ça d'ailleurs que la ligue a
lancé, en mars 2021, une campagne pour mettre fin à l'état d'urgence au Québec,
campagne qui, jusqu'à ce jour, a recueilli l'appui de 128 organisations.
Comme le précise notre déclaration, l'état d'urgence sanitaire ne peut pas être
conçu comme un état permanent. La nouvelle norme sécuritaire dans laquelle nous
nous trouvons toujours aujourd'hui et qui prend appui sur...
17 h 30 (version non révisée)
Mme Pierre
(Alexandra) :...l'état d'urgence
sanitaire, qui prend indûment appui sur l'état d'urgence sanitaire, est de
nature autoritaire et elle consiste selon nous en une perte démocratique
importante.
Aujourd'hui, au Québec, la vie des
citoyens est littéralement régie par une multitude de décrets et d'arrêtés
ministériels dont les objets vont de la micro, voire de la nanogestion, à la
métagestion. Les pouvoirs du gouvernement et du ministre de la Santé et des
Services sociaux en vertu de la Loi sur la santé publique relative à l'urgence
sanitaire, sont nettement exorbitants et ont donné lieu à l'émergence d'un
régime juridique d'exception dans un État de droit. Ce régime, d'après nous, se
distingue d'abord par son opacité, son manque d'imputabilité, mais aussi son
manque de transparence. On nous a répété ad nauseam que le gouvernement avait
besoin de l'agilité offerte par la Loi sur la santé publique durant toute cette
période. Or, la Ligue croit plutôt que le gouvernement québécois a trouvé un
certain confort, pour ne pas dire un confort certain, dans l'état d'urgence
sanitaire. Encore une fois, on insiste sur la distinction entre l'état d'urgence
et le fait de prendre des mesures nécessaires à la gestion de la crise
sanitaire. Pour le dire autrement, pas besoin d'état d'urgence pour prendre des
mesures appropriées. Et maintenant, arrive ce projet de loi qui prétend mettre
fin à l'urgence sanitaire alors qu'il n'en est rien, à notre avis. Loin de se
réjouir, la Ligue dénonce fermement ce projet de loi. Les mesures dont il est
question dans ce projet de loi semblent être celles énumérées et considérées
par les arrêtés ministériels adoptés le 31 mars dernier. En d'autres mots,
le gouvernement demande à l'Assemblée nationale d'avaliser un processus antidémocratique,
c'est-à-dire la gestion par décret et le non-respect des procédures de
négociation collective. Donc, d'avaliser ce processus antidémocratique par un
éventuel vote démocratique, c'est-à-dire l'adoption de ce projet de loi n° 28.
Pour nous, c'est un tour de passe-passe et ça n'empêche ou ça n'efface en rien
les deux années de gestion autoritaire. Ça ne corrige d'aucune façon l'absence
de débats et de mécanismes consultatifs ayant entouré l'adoption effrénée d'une
pléthore de décrets et d'arrêtés ministériels depuis mars 2020. À cet égard, on
vous invite à lire, relire l'article 1, 2 et 3 du projet de loi qui, à
notre avis, est un peu mystifiant. On dit qu'on met fin à l'état d'urgence sans
vraiment y mettre fin, et on prolonge... en fait, on prolonge jusqu'en décembre
2022. Il faut noter : après les élections. On prolonge donc jusqu'en
décembre 2022 le régime juridique d'exception qui est celui de la gestion par
décrets et arrêtés.
Pour la ligue, apprendre à vivre avec le
virus, apprendre à vivre avec la pandémie, ça ne veut certainement pas dire qu'il
faille sacrifier les fondements démocratiques de notre société. En fait, le projet
de loi n° 28 propose une sortie progressive de l'état d'urgence afin de
prolonger des mesures qui avantagent et protègent plus le gouvernement que la
population, donc, protège le gouvernement, mais pas la population. On doit
reconnaître que ce projet de loi maintient l'état d'urgence dans la mesure où
celui-ci comporte une immunité étanche à l'égard de l'exécution des pouvoirs
conférés par l'état d'urgence. C'est l'effet du dernier alinéa de l'article 2
du projet de loi. Les arrêtés du 31 mars 2022, s'ils étaient incorporés et
énumérés au projet de loi n° 28, auraient pour effet de maintenir un droit
d'exception concernant les rapports collectifs de travail dans le domaine de la
santé et de l'éducation, via un vote, une légitimité, à notre avis, trompeuse
de l'Assemblée nationale.
Mme Lamoureux (Diane) : En
présumant que la déclaration de l'état d'urgence prendra fin dans les semaines
qui viennent, la loi de la santé publique prévoit un rapport d'événement. Le
rapport d'événement...
Mme Lamoureux (Diane) : ...on
n'aura pas la réponse cette année, vu l'effet de computation des délais prévus
à l'article 129 de la loi, et nous n'aurons pas non plus de rapport. La nature
et le moment de la présentation du projet de loi n° 28 perpétuent donc le
déficit démocratique engendré par les modes de gestion de la crise sanitaire de
la COVID. Voilà donc une raison pour laquelle le gouvernement aurait dû et
aurait pu mettre fin à cet état d'urgence l'année dernière.
La gestion de la crise sanitaire a révélé
les lignes de fracture du filet de protection sociale au Québec. Beaucoup
d'attention, et à juste titre, a été accordée au besoin de réorganisation du
système des soins de santé. Mais d'autres aspects de la vie des Québécoises et
des Québécois ont été profondément et, hélas, durablement touchés par cette
gestion. Le cas de l'accès à des données personnelles et la transmission de
celles-ci à des acteurs privés est patent. Nous constatons néanmoins que, pour
l'heure, le projet de loi n° 28, à son article 4, autorise le ministre de la
Santé et des Services sociaux à ordonner la transmission de renseignements
personnels et confidentiels si celle-ci s'inscrit dans les mesures nécessaires
à la protection de la santé populationnelle dans le cadre de la lutte contre la
COVID. Ainsi, et contrairement à la lettre de la Loi sur la santé publique, le
gouvernement a profité d'une gestion par décret pour inscrire la permanence
dans l'urgence. Cette inscription, toutefois, équivaut à une flagrante
violation du respect de la règle de droit.
• (17 h 40) •
L'alinéa 7 de l'article 123 de la Loi sur
la santé publique permet au gouvernement de conclure des contrats sans autre
formalité, mettant ainsi entre parenthèses les exigences de la Loi sur les
contrats des organismes publics. L'article 5 du projet de loi n° 28 n'est pas
déraisonnable, mais il cache la forêt. Qui aura bénéficié de ces contrats durant
l'état d'urgence sanitaire? Quels mécanismes d'imputabilité et de reddition de
comptes assortissent ces nombreux contrats conclus dans l'urgence? Croit-on
vraiment qu'un rapport d'événement fournira la réponse à ces questions? La
tendance accélérée à la conclusion de contrats de gré à gré, depuis maintenant
deux ans, aura ainsi marqué la crise sanitaire, alors que tout porte à croire
que l'identité des gagnants restera dans l'ombre pour longtemps. Le projet...
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Mme Lamoureux. Le
temps qui vous était donné pour votre exposé est terminé. Alors, je vais
inviter maintenant M. le ministre à débuter la période d'échange avec votre
groupe.
M. Dubé : Très bien. Alors,
merci beaucoup, M. le Président. Et, mesdames, merci beaucoup pour votre
présence aujourd'hui. C'est très apprécié. Dans un contexte démocratique comme
on a, on a le droit d'avoir nos opinions, puis je pense que c'est important de
pouvoir avoir la chance d'écouter la vôtre. Alors, on n'est peut-être pas
obligés d'être tous en accord avec ce que vous dites, mais on peut au moins en
débattre, et je pense que c'est important de le reconnaître aujourd'hui.
Je voulais juste faire peut-être une
précision, là, puis, si c'est important de le faire, particulièrement sur votre
commentaire pour le rapport dont on parle, qui va être... qui est maintenant
prévu par la loi, comme vous dites, qui doit être déposé dans les 90 jours qui
suivent la fin de l'urgence sanitaire. Mais j'aimerais juste vous rassurer,
parce qu'on a fait cet engagement-là plusieurs fois qu'exceptionnellement,
parce qu'il y avait une fin de la session qui allait peut-être être à
l'intérieur du 90 jours, qu'on s'est engagé, comme gouvernement, à publier le
rapport avant la fin de la session parlementaire, premièrement. Ça, c'est... Je
voulais juste faire cette précision-là parce que je ne voudrais pas qu'il y ait
de malentendu sur notre désir de vouloir produire le rapport.
Deuxièmement, nous nous sommes engagés,
puis ça, on pourra le débattre lorsqu'on fera l'article par article, nous nous
sommes engagés à donner beaucoup plus d'informations... qui est établi par la
loi actuelle. Et je vous donne un exemple. L'engagement pourrait être
simplement de produire le rapport de ce qu'on a... des contrats dont vous
parliez tout à l'heure, à la fin de votre exposé, et de simplement dire :
Bien, écoutez, ces rapports-là sont dans ce qu'on appelle le registre, le SEAO,
qui est publié, où chacun des contrats qui a été donné durant la pandémie... et
comme par les autres contrats qui sont donnés par tous les ministères, là.
C'est un site que vous connaissez sûrement. Alors, nous, on s'est engagés à
aller plus loin que ça pour que les gens comprennent bien le type de contrat
qui a été donné et qu'on puisse se retrouver dans cette information-là.
Alors, j'ai dit, ce matin, juste pour...
peut-être que vous n'avez pas eu la chance ou... En tout cas, c'est important
pour moi de le mentionner que, premièrement, il y a eu beaucoup d'informations
qui disaient...
M. Dubé : ...pour 17
milliards de contrats au cours des deux dernières années, ce qui n'est pas
exact. Il y a eu pour 5 milliards de contrats qui ont été donnés en vertu des
mesures d'urgence, et, pendant ces deux années-là, ça représente environ 4 000
contrats.
Ce qu'on va expliquer durant le rapport,
puis ça pourra être, encore une fois, débattu, c'est ce qui va rester des
contrats qui vont être prolongés pour des raisons que les P.D.G. ont expliquées
clairement ce matin. C'est que sur la somme de 5 milliards de contrats, il y
aura pour 37 millions de contrats qui se rapportent à la vaccination et au
dépistage qui vont être prolongés jusqu'à, maximum, 31 décembre 2022. Je dis
bien jusqu'à un maximum. Donc, 37 millions sur 5 milliards, et 75 millions de
contrats qui se rapportent à l'entreposage, pour un maximum de cinq ans. Cette
liste-là sera publiée, sera donnée à l'intérieur du rapport pour être certain
que les gens comprennent bien ce qui en est. Je vous mets ça en proportion, là,
37 millions sur 5 milliards, c'est comme dire qu'il y a pour 37 $ de contrats
pour 5 000$ de contrats. C'est pour vous donner que c'est une proportion
d'environ 2% de contrats qui s'appliquent aux articles sur les contrats. Alors
donc, je pense que c'est une précision importante à vous donner.
Deuxièmement, j'aimerais aussi vous
demander si vous avez eu la chance d'écouter, ou l'opportunité, peut-être, là,
on verra votre point de vue, d'entendre les P.D.G., aujourd'hui, qui ont fait
rapport à la commission sur ce qu'ils ont vécu. Trois P.D.G. de CISSS et de
CIUSSS, là, du Lac-Saint-Jean. Vous les avez entendus aujourd'hui? Non. Vous
n'avez pas eu cette chance-là. Moi, je vous inviterais à pouvoir écouter, parce
que je pense que c'est ça, l'objectif, c'est d'avoir l'opinion des gens qui ont
été confrontés avec la pandémie. Et j'ai remercié les P.D.G., parce qu'on a une
trentaine de P.D.G., là, des CISSS et des CIUSSS qui ont fait un travail
exemplaire durant cette pandémie-là pour être capable de donner un service aux
citoyens. Et pas uniquement dans ce qui se rapporte à la COVID, comme la
vaccination, comme le dépistage, mais aussi de fournir aux Québécois un service
sur ce que les Québécois s'attendent en termes de réseau de santé.
La raison pour laquelle, mesdames, j'y
fais référence, puis, encore une fois, on est on n'est pas obligé d'être
d'accord, mais je voulais vous demander si... quand vous aurez la chance de
prendre contact avec leur témoignage... Je comprends très bien les éléments que
vous soulevez, de votre groupe, là, qui s'occupe des droits et libertés, mais,
en même temps, le rôle du gouvernement est aussi de protéger la population sur
une base de santé. Et, lorsqu'on demande d'avoir des mesures temporaires...
Parce que c'est ça qu'on demande, soyons clairs là, on dit : L'état
d'urgence doit prendre fin, on est tous d'accord avec ça, mais ce qu'on
demande... puis pour être certain, on ne parle pas de pouvoirs, on parle de
mesures. Et les mesures qui ont été expliquées par nos P.D.G., aujourd'hui, qui
sont dans le quotidien... ces gens-là nous disent : S'il vous plaît,
assurez-vous que des mesures temporaires ou transitoires, par exemple pour la
vaccination, peuvent continuer pendant un certain temps, parce que... Et même,
on l'a vu, là, dans les derniers jours, le Dr Boileau l'a bien expliqué... la
présence de la sixième vague, du variant.
Alors moi, je comprends votre
intervention. Puis, malheureusement, vous n'avez peut-être pas eu la chance de
les entendre, mais je vous résumerais un point puis j'aimerais vous entendre
là-dessus. Ce qu'ils nous disent, c'est que, si on enlève les mesures d'urgence
sans avoir les mesures temporaires ou transitoires, c'est très dangereux parce
qu'on n'est pas capable de continuer à vacciner les gens, à faire le dépistage
nécessaire, etc. Et je voudrais juste vous entendre, entre ce qui est important
de ce que vous avez expliqué pour votre priorité, qui est la Ligue des droits
et libertés... mais moi, j'aimerais vous entendre sur la responsabilité du
gouvernement à s'assurer de la sécurité des Québécois dans un contexte de
pandémie. J'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.
Mme Pierre
(Alexandra) :Alors, merci, M. Dubé. Deux
choses, là-dessus. Pour nous, l'état d'urgence n'a plus de légitimité depuis un
moment déjà. Et le projet de loi, à notre avis, perpétue cet état d'urgence. Et
comme on l'a dit plusieurs fois, la ligue n'a jamais été contre les mesures...
Mme Pierre
(Alexandra) :...n'a jamais été contre les
mesures qui pouvaient nous protéger contre la pandémie, mais bien contre le
mode d'adoption de ces mesures, qui se prolonge aussi avec le projet de loi
n° 28, c'est-à-dire l'absence de délibération, la gouvernance par décrets,
et tous les angles morts que ça implique. On l'a vu avec les CHSLD, la façon
dont les proches aidants ont été traités, les problèmes d'itinérance, etc., il
y a des angles morts. Pour nous, la délibération, le débat public, notamment
par l'Assemblée nationale, au sein de l'Assemblée nationale, nous permet d'avoir
une légitimité et de réduire ces angles morts.
En dehors de l'état d'urgence, il existe
des mécanismes normaux, démocratiques pour pouvoir prendre de telles mesures.
Rien n'empêche le gouvernement et les partis d'opposition de convenir des
mesures qui doivent être considérées au nom de la santé populationnelle et
d'avoir ce débat au sein de l'Assemblée nationale. Donc, pour nous, c'est un
peu notre position.
Peut-être un deuxième point aussi sur la
question du rapport d'événement. Pour nous, deux ans, ce n'est plus un
événement. Ce qu'on comprend du rapport d'événement, c'est que ce rapport-là va
lister les événements, les mesures, les actions qui ont été prises. Nous, ce
qu'on demande, c'est au-delà de cette liste, entre guillemets, c'est une
reddition de comptes. Et à ce propos-là, on pense qu'il doit y avoir la mise en
place d'un mécanisme de reddition de comptes qui concerne la gestion de l'état
d'urgence sanitaire au Québec, la gestion de la crise sanitaire elle-même.
Puis, pour nous, l'institution la mieux habilitée pour faire ça, ça serait une
institution qui pourrait rendre directement compte à l'Assemblée nationale,
comme par exemple le Protecteur du citoyen.
• (17 h 50) •
M. Dubé : Très bien. Alors,
maintenant, je veux revenir aussi sur un point. Vous avez parlé tout à l'heure,
puis je respecte ça énormément, toute la question de protection des données
personnelles. Puis je voudrais peut-être juste apporter une précision, puis
vous entendre, là, si vous sentez le besoin de commenter. Ce qu'on demande, en
fait, à l'intérieur du projet de loi, comme mesures que l'on considère
temporaire mais nécessaire, c'est de continuer d'avoir de l'information qui est
dite personnelle sur la santé des gens pour être capable de bien voir
l'évolution de la pandémie. Alors, je m'explique. Lorsqu'on fait de la
vaccination ou du dépistage, on comprendra très bien que c'est une donnée
personnelle, hein? C'est un individu qui s'est fait vacciner, qu'on doit savoir
s'il a été positif ou négatif, s'il a été dépisté ou s'il a été vacciné. Alors,
on comprend bien que, depuis deux ans, grâce aux mesures d'urgence, ce sont des
données personnelles qu'on n'a pas analysées sur une base individuelle, mais
qu'on a travaillées sur une base que je dirais consolidée pour être capables de
bien analyser les tendances, de voir ce qui se passait par région, pour être
capables, par exemple, de déterminer que dans certaines régions ou dans
certaines écoles, il y avait des enjeux de différences importantes en termes de
vaccination.
Alors, j'aimerais vous entendre. Comment
on peut... Puis je comprends, encore une fois, là. Je reviens au même débat
entre ce que vous défendez en termes de droits et libertés, mais en même temps
de ce qu'on a besoin de savoir pour bien gérer la pandémie. Comment vous pensez
qu'on pourrait faire autrement pour voir ces tendances-là et bien savoir ce qui
se passe si on n'avait pas accès à ces données-là, qu'on ne veut pas sur une
base individuelle pour fins de déclaration, mais bien pour fins de gestion? J'aimerais
vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.
Mme Lamoureux (Diane) : Bien,
on comprend qu'il y a besoin d'avoir des données pour des fins de gestion,
mais, je veux dire, à partir du moment où elles sont anonymisées, il y a... ce
n'est plus des données personnelles, où elles sont randomisées, ce n'est plus
des données personnelles au sens de la protection des données personnelles.
Mais, je veux dire il y aurait quand même nécessité d'avoir le consentement des
populations. Je veux dire, quand les gens choisissent de se faire vacciner pour
obéir aux directives de la Santé publique, il y a... ou qu'ils vont se faire
tester, ils doivent pouvoir signer une...
Mme Lamoureux (Diane) : ...formule
de consentement. Ça existe sur à peu près tous les sites informatiques. Les
données de consentement, on en fait tous les jours, mais là, on n'est même pas
consultés.
Mme Pierre
(Alexandra) :Juste pour ajouter. Oups! Un
petit renvoi. Désolée. Pour la ligue, l'un n'empêche pas l'autre. C'est-à-dire
que, comme la Commission d'accès à l'information l'a mentionné à plusieurs
reprises en de... dans différents... à différents moments, il est important
d'accroître le contrôle des citoyens sur leurs propres renseignements
personnels, sur les renseignements qui les concernent. Donc, ça fait partie des
contraintes avec lesquelles le gouvernement a le devoir de gérer ça.
C'est-à-dire que l'idée d'avoir des renseignements pour pouvoir faire de la
vaccination de façon la plus efficace possible, évidemment, ça n'empêche pas qu'il
faut que les citoyens puissent avoir... puissent consentir puis puissent avoir
le plus de contrôle possible sur leurs propres renseignements personnels.
M. Dubé : Je veux juste
pour... Je ne sais pas combien il me reste de temps.
Le Président (M. Provençal)
:Une minute.
M. Dubé : Une minute, ce
n'est pas très long. Mais écoutez, encore une fois, on pourra en débattre. Je
voulais juste vous entendre là-dessus parce que je pense qu'on a le même
objectif. Le même objectif, c'est de protéger l'information des individus. Mais
vous comprenez, je pense que je vous ai bien entendu, qu'on a quand même besoin
d'avoir cette information-là pour faire une bonne gestion de la pandémie puis
de savoir... Alors, on pourra débattre de... On pourra débattre lors de
l'article par article, là, cette préoccupation-là que vous avez. Mais je
voulais juste vous rassurer que notre objectif est de s'assurer que juste qu'on
ait le temps d'avoir le projet de loi no 69, qui est un projet de loi
qu'on a donné... qu'on a déposé un peu plus tôt l'an dernier, mais qu'on puisse
avoir en attendant que ce projet de loi là soit passé, soit accepté par
l'Assemblée nationale, bien, il faut avoir une mesure temporaire qui nous
permette de faire la gestion, ce que j'appelle le projet de loi no 19 sur
les données, qu'on aura sûrement la chance de débattre avec vous, là, dans un
autre moment. Alors ça répond à mes questions, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Merci beaucoup. Alors, nous poursuivons
avec la Ligue des droits et libertés. La parole appartient au député de
Nelligan.
M. Derraji : Merci, mon
cher Président. Mesdames, merci beaucoup. Je tiens à vous remercier au nom de
notre formation politique parce que vous avez fait un travail exceptionnel
d'organisation bénévole et un excellent rapport. Donc, je tiens en premier lieu
à vous remercier. Ma première question. Est-ce que le gouvernement, selon vous,
a besoin de ce projet de loi pour lever l'état d'urgence sanitaire?
Mme Pierre
(Alexandra) :Pour nous, il n'a pas besoin
de ce projet de loi là. Vous m'entendez? Oui? Parfait. C'est ça. L'objectif du
présent mémoire, c'est vraiment de dire que nous recommandons le retrait du
projet de loi no 28 parce que ce projet de loi là poursuit l'état
d'urgence sanitaire sous une autre forme et que nous pensons que cet état
d'urgence aurait dû être levé depuis longtemps.
M. Derraji : Donc, je
vais vous répéter la question. Et je n'ai pas le même temps que le ministre.
Donc, juste des réponses courtes, si vous permettez, s'il vous plaît. Est-ce
qu'on a besoin du projet de loi no 28 aujourd'hui pour lever l'état
d'urgence sanitaire?
Mme Pierre
(Alexandra) :Non, on n'a pas besoin de ce
projet de loi. L'état d'urgence sanitaire peut être levé de façon immédiate et
effective sans ce projet.
M. Derraji : Excellent.
Vous avez dit pour votre organisme : Le nouveau nom du projet de loi est
un tour de magie. Pouvez-vous illustrer la magie que vous voyez dans le
changement de nom?
Mme Pierre
(Alexandra) :C'est un peu ce qu'on
expliquait, c'est-à-dire que les différents décrets qui sont... qui sont
énumérés dans le projet de loi ont été, à notre avis, sont... existent à cause
d'un processus antidémocratique. Et on demande en bloc de voter par le projet
de loi no 28 ces décrets et ces arrêtés qui ont été pris de façon
antidémocratique, de les valider par un vote de l'Assemblée nationale qui les
rendrait par le fait même...
Mme Pierre
(Alexandra) :...légitimes. Pour nous, la
seule légitimité qui aurait, ça serait de débattre de l'ensemble de ces décrets
et de ces arrêtés au sein de l'Assemblée nationale.
M. Derraji : Vous avez
raison. Vous avez aussi dénoncé l'illusion du projet de loi n° 28, car il ne
rétablit pas l'ordre démocratique. La gouvernance par décret est déguisée en
loi. Vous avez aussi dit : Pourquoi le projet de loi n° 28 fait du
31 décembre 2022 une date mythique? C'est ce que je disais, tout à
l'heure, à un groupe, que probablement, soudain, le 1er janvier 2023, le
virus va disparaître du Québec. Pourquoi vous dites vous aussi que c'est une
date mythique? Il y a... Et je ne sais pas si vous avez vu l'intervenante avant
vous, elle, elle disait qu'écoutez l'objectif, c'est probablement l'élection.
Il y a une élection. Le gouvernement va avoir... veut avoir les deux mains, il
veut continuer à gérer par décrets et arrêtés. Est-ce que vous partagez le même
point de vue que la personne qui était avant vous et pourquoi, c'est une date
mythique, selon vous?
• (18 heures) •
Mme Lamoureux (Diane) : Bon,
effectivement, il y a eu une élection d'ici le 31 décembre et il y a des
choses que nous ne saurons pas au moment d'aller voter. Le... Et d'une certaine
façon, essayer de déterminer à l'avance qu'il n'y aura plus de problèmes le
31 décembre, ça nous semble assez illusoire, et on risque de se retrouver
avec une énième reconduction de la chose, ce qui, pour la santé démocratique
d'une société, n'est pas un avantage.
M. Derraji : Comme nous, très
critique à la gestion par décret, je le suis. Pour moi, un gouvernement qui
gouverne par décrets et par sondages n'a pas sa place dans une société
démocratique. Vous avez dit, je vous cite : La vie des citoyens est
littéralement régie par des arrêtés rédigés dans une langue inaccessible... Le
gouvernement a trouvé son confort dans l'état d'urgence. Et vous avez
dit : Les mesures destinées à protéger la population et celles qui ont
pour effet de consacrer l'impunité du gouvernement en temps de crise sanitaire.
C'est quand même des mots forts par rapport à la gestion par décret.
Mme Pierre
(Alexandra) :Oui, c'est des mots forts,
comme l'impact de cette gestion par des décrets a des conséquences aussi très,
très... des très fortes conséquences. Ça marque un tournant autoritaire,
antidémocratique, encore une fois. Donc, je pense que les mots qu'on a mis dans
notre mémoire correspondent à l'analyse qu'on fait de cette situation.
M. Derraji : Mais vous
évoquez aussi quelque chose que... Ça m'a interpellé, hein, je vais, encore une
fois, je vais vous citer, hein : Le projet de loi n° 28 ne respecte pas la
dignité citoyenne, comme un... Il est inutile et dangereux pour la démocratie.
Ça, c'est vous, c'est vos propos. Pourquoi c'est dangereux pour la démocratie
et pourquoi le projet de loi déposé par la CAQ ne respecte pas la dignité
citoyenne?
Mme Pierre
(Alexandra) :Bien, encore une fois,
depuis un moment, la ligue prétend que la Loi sur l'état d'urgence ou l'état
d'urgence n'a plus sa raison d'être. Donc, plus on prolonge cet état d'urgence
d'une... par un mode ou par un autre, hein, comme le projet de loi n° 28, bien,
plus les attentes à la démocratie se cumulent. Pour nous, on peut prendre des
mesures sans être dans un état d'urgence, on peut prendre des mesures en
respectant les processus et les débats démocratiques, et ça fait partie des
droits humains, de la capacité de la population à avoir cette voix-là et du
gouvernement à être imputables.
M. Derraji : Vous évoquez
beaucoup, dans votre mémoire, la démocratie, le respect des institutions. Je
suis comme vous, nous sommes pour ça, d'une institution qu'il faut respecter,
parce qu'on n'est pas juste des figurants, hein, on est là pour jouer notre
rôle, et, si quelqu'un n'est pas content, il peut démissionner et quitter.
Sur... Si je vous dis d'interpréter le processus démocratique depuis le début
de ce gouvernement, mais je vais me limiter, depuis le début de la pandémie,
est-ce que c'est un recul pour vous? Est-ce... vraiment une atteinte? Est-ce que
c'est un recul? Comment...
18 h (version non révisée)
M. Derraji : ...qualifiez ce
qu'on voit avec la CAQ depuis mars 2020? C'est quoi, cette attitude? Comment
vous qualifiez cette attitude?
Mme Lamoureux (Diane) : Bien,
on pense que le gouvernement par décrets est un recul et un manque de respect pour
nos institutions démocratiques, surtout quand ça s'éternise sur deux ans, O.K.?
Et effectivement, on vit dans un régime parlementaire, on est dans une
monarchie parlementaire, et c'est à l'Assemblée nationale... c'est l'Assemblée
nationale qui est imputable, c'est... Bien sûr, on n'a pas une séparation
étanche entre l'exécutif et le législatif, dans un régime parlementaire,
puisque c'est la majorité parlementaire qui constitue le gouvernement, mais en
même temps, il y a quand même des balises et une plus grande écoute à une
diversité de points de vue présents dans la population quand le Parlement se
saisit réellement des enjeux de société, plutôt que de se faire aviser des
décisions gouvernementales.
M. Derraji : Vous avez
évoqué, tout à l'heure, l'élection au mois d'octobre. Le gouvernement risque,
avec sa majorité, de passer ce projet de loi, et fort probablement, le Québec
sera prolongé dans un état d'urgence jusqu'au 31 décembre 2022. C'est quoi,
votre lecture?
Mme Pierre
(Alexandra) :Je ne suis pas sûre de votre
question, mais la lecture, c'est que cet état d'urgence, encore une fois, est
illégitime. On ne comprend pas trop quelle est cette date du 31 décembre. Si ce
qui devait être réglé ou commencer à être réglé il y a plus d'un an et demi,
maintenant, ou un certain temps, ne l'est pas aujourd'hui, je ne vois pas
pourquoi ça le serait magiquement le 31 décembre. Donc, voilà, il faut mettre
fin à l'état d'urgence de façon immédiate et effective, et ça, ça implique de
ne pas voter ce projet de loi n° 28.
M. Derraji : Oui, je
comprends que vous êtes contre ce projet de loi, mais, je vous le dis, la CAQ a
75 élus, donc le projet de loi risque de passer. Est-ce que vous serez déçues
si, demain, vous allez voir que le projet de loi a été voté d'une manière...
par 75 députés caquistes, et que l'élection, c'est au mois d'octobre, et que l'état
d'urgence va se poursuivre jusqu'au 31 décembre 2022?
Mme Lamoureux (Diane) : Bien
sûr qu'on va être déçues parce que nous, on demande, depuis plus d'un an, qu'il
soit levé, l'état d'urgence. Donc, c'est sûr qu'on sera déçues, mais on ne peut
pas empêcher la majorité parlementaire de le faire, mais on peut quand même
souligner l'espèce de tour de passe-passe que ça constitue. C'est notre rôle
comme garants des droits et des libertés.
M. Derraji : Souvenez-vous de
ce vote en octobre.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Alors, M. le député
de Rosemont, s'il vous plaît, la suite vous appartient.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Mesdames, merci d'être là. Merci pour votre mémoire. Je n'aurai pas
grand-chose à rajouter, là, on ne s'ostinera pas, là, vous et moi aujourd'hui.
Si j'avais à résumer, là, la dizaine de témoins entendus à ce jour, je dirais
que les syndicats ont des graves préoccupations. C'est probablement normal. Le
gouvernement et son appareil est pour la loi, pour des raisons
pratico-pratiques de fonctionnement dont on peut débattre, là. Et le droit, du
moins, les gens qui se sont exprimés au nom du droit sont contre, dont vous.
Vous dites, par exemple, que «la mise en
place d'un mécanisme de reddition de comptes concernant la gestion de l'état d'urgence
sanitaire au Québec et la gestion de la crise sanitaire elle-même par une
institution habilitée à rendre compte directement devant l'Assemblée nationale,
ça va jusque là... que dans l'éventualité où le projet de loi n° 28 serait
adopté, une disposition prévoyant formellement un tel mécanisme de reddition de
comptes par une institution habilitée à rendre compte directement devant l'Assemblée
nationale y soit prévue». Vous l'avez dit, mais pour ma lanterne puis pour que
ce soit bien clair, vous pensez à quoi? Parce que, d'après moi, ça existe déjà,
mais c'est incomplet. Vous pensez à quoi?
Mme Pierre
(Alexandra) :Bien, nous, on pense que le
Protecteur du citoyen serait cet organisme qui pourrait faire le travail. En
même temps, on est plutôt ouverts à d'autres propositions. Mais l'essentiel de
notre demande, c'est qu'il y ait un mécanisme de reddition de comptes au-delà
du... je ne m'en rappelle jamais comment ça s'appelle, mais du rapport d'événement...
Mme Pierre
(Alexandra) :...puisqu'on considère que
deux ans de pandémie, deux ans d'état d'urgence, ce n'est plus un événement,
puis on a besoin de plus qu'une liste...
M. Marissal : Mais à ça,
ce qu'on nous dit... Puis j'ai eu des débats, là, en ondes et hors d'ondes,
avec le ministre ou même avec les sous-ministres. Ce qu'on me dit, c'est
ça : Il faudrait revoir la Loi sur la santé publique et la déclaration de
l'état d'urgence sanitaire, puis ce n'est pas ici qu'on va faire ça. On va le
faire un jour, peut-être, là, on est bien ouverts. Mais on ne le fera pas.
Donc, je reviens au point de départ, là.
On est pris avec le projet de loi n° 28, là. Est-ce que c'est amendable à
vos yeux, ou si je dois lire, dans le texte, votre première conclusion qui est
de rejeter complètement ce projet de loi? Ce qui n'arrivera pas, je vous le dis
tout de suite, là.
Mme Lamoureux (Diane) : Bon,
on ne prend pas nos désirs pour des réalités, mais on peut quand même exprimer
nos désirs et ce qui nous semble le plus souhaitable dans les circonstances.
Donc, c'est pour ça qu'on demande le retrait du projet de loi.
Par ailleurs, bon, le ministre vient de
nous dire que ça sera un rapport d'événement bonifié, mais ça ne sera pas
vraiment une reddition de comptes. Et, nous, ça nous semble important. Ça a été
des moments importants dans l'histoire, dans les dernières années de l'histoire
du Québec, et c'est une grande partie du budget de l'État, le système de santé.
C'est important que la population puisse vraiment savoir ce qui s'est passé.
• (18 h 10) •
M. Marissal : Bien
d'accord et je vous remercie. Je n'ai plus de temps. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Alors, nous terminons avec le
député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci, mesdames Pierre et Lamoureux. Vous avez
mentionné que... comme d'autres aujourd'hui, qu'on vit sous un régime juridique
d'exception. Et puis vous ajoutez qu'il est caractérisé par l'opacité, le
manque d'impunité, le manque de transparence... manque d'imputabilité, je
voulais dire, et de transparence. Et, bon, on est plutôt d'accord avec votre
analyse.
Maintenant, vous demandez... Je vais aller
sur le même thème que mon collègue de Rosemont. Vous demandez le retrait du
projet de loi. Qu'en est-il des mesures qui sont proposées par le gouvernement,
des mesures populationnelles, par exemple, le maintien du port du masque ou
encore les mesures opérationnelles? On parle de vaccination, de dépistage,
d'entreposage. Est-ce que vous estimez qu'on pourrait le faire avec les moyens
réguliers de l'État ou qu'on devrait le faire par l'adoption d'un projet de loi
très, très ciblé?
Mme Pierre
(Alexandra) :Alors, merci pour cette
question. Au risque de nous répéter, la ligue n'a jamais été contre les mesures
visant à protéger la population, mais bien contre leurs modes d'adoption. Il y
a toutes sortes de modes d'adoption, de mécanismes démocratiques pour
maintenir, continuer ces mesures de protection... projet de loi via l'Assemblée
nationale. Puis il y a aussi des modes de gestion au niveau des CIUSSS, des
CISSS, des santés... pardon - des directions régionales de santé publique.
Voilà, il faut que ces mécanismes-là soient débattus et soient pris de façon
démocratique.
M. Arseneau : D'accord.
Donc, si je vous comprends bien, si on mettait de côté le projet de loi
no 28 et qu'on déposait un projet de loi pour cibler un certain nombre de
mesures qui semblent justifiées, qui seraient débattues par les parlementaires,
cela vous conviendrait, là, à partir du moment où, démocratiquement, on peut
justifier ou non... Enfin, on peut justifier, oui, ou trouver des motifs pour
des mesures exceptionnelles qui pourraient s'appliquer pour un certain temps.
Mme Lamoureux (Diane) : Oui,
mais sur fond de levée de l'état d'urgence. Parce que ce qui nous semble
important, c'est de... Que des mesures appropriées soient prises pour assurer
la santé publique, on est tout à fait d'accord. Le problème, c'est de quelle
façon ces mesures sont prises. Et pour l'instant on est dans un régime
d'exception.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup.
M. Arseneau : C'est tout
le temps que j'ai. Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, Mme Alexandra Pierre et
Mme Diane Lamoureux, de la Ligue des droits et libertés pour votre
collaboration et votre contribution. Je vous souhaite une excellente fin de
journée et merci beaucoup.
Mme Pierre
(Alexandra) :Merci.
Mme Lamoureux (Diane) : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci aux collègues de la commission
pour leur collaboration. Nous ajournons nos travaux jusqu'au
jeudi 7 avril, après les affaires courantes. Merci beaucoup...
(Fin de la séance à 18 h 14)