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Version préliminaire

43rd Legislature, 1st Session
(November 29, 2022 au September 10, 2025)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Tuesday, May 27, 2025 - Vol. 47 N° 94

Special consultations and public hearings on Bill 106, an Act mainly to establish the collective responsibility and the accountability of physicians with respect to improvement of access to medical services


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Journal des débats

10 h (version non révisée)

(Dix heures six minutes)

Le Président (M. Provençal) :Alors, bon matin à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé des services sociaux ouverte. La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 106, Loi visant principalement à instaurer la responsabilité collective et l'imputabilité des médecins quant à l'amélioration de l'accès aux services médicaux. Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Abou-Khalil (Fabre) est remplacée par Mme Guillemette (Roberval), Mme Picard (Soulanges) par Mme Jeannotte (Labelle) et M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne), par M. Marissal (Rosemont).

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Nous débuterons ce matin par les remarques préliminaires, puis nous entendrons les témoins suivants : la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec et la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Comme la séance a débuté à 10 h 07, y a-t-il consentement pour que nos... nos travaux, excusez, se poursuivent au-delà de l'heure prévue?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Provençal) :Consentement. Merci beaucoup. J'invite maintenant M. le ministre à faire ses remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez de six minutes. Et je vous cède immédiatement la parole.

M. Dubé : Très bien, M. le Président. Alors, rapidement, saluer tout le monde, le premier groupe qu'on va passer tout à l'heure. Mais je salue aussi mes collègues de l'opposition puis mes collègues du gouvernement. On a fait quelques travaux ensemble, M. le Président. Merci d'être là. Alors, j'y vais tout de suite. D'abord, je suis très, très content qu'on soit ici ce matin pour débuter les consultations du projet de loi n° 106, qui vise principalement à instaurer la responsabilité collective et l'imputabilité des médecins quant à l'amélioration de l'accès aux services médicaux. Puis c'est un projet de loi qui est essentiel. Et on entend plusieurs choses depuis le début du projet de loi. Puis je suis content, en fait, M. le Président, qu'on puisse entendre les groupes ici et discuter du projet de loi ensemble, parce que c'est à ça que ça sert, les consultations particulières. C'est d'entendre les suggestions et qu'au besoin on peut bonifier le projet de loi, le cas échéant.

Puis j'aimerais d'entrée de jeu dire aussi, M. le Président, que j'ai entendu beaucoup de choses qui ont été dites, mais une chose que je pense qu'il est important de clarifier que ce qu'on demande aux médecins, ce n'est pas de travailler plus, mais c'est de travailler différemment. Et ça, je tiens à le préciser parce qu'en travaillant différemment, on peut dégager du temps, on peut dégager de la disponibilité pour voir les bons patients au bon moment. Et ça veut dire quoi travailler différemment? Je vais donner des exemples. Je pense que d'augmenter ce qu'on appelle la pertinence et l'efficacité pour augmenter la disponibilité. Alors, en ce moment, il y a à peu près 11 % à 13 % des consultations qui sont considérées comme non pertinentes. Parce que ce que ça veut dire, non pertinentes c'est qu'elles pourraient être réalisées non seulement par le médecin, mais par d'autres professionnels, par exemple, par des infirmières, des infirmières spécialisées, des pharmaciens, des physiothérapeutes. Puis, grâce à la pertinence qui est déjà en place dans plusieurs de nos GMF, ça permettrait de s'assurer que les consultations vont encore une fois au bon médecin ou au bon professionnel, mais pour le bon patient, au bon moment.

De plus, je veux qu'on en parle parce qu'on aura des gens qui viendront demain, entre autres, grâce à l'intelligence artificielle, un médecin de famille, en ce moment, c'est prouvé, on commence à l'installer, qu'il gagnerait souvent jusqu'à une heure, une heure et demie par jour de son temps pour réduire le temps de paperasse. Qu'est-ce qu'on veut dire par ça? Par exemple, pour résumer les rencontres, mettre à jour les dossiers, alors que beaucoup de ça se fait manuellement, maintenant, on pourrait le faire avec ces nouvelles technologies.

• (10 h 10) •

Donc, travailler différemment, c'est ça. Mais travailler différemment, M. le Président, c'est aussi s'assurer qu'on peut augmenter la collaboration entre les médecins, mais entre les médecins, par exemple entre les omnis, mais aussi avec... avec les spécialistes. Puis pour ça, pour moi, il est important de penser, entre autres, puis on reviendra sur la question du CRVS, le fameux centre de rendez-vous, où les omnis envoient des consultations pour les spécialistes. Mais en même temps, ce que j'ai entendu beaucoup, c'est qu'en parallèle, le gouvernement va continuer, et ça, c'est important de le dire, de faire sa part pour donner les moyens aux médecins, comme je l'ai expliqué, autant pour les médecins qui sont en GMF que pour les spécialistes, pour assurer qu'on leur donne les bons outils pour les chirurgies puis pour les consultations.

Je veux rappeler rapidement qu'est ce que c'est que le projet de loi? Le projet de loi n° 106, il est clair, c'est que 100 % des Québécois soient pris en charge d'ici l'été 2026. Depuis que j'ai déposé le plan de santé en mars...

M. Dubé : ...2022. On a posé plusieurs gestes pour améliorer l'accès, puis je vais en nommer juste quelques-uns. On a élargi le champ de compétences des IPS puis des pharmaciens, on a fait de nombreuses cliniques IPS, on a mis en place le GAP, qui est de l'inscription collective, on a modifié les contrats de GMF puis on a établi un rapport sur la simplification des PREM. Mais, force est de constater, M. le Président, que, malgré tous les efforts qui ont été déployés, l'accès aux soins demeure insuffisant pour la médecine familiale. Par exemple, la mise en place du GAP a permis, pendant un certain temps, d'augmenter la couverture des Québécois : 85 %. Mais, depuis ce temps-là, c'est la prise en charge individuelle des médecins qui a baissé. Donc, on a... on n'a pas gagné de ce côté-là. Puis, encore une fois, je vous donne l'exemple pour les spécialistes, on a encore 900 000 Québécois qui sont en attente d'un rendez-vous pour un spécialiste. On ne peut pas accepter ça pour la population. Donc, ce que ça veut dire, c'est qu'on reste avec un besoin d'aller plus loin, d'où le besoin du projet de loi n° 106.

Et je rappelle, M. le Président, que le projet de loi n° 106 a deux volets. Premièrement, c'est de revoir et simplifier le mode de rémunération pour les médecins de famille, mais aussi pour instaurer des résultats qui sont attendus pour l'ensemble des médecins.

Vous me dites combien qu'il me reste de temps, s'il vous plaît?

Le Président (M. Provençal) : ...une minute.

M. Dubé : Alors, on a regardé, dans le monde, plusieurs modèles, plusieurs modèles pour être certains que ce qu'on voulait mettre en place était applicable et donnait les bons résultats. Je pourrai y revenir. Mais pourquoi le projet de loi est nécessaire? Parce que, je le répète, ce n'est pas justement uniquement de la négociation qu'on peut faire, mais on a besoin de changer certaines lois. Et, pour changer ces certaines lois là, le... on a besoin d'avoir le projet de loi.

Donc, en conclusion, depuis des années, les médecins ont les avantages d'être traités comme des travailleurs autonomes, mais 100 % des Québécois sont aussi en droit d'avoir accès à un service de santé. Donc, je suis très conscient que, pour certains médecins, ce sont des gros changements. Et d'ailleurs ça fait 50 ans qu'on veut faire ces changements-là. Et je suis confiant, M. le Président, que, grâce à vous puis à l'esprit collaboratif des parlementaires et des personnes impliquées... qu'on peut avoir des constructions... des discussions constructives, pardon. Et d'ailleurs, comme je l'ai souligné avant d'entrer, j'ai appris ce matin que les négos continuent avec la FMSQ. Alors, ça, c'est une bonne nouvelle, M. le Président. Et je le répète, on a un objectif commun. Je conclus en disant : Notre objectif, c'est d'améliorer l'accès, et c'est là-dessus qu'on va travailler.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, M. le ministre.

M. Dubé : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Provençal) : Alors, j'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle et député de Pontiac à faire ses remarques préliminaires pour une durée de trois minutes 36 secondes. À vous la parole.

M. Fortin : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour. Bonjour à tout le monde et incluant les groupes qui se sont déplacés pour être ici ce matin.       D'abord, M. le Président, je dois déplorer une chose, là, d'apprendre via les médias qu'il y a une menace de bâillon sur un projet de loi avant même qu'on en commence l'étude, je trouve ça particulièrement contre-productif. Ça n'aide pas à nos débats, ça n'aide pas... ça n'aide pas à la bonne discussion avec les groupes qui sont ici d'avoir cette menace de bâillon là au-dessus des têtes de tout le monde avant même qu'on commence de discuter du projet de loi.

Ensuite, M. le Président, je suis surpris d'entendre le ministre aujourd'hui parler de discussions constructives, parce que la... depuis qu'il a déposé le projet de loi, c'est exactement le contraire qu'il fait. Moi, je trouve qu'on a devant nous ce matin, là, un gouvernement qui est probablement très heureux, M. le Président, de discuter du mode de rémunération des médecins, qui semble heureux de le faire dans un mode de confrontation plutôt que de discussions constructives, un gouvernement qui semble bien heureux qu'on ne parle pas de son propre bilan en matière de soins de santé aux Québécois, parce qu'on n'est pas... ce matin, on ne parle pas des délais inacceptables en matière de soins préhospitaliers, d'ambulance, on n'est pas en train de parler du temps d'attente dans les urgences, on est en mode, et c'est ce que le gouvernement semblait vouloir, confrontation entre le gouvernement et les médecins sur le mode de rémunération. Mais le mode de rémunération, M. le Président, ça se discute, et on est ouverts à avoir une discussion sur le mode de rémunération, c'est même sain d'avoir une discussion sur le mode de rémunération. Là où on a un problème avec la façon que le gouvernement a amené l'enjeu, c'est qu'il prend toute une catégorie de professionnels de la santé, une seule catégorie de professionnels de la santé, et il lui fait porter le fardeau de sa responsabilité à lui, il se décharge de sa responsabilité, M. le ministre, et... M. le Président, et c'est là qu'on a un problème. Parce que le projet de loi qu'on a devant nous, dans sa forme actuelle, là, il ne fait rien pour diminuer la charge administrative...

M. Fortin : ...de nos professionnels de la santé. Il ne fait rien, M. le Président, pour leur donner des outils supplémentaires. Il ne fait rien pour leur donner une meilleure infrastructure dans laquelle œuvrer. Il ne fait rien, M. le Président, pour s'assurer que la qualité des soins, elle est préservée. Le projet de loi ne fait absolument rien pour améliorer la relation entre le patient et le professionnel de la santé. Le projet de loi ne fait rien pour augmenter la disponibilité des salles d'opération pour des spécialistes, ne fait rien pour augmenter le nombre d'infirmières qui sont à la disponibilité de notre réseau de la santé, et donc, de nos spécialistes ou de nos médecins de famille. C'est un projet de loi qui ne vise qu'à avoir une seule chose, c'est-à-dire une confrontation sur la place publique entre les médecins et le gouvernement, et ça, ce n'est bon pour personne.

Deuxièmement, M. le Président, je trouve particulier d'entendre le ministre dire aujourd'hui... aujourd'hui... En fait, je prends un pas de recul, M. le Président : le gouvernement a dépensé 300 000$ sur un groupe d'experts pour arriver à des recommandations, et, aujourd'hui, ils présentent exactement le contraire de ce que ces gens-là ont présenté, de ce qu'ils ont étudié. Il nous a dit qu'il avait les meilleurs experts et, aujourd'hui, il fait le contraire. Je pense que le ministre de la Santé a des explications à donner à cette commission-là et aux Québécois. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Alors, je vais inviter maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député de Rosemont à faire ses remarques préliminaires pour une durée de 1min 12 s. La parole est à vous.

M. Marissal : Merci. M. le Président. Je fais court dans les salutations que, de toute façon, on va passer quelques heures ici aujourd'hui. Une autre fin de session, un autre psychodrame en santé, une autre querelle avec les médecins. Ça commence à être redondant. En plus, on est sous la menace d'un bâillon qui a été annoncé préventivement par le ministre. Je note qu'il a dit ce matin que ce ne serait pas le cas. On le tiendra responsable de ses propos.

Je constate que ce projet de loi repose beaucoup plus sur le nouvel engagement du gouvernement. Tous les Québécois, Québécoises seront pris en charge d'ici 2026. Comme par hasard, 2026, c'est les prochaines élections. Ça repose beaucoup plus sur ce nouvel engagement du ministre de la Santé que sur un réel plan concerté et négocié en santé. Honnêtement, pour avoir parlé à des dizaines et des dizaines de médecins, dans les derniers jours, là, et je répète, je ne travaille pas pour les médecins, je travaille pour la population du Québec, je pense que le seul médecin, ici, aujourd'hui, heureux de ce projet de loi, c'est notre ami le sous-ministre Dr Bergeron, avec qui on a le grand, grand plaisir de travailler, mais je ne connais aucun autre médecin au Québec qui est d'accord avec ce qui est sur la table. Alors, je demande au ministre, quand même, d'en prendre considération. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. J'invite maintenant le député des Îles-de-la-Madeleine à faire ses remarques préliminaires pour une durée aussi de 1 min 12 s.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Alors, le gouvernement avait promis un médecin pour chaque Québécois. Ensuite, l'automne dernier, il a promis une prise en charge pour l'ensemble des Québécois d'ici 2026. Il nous a annoncé qu'il allait nommer un comité pour mettre en place des recommandations, pour proposer des façons de faire, et, aujourd'hui, il arrive avec un projet de loi pour tenter d'atteindre le même objectif. C'est dire à quel point on a improvisé sur cette thématique-là, depuis déjà sept ans mais plus précisément depuis les six derniers mois.

Ce n'est pas sérieux, M. le Président, d'arriver à deux semaines de la fin de la session en disant : Voici la solution à tous les maux du système de santé, et ça passe par les médecins, et par les médecins, uniquement. Et on va adopter le projet de loi par bâillon, s'il le faut.

Alors, nous, on aurait aimé ça, aborder ce projet de loi avec ouverture, mais il faut le faire également avec nuance. On réprouve la méthode belliqueuse adoptée par le gouvernement jusqu'à présent. Le ton semble avoir baissé, aujourd'hui, il semble rétropédaler sur la question du bâillon. Nous travaillerons, oui, dans un mode collaboratif, mais avec l'idée de transformer les façons de faire et non pas faire porter le blâme sur une catégorie de professionnels ici, au Québec. Merci.

• (10 h 20) •

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, M. le député. Étant donné que les remarques préliminaires sont terminées, on va procéder aux auditions, et je me permets de saluer immédiatement les représentants de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, dont quatre représentants sont ici ce matin, Drs Amyot, Breault, Gaston et Heppel. Alors, je vais céder immédiatement la parole au président, le directeur général, et vous avez 10 minutes pour votre exposé. Merci beaucoup.

M. Amyot (Marc-André) : Merci, M. le Président, membres de la commission. Je vous remercie de nous recevoir. Avant d'être président de la FMOQ, je suis d'abord un médecin de famille. Et la FMOQ, c'est d'abord et avant tout ces médecins de famille du terrain. C'est pour ça qu'aujourd'hui je suis accompagné des docteurs Breault...

M. Amyot (Marc-André) : ...Gaston et Hepell et de nombreux médecins de famille se sont offerts pour venir s'adresser à vous aujourd'hui. Ils souhaitaient venir vous présenter la réalité du terrain, leur réalité. Pas des chiffres dans un tableau Excel, des médecins qui soignent du vrai monde. Pas des pastilles de couleur, des médecins qui ne sont pas différents des autres Québécois engagés envers leur travail, envers leurs patients et qui ont aussi droit à un équilibre travail-vie personnel. Des médecins qui peuvent vivre des situations qui les forcent à réduire leurs activités professionnelles. Des médecins qui, après 35-40 ans de service, choisissent de continuer à travailler à temps partiel plutôt que de prendre leur retraite. Des médecins qui travaillent dans des hôpitaux qui savent à quelle heure ils commencent et qui ne savent jamais à quelle heure ils finissent, qui assurent des gardes de jour, de soir, de nuit, de fin de semaine, qui enseignent à nos futurs médecins, qui font 30 000 accouchements par année, qui font des soins à domicile, de l'aide médicale à mourir, de l'urgence, du CHSLD. Il faut cesser d'évaluer le travail des médecins de famille uniquement sur la base des rendez-vous effectués en clinique, car on néglige alors tout un pan moins connu de leur travail.     Aujourd'hui, je limiterai mes interventions pour vous laisser échanger avec ces médecins du terrain. J'espère que vous pourrez mieux comprendre leur réalité. Quand le ministre de la Santé nie la pénurie de médecins de famille, qu'il nie les conclusions de ses propres experts, quand le gouvernement s'entête à utiliser des données erronées et n'arrive pas à assumer les obligations financières et permettre le travail interprofessionnel, quand la priorité des dernières années a été d'embaucher 3 000 gestionnaires additionnels au ministère de la Santé, créer Santé Québec, pas surprenant qu'on en arrive à proposer le p.l. n° 106. Quand on fait le mauvais diagnostic, on arrive inévitablement aux mauvais traitements. Pour ceux qui connaissent la réalité du terrain, il est clair que ce projet de loi là ne vise pas à améliorer l'accès aux soins. Le gouvernement l'a dit, il veut que ça brasse. Les médecins de famille le répètent, ils veulent que ça marche. Je passe la parole à Dre Breault.

Mme Breault (Pascale) : M. le Président, membres du comité, j'ai lu chaque ligne du p.l. n° 106 puis je ne comprends pas le remède que le gouvernement nous sert. En fait, la seule affaire que je comprends en lisant ce projet de loi là, c'est que, loin, très loin du plancher des patients, là, dans les bureaux du ministère de la Santé à Québec, bien, on ne comprend pas fondamentalement c'est quoi, la médecine familiale, on ne comprend pas ses défis puis on ne comprend pas ses besoins.

Je comptabilise personnellement annuellement plus de 300 jours de travail RAMQ, pas juste au bureau, c'est vrai, j'enseigne, je forme la relève, je soigne des patients à domicile, j'aide des Québécois à mourir dignement puis je fais de l'hôpital aussi, pas mal à part de ça. L'automne dernier, on a perdu 30 % de nos effectifs médicaux, le tiers des docteurs. Avec d'autres collègues, on a relevé nos manches et on a doublé nos gardes, des gardes de sept jours de 24 heures chacun. On l'a fait pour soigner nos plus malades et éviter qu'ils attendent trop longtemps sur des civières à l'urgence, mais je ne peux pas être à deux places en même temps.

À ce stade-ci, je pense que c'est important de rappeler que c'est François Legault, il y a 23 ans, qui a forcé des médecins de famille à coups d'huissiers puis de subpoena à partir des cliniques pour aller dans les hôpitaux. Puis là, on est tous assis ici, 23 ans plus tard, à commissionner pour utiliser ou considérer un traitement similaire pour un symptôme puis un problème qui n'est toujours pas réglé. J'ignore par ailleurs comment ça clique au niveau comptable avec le p.l. n° 106, parce que, je vous dis, ça ne passe pas le test de la réalité.

Par exemple, dans mon RLS d'Hochelaga-Maisonneuve, on est 34 médecins répartis dans deux GMF. Il n'y a pas d'autres cliniques, mais il y a malheureusement 25 738 patients orphelins encore. Si le p.l. 106 est adopté, mon équipe devra supporter 16 000 patients additionnels. Actuellement, on a soin de 13 000 patients, on le fait bien puis on respecte nos obligations, nous, on ne peut pas en dire autant du ministère. Il nous manque deux infirmières, une ergo, notre travailleuse sociale est en absence non remplacée depuis plusieurs semaines, notre CLSC ferme ses portes le week-end, empêchant des patients... de faire entrer des patients, alors que nous, on fait du sans rendez-vous tout seul au deuxième étage. Ça fait qu'elle est où, la responsabilité puis l'imputabilité du gouvernement dans l'accès à la première ligne?

Ceci dit, là où je suis vraiment inquiète, c'est le genre de médecine qui attend mes patients. Les données scientifiques sont claires là-dessus, quand on priorise le volume, le temps de consultation diminue puis la qualité aussi. Puis, systématiquement, c'est les plus vulnérables qui en paient le plus gros prix. Que vous brassiez vos médecins, c'est déjà ordinaire, mais moi, je ne commencerai pas à brasser mes patients pour contenter votre bilan. Oui, la santé, c'est une responsabilité collective, mais quand on veut que ça marche, on ne se donne pas juste des objectifs, on se donne des moyens, puis le p.l. n° 106, ça n'en est pas un, ça ne concorde avec aucun des objectifs que vous avez donnés en début de commission, M. le ministre. Ça fait qu'avant de contrôler la médecine familiale, M. le Président, je suggère qu'on commence d'abord par la comprendre.

Mme Gaston (Isabelle) : Bonjour, je suis Dre Isabelle Gaston. Moi, je travaille en CLSC, je fais des suivis, un peu de soins à domicile, du bébé jusqu'à la fin de vie, je ne laisse tomber personne. J'ai tenu à être ici aujourd'hui...

Mme Gaston (Isabelle) : …pour représenter les milliers de médecins qui, comme moi, ont réduit leurs heures de travail, mais qui tiennent à rester auprès de leurs patients pour en prendre soin malgré leurs restrictions.

Le discours du gouvernement est blessant, voire très enrageant. Insinuer qu'on est paresseux, ce qui veut donc dire qu'on éviterait l'effort, c'est très mal connaître les médecins de famille du Québec. Pire encore, ce serait de notre faute, la gang des paresseux, s'il y a 1,7 million de gens qui n'ont pas accès au système de santé. Vous savez, des fois, on ne choisit pas nos épreuves. Quand tu es moins sharp comme docteur, tu n'as pas grand choix. Soit que tu t'en vas tranquillement, soit que tu prends ta retraite ou soit que tu es invalide. Mais quand tu as un cœur, tu te dis : Je vais en prendre moins, je vais ralentir… excusez, mais je vais le faire bien. Juste de penser que, par ma faute, tous mes collègues pourraient être pénalisés de 25 % de leur rémunération, je trouve ça inhumain. Puis franchement, je n'ai pas besoin de ça.

On me dit à temps partiel, mais finalement je me suis mis à compter mes heures puis mes tâches. Savez-vous quoi? Je dépasse souvent et très aisément ce qui est considéré comme un temps plein au Québec. Chaque heure compte, mais pas pour le système logiciel de la RAMQ. Ça ne vous surprendra pas, comme n'importe quel autre système informatique au Québec, ce système-là est très imparfait. Il ne comptabilise pas tout. Dois-je vous rappeler qu'il y a 22 % des médecins qui ont plus de 60 ans? Avant, je ne pensais jamais à ma retraite. Là, je trouve que j'y pense bien trop souvent pour un médecin qui a juste 52 ans. Moi, j'étais infirmière en 1997-1998 quand le gouvernement, il n'a jamais considéré que les infirmières étaient tant écoeurées qu'ils se prévaleraient d'une retraite anticipée, ça a fait couler le bateau puis je pense qu'on a encore de la misère à remonter à la surface.

La menace de couper davantage, moi, pour moi, ça ne me dérange pas, mais de pénaliser mes collègues par ma faute, ça me démoralise. Je suis un docteur, je prendrai toujours le temps qu'il faut pour traiter le patient, pour lui donner le soin qu'il a besoin et non pas pour rentrer dans une statistique de rendement. Comment vous faites mathématiquement pour faire équivaloir que 25, 30, 35 heures de soins humains, réfléchis et respectueux, ça vaut moins que zéro, peu importe la raison pour laquelle tu ralentis, moi, je trouve que c'est sage. Parce qu'au final, on veut des soins sécuritaires puis des bons soins pour les Québécois.

Avec ce projet de loi là, c'est la seule raison pourquoi je suis venue ici, je m'inquiète pour mes patients les plus vulnérables, c'est-à-dire les personnes âgées, les handicapés, les déprimés, ceux qui sont moins outillés, quoi. Inévitablement, ils vont être tassés parce qu'on va miser sur le volume plutôt que les soins qu'ils ont besoin. Là où on présume qu'on est paresseux, moi, je vois des humains qui, comme moi, font leur possible pour offrir des soins de qualité, à défaut d'un temps plein, à tous les Québécois, à des milliers de Québécois, en fait.

M. Heppell (Benoit) : Bonjour, je suis docteur Heppell, j'ai un point en commun avec le ministre Dubé, j'adore les statistiques. Je tiens des statistiques sur ma clientèle depuis des années, ma performance, la consommation de soins, les coûts, la pertinence. Il y a une statistique qui se démarque, 50 % des rendez-vous que je fais en première ligne annuellement pourraient être faits par un autre professionnel, 50 %. À moi seul, c'est 650 rendez-vous que je pourrais offrir à des patients sans médecin de famille qui ont besoin de voir un médecin. C'est d'ailleurs des infirmières qui peuvent faire ça, travailleuses sociales, psychologues, nutritionnistes, etc., physiothérapeutes. Et c'est ces gens-là qui peuvent nous aider.

C'est d'ailleurs la recommandation du groupe d'experts mandatés par le gouvernement d'augmenter l'accès à ces professionnels. Malheureusement, en première ligne et en GMF, l'accès à ces professionnels-là est insuffisant. On veut bien collaborer, mais ils sont en nombre insuffisant.

Autre statistique intéressante, ce week-end est sortie une étude encore une fois commandée par le gouvernement, sortie par les hautes études commerciales, qui affirme que les médecins de famille travaillent en moyenne 37 semaines par année. Ils sont 15 semaines dans une espèce de trou noir. On ne sait pas ce qu'ils font. Je suis retourné à mes chiffres ce week-end, mes données de facturation, mes agendas, et moi aussi, j'arrive au même calcul. Je passe 37 semaines complètes à 40 heures semaine en temps clinique avec mes patients. Je suis 15 semaines dans un trou noir comme les autres. Imaginez que, sur ces 15 semaines, j'ai effectivement pris quatre semaines de vacances où en général, je travaille un peu quand même. J'ai passé quatre semaines complètes à raison de 40 heures par semaine, seul devant mon ordinateur, à faire de la paperasse. Un mois complet dans une année. J'ai fait de l'enseignement, j'ai fait de la gestion, j'ai fait de la formation continue. J'ai travaillé à temps plein toute l'année, mais la RAMQ pense que je ne travaille pas presque quatre mois par année.

• (10 h 30) •

Je vous laisse sur une citation de l'étude publiée à la demande du gouvernement en fin de semaine : « L'objectif n'est pas uniquement de mesurer la performance, mais aussi de favoriser une compréhension commune de la pratique médicale et de son évolution. C'est en construisant cette compréhension commune que les différents acteurs pourront ensemble apporter des changements significatifs au bénéfice d'une population dont les besoins ne cesseront de croître dans les prochaines années. Il est temps de prendre les bonnes décisions.»

Le Président (M. Provençal) : Merci… Merci beaucoup. Je m'excuse de vous interrompre. Le temps était écoulé…


 
 

10 h 30 (version non révisée)

Le Président (M. Provençal) :...alors nous allons procéder immédiatement aux échanges. Alors, M. le ministre, je vous cède la parole pour 16 minutes 30 secondes.

M. Dubé : Bien, écoutez, M. le Président, merci beaucoup. Je vais essayer de profiter au maximum de mon temps. Puis merci beaucoup à vous quatre d'être là aujourd'hui, même si les choses dites ne sont pas toujours agréables. Je comprends que c'est votre rôle de le faire puis je le respecte beaucoup. C'est... On est dans une société qui se veut de dire les vraies choses, en autant que ce soit fait correctement.

Moi, j'aimerais peut-être, Dr Amyot, vous amener sur un document que je vais déposer pour qu'il soit officiellement reconnu, c'est une présentation que la FMOQ a faite aux gens du ministère en 2023, et je voudrais vous rappeler... où j'ai certaines surprises au cours des dernières semaines ou des choses qui ont été suggérées par la FMOQ, entre autres, qui étaient la base de ce qu'on a fait comme projet de loi, la base de ce qu'on veut faire comme première ligne, des changements qu'on veut faire. Dans ce document-là, vous avez fait des commentaires, vous avez fait des recommandations, qui aujourd'hui semblent ne plus être les bonnes. Alors donc, je veux essayer de comprendre, qu'est-ce que vous avez dit en 2023 puis qui n'est plus applicable aujourd'hui, qu'est-ce qui est arrivé.

Ça fait que je vous donne des exemples. Sur la question de la performance, je prends la page 61 de votre présentation, puis là, je vous dis, on revient en 2023, là, c'est au moment où... la fin de l'entente avec les médecins, et ça dit ici qu'il serait tout à fait normal qu'en clinique de première ligne il y ait la nécessité d'avoir des indicateurs de performance de l'accès. C'est... C'est très clair, c'est très clair dans votre présentation. Puis je vais y aller parce que, comme je n'ai pas beaucoup de temps, je veux juste aller en rafale, puis, si jamais vous n'avez pas le temps de répondre aujourd'hui, on pourra répondre dans les négociations, j'espère, qui reprendront.

Sur l'inscription collective, vous avez dit, sur l'inscription collective, qu'elle devrait être pour tous les patients. Puis je vous rappelle que l'inscription collective, c'est ça qui nous a guidés pour faire le GAP. Parce que, le GAP, on avait dit que c'était quelque chose de temporaire et que ça permettait, même s'il n'y avait pas toujours le médecin de famille disponible, de le faire. Et donc, pour vous, tous les patients seraient inscrits collectivement. C'est la recommandation que vous faisiez, ça, en 2023.

Sur la question... Puis ça, c'est à la page 45 de votre document. Sur la prise en charge des vulnérables, vous avez dit à ce moment-là, puis là je vais lire exactement pour être sûr, là, que «l'inscription collective peut se faire par la fidélisation d'un groupe de patients à un groupe de pratique». Puis, un peu plus loin, on dit : «la fidélisation professionnelle pour les patients vulnérables». Alors, aujourd'hui, quand on dit, entre autres, que non seulement il est important de prendre 100 % des Québécois, mais particulièrement pour les clientèles vulnérables, moi, je pense que c'est exactement ce que vous nous recommandiez en 2023, et qui, encore une fois, je le dis, a servi à faire...

Et, sur la rémunération... puis là c'est ça qui est vraiment intéressant, sur la rémunération, vous avez dit, vous êtes d'accord avec le mode de rémunération qui est proposé. Alors, vous avez dit, à la page 63, que «la rémunération devrait être à capitation avec un forfait horaire et à l'acte». Donc... Puis je pourrais passer à peu près une dizaine de pages comme ça, où les recommandations que vous avez faites en 2023, on s'en est servi, ils ont discuté... vous avez discuté avec le ministère, puis aujourd'hui vous me dites : Moi, je ne suis pas capable d'être aux tables de négociation parce que ça ne représente pas ce qu'on a proposé. Ça fait que qu'est-ce qui est arrivé entre la présentation de 2023 puis aujourd'hui?

M. Amyot (Marc-André) : On était dans un climat de collaboration, puis force est de constater que la collaboration ne s'est pas poursuivie. On a toujours été d'accord. D'ailleurs, quand on dit : On veut que les médecins de famille soient à capitation, il y a déjà 40 % de la rémunération des médecins de famille qui est versée sous forme de capitation. Alors, ce n'est pas vrai de dire qu'on n'est pas ouverts à revoir le mode de rémunération.    Maintenant, on n'a jamais parlé de désinscrire des patients, alors qu'à la table de négociation, le dernier dépôt du gouvernement, c'est encore ça, là, on vit encore avec ça. Puis, même si on dit : Non, non, non, on l'a affirmé qu'on ne désinscrirait pas des patients, bien, c'est avec ça.

Le Président (M. Provençal) : Merci.

M. Amyot (Marc-André) : Alors, si vous nous dites : On va aller à la table de négociation, bien, il faudrait que ça soit sérieux, ce qui nous est déposé à la table de négociation.

Le Président (M. Provençal) :M. le ministre.

M. Dubé : Bien, écoutez, je vais... je vais le redire, Dr Amyot, avec tout le respect que j'ai pour vous, l'article 4 est très clair qu'il n'y a pas personne qui a un médecin de famille en ce moment qui va perdre son médecin de famille, soyons très clairs là-dessus...

M. Dubé : ...et tout ce qui est dit autrement n'est pas exact, n'est pas exact.

M. Amyot (Marc-André) : C'est ça. Donc, je comprends que le projet de loi a préséance sur la négociation.

M. Dubé : Bien...

M. Amyot (Marc-André) : Donc, quel est l'espace de négociation que nous avons?

M. Dubé : Dr Amyot, moi, ce que j'ai dit, puis c'est toujours comme ça qu'on a travaillé, puis on a fait ensemble le projet de loi n° 11, on a fait plusieurs projets de loi, lorsqu'on dépose un projet de loi, puis là je vous le dis, ça fait deux ans, là. Ça fait deux ans. Je sais que vous ne voulez pas dire qu'on a travaillé ensemble, mais c'est...

M. Amyot (Marc-André) : ...ensemble, le projet de loi n° 11.

M. Dubé : O.K. C'est beau. C'est beau. Alors, vous parlez de collaboration, là. Moi, je vous dis qu'on a fait le travail avec vous. On n'arrive peut-être pas toujours au même résultat souhaité, mais on est arrivé à des résultats. Je veux vous dire qu'en ce moment, il y a des principes qui sont dans le projet de loi. Il y a des principes très clairs, une simplification de la rémunération et une prise en charge qui tient compte de certaines cibles. Bon, vous me dites... Vous ne me dites pas ce que vous allez changer comme idée, mais je vais revenir sur la question de... Quand vous dites la question de la rémunération, que vous êtes d'accord avec... Mais je vous ai dit aussi puis il y a dans le rapport des HEC, puis je veux en parler, parce que ça, c'est un petit peu l'éléphant dans la pièce, là, puis je parlerai un petit peu plus tard, parce qu'on va avoir des gens de... les trois personnes qu'on a invitées, là, le Dr Groulx avec Mme Breton et Mme... Dre Boulanger, on aura la chance de les écouter. Ça fait que je vais prendre le temps à ce moment-là.

Mais sur le rapport des HEC, puis ça, je pense que le docteur... En fait, le... Pas le docteur, mais le professeur a fait un très bon travail, c'est qu'il a dit, puis je pense qu'il était capable de trouver un équilibre. Puis d'ailleurs le docteur l'a dit tout à l'heure, il y a peut-être un trou noir entre le temps qui est mis à la prise en charge et le temps qui est mis ailleurs. Est-ce que c'est pour, par exemple, des activités de recherche, d'enseignement? Le rapport des HEC est très clair là-dessus. Bon. Mais en même temps, je pense que ce qui est important, puis ça, moi, je l'ai dit, que j'étais d'accord avec ça, puis c'est quand les négociations vont continuer cet été, d'être capable de mieux comprendre où est le temps qui est mis par certains médecins. Parce que vous, je prends très bien votre exemple. Vous avez l'air d'avoir un très bon contrôle de votre agenda. C'est très bien. Mais je voudrais savoir est-ce que c'est tout le monde qui est comme ça? Est-ce qu'il y en a, par exemple, qui prennent plus de congés que d'autres? Moi, je ne veux pas rentrer dans ce débat-là, mais je sais une chose qui, en ce moment, est importante, que ce qui est important, c'est la prise en charge.

Moi j'ai beaucoup de respect pour ceux qui font de la recherche, qui font de l'enseignement, qui font d'autres choses, mais le Québécois, qu'est-ce qu'il a besoin, lui, c'est la prise en charge. C'est ça qu'il a besoin pour être capable de faire... Donc, pour nous, ce qu'on va faire dans les prochaines semaines, parce qu'il y a une zone d'ombre, puis je la reconnais, puis le professeur des HEC nous a dit : Allez voir qu'est-ce qu'il en est. Ça fait qu'on va trouver les bonnes personnes pour le faire. Puis je pense d'ailleurs que les DRMG devraient être dans ça. Je voulais juste le mentionner parce que je reviens à chaque fois. Ce n'est pas de travailler plus fort, c'est d'être capable de travailler différemment. J'ai donné des exemples tout à l'heure.

Maintenant, sur la simplification de la rémunération, je vous ai dit qu'il y avait deux objectifs au projet de loi. Le premier, c'est la simplification. Ça fait des années que c'est demandé. Vous me l'avez dit, c'est compliqué, il y a beaucoup trop d'actes, c'est compliqué. Vous avez même une agence de facturation qui est la propriété de la FMOQ. Vous avez investi de l'argent de vos membres pour être capables d'avoir une agence de facturation. Moi, je veux juste vous demander avez-vous avantage à ce qu'on simplifie la facturation si vous avez investi dans cette compagnie-là?

M. Amyot (Marc-André) : Ça n'appartient pas à la FMOQ, ça appartient à la... au fond FMOQ.

M. Dubé : Le fonds FMOQ.

M. Amyot (Marc-André) : Moi, je veux juste revenir. On parle de simplification...

M. Dubé : Mais non, mais je veux juste savoir. Avez-vous avantage à ce qu'on simplifie?

M. Amyot (Marc-André) : Tout à fait. O.K. Ce projet de loi là, il est loin de simplifier, là. Quand je prends la page 17, la régie peut imposer des sanctions administratives pécuniaires au professionnel qui, dans le relevé d'honoraires quil soumet à la régie, indique un diagnostic qui ne correspond pas à celui documenté dans le dossier de la personne assurée. Dr Heppell, c'est quoi ces diagnostics-là? Vous allez voir comment de n'est pas si simple que ça.

• (10 h 40) •

M. Heppell (Benoit) : Je me suis amusé encore une fois à dire si je vois un patient qui a chuté, dans les choix que la RAMQ m'offre pour déclarer le diagnostic, voici les choix. Est-ce que c'est une chute de plain-pied due à la glace et la neige, une chute de plain-pied résultant de glissade, faux pas et trébuchement? Est ce que ça implique des patins à glace, des skis, des patins à roulettes, à roues alignées, planche à roulettes, planche à neige, en luge, peut-être? Est-ce que ça implique d'autres équipements de sports que je devrais préciser sur ma facturation? Est-ce que c'est... Est-ce que la personne était soutenue ou portée par une... par un tiers, dans un bain ou près d'un bain, dans une douche ou près d'une douche, à l'aide d'une...

M. Heppell (Benoit) : …d'un lit, d'une chaise, d'un fauteuil roulant. Est-ce que c'est une chute d'une échelle, d'un échafaudage? Est-ce que c'est une chute du haut ou à travers d'un bâtiment ou d'un autre ouvrage? Est-ce que c'est une chute d'un arbre?

Le Président (M. Provençal) : Merci.

M. Dubé : …ce que je trouve intéressant, là, est-ce que vous me parlez d'un article spécifique du projet de loi?

M. Amyot (Marc-André) : L'article 16, pages 17, 38.0.15.

M. Dubé : Oui, mais ce que je vous dis, là, c'est qu'il y a des éléments… puis l'ai dit tout à l'heure. Je l'ai dit, il y a des éléments du projet de loi qui sont des principes, une simplification des honoraires, la facturation. Non, mais je veux juste terminer. Je vous respecte beaucoup, Dr Amyot, ça fait des années qu'on travaille ensemble, vous et moi, je veux juste dire : Il faut faire la différence entre des détails, des moyens et des principes. Moi, ce que je vous demande : êtes-vous en accord avec la simplification de la rémunération des médecins? Êtes-vous en accord avec ça?

M. Amyot (Marc-André) : On va se dire… vas-y, Dr Heppell.

M. Heppell (Benoit) : Je vais parler, je ne suis pas… Je suis membre de la FMOQ, mais je ne suis pas... Je ne suis pas la FMOQ. Je vous réponds comme médecin terrain.

M. Dubé : vous êtes un médecin… vous êtes un médecin terrain. Ça, j'aime ça quand vous dites ça.

M. Heppell (Benoit) : Ce que je souhaite de ma fédération et du gouvernement, c'est qu'ils discutent, qu'ils négocient pour reparler de négociation. Ça, c'est clair.

M. Dubé : Hé! Ça, je suis content d'entendre ça.

M. Heppell (Benoit) : Et ça, vous le ferez entre vous, moi, ça, ça ne me concerne pas. Par contre, on parlait tantôt d'indicateurs, d'enseignement, etc. Je pense que personne n'est contre les indicateurs sur lesquels on a du contrôle. Moi, je les fais mes indicateurs. Je peux vous dire le temps moyen pour avoir un rendez-vous avec moi, je peux vous dire combien ont rendez-vous dans la journée, combien en rendez-vous dans les 24 heures, parce que j'ai du contrôle là-dessus, je suis capable d'organiser mes horaires. Je m'assois avec la secrétaire, on est capable de faire ça.

Par contre, je ne contrôle pas mes collègues et je ne contrôle pas, par exemple les professionnels avec qui vous voulez je collabore, M. le ministre. Alors ça, quand on a une travailleuse sociale ou une infirmière qui part en maladie qui n'est pas remplacée, je n'ai pas le contrôle. Et si elles sont capables, ces gens-là, de voir 50 % de mes patients, ça me revient sur les épaules.

M. Dubé : Puis ce qui est intéressant de ça, puis je vais vous donner un exemple, c'est… puis je suis tellement d'accord avec vous. C'est pour ça que j'insiste que durant l'été, j'espère que le syndicat qui vous représente va être aux tables pour discuter. C'est ça, mon objectif. Maintenant, sur la question de votre personnel, sur laquelle vous avez contrôle, on a modifié le programme des GMF. Vous êtes au courant, là, puis on a dit : Vous allez pouvoir remplacer des gens qui vous étaient fournis par le gouvernement, les infirmières. Vous allez avoir les sommes nécessaires pour les engager vous-mêmes. Ça, c'est un changement, là, qui est fait, là. Alors donc, de dire qu'on n'a pas fait… on n'a pas pris les mesures pour simplifier ou pour vous donner les outils nécessaires… On est en train de le faire. Moi, ce que j'ai beaucoup de difficulté, puis on reconnaît le même problème, vous et moi, c'est que c'est difficile d'avoir ce climat de discussion là aux tables. Parce que si à chaque fois on dit : Bien, moi, ça me prend x pourcentage d'augmentation, sans ça, je ne continue pas à discuter, ce n'est pas comme ça qu'on va avancer, là.

M. Heppell (Benoit) : …médecin, puis je vais parler encore comme médecin de terrain…

M. Dubé : S'il vous plaît, oui.

M. Heppell (Benoit) : Ce qu'on veut, c'est le juste prix, là. Et puis on peut en parler, d'argent. Moi, s'il y a une chose sur laquelle je peux être extrêmement transparent, c'est l'argent. Alors, si ça vaut 1 $, donnez-moi 1 $. Si ça vaut 1 $, donnez-moi pas 5 $, mais donnez-moi pas 0,25 $, non plus. Il faut statuer sur le juste prix. Et comme travailleur autonome, qui n'est pas un employé de l'État, qui n'a pas de fonds de pension, qui n'ont aucun avantages sociaux, moi, je peux vous dire le chiffre, là, vous… ça va vous impressionner. Moi, si les citoyens avaient à payer ma prestation de médecin en première ligne au complet, mes patients auraient à payer chacun 17,71 $ par mois. Et ça comble l'ensemble de ma rémunération. C'est moins qu'un abonnement Netflix, là, c'est ma valeur comme médecin de famille. Et j'offre le service parfois…

M. Dubé : …avant TPS, peut-être. Écoutez, je vais continuer, parce que vous avez l'air de connaître vos chiffres pas mal. Je vais vous parler des frais de cabinet. Les frais de cabinet qui sont donnés aux médecins lorsqu'ils sont en clinique, comme vous l'êtes, c'est 30 %, hein? On dit : un médecin, s'il pratique en clinique, on lui donne 30 % de majoration de ses honoraires pour qu'il puisse donner à la clinique les revenus nécessaires pour être capable de payer les différents professionnels ou le personnel administratif. Moi, ce que j'entends sur le terrain, c'est qu'il y a une grande majorité des médecins qui ne paient pas le 30 % et qui le gardent en partie pour eux. Est-ce que vous avez déjà entendu ça?

M. Heppell (Benoit) : Je peux me permettre de répondre, mais je vais laisser la place à mes collègues. Ce que j'entends de mes collègues, moi, je suis en CLSC, je n'en paie pas de… Le 17,71 $ devrait être majoré de 30 %, si j'étais en cabinet, ce que j'appelle le GMF en haut de la pharmacie. Ce que j'entends, c'est que ces gens-là aussi, ils ont des augmentations de loyer. Le personnel coûte plus cher, et c'est de plus en plus difficile. O.K. c'est ce que j'entends… ce que j'entends… est-ce que j'en entends qui se disent : Wow! avec l'argent qu'on me donne, je me mets ça dans les poches, là, personne, là… ce n'est jamais… ça, là, c'est une vue de l'esprit…

M. Dubé : ...ce n'est pas ça, ma question. Ma question, c'est qu'il y a une entente entre le gouvernement et les médecins de dire, pour faciliter votre travail en GMF, on augmente vos frais, on augmente la tarification de 30 %. Puis ce que j'entends, c'est qu'il y a des médecins qui gardent cet argent-là pour se payer de la rénumération et que l'argent ne va pas aux GMF. Alors, Dr Amyot, est-ce que vous entendez ça, vous?

M. Amyot (Marc-André) : Ça va me faire plaisir de répondre à cette question-là...

Le Président (M. Provençal) : ...minute, Dr Amyot.

M. Amyot (Marc-André) : ...mais c'est de simplifier bien trop l'enjeu de la rémunération et des frais de cabinet. Moi, ce que je vous propose aujourd'hui, hein, puis je n'ai pas peur de justifier ces arguments-là... confions ça à un arbitre, hein? Dr Heppel disait : On veut... les médecins de famille souhaitent être payés, pas plus, pas moins. Moi, je n'ai pas peur des chiffres que j'avance sur la place publique. Alors, confions ça à un arbitre, justement, pour maintenir cette collaboration essentielle là, pour améliorer les services à la population.

M. Dubé : Il reste combien de temps? Il reste 30 secondes.

M. Amyot (Marc-André) : Et ça, ça existe en Ontario, ça existe dans plusieurs autres provinces au Canada.

M. Dubé : O.K. Alors, j'aurais aimé ça, M. le Président, puis, s'il me reste 30 secondes, de... vous donner... Parce que vous avez donné beaucoup de cas de médecins qui ne sont pas contents. Moi, je profiterai des autres rencontres durant la commission pour parler des patients qui ne sont pas contents, puis qui ne sont pas capables de voir un médecin de famille, puis qui ne sont pas capables d'avoir un rendez-vous parce que ça fait des années qu'ils sont sur une liste d'attente. Ça fait qu'on pourra profiter des autres rencontres pour faire ça aussi.

Mme Gaston (Isabelle) : Comme Dr Heppel, comme plusieurs membres de notre famille.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Alors, je vais maintenant céder la parole au représentant de l'opposition officielle. M. le député de Pontiac, à vous la parole pour 9min 54 s.

M. Fortin :Merci, M. le Président. Bonjour à vous quatre. Merci d'être là. D'abord, je veux juste dire au ministre, là, et... moi aussi, j'en connais beaucoup, des patients qui ne sont pas très heureux de ne pas avoir d'accès, mais je ne connais pas beaucoup de patients qui disent que c'est la faute du docteur Gaston ou la faute du docteur Heppel ou... Je connais des patients qui disent, par exemple : C'est le ministre de la Santé qui m'avait promis ça. C'est le ministre de la Santé qui m'avait promis 90 minutes à l'urgence. C'est le ministre de la Santé qui avait promis qu'il y aurait un hôpital chez moi. C'est le ministre de la Santé, c'est son bien à lui qui est dans la tête du monde ces jours-ci.

Autre chose, juste juste avant d'écouter les gens de la FMOQ, là. Quand le ministre de la Santé parle des ententes qui ne sont pas respectées, là, moi, dans ma région, il y a GMF qui parle de fermer ses portes parce que le ministre de la Santé ne respecte pas son entente qu'il a signée avec le GMF pour payer les frais... les frais de loyer liés aux IPS. Ça, c'est la réalité dans ma région, M. le Président. Alors, moi, j'ai entendu, je vous ai entendu, tantôt, docteur, dire : Il faudrait prendre... pour arriver aux objectifs du gouvernement à travers le projet de loi, il faudrait prendre 16 000 patients additionnels dans ma clinique, 16 000 patients additionnels, là. Si, du jour au lendemain, là, votre clinique doit prendre 16 000 patients additionnels, ça veut dire quoi, en termes de qualité des soins, pour les patients que vous avez aujourd'hui?

Mme Breault (Pascale) : Ça veut dire que c'est illusoire de faire... penser que ça va pouvoir se faire. Nous, présentement, on en a 13000. Ça veut dire qu'on doit plus que doubler, puis déjà on n'arrive pas à avoir une stabilité dans nos professionnels qui nous soutiennent. Déjà, il faut rappeler que les ratios GMF sont largement inférieurs à ce qu'ils devraient. On n'est pas... théoriquement, là, la littérature nous dit qu'on devrait avoir deux, trois, quatre fois plus de professionnels en appui de la pratique d'un seul médecin, versus ce qu'on a actuellement, où est-ce qu'on est quatre médecins pour un professionnel. J'ai un physiothérapeute pour 13 000 patients. Demain matin, on m'ajoute 16 000 patients, quelle qualité de soins je vais pouvoir leur offrir?

 Ce que je sais, certainement, c'est que ça va être 16 000 rendez-vous qui vont probablement être vus par un médecin, alors que ce n'est pas de ça dont les patients ont besoin. Ces 16 000 rendez-vous là vont appuyer une pression. Il faut voir qu'on n'a ni les infrastructures, ni les locaux, ni le personnel, actuellement, pour accueillir ça, ça fait que... Ensuite, de ça, on ne peut pas se dédoubler, puis moi, je ne peux pas être à deux endroits en même temps, comme je l'ai expliqué tantôt.

• (10 h 50) •

Puis moi, je suis responsable d'un volet très particulier puis fort important pour la continuation du système de soins de santé : la formation des résidents. Former un résident, là, ça ne se fait pas en claquant des doigts, puis contrairement à ce qu'on pense, ils n'arrivent pas déjà tout faits, en modèle commandé par Amazon, là. Il faut investir du temps, il faut leur donner de la rétroaction, puis ça, c'est de la qualité de soins qui se bâtit puis qui se construit dans le temps. Mais ça prend, justement, du temps. Puis les patients, ils l'apprécient, ils le prennent, ils acceptent de collaborer avec des médecins résidents. Il faut donner aux superviseurs le temps de pouvoir les former.

Mais là, actuellement, le climat autour de tout ça, si on met la pression du nombre d'un côté... D'abord, dans le projet de loi n° 106, parce que, depuis tantôt, on parle de plein de choses, mais on ne parle pas de 106 beaucoup, mais... si on regarde, est-ce que 106 va aider les objectifs qu'on met partout? Clairement pas. Mais si on regarde ce que 106 va faire, 106 ne touche aucunement à l'enseignement puis à la formation des médecins résidents...

Mme Breault (Pascale) : ...puis, clairement, le climat de... qu'on a présentement, ça nuit à la valorisation de la médecine de famille. Dans mon allocution, je parlais du fait qu'on ne comprend pas la médecine familiale. Bien, déjà, il faut savoir comment former la relève puis comment on y fait de la place, puis ça, il n'y a rien qui est réservé dans 106 pour ça. Ça fait que moi, je trouverais ça vraiment génial que, dans le temps de la commission, on regarde vraiment ce que le projet de loi nous dit puis on essaie de voir si le projet de loi, il fitte vraiment avec ce que le ministre nous dit tantôt, parce que, moi, ce que j'entends, ça va d'un côté, mais ce qu'il y a dans le projet de loi, ça va de l'autre, puis c'est juste sur les épaules des médecins, alors que la première ligne, ça devrait reposer sur un système, dont le gouvernement, ultimement, est responsable, mais qu'on porte tous ensemble pour le bien des Québécois.

M. Fortin :Moi, je vous avoue, là, quand le... quand on a discuté mardi il y a trois semaines, je crois, du rapport d'experts qui a été déposé, le ministre nous a dit... en fait, il n'avait pas été déposé à ce moment-là, le ministre nous a dit : Moi, j'en ai une copie, on va la déposer à la commission, vous allez voir, là, vous allez aimer ça. Ça, c'est les mots du ministre, là : Vous allez aimer ce qu'il y a dans le rapport d'experts. Effectivement, on aime bien ce qu'il y a dans le rapport d'experts. Nous, on pense qu'il y a des bonnes solutions parce que c'est justement écrit par des experts. Le ministre, dans son choix d'experts, il a fait les bons choix. C'est rare que je lui lance des fleurs, mais, dans ce cas-là, il a fait les bons choix. Est-ce que vous vous expliquez pourquoi le ministre met ça complètement de côté, ce rapport d'experts là, et prend une avenue complètement différente?

Mme Breault (Pascale) : Non. Je pense qu'il y a des gains différents.

M. Fortin :Il y a des?

Mme Breault (Pascale) : Il y a des gains différents espérés sur des terrains différents. Je pense que ça, c'est clair pour tout le monde.

M. Fortin :Mais les conclusions du rapport d'experts pour faire bénéficier aux patients d'un meilleur accès aux premières lignes, est-ce qu'elles sont les bonnes, selon vous?

Mme Breault (Pascale) : ...

M. Fortin : Pardon?

Mme Breault (Pascale) : Elles sont excellentes, puis je pense qu'elles devraient rallier l'ensemble du travail qui est fait par tout le monde. On a trois experts qui ont révisé la littérature qui proposent un projet de première ligne global. C'est quoi, le projet? Puis on va être capable d'embarquer les médecins, mais on va être capable d'embarquer la population puis on va être capable d'embarquer tous les professionnels de la santé si on dit c'est quoi le «new deal»... passez-moi l'expression anglaise, là, mais c'est quoi notre première ligne au Québec. On peut-tu la réfléchir autrement qu'en pièces détachées puis juste en se disant qu'il y a un seul corps professionnel qui doit casquer tout l'accès?

M. Fortin :Je... Ça fait... Depuis le dépôt du projet de loi, là, c'est vrai qu'on entend beaucoup de médecins, soit sur les réseaux sociaux, soit qui nous écrivent directement, soit qui vont sur la place publique et qui partagent leurs expériences à eux et ce qu'ils ont ressenti par rapport au discours du gouvernement, pas juste sur le projet de loi comme tel, là, mais par rapport au discours du gouvernement.

Docteure Gaston, c'est la première fois que j'entends un médecin, cependant, dire : On va mettre sur mes épaules à moi le fait que mon collègue ailleurs va avoir une rémunération moindre ou différenciée. J'aimerais ça que vous nous expliquiez le sentiment qu'il y a derrière ça.

Mme Gaston (Isabelle) : Bien, je trouve ça triste parce que, déjà, ce que je fais, ce qui peut apparaître très peu pour certains, c'est déjà difficile pour moi de le faire, puis pour plusieurs de mes collègues. Juste dans mon CLSC, là, il y en a qui ont presque 80 ans, il y en a qui ont de l'arthrite rhumatoïde, il y a des gens qui ont des enfants avec des besoins particuliers. Je veux... On ne fera... On n'est pas ici pour accaparer, là, la pitié ou la souffrance, là... Tout le monde, on est dans le même bateau, là. Mais, vous savez, quand tu perds ta vivacité, puis tout ça, puis tu dis : Je vais ralentir, je pense que c'est sage parce que, si j'étais demeurée, par exemple, à l'urgence, vous ne voulez pas m'avoir si mon cerveau, il bloque, là, vous voulez que j'aie assez la décence d'esprit pour partir avant qu'il arrive un problème. Bien, je pense que les médecins... Moi, là, je refuse... je n'ai pas 500 patients, donc je n'aurai pas ce bonus-là. Puis je n'ai jamais signé pour l'efficacité, même si je suis efficace puis j'ai fait l'accès adapté, parce que je me dis : Je donne déjà ma plein... mon plein rendement avec mon potentiel que j'ai, puis c'est... c'est la même chose pour des milliers de médecins de famille.

Donc, vous savez, moi, j'ai été coroner. Si on regarderait les statistiques, on dirait que ce n'est pas utile, ce n'est pas offrir des soins, mais pourtant c'est quelque chose de nécessaire dans notre société. Donc, il y a plein d'autres tâches comme ça qui sont primordiales pour l'ensemble des Québécois, que ça soit la recherche en cancer ou autres, là. Mais bref, je ne m'éterniserai pas, mais je trouve ça triste qu'on voie juste des statistiques, là. Puis je vais vous dire, moi, à défaut de... si j'ai le choix entre rentrer les données des patients non vulnérables dans un ordinateur de la RAMQ ou voir des patients supplémentaires vendredi après-midi, je choisis toujours et je choisirai toujours de voir un patient plutôt que de rentrer des données.

M. Fortin :Il y a un des risques qui apparaissait évident, là, dès le dépôt du projet de loi, entre autres par rapport aux médecins qui sont peut-être plus âgés, tu sais, et vous y faites référence souvent, là, notamment, à la FMOQ, je pense, c'est, quoi, 22 % des médecins qui ont en haut de 60 ans? Qu'est-ce que vous entendez de ces médecins-là? Parce qu'il n'y en a, de toute évidence, pas ici, là. Qu'est-ce qu'ils disent, ces médecins-là? Est-ce que...

M. Fortin : …médecin de 52 ans qui dit : Je pense à ma retraite plus souvent qu'avant, je me demande ce que celui de 65 puis de 68 ans, il dit, là, ces jours-ci. Alors, c'est quoi, le discours de ces gens-là?

Mme Gaston (Isabelle) : …il y en a déjà… rapidement, là, pour moi, là, il y en a déjà que, juste avec le climat toxique de ce qui se passe en ce moment, ils s'en vont en juin, ils ont devancé leur retraite, deux médecins, nous, en CLSC.

M. Fortin : À votre clinique. Est-ce que... Est-ce que vous avez des chiffres là-dessus, Docteur Amyot, de façon plus générale?

M. Amyot (Marc-André) : On est en train de faire un sondage. On va revenir avec ça, mais c'est catastrophique, hein? C'est... C'est dangereux, ce qui s'en vient avec ce projet de loi là, pour l'accessibilité à la population, là, je veux que vous en soyez bien conscients. Allez voir sur le site Spotted : Soigner au Québec, là, j'invite la population à y aller, à aller voir ce qui se passe là-dessus, ce qui se dit.

Le Président (M. Provençal) : 50 secondes.

M. Fortin : Oui, merci. Alors là, vous avez… ce que vous dites, Dr Amyot, là, c'est qu'il y a un danger par rapport à l'accessibilité aux patients. Mais le collège, là, ce matin dans le journal nous dit qu'il y a un danger par rapport à la qualité des soins. Alors, vous nous dites qu'il y a un danger des deux côtés. Il n'y aura pas plus d'accès, puis les soins ne seront pas meilleurs.

M. Amyot (Marc-André) : Exact. C'est inquiétant.

Mme Gaston (Isabelle) : Des fois, c'est imprévisible. Des fois, c'est imprévisible. Ça peut être quelqu'un qui a de l'air… Moi, au sans rendez-vous, là, j'ai suivi une dame pour une dépression. On a tout pris ça en charge. Puis là finalement, après quelques mois, ce n'est pas ma patiente, j'ai fait faire des bilans, je lui ai trouvé un diabète, elle était hypertendue. Après ça, bon, bien, va faire ton test x. J'ai trouvé un cancer de l'intestin. Après deux ans, deux ans et demi, là, que je l'ai suivie, j'ai dit : Bien, savez-vous quoi? Je vais vous prendre, hein, je vais être votre médecin de famille. Pourtant, ça, c'est un patient…

Ça fait que c'est de faire… Pensez que c'est comme aller au restaurant. Si toutes les tables sont prises, puis je donne un service, à un moment donné, si vous me rajoutez 10 000… bien, pas 10 000, mais des milliers de personnes, bien, ils vont faire la file. Puis inévitablement, vous dites, docteur Dubé, qu'ils ne perdront pas leurs médecins de famille, mais avoir un nom attitré à toi puis ne pas être capable de le voir puis ne pas être capable faire de la prévention, ne pas être capable faire de la... du suivi, bien, c'est comme dire : Je n'ai pas de médecin de famille.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup, madame. Merci beaucoup, M. le député. Alors, nous allons poursuivre avec le député de Rosemont. Et vous avez trois minutes 18.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Bonjour. Je ne vous renommerai pas tous, sinon je vais prendre la moitié de mon temps et je n'en ai pas beaucoup.

Je vais quand même faire une petite parenthèse pour dire que plus de la moitié des interventions du ministre tantôt touchaient directement la négociation. Ce n'est pas la première fois qu'on se fait faire le coup, là, par le gouvernement de la CAQ, là, on participe, nous sommes instrumentalisés dans des négociations. Moi, je ne suis pas à la table de négo. C'est le gouvernement et ses partenaires qui sont à la table de négo. Puis là je regarde docteur Amyot et non pas ses collègues, là. Alors, si vous avez besoin d'un forum pour discuter, tant mieux, mais ce n'est pas ici. Puis, si vous voulez qu'on arrête ici, là, puis que vous êtes plus efficaces à négocier, bien, allez-y, faites-vous plaisir, faites-nous plaisir. Parce qu'en ce moment, encore une fois, on se fait entraîner dans une négo sur laquelle je n'ai aucun contrôle. Ce n'est pas mon rôle de parlementaire ici. Vous n'avez parlé que de ça.

Alors, la multidisciplinarité, ça fait longtemps qu'on en parle. On a voté des lois ici là-dessus, là. J'avais l'impression, peut-être un peu naïvement, que c'était déjà commencé. Là, vous me dites, docteur Heppell, qu'il y a 50 % des patients que vous voyez qui pourraient être vus par qui un physio, qui une travailleuse sociale. Pouvez-vous nous en dire plus? Comment ça se fait qu'on n'est pas plus avancés là-dedans?

M. Heppell (Benoit) : Bien, la réponse est simple. Ce n'est pas qu'on ne collabore pas, ce n'est pas qu'on ne l'enseigne pas à nos apprenants non plus, comment collaborer, mais ça nous prend des collaborateurs. Dans mon GMF, on est 30 docteurs. Il y a deux travailleuses sociales. Ils voient à peu près à deux 600 patients... 600 rendez-vous. Comme médecins, on en fait 28 000. Puis beaucoup de ce qu'on voit, ça s'adonne que c'est de la santé mentale. Ils ne peuvent pas prendre ça. On a un psychologue à temps partiel, on a un physiothérapeute à temps partiel, un, pour 18 000 patients, pour 30 médecins, alors que le musculo-squelettique, c'est à peu près la moitié de mes consultations.

• (11 heures) •

Autre chose : oui, on a laissé des actes à certains professionnels, on ne les a pas valorisés pour qu'il les fasse, ces actes-là, on ne les a pas nécessairement formés. Les programmes universitaires ne se sont pas adaptés, les ordres professionnels non plus. Et, sur le terrain, ce n'est pas parce qu'on vous donne le droit de faire quelque chose que vous le faites nécessairement. Il faut encourager ça dans nos établissements de santé, et le développement de nos professionnels n'est pas toujours fait dans nos établissements de santé, voire même nos professionnels sont souvent infantilisés dans leur quotidien. Alors, en bout de ligne, ça revient dans la cour du docteur.

M. Marissal : Puis, de ce que je comprends, si d'aventure 106 était adopté dans sa forme actuelle, là, sous bâillon ou à la régulière, ça ne s'améliorera pas, cette situation-là. Il n'y a rien là-dedans...

M. Heppell (Benoit) : D'aucune façon...

M. Marissal : Allez-y...

M. Heppell (Benoit) : ...parce qu'il n'y a aucun engagement dans 106 qui dit : L'État, on vous demande la performance de votre côté, puis, de notre côté, le gouvernement, on s'engage à mettre des ressources. Il n'y a pas ça, là. On nous dit...


 
 

11 h (version non révisée)

M. Heppell (Benoit) : ...seulement faites en plus, pour en faire plus, ça m'en prend plus. Si on me disait, collaborer avec des astronautes, ça va me prendre un plan d'intégration des astronautes en GMF, là, O.K. Je ne les prendrai pas dans ma poche, puis je ne les clone pas, puis je ne les invente pas. Ça va les prendre quelque part, mais ça prend un engagement mutuel. Je peux en faire plus, je peux faire mieux, je peux faire différent comme le ministre le nomme, mais ça... il va falloir un engagement que la première ligne, on veut y mettre des ressources rapidement.

Une voix : Rapidement, madame...

Une voix : Bien, pour ça, il faut revoir le projet de loi puis surtout le titre.

Le Président (M. Provençal) :Le temps est écoulé pour le député de Rosemont. Le député M. le député des Îles-de-la-Madeleine, 3 min 18 s.

M. Arseneau : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour, tout le monde. Je vais y aller droit au but aussi, j'ai peu de temps. Je comprends qu'on a beaucoup parlé des négociations, ce n'est pas l'endroit, mais si on veut parler des objets du projet de loi, le ministre l'a dit : Bon, il veut réviser la rémunération. Est-ce que d'emblée vous êtes ouverts à cette discussion-là sur la rémunération? Vous avez parlé de 40 %, qui étaient déjà de la capitation, on sait que la rémunération à l'acte, ça a ses travers aussi. Pourquoi on ne parle pas de l'objet qui est devant nous?

M. Amyot (Marc-André) : Tout à fait, on est tout à fait d'accord, mais ce n'est pas dans un projet de loi qu'on va regarder ça, ça va être à la table de négociation. Et si on ne s'entend pas, pourquoi on ne confie pas ça à un arbitre? Ça existe dans d'autres provinces, on va être capables. On pense que nos arguments sont suffisamment solides pour pouvoir les faire valoir à un arbitre. Pourquoi le gouvernement n'utilise pas ce mécanisme-là?

M. Arseneau : Deuxièmement... Oui, allez-y, parce que...Bien, juste pour vous entendre encore sur les indicateurs, parce que la question de la performance, la question de la... la question des indicateurs, dans tous les métiers, dans toutes les professions, les gens sont... enfin, on s'attend à ce que les gens livrent la marchandise. Vous n'êtes pas contre le fait qu'on ait des indicateurs?

M. Heppell (Benoit) : Mais absolument, absolument, c'est une obligation. Nous, on a deux obligations,      uand on est dans le bureau, face à un patient, j'ai l'obligation de qualité devant la personne qui est devant moi, pas de sous ni de surqualité, mais j'ai aussi... j'ai aussi la responsabilité face à ceux qui sont dans la salle d'attente puis qui attendent et ceux qui sont dans la rue puis qui n'ont pas de service.

Nous le savons, comme médecins, ça, on est les premiers à être tannés. Moi, je suis écœuré. Il n'y a pas un patient dans mon bureau qui ne me supplie pas de prendre son voisin, sa sœur, son beau-frère. Il y a des gens qui viennent cogner chez nous pour que je les prenne. Je n'ai pas de médecin de famille. Je vais au privé quand j'ai besoin de renouvellement. O.K. Et on est tanné de voir des gens ne pas avoir de soins. On les voit souffrir, on les voit en arrêt de travail longtemps. Nous, on les voit mourir, parfois, de manque de soins au Québec, O.K., on est tannés de ça. On veut des solutions pérennes qui fonctionnent et on ne veut pas payer dans 10 ans pour les mauvaises décisions d'aujourd'hui, comme c'est le cas depuis 30 ans.

M. Arseneau : Ces solutions pérennes, est-ce qu'elles doivent se discuter dans la négociation — on n'est pas partie prenante — est-ce qu'elles doivent se ici, en commission parlementaire, ou... Parce qu'on a l'impression qu'on tourne en rond depuis plusieurs années là-dessus.

M. Heppell (Benoit) : On tourne en rond depuis longtemps. En fait, le rapport demandé par le gouvernement, c'était dans le but de soutenir l'élaboration d'une première politique gouvernementale de soins et services en première ligne. Ça nous prend une vision d'où on veut aller. On ne le sait pas où on s'en va. Moi, je suis dans un autobus, pas de «driver», pas de chauffeur, je ne le sais pas où on s'en va.

M. Arseneau : Si vous permettez, l'objectif du gouvernement, clairement, c'est de faire disparaître les gens qui n'ont pas de médecin en disant : Tout le monde est pris en charge. C'est ça l'objectif, l'objectif, c'est de vous faire faire du volume, si j'ai bien compris. Vous, vous dites : Mais si on fait beaucoup de volume, on ne fera plus d'enseignement, on ne fera plus de qualité, puis il y a bien d'autres choses qu'on va laisser tomber également, c'est ça?

M. Heppell (Benoit) : Exactement.

M. Amyot (Marc-André) : Et l'imputabilité, la responsabilité, elle est à sens unique, hein, elle est à sens unique seulement par ici.

M. Arseneau : Je pense...

Le Président (M. Provençal) :10 secondes.

M. Arseneau : 10 secondes. Bien, j'aurais aimé ça vous entendre parler des pastilles, parce qu'il y a déjà un système de classification des patients de la vulnérabilité. On change cinq lettres pour quatre pastilles en couleur, c'est à peu près ça?

M. Heppell (Benoit) : On change 20 chiffres pour quatre lettres, et vous pouvez être vert une journée...une année... Il y a moins de 30 % de ma clientèle qui ne vient pas dans l'année, il y en a qui viennent 14 fois, mais, l'année d'après, ils ne viendront peut-être pas. Alors, je ne le sais pas, là, effectivement. Et les plus vulnérables, ceci dit rapidement, les plus vulnérables, si on veut les voir, on ne fera pas de volume, là, parce qu'ils prennent du temps, là. Ça fait que ça ne marche pas ensemble, ces deux demandes-là.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup pour votre réponse.

Une voix : C'est comme un feu de circulation, il passe au vert, il devient rouge, c'est comme ça. 

Le Président (M. Provençal) :Merci. Alors, je tiens à représenter les représentants de la FMOQ pour leur participation à notre commission.

Et, sur ce, je vais suspendre les travaux pour laisser place au prochain groupe. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 11 h 05)

(Reprise à 11 h 08)

Le Président (M. Provençal) :S'il vous plaît! On reprend les travaux. Merci. Alors, nous poursuivons notre séance de travail de ce matin avec la Fédération des médecins spécialistes du Québec et leurs représentants, Drs Oliva, Gagnon, Duong et Barouche. Alors, je cède la parole au président.

M. Oliva (Vincent) : Merci. Bonjour à tous. Donc, je suis Dr Vincent Oliva, radiologiste d'intervention au CHUM, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, accompagné de docteur Gabrielle Gagnon, qui est hémato-oncologue à Rimouski, Dr Duong, qui est spécialiste en médecine interne dans Lanaudière, et Mme Karine Barouche, qui est actuaire à la Fédération des médecins spécialistes.

Donc, M. le Président, 45 minutes pour parler d'une réforme qui pourrait mettre encore davantage en danger l'avenir des soins spécialisés au Québec, une audition annoncée à peine cinq jours ouvrables à l'avance. Le projet de loi n° 106 incarne une tendance lourde du gouvernement de la CAQ : gouverner par décret, centraliser les pouvoirs, imposer des conditions. Une fois encore, une loi spéciale déguisée pour imposer ce qui n'a même pas été discuté à la table de négociation, une gouvernance à coups de règlements, dans le dos des professionnels et même des autres parlementaires.

La fausse prémisse du projet de loi n° 106 : les médecins spécialistes ne sont pas assez performants. Dans les médias, le ministre a d'ailleurs laissé entendre que les médecins n'en faisaient pas assez, qu'ils devaient en faire plus et qu'ils laissaient tomber leurs patients le vendredi après-midi, que certains chirurgiens ne se présentaient pas pour opérer leurs patients, que des patients passaient le week-end à l'hôpital parce que les médecins refusaient d'aller leur donner congé. Ces propos sont insultants. Par de fausses anecdotes, le ministre laisse entendre que des cibles de performance protégeraient le réseau contre la délinquance des médecins.

• (11 h 10) •

Sur le plan de la performance, depuis 2011, l'offre de services des médecins spécialistes s'est maintenue, en termes de volume d'activité, malgré une médecine plus complexe, des années de pandémie et un manque de ressources. Le ministère de la Santé évoque dans son propre plan stratégique la rareté de la main-d'œuvre, les limitations des ressources techniques, informatiques et humaines...

M. Oliva (Vincent) : ...au moins, jusqu'en 2030, et le vieillissement de la population et le manque de relève qui créent un déséquilibre dans le réseau de la santé et des services sociaux, ce sont leurs propres mots. Dans ce contexte, les médecins spécialistes pourraient-ils en faire plus? Chose certaine, ils voudraient en faire plus, mais nous avons besoin des conditions de base pour y arriver. Pendant que les blocs opératoires ferment par manque de personnel, que les hôpitaux du Québec sont en piteux état, que les équipes implosent faute de soutien, tout ce que nos membres demandent, c'est d'avoir les moyens de soigner, et au lieu de ça, on leur dit : Performez plus, soignez plus. Faites-en plus avec moins. Et si ce n'est pas assez, sans égard à ce que vous faites individuellement, on pourrait vous couper 25 % de votre rémunération.

Dans le projet de loi, on parle de performance des médecins, mais jamais de la performance du gouvernement, du ministère et de Santé Québec. Nous, on demande au gouvernement, au nom des patients, d'avoir des outils à jour pour améliorer la prise de rendez-vous, moderniser les équipements médicaux, les systèmes informatiques et rénover les infrastructures croulantes. Voici la réponse donnée. Ça, c'est la clé de voûte du système de santé, une équation incompréhensible version ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, où la responsabilité collective devient une abstraction bureaucratique. Espérons que le ministère aura un meilleur système que SAAQclic pour faire fonctionner tout ça.

Mais dans un contexte où les ressources manquent, les blocs opératoires ferment et les effectifs fondent, sur quoi se basera cette performance, sur des indicateurs définis unilatéralement? On va imposer encore plus d'obligations aux médecins, mais rien ne sera exigé du ministère ni des gestionnaires. Pas une ligne non plus sur la responsabilité de Santé Québec ou du ministre lui-même. La vie est belle. On parle de performance. Pourquoi les blocs opératoires ne roulent pas à pleine capacité? Pourquoi y aura-t-il une seule salle d'opération ouverte cet été pour tout l'Outaouais? Pourquoi nos membres, par exemple, en télésanté, n'ont-ils pas accès à des outils pour bien effectuer leur travail? Ce sont là des questions essentielles. La réponse facile : blâmer les médecins. Pourtant, les médecins ont bien plus besoin d'une tape dans le dos que dans le visage.

La population du Québec vieillit, on le sait tous, les médecins spécialistes aussi, 30 % ont plus que 55 ans. À force de menaces, de contraintes et de sanctions, nombreux sont les médecins qui vont simplement décrocher. C'est malheureusement déjà commencé. Pensez-y, 30 % de quelque 10 000 médecins spécialistes répartis dans 59 spécialités médicales ont plus que 55 ans. C'est une corde précieuse, essentielle, mais qui est fragilisée. Que leur offre-t-on de l'insécurité, de la confusion, une perte de sens accentuée par des lois comme celle-ci? La médecine ne se pratique pas dans un climat de méfiance institutionnalisée, elle exige du respect, de la confiance, de la collaboration. Pendant ce temps, le vrai réseau, celui qui soigne, s'essouffle. Sur le terrain, des centaines de témoignages s'accumulent.

La page Spotted : Soigner au Québec en est un reflet poignant. On y lit des cris du cœur, des confessions, des témoignages et surtout un ras-le-bol des médecins face au manque de respect pour leur travail. Je vais vous citer quelques passages : «Je veux travailler, je veux soigner, mais le système me met des bâtons dans les roues tous les jours, nous avons sept locaux pour 14 médecins.» Un autre qui dit : Je suis spécialiste, je suis démoli, démoralisé, j'en ai assez. Pourtant, j'étais parmi les plus motivés et dévoués.M. Dubé aurait dû être pompier, car il a éteint la flamme qui m'animait.» Un autre qui dit : Avant de partir vous pouvez être certain que nous nous battrons jusqu'au bout pour empêcher de détruire complètement le système de santé et creuser le plus gros exode de talents médical de l'histoire du Québec. L'imputabilité du gouvernement, elle arrive quand?» Une citoyenne : Vous êtes en train de couper les ailes de vos anges de la COVID.» Un autre qui dit : Une chance qu'on n'a pas le droit à la CNESST, ça coûterait cher en burn-out.» Une pathologiste de la région de Québec, mais pas pour longtemps : «Je quitterai pour une autre province dans quelques semaines. Dans mes 16 années de carrière, revenir au Québec aura été une immense erreur de parcours.» Et, enfin, «je crois que vous êtes en train de briser ce qu'il reste de loyauté dans le réseau». Fin des citations.

M. le Président, j'aimerais obtenir l'autorisation pour déposer ce document qui rassemble quelques témoignages reçus. Ça, c'est seulement ceux des médecins spécialistes.

Le Président (M. Provençal) :Oui, vous le transmettrez à la...

Le Président (M. Provençal) : ...de la commission pour qu'il soit disponible à l'ensemble des membres de la commission.

M. Oliva (Vincent) : Puis je vous conseille sincèrement de les lire, parce que c'est très instructif, là. Puis il y a des... Évidemment, j'ai choisi quelques citations, pas les plus dramatiques, mais je pense que c'est très instructif sur la réalité des médecins du terrain puis je pense qu'il y en a qui apprendraient beaucoup là-dedans ce qu'il se passe dans le réseau. Donc, le p.l. n° 106 est une goutte de trop. Le dialogue est... Le dialogue est absent. On sape le processus normal de négociation, on impose des changements majeurs aux conditions de pratique des spécialistes pour, au fond, faire diversion sur les promesses non tenues du gouvernement avant les prochaines élections. Tout ça sous un vernis de consultation de 45 minutes. Le projet de loi n° 106 n'est pas une réforme, il doit être suspendu. Ce qu'on propose plutôt, c'est de s'asseoir ensemble, sans menaces ni insultes, pour permettre de mettre en place des solutions. C'est la voie de la collaboration en prenant chacun nos responsabilités pour vraiment améliorer les services à la population. Merci à tous.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup. Est-ce que certains de vos collègues, il reste à peu près deux minutes, voudraient s'exprimer?

M. Oliva (Vincent) : Non. On va répondre aux questions. Je voudrais juste mentionner qu'il y a aussi plusieurs médecins dans la salle, du terrain, qui sont venus parce que leurs locaux ont été annulés et il y en a certains qui devaient soit faire des interventions, soit voir des patients. Faute de locaux, ils ont décidé de venir nous écouter.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, Dr Oliva. Alors, M. le ministre, on débute l'échange.

M. Dubé : Merci beaucoup, alors, Dr Oliva, puis à vos collègues. Encore une fois, c'est un plaisir de vous rencontrer. Puis je veux saluer aussi tous les médecins qui sont venus aujourd'hui. Un peu, comme je l'ai dit tout à l'heure, à la FMOQ, ce n'est pas des choses faciles que vous dites, mais je pense qu'on est là pour ça. Puis j'ai toujours dit qu'il fallait avoir de l'écoute pour être capable de bonifier, ce qu'on essaie de faire tous, et d'améliorer l'accès pour les patients. Ça fait que je comprends. Vous avez un rôle à jouer aujourd'hui puis je l'accepte. Je l'accepte. J'aimerais peut-être quand même préciser quelque chose, là. Puis je vais essayer d'y aller... de ne pas y aller en ordre d'importance. Mais, encore une fois, il y a plusieurs choses qui ont été dites au cours des dernières semaines. Puis, comme j'ai salué ce matin le fait que vous avez dit que vous étiez heureux de continuer à être aux tables de négociation pour essayer de trouver des solutions, je veux saluer le fait que vous l'avez dit parce que, moi, je pense que mon objectif, c'est que les négociations continuent. Alors donc, je l'ai mentionné publiquement, puis j'ai dit que les... les gros mots, des deux côtés, on devrait mettre ça de côté parce que ce qu'on veut, c'est... Les Québécois ne veulent pas de chicane. Puis je pense qu'il faut trouver la façon. Bon. On a chacun notre rôle, là, mais je vous dirais que si on a déjà réussi à... que vous soyez à la table de négociations, je pense qu'on peut avoir un été productif à trouver une solution d'ici la fin de l'été. Alors, je le salue puis je...

M. Oliva (Vincent) : Si vous permettez...

M. Dubé : Pardon.

M. Oliva (Vincent) : Si vous permettez, M. le Président, j'apprécie l'ouverture. Puis, effectivement, on est ouverts à trouver des solutions, puis la négociation, les gens pensent que c'est juste une question d'argent. Nous, on l'a dit d'entrée de jeu, les questions d'argent, on laisserait ça à un arbitre. Là, nous, ce qu'on veut, c'est trouver des solutions. On en a, des solutions. Donc, on apprécie cette ouverture-là.

M. Dubé : Puis de la même chose de mon côté. Puis c'est pour ça que je pense que j'aimerais, j'aimerais vous parler de certains principes. Parlons des principes. Bon, je vous ai entendu dire et je voudrais qu'on le clarifie au cours des prochaines semaines, là, avec mes collègues du Trésor, qu'il n'y avait pas d'autres endroits dans le monde où il y avait une partie de la rémunération du médecin., puis là je ne veux pas jouer sur les mots, là, que ça soit à la performance ou aux résultats, il y a beaucoup d'autres endroits dans le monde où ça se fait. Et je me souviens parce que j'ai demandé à nos gens de dire, exemple, qu'est ce qu'il se passe en Angleterre, qu'est-ce qu'il se passe en Nouvelle-Zélande. Puis là je ne parle pas des systèmes américains qui sont privés, là, je parle de systèmes publics. Donc, il y en a des endroits où il y a une partie de la rémunération. Puis je voulais juste dire que, moi, j'ai entendu, puis là, je ne sais pas si c'est de vous ou d'autres personnes, mais de la fédération qui disait que ça n'existe pas ailleurs. Je veux juste vous dire, on aura la chance, puis je pense qu'on donnera des exemples que ça se fait ailleurs. Bon. Puis je le dis sur un ton où on pense qu'on apprend tout le monde, chacun de notre côté.

• (11 h 20) •

Bon. Maintenant, quand... Je veux donner deux exemples aux Québécois qui me préoccupent beaucoup. Puis je pense que j'en ai parlé avec vous. Moi, ça fait quand même cinq ans que je suis à la Santé, puis ça fait quand même votre deuxième mandat que vous renouvelez à la FMSQ. Donc, ça fait plusieurs fois qu'on se parle. J'ai deux grandes préoccupations, les chirurgies puis...

M. Dubé : ...CRDS. Moi, en ce moment, là, si j'avais à... pas que le reste n'est pas important, mais si j'avais à focusser sur deux éléments, c'est le rattrapage des chirurgies puis le centre de rendez-vous pour un spécialiste, bon.

On va parler des chirurgies, parce qu'où vous avez raison, puis je vous l'ai déjà dit, puis je vous l'accorde... Est-ce que le gouvernement peut faire mieux pour donner les bons outils? On est tous d'accord avec ça. Puis je pense qu'on a des gens de Santé Québe qui sont là, avec Maryse qui vient d'arriver, qui a remplacé M... une P.D.G. qui connaît le réseau. Mme Biron lui a demandé de se concentrer sur ça puis de faire les analyses de salles qui ne sont pas disponibles, etc. On est là-dedans, on est là-dedans, «big time».

J'ai été un petit peu surpris de vous entendre, que vous vouliez vous retirer du DSN. Ça, ça m'a chicoté un petit peu. DSN, pour que les Québécois comprennent, c'est le système informatique qu'on veut faire pour que les Québécois puissent avoir ça sur leurs téléphones. Là, en tout cas, peut-être que j'ai mal entendu, moi, on m'a dit ça, ce matin, que vous aviez dit ça, ça fait que je voudrais juste... Mais je vais revenir sur la partie qu'on peut travailler ensemble, sur les chirurgies, O.K.? Ça fait que je vous donne... je vous l'accorde, je le répète, là, je vous le raccorde, qu'on peut faire mieux dans nos salles d'op, qu'on peut faire mieux dans nos hôpitaux. On met de l'argent. Est-ce que c'est assez? On en met déjà beaucoup. Je reviens sur les... ça fait trois fois que je le dis, je reviens sur les chirurgies. Le bout qu'on peut faire, on va le faire. Puis s'il faut que je l'engage, je ne sais pas comment je vais faire pour l'engager, mais je vous dis qu'on va le faire.

Par contre, de votre côté, ce que j'aimerais comprendre, puis, quand on a fait le projet de loi n° 15, puis on en a discuté, on a mis, entre autres, l'équivalent d'un DRMG, hein... Là, je m'excuse parce que je parle... je parle à des spécialistes qui sont dans la salle, là, DRMG, c'est le directeur médical pour les médecins de famille, mais on n'avait pas l'équivalent pour les spécialistes, hein? Puis là on a dit : Bien, on veut s'assurer qu'il y ait quelqu'un qui est un administrateur, qui est capable de dire à ces spécialistes : Bien là, c'est quoi, la couverture médicale que vous donnez, il y a-tu des déficits de couverture, etc.? Ça fait qu'on a mis cette personne-là dans chacune de nos régions. Aujourd'hui, ce qui me tracasse un peu, c'est quelle est la partie que vous pensez qu'on pourrait faire autrement dans le rattrapage des chirurgies? Parce que ce que j'entends, puis peut-être à tort... Alors, je vous donne la chance d'en parler puis de l'expliquer aux Québécois. Souvent, la priorité d'une salle d'op est décidée en fonction de la disponibilité du médecin et non de la priorité du patient. Alors, moi, quand je regarde le rattrapage des chirurgies, qui a quand même avancé du côté des plus qu'un an, on en avait 20 quelques milles, on est rendu à 6 000, bien, comment ça se fait qu'on n'est pas capable de descendre ça plus vite? Si on disait, bien... on peut-tu, entre médecins : Écoute, moi, bien, j'ai des patients... j'ai des patients... je l'ai déjà entendu de médecins : Je ne comprends pas que j'ai des patients, moi, que je pourrais passer plus rapidement parce qu'ils ne sont plus en retard, dans la salle. Comment ça se fait que ce n'est pas... le directeur médical peut dire : bien, regarde, peux-tu oublier ta salle cet après-midi pour que je puisse la passer à quelqu'un d'autre? Ça, c'est quelque chose que vous, vous contrôlez. Ça, c'est quelque chose que vous, vous contrôlez, que le spécialiste peut dire : Bien, si on travaille mieux ensemble... puis c'est ça qu'on dit, ici, travailler autrement, expliquez-moi comment ça se fait que quand on fait 500 000 chirurgies par année, 500 000, on n'est pas capable d'éliminer 6 000 personnes sur une liste d'attente de plus qu'un an?

M. Oliva (Vincent) : M. le Président, puis je le dis avec respect, c'est presque un monologue, là, mais dans ce que vous avez dit, il y a quand même plusieurs questions. Je vais essayer de répondre du mieux que je peux. Pour les indicateurs ou les...

M. Dubé : ...ça fait que je vais prendre mon temps là-dessus.

M. Oliva (Vincent) : Parfait. Pour les indicateurs ou les cibles liés à la rémunération, le problème, c'est qu'ici, contrairement à d'autres milieux ou d'autres juridictions, on n'est pas payé à salaire. Il y a des endroits où le médecin, on lui accorde une somme d'argent, puis, évidemment, là, il faut qu'il y ait des cibles associées à ça, mais nous, on est rémunérés à l'acte, qui est déjà un incitatif à faire de la production parce qu'un médecin qui ne travaille pas n'est pas payé, alors...

M. Dubé : ... des anesthésistes qui ont des frais de base, etc., là, je veux dire, on...

M. Oliva (Vincent) : Mais il y a toujours une partie... C'est ça.

M. Dubé : je ne veux pas rentrer dans le détail, mais ce n'est pas tout à fait exact, ce que vous dites.

M. Oliva (Vincent) : Mais mon point est qu'il y a toujours... Mais tout ça, c'est des choses qui se discutent à la table.

M. Dubé : Voilà. Voilà. Mais ça se fait ailleurs, ça se fait ailleurs.

M. Oliva (Vincent) : Bon. Maintenant, pour revenir aux chirurgies, il faut juste comprendre que c'est des vases communicants. On peut bien diminuer les chirurgies en attente de plus qu'un an, parce que c'est ça qu'on veut diminuer, puis on comprend qu'il y a de la pression, c'est très visible, les gens voient ça, mais, globalement, l'attente en chirurgie, si on calcule tous les patients qui attendent, n'a pas changé beaucoup. Ça fait qu'on va prioriser ça au détriment d'autres choses, mais ce qu'il faut comprendre... Quand une administration hospitalière met de la pression pour que les chirurgiens baissent leur liste d'attente de plus qu'un an, bien...

M. Oliva (Vincent) : ...dans ces listes d'attente, il y a des oreilles décollées, O.K.? Puis, en contrepartie, il y a des cancers du rectum puis des cancers du foie. Alors, ces cas-là vont toujours être priorisés. Vous comprenez? Alors, il y a là-dedans une question d'urgence médicale. Après ça, est-ce qu'on pourrait mieux organiser les blocs opératoires pour être plus efficients avec le temps qu'on a? Absolument. Je vais passer la parole à Dr Duong, qui a un exemple à vous donner dans son milieu.

M. Dubé : Est-ce que vous allez me laisser un petit peu de temps pour parler du CRDS aussi? Parce que c'est important qu'on fasse les deux.

M. Oliva (Vincent) : Tout à fait.

M. Dubé : Parce que 900 000 personnes en attente sur le RDS, vous savez que ça me dérange. Allez-y.

M. Duong (Hoang) : Bonjour, M. le Président. Moi, je travaille à l'Hôpital Pierre-Le Gardeur, qui est situé dans Lanaudière. Et puis dans l'hôpital, la direction, depuis une semaine, a pris une décision à réorganiser le travail de désinfection, de ménage des salles d'opération la nuit. Et la conséquence, c'est que, quand le bloc opératoire est particulièrement occupé la nuit, bien, le personnel n'a plus le temps de faire le ménage. Et la conséquence, c'est que le bloc n'est pas prêt à opérer à 8 heures. La conséquence directe, là, c'est que ça fait trois jours d'affilée que le temps opératoire à l'Hôpital Pierre-Le Gardeur est amputé de 45 minutes. Sept salles d'opération, 45 minutes par salle d'opération qui sont coupées à cause d'une décision de réorganisation de gestion qui n'a nullement impliqué les médecins. Et donc les médecins, on n'a pas de difficulté à être imputable, mais on veut être imputables de ce qu'on contrôle. Mes collègues à l'Hôpital Pierre-Le Gardeur n'ont aucunement contrôlé ça.

Un autre exemple, dans l'Outaouais...

M. Dubé : Mais je comprends, je comprends, puis c'est pour ça que j'ai demandé à Mme Poupart d'être là aujourd'hui, parce que Mme Poupart, qui a pris la place de... va se préoccuper de ça pour s'assurer qu'on comprend ça. Mais moi, ce n'est pas ça, ma question. Ça, c'est notre bout à nous, à Santé Québec, à faire. Moi, ce que je vous dis, vous, là, si vous avez un collègue qui a une salle d'opération, qui est disponible habituellement pour lui le jeudi après-midi, puis là, tout d'un coup, vous dites : Bien, peut-être que ça serait bon parce que lui, il y a des patients en attente depuis plus qu'un an, est-ce que vous seriez prêt à lui prêter votre salle pour qu'il soit capable de faire son patient, puis, après ça, on revient? Moi, je dis : Est-ce que ça doit être un horaire qui est basé sur la disponibilité du médecin ou un horaire qui doit être basé sur la priorité du patient? Je vous poserais ça comme question.

M. Duong (Hoang) : Bien, M. le Président, je suis heureux que le ministre parle de disponibilité. Dans l'Outaouais, il va y avoir une salle d'opération pour une population de 500 000. Et c'est ironique parce que cette fin de semaine, le gouvernement a payé une pleine page de publicité, et je me permets de citer la phrase, là : «L'objectif est clair, on veut que les médecins soient disponibles quand les patients en ont besoin». Bien, moi, je peux vous dire une chose, les patients de l'Outaouais, ils ont besoin de se faire opérer maintenant, les médecins sont disponibles maintenant et c'est le réseau de la santé qui est géré par M. le ministre, qui ne fait pas sa partie du contrat.

M. Dubé : O.K. Alors, vous n'avez pas répondu à ma question. Je vous ai demandé si vous étiez prêts à passer votre salle d'opération à un médecin qui a un cas plus prioritaire. Êtes-vous prêt à le faire ou pas?

M. Oliva (Vincent) : M. le Président, c'est des choses qui se discutent dans l'organisation des soins qui se font couramment. Il faut savoir aussi qu'évidemment...

M. Dubé : Bien, comment ça fait, quand on fait 40 000 chirurgies par mois, qu'on n'est pas capable d'en régler 6 000 sur la liste d'attente? Expliquez-moi ça.

M. Oliva (Vincent) : Chaque minute de bloc opératoire disponible est utilisée par un chirurgien. Après ça...

M. Dubé : Ce n'est pas ça que j'ai demandé.

M. Oliva (Vincent) : Oui, mais c'est quand même ça.

M. Dubé : O.K., on va aller sur le CRDS, Dr Oliva.

M. Oliva (Vincent) : Alors, le CRDS...

M. Dubé : CRDS, 900 000 personnes qui attendent.

M. Oliva (Vincent) : ...900 000 patients qui attendent, beaucoup de médecins qui attendent des locaux, qui attendent des disponibilités pour voir ces patients-là. Les patients, la population et les médecins attendent un système qui est moderne, qui fonctionne, qui attendent aussi un système de confirmation des rendez-vous parce qu'il y a beaucoup de patients qui ne se présentent pas, pas parce qu'ils ne veulent pas, mais parce qu'ils essaient d'annuler. Essayez d'appeler dans un hôpital, vous, pour annuler un rendez-vous, vous allez tomber dans une succession de boîtes vocales. L'organisation du travail dans des locaux, peut-être Dre Gagnon pourrait nous en dire un mot parce qu'elle en fait, du CRDS.

Mme Gagnon (Gabrielle) : Je fais du CRDS.

M. Dubé : Parce que j'ai une question pour vous après ça.

• (11 h 30) •

Mme Gagnon (Gabrielle) : C'est bon. Je suis hématooncologue, donc je travaille avec des patients qui sont atteints de cancer, qui pense cancer, pense chimiothérapie. Donc, la façon dont les soins sont organisés, c'est que la clinique où on voit nos patients est à côté de la salle de traitement où nos patients reçoivent la chimiothérapie. La chimiothérapie peut amener des effets secondaires assez graves, donc le personnel soignant vient nous chercher quand un patient qui est en détresse et ça peut aller jusqu'au... l'arrêt cardiorespiratoire. Donc, pour éviter les délais, les patients ont un système de cloche, donc on leur met dans la main, et puis là, quand ils sont sur le bord de perdre connaissance...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

Mme Gagnon (Gabrielle) : …où ils ont un malaise. Ils appuient, et ça fait comme dans les avions. Il y a une petite lumière qui allume au-dessus de la salle de la… de la chaise de traitement et donc les gens se déplacent rapidement. Bien là, ça fait plusieurs mois que le système de cloche ne fonctionne pas, donc on a fait des démarches à plusieurs reprises et on nous a dit qu'on allait régler ça en 2026-2027. On était sur la liste de priorité. J'ai 20 salles… 20 chaises de traitement, deux dans des salles qui ne sont pas visibles du poste. Alors, on nous a proposé un système qui date des années 1800 et qu'on remet au patient…

M. Dubé : Une cloche.

Mme Gagnon (Gabrielle) : O.K. C'est vrai, là, je l'ai ramenée de la salle de traitement, j'ai vu ça la semaine…

M. Dubé : Est-ce qu'elle fonctionne… est-ce qu'elle fonctionne, la cloche?

Mme Gagnon (Gabrielle) : Bien, je vous donne…

(Interruption)

M. Dubé : O.K., elle fonctionne au moins, madame...

Mme Gagnon (Gabrielle) : Oui. Alors je vous donne… Faites-la sonner assez fort pendant que vous perdez connaissance plusieurs fois pour que je sache où est-ce que vous êtes et que je l'entende à 20 pieds.

M. Dubé : O.K. Vous avez des très bonnes personnes en communication. J'en reconnais quelques-unes dans la salle. Mme la docteure, j'aimerais vous dire deux choses, là, vous me parlez des choses que nous, on peut contrôler.

Mme Gagnon (Gabrielle) : Oui. Exact.

M. Dubé : Moi, ce que je demande, c'est qu'est-ce que vous ne contrôlez...

Mme Gagnon (Gabrielle) : La seule chose que...

M. Dubé : Attendez, je vais vous poser ma question.

Mme Gagnon (Gabrielle) : Allez-y.

M. Dubé : Parce qu'il me reste juste deux minutes. Moi, je fais la note suivante. Je regarde les priorités des 900 000 personnes qui attendent sur le CRDS. Tous les codes A, B et C qui impliquent une chirurgie sont faits à temps, les D et E qui n'impliquent pas de chirurgie, c'est ça qui augmente la liste d'attente. Est-ce que ça veut dire que les médecins qui font des chirurgies privilégient de faire de la consultation sur les cas de chirurgies et non sur les cas qui nous sont demandées par les médecins… Parce que... Parce que je vous dis, regardez la liste d'attente puis il y a des gens qui nous écoutent aujourd'hui, là, on va le montrer, ce qui fait augmenter à tous les mois, à tous les années… à toutes les années, les cas de CRDS, c'est les D et E qui ne sont pas reliés à des chirurgies. Ça veut dire qu'il y a des médecins peut-être, pas mal intentionnés, qui disent : Moi, ce que je vais voir, c'est consulter des médecins… des patients qui ont besoin d'une chirurgie. Les autres, ça m'intéresse moins.

Mme Gagnon (Gabrielle) : Je ne contrôle pas la demande. O.K., il y a une demande infinie avec des besoins infinis. Moi, je n'opère pas. Alors, je n'irai pas privilégier des patients qui ont besoin de chirurgie, vous comprenez? Je peux juste contrôler mon offre…

M. Dubé : Mais je parle pour l'ensemble de toutes les spécialités dont on parle.

Mme Gagnon (Gabrielle) : Je peux juste contrôler ma disponibilité. Depuis 2006, je travaille à Rimouski. J'ai le droit à deux jours à la clinique externe, pas trois, pas quatre comme j'en voudrais. J'ai le droit à deux jours de clinique externe par semaine. Pourquoi? Parce qu'on est trop de médecins, il n'y a pas assez de locaux, et on nous dit qu'on ne peut juste être disponibles et ils peuvent juste nous fournir les services deux jours.

M. Dubé : J'apprécie énormément le travail que vous faites, énormément, énormément.

Une voix :

M. Dubé : On va faire le… Mais je veux juste bien comprendre qu'est-ce qui peut être fait de votre côté. Vous le faites, mais il y a des choses qu'on peut améliorer et l'ordonnancement de travailler autrement pour des gens qui font des chirurgies, si ce n'est pas votre cas, c'est correct, je le comprends. Mais je veux dire qu'il y a quand même 500 000 chirurgies qui se font chaque année, il y a… la moitié du 5 milliards qui est payé aux médecins spécialistes est pour de la consultation, alors qu'on paie 2 milliards et demi, puis qu'il y ait 900 000 Québécois qui sont en attente, il y a quelque chose qui ne marche pas, là... puis doit faire les choses autrement, voilà.

Le Président (M. Provençal) : Merci, M. le ministre. M. le député de Pontiac, on poursuit.

M. Fortin :C'est impressionnant, M. le Président, à quel point le ministre semble vouloir prendre le blâme de son échec, puis le mettre sur les épaules de quelqu'un d'autre. Le ministre qui nous dit, là, il a répété je ne le sais pas combien de fois, là, le bout qu'on va… qu'on peut faire, on va le faire. Ça fait cinq ans qu'il est ministre, puis ce n'est pas la première été, cet été, qu'il va y avoir une salle d'opération à l'hôpital de Gatineau. Ce n'est pas la première fois. C'était comme ça l'été passé. Puis vous avez fait quoi depuis ce temps-là? Rien. Il n'y a rien qui a changé à l'hôpital de Gatineau. C'est la même situation que l'année passée. Une salle d'opération pour le plus grand hôpital en Outatouais, une. Puis après ça, vous allez dire à ces gens-là ici, là, puis à tous leurs collègues partout à travers le Québec, si vous avez… n'arrivez pas à repérer 100 % des patients qui sont au-delà d'un an, bien, c'est vous qui va porter le blâme de ça.

L'hôpital ne leur donne pas les ressources. Comment voulez-vous qu'ils le fassent? Le bout qu'on peut faire, on va le faire. Le ministre l'a répété trois fois. Ça fait des années qu'on attend qu'il le fasse. Puis là, il ne peut pas dire : Ah! c'est dans le temps, là, c'est comme ça dans le temps des libéraux. C'était comme ça dans le temps des péquistes avant, ce n'est pas vrai. Il y avait sept salles d'opération sur sept qui roulaient. Aujourd'hui, il y en a une, il y en a une seule depuis plusieurs années. Puis, dans les crédits, on vous a demandé votre plan de match pour l'hôpital de Gatineau et vous n'en avait pas. Il n'en a pas. Vous n'en avez pas, Santé Québec n'en a pas. La question a été posée et répétée, et la réponse, c'était : rien. Là, le ministre a passé une bonne partie, la grande partie, la majorité, là…

M. Fortin :...là, de son... je veux dire échange, là, mais c'était plus un monologue, là, avec vous, là, à dire essentiellement qu'il y a un enjeu de priorisation au niveau des chirurgies, qu'on n'arrive pas à son objectif, qu'il s'est lui-même fixé, pour les 6 000 patients, parce que vous n'acceptez pas de prêter ou certains spécialistes n'acceptent pas de prêter la salle d'op à un autre spécialiste pour qu'on arrive à son objectif à lui.

Moi, j'ai une question pour vous, là. Est-ce que la priorisation des patients est tout croche au Québec en ce moment? Est-ce qu'elle est... Est-ce qu'on priorise des patients qui ne devraient pas être priorisés au Québec en ce moment?

M. Oliva (Vincent) : Bien, écoutez, c'est une question quand même qui est complexe. Le problème, c'est que la demande est beaucoup plus grande que l'offre. Alors là, ça se bouscule aux portes, et puis on ne sait plus trop quel patient faire rentrer. Puis évidemment on comprend très bien que ce n'est pas acceptable que les patients attendent plus qu'un an, sauf qu'entre ça il y a des patients... puis je comprends que c'est dramatique d'attendre pour un remplacement parce qu'on est immobile, etc., mais le problème, c'est que, si on attend un mois de plus pour un cancer, par exemple, du rectum, bien, peut-être que ça va changer sa survie. Alors, je parlais de priorisation dans ce sens-là.

À peu près tous les chirurgiens ont des patients de plus qu'un an, O.K.? Donc, ce n'est pas en demandant à un médecin : Bien, laisse ta place, que ça va fonctionner. De toute façon, dans une organisation de soins, le chirurgien, il ne peut pas dire : Moi, je vais opérer de 8 à 10, après ça je vais aller me tourner les pouces jusqu'à 2 heures, puis là tu vas revenir. Tu sais, pour être plus efficace, il faut que le chirurgien ait sa journée puis organise ses cas, puis là-dedans il met un mix de patients qui ont plus qu'un an, puis il intercale aussi des patients qui sont plus urgents ou qui ne peuvent pas attendre.

Alors, je ne dirais pas que ce qui est limitant, c'est la façon ou le mix de cas qui est mis à l'horaire. Ce qui est limitant, c'est le temps opératoire. On voudrait plus de journées opératoires. C'est ça, le facteur limitant, puis c'est le fait que, par exemple, ils ont coupé des gens pour faire le ménage dans les salles. Alors, c'est vrai que la salle d'opération commence à 8 h 45 à la place de 8 h, O.K.? Ça, c'est un exemple concret, là, qu'on vit cette semaine. L'autre chose, c'est les derniers cas, qui sont souvent annulés parce qu'on ne veut pas déborder parce que l'administration, souvent, refuse de payer en temps supplémentaire si ça déborde. Ça, c'est des problèmes concrets. Après ça, le mix de cas, oui, là-dessus, les chirurgiens sont très souples, et ça s'organise bien, il n'y a pas de problème.

M. Fortin :Très bien. Parce que ce que le ministre nous dit, essentiellement, là, ce qu'on en comprend, c'est : Moi, j'ai un objectif, moi, j'ai 6 000 patients, là, que vous devez voir prioritairement. Mais le problème avec ça, c'est que ce n'est pas l'objectif qu'il s'est fixé la dernière fois qu'il s'est fixé un objectif. Dans le premier plan de rattrapage, là, c'était le montant global, le chiffre global, les 100 000, il faut revenir à 100 000 patients sur la liste d'attente. Alors, on vous a donné un objectif... ou on s'est donné un objectif il y a trois ans, quand le ministre a déposé son premier plan de rattrapage. Aujourd'hui, on en donne un autre. Peut-être que ça va en être un autre demain. Mais, en faisant ce changement constant là, ça ne vous aide pas non plus à comprendre ce que le ministre veut atteindre comme objectif. Alors, de mettre cet objectif-là sur vos épaules, alors qu'il change d'une année à l'autre, ça m'apparaît contre-productif.

Je vous ai entendu tantôt parler du plus gros exode de talents médicaux. O.K. Qu'est-ce qui va se passer? C'est quoi votre lecture de ça, par rapport à cet exode-là, là? Il s'en va où? Il va faire quoi? Qu'est-ce que vous entendez? C'est quoi votre... Si on continue, si on adopte le projet de loi n° 106, disons tel quel, là, qu'est-ce qui va se passer concrètement?

M. Oliva (Vincent) : Bien, écoutez, là, moi, je ne veux pas faire peur au monde et puis sortir des épouvantails, parce que, tu sais, c'est facile d'entrer là-dedans, mais ce qui est clair... puis vous avez vu, vous lirez les témoignages, là, les médecins en ont ras le bol, puis je pense que ça a été la goutte de trop. Puis il y a un sentiment, vraiment, de blessure, tu sais, de se faire dire : Vous ne travaillez pas assez, vous devriez en faire plus, vous abandonnez vos patients. Ce n'est pas vrai. Il faut aller dans un hôpital pour constater que ce n'est pas vrai. Alors, les médecins sont blessés. Puis, quand ça fait un bout de temps que tu es là-dedans... Moi, j'ai 61 ans, ça fait 34 ans que je suis dans le réseau. Moi, me faire insulter, là, à un moment donné, je vais accrocher mon... mes gants puis mon stéthoscope puis je vais dire : C'est terminé, là. Je veux dire, j'ai... je peux faire d'autres choses dans la vie. Alors, il y a beaucoup de médecins qui sont dans cette situation-là.

• (11 h 40) •

C'est comme les... Vous avez cité des statistiques tantôt. Il y a 30 % des médecins qui ont plus que 55 ans, à peu près le quart qui ont plus que 65 ans. Quand les médecins sont rendus à 65, 70 ans puis qu'ils restent parce qu'ils disent : Bien, moi, j'ai beaucoup de patients, puis je ne veux pas les laisser tomber, puis j'aime encore ce que je fais, mais, si, par exemple, on me, disons, donne des claques dans le visage puis qu'on me dit que je suis paresseux, bien là, je décroche, puis je vais... je vais accrocher mon stéthoscope. Alors, tu sais...

M. Oliva (Vincent) : ...je n'enai pas, de statistiques, puis je ne veux pas vous dire : Bien là, tout le monde va partir, etc. Mais c'est clair que, chez les jeunes il y a une réflexion, parce qu'il y a des projets de loi qui ont... qui sont passés récemment, où ils disent : Bien là, moi, entre venir au Québec puis aller dans une autre province avec une obligation territoriale, je vais peut-être choisir d'autres provinces. Puis ça, les étudiants pourront vous le dire, là, il y a vraiment cette réflexion.

Alors, on a-tu des statistiques? Non. Ce qu'on dit : Faites juste attention de traiter les médecins avec un certain respect, tout simplement. Puis je pense que les choses vont mieux se passer, on est parlable.

M. Duong (Hoang) : Si vous me permettez, l'exode, là, ça fait appel à la notion de productivité. Puis les économistes, ils nous disent : On a un manque de productivité au Québec, je dirais que c'est particulièrement vrai dans le réseau de la santé. Puis la productivité, ce n'est pas nécessairement travailler plus, c'est travailler mieux. Et c'est ça qui est le problème avec ce projet de loi n° 106, on demande à des médecins spécialistes d'en faire plus alors qu'ils travaillent déjà en moyenne 2 000 heures par année. Et ce qui va arriver, là, c'est que certains vont tomber malades, d'autres vont abréger leur carrière. Mais, en revanche, si on donne les ressources appropriées, si on se réorganise, on va peut-être augmenter notre cadence de 30 %, 40 %, on va rester en bonne santé puis on va prolonger notre carrière de quatre, cinq ans. Dans quel système pensez-vous que les Québécois en auront le plus pour leur argent? Les 900 000 personnes en attente de CRDS, disons-le tout de suite, là, c'est inacceptable. Les médecins spécialistes, on n'est pas d'accord avec ça.       D'ailleurs, Vincent a déjà proposé au ministre : On va ouvrir les heures défavorables, on va voir les patients le soir, la fin de semaine. Vincetnt, il a dit ça au ministre. Mais l'autre chose également, c'est qu'il y a-tu moyen de mieux s'organiser? Est-ce qu'il y a moyen d'intégrer des outils informatiques qui vont mettre des algorithmes décisionnels, qui vont diriger le médecin vers peut-être d'autres outils technologiques?... Encore une fois, pas juste travailler plus, travailler mieux pour justement venir à bout de cette liste d'attente dont personne ne veut. Mais ça, ça se fait à la table de négociations, puis nous, c'est nous-mêmes qui avons demandé à négocier puis on est toujours prêts à négocier, mais pas un projet de loi.

M. Fortin :Dernière question. Le ministre a répété tantôt, là : Le bout qu'on peut faire, on va le faire, là. Est-ce que vous considérez que le ministère, Santé Québec fait son bout en ce moment, pour vous permettre d'être aussi productifs que vous devriez l'être?

M. Oliva (Vincent) : Bien, ça, on attend, hein, ça fait longtemps qu'on attend. Il y a eu des promesses puis, honnêtement... Puis là l'idée, ce n'est pas de se jeter le blâme, mais, à tout le moins, jetez-le nous pas... pas sur nous, parce que, nous, notre part de responsabilité, c'est de traiter des patients quand ils vont être devant nous. Mais donnez-nous les outils, faites votre part, puis on va être au rendez-vous.

M. Fortin : Très bien. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Provençal) :M. le député de Rosemont.

M. Marissal : Oui, merci. Bien, merci d'être là puis merci d'être venus avec des médecins qu'on voit en arrière. Ça me rassure, parce que ma tension monte parfois un petit peu de ce que j'entends ici, ça me rassure de savoir que quelqu'un viendrait à mon secours si jamais ça dégénère.

Des voix : ...

M. Marissal : Je ne suis pas exigeant, vous pourrez me soigner par terre, ici, ça va aller. Blague à part, j'ai entendu une histoire récemment qui m'a un petit peu inquiété, qui était un effet secondaire, non désiré de la loi 83. Il semblerait qu'il y ait des médecins spécialistes qui se sont désaffiliés, qui ont quitté la RAMQ et qui ne reviennent pas, en ce moment, de peur de ne pas pouvoir ressortir. Ça, c'est un peu contre-productif, là, parce que l'idée, c'était de les faire revenir. Là, ils sont sortis de la maison puis ils disent: Moi, je ne veux pas rentrer dans la maison parce que Santé Québec ne me laissera pas ressortir. C'est un cas, j'en ai côtoyé. Je ne nommerai aucun nom ni même l'établissement pour lequel ces gens-là travaillent. Mais, moi, je regarde 106, qui est devant nous, là, si j'étais médecin spécialiste sorti de la maison, ce serait pour moi un autre argument de ne pas rentrer dans la maison. Est-ce que je me trompe?

M. Oliva (Vincent) : Non, vous ne vous trompez pas. Puis d'ailleurs c'est quelque chose que j'avais déjà dit au ministre dans nos échanges. J'avais dit, dans ce qu'on appelle le «in and out», des médecins qui rentrent puis qui sortent du privé, en général, ils sortent, parce que quand on leur donne une priorité opératoire par mois, bien, il faut bien qu'ils gardent leurs puis qu'ils traitent leurs patients. Donc, ils vont dans le privé. C'est-tu idéal? Non. On voudrait tous qu'ils restent dans le public. Mais le «in and out», j'avais dit au ministre : Ce n'est pas ça qui m'inquiète, c'est le «out». C'est ça qui m'inquiète puis c'est ça qui est en train de se passer, parce que les règles d'entrée puis de sortie veulent... doivent être resserrées ou ne sont pas claires, puis les médecins n'ont pas confiance que ces règles-là vont être claires. Puis il faut comprendre qu'on peut être contre le privé, mais ces médecins-là, ils ont des patients de...

M. Oliva (Vincent) : ...et pendant les six prochains mois. Alors, si jamais on les emprisonne dans le réseau public sans leur donner les ressources, qu'est ce qu'ils vont faire? Alors effectivement, en ce moment, il y en a qui sortent puis qui ne veulent pas rentrer, puis ça crée une crise dans certains milieux d'orthopédiste entre autres.

M. Marissal : O.K. Bien, c'est à suivre assurément. Vous avez parlé tout à l'heure avec le ministre, là, dans vos échanges, là, de la flexibilité, là, des médecins. Il y a un cas récemment qui a fait les manchettes, un cas épouvantable, là, d'une jeune femme de Val-des-Sources, qui s'appelle Andréanne Lemay-Laroche, je me permets de nommer son nom puisqu'elle a donné des entrevues, dont la greffe de foie a été annulée à la toute dernière minute parce que la chirurgienne qui devait le faire était en vacances. Je présume que la chirurgienne n'a pas décidé de prendre ses vacances le matin même, là. Ça devait quand même être assez prévu. Bien ça, c'est un beau cas où on pourrait dire : Franchement, les médecins, ils ne sont pas trop flexibles. Ces gens-là ont demandé à être vus ailleurs, dans un autre hôpital. Ils étaient prêts à rouler, là, jusqu'en Abitibi s'il fallait. On leur a dit : Non, ce n'est pas possible. Puis ça, c'est-tu de la faute des chirurgiens, c'est-tu de la faute des médecins si on n'a pas cette flexibilité-là?

M. Oliva (Vincent) : Honnêtement, pour ce cas-là, moi je ne peux pas commenter. Je ne sais pas ce qui s'est passé. Je ne sais pas si... est-ce que tu es au courant? Je ne suis pas au courant.

M. Marissal : Bien, prenez le cas hypothétique, là...

M. Oliva (Vincent) : Oui.

M. Marissal : ...de quelqu'un qui est prévu pour une greffe...

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup, M. le député.

M. Marissal : De toute façon, je n'ai plus de temps mais je vous remercie.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup. M. le député des Îles.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Moi, contrairement à mon collègue député de Rosemont, ça m'inquiète plutôt de voir des médecins ici qui ne peuvent pas être au chevet des patients parce qu'il n'y a pas de plateau disponible. Mais ça ne m'empêche pas de faire de la haute pression aussi par rapport à certains propos qui sont tenus ici. Mais cela étant, je voulais savoir. C'est comme si on avait une discussion complètement différente dans un... si on était dans un autre univers que celui où on était présents ici lorsqu'on discutait de p.l. n° 83, où on disait : Mais oui, les gens veulent aller au privé parce qu'ils veulent avoir des plateaux techniques, parce qu'ils veulent opérer, les spécialistes en particulier. Puis la raison pour laquelle le gouvernement donne des contrats aux cliniques privées, c'est justement parce qu'il n'a pas la capacité de fournir. Aujourd'hui, c'est comme si c'était la faute des spécialistes qui n'ont pas le goût de travailler. J'essaie juste de réconcilier les points de vue. Pourquoi est-ce qu'on n'aurait pas intérêt à justement diminuer la liste des patients? Je ne comprends pas le fondement de l'argumentaire qui dit que les spécialistes ne semblent pas être intéressés à travailler autant qu'on souhaiterait. Comment vous comprenez ça, vous?

M. Duong (Hoang) : Honnêtement, en tout respect, il n'y a rien à comprendre. Parce que les médecins spécialistes, on veut... On trouve ça inacceptable, les listes d'attente. À l'Hôpital Pierre-Le-Gardeur, la spécialiste en médecine nucléaire chez nous a tiré sur la sonnette d'alarme. Elle a constaté qu'il y avait des patients qui attendaient un TEP scan. Un TEP scan, c'est un test très important pour diagnostiquer le cancer. Et puis les patients attendaient tellement longtemps que leur cancer s'aggravait, leur état se détériorait et les chances qu'on puisse les guérir s'amenuisaient. Elle a pris ses responsabilités. Elle a parlé aux gestionnaires. Quand elle n'a pas eu de réponse, elle est allée voir les journalistes. Elle s'est fait reprocher de l'avoir fait par les gestionnaires. Mais l'idée, là, ce qu'elle a mis en exergue, c'est que les congés n'étaient pas remplacés. Donc, une technologue devenue enceinte, elle n'était pas remplacée. Surcroît de travail pour les autres technologues. L'autre technologue tombait malade, elle n'était pas remplacée. Surcroît de travail.

Puis là je vais citer le plan santé, O.K. le plan santé du ministre Dubé, page 35 : «Il faut offrir au personnel des conditions d'exercice qui permettront à la fois de mieux répondre aux besoins de la population et de préserver un meilleur équilibre travail et vie personnelle. Pour arriver à cette fin, une capacité excédentaire sera notamment planifiée pour couvrir les absences prévisibles». Est-ce que... Ce qu'on vous dit, là, c'est que, sur le terrain, ce n'est pas appliqué. Ce n'est pas ça qui est fait. Et donc ça n'a pas de ressources. Et les premières personnes qui sont touchées, ce sont nos patients.

• (11 h 50) •

M. Arseneau : Dr Oliva, vous avez mentionné, quand mon collègue a demandé qu'est ce qui va se passer. Et vous avez évoqué un exode des médecins. Vous avez parlé beaucoup, là, du mépris, et tout ça dans les propos du gouvernement et tout ça. Mais, au-delà de ça, dans le projet de loi, actuellement, là, qu'est-ce qu'il vous marque le plus dans les mesures qui sont... les dispositions qui sont là et qui insultent les médecins ou qui les empêchent de pratiquer?

M. Oliva (Vincent) : Bien, écoutez, c'est l'insinuation, premièrement, que les médecins spécialistes ne sont pas au rendez-vous et puis laissent tomber leurs patients. Ensuite, c'est le principe de lier la rémunération à des indicateurs...

M. Arseneau : Que vous ne contrôlez pas.

M. Oliva (Vincent) : ...qui sont décidés unilatéralement et qu'on ne contrôle pas.

M. Arseneau : D'accord.

M. Oliva (Vincent) : Ça, c'est un principe qu'on ne peut pas adhérer à ça. Alors, c'est ça qui nous heurte.

M. Arseneau : Donc, c'est mission impossible pour vous si les conditions ne sont pas réunies pour... Je comprends.

Le Président (M. Provençal) : ...député des Îles. Alors, je tiens à remercier les représentants de la...

Le Président (M. Provençal) :...Fédération des médecins spécialistes du Québec pour leur participation et leur contribution. Sur ce, je suspends les travaux jusqu'après les avis touchant les travaux en commission. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 11 h 51)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 24)

Le Président (M. Provençal) :Alors, bonjour à tous. La Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux. Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 106, Loi visant principalement à instaurer la responsabilité collective et l'imputabilité des médecins quant à l'amélioration de l'accès aux services médicaux.

Cet après-midi, nous entendrons les témoins suivants : le Collège des médecins du Québec, la Fédération médicale étudiante du Québec et la Fédération des médecins résidents du Québec.

Considérant que la séance a commencé un 10 minutes en retard par rapport à notre horaire, je veux un consentement pour qu'on déborde d'au moins 10 minutes. Ça va? Merci. Consentement, merci beaucoup.

Alors, vous me permettrez de souhaiter la bienvenue aux représentants du Collège des médecins du Québec, particulièrement aux docteurs Gaudreault, Saad et Morissette. Alors, Dr Gaudreault, j'espère que je n'ai pas... puis j'ai bien prononcé votre nom. Je vous cède la parole pour 10 minutes et, après ça, on fait l'échange.

M. Gaudreault (Mauril) :Merci. Merci, M. le Président. M. le ministre de la Santé, membres de la commission, je vous remercie de donner l'occasion au Collège des médecins du Québec d'exprimer son point de vue sur le projet de loi n° 106. À mes côtés, Dre Nathalie Saad, pneumologue, vice-présidente du conseil d'administration du Collège des médecins du Québec, mais aussi directrice du programme de réadaptation pulmonaire du CIUSSS Centre-Ouest de Montréal, Dr Guy Morissette, médecin de famille, également membre du conseil d'administration du collège et ancien P.D.G. de l'Agence de santé et de services sociaux de l'Outaouais.

Nous venons porter plusieurs messages aujourd'hui aux parlementaires sur le projet de loi n° 106. Nous parlerons de responsabilité collective, d'indicateurs de performance de qualité et d'accès aux soins. Notre mémoire formule six recommandations, mais avant tout, je veux insister sur un point...

M. Gaudreault (Mauril) : ...insister sur une chose : nous devrons, tous et toutes ensemble, travailler ensemble pour le bien commun de la population du Québec.

Pour le collège, plusieurs choses ne sont pas souhaitables, actuellement, autour de ce projet de loi, il faut les nommer si nous voulons avoir une conversation constructive. Par exemple : prétendre que les médecins ne travaillent pas suffisamment, blâmer les médecins pour les ratés du réseau. Se réjouir qu'on attendait le projet de loi no 106 depuis plusieurs années ou encore lier la performance des médecins à leur rémunération. En revanche, ce qui serait souhaitable, c'est cesser de dénigrer les médecins, écouter les chercheurs et considérer ce qui se fait ailleurs, élargir la responsabilité collective à tous les acteurs du réseau, mobiliser tout le réseau vers la réussite de la première ligne, notamment, et réfléchir à l'idée d'états généraux en santé. Si on veut arriver à quelque chose de positif pour la population avec ce projet de loi, avec tout ce qui se dit dans les médias, il faut, à notre avis, absolument changer la conversation.

J'aimerais rappeler qu'avec certaines réserves le Collège des médecins a appuyé toutes les réformes en santé proposées par M. le ministre Dubé, le projet de loi visant notamment à réduire le recours à la main-d'oeuvre indépendante, le projet de loi visant à rendre le réseau de la santé plus efficace, la création de Santé Québec et le projet de loi visant à favoriser la pratique de la médecine dans le secteur public. Chaque fois, nous avons proposé des amendements constructifs au profit du public et visant des conditions de pratique adéquates pour les médecins. Ça s'inscrit dans notre mandat de protéger le public et de veiller à une médecine de qualité.

C'est pourquoi nous avons été quelque peu irrités que le ministre laisse entendre, il y a une dizaine de jours, dans l'espace public, que, si le Collège prenait le parti des médecins, il ne prenait pas celui des patients. Il faut des médecins et des professionnels en bonne santé, bien outillés dans des infrastructures adéquates pour prendre en charge et soigner les patients.

Nous concevons qu'il y a beaucoup d'argent investi dans le réseau de la santé et que la population québécoise puisse avoir l'impression que le pacte social avec les médecins bat de l'aile. C'est pourquoi, 55 ans après la mise en place du réseau actuel de santé et de services sociaux, il faut une introspection collective. Le statu quo, je l'ai dit souvent, ne peut plus durer. On navigue à vue, un projet de loi succède à un autre pour régler un problème à la fois, le plus important de l'heure à chaque fois. S'il est vrai que les médecins ont un rôle à jouer dans l'amélioration de l'accès aux soins, les médecins font aussi partie intégrante de la solution.

Sur le fond du projet de loi n° 106, le Collège ne croit pas que ce soit une bonne chose de lier la rémunération des médecins à leur performance. Les trois experts indépendants du gouvernement écrivent dans leur rapport que ça n'a pas fonctionné ailleurs. Le piège serait de confondre quantité et qualité. C'est pourquoi, à notre avis, ce qu'il faut mesurer, ce sont les performances du réseau avec des objectifs populationnels. Ce qu'il faut créer, c'est un nouveau modèle d'organisation de la première ligne où la population a accès à des soins de qualité en temps opportun. Et ce qu'il faut financer, ce sont les soins et les services de toute la première ligne.

Notre position repose sur deux facteurs principaux. Premièrement, nous ne voulons pas que les patients soient bousculés lors de leurs rencontres médicales par des objectifs de rendement. Les impacts seraient particulièrement marqués, évidemment, vous le savez toutes et tous, comme moi, chez les populations vulnérables et marginalisées. Le corps, le patient, la personne, c'est un ensemble qu'on ne peut pas traiter comme les pièces détachées d'une voiture.

• (15 h 30) •

Deuxièmement, on ne peut pas mesurer la performance des médecins alors qu'ils ne sont pas toujours adéquatement outillés, par exemple, lorsque beaucoup d'entre eux oeuvrent dans des établissements désuets, à l'informatique déficiente ou au bloc opératoire fermé, faute de personnel. Si les médecins ne sont pas responsables des conditions de pratique, on ne peut, à notre avis, leur imputer tous les ratés du réseau.

Ça, c'est le bout qui concerne les décideurs et les gestionnaires du réseau de la santé. C'est pourquoi nous réclamons que la responsabilité collective prévue au projet de loi, responsabilité collective que, personnellement, et que nous, au collège, prônons depuis des années, englobe aussi les autres professionnels de la santé, de même que les divers acteurs du réseau. Les décisions et les actions des fonctionnaires, des gestionnaires, ont des impacts directs, vous le savez, sur les soins aux patients, sur les examens médicaux, sur le suivi des résultats de tests et sur les soins à domicile, d'autant plus avec des coupures budgétaires qui peuvent leur être imposées.     Le projet de loi n° 106 est flou sur ses objectifs, les délais et les...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Gaudreault (Mauril) :...les indicateurs qui sont utilisés pour mesurer la performance du réseau ou celle des médecins, et il n'a pas été élaboré en tenant compte de l'avis de tous les partenaires du réseau. Il est apparu comme cela dans le cadre des négociations pour le renouvellement des ententes-cadres avec les conditions médicales. Évidemment, ça ne vous surprendra pas, cela nous préoccupe.

En revanche, au collège, je tiens à le dire, nous ne sommes pas inquiets de la qualité globale de la pratique des médecins au Québec. Ce qui nous inquiète, ce sont les impacts éventuels sur l'accès aux soins si la détérioration actuelle des conditions de pratique devait se poursuivre. C'est pourquoi nous insistons pour que l'on donne suite aux recommandations principales des experts sur le financement public des soins et de services de première ligne, soit élargir la couverture offerte par les professionnels non-médecins, questionner la place du privé en santé, valoriser les professions des soins et de services de première ligne pour les rendre plus attractives et diversifier les modes de rémunération comme la capitation. L'un des auteurs du rapport sur les soins de première ligne dit d'ailleurs que plus il y a de professionnels autour de lui ou elle, plus la capacité de prise en charge du médecin va augmenter.    Bien des soins de première ligne ne nécessitent pas de visite chez le médecin, nous le savons tous et toutes. Or, les autres professionnels de la santé se font rares en première ligne, et le projet de loi n° 106 ne concerne que les médecins, comme le dit son titre. Nous recommandons donc que le titre du projet de loi n° 106 soit modifié pour : Loi visant principalement à instaurer la responsabilité collective quant à l'amélioration de l'accès aux soins et services de santé.

Enfin, on ne peut désincarner le projet de loi du contexte social dans lequel il s'inscrit. Le Québec a changé depuis les années 70. Les patients ont changé aussi. Ils sont atteints de plusieurs maladies. Ils sont plus âgés. Les maladies chroniques ont pris beaucoup d'ampleur. La profession médicale aussi, elle a changé. Le projet de loi n° 106 doit être contemporain dans son appréciation du corps médical et de l'état de santé de la population.

En résumé, le Collège des médecins souhaite que le projet de loi n° 106 reprenne les recommandations du rapport d'experts indépendant sur la mise en place d'indicateurs de performance fondés sur la science et axés sur la création de valeur, assure un financement des soins et services de première ligne conséquent avec les besoins populationnels et les ressources requises, étende le principe de responsabilité collective aux autres professionnels de la santé et à l'ensemble des acteurs du réseau et finalement ne lie pas la rémunération des médecins à leurs performances.

Le Collège collaborera bien sûr avec le gouvernement pour la mise en place de toute mesure qui s'inscrira dans sa mission de protéger le public et de veiller à une médecine de qualité. Et, en terminant, je me répète, mais je veux à nouveau insister sur le fait que nous devrons tous et toutes ensemble travailler ensemble pour le bien commun de la population. Je vous remercie de votre écoute. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup pour votre présentation. Alors, ceci étant dit, M. le ministre, êtes-vous prêt à débuter l'échange?

M. Dubé : Bien oui, certainement, M. le Président. Alors, docteur Gaudreault et vos collègues, je suis très heureux d'avoir la chance de réagir à vos propos. Et, comme vous l'avez si bien dit, habituellement on est assez d'accord, pas sur une base personnelle, là, parce que je pense que vous avez votre rôle aussi, au Collège des médecins, de bien protéger les patients, mais je pense qu'on s'entend bien sûr... puis vous l'avez... donné des bons exemples de plusieurs projets de loi où on a travaillé ensemble, puis je tiens... je tiens à le saluer.

Je sais que, dans ce cas-ci, c'est... c'est peut-être une situation... bon, les autres, ce n'était pas facile, mais celle-là est encore plus compliquée parce que c'est quand même des gros changements qu'on demande aux médecins. Puis je pense que, dans votre rôle, bien, il y a un équilibre à garder que c'est quand même des médecins qui sont sur votre conseil d'administration, puis etc. Ça fait que je respecte ça puis je n'irai pas... je n'irai pas plus loin que ça. Mais je pense que, si on prend un des commentaires que vous avez faits... Puis je vous poserai quelques questions, mais je vais le faire dans le plus grand respect, parce que vous savez que j'ai beaucoup de respect pour vous, votre organisation. Quand vous dites qu'on navigue à vue, là, je pense que là je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous, mais on a le droit de ne pas être d'accord, parce qu'on a quand même fait un plan qu'on suit depuis trois ans, puis je pense qu'on a beaucoup avancé puis que l'essentiel des différents projets de loi qu'on a faits, comme vous avez... avaient chacun leur signification. Mais là je pense que, quand on dit que chacun doit faire sa part pas... et vous avez raison sur une chose, au moins sur une chose, et plusieurs, mais au moins sur une, vous avez dit que le ton doit changer, puis je suis d'accord avec vous, puis je l'ai dit très clairement au cours des derniers jours. Puis d'ailleurs je pense que...

M. Dubé : …c'était une des ententes avec la FMSQ, si le ton changeait des deux côtés, bien, les deux pourraient… entre autres, La FMSQ pourrait revenir à la table des négociations. Puis ça, on a accompli ça dans les derniers jours. C'est déjà beaucoup. Ça fait que je suis d'accord avec vous que le ton doit changer.

Bon, maintenant, je vais être un peu malcommode. Puis moi, ce que j'ai moins aimé, puis je voudrais vous entendre là-dessus rapidement, vous avez un code de déontologie, vous avez un code de déontologie qui s'applique aux médecins puis dans lequel on dit que les médecins doivent s'abstenir de participer à une action concertée, puis ils doivent s'abstenir aussi, je lis les mots exacts, là… Ils doivent favoriser les mesures d'éducation puis d'information et non de désinformation. Moi, je voudrais juste que vous vérifiiez si les lettres qui ont été envoyées, poussées par la FMOQ et par les GMF, puis par les médecins, qui ont fait peur à des patients au cours des derniers jours, si ça fait partie de la vision du code déontologique que vous avez pour les médecins. Je ne veux pas votre réponse tout de suite parce que je voudrais vous donner… y penser, mais j'aimerais ça savoir si ça respecte le code de déontologie. Parce qu'il y a des gens qui ont peur puis il y a des faussetés qui ont été dites aux patients. Moi, j'en ai vu, des lettres, là, j'en ai reçu des lettres, là, puis pas des lettres de médecins, des lettres de patients qui ont dit : Je me suis fait dire ça, là. Moi, j'ai des députés ici, là, on a 87 députés, 87 députés qui reçoivent des lettres, là, puis qui dit… Puis moi, j'en ai dans mon comté, des personnes âgées, un couple, là, qui se sont fait dire: bien là, malheureusement, avec le projet de loi, vous allez perdre votre médecin, ce qui est archifaux. Ça fait que moi, je voudrais savoir si ces lettres-là, là, qui ont été préparées par la FMOQ, là, respectent le code de déontologie. D'accord? J'aimerais avoir votre réponse là-dessus au cours des prochains jours.

M. Gaudreault (Mauril) : Hum-hum.

M. Dubé : Très bien, merci.

M. Gaudreault (Mauril) :Mais je peux répondre quelque chose maintenant?

M. Dubé : S'il vous plaît.

M. Gaudreault (Mauril) : Oui, bien sûr, nous allons examiner cela, parce que, comme président, évidemment, je ne suis pas d'accord avec de telles actions, là. Ce n'est pas la première fois, d'ailleurs…

M. Dubé : Surtout concertée, là.

M. Gaudreault (Mauril) : Ce n'est pas la première fois d'ailleurs que nous avons l'impression qu'il y a des actions concertées. Et le collège a déjà enquêté sur des actions concertées, à savoir s'il y avait vraiment une action concertée… n'aurait pas mis en évidence qu'il y avait une action concertée, mais oui, on va aller dans ce sens-là par rapport à ce dont vous mentionnez.

M. Dubé : Je l'apprécie beaucoup parce qu'on a tous ici, là, tout le monde, pas juste le gouvernement, les députés, là, tout le monde, l'intérêt des patients. Puis moi, je pense que, là-dedans, il n'a pas été respecté. Mais je vous laisse prendre le temps d'aller regarder ça.

M. Gaudreault (Mauril) : Bien sûr.

M. Dubé : Bon, sur la question de la responsabilité collective, puis je pense, vous êtes un grand partisan, pas juste vous, là, mais vous comme groupe de… pour l'intérêt des patients, de favoriser la responsabilité collective. Puis je me souviens, quand on a eu la chance ensemble de discuter, projet de loi 11, que vous nous avez amené… puis j'aime beaucoup le commentaire. Je reviendrai sur le titre du projet de loi tantôt, parce que moi aussi, j'ai entendu plusieurs commentaires depuis qu'on a déposé, puis on verra, là, quand on va commencer avec mes collègues, l'article par article, que peut-être le titre devrait être changé, parce qu'on a comme objectif que la responsabilité populationnelle ne soit pas juste aux médecins. On a même un article qui le dit, puis que la délégation doit se faire. Puis cette délégation-là doit se faire quand il y aura un système de rémunération qui le permettra. Puis on n'aurait pas besoin de revenir en projet de loi pour faire la rémunération ou ajuster la rémunération d'un pharmacien pour qu'elle prenne la responsabilité collective. Vous me suivez?

Ça fait que cette suggestion-là, là, je vais vouloir en discuter avec les députés ici, en commission, quand on sera dans l'article par article, parce que je vous dis déjà que j'ai une ouverture à ça, on l'a fait dans la p.l. 11. Ça a amené beaucoup puis je pense que je suis très ouvert à faire ça parce qu'il y a des articles de loi qui le disent. Alors, si les articles le disent, qu'on veut la responsabilité populationnelle d'être plus large que les médecins, bien, disons-le dans le titre, vous avez raison. Donc, on sera ouvert à ça. O.K. Alors, voyez-vous qu'on s'entend beaucoup plus que vous pensez.

• (15 h 40) •

M. Gaudreault (Mauril) :Et si je peux ajouter…

M. Dubé : Oui, allez-y.

M. Gaudreault (Mauril) :La pratique de la médecine, c'est dorénavant une pratique d'équipe, on travaille tous et toutes en équipe. Nathalie pourrait vous en parler, peut-être que je pourrais vous donner la parole aussi tout de suite après, après que j'aie dit ceci, on travaille en équipe. Dans l'équipe, il y a des professionnels de la santé, il y a des médecins, il y a des gestionnaires et je pense que la responsabilité collective, elle doit être partagée par les membres de l'équipe.

M. Dubé : Je vais vous… Je vais vous passer la parole rapidement parce que je vais vous dire, j'ai tellement de questions pour vous puis vous êtes un intervenant que je veux vraiment écouter. Ça fait que je vous laisse aller rapidement, puis après ça, je vais reprendre les questions si vous permettez…

Mme Saad (Nathalie) : …alors, par ce qui est décrié en ce moment avec les trois demi-journées de clinique qu'on me donne, je suis probablement considérée comme un médecin qui n'est pas tellement performant. Ironiquement, en parallèle de ça, on a réussi à développer un programme de téléréadaptation pulmonaire que vous connaissez bien...

M. Dubé : Très bien, oui.

Mme Saad (Nathalie) : ...pour différentes raisons, puis qui est très performant. Mais pour être capable de s'occuper de patients, justement, de CRDS, on en a parlé plus tôt aujourd'hui, de priorités d et e, qui dans ma spécialité est la réadaptation pulmonaire... ça prend une équipe puis ça prend du temps. Alors, si on lie la rémunération au volume que je prends en charge, bien, c'est toute mon équipe, les autres pneumologues avec qui je travaille dans ma région, qui vont être pénalisés alors qu'au contraire, comme ça a été reconnu par le ministère il y a à peu près un an de ça, on offre beaucoup d'accessibilité à un service qui serait autrement inaccessible partout dans la province. Donc, c'est ce travail d'équipe là qui nous permet d'être performants. Mais pour ça, ça prend du temps. Alors, il faut que les indicateurs soient au niveau populationnel, pas au niveau du volume fait.

M. Dubé : Mais si vous permettez, disons que je suis d'accord avec ça. Je pense qu'on ne s'obstine pas, là. Je veux revenir sur un point avec... Qu'est ce que ça veut dire la responsabilité populationnelle? Puis je vais poser la question autrement. Moi, je pense qu'on a un enjeu d'expliquer au public le point suivant. Depuis le tout début, là, depuis la première réforme de M. Castonguay, vous le savez, on a une dichotomie entre le fait que les médecins sont des travailleurs autonomes et, en même temps, on essaie de conjuguer ce fait-là avec une responsabilité de 100 % de la population. Et il y a quelque chose qui ne marche pas. Parce que je comprends que si le médecin, en pure théorie, dit : Moi, vous ne me direz pas quoi faire. Je suis un travailleur autonome. Vous ne pouvez pas me dire de prendre telle clientèle. Vous ne pouvez pas impacter si je devais prendre... faire telle opération. Moi, je suis un travailleur autonome. Mais en même temps, moi, je dis, puis d'ailleurs il y en a plusieurs qui l'ont dit, c'est pour ça que je le dis un peu clairement : Ça fait 50 ans qu'on essaie de réconcilier ces deux enjeux-là. Parce que le gouvernement paie quand même une somme extraordinaire, plus de 9 milliards par année pour que tous les Québécois soient couverts. Mais d'un côté, les médecins disent, puis je ne le dis pas comme ça, là : Bien, respectez le fait que je suis un travailleur autonome.

Donc, la voie de passage, la voie de passage pour ça, c'est, puis vous avez raison, ce n'est pas juste de mettre de la pression sur le médecin, c'est d'aller chercher l'approche collective, travail d'équipe comme vous venez de dire, pour que les 1,5 million de Québécois qui ne sont pas pris en charge puissent l'être d'une façon... par le travail d'équipe. Mais si on veut ça, je pense que la rémunération doit suivre aussi. Donc, le principe qu'on veut avoir une prise en charge collective pour solutionner notre problème, qu'il manque de monde, d'accord, comment on fait si on n'attaque pas la rémunération? D'où notre point. Puis je pense qu'il faut le reconnaître, qu'il y a en ce moment au moins 600 000 personnes dans le 1,5 million qui sont des maladies chroniques. Alors ça, on ne l'a pas inventé, là. On a la chance maintenant de savoir cette information-là. Puis moi, je me retourne en face des médecins puis vous du collège des médecins, qui ont cette responsabilité-là de protéger ces gens-là, particulièrement les plus vulnérables, puis de dire : Aidez-moi à trouver la voie de passage entre les deux principes que je viens d'expliquer, entre le travailleur autonome et les... Alors donc, où on ne s'entend pas? Puis j'aimerais ça qu'on continue à se parler dans les prochaines semaines parce que, moi, j'ai juste 17 minutes. Parce que, comme vous me connaissez, ça va me prendre plus que 17 minutes pour trouver des terrains d'entente avec vous.

Mais je vais vous dire c'est quoi ma question. Puis ma question va être très, très simple. Quand vous dites que vous n'êtes pas d'accord avec la performance, il va falloir qu'on discute qu'est ce que vous voulez dire par performance. Parce que, moi, ce que je vous dis, puis c'est ça que j'ai demandé au docteur Amyot ce matin. Dr Amyot, il m'a dit, il y a deux ans : On est d'accord avec des cibles. On est d'accord avec... Vous savez, j'ai fait référence au document qu'il nous a présenté il y a deux ans. Moi, les cibles qu'on peut viser, là, puis c'est ça qu'on va discuter. Vous me dites qu'ils ne sont pas dans le projet de loi. Non, parce qu'il faut les discuter. Il faut les discuter. Puis je suis content que les gens retournent à table, là. Déjà juste ça, là, c'est une bonne nouvelle. Alors, ma question est simple, Dr Gaudreault : Est ce qu'on peut trouver...

M. Dubé : ...des cibles qui vont être à votre satisfaction, des cibles de qualité, des cibles de baisser des taux d'absentéisme, de baisser des attentes, des listes d'attente, 900 000 personnes qui sont sur le CRDS. Je suis certain que vous n'êtes pas d'accord avec ça. Puis ça, là, ce n'est pas de la performance, là, tout ce que c'est, c'est de dire aux Québécois : On va s'occuper de vous autres, puis, quand vous avez besoin de voir un médecin, on va le faire.

Alors, la question est simple : Comment on peut réconcilier l'objectif que je vous ai dit puis avoir des cibles et une partie de la rémunération qui va être à propos, appropriée en fonction de ces cibles-là qu'on va atteindre, puis que, dans les prochains mois, les tables de négociation vont dire : On va essayer de trouver un terrain d'entente sur quelques cibles qui vont montrer aux Québécois c'est quoi, notre vision, notre vision, c'est d'améliorer l'accès? Ça fait que je vous lance ça aujourd'hui, moi, il me reste trois, quatre minutes, là, et j'aimerais ça vous entendre parce que c'est ça que je pense que les Québécois s'attendent du Collège des médecins, de prendre cette position-là entre les deux syndicats de médecins, parce qu'il faut mettre la rémunération de côté ici, là, puis je suis d'accord avec mon collègue, mais comment on réconcilie ça pour être capable que les Québécois vont se sentir pris en charge puis qu'on va faire ce que personne n'a osé faire depuis des années, là? Alors, j'arrête ça, là.

M. Gaudreault (Mauril) :M. Dubé, ça fait six ans que je parle de responsabilité collective, que je parle de responsabilité sociale, et, à la communauté médicale, je dis : Lier une éthique des responsabilités individuelles entre un médecin puis son patient à une éthique de responsabilité collective entre un groupe de médecins et, même plus, un groupe de professionnels de la santé à une population à desservir. C'est dans notre plan stratégique 2024-2025 au collège. Ça fait que je ne viendrai pas vous dire aujourd'hui que je ne suis pas d'accord avec ça...

M. Dubé : Bon.

M. Gaudreault (Mauril) : ...ce qui me préoccupe, c'est la définition que vous avez de lier la rémunération à la performance. C'est ça qui nous inquiète.

M. Dubé : Mais c'est quoi, vous, de la performance, Docteur Gaudreault, versus un résultat de baisser une liste d'attente?

M. Gaudreault (Mauril) :C'est pour ça que je vous dis : Nous, on a participé aux travaux du comité d'experts que vous avez nommé, on est d'accord avec leurs recommandations et, dans leurs recommandations, il y a des indicateurs pour évaluer l'amélioration de la santé de la population services. Ça, on est d'accord avec ça. Donc, c'est sûr qu'on va être d'accord à poursuivre la discussion avec vous.

M. Dubé : Bon, je pense qu'on est déjà plus proches qu'on pensait. Alors donc, ce que je veux vous dire, Dr Gaudreault, c'est que ce que j'aimerais... puis vous avez dit tout à l'heure, puis je reviens à mes notes, là, mais j'essaie d'aller à l'essentiel, vous avez dit : Il n'y a pas de chiffre dans le projet de loi, puis tout ça. Je suis d'accord avec ça, parce que, quand on a présenté le projet de loi, j'ai dit : Ça, c'est les principes, on veut simplifier la rémunération des médecins puis avoir des indicateurs qui vont nous aider à voir si la population est de mieux en mieux servie. C'est juste ça. Ça, c'est le projet de loi. En gros, là, c'est ça, le projet de loi. Par contre, il y a les deux fédérations syndicales qui se rassoient à table, il va falloir qu'ils discutent, puis ils ont tout l'été pour faire ça. Puis vous et moi, avec vos collègues du collège, on devrait continuer à se parler, de la même façon qu'on s'est toujours parlé depuis cinq six ans, pour essayer de trouver cette voie-là. Mais je vous le dis, notre défi, notre plus grand défi, c'est que 100 % de la population soit prise en charge. Comment? Je pense que ça passe par le collectif.

M. Gaudreault (Mauril) :Et les médecins, vous le savez, ils sont venus vous le dire puis ils vont vous dire à nouveau, si on améliore les conditions dans lesquelles ils travaillent avec d'autres professionnels de la santé, en nombre suffisant, à rémunérer adéquatement, en première ligne ou en spécialités, ils vont être d'accord pour aller de l'avant également.

• (15 h 50) •

M. Dubé : Mais ce que je veux... Puis vous avez entendu les questions que j'ai posées ce matin aux deux fédérations. Puis ça, c'est peut-être là où on ne se rejoint pas, mais on va finir par se rejoindre. Quand ils disent : Bien, le gouvernement ne fait pas sa part, nous, on fait notre part, c'est là que j'ai un petit problème, parce que j'ai donné des exemples ce matin de dire : Santé Québec, là, ils sont en train de s'améliorer puis ils font une maudite bonne job de s'améliorer. Ça fait que venez pas dire que c'est juste la faute de Santé Québec. Est-ce que les médecins, les médecins sont prêts à faire un effort eux aussi sur ce qu'ils contrôlent? C'est ça que j'ai dit ce matin aux deux fédérations.

M. Gaudreault (Mauril) :On parle d'une... dans l'allocution, dans le mémoire, on parle d'une introspection collective, ça veut dire : tous ensemble.

M. Dubé : tous ensemble. Alors, si chacun fait sa part, nous, on va la faire puis on a... Je vais vous dire, on en a mis de l'argent, dans les GMF, là, on a fait passer le budget des GMF depuis cinq ans de 120 millions à 380 millions, pour les GMF, là, puis on en met, des services, on met l'intelligence artificielle, on met plusieurs choses.

M. Gaudreault (Mauril) :Et, malheureusement, Dr Groulx...

M. Dubé : Ce n'est pas long, 17 minutes, hein?

M. Gaudreault (Mauril) :Non. Dr Groulx et compagnie vous demandent d'en mettre encore plus pour ce qui est de faire la première ligne.

M. Dubé : Bien, il faut en mettre plus dans les hôpitaux...

M. Dubé : ...il faut en mettre plus partout.

Le Président (M. Provençal) : C'est terminé, M. le ministre. Merci beaucoup. Merci.

M. Dubé : C'est un plaisir, Dr Gaudreault. Merci encore d'être là.

Le Président (M. Provençal) : M. le député de Pontiac.

M. Fortin : Oui. Combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Provençal) : Vous avez 9 min 54 s.

M. Fortin : Très bien. Merci. Merci d'être là. Merci d'être avec nous. Vous allez me permettre de prendre la première minute juste pour dire quelque chose au ministre. Je trouve particulièrement... En fait, vous avez dit que c'était malcommode, M. le ministre, mais c'est plus que malcommode, de dire dans la même phrase : Le ton doit changer, puis, après ça, insinuer que la position du collège, et là je vous cite, là, «c'est parce qu'on en demande beaucoup aux médecins», puis c'est des médecins sur votre C.A. J'arrête là. Honnêtement, M. le ministre, ça, c'est tenter de discréditer des gens d'entrée de jeu et ça ne fait pas avancer quoi que ce soit.

Alors, si vous voulez que le ton change, je vous suggère d'être la première personne à le faire, parce que ce n'est pas parce qu'on le dit avec une voix douce que c'est moins porteur.

M. Gaudreault (Mauril) : ...de votre minute?

M. Fortin : Oui.

M. Gaudreault (Mauril) : Il y a 12 médecins élus par des médecins du Québec sur notre conseil d'administration et il y a quatre membres qui sont nommés par l'Office des professions qui ne sont pas médecins.

M. Fortin : Merci, Dr Gaudreault. O.K. Donc, si je comprends bien la position du collège, vous êtes essentiellement en train de nous dire que c'est possible de vouloir revoir, discuter du mode de rémunération des médecins. C'est légitime de le faire, c'est même souhaitable, mais qu'on peut être contre le projet de loi tel que présenté par le ministre. Est-ce que je vous comprends bien?

M. Gaudreault (Mauril) : On est contre certains éléments du projet de loi, puis on est d'accord avec d'autres.

M. Fortin : D'accord. Alors, voilà, parce que, depuis le début de ce débat-là, le ministre nous dit : C'est un ou c'est l'autre, là. Vous êtes contre revoir la rémunération des médecins. Mais ce n'est pas ça, c'est très possible de dire... C'est souhaitable d'avoir une discussion sur le mode de rémunération, mais de voir qu'il y a des dangers potentiels dans certaines parties du projet de loi. J'aimerais ça que vous entendre sur ces dangers-là, parce que le titre dans le journal ce matin, c'était ça, hein : Il y a danger selon le collège. Alors, expliquez-nous ce que vous entrevoyez comme répercussions sur les patients, si le projet de loi est adopté tel quel.

M. Gaudreault (Mauril) : On va le faire à deux, Dr Morissette et moi, que vous connaissez d'ailleurs.

M. Fortin : Bien sûr, bien sûr. Bonjour, M. Morissette.

M. Morissette (Guy) : Bonjour.

M. Fortin : Oui, bonjour.

M. Gaudreault (Mauril) : Écoutez, nous, ce qui nous inquiète, c'est quantité versus qualité. On est là pour protéger le public en veillant à une médecine de qualité. Donc, si, tout à coup, on a un projet de loi dans lequel on parle de lier la rémunération à la performance, il faut bien définir ce dont on veut dire, parce que nous croyons que, pour la performance, et c'est comme ça que nous l'avons lu dans le projet de loi actuel, veillerait à faire en sorte d'admettre plus d'accent sur la quantité, donc de voir plus de patients, donc, peut-être de prendre moins de temps par patient, d'être moins disponible pour l'écouter, peut-être de rater un diagnostic, une fois de temps en temps, je ne sais pas, ee ne pas prendre en considération la personne qui est en avant de nous, dans sa totalité, dans sa globalité. C'est ça qui nous préoccupe. Guy.

M. Morissette (Guy) : Ce qui nous préoccupe, c'est la définition de la performance. Quels sont, quelles seront... Quels sont les indicateurs de performance, sachant très bien qu'il faut que ce soit discuté puis échangé? Mais /ce que ça peut avoir de l'air? Moi, vous savez, je suis un médecin de famille. Ça fait 46 ans que je travaille, je suis en fin soixantaine. J'ai vu plusieurs réformes ou éléments dans mes diverses fonctions. Et ce que je peux dire, c'est que, quand on se retrouve au niveau du terrain, on craint que peut-être le réflexe pourrait être de, tu sais, de tourner les coins ronds par rapport à ça, dépendant quels sont les indicateurs de performance.

Moi, je vous dis, par exemple, quand j'ai un patient âgé dans mon bureau qui a de la difficulté à se déplacer, qui a de la difficulté à aller se coucher sur la table d'examen, que j'essaie de voir quels sont ses antécédents. Il a vu toutes sortes de... de professionnels de santé, des physios, des ergos, des travailleurs sociaux, d'autres médecins, des spécialistes, et j'essaie de comprendre qu'est-ce qui se passe le temps que, moi, je vais avoir à passer à trouver ça, puisque nos systèmes se parlent peu. Il y a des endroits où ils parlent un peu plus, d'autres, ils parlent un peu moins, bien, à ce moment-là, je prends du temps pour le faire. Et, à ce moment-là, ça m'empêche de, dépendant quels sont les indicateurs de performance, ça m'empêche d'être peut-être performant. Alors, peut-être que je vais avoir le réflexe de tourner des coins ronds. C'est ça qu'on a... C'est ça qu'on définit comme étant les dangers, c'est de peut-être toucher la qualité au profit d'un volume, de la volumétrie.

M. Fortin : Et la qualité, là, je ne pense pas qu'on peut la...

M. Fortin :  ...sous-estimer l'importance de la qualité des soins. C'est votre travail, au Collège des médecins, entre autres, de s'assurer d'une qualité des soins.

M. Morissette (Guy) : Bien, tout à fait. C'est la mission du collège. Je veux dire, vraiment, la mission, c'est de travailler au niveau de la qualité et puis avec des professionnels, des médecins qui sont outillés et équipés pour donner cette qualité-là pour la protection du public.

M. Fortin :J'espère que le ministre entend bien... entend bien ce qui est dit en ce moment, parce que l'enjeu de la qualité des soins, docteur Gaudreault, vous avez mentionné, là, parmi ce qui pourrait se produire, des diagnostics qui échappent aux médecins si on tente d'aller trop vite, et ça, ça peut mener à... vous le savez mieux que... mieux que nous, mieux que quiconque, là, ça peut mener à toutes sortes d'enjeux potentiels pour le patient, puis, je pense, c'est la dernière chose que quiconque devrait vouloir.

M. Gaudreault (Mauril) :Je vais revenir aux experts qui ont été mandatés par M. Dubé, ils sont prudents. Ils disent d'être prudent par rapport à lier la rémunération à la performance.

M. Fortin :Je veux revenir sur l'autre... sur l'autre aspect dans votre mémoire, là, qui est... et c'est le premier... en fait, c'est la première recommandation que vous faites au gouvernement, et effectivement ça me semble opportun que ce soit la première recommandation parce que ça donne le ton à l'ensemble de la discussion qu'on a aujourd'hui ou qu'on a eue au cours des dernières semaines. Je la lis : «Recommandation 1 : Que le gouvernement cesse le dénigrement de la profession médicale par ses propos portant sur le rendement et la disponibilité des soignants auprès des patients.» Qu'est-ce que ça vient... Le discours du gouvernement, là, le dénigrement, comme vous le dites, là, qu'est-ce que ça... qu'est-ce que vous ressentez que ça fait en ce moment chez les professionnels de la santé?

M. Gaudreault (Mauril) :Bien, je l'ai dit d'entrée de jeu par rapport à ce qui n'est pas souhaitable puis ce qui le serait, là, dans mon allocution, mais, bien, des propos, des propos comme le fait que les médecins ne travaillent pas suffisamment, des propos dénigrants, c'est... Moi, je propose qu'on soit tous responsables ensemble, puis qu'on cesse cela, puis qu'on ait un discours positif, puis qu'on se parle pour améliorer les choses, mais pas en dénigrant, bien sûr, la population médicale, qui est celle que... auquel j'ai beaucoup de plaisir à appartenir. Donc, il faut faire attention de ne pas vexer les partenaires avec lesquels on peut travailler. Et c'est un discours qui n'est pas si récent, hein, c'est un discours qui date depuis quelque temps, qui n'est pas propre à ce projet de loi là puis à son dépôt. Donc, une fois pour toutes, cessons ce discours-là, on pense que les médecins veulent tous travailler, en grand... très, très grande majorité, pour le bien commun, et faisons ensemble le... faisons le nécessaire ensemble pour y revenir. C'est ça qu'on veut dire.

M. Fortin :M. le ministre disait... disait ce matin en point de presse... il disait : Ah! les menaces de médecins, là, de quitter, ou de prendre leur retraite plus tôt, ou d'arrêter de travailler deux ou trois jours-semaine pour prendre leur retraite complètement, on a déjà vu ça, hein, ce n'est pas la première fois qu'on entend parler de ça. Alors, c'est comme s'il nous disait : Ah! bien, c'est une journée comme les autres. Est-ce que... Est-ce que vous, vous le voyez, ça, ce... le fait que ça semble... probablement, là, le dénigrement envers les médecins, là, semble mener à une volonté de la part de certains, peut-être, de ralentir, de quitter, de faire autre chose de leur vie?

M. Gaudreault (Mauril) :Bien, je l'ai dit tout à l'heure, là, s'il y a une action concertée, on va voir là-dessus, puis on va agir. Mais sinon, je comprends, c'est un changement de culture qu'on propose, je comprends qu'il y a des collègues qui peuvent être plus sensibles à cela, qui sont atteints d'une... sont habités d'une certaine colère, déception, découragement, détresse psychologique. Je comprends tout à fait ça avec le changement de culture proposé. C'est pour ça qu'il faut faire ça correctement. Il faut faire ça en changeant la conversation, en changeant nos propos, en étudiant bien les mots puis en prenant le temps de faire les choses comme il faut.

• (16 heures) •

Le Président (M. Provençal) : ...

M. Fortin :Ah! très bien. J'apprécie le... J'apprécie la façon que vous amenez l'enjeu, Dr Gaudreault, c'est-à-dire qu'il peut y avoir une discussion sur le mode...

Une voix : ...

M. Fortin : Pardon?

Une voix : ...

M. Fortin : ...ah, d'accord, sur le mode de rémunération des médecins. Je pense que c'est tout à votre honneur de faire ce discours-là de façon correcte, de façon appropriée. Je pense que tout ce qu'on demande dans ce débat-là, c'est d'abord et avant tout, là que... En fait, je vais le prendre de cet angle-là, je veux juste faire écho à votre première recommandation, je veux faire écho à ça parce que je pense que le gouvernement... ça nous apparaît évident que le gouvernement sous-estime l'impact que la façon qu'il aborde l'enjeu, la façon qu'il parle...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Fortin :...des médecins au Québec pourraient dicter la suite des choses. Et je ne voudrais pas, M. le Président, que des médecins prennent des décisions qui ont un impact négatif sur le patient à cause du premier point qui est soulevé par le collège, et ça nous apparaît un risque à ce moment-ci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Provençal) :Merci. Merci beaucoup, M. le député. Alors, M. le député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, M. le Président. M. Gaudreault et votre suite, merci beaucoup. Je vais aller vite. Le ministre trouve que ce n'est pas long, 17. Je lui demande de se mettre dans ma peau pour trois, il va comprendre c'est quoi, ne pas avoir beaucoup de temps.

Moi, je ne sais pas trop par quel bout le prendre, parce qu'il y a le ton puis il y a le texte, hein? Le ministre en parle souvent, du ton, là, qu'il aime ou qu'il n'aime pas. Dans l'espace public, le premier ministre, le ministre disent des choses. Après ça, ici, il se dit autre chose, sur un autre ton. Tant mieux, on ne va pas se chicaner devant les kodaks, là, ce serait indélicat, mais j'ai de la misère avec la dissonance cognitive, là. J'ai l'impression d'être dans deux mondes parallèles, que vous, vous dites quelque chose qui est à l'encontre de son projet de loi, puis le ministre dit : Je suis d'accord avec vous. Puis ce n'est pas la première fois qu'il le fait, là, on l'a vu dans 83 aussi, là, vous étiez son argument principal, même si moi, il me semble que vous disiez le contraire.      Pouvez-vous éclairer ma lanterne, là? Où est-ce qu'on se rejoint, dans tout ça, là? Parce que je regarde vos six recommandations, là, à part la première qui ne se légifère pas, là, on ne peut pas légiférer la bonne foi, là, ça ne se légifère pas, la bonne foi, ça se présume, les cinq autres, là, moi, je comprends que vous n'êtes vraiment pas d'accord avec ce projet de loi là et que vous y voyez un danger pour la population.

Alors, comment vous expliquez, outre peut-être une politesse, louable, là, mais néanmoins un peu bizarre que le... là, le ministre dit qu'il est d'accord avec vous, mais que vous, vous dites que vous n'êtes pas d'accord, foncièrement, avec le projet de loi n° 106?

M. Gaudreault (Mauril) :On est d'accord avec la responsabilité collective, mais pas visant seulement les médecins. Ça fait que ça, c'est un élément. C'est facile à corriger, à mon avis, ça, responsabilité collective des autres professionnels et des gestionnaires, responsabilité collective de tout le monde. Soyons tous responsables par rapport à ça.

On n'est pas d'accord, c'est une recommandation, mais ça, ça ne veut pas dire qu'on n'est pas d'accord avec le projet de loi. On n'est pas d'accord avec le projet de loi comme il est décrit maintenant. Donc, la responsabilité collective, à tout le monde, ça, on est d'accord avec ça, cette responsabilité collective. C'est qu'il faut ne pas cibler juste les médecins là-dedans. C'est avec ça qu'on n'est pas d'accord.

M. Marissal : Puis là j'ai une question purement de législateur, là. Vous n'êtes pas d'accord avec ce qu'il y a là-dedans, mais avec certaines parties de l'esprit. Est-ce que c'est réparable, ça, ou si on est mieux de recommencer avec autre chose...

M. Gaudreault (Mauril) :Moi, je pense que si...

M. Marissal : ...pas juste sur un autre ton, mais avec autre chose?

M. Gaudreault (Mauril) :Si on travaille tous ensemble, c'est réparable.

M. Marissal : C'est réparable.

M. Gaudreault (Mauril) : Oui. À mon avis.

M. Marissal : D'accord. Vous n'avez pas l'air de vous entendre sur ce qu'est la performance, non plus.

M. Gaudreault (Mauril) : Non. Ça aussi, c'est réparable.

M. Marissal : Le ministre a fait référence directe aux listes d'attente.

M. Gaudreault (Mauril) :Bien, prenons les recommandations des experts puis leurs définitions des indicateurs par rapport à une population dont on doit prendre en charge et fions-nous à ces indicateurs-là, et non pas à de la quantité, qui ferait en sorte que si vous ne faites pas la job, je vous coupe de tant de pourcentage de rémunération. Nous, on n'est pas d'accord avec cela parce que... je vais me répéter, là, ce n'est pas par rapport à une affaire de rémunération, on ne se mêlera pas de ça puis on ne s'en mêle pas, M. Dubé, mais les craintes que nous avons, c'est que ça vienne entacher la qualité de l'acte.

M. Marissal : Oui, parce que vous ne vous entendez pas sur la question de la performance...

M. Gaudreault (Mauril) : C'est ça.

M. Marissal : ...qui, pour le ministre, est une question de réduction des listes d'attente. Vous... pour vous, c'est la qualité de la relation avec le patient.

M. Gaudreault (Mauril) : C'est ça.

M. Marissal : Donc, assez fondamentalement, on va dire que vous n'êtes pas d'accord avec p.l. n° 106, là. Je ne veux pas vous le faire dire de force, là, mais c'est la base de ça, là, c'est c'est la base de ça, là. J'ai eu un briefing d'une heure hier...

Des voix : ...

M. Marissal : S'il vous plaît, la parole est de ce côté-ci de la table, vous en avez eu 17, tantôt, vous en avez eu 17, minutes, tantôt.

Le Président (M. Provençal) :...pour vous dire que votre temps est écoulé, mais finissez votre propos, s'il vous plaît.

M. Marissal : C'est l'esprit même de ce projet de loi là.

M. Gaudreault (Mauril) :Responsabilité collective.

M. Marissal : Et performance.

M. Gaudreault (Mauril) :Oui.

M. Marissal : Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci, M. le député. M. le député des Îles.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois. Ce n'est pas la première fois qu'on se rencontre en commission parlementaire, depuis quelques années. Est-ce que vous avez l'impression, quand on décrit ce projet de loi comme étant dangereux... est-ce que vous avez l'impression qu'on est sur le bord d'un point de rupture? Est-ce que l'événement qu'on est en train de vivre, le moment qu'on est en train de vivre aujourd'hui, là, pour essayer de remettre sur les rails le système de santé en s'en prenant spécifiquement aux médecins... Est-ce qu'on est sur le bord d'un point...

M. Arseneau : …selon vous, est-ce que… tu sais, si on est… dans le temps long, là, puis vous avez plus d'expérience que moi, là, c'est un épisode parmi d'autres ou celui-ci est déterminant?

M. Gaudreault (Mauril) : Bien, on va répondre à deux, trois, O.K., mais moi, je vous dis, c'est vraiment, vraiment le moment d'être responsable tous ensemble par rapport au bien commun de la population que nous avons à desservir. Est-ce que c'est un point tournant? Peut-être, mais si on est responsable, à mon avis, on peut y aller de façon positive. Guy?

M. Morissette (Guy) : Alors, oui, effectivement, un moment important. Je pense que si l'environnement d'échange, si on retrouve le but commun, O.K., de… collectivement, je pense qu'on… quelque chose justement parce que c'est un moment important. Ça peut être très, très… comment je dirais, donc, favorable pour la population, c'est-à-dire, tu sais, à ce moment-là, par rapport à la qualité des soins et l'accès aux services.

M. Arseneau : Je comprends que ça peut être déterminant si on fait les choses comme il se doit. Mais pour ce, il faut adopter l'approche que vous proposez de responsabilité collective de tous les professionnels liée à la santé. C'est bien ça?

M. Morissette (Guy) : Tout à fait.

Mme Saad (Nathalie) : Et avoir les bons indicateurs pour qu'on puisse être vraiment imputable de ce que la population s'attend du système de santé en tant que groupe de professionnels.

M. Arseneau : Merci beaucoup. J'ai deux autres petites questions avec une minute. Comment expliquez-vous que ce que vous proposez semble se retrouver dans le rapport d'experts qui a été déposé auprès du ministre le 31 mars dernier et qu'on le rejette du revers de la main?

M. Gaudreault (Mauril) : Bien, j'espère qu'on ne le rejettera pas du revers de la main. C'est pour ça qu'on a… on dit dans notre mémoire, et comme je l'ai répété dans l'allocution : faisons confiance aux experts que nous avons nommés et qui nous proposent des choses intéressantes.

M. Arseneau : Mais puisque ce que vous dites, c'est : il faut ensemble réorganiser les soins d'une certaine façon pour être plus efficace puis que chacun puisse jouer son rôle, est-ce que le fait d'amener tous les… tous l'élément de rémunération, qui devrait se discuter normalement à une table de négociation… Est-ce qu'on ne vient pas confondre les deux éléments et en même temps confondre la population sur les objectifs auxquels on devrait s'attabler?

M. Gaudreault (Mauril) : Ce n'est pas d'amener la rémunération à mon sens, c'est de la lier à une performance. C'est là que le bât blesse pour nous comme ordre professionnel soucieux de protéger le public en assurant une médecine de qualité.

M. Arseneau : Parce que ça risque d'affecter la qualité.

M. Gaudreault (Mauril) : …c'est ça.

M. Arseneau : Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, M. le député. Merci beaucoup aux représentants du Collège des médecins pour votre présentation et pour la qualité de l'échange.

Alors, sur ce, je vais suspendre les travaux pour laisser place au prochain groupe. Merci beaucoup!

(Suspension de la séance à 16 h 09)

(Reprise à 16 h 12)

Le Président (M. Provençal) : Alors, nous reprenons nos travaux avec un groupe. Puis cette fois-ci nous allons rencontrer la Fédération médicale étudiante du Québec. Deux représentants, M. Maxime Pelletier-Lebrun, président, et Mme Félicia Harvey, vice-présidente. Alors, vous avez 10 minutes et, après ça, on procède aux échanges. Et je vous cède immédiatement la parole.

M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : Maxence Pelletier. Donc, enchanté, M. le Président. M. le ministre, membres de la commission, je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui afin de porter la voix de la relève médicale. Je me nomme Maxence Pelletier-Lebrun, étudiant en médecine et président de la Fédération médicale étudiante du Québec, la FMEQ, et je suis accompagné de Mme Félicie Harvey, notre vice-présidente. La FMEQ représente près de 5 000 étudiants en médecine issus des quatre facultés du Québec réparties sur 11 campus. Depuis notre création, nous nous positionnons en faveur d'un système de santé publique fort, universel et accessible, et proposons des solutions pour améliorer l'accès du réseau, notamment la hausse des admissions en médecine et la formation médicale délocalisée. Plus tôt ce printemps, nous avons demandé en commission l'abandon du p.l. n° 83 qui risque de motiver le mouvement des étudiants en médecine hors du Québec, ce qui pourrait fragiliser davantage l'accès à la première ligne. N'ayant pas de fonction syndicale, notre seul agenda aujourd'hui est de proposer une vision structurante pour le système de santé québécois, où nous serons portés à travailler comme futurs professionnels. Le dépôt du p.l. n° 106, le 8 mai, s'inscrit dans un contexte de négociations entre le gouvernement, la FMOQ, la FMSQ et la FMEQ. La coïncidence de ces événements a été largement commentée dans l'espace public et fragilise le dialogue nécessaire pour développer des solutions communes aux problèmes du réseau. Dans ce contexte, nous réitérons l'importance d'un débat public structurant qui s'appuie sur des données probantes et non des rapports de force.

Alors que de nombreux Québécois ont difficilement accès à la première ligne, le MSSS a mandaté un groupe d'experts pour élaborer une politique gouvernementale sur les soins et services de première ligne dont le rapport a été publié en mars. Ce rapport demande, entre autres, de garantir l'adéquation entre la capacité du réseau et la demande générée par l'inscription. Malheureusement, le projet de loi n° 106 ignore cette recommandation ainsi que la capacité du réseau à accueillir des centaines de milliers de nouvelles inscriptions sans ressources financières, humaines ou matérielles additionnelles. La pénurie d'effectifs médicaux touche le réseau au grand complet, des infirmières aux physiothérapeutes, des psychologues aux TS. Par exemple, plusieurs blocs opératoires demeurent fermés, non pas en raison d'un manque de chirurgiens, mais faute d'autres professionnels indispensables à leur fonctionnement. L'expansion de la pratique privée au Québec encourage également la création de deux systèmes parallèles qui se font concurrence.

Rappelons que dans les dernières années, le gouvernement a recouru à plusieurs mesures accélérant l'expansion du privé, telle la signature de contrats avec des CMS et la création de minihôpitaux privés qui contribuent aux problèmes d'accessibilité du réseau public. Les difficultés que vit présentement la première ligne ne peuvent pas être tassées de la main simplement parce qu'elles sont incommodantes. Affilier de force les Québécois à un milieu de pratique, comme le propose le p.l. n° 106, constitue une tâche impossible si l'on néglige les capacités réelles des professionnels à prendre en charge des patients. Avec le p.l. n° 106, un patient sera peut-être affilié à un milieu, mais seulement sur papier. Il ne pourra pas voir un médecin lorsqu'il en aura besoin, car celui-ci croulera sous un nombre de patients dépassant largement la capacité d'accueil de son milieu. Peut-être cela améliorera-t-il les indicateurs sur le tableau de bord du gouvernement, mais si le patient n'a pas accès à un médecin, qu'est ce que ça change concrètement?

Une clause inexplicable du projet de loi sur ce sujet prévoit qu'une personne sera désaffiliée d'un milieu de pratique si cette personne est établie en dehors du territoire du département territorial. Concrètement, cela signifie qu'un patient qui déménage de seulement quelques kilomètres, mais dans un département territorial différent perdra son médecin de famille, ce qui est absurde. Un autre enjeu soulevé par le projet de loi, c'est celui de la rémunération des médecins. Différentes études internationales comparent l'efficacité de modèles de rémunération à l'acte, par capitation et par salaire. Et celles-ci concluent qu'il n'existe pas de système de rémunération parfait. Dans ce contexte, la rémunération mixte permet de combiner les avantages de chaque modèle...

M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : …notons que le modèle actuel intègre déjà une bonne part de capitation, ce qui remet en question la nécessité des mesures prévues au p.l. no 106. Nous croyons qu'un modèle mixte a sa place au Québec, pourvu qu'il soit adapté à la réalité terrain et le fruit d'un dialogue entre le gouvernement et les médecins. À ce titre, la FMEQ s'inquiète grandement des implications de l'article huit, qui stipule que le ministre peut, par règlement, établir les modes de rémunération des professionnels de la santé, ce qui pourrait entraver le droit à la négociation future.

La FMEQ se questionne également sur la définition de la vulnérabilité utilisée dans le projet de loi. D'abord, il importe de rappeler que les médecins utilisent déjà des codes de facturation différents pour les patients jugés vulnérables, Codes qui sont discutés de manière périodique avec la FMOQ. Cette flexibilité est menacée par l'inscription des niveaux de vulnérabilité à même le projet de loi, ce qui complexifie leur modification future. Également, la séparation de patients en seulement quatre niveaux de vulnérabilité ne nous apparaît pas suffisamment granulaire pour représenter la diversité des cas qui sont vus en pratique. Il est souhaitable que la vulnérabilité soit prise en compte dans la rémunération des médecins, mais celle-ci doit refléter la réalité clinique et non une réalité aplatie à des fins de codification administrative.

Mme Harvey (Félicia) : Les mesures prévues dans le projet de loi s'ajoutent à des contraintes de pratique déjà importantes. Les médecins au public doivent notamment se soumettre aux PREM, aux PEM et aux AMP. À cela s'ajoutent les contrats que devront signer les étudiants et résidents en médecine du Québec prochainement si les mesures prévues dans le p.l. 83, maintenant la loi 10 sont appliquées.

Un autre enjeu de premier plan est la charge administrative, comme la multiplication de la paperasse et des réformes organisationnelles, dont la création de Santé Québec constitue le dernier exemple. Le gouvernement reconnaît ce problème et a entrepris différentes actions pour y remédier, comme le projet de loi n° 68. La FMEQ applaudit ces initiatives et encourage le gouvernement à continuer dans cette voie. Le dépôt du projet de loi n° 106 constitue malheureusement un recul sur cet enjeu. La présente situation exige la réduction du fardeau administratif et organisationnel des médecins pour leur redonner le temps de soigner et non pas une énième couche de bureaucratie qui nuit notamment à la valorisation de la médecine de famille. Le projet de loi n° 106 prévoit que la rémunération des médecins soit liée à des indicateurs de performance locaux, territoriaux et nationaux afin d'encourager les médecins à orienter leurs pratiques selon les priorités ministérielles. Puisque les médecins à titre individuel n'ont qu'une influence négligeable sur l'atteinte d'objectifs nationaux, nous considérons que ces derniers ne doivent pas être liés à leur rémunération.

En effet, tous les médecins seraient pénalisés pour des indicateurs qui ne dépendent pas réellement d'eux. Par exemple, un médecin à Chicoutimi n'a aucun pouvoir sur la performance d'un médecin à Montréal. Le seul effet de cette mesure serait de décourager les médecins. Nous ne sommes pas opposés à l'existence d'objectifs nationaux ni d'objectifs territoriaux qui peuvent être utiles pour diriger des efforts systémiques en santé. Seulement les lier à la rémunération est contre-productif.

Au contraire, des objectifs locaux, soit des objectifs associés à un milieu de pratique, peuvent, s'ils sont clairs, mesurables et cliniquement pertinents, améliorer l'efficience du système de santé. En France, le programme Rémunération sur objectifs de santé publique s'appuie sur des objectifs liés à la prévention, à la qualité du suivi et à la pertinence des prescriptions. Au Royaume-Uni, le Quality and Outcomes Framework incite pour sa part les médecins généralistes à atteindre des cibles cliniques précises comme la gestion de l'hypertension ou le suivi du diabète.

Pour être des leviers de changement, ces objectifs doivent être centrés sur les soins et non sur des indicateurs comptables. Des initiatives similaires pourraient redonner à la prévention un rôle principal dans le système de santé, un changement nécessaire alors que la population vieillit et que les coûts des soins créent un poids sur les finances publiques.

• (16 h 20) •

Pour être efficace, la définition de ces objectifs doit également se faire selon un modèle de gouvernance partagée. Les acteurs sur le terrain, comme la FMOQ, la FMSQ et les DRMG doivent être pleinement impliqués dans la sélection des objectifs et des indicateurs utilisés pour les mesurer. Autrement, ceux-ci seront déconnectés de la pratique clinique. Si une rémunération est associée à la réalisation de ces objectifs locaux, celle-ci devrait prendre la forme d'une prime à la performance individuelle et non d'une sanction collective. Des objectifs qui ne respectent pas les critères précédents risquent de créer une vision tunnel où l'atteinte d'indicateurs accapare l'attention du médecin au détriment de la santé globale du patient. Il existe également un risque que la multiplication d'objectifs s'accompagne d'une multiplication de paperasse et de mécanismes pour vérifier l'imputabilité des médecins. Il ne faut pas que le médecin passe plus de temps à prouver qu'il a atteint un objectif qu'il en passe à gérer concrètement la situation médicale qui y est associée.

Au-delà de ces particularités, la FMEQ s'inquiète grandement quant aux répercussions que pourrait avoir le p.l. no 106 sur l'enseignement médical. Une part essentielle du travail des médecins consiste à former la relève, que ce soit au niveau préclinique, par l'enseignement universitaire, ou en contexte clinique auprès des externes et des résidents. Ces activités constituent un socle fondamental pour assurer une relève compétente et bien formée pour répondre aux besoins de la population. Or, ces tâches pédagogiques sont absentes des calculs liés au nombre de jours travaillés dans le cadre de la facturation. Elles ne…

Mme Harvey (Félicia) : ...ne sont pas reconnus à leur juste valeur dans les mécanismes de reddition de comptes ou de responsabilisation proposés dans la réforme. Si le gouvernement ne reconnaît pas explicitement l'importance de ces activités, il y a un risque réel qu'elles deviennent les premières à être délaissées par les médecins, faute de temps et de ressources.      Comme le ministre, nous partageons la volonté d'améliorer l'accès aux soins pour la population québécoise, mais nous considérons que, sous sa forme actuelle, il n'améliorera pas réellement le système de santé québécois. L'accessibilité à la première ligne ne doit pas reposer sur la seule responsabilité des médecins ni sur des délais qui suivent des échéanciers électoraux. Les solutions proposées par le projet de loi n° 106 ne s'attaquent pas aux racines profondes des problèmes du réseau, soit le sous-financement chronique, la pénurie de personnel, l'expansion du privé, la lourdeur administrative et la vétusté des infrastructures. En soi, il n'y a rien de mal à vouloir que le système atteigne des cibles, seulement, ces objectifs ne pourront être atteints que si l'on crée les conditions sur le terrain permettant de les réaliser. Merci.

Le Président (M. Provençal) :C'est terminé?

Mme Harvey (Félicia) : Oui.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup. Alors, M. le ministre.

M. Dubé : J'ai toujours beaucoup d'appréciation pour vos présences dans les commissions parlementaires, parce que vous n'avez pas juste ça à faire. Et à chaque fois, je pense qu'il y a un travail qui est rigoureux de votre part. Ce n'est vraiment pas la première fois que vous venez. Je ne peux pas savoir combien de fois, mais merci beaucoup d'être là. C'est ce que je voulais vous dire pour commencer, à tous les deux.

Juste sur votre dernier commentaire, je vais commencer par la fin parce que j'ai pris quelques notes. Vous dites que le projet de loi n° 106 ne réglera pas tous les problèmes. Ce n'est vraiment pas ça, l'objectif. Parce que c'est pour ça qu'on a fait un plan santé il y a trois ans, puis on a mis une cinquantaine de recommandations, puis on les fait une par une. Je pense que le projet de loi, ici, l'objectif, c'est de travailler sur la rémunération point. Quand vous parlez d'infrastructures, quand vous parlez de systèmes informatiques, quand vous parlez de toutes les autres choses qu'on a faites en parallèle, améliorer la santé publique, etc., c'est toutes des choses qu'on a déjà faites et commencées, mais je veux juste dire qu'on est d'accord, que le projet de loi n° 106 n'est pas là pour régler tous les autres problèmes. Je veux juste faire cette précision-là.

Maintenant, une chose qui est très intéressante puis, je dirais, pour... de votre côté, puis je vais faire un parallèle avec ce qu'on discutait tout à l'heure avec le Dr Gaudreault du collège, puis je pense que vous étiez en salle tout à l'heure quand on discutait de ça, je pense qu'où on s'entend moins... parce que vous, c'est sûr... qu'est-ce qu'on veut dire par résultats ou qu'est-ce qu'on veut dire par performance... puis il y a une partie de la rémunération. Parce que, quand vous me donniez des exemples un peu plus tôt dans votre présentation, que vous me parliez de l'Angleterre, etc., bien, nous, on est allés voir ces modèles-là puis on a bien vu justement qu'il y avait des indicateurs qui étaient faits puis qui étaient liés à la rémunération. Des fois, c'est 10 %, 15 %, 20 %, mais il y a une partie de la rémunération des médecins dans plusieurs de ces pays-là européens qui sont liés à la performance.

Bon, maintenant, où je pense que le terme est galvaudé en termes du mot «performance», c'est que c'est souvent relié à quelque chose qui est beaucoup plus économique. Tantôt, vous avez dit comptable, je pense que je comprends ce que vous dites quand on parle d'objectifs financiers. Mais lorsqu'on parle... Puis, tout à l'heure, on aura la chance d'avoir justement le groupe de Mylène Breton qui va venir, le groupe d'experts qu'on a engagé, puis ils ont mis six ou sept indicateurs avec lesquels ils sont d'accord. Ça fait que je pense qu'il faut trouver, dans les prochaines semaines... puis moi, si vous voulez, puis je ne sais pas aujourd'hui si on a le temps, parce qu'encore une fois, je le dis, ce n'est pas long, 17 minutes, là, mais d'être capable de trouver cet arrangement-là ou quels sont les indicateurs qui sont faits, exemple, dans d'autres pays qui mesurent la qualité, qui mesurent l'accès aux patients, qui vont faire qu'avec des experts comme on a engagé... puis ce n'est pas pour rien qu'on les engagés, c'est pour être capable de nous dire qu'est-ce qui se faisait ailleurs puis comment on peut travailler ensemble.

Ça fait que c'est là que je dis, quand on dit : basé sur la performance, c'est là, je pense, qu'on ère un peu, puis c'est correct, puis c'est ça qu'on devrait préciser. Ça fait que je voulais juste vous dire ça parce que j'entends que vous n'êtes pas contre ce qui se fait ailleurs puis surtout si c'est des objectifs qui sont liés, par exemple, à la qualité. Ça fait que ça, c'est un élément.

Vous avez parlé aussi de... puis je me mets à votre place, vous vous préparez à rentrer en profession, puis on est très content. Vous avez dit : Est ce qu'il y a d'autres efforts qui peuvent être faits? On a quand même augmenté, puis vous faites partie de ces cohortes là maintenant, le nombre de patients puis... le nombre de médecins, pardon, qui sont formés à chaque année. Il y a quelques années, c'était 800. On est rendus à 1 100 patients qu'on forme à chaque année dans nos quatre grandes facultés...

M. Dubé : ...de médecine. Ça, je pense que c'en est une, chose qu'on a faite. Puis c'est la première fois, je pense, qu'on a autant de médecins qui sont acceptés en médecine familiale. Ça, c'est quand même quelque chose. Alors, je veux juste dire qu'il faut... il faut prendre la mesure de tout ce qui est en train d'être fait. Ça ne va peut-être pas à la vitesse qu'on voudrait, mais je voulais juste vous le mentionner.

Maintenant, sur vos autres points, puis j'en ai un qui me... Vous avez dit, tout à l'heure, puis je veux juste... on pourra le discuter un peu plus à fond, vous avez dit : Bien, on n'aime pas la question que quelqu'un qui serait dans une région pourrait être obligé de changer sa région parce qu'il perdrait son médecin de famille, ou tout ça. Puis je pense qu'il y a beaucoup de choses qui ont été dites là-dessus, là, puis peut-être que mon collègue aura la chance de vous reposer la question aussi, mais je veux juste qu'on précise une chose, puis peut-être que le projet de loi doit être précisé, puis on le précisera au besoin, mais il y a deux choses, puis je veux que les Québécois l'entendent parce que vous avez soulevé ce point-là, puis ça, je pense que ça a fait beaucoup jaser, puis des fois, c'est important de corriger les faits.

Ceux qui ont un médecin de famille, en ce moment, ceux qui ont un médecin de famille, là, qui en ont un, les 6 millions de chanceux qui en ont un, là, ils vont le garder peu importe ce qui arrive. Ça, je veux juste être clair là-dessus, très, très clair là-dessus. Il y a un article spécifique qui dit que ceux qui ont un médecin de famille vont le garder, ça fait que... Bon.       Deuxièmement, tous ceux qu'on va amener qui vont être pris en prise charge collective, hein, parce que c'est ça qui est l'objectif, puis d'être relié à un médecin ou à un milieu de soins, eux, on leur dit : On peut, si jamais vous êtes à un endroit au moment où la RLS ou le GMF vous prend en charge, vous allez être identifié à un groupe, clairement. Parce que le rapport d'experts nous a dit : Ce n'est pas juste l'accès qui est important, c'est la continuité, c'est de toujours faire affaire à la même place pour être capable de s'habituer au personnel, parce que ce n'est pas toujours le médecin qui peut vous servir, on dit qu'il faut répartir ça entre les différents professionnels. Donc, si quelqu'un déménage l'autre bord de la rue puis que ce n'est plus la même région, ça va devenir son choix de rester dans son ancienne région ou d'aller prendre une autre. Alors, ça aussi, il faut clarifier ça. Moi, ce que je comprends de la lecture, que plusieurs personnes m'ont dit... puis j'ai dit : Oui, on est d'accord avec ça, ça devrait être le choix, puis on va le préciser par règlement.

Alors, je veux juste dire : Il faut faire attention parce que je ne veux pas... Les Québécois, là, sont déjà assez inquiets par leur système de santé, pour toutes sortes de raisons. Je voudrais juste qu'on dise les vraies choses. Donc, ceux qui en ont un, ils vont le garder. Ceux qui n'en ont pas, on va les identifier à un milieu de soins avec un médecin puis ce qu'on appelle une prise en charge collective. Et, si jamais ils déménagent puis ils veulent le garder, ils vont pouvoir le garder. Alors donc, je veux juste qu'on se comprenne bien là-dessus. Puis je suis content que vous ayez soulevé ça, parce que, si ce n'est pas clair, on va le clarifier, puis c'est à ça que ça sert, un projet de loi. Je voulais juste vous entendre là-dessus.

M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : ...un enjeu de clarté que des faits qui ne sont pas bons, ici, parce qu'il est clairement dit dans le projet de loi qu'«une personne est désaffiliée d'un milieu de pratique dans les cas suivants»‘ puis il est dit «cette personne s'établit en dehors du territoire du département territorial de médecine familiale». Donc, ce n'est pas votre intention, je comprends...

M. Dubé : ...là, lisez la fin de l'article 4, jusqu'en bas, là, puis ça dit qu'on peut le faire par voie de règlement pour faire ça. Alors donc, ce que je vous dis, ce que je vous dis, c'est que, si ce n'est pas dans la loi... Parce que, si on faisait la loi au complet, là, puis on faisait tous les règlements, là, ce serait épais comme ça. Alors, ça, sur ce point-là, pour la nouvelle affiliation, ceux qui n'ont pas un médecin de famille... En ce moment, ils n'en ont pas, là. On dit : Vous allez être affilié à un GMF puis, si jamais vous déménagez puis que vous ne voulez pas changer, ce sera votre choix de demander. On pourra faire des mécanismes de transition.

• (16 h 30) •

Je vais vous donner un exemple. Un des problèmes qu'on a, là, c'est sur la grande île de Montréal. En ce moment, là, il y a bien des gens qui viennent de Laval ou qui viennent de Montérégie. J'en connais, moi, j'en ai beaucoup, dans mon comté, là. Leur médecin de famille, il est à Montréal parce qu'ils viennent travailler à Montréal puis ils voient leur médecin de famille à Montréal. Ça, c'est la réalité de beaucoup de monde. Bien, c'est sûr que la journée qu'on dit qu'on veut 100 % de la population de plus, donc 15 % de la population de plus pour atteindre 15 %, il y a peut-être des GMF à Montréal qui : Écoutez, moi, le bouchon, il est plein, là, puis je l'ai entendu de gens qui m'ont dit ça, là, on se comprend.

Il va falloir avoir un mécanisme de transition pour dire : Bien là, on vous prend, mais voici comment on peut faire cette transition-là. Ça fait que c'est pour ça que je dis : Il faut faire attention. Parce que qu'est-ce qu'on vise? Ceux qui ont déjà un médecin, on ne bouge pas, ça reste pareil. Ceux qu'on prend par affiliation, il va falloir trouver un mécanisme de transition. Puis je voulais juste être certain que les...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

M. Dubé : ...les Québécois qui nous écoutent, là, ils entendent ça aujourd'hui.

Mme Harvey (Félicia) : J'aimerais juste ajouter une clarification. Au début de votre commentaire, vous avez dit que c'est une des mesures, vous nous avez dit aussi la même chose pour le projet de loi n° 83. Puis on reconnaît qu'il n'y a pas une mesure qui va tout changer au système de santé. Mais, dans le ton puis dans ce qu'on a entendu dans les dernières semaines, on parlait quand même de clé de voûte. On parlait de projet de loi qui se faisait attendre depuis 23 ans. On mettait... On a entendu des termes sévères pour les médecins comme médecins paresseux. Donc, on est content puis on reconnaît que...

M. Dubé : Je ne suis pas sûr que quelqu'un qui a dit que c'était paresseux de la part du gouvernement. Ça a été dit par d'autres personnes, mais pas par des gens du gouvernement.

Mme Harvey (Félicia) : Non, mais je parle du contexte médiatique...

M. Dubé : Oui, oui, effectivement.

Mme Harvey (Félicia) : ...c'est ce contexte médiatique là qui inquiète, là, aussi les étudiants, puis notamment pour la médecine de famille, là, pour être constant dans les efforts que votre ministère fait également pour la valorisation de la médecine de famille, des discours comme ça, ça inquiète les étudiants.

M. Dubé : Parce que, ce qui est intéressant, puis j'apprécie que vous reveniez là-dessus, on le reconnaît, puis vous reconnaissez qu'on en a fait des efforts, depuis plusieurs années, pour valoriser la médecine familiale. Puis je suis tannant, parce que, quand vous me demandez d'en parler, je peux vous donner des foules d'exemples de ce qu'on a fait pour éliminer la paperasse, puis le... etc. Donc, moi, je ne regarde pas en arrière, je regarde en avant, puis je vous dis : Ça, là, on va s'en occuper, on va s'occuper de ce qu'on a à faire. Maintenant, comme l'a dit le docteur Gaudreault, il faut faire... les deux doivent faire leur part.

Je veux juste revenir, parce que je ne sais pas comment qui me reste de temps...

Le Président (M. Provençal) : Six minutes.

M. Dubé : Ah! c'est beaucoup quand même. Je veux revenir sur la question informatique, parce qu'on parle souvent des infrastructures, des hôpitaux, la bâtisse. Et vous êtes des jeunes médecins, puis je suis certain que toute la question... on en a déjà parlé ensemble d'ailleurs dans diverses rencontres qu'on a eues. Moi, je vous demanderais de parler à votre... à vos collègues à la FMSQ pour s'assurer qu'ils ne débarquent pas du projet du DSN, parce que ce que j'ai entendu, ce matin, là, la vidéo que j'ai vue, là, où ils recommandent à leur médecin de ne plus travailler sur le projet de DSN, je voudrais juste qu'ils comprennent l'impact que ça, là. D'un côté, on ne peut pas demander au gouvernement de dire : Donnez-nous des outils, donnez-nous des outils pour qu'on soit plus efficaces. On a investi des centaines de millions de dollars en ce moment dans un projet de transformation informatique pour que tout le monde puisse avoir ses données sur son téléphone, d'être capable d'aller d'un hôpital à l'autre, de ne pas avoir à traîner son dossier en dessous ou demander au médecin. On est en train de faire ça dans deux projets vitrines au Québec. Puis là je ne sais pas si c'est vrai ce que j'ai vu ce matin, là, mais Dr Oliva recommande à ses membres de se sortir du projet DSN.

Ça fait que, moi, je voudrais juste vous dire, si c'est vrai ce qui a été dit, là, ce serait peut-être bon que des jeunes médecins, comme vous, en devenir, là, puissent dire clairement : On a besoin de ces outils-là au cours des prochaines années, parce que c'est ça qu'on est en train de faire, là, passer de l'âge de pierre à l'âge de l'informatique avec des projets majeurs. Ça, c'est majeur, ce qu'on est en train de faire en informatique pour que vous ayez des outils pour mieux soigner les gens. Puis là, pour des raisons de négos, pour des raisons de pression, on dit : On va se retirer de ça en ce moment. Il y a quelque chose qui ne marche pas, là, dans le discours.  

Mme Harvey (Félicia) : Nous, la FMEQ, évidemment, on collabore avec la FMSQ autant qu'on collabore avec vous. On ne va pas se positionner sur les propos de la FMSQ. Tout ce qu'on peut dire, c'est que, nous, évidemment, on travaille avec le gouvernement pour la mise en place de système comme ça, parce que travaillant... Bien, en stage, dans le réseau, là, on peut dire que c'est plus que nécessaire, là.

M. Dubé : On est d'accord.

Mme Harvey (Félicia) : Quand on parle d'objectifs et de performance, là, quand il faut ouvrir un logiciel pour voir les images, un autre pour voir les laboratoires, un autre pour voir les antécédents, c'est difficile d'être performant, là. Donc...

M. Dubé : Bien, donc, on est d'accord...

Mme Harvey (Félicia) : On est d'accord que les travaux doivent continuer, oui.

M. Dubé : ...mais je voulais juste le mentionner, parce que je veux que ce que les Québécois comprennent... Puis c'est tellement majeur ce qu'on est en train de faire puis, en plus, on est à quelques mois d'arriver. Moi, je ne voudrais pas arriver dans deux mois, comme c'est arrivé dans d'autres projets informatiques... Puis là on a mis Santé Québec, on a mis des gens responsables, des collègues de Mme Poupart, qui est derrière, là, pour être capables de faire arriver ces projets-là. Enfin, enfin, ces projets sont arrivés. On doit avoir la première implantation au Centre-du-Québec au mois de novembre, je crois. C'est là, ce n'est pas le temps d'arrêter ça puis de dire : Bien là, on ne travaille plus là-dessus. Ça fait que je voulais juste le mentionner.

J'arrive avec un autre point. Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Provençal) :Il vous reste deux minutes.

M. Dubé : Bon. Sur la question de la paperasse... sur la question des PREM, ça, je sais que ça vous préoccupe. J'aimerais ça que vous entendiez directement des personnes qui vous parlent que, malheureusement, dans le processus de négociation en ce moment, puis je ne parlerai pas...

M. Dubé : ...pas de négociation. Ça fait que je vais faire attention pour ne pas que le député de Rosemont me le reproche. Nous, on s'est fait demander par vous de simplifier les PREM. On s'est fait demander ça ça fait longtemps, là. On a fait un groupe de travail avec les DRMG, avec la FMOQ. On a fait un rapport qui simplifie les PREM, qui pourrait être applicable au mois de septembre. Majeur, là, c'est majeur. C'est une de vos demandes majeures. Bien, en ce moment, pas de réponse, parce que les gens nous disent : Attendez qu'on ait fini de négocier, puis on signera. Je m'excuse de le soulever aussi clairement, mais moi, je m'étais engagé pour que les PREM du mois de septembre de cette année puissent être simplifiés, puissent être simplifiés pour être capable de faire ça, O.K.? Alors donc, je veux juste... Vous entendez, là. Je sais que le député, il n'aime pas ça, devant moi, là, mais c'est ça, la réalité. Alors donc, moi, ce que... je veux juste être certain que vous sachiez ma part que ce rapport-là, il est prêt, il fait des recommandations très claires de simplifier les PREM pour avoir encore plus de valorisation de la médecine familiale, ce que vous m'avez demandé, ce que vous nous avez demandé. Il y a eu un groupe d'experts qui l'a fait, qui est arrivé à des conclusions que voici tout ce qu'on devrait faire, puis là, zip, pas de réponse de la part de la FMOQ.

M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : Je peux peut-être rapidement juste dire qu'on n'est pas sur ce groupe-là, mais il y a quand même certains enjeux avec les PREM, notamment qu'on peut juste appliquer à deux sous-régions, ce qui est un peu ridicule si on veut appliquer dans le Grand Saguenay puis peut-être que Jonquière nous conviendrait autant qu'Alma. Donc, il y a quand même des...

M. Dubé : Bien, c'est pour ça qu'on veut simplifier les règles et...

M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : On s'entend. Mais je crois qu'il y a quand même des enjeux aussi spécifiques au projet de loi par rapport à la région. Je nommais mon petit patelin. Donc, moi, je viens de Saint-Roch-des-Aulnaies, donc pas loin d'où vient le ministre, à Saint-Jean-Port-Joli...

M. Dubé : Mon Dieu! C'est à côté de Saint-Jean-Port-Joli.

M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : Bien, je sais. Mais, tu sais, vous savez ce que c'est en région. Techniquement, on est dans Chaudière-Appalaches, à côté de La Pocatière, beaucoup de personnes qui vont avoir une clinique à La Pocatière, qui est un département régional différent. Donc, des fois, c'est ça, la réalité des régions, c'est que peut-être que le milieu qui nous correspond le plus, duquel on est le plus proche, bien, ce n'est pas celui qui est charté par une frontière invisible par les départements territoriaux. Ce qui est instauré dans le projet de loi, c'est qu'on va être affilié à notre département, alors qu'en réalité la pratique, c'est que, des fois, ton médecin qui serait le plus proche puis avec qui tu as été affilié depuis longtemps, ou bien le milieu de pratique, bien, c'est un milieu qui serait plus proche géographiquement et non selon les régions. Donc, on est encore en train d'être plus dans une...

M. Dubé :  Et la simplification des PREM va en tenir compte, mais on pourra y revenir.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup.

M. Dubé : Merci beaucoup. Merci.

Le Président (M. Provençal) :M. le député de Pontiac, la suite vous appartient.

M. Fortin :Petit guide pour les gens qui nous écoutent : À chaque fois que le ministre dit : On ne fera pas de négociation sur la place publique, il fait de la négociation sur la place publique.

Merci d'être là. Merci de vos commentaires. Le ministre a passé beaucoup de temps, là, à essayer de vous... essayer de vous convaincre de quelque chose par rapport à, justement, les départements territoriaux de médecine familiale, là, que vous avez abordés, là, encore une fois, à la toute fin, là. Donc, votre lecture du projet de loi à vous, là, votre interprétation, là, c'est que, si quelqu'un est affilié à un milieu de pratique à Québec, qu'il déménage dans Chaudière-Appalaches... c'est qu'il ne pourra plus aller à cette clinique-là, c'est ça?

M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : Du moins, ce qui est dans le projet de loi en ce moment, on n'a pas encore les règlements, donc on ne peut pas se positionner sur des règlements qui n'existent pas pour l'instant.

M. Fortin :Oui. Mais c'est ça qui est dans le projet de loi.

M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : Oui. Selon notre lecture, du moins.

M. Fortin : Très bien. Mais faites attention, faites attention, le ministre va vous dire que vous faites de la désinformation. O.K. Je...

Une voix : ...

M. Fortin : Pardon?

Une voix : ...

Mme Harvey (Félicia) : C'est notre lecture. On s'en tient à ça.

Des voix : ...

M. Fortin :O.K. Alors là, commençons par la fin de votre projet de loi. Je vous cite, là : «Les objectifs qui ne respectent pas les critères précédents risquent de créer une vision tunnel où l'atteinte d'indicateurs accapare l'attention du médecin au détriment de la santé globale du patient.» Donc, vous êtes un peu, si je vous comprends bien, à la même place que le collège, qui était ici précédemment et qui disait essentiellement : Il y a un risque pour le patient, là, il y a un risque qu'on aille trop vite, il y a un risque qu'on veuille les voir trop rapidement, il y a un risque qu'on manque des diagnostics parce qu'on veut aller vite, il y a un risque que le patient n'ait pas toujours le suivi nécessaire, qu'il n'ait pas le temps de dire ce qu'il a à nous dire, un patient plus vulnérable, par exemple. Est-ce que... Est-ce qu'elle est là, votre préoccupation principale, c'est-à-dire que la qualité des soins pourrait être affectée?

• (16 h 40) •

Mme Harvey (Félicia) : Oui, exactement, là, on rejoint le CMQ à ce niveau-là. On a peur qu'il y ait des objectifs, là, de performance, comptables, peu importe le mot, là, mais qui favorisent une quantité versus une qualité. C'est pour ça que, dans notre mémoire, pour essayer de faire du chemin puis de travailler en collaboration, on parle plus d'objectifs qui pourraient être liés à la prévention, par exemple, là, prendre des statistiques sur le dépistage de cancer du sein, sur la vaccination, des points comme ça, pour valoriser la prévention, qu'on sait qui est souvent...

Mme Harvey (Félicia) : ...laisser de côté, là, quand on fait des coupes budgétaires. Mais pour les objectifs qui seraient de performance, de quantité, de forcer des médecins à travailler plus de jours par semaine, ça, on pense que ça pourrait amener des risques, là, pour la santé des patients.

M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : Puis le collège parlait de la métaphore des pièces détachées de voiture. Bien, je pousserais la métaphore, puis je dis : On n'a pas envie de devenir une chaîne de montage Toyota où on voit un patient chaque 10 minutes, puis il n'y a pas d'adaptation qui est faite selon chaque patient. On parle des patients vulnérables dans le projet de loi. Les patients vulnérables, ça prend du temps parce qu'ils ont peut-être une comorbidité psychologique quand on a quelqu'un, dans la famille, qui est mort puis qu'on a envie d'avoir cette relation de confiance là parce qu'on les voit pendant 40, 50 ans, c'est des choses qui prennent du temps. On ne peut pas juste gérer quelqu'un qui est dans son deuil pendant cinq minutes, lui donner une boîte de mouchoirs, puis passer au prochain patient. Il y a quelque chose de fondamentalement humaniste dans la médecine. Puis ce qu'on craint, c'est que si on désaxe nos objectifs de cette vision-là de la médecine, bien, on va perdre quelque chose qui n'est peut-être pas quantifiable, qui n'est peut-être pas indiquable sur un tableau de bord, mais qui fait aussi la beauté de la pratique médicale.

M. Fortin :C'est-à-dire de pouvoir s'occuper de son patient, de lui donner toute l'attention, tous les soins et tout l'écoute qu'il a besoin.

Mme Harvey (Félicia) : Oui. Puis laisser l'autonomie aussi professionnelle du médecin de juger du temps qu'il a besoin avec le patient, là, tu sais qui... Je pense qu'on a les outils pour décider du temps qu'on passe avec le patient. Puis quand on met des objectifs comme ça, c'est qu'on met un même moule pour tout le monde.

M. Fortin : Mais vous n'êtes pas foncièrement sur le mode de rémunération, hein, c'est-à-dire de passer d'une mode de rémunération qui est plus axée sur l'acte à un mode peut-être mixte ou avec plus de capitation, tout ça. Est-ce que vous avez... Est-ce que vous avez une objection à la base là-dessus.

M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : On croit que c'est quelque chose qui peut être discuté. Il existe plusieurs modèles à l'international, peut-être pas dans un contexte d'un projet de loi au niveau en cours aussi. Quelque chose qui nous dérange un peu, c'est la définition de la vulnérabilité qui est faite pour la capitation, parce que c'est... à même le projet de loi, alors que normalement c'est fait de façon extrajudiciaire. Ça, ça fait qu'on n'a pas de flexibilité dans le futur pour modifier ces critères de vulnérabilité là. Puis aussi de réduire toute la diversité de la pratique clinique que je décrivais tantôt en seulement quatre critères, ça me semble un peu réducteur. Dans le projet de loi, en ce moment, ça veut dire qu'un patient à la santé flambante 25 ans est aussi vulnérable qu'un nouveau-né. Ceux qui sont parents parmi vous savent qu'un nouveau-né, ça tombe malade assez souvent. Ça ne semble pas tellement refléter la réalité clinique. Il faut dire que la RAMQ a accès à tous les codes diagnostiques de toute façon. Donc, il y aurait la possibilité d'avoir quelque chose qui est plus nuancé que seulement quatre pastilles de couleur pour essayer de décrire toute la vie en santé d'un patient.

M. Fortin : Donc, je vous le confirme, mes enfants allaient pas mal plus souvent avoir le médecin quand ils étaient nouveau-nés que moi à 25 ans, effectivement. Vous dites, encore une fois, là, je suis à la toute fin de votre mémoire, là : «Il existe également un risque que la multiplication d'objectifs s'accompagne d'une multiplication de paperasse et de mécanismes pour vérifier l'imputabilité des médecins». Ça fait que vous êtes en train de nous dire, là : Vous allez défaire tout ce que tout ce que tout le monde a essayé de faire en disant il faut réduire la charge administrative ou la charge de paperasse des médecins. Non seulement le médecin qui était ici ce matin me disait : Déjà je passe quatre jours par mois à faire de la paperasse, là. Là, vous dites que ça risque d'en amener davantage.

Mme Harvey (Félicia) : Exactement. C'est notre crainte, là. C'est y rajouter une couche de bureaucratie de prouver est ce que j'ai atteint mes objectifs. Puis c'est de rajouter des étapes au final de paperasse pour vérifier l'imputabilité, alors qu'on veut que les médecins passent plus de temps dans les soins.

M. Fortin :O.K. Je regarde vos recommandations à la fin, là : retirer la rémunération liée aux objectifs nationaux et territoriaux; retirer la notion d'affiliation à un... d'affiliation obligatoire à un millier de soins; milieu de soins, retirer la définition explicite des niveaux de vulnérabilité — on vient d'en parler — abroger l'article 8 afin de garantir le droit de négociation. Et à travers tout ça, là, il y en a un paquet d'autres, là, des recommandations. Est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'on avait retiré le projet de loi?

Mme Harvey (Félicia) : On est en train d'essayer de trouver des manières d'amener des propositions constructives au projet de loi. On l'a vu avec le projet de loi n° 83, on a demandé un retrait. Le gouvernement a décidé de continuer. Donc, notre approche, cette fois-ci, c'est d'essayer d'apporter des recommandations qui pourraient diminuer les impacts négatifs sur la population.

M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : En santé, parfois, on parle de réduction des méfaits. Je crois que le terme serait indiqué ici aussi.

M. Fortin : Parlant de réduction des méfaits, là, qu'est-ce que ça... Vous l'avez apporté, là, dans votre exposé, là. Lier la rémunération, disons, d'un médecin à Gatineau, avec le nombre de patients, par exemple, qu'un médecin à Gaspé peut réussir à avoir, c'est un enjeu. Mais quand je dis ça, il y a aussi l'objectif et la responsabilité gouvernementale derrière tout ça, là. Lier la responsabilité... De lier la rémunération d'un médecin à Gaspé au fait que le gouvernement...

M. Fortin :...capable de donner des salles d'opération à Gatineau, ce n'est pas bien, bien mieux non plus, là. Donc, si je vous comprends bien, là, dans l'ensemble de votre propos, il me semble qu'il y a aussi une partie que le gouvernement doit faire.

Mme Harvey (Félicia) : Oui, exactement. Comme on dit, on n'est pas contre avoir des objectifs, il faut avoir un plan, il faut savoir où on s'en va, donc on reconnaît l'importance de ça, mais quand on met des objectifs, il faut mettre des ressources qui vont avec. Si on ajoute une nouvelle classe dans une école, on peut s'attendre à ce que l'école prenne plus d'étudiants. Mais si les classes sont déjà toutes pleines, on ne rajoute pas de classe puis on dit : Augmentez de 50 % votre prise en... bien, pas votre prise en charge, mais le nombre d'étudiants dans l'école, ça ne fonctionne pas. Donc, on peut se fixer des objectifs, mais nous, on veut voir des ressources sur le terrain, on veut voir des professionnels à qui on a plus accès puis toutes les autres mesures qui ont été nommées ce matin pis qu'on a... qui sont dans plein de rapports, dans plein de rapports d'experts. Mais de déposer un projet de loi qui parle d'avoir des objectifs, mais qui ne parle d'aucune ressource qui sont proposées avec, on trouve que ça ne fonctionnera pas, là.

M. Fortin :Dernière chose. Vous avez une longue liste de recommandations, vous vous attardez à plusieurs des enjeux spécifiques soulevés par le projet de loi ou des articles du projet de loi, puis vous ne m'aimerez peut-être pas parce que c'est une question ouverte, là, mais c'est quoi votre plus grande préoccupation par rapport au projet de loi?

Mme Harvey (Félicia) : Notre plus grande préoccupation, c'est l'enseignement, là. Je cite le ministre. Ce matin, il a dit : «J'ai beaucoup de respect pour ceux qui font de l'enseignement, mais le Québécois, de quoi a-t-il besoin? C'est la prise en charge». L'enseignement, c'est ce qui fait les médecins de demain. Les Québécois ont besoin d'étudier en médecine s'ils veulent des médecins demain et après-demain. Donc, nous, ce qui nous inquiète, c'est que l'enseignement fait par les médecins, que ce soit au prix clinique ou dans tous nos stages cliniques, n'est pas pris en considération quand on parle de performance, n'est pas pris en compte quand on parle de facturation à l'acte. Puis nous, on demande que ça soit fait parce que, sinon, ça risque d'être la première tâche que les médecins vont laisser tomber pour essayer de répondre à des objectifs puis les étudiants n'auront plus de formation. Puis le ministre parlait de la hausse des admissions en médecine, ce qu'on reconnaît qui est une bonne chose si on veut augmenter les effectifs médicaux, mais ça doit aussi s'amener de ressources. Si l'enseignement diminue, on n'aura pas des médecins prêts demain matin.

M. Fortin :Très bien, je vous rejoins là-dessus. Merci.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup. M. le député de Rosemont.

M. Marissal : Oui, merci, M. le Président. Bonjour. Rebonjour. Il était un temps où on se voyait une fois par année dans votre visite. Il me semble que je vous vois aux trois mois. Ce n'est pas que c'est désagréable, au contraire, mais je me mets dans votre peau, là, ça brasse beaucoup en santé, là, dans le réseau. Tu sais, juste avec vous, il y a eu p.l. n° 15, p.l. n° 83, p.l. n° 106 puis j'en oublie probablement, le p.l. n° 11 et d'autres, là. Quel est le moral des troupes de vos membres en ce moment, dans tous ces chambardements et ces craintes, ces doutes, les répercussions des changements que l'on vit en ce moment qu'on essaie d'implanter? C'est deux choses, là. Quel est le moral des troupes chez vous?

M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : Bien, je crois qu'il est moins bon qu'il y a quelques années de ça, malheureusement. Je crois qu'il y en a beaucoup qui commencent la médecine un peu avec la vision que j'élevais tantôt, peut-être un peu trop idéaliste, rose bonbon. Mais de vouloir soigner puis de penser que ça va être central dans la pratique... Malheureusement, il y a comme des couches et des couches de bureaucratie, d'administration, de paperasse — puis pas juste le présent gouvernement, ça date quand même de longtemps — qui se rajoutent, puis, de plus en plus, c'est relégué au second plan puis avec un discours qui est malheureusement négatif. On parlait de la valorisation de la médecine familiale, tous les deux, ça fait trois ans qu'on est sur la table de valorisation de la médecine familiale, qu'on essaie de pousser pour faire des efforts. J'ai animé des webinaires, j'en ai fait des rencontres pour parler de la région, mais on dirait qu'on fait ces efforts-là, mais, après ça, on fait un pas en arrière puis on a des mesures plus coercitives, puis on dirait qu'on perd... on perd un peu de vision, c'est quoi qui est important dans tout ça.

Puis il y a aussi tout l'enjeu des départs vers les autres provinces, ce qu'on a nommé avec le p.l. n° 83, que le monde se dit : Est-ce que j'ai vraiment envie de pratiquer au Québec, alors qu'on est la législation au Canada qui est la plus restrictive dans ses mesures?

Puis il y a aussi l'enjeu qu'il y a beaucoup d'étudiants en médecine qui commencent leur résidence, qui viennent des autres provinces. Est-ce que vraiment l'environnement actuel leur donne envie de venir? On n'est pas un employeur de choix ou on n'est pas autant un employeur de choix qu'on pourrait l'être. C'est sûr que le moral des troupes n'est pas à son meilleur en ce moment.

• (16 h 50) •

M. Marissal : O.K. Pour parler avec pas mal de médecins, là, c'est ma job, là, dans le cadre de ma job, j'entends, je parle avec des médecins, pas de façon personnelle. Les jeunes médecins, moi, il y a un truc que je remarque, c'est qu'ils sont beaucoup plus branchés sur la prévention, notamment en raison des changements climatiques. On ne peut pas nécessairement demander à des médecins seniors d'avoir les mêmes préoccupations, puis c'est correct. Moi, je regarde ce projet de loi là, puis je considère ce que les médecins me disent. Je me dis : On est déjà pas mal faibles au Québec en termes de prévention. On est très curatifs, on est très hospitalo-centrisme, mais on est mauvais en prévention. Qu'est-ce qu'il va vous rester...

M. Marissal : …comme tant pour faire de la prévention si on vous fait… si on vous demande de passer les patients à la moulinette un par un aux 10 minutes sans faire de suivi, qu'est-ce qui va rester comme temps pour la prévention?

Mme Harvey (Félicia) : Oui, c'est une de nos craintes. En début… début mai, on a présenté, là, deux mémoires à l'Assemblée nationale. On vous a rencontré justement, là, où on parlait de prévention, là, qu'on voyait ça comme une manière aussi de rééquilibrer le système de santé, là. On veut beaucoup gérer la demande… l'offre, mais une autre manière de rééquilibrer, c'est de diminuer la demande. Puis avec une population qui vieillit, une manière de s'assurer d'avoir moins de travail demain, c'est rare que des travailleurs vont demander ça, mais c'est de faire de la prévention maintenant pour s'assurer d'avoir une population en santé. C'est pour ça qu'on espérait, avec nos recommandations, là, que les objectifs soient liés à la prévention, pour que ça puisse permettre de le remettre de l'avant. On ne pense pas que c'était dans l'idée du législateur au départ, mais on le présente quand même. Parce que si on n'encourage pas la prévention, on va juste se ramasser en quelques années avec encore plus de travail puis plus de maladies qu'on aurait pu mieux gérer dès le départ.

M. Marissal : Oui, je suis d'accord. Merci.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup de votre réponse. Alors, M. le député des Îles, pour compléter.

M. Arseneau : Merci. Merci, M. le Président. Toujours un plaisir de vous revoir. Votre mémoire est fort intéressant, votre prestation et vos réponses sont solides. J'aimerais faire un peu de pouce sur la question de mon prédécesseur parce que vous vous dirigez tous deux vers la médecine familiale, si je comprends bien, vous avez parlé du moral des troupes, Comment ça se traduit? Est-ce que vous avez des rencontres, des sites web, un peu comme on voyait, là, pour les médecins actuellement? Est-ce qu'il y a un genre de mobilisation ou d'échange? Est-ce que… Est-ce qu'il y a un lieu où vous pouvez ventiler un peu puis de discuter de tout ça puis voir comment on réagit face à ce qu'on a appelé le dénigrement gouvernemental envers la profession?

Mme Harvey (Félicia) : Oui, bien, la FMEQ, c'est une fédération, là, donc on représente quatre associations étudiantes des quatre universités. On a, nous, des… des conseils, là, où on parle avec les associations qui, eux, nous rapportent aussi ce que nos membres individuels craignent et ont comme préoccupations. On a beaucoup… tu sais, nos membres nous écrivent beaucoup aussi. Il y a quelques semaines, on a fait, là, un webinaire sur le projet de loi n° 83 et quelles seraient les conséquences s'ils étaient appliqués. Donc ça se traduit par des gens qui veulent comprendre, qui veulent comprendre pourquoi, tu sais, la médecine est toujours… les médecins sont attaqués et ils sont comme utilisés en bouc émissaire, alors que les gens sont rentrés en médecine pour soigner, pour traiter les gens. C'est des étudiants qui sont performants, qui ont travaillé fort pour rentrer en médecine. Ils n'ont pas comme but d'aller faire du trois jours semaines au privé, là. Donc, ils n'aiment pas le discours qu'ils entendent.

M. Arseneau : Puis vous avez parlé du rapport Soutenir l'élaboration d'une première politique gouvernementale, en disant : Nous, on y souscrit. Mais vous dites : On voit dans la traduction, là, de ce que le gouvernement a fait dans le projet de loi, il n'y a qu'un seul côté de l'équation qui est retenu, là. Expliquez-nous en quoi est-ce que, finalement, on a une approche qui ne correspond pas à ce qu'on souhaiterait pour obtenir de vrais résultats, là?

M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : Je vais donner une petite métaphore encore une fois, on a une autre crise d'accès au Québec, qui est la crise du logement en ce moment, on pourrait dire : à partir de l'été 2026, on va associer un logement à chaque Québécois, et le problème est réglé. Tout le monde a un logement, mais si c'est un logement théorique, comme on veut créer des médecins théoriques, des médecins de papier qui ne vont pas vraiment pouvoir répondre aux demandes de leurs patients, bien, ça ne sert à rien de faire cette affiliation-là. Nous, ce qu'on craint, c'est que sans ressources supplémentaires, on a beau associer un médecin à un milieu de pratique, bien, si c'est le même nombre de professionnels, le même nombre de salles, le même nombre de ressources qui sont là, bien, ça va juste faire en sorte que les patients qui sont déjà là vont avoir moins d'accès. Puis ceux qui vont venir dans le milieu, bien, ils ne vont pas avoir un accès idéal à non plus.

M. Arseneau : Sauf que dans ce cas-là, il faudrait identifier la performance des constructeurs ou des municipalités, pour savoir qui est le coupable pour le manque de logements.

Mme Harvey (Félicia) : Je pense que la première étape, ce serait d'arrêter de chercher un coupable, de travailler ensemble, de construire des infrastructures… bien là, pour la crise du logement, mais pour nous, de construire quelque chose ensemble. On trouvera le coupable après.

M. Arseneau : Non, mais c'est ça, trouver des solutions plutôt que des coupables. L'idée de la… comment vous avez appelé ça, de la granulométrie…

Mme Harvey (Félicia) : De la granulation.

M. Arseneau : Des… En fait, c'est comme si… tu sais, pour simplifier, on disait : bien il y a des malades, puis il y a des non-malades, puis ça réglerait le problème. On coche oui ou non. Actuellement, ces outils-là existent. Et puis vous, vous êtes familiers avec ça, là, pour le code de vulnérabilité, pourquoi on change ça selon vous?

M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : Bon, bien, ça, comme on disait, il y a déjà des codes de vulnérabilité qui existent, donc qu'est-ce que ça apporte en plus? Je crois que le fait d'en discuter, on ouvre une boîte de Pandore que… on peut discuter de la vulnérabilité dans un contexte de rémunération. Puis les codes qui sont présentement implémentés ne sont pas parfaits. Puis ce serait le moment d'y aller de façon plus granulaire puis pas trop granulaire qu'on avait avec Dr Heppell ce matin, mais quand même…

M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : ...pour qu'on ait une facturation qui représente vraiment l'état de santé du patient puis qu'on ait plus que quatre mots ou bien quatre pastilles pour représenter une situation complexe.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup de votre participation à nos travaux et surtout de votre contribution.

Sur ce, je vais suspendre les travaux temporairement pour laisser place au prochain groupe. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 57)

(Reprise à 17 heures)

Le Président (M. Provençal) : Alors, nous allons poursuivre nos travaux. Nous recevons présentement la Fédération des médecins résidents du Québec et deux représentants, le Dr Soufi et Me Savignac. Alors, je vous laisse la parole 10 minutes, puis on fait l'échange. Allez-y.

M. Soufi (Ghassen) : Parfait. Merci, M. le Président. Donc, Dr Ghassen Soufi, président de la Fédération des médecins résidents du Québec. Je suis accompagné de Me Patrice Savignac Dufour, directeur général de la FMRQ. Donc, chers membres de la commission, je vous remercie pour l'invitation aujourd'hui.

La FMRQ représente les médecins résidents affiliés aux quatre facultés de médecine au Québec, soit plus de 4 000 médecins résidents. Ceux-ci offrent des soins à la population québécoise dans l'une des 60 spécialités médicales reconnues au Québec dans le cadre d'une résidence qui dure au minimum deux ans et qui peut s'étaler jusqu'à sept ans selon les spécialités. Les médecins résidents travaillent exclusivement dans le réseau public de la santé et peuvent poser les mêmes diagnostics, les mêmes gestes que les médecins en pratique. Ils évaluent les patients, prescrivent des médicaments et pratiquent différentes interventions chirurgicales. Bref, ils font tout ce que les médecins en pratique autonome de leur spécialité sont appelés à faire, le tout selon...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Soufi (Ghassen) : ...niveau de résidence. Ce travail s'effectue à raison de 72 heures par semaine en moyenne, soir, nuit et jour, peu importe, et ce jusqu'à 19 journées consécutives, selon l'entente actuelle.

M. le Président, nous vous remercions sincèrement de l'invitation aujourd'hui. Nous vous indiquons d'emblée que le projet de loi devant nous, en plus de relever de la négociation entre le gouvernement, et la FMSQ, et la FMOQ, aborde un sujet qui est en soi très complexe. Nous venons donc ici en toute humilité, sans la prétention d'être des experts sur le sujet de la rémunération, mais il nous fait plaisir d'apporter au débat la perspective de ceux et celles qui seront les médecins de demain.

Cependant, comme pour le projet de loi n° 11 en 2022, qui visait les médecins de famille par des mesures coercitives, comme pour le projet de loi n° 15 en 2023, qui visait les médecins spécialistes, et comme pour le projet de loi n° 83 qui visait les jeunes médecins, lequel nous sommes venus commenter il y a à peine trois mois, nous nous retrouvons, encore aujourd'hui, devant une pièce législative aux objectifs déclarés d'améliorer le système de santé, mais qui, dans les faits, semble davantage destiné à servir de pion dans le jeu politique du gouvernement.

Au-delà du très court délai entre l'invitation que nous avons reçue et la commission parlementaire, aujourd'hui, il nous apparaît très clair que le gouvernement ne cherche pas vraiment à dialoguer de manière sincère sur les enjeux qui sont soulevés dans le projet de loi n° 106. Il est assez particulier qu'un gouvernement dépose un projet de loi le jour même que la publication d'un rapport d'expert commandé par lui-même sur le sujet, rapport qui recommandait essentiellement des solutions contraires à celles proposées dans le projet de loi n° 106. Si le gouvernement n'est pas capable d'écouter ses propres experts, nous nous questionnons légitimement à savoir s'il a réellement l'intention d'écouter ceux et celles qui viennent commenter le projet de loi. Malgré cette fermeture de plus en plus marquée du gouvernement au dialogue, j'espère sincèrement que vous porterez attention à ce dont je veux vous parler aujourd'hui, à ces enjeux que nos membres nous soulèvent encore et encore, à ces enjeux que les jeunes médecins redoutent, eux qui travaillent à chaque jour sur le terrain, eux qui s'apprêtent à entamer une longue carrière de 30, 40, 50 ans dans notre réseau, eux qui ont écouté vos propos dans les dernières semaines, M. le ministre, avec stupéfaction. On va y travailler, dans le système public, et on va y rester.

Tandis que l'objectif pour le ministre et son gouvernement sont peut-être les élections de l'an prochain, les inquiétudes que je tiens à vous partager témoignent d'une perspective que je partage avec tous mes collègues, qui s'étalent sur un horizon de 10 ans, de 15 ans. Je veux vous parler de l'avenir du système de santé au Québec, de la perspective de la relève médicale et des dommages que ce projet de loi va y entraîner. M. le ministre, il y a à peine trois mois, l'ensemble des acteurs de la santé ont défilé ici pour vous dire que le projet de loi n° 83 était le mauvais remède pour notre système de santé. Les fédérations médicales, le CMQ, les syndicats, les médecins québécois pour le régime public, tous vous ont exprimé le même message. Tous ont suggéré différentes avenues à explorer, des suggestions, des idées pour améliorer le système. Vous avez semblé réceptif à plusieurs de nos commentaires dans les échanges en commission et nous espérions que les choses allaient commencer à changer. Mais nous voilà, trois mois plus tard, à peu près là où on était. Le projet de loi a été adopté avec quelques modifications esthétiques, mais nos hôpitaux sont encore en train de s'écrouler. Nos chirurgiens sont encore limités par le nombre de salles d'opération. Nos médecins de famille portent encore à bout de bras les enjeux administratifs grandissants de leur pratique. Bref, nos collègues n'ont toujours pas accès à toutes les ressources dont ils auraient besoin pour offrir des soins de la plus grande qualité et au plus grand nombre de Québécois possible.

Et maintenant, le nouveau discours dans lequel vous avez commencé à vous engager serait que les médecins sont paresseux. Ils ne travaillent pas assez, ou sinon ils travaillent à temps partiel et ils ne sont pas assez performants. M. le ministre, vous affirmez que les médecins font le choix de ne pas être là le vendredi après 16 heures. M. Legault n'hésite pas à jeter les gants, à dire que ça va brasser, qu'il attend ce moment depuis 23 ans. M. le ministre, beaucoup de médecins résidents nous ont écrit. Ils se sentent dépourvus, insultés. Et le problème, ici, c'est qu'on a devant nous un gouvernement qui a les deux mains sur le volant, ce qui est bien, qui s'obstine pourtant à garder les yeux rivés sur le tableau de bord, sur les statistiques, sur les indicateurs de performance, tout ça pour brûler une lumière jaune sans comprendre que la voiture peut s'écraser sur le poteau quand on n'a pas vu, que le tableau de bord n'a pas vu.

Je souhaite diriger votre attention sur un rapport publié il y a quelques jours par le groupe des chercheurs du HEC, dirigé par le Pr Pierre Karl Michaud, sur l'évolution récente de l'offre de services médicaux et de la rémunération au Québec. Ignorons aux fins de l'exercice les limitations de la méthodologie, du calcul des auteurs, mais on rapporte dans l'étude que les médecins de famille n'atteignaient le seuil minimal de facturation choisi par les auteurs...

M. Soufi (Ghassen) : ...que durant 37 semaines dans une année, donc 32 semaines pour les spécialistes. Ces chiffres font contraste, vraiment, avec les 46 semaines travaillées en moyenne rapportées par les médecins eux-mêmes. Ça, c'est une différence qui est soulignée par les auteurs. Cette étude constitue pour nous un excellent tremplin pour comprendre pourquoi nos membres sont si indignés par vos propos et par le projet de loi.

M. le ministre, vous pensez que ces médecins font quoi pendant les 10 semaines d'écart entre les 46 puis les 32? Pour nous qui sommes sur le terrain jour et nuit, qui travaillons en région, dans les grands centres hospitaliers, dans les CHSLD et qui voyons ces médecins-là travailler, la réponse est évidente, et votre hypothèse qu'ils sont paresseux ne tient pas vraiment la route. En fait, ce sont ces médecins-là qui tiennent à bout de bras le système de santé. Durant les périodes où ils facturent moins, ce sont eux qui prennent de leur temps pour remplir des formulaires. Ce sont eux qui prennent sur leur dos des tâches administratives, de plus en plus de tâches administratives, faute de la lourdeur de notre système de santé. Ce sont eux qui siègent au comité d'évaluation de l'acte médical pour améliorer l'accès aux soins. Ce sont eux qui participent à des activités de formation professionnelle continue afin de rester à jour sur les données probantes qui avancent à un rythme effréné, encore une fois, pour améliorer les soins à la population québécoise. Et ce sont eux, finalement, qui prennent de leur temps pour nous former et nous enseigner à nous, la relève médicale.

Mes collègues et moi sommes sur le terrain. Nous travaillons avec ces médecins paresseux. Nous voyons nos collègues et superviseurs se plier en huit pour remplir toutes leurs obligations, pour continuer à offrir une médecine de qualité à leurs patients, malgré tous les maux du système. Donc, quand le gouvernement insinue que ces médecins, qui tiennent à bout de bras le système, sont paresseux, ou ne travaillent pas assez, ou ne sont pas assez performants, il n'est pas surprenant de voir qu'ils se sentent insultés.

Cet exemple, parmi tant d'autres, témoigne des dangers de l'approche que préconise le gouvernement, où on garde les yeux rivés sur le tableau de bord, sur les statistiques, sur cette vision un peu comptable de la santé, et on fonce tout droit sans écouter ce qu'ont à dire les acteurs qui sont sur le terrain. Pour nous qui sommes là, nous voyons les conséquences de cette approche. Nous voyons que la qualité de l'enseignement est en péril. Cette obsession avec les cibles statistiques qu'on vend aux Québécois, qui ne veulent rien dire essentiellement, elle se fait au détriment de la relève médicale, celle qui sera responsable de prodiguer les soins aux patients de demain et celle dont l'apprentissage ne figure tout simplement pas parmi les statistiques que le gouvernement a jugées importantes.

Depuis quelques années, le gouvernement s'est réveillé, après des décennies de torpeur, pour ajuster à la hausse les cohortes de médecine en 2018-2022, ce qui était réclamé par tous les acteurs de la société et de la santé. Et nous saluons très sincèrement les efforts du gouvernement en ce sens et notons cette année qu'il y aura un nombre record de médecins résidents qui commenceront en médecine familiale le 1er juillet. C'est vraiment fantastique. Chapeau à vous! Chapeau à tous! Mais ce n'est pas le temps de gaspiller cet investissement.

Comme il était le cas pour le projet de loi n° 83, il est évident que le projet de loi n° 106 ne sert qu'à instrumentaliser les médecins pour donner l'impression qu'on tente de régler les enjeux du réseau public sans réellement le faire. Les solutions pour optimiser l'offre de soins au sein de ce réseau, nous les connaissons depuis longtemps. Il nous faut un véritable accès à la première ligne. Il nous faut un plan durable où les médecins sont encouragés à pratiquer une médecine humaine et non une médecine statistique. Il faut que les professionnels de la santé, qu'ils soient médecins, psychologues, travailleurs sociaux ou autres, puissent avoir accès aux ressources dont ils ont besoin pour effectuer leur travail, et ce, peu importe l'indice de performance qui est choisi. Pour les questions de rémunération, laissons aux parties concernées et laissons aux tables de négociation la tâche de déterminer la juste rémunération des médecins et concentrons-nous à mettre sur place ces solutions pour réellement améliorer notre système de santé et donner à la population... la population québécoise l'ensemble des services qu'elle mérite, pas juste l'an prochain, pas juste dans deux ans, mais aussi en 2030, en 2040, en 2050. Merci.

• (17 h 10) •

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup pour votre présentation. M. le ministre, à vous la parole.

M. Dubé : Très bien. Alors, encore une fois, je vais faire comme à vos collègues qui vous ont précédés. Ça fait quelques fois qu'on se rencontre en commission. Alors, merci beaucoup du temps, surtout qu'il n'y avait peut-être pas beaucoup de temps pour vous préparer. Alors, j'apprécie énormément.

Je reviendrai tout à l'heure sur la question de... parce qu'on fait souvent répondre... référence au comité d'experts qu'on a engagé, là, Mme... je dis Mylaine...

Une voix : ...

M. Dubé : ...Breton, merci, Étienne, et des deux autres personnes, Dr Groulx et Mme Boulanger... Dre Boulanger, mais juste vous dire qu'on n'est pas en désaccord du tout avec le rapport, parce qu'on se fait entendre ça souvent, là, au cours des... puis on n'a jamais dit qu'on était en désaccord avec le rapport. Alors, il y a d'autres gens qui l'ont dit pour nous, mais nous, on n'a pas dit qu'on était en accord... en désaccord avec le rapport d'experts, je veux juste le mentionner. Puis on a...

M. Dubé : ...on a la chance, un peu plus tard, je pense que c'est ce soir qu'on les rencontre, puis je suis très contente qu'ils soient en commission avec nous. On pourra peut-être discuter plus spécifiquement des points de divergence que l'on a, mais des points aussi de convergence sur les six recommandations qu'ils font.

Moi, je comprends très bien vos points, là, puis vous... je ne ferai pas de liens, vous avez le droit de faire les commentaires que vous faites par rapport aux liens politiques qui, à mon sens... c'est votre droit de le dire, mais moi, je pense que je prends une approche qui est de patient. Puis je vous entends sur l'implication que ça a pour les médecins, puis vous avez le droit à votre opinion, mais moi, je vais vous dire, si à chaque fois qu'on dit : Bien, nous, on ne peut pas changer parce que c'est tout le rôle du gouvernement puis que, du côté des médecins, on ne peut pas au moins avoir une certaine ouverture à faire des changements, bien, jamais on ne va réussir, on ne va jamais réussir. Puis c'est ça que j'entends un peu de vous aujourd'hui, là, c'est juste la faute du gouvernement puis il n'y a rien que les médecins peuvent faire. Puis c'est ça que je trouve un petit peu dangereux.

Alors, moi, ce que je vous dis, c'est quand je regarde les patients, puis j'entends, là, j'en ai des députés, là, des députés qui m'ont écrit puis qui me disent ce qu'ils entendent sur le terrain, là, des 1,5 million de Québécois qui ne sont pas pris en charge, là, puis des 600 000 vulnérables, ce n'est pas une question de pastilles de couleur, là, que ce soit l'ancien code ou le nouveau code, c'est tout du monde qui est vulnérable puis qui ne sont pas pris en charge en ce moment. Ça fait que moi, quand je prends une approche patient, je me dis : Qu'est-ce que vous pouvez faire de votre côté? Est-ce que vous en faites déjà beaucoup? La réponse, c'est oui.

C'est vrai que les médecins en font déjà beaucoup. Puis je l'ai dit et je vais le redire, la très grande majorité en fait beaucoup, mais lorsqu'on parle pour les médecins, pour les omnis, pour nos médecins de famille, là, je veux juste qu'on se comprenne bien que nos médecins de famille, l'objectif principal, c'est la prise en charge. Je n'ai rien contre la recherche, puis je n'ai rien contre l'enseignement, faites-moi pas dire des choses que je n'ai pas dites, mais quand je regarde la question de l'enseignement, les statistiques qu'on a, qui ne sont pas dans les codes de facturation dont on parle, je m'excuse d'être mécanique, là, mais quand on m'explique que la grande majorité, c'est de l'enseignement puis de la recherche, puis qu'il y a moins de 200 équivalents à temps complet qui font de l'enseignement, moins de 200... bien, 200, moins de 200, c'est 187, là, le chiffre qu'on nous a donné il y a quelques jours parce qu'on a posé ces questions-là, ça, c'est 2 % des médecins de famille, là. Ça ne vient pas expliquer le trou que l'expert des HEC a trouvé, là, on parle de 187. Puis, parce que les autres médecins qui font votre formation sont payés par un acte de facturation de la RAMQ, donc il faut continuer à dire : Ce n'est pas que les gens ne travaillent pas assez fort, mais la priorité doit être la prise en charge, puis la priorité doit dire comment on peut faire pour travailler autrement. C'est ça que moi, j'attends des médecins qui sont sur le terrain comme vous puis qui travaillent fort. C'est de me dire où elles sont, les solutions. Puis les solutions, on en a mis sur la table. Le Collège des médecins pousse, puis c'est pour ça que j'étais content de la présentation que le Dr Gaudreault a faite aujourd'hui. Le Dr Gaudreault a dit : On s'entend, la solution, c'est travailler en équipe puis que ça ne soit pas juste les médecins qui prennent en charge, mais les autres, la population, les autres professionnels.

Alors, aujourd'hui, moi, ce que je vous dis, puis j'aimerais ça vous entendre, pouvez-vous faire partie de la solution? Pouvez-vous nous aider à travailler autrement? Parce que, tu sais, tantôt, je donnais l'exemple de l'informatique. Si on ne trouve pas des solutions pour aller chercher rapidement des dossiers à santé numérique, etc., moi, je me dis : Aidez-nous à trouver des solutions. Je comprends, là, que vous avez votre travail à faire puis vous avez lié ça à la politique puis que le gouvernement fait ça comme un welsh politique. Vous avez le droit de dire ça puis que je respecte ça, mais moi, ce n'est pas ça que je m'attends aujourd'hui. Puis ce que je m'attends, c'est : Est-ce qu'on peut essayer de trouver des solutions ensemble? Est-ce que vous y croyez, vous, à la prise en charge populationnelle, d'être capable de déléguer à d'autres professionnels, d'être capable de vous aider entre régions? Parce que s'il y a bien des spécialistes à Montréal, comment on peut faire pour faire de la couverture dans des régions qui manquent de grands spécialistes? Moi, c'est là les solutions que je veux entendre. Alors, je vous entends là-dessus puis'aimerais ça vous entendre.

M. Soufi (Ghassen) : Bien, M. le ministre...

M. Soufi (Ghassen) : ...ni vous ni moi ne contestons le fait que les médecins omnipraticiens spécialistes, ils ont une responsabilité. Bien évidemment, ils ne peuvent pas s'en acquitter de toute impunité, quelle qu'en soit... qui que soit le patient, quel que soit le geste, quel que soit le milieu. Mais ça, ces médecins-là qui ont cette responsabilité-là, l'envers de la médaille, et les représentants ce matin de la FMSQ et de la FMOQ vous l'ont dit, il faut qu'il y ait les ressources qui soient disponibles pour qu'ils puissent faire la prestation de soins.

Puis là où je pense qu'on est peut-être en désaccord, c'est le fait que la prise en charge pour l'ensemble des Québécois, tout à fait d'accord, mais ce que je pense qu'on a peut-être une opinion différente, c'est que les Québécois, ils ne veulent pas être inscrits sur la liste d'un médecin de famille, ils veulent être capables de voir ce médecin de famille là, de lui parler. Ils veulent avoir un lien avec lui, développer une relation pour que ce médecin puisse les connaître, apprendre à connaître c'est quoi, leur maladie, c'est quoi, les traitements, etc. Puis si on va au garage puis qu'on veut changer ses pneus d'hiver, puis que le garagiste nous dit qu'il va nous inscrire sur la liste d'attente, bien, ça ne nous aide pas à avoir un temps pour changer les pneus.

M. Dubé : Bien, bon, allons-y avec ça. Je veux juste être plus précis dans ma question. Êtes-vous d'accord ou non à relier des objectifs de résultats à la rémunération des médecins? Je pense que je connais la réponse, mais je veux juste vous entendre parce que ça se fait dans plusieurs pays du monde, on a besoin d'être capable d'augmenter la disponibilité. Puis, comme je vous dis, ce n'est pas parce qu'on a quelque chose contre la recherche puis contre l'enseignement, mais il faut être capable de trouver d'autres façons de faire.

Si on fait nos projets informatiques, si on a accès maintenant à l'intelligence artificielle, si on est capable de mettre en place, comme on a commencé à faire dans nos GMF, le projet de vitrail pour justement être capable de faire de la pertinence des actes puis... êtes-vous d'accord avec ça? On est-tu capable de dire que ça pourrait être lié à certains objectifs? On entendra Mme Breton ce soir, mais vous, êtes-vous d'accord avec ça, qu'il faut les lier à certaines cibles?

M. Soufi (Ghassen) : Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je ne suis pas l'expert en rémunération. Puis ça, vous avez les tables de négociation, vous allez pouvoir discuter de ça avec la FMEQ puis la FMOQ, mais...

M. Dubé : Non, mais vous, là. Parce qu'on me demande de ne pas parler de négos. Vous, comme futur médecin, pour les 30 prochaines années.

M. Soufi (Ghassen) : C'est ça. Bien, j'allais vous répondre. J'y arrive. La rémunération à l'acte, c'est l'essence de la rémunération à la performance. Mais ce que vous, vous cherchez, ce n'est pas de la rémunération à la performance, c'est de la rémunération à la statistique. Puis c'est là où on est peut-être d'une opinion différente.

M. Dubé : O.K. O.K., donc vous me dites : Vous, une liaison entre une partie de la rémunération et puis un résultat, comme de baisser des listes d'attente, d'être capable de voir le bon patient au bon moment dans sa GMF, d'être capable d'avoir... d'être capable d'avoir les bons médecins spécialistes qui viennent en région au bon moment, ça, vous... de lier une partie de la rémunération à ça, vous n'êtes pas d'accord avec ça?

M. Soufi (Ghassen) : Je n'ai pas dit que je n'étais pas d'accord. On est d'accord de lier des indicateurs de performance quelconque avec une rémunération. Au Québec, il existe plusieurs modes de rémunération déjà, que ce soit à l'acte, que ce soit... il y en a certains qui sont salariés. Ça dépend du type de... ça dépend du type de médecine qui est pratiquée, ça dépend du milieu, ça dépend de plusieurs facteurs. Puis ça, essayer d'aller voir qu'est-ce qui marcherait le mieux pour lequel des types de pratiques, ça, on va laisser ça aux experts sur la table de négociation en parler. Parce que, est-ce qu'il y a une manière d'optimiser ça? Bien sûr, mais ça n'appartient pas à nous d'aller nous ingérer là-dedans puis de le faire.

M. Dubé : C'est correct si vous ne voulez pas répondre... Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Provençal) : Sept minutes?

M. Dubé : Combien?

Le Président (M. Provençal) : Sept?

M. Dubé : Sept. Sur la question populationnelle, je ne sais pas combien il vous reste de temps à votre résidence, êtes-vous un R2?

M. Soufi (Ghassen) : Un mois.

• (17 h 20) •

M. Dubé : Un mois. Mon Dieu! vous êtes là, là, vous êtes... O.K. Bon, bien, tant mieux. Sur la question de la prise en charge populationnelle, moi, j'ai posé la question ce matin au Dr Gaudreault puis je voudrais avoir votre philosophie à vous. On considère, depuis des années, que les médecins, c'est des travailleurs autonomes. Vous entrez dans cette profession-là en tant qu'un travailleur autonome. Vous êtes d'accord avec ça? Bon, comment je fais pour réconcilier... vous, comme travailleur autonome, puis vous avez un client, c'est le gouvernement parce que c'est à lui que vous envoyez les factures, comment vous considérez ce travailleur autonome qui a un client, le gouvernement puis, d'un côté, qui dit... vous dites : Bien, moi, je vais prendre les patients que je veux prendre, hein? Les cas difficiles, je ne suis pas toujours obligé de les prendre, puis moi, j'ai un engagement, moi, comme ministre de la Santé, j'ai un engagement envers les Québécois qui paient des impôts, qui doivent dire : Écoutez...

M. Dubé : ...comment je fais pour prendre en charge 100 % des Québécois? Selon vous, pour les prochaines années, qu'est-ce qu'on doit faire pour marier ces deux points-là, vous, comme travailleur autonome, qui avait été formé pour sauver des patients, pour soigner des patients — puis merci beaucoup de vous impliquer? Comment je fais, moi, comme ministre, pour répondre à l'autre côté de l'équation puis de dire : Comment on fait pour réconcilier ça? Il y a une solution, c'est qu'on soit en charge de toute la population. Il faut qu'on change ce paradigme-là, c'est qu'on dise :Est-ce qu'on est d'accord, les médecins et le gouvernement, de dire : On va prendre en charge, peu importe qu'on soit un travailleur autonome qui a des avantages, peu importe les avantages — je ne rentrerai pas là-dedans aujourd'hui, il y en a beaucoup? Comment vous pensez qu'on peut réconcilier ça, à part la responsabilité populationnelle de 100 % de la population? Expliquez-moi comment on peut faire ça.

M. Soufi (Ghassen) : Je pense que, fondamentalement, la manière dont on fait ça, c'est qu'on s'assoie avec ses vis-à-vis puis on discute, on écoute ce que les gens ont à dire de ce qui se passe sur le terrain, comment ça se fait que... Comment ça se fait que les médecins ne peuvent pas prendre en charge des patients, est-ce que c'est un manque de local? Est-ce que c'est...

M. Dubé : O.K. Mais là vous revenez, qu'est-ce que le gouvernement peut faire, moi, ce que je vous demande, vous, vous : Qu'est ce que vous pouvez faire dans les prochaines années, les prochains mois? Vous dites, vous commencez dans un mois, là, qu'est-ce que vous pouvez faire pour réconcilier ces deux enjeux-là? Vous allez être un travailleur autonome. Vous allez pouvoir décider, si on ne change pas les règles, qui on prend. Puis, moi, je vais avoir encore 1,5 million de Québécois, dont 600 000 vulnérables avec des maladies chroniques qui vont dire : Je ne suis pas capable de voir mon médecin. Comment on réconcilie ça ensemble?

M. Savignac Dufour (Patrice) : Peut-être, M. le Président, dire là-dessus, si vous me permettez, ça fait plusieurs fois...

M. Dubé : C'est quoi votre rôle, exactement? S'il vous plaît, vous présenter.

M. Savignac Dufour (Patrice) : Je pense que M. le président m'a déjà présenté, là.

M. Dubé : Non, mais pouvez-vous me le redire, j'ai oublié.

Le Président (M. Provençal) : Il est directeur général, M. le ministre.

M. Savignac Dufour (Patrice) : Oui, on s'est déjà parlé, M. le ministre. il a déjà parlé. Mais, M. le Président, en fait, ça fait plusieurs fois que le ministre Dubé parle de cette question du travailleur autonome. Et peut-être qu'on aura l'occasion d'en reparler tout à l'heure, mais c'est une chance que les médecins sont des travailleurs autonomes, pour lui, dans la façon dont on se gouverne dans le dossier du projet de loi n° 106. Parce que si c'était un groupe de salariés — je n'embarquerai pas là-dedans parce que c'est technique — ils auraient, au moment où on se parle, des recours sur les façons de négocier. Mais, bon, c'est des travailleurs autonomes, mais alors le gouvernement a choisi sa façon de négocier avec les médecins.

Puis, tu sais, nous, on n'a pas de problème à ce que le pouvoir exécutif, ultimement, puisse utiliser les pouvoirs législatifs, quand il y a des litiges, quand il y a des impasses dans les négociations, pour arriver à ses fins. Moi, comme personne démocrate, là, si on veut, je suis pour ça qu'ultimement un gouvernement peut trancher, ils sont élus par la population. Mais là on fait les affaires à l'envers. Là, on arrive avec un projet de loi qui veut fixer d'avance la rémunération des médecins parce qu'on n'a pas ce qu'on veut à la table de négo. Tu sais, il n'a pas été négocié entre la 7 puis le 8 mai, ce projet de loi là, alors qu'on était déjà en train de négocier avec les vis-à-vis. Alors, tu sais, la question, c'est : Faisons donc les affaires dans le bon ordre.

Le Président (M. Provençal) :S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le ministre veut intervenir.

M. Savignac Dufour (Patrice) : Ah! excusez-moi, je pensais... Excusez-moi. 

M. Dubé : Oui, je l'apprécie. Je vais continuer avec le questionnement de votre collègue ici, c'est lui qui est médecin, celui qui est dans la... Ce que j'aimerais, ce que j'aimerais comprendre, quand vous dites ça, là, ça fait plus que deux ans que l'entente est expirée, ça fait plus que deux ans que l'attente est expirée. J'ai montré, ce matin, au docteur Amyot clairement, très clairement, qu'il y a des propositions qu'ils nous ont faites eux-mêmes il y a deux ans, en 2023, sur l'engagement populationnel, dont je parle, avec des indicateurs qui seraient liés aux résultats. Toutes des choses qui semblent contraires à ce qu'on met aujourd'hui dans le projet de loi. Alors, quand vous me dites que c'est entre le 7 puis le 8 mai que ça a changé, là, je veux juste qu'on fasse attention un petit peu à ce qui est dit, là.

Alors, moi, je veux juste dire... j'essaie de trouver des solutions puis j'essaie de trouver des solutions avec des gens qui vont être sur le terrain comme vous vous l'êtes déjà, parce que quand vous faites votre RR2, vous êtes déjà sur le terrain. Moi ce que je vous dis, c'est que je veux vous entendre pour dire comment on peut se rapprocher, pour être capable de dire comment on va faire pour aller chercher ce 1,5 million de patients, là. Moi, j'ai ramené des gens, là, qui... Malheureusement, on a une population qui vieillit. Les gens, dont je parlais aujourd'hui, là, puis je ne veux pas commencer à nommer de nom, on m'a donné à peu près 700 exemples, juste par le caucus, de gens qui ont écrit aux différents députés qui sont avec moi, là, puis qui nous disent : Moi, je suis allé, là, puis on m'a dit : Regardez, là, je ne peux pas vous servir. Puis ces gens-là, ils ont payé...

M. Dubé : ...leurs impôts toute leur vie. Alors, aidez-moi. Comment on peut trouver une solution pour ça?

M. Soufi (Ghassen) : Bien, je pense que ça passe par l'écoute, écouter ce que... écouter ce que les gens sur le terrain ont à vous dire. Et vous avez écouté ce matin. Les médecins qui étaient là vous disaient qu'ils aimeraient voir plus de patients. Ils voudraient faire plus de prise en charge, ils voudraient faire plus de chirurgies, mais il y a des facteurs qu'ils ont identifiés, qu'ils ont nommés, qui les empêchent de le faire. Donc, assoyons-nous à la table de négo, nous... je m'exclus de cette table de négo, puis voyons c'est quoi, ces solutions-là qu'on peut mettre en place pour travailler sur ça.

M. Dubé : Mais êtes vous d'accord avec... mais je reviens à ma question initiale.

Le Président (M. Provençal) : M. le ministre, votre temps est écoulé.

M. Dubé : Ah! malheureusement. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) : Alors, M. le député de Pontiac.

M. Fortin :Oui, rester zen, M. le Président, je vais rester zen, mais je veux dire quand même que la façon de la façon de traiter les gens qui viennent ici pour un ministre qui a dit qu'il voulait changer le ton tantôt est particulière.

Des voix : ...

Le Président (M. Provençal) : Je m'excuse. Je m'excuse, non...

M. Dubé : ...dire ça. Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Provençal) :S'il vous plaît?

M. Dubé : Ça m'a fait du bien de le dire.

Le Président (M. Provençal) : S'il vous plaît! Puis vous redonnerez du temps à... M. le député, s'il vous plaît.

M. Fortin : O.K. Est-ce que vous comprenez pourquoi le ministre ne va pas de l'avant avec le rapport du groupe d'experts qui lui a été déposé? Aujourd'hui, il semble dire qu'il n'est pas en désaccord, là, avec le rapport du groupe d'experts. Il dépose un projet de loi qui ne fait pas pantoute ce qu'il recommande. Alors, est-ce que vous vous expliquez cette décision-là de la part du gouvernement?

M. Soufi (Ghassen) : Comme je l'ai exprimé tantôt, on ne le comprend pas parce que le rapport, il a été mandaté. Ce sont des experts envers qui on a confiance qui ont produit ce rapport-là, puis, ensuite, ce qu'on fait avec le projet de loi, c'est qu'on vient essentiellement faire le contraire, malgré ce qu'on puisse dire. Donc, on ne comprend pas, essentiellement comment est-ce que ce projet de loi ci, le projet de loi n° 106 va venir réellement améliorer les soins que vont recevoir les Québécois sur le terrain. Ça, on ne le voit pas, on ne voit pas le lien.

Puis on ne le voit pas, pourquoi? On ignore les recommandations qui nous sont faites par les experts, les recommandations des gens qui viennent s'adresser au ministre, les dialogues qu'on a eus au cours de la commission parlementaire précédente, également, mais qui, au final, ne mènent à rien, ne mènent pas à des changements. On a encore des hôpitaux qui s'écroulent, on a encore des manques de salles d'op, puis ça, c'est la réalité terrain. C'est ça qui nous empêche de voir plus de patients, de faire plus de prise en charge, de réduire les listes d'attente, etc.

M. Fortin :Est-ce que vous pensez, à l'instar de groupes qui sont venus précédemment, là, qu'il pourrait même y avoir... qu'il pourrait y avoir des impacts négatifs au projet de loi. Tantôt, on a parlé avec Médecins étudiants de l'augmentation potentielle de la paperasse, c'est-à-dire du fardeau administratif des médecins. Est-ce que vous pensez qu'il peut y avoir des effets négatifs d'adopter le projet de loi comme ça?

M. Soufi (Ghassen) : C'est difficile de prédire ce qui pourrait résulter de ce projet de loi tellement c'est difficile à suivre, mais nous, ce qu'on veut venir soulever aujourd'hui... puis encore, je le répète, on n'est pas des experts sur la rémunération des médecins spécialistes et des omnipraticiens, mais ce dont on a peur, c'est les angles morts que ce projet de loi introduit. Quand on fait de la médecine qui n'est pas humaine puis qui est statistique, on risque de manquer des bouts. Que ce soit, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, dans l'enseignement des médecins... C'est quelque chose qui ne se chiffre pas, peut-être, est-ce que c'est un acte non facturé? Est-ce que c'est une heure prise de plus après la journée de travail au bureau? C'est quelque chose qui ne se quantifie pas, mais c'est tangible, c'est réel, c'est humain. Il y a beaucoup de ces facteurs-là dans la pratique de la médecine, qui sont humains puis qui ne rentrent pas dans les statistiques. Puis c'est de ça dont on a peur, c'est que les angles morts que pourrait introduire ce projet de loi, on les manque, puis, carrément, on s'écrase contre un poteau.

• (17 h 30) •

M. Fortin :C'est que le temps qui est pris par des médecins pour faire ça, pour faire de la formation continue, entre autres, là, soit maintenant utilisé pour atteindre les objectifs du gouvernement.

M. Soufi (Ghassen) : Exactement. Puis, comme ont dit les gens qui sont venus témoigner ce matin, voir un patient qui est plus âgé, il a des comorbidités plus complexes, ça prend du temps. Couper les coins ronds, ça peut mener à des erreurs, ce qu'on ne veut pas faire. Les médecins veulent prodiguer des soins de la meilleure qualité au plus grand nombre de patients possible, puis, quand on nous force à aller vite, bien, ça ne nous plaît pas puis ça ne plaît pas aux patients. Personne ne veut aller voir son médecin puis être vu en cinq minutes puis avoir l'impression que ça roule puis ça roule. Bien, c'est ça qu'on nous propose dans le projet de loi, et on n'est pas d'accord avec cette idée.

M. Fortin :Il y a un concept qu'on a discuté beaucoup au cours des dernières années, on n'en a pas parlé aujourd'hui, là, mais on avançait souvent l'idée que les médecins disaient aux patients : Non, non, non, tu peux juste... tu peux juste me parler d'un truc. Puis le ministre disait : Aïe! Non, ça, ça n'a pas d'allure, voyons, des gens qui vont voir leur médecin s'ils ont... ça fait peut-être longtemps qu'ils attendent pour aller voir...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

M. Fortin : …les médecins, ils ont deux trucs différents. Est-ce que... Puis là, la ministre nous dit : Non, non, c'est réglé, cette affaire-là. Bon, ce n'est pas tout à fait ce qu'on entend du terrain, mais bon, le ministre nous dit que c'est réglé. Avez-vous l'impression qu'on va revenir à ça si on fait de la médecine cinq minutes, là? C'est-à-dire ça va être un problème, une chose, tu reviendras une autre fois.

M. Soufi (Ghassen) : Bien, si on fait de la médecine dans cinq minutes, de la médecine fastfood, il n'y a pas le temps, il n'y a pas le temps de plonger dans les enjeux qui nécessiteraient plus de temps, que ce soit en santé mentale, que ce soit de la famille. Peu importe, on ne peut pas… On ne peut pas prodiguer des soins de bonne qualité si on insiste uniquement sur la performance, sur les statistiques, sur la vitesse, sur les… Le projet de loi, essentiellement, c'est un papier qui vise à diminuer les listes d'attente sur papier, qui vise à augmenter le nombre de chirurgies sur papier. Mais sur le terrain, ce n'est pas ça qu'on va observer, c'est juste… C'est juste des statistiques qui vont changer. Puis les patients ne vont pas recevoir de meilleurs soins à cause de ça.

M. Fortin :Mais, O.K., ça, c'est la médecine familiale, là, mais là vous venez toucher, là, la… augmenter des chirurgies sur papier, là. Tu sais, ce qui bloque les chirurgies aujourd'hui, là, on en a parlé en long puis en large, là, dans ma région, il y a une salle d'opération qui va rouler à l'hôpital cette année. Alors, est-ce que vous voyez d'une façon ou d'une autre comment ce projet de loi là peut augmenter le temps de disponibilité des salles opératoires ou le nombre de chirurgies qui se fait?

M. Soufi (Ghassen) : Il n'y a rien dans ce projet de loi qui va en ce sens, parce qu'on les connaît, les solutions déjà, à ces problèmes, on les a énumérés la dernière fois qu'on est passé en commission parlementaire, il y a trois mois à peine. Les médecins spécialistes n'arrêtent pas de le répéter, ça prend… la médecine, c'est un travail d'équipe. On ne peut pas… on ne peut pas tout faire tout seul. Il nous faut des... il faut des collègues, il faut des infirmières, il faut des ergothérapeutes, il faut des inhalothérapeutes, il faut des salles. Et c'est ça le… C'est ça l'entonnoir qui bloque, le fait de pouvoir voir plus de patients, le fait de pouvoir faire plus de chirurgies, ce n'est pas… ce n'est pas ce qui est indiqué dans le p.l. 106, puis c'est… On ne voit pas comment ça en soi va améliorer l'accès aux soins de santé pour les Québécois.

M. Fortin :O.K., donc du côté de la médecine familiale, là, ce qui pourrait se produire, c'est soit on fait de la médecine fastfood, là, comme on vient de dire, on voit les patients en quelques minutes, avec tous les risques que ça peut comporter pour les patients, pour la qualité des soins ou encore on laisse tomber l'enseignement, la formation et tout le reste, là, comme les gens de la… les médecins étudiants nous ont… nous ont avertis. Et du côté des spécialistes, c'est-à-dire du côté des chirurgies entre autres, vous ne voyez pas comment on peut faire plus de chirurgies avec ce projet de loi là.

M. Soufi (Ghassen) : Bien, il n'y a rien dans ce projet de loi qui adresse les facteurs que je vous ai mentionnés tantôt. D'ailleurs, c'est les mêmes facteurs dont on a discuté il y a à peine trois mois au p.l. no 83, à la commission, puis rien n'a changé depuis ce temps-là. Donc, on ne peut pas s'attendre à ce qu'il y ait plus de chirurgies qui soient faites si on n'adresse pas vraiment les problèmes terrain.

M. Fortin : Je vous écoute, là. Est-ce que vous avez l'impression d'avoir été entendus ou écoutés par le ministre, la partie gouvernementale dans votre… La dernière fois que vous étiez ici?

M. Soufi (Ghassen) : Bien, sincèrement, on voulait venir participer très honnêtement exprimer vraiment quelles étaient… quelles étaient nos préoccupations vis-à-vis le p.l. 106. Puis c'est ce qu'on veut continuer à faire aujourd'hui avec le p.l. 106. Mais on commence à avoir des doutes parce qu'on parle de ce qui se passe sur le terrain, on parle de ce qui se passe sur le terrain, mais rien n'est fait concrètement pour adresser ces problèmes-là. Puis nous, on le voit, on travaille avec ces médecins-là sur le terrain, des médecins qui sont dits paresseux. On voit qu'eux aussi deviennent de plus en plus frustrés parce qu'il leur manque de… il leur manque de ressources. Ils voudraient faire plus, ils voudraient faire plus de prise en charge, voir plus de patients, faire plus de consultations. Mais ils ne peuvent pas. Bien, ce n'est pas parce qu'ils ne peuvent pas… parce qu'ils ne veulent pas continuer à travailler après 16 heures le soir ou quoi que ce soit, ils le feraient. C'est juste que physiquement, il n'y a pas les espaces, il n'y a pas le personnel, il n'y a pas les ressources pour le faire. Ça, ça devient frustrant.

M. Fortin : Le ministre, tantôt, il était très insistant pour nous dire : Je n'ai jamais dit que les médecins étaient paresseux. Il n'a peut-être pas utilisé le mot paresseux, mais c'est ce que vous avez compris de son propos.

M. Soufi (Ghassen) : Il a fortement insinué que ce serait ce mot-là et passé plusieurs remarques au sens que les médecins, il y en a plusieurs qui travaillaient à temps partiel par choix, qui réduisent leurs heures parce que c'est plus favorable, etc. Ce n'est pas le cas.

M. Fortin :Très bien. Ça va pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Provençal) : Ça va?

M. Fortin : Oui, c'est bon.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, M. le député. M. le député de Rosemont.

M. Marissal : merci, merci, merci. On arrive à la pause et ça fera du bien. Je ne parle pas de vous, bien sûr, Dr Soufi, c'est toujours un plaisir de vous recevoir. Je vais prendre 30 secondes pour répondre au ministre qui m'a interpelé tantôt, là. Oui, je lui fais le reproche de parler des négos, parce que lui-même dit tout le temps qu'il ne faut pas en parler. Ce n'est pas le premier barbecue qu'on fait ensemble, là. On a fait des projets de loi ensemble, je ne sais pas combien de fois il dit ça : On ne parle pas des négos, on ne parle pas des négos. On oscille constamment entre la table de négos, où est-ce que…

M. Marissal : ...à la table de négo... un projet de loi, puis parfois on est même complètement à côté du sujet du projet de loi, puis on parle de négo pareil. Moi, c'est le mélange des genres que je... qui m'énerve, ici, là, que je trouve contreproductif. Et, en plus, le ministre a beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps, ça fait qu'il fait des monologues, il ne laisse à peu près pas de temps aux témoins, quand il ne leur dit pas qu'il ne veut pas les entendre, comme il vient de le faire avec le directeur général. Je trouve ça indélicat, je trouve ça très indélicat.

J'en veux pour preuve qu'il y a un lien entre la négo, que, ce matin, il nous a dit : Finalement, il n'y aura peut-être pas de bâillon parce que la FMSQ est revenue à la table. Ça, si ce n'est pas un lien direct entre le projet de loi puis les mesures législatives, je ne sais pas ce que c'est. C'est fascinant. Il ne s'en cache même plus, là, il nous le dit textuellement. Alors, Docteur Soufi, désolé pour cette parenthèse. Vous arrivez à la fin de votre parcours de résident. Bravo! D'ailleurs, je crois que vous serez psychiatre, hein, vous l'êtes déjà, en fait, je pense qu'il faut que je dise que vous êtes déjà psychiatre. Alors, vous êtes psychiatre. Bonne chance pour la suite puis bravo pour les efforts. Je vais vous poser la même question que j'ai posée à vos collègues de fédérations étudiantes : L'état d'esprit de vos collègues, le moral des troupes en ce moment.

M. Soufi (Ghassen) : Laissez-moi vous donner une analogie... plutôt une anecdote. Je me rappelle, quand j'ai commencé ma résidence, justement, ça fait peut-être quatre ans, cinq ans, je suis entré avec un collègue dans notre bureau, puis on a vu, le plafond était effondré, il y avait du liquide de dialyse par terre, du liquide de dialyse, c'est de l'urine, presque, puis c'était notre bureau où on voyait des patients, on faisait des consultations, etc. Donc, on a dû... on a dû annuler quelques rendez-vous, déplacer notre bureau pendant quelques mois, puis ensuite on a appris que ça se répétait à chaque année, cette histoire, que le plafond brisait à chaque fois. Puis à ce moment-là, on a ri. Parce que, quand on est dans le réseau de la santé, dans le système public, on doit rire, des fois. Il faut qu'on évacue ça, parce qu'il y a plusieurs choses qu'on voit qui sont... c'est absurde. On se dit : J'aimerais tellement mieux offrir à mes patients, mais je ne peux pas, donc essayons de faire le mieux qu'on peut avec ce qu'on a. Puis une des réponses, c'est de rire, c'est l'humour.

Puis là, plus j'avance à travers les années, plus on pige dans ce discours-là qui est très antagoniste, très dénigrant, plus les réactions que j'entends de mes collègues, ce n'est plus de l'humour, mais c'est aussi de l'irritation, c'est de la colère. Puis avant on se disait : Bien, regarde, on va faire avec ce qu'on a, essayons de changer les choses, essayons d'améliorer les choses. Là, c'est... le discours commence à changer un peu. Les gens veulent quand même rester et travailler au public, y consacrer leur carrière, mais il ne faut pas qu'on continue à alimenter ce discours négatif là parce que c'est vraiment dégradant pour les gens qui écoutent ça puis qu'ils se disent : Bien, à quoi ça a servi, tout ce temps-là que je me suis mis... puis que j'ai mis des efforts pour essayer d'améliorer ce système-là?

M. Marissal : Je crois que je n'ai plus de temps, mais ne lâchez pas quand même. Merci d'être là. Merci pour le témoignage aussi. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, M. le député. M. le député des Îles.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Oui, docteur Soufi, toujours un plaisir. M. Savignac Dufour, également. J'aimerais vous laisser la parole parce que vous étiez dans une lancée lorsqu'on vous a interrompu. J'aimerais vous entendre, parce que vous sembliez dire qu'on fonctionnait à l'envers, si j'ai bien compris.

• (17 h 40) •

M. Savignac Dufour (Patrice) : Bien, écoutez, moi, j'ai rarement vu ça, honnêtement, là, puis ça fait 25 30 ans que je suis les travaux législatifs. Dans d'autres vies, je suis venu en commission parlementaire, là, puis, tu sais, une loi spéciale déguisée, là, c'est ça, là, tu sais, c'est... On anticipe d'avance un litige qu'on n'a pas encore. Il y a un litige entre des fédérations médicales puis le gouvernement. Ça a toujours existé, ça va continuer à exister, mais on n'est pas dans une impasse. On n'est pas dans une crise sociale où le gouvernement va utiliser l'Assemblée nationale pour légiférer, pour régler une crise. Il y a une crise de financement du réseau, il y en a, des crises en santé, ce n'est pas ce que je dis, mais, tu sais, laissons la chance à la négo, puis, ultimement, là, si le gouvernement fait la démonstration que les... mettons que les fédérations médicales ont été de mauvaise foi dans le cadre de la négo puis qu'il est rendu à uniquement légiférer, bien, il fera ce qu'il a à faire.

Puis une loi spéciale, ça peut exister en démocratie. Là, ce qu'on vous demande, vous, les membres de l'Assemblée nationale, là, c'est d'emblée donner une loi spéciale au gouvernement dans ses négos, puis ils ne le cachent même pas. C'est vraiment hallucinant, là.

Et, tu sais, regardez l'article 8, on en parlait tantôt, là, à l'article huit, on vous demande à l'Assemblée nationale, vous, de, d'emblée, donner un chèque en blanc au gouvernement pour définir par règlement les modalités de prise en charge des personnes assurées puis les obligations de la prise en charge. Ça fait que la médecine McDonnald's...  Moi, je ne prête pas de mauvaises intentions à personne, mais un gouvernement, ou un autre gouvernement, d'ailleurs, si cette loi était adoptée, dans le futur, pourrait utiliser le pouvoir réglementaire pour imposer à peu près n'importe quoi dans la pratique médicale... si cet article là, était adopté. C'est ça que je voulais vous exprimer.

M. Arseneau : Merci de l'avoir fait. Maintenant, pour ce qui est de, justement, la question de l'organisation...

M. Arseneau : ...ça me semble être ça, l'élément sur lequel on souhaite... on souhaiterait se pencher en vous écoutant puis en écoutant les autres, alors que là, on vient introduire des notions liées à la négociation de la rémunération de l'enveloppe globale. Et est-ce que ça ne vient pas justement nous empêcher de voir plus clair non seulement... pas seulement sur la prise en charge, mais sur les meilleurs soins à apporter aux Québécoises et aux Québécois?

M. Soufi (Ghassen) : Oui, parce que les solutions, on les connaît, ça fait longtemps qu'on les connaît. C'est un véritable accès à la première ligne, une première ligne multidisciplinaire. C'est des ressources au bon endroit pour les bonnes personnes. Mais les débats qu'on a sur ce projet de loi, c'est, comme vous le dites, ça détourne un peu l'attention de ce sur quoi on devrait vraiment concentrer notre attention puis nos efforts puis nos énergies, puis on trouve ça dommage.

M. Arseneau : Puis vous, vous êtes de l'école... évidemment, de l'idée que, pour renforcer la première ligne, la rendre plus efficace, mais vous ne pouvez pas faire ça tout seul, c'est clair. 

M. Soufi (Ghassen) : Ça va de soi. La médecine se complexifie, les patients deviennent de plus en plus âgés, il y a des maladies chroniques qui s'installent. C'est impossible de faire cette job seul, ça nous prend une équipe, ça nous prend des professionnels sur qui on peut compter, qui sont présents. Ça nous prend des locaux dans lesquels on peut voir les patients. Ça n'existe plus cette médecine où on est seul, on a le cabinet, on voit le patient, c'est trop complexe, c'est trop avancé pour faire ça. 

M. Arseneau : Donc, inscription et accès, ce n'est pas la même chose.

M. Soufi (Ghassen) : Ce n'est pas du tout la même chose. Qu'on soit inscrit sur une liste puis qu'on puisse voir un médecin, c'est deux choses complètement différentes.

M. Arseneau : Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) : Merci. Alors, merci beaucoup à la Fédération des médecins résidents du Québec, pour votre participation à nos travaux.

Sur ce, je suspends les travaux jusqu'à 18 h 40.

(Suspension de la séance à 17 h 43)


 
 

18 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 18 h 45)

Le Président (M. Provençal) :Bonsoir à tous. Nous allons poursuivre nos travaux. Nous allons poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 106, Loi visant principalement à instaurer la responsabilité collective et l'imputabilité des médecins quant à l'amélioration de l'accès aux services médicaux.

Ce soir, nous entendons les témoins suivants : Pre Mylaine Breton, les Médecins québécois du régime... pour le régime public et l'Association des jeunes médecins du Québec.

Sur ce fait, je vais saluer Mme Mylaine Breton, professeure titulaire du Département des sciences de la santé communautaire, Université de Sherbrooke, et la dame... et le docteur Elise Bélanger, médecin de famille de la Clinique Indigo, qui l'accompagne. Alors, sur ce, vous avez 10 minutes pour votre présentation, et, par la suite, nous procéderons aux échanges. À vous la parole.

Mme Breton (Mylaine) : Bonsoir, M. le Président, Mesdames et Messieurs les membres de la commission...

Mme Breton (Mylaine) : ...je... j'ai... excusez. Dre Marie-Dominique Beaulieu, professeure émérite de l'Université de Montréal, et Mme Catherine Lamoureux-Lamarche sont co-signataires de notre témoignage. Aujourd'hui, nous ne venons pas à titre de membres du comité d'experts mandatés par le ministre. Aujourd'hui, on souhaite plus partager avec vous une critique informée du projet de loi n° 106 à partir de notre double expertise, d'une part, sur les savoirs scientifiques et, d'autre part, sur les savoirs expérientiels des cliniciens. Depuis près de deux ans, nous travaillons ensemble sur différentes initiatives pour recommander des façons concrètes d'améliorer les services au Québec.

D'entrée de jeu, le projet de loi n° 106 propose une finalité ambitieuse et courageuse que nous reconnaissons et partageons, celle de garantir un accès universel et équitable à des soins de première ligne. Toutefois, nous avons des préoccupations importantes quant aux moyens choisis pour l'atteindre. Nous souhaitons aujourd'hui soumettre quatre éléments du projet de loi qui nous semblent problématiques. Nous vous parlerons d'abord que c'est un projet qui fait porter toute la responsabilité populationnelle uniquement sur les médecins, qui propose un mécanisme d'inscription sans engagement clair de l'État, qui prévoit de lier des modèles de prise en charge basés sur une catégorisation de la vulnérabilité par l'État et, enfin, qui mise sur des stratégies coercitives susceptibles de cristalliser les pratiques au lieu de mobiliser les milieux.

Premièrement, la responsabilité populationnelle ne peut être que partagée. Aucun groupe professionnel ne peut assumer seul la responsabilité de l'accès aux services de première ligne. Cette approche n'est pas viable. Le projet de loi n° 106, dans sa mouture actuelle, concentre la responsabilité populationnelle collective sur les médecins de famille. Il rend les DTMF responsables de répartir cette responsabilité, alors que l'accès des services de première ligne ne dépend pas que de leur ressort. Or, faire porter l'entière responsabilité de la filiation et de la prise en charge d'une population à une seule profession sans lui donner des moyens structurels et du soutien organisationnel est une approche réductrice et dépassée. Cette responsabilité doit être partagée entre les équipes cliniques, les instances gouvernementales et l'État.

La première ligne doit reposer sur des équipes interprofessionnelles. Ce sont des équipes qui sont... qui assurent la prise en charge, la coordination et la continuité des soins.

Ces équipes doivent être appuyées par des structures de gouvernance locale qui sont en mesure d'agir sur des conditions de succès de la première ligne, budget pour l'organisation des services, fluidité des parcours, réduction du fardeau administratif, dotation adéquate du personnel en quantité suffisante, stabilité organisationnelle, accès à des services spécialisés.

Attribuer la responsabilité à des médecins qui ont ni contrôle sur les ressources humaines, ni sur l'organisation des services, c'est de créer une responsabilité sans levier et, ultimement, sans résultat. Bref, il faut que la responsabilité soit clairement partagée, encadrée et soutenue.

Deuxièmement, l'inscription, telle qu'elle est proposée dans le projet de loi, n'engage pas explicitement l'État dans son succès, alors qu'il devrait être un acteur central. C'est important de comprendre que l'inscription est un outil de politique publique qui engage trois parties : l'État, les milieux cliniques et les patients. L'inscription agit à la fois comme un levier de coordination clinique, de répartition des ressources et d'imputabilité populationnelle.

• (18 h 50) •

Le projet de loi n° 106 introduit un mécanisme d'inscription en milieu de soins, mais il ne fait... il le fait en se concentrant uniquement sur la modification de la rémunération des médecins, qui n'est qu'un des leviers. Cette approche est problématique et elle fait abstraction des autres conditions essentielles à la réussite d'un tel mécanisme qui doit s'accompagner d'un ensemble cohérent de mesures, par exemple des mécanismes de gouvernance adaptés dans des milieux, une capacité réelle d'accueil des organisations dans ces mêmes milieux, des processus de contractualisation clairs et un alignement entre le financement, la reddition de comptes et la réalité clinique. Or, aucun de ces moyens n'est abordé dans le projet de loi.

L'État, en tant que payeur et garant de l'organisation des soins, doit être pleinement engagé dans la mise en œuvre de ce type de réforme. Il ne peut déléguer la responsabilité d'affilier les citoyens à un milieu de soins à une seule catégorie de professionnels sans s'engager à fournir les ressources adéquates aux milieux cliniques et de se doter d'une infrastructure nécessaire pour assurer son succès. Par exemple, la dotation des postes de professionnels dans les GMF est la responsabilité de l'État.

Un autre enjeu fondamental concerne le type d'inscription retenu. Dans la loi actuelle, le principal professionnel responsable est clairement explicite pour les personnes qui ont actuellement un médecin de famille. Il n'est pas clair qui serait responsable pour les patients inscrits collectivement ou nouvellement inscrits à un milieu de soins. En l'absence d'un professionnel clairement identifié, l'inscription à un milieu de soins peut rendre... peut conduire à des effets pervers : redistribution arbitraire des listes en fonction d'une capacité administrative, diminution de la qualité des suivis ou encore incitation à prioriser des patients moins complexes...

Mme Breton (Mylaine) : ...détriment de ceux qui nécessitent davantage d'attention. La littérature scientifique confirme que l'inscription formelle à un médecin de famille ou à une IPS est un meilleur gage de qualité et de services en général. Il faut éviter de recréer les dérives observées avec les modèles d'inscriptions collectives où l'inscription n'implique ni relation thérapeutique ni continuité réelle.

Mme Boulanger (Elise) : Troisièmement, il y a un réel danger avec le projet de loi que l'État s'approprie des modalités de prise en charge de la population et impose des classifications de vulnérabilité qui ne tiennent pas en compte les réalités cliniques. Le gouvernement propose actuellement, notamment, d'utiliser la méthodologie de regroupement de la population développée par l'Institut canadien d'information sur la santé. Cette méthodologie a son utilité. Elle sert principalement à la planification des services, à l'analyse des besoins à l'échelle populationnelle et à la gestion des ressources. Elle permet, oui, de regrouper des personnes ayant des profils de santé similaires, mais elle n'a pas été conçue pour guider des décisions cliniques ni pour évaluer la complexité des situations humaines des individus.

Utiliser ce type de système pour déterminer la rémunération des médecins présente plusieurs limites. Non seulement il ne capte pas les nuances des trajectoires cliniques, mais il pourrait aussi générer des effets pervers en orientant le comportement des cliniciens. Ce sont des risques qui sont bien documentés lorsque les incitatifs sont mal alignés.

Il faut comprendre que la vulnérabilité en première ligne, telle qu'on la définit, c'est un phénomène qui est multidimensionnel, qui est évolutif puis qui est profondément ancré dans les conditions de vie des personnes. C'est dynamique. On croit fermement que l'évaluation de ce phénomène, tout comme l'organisation et la prise en charge de ce phénomène dans les milieux cliniques, doit se faire dans les milieux cliniques, en partenariat avec les patients, fondé sur la confiance, la continuité puis la connaissance des situations personnelles. Ce principe fondamental est mis en danger actuellement avec les pouvoirs octroyés par ce projet de loi. La prise en charge des personnes vulnérables ne peut pas être imposée par un algorithme ou un barème administratif, O.K., des données clinicoadministratives. Les outils dont dispose le gouvernement à l'heure actuelle sont trop imparfaits et ne sont pas conçus pour guider une prise en charge qui est juste et appropriée pour les patients.

Finalement, le quatrième point dont on souhaite vous parler, c'est l'utilisation des stratégies coercitives qui sont fondées sur des mesures de performance imposées puis qui risquent de devenir cristalliser des pratiques qui sont désuètes plutôt que de susciter un véritable engagement des milieux.

Le projet de loi n° 106 s'inscrit dans une logique de réforme qui repose en grande partie actuellement sur des mécanismes coercitifs. En venant lier la responsabilité populationnelle à une seule catégorie de professionnels, en envisageant des mécanismes de performance qui peuvent être associés à la rémunération, il vient alimenter la résistance plutôt que de venir soutenir l'adhésion. C'est particulièrement problématique actuellement, en contexte de pénurie de ressources où on souhaite, finalement, garder tout le monde qu'on a.

Nous ne sommes pas ici pour discuter en profondeur des modalités de rémunération, puis d'autres experts le feront mieux que nous, mais... puis on reconnaît que la révision des modalités de rémunération des médecins, elle est vraiment légitime, elle est souhaitable, O.K., pour soutenir la transformation des pratiques interprofessionnelles. Ça, c'est clair, puis ça doit se faire dans le cadre d'un modèle mixte qui inclut, oui, la capitation, oui, les incitatifs appropriés, mais sans que la performance ne devienne une condition punitive de la rémunération.

Derrière les résultats des politiques de rémunération à la performance, le fameux P «for performance», comme celles qui ont été mises en place au Royaume-Uni, sont en fait plutôt mitigées, ne sont jamais à la hauteur de 25 % puis sont plutôt mitigées. Les effets sur la qualité des soins sont incertains, et puis les effets pervers ont été documentés, comme l'alignement des pratiques sur des indicateurs qui sont finalement inadéquats, qu'on veut changer par la suite, ou la négligence, même, de certaines dimensions plus qualitatives des soins qui sont très importantes pour les patients.

Ce qu'on propose à la lumière des données probantes, c'est plutôt de concentrer nos efforts sur la création d'une infrastructure de données fiable, facilement utilisable pour la première ligne, qui permet de comparer les performances entre les équipes, O.K., au lieu... et de venir soutenir les équipes interprofessionnelles dans une réelle démarche d'amélioration continue de la qualité au lieu d'aligner les travailleurs vers des cibles qui vont cristalliser des comportements... qu'on va vouloir ensuite changer la cible parce que, finalement, on s'est rendu compte que la cible n'était pas bonne. La science montre qu'on est plus gagnant à long terme si on vient cultiver autrement la performance en soutenant l'amélioration.

Brièvement, on voulait vous parler de l'expérience de l'Ontario, parce qu'elle est quand même inspirante, là. Depuis plus d'un an, la province déploie actuellement un plan d'action pour les soins primaires qui vise à inscrire chaque Ontarien auprès d'un médecin de famille ou d'une IPS d'ici à 2029. Ce plan prévoit des investissements très importants, là, plus de 1 milliard, pour venir créer 305 nouvelles équipes interprofessionnelles puis affilier les 2 millions de personnes qui ne le sont pas. Puis ils viennent aussi de déposer une cadre... pardon, une loi, donc, pour fixer dans leur cadre légal une vision publique claire, donc une loi déclarative sur les soins primaires.

En conclusion, le projet de loi no 106 propose, oui, une finalité ambitieuse à laquelle vraiment, là, on adhère, celle d'avoir une source régulière de soins pour tous les citoyens. Toutefois, dans sa forme et dans son fond, le projet de loi sous-estime la complexité de la première ligne et met en péril la transformation qui s'était déjà amorcée dans plusieurs régions puis plusieurs milieux cliniques...

Mme Boulanger (Elise) : ...en voulant imposer rapidement des mécanismes qui sont rigides, sans tenir compte de l'ensemble des leviers nécessaires, pour nous, le projet risque de ne pas obtenir les effets escomptés pour la population, c'est le plus grand danger. Les constats qui sont issus du terrain sont clairs, ils sont vraiment bien soutenus par la science, pour une transformation qui est vraiment tenir une première ligne forte qui va nous donner un système de santé performant. On vous a parlé aujourd'hui d'une gouvernance territoriale pour permettre une réelle responsabilité partagée. C'est une inscription qui est soutenue par l'État à l'aide de ressources humaines et d'infrastructures. C'est une évaluation clinique de la vulnérabilité, d'incitatifs qui sont alignés sur l'amélioration continue des pratiques soutenues par une infrastructure de données qui est fiable.       Il faut se donner le temps de continuer à mettre les conditions de succès en place. Nous aussi, on est pressés, mais on est surtout pressés de bien faire les choses pour la suite... pour les Québécois.

Donc, on appelle ici les membres de cette commission à revoir vraiment le fondement même de ce projet de loi au profit d'une approche qui, pour nous, est d'une autre nature. Ce dont on a besoin, c'est d'une trajectoire qui est cohérente, qui est transparente puis qui va permettre à chaque acteur, professionnels, gestionnaires, les organisations, les patients, de vraiment comprendre son rôle puis de s'y engager pleinement dans le futur. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup M. le ministre.

M. Dubé : Très bien. Alors, Mme Breton, je ne sais pas... Vous avez un doctorat?

Mme Breton (Mylaine) : Oui.

M. Dubé : Donc, est-ce que je peux dire docteure?

Mme Breton (Mylaine) : Au Québec, on dit les professeurs, mais, dans le Canada anglais, on dit docteur quand c'est des Ph. D.

M. Dubé : Alors, j'allais dire, mesdames...

Mme Breton (Mylaine) : Je suis un docteur qui ne soigne pas.

M. Dubé : Peut-être.... Dre Boulanger. Merci à vous deux. Je veux juste que les gens, puis je sais que c'est un petit peu délicat, parce que vous venez, à moins que je me trompe, vous venez dans votre rôle plus personnel que dans le rôle que vous étiez au niveau du mandat qui avait été donné par le ministère. Peut-être juste, en 30 secondes, l'expliquer, puis après ça, ça sera clair pour tout le monde.

Mme Breton (Mylaine) : En fait, c'est l'invitation qu'on a reçue. J'ai été invité à titre de professeur et pas les membres du comité d'experts. Mais comme il y a une longue histoire de collaboration, je me suis joint des experts autour de moi. 

M. Dubé : Non, mais je suis très content...

Mme Boulanger (Elise) : On travaillait ensemble avant, ce comité d'experts là, sur des choses par rapport à la première ligne.

M. Dubé : Bien, c'est ça, puis je reconnais les deux expertises, Dre Boulanger, du terrain. Vous avez votre propre GMF, puis tout ça, puis, Mme Breton, mais je voulais juste le mentionner, parce que, tu sais, on s'est fait dire qu'on n'était pas d'accord avec le rapport d'experts puis, au contraire. Je voulais juste le mentionner parce qu'on aura à en reparler dans les prochaines semaines.

Lorsqu'on a engagé le groupe d'experts, puis je finis là-dessus, c'était pour nous aider à définir une politique de première ligne, puis on n'a pas changé d'idée. Puis l'essentiel des recommandations que vous faites dans ce rapport-là, on est d'accord. Bon, l'enjeu, puis vous l'avez bien dit, c'est un enjeu d'exécution et d'échéancier, je vais le dire comme ça, pour arriver à ces fins-là. Ça fait que je mets ça de côté. Puis, comme on dit, on s'entend que, sur certaines choses, on ne s'entend pas, mais, je dirais, sur l'essentiel, d'avoir besoin d'avoir une première ligne forte avec les six recommandations qui sont dans le rapport, je vous dirais qu'essentiellement on est là. Bon, je voulais juste mentionner ça.

Moi, je voudrais profiter de vos expertises, à vous deux, pour vous poser des questions ce soir. Bon, je vais commencer par vous Mme Breton, parce qu'une des raisons que vous avez été engagée, je pense, entre autres, c'était votre expertise par rapport à comment est performante une GMF. Puis je dis ça, pas parce qu'elles ne le sont pas, mais comment on peut améliorer des GMF, hein? On vous a vu dans d'autres commissions, et j'aimerais ça que vous me parliez des cibles — puis, si c'est possible, M. le Président, on pourra déposer des rapports que Mme Breton a déjà fait — ça a l'air de quoi, des cibles d'une GMF performante. Puis la raison pour laquelle je vous demande d'en parler, c'est qu'il y a un débat, en ce moment, de dire : Est-ce qu'on est d'accord ou pas avec une rémunération qui est basée sur des sites... Je ne parle pas de GMF, là.

Et je voudrais que les gens comprennent de quel genre de cible, selon vous, quand on parle d'une GMF qui est là pour... de quel genre de cible vous parlez. Puis je demanderais, si vous êtes d'accord, à déposer les documents que vous avez sur votre site Web. Mais je veux vous entendre là-dessus, parce que c'est important que les gens comprennent qu'est-ce que ça veut dire, les cibles, quand on parle... parce que ce n'est pas des cibles comptables. C'est de quoi qu'on parle, pouvez-vous m'en parler un petit peu?

• (19 heures) •

Mme Breton (Mylaine) : Oui, tout à fait. En fait, il y a deux éléments. Il faut voir à quel niveau qu'on utilise des indicateurs, nos cibles de performance. Puis il faut en mettre, là, on est tous d'accord, notre rapport d'expert en fait mention, puis, dans le reste du monde, là, on utilise... basé sur le quintuple objectif qu'on recommande aussi, ce n'est pas seulement sur des indicateurs administratifs, mais...

M. Dubé : Quand vous dites le quintuple...

Mme Breton (Mylaine) : Quintule objectif.

M. Dubé : ...mais pouvez-vous le dire, c'est quoi, votre quintuple... Moi, je les connais, mais...

Mme Breton (Mylaine) : Oui. Le quintuple objectif, en fait, c'est utilisé...


 
 

19 h (version non révisée)

Mme Breton (Mylaine) : ...travers le monde. On dit... Ça a évolué. Au début, on disait : Les systèmes de santé performants doit améliorer non seulement l'état de santé de la population, les indicateurs de mortalité, que c'est la base, mais aussi l'expérience des patients qui sont au cœur des systèmes, le côté efficience.

M. Dubé : C'est ça. Ça, c'est le deuxième.

Mme Breton (Mylaine) : Après, on a ajouté récemment l'expérience des professionnels, qu'on sait que c'est au cœur d'un système de santé, alors aussi pour toucher la... le... pas juste le plaisir au travail, mais la... les enjeux de burn-out ou de... des professionnels. Et le nouvel objectif qu'on vient d'ajouter, qui est le cinquième, c'est l'équité, qui est au centre d'un service de santé.

Alors, c'est vraiment le quintuple objectif, c'est ce qu'on dit dans la littérature, c'est l'atteinte visée par les systèmes de santé performants. Puis on devrait, quand on fait des indicateurs de performance, avoir des indicateurs dans chacun de ces cadrans-là. Alors... Puis, dans notre rapport, si vous voulez, on a... on a regardé les cinq cadrans puis on fait des propositions qui est dans la littérature pour aller chercher de l'information.

Un exemple : le Commonwealth Fund, ils font des sondages de satisfaction d'expérience en soins primaires à travers le monde. Au Québec, on paie pour cette enquête-là puis on suréchantillonne pour avoir des... plus de Québécois qui participent pour être capable de contraster l'expérience entre les régions. On dispose de cette mine actuellement. C'est le Commissaire à la santé, au bien-être qui dispose de cette banque de données. Et je vous recommande fortement d'aller utiliser ces résultats-là, qui est un des indicateurs au niveau des systèmes et même au niveau de chaque région qu'on peut dire : O.K. Est-ce que l'expérience des patients... Est-ce que c'est facile d'avoir accès en temps opportun? Est-ce qu'on est... Ça fait que ces éléments-là qui est important, c'est une source d'information extrêmement importante et valide et qu'on dispose actuellement au Québec.

Alors, quand on dit de se doter d'un système, un peu, un monitorage, c'est de s'assurer qu'on a, dans chacun des cadrans, des indicateurs qui sont à niveau de système. Si on veut voir est-ce qu'on s'améliore, les soins primaires, c'est de suivre ces indicateurs-là dans le temps.

M. Dubé : Et la question...

Mme Breton (Mylaine) : Ça, c'est au niveau système de santé.

M. Dubé : O.K. Excusez-moi, excusez-moi. Oui.

Mme Breton (Mylaine) : Votre question touche les GMF. Comment... C'est quoi, les systèmes qu'on peut se donner?

M. Dubé : C'est ça.

Mme Breton (Mylaine) : Bon. Là, c'est nouveau... Les indicateurs, historiquement, c'est une boîte noire dans les... On utilisait les données de facturation de la RAMQ deux ans plus tard pour un peu donner un portrait de performance. Le dossier médical électronique, c'est une source d'information extrêmement riche qu'on n'utilise pas encore beaucoup. Ça fait à peu près 10, 12 ans que ça existe. Moi, quand j'ai fait mon doctorat, on demandait aux cliniques médicales : Avez-vous un dossier médical électronique? Puis, s'ils disaient oui, ils avaient tous les points de qualité. Alors, c'est une source qu'on n'a pas explorée encore beaucoup puis ça permet en temps réel.

Et là j'en viens à les travaux que je mène actuellement, qui est d'accompagner les GMF dans l'accès adapté. Et on a développé plusieurs indicateurs qui sont... une des sources d'information, c'est les dossiers médical électroniques. Essentiellement, c'est l'agenda. Je tiens à préciser qu'on a développé ça, moi et ma collègue Isabelle Gaboury, dans une philosophie, un esprit de soutenir la pratique réflexive des cliniciens. Les cliniciens, ils veulent s'améliorer, ils veulent des données. Pour s'améliorer, il faut avoir parfois des données. Puis là on se rejoint. Moi, ce que j'ai peur, c'est que ça soit utilisé... Il y a toujours du... Si on attire puis on lie à la rémunération, je pense que c'est une erreur, mais il faut donner les cliniciens... Quels sont ces indicateurs, par exemple? Nous, on regarde, on a huit indicateurs...

M. Dubé : ...

Mme Breton (Mylaine) : Est-ce que je continue sur les... le contenu des indicateurs?

M. Dubé : Oui, mais juste pour terminer,parce que, moi, ce que je veux que les gens comprennent, c'est que vous êtes une experte notamment en GMF, puis, nous, quand on a commencé à parler des cibles, c'était pour quelque chose de bien précis, c'était pour les médecins, pour la rémunération.     Ma question, elle est simple : Est-ce qu'il y a plusieurs des indicateurs dont vous parlez qui pourraient servir aux deux? Est-ce qu'il y en a qui sont communs ou, quand vous parlez, vous parlez uniquement pour les GMF?

Mme Breton (Mylaine) : Moi, les indicateurs que j'ai développés, c'est dans les milieux GMF puis c'est à la fois un portrait personnalisé pour chaque médecin qui lèvent la main, qui veulent leurs indicateurs puis qui sont capables de se suivre dans le temps, puis dans le temps en temps réel. Chaque semaine, je peux valider c'est quoi mon troisième rendez-vous disponible, ma proportion des rendez-vous à 48 heures...

M. Dubé : Oui, ça, je me souviens. O.K.

Mme Breton (Mylaine) : ...la collaboration interprofessionnelle, le «no-show». Alors, on est capables, mais c'est vraiment... je tiens à souligner que c'est développé à des fins de pratique réflexive, et ce n'est pas le ministère, ce n'est pas la FMOQ qui a les résultats, puis je pense que, dans cette ouverture vers la culture d'amélioration, la culture de données, il faut... il faut expérimenter puis il faut les... il faut que les médecins et les organisations apprennent à s'approprier ces données-là.

M. Dubé : O.K. Je comprends votre point. Il me reste...

Le Président (M. Provençal) :...

M. Dubé : O.K. J'avais deux... on pourrait en parler pendant des heures, mais je veux juste revenir sur vos deux expertises. J'ai parlé... Puis, s'il me reste du temps, je vais passer au docteur Boulanger, si vous permettez.

Dre Boulanger, une des raisons pour laquelle on vous a engagée dans le mandat mais que, je pense, vous êtes à l'aise de parler ce soir... parce que je veux vous entendre sur, en tant que médecin, ce que vous entendez par la responsabilité. Vous l'avez dit tantôt dans votre énoncé : la responsabilité. Dans un monde idéal, tout le monde devrait avoir un médecin, tout le monde devrait référer à un médecin et...

M. Dubé : ...avoir un GMF pour avoir une... Parce qu'on parle beaucoup de continuité de soins. Ma question, c'est... je ne pense pas que vous êtes contre la responsabilité populationnelle, mais je veux vous entendre sur les deux. Parce qu'on est un peu pris dans un dilemme, là, puis je l'ai expliqué en d'autres... puis je vais faire mon introduction très vite : il manque de médecins, selon certains, de la façon dont on travaille en ce moment. Je n'entrerai pas dans ce débat-là, mais, pour être capable de pallier peut-être au manque qu'on a en ce moment, comment on fait pour se servir de la responsabilité populationnelle qui a été faite, des fois de le prendre en groupe plutôt qu'un médecin, sans enlever la responsabilité du médecin que vous préférez? Est-ce que je suis claire dans ma question?

Mme Boulanger (Elise) : Je vais essayer d'y répondre en quelques minutes.

M. Dubé : O.K., parfait. Je sais que ce n'est pas facile, mais c'est important de le comprendre dans le...

Mme Boulanger (Elise) : C'est correct. Il y a beaucoup de concepts...

M. Dubé : Et voilà, s'il vous plaît.

Mme Boulanger (Elise) : ...pas simples. Donc... Bien, premièrement, la responsabilité populationnelle, telle qu'on la définit, il y a une définition bien précise de ça, O.K.? C'est... tu sais, c'est une responsabilité qui est collective de tous les acteurs du système d'avoir... donc, ça, ça a été défini, là, tu sais, je l'avais même noté ici, en fait, parce que je me doutais qu'on allait en parler, de tous les acteurs du système de santé et des services sociaux envers la santé de toute la population. Ça implique une collaboration entre des organisations publiques, des organisations communautaires, des organisations privées, de maintenir, d'améliorer la santé et le bien-être de la population en agissant aussi sur les déterminants sociaux de la santé. Donc, c'est beaucoup plus large que ce qu'on parle des services médicaux ici. On parle aussi de ce qui... de ce qui touche parfois aux villes, de ce qui touche à d'autres secteurs que la santé. Donc, il faut vraiment... tu sais, quand on parle de responsabilité populationnelle, c'est ça.

Ensuite, quand on veut... puis c'est un peu l'enjeu, là, pour lequel ici, avec le projet de loi, quand on vient mettre ça sur un type de professionnels, bien, ça ne fonctionne pas, là, il y a... On parle aussi de la responsabilité collective en groupe, là, puis la prise en...

M. Dubé : Oui, ce qui est une autre définition importante dans tout ça, là, oui.

Mme Boulanger (Elise) : ...en charge de groupes, qui est une autre, exactement, définition à part. Premièrement, tu sais, si on termine sur la responsabilité populationnelle, c'est que... c'est certain qu'il y a toutes sortes de responsabilités que les différentes personnes et groupes ont là-dedans. Donc, en soi, c'est enchâssé aussi dans la loi pour l'État, alors c'est l'État qui a cette responsabilité-là, puis là, bien, par le fait même, c'est Santé Québec, c'est le réseau, et donc il doit venir fédérer et puis... tu sais, Mylaine, tu as fait ta thèse là-dessus, donc tu pourrais en parler plus que moi, donc... et de venir fédérer tous les acteurs, là, dont on parle dans notre définition. Ça fait que c'est de même que ça doit se faire pour donner les services à la population.

M. Dubé : Mais peut-être ma question...

Mme Boulanger (Elise) : C'est... Votre question est différente, c'est ça, à...

M. Dubé : Oui. Bien, c'est ça. Moi, je suis plus dans la responsabilité collective parce qu'un des enjeux... Puis c'est pour ça qu'on a fait le GAP comme méthode intérimaire, c'est qu'on disait : Bien, si, de la façon dont on travaille en ce moment, il manque des médecins, puis je le dis comme ça, qu'est-ce qu'on fait en attendant? Puis on a trouvé que le collectif était mieux que pas du tout, je vais le dire comme ça. Comment vous... Comment on peut continuer à améliorer ça et tendre, comme vous avez dit dans votre rapport à un moment donné... À un moment donné, on va avoir les ressources nécessaires. On fait quoi en attendant pour combler le besoin?

Mme Boulanger (Elise) : Bien, c'est sûr que c'est la grande question, c'est sûr que... Je veux dire, quand on est arrivés avec le comité d'experts, l'objectif, si on peut parler de ça, là, un petit peu, le rapport, notre objectif ici, c'était de venir informer une politique pour la première ligne. Donc, c'était la vision pour le futur, puis c'est : quelles sont les grandes orientations, vers où on devrait s'en aller, c'est quoi, notre vrai Nord, O.K.?

M. Dubé : C'est ça, exactement.

Mme Boulanger (Elise) : Donc, on ne nous a pas demandé de faire un plan d'action, ça fait que... Évidemment, tu sais, s'il y a des choses qui sortent, ça vient de nous, O.K.?

M. Dubé : C'est une politique pour commencer. C'est ça, exactement.

• (19 h 10) •

Mme Boulanger (Elise) : Donc, c'est une politique pour faire avancer, pour donner les grandes lignes à tout le monde. C'est un peu comme faire un plan stratégique pour une organisation : Voici où on s'en va, puis ensuite on fait un plan d'action, puis ensuite on le met en action. Donc... donc, c'est là qu'on en est, O.K.?

Donc, entre les deux, c'est certain qu'il faut avoir une espèce de plan de transition pour être capable d'améliorer les soins qu'on a à la population, O.K.? Ça fait que, là, les moyens exacts pour faire ça ne sont pas clairs. Mais une chose qu'on sait, c'est que la première ligne, pour vraiment qu'elle fonctionne, O.K., pour vraiment qu'on arrive à avoir les résultats que ces systèmes performants là nous donnent dans le monde, il y a des affaires... il y a une magie, O.K., qui doit se passer puis il y a certaines caractéristiques qui doivent aller ensemble.

Puis, si on focus juste sur l'accès, donc de prendre toutes les ressources qu'on a actuellement puis de les étaler sur tout le monde pour être capable... pour se dire : Bien, dans le fond, là, j'en ai 85 % d'inscrits, j'en ai 15 % qui ne l'ont pas, je vais tout étaler puis je vais faire... on va perdre cette qualité-là de la première ligne, qui nous donne finalement des effets dans le restant de notre système. Ça va... Ça se peut qu'il y ait des gens qui aillent plus à l'urgence, par exemple, ça se peut que... donc qui vont... parce qu'ils n'auront pas les soins qui vont être requis dans la première ligne. Donc...

Et le problème qu'on voit avec amener un projet de loi comme ça qui va imposer ces affaires-là, c'est qu'on perd des gens avec ça, puis on perd des gens à un moment où c'est le pire moment, finalement, parce qu'on veut bâtir notre capacité, on va leur dire vers où on s'en va.

M. Dubé : Puis moi, je... Vous le faites dans un sens constructif, là. On fait... je reviens toujours à la même question, mais on fait quoi pour les...

M. Dubé : ...1,5 million de Québécois, qui...

Mme Boulanger (Elise) : On continue...

M. Dubé : Oui. Donc...

Mme Boulanger (Elise) : ...on continue à mettre les bases, on continue à leur dire vers où on s'en va. Qu'est-ce qu'on fait pour améliorer ça? On continue à leur dire qu'on va augmenter les équipes interprofessionnelles, qu'on va travailler en équipe, qu'on va augmenter...

M. Dubé : Oui, mais...

Mme Boulanger (Elise) : Mais on le fait déjà, on le fait déjà. Les gens ont des endroits où ils peuvent aller, donc il faut juste continuer à améliorer la qualité puis donner une direction. Donc, si on fait toujours rebrasser les cartes, puis on ne finit jamais le travail... Ce qui est arrivé un petit peu, dans le fond, avec l'inscription, c'est qu'on s'est dit : O.K., on va faire une inscription, à tout le monde, à un médecin de famille, mais on n'a pas regardé si on avait assez de médecins de famille pour inscrire toute la capacité des gens. Au Québec, on a une proportion non significative qui travaille dans les établissements, dans les hôpitaux, dans les urgences, puis ça, bien, c'est important, parce qu'on en a eu besoin à un moment donné, puis tout ça, puis, bon, mais c'est une particularité, O.K. Ça fait que, quand on compare... C'est sûr que, quand on compare un nombre de médecins de famille ailleurs, avec d'autres provinces, on a l'impression qu'on en a autant puis qu'on a moins de services mais c'est parce qu'ils travaillent ailleurs aussi, puis c'est important.

Ça fait que cet enjeu-là...

M. Dubé : Mais est-ce que... En fait, la question simple... puis je ne sais pas comment...

Mme Boulanger (Elise) : ...il faut continuer à augmenter l'inscription puis avoir assez de gens.

M. Dubé : Il me reste une minute. Moi, ce que je veux, c'est... puis c'est d'ailleurs pour ça qu'on vous l'a demandé comment... c'est quoi, la vision, puis comment on peut y arriver...

Mme Boulanger (Elise) : Oui, oui, puis j'ai un dernier point là-dessus.

M. Dubé : ...je veux juste savoir si cette transition-là peut se faire par une responsabilité ou une prise en charge collective pendant qu'on n'a pas toutes les ressources nécessaires, selon vous. Je veux juste savoir : Est-ce que c'est, au moins, un moyen intérimaire?

Mme Boulanger (Elise) : Donc, je pense que, pour certaines régions, pour certains milieux, oui, ce serait possible. O.K. Il y en a qui l'ont fait, il y en a qui...

M. Dubé : Oui, qui l'ont même déjà fait, qui l'ont même déjà...

Mme Boulanger (Elise) : ...il y a des endroits qu'ils sont allés, O.K., avec... et qui ont été... mais on a laissé... on n'est pas allé d'une manière coercitive. On a dit aux gens : Voici vers où on s'en va, voici notre direction, voici ce que le gouvernement, aussi, va faire de son côté, qu'est-ce... quelles ressources on va rajouter. On comprend la situation. Puis donner le pouvoir aux gens du terrain...

M. Dubé : Puis ça, est-ce qu'on peut le faire dans... bien...

Mme Boulanger (Elise) : ...puis d'être capables de mettre en place ces modèles-là, parce qu'il y en a qui l'ont fait.

M. Dubé : Oui, mais... Allez-y, Mylaine.

Mme Breton (Mylaine) : Puis, actuellement, on a fait une inscription collective, mais il faut que le patient rappelle le GAP pour avoir un rendez-vous à cette clinique-là. Ça fait que permettez, le patient... s'ils sont inscrits collectivement à la clinique, que le patient appelle direct la clinique...

M. Dubé : Directement, directement.

Mme Breton (Mylaine) : ...et la clinique s'organise pour avoir cette responsabilité-là.

M. Dubé : Bon, bien, d'accord.

Mme Breton (Mylaine) : C'est une inscription fantôme. Alors, si c'est une inscription citoyenne à ce groupe là, bien, laissez la clinique et le patient se coordonner. Mais il ne faut pas oublier d'avoir un professionnel responsable au dossier...

M. Dubé : Oui, ça, vous en... O.K.

Mme Breton (Mylaine) : ...parce que, comme on l'a dit, la magie de la continuité, puis tous les effets sur l'hospitalisation...

M. Dubé : Alors, si ce n'est pas un médecin, ça peut être un professionnel responsable dans la GMF ou...

Mme Breton (Mylaine) : Il ne faut pas que ça tombe entre les craques.

Mme Boulanger (Elise) : La majorité des données nous disent que c'est un médecin ou une IPS, donc c'est le professionnel qui est le plus habilité, dans la première ligne, pour faire le plus de choses, tu sais, les choses les plus... qui vont nous éviter des hospitalisations, O.K. Ça ne veut pas dire que c'est toujours ce professionnel-là qui voit... Il peut avoir... il peut être identifié davantage...

M. Dubé : Bon, O.K. Bien, c'est ça.

Mme Boulanger (Elise) : ...ou voir davantage les infirmières, et tout ça. Et travailler en équipe, c'est vraiment ça qui est important. Mais il y a quelqu'un d'identifié comme ça. Ce n'est pas la collusion de l'anonymat si jamais il arrive puis, soudainement, il devient très, très vulnérable.

Mme Breton (Mylaine) : Il y a une personne inscrite au dossier.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup.

M. Dubé : On va continuer à discuter. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) : M. le député de Pontiac, pour 12 min 23 s.

M. Fortin :Oui, merci, M. le Président. Bonjour à vous deux, merci d'être là. Le ministre a dit tantôt que c'est important pour lui que les gens comprennent que vous êtes des expertes en la matière. Je pense que c'est fait, je pense que c'est pas mal compris de tout le monde, là.

Je veux... je veux qu'on aille un peu sur les risques du projet de loi tel qu'il est... tel qu'il est écrit en ce moment. Vous en avez cité plusieurs. Je vous en nomme deux, que vous avez mentionnés vous-mêmes : la diminution de la qualité, puis la priorisation des inscriptions de certains cas, peut-être, plus simples, au détriment de patients plus vulnérables. J'aimerais ça vous entendre sur votre perspective de comment ça va arriver, ça, la diminution de la qualité, comment ça va arriver, le fait que... pourquoi ça arriverait, le fait que des patients peut-être plus simples seraient priorisés sur des patients plus... ou des cas plus difficiles.

Mme Boulanger (Elise) : Bien, si je peux parler de l'enjeu par rapport à l'identification, les catégories de vulnérabilité, actuellement, il y a quand même... il y en a eu, un système, là, de catégorisation de la vulnérabilité, à peu près une vingtaine de catégorisations, puis c'est fait dans les bureaux des cliniciens. Ce qu'on... Elle n'est pas parfaite, c'est clair, il y a des gens qui sont exclus, il y a des... bon, il y a toutes sortes de défis avec ça, mais ça reste que... ça reste quelque chose d'assez dynamique et évolutif qui se passe dans les bureaux, dans des relations de confiance avec les cliniciens.

Le danger, c'est que, si on y va avec, donc, ce qui est proposé, avec les couleurs rouge, vert, jaune, c'est... c'est basé sur des données qui sont clinico-administratives de la RAMQ, qui ne vont pas regarder, par exemple, des éléments sociodémographiques des personnes, O.K. Donc, on ne voit pas c'est quoi, l'état psychologique des gens, si les gens sont dans la pauvreté, s'ils ont d'autres... d'autres défis. Ça ne va pas mentionner ça. C'est aussi très, très à retardement, finalement, comme système, ça peut prendre jusqu'à un an avant de mettre à jour ces choses-là. Donc, on peut voir comment ça peut, pour des personnes qui ont des besoins similaires, mais qui pourraient se retrouver dans des catégories différentes... Et donc avoir une rémunération associée, si on associe la rémunération de la capitation avec ça, bien, donc, les gens...

Mme Boulanger (Elise) : ...se dire : Ah bien, moi, je veux, tu sais, ce type-là ou ce type-là. Ça reste que les médecins, je veux dire, avec tout... puis, je veux dire, on les connaît, je suis médecin moi-même, je veux dire, ils sont là-dedans pour faire les bonnes choses, mais ça reste des travailleurs, alors on n'est pas dupes non plus. Ça fait que c'est des choses qui sont prouvées, là, tu sais, dans la littérature, il faut faire attention à ça.

Donc, quand c'est fait plus près des milieux cliniques, bien, on s'assure aussi que, donc, c'est dans la discussion avec le patient, puis ces éléments-là sont pris en compte. Donc, on évite des... c'est ça, ces problèmes-là pour les patients.

M. Fortin :Un an, c'est particulièrement... C'est frappant ce que vous dites, là, que ça peut prendre un an jusqu'à ce que...

Mme Boulanger (Elise) : C'est mis à jour.

M. Fortin :...l'évaluation puisse être changée si on le fait de façon clinicoadministrative.

Mme Boulanger (Elise) : Oui, exact.

M. Fortin : Le patient, il passe de... il peut partir de très, très, très en santé à soins palliatifs en beaucoup moins qu'un an, là.

Mme Boulanger (Elise) : Absolument. Et c'est sur le passé. Donc, on se base sur le passé, versus, c'est ça... ce n'est pas des choses qui s'en viennent, là.

Mme Breton (Mylaine) : Puis vous identifiez quelque chose qui est vraiment un paradoxe, puis on le sait, plus qu'on inscrit le patient, on est peut-être moins disponible... C'est de trouver le «sweet spot» dans l'équilibre. Puis d'ailleurs le modèle d'accès adapté quand on accompagne des médecins, c'est de voir comment on regarde... caractéristiques de votre patientèle puis votre disponibilité pour être accessible pour vos patients inscrits, parce qu'on priorise la continuité relationnelle. Alors, c'est là tout l'enjeu. Si on impose davantage de patients à un milieu clinique puis ils n'ont pas plus de disponibilité, bien, c'est sûr que ça va jouer sur la qualité, sur la disponibilité que j'ai déjà à mes patients.

Ça fait qu'il faut réfléchir comment on peut travailler juste : il est où, le point d'équilibre pour s'assurer que les médecins demeurent accessibles de manière continue puis d'offrir les services de manière préventive... où qu'il faut investir. C'est seulement cette réflexion de composition d'équipe. Si on rehausse les équipes, comment on peut prendre plus de patients. Mais il faut vraiment s'assurer de ce soutien avec plus d'investissements à ce niveau-là. Sinon, on retourne à perdre de la qualité puis à miser juste sur de l'accessibilité sans avoir du temps à offrir pour des soins avec nos patients inscrits.

M. Fortin :Bien, dans le fond, là, vous avez commencé votre explication en parlant de l'accessibilité, c'est-à-dire on n'a pas atteint le «sweet spot» nécessaire, donc j'ai trop de patients pour ce que je suis capable de voir, c'est-à-dire, il y a des gens que je ne verrai jamais puis qui ne seront pas capables d'avoir d'accès. Mais, en même temps, il y a l'autre bout, là, qui était mentionné par certaines des fédérations qui étaient ici cet après-midi, qui nous disaient essentiellement : Faites attention, il y a peut-être des médecins qui vont vous tourner les coins ronds pour voir les patients plus vite. Ça fait-tu partie de vos inquiétudes, ça aussi?

Mme Boulanger (Elise) : Bien, c'est qu'il faut... il faut faire... vraiment faire attention de ne pas voir les médecins comme des unités de production, tu sais, de visites. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Puis, en fait, la qualité, on la produit. Quand on est dans cette relation-là, ça prend du temps à bâtir, c'est... donc c'est très long... ça reste très humain, là, comme travail, donc. Et puis on a... tu sais Ili y a certains moyens pour évaluer un peu la qualité, mais ce n'est pas facile, là, d'aller chercher tout ce qu'on fait.

Tu sais, quand on parle de visites, là, tu sais, c'est ça, le problème aussi, c'est qu'il faut sortir un petit peu de la volumétrie puis même de la planification de la première ligne puis de ce qu'on reçoit par rapport à des nombres de visites. Parce que, souvent, en médecine de famille, on va régler quatre, cinq, six problèmes d'un même patient dans une visite, puis, des fois, parce qu'on le connaît, on peut le régler plus rapidement, mais ça, ce n'est pas des choses qui sont calculées, tu sais. Puis même... Donc, c'est ça, je vais m'arrêter là.

Mme Breton (Mylaine) : Puis il y a beaucoup de capacités à aller chercher dans le travail d'équipe, justement, la collaboration, comment on peut organiser, dans les cliniques, que les bébés en santé, maintenant, sont vus par peut-être un autre professionnel, au départ, qu'un médecin avec un nom inscrit au dossier. Mais les malades chroniques stables, là, tu sais, un jeune diabétique a... les «guidelines» disent de le voir quatre fois par année, mais il n'y a peut-être pas de valeur ajoutée thérapeutique de le voir quatre fois par année. Ça fait que je pense que c'est de revoir aussi la manière de travailler pour offrir des services de qualité, mais en capitalisant sur toute l'expertise des autres professionnels, vraiment, au sein de l'équipe.

• (19 h 20) •

M. Fortin :Et ça, ça marche si les professionnelles et professionnels sont là. Tu sais, tantôt, vous avez...

Mme Breton (Mylaine) : Sont là, et formés aussi. Je pense qu'il faut aussi insister qu'une infirmière qui a fait sa carrière pendant 20 ans à l'hôpital puis elle arrive, demain matin, dans un groupe, dans un GMF, elle n'est peut-être pas prête à prendre en charge des patients parce que la formation, il faut juste mettre... il y a une formation à s'approprier en première ligne. Alors, il y a aussi ce niveau-là. Des fois, on a l'impression qu'on veut prendre d'autres professionnels. Il faut qu'ils soient formés aussi. Les médecins de famille sont formés en première ligne, les autres professionnels... ce n'est pas tout à fait le cas pour tous les professionnels.

M. Fortin :Bien, d'où la responsabilité de l'État que vous mentionniez tantôt, là, c'est-à-dire on ne peut pas prendre tout ça puis mettre tout ça sur une catégorie de professionnels si l'État ne fait pas sa partie sur la dotation, sur la formation, puis tout le reste.

Mme Boulanger (Elise) : Exact.

Mme Breton (Mylaine) : Notamment la formation puis la dotation. Il n'est pas rare, dans des GMF, que les postes ne sont pas dotés. Bien, c'est sûr que, s'il y a deux postes vacants puis on était déjà en déficit, bien, ça joue sur la capacité de prise en charge. Puis même si on dit : Bien, j'aurais... normalement, ces cas-là, ils auraient été directement vers un autre professionnel, bien, ce n'est pas tout à fait lieu.

Puis il y a aussi beaucoup de capacités. Par exemple, il y a des physiothérapeutes dans des cliniques, mais ils ne sont pas orientés directement vers le physio si... Quand ils appellent pour un cas musculosquelettique, c'est environ 30 %, ils voient le médecin puis, après, ils sont réorientés avec la physio. On peut travailler à les orienter directement vers le physio, ça fait qu'on gagne de la capacité en travaillant mieux ensemble puis en formant les secrétaires et l'équipe, qui fait quoi au sein de l'équipe, quelles situations cliniques.

M. Fortin : O.K. Vous avez... vous êtes le premier groupe à nous en parler, là, de ce qui se fait en Ontario. Donc, j'aimerais peut-être juste ça, approfondir un petit peu, là, parce que je sais que le gouvernement aime ça, se comparer beaucoup avec l'Ontario, alors...

M. Fortin :...prenons le temps de le faire. Là, ici, on a un modèle qui est... disons, un modèle qui mise en partie sur des pénalités liées à la performance et à la prise en charge collective ou à la responsabilité collective, puis là vous nous dites : Bien, l'Ontario vient de créer un plan d'action sur les soins primaires qui, eux, mise davantage sur la création de nouveaux groupes de médecine, bien dotés, avec tous les effectifs nécessaires. Ils se sont donné le temps d'y arriver, quoi, cinq ans, si j'ai bien compris...

Mme Breton (Mylaine) : Cinq ans.

M. Fortin :...votre prémisse. Alors, qu'est-ce qu'ils sont en train de faire qu'on devrait nous-mêmes faire?

Mme Boulanger (Elise) : Bien, c'est ça, l'Ontario, donc, a défini... Il y a environ un peu plus d'un an, ils ont nommé une personne à la tête du Primary Care Action Plan, qui est une médecin de famille, qui s'appelle Jane Philpott, qui a déjà été ministre de la Santé fédérale, et puis pour piloter finalement... elle, c'était une médecin aussi qui avait créé, donc, un centre de médecine de famille, là, là-bas, en Ontario, donc, pour venir piloter, donc, ce projet-là, avec comme objectif, un peu comme ici, dans le fond, là, de s'assurer d'avoir... d'affilier, finalement, chacun de leurs citoyens à... Ils ont vraiment mis... ils sont allés... D'emblée, selon les données probantes, ils sont allés dire : Médecin ou une IPS. Et puis, bien, ce qu'ils ont fait, finalement, c'est qu'ils sont... ils ont regardé quels étaient les besoins dans leur territoire, donc ils sont allés voir, codes postaux par codes postaux, quels sont les patients qui sont non inscrits, quelle est la capacité qui est manquante, quelle est l'infrastructure.

Puis ça, c'est l'autre enjeu au Québec, c'est : Quelle est notre notre infrastructure de première ligne qu'on utilise actuellement? C'est les GMF, c'est les CLSC, qui sont... qui sont même vulnérables de par leur... tu sais, je sais qu'on dit collectivement qu'on met beaucoup d'argent dans les GMF, mais on... ça coûte cher soutenir des infrastructures de première ligne, malheureusement, c'est un peu ce qu'on se rend compte, et que cette infrastructure est encore financée en partie même à travers la rémunération des médecins. Donc, dès qu'on vient jouer là-dessus, ça fait un petit peu château de cartes. Donc, c'est un peu fragilisé chez nous. Puis on l'a vu avec des groupes qui se consolident, des choses comme ça.

En Ontario, ils ont un système qui est un petit peu différent là-dessus aussi. Donc, ils sont vraiment en train d'investir massivement, même dans les infrastructures aussi, donc, qui vont... Quand ils vont bâtir 300 équipes, c'est qu'ils vont aussi financer les espaces, les équipes interprofessionnelles, puis là ils leur donnent des critères : Voici comment on veut que tu fonctionnes. Donc, nous, l'État, on te donne des choses, mais, en rétrospective aussi, tu vas prendre tant de population en charge, etc. Donc, c'est comme ça qu'ils font sur cinq ans.

Mme Breton (Mylaine) : Et l'exemple de l'Ontario est intéressant parce qu'ils disent : On a 2 000 000 de personnes orphelines, puis, notre vision est claire, on veut les... on veut inscrire tous les Ontariens d'ici cinq ans, puis, pour ce faire, on va ajouter dans... on va investir dans les équipes interprofessionnelles. Alors, ça serait l'équivalent de créer des nouveaux GMF. Puis, même ça, pour la planification du lieu des nouveaux GMF, ils vont aller voir est-ce qu'il y a des déserts médicaux, c'est où qu'ils ont plus de besoins pour mettre après des appels d'offres, pour mettre les ressources pour permettre à ces... qui est un peu besoins locaux, pour la création de ces modèles interprofessionnels. Puis ils misent, essentiellement, sur... Eux, ils ont plusieurs modèles, mais ils misent sur les Community Health Teams puis les familles Health Teams, qui est... deux modèles complémentaires.

Mme Boulanger (Elise) : Qui ont des structures aussi de gouvernance. Ils sont quand même un petit peu plus poussés dans leur structure de gouvernance par rapport aux GMF, tu sais, qui restent des groupes de médecins familles qui ont une entente, mais qui n'ont pas nécessairement une énorme gouvernance à l'intérieur de ces cliniques-là, pour faire cette espèce de contractualisation là avec le gouvernement. Donc, ils sont un petit peu plus avancés à ce niveau-là. Je pense qu'au Québec on l'est... on est quand même vraiment bon avec le programme GMF, tu sais, il y a quand même... vraiment, là, quand on regarde ailleurs au Canada. Donc, il y a de belles infrastructures puis un modèle à continuer à bâtir.

M. Fortin :Mais, si je regarde les deux approches, là, nonobstant les différences entre les deux... les deux provinces, là, les deux approches, c'est-à-dire celle que le gouvernement ontarien a choisie l'an dernier puis celle que le ministre choisit de mettre de l'avant aujourd'hui, vous pensez que le modèle ontarien, même avec les caractéristiques un peu différentes, est plus porteur et a plus de chances de succès?

Mme Breton (Mylaine) : Bien, c'est des conditions différentes. Ici, on est dans un contexte actuellement d'optimisation de ressources où... Tu sais, on n'a pas entendu qu'il y aurait de l'investissement, de nouveaux argents. Tu sais, là, ici, on parle d'investissements avec de nouveaux argents en Ontario pour... Ça fait qu'ici, ce serait l'équivalent de dire : O.K., on investit pour créer de nouveaux GMF. Et on utilise aussi la contractualisation dans le programme GMF pour avoir des cibles puis... en échange. Ça fait que c'est-tu la stratégie qu'ils se sont dotés? Ici, on a pris une stratégie différente, qui est notamment le projet de loi ici, en misant sur la rémunération.

M. Fortin :O.K. Dernière chose, je crois, de ma part, oui. Vous avez mentionné que ce qu'on est en train de faire là peut mettre en péril la transformation déjà amorcée dans quelques régions. Pouvez-vous juste nous dire ce que ça veut dire, ça? Je n'étais pas certain de comprendre votre propos là-dessus.

Mme Boulanger (Elise) : Dans le fond, c'est un peu... c'est la méthode... c'est l'approche coercitive, finalement, qui vient un peu... qui vient miner sur le terrain, vraiment, le moral des troupes quand on veut finalement essayer d'aller mobiliser ces cliniciens-là à embarquer dans un nouveau projet. Puis il y a certaines régions... Tu sais, moi, je suis à Montréal. La situation est vraiment différente, on en a parlé un petit peu tantôt, bon, on sert... tu sais, on... c'est surchargé, mais il y a des régions qui étaient un petit peu ailleurs, des fois qui étaient plus près, par exemple, de leur 100 % en inscription, qu'ils ont voulu s'organiser autrement. Ils ont fait même toutes sortes d'initiatives très innovantes, là, où ils sont allés chercher des partenaires intersectoriels avec des tables, les maires...

Mme Boulanger (Elise) : ...comment est-ce qu'on peut faire pour s'assurer, pour attirer les médecins, attirer... et vraiment créer ces choses-là? Et ça, bien, quand on arrive avec quelque chose comme ça, qui va venir un petit peu faire table rase, va mettre tout le monde sur un mur-à-mur, on vient... Puis on vient aussi tout rebrasser les cartes, le temps que ça va nous prendre à tout se réorganiser quand on pourrait finalement essayer de continuer à bâtir sur les acquis puis vraiment terminer le travail. C'est ce qu'on propose.

Mme Breton (Mylaine) : Pour s'assurer de la mobilisation des médecins et des autres professionnels, il faut vraiment amener tous dans une mobilisation active. Dans nos... justement, dans nos travaux du... pour le rapport d'expert, on a fait un forum, il y avait énormément de gens, des citoyens, des associations professionnelles. On avait tous dit : On a des problèmes importants, il faut travailler ensemble. Puis il y avait vraiment une volonté de collaborer tous. Alors, on a l'impression qu'il faut garder ce momentum vers le positif puis aller chercher la force volontaire.

M. Fortin : Un grand merci.

Le Président (M. Provençal) : Merci, Mme Breton. Alors, je vais passer maintenant la parole au député de Rosemont pour 4 min 8 s.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Bonsoir. Bonsoir. Merci d'être là. Je vais aller quand même rapidement, parce que quatre minutes, vous allez voir, ça passe pas mal vite. J'essaie de comprendre d'où on est parti. Je recule en mai 2022, ça fait trois ans. On avait adopté ici un projet de loi n° 11, que vous connaissez assurément, probablement même plus que moi, que vous avez peut-être plus fraîchement en mémoire que moi, là. Elle s'appelait la Loi visant à augmenter l'offre de services de première ligne et à améliorer la gestion de cette offre. Je me souviens d'avoir voté pour ça. Je me souviens d'avoir eu des discussions constructives, ouvertes avec la partie gouvernementale.

Moi, je trouvais que c'était une bonne idée, ça allait bien. Puis peut-être un peu naïvement, j'avais pensé que ça y est, on avait parti cette machine-là de l'interdisciplinarité et la... multidisciplinarité — il commence à être tard, j'ai beaucoup parlé aujourd'hui — puis je me rends compte que, finalement, non, sur le terrain, on s'est arrêté. Puis vous avez dit, Dre Boulanger, tantôt : Il faut continuer... À une question du ministre, vous avez dit : Il faut continuer d'inscrire, d'inscrire, d'inscrire. Pourquoi est-ce qu'on s'est arrêté en si bon chemin? Puis en quoi 106... Parce que 106, dans votre conclusion, vous dites clairement que ce n'est pas le bon outil. Je pense que c'est écrit assez clairement, votre première conclusion ici, là. J'essaie juste de voir comment ça se fait qu'on — à moins que je vous ai mal compris, là ça se peut que — comment ça se fait qu'on s'est arrêté en si bon chemin? Ça semblait être bien parti, cette affaire-là.

Mme Boulanger (Elise) : Donc, en fait, quand je parle de compléter le travail, tu sais, c'est de dire... de bien comprendre, O.K., jusqu'où... pour se rendre à notre 100 % d'inscription, qu'est-ce qu'il faut qu'on fasse, c'est quoi, la capacité puis comment est-ce que... Donc, il faut bien comprendre les besoins, bien comprendre la capacité manquante. Actuellement, tu sais, on la saisit, mais pas 100 %, puis on n'a pas de plan pour être capable de «bridger» ce gap-là, si vous me pardonnez l'expression anglaise.

Puis donc, je pense que, tu sais, pour répondre à votre question aussi, ça prend du temps à mettre ces affaires-là en place. C'est ça qui est compliqué, c'est que même changer les pratiques avec des gens qui travaillent tout le temps, tu sais, je veux dire, il faut qu'on voie des patients, là. Ça fait que, dans les cliniques, on n'est pas tout le temps à essayer de s'améliorer, à travailler ensemble. On voit des patients. Changer les pratiques, c'est compliqué, c'est long, O.K., et ça prend du temps. Puis, actuellement, bien, l'autre enjeu, c'est qu'en GMF on n'en a pas tant que ça des professionnels. C'est ça, la réalité aussi. Nous, pour 16 médecins, on a deux infirmières cliniciennes, une travailleuse sociale. Ce n'est pas beaucoup, O.K. Puis souvent, pendant six mois, il en manque un, parce que, bon, il y a des processus de dotation, hein, les CISSS et les CIUSSS sont complexes, etc. Donc, on vit avec ça tout le temps. C'est nous qui le filet de sécurité à la fin. Ça fait que ce n'est pas parce qu'on ne veut pas, hein, nous, on l'a fait, un projet de collaboration interprofessionnel à la clinique, puis ça a été... C'est difficile à maintenir aussi parce qu'on n'a pas de capacité pour s'aider dans cette amélioration-là.

M. Marissal : Allez-y, Mme Breton, je vois que vous voulez parler.

• (19 h 30) •

Mme Breton (Mylaine) : Peut-être, il faut souligner que le modèle GMF, on est parmi les plus avancés au Canada. C'est notre modèle de base qui est interdisciplinaire. On a le travailleur social qui est dans l'équipe de base, le pharmacien. Puis l'Ontario ont plusieurs modèles, mais on est vraiment le modèle prédominant. Il y a beaucoup de provinces que l'interprofessionnel, l'infirmière, elle commence à arriver. Nous, ça fait 20 ans. C'est une base solide, puis je pense qu'il faut continuer dans cette... justement, rehausser les postes, de s'assurer qu'ils soient là, de s'assurer que les équipes aient de l'accompagnement, soutien à la pratique réflexive, qu'il y ait des données. On est tous d'accord, les cliniciens veulent des données.

Moi, à titre... comme chercheur sur une base volontaire, il y a 130 cliniques médicales au Québec. C'est plus de 1 000 médecins qui se sont inscrits à participer à mes projets pour avoir de l'accompagnement, pour s'améliorer, parce que je leur redonne. Je suis certaine qu'il y a un engouement pour la recherche, mais je ne pense pas que c'est la recherche qui fait que leur participation... c'est parce que j'assure la confidentialité, je leur redonne leurs résultats, et c'est ce qu'ils veulent, ils veulent de l'accompagnement. Et je pense qu'il faut capitaliser là-dessus. Il y a un engouement, sur une base volontaire, à participer. Ils veulent des données, ils veulent être accompagnés. Là, je pense que, si on a à investir, moi, je travaillerais davantage, comment on peut soutenir ces milieux, les GMF, notre programme GMF, à s'améliorer, à travailler les trajectoires de soins, à améliorer la pertinence, à travailler aussi avec...


 
 

19 h 30 (version non révisée)

Mme Breton (Mylaine) : ...le patient, d'éduquer les patients : quand aller, où aller. Bien, je pense qu'il y a beaucoup d'éléments qu'on peut travailler en parallèle de la rémunération des médecins pour améliorer les soins primaires au Québec.

Le Président (M. Provençal) :Merci. Alors, je tiens à vous remercier, mesdames, pour votre participation et votre contribution à nos travaux.

Alors, sur ce, je vais suspendre les travaux pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup et bonne fin de soirée.

(Suspension de la séance à 19 h 32)

(Reprise à 19 h 36)

Le Président (M. Provençal) :Nous poursuivons nos travaux. Nous recevons maintenant les Médecins québécois pour le régime public. Donc, nous aurons la Dre Isabelle Leblanc, présidente, le Dr Xavier Gauvreau, vice-président, Dre Juliette Lemieux-Fortin, membre du conseil d'administration, et Mme Kelly-Anne Kurtz, membre du conseil d'administration. Alors, je vous cède la parole 10 minutes, et on fait les échanges.

Mme Leblanc (Isabelle) : Bonjour. Merci pour l'invitation. On est ici, comme vous avez dit, au nom de Médecins québécois pour le régime public, qui est un groupe de médecins, médecins résidents, étudiants en médecine et sympathisants qui sont pour la défense d'un système de santé public accessible, équitable et de qualité.

Moi je m'appelle Isabelle Leblanc, je suis médecin de famille. Je suis enseignante au GMFU Saint-Mary's, où j'ai eu la chance, il y a plusieurs années, de former Dre Elise Boulanger, qui est ici, derrière moi, et qui est donc un des plus gros centres d'enseignement en médecine de famille au Québec. Et je suis ça avec mes collègues, qui vont se présenter.

M. Gauvreau (Xavier) : Donc, moi c'est Xavier Gauvreau. Je suis médecin résident en psychiatrie à l'Université Laval.

Mme Kurtz (Kelly-Anne) : Bonsoir, je m'appelle Kelly-Anne Kurtz, je suis étudiante en médecine à l'Université Laval.

Mme Lemieux-Forget (Juliette) : Bonjour, je m'appelle Juliette Lemieux-Forget, je suis médecin de famille à la clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles et à l'Institut universitaire en santé mentale Douglas.

Mme Leblanc (Isabelle) : Ça fait que ça fait 20 ans que les gouvernements successifs essaient d'améliorer la première ligne avec des primes puis des punitions. Ça fait 20 ans que ça ne marche pas puis qu'on découvre que chaque prime cause un nouveau problème. Le diagnostic posé par le projet de loi n° 106, il est juste : l'accès aux soins de première ligne pose problème, mais il n'y a vraiment rien dans ce projet-là qui va changer ce qui se fait depuis 20 ans. Cette réforme a été conçue dans l'urgence, en contexte de négociation, sans vraie écoute des experts et elle repose surtout sur des indicateurs quantitatifs qui ne tiennent pas la route dans la pratique clinique en première ligne.

Il y a une crise dans le système de santé publique à cause des choix politiques de faire des coupures de personnel, de matériel, de ressources techniques. Il y a la crise parce qu'on a choisi de pas avoir une approche globale à la première ligne ou on a choisi de pas mettre fin non plus à la privatisation qui draine des ressources.

Il faut répondre à la crise, mais notre crainte, nous, c'est que le projet de loi n° 106 ne le fera pas puis va peut-être même aggraver la situation. Notre message est clair : On n'est pas contre une réforme de la première ligne, ni contre un changement du mode de rémunération des médecins. En fait, c'est essentiel, mais pas de cette façon-là. Il faut que la réforme soit pensée, structurée, qu'elle soit équitable, qu'elle soit basée sur des données solides puis surtout qu'on la construise avec les gens sur le terrain. Ça mise sur des... le projet de loi n° 106 mise sur des outils comme la capitation, les bonis collectifs, les primes ou les cibles de prise en charge, mais on connaît déjà les effets pervers de ces approches, on vient de l'entendre des gens juste avant nous. Ça encourage le gaming, ça peut démotiver les soignants puis ça peut pousser à prioriser des cas lucratifs au détriment des patients plus vulnérables. On l'a vu à chaque réforme depuis 20 ans. Vous souvenez-vous des inscriptions, sous le Dr Bolduc, avec la loi n° 20, sous Barrette, ou même avec le GAP, où des patients... des médecins ont choisi de voir plus de patients de GAP parce que c'était plus lucratif, au détriment de leurs patients inscrits.

On devrait tirer des leçons de ces histoires-là puis ne pas refaire les mêmes erreurs à nouveau.

Il faut repenser la première ligne dans son ensemble, en consultant des spécialistes et en concertation avec tous les autres professionnels de la santé et des groupes communautaires qui oeuvrent en première ligne. Il faut arrêter de travailler en silos et plutôt bâtir un réseau intégré cohérent qui répond aux besoins des patients. Il faut arrêter de croire que ce sont les médecins qui sont au centre de la première ligne. Nos patients, ils ont besoin de soins psychologiques, de réadaptation, de soins infirmiers qui soient accessibles, qui soient couverts par le système de santé publique. Il faudrait peut-être qu'on arrête de penser une réforme de la première ligne juste dans le cadre des négociations entre une fédération de médecins puis le ministère de la Santé.

• (19 h 40) •

M. Gauvreau (Xavier) : Le projet de loi n° 106 propose une architecture technocratique qui fait abstraction de la complexité des tâches cliniques, des contextes locaux et des besoins diversifiés des populations, qui diffèrent à travers les régions du Québec. Sans s'être concerté avec les médecins qui travaillent en première ligne, sans avoir consulté les autres professionnels de la santé, sans avoir tenu compte de l'avis des milieux universitaires, le gouvernement impose unilatéralement une solution qu'on qualifierait, dans le milieu de la santé mentale, de pensée magique.

En effet, il tente d'attribuer aux médecins seuls la responsabilité de résoudre les enjeux d'accès, mais ne nous offre aucun moyen ou ressource adéquate pour y parvenir. Il ne propose aucune mesure structurante pour corriger les obstacles fondamentaux qui nuisent à l'accès : la privatisation croissante du réseau, la détérioration des conditions de travail et la pénurie de ressources humaines, la mauvaise coordination et la centralisation des décisions.

MQAP réitère l'importance primordiale de s'éloigner d'un modèle de première ligne centré sur les médecins, une amélioration réelle et durable, et j'évoque ici une qui se fait sentir sur le terrain, non pas seulement sur les jolis tableaux de bord du MSSS... reproches... pardon, repose sur une approche interprofessionnelle et une utilisation...

M. Gauvreau (Xavier) : ...optimale des ressources disponibles, incluant une intégration avec les ressources communautaires locales. Nous devons impérativement revoir l'organisation du travail et permettre aux autres professionnels, infirmières, travailleuses sociales, pharmaciens, psychologues, et j'en passe, d'être pleinement intégrés à l'offre publique. Par exemple, en couvrant les soins de physiothérapie, il serait possible de diminuer de presque 25 % le nombre de visites aux médecins de famille.

Les médecins sont déjà embourbés au quotidien dans les dédales bureaucratiques du système : dossiers papier qui tiennent avec de la broche, programmes informatiques désuets, demandes de service qui se perdent entre deux fax, formulaires multiples et futiles demandés par les assureurs, etc. Au lieu d'alléger ces conditions de pratique, au lieu de dégager du temps réellement passé avec les patients, le projet de loi ajoute une couche de contraintes, ce qui risque inévitablement d'entraîner des effets pervers pour les patients.

Le modèle proposé combine l'obsessionnalité néolibérale de faire plus avec moins, avec l'inflexibilité des cibles quasi soviétiques. Le citron est malheureusement pressé jusqu'à la pulpe, et, en introduisant un paiement par capitation couplé à des cibles uniformes, le p.l. 106 favorise une médecine de sélection. Le médecin est incité à choisir des patients plus simples au détriment de ceux avec des besoins plus complexes, souvent des personnes marginalisées, isolées ou vivant en situation de précarité pouvant difficilement être réduites à un code de couleurs bleu, blanc, rouge. Nous anticipons que cette réforme pénalisera les milieux travaillant avec ces populations vulnérables en négligeant les réalités cliniques et contextuelles de ces milieux.

Mme Kurtz (Kelly-Anne) : Le projet de loi n° 106 risque d'affecter de manière disproportionnée les femmes médecins. Elles assument plus fréquemment des tâches essentielles comme la coordination interdisciplinaire, le soutien aux collègues et l'encadrement des équipes. Ce sont des responsabilités fondamentales pour assurer la qualité des soins et le bon fonctionnement des milieux cliniques. D'ailleurs, les femmes médecins sont plus susceptibles de devoir adapter leurs pratiques en raison de congés de maternité, de responsabilités familiales ou encore de rôles de proche aidance qu'elles assument. Ces réalités exposent des femmes à des biais genrés que le projet de loi risque d'accentuer. Une réforme équitable ne peut pas ignorer ces inégalités ni minimiser ce type d'engagement professionnel.

Nous appelons à une réforme centrée sur la qualité des soins, la continuité et la pertinence clinique. Pour cela, il faut des indicateurs validés scientifiquement, adaptés à la complexité du terrain et construits avec les équipes de première ligne elle-mêmes. Ces indicateurs doivent refléter la réalité des pratiques cliniques plutôt que de la simplifier à des objectifs chiffrés, déconnectés du quotidien des soignants et des soignantes. Tel que mentionné par mon collègue Docteur Gauvreau, ces indicateurs doivent aussi reconnaître les particularités des milieux qui desservent les populations vulnérables, où la qualité ne peut se mesurer uniquement en nombre de patients vus ou en rapidité d'accès.

Il est aussi essentiel de reconnaître et de valoriser le travail clinique invisible tel que l'enseignement, la supervision, la formation continue et les tâches académiques. Ces activités sont indispensables à la qualité des soins, à la relève médicale et à la durabilité du système, mais elles sont absentes du projet de loi n° 106.

Enfin, la formation des futures générations de médecins repose sur un engagement significatif des cliniciens et des cliniciennes. Cela exige du temps, de la préparation et une présence active auprès des apprenants et des apprenantes. En misant sur des indicateurs productivistes, le projet de loi n° 106 risque de nuire à l'attractivité de ces tâches, de fragilité... fragiliser, pardon, la qualité de l'enseignement reçu, de décourager les milieux de soins à mission universitaire et surtout de compromettre l'avenir même de la relève médicale.

Mme Lemieux-Forget (Juliette) : Dans son projet de loi, le gouvernement veut parler d'imputabilité. Parlons-en. Le projet de loi n° 106 ignore l'éléphant dans la pièce. Actuellement, plus de 500 médecins de famille exercent exclusivement dans le secteur privé. Ça, ça représente une perte d'accès significative pour des centaines de milliers de patients. On le sait, le statut socioéconomique des patients est lié à leur état de santé. Les patients avec le plus de ressources, qui sont donc souvent les fameux verts de votre système de couleurs, vont se faire repêcher par le privé en laissant au système... en laissant un système amoindri de ces ressources s'occuper d'une population encore plus vulnérable.

Si on veut réellement assurer une prise en charge universelle, comme le dit le gouvernement, on doit ramener l'ensemble des médecins dans le système public, peu importe le nombre d'années de pratique. Le gouvernement aurait déjà les outils pour le faire en faisant recours à l'article 30.1 de la Loi sur l'assurance maladie. On croit aussi que le statut de non-participant à la RAMQ devrait être complètement aboli. Sinon, un premier pas dans la bonne direction serait déjà d'interdire la mixité de pratique en télémédecine.

C'est essentiel de rapatrier tous ces médecins dans le système public et leur permettre de pratiquer dans un système qui est fonctionnel. Le gouvernement ne peut pas prétendre instaurer une responsabilité collective tout en tolérant une situation où une...

Mme Lemieux-Forget (Juliette) : ...de plus en plus grande du corps médical quitte vers le privé, vu l'état du système actuel. Le gouvernement de la CAQ se dit défenseur du système public, mais refuse d'encadrer la pratique hors RAMQ, et encourage même la pratique des chirurgiens en établissement privé. Bref, ce projet de loi passe à côté d'une occasion historique de réformer la première ligne de manière cohérente, juste et structurante. Il propose une approche top-down, médicocentriste et basée sur des outils de gestion, plutôt que sur les besoins réels des populations et sur le savoir des gens sur le terrain.

En conclusion, MQRP ne se positionne pas contre une réforme, au contraire, mais on souhaite une réforme qui serait un levier de transformation positive pour le système de santé, contrairement au projet actuel. Voici donc certaines de nos recommandations : suspendre l'étude du projet sous sa forme actuelle, pour en revoir les fondements; mettre en place l'ensemble des suggestions du rapport d'experts sur la première ligne, qui a déjà été produit; oui, réformer la rémunération des médecins, mais à partir d'un comité multidisciplinaire d'experts indépendants; intégrer davantage des professionnels à l'offre des soins publics, et que ceux-ci soient couverts par la RAMQ; adopter des indicateurs qualitatifs scientifiquement validés; mettre un frein à la privatisation; assurer un financement adéquat aux organismes communautaires en première ligne; et surtout, protéger l'universalité, la solidarité et la qualité du système public. Merci de nous avoir écoutés...

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup pour votre présentation. Alors, M. le ministre, à vous la parole.

M. Dubé : Oui, très bien. Alors, M. le Président... Et merci beaucoup, encore une fois, de vous prêter à cet exercice-là, parce qu'on voit quand même... je l'ai dit à d'autres groupes, là... Merci, Dre Leblanc, je ne savais pas que vous aviez formé la Dre Boulanger, alors c'est tout à votre honneur, parce que c'est quand même... on a vu son expertise tout à l'heure, et... J'aimerais ça vous dire, Dre Leblanc, que je vais vous écouter avec beaucoup d'attention, parce que ce n'est pas la première fois que vous venez, puis vous avez toujours été très directe, alors je pense que... C'est ça qu'on demande aux gens qui viennent en consultations. On ne veut pas entendre ce qu'on veut entendre, on veut entendre ce qu'est la réalité du terrain.

Puis je m'amène à deux questions, pour commencer, puis je veux écouter vos réponses, parce que je veux vraiment... Où je suis un peu mêlé, c'est que, d'un côté, j'entendais, tout à l'heure, la position d'autres... pas juste la Dre Boulanger, nous dire : On doit centrer ça sur le médecin. Puis je le dis... peut-être que je le dis mal, là, mais qu'on veut revenir avec... c'est la responsabilité du médecin d'être le coordonnateur. Alors que vous, vous dites : Au contraire, il faut enlever de la pression sur le médecin. Et je veux juste bien comprendre ce que vous dites, parce que c'est... c'est deux positions complètement différentes. Puis je dis toujours : Quand il y a plusieurs personnes en charge, il n'y a pas de personnes en charge. Ça fait que je veux vous entendre un petit peu là-dessus, parce que ça semble être assez différent de bien d'autres positions, puis j'aimerais ça vous entendre sur ça.

Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, nous, on pense que c'est très important, en première ligne, que le patient ait un médecin, une IPS, donc une infirmière praticienne spécialisée, qui soit une personne attitrée pour ses soins, même si ce n'est pas toujours cette personne-là qui doit donner les soins. Ça prend une personne responsable.

M. Dubé : Donc, vous dites : C'est, au moins... c'est, au moins, ces deux-là.

Mme Leblanc (Isabelle) : Oui. Donc, il va y avoir une personne qui est en charge, mais on ne pense pas que la première ligne doit toute être pensée autour du docteur seulement, parce que, comme on disait...

• (19 h 50) •

M. Dubé : O.K. Bien, c'est ça, la précision que je vous demande de faire.

Mme Leblanc (Isabelle) : C'est ça, c'est ça.

M. Dubé : Parce que, tout à l'heure, soit que j'aie mal compris... Mais vous dites quand même, un peu, la position de Dre Boulanger tout à l'heure. On dit que c'est un ou l'autre, mais entouré d'autres professionnels.

Mme Leblanc (Isabelle) : Puis qu'en fait...

M. Dubé : Mais le quart-arrière... excusez-moi, là, je prends un langage de football, je ne devrais pas...

Mme Leblanc (Isabelle) : C'est correct, ça va.

M. Dubé : ...mais la personne clé, la personne pivot de ça, c'est soit un médecin de famille ou une IPS, selon...

Mme Leblanc (Isabelle) : Je ne connais pas assez le football pour trouver c'est quoi, la bonne position, mais c'est vraiment très important, puis je pense que toutes les études montrent qu'avoir une personne, que ce soit une infirmière ou un médecin d'attache ça aide à la santé des gens, ça aide à la...

M. Dubé : Une personne pivot.

Mme Leblanc (Isabelle) : Une personne pivot, c'est ça.

M. Dubé : Puis, même... Oui?

Mme Leblanc (Isabelle) : Mais, des fois, le quart-arrière, il doit passer la balle à... bien, ce n'est pas lui qui... en tout cas, je ne sais pas qui lance la balle, mais il faut faire bien des passes à d'autres mondes, puis, des fois, ça n'a pas besoin d'être la première personne, puis ça, c'est un des gros enjeux avec le GMF, dont on a déjà parlé. Pour voir la travailleuse sociale au GMF, pour voir la physiothérapeute ou le pharmacien, il faut passer par le médecin, par exemple. Ça, c'est ridicule.

M. Dubé : Bon, alors c'est... c'est ça que vous dites, puis c'est ça qui est important pour... Parce que, quand on a une... Puis je veux vraiment faire la différence, là, puis je pense qu'à cette heure-là il y a encore des Québécois qui nous écoutent, là, il y en a peut-être moins...

Mme Leblanc (Isabelle) : Il y en a deux, trois, au moins, qu'on connaît. Il y en a deux, trois qui sont là pour nous écouter, c'est sûr.

M. Dubé : ...mais il y en a au moins deux, trois, puis il y en a... il y en a une quinzaine alentour la table. Moi, je mets la rémunération de côté. Puis quand on a demandé d'avoir une vision de...

M. Dubé : ...première ligne. C'est de ça dont vous me parlez puis c'est ça qu'on discutait tout à l'heure, parce que la rénumération des médecins, c'est une chose. Puis c'est sûr qu'une fois qu'on a la bonne vision de la première ligne, la rénumération peut s'y accrocher puis respecter ce qu'on veut, mais on est d'accord avec ça.

Je reviens. Tout à l'heure, il ressortait clairement, clairement, de la part de commentaires précédents de Mme Boulanger puis Mme Breton... c'est que c'est vraiment le personnel qui manque, c'est vraiment l'encadrement. Puis j'ai entendu un commentaire de Dre Boulanger tantôt qui disait : Oui, mais moi, si ma deuxième infirmière ne rentre pas, je viens de passer de 16 médecins à une personne de support. Êtes-vous d'accord avec ça, que si on avait notre baguette magique, là, puis qu'il n'y aurait pas d'enjeu financier, puis, etc., que c'est là qu'on devrait mettre nos ressources, là, dans le personnel? Puis là je dis plus qu'administratif, là, je pense aux autres, travailleur social, etc. Je veux juste l'entendre parce qu'on est en train de parler un peu de votre vision ou de la vision qu'on veut mettre, nous, on voulait sortir cet automne.

Mme Leblanc (Isabelle) : Oui, bien, c'est ça. Puis je pense que, d'abord, pour répondre à votre premier commentaire, moi, je pense que la rémunération, il faut la mettre de côté, maintenant, puis il faut penser à la première ligne, puis après... Parce que, sinon, avec votre projet de loi puis la façon dont la rémunération est pensée dans le projet de loi, ça ne va pas amener la première ligne où on veut qu'elle aille. Ça fait qu'on met la charrue devant les boeufs.

M. Dubé : Ça, on pourra débattre ça, mais...

Mme Leblanc (Isabelle) : Oui, mais vous venez de le dire, ça fait que c'est pour ça que je dis ça. Après...

M. Dubé : Oui, bien, je ne l'ai pas dit tout à fait comme ça, mais c'est correct.

Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, c'est pour ça, mais moi, je le recadre comme ça.

M. Dubé : C'est correct.

Mme Leblanc (Isabelle) : Assurément, si on avait une baguette magique, plus de secrétaires, plus de réceptionnistes, mais aussi beaucoup, beaucoup plus de travailleurs, travailleuses de la santé non médecins pour avoir des bons ratios. On est tout croches dans nos ratios, dans les GMF. Je suis dans un des plus gros GMF au Québec. On a 30 000 patients, on a un psychologue, on a deux ou trois travailleuses sociales. Donc, si on change les ratios, si on arrive à avoir des gens dans le système de santé public pour qu'ils donnent des soins à nos patients, ça va vraiment décharger les médecins.

M. Dubé :  Mais l'argent qui est mis, puis là je ne veux pas faire de débat, là, je ne suis pas en train de parler de négos, je veux dire ça à mes deux collègues, là.

Mme Leblanc (Isabelle) : Ah non?

M. Dubé : Non, non, je veux juste... L'argent qui est demandé à un médecin, en ce moment, j'ai soulevé la question rapidement avec le Dr Amyot, ce matin, le 30 % qui est payé en supplément, quand vous avez des gros GMF comme la vôtre dont vous parlez, là, vous avez plus de 30 000, patients... est-ce que cet argent-là est suffisant pour couvrir les frais dont on parle ici?

Mme Leblanc (Isabelle) : Moi, je ne peux pas vous répondre parce que, moi, je suis dans un GMF en établissement. Donc, je suis dans un GMFU. Donc, les centres d'enseignement, qui sont très, très importants, ça permet de former des docteurs comme Dre Boulanger, mais c'est un GMFU. Mes collègues de la FMOQ puis des médecins sur le terrain disent que si leur rémunération baisse, ils vont peut-être avoir de la difficulté à payer tous les autres professionnels, mais je n'ai pas les chiffres, je ne sais pas. C'est ce qu'on entend.

M. Dubé : Quand vous dites : La rénumération baisse, c'est parce que... bien, en tout cas, ce n'est peut-être à vous que je devrais poser la question.

Mme Leblanc (Isabelle) : Non, c'est ça. Oui.

M. Dubé : Parce que moi, ce que j'ai entendu, c'est que, malheureusement, le 30 %, il n'est pas toujours payé à la GMF. Mais je me disais, s'il était payé, est-ce que ça réglerait, mais...

Mme Leblanc (Isabelle) : Pour payer des professionnels, ça me surprendrait. Il faudrait quand même que les professionnels soient payés par le système public, je crois.

M. Dubé : Puis, quand vous dites «les professionnels», vous parlez de l'ensemble?

Mme Leblanc (Isabelle) : Des psychologues, de tous les travailleurs de la santé non-médecins, non infirmières.

M. Dubé : Il y en a qui sont déjà fournis par les CISSS...

Mme Leblanc (Isabelle) : C'est ça, mais comme je vous dis, un psychologue pour 30 000 patients, pour nous en tout cas, dans mon GMF.

M. Dubé : Dans votre cas, ce n'est pas suffisant. Je comprends.

Mme Leblanc (Isabelle) : Oui, bien, je pense que, dans aucun cas, c'est vraiment suffisant.

M. Dubé : Puis la différence entre ce qu'on vient de discuter, donc... un médecin ou une IPS pivot mais qui peut déléguer à d'autres, est-ce que vous considérez ça comme de la prise en charge collective si ce n'est pas toujours le médecin que le patient va aller voir? Je veux juste être sûr qu'on a la bonne... Parce que moi, c'est un petit peu comme ça qu'on... Parce que les gens, en tout cas, moi, le premier, là, des fois, on a beaucoup de terminologies, mais de façon... simplement, ce qu'on a fait avec le GAP... Puis la question du député de Rosemont avant était très bonne : Pourquoi Le GAP a bien marché malgré ses défauts? On savait qu'il y avait des choses à améliorer, mais le GAP a bien fonctionné parce que ce n'était pas nécessairement le médecin qui disait : Je deviens imputable, responsable tout le temps. Ça peut être quelqu'un de la même GMF qui va rencontrer la personne. Moi, j'appelle ça de la prise en charge collective, par opposition à individuelle. Est-ce que vous voyez cette première ligne là, à terme, comme ça?

Mme Leblanc (Isabelle) : C'est ce qu'on vient de vous dire. Nous, on pense que la première ligne, ça devrait être beaucoup plus d'autres professionnels pour le même nombre de médecins.

M. Dubé : Alors, quelle différence que vous faites entre ceux qui sont... qui ont gagné à la loterie puis qui ont un médecin de famille, en ce moment, il y en a 6 000 000, et ceux qu'on veut prendre par affiliation au cours des prochains mois parce qu'on veut aller chercher...

M. Dubé : ...on verra, là, si l'échéancier est réaliste, là, c'était ça, le débat tout à l'heure, mais vous voyez ça comment? Comment on fait cette transition-là? Parce qu'on ne veut pas l'enlever à ceux qui l'ont, mais il y en a peut-être qu'on va dire : Bien, vous, on vous a identifié à un médecin, mais vous êtes en collectif plutôt qu'en individuel. Je veux juste vous entendre. Comment vous voyez cette transition-là?

Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, comme organisation, ce qu'on pense, c'est que les gens doivent avoir accès au bon professionnel au bon moment. Vous dites ça, vous-même, des fois, dans vos conférences de presse.

M. Dubé : Souvent, souvent.

Mme Leblanc (Isabelle) : Donc, l'idée, c'est que tout le monde soit sur le même pied d'égalité, tout le monde ait accès à un médecin ou une IPS. Puis, s'ils ont besoin de voir un médecin, ils vont voir un médecin puis, s'ils ont besoin de voir un physiothérapeute, ils vont voir un physiothérapeute.

M. Dubé : Ça fait que, même s'il y a un médecin d'identifié depuis toujours, on pourrait dire : On ne fait pas de différence. Parce que, si c'est le bon choix à faire, cette personne-là pourrait voir une travailleuse sociale si c'est la bonne chose.

Mme Leblanc (Isabelle) : Je vais peut-être sortir une seconde... la position de mon organisation, parce qu'on n'en a jamais parlé, mais je me pose même la question : Pourquoi est-ce que les gens doivent être inscrits s'il y a assez de services, s'il y a assez de professionnels de la santé, s'il y a assez de médecins, s'il y a assez de tout le monde pour prendre soin de la population? Les gens vont juste aller à la clinique de quartier puis avoir accès au bon professionnel au bon moment. Puis ça fait vraiment deux catégories de patients, avoir une inscription. C'est ça, un enjeu.

M. Dubé : Et qu'est-ce qui... Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Provençal) :Six minutes.

M. Dubé : Six minutes. Mon Dieu! On est lousse, comme on dit chez nous. Non, mais c'est vraiment intéressant, puis, même si la journée a été longue, je pense, c'est... Je reviens sur, je vais le dire, les défauts du GAP. Moi, c'est parce que... Malheureusement, j'ai demandé à mes collègues députés de me dire comment les Québécois étaient contents ou pas de leur réseau, puis je n'ai pas vraiment aimé la réponse, là, puis il y en a qui m'ont dit que ce qu'ils reprochent le plus, c'est... quand, finalement, ils ont réussi à avoir un médecin, parce que le GAP a permis d'en avoir presque 1 million point un... ou point deux, là, qu'on a eu par le GAP depuis presque deux ans, mais ils me disent : Moi, je me faisais dire : Bien, un bobo. C'était quoi, le principal problème de ça, pour ne pas qu'on retombe dans la même chose? Parce que, vous me dites, il y a des éléments de prise en charge collective qu'on veut amener, je vais le dire comme ça, mais comment on fait pour ne pas retomber dans «un patient, un bobo», là, ou «un rendez-vous, un bobo»? Je vais le dire comme ça, là.

Mme Leblanc (Isabelle) : Je pense que, si les gens, les soignants, que ce soient des médecins, des infirmières... au moins, sentent moins la pression du temps. Parce que tout ce qu'on entend, c'est qu'on va passer le patient, certains d'entre nous sommes paresseux, on ne fournit pas. C'est sûr que, quand les gens ont l'impression qu'un temps est très limité, qu'ils doivent voir le plus de monde possible...

M. Dubé : Mais vous ne pensez pas que c'est la... je ne sais pas. Là, ça a l'air d'une question plantée, alors vous avez le droit de me dire : Je vais répondre différemment, mais vous ne pensez pas que c'est entre autres la rémunération à l'acte qui fait... Parce que moi, j'entends, là, qu'on ne veut pas faire juste du volume, puis, au contraire, on ne veut pas, moi, je pense que la capitation peut faire partie de la solution, mais pourquoi, pourquoi vous sentez que, dans le projet de loi n° 106, on veut faire du volume puis on veut faire plus d'actes? Il me semble que c'est le contraire. Puis il va falloir qu'on l'explique mieux, mais...

Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, nous, on pense qu'en mettant de la pression sur les médecins à avoir plus de patients sans rien changer du système, ça nous demande de faire du volume. C'est plus comme ça qu'on le voit. Puis, je veux dire, à la base, là...

• (20 heures) •

M. Dubé : Ah! O.K., O.K. Ça, c'est mathématique. Si on ne change pas la façon de faire, bien, c'est sûr que, si on a 1000000 et demi de personnes, sans changer la façon de faire, ça ne marchera pas, ça va mettre...

Mme Leblanc (Isabelle) : D'une part. Puis, tu sais, l'autre part, là, c'est que, la rémunération à l'acte, comme organisation, on a déjà écrit des mémoires là-dessus, on pense qu'elle doit être repensée. Puis probablement qu'en première ligne ce n'est pas le meilleur type de rémunération. Mais la rémunération à l'acte... S'il y a une chose dans la vie qui incite des gens à faire du volume, c'est la rémunération à l'acte.

M. Dubé : Non, mais on est d'accord. Donc...

Mme Leblanc (Isabelle) : Donc, on n'a pas besoin de primes, on n'a pas besoin de diminuer tout. Les gens, s'ils avaient la possibilité de voir plus de patients, ils le feraient, ils gagneraient plus d'argent, ils ne le feront pas.

M. Dubé : Alors, si ce n'est pas ça qu'on veut — nous, ce n'est pas ça qu'on veut puis, vous, ce n'est pas ça que vous voulez — puis qu'on dit qu'on veut changer la façon de travailler pour être capable de façon intérimaire... Je le dis, là, dans un monde idéal, j'aimerais ça qu'on ait une baguette magique, que ce soit réglé, mais, en attendant, on fait quoi?

Moi, ma question que je vous pose, c'est tous les... Oui, on pourrait mettre encore plus d'argent, mais on en a déjà mis beaucoup. Je l'ai expliqué, là, que, dans les GMF, on a triplé l'argent depuis quelques années. Ce n'est peut-être pas assez, mais, en support, c'est ça qu'on a fait. Parlez-moi, par exemple, des filtres de pertinence. Je ne sais pas si c'est dans votre GMF vous l'utilisez.

Mme Leblanc (Isabelle) : Pas encore.

M. Dubé : Pas encore. Mais, quand je dis qu'on doit travailler différemment, c'est d'être capable de dire : Est-ce qu'il peut y avoir des filtres ou des processus qui permettent de mieux rentrer au début pour enlever de la pression sur les médecins? Moi, je vous le dis, on l'a vu dans 75 de nos GMF, ça a déjà fait une grosse...


 
 

20 h (version non révisée)

M. Dubé : ...l'intelligence artificielle qui permet à un médecin de prendre en note sa consultation puis de ne pas de la réécrire pendant 20 minutes après la visite du patient. Vous ne pensez pas que ces nouvelles façons de faire là peuvent aider à libérer pour être capable de faire plus de rendez-vous, mais sans augmenter la charge de travail?

Mme Leblanc (Isabelle) : Les outils technologiques peuvent aider, mais, moi, dans un GMF en établissement, un jour sur deux, l'Internet ne marche pas.

M. Dubé : ...

Mme Leblanc (Isabelle) : Non, mais, je veux dire, il faut se dire les vraies choses. Les structures actuelles, c'est bien les files de pertinence, mais ça amène un peu... Vous posez des questions sur le GAP, un des enjeux avec le GAP, le triage, c'est une très bonne idée d'appeler quelqu'un pour voir... être dirigé au bon endroit. Mais quand on appelle quelqu'un au GAP, l'infirmière, à qui on parle, du 8-1-1, nous demande c'est quoi, votre problème. Puis on est triés pour un problème...

M. Dubé : Bien là, on revient à un bobo, un rendez-vous, un bobo.

Mme Leblanc (Isabelle) : ...puis après on arrive, voir le professionnel pour un problème. On revient. C'est le système de triage. Puis on ne le nommera pas, mais la personne vient demain ou après-demain présenter le logiciel que vous avez en tête pour des files de pertinence, c'est un peu la même chose, c'est un problème aussi. Ça fait que si ce n'est pas le genre de médecine qu'on veut, il va falloir repenser. Puis, moi, je fais beaucoup plus confiance à l'intelligence naturelle d'une infirmière qui parle à un patient pour faire un triage qu'un ordinateur en ce moment. On verra comment les choses vont, puis, de toute façon, quand Internet ne marche pas, l'ordi, ça ne va pas.

M. Dubé : C'est sûr que, si on n'est pas capable d'avoir Internet, on a un problème.

Mme Leblanc (Isabelle) : Mais ça arrive dans plein d'endroits, hein, dans le réseau.

M. Dubé : Ah! je le sais, je le sais, je le sais. Je regarde... Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Provençal) : 1 min 30 s.

M. Dubé : 1 min 30 s. Quand on a regardé... Puis j'ai trouvé ça difficile comme conclusion du professeur des HEC, parce qu'un des commentaires durs qu'il a faits, où tout le monde a été un peu surpris, c'est : Plus que la rémunération augmente, plus le service diminue. Qu'est-ce qui a pu causer ça, vous pensez? Est-ce que vous avez pu prendre connaissance du rapport des HEC?

Mme Leblanc (Isabelle) : Oui. Je pense que les services diminuent... La rémunération augmente parce qu'il y a eu des grosses augmentations de rémunération des médecins dans les derniers 15 ans. Puis je pense que les services diminuent parce que le système, il va de moins en moins bien, c'est de plus en plus difficile. Moi, j'ai presque 20 ans de pratique, puis je vois presque moins de patients par jour que j'en voyais avant, parce que le système est de plus en plus complexe, de plus en plus lourd, de plus en plus difficile d'une part. D'autre part, je pense qu'il y a des gros enjeux avec ces chiffres-là, peut-être que d'autres chercheurs vont vous en parler dans les prochains jours, où ils ne considéraient pas la rémunération à l'acte... la rémunération, pardon, à tarif horaire, la rémunération mixte, hein, qui est arrivée dans les derniers 10 ans, la rémunération mixte n'était pas là, la part de capitation, parce que là vous nous présentez comme si la capitation arrivait de nouveau, mais on est déjà à 15 % de capitation à peu près avec les primes de GMF, tout ça.

M. Dubé : Oui, quand on parle de forfait...

Mme Leblanc (Isabelle) : C'est ça...

M. Dubé : ...il y a un chevauchement entre les forfaits puis... O.K. On se comprend.

Mme Leblanc (Isabelle) : ...c'est ça, léger, mais c'est ça. Ça fait que je pense qu'il y a aussi des enjeux avec les chiffres de cette personne-là, mais, je veux dire, les gens donnent moins de soins dans le réseau, parce que le réseau est en moins bon état maintenant qu'il était il y a 20 ans?

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup.

M. Dubé : Très bien. Merci beaucoup.  

Le Président (M. Provençal) :M. le ministre, je comprends que vous souhaitez déposer le nouveau modèle d'organisation des soins de première ligne ainsi que le rapport de l'indicateur d'accès. Oui. Alors, j'ai pris connaissance des deux documents et j'en autorise le dépôt. Ils seront disponibles sur Greffier ainsi que sur le site de l'Assemblée prochainement. Merci beaucoup.

M. Dubé : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Provençal) :  Et maintenant je cède la parole au député de Pontiac.

M. Fortin :Merci, merci, M. le Président. Merci à vous quatre d'être là ce soir. Un jour sur deux, l'Internet ne marche pas?

Mme Leblanc (Isabelle) : À peu près, j'exagère peut-être un tout petit peu, mais ça arrive vraiment souvent. On a tous nos techniques pour contourner.

M. Fortin : J'ai le goût de vous dire, mais, au moins, le fax marche encore, mais ça, c'est un autre débat.

Mme Leblanc (Isabelle) : Oui, mais c'est pour ça qu'on aime le fax.

Mme Lemieux-Forget (Juliette) : ...pas capable de me rendre... sans rendez-vous ce matin à ma clinique, et on a eu une panne d'électricité, malheureusement, et donc Internet ne fonctionnait plus. Tout était «down», rien ne marchait, ça ne fait plus d'heures, mais on en a souvent.  

M. Fortin :C'est triste, c'est triste quand on est rendu à dire qu'on aime le fax, parce qu'au moins il marche...

Mme Lemieux-Forget (Juliette) : Le fax ne marchait même pas, là.  

M. Fortin :O.K. Dans vos recommandations, je vous ai entendu parler des indicateurs qualitatifs. Ça fait quelques groupes qui le mentionnent, mais on n'élabore vraiment jamais sur ce que ça veut dire, comment ça peut être mis de l'avant, qu'est-ce que vous avez en tête spécifiquement. Puis là on parle beaucoup du quantitatif avec certaines mesures, certains objectifs gouvernementaux bien précis, bien précis dans la tête du ministre, mais on verra lorsque viendra le temps de la réglementation. Mais, sur le qualitatif, j'aimerais vous entendre sur comment on peut faire ça, qu'est-ce que ça peut vouloir dire, ça peut ressembler à quoi.

Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, je pense que nos collègues mentionnaient les recherches Commonwealth Health Fund, un, la satisfaction des patients, c'est des données qui sont qualitatives; la santé des patients, je veux dire, dans rien de tout ça, dans aucun des indicateurs, je ne les ai pas tous vus, les indicateurs, je n'ai pas vu... le règlement, mais est-ce que notre population est en meilleure santé...

Mme Leblanc (Isabelle) : ...est-ce que nos diabètes sont bien contrôlés? Est-ce que nos enfants ont des bons indicateurs de développement? Est-ce qu'on s'assure de la... comment dire, que l'offre de soins est pertinente pour la population qu'elle dessert? Donc, est-ce que, dans une clinique dans Côte-des-Neiges, il y a des soins avec, je ne sais pas, un interprète? Est-ce qu'en Outaouais il y a des soins qui empêchent les gens d'aller du côté de l'Ontario à toutes les deux minutes? Donc, d'avoir vraiment... ça demande plus de temps, ça demande plus d'analyse, ça demande de mettre des données en contexte, mais les données qualitatives, c'est probablement les données les plus riches pour savoir comment un système de santé fonctionne.

M. Fortin :Mais, même si on a des données qualitatives demain matin, là, elles ne peuvent pas juste être appliquées à une catégorie de professionnels quand même, là. Parce que les... ce que vous mentionnez là, le diabète contrôlé, ça peut venir avec les outils qui sont approuvés ou non par... ou remboursés ou non par le gouvernement. Les indicateurs de santé d'une population, ça peut venir avec notre investissement dans la prévention, le sport, tout le reste. Ça ne peut pas être juste mis sur les épaules des médecins, ça non plus.

M. Gauvreau (Xavier) : Oui, exactement. Puis c'est pour reprendre un peu le concept de responsabilité populationnelle qui a été évoqué plus tôt puis pour marteler un peu le point que nous, on veut faire, c'est que de mettre... de lier des indicateurs seulement à la performance des médecins, c'est d'occulter complètement les indicateurs qui tiennent compte de la santé de la population. On vise vraiment la mauvaise cible ici, et c'est donc pour ça qu'on met autant d'emphase sur les autres professionnels, qu'on croit qu'ils devraient également être inclus dans ce genre de mesures là.

M. Fortin :O.K.La... D'entrée de jeu, là, je pense vous avoir entendus dire que c'était essentiel de revoir le fonctionnement de la première ligne et en même temps de revoir la rémunération. O.K. Mais est-ce que c'est la... comment dire, est-ce que c'est davantage de capitation qui vous inquiète ou c'est la combinaison de davantage de captation plus des cibles... des cibles particulières? Je crois, Dr Gauvreau, vous avoir entendu parler des... de la combinaison des deux, là, mais je veux juste bien comprendre.

M. Gauvreau (Xavier) : Comme on l'a déjà mentionné, nous, ce qui nous... On s'est déjà penchés sur cette question-là, sur qu'est-ce qui est mieux en entre capitation, à l'acte versus horaire. Probablement qu'une combinaison. Puis, selon le milieu, selon le type de pratique, ça varie, quelle est la meilleure façon de rémunérer le médecin. Puis, en ce moment, on est en train de se chicaner sur ces détails-là. Nous, ce qui nous inquiète là-dedans, ce n'est pas tant le type en tant que tel ou la combinaison qui est choisie, c'est plutôt justement la contrainte qui mise ou qu'on sent qui va être mise par le projet de loi de prendre plus de patients en charge puis d'accélérer, d'augmenter les contraintes qui vont être mises aux médecins.

M. Fortin :C'est la cible qui vient avec, dans le fond.

M. Gauvreau (Xavier) : Exact. Exact.

M. Fortin :O.K. Parce que ça peut mener à des enjeux de qualité, ça peut mener à toutes sortes de... d'effets... d'effets non désirables, là, disons.

M. Gauvreau (Xavier) : Oui. Bien, je pense que M. Dubé l'a bien dit, là : Si on rajoute 1 million de patients dans les listes d'attente, bien, c'est inévitable que les patients vont avoir plus de difficulté à être vus. Puis c'est quelque chose qu'on a vu avec le GAP, c'est un des effets pervers qu'on a vus, c'est que des patients qui étaient inscrits à des médecins de famille n'étaient plus vus par un médecin de famille parce que ceux-ci se consacraient au GAP, parce que le GAP était plus payant à cette époque-là. On craint des effets pervers qui vont être similaires si on fait juste ouvrir ces... ajouter ces patients-là sur les listes, là, oui.

• (20 h 10) •

M. Fortin :Oui. Moi aussi, j'étais content d'entendre le ministre dire : Si on met 1,5 million de plus de patients sans changer la façon de faire, ça ne marchera pas. On va la garder, celle-là, quand même.

Sur la question des femmes médecins, je... c'est vous qui l'avez amenée tantôt, là, vous êtes le premier groupe à nous en parler de façon explicite. Si je vous ai bien compris, là, les pratiques peut-être un peu atypiques sont... c'est plus... il y a plus de femmes qui en ont. Des types de... tu sais, de l'enseignement, de la formation, des... d'autres types de tâches que juste voir des patients à longueur de journée, c'est peut-être plus les femmes qui sont portées vers ça. Est-ce que vous avez des chiffres derrière ça?

Mme Leblanc (Isabelle) : Pas avec nous.

M. Fortin : Je vous crois... Je vous crois sur parole, là, mais je...

Mme Leblanc (Isabelle) : Oui. On peut vous les envoyer, ils existent...

M. Fortin : Oui, j'aimerais ça.

Mme Leblanc (Isabelle) : ...mais on ne les a pas mis dans nos documents. Mais ils existent. Je peux... On peut vous les envoyer par la suite, on pourra les déposer.

M. Fortin :O.K. Mais ça va être intéressant, M. le ministre, de voir si vous avez fait une analyse différenciée selon les sexes pour essayer de comprendre si vraiment il y a un... il y a un fondement, disons, approfondi de cette question-là, je n'ai aucun doute que les chiffres vont dire ce que vous avez, mais si vraiment, là, il y a une différence marquée de ce phénomène-là. Sur la question... Sur la question de la pensée magique à laquelle vous avez fait référence... et je pense, on a parlé beaucoup...

M. Fortin :...beaucoup des médecins de famille, là, mais ça ne s'applique, selon moi, peut-être pas encore davantage aux médecins spécialistes. Si on ne leur donne aucune ressource supplémentaire, si on ne change absolument rien de ce qu'ils ont, si on ne leur donne pas plus d'accès, par exemple, au bloc opératoire, bien, ça devient de la pensée magique de croire qu'ils vont être en mesure de faire davantage de chirurgies. C'est dur de le voir. Tandis que ce matin ou cet après-midi, là, avec d'autres groupes, on nous a dit : Bien, c'est dur de voir comment les chirurgiens, par exemple, peuvent en faire plus. Les médecins de famille peuvent peut-être en faire plus, mais ça amène certains risques si on ne change pas les fondements. Sur la question des spécialistes, là, est-ce que vous voyez un début de comment le gouvernement peut croire que c'est possible de faire plus de chirurgies sans changer les ressources qui sont à la disposition du réseau public?

M. Gauvreau (Xavier) : Écoutez, je dois répondre un peu de... par la question en disant : Bien, le... Je pense que le gouvernement a la pensée magique de penser qu'en envoyant les gens au privé dans les CMS, ça va augmenter le nombre de chirurgies qui sont faites. Malheureusement, ce n'est pas ça qu'on voit sur le terrain. Vous parlez que c'est un phénomène qu'on voit également en spécialité. On a beaucoup utilisé, là, les chirurgies parce que c'est assez facilement quantifiable puis c'est... les données sont là. Moi, je peux vous en parler, là, qu'en Chaudière-Appalaches, à Lévis, où je travaille, à l'Hôtel-Dieu de Lévis ils ont été touchés dans des coupes récemment, là, au personnel. Puis nous, on l'a vu, là, on a perdu beaucoup de travailleuses sociales qui maintenaient des patients très vulnérables, psychiatriques en communauté, et on a vu une augmentation quand même de nos patients qui n'étaient plus maintenus en communauté qui venaient consulter à l'urgence, qui venaient consulter en psychiatrie. Donc, c'est sûr que les données sont plus difficiles à avoir dans ce contexte-là qu'en chirurgie, mais clairement qu'il y a... cet effet boule de neige là se fait dans les spécialités également.

M. Fortin :Maintenant, quand vous dites que, par exemple à l'Hôtel-Dieu de Lévis, il y a eu des coupures qui ont mené à des difficultés d'accès de services, ça vient miner encore davantage les fameux ratios auxquels vous faites référence, là. Puis ce n'est peut-être pas aussi clair qu'une psychologue pour 30 000 patients dans un GMF, mais là, si on enlève ce type de professionnel là de l'urgence, de toute évidence, on mise encore plus sur un autre type de professionnel, qui est peut-être le médecin, l'urgentologue ou peu importe, là. Alors, ce que vous me dites aujourd'hui, c'est que les coupures aggravent le problème qu'on devrait vouloir régler à travers l'interdisciplinarité.

M. Gauvreau (Xavier) : Oui, exact. Dans le fond, c'est... Ce qu'on voit, c'est qu'on a coupé dans les autres professionnels de la santé, et il y a plus de pression qui est sur le système et sur les médecins, puis ensuite on demande aux médecins d'en faire plus. C'est un non-sens, à mon avis.

M. Fortin :O.K. Juste une dernière chose. Vous avez mentionné : Si les physios sont disponibles, de façon universelle, disons, c'est 25 %, c'est 25 % des visites chez les médecins de famille qui peuvent être éliminées demain matin?

Mme Leblanc (Isabelle) : Puis «demain matin»...

M. Fortin :Bien, non, mais de... à terme. À terme, disons.

Mme Leblanc (Isabelle) : Demain matin, non, mais... Oui.

M. Fortin :Voilà.

Mme Leblanc (Isabelle) : Puis je n'ai pas les chiffres sous les yeux encore une fois, mais il y a des bons chiffres aussi sur le nombre de chirurgies, donc des remplacements de hanches, des remplacements de genoux qui peuvent être évités. Donc, c'est autour de 30 % des consultations chez le médecin qui sont du musculosquelettique en première ligne puis entre 20 % à 25 % peuvent être... pourraient être gérés complètement par un physio.

M. Fortin :O.K. Et donc, dans votre modèle idéal d'interdisciplinarité en GMF ou ailleurs, les physios font partie de ce modèle-là bien plus qu'ils ne le sont aujourd'hui.

Mme Leblanc (Isabelle) : Oui, puis à l'urgence aussi parce que c'est la même chose à l'urgence.

M. Fortin :O.K. Très bien. On a entendu les physios se prononcer la semaine dernière, là, là-dessus, mais je suis content d'entendre d'autres groupes de professionnels également avec cette réflexion-là. Ça va pour moi, M. le Président. Je vous remercie.

Le Président (M. Provençal) :Merci, M. le député. Alors, M. le député de Rosemont.

M. Morin : Merci, M. le Président. Bonsoir à vous quatre, merci d'être là. En fait, je vais continuer sur la même lancée que mon collègue de Pontiac, là, les physios se sont prononcés la semaine dernière, mais ça fait combien d'années qu'on les entend dire que... Puis ça a été fait ailleurs dans le monde, ça marche assez bien. D'ailleurs, le ministre et moi, on ne fait pas juste se chicaner. Quand on avait visité Jeffery Hale, à cette demande, ils avaient intégré un physio puis ça marche superbien. Pourquoi on n'en a pas? C'est parce qu'ils ne sont pas disponibles, ils sont tous au privé? Même chose pour les psychologues?

En passant, Dre Leblanc, comment fonctionne, dans un GMF-U, à 30 000 patients avec une psychologue? Est-ce qu'on ne la condamne pas au burn-out, à l'épuisement, à la retraite anticipée? Rendu là, je me dis : Mais pauvre, pauvre professionnelle. Une sur 30 000. Alors, qu'est-ce qui fait que... Est-ce qu'il faut les ramener? Parce qu'ils sont tous et toutes au privé pour plein de raisons? On ne refera pas ce débat-là, là, on n'a pas le temps, mais qu'est-ce qu'on fait? Parce que ça marcherait.

Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, c'est... Oui, oui, il faut les ramener dans le système public. Je pense qu'il y a un enjeu parce que les gens qui sont en GMF, en établissement n'ont pas tout le temps de l'espace pour tous ces professionnels-là. Est-ce qu'il faut penser à une couverture publique de la physiothérapie...

Mme Leblanc (Isabelle) : ...ou pour certains certains enjeux. Même chose pour la psychothérapie. Si on veut vraiment sauver la première ligne, si on veut vraiment avoir un système de première ligne qui est performant, il faut que tout le monde puisse y avoir accès.

Pour répondre à votre question, bien, nous, on a des critères d'exclusion. Tout le monde qui a des assurances ne peut pas voir de psychologue, tout le monde qui a certains critères ne peut pas voir de psychologue, puis, après, il y a des listes d'attente, puis ils sont tenus de faire des consultations, un nombre de consultations limitées pour pouvoir offrir à beaucoup de gens. Mais je veux dire, c'est ça, l'éléphant dans la pièce, là, c'est qu'on veut changer la première ligne en utilisant la rémunération des médecins, mais la vérité, c'est que ça prend beaucoup d'autres professionnels pour que la première ligne soit bien. Nous, on voit des patients à répétition, comme médecins de famille, parce qu'ils n'ont pas accès à leur physio ou à la psychologue, ça fait qu'ils viennent nous voir, nous. On leur prescrit des médicaments, on surmédicamente, souvent. Des fois, c'est des choses qui ne sont pas superpertinentes. On va faire une autre radio, une autre IRM pour faire quelque chose pour le patient.      C'est vraiment un très gros enjeu, puis moi, j'invite vraiment le ministre à penser à... s'il va de l'avant avec cette loi-là, de s'assurer qu'il y a un accès aux autres professionnels bien meilleur que ce qu'il y a en ce moment, quitte à couvrir les soins qui sont donnés en rétablissement.

M. Marissal : Bien, je ne veux pas répondre pour lui, puis le moment n'est pas aux échanges avec la partie gouvernementale, mais moi, je ne vois pas ça dans 106. Je ne crois pas que ce soit le but de 106. Est-ce qu'il y aurait une ouverture? On le verra, éventuellement, mais est-ce que c'est pour ça que vous demandez d'abord et avant tout, à la première recommandation, de suspendre l'étude, mais... Puis là, après ça, j'entends le ministre qui va dire : Oui, mais suspendre combien de temps? Parce qu'il veut agir, il veut faire de quoi. Après ça, on peut être d'accord ou non, là, mais combien de temps, puis qu'est-ce qu'on fait après?

Mme Lemieux-Forget (Juliette) : Je ne me sens pas vraiment qualifiée pour nommer le nombre de temps qu'il faut suspendre quelque chose pour faire l'étude d'un projet, là. Je ne pense pas que c'est notre mandat en tant qu'association.

M. Marissal : C'est plus sur la suite, la séquence.

Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, demain, il y a un comité d'experts qui connaît la rémunération... puis il y a plein de gens, il y en a qui vont venir vous parler demain puis après-demain, qui voient comment on peut améliorer la rémunération... pas l'améliorer, mais la rendre plus pertinente pour la première ligne qu'on veut. Reparler aux gens du groupe du comité d'experts sur l'accès aux soins, puis, je veux dire, c'était clair dans leur rapport, hein, ils disaient que les recommandations étaient indissociables. Là, c'est comme si on avait pris deux recommandations, on n'a pas tout pris. Donc, vraiment regarder, mettre ça en place puis penser à une couverture publique des autres professionnels. Ça fait que je ne sais pas combien de temps ça peut prendre, mais on est dans une crise puis je pense qu'on n'est pas à un, trois ou six mois, tu sais, il faut trouver la solution qui va pouvoir durer dans le temps.

M. Marissal : Bien, j'y reviens, là-dessus, là, parce que les physios, je pense, sont comme tous les professionnels, ils voudraient aider, là, puis pratiquer dans les meilleures conditions, mais ils vont au privé parce que c'est là qu'ils peuvent travailler ou parce que c'est plus payant ou... Pourquoi on en a si peu sur la première ligne? Parce qu'ils n'ont pas de place?

Mme Leblanc (Isabelle) : Parce qu'il n'y a pas de postes.

M. Marissal : Vos avez dit... c'est peut-être juste une question de locaux, tout simplement.

Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, il y a très peu de postes. Je veux dire, si les ratios pour 30 000 patients, c'est... Nous, on a un physio, un psychologue, ça fait que, tu sais, si c'est ça, les ratios de ce qui est couvert en GMF, ça ne fait pas beaucoup d'emplois. Puis je pense que c'est, en ce moment, assez clair dans la tête de la plupart des gens qui terminent dans ces professions que la voie normale, c'est le privé.

Ça fait qu'il faut ramener le public comme un employeur de choix, pour utiliser à nouveau les mots de M. Dubé, de temps en temps, mais il faut s'assurer que les gens aient envie de venir travailler dans le public, parce que je pense que tout le monde veut le mieux de la population.

Mme Lemieux-Forget (Juliette) : ...cercle vicieux, là, où quelqu'un voit, justement, ah bien, il y a juste une travailleuse sociale pour 30 000 patients, ce n'est pas très attrayant, comme milieu de travail. On n'a pas nécessairement envie d'aller travailler dans un milieu comme ça. Ça fait que ce serait de briser ce cercle-là, d'inviter plus de professionnels puis leur permettre de travailler dans le milieu, là.

M. Marissal : Je comprends. O.K.Merci.

Le Président (M. Provençal) :Alors, merci beaucoup aux Médecins québécois pour le régime public, de votre participation à nos travaux et surtout à la contribution que vous lui apportez.

Alors, sur ce, je suspends les travaux pour faire place au dernier groupe que nous allons rencontrer ce soir. Merci.

(Suspension de la séance à 20 h 20)

(Reprise à 20 h 23)

Le Président (M. Provençal) :Alors, nous allons terminer nos travaux de cette journée avec l'Association des jeunes médecins du Québec. Nous avons le docteur Setti, qui est président, qui va interagir avec les membres de la commission. Alors, docteur, vous avez 10 minutes pour votre présentation. Et, par la suite, nous procéderons aux échanges. À vous...

(Visioconférence)

M. Setti (Chakib) : Bonjour! Tout d'abord, M. le Président, M. le ministre, mesdames, Messieurs les députés, merci de l'invitation aujourd'hui. L'AJMQ se veut présente et a tenté à plusieurs reprises d'assister aux différentes commissions parlementaires. Malheureusement, la dernière fois, c'était au niveau de la loi 20. Et on désire aujourd'hui apporter des solutions concrètes dans un système de santé qui a beaucoup de défis, qui relève beaucoup de défis aujourd'hui.

Avant toute chose, j'aimerais préciser que l'Association des jeunes médecins du Québec est une association qui a été fondée en 1995. C'est une association centrée sur l'intégration de tous les jeunes médecins québécois, toutes spécialités confondues, en plus de la reconnaissance, un peu, et de l'inclusion de ceux-ci dans les négociations.

Tel qu'aujourd'hui, par exemple, l'essence même de notre action est de donner une voix aux jeunes médecins du Québec en prenant part à chaque réflexion qui concerne directement leur pratique professionnelle, évidemment le tout dans l'intérêt des patients québécois.

M. le Président, il y a une chose aussi importante que j'aimerais... avec laquelle j'aimerais débuter aujourd'hui. C'est qu'en 2002, on avait eu un ministre de la Santé qui a malheureusement forcé les médecins de la première ligne à quitter leur bureau pour aller aux... travailler aux établissements. Aujourd'hui, le projet de loi n° 106 aussi veut forcer les médecins à atteindre des chiffres. La loi 83, récemment, a voulu, de par son existence, forcer les médecins à travailler dans des systèmes publics au lieu de leur créer un environnement adéquat, pour le bien-être de leurs patients, évidemment.

Donc, tout d'abord, comment peut-on espérer un résultat différent avec la même approche? Einstein l'avait déjà dit préalablement, puis on le répète encore une fois aujourd'hui, il y a eu différentes actions avec le même type d'approche et malheureusement, le résultat est le même.

Aussi, j'aimerais aussi vous partager des chiffres intéressants. Puis je pense que tout le monde aujourd'hui, ici, aime les chiffres. Il y a eu une consultation auprès de différentes cliniques, puis le résultat, et je dis bien le résultat qui est partagé par tous, c'est qu'il y a un minimum de 37 % des consultations qu'on pourrait libérer afin d'avoir... de voir plus de patients. Je pense que tout le monde, aujourd'hui ici présent, désire la même chose, désire à trouver des solutions pour améliorer l'accès aux patients. Et, aujourd'hui, on a des solutions à des solutions, des solutions concrètes que l'Association des jeunes médecins a présentées depuis longtemps et qu'elle présente et revient encore aujourd'hui pour le même objectif.

On parle de plusieurs aspects. On parle de différents niveaux. Malheureusement, les solutions concrètes qui émanent du terrain ne sont pas entendues. On a par exemple...

M. Setti (Chakib) : ...à titre d'exemple, répété à plusieurs reprises, que l'une des solutions qui pourraient faciliter l'intégration fasse augmenter la pratique libre des médecins au Québec, et là on parle un attrait... d'un des attraits les plus importants pour le système public, c'est d'attirer les médecins en abolissant les fameux PREM, les PEM et les AMP. Ça, c'est d'un côté.

D'un autre côté, le travail interdisciplinaire. On ne peut pas demander au médecin en pratique, quelle que soit sa spécialité, d'améliorer ses conditions de travail de lui-même, d'augmenter sa productivité, même si, le terme, je garderai une certaine réserve, qu'on pourrait développer plus tard. On ne peut pas se baser que sur les médecins pour améliorer le fonctionnement d'un système qui souffre de plusieurs niveaux. Alors que, d'un autre côté, puis je l'ai entendu tout à l'heure dans le groupe... enfin, parmi tous les groupes qui m'ont précédé aujourd'hui, c'est un système qui est basé sur plusieurs niveaux, c'est un système qui repose sur plusieurs joueurs. Les médecins sont une des instances qui peuvent travailler, qui peuvent aider à améliorer les systèmes. Cependant, au jour d'aujourd'hui, on blâme encore les médecins.      D'ailleurs, à l'Association des jeunes médecins du Québec, on se questionne pourquoi on a adopté la loi 83 avant de proposer le projet de loi n° 106 aujourd'hui. Nous nous questionnons. Si on avait fait le contraire, est-ce qu'on se serait retrouvé avec des médecins qui auraient tous quitté le système public ou dans leur grande majorité? Je vous laisse répondre à la question, y réfléchir.

Quand on parle des autres professionnels de la santé, je vous ai entendu parler des physiothérapeutes, des psychologues, des thérapeutes, des nutritionnistes, la liste est longue, on se questionne encore une fois comment on peut se... demander aux médecins d'avoir plus d'offre de services si, encore une fois, les médecins voient les patients... et, malheureusement, dans beaucoup de leurs rendez-vous qu'ils octroient à leurs patients... sont des rendez-vous, malheureusement, que je citerai... et que je nommerai... je qualifierai d'inutiles. Tout simplement, dans ce contexte-là, nous, encore une fois, comme autres associations, on plébiscite le travail interdisciplinaire. Le fait qu'il existe d'autres professionnels de la santé pourrait être embarqué dans la solution et non pas se baser que juste les médecins.

Un exemple concret de tous les jours : si vous... vous voyez, par exemple, une entorse de la cheville et que le médecin voit le patient et le diagnostique, quel intérêt à ce que ce patient continuerait de voir le médecin si, en réalité, il aurait besoin de voir un physiothérapeute, mais, malheureusement, ses assurances ou ses moyens financiers ne le permettent pas? Quel serait le bénéfice au patient qui souffre d'anxiété ou de dépression, et la réalité nous le rapporte à tous les jours, de revoir le patient... le médecin à tous... plusieurs reprises durant l'année qui suit, alors qu'en réalité il a besoin d'un soutien psychologique avec le travail social, avec un psychologue? Malheureusement, il ne peut pas se permettre ou il n'a pas les assurances pour cela. Pourquoi on incomberait aux médecins la faute d'un système qui est dysfonctionnel, alors qu'en réalité les médecins, au jour d'aujourd'hui, sur les terrains, ne demandent que de l'amélioration?

• (20 h 30) •

L'une des autres pistes de solution qu'on a encore, qu'on rapporte aujourd'hui, qu'on a répétée, c'est les tâches médicoadministratives. Il y a un projet de loi qui a été discuté, il y a une loi qui a été adoptée, mais on attend l'application sur le terrain. Comment on explique encore aujourd'hui, en 2025, que les médecins portent entre 1 h et 1 h et demie par jour de travail et de tâches que je qualifierais de charge médicoadministrative, alors qu'il serait plus pertinent qu'ils se concentrent sur les médecins? J'anticipe la remarque en me disant qu'on travaille sur cela. Je dirais plutôt : Pourquoi ne pas finaliser ce travail avant d'aller essayer de tenter de trouver d'autres projets de loi qui, encore une fois, ont la même approche coercitive?

Est-ce qu'on... Au jour d'aujourd'hui, on pense que beaucoup de jeunes médecins risquent de quitter, malheureusement, non pas quitter le système public mais quitter la province. Au jour d'aujourd'hui, je vous dis, j'ai le malheur de vous aviser qu'on a au moins une quarantaine à cinquantaine de médecins qui nous ont déjà avisés qu'ils risqueraient de quitter la province. Pourquoi on se permettrait encore une fois d'aller dans des projets de loi qui risquent encore de nous diminuer le nombre de médecins, alors qu'on le sait tous que notre système a besoin de plus de main-d'oeuvre? Pourquoi on se dirige encore une fois dans le même principe avec un projet de loi qui risque encore une fois de pousser ceux qui nous aident, et c'est presque le quart des médecins du Québec qui ont 60 ans ou plus, à quitter avec... dans une retraite bien... ô combien bien méritée, mais malheureusement ils sont...


 
 

20 h 30 (version non révisée)

M. Setti (Chakib) : ...encore là pour nous aider, alors que ce projet de loi ne vient aucunement les stimuler à rester.

On a d'autres aussi... d'autres projets, d'autres propositions telles que, par exemple le projet de loi qui a été discuté avec les pharmaciens pour le renouvellement des médicaments. Encore aujourd'hui, dans nos consultations, on a encore la hantise d'avoir des patients qui se déplacent malheureusement encore à nos bureaux pour renouveler des médicaments, qui aurait pu se faire ailleurs sans encore l'aval, l'intervention du médecin. On a des membres chez nous qui voudraient éventuellement faire des chirurgies, mais leur plateau technique ou je dirais même les blocs opératoires ne sont pas disponibles.

La question qu'on doit se poser aujourd'hui : On a tous le même objectif, on veut tous le même but, mais je pense qu'on est rendus, au jour d'aujourd'hui, à écouter les gens du terrain, à écouter des solutions concrètes, et des solutions qui sont aujourd'hui proposées par des gens qui travaillent, des gens qui les rencontrent à tous les jours dans des problématiques qui les handicapent dans leur pratique de tous les jours. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Ça va?

M. Dubé : Très bien.

Le Président (M. Provençal) :M. le ministre, on y va?

M. Dubé : Très bien. Allons-y. Alors, Dr Setti, merci de prendre le temps ce soir, parce que vous êtes quand même la conclusion de notre journée, alors, et de l'avoir fait dans un délai aussi court, là, de vous êtes préparé.

Puis je vais... je vais y aller de facto avec votre mémoire si vous permettez. Je vais commencer par ce qu'on a l'air de s'entendre, c'est la recommandation numéro quatre, qui est très bonne, où vous dites, puis vous l'avez présentée, que «37 % des plages horaires médicales actuellement offertes pourraient être libérées si un soutien accru par d'autres professionnels de la santé était favorisé par davantage d'interdisciplinarité.» Vous l'avez mentionné durant votre présentation. Puis je pense qu'on souscrit tous à ce constat-là.

Et quand vous dites : «Les travaux que mène actuellement le gouvernement du Québec afin de créer une meilleure collaboration», moi, je les connais, mais je voudrais que vous les expliquiez aux Québécois qui nous écoutent, là, ce soir, là, qu'est-ce que sont ces travaux-là, qui permettent justement de mieux rediriger ou de libérer des plages horaires. Parce qu'en fait je disais tout à l'heure : Oui, si on continue de travailler de la même façon, il va toujours manquer du monde, mais, si on travaille différent, on est peut-être capables d'avoir plus de disponibilité. Alors, qu'est-ce que sont, selon vous, les travaux que mène le gouvernement du Québec là-dessus pour favoriser une meilleure orientation, entre autres, chez vous, dans votre quotidien, là? Mais, si vous pouviez le décrire, là, parce que vous avez l'air d'être satisfait de cette direction-là, si je comprends bien.

M. Setti (Chakib) : Tout d'abord, merci, M. le ministre, de préciser, parce que malheureusement, nous avons été avisés de notre présence aujourd'hui à 11 h 49 exactement. J'aurais voulu être parmi vous physiquement, mais cependant, donc, on le fait par visioconférence.

Concernant...

M. Dubé : En langage de baseball, vous êtes un frappeur remplaçant d'une grande qualité pour être capable d'avoir produit cette documentation-là dans si peu de temps. Alors, c'est pour ça que je vous remercie, parce que vous avez été concis et très clair dans votre présentation. Alors, merci beaucoup.

M. Setti (Chakib) : Merci. Concernant notre satisfaction, j'ai malheureusement l'obligation de dire aujourd'hui : Est-ce qu'on est vraiment satisfaits? On l'est, je dirais, partiellement. Oui, on est satisfaits de l'objectif, puis je pense encore une fois qu'au jour d'aujourd'hui tout le monde présent ici, à cette heure-ci de la journée, tout le monde veut le même objectif, c'est améliorer la qualité des soins, améliorer l'accès. Là, on est tous d'accord.

Cependant, la problématique qu'on note au niveau de l'AJMQ, puis même au niveau de tous les médecins praticiens aujourd'hui au Québec, c'est qu'au lieu d'aller de l'avant avec ces projets de loi, par exemple, le projet de loi n° 68 concernant les charges médicoadministratives ou concernant un peu l'objectif qui a été travaillé avec la loi 41 avec les pharmaciens afin qu'ils puissent avoir plus la capacité de renouveler ou le pouvoir de renouveler les médicaments, ou voire même faire certains suivis de laboratoires de prises sanguines pour faciliter le suivi des patients et diminuer la charge de la première ligne, là nous sommes satisfaits de ces idées-là. Mais, là où le bât blesse, c'est qu'on n'a pas été plus loin pour les mettre en pratique. Quand je dis ça, je dis... je reviens encore au même point : il y a eu le projet, enfin, la loi 83, tout de suite par la suite, il y a eu le projet de loi n° 106, mais on a délaissé ce côté-là en marge de nos travaux de...

M. Setti (Chakib) : ...aux travaux, si on peut les qualifier de la sorte. Et nous pensons que, si on se concentrait... ou si vous allez, comme ministre, comme groupe, aujourd'hui, parlementaire, vous concentrer sur l'application de ces mesures-là, que ça devienne... pratico-pratique, que le médecin ne perde pas une heure, une heure et demie, voire deux heures par jour avec une charge médico-administrative, pour qu'ils... ces médecins puissent se concentrer sur des patients, je pense que l'existence ou l'essence même du projet de loi n° 106... je pense même que la commission parlementaire d'aujourd'hui n'existerait même pas.

M. Dubé : Alors, je veux juste, pour continuer cette discussion-là, là, de façon très constructive... J'ai toujours dit qu'un projet de loi, lorsqu'on le fait dans un ensemble de projets ou d'actions d'un gouvernement ce n'est pas le seul projet de loi qui va sauver le monde. C'est un ensemble d'actions, puis ça, ça en est une. Je pense que... ce que je comprenais lire de votre recommandation, et c'est pour ça que je suis d'accord avec vous... On a fait des gestes, des gestes, entre autres, en transformation informatique, puis les gens de Santé Québec, dont Mme Poupart... est ici ce soir, savent que, d'ici quelques mois, on va arriver avec une plateforme qui va faciliter, entre autres, la prise de rendez-vous, et une prise de rendez-vous qui va aider non seulement à prendre un rendez-vous avec un médecin dans une GMF, mais qui va permettre de rediriger certains rendez-vous avec d'autres professionnels, et ça, pour moi, c'est beau à voir.

Puis là je le dis à quelqu'un qui est dans le réseau, puis qui comprend ce dont on parle ici, quand on met un filtre de pertinence pour dire : Vous, comme médecin, vous n'avez pas besoin de voir cette personne-là, puis elle devrait aller chez un pharmacien ou sur une... chez une IPS, mais que vous avez de la paperasse à faire, ou un téléphone à faire, vous n'avez pas gagné grand-chose, mais si on vous aide à rediriger cette personne-là tout en facilitant votre travail, c'est là que les premiers gestes qu'on a posés avec le projet de loi n° 41 dont vous parliez, qu'il faut qu'il y ait une suite à ça. C'est ça que je comprends de votre point.

Moi, ce que je vous dis, c'est qu'il faut que... oui, il y a des projets de loi, mais il faut qu'il y ait un suivi administratif, il faut qu'il y ait des logiciels informatiques qui suivent. Et est-ce que... est-ce que je le décris bien, ou vous êtes en... êtes-vous en accord avec ce que je viens de dire? Parce que c'est ça qui est important. C'est bien beau, faire un projet de loi, mais il faut que la mécanique suive, pour être capables de vous enlever de la charge, aux médecins, puis de dire aux patients : Bien, voici comment on va être plus efficaces dans nos GMF. Je veux... je veux vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.

• (20 h 40) •

M. Setti (Chakib) : Bien, M. le ministre, encore une fois, l'objectif est noble. On ne... je ne peux pas, comme praticien, dire que ce n'est pas le cas. La problématique, c'est qu'on note que l'approche n'est pas nécessairement la meilleure, de notre point de vue, comme praticiens.

Je vais faire le parallèle avec un des sujets que vous avez probablement discutés aujourd'hui, l'inscription collective. L'inscription collective est venue pour pallier un certain manque, une certaine urgence à des patients pour des éléments ponctuels. Ça a ses avantages, ça a ses inconvénients. Ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui. Cependant, je vais juste vous donner un exemple parfait par rapport à ce que vous venez de parler, puis on pourrait en débattre, si vous le désirez. L'inscription collective a été implantée dans un certain objectif. Cependant, aujourd'hui, on a remarqué, les derniers mois et les dernières années, que les agentes administratives ou les infirmières qui travaillent au niveau du GAP, au niveau du tri ont dû être coupées dans certaines régions du Québec. Donc, si on implante un projet, si on implante un corridor, et qu'on finit par faire des coupures dans ce corridor-là on ne peut pas imputer les médecins de la problématique d'accès, alors qu'en réalité l'accès réside ailleurs.

Et là il y a plusieurs exemples. Je vous donne l'exemple de l'inscription collective, qui est un des sujets que vous avez été à plusieurs reprises. Et, d'un autre niveau, on se demande pourquoi, encore une fois, les médecins sont incriminés alors que, pratico-pratique, l'accès au niveau de l'inscription collective a été difficile, parce que, même au niveau des agentes administratives qui font le tri, qui sont responsables de ça... ont été coupées. Donc, est-ce que ces coupures sont imputables aux médecins? Nous pensons que non.

M. Dubé : Mais ça, on est d'accord puis on l'a dit. Je me souviens avoir intervenu auprès de Santé Québec quand il y avait eu ces décisions-là qui avaient été prises, puis on a dit : Écoutez, on ne peut pas... on ne peut pas faire ça, on a beau avoir les pressions financières qu'on a, s'il y a un endroit où on n'ira pas couper c'est sur l'accès. Alors, je comprends que c'est arrivé, mais il faut corriger le tir. Moi, ce que... ce que je vous...

M. Dubé : ...ce que je vous demande, puis de me dire... puis je l'ai demandé à plusieurs médecins qui sont venus comme vous aujourd'hui, puis je l'apprécie : Selon vous, qu'est-ce qu'on peut faire? Parce que, quand vous me dites de miser sur l'interdisciplinarité, moi, je vous dis : On est d'accord avec ça. On vous donne de plus en plus d'outils pour le faire, peut-être qu'ils ne sont pas suffisants. Je vous demande la question : Qu'est-ce que vous pouvez faire, de votre côté, pour nous aider à faire arriver ça? Je comprends que nous, on peut en faire, mais, quand je dis «nous», là, le gouvernement, Santé Québec, ceux qui sont là pour appuyer les médecins, mais, de votre côté, qu'est-ce que vous pouvez faire?

M. Setti (Chakib) : Alors, de notre côté, ce qu'on propose, première chose, c'est de mettre le projet de loi n° 106 de côté pour l'instant et de discuter d'autres manœuvres. Là, vous me demandez ce que je veux, je vous dis ce que je veux.

Deuxièmement, on va se concentrer et parler des vraies choses, vous êtes quelqu'un de... une personne pragmatique puis vous aimez les chiffres, quand on parle de libérer 37 % des consultations, et là je vous donne le chiffre minimal qu'on a pris au niveau de plusieurs cliniques à travers différentes régions du Québec, le chiffre 37 %, je vous le dis, c'est un patient sur trois, une consultation sur trois qui serait libérée. D'un autre côté, on va incriminer les autres professionnels dans le système, parce que, malheureusement, dans le système public, les autres professionnels, on les cherche. Moi, si vous venez à ma clinique, puis je vous invite à venir dans ma clinique passer une journée avec moi, ça nous ferait plaisir de vous partager notre quotidien, vous allez vous apercevoir la problématique qu'on a, nous n'avons pas la possibilité d'acheminer les patients vers les bons professionnels au bon moment. On a beau les voir moins, comme médecins ou tous les collègues, quelle que soit leur spécialité, on pourrait les voir cinq, six, sept, 20 fois, ça ne changera rien parce que le vrai problème, ce n'est pas l'accès aux médecins, c'est parce que les patients reviennent voir les médecins pour les mêmes problèmes et les médecins se retrouvent, encore une fois, avec les mêmes problématiques. Nous sommes démunis au niveau pratico-pratique. C'est pour ça que je vous le dis, on a...

M. Dubé : C'est un petit peu... excusez-moi, c'est... je voulais... Je vous laisse compléter, je m'excuse de vous avoir interrompu, pardon.

M. Setti (Chakib) : Il n'y a pas de soucis. En allant plus loin avec ce qu'on a parlé, la loi 68 ou la loi 41, en appliquant ces lois sur le terrain et en veillant à ce que ce soit appliqué, parce que, si on donne la possibilité aux pharmaciens de renouveler leurs médicaments... On évalue à entre 5 % et 10 % maximum des pharmaciens qu'ils le font. Donc, est-ce qu'on ne pourrait pas regarder vraiment, au niveau des pharmaciens, qu'est-ce qui les empêche ou qu'est-ce qui les handicaps de faire leur travail? Déjà, on réglerait, je dirais, deux oiseaux avec la même pierre, là, si je peux dire... si je peux utiliser à cet exemple-là. Donc, on pourrait aller de l'avant avec des solutions concrètes. Si on arriverait à avoir des professionnels dans les GMF, par exemple, on pourrait aller de l'avant aussi, mais, malheureusement, ils n'existent pas.

M. Dubé : O.K. Bon. Ça, les professionnels, tout à l'heure on en a entendu parler par les deux groupes qui nous ont précédés, je pense que le message était très clair. Il manque, selon eux, d'appuis dans les GMF elles-mêmes. Ça, je pense que c'était très clair. Moi, ce que je disais tout à l'heure avec les pharmaciens, puis je fais le lien avec ce que vous dites : Est-ce que le transfert d'une demande de rendez-vous, le transfert d'une demande qu'on est en train de mettre en place avec la plateforme Votre santé, devrait vous aider à faire ce qu'on dit? Parce que, là, le... Est-ce qu'en ce moment on rejoint 10 % des pharmaciens? Je prends vos chiffres. Mais est-ce qu'on peut l'amener à 40, 50, 60 %, pour que, réellement, ceux qui n'ont pas besoin de voir le médecin, mais qui ont besoin de voir le pharmacien... Alors là, vous me dites... O.K., vous, vous êtes prêts à faire ce transfert-là, donc vous n'avez pas de problème à ce qu'il se fasse, puis ce vous attendez de nous, c'est qu'on ait les outils pour les transférer. Parce que vous me dites : Il n'y a rien de plus que vous pouvez faire. C'est ça que je comprends, mais c'est correct aussi, là. Parce qu'on a fait le projet de loi qui permet de le faire. Maintenant, il faut avoir les outils qui permettent le transfert. Je veux juste qu'on se comprenne bien. Moi, c'est ça que j'entends ce soir, là.

M. Setti (Chakib) : Vous savez, M. le ministre, que quelqu'un qui fait beaucoup d'années d'études en médecine, c'est quelqu'un qui veut se concentrer pour faire de la pratique de la médecine pour laquelle il a été entraîné, il a fait des sacrifices et pour laquelle il est censé faire... apporter sa participation dans... au niveau de la communauté. Cependant, je ne connais aucun médecin, au jour d'aujourd'hui, qui veut voir des patients juste pour les voir de façon, je dirais, malheureusement, inutile. Je ne connais aucun médecin, au jour d'aujourd'hui, en pratique, qui veut passer 1 h à 1 h 30 par jour juste à faire de la paperasse, à faire des...

M. Setti (Chakib) : ...assurances de la CNESST, des assurances de la SAAQ, des assurances d'arrêt... des papiers d'arrêt de travail, le fait aussi de... la complétion de d'autres formulaires. Les formulaires, on en a beaucoup. Donc, si je vous dis ça aujourd'hui... qu'on arrivera à libérer beaucoup de plages. Au jour d'aujourd'hui, ce n'est pas sorcier, on ne réinvente pas la roue. On a les solutions, il faudrait les appliquer, mais, par contre, au lieu de les appliquer, la décision qui est un peu, malheureusement, au jour d'aujourd'hui, au Québec, c'est une approche coercitive qui va de l'avant avec des projets de loi et des lois, 83, 106. Peut-être qu'il y aura un 245 par la suite. Malheureusement, ce n'est pas la meilleure chose.

Deuxièmement, je vous rappelle, et c'est...

M. Dubé : ...pas encore entendu beaucoup ce que vous pouvez faire pour nous, là, je n'ai pas entendu ça beaucoup, mais il ne me reste pas beaucoup de temps. Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Provençal) : 55 secondes.

M. Dubé : Il vous reste 55 secondes pour me dire qu'est-ce que vous pouvez faire de plus pour nous. Je me réessaie une dernière fois. Qu'est-ce que vous pouvez faire pour nous de plus?

M. Setti (Chakib) : M. le ministre, si vous arrivez à enlever tous ces bâtons, je vous dis que les patients du Québec seraient pris en charge et seraient gérés par les médecins. Mais encore une fois, il faut d'abord que les médecins puissent travailler et, je dirais, pratiquer leur médecine au lieu de faire d'autres tâches connexes, qui, malheureusement, ne sont pas de leur ressort.

M. Dubé : O.K. Merci.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, M. le député de Pontiac.

M. Fortin :Oui. Merci, M. le Président. Je trouve ça... je trouve ça intéressant, là, la différence de discours, disons, entre certains intervenants, ce soir, et la partie gouvernementale, là, c'est-à-dire : Qu'est-ce que tu peux faire pour moi? Non. Qu'est-ce que tu peux faire pour moi? Non. Qu'est-ce que tu peux faire pour moi? Puis, essentiellement, à la fin de la journée, là, tu sais, M. le ministre, moi, ce que j'entends de certains des groupes, c'est, essentiellement : utiliser certaines des ressources qui sont à nos dispositions, à notre disposition, qu'on n'utilise pas, là. Les salles d'opération, au Québec, on a payé pour, collectivement, là, comme Québécois, on paie encore pour les chauffer, on paie encore pour les nettoyer, mais on n'utilise pas ces salles-là pour faire de la chirurgie. Alors, je pense que ça fait partie du message que plusieurs groupes nous relaient aujourd'hui.

Dr Setti, je vous demande : C'est quoi, le plus grand risque du projet de loi n° 106, selon vous? Tu sais, vous avez... certaines possibilités, là, que des médecins quittent, entre autres. Il y a des gens qui nous ont parlé de la médecine fast-food, c'est-à-dire que les patients soient moins bien traités. Il y a le sentiment de dénigrement, là, de la part de la profession. C'est quoi qui vous inquiète le plus à ce moment-ci?

• (20 h 50) •

M. Setti (Chakib) : Bien, je répondrais en deux volets. Notre première et principale inquiétude, c'est la qualité des soins qui va en pâtir à coup sûr. Et là on ne se pose même pas la question, ce n'est même plus... ce n'est même pas une hypothèse, c'est une certitude. Comme médecins, nous ne voulons pas avoir une qualité de soins qui est médiocre. Vous savez que les médecins du Québec sont reconnus de par leur expertise, quels que soient leurs champs de pratique, ailleurs au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde, que ce soit en Europe, en Asie ou n'importe où. Et ce serait dommage que cette qualité de soins et cette expertise qui est reconnue envers leurs patients se retrouvent malheureusement à un niveau, je dirais, médiocre... dont les patients seraient malheureusement... vont être impactés, tout simplement parce qu'on a un minuteur ou, je dirais, un sablier qui nous limite, au niveau des patients, ou, malheureusement, qu'on devienne avec... atteindre des chiffres.

Ici, on parle de médecine, on parle d'une santé, on parle de sauver des vies. On ne peut pas demander aux médecins d'avoir un chiffre. Si je vois une otite, ce n'est pas le même temps, ou la même énergie, ou... le même temps ou même expertise que j'aurai besoin pour évaluer, par exemple, un patient qui a un cancer, un patient auquel le médecin doit se déplacer à la maison. On parle du temps du médecin, mais je ne sais pas si d'autres groupes en ont parlé, mais les médecins ne pratiquent pas seulement avec des patients, les médecins sont là pour gérer et maintenir le bon fonctionnement du système. On parle de ce qu'on appelle le CML, les coordonnateurs médicaux locaux, on parle des chefs RLS par région, on parle des médecins qui sont dans le DTMF, un peu les médecins qui gèrent, le groupe de médecins qui gèrent les régions pour que le corridor soit fonctionnel, pour que les cliniques puissent fonctionner, pour que les médecins puissent avoir l'accès aux patients et ainsi aider les médecins ou les cliniques dans leurs problématiques ou dysfonctionnements. On parle aussi des médecins qui font partie de ce qu'on appelle les groupes de CMDP, les groupes de médecins, pharmaciens qui gèrent un peu aux établissements, etc., avant la venue de Santé Québec.

Il y a des médecins qui font sont partout. Moi, je...

M. Setti (Chakib) : ...qui m'ont même dit par exemple qu'on avait de l'intérêt à faire de la recherche. Le Québec est connu par rapport à son niveau de recherche. Je cite plusieurs centres, pas juste l'Institut de cardio de Montréal. Il y a plusieurs centres qui font de la recherche au Québec. Malheureusement, c'est ces jeunes médecins là ou même les jeunes médecins qui ont de l'intérêt pour de l'enseignement. Parce qu'il nous faut des médecins pour faire de l'enseignement aux futures générations. Eh bien, ces médecins-là, ces jeunes médecins ne sont plus... je dirais, même s'ils sont intéressés, mais ne se voient plus... ne s'imaginent plus faire ce genre de chose, parce que ce projet de loi n° 106 se veut calculateur, avec un certain débit, un certain chiffre. On gère des humains, on gère de la santé, on a une expertise et puis on a une certaine qualité de soins à donner à nos patients. Et malheureusement, ce projet de loi n° 106 va exactement à l'encontre de tout ça.

Deuxième volet : Est-ce que je vois un départ des médecins? Moi, je répondrai avec un seul mot pour être bref, je vois une hémorragie qui va venir.

M. Fortin :O.K. Sur l'enjeu de la qualité, là, je vois... je vois, corrigez-moi si j'ai tort, là, deux parties à votre réponse, il y a la qualité, c'est-à-dire plus on va vite avec des patients, moins on entre dans le détail, moins on parle de... on fait le travail correctement, mais il y a aussi derrière l'enjeu qualité, il y a toute la recherche, la formation continue, l'enseignement, dont plusieurs groupes nous ont parlé, là. Vous faites référence à la recherche, mais tout ça, ça va à la qualité de la médecine qu'on offre et qu'on peut dispenser au Québec. Mais est-ce que sur l'enjeu de la qualité de chaque visite chez un médecin et de, quand on va trop vite, peut-être qu'on coupe les coins ronds, là, est-ce qu'un médecin qui a... qui a souscrit au serment... au serment d'Hippocrate n'a pas une obligation quand même de ne pas couper les coins ronds? Est-ce que... Est-ce que vous dites, dans le fond, c'est : La pratique habituelle va faire en sorte que, malgré nos obligations, ça se peut qu'on en échappe à gauche et à droite?

M. Setti (Chakib) : Malheureusement, ce n'est pas une pratique. Là, on parle d'une pratique imposée, forcée. Vous avez l'épée de Damoclès au-dessus de votre tête, le bâton derrière votre dos, et là on vous demande... et la gâchette sur la tempe, et là on vous demande de respecter le serment. Mais de quel serment vous allez... vous allez pouvoir respecter? Et c'est là où est le grand problème aujourd'hui. Nos médecins québécois... Nos médecins québécois ne veulent pas, au jour d'aujourd'hui, se retrouver à prodiguer des soins de mauvaise ou de basse qualité. Aujourd'hui, on a un certain standard à respecter puis on veut continuer à respecter parce qu'on a à cœur la qualité de soins qu'on prodigue à nos patients.

M. Fortin :Sur l'enjeu de l'hémorragie, là, pouvez-vous nous expliquer pourquoi est-ce que vous considérez qu'il y aurait une hémorragie? Parce que c'est fort comme terme, là, quand même. Ce n'est pas juste quand... J'imagine,  quand vous... quand vous utilisez ce terme-là, vous ne faites pas juste référence aux 40, 50 qui vous ont déjà peut-être indiqué leur indication, ou leur volonté d'aller ailleurs, ou de faire d'autres choses, là, ou de changer de pratique, mais c'est plus large que ça. Qu'est-ce qui vous fait penser que ça va se rendre jusqu'à l'hémorragie?

M. Setti (Chakib) : Bien, vous savez, il y a deux volets. Il y a les médecins qui sont en pratique ou sont en début de pratique, ceux qui arrivent ou ceux qui ont déjà commencé leur pratique. Puis on les côtoie. Ils ne se voient pas dans un système où on les force à aller à l'encontre de tout ce qu'on leur a appris dans leur enseignement, que la qualité du patient est primordiale, que le temps accordé au patient... que de faire une bonne évaluation de la problématique du patient qui est en face d'eux et de ne pas tourner les coins ronds. Imaginez que vous avez fait beaucoup d'années d'études, on vous dit ça, puis vous arrivez en pleine pratique. Puis vous avez des projets de loi ou même des lois qui risquent de devenir des lois si on décide d'aller de l'avant avec ça. Et vous allez vous retrouver à la fin avec une problématique contradictoire par rapport à ce que... ce qui vous a poussé même à être médecin, à devenir médecin aujourd'hui, et ce, c'est pour toutes les spécialités confondues. Donc, c'est ça que le bât blesse et là où les gens ne se reconnaissent plus dans la pratique qu'ils sont en train de faire ou qu'ils voudraient éventuellement faire dans ce système-là, si ce projet de loi passe de l'avant.

Deuxièmement, il faut qu'on parle aussi des médecins qui ont un peu... qui sont dans une situation de préretraite. Là, on parle d'entre 20 % et 25 %, dépendamment des statistiques, mais tout le monde se rejoint qu'il y a au moins entre 20 % et 25 % à peu près au Québec. Vous savez, ces médecins-là nous aident, de par leur présence, à...

M. Setti (Chakib) : ...prodiguer les soins nécessaires aux patients. La présence de ces médecins est importante, et je dirais même primordiale chez nous. Puis beaucoup de ces médecins nous disent aussi qu'au jour d'aujourd'hui, si ce projet de loi passe, ils ne se voient pas continuer avec un certain genre de pratique, alors qu'en réalité ça fait 25, 30 ans qu'ils pratiquent d'une certaine façon, puis, au jour d'aujourd'hui, on veut leur... les faire atteindre des objectifs chiffrés, alors que la santé, encore une fois, ne se mesure pas par des chiffres.

M. Fortin :O.K.Très bien. Vous avez... Vous avez quand même un certain nombre de recommandations, là, puis, dans la recommandation un, c'est-à-dire recommandation sur les tâches médicoadministratives, améliorer l'accès, assurer les meilleurs accès aux autres professionnels, est-ce que vous vous sentez le gouvernement pleinement engagé envers ces objectifs-là en ce moment, c'est-à-dire réduire les tâches médicoadministratives, offrir un meilleur accès aux plateaux techniques? Est-ce que... Le ministre, ce matin, là, nous a dit : Nous autres, on va faire notre bout, essentiellement, nous, on va faire le travail qu'on a besoin de faire. Est-ce que vous sentez que ça se fait, ce travail-là?

M. Setti (Chakib) : On ne remet pas en cause la bonne foi du ministre de la Santé, mais, au niveau pratico-pratique, on attend que ces mesures-là... ces mesures soient effectives et puis qu'on puisse aussi en bénéficier. Et, à la fin, c'est le patient aussi qui va en bénéficier. Cependant, au lieu d'aller recréer une roue puis aller de l'avant avec d'autres mesures nouvelles qui sont malheureusement contre-productives, principalement pour les patients et pas juste pour les médecins, on pense qu'il faut aller de l'avant avec ce qu'on a déjà commencé avant d'aller essayer de voir si ça ne fonctionne pas, parce que nous, médecins de la pratique, nous pouvons vous assurer au jour d'aujourd'hui que ces mesures-là vont avoir un impact positif. Mais, au lieu de leur donner la chance et au lieu d'investir notre argent, notre temps et notre énergie là-dedans, malheureusement on se retourne vers des... d'autres projets de loi qui sont, malheureusement, encore une fois, avec une approche coercitive, une approche qu'on ne comprend pas.

M. Fortin :Très bien. Ça va pour moi, M. le Président. Je vous remercie, docteur Setti. Je trouve que vous avez une approche à la fois directe et diplomate. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci, M. le député. Alors, on va terminer notre journée de travail avec le député de Rosemont.

M. Marissal : Oui. Merci, M. le Président. Bonsoir, docteur Setti. Recommandation trois : suspendre le plafond salarial imposé aux médecins qui travaillent beaucoup. Ça, vous êtes le premier à nous en avoir parlé aujourd'hui. Pouvez-vous rapidement nous expliquer de quoi il s'agit?

M. Setti (Chakib) : C'est un point qu'on a décidé de mettre au niveau de notre mémoire pour attirer l'attention sur un point assez particulier. On a actuellement une demande de voir les médecins pratiquer plus, mais on a eu quelques médecins qui se sont manifestés puis qu'on nous a dit qu'ils ont été soit pénalisés, soit ils ont dû arrêter leur pratique pendant deux, trois mois parce que, tout simplement, il y a des mesures actuelles qui existent au Québec qui bloquent les médecins s'ils arrivent à un certain nombre de montants par rapport à un certain nombre de jours de pratique.

Donc, si, par exemple, vous prenez un médecin qui travaille six jours par semaine pendant une certaine période, bien, il atteindra ce plafond puis il doit soit arrêter de pratiquer, soit continuer à pratiquer puis il y a beaucoup de pénalités qui lui sont imposées, puis on trouve que c'est un peu contradictoire avec l'objectif de pousser les médecins à vouloir pratiquer plus.

• (21 heures) •

M. Marissal : ...salarial ou c'est un plafond de jours de travail? Parce que je peux comprendre qu'on ne veut pas non plus pousser tout le monde au burn-out, les faire travailler 372 jours par année, là. Est-ce que c'est un plafond salarial ou un plafond de... Moi, c'est la première fois que j'entends parler de ça, là, j'irai aux nouvelles, là, mais c'est la première fois que j'entends parler de ça.

M. Setti (Chakib) : C'est un plafond salarial. Si, par exemple, vous travaillez beaucoup... Puis le ministre l'a déjà dit, plus on travaille, plus vous êtes plus... mieux... plus rémunéré. Et ça existe dans toutes les professions, quel que soit le domaine de pratique des Québécoises et Québécois. Mais, si un médecin travaille un certain nombre... ou voit une certaine quantité... ou fait un certain nombre d'actes, par exemple, au Québec, quelle que soit la spécialité, bien, il va se retrouver avec un certain plafond salarial, et là, le médecin, s'il continue de pratiquer, bien, on va le pénaliser. Et nous, on ne comprend pas, encore une fois, pourquoi on va de l'avant. Alors, si on veut que les médecins travaillent plus... Ici, il y a des médecins qui travaillent beaucoup ou peuvent se permettre de travailler beaucoup ou, par exemple, sont dans leur début de pratique, ils ont moins de charge... soit moins de maladies personnelles, soit moins de responsabilités familiales, bien, ces médecins-là, arrivés à un certain moment, doivent arrêter ou diminuer leur pratique parce que sinon ils vont être pénalisés, alors que, d'un autre côté, ils seraient éventuellement prêts à pratiquer plus....


 
 

21 h (version non révisée)

M. Marissal : ...Autre question, ce sera la dernière, en ce qui me concerne. Vous dites que vous pourriez dégager à peu près 37 % de plages horaires, là, en ne revoyant pas ou en ne voyant pas certains cas qui ne seraient pas... qui ne nécessiteraient pas une visite chez vous. Bien, si la rémunération est fonction, en partie, de la volumétrie et du nombre de cas, quel est l'incitatif, pour un médecin, de ne pas voir ces cas-là, de ne pas revoir trois fois la personne qui s'est fait une foulure à la cheville, ou trois fois, quatre fois le bébé qui a une otite? Puisqu'on demande du volume, puis que c'est comme ça que sera calculée une partie de la rémunération, en quoi le médecin a un avantage de les envoyer ailleurs s'il peut juste continuer de les voir?

M. Setti (Chakib) : Bien, merci pour... La question est très pertinente, et la réponse est simple. Vous savez, actuellement, les médecins, au Québec, ne sont pas contents de revoir les mêmes patients parce qu'ils se sentent... il y a un sentiment d'impuissance, de ne pas pouvoir aider leurs patients. Si je vous vois avec une problématique d'anxiété ou de dépression, puis, au lieu de vous envoyer voir votre psychologue, qui va vraiment vous apporter ce dont vous avez besoin, je vous vois à mon bureau pour faire signer des arrêts de travail, et, encore une fois, pour... discuter ou revoir un plan de médicaments, alors qu'en réalité on sait tous que 70 % de l'approche n'est pas médicamenteuse, mais plutôt, au niveau de la thérapie... Bien, les médecins seraient les premiers gagnants, et les patients, évidemment.

Deuxièmement, on sait tous qu'il y a un certain nombre... dépendamment des chiffres, un certain nombre de médecins qui sont manquants au Québec, il y a beaucoup de médecins qui manquent au Québec quelles que soient les spécialités, puis à travers... à travers toutes les régions du Québec. Nous sommes convaincus, au jour d'aujourd'hui, que, si on arrive à impliquer les autres professionnels de la santé dans le système public, on arrivera à voir ceux qui ont de la misère à avoir... parce que, malheureusement, si on revoit... on vous revoit pour votre entorse de la cheville pour la troisième ou quatrième fois, peut-être qu'il y a un autre patient qui va avoir une crise cardiaque, peut-être qu'il y a quelqu'un qui va avoir un cancer qu'on ne pourra pas dépister à temps parce que, malheureusement, j'ai vu le patient avec entorse de la cheville pour la quatrième fois, au lieu de l'avoir référé au physiothérapeute ou au professionnel souhaité.

M. Marissal : Bien, c'est clair. Merci, merci pour votre témoignage.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, Dr Setti, représentant de l'Association des jeunes médecins du Québec, pour le temps que vous nous avez alloué. On s'excuse pour l'heure, mais on est très heureux que vous ayez participé à nos travaux. Sur ce, je remercie tout le monde.

Et la commission ajourne ses travaux au mercredi 28 mai 2025, après les avis touchant les travaux des commissions, où elle poursuivra son mandat. Bonne fin de soirée à tous.

(Fin de la séance à 21 h 04)


 
 

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