Journal des débats (Hansard) of the Committee on Health and Social Services
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(November 29, 2022 au September 10, 2025)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Tuesday, May 27, 2025
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Vol. 47 N° 94
Special consultations and public hearings on Bill 106, an Act mainly to establish the collective responsibility and the accountability of physicians with respect to improvement of access to medical services
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10 h (version non révisée)
(Dix heures six minutes)
Le Président (M. Provençal)
:Alors, bon matin à tous. Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé des
services sociaux ouverte. La commission est réunie afin de procéder aux
consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 106,
Loi visant principalement à instaurer la responsabilité collective et l'imputabilité
des médecins quant à l'amélioration de l'accès aux services médicaux. Mme la
secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire
: Oui, M.
le Président. Mme Abou-Khalil (Fabre) est remplacée par Mme Guillemette
(Roberval), Mme Picard (Soulanges) par Mme Jeannotte (Labelle) et M. Cliche-Rivard
(Saint-Henri—Sainte-Anne), par M. Marissal (Rosemont).
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous débuterons ce
matin par les remarques préliminaires, puis nous entendrons les témoins
suivants : la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec et la
Fédération des médecins spécialistes du Québec. Comme la séance a débuté à 10 h 07,
y a-t-il consentement pour que nos... nos travaux, excusez, se poursuivent au-delà
de l'heure prévue?
Des voix
: Consentement.
Le Président (M. Provençal)
:Consentement. Merci beaucoup. J'invite
maintenant M. le ministre à faire ses remarques préliminaires. M. le ministre,
vous disposez de six minutes. Et je vous cède immédiatement la parole.
M. Dubé : Très bien, M.
le Président. Alors, rapidement, saluer tout le monde, le premier groupe qu'on
va passer tout à l'heure. Mais je salue aussi mes collègues de l'opposition puis
mes collègues du gouvernement. On a fait quelques travaux ensemble, M. le
Président. Merci d'être là. Alors, j'y vais tout de suite. D'abord, je suis
très, très content qu'on soit ici ce matin pour débuter les consultations du projet
de loi n° 106, qui vise principalement à instaurer la responsabilité
collective et l'imputabilité des médecins quant à l'amélioration de l'accès aux
services médicaux. Puis c'est un projet de loi qui est essentiel. Et on entend
plusieurs choses depuis le début du projet de loi. Puis je suis content, en
fait, M. le Président, qu'on puisse entendre les groupes ici et discuter du
projet de loi ensemble, parce que c'est à ça que ça sert, les consultations
particulières. C'est d'entendre les suggestions et qu'au besoin on peut
bonifier le projet de loi, le cas échéant.
Puis j'aimerais d'entrée de jeu dire
aussi, M. le Président, que j'ai entendu beaucoup de choses qui ont été dites,
mais une chose que je pense qu'il est important de clarifier que ce qu'on demande
aux médecins, ce n'est pas de travailler plus, mais c'est de travailler
différemment. Et ça, je tiens à le préciser parce qu'en travaillant différemment,
on peut dégager du temps, on peut dégager de la disponibilité pour voir les
bons patients au bon moment. Et ça veut dire quoi travailler différemment? Je
vais donner des exemples. Je pense que d'augmenter ce qu'on appelle la
pertinence et l'efficacité pour augmenter la disponibilité. Alors, en ce
moment, il y a à peu près 11 % à 13 % des consultations qui sont
considérées comme non pertinentes. Parce que ce que ça veut dire, non pertinentes
c'est qu'elles pourraient être réalisées non seulement par le médecin, mais par
d'autres professionnels, par exemple, par des infirmières, des infirmières
spécialisées, des pharmaciens, des physiothérapeutes. Puis, grâce à la
pertinence qui est déjà en place dans plusieurs de nos GMF, ça permettrait de s'assurer
que les consultations vont encore une fois au bon médecin ou au bon
professionnel, mais pour le bon patient, au bon moment.
De plus, je veux qu'on en parle parce qu'on
aura des gens qui viendront demain, entre autres, grâce à l'intelligence
artificielle, un médecin de famille, en ce moment, c'est prouvé, on commence à
l'installer, qu'il gagnerait souvent jusqu'à une heure, une heure et demie par
jour de son temps pour réduire le temps de paperasse. Qu'est-ce qu'on veut dire
par ça? Par exemple, pour résumer les rencontres, mettre à jour les dossiers,
alors que beaucoup de ça se fait manuellement, maintenant, on pourrait le faire
avec ces nouvelles technologies.
• (10 h 10) •
Donc, travailler différemment, c'est ça.
Mais travailler différemment, M. le Président, c'est aussi s'assurer qu'on peut
augmenter la collaboration entre les médecins, mais entre les médecins, par
exemple entre les omnis, mais aussi avec... avec les spécialistes. Puis pour
ça, pour moi, il est important de penser, entre autres, puis on reviendra sur
la question du CRVS, le fameux centre de rendez-vous, où les omnis envoient des
consultations pour les spécialistes. Mais en même temps, ce que j'ai entendu
beaucoup, c'est qu'en parallèle, le gouvernement va continuer, et ça, c'est
important de le dire, de faire sa part pour donner les moyens aux médecins,
comme je l'ai expliqué, autant pour les médecins qui sont en GMF que pour les
spécialistes, pour assurer qu'on leur donne les bons outils pour les chirurgies
puis pour les consultations.
Je veux rappeler rapidement qu'est ce que
c'est que le projet de loi? Le projet de loi n° 106, il est clair, c'est
que 100 % des Québécois soient pris en charge d'ici l'été 2026.
Depuis que j'ai déposé le plan de santé en mars...
M. Dubé : ...2022. On a posé
plusieurs gestes pour améliorer l'accès, puis je vais en nommer juste
quelques-uns. On a élargi le champ de compétences des IPS puis des pharmaciens,
on a fait de nombreuses cliniques IPS, on a mis en place le GAP, qui est de
l'inscription collective, on a modifié les contrats de GMF puis on a établi un
rapport sur la simplification des PREM. Mais, force est de constater, M. le
Président, que, malgré tous les efforts qui ont été déployés, l'accès aux soins
demeure insuffisant pour la médecine familiale. Par exemple, la mise en place
du GAP a permis, pendant un certain temps, d'augmenter la couverture des
Québécois : 85 %. Mais, depuis ce temps-là, c'est la prise en charge
individuelle des médecins qui a baissé. Donc, on a... on n'a pas gagné de ce
côté-là. Puis, encore une fois, je vous donne l'exemple pour les spécialistes,
on a encore 900 000 Québécois qui sont en attente d'un rendez-vous pour un
spécialiste. On ne peut pas accepter ça pour la population. Donc, ce que ça
veut dire, c'est qu'on reste avec un besoin d'aller plus loin, d'où le besoin
du projet de loi n° 106.
Et je rappelle, M. le Président, que le
projet de loi n° 106 a deux volets. Premièrement, c'est de revoir et simplifier
le mode de rémunération pour les médecins de famille, mais aussi pour instaurer
des résultats qui sont attendus pour l'ensemble des médecins.
Vous me dites combien qu'il me reste de
temps, s'il vous plaît?
Le Président (M. Provençal)
: ...une minute.
M. Dubé : Alors, on a regardé,
dans le monde, plusieurs modèles, plusieurs modèles pour être certains que ce
qu'on voulait mettre en place était applicable et donnait les bons résultats.
Je pourrai y revenir. Mais pourquoi le projet de loi est nécessaire? Parce que,
je le répète, ce n'est pas justement uniquement de la négociation qu'on peut
faire, mais on a besoin de changer certaines lois. Et, pour changer ces
certaines lois là, le... on a besoin d'avoir le projet de loi.
Donc, en conclusion, depuis des années,
les médecins ont les avantages d'être traités comme des travailleurs autonomes,
mais 100 % des Québécois sont aussi en droit d'avoir accès à un service de
santé. Donc, je suis très conscient que, pour certains médecins, ce sont des
gros changements. Et d'ailleurs ça fait 50 ans qu'on veut faire ces
changements-là. Et je suis confiant, M. le Président, que, grâce à vous puis à
l'esprit collaboratif des parlementaires et des personnes impliquées... qu'on
peut avoir des constructions... des discussions constructives, pardon. Et
d'ailleurs, comme je l'ai souligné avant d'entrer, j'ai appris ce matin que les
négos continuent avec la FMSQ. Alors, ça, c'est une bonne nouvelle, M. le
Président. Et je le répète, on a un objectif commun. Je conclus en
disant : Notre objectif, c'est d'améliorer l'accès, et c'est là-dessus
qu'on va travailler.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le ministre.
M. Dubé : Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, j'invite maintenant le porte-parole de l'opposition
officielle et député de Pontiac à faire ses remarques préliminaires pour une
durée de trois minutes 36 secondes. À vous la parole.
M. Fortin :
Merci. Merci, M. le Président. Bonjour. Bonjour à tout le monde et incluant les
groupes qui se sont déplacés pour être ici ce matin. D'abord, M. le
Président, je dois déplorer une chose, là, d'apprendre via les médias qu'il y a
une menace de bâillon sur un projet de loi avant même qu'on en commence
l'étude, je trouve ça particulièrement contre-productif. Ça n'aide pas à nos
débats, ça n'aide pas... ça n'aide pas à la bonne discussion avec les groupes
qui sont ici d'avoir cette menace de bâillon là au-dessus des têtes de tout le
monde avant même qu'on commence de discuter du projet de loi.
Ensuite, M. le Président, je suis surpris
d'entendre le ministre aujourd'hui parler de discussions constructives, parce
que la... depuis qu'il a déposé le projet de loi, c'est exactement le contraire
qu'il fait. Moi, je trouve qu'on a devant nous ce matin, là, un gouvernement
qui est probablement très heureux, M. le Président, de discuter du mode de
rémunération des médecins, qui semble heureux de le faire dans un mode de
confrontation plutôt que de discussions constructives, un gouvernement qui
semble bien heureux qu'on ne parle pas de son propre bilan en matière de soins
de santé aux Québécois, parce qu'on n'est pas... ce matin, on ne parle pas des
délais inacceptables en matière de soins préhospitaliers, d'ambulance, on n'est
pas en train de parler du temps d'attente dans les urgences, on est en mode, et
c'est ce que le gouvernement semblait vouloir, confrontation entre le
gouvernement et les médecins sur le mode de rémunération. Mais le mode de
rémunération, M. le Président, ça se discute, et on est ouverts à avoir une discussion
sur le mode de rémunération, c'est même sain d'avoir une discussion sur le mode
de rémunération. Là où on a un problème avec la façon que le gouvernement a
amené l'enjeu, c'est qu'il prend toute une catégorie de professionnels de la
santé, une seule catégorie de professionnels de la santé, et il lui fait porter
le fardeau de sa responsabilité à lui, il se décharge de sa responsabilité, M.
le ministre, et... M. le Président, et c'est là qu'on a un problème. Parce que
le projet de loi qu'on a devant nous, dans sa forme actuelle, là, il ne fait
rien pour diminuer la charge administrative...
M. Fortin :
...de nos professionnels de la santé. Il ne fait rien, M. le Président, pour
leur donner des outils supplémentaires. Il ne fait rien pour leur donner une
meilleure infrastructure dans laquelle œuvrer. Il ne fait rien, M. le
Président, pour s'assurer que la qualité des soins, elle est préservée. Le
projet de loi ne fait absolument rien pour améliorer la relation entre le
patient et le professionnel de la santé. Le projet de loi ne fait rien pour
augmenter la disponibilité des salles d'opération pour des spécialistes, ne
fait rien pour augmenter le nombre d'infirmières qui sont à la disponibilité de
notre réseau de la santé, et donc, de nos spécialistes ou de nos médecins de
famille. C'est un projet de loi qui ne vise qu'à avoir une seule chose,
c'est-à-dire une confrontation sur la place publique entre les médecins et le
gouvernement, et ça, ce n'est bon pour personne.
Deuxièmement, M. le Président, je trouve
particulier d'entendre le ministre dire aujourd'hui... aujourd'hui... En fait,
je prends un pas de recul, M. le Président : le gouvernement a dépensé
300 000$ sur un groupe d'experts pour arriver à des recommandations, et,
aujourd'hui, ils présentent exactement le contraire de ce que ces gens-là ont
présenté, de ce qu'ils ont étudié. Il nous a dit qu'il avait les meilleurs
experts et, aujourd'hui, il fait le contraire. Je pense que le ministre de la
Santé a des explications à donner à cette commission-là et aux Québécois.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Alors, je vais
inviter maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député de
Rosemont à faire ses remarques préliminaires pour une durée de 1min 12 s. La
parole est à vous.
M. Marissal : Merci. M. le
Président. Je fais court dans les salutations que, de toute façon, on va passer
quelques heures ici aujourd'hui. Une autre fin de session, un autre psychodrame
en santé, une autre querelle avec les médecins. Ça commence à être redondant.
En plus, on est sous la menace d'un bâillon qui a été annoncé préventivement
par le ministre. Je note qu'il a dit ce matin que ce ne serait pas le cas. On
le tiendra responsable de ses propos.
Je constate que ce projet de loi repose
beaucoup plus sur le nouvel engagement du gouvernement. Tous les Québécois,
Québécoises seront pris en charge d'ici 2026. Comme par hasard, 2026, c'est les
prochaines élections. Ça repose beaucoup plus sur ce nouvel engagement du
ministre de la Santé que sur un réel plan concerté et négocié en santé.
Honnêtement, pour avoir parlé à des dizaines et des dizaines de médecins, dans
les derniers jours, là, et je répète, je ne travaille pas pour les médecins, je
travaille pour la population du Québec, je pense que le seul médecin, ici,
aujourd'hui, heureux de ce projet de loi, c'est notre ami le sous-ministre Dr
Bergeron, avec qui on a le grand, grand plaisir de travailler, mais je ne
connais aucun autre médecin au Québec qui est d'accord avec ce qui est sur la
table. Alors, je demande au ministre, quand même, d'en prendre considération.
Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. J'invite maintenant
le député des Îles-de-la-Madeleine à faire ses remarques préliminaires pour une
durée aussi de 1 min 12 s.
M. Arseneau : Merci, M. le
Président. Alors, le gouvernement avait promis un médecin pour chaque
Québécois. Ensuite, l'automne dernier, il a promis une prise en charge pour
l'ensemble des Québécois d'ici 2026. Il nous a annoncé qu'il allait nommer un
comité pour mettre en place des recommandations, pour proposer des façons de
faire, et, aujourd'hui, il arrive avec un projet de loi pour tenter d'atteindre
le même objectif. C'est dire à quel point on a improvisé sur cette
thématique-là, depuis déjà sept ans mais plus précisément depuis les six
derniers mois.
Ce n'est pas sérieux, M. le Président,
d'arriver à deux semaines de la fin de la session en disant : Voici la
solution à tous les maux du système de santé, et ça passe par les médecins, et
par les médecins, uniquement. Et on va adopter le projet de loi par bâillon,
s'il le faut.
Alors, nous, on aurait aimé ça, aborder ce
projet de loi avec ouverture, mais il faut le faire également avec nuance. On
réprouve la méthode belliqueuse adoptée par le gouvernement jusqu'à présent. Le
ton semble avoir baissé, aujourd'hui, il semble rétropédaler sur la question du
bâillon. Nous travaillerons, oui, dans un mode collaboratif, mais avec l'idée
de transformer les façons de faire et non pas faire porter le blâme sur une
catégorie de professionnels ici, au Québec. Merci.
• (10 h 20) •
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député. Étant
donné que les remarques préliminaires sont terminées, on va procéder aux
auditions, et je me permets de saluer immédiatement les représentants de la
Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, dont quatre représentants
sont ici ce matin, Drs Amyot, Breault, Gaston et Heppel. Alors, je vais céder
immédiatement la parole au président, le directeur général, et vous avez 10
minutes pour votre exposé. Merci beaucoup.
M. Amyot (Marc-André) :
Merci, M. le Président, membres de la commission. Je vous remercie de nous
recevoir. Avant d'être président de la FMOQ, je suis d'abord un médecin de
famille. Et la FMOQ, c'est d'abord et avant tout ces médecins de famille du
terrain. C'est pour ça qu'aujourd'hui je suis accompagné des docteurs Breault...
M. Amyot (Marc-André) :
...Gaston et Hepell et de nombreux médecins de famille se sont offerts pour
venir s'adresser à vous aujourd'hui. Ils souhaitaient venir vous présenter la
réalité du terrain, leur réalité. Pas des chiffres dans un tableau Excel, des
médecins qui soignent du vrai monde. Pas des pastilles de couleur, des médecins
qui ne sont pas différents des autres Québécois engagés envers leur travail,
envers leurs patients et qui ont aussi droit à un équilibre travail-vie
personnel. Des médecins qui peuvent vivre des situations qui les forcent à
réduire leurs activités professionnelles. Des médecins qui, après
35-40 ans de service, choisissent de continuer à travailler à temps
partiel plutôt que de prendre leur retraite. Des médecins qui travaillent dans
des hôpitaux qui savent à quelle heure ils commencent et qui ne savent jamais à
quelle heure ils finissent, qui assurent des gardes de jour, de soir, de nuit,
de fin de semaine, qui enseignent à nos futurs médecins, qui font 30 000 accouchements
par année, qui font des soins à domicile, de l'aide médicale à mourir, de
l'urgence, du CHSLD. Il faut cesser d'évaluer le travail des médecins de
famille uniquement sur la base des rendez-vous effectués en clinique, car on
néglige alors tout un pan moins connu de leur travail. Aujourd'hui, je
limiterai mes interventions pour vous laisser échanger avec ces médecins du
terrain. J'espère que vous pourrez mieux comprendre leur réalité. Quand le
ministre de la Santé nie la pénurie de médecins de famille, qu'il nie les
conclusions de ses propres experts, quand le gouvernement s'entête à utiliser
des données erronées et n'arrive pas à assumer les obligations financières et
permettre le travail interprofessionnel, quand la priorité des dernières années
a été d'embaucher 3 000 gestionnaires additionnels au ministère de la
Santé, créer Santé Québec, pas surprenant qu'on en arrive à proposer le p.l. n° 106. Quand on fait le mauvais diagnostic, on arrive
inévitablement aux mauvais traitements. Pour ceux qui connaissent la réalité du
terrain, il est clair que ce projet de loi là ne vise pas à améliorer l'accès
aux soins. Le gouvernement l'a dit, il veut que ça brasse. Les médecins de
famille le répètent, ils veulent que ça marche. Je passe la parole à Dre Breault.
Mme Breault (Pascale) : M. le
Président, membres du comité, j'ai lu chaque ligne du p.l. n° 106
puis je ne comprends pas le remède que le gouvernement nous sert. En fait, la
seule affaire que je comprends en lisant ce projet de loi là, c'est que, loin,
très loin du plancher des patients, là, dans les bureaux du ministère de la
Santé à Québec, bien, on ne comprend pas fondamentalement c'est quoi, la
médecine familiale, on ne comprend pas ses défis puis on ne comprend pas ses
besoins.
Je comptabilise personnellement
annuellement plus de 300 jours de travail RAMQ, pas juste au bureau, c'est
vrai, j'enseigne, je forme la relève, je soigne des patients à domicile, j'aide
des Québécois à mourir dignement puis je fais de l'hôpital aussi, pas mal à
part de ça. L'automne dernier, on a perdu 30 % de nos effectifs médicaux,
le tiers des docteurs. Avec d'autres collègues, on a relevé nos manches et on a
doublé nos gardes, des gardes de sept jours de 24 heures chacun. On l'a
fait pour soigner nos plus malades et éviter qu'ils attendent trop longtemps
sur des civières à l'urgence, mais je ne peux pas être à deux places en même
temps.
À ce stade-ci, je pense que c'est
important de rappeler que c'est François Legault, il y a 23 ans, qui a
forcé des médecins de famille à coups d'huissiers puis de subpoena à partir des
cliniques pour aller dans les hôpitaux. Puis là, on est tous assis ici, 23 ans
plus tard, à commissionner pour utiliser ou considérer un traitement similaire
pour un symptôme puis un problème qui n'est toujours pas réglé. J'ignore par
ailleurs comment ça clique au niveau comptable avec le p.l. n° 106,
parce que, je vous dis, ça ne passe pas le test de la réalité.
Par exemple, dans mon RLS d'Hochelaga-Maisonneuve,
on est 34 médecins répartis dans deux GMF. Il n'y a pas d'autres
cliniques, mais il y a malheureusement 25 738 patients orphelins
encore. Si le p.l. 106 est adopté, mon équipe devra supporter
16 000 patients additionnels. Actuellement, on a soin de
13 000 patients, on le fait bien puis on respecte nos obligations,
nous, on ne peut pas en dire autant du ministère. Il nous manque deux
infirmières, une ergo, notre travailleuse sociale est en absence non remplacée
depuis plusieurs semaines, notre CLSC ferme ses portes le week-end, empêchant
des patients... de faire entrer des patients, alors que nous, on fait du sans
rendez-vous tout seul au deuxième étage. Ça fait qu'elle est où, la
responsabilité puis l'imputabilité du gouvernement dans l'accès à la première
ligne?
Ceci dit, là où je suis vraiment inquiète,
c'est le genre de médecine qui attend mes patients. Les données scientifiques
sont claires là-dessus, quand on priorise le volume, le temps de consultation
diminue puis la qualité aussi. Puis, systématiquement, c'est les plus
vulnérables qui en paient le plus gros prix. Que vous brassiez vos médecins,
c'est déjà ordinaire, mais moi, je ne commencerai pas à brasser mes patients
pour contenter votre bilan. Oui, la santé, c'est une responsabilité collective,
mais quand on veut que ça marche, on ne se donne pas juste des objectifs, on se
donne des moyens, puis le p.l. n° 106, ça n'en est
pas un, ça ne concorde avec aucun des objectifs que vous avez donnés en début
de commission, M. le ministre. Ça fait qu'avant de contrôler la médecine
familiale, M. le Président, je suggère qu'on commence d'abord par la
comprendre.
Mme Gaston (Isabelle) :
Bonjour, je suis Dre Isabelle Gaston. Moi, je travaille en CLSC, je fais des
suivis, un peu de soins à domicile, du bébé jusqu'à la fin de vie, je ne laisse
tomber personne. J'ai tenu à être ici aujourd'hui...
Mme Gaston (Isabelle) : …pour
représenter les milliers de médecins qui, comme moi, ont réduit leurs heures de
travail, mais qui tiennent à rester auprès de leurs patients pour en prendre
soin malgré leurs restrictions.
Le discours du gouvernement est blessant,
voire très enrageant. Insinuer qu'on est paresseux, ce qui veut donc dire qu'on
éviterait l'effort, c'est très mal connaître les médecins de famille du Québec.
Pire encore, ce serait de notre faute, la gang des paresseux, s'il y a
1,7 million de gens qui n'ont pas accès au système de santé. Vous savez,
des fois, on ne choisit pas nos épreuves. Quand tu es moins sharp comme
docteur, tu n'as pas grand choix. Soit que tu t'en vas tranquillement, soit que
tu prends ta retraite ou soit que tu es invalide. Mais quand tu as un cœur, tu
te dis : Je vais en prendre moins, je vais ralentir… excusez, mais je vais
le faire bien. Juste de penser que, par ma faute, tous mes collègues pourraient
être pénalisés de 25 % de leur rémunération, je trouve ça inhumain. Puis
franchement, je n'ai pas besoin de ça.
On me dit à temps partiel, mais finalement
je me suis mis à compter mes heures puis mes tâches. Savez-vous quoi? Je
dépasse souvent et très aisément ce qui est considéré comme un temps plein au
Québec. Chaque heure compte, mais pas pour le système logiciel de la RAMQ. Ça
ne vous surprendra pas, comme n'importe quel autre système informatique au
Québec, ce système-là est très imparfait. Il ne comptabilise pas tout. Dois-je
vous rappeler qu'il y a 22 % des médecins qui ont plus de 60 ans?
Avant, je ne pensais jamais à ma retraite. Là, je trouve que j'y pense bien
trop souvent pour un médecin qui a juste 52 ans. Moi, j'étais infirmière
en 1997-1998 quand le gouvernement, il n'a jamais considéré que les infirmières
étaient tant écoeurées qu'ils se prévaleraient d'une retraite anticipée, ça a
fait couler le bateau puis je pense qu'on a encore de la misère à remonter à la
surface.
La menace de couper davantage, moi, pour
moi, ça ne me dérange pas, mais de pénaliser mes collègues par ma faute, ça me
démoralise. Je suis un docteur, je prendrai toujours le temps qu'il faut pour
traiter le patient, pour lui donner le soin qu'il a besoin et non pas pour
rentrer dans une statistique de rendement. Comment vous faites mathématiquement
pour faire équivaloir que 25, 30, 35 heures de soins humains, réfléchis et
respectueux, ça vaut moins que zéro, peu importe la raison pour laquelle tu
ralentis, moi, je trouve que c'est sage. Parce qu'au final, on veut des soins
sécuritaires puis des bons soins pour les Québécois.
Avec ce projet de loi là, c'est la seule
raison pourquoi je suis venue ici, je m'inquiète pour mes patients les plus
vulnérables, c'est-à-dire les personnes âgées, les handicapés, les déprimés,
ceux qui sont moins outillés, quoi. Inévitablement, ils vont être tassés parce
qu'on va miser sur le volume plutôt que les soins qu'ils ont besoin. Là où on
présume qu'on est paresseux, moi, je vois des humains qui, comme moi, font leur
possible pour offrir des soins de qualité, à défaut d'un temps plein, à tous
les Québécois, à des milliers de Québécois, en fait.
M. Heppell (Benoit) :
Bonjour, je suis docteur Heppell, j'ai un point en commun avec le ministre
Dubé, j'adore les statistiques. Je tiens des statistiques sur ma clientèle
depuis des années, ma performance, la consommation de soins, les coûts, la
pertinence. Il y a une statistique qui se démarque, 50 % des rendez-vous
que je fais en première ligne annuellement pourraient être faits par un autre
professionnel, 50 %. À moi seul, c'est 650 rendez-vous que je
pourrais offrir à des patients sans médecin de famille qui ont besoin de voir
un médecin. C'est d'ailleurs des infirmières qui peuvent faire ça,
travailleuses sociales, psychologues, nutritionnistes, etc., physiothérapeutes.
Et c'est ces gens-là qui peuvent nous aider.
C'est d'ailleurs la recommandation du
groupe d'experts mandatés par le gouvernement d'augmenter l'accès à ces
professionnels. Malheureusement, en première ligne et en GMF, l'accès à ces
professionnels-là est insuffisant. On veut bien collaborer, mais ils sont en
nombre insuffisant.
Autre statistique intéressante, ce
week-end est sortie une étude encore une fois commandée par le gouvernement,
sortie par les hautes études commerciales, qui affirme que les médecins de
famille travaillent en moyenne 37 semaines par année. Ils sont
15 semaines dans une espèce de trou noir. On ne sait pas ce qu'ils font.
Je suis retourné à mes chiffres ce week-end, mes données de facturation, mes
agendas, et moi aussi, j'arrive au même calcul. Je passe 37 semaines
complètes à 40 heures semaine en temps clinique avec mes patients. Je suis
15 semaines dans un trou noir comme les autres. Imaginez que, sur ces
15 semaines, j'ai effectivement pris quatre semaines de vacances où en
général, je travaille un peu quand même. J'ai passé quatre semaines complètes à
raison de 40 heures par semaine, seul devant mon ordinateur, à faire de la
paperasse. Un mois complet dans une année. J'ai fait de l'enseignement, j'ai
fait de la gestion, j'ai fait de la formation continue. J'ai travaillé à temps
plein toute l'année, mais la RAMQ pense que je ne travaille pas presque quatre
mois par année.
• (10 h 30) •
Je vous laisse sur une citation de l'étude
publiée à la demande du gouvernement en fin de semaine : « L'objectif
n'est pas uniquement de mesurer la performance, mais aussi de favoriser une
compréhension commune de la pratique médicale et de son évolution. C'est en
construisant cette compréhension commune que les différents acteurs pourront
ensemble apporter des changements significatifs au bénéfice d'une population
dont les besoins ne cesseront de croître dans les prochaines années. Il est
temps de prendre les bonnes décisions.»
Le Président (M. Provençal)
: Merci… Merci beaucoup. Je m'excuse de vous interrompre. Le
temps était écoulé…
10 h 30 (version non révisée)
Le Président (M. Provençal)
:...alors nous allons procéder
immédiatement aux échanges. Alors, M. le ministre, je vous cède la parole pour 16
minutes 30 secondes.
M. Dubé : Bien, écoutez, M. le
Président, merci beaucoup. Je vais essayer de profiter au maximum de mon temps.
Puis merci beaucoup à vous quatre d'être là aujourd'hui, même si les choses
dites ne sont pas toujours agréables. Je comprends que c'est votre rôle de le
faire puis je le respecte beaucoup. C'est... On est dans une société qui se
veut de dire les vraies choses, en autant que ce soit fait correctement.
Moi, j'aimerais peut-être, Dr Amyot, vous
amener sur un document que je vais déposer pour qu'il soit officiellement
reconnu, c'est une présentation que la FMOQ a faite aux gens du ministère en
2023, et je voudrais vous rappeler... où j'ai certaines surprises au cours des
dernières semaines ou des choses qui ont été suggérées par la FMOQ, entre
autres, qui étaient la base de ce qu'on a fait comme projet de loi, la base de
ce qu'on veut faire comme première ligne, des changements qu'on veut faire. Dans
ce document-là, vous avez fait des commentaires, vous avez fait des
recommandations, qui aujourd'hui semblent ne plus être les bonnes. Alors donc,
je veux essayer de comprendre, qu'est-ce que vous avez dit en 2023 puis qui n'est
plus applicable aujourd'hui, qu'est-ce qui est arrivé.
Ça fait que je vous donne des exemples. Sur
la question de la performance, je prends la page 61 de votre présentation,
puis là, je vous dis, on revient en 2023, là, c'est au moment où... la fin de l'entente
avec les médecins, et ça dit ici qu'il serait tout à fait normal qu'en clinique
de première ligne il y ait la nécessité d'avoir des indicateurs de performance
de l'accès. C'est... C'est très clair, c'est très clair dans votre
présentation. Puis je vais y aller parce que, comme je n'ai pas beaucoup de
temps, je veux juste aller en rafale, puis, si jamais vous n'avez pas le temps
de répondre aujourd'hui, on pourra répondre dans les négociations, j'espère, qui
reprendront.
Sur l'inscription collective, vous avez
dit, sur l'inscription collective, qu'elle devrait être pour tous les patients.
Puis je vous rappelle que l'inscription collective, c'est ça qui nous a guidés
pour faire le GAP. Parce que, le GAP, on avait dit que c'était quelque chose de
temporaire et que ça permettait, même s'il n'y avait pas toujours le médecin de
famille disponible, de le faire. Et donc, pour vous, tous les patients seraient
inscrits collectivement. C'est la recommandation que vous faisiez, ça, en 2023.
Sur la question... Puis ça, c'est à la
page 45 de votre document. Sur la prise en charge des vulnérables, vous
avez dit à ce moment-là, puis là je vais lire exactement pour être sûr, là, que
«l'inscription collective peut se faire par la fidélisation d'un groupe de
patients à un groupe de pratique». Puis, un peu plus loin, on dit : «la
fidélisation professionnelle pour les patients vulnérables». Alors, aujourd'hui,
quand on dit, entre autres, que non seulement il est important de prendre
100 % des Québécois, mais particulièrement pour les clientèles vulnérables,
moi, je pense que c'est exactement ce que vous nous recommandiez en 2023, et
qui, encore une fois, je le dis, a servi à faire...
Et, sur la rémunération... puis là c'est
ça qui est vraiment intéressant, sur la rémunération, vous avez dit, vous êtes
d'accord avec le mode de rémunération qui est proposé. Alors, vous avez dit, à
la page 63, que «la rémunération devrait être à capitation avec un forfait
horaire et à l'acte». Donc... Puis je pourrais passer à peu près une dizaine de
pages comme ça, où les recommandations que vous avez faites en 2023, on s'en
est servi, ils ont discuté... vous avez discuté avec le ministère, puis aujourd'hui
vous me dites : Moi, je ne suis pas capable d'être aux tables de
négociation parce que ça ne représente pas ce qu'on a proposé. Ça fait que qu'est-ce
qui est arrivé entre la présentation de 2023 puis aujourd'hui?
M. Amyot (Marc-André) : On était
dans un climat de collaboration, puis force est de constater que la
collaboration ne s'est pas poursuivie. On a toujours été d'accord. D'ailleurs,
quand on dit : On veut que les médecins de famille soient à capitation, il
y a déjà 40 % de la rémunération des médecins de famille qui est versée
sous forme de capitation. Alors, ce n'est pas vrai de dire qu'on n'est pas
ouverts à revoir le mode de rémunération. Maintenant, on n'a jamais parlé de
désinscrire des patients, alors qu'à la table de négociation, le dernier dépôt
du gouvernement, c'est encore ça, là, on vit encore avec ça. Puis, même si on
dit : Non, non, non, on l'a affirmé qu'on ne désinscrirait pas des
patients, bien, c'est avec ça.
Le Président (M. Provençal)
: Merci.
M. Amyot (Marc-André) : Alors,
si vous nous dites : On va aller à la table de négociation, bien, il
faudrait que ça soit sérieux, ce qui nous est déposé à la table de négociation.
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre.
M. Dubé : Bien, écoutez, je
vais... je vais le redire, Dr Amyot, avec tout le respect que j'ai pour vous, l'article 4
est très clair qu'il n'y a pas personne qui a un médecin de famille en ce
moment qui va perdre son médecin de famille, soyons très clairs là-dessus...
M. Dubé : ...et tout ce
qui est dit autrement n'est pas exact, n'est pas exact.
M. Amyot (Marc-André) :
C'est ça. Donc, je comprends que le projet de loi a préséance sur la
négociation.
M. Dubé : Bien...
M. Amyot (Marc-André) :
Donc, quel est l'espace de négociation que nous avons?
M. Dubé : Dr Amyot,
moi, ce que j'ai dit, puis c'est toujours comme ça qu'on a travaillé, puis on a
fait ensemble le projet de loi n° 11, on a fait
plusieurs projets de loi, lorsqu'on dépose un projet de loi, puis là je vous le
dis, ça fait deux ans, là. Ça fait deux ans. Je sais que vous ne voulez pas
dire qu'on a travaillé ensemble, mais c'est...
M. Amyot (Marc-André) :
...ensemble, le projet de loi n° 11.
M. Dubé : O.K. C'est
beau. C'est beau. Alors, vous parlez de collaboration, là. Moi, je vous dis
qu'on a fait le travail avec vous. On n'arrive peut-être pas toujours au même
résultat souhaité, mais on est arrivé à des résultats. Je veux vous dire qu'en
ce moment, il y a des principes qui sont dans le projet de loi. Il y a des
principes très clairs, une simplification de la rémunération et une prise en
charge qui tient compte de certaines cibles. Bon, vous me dites... Vous ne me
dites pas ce que vous allez changer comme idée, mais je vais revenir sur la
question de... Quand vous dites la question de la rémunération, que vous êtes
d'accord avec... Mais je vous ai dit aussi puis il y a dans le rapport des HEC,
puis je veux en parler, parce que ça, c'est un petit peu l'éléphant dans la
pièce, là, puis je parlerai un petit peu plus tard, parce qu'on va avoir des
gens de... les trois personnes qu'on a invitées, là, le Dr Groulx avec
Mme Breton et Mme... Dre Boulanger, on aura la chance de les écouter. Ça
fait que je vais prendre le temps à ce moment-là.
Mais sur le rapport des HEC, puis ça, je
pense que le docteur... En fait, le... Pas le docteur, mais le professeur a
fait un très bon travail, c'est qu'il a dit, puis je pense qu'il était capable
de trouver un équilibre. Puis d'ailleurs le docteur l'a dit tout à l'heure, il
y a peut-être un trou noir entre le temps qui est mis à la prise en charge et
le temps qui est mis ailleurs. Est-ce que c'est pour, par exemple, des
activités de recherche, d'enseignement? Le rapport des HEC est très clair
là-dessus. Bon. Mais en même temps, je pense que ce qui est important, puis ça,
moi, je l'ai dit, que j'étais d'accord avec ça, puis c'est quand les
négociations vont continuer cet été, d'être capable de mieux comprendre où est
le temps qui est mis par certains médecins. Parce que vous, je prends très bien
votre exemple. Vous avez l'air d'avoir un très bon contrôle de votre agenda.
C'est très bien. Mais je voudrais savoir est-ce que c'est tout le monde qui est
comme ça? Est-ce qu'il y en a, par exemple, qui prennent plus de congés que
d'autres? Moi, je ne veux pas rentrer dans ce débat-là, mais je sais une chose
qui, en ce moment, est importante, que ce qui est important, c'est la prise en
charge.
Moi j'ai beaucoup de respect pour ceux qui
font de la recherche, qui font de l'enseignement, qui font d'autres choses,
mais le Québécois, qu'est-ce qu'il a besoin, lui, c'est la prise en charge.
C'est ça qu'il a besoin pour être capable de faire... Donc, pour nous, ce qu'on
va faire dans les prochaines semaines, parce qu'il y a une zone d'ombre, puis
je la reconnais, puis le professeur des HEC nous a dit : Allez voir
qu'est-ce qu'il en est. Ça fait qu'on va trouver les bonnes personnes pour le
faire. Puis je pense d'ailleurs que les DRMG devraient être dans ça. Je voulais
juste le mentionner parce que je reviens à chaque fois. Ce n'est pas de
travailler plus fort, c'est d'être capable de travailler différemment. J'ai
donné des exemples tout à l'heure.
Maintenant, sur la simplification de la
rémunération, je vous ai dit qu'il y avait deux objectifs au projet de loi. Le
premier, c'est la simplification. Ça fait des années que c'est demandé. Vous me
l'avez dit, c'est compliqué, il y a beaucoup trop d'actes, c'est compliqué.
Vous avez même une agence de facturation qui est la propriété de la FMOQ. Vous
avez investi de l'argent de vos membres pour être capables d'avoir une agence
de facturation. Moi, je veux juste vous demander avez-vous avantage à ce qu'on
simplifie la facturation si vous avez investi dans cette compagnie-là?
M. Amyot (Marc-André) :
Ça n'appartient pas à la FMOQ, ça appartient à la... au fond FMOQ.
M. Dubé : Le fonds FMOQ.
M. Amyot (Marc-André) :
Moi, je veux juste revenir. On parle de simplification...
M. Dubé : Mais non, mais
je veux juste savoir. Avez-vous avantage à ce qu'on simplifie?
M. Amyot (Marc-André) :
Tout à fait. O.K. Ce projet de loi là, il est loin de simplifier, là. Quand je
prends la page 17, la régie peut imposer des sanctions administratives
pécuniaires au professionnel qui, dans le relevé d'honoraires quil soumet à la
régie, indique un diagnostic qui ne correspond pas à celui documenté dans le
dossier de la personne assurée. Dr Heppell, c'est quoi ces diagnostics-là?
Vous allez voir comment de n'est pas si simple que ça.
• (10 h 40) •
M. Heppell (Benoit) : Je
me suis amusé encore une fois à dire si je vois un patient qui a chuté, dans
les choix que la RAMQ m'offre pour déclarer le diagnostic, voici les choix.
Est-ce que c'est une chute de plain-pied due à la glace et la neige, une chute
de plain-pied résultant de glissade, faux pas et trébuchement? Est ce que ça
implique des patins à glace, des skis, des patins à roulettes, à roues
alignées, planche à roulettes, planche à neige, en luge, peut-être? Est-ce que
ça implique d'autres équipements de sports que je devrais préciser sur ma
facturation? Est-ce que c'est... Est-ce que la personne était soutenue ou
portée par une... par un tiers, dans un bain ou près d'un bain, dans une douche
ou près d'une douche, à l'aide d'une...
M. Heppell (Benoit) : …d'un
lit, d'une chaise, d'un fauteuil roulant. Est-ce que c'est une chute d'une
échelle, d'un échafaudage? Est-ce que c'est une chute du haut ou à travers d'un
bâtiment ou d'un autre ouvrage? Est-ce que c'est une chute d'un arbre?
Le Président (M. Provençal)
: Merci.
M. Dubé : …ce que je trouve
intéressant, là, est-ce que vous me parlez d'un article spécifique du projet de
loi?
M. Amyot (Marc-André) : L'article 16,
pages 17, 38.0.15.
M. Dubé : Oui, mais ce que je
vous dis, là, c'est qu'il y a des éléments… puis l'ai dit tout à l'heure. Je
l'ai dit, il y a des éléments du projet de loi qui sont des principes, une
simplification des honoraires, la facturation. Non, mais je veux juste
terminer. Je vous respecte beaucoup, Dr Amyot, ça fait des années qu'on
travaille ensemble, vous et moi, je veux juste dire : Il faut faire la
différence entre des détails, des moyens et des principes. Moi, ce que je vous
demande : êtes-vous en accord avec la simplification de la rémunération
des médecins? Êtes-vous en accord avec ça?
M. Amyot (Marc-André) : On va
se dire… vas-y, Dr Heppell.
M. Heppell (Benoit) : Je vais
parler, je ne suis pas… Je suis membre de la FMOQ, mais je ne suis pas... Je ne
suis pas la FMOQ. Je vous réponds comme médecin terrain.
M. Dubé : vous êtes un
médecin… vous êtes un médecin terrain. Ça, j'aime ça quand vous dites ça.
M. Heppell (Benoit) : Ce que
je souhaite de ma fédération et du gouvernement, c'est qu'ils discutent, qu'ils
négocient pour reparler de négociation. Ça, c'est clair.
M. Dubé : Hé! Ça, je suis
content d'entendre ça.
M. Heppell (Benoit) : Et ça,
vous le ferez entre vous, moi, ça, ça ne me concerne pas. Par contre, on
parlait tantôt d'indicateurs, d'enseignement, etc. Je pense que personne n'est
contre les indicateurs sur lesquels on a du contrôle. Moi, je les fais mes
indicateurs. Je peux vous dire le temps moyen pour avoir un rendez-vous avec
moi, je peux vous dire combien ont rendez-vous dans la journée, combien en
rendez-vous dans les 24 heures, parce que j'ai du contrôle là-dessus, je
suis capable d'organiser mes horaires. Je m'assois avec la secrétaire, on est
capable de faire ça.
Par contre, je ne contrôle pas mes
collègues et je ne contrôle pas, par exemple les professionnels avec qui vous
voulez je collabore, M. le ministre. Alors ça, quand on a une travailleuse
sociale ou une infirmière qui part en maladie qui n'est pas remplacée, je n'ai
pas le contrôle. Et si elles sont capables, ces gens-là, de voir 50 % de
mes patients, ça me revient sur les épaules.
M. Dubé : Puis ce qui est
intéressant de ça, puis je vais vous donner un exemple, c'est… puis je suis
tellement d'accord avec vous. C'est pour ça que j'insiste que durant l'été,
j'espère que le syndicat qui vous représente va être aux tables pour discuter.
C'est ça, mon objectif. Maintenant, sur la question de votre personnel, sur
laquelle vous avez contrôle, on a modifié le programme des GMF. Vous êtes au
courant, là, puis on a dit : Vous allez pouvoir remplacer des gens qui vous
étaient fournis par le gouvernement, les infirmières. Vous allez avoir les
sommes nécessaires pour les engager vous-mêmes. Ça, c'est un changement, là,
qui est fait, là. Alors donc, de dire qu'on n'a pas fait… on n'a pas pris les
mesures pour simplifier ou pour vous donner les outils nécessaires… On est en
train de le faire. Moi, ce que j'ai beaucoup de difficulté, puis on reconnaît
le même problème, vous et moi, c'est que c'est difficile d'avoir ce climat de
discussion là aux tables. Parce que si à chaque fois on dit : Bien, moi, ça me
prend x pourcentage d'augmentation, sans ça, je ne continue pas à discuter, ce
n'est pas comme ça qu'on va avancer, là.
M. Heppell (Benoit) :
…médecin, puis je vais parler encore comme médecin de terrain…
M. Dubé : S'il vous plaît,
oui.
M. Heppell (Benoit) : Ce
qu'on veut, c'est le juste prix, là. Et puis on peut en parler, d'argent. Moi,
s'il y a une chose sur laquelle je peux être extrêmement transparent, c'est
l'argent. Alors, si ça vaut 1 $, donnez-moi 1 $. Si ça vaut 1 $,
donnez-moi pas 5 $, mais donnez-moi pas 0,25 $, non plus. Il faut
statuer sur le juste prix. Et comme travailleur autonome, qui n'est pas un
employé de l'État, qui n'a pas de fonds de pension, qui n'ont aucun avantages
sociaux, moi, je peux vous dire le chiffre, là, vous… ça va vous impressionner.
Moi, si les citoyens avaient à payer ma prestation de médecin en première ligne
au complet, mes patients auraient à payer chacun 17,71 $ par mois. Et ça
comble l'ensemble de ma rémunération. C'est moins qu'un abonnement Netflix, là,
c'est ma valeur comme médecin de famille. Et j'offre le service parfois…
M. Dubé : …avant TPS,
peut-être. Écoutez, je vais continuer, parce que vous avez l'air de connaître vos
chiffres pas mal. Je vais vous parler des frais de cabinet. Les frais de
cabinet qui sont donnés aux médecins lorsqu'ils sont en clinique, comme vous
l'êtes, c'est 30 %, hein? On dit : un médecin, s'il pratique en
clinique, on lui donne 30 % de majoration de ses honoraires pour qu'il
puisse donner à la clinique les revenus nécessaires pour être capable de payer
les différents professionnels ou le personnel administratif. Moi, ce que
j'entends sur le terrain, c'est qu'il y a une grande majorité des médecins qui
ne paient pas le 30 % et qui le gardent en partie pour eux. Est-ce que
vous avez déjà entendu ça?
M. Heppell (Benoit) : Je peux
me permettre de répondre, mais je vais laisser la place à mes collègues. Ce que
j'entends de mes collègues, moi, je suis en CLSC, je n'en paie pas de… Le
17,71 $ devrait être majoré de 30 %, si j'étais en cabinet, ce que
j'appelle le GMF en haut de la pharmacie. Ce que j'entends, c'est que ces
gens-là aussi, ils ont des augmentations de loyer. Le personnel coûte plus cher,
et c'est de plus en plus difficile. O.K. c'est ce que j'entends… ce que
j'entends… est-ce que j'en entends qui se disent : Wow! avec l'argent
qu'on me donne, je me mets ça dans les poches, là, personne, là… ce n'est
jamais… ça, là, c'est une vue de l'esprit…
M. Dubé : ...ce n'est pas ça,
ma question. Ma question, c'est qu'il y a une entente entre le gouvernement et
les médecins de dire, pour faciliter votre travail en GMF, on augmente vos
frais, on augmente la tarification de 30 %. Puis ce que j'entends, c'est
qu'il y a des médecins qui gardent cet argent-là pour se payer de la
rénumération et que l'argent ne va pas aux GMF. Alors, Dr Amyot, est-ce que
vous entendez ça, vous?
M. Amyot (Marc-André) : Ça va
me faire plaisir de répondre à cette question-là...
Le Président (M. Provençal)
: ...minute, Dr Amyot.
M. Amyot (Marc-André) :
...mais c'est de simplifier bien trop l'enjeu de la rémunération et des frais
de cabinet. Moi, ce que je vous propose aujourd'hui, hein, puis je n'ai pas peur
de justifier ces arguments-là... confions ça à un arbitre, hein? Dr Heppel
disait : On veut... les médecins de famille souhaitent être payés, pas
plus, pas moins. Moi, je n'ai pas peur des chiffres que j'avance sur la place
publique. Alors, confions ça à un arbitre, justement, pour maintenir cette
collaboration essentielle là, pour améliorer les services à la population.
M. Dubé : Il reste combien de
temps? Il reste 30 secondes.
M. Amyot (Marc-André) : Et
ça, ça existe en Ontario, ça existe dans plusieurs autres provinces au Canada.
M. Dubé : O.K. Alors,
j'aurais aimé ça, M. le Président, puis, s'il me reste 30 secondes, de... vous
donner... Parce que vous avez donné beaucoup de cas de médecins qui ne sont pas
contents. Moi, je profiterai des autres rencontres durant la commission pour
parler des patients qui ne sont pas contents, puis qui ne sont pas capables de
voir un médecin de famille, puis qui ne sont pas capables d'avoir un
rendez-vous parce que ça fait des années qu'ils sont sur une liste d'attente.
Ça fait qu'on pourra profiter des autres rencontres pour faire ça aussi.
Mme Gaston (Isabelle) : Comme
Dr Heppel, comme plusieurs membres de notre famille.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Alors, je vais maintenant
céder la parole au représentant de l'opposition officielle. M. le député de
Pontiac, à vous la parole pour 9min 54 s.
M. Fortin :Merci, M. le Président. Bonjour à vous quatre. Merci d'être
là. D'abord, je veux juste dire au ministre, là, et... moi aussi, j'en connais
beaucoup, des patients qui ne sont pas très heureux de ne pas avoir d'accès,
mais je ne connais pas beaucoup de patients qui disent que c'est la faute du
docteur Gaston ou la faute du docteur Heppel ou... Je connais des patients qui
disent, par exemple : C'est le ministre de la Santé qui m'avait promis ça.
C'est le ministre de la Santé qui m'avait promis 90 minutes à l'urgence. C'est
le ministre de la Santé qui avait promis qu'il y aurait un hôpital chez moi.
C'est le ministre de la Santé, c'est son bien à lui qui est dans la tête du
monde ces jours-ci.
Autre chose, juste juste avant d'écouter
les gens de la FMOQ, là. Quand le ministre de la Santé parle des ententes qui
ne sont pas respectées, là, moi, dans ma région, il y a GMF qui parle de fermer
ses portes parce que le ministre de la Santé ne respecte pas son entente qu'il
a signée avec le GMF pour payer les frais... les frais de loyer liés aux IPS.
Ça, c'est la réalité dans ma région, M. le Président. Alors, moi, j'ai entendu,
je vous ai entendu, tantôt, docteur, dire : Il faudrait prendre... pour
arriver aux objectifs du gouvernement à travers le projet de loi, il faudrait
prendre 16 000 patients additionnels dans ma clinique, 16 000 patients
additionnels, là. Si, du jour au lendemain, là, votre clinique doit prendre
16 000 patients additionnels, ça veut dire quoi, en termes de qualité des
soins, pour les patients que vous avez aujourd'hui?
Mme Breault (Pascale) : Ça
veut dire que c'est illusoire de faire... penser que ça va pouvoir se faire.
Nous, présentement, on en a 13000. Ça veut dire qu'on doit plus que doubler,
puis déjà on n'arrive pas à avoir une stabilité dans nos professionnels qui
nous soutiennent. Déjà, il faut rappeler que les ratios GMF sont largement
inférieurs à ce qu'ils devraient. On n'est pas... théoriquement, là, la
littérature nous dit qu'on devrait avoir deux, trois, quatre fois plus de
professionnels en appui de la pratique d'un seul médecin, versus ce qu'on a
actuellement, où est-ce qu'on est quatre médecins pour un professionnel. J'ai
un physiothérapeute pour 13 000 patients. Demain matin, on m'ajoute 16 000
patients, quelle qualité de soins je vais pouvoir leur offrir?
Ce que je sais, certainement, c'est que
ça va être 16 000 rendez-vous qui vont probablement être vus par un médecin,
alors que ce n'est pas de ça dont les patients ont besoin. Ces 16 000
rendez-vous là vont appuyer une pression. Il faut voir qu'on n'a ni les
infrastructures, ni les locaux, ni le personnel, actuellement, pour accueillir
ça, ça fait que... Ensuite, de ça, on ne peut pas se dédoubler, puis moi, je ne
peux pas être à deux endroits en même temps, comme je l'ai expliqué tantôt.
• (10 h 50) •
Puis moi, je suis responsable d'un volet
très particulier puis fort important pour la continuation du système de soins
de santé : la formation des résidents. Former un résident, là, ça ne se
fait pas en claquant des doigts, puis contrairement à ce qu'on pense, ils
n'arrivent pas déjà tout faits, en modèle commandé par Amazon, là. Il faut
investir du temps, il faut leur donner de la rétroaction, puis ça, c'est de la
qualité de soins qui se bâtit puis qui se construit dans le temps. Mais ça
prend, justement, du temps. Puis les patients, ils l'apprécient, ils le prennent,
ils acceptent de collaborer avec des médecins résidents. Il faut donner aux
superviseurs le temps de pouvoir les former.
Mais là, actuellement, le climat autour de
tout ça, si on met la pression du nombre d'un côté... D'abord, dans le projet
de loi n° 106, parce que, depuis tantôt, on parle de
plein de choses, mais on ne parle pas de 106 beaucoup, mais... si on regarde,
est-ce que 106 va aider les objectifs qu'on met partout? Clairement pas. Mais
si on regarde ce que 106 va faire, 106 ne touche aucunement à l'enseignement
puis à la formation des médecins résidents...
Mme Breault (Pascale) : ...puis,
clairement, le climat de... qu'on a présentement, ça nuit à la valorisation de
la médecine de famille. Dans mon allocution, je parlais du fait qu'on ne
comprend pas la médecine familiale. Bien, déjà, il faut savoir comment former
la relève puis comment on y fait de la place, puis ça, il n'y a rien qui est
réservé dans 106 pour ça. Ça fait que moi, je trouverais ça vraiment génial
que, dans le temps de la commission, on regarde vraiment ce que le projet de
loi nous dit puis on essaie de voir si le projet de loi, il fitte vraiment avec
ce que le ministre nous dit tantôt, parce que, moi, ce que j'entends, ça va
d'un côté, mais ce qu'il y a dans le projet de loi, ça va de l'autre, puis
c'est juste sur les épaules des médecins, alors que la première ligne, ça
devrait reposer sur un système, dont le gouvernement, ultimement, est
responsable, mais qu'on porte tous ensemble pour le bien des Québécois.
M. Fortin :Moi, je vous avoue, là, quand le... quand on a discuté
mardi il y a trois semaines, je crois, du rapport d'experts qui a été déposé,
le ministre nous a dit... en fait, il n'avait pas été déposé à ce moment-là, le
ministre nous a dit : Moi, j'en ai une copie, on va la déposer à la
commission, vous allez voir, là, vous allez aimer ça. Ça, c'est les mots du
ministre, là : Vous allez aimer ce qu'il y a dans le rapport d'experts.
Effectivement, on aime bien ce qu'il y a dans le rapport d'experts. Nous, on
pense qu'il y a des bonnes solutions parce que c'est justement écrit par des
experts. Le ministre, dans son choix d'experts, il a fait les bons choix. C'est
rare que je lui lance des fleurs, mais, dans ce cas-là, il a fait les bons
choix. Est-ce que vous vous expliquez pourquoi le ministre met ça complètement
de côté, ce rapport d'experts là, et prend une avenue complètement différente?
Mme Breault (Pascale) : Non.
Je pense qu'il y a des gains différents.
M. Fortin :Il y a des?
Mme Breault (Pascale) : Il y
a des gains différents espérés sur des terrains différents. Je pense que ça,
c'est clair pour tout le monde.
M. Fortin :Mais les conclusions du rapport d'experts pour faire
bénéficier aux patients d'un meilleur accès aux premières lignes, est-ce
qu'elles sont les bonnes, selon vous?
Mme Breault (Pascale) : ...
M. Fortin :
Pardon?
Mme Breault (Pascale) : Elles
sont excellentes, puis je pense qu'elles devraient rallier l'ensemble du
travail qui est fait par tout le monde. On a trois experts qui ont révisé la
littérature qui proposent un projet de première ligne global. C'est quoi, le
projet? Puis on va être capable d'embarquer les médecins, mais on va être
capable d'embarquer la population puis on va être capable d'embarquer tous les
professionnels de la santé si on dit c'est quoi le «new deal»... passez-moi
l'expression anglaise, là, mais c'est quoi notre première ligne au Québec. On
peut-tu la réfléchir autrement qu'en pièces détachées puis juste en se disant
qu'il y a un seul corps professionnel qui doit casquer tout l'accès?
M. Fortin :Je... Ça fait... Depuis le dépôt du projet de loi, là,
c'est vrai qu'on entend beaucoup de médecins, soit sur les réseaux sociaux,
soit qui nous écrivent directement, soit qui vont sur la place publique et qui
partagent leurs expériences à eux et ce qu'ils ont ressenti par rapport au
discours du gouvernement, pas juste sur le projet de loi comme tel, là, mais
par rapport au discours du gouvernement.
Docteure Gaston, c'est la première fois
que j'entends un médecin, cependant, dire : On va mettre sur mes épaules à
moi le fait que mon collègue ailleurs va avoir une rémunération moindre ou
différenciée. J'aimerais ça que vous nous expliquiez le sentiment qu'il y a
derrière ça.
Mme Gaston (Isabelle) : Bien,
je trouve ça triste parce que, déjà, ce que je fais, ce qui peut apparaître
très peu pour certains, c'est déjà difficile pour moi de le faire, puis pour
plusieurs de mes collègues. Juste dans mon CLSC, là, il y en a qui ont presque
80 ans, il y en a qui ont de l'arthrite rhumatoïde, il y a des gens qui ont des
enfants avec des besoins particuliers. Je veux... On ne fera... On n'est pas
ici pour accaparer, là, la pitié ou la souffrance, là... Tout le monde, on est
dans le même bateau, là. Mais, vous savez, quand tu perds ta vivacité, puis
tout ça, puis tu dis : Je vais ralentir, je pense que c'est sage parce
que, si j'étais demeurée, par exemple, à l'urgence, vous ne voulez pas m'avoir
si mon cerveau, il bloque, là, vous voulez que j'aie assez la décence d'esprit
pour partir avant qu'il arrive un problème. Bien, je pense que les médecins...
Moi, là, je refuse... je n'ai pas 500 patients, donc je n'aurai pas ce
bonus-là. Puis je n'ai jamais signé pour l'efficacité, même si je suis efficace
puis j'ai fait l'accès adapté, parce que je me dis : Je donne déjà ma
plein... mon plein rendement avec mon potentiel que j'ai, puis c'est... c'est
la même chose pour des milliers de médecins de famille.
Donc, vous savez, moi, j'ai été coroner.
Si on regarderait les statistiques, on dirait que ce n'est pas utile, ce n'est
pas offrir des soins, mais pourtant c'est quelque chose de nécessaire dans
notre société. Donc, il y a plein d'autres tâches comme ça qui sont
primordiales pour l'ensemble des Québécois, que ça soit la recherche en cancer
ou autres, là. Mais bref, je ne m'éterniserai pas, mais je trouve ça triste
qu'on voie juste des statistiques, là. Puis je vais vous dire, moi, à défaut
de... si j'ai le choix entre rentrer les données des patients non vulnérables
dans un ordinateur de la RAMQ ou voir des patients supplémentaires vendredi
après-midi, je choisis toujours et je choisirai toujours de voir un patient
plutôt que de rentrer des données.
M. Fortin :Il y a un des risques qui apparaissait évident, là, dès le
dépôt du projet de loi, entre autres par rapport aux médecins qui sont
peut-être plus âgés, tu sais, et vous y faites référence souvent, là,
notamment, à la FMOQ, je pense, c'est, quoi, 22 % des médecins qui ont en
haut de 60 ans? Qu'est-ce que vous entendez de ces médecins-là? Parce qu'il n'y
en a, de toute évidence, pas ici, là. Qu'est-ce qu'ils disent, ces médecins-là?
Est-ce que...
M. Fortin :
…médecin de 52 ans qui dit : Je pense à ma retraite plus souvent qu'avant,
je me demande ce que celui de 65 puis de 68 ans, il dit, là, ces jours-ci.
Alors, c'est quoi, le discours de ces gens-là?
Mme Gaston (Isabelle) : …il y
en a déjà… rapidement, là, pour moi, là, il y en a déjà que, juste avec le
climat toxique de ce qui se passe en ce moment, ils s'en vont en juin, ils ont
devancé leur retraite, deux médecins, nous, en CLSC.
M. Fortin :
À votre clinique. Est-ce que... Est-ce que vous avez des chiffres là-dessus,
Docteur Amyot, de façon plus générale?
M. Amyot (Marc-André) : On
est en train de faire un sondage. On va revenir avec ça, mais c'est
catastrophique, hein? C'est... C'est dangereux, ce qui s'en vient avec ce
projet de loi là, pour l'accessibilité à la population, là, je veux que vous en
soyez bien conscients. Allez voir sur le site Spotted : Soigner au Québec,
là, j'invite la population à y aller, à aller voir ce qui se passe là-dessus,
ce qui se dit.
Le Président (M. Provençal)
: 50 secondes.
M. Fortin :
Oui, merci. Alors là, vous avez… ce que vous dites, Dr Amyot, là, c'est qu'il y
a un danger par rapport à l'accessibilité aux patients. Mais le collège, là, ce
matin dans le journal nous dit qu'il y a un danger par rapport à la qualité des
soins. Alors, vous nous dites qu'il y a un danger des deux côtés. Il n'y aura
pas plus d'accès, puis les soins ne seront pas meilleurs.
M. Amyot (Marc-André) :
Exact. C'est inquiétant.
Mme Gaston (Isabelle) : Des
fois, c'est imprévisible. Des fois, c'est imprévisible. Ça peut être quelqu'un
qui a de l'air… Moi, au sans rendez-vous, là, j'ai suivi une dame pour une
dépression. On a tout pris ça en charge. Puis là finalement, après quelques
mois, ce n'est pas ma patiente, j'ai fait faire des bilans, je lui ai trouvé un
diabète, elle était hypertendue. Après ça, bon, bien, va faire ton test x. J'ai
trouvé un cancer de l'intestin. Après deux ans, deux ans et demi, là, que je
l'ai suivie, j'ai dit : Bien, savez-vous quoi? Je vais vous prendre, hein,
je vais être votre médecin de famille. Pourtant, ça, c'est un patient…
Ça fait que c'est de faire… Pensez que
c'est comme aller au restaurant. Si toutes les tables sont prises, puis je
donne un service, à un moment donné, si vous me rajoutez 10 000… bien, pas
10 000, mais des milliers de personnes, bien, ils vont faire la file. Puis
inévitablement, vous dites, docteur Dubé, qu'ils ne perdront pas leurs médecins
de famille, mais avoir un nom attitré à toi puis ne pas être capable de le voir
puis ne pas être capable faire de la prévention, ne pas être capable faire de
la... du suivi, bien, c'est comme dire : Je n'ai pas de médecin de
famille.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, madame. Merci beaucoup, M. le député.
Alors, nous allons poursuivre avec le député de Rosemont. Et vous avez trois
minutes 18.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bonjour. Je ne vous renommerai pas tous, sinon je vais prendre la
moitié de mon temps et je n'en ai pas beaucoup.
Je vais quand même faire une petite
parenthèse pour dire que plus de la moitié des interventions du ministre tantôt
touchaient directement la négociation. Ce n'est pas la première fois qu'on se
fait faire le coup, là, par le gouvernement de la CAQ, là, on participe, nous
sommes instrumentalisés dans des négociations. Moi, je ne suis pas à la table
de négo. C'est le gouvernement et ses partenaires qui sont à la table de négo.
Puis là je regarde docteur Amyot et non pas ses collègues, là. Alors, si vous
avez besoin d'un forum pour discuter, tant mieux, mais ce n'est pas ici. Puis,
si vous voulez qu'on arrête ici, là, puis que vous êtes plus efficaces à
négocier, bien, allez-y, faites-vous plaisir, faites-nous plaisir. Parce qu'en
ce moment, encore une fois, on se fait entraîner dans une négo sur laquelle je
n'ai aucun contrôle. Ce n'est pas mon rôle de parlementaire ici. Vous n'avez
parlé que de ça.
Alors, la multidisciplinarité, ça fait
longtemps qu'on en parle. On a voté des lois ici là-dessus, là. J'avais
l'impression, peut-être un peu naïvement, que c'était déjà commencé. Là, vous
me dites, docteur Heppell, qu'il y a 50 % des patients que vous voyez qui
pourraient être vus par qui un physio, qui une travailleuse sociale.
Pouvez-vous nous en dire plus? Comment ça se fait qu'on n'est pas plus avancés
là-dedans?
M. Heppell (Benoit) : Bien,
la réponse est simple. Ce n'est pas qu'on ne collabore pas, ce n'est pas qu'on
ne l'enseigne pas à nos apprenants non plus, comment collaborer, mais ça nous
prend des collaborateurs. Dans mon GMF, on est 30 docteurs. Il y a deux
travailleuses sociales. Ils voient à peu près à deux 600 patients... 600
rendez-vous. Comme médecins, on en fait 28 000. Puis beaucoup de ce qu'on
voit, ça s'adonne que c'est de la santé mentale. Ils ne peuvent pas prendre ça.
On a un psychologue à temps partiel, on a un physiothérapeute à temps partiel,
un, pour 18 000 patients, pour 30 médecins, alors que le
musculo-squelettique, c'est à peu près la moitié de mes consultations.
• (11 heures) •
Autre chose : oui, on a laissé des
actes à certains professionnels, on ne les a pas valorisés pour qu'il les
fasse, ces actes-là, on ne les a pas nécessairement formés. Les programmes
universitaires ne se sont pas adaptés, les ordres professionnels non plus. Et,
sur le terrain, ce n'est pas parce qu'on vous donne le droit de faire quelque
chose que vous le faites nécessairement. Il faut encourager ça dans nos
établissements de santé, et le développement de nos professionnels n'est pas
toujours fait dans nos établissements de santé, voire même nos professionnels
sont souvent infantilisés dans leur quotidien. Alors, en bout de ligne, ça
revient dans la cour du docteur.
M. Marissal : Puis, de ce que
je comprends, si d'aventure 106 était adopté dans sa forme actuelle, là, sous
bâillon ou à la régulière, ça ne s'améliorera pas, cette situation-là. Il n'y a
rien là-dedans...
M. Heppell (Benoit) :
D'aucune façon...
M. Marissal : Allez-y...
M. Heppell (Benoit) :
...parce qu'il n'y a aucun engagement dans 106 qui dit : L'État, on vous
demande la performance de votre côté, puis, de notre côté, le gouvernement, on
s'engage à mettre des ressources. Il n'y a pas ça, là. On nous dit...
11 h (version non révisée)
M. Heppell (Benoit) :
...seulement faites en plus, pour en faire plus, ça m'en prend plus. Si on me
disait, collaborer avec des astronautes, ça va me prendre un plan d'intégration
des astronautes en GMF, là, O.K. Je ne les prendrai pas dans ma poche, puis je ne
les clone pas, puis je ne les invente pas. Ça va les prendre quelque part, mais
ça prend un engagement mutuel. Je peux en faire plus, je peux faire mieux, je
peux faire différent comme le ministre le nomme, mais ça... il va falloir un
engagement que la première ligne, on veut y mettre des ressources rapidement.
Une voix : Rapidement, madame...
Une voix : Bien, pour ça, il
faut revoir le projet de loi puis surtout le titre.
Le Président (M. Provençal)
:Le temps est écoulé pour le député de
Rosemont. Le député M. le député des Îles-de-la-Madeleine, 3 min 18 s.
M. Arseneau : Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour, tout le monde. Je vais y aller droit
au but aussi, j'ai peu de temps. Je comprends qu'on a beaucoup parlé des
négociations, ce n'est pas l'endroit, mais si on veut parler des objets du
projet de loi, le ministre l'a dit : Bon, il veut réviser la rémunération.
Est-ce que d'emblée vous êtes ouverts à cette discussion-là sur la rémunération?
Vous avez parlé de 40 %, qui étaient déjà de la capitation, on sait que la
rémunération à l'acte, ça a ses travers aussi. Pourquoi on ne parle pas de
l'objet qui est devant nous?
M. Amyot (Marc-André) : Tout
à fait, on est tout à fait d'accord, mais ce n'est pas dans un projet de loi qu'on
va regarder ça, ça va être à la table de négociation. Et si on ne s'entend pas,
pourquoi on ne confie pas ça à un arbitre? Ça existe dans d'autres provinces,
on va être capables. On pense que nos arguments sont suffisamment solides pour
pouvoir les faire valoir à un arbitre. Pourquoi le gouvernement n'utilise pas
ce mécanisme-là?
M. Arseneau : Deuxièmement...
Oui, allez-y, parce que...Bien, juste pour vous entendre encore sur les
indicateurs, parce que la question de la performance, la question de la... la
question des indicateurs, dans tous les métiers, dans toutes les professions,
les gens sont... enfin, on s'attend à ce que les gens livrent la marchandise.
Vous n'êtes pas contre le fait qu'on ait des indicateurs?
M. Heppell (Benoit) : Mais
absolument, absolument, c'est une obligation. Nous, on a deux obligations, uand
on est dans le bureau, face à un patient, j'ai l'obligation de qualité devant
la personne qui est devant moi, pas de sous ni de surqualité, mais j'ai aussi...
j'ai aussi la responsabilité face à ceux qui sont dans la salle d'attente puis
qui attendent et ceux qui sont dans la rue puis qui n'ont pas de service.
Nous le savons, comme médecins, ça, on est
les premiers à être tannés. Moi, je suis écœuré. Il n'y a pas un patient dans
mon bureau qui ne me supplie pas de prendre son voisin, sa sœur, son beau-frère.
Il y a des gens qui viennent cogner chez nous pour que je les prenne. Je n'ai
pas de médecin de famille. Je vais au privé quand j'ai besoin de
renouvellement. O.K. Et on est tanné de voir des gens ne pas avoir de soins. On
les voit souffrir, on les voit en arrêt de travail longtemps. Nous, on les voit
mourir, parfois, de manque de soins au Québec, O.K., on est tannés de ça. On
veut des solutions pérennes qui fonctionnent et on ne veut pas payer dans 10 ans
pour les mauvaises décisions d'aujourd'hui, comme c'est le cas depuis 30 ans.
M. Arseneau : Ces solutions
pérennes, est-ce qu'elles doivent se discuter dans la négociation — on
n'est pas partie prenante — est-ce qu'elles doivent se ici, en
commission parlementaire, ou... Parce qu'on a l'impression qu'on tourne en rond
depuis plusieurs années là-dessus.
M. Heppell (Benoit) : On
tourne en rond depuis longtemps. En fait, le rapport demandé par le
gouvernement, c'était dans le but de soutenir l'élaboration d'une première
politique gouvernementale de soins et services en première ligne. Ça nous prend
une vision d'où on veut aller. On ne le sait pas où on s'en va. Moi, je suis
dans un autobus, pas de «driver», pas de chauffeur, je ne le sais pas où on s'en
va.
M. Arseneau : Si vous
permettez, l'objectif du gouvernement, clairement, c'est de faire disparaître
les gens qui n'ont pas de médecin en disant : Tout le monde est pris en
charge. C'est ça l'objectif, l'objectif, c'est de vous faire faire du volume, si
j'ai bien compris. Vous, vous dites : Mais si on fait beaucoup de volume,
on ne fera plus d'enseignement, on ne fera plus de qualité, puis il y a bien d'autres
choses qu'on va laisser tomber également, c'est ça?
M. Heppell (Benoit) : Exactement.
M. Amyot (Marc-André) :
Et l'imputabilité, la responsabilité, elle est à sens unique, hein, elle est à
sens unique seulement par ici.
M. Arseneau : Je pense...
Le Président (M. Provençal)
:10 secondes.
M. Arseneau : 10 secondes.
Bien, j'aurais aimé ça vous entendre parler des pastilles, parce qu'il y a déjà
un système de classification des patients de la vulnérabilité. On change cinq
lettres pour quatre pastilles en couleur, c'est à peu près ça?
M. Heppell (Benoit) : On
change 20 chiffres pour quatre lettres, et vous pouvez être vert une
journée...une année... Il y a moins de 30 % de ma clientèle qui ne vient pas
dans l'année, il y en a qui viennent 14 fois, mais, l'année d'après, ils ne
viendront peut-être pas. Alors, je ne le sais pas, là, effectivement. Et les
plus vulnérables, ceci dit rapidement, les plus vulnérables, si on veut les
voir, on ne fera pas de volume, là, parce qu'ils prennent du temps, là. Ça fait
que ça ne marche pas ensemble, ces deux demandes-là.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre réponse.
Une voix : C'est comme un feu
de circulation, il passe au vert, il devient rouge, c'est comme ça.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Alors, je tiens à représenter les
représentants de la FMOQ pour leur participation à notre commission.
Et, sur ce, je vais suspendre les travaux
pour laisser place au prochain groupe. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 05)
(Reprise à 11 h 08)
Le Président (M. Provençal)
:S'il vous plaît! On reprend les
travaux. Merci. Alors, nous poursuivons notre séance de travail de ce matin
avec la Fédération des médecins spécialistes du Québec et leurs représentants,
Drs Oliva, Gagnon, Duong et Barouche. Alors, je cède la parole au président.
M. Oliva (Vincent) : Merci.
Bonjour à tous. Donc, je suis Dr Vincent Oliva, radiologiste d'intervention au
CHUM, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec,
accompagné de docteur Gabrielle Gagnon, qui est hémato-oncologue à Rimouski, Dr
Duong, qui est spécialiste en médecine interne dans Lanaudière, et Mme Karine
Barouche, qui est actuaire à la Fédération des médecins spécialistes.
Donc, M. le Président, 45 minutes pour
parler d'une réforme qui pourrait mettre encore davantage en danger l'avenir
des soins spécialisés au Québec, une audition annoncée à peine cinq jours
ouvrables à l'avance. Le projet de loi n° 106 incarne
une tendance lourde du gouvernement de la CAQ : gouverner par décret,
centraliser les pouvoirs, imposer des conditions. Une fois encore, une loi
spéciale déguisée pour imposer ce qui n'a même pas été discuté à la table de
négociation, une gouvernance à coups de règlements, dans le dos des
professionnels et même des autres parlementaires.
La fausse prémisse du projet de loi n° 106 : les médecins spécialistes ne sont pas assez
performants. Dans les médias, le ministre a d'ailleurs laissé entendre que les
médecins n'en faisaient pas assez, qu'ils devaient en faire plus et qu'ils
laissaient tomber leurs patients le vendredi après-midi, que certains
chirurgiens ne se présentaient pas pour opérer leurs patients, que des patients
passaient le week-end à l'hôpital parce que les médecins refusaient d'aller
leur donner congé. Ces propos sont insultants. Par de fausses anecdotes, le ministre
laisse entendre que des cibles de performance protégeraient le réseau contre la
délinquance des médecins.
• (11 h 10) •
Sur le plan de la performance, depuis
2011, l'offre de services des médecins spécialistes s'est maintenue, en termes
de volume d'activité, malgré une médecine plus complexe, des années de pandémie
et un manque de ressources. Le ministère de la Santé évoque dans son propre
plan stratégique la rareté de la main-d'œuvre, les limitations des ressources
techniques, informatiques et humaines...
M. Oliva (Vincent) : ...au
moins, jusqu'en 2030, et le vieillissement de la population et le manque de
relève qui créent un déséquilibre dans le réseau de la santé et des services
sociaux, ce sont leurs propres mots. Dans ce contexte, les médecins
spécialistes pourraient-ils en faire plus? Chose certaine, ils voudraient en
faire plus, mais nous avons besoin des conditions de base pour y arriver.
Pendant que les blocs opératoires ferment par manque de personnel, que les
hôpitaux du Québec sont en piteux état, que les équipes implosent faute de
soutien, tout ce que nos membres demandent, c'est d'avoir les moyens de
soigner, et au lieu de ça, on leur dit : Performez plus, soignez plus.
Faites-en plus avec moins. Et si ce n'est pas assez, sans égard à ce que vous
faites individuellement, on pourrait vous couper 25 % de votre
rémunération.
Dans le projet de loi, on parle de
performance des médecins, mais jamais de la performance du gouvernement, du
ministère et de Santé Québec. Nous, on demande au gouvernement, au nom des
patients, d'avoir des outils à jour pour améliorer la prise de rendez-vous,
moderniser les équipements médicaux, les systèmes informatiques et rénover les
infrastructures croulantes. Voici la réponse donnée. Ça, c'est la clé de voûte
du système de santé, une équation incompréhensible version ministère de la
Santé et des Services sociaux du Québec, où la responsabilité collective
devient une abstraction bureaucratique. Espérons que le ministère aura un
meilleur système que SAAQclic pour faire fonctionner tout ça.
Mais dans un contexte où les ressources
manquent, les blocs opératoires ferment et les effectifs fondent, sur quoi se
basera cette performance, sur des indicateurs définis unilatéralement? On va
imposer encore plus d'obligations aux médecins, mais rien ne sera exigé du
ministère ni des gestionnaires. Pas une ligne non plus sur la responsabilité de
Santé Québec ou du ministre lui-même. La vie est belle. On parle de
performance. Pourquoi les blocs opératoires ne roulent pas à pleine capacité?
Pourquoi y aura-t-il une seule salle d'opération ouverte cet été pour tout
l'Outaouais? Pourquoi nos membres, par exemple, en télésanté, n'ont-ils pas
accès à des outils pour bien effectuer leur travail? Ce sont là des questions
essentielles. La réponse facile : blâmer les médecins. Pourtant, les
médecins ont bien plus besoin d'une tape dans le dos que dans le visage.
La population du Québec vieillit, on le
sait tous, les médecins spécialistes aussi, 30 % ont plus que 55 ans.
À force de menaces, de contraintes et de sanctions, nombreux sont les médecins
qui vont simplement décrocher. C'est malheureusement déjà commencé. Pensez-y,
30 % de quelque 10 000 médecins spécialistes répartis dans
59 spécialités médicales ont plus que 55 ans. C'est une corde
précieuse, essentielle, mais qui est fragilisée. Que leur offre-t-on de
l'insécurité, de la confusion, une perte de sens accentuée par des lois comme
celle-ci? La médecine ne se pratique pas dans un climat de méfiance
institutionnalisée, elle exige du respect, de la confiance, de la
collaboration. Pendant ce temps, le vrai réseau, celui qui soigne, s'essouffle.
Sur le terrain, des centaines de témoignages s'accumulent.
La page Spotted : Soigner au Québec
en est un reflet poignant. On y lit des cris du cœur, des confessions, des
témoignages et surtout un ras-le-bol des médecins face au manque de respect
pour leur travail. Je vais vous citer quelques passages : «Je veux
travailler, je veux soigner, mais le système me met des bâtons dans les roues
tous les jours, nous avons sept locaux pour 14 médecins.» Un autre qui
dit : Je suis spécialiste, je suis démoli, démoralisé, j'en ai assez.
Pourtant, j'étais parmi les plus motivés et dévoués.M. Dubé aurait dû être
pompier, car il a éteint la flamme qui m'animait.» Un autre qui dit :
Avant de partir vous pouvez être certain que nous nous battrons jusqu'au bout
pour empêcher de détruire complètement le système de santé et creuser le plus
gros exode de talents médical de l'histoire du Québec. L'imputabilité du
gouvernement, elle arrive quand?» Une citoyenne : Vous êtes en train de
couper les ailes de vos anges de la COVID.» Un autre qui dit : Une chance
qu'on n'a pas le droit à la CNESST, ça coûterait cher en burn-out.» Une
pathologiste de la région de Québec, mais pas pour longtemps : «Je
quitterai pour une autre province dans quelques semaines. Dans mes
16 années de carrière, revenir au Québec aura été une immense erreur de
parcours.» Et, enfin, «je crois que vous êtes en train de briser ce qu'il reste
de loyauté dans le réseau». Fin des citations.
M. le Président, j'aimerais obtenir
l'autorisation pour déposer ce document qui rassemble quelques témoignages
reçus. Ça, c'est seulement ceux des médecins spécialistes.
Le Président (M. Provençal)
:Oui, vous le transmettrez à la...
Le Président (M. Provençal)
: ...de la commission pour qu'il soit disponible à
l'ensemble des membres de la commission.
M. Oliva (Vincent) :
Puis je vous conseille sincèrement de les lire, parce que c'est très
instructif, là. Puis il y a des... Évidemment, j'ai choisi quelques citations,
pas les plus dramatiques, mais je pense que c'est très instructif sur la
réalité des médecins du terrain puis je pense qu'il y en a qui apprendraient
beaucoup là-dedans ce qu'il se passe dans le réseau. Donc, le p.l. n° 106 est une goutte de trop. Le dialogue est... Le
dialogue est absent. On sape le processus normal de négociation, on impose des
changements majeurs aux conditions de pratique des spécialistes pour, au fond,
faire diversion sur les promesses non tenues du gouvernement avant les
prochaines élections. Tout ça sous un vernis de consultation de
45 minutes. Le projet de loi n° 106 n'est pas
une réforme, il doit être suspendu. Ce qu'on propose plutôt, c'est de s'asseoir
ensemble, sans menaces ni insultes, pour permettre de mettre en place des
solutions. C'est la voie de la collaboration en prenant chacun nos
responsabilités pour vraiment améliorer les services à la population. Merci à
tous.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Est-ce que certains de vos collègues, il
reste à peu près deux minutes, voudraient s'exprimer?
M. Oliva (Vincent) :
Non. On va répondre aux questions. Je voudrais juste mentionner qu'il y a aussi
plusieurs médecins dans la salle, du terrain, qui sont venus parce que leurs
locaux ont été annulés et il y en a certains qui devaient soit faire des
interventions, soit voir des patients. Faute de locaux, ils ont décidé de venir
nous écouter.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Dr Oliva. Alors,
M. le ministre, on débute l'échange.
M. Dubé : Merci beaucoup,
alors, Dr Oliva, puis à vos collègues. Encore une fois, c'est un plaisir de
vous rencontrer. Puis je veux saluer aussi tous les médecins qui sont venus aujourd'hui.
Un peu, comme je l'ai dit tout à l'heure, à la FMOQ, ce n'est pas des choses
faciles que vous dites, mais je pense qu'on est là pour ça. Puis j'ai toujours
dit qu'il fallait avoir de l'écoute pour être capable de bonifier, ce qu'on
essaie de faire tous, et d'améliorer l'accès pour les patients. Ça fait que je
comprends. Vous avez un rôle à jouer aujourd'hui puis je l'accepte. Je
l'accepte. J'aimerais peut-être quand même préciser quelque chose, là. Puis je
vais essayer d'y aller... de ne pas y aller en ordre d'importance. Mais, encore
une fois, il y a plusieurs choses qui ont été dites au cours des dernières
semaines. Puis, comme j'ai salué ce matin le fait que vous avez dit que vous
étiez heureux de continuer à être aux tables de négociation pour essayer de
trouver des solutions, je veux saluer le fait que vous l'avez dit parce que,
moi, je pense que mon objectif, c'est que les négociations continuent. Alors
donc, je l'ai mentionné publiquement, puis j'ai dit que les... les gros mots,
des deux côtés, on devrait mettre ça de côté parce que ce qu'on veut, c'est...
Les Québécois ne veulent pas de chicane. Puis je pense qu'il faut trouver la
façon. Bon. On a chacun notre rôle, là, mais je vous dirais que si on a déjà
réussi à... que vous soyez à la table de négociations, je pense qu'on peut
avoir un été productif à trouver une solution d'ici la fin de l'été. Alors, je
le salue puis je...
M. Oliva (Vincent) : Si
vous permettez...
M. Dubé : Pardon.
M. Oliva (Vincent) : Si
vous permettez, M. le Président, j'apprécie l'ouverture. Puis, effectivement,
on est ouverts à trouver des solutions, puis la négociation, les gens pensent
que c'est juste une question d'argent. Nous, on l'a dit d'entrée de jeu, les
questions d'argent, on laisserait ça à un arbitre. Là, nous, ce qu'on veut,
c'est trouver des solutions. On en a, des solutions. Donc, on apprécie cette
ouverture-là.
M. Dubé : Puis de la même
chose de mon côté. Puis c'est pour ça que je pense que j'aimerais, j'aimerais
vous parler de certains principes. Parlons des principes. Bon, je vous ai
entendu dire et je voudrais qu'on le clarifie au cours des prochaines semaines,
là, avec mes collègues du Trésor, qu'il n'y avait pas d'autres endroits dans le
monde où il y avait une partie de la rémunération du médecin., puis là je ne
veux pas jouer sur les mots, là, que ça soit à la performance ou aux résultats,
il y a beaucoup d'autres endroits dans le monde où ça se fait. Et je me
souviens parce que j'ai demandé à nos gens de dire, exemple, qu'est ce qu'il se
passe en Angleterre, qu'est-ce qu'il se passe en Nouvelle-Zélande. Puis là je
ne parle pas des systèmes américains qui sont privés, là, je parle de systèmes
publics. Donc, il y en a des endroits où il y a une partie de la rémunération.
Puis je voulais juste dire que, moi, j'ai entendu, puis là, je ne sais pas si
c'est de vous ou d'autres personnes, mais de la fédération qui disait que ça
n'existe pas ailleurs. Je veux juste vous dire, on aura la chance, puis je
pense qu'on donnera des exemples que ça se fait ailleurs. Bon. Puis je le dis
sur un ton où on pense qu'on apprend tout le monde, chacun de notre côté.
• (11 h 20) •
Bon. Maintenant, quand... Je veux donner
deux exemples aux Québécois qui me préoccupent beaucoup. Puis je pense que j'en
ai parlé avec vous. Moi, ça fait quand même cinq ans que je suis à la Santé,
puis ça fait quand même votre deuxième mandat que vous renouvelez à la FMSQ.
Donc, ça fait plusieurs fois qu'on se parle. J'ai deux grandes préoccupations,
les chirurgies puis...
M. Dubé : ...CRDS. Moi, en ce
moment, là, si j'avais à... pas que le reste n'est pas important, mais si
j'avais à focusser sur deux éléments, c'est le rattrapage des chirurgies puis
le centre de rendez-vous pour un spécialiste, bon.
On va parler des chirurgies, parce qu'où
vous avez raison, puis je vous l'ai déjà dit, puis je vous l'accorde... Est-ce
que le gouvernement peut faire mieux pour donner les bons outils? On est tous
d'accord avec ça. Puis je pense qu'on a des gens de Santé Québe qui sont là,
avec Maryse qui vient d'arriver, qui a remplacé M... une P.D.G. qui connaît le
réseau. Mme Biron lui a demandé de se concentrer sur ça puis de faire les
analyses de salles qui ne sont pas disponibles, etc. On est là-dedans, on est
là-dedans, «big time».
J'ai été un petit peu surpris de vous
entendre, que vous vouliez vous retirer du DSN. Ça, ça m'a chicoté un petit
peu. DSN, pour que les Québécois comprennent, c'est le système informatique
qu'on veut faire pour que les Québécois puissent avoir ça sur leurs téléphones.
Là, en tout cas, peut-être que j'ai mal entendu, moi, on m'a dit ça, ce matin,
que vous aviez dit ça, ça fait que je voudrais juste... Mais je vais revenir
sur la partie qu'on peut travailler ensemble, sur les chirurgies, O.K.? Ça fait
que je vous donne... je vous l'accorde, je le répète, là, je vous le raccorde,
qu'on peut faire mieux dans nos salles d'op, qu'on peut faire mieux dans nos
hôpitaux. On met de l'argent. Est-ce que c'est assez? On en met déjà beaucoup.
Je reviens sur les... ça fait trois fois que je le dis, je reviens sur les
chirurgies. Le bout qu'on peut faire, on va le faire. Puis s'il faut que je
l'engage, je ne sais pas comment je vais faire pour l'engager, mais je vous dis
qu'on va le faire.
Par contre, de votre côté, ce que
j'aimerais comprendre, puis, quand on a fait le projet de loi n° 15,
puis on en a discuté, on a mis, entre autres, l'équivalent d'un DRMG, hein...
Là, je m'excuse parce que je parle... je parle à des spécialistes qui sont dans
la salle, là, DRMG, c'est le directeur médical pour les médecins de famille,
mais on n'avait pas l'équivalent pour les spécialistes, hein? Puis là on a
dit : Bien, on veut s'assurer qu'il y ait quelqu'un qui est un
administrateur, qui est capable de dire à ces spécialistes : Bien là,
c'est quoi, la couverture médicale que vous donnez, il y a-tu des déficits de
couverture, etc.? Ça fait qu'on a mis cette personne-là dans chacune de nos
régions. Aujourd'hui, ce qui me tracasse un peu, c'est quelle est la partie
que vous pensez qu'on pourrait faire autrement dans le rattrapage des
chirurgies? Parce que ce que j'entends, puis peut-être à tort... Alors, je vous
donne la chance d'en parler puis de l'expliquer aux Québécois. Souvent, la
priorité d'une salle d'op est décidée en fonction de la disponibilité du
médecin et non de la priorité du patient. Alors, moi, quand je regarde le
rattrapage des chirurgies, qui a quand même avancé du côté des plus qu'un an,
on en avait 20 quelques milles, on est rendu à 6 000, bien, comment ça se
fait qu'on n'est pas capable de descendre ça plus vite? Si on disait, bien...
on peut-tu, entre médecins : Écoute, moi, bien, j'ai des patients... j'ai
des patients... je l'ai déjà entendu de médecins : Je ne comprends pas que
j'ai des patients, moi, que je pourrais passer plus rapidement parce qu'ils ne
sont plus en retard, dans la salle. Comment ça se fait que ce n'est pas... le
directeur médical peut dire : bien, regarde, peux-tu oublier ta salle cet
après-midi pour que je puisse la passer à quelqu'un d'autre? Ça, c'est quelque
chose que vous, vous contrôlez. Ça, c'est quelque chose que vous, vous
contrôlez, que le spécialiste peut dire : Bien, si on travaille mieux
ensemble... puis c'est ça qu'on dit, ici, travailler autrement, expliquez-moi
comment ça se fait que quand on fait 500 000 chirurgies par année,
500 000, on n'est pas capable d'éliminer 6 000 personnes sur une
liste d'attente de plus qu'un an?
M. Oliva (Vincent) : M. le
Président, puis je le dis avec respect, c'est presque un monologue, là, mais
dans ce que vous avez dit, il y a quand même plusieurs questions. Je vais
essayer de répondre du mieux que je peux. Pour les indicateurs ou les...
M. Dubé : ...ça fait que je
vais prendre mon temps là-dessus.
M. Oliva (Vincent) : Parfait.
Pour les indicateurs ou les cibles liés à la rémunération, le problème, c'est
qu'ici, contrairement à d'autres milieux ou d'autres juridictions, on n'est pas
payé à salaire. Il y a des endroits où le médecin, on lui accorde une somme
d'argent, puis, évidemment, là, il faut qu'il y ait des cibles associées à ça,
mais nous, on est rémunérés à l'acte, qui est déjà un incitatif à faire de la
production parce qu'un médecin qui ne travaille pas n'est pas payé, alors...
M. Dubé : ... des
anesthésistes qui ont des frais de base, etc., là, je veux dire, on...
M. Oliva (Vincent) : Mais il
y a toujours une partie... C'est ça.
M. Dubé : je ne veux pas
rentrer dans le détail, mais ce n'est pas tout à fait exact, ce que vous dites.
M. Oliva (Vincent) : Mais mon
point est qu'il y a toujours... Mais tout ça, c'est des choses qui se discutent
à la table.
M. Dubé : Voilà. Voilà. Mais
ça se fait ailleurs, ça se fait ailleurs.
M. Oliva (Vincent) : Bon.
Maintenant, pour revenir aux chirurgies, il faut juste comprendre que c'est des
vases communicants. On peut bien diminuer les chirurgies en attente de plus
qu'un an, parce que c'est ça qu'on veut diminuer, puis on comprend qu'il y a de
la pression, c'est très visible, les gens voient ça, mais, globalement,
l'attente en chirurgie, si on calcule tous les patients qui attendent, n'a pas
changé beaucoup. Ça fait qu'on va prioriser ça au détriment d'autres choses,
mais ce qu'il faut comprendre... Quand une administration hospitalière met de
la pression pour que les chirurgiens baissent leur liste d'attente de plus
qu'un an, bien...
M. Oliva (Vincent) : ...dans
ces listes d'attente, il y a des oreilles décollées, O.K.? Puis, en
contrepartie, il y a des cancers du rectum puis des cancers du foie. Alors, ces
cas-là vont toujours être priorisés. Vous comprenez? Alors, il y a là-dedans
une question d'urgence médicale. Après ça, est-ce qu'on pourrait mieux
organiser les blocs opératoires pour être plus efficients avec le temps qu'on
a? Absolument. Je vais passer la parole à Dr Duong, qui a un exemple à
vous donner dans son milieu.
M. Dubé : Est-ce que vous
allez me laisser un petit peu de temps pour parler du CRDS aussi? Parce que
c'est important qu'on fasse les deux.
M. Oliva (Vincent) : Tout à
fait.
M. Dubé : Parce que
900 000 personnes en attente sur le RDS, vous savez que ça me
dérange. Allez-y.
M. Duong (Hoang) : Bonjour, M.
le Président. Moi, je travaille à l'Hôpital Pierre-Le Gardeur, qui est situé
dans Lanaudière. Et puis dans l'hôpital, la direction, depuis une semaine, a
pris une décision à réorganiser le travail de désinfection, de ménage des
salles d'opération la nuit. Et la conséquence, c'est que, quand le bloc
opératoire est particulièrement occupé la nuit, bien, le personnel n'a plus le
temps de faire le ménage. Et la conséquence, c'est que le bloc n'est pas prêt à
opérer à 8 heures. La conséquence directe, là, c'est que ça fait trois
jours d'affilée que le temps opératoire à l'Hôpital Pierre-Le Gardeur est
amputé de 45 minutes. Sept salles d'opération, 45 minutes par salle
d'opération qui sont coupées à cause d'une décision de réorganisation de
gestion qui n'a nullement impliqué les médecins. Et donc les médecins, on n'a
pas de difficulté à être imputable, mais on veut être imputables de ce qu'on
contrôle. Mes collègues à l'Hôpital Pierre-Le Gardeur n'ont aucunement contrôlé
ça.
Un autre exemple, dans l'Outaouais...
M. Dubé : Mais je comprends,
je comprends, puis c'est pour ça que j'ai demandé à Mme Poupart d'être là
aujourd'hui, parce que Mme Poupart, qui a pris la place de... va se
préoccuper de ça pour s'assurer qu'on comprend ça. Mais moi, ce n'est pas ça,
ma question. Ça, c'est notre bout à nous, à Santé Québec, à faire. Moi, ce que
je vous dis, vous, là, si vous avez un collègue qui a une salle d'opération,
qui est disponible habituellement pour lui le jeudi après-midi, puis là, tout
d'un coup, vous dites : Bien, peut-être que ça serait bon parce que lui,
il y a des patients en attente depuis plus qu'un an, est-ce que vous seriez
prêt à lui prêter votre salle pour qu'il soit capable de faire son patient,
puis, après ça, on revient? Moi, je dis : Est-ce que ça doit être un
horaire qui est basé sur la disponibilité du médecin ou un horaire qui doit
être basé sur la priorité du patient? Je vous poserais ça comme question.
M. Duong (Hoang) : Bien, M. le
Président, je suis heureux que le ministre parle de disponibilité. Dans
l'Outaouais, il va y avoir une salle d'opération pour une population de
500 000. Et c'est ironique parce que cette fin de semaine, le gouvernement
a payé une pleine page de publicité, et je me permets de citer la phrase,
là : «L'objectif est clair, on veut que les médecins soient disponibles
quand les patients en ont besoin». Bien, moi, je peux vous dire une chose, les
patients de l'Outaouais, ils ont besoin de se faire opérer maintenant, les
médecins sont disponibles maintenant et c'est le réseau de la santé qui est
géré par M. le ministre, qui ne fait pas sa partie du contrat.
M. Dubé : O.K. Alors, vous
n'avez pas répondu à ma question. Je vous ai demandé si vous étiez prêts à
passer votre salle d'opération à un médecin qui a un cas plus prioritaire.
Êtes-vous prêt à le faire ou pas?
M. Oliva (Vincent) : M. le
Président, c'est des choses qui se discutent dans l'organisation des soins qui
se font couramment. Il faut savoir aussi qu'évidemment...
M. Dubé : Bien, comment ça
fait, quand on fait 40 000 chirurgies par mois, qu'on n'est pas
capable d'en régler 6 000 sur la liste d'attente? Expliquez-moi ça.
M. Oliva (Vincent) : Chaque
minute de bloc opératoire disponible est utilisée par un chirurgien. Après
ça...
M. Dubé : Ce n'est pas ça que
j'ai demandé.
M. Oliva (Vincent) : Oui,
mais c'est quand même ça.
M. Dubé : O.K., on va aller
sur le CRDS, Dr Oliva.
M. Oliva (Vincent) : Alors,
le CRDS...
M. Dubé : CRDS,
900 000 personnes qui attendent.
M. Oliva (Vincent) : ...900 000
patients qui attendent, beaucoup de médecins qui attendent des locaux, qui
attendent des disponibilités pour voir ces patients-là. Les patients, la
population et les médecins attendent un système qui est moderne, qui
fonctionne, qui attendent aussi un système de confirmation des rendez-vous
parce qu'il y a beaucoup de patients qui ne se présentent pas, pas parce qu'ils
ne veulent pas, mais parce qu'ils essaient d'annuler. Essayez d'appeler dans un
hôpital, vous, pour annuler un rendez-vous, vous allez tomber dans une
succession de boîtes vocales. L'organisation du travail dans des locaux,
peut-être Dre Gagnon pourrait nous en dire un mot parce qu'elle en fait,
du CRDS.
Mme Gagnon (Gabrielle) : Je
fais du CRDS.
M. Dubé : Parce que j'ai une
question pour vous après ça.
• (11 h 30) •
Mme Gagnon (Gabrielle) : C'est
bon. Je suis hématooncologue, donc je travaille avec des patients qui sont
atteints de cancer, qui pense cancer, pense chimiothérapie. Donc, la façon dont
les soins sont organisés, c'est que la clinique où on voit nos patients est à
côté de la salle de traitement où nos patients reçoivent la chimiothérapie. La
chimiothérapie peut amener des effets secondaires assez graves, donc le
personnel soignant vient nous chercher quand un patient qui est en détresse et
ça peut aller jusqu'au... l'arrêt cardiorespiratoire. Donc, pour éviter les
délais, les patients ont un système de cloche, donc on leur met dans la main,
et puis là, quand ils sont sur le bord de perdre connaissance...
11 h 30 (version non révisée)
Mme Gagnon (Gabrielle) : …où
ils ont un malaise. Ils appuient, et ça fait comme dans les avions. Il y a une
petite lumière qui allume au-dessus de la salle de la… de la chaise de
traitement et donc les gens se déplacent rapidement. Bien là, ça fait plusieurs
mois que le système de cloche ne fonctionne pas, donc on a fait des démarches à
plusieurs reprises et on nous a dit qu'on allait régler ça en 2026-2027. On
était sur la liste de priorité. J'ai 20 salles… 20 chaises de
traitement, deux dans des salles qui ne sont pas visibles du poste. Alors, on
nous a proposé un système qui date des années 1800 et qu'on remet au
patient…
M. Dubé : Une cloche.
Mme Gagnon (Gabrielle) : O.K.
C'est vrai, là, je l'ai ramenée de la salle de traitement, j'ai vu ça la
semaine…
M. Dubé : Est-ce qu'elle
fonctionne… est-ce qu'elle fonctionne, la cloche?
Mme Gagnon (Gabrielle) :
Bien, je vous donne…
(Interruption)
M. Dubé : O.K., elle
fonctionne au moins, madame...
Mme Gagnon (Gabrielle) : Oui.
Alors je vous donne… Faites-la sonner assez fort pendant que vous perdez
connaissance plusieurs fois pour que je sache où est-ce que vous êtes et que je
l'entende à 20 pieds.
M. Dubé : O.K. Vous avez des
très bonnes personnes en communication. J'en reconnais quelques-unes dans la
salle. Mme la docteure, j'aimerais vous dire deux choses, là, vous me parlez
des choses que nous, on peut contrôler.
Mme Gagnon (Gabrielle) : Oui.
Exact.
M. Dubé : Moi, ce que je
demande, c'est qu'est-ce que vous ne contrôlez...
Mme Gagnon (Gabrielle) : La
seule chose que...
M. Dubé : Attendez, je vais
vous poser ma question.
Mme Gagnon (Gabrielle) : Allez-y.
M. Dubé : Parce qu'il me reste
juste deux minutes. Moi, je fais la note suivante. Je regarde les priorités des
900 000 personnes qui attendent sur le CRDS. Tous les codes A, B et C qui
impliquent une chirurgie sont faits à temps, les D et E qui n'impliquent pas de
chirurgie, c'est ça qui augmente la liste d'attente. Est-ce que ça veut dire
que les médecins qui font des chirurgies privilégient de faire de la
consultation sur les cas de chirurgies et non sur les cas qui nous sont
demandées par les médecins… Parce que... Parce que je vous dis, regardez la
liste d'attente puis il y a des gens qui nous écoutent aujourd'hui, là, on va
le montrer, ce qui fait augmenter à tous les mois, à tous les années… à toutes
les années, les cas de CRDS, c'est les D et E qui ne sont pas reliés à des
chirurgies. Ça veut dire qu'il y a des médecins peut-être, pas mal intentionnés,
qui disent : Moi, ce que je vais voir, c'est consulter des médecins… des
patients qui ont besoin d'une chirurgie. Les autres, ça m'intéresse moins.
Mme Gagnon (Gabrielle) : Je
ne contrôle pas la demande. O.K., il y a une demande infinie avec des besoins
infinis. Moi, je n'opère pas. Alors, je n'irai pas privilégier des patients qui
ont besoin de chirurgie, vous comprenez? Je peux juste contrôler mon offre…
M. Dubé : Mais je parle pour l'ensemble
de toutes les spécialités dont on parle.
Mme Gagnon (Gabrielle) : Je
peux juste contrôler ma disponibilité. Depuis 2006, je travaille à Rimouski. J'ai
le droit à deux jours à la clinique externe, pas trois, pas quatre comme j'en
voudrais. J'ai le droit à deux jours de clinique externe par semaine. Pourquoi?
Parce qu'on est trop de médecins, il n'y a pas assez de locaux, et on nous dit
qu'on ne peut juste être disponibles et ils peuvent juste nous fournir les
services deux jours.
M. Dubé : J'apprécie
énormément le travail que vous faites, énormément, énormément.
Une voix : …
M. Dubé : On va faire le… Mais
je veux juste bien comprendre qu'est-ce qui peut être fait de votre côté. Vous
le faites, mais il y a des choses qu'on peut améliorer et l'ordonnancement de
travailler autrement pour des gens qui font des chirurgies, si ce n'est pas
votre cas, c'est correct, je le comprends. Mais je veux dire qu'il y a quand
même 500 000 chirurgies qui se font chaque année, il y a… la moitié du 5 milliards
qui est payé aux médecins spécialistes est pour de la consultation, alors qu'on
paie 2 milliards et demi, puis qu'il y ait 900 000 Québécois qui
sont en attente, il y a quelque chose qui ne marche pas, là... puis doit faire
les choses autrement, voilà.
Le Président (M. Provençal)
: Merci, M. le ministre. M. le député de Pontiac, on
poursuit.
M. Fortin :C'est impressionnant, M. le Président, à quel point le ministre
semble vouloir prendre le blâme de son échec, puis le mettre sur les épaules de
quelqu'un d'autre. Le ministre qui nous dit, là, il a répété je ne le sais pas
combien de fois, là, le bout qu'on va… qu'on peut faire, on va le faire. Ça
fait cinq ans qu'il est ministre, puis ce n'est pas la première été, cet été, qu'il
va y avoir une salle d'opération à l'hôpital de Gatineau. Ce n'est pas la
première fois. C'était comme ça l'été passé. Puis vous avez fait quoi depuis ce
temps-là? Rien. Il n'y a rien qui a changé à l'hôpital de Gatineau. C'est la
même situation que l'année passée. Une salle d'opération pour le plus grand
hôpital en Outatouais, une. Puis après ça, vous allez dire à ces gens-là ici,
là, puis à tous leurs collègues partout à travers le Québec, si vous avez… n'arrivez
pas à repérer 100 % des patients qui sont au-delà d'un an, bien, c'est
vous qui va porter le blâme de ça.
L'hôpital ne leur donne pas les
ressources. Comment voulez-vous qu'ils le fassent? Le bout qu'on peut faire, on
va le faire. Le ministre l'a répété trois fois. Ça fait des années qu'on attend
qu'il le fasse. Puis là, il ne peut pas dire : Ah! c'est dans le temps,
là, c'est comme ça dans le temps des libéraux. C'était comme ça dans le temps
des péquistes avant, ce n'est pas vrai. Il y avait sept salles d'opération sur sept
qui roulaient. Aujourd'hui, il y en a une, il y en a une seule depuis plusieurs
années. Puis, dans les crédits, on vous a demandé votre plan de match pour l'hôpital
de Gatineau et vous n'en avait pas. Il n'en a pas. Vous n'en avez pas, Santé
Québec n'en a pas. La question a été posée et répétée, et la réponse, c'était :
rien. Là, le ministre a passé une bonne partie, la grande partie, la majorité,
là…
M. Fortin :...là, de son... je veux dire échange, là, mais c'était
plus un monologue, là, avec vous, là, à dire essentiellement qu'il y a un enjeu
de priorisation au niveau des chirurgies, qu'on n'arrive pas à son objectif,
qu'il s'est lui-même fixé, pour les 6 000 patients, parce que vous
n'acceptez pas de prêter ou certains spécialistes n'acceptent pas de prêter la
salle d'op à un autre spécialiste pour qu'on arrive à son objectif à lui.
Moi, j'ai une question pour vous, là.
Est-ce que la priorisation des patients est tout croche au Québec en ce moment?
Est-ce qu'elle est... Est-ce qu'on priorise des patients qui ne devraient pas
être priorisés au Québec en ce moment?
M. Oliva (Vincent) : Bien,
écoutez, c'est une question quand même qui est complexe. Le problème, c'est que
la demande est beaucoup plus grande que l'offre. Alors là, ça se bouscule aux
portes, et puis on ne sait plus trop quel patient faire rentrer. Puis
évidemment on comprend très bien que ce n'est pas acceptable que les patients
attendent plus qu'un an, sauf qu'entre ça il y a des patients... puis je
comprends que c'est dramatique d'attendre pour un remplacement parce qu'on est
immobile, etc., mais le problème, c'est que, si on attend un mois de plus pour
un cancer, par exemple, du rectum, bien, peut-être que ça va changer sa survie.
Alors, je parlais de priorisation dans ce sens-là.
À peu près tous les chirurgiens ont des
patients de plus qu'un an, O.K.? Donc, ce n'est pas en demandant à un
médecin : Bien, laisse ta place, que ça va fonctionner. De toute façon,
dans une organisation de soins, le chirurgien, il ne peut pas dire : Moi,
je vais opérer de 8 à 10, après ça je vais aller me tourner les pouces jusqu'à
2 heures, puis là tu vas revenir. Tu sais, pour être plus efficace, il faut que
le chirurgien ait sa journée puis organise ses cas, puis là-dedans il met un
mix de patients qui ont plus qu'un an, puis il intercale aussi des patients qui
sont plus urgents ou qui ne peuvent pas attendre.
Alors, je ne dirais pas que ce qui est
limitant, c'est la façon ou le mix de cas qui est mis à l'horaire. Ce qui est
limitant, c'est le temps opératoire. On voudrait plus de journées opératoires.
C'est ça, le facteur limitant, puis c'est le fait que, par exemple, ils ont
coupé des gens pour faire le ménage dans les salles. Alors, c'est vrai que la
salle d'opération commence à 8 h 45 à la place de 8 h, O.K.? Ça, c'est un
exemple concret, là, qu'on vit cette semaine. L'autre chose, c'est les derniers
cas, qui sont souvent annulés parce qu'on ne veut pas déborder parce que
l'administration, souvent, refuse de payer en temps supplémentaire si ça
déborde. Ça, c'est des problèmes concrets. Après ça, le mix de cas, oui,
là-dessus, les chirurgiens sont très souples, et ça s'organise bien, il n'y a
pas de problème.
M. Fortin :Très bien. Parce que ce que le ministre nous dit,
essentiellement, là, ce qu'on en comprend, c'est : Moi, j'ai un objectif,
moi, j'ai 6 000 patients, là, que vous devez voir prioritairement. Mais le
problème avec ça, c'est que ce n'est pas l'objectif qu'il s'est fixé la
dernière fois qu'il s'est fixé un objectif. Dans le premier plan de rattrapage,
là, c'était le montant global, le chiffre global, les 100 000, il faut
revenir à 100 000 patients sur la liste d'attente. Alors, on vous a donné
un objectif... ou on s'est donné un objectif il y a trois ans, quand le
ministre a déposé son premier plan de rattrapage. Aujourd'hui, on en donne un
autre. Peut-être que ça va en être un autre demain. Mais, en faisant ce
changement constant là, ça ne vous aide pas non plus à comprendre ce que le
ministre veut atteindre comme objectif. Alors, de mettre cet objectif-là sur
vos épaules, alors qu'il change d'une année à l'autre, ça m'apparaît
contre-productif.
Je vous ai entendu tantôt parler du plus
gros exode de talents médicaux. O.K. Qu'est-ce qui va se passer? C'est quoi
votre lecture de ça, par rapport à cet exode-là, là? Il s'en va où? Il va faire
quoi? Qu'est-ce que vous entendez? C'est quoi votre... Si on continue, si on
adopte le projet de loi n° 106, disons tel quel, là, qu'est-ce qui va se passer
concrètement?
M. Oliva (Vincent) : Bien, écoutez,
là, moi, je ne veux pas faire peur au monde et puis sortir des épouvantails,
parce que, tu sais, c'est facile d'entrer là-dedans, mais ce qui est clair...
puis vous avez vu, vous lirez les témoignages, là, les médecins en ont ras le
bol, puis je pense que ça a été la goutte de trop. Puis il y a un sentiment,
vraiment, de blessure, tu sais, de se faire dire : Vous ne travaillez pas
assez, vous devriez en faire plus, vous abandonnez vos patients. Ce n'est pas
vrai. Il faut aller dans un hôpital pour constater que ce n'est pas vrai.
Alors, les médecins sont blessés. Puis, quand ça fait un bout de temps que tu
es là-dedans... Moi, j'ai 61 ans, ça fait 34 ans que je suis dans le réseau.
Moi, me faire insulter, là, à un moment donné, je vais accrocher mon... mes
gants puis mon stéthoscope puis je vais dire : C'est terminé, là. Je veux
dire, j'ai... je peux faire d'autres choses dans la vie. Alors, il y a beaucoup
de médecins qui sont dans cette situation-là.
• (11 h 40) •
C'est comme les... Vous avez cité des
statistiques tantôt. Il y a 30 % des médecins qui ont plus que 55 ans, à peu
près le quart qui ont plus que 65 ans. Quand les médecins sont rendus à 65, 70
ans puis qu'ils restent parce qu'ils disent : Bien, moi, j'ai beaucoup de
patients, puis je ne veux pas les laisser tomber, puis j'aime encore ce que je
fais, mais, si, par exemple, on me, disons, donne des claques dans le visage
puis qu'on me dit que je suis paresseux, bien là, je décroche, puis je vais...
je vais accrocher mon stéthoscope. Alors, tu sais...
M. Oliva (Vincent) : ...je
n'enai pas, de statistiques, puis je ne veux pas vous dire : Bien
là, tout le monde va partir, etc. Mais c'est clair que, chez les jeunes il y a
une réflexion, parce qu'il y a des projets de loi qui ont... qui sont passés
récemment, où ils disent : Bien là, moi, entre venir au Québec puis aller
dans une autre province avec une obligation territoriale, je vais peut-être
choisir d'autres provinces. Puis ça, les étudiants pourront vous le dire, là,
il y a vraiment cette réflexion.
Alors, on a-tu des statistiques? Non. Ce
qu'on dit : Faites juste attention de traiter les médecins avec un certain
respect, tout simplement. Puis je pense que les choses vont mieux se passer, on
est parlable.
M. Duong (Hoang) : Si vous me
permettez, l'exode, là, ça fait appel à la notion de productivité. Puis les
économistes, ils nous disent : On a un manque de productivité au Québec,
je dirais que c'est particulièrement vrai dans le réseau de la santé. Puis la
productivité, ce n'est pas nécessairement travailler plus, c'est travailler
mieux. Et c'est ça qui est le problème avec ce projet de loi n° 106, on
demande à des médecins spécialistes d'en faire plus alors qu'ils travaillent
déjà en moyenne 2 000 heures par année. Et ce qui va arriver, là,
c'est que certains vont tomber malades, d'autres vont abréger leur carrière.
Mais, en revanche, si on donne les ressources appropriées, si on se réorganise,
on va peut-être augmenter notre cadence de 30 %, 40 %, on va rester
en bonne santé puis on va prolonger notre carrière de quatre, cinq ans. Dans
quel système pensez-vous que les Québécois en auront le plus pour leur argent?
Les 900 000 personnes en attente de CRDS, disons-le tout de suite, là,
c'est inacceptable. Les médecins spécialistes, on n'est pas d'accord avec ça. D'ailleurs,
Vincent a déjà proposé au ministre : On va ouvrir les heures défavorables,
on va voir les patients le soir, la fin de semaine. Vincetnt, il a dit ça au
ministre. Mais l'autre chose également, c'est qu'il y a-tu moyen de mieux
s'organiser? Est-ce qu'il y a moyen d'intégrer des outils informatiques qui
vont mettre des algorithmes décisionnels, qui vont diriger le médecin vers
peut-être d'autres outils technologiques?... Encore une fois, pas juste
travailler plus, travailler mieux pour justement venir à bout de cette liste
d'attente dont personne ne veut. Mais ça, ça se fait à la table de
négociations, puis nous, c'est nous-mêmes qui avons demandé à négocier puis on
est toujours prêts à négocier, mais pas un projet de loi.
M. Fortin :Dernière question. Le ministre a répété tantôt, là :
Le bout qu'on peut faire, on va le faire, là. Est-ce que vous considérez que le
ministère, Santé Québec fait son bout en ce moment, pour vous permettre d'être
aussi productifs que vous devriez l'être?
M. Oliva (Vincent) : Bien,
ça, on attend, hein, ça fait longtemps qu'on attend. Il y a eu des promesses
puis, honnêtement... Puis là l'idée, ce n'est pas de se jeter le blâme, mais, à
tout le moins, jetez-le nous pas... pas sur nous, parce que, nous, notre part
de responsabilité, c'est de traiter des patients quand ils vont être devant
nous. Mais donnez-nous les outils, faites votre part, puis on va être au
rendez-vous.
M. Fortin :
Très bien. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Oui, merci.
Bien, merci d'être là puis merci d'être venus avec des médecins qu'on voit en
arrière. Ça me rassure, parce que ma tension monte parfois un petit peu de ce
que j'entends ici, ça me rassure de savoir que quelqu'un viendrait à mon
secours si jamais ça dégénère.
Des voix : ...
M. Marissal : Je ne suis pas
exigeant, vous pourrez me soigner par terre, ici, ça va aller. Blague à part,
j'ai entendu une histoire récemment qui m'a un petit peu inquiété, qui était un
effet secondaire, non désiré de la loi 83. Il semblerait qu'il y ait des
médecins spécialistes qui se sont désaffiliés, qui ont quitté la RAMQ et qui ne
reviennent pas, en ce moment, de peur de ne pas pouvoir ressortir. Ça, c'est un
peu contre-productif, là, parce que l'idée, c'était de les faire revenir. Là,
ils sont sortis de la maison puis ils disent: Moi, je ne veux pas rentrer dans
la maison parce que Santé Québec ne me laissera pas ressortir. C'est un cas,
j'en ai côtoyé. Je ne nommerai aucun nom ni même l'établissement pour lequel
ces gens-là travaillent. Mais, moi, je regarde 106, qui est devant nous, là, si
j'étais médecin spécialiste sorti de la maison, ce serait pour moi un autre
argument de ne pas rentrer dans la maison. Est-ce que je me trompe?
M. Oliva (Vincent) : Non,
vous ne vous trompez pas. Puis d'ailleurs c'est quelque chose que j'avais déjà
dit au ministre dans nos échanges. J'avais dit, dans ce qu'on appelle le «in
and out», des médecins qui rentrent puis qui sortent du privé, en général, ils
sortent, parce que quand on leur donne une priorité opératoire par mois, bien,
il faut bien qu'ils gardent leurs puis qu'ils traitent leurs patients. Donc,
ils vont dans le privé. C'est-tu idéal? Non. On voudrait tous qu'ils restent
dans le public. Mais le «in and out», j'avais dit au ministre : Ce n'est
pas ça qui m'inquiète, c'est le «out». C'est ça qui m'inquiète puis c'est ça
qui est en train de se passer, parce que les règles d'entrée puis de sortie
veulent... doivent être resserrées ou ne sont pas claires, puis les médecins
n'ont pas confiance que ces règles-là vont être claires. Puis il faut
comprendre qu'on peut être contre le privé, mais ces médecins-là, ils ont des
patients de...
M. Oliva (Vincent) :
...et pendant les six prochains mois. Alors, si jamais on les emprisonne dans
le réseau public sans leur donner les ressources, qu'est ce qu'ils vont faire?
Alors effectivement, en ce moment, il y en a qui sortent puis qui ne veulent
pas rentrer, puis ça crée une crise dans certains milieux d'orthopédiste entre
autres.
M. Marissal : O.K. Bien,
c'est à suivre assurément. Vous avez parlé tout à l'heure avec le ministre, là,
dans vos échanges, là, de la flexibilité, là, des médecins. Il y a un cas
récemment qui a fait les manchettes, un cas épouvantable, là, d'une jeune femme
de Val-des-Sources, qui s'appelle Andréanne Lemay-Laroche, je me permets de
nommer son nom puisqu'elle a donné des entrevues, dont la greffe de foie a été
annulée à la toute dernière minute parce que la chirurgienne qui devait le
faire était en vacances. Je présume que la chirurgienne n'a pas décidé de
prendre ses vacances le matin même, là. Ça devait quand même être assez prévu.
Bien ça, c'est un beau cas où on pourrait dire : Franchement, les
médecins, ils ne sont pas trop flexibles. Ces gens-là ont demandé à être vus
ailleurs, dans un autre hôpital. Ils étaient prêts à rouler, là, jusqu'en
Abitibi s'il fallait. On leur a dit : Non, ce n'est pas possible. Puis ça,
c'est-tu de la faute des chirurgiens, c'est-tu de la faute des médecins si on
n'a pas cette flexibilité-là?
M. Oliva (Vincent) :
Honnêtement, pour ce cas-là, moi je ne peux pas commenter. Je ne sais pas ce
qui s'est passé. Je ne sais pas si... est-ce que tu es au courant? Je ne suis
pas au courant.
M. Marissal : Bien,
prenez le cas hypothétique, là...
M. Oliva (Vincent) :
Oui.
M. Marissal : ...de
quelqu'un qui est prévu pour une greffe...
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, M. le député.
M. Marissal : De toute
façon, je n'ai plus de temps mais je vous remercie.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. M. le député des Îles.
M. Arseneau : Merci, M.
le Président. Moi, contrairement à mon collègue député de Rosemont, ça
m'inquiète plutôt de voir des médecins ici qui ne peuvent pas être au chevet
des patients parce qu'il n'y a pas de plateau disponible. Mais ça ne m'empêche
pas de faire de la haute pression aussi par rapport à certains propos qui sont
tenus ici. Mais cela étant, je voulais savoir. C'est comme si on avait une
discussion complètement différente dans un... si on était dans un autre univers
que celui où on était présents ici lorsqu'on discutait de p.l. n° 83,
où on disait : Mais oui, les gens veulent aller au privé parce qu'ils
veulent avoir des plateaux techniques, parce qu'ils veulent opérer, les
spécialistes en particulier. Puis la raison pour laquelle le gouvernement donne
des contrats aux cliniques privées, c'est justement parce qu'il n'a pas la
capacité de fournir. Aujourd'hui, c'est comme si c'était la faute des
spécialistes qui n'ont pas le goût de travailler. J'essaie juste de réconcilier
les points de vue. Pourquoi est-ce qu'on n'aurait pas intérêt à justement
diminuer la liste des patients? Je ne comprends pas le fondement de
l'argumentaire qui dit que les spécialistes ne semblent pas être intéressés à
travailler autant qu'on souhaiterait. Comment vous comprenez ça, vous?
M. Duong (Hoang) :
Honnêtement, en tout respect, il n'y a rien à comprendre. Parce que les
médecins spécialistes, on veut... On trouve ça inacceptable, les listes
d'attente. À l'Hôpital Pierre-Le-Gardeur, la spécialiste en médecine nucléaire
chez nous a tiré sur la sonnette d'alarme. Elle a constaté qu'il y avait des
patients qui attendaient un TEP scan. Un TEP scan, c'est un test très important
pour diagnostiquer le cancer. Et puis les patients attendaient tellement
longtemps que leur cancer s'aggravait, leur état se détériorait et les chances
qu'on puisse les guérir s'amenuisaient. Elle a pris ses responsabilités. Elle a
parlé aux gestionnaires. Quand elle n'a pas eu de réponse, elle est allée voir
les journalistes. Elle s'est fait reprocher de l'avoir fait par les
gestionnaires. Mais l'idée, là, ce qu'elle a mis en exergue, c'est que les
congés n'étaient pas remplacés. Donc, une technologue devenue enceinte, elle
n'était pas remplacée. Surcroît de travail pour les autres technologues.
L'autre technologue tombait malade, elle n'était pas remplacée. Surcroît de
travail.
Puis là je vais citer le plan santé, O.K.
le plan santé du ministre Dubé, page 35 : «Il faut offrir au
personnel des conditions d'exercice qui permettront à la fois de mieux répondre
aux besoins de la population et de préserver un meilleur équilibre travail et
vie personnelle. Pour arriver à cette fin, une capacité excédentaire sera
notamment planifiée pour couvrir les absences prévisibles». Est-ce que... Ce
qu'on vous dit, là, c'est que, sur le terrain, ce n'est pas appliqué. Ce n'est
pas ça qui est fait. Et donc ça n'a pas de ressources. Et les premières
personnes qui sont touchées, ce sont nos patients.
• (11 h 50) •
M. Arseneau :
Dr Oliva, vous avez mentionné, quand mon collègue a demandé qu'est ce qui
va se passer. Et vous avez évoqué un exode des médecins. Vous avez parlé
beaucoup, là, du mépris, et tout ça dans les propos du gouvernement et tout ça.
Mais, au-delà de ça, dans le projet de loi, actuellement, là, qu'est-ce qu'il
vous marque le plus dans les mesures qui sont... les dispositions qui sont là
et qui insultent les médecins ou qui les empêchent de pratiquer?
M. Oliva (Vincent) :
Bien, écoutez, c'est l'insinuation, premièrement, que les médecins spécialistes
ne sont pas au rendez-vous et puis laissent tomber leurs patients. Ensuite,
c'est le principe de lier la rémunération à des indicateurs...
M. Arseneau : Que vous ne
contrôlez pas.
M. Oliva (Vincent) :
...qui sont décidés unilatéralement et qu'on ne contrôle pas.
M. Arseneau : D'accord.
M. Oliva (Vincent) : Ça,
c'est un principe qu'on ne peut pas adhérer à ça. Alors, c'est ça qui nous
heurte.
M. Arseneau : Donc, c'est
mission impossible pour vous si les conditions ne sont pas réunies pour... Je
comprends.
Le Président (M. Provençal)
: ...député des Îles. Alors, je tiens à remercier les
représentants de la...
Le Président (M. Provençal)
:...Fédération des médecins
spécialistes du Québec pour leur participation et leur contribution. Sur ce, je
suspends les travaux jusqu'après les avis touchant les travaux en commission.
Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 51)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 24)
Le Président (M. Provençal)
:Alors, bonjour à tous. La Commission
de la santé et des services sociaux reprend ses travaux. Nous poursuivons les
consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 106, Loi visant principalement à instaurer la
responsabilité collective et l'imputabilité des médecins quant à l'amélioration
de l'accès aux services médicaux.
Cet après-midi, nous entendrons les
témoins suivants : le Collège des médecins du Québec, la Fédération
médicale étudiante du Québec et la Fédération des médecins résidents du Québec.
Considérant que la séance a commencé un 10 minutes
en retard par rapport à notre horaire, je veux un consentement pour qu'on
déborde d'au moins 10 minutes. Ça va? Merci. Consentement, merci beaucoup.
Alors, vous me permettrez de souhaiter la
bienvenue aux représentants du Collège des médecins du Québec, particulièrement
aux docteurs Gaudreault, Saad et Morissette. Alors, Dr Gaudreault, j'espère que
je n'ai pas... puis j'ai bien prononcé votre nom. Je vous cède la parole pour 10 minutes
et, après ça, on fait l'échange.
M. Gaudreault (Mauril) :Merci. Merci, M. le Président. M. le ministre de la Santé,
membres de la commission, je vous remercie de donner l'occasion au Collège des
médecins du Québec d'exprimer son point de vue sur le projet de loi n° 106. À mes côtés, Dre Nathalie Saad, pneumologue, vice-présidente
du conseil d'administration du Collège des médecins du Québec, mais aussi
directrice du programme de réadaptation pulmonaire du CIUSSS Centre-Ouest de
Montréal, Dr Guy Morissette, médecin de famille, également membre du
conseil d'administration du collège et ancien P.D.G. de l'Agence de santé et de
services sociaux de l'Outaouais.
Nous venons porter plusieurs messages
aujourd'hui aux parlementaires sur le projet de loi n° 106.
Nous parlerons de responsabilité collective, d'indicateurs de performance de
qualité et d'accès aux soins. Notre mémoire formule six recommandations, mais
avant tout, je veux insister sur un point...
M. Gaudreault
(Mauril) : ...insister sur une chose : nous devrons, tous
et toutes ensemble, travailler ensemble pour le bien commun de la population du
Québec.
Pour le collège, plusieurs choses ne sont
pas souhaitables, actuellement, autour de ce projet de loi, il faut les nommer
si nous voulons avoir une conversation constructive. Par exemple :
prétendre que les médecins ne travaillent pas suffisamment, blâmer les médecins
pour les ratés du réseau. Se réjouir qu'on attendait le projet de loi no 106
depuis plusieurs années ou encore lier la performance des médecins à leur
rémunération. En revanche, ce qui serait souhaitable, c'est cesser de dénigrer
les médecins, écouter les chercheurs et considérer ce qui se fait ailleurs,
élargir la responsabilité collective à tous les acteurs du réseau, mobiliser
tout le réseau vers la réussite de la première ligne, notamment, et réfléchir à
l'idée d'états généraux en santé. Si on veut arriver à quelque chose de positif
pour la population avec ce projet de loi, avec tout ce qui se dit dans les
médias, il faut, à notre avis, absolument changer la conversation.
J'aimerais rappeler qu'avec certaines
réserves le Collège des médecins a appuyé toutes les réformes en santé
proposées par M. le ministre Dubé, le projet de loi visant notamment à réduire
le recours à la main-d'oeuvre indépendante, le projet de loi visant à rendre le
réseau de la santé plus efficace, la création de Santé Québec et le projet de
loi visant à favoriser la pratique de la médecine dans le secteur public.
Chaque fois, nous avons proposé des amendements constructifs au profit du
public et visant des conditions de pratique adéquates pour les médecins. Ça
s'inscrit dans notre mandat de protéger le public et de veiller à une médecine
de qualité.
C'est pourquoi nous avons été quelque peu
irrités que le ministre laisse entendre, il y a une dizaine de jours, dans
l'espace public, que, si le Collège prenait le parti des médecins, il ne
prenait pas celui des patients. Il faut des médecins et des professionnels en
bonne santé, bien outillés dans des infrastructures adéquates pour prendre en
charge et soigner les patients.
Nous concevons qu'il y a beaucoup d'argent
investi dans le réseau de la santé et que la population québécoise puisse avoir
l'impression que le pacte social avec les médecins bat de l'aile. C'est
pourquoi, 55 ans après la mise en place du réseau actuel de santé et de
services sociaux, il faut une introspection collective. Le statu quo, je l'ai
dit souvent, ne peut plus durer. On navigue à vue, un projet de loi succède à
un autre pour régler un problème à la fois, le plus important de l'heure à
chaque fois. S'il est vrai que les médecins ont un rôle à jouer dans
l'amélioration de l'accès aux soins, les médecins font aussi partie intégrante
de la solution.
Sur le fond du projet de loi n° 106, le Collège ne croit pas que ce soit une bonne chose
de lier la rémunération des médecins à leur performance. Les trois experts
indépendants du gouvernement écrivent dans leur rapport que ça n'a pas
fonctionné ailleurs. Le piège serait de confondre quantité et qualité. C'est
pourquoi, à notre avis, ce qu'il faut mesurer, ce sont les performances du réseau
avec des objectifs populationnels. Ce qu'il faut créer, c'est un nouveau modèle
d'organisation de la première ligne où la population a accès à des soins de
qualité en temps opportun. Et ce qu'il faut financer, ce sont les soins et les
services de toute la première ligne.
Notre position repose sur deux facteurs
principaux. Premièrement, nous ne voulons pas que les patients soient bousculés
lors de leurs rencontres médicales par des objectifs de rendement. Les impacts
seraient particulièrement marqués, évidemment, vous le savez toutes et tous,
comme moi, chez les populations vulnérables et marginalisées. Le corps, le
patient, la personne, c'est un ensemble qu'on ne peut pas traiter comme les
pièces détachées d'une voiture.
• (15 h 30) •
Deuxièmement, on ne peut pas mesurer la
performance des médecins alors qu'ils ne sont pas toujours adéquatement
outillés, par exemple, lorsque beaucoup d'entre eux oeuvrent dans des
établissements désuets, à l'informatique déficiente ou au bloc opératoire
fermé, faute de personnel. Si les médecins ne sont pas responsables des
conditions de pratique, on ne peut, à notre avis, leur imputer tous les ratés
du réseau.
Ça, c'est le bout qui concerne les
décideurs et les gestionnaires du réseau de la santé. C'est pourquoi nous réclamons
que la responsabilité collective prévue au projet de loi, responsabilité
collective que, personnellement, et que nous, au collège, prônons depuis des
années, englobe aussi les autres professionnels de la santé, de même que les
divers acteurs du réseau. Les décisions et les actions des fonctionnaires, des
gestionnaires, ont des impacts directs, vous le savez, sur les soins aux
patients, sur les examens médicaux, sur le suivi des résultats de tests et sur
les soins à domicile, d'autant plus avec des coupures budgétaires qui peuvent
leur être imposées. Le projet de loi n° 106 est
flou sur ses objectifs, les délais et les...
15 h 30 (version non révisée)
M. Gaudreault
(Mauril) :...les indicateurs qui sont
utilisés pour mesurer la performance du réseau ou celle des médecins, et il n'a
pas été élaboré en tenant compte de l'avis de tous les partenaires du réseau.
Il est apparu comme cela dans le cadre des négociations pour le renouvellement
des ententes-cadres avec les conditions médicales. Évidemment, ça ne vous
surprendra pas, cela nous préoccupe.
En revanche, au collège, je tiens à le
dire, nous ne sommes pas inquiets de la qualité globale de la pratique des
médecins au Québec. Ce qui nous inquiète, ce sont les impacts éventuels sur l'accès
aux soins si la détérioration actuelle des conditions de pratique devait se
poursuivre. C'est pourquoi nous insistons pour que l'on donne suite aux
recommandations principales des experts sur le financement public des soins et
de services de première ligne, soit élargir la couverture offerte par les
professionnels non-médecins, questionner la place du privé en santé, valoriser
les professions des soins et de services de première ligne pour les rendre plus
attractives et diversifier les modes de rémunération comme la capitation. L'un
des auteurs du rapport sur les soins de première ligne dit d'ailleurs que plus
il y a de professionnels autour de lui ou elle, plus la capacité de prise en
charge du médecin va augmenter. Bien des soins de première ligne ne
nécessitent pas de visite chez le médecin, nous le savons tous et toutes. Or,
les autres professionnels de la santé se font rares en première ligne, et le projet
de loi n° 106 ne concerne que les médecins, comme le dit son titre. Nous
recommandons donc que le titre du projet de loi n° 106 soit modifié pour :
Loi visant principalement à instaurer la responsabilité collective quant à l'amélioration
de l'accès aux soins et services de santé.
Enfin, on ne peut désincarner le projet de
loi du contexte social dans lequel il s'inscrit. Le Québec a changé depuis les
années 70. Les patients ont changé aussi. Ils sont atteints de plusieurs
maladies. Ils sont plus âgés. Les maladies chroniques ont pris beaucoup d'ampleur.
La profession médicale aussi, elle a changé. Le projet de loi n° 106 doit être
contemporain dans son appréciation du corps médical et de l'état de santé de la
population.
En résumé, le Collège des médecins
souhaite que le projet de loi n° 106 reprenne les recommandations du rapport d'experts
indépendant sur la mise en place d'indicateurs de performance fondés sur la
science et axés sur la création de valeur, assure un financement des soins et
services de première ligne conséquent avec les besoins populationnels et les
ressources requises, étende le principe de responsabilité collective aux autres
professionnels de la santé et à l'ensemble des acteurs du réseau et finalement
ne lie pas la rémunération des médecins à leurs performances.
Le Collège collaborera bien sûr avec le
gouvernement pour la mise en place de toute mesure qui s'inscrira dans sa
mission de protéger le public et de veiller à une médecine de qualité. Et, en
terminant, je me répète, mais je veux à nouveau insister sur le fait que nous
devrons tous et toutes ensemble travailler ensemble pour le bien commun de la
population. Je vous remercie de votre écoute. Nous sommes prêts à répondre à
vos questions.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre
présentation. Alors, ceci étant dit, M. le ministre, êtes-vous prêt à débuter
l'échange?
M. Dubé : Bien oui,
certainement, M. le Président. Alors, docteur Gaudreault et vos collègues, je
suis très heureux d'avoir la chance de réagir à vos propos. Et, comme vous l'avez
si bien dit, habituellement on est assez d'accord, pas sur une base
personnelle, là, parce que je pense que vous avez votre rôle aussi, au Collège
des médecins, de bien protéger les patients, mais je pense qu'on s'entend bien
sûr... puis vous l'avez... donné des bons exemples de plusieurs projets de loi
où on a travaillé ensemble, puis je tiens... je tiens à le saluer.
Je sais que, dans ce cas-ci, c'est...
c'est peut-être une situation... bon, les autres, ce n'était pas facile, mais
celle-là est encore plus compliquée parce que c'est quand même des gros
changements qu'on demande aux médecins. Puis je pense que, dans votre rôle,
bien, il y a un équilibre à garder que c'est quand même des médecins qui sont
sur votre conseil d'administration, puis etc. Ça fait que je respecte ça puis
je n'irai pas... je n'irai pas plus loin que ça. Mais je pense que, si on prend
un des commentaires que vous avez faits... Puis je vous poserai quelques
questions, mais je vais le faire dans le plus grand respect, parce que vous
savez que j'ai beaucoup de respect pour vous, votre organisation. Quand vous
dites qu'on navigue à vue, là, je pense que là je ne suis pas tout à fait d'accord
avec vous, mais on a le droit de ne pas être d'accord, parce qu'on a quand même
fait un plan qu'on suit depuis trois ans, puis je pense qu'on a beaucoup avancé
puis que l'essentiel des différents projets de loi qu'on a faits, comme vous
avez... avaient chacun leur signification. Mais là je pense que, quand on dit
que chacun doit faire sa part pas... et vous avez raison sur une chose, au
moins sur une chose, et plusieurs, mais au moins sur une, vous avez dit que le
ton doit changer, puis je suis d'accord avec vous, puis je l'ai dit très
clairement au cours des derniers jours. Puis d'ailleurs je pense que...
M. Dubé : …c'était une des
ententes avec la FMSQ, si le ton changeait des deux côtés, bien, les deux
pourraient… entre autres, La FMSQ pourrait revenir à la table des négociations.
Puis ça, on a accompli ça dans les derniers jours. C'est déjà beaucoup. Ça fait
que je suis d'accord avec vous que le ton doit changer.
Bon, maintenant, je vais être un peu
malcommode. Puis moi, ce que j'ai moins aimé, puis je voudrais vous entendre
là-dessus rapidement, vous avez un code de déontologie, vous avez un code de
déontologie qui s'applique aux médecins puis dans lequel on dit que les
médecins doivent s'abstenir de participer à une action concertée, puis ils
doivent s'abstenir aussi, je lis les mots exacts, là… Ils doivent favoriser les
mesures d'éducation puis d'information et non de désinformation. Moi, je
voudrais juste que vous vérifiiez si les lettres qui ont été envoyées, poussées
par la FMOQ et par les GMF, puis par les médecins, qui ont fait peur à des
patients au cours des derniers jours, si ça fait partie de la vision du code
déontologique que vous avez pour les médecins. Je ne veux pas votre réponse
tout de suite parce que je voudrais vous donner… y penser, mais j'aimerais ça
savoir si ça respecte le code de déontologie. Parce qu'il y a des gens qui ont
peur puis il y a des faussetés qui ont été dites aux patients. Moi, j'en ai vu,
des lettres, là, j'en ai reçu des lettres, là, puis pas des lettres de
médecins, des lettres de patients qui ont dit : Je me suis fait dire ça, là.
Moi, j'ai des députés ici, là, on a 87 députés, 87 députés qui
reçoivent des lettres, là, puis qui dit… Puis moi, j'en ai dans mon comté, des
personnes âgées, un couple, là, qui se sont fait dire: bien là,
malheureusement, avec le projet de loi, vous allez perdre votre médecin, ce qui
est archifaux. Ça fait que moi, je voudrais savoir si ces lettres-là,
là, qui ont été préparées par la FMOQ, là, respectent le code de
déontologie. D'accord? J'aimerais avoir votre réponse là-dessus au cours des
prochains jours.
M. Gaudreault
(Mauril) :
Hum-hum.
M. Dubé : Très bien, merci.
M. Gaudreault
(Mauril) :Mais je peux répondre quelque
chose maintenant?
M. Dubé : S'il vous plaît.
M. Gaudreault
(Mauril) : Oui, bien sûr, nous allons examiner cela, parce que,
comme président, évidemment, je ne suis pas d'accord avec de telles actions,
là. Ce n'est pas la première fois, d'ailleurs…
M. Dubé : Surtout concertée,
là.
M. Gaudreault
(Mauril) : Ce n'est pas la première fois d'ailleurs que nous
avons l'impression qu'il y a des actions concertées. Et le collège a déjà
enquêté sur des actions concertées, à savoir s'il y avait vraiment une action
concertée… n'aurait pas mis en évidence qu'il y avait une action concertée,
mais oui, on va aller dans ce sens-là par rapport à ce dont vous mentionnez.
M. Dubé : Je l'apprécie
beaucoup parce qu'on a tous ici, là, tout le monde, pas juste le gouvernement,
les députés, là, tout le monde, l'intérêt des patients. Puis moi, je pense que,
là-dedans, il n'a pas été respecté. Mais je vous laisse prendre le temps
d'aller regarder ça.
M. Gaudreault
(Mauril) : Bien sûr.
M. Dubé : Bon, sur la question
de la responsabilité collective, puis je pense, vous êtes un grand partisan,
pas juste vous, là, mais vous comme groupe de… pour l'intérêt des patients, de
favoriser la responsabilité collective. Puis je me souviens, quand on a eu la
chance ensemble de discuter, projet de loi 11, que vous nous avez amené…
puis j'aime beaucoup le commentaire. Je reviendrai sur le titre du projet de
loi tantôt, parce que moi aussi, j'ai entendu plusieurs commentaires depuis
qu'on a déposé, puis on verra, là, quand on va commencer avec mes collègues,
l'article par article, que peut-être le titre devrait être changé, parce qu'on
a comme objectif que la responsabilité populationnelle ne soit pas juste aux
médecins. On a même un article qui le dit, puis que la délégation doit se
faire. Puis cette délégation-là doit se faire quand il y aura un système de
rémunération qui le permettra. Puis on n'aurait pas besoin de revenir en projet
de loi pour faire la rémunération ou ajuster la rémunération d'un pharmacien
pour qu'elle prenne la responsabilité collective. Vous me suivez?
Ça fait que cette suggestion-là, là, je
vais vouloir en discuter avec les députés ici, en commission, quand on sera
dans l'article par article, parce que je vous dis déjà que j'ai une ouverture à
ça, on l'a fait dans la p.l. 11. Ça a amené beaucoup puis je pense que je
suis très ouvert à faire ça parce qu'il y a des articles de loi qui le disent.
Alors, si les articles le disent, qu'on veut la responsabilité populationnelle
d'être plus large que les médecins, bien, disons-le dans le titre, vous avez
raison. Donc, on sera ouvert à ça. O.K. Alors, voyez-vous qu'on s'entend
beaucoup plus que vous pensez.
• (15 h 40) •
M. Gaudreault
(Mauril) :Et si je peux ajouter…
M. Dubé : Oui, allez-y.
M. Gaudreault
(Mauril) :La pratique de la médecine,
c'est dorénavant une pratique d'équipe, on travaille tous et toutes en équipe.
Nathalie pourrait vous en parler, peut-être que je pourrais vous donner la
parole aussi tout de suite après, après que j'aie dit ceci, on travaille en
équipe. Dans l'équipe, il y a des professionnels de la santé, il y a des
médecins, il y a des gestionnaires et je pense que la responsabilité
collective, elle doit être partagée par les membres de l'équipe.
M. Dubé : Je vais vous… Je
vais vous passer la parole rapidement parce que je vais vous dire, j'ai
tellement de questions pour vous puis vous êtes un intervenant que je veux
vraiment écouter. Ça fait que je vous laisse aller rapidement, puis après ça,
je vais reprendre les questions si vous permettez…
Mme Saad (Nathalie) : …alors,
par ce qui est décrié en ce moment avec les trois demi-journées de clinique
qu'on me donne, je suis probablement considérée comme un médecin qui n'est pas
tellement performant. Ironiquement, en parallèle de ça, on a réussi à
développer un programme de téléréadaptation pulmonaire que vous connaissez
bien...
M. Dubé : Très bien, oui.
Mme Saad (Nathalie) :
...pour différentes raisons, puis qui est très performant. Mais pour être
capable de s'occuper de patients, justement, de CRDS, on en a parlé plus tôt
aujourd'hui, de priorités d et e, qui dans ma spécialité est la réadaptation
pulmonaire... ça prend une équipe puis ça prend du temps. Alors, si on lie la
rémunération au volume que je prends en charge, bien, c'est toute mon équipe,
les autres pneumologues avec qui je travaille dans ma région, qui vont être
pénalisés alors qu'au contraire, comme ça a été reconnu par le ministère il y a
à peu près un an de ça, on offre beaucoup d'accessibilité à un service qui
serait autrement inaccessible partout dans la province. Donc, c'est ce travail
d'équipe là qui nous permet d'être performants. Mais pour ça, ça prend du
temps. Alors, il faut que les indicateurs soient au niveau populationnel, pas
au niveau du volume fait.
M. Dubé : Mais si vous
permettez, disons que je suis d'accord avec ça. Je pense qu'on ne s'obstine
pas, là. Je veux revenir sur un point avec... Qu'est ce que ça veut dire la
responsabilité populationnelle? Puis je vais poser la question autrement. Moi,
je pense qu'on a un enjeu d'expliquer au public le point suivant. Depuis le
tout début, là, depuis la première réforme de M. Castonguay, vous le
savez, on a une dichotomie entre le fait que les médecins sont des travailleurs
autonomes et, en même temps, on essaie de conjuguer ce fait-là avec une
responsabilité de 100 % de la population. Et il y a quelque chose qui ne
marche pas. Parce que je comprends que si le médecin, en pure théorie,
dit : Moi, vous ne me direz pas quoi faire. Je suis un travailleur
autonome. Vous ne pouvez pas me dire de prendre telle clientèle. Vous ne pouvez
pas impacter si je devais prendre... faire telle opération. Moi, je suis un
travailleur autonome. Mais en même temps, moi, je dis, puis d'ailleurs il y en
a plusieurs qui l'ont dit, c'est pour ça que je le dis un peu clairement :
Ça fait 50 ans qu'on essaie de réconcilier ces deux enjeux-là. Parce que
le gouvernement paie quand même une somme extraordinaire, plus de
9 milliards par année pour que tous les Québécois soient couverts. Mais
d'un côté, les médecins disent, puis je ne le dis pas comme ça, là : Bien,
respectez le fait que je suis un travailleur autonome.
Donc, la voie de passage, la voie de
passage pour ça, c'est, puis vous avez raison, ce n'est pas juste de mettre de
la pression sur le médecin, c'est d'aller chercher l'approche collective,
travail d'équipe comme vous venez de dire, pour que les 1,5 million de
Québécois qui ne sont pas pris en charge puissent l'être d'une façon... par le
travail d'équipe. Mais si on veut ça, je pense que la rémunération doit suivre
aussi. Donc, le principe qu'on veut avoir une prise en charge collective pour
solutionner notre problème, qu'il manque de monde, d'accord, comment on fait si
on n'attaque pas la rémunération? D'où notre point. Puis je pense qu'il faut le
reconnaître, qu'il y a en ce moment au moins 600 000 personnes dans
le 1,5 million qui sont des maladies chroniques. Alors ça, on ne l'a pas
inventé, là. On a la chance maintenant de savoir cette information-là. Puis
moi, je me retourne en face des médecins puis vous du collège des médecins, qui
ont cette responsabilité-là de protéger ces gens-là, particulièrement les plus
vulnérables, puis de dire : Aidez-moi à trouver la voie de passage entre
les deux principes que je viens d'expliquer, entre le travailleur autonome et
les... Alors donc, où on ne s'entend pas? Puis j'aimerais ça qu'on continue à
se parler dans les prochaines semaines parce que, moi, j'ai juste
17 minutes. Parce que, comme vous me connaissez, ça va me prendre plus que
17 minutes pour trouver des terrains d'entente avec vous.
Mais je vais vous dire c'est quoi ma
question. Puis ma question va être très, très simple. Quand vous dites que vous
n'êtes pas d'accord avec la performance, il va falloir qu'on discute qu'est ce
que vous voulez dire par performance. Parce que, moi, ce que je vous dis, puis
c'est ça que j'ai demandé au docteur Amyot ce matin. Dr Amyot, il m'a dit,
il y a deux ans : On est d'accord avec des cibles. On est d'accord avec...
Vous savez, j'ai fait référence au document qu'il nous a présenté il y a deux
ans. Moi, les cibles qu'on peut viser, là, puis c'est ça qu'on va discuter.
Vous me dites qu'ils ne sont pas dans le projet de loi. Non, parce qu'il faut
les discuter. Il faut les discuter. Puis je suis content que les gens
retournent à table, là. Déjà juste ça, là, c'est une bonne nouvelle. Alors, ma
question est simple, Dr Gaudreault : Est ce qu'on peut trouver...
M. Dubé : ...des cibles qui
vont être à votre satisfaction, des cibles de qualité, des cibles de baisser
des taux d'absentéisme, de baisser des attentes, des listes d'attente,
900 000 personnes qui sont sur le CRDS. Je suis certain que vous
n'êtes pas d'accord avec ça. Puis ça, là, ce n'est pas de la performance, là,
tout ce que c'est, c'est de dire aux Québécois : On va s'occuper de vous
autres, puis, quand vous avez besoin de voir un médecin, on va le faire.
Alors, la question est simple :
Comment on peut réconcilier l'objectif que je vous ai dit puis avoir des cibles
et une partie de la rémunération qui va être à propos, appropriée en fonction
de ces cibles-là qu'on va atteindre, puis que, dans les prochains mois, les
tables de négociation vont dire : On va essayer de trouver un terrain
d'entente sur quelques cibles qui vont montrer aux Québécois c'est quoi, notre
vision, notre vision, c'est d'améliorer l'accès? Ça fait que je vous lance ça
aujourd'hui, moi, il me reste trois, quatre minutes, là, et j'aimerais ça vous
entendre parce que c'est ça que je pense que les Québécois s'attendent du
Collège des médecins, de prendre cette position-là entre les deux syndicats de
médecins, parce qu'il faut mettre la rémunération de côté ici, là, puis je suis
d'accord avec mon collègue, mais comment on réconcilie ça pour être capable que
les Québécois vont se sentir pris en charge puis qu'on va faire ce que personne
n'a osé faire depuis des années, là? Alors, j'arrête ça, là.
M. Gaudreault
(Mauril) :M. Dubé, ça fait six ans
que je parle de responsabilité collective, que je parle de responsabilité
sociale, et, à la communauté médicale, je dis : Lier une éthique des
responsabilités individuelles entre un médecin puis son patient à une éthique
de responsabilité collective entre un groupe de médecins et, même plus, un
groupe de professionnels de la santé à une population à desservir. C'est dans
notre plan stratégique 2024-2025 au collège. Ça fait que je ne viendrai
pas vous dire aujourd'hui que je ne suis pas d'accord avec ça...
M. Dubé : Bon.
M. Gaudreault
(Mauril) : ...ce qui me préoccupe, c'est la définition que vous
avez de lier la rémunération à la performance. C'est ça qui nous inquiète.
M. Dubé : Mais c'est quoi,
vous, de la performance, Docteur Gaudreault, versus un résultat de baisser une
liste d'attente?
M. Gaudreault
(Mauril) :C'est pour ça que je vous
dis : Nous, on a participé aux travaux du comité d'experts que vous avez
nommé, on est d'accord avec leurs recommandations et, dans leurs
recommandations, il y a des indicateurs pour évaluer l'amélioration de la santé
de la population services. Ça, on est d'accord avec ça. Donc, c'est sûr qu'on
va être d'accord à poursuivre la discussion avec vous.
M. Dubé : Bon, je pense qu'on
est déjà plus proches qu'on pensait. Alors donc, ce que je veux vous dire,
Dr Gaudreault, c'est que ce que j'aimerais... puis vous avez dit tout à
l'heure, puis je reviens à mes notes, là, mais j'essaie d'aller à l'essentiel,
vous avez dit : Il n'y a pas de chiffre dans le projet de loi, puis tout
ça. Je suis d'accord avec ça, parce que, quand on a présenté le projet de loi,
j'ai dit : Ça, c'est les principes, on veut simplifier la rémunération des
médecins puis avoir des indicateurs qui vont nous aider à voir si la population
est de mieux en mieux servie. C'est juste ça. Ça, c'est le projet de loi. En
gros, là, c'est ça, le projet de loi. Par contre, il y a les deux fédérations
syndicales qui se rassoient à table, il va falloir qu'ils discutent, puis ils
ont tout l'été pour faire ça. Puis vous et moi, avec vos collègues du collège,
on devrait continuer à se parler, de la même façon qu'on s'est toujours parlé
depuis cinq six ans, pour essayer de trouver cette voie-là. Mais je vous le
dis, notre défi, notre plus grand défi, c'est que 100 % de la population
soit prise en charge. Comment? Je pense que ça passe par le collectif.
M. Gaudreault
(Mauril) :Et les médecins, vous le savez,
ils sont venus vous le dire puis ils vont vous dire à nouveau, si on améliore
les conditions dans lesquelles ils travaillent avec d'autres professionnels de
la santé, en nombre suffisant, à rémunérer adéquatement, en première ligne ou
en spécialités, ils vont être d'accord pour aller de l'avant également.
• (15 h 50) •
M. Dubé : Mais ce que je
veux... Puis vous avez entendu les questions que j'ai posées ce matin aux deux
fédérations. Puis ça, c'est peut-être là où on ne se rejoint pas, mais on va
finir par se rejoindre. Quand ils disent : Bien, le gouvernement ne fait
pas sa part, nous, on fait notre part, c'est là que j'ai un petit problème,
parce que j'ai donné des exemples ce matin de dire : Santé Québec, là, ils
sont en train de s'améliorer puis ils font une maudite bonne job de
s'améliorer. Ça fait que venez pas dire que c'est juste la faute de Santé
Québec. Est-ce que les médecins, les médecins sont prêts à faire un effort eux
aussi sur ce qu'ils contrôlent? C'est ça que j'ai dit ce matin aux deux
fédérations.
M. Gaudreault
(Mauril) :On parle d'une... dans
l'allocution, dans le mémoire, on parle d'une introspection collective, ça veut
dire : tous ensemble.
M. Dubé : tous ensemble.
Alors, si chacun fait sa part, nous, on va la faire puis on a... Je vais vous
dire, on en a mis de l'argent, dans les GMF, là, on a fait passer le budget des
GMF depuis cinq ans de 120 millions à 380 millions, pour les GMF, là,
puis on en met, des services, on met l'intelligence artificielle, on met
plusieurs choses.
M. Gaudreault
(Mauril) :Et, malheureusement,
Dr Groulx...
M. Dubé : Ce n'est pas long,
17 minutes, hein?
M. Gaudreault
(Mauril) :Non. Dr Groulx et
compagnie vous demandent d'en mettre encore plus pour ce qui est de faire la
première ligne.
M. Dubé : Bien, il faut en
mettre plus dans les hôpitaux...
M. Dubé : ...il faut en mettre
plus partout.
Le Président (M. Provençal)
: C'est terminé, M. le ministre. Merci beaucoup. Merci.
M. Dubé : C'est un plaisir, Dr
Gaudreault. Merci encore d'être là.
Le Président (M. Provençal)
: M. le député de Pontiac.
M. Fortin :
Oui. Combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Provençal)
: Vous avez 9 min 54 s.
M. Fortin :
Très bien. Merci. Merci d'être là. Merci d'être avec nous. Vous allez me
permettre de prendre la première minute juste pour dire quelque chose au
ministre. Je trouve particulièrement... En fait, vous avez dit que c'était malcommode,
M. le ministre, mais c'est plus que malcommode, de dire dans la même
phrase : Le ton doit changer, puis, après ça, insinuer que la position du
collège, et là je vous cite, là, «c'est parce qu'on en demande beaucoup aux
médecins», puis c'est des médecins sur votre C.A. J'arrête là. Honnêtement, M.
le ministre, ça, c'est tenter de discréditer des gens d'entrée de jeu et ça ne
fait pas avancer quoi que ce soit.
Alors, si vous voulez que le ton change,
je vous suggère d'être la première personne à le faire, parce que ce n'est pas
parce qu'on le dit avec une voix douce que c'est moins porteur.
M. Gaudreault
(Mauril) : ...de votre minute?
M. Fortin :
Oui.
M. Gaudreault
(Mauril) : Il y a 12 médecins élus par des médecins du
Québec sur notre conseil d'administration et il y a quatre membres qui sont
nommés par l'Office des professions qui ne sont pas médecins.
M. Fortin :
Merci, Dr Gaudreault. O.K. Donc, si je comprends bien la position du
collège, vous êtes essentiellement en train de nous dire que c'est possible de
vouloir revoir, discuter du mode de rémunération des médecins. C'est légitime
de le faire, c'est même souhaitable, mais qu'on peut être contre le projet de
loi tel que présenté par le ministre. Est-ce que je vous comprends bien?
M. Gaudreault
(Mauril) : On est contre certains éléments du projet de loi,
puis on est d'accord avec d'autres.
M. Fortin :
D'accord. Alors, voilà, parce que, depuis le début de ce débat-là, le ministre
nous dit : C'est un ou c'est l'autre, là. Vous êtes contre revoir la
rémunération des médecins. Mais ce n'est pas ça, c'est très possible de dire...
C'est souhaitable d'avoir une discussion sur le mode de rémunération, mais de
voir qu'il y a des dangers potentiels dans certaines parties du projet de loi.
J'aimerais ça que vous entendre sur ces dangers-là, parce que le titre dans le
journal ce matin, c'était ça, hein : Il y a danger selon le collège. Alors,
expliquez-nous ce que vous entrevoyez comme répercussions sur les patients, si
le projet de loi est adopté tel quel.
M. Gaudreault
(Mauril) : On va le faire à deux, Dr Morissette et moi, que
vous connaissez d'ailleurs.
M. Fortin :
Bien sûr, bien sûr. Bonjour, M. Morissette.
M. Morissette (Guy) : Bonjour.
M. Fortin :
Oui, bonjour.
M. Gaudreault
(Mauril) : Écoutez, nous, ce qui nous inquiète, c'est quantité
versus qualité. On est là pour protéger le public en veillant à une médecine de
qualité. Donc, si, tout à coup, on a un projet de loi dans lequel on parle de
lier la rémunération à la performance, il faut bien définir ce dont on veut
dire, parce que nous croyons que, pour la performance, et c'est comme ça que
nous l'avons lu dans le projet de loi actuel, veillerait à faire en sorte
d'admettre plus d'accent sur la quantité, donc de voir plus de patients, donc,
peut-être de prendre moins de temps par patient, d'être moins disponible pour
l'écouter, peut-être de rater un diagnostic, une fois de temps en temps, je ne
sais pas, ee ne pas prendre en considération la personne qui est en avant de
nous, dans sa totalité, dans sa globalité. C'est ça qui nous préoccupe. Guy.
M. Morissette (Guy) : Ce qui
nous préoccupe, c'est la définition de la performance. Quels sont, quelles
seront... Quels sont les indicateurs de performance, sachant très bien qu'il
faut que ce soit discuté puis échangé? Mais /ce que ça peut avoir de l'air?
Moi, vous savez, je suis un médecin de famille. Ça fait 46 ans que je
travaille, je suis en fin soixantaine. J'ai vu plusieurs réformes ou éléments
dans mes diverses fonctions. Et ce que je peux dire, c'est que, quand on se
retrouve au niveau du terrain, on craint que peut-être le réflexe pourrait être
de, tu sais, de tourner les coins ronds par rapport à ça, dépendant quels sont
les indicateurs de performance.
Moi, je vous dis, par exemple, quand j'ai
un patient âgé dans mon bureau qui a de la difficulté à se déplacer, qui a de
la difficulté à aller se coucher sur la table d'examen, que j'essaie de voir
quels sont ses antécédents. Il a vu toutes sortes de... de professionnels de
santé, des physios, des ergos, des travailleurs sociaux, d'autres médecins, des
spécialistes, et j'essaie de comprendre qu'est-ce qui se passe le temps que,
moi, je vais avoir à passer à trouver ça, puisque nos systèmes se parlent peu.
Il y a des endroits où ils parlent un peu plus, d'autres, ils parlent un peu
moins, bien, à ce moment-là, je prends du temps pour le faire. Et, à ce
moment-là, ça m'empêche de, dépendant quels sont les indicateurs de
performance, ça m'empêche d'être peut-être performant. Alors, peut-être que je
vais avoir le réflexe de tourner des coins ronds. C'est ça qu'on a... C'est ça
qu'on définit comme étant les dangers, c'est de peut-être toucher la qualité au
profit d'un volume, de la volumétrie.
M. Fortin :
Et la qualité, là, je ne pense pas qu'on peut la...
M. Fortin :
...sous-estimer l'importance de la qualité des soins. C'est votre travail,
au Collège des médecins, entre autres, de s'assurer d'une qualité des soins.
M. Morissette (Guy) : Bien,
tout à fait. C'est la mission du collège. Je veux dire, vraiment, la mission,
c'est de travailler au niveau de la qualité et puis avec des professionnels,
des médecins qui sont outillés et équipés pour donner cette qualité-là pour la
protection du public.
M. Fortin :J'espère que le ministre entend bien... entend bien ce qui
est dit en ce moment, parce que l'enjeu de la qualité des soins, docteur Gaudreault,
vous avez mentionné, là, parmi ce qui pourrait se produire, des diagnostics qui
échappent aux médecins si on tente d'aller trop vite, et ça, ça peut mener à...
vous le savez mieux que... mieux que nous, mieux que quiconque, là, ça peut
mener à toutes sortes d'enjeux potentiels pour le patient, puis, je pense,
c'est la dernière chose que quiconque devrait vouloir.
M. Gaudreault
(Mauril) :Je vais revenir aux experts qui
ont été mandatés par M. Dubé, ils sont prudents. Ils disent d'être prudent par
rapport à lier la rémunération à la performance.
M. Fortin :Je veux revenir sur l'autre... sur l'autre aspect dans
votre mémoire, là, qui est... et c'est le premier... en fait, c'est la première
recommandation que vous faites au gouvernement, et effectivement ça me semble
opportun que ce soit la première recommandation parce que ça donne le ton à
l'ensemble de la discussion qu'on a aujourd'hui ou qu'on a eue au cours des
dernières semaines. Je la lis : «Recommandation 1 : Que le gouvernement
cesse le dénigrement de la profession médicale par ses propos portant sur le
rendement et la disponibilité des soignants auprès des patients.» Qu'est-ce que
ça vient... Le discours du gouvernement, là, le dénigrement, comme vous le
dites, là, qu'est-ce que ça... qu'est-ce que vous ressentez que ça fait en ce
moment chez les professionnels de la santé?
M. Gaudreault
(Mauril) :Bien, je l'ai dit d'entrée de
jeu par rapport à ce qui n'est pas souhaitable puis ce qui le serait, là, dans
mon allocution, mais, bien, des propos, des propos comme le fait que les
médecins ne travaillent pas suffisamment, des propos dénigrants, c'est... Moi,
je propose qu'on soit tous responsables ensemble, puis qu'on cesse cela, puis
qu'on ait un discours positif, puis qu'on se parle pour améliorer les choses,
mais pas en dénigrant, bien sûr, la population médicale, qui est celle que...
auquel j'ai beaucoup de plaisir à appartenir. Donc, il faut faire attention de
ne pas vexer les partenaires avec lesquels on peut travailler. Et c'est un
discours qui n'est pas si récent, hein, c'est un discours qui date depuis
quelque temps, qui n'est pas propre à ce projet de loi là puis à son dépôt.
Donc, une fois pour toutes, cessons ce discours-là, on pense que les médecins
veulent tous travailler, en grand... très, très grande majorité, pour le bien
commun, et faisons ensemble le... faisons le nécessaire ensemble pour y
revenir. C'est ça qu'on veut dire.
M. Fortin :M. le ministre disait... disait ce matin en point de presse...
il disait : Ah! les menaces de médecins, là, de quitter, ou de prendre
leur retraite plus tôt, ou d'arrêter de travailler deux ou trois jours-semaine
pour prendre leur retraite complètement, on a déjà vu ça, hein, ce n'est pas la
première fois qu'on entend parler de ça. Alors, c'est comme s'il nous
disait : Ah! bien, c'est une journée comme les autres. Est-ce que...
Est-ce que vous, vous le voyez, ça, ce... le fait que ça semble...
probablement, là, le dénigrement envers les médecins, là, semble mener à une
volonté de la part de certains, peut-être, de ralentir, de quitter, de faire
autre chose de leur vie?
M. Gaudreault (Mauril) :Bien,
je l'ai dit tout à l'heure, là, s'il y a une action concertée, on va voir
là-dessus, puis on va agir. Mais sinon, je comprends, c'est un changement de
culture qu'on propose, je comprends qu'il y a des collègues qui peuvent être
plus sensibles à cela, qui sont atteints d'une... sont habités d'une certaine
colère, déception, découragement, détresse psychologique. Je comprends tout à
fait ça avec le changement de culture proposé. C'est pour ça qu'il faut faire
ça correctement. Il faut faire ça en changeant la conversation, en changeant
nos propos, en étudiant bien les mots puis en prenant le temps de faire les
choses comme il faut.
• (16 heures) •
Le Président (M. Provençal)
: ...
M. Fortin :Ah! très bien. J'apprécie le... J'apprécie la façon que
vous amenez l'enjeu, Dr Gaudreault, c'est-à-dire qu'il peut y avoir une
discussion sur le mode...
Une voix : ...
M. Fortin :
Pardon?
Une voix : ...
M. Fortin :
...ah, d'accord, sur le mode de rémunération des médecins. Je pense que c'est
tout à votre honneur de faire ce discours-là de façon correcte, de façon
appropriée. Je pense que tout ce qu'on demande dans ce débat-là, c'est d'abord
et avant tout, là que... En fait, je vais le prendre de cet angle-là, je veux
juste faire écho à votre première recommandation, je veux faire écho à ça parce
que je pense que le gouvernement... ça nous apparaît évident que le
gouvernement sous-estime l'impact que la façon qu'il aborde l'enjeu, la façon
qu'il parle...
16 h (version non révisée)
M. Fortin :...des médecins au Québec pourraient dicter la suite des
choses. Et je ne voudrais pas, M. le Président, que des médecins prennent des
décisions qui ont un impact négatif sur le patient à cause du premier point qui
est soulevé par le collège, et ça nous apparaît un risque à ce moment-ci. Merci,
M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Merci beaucoup, M. le député.
Alors, M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. M. Gaudreault et votre suite, merci beaucoup. Je vais aller vite. Le
ministre trouve que ce n'est pas long, 17. Je lui demande de se mettre dans ma
peau pour trois, il va comprendre c'est quoi, ne pas avoir beaucoup de temps.
Moi, je ne sais pas trop par quel bout le
prendre, parce qu'il y a le ton puis il y a le texte, hein? Le ministre en
parle souvent, du ton, là, qu'il aime ou qu'il n'aime pas. Dans l'espace
public, le premier ministre, le ministre disent des choses. Après ça, ici, il
se dit autre chose, sur un autre ton. Tant mieux, on ne va pas se chicaner
devant les kodaks, là, ce serait indélicat, mais j'ai de la misère avec la
dissonance cognitive, là. J'ai l'impression d'être dans deux mondes parallèles,
que vous, vous dites quelque chose qui est à l'encontre de son projet de loi, puis
le ministre dit : Je suis d'accord avec vous. Puis ce n'est pas la
première fois qu'il le fait, là, on l'a vu dans 83 aussi, là, vous étiez son
argument principal, même si moi, il me semble que vous disiez le contraire. Pouvez-vous
éclairer ma lanterne, là? Où est-ce qu'on se rejoint, dans tout ça, là? Parce
que je regarde vos six recommandations, là, à part la première qui ne se
légifère pas, là, on ne peut pas légiférer la bonne foi, là, ça ne se légifère
pas, la bonne foi, ça se présume, les cinq autres, là, moi, je comprends que
vous n'êtes vraiment pas d'accord avec ce projet de loi là et que vous y voyez
un danger pour la population.
Alors, comment vous expliquez, outre peut-être
une politesse, louable, là, mais néanmoins un peu bizarre que le... là, le
ministre dit qu'il est d'accord avec vous, mais que vous, vous dites que vous n'êtes
pas d'accord, foncièrement, avec le projet de loi n° 106?
M. Gaudreault (Mauril) :On est d'accord avec la responsabilité collective, mais pas
visant seulement les médecins. Ça fait que ça, c'est un élément. C'est facile à
corriger, à mon avis, ça, responsabilité collective des autres professionnels
et des gestionnaires, responsabilité collective de tout le monde. Soyons tous
responsables par rapport à ça.
On n'est pas d'accord, c'est une
recommandation, mais ça, ça ne veut pas dire qu'on n'est pas d'accord avec le
projet de loi. On n'est pas d'accord avec le projet de loi comme il est décrit
maintenant. Donc, la responsabilité collective, à tout le monde, ça, on est d'accord
avec ça, cette responsabilité collective. C'est qu'il faut ne pas cibler juste
les médecins là-dedans. C'est avec ça qu'on n'est pas d'accord.
M. Marissal : Puis là j'ai
une question purement de législateur, là. Vous n'êtes pas d'accord avec ce qu'il
y a là-dedans, mais avec certaines parties de l'esprit. Est-ce que c'est
réparable, ça, ou si on est mieux de recommencer avec autre chose...
M. Gaudreault (Mauril) :Moi, je pense que si...
M. Marissal : ...pas juste
sur un autre ton, mais avec autre chose?
M. Gaudreault (Mauril) :Si on travaille tous ensemble, c'est réparable.
M. Marissal : C'est réparable.
M. Gaudreault (Mauril) :
Oui. À mon avis.
M. Marissal : D'accord. Vous n'avez
pas l'air de vous entendre sur ce qu'est la performance, non plus.
M. Gaudreault (Mauril) :
Non. Ça aussi, c'est réparable.
M. Marissal : Le ministre a
fait référence directe aux listes d'attente.
M. Gaudreault (Mauril) :Bien, prenons les recommandations des experts puis leurs
définitions des indicateurs par rapport à une population dont on doit prendre
en charge et fions-nous à ces indicateurs-là, et non pas à de la quantité, qui
ferait en sorte que si vous ne faites pas la job, je vous coupe de tant de pourcentage
de rémunération. Nous, on n'est pas d'accord avec cela parce que... je vais me
répéter, là, ce n'est pas par rapport à une affaire de rémunération, on ne se
mêlera pas de ça puis on ne s'en mêle pas, M. Dubé, mais les craintes que nous
avons, c'est que ça vienne entacher la qualité de l'acte.
M. Marissal : Oui, parce que
vous ne vous entendez pas sur la question de la performance...
M. Gaudreault (Mauril) :
C'est ça.
M. Marissal : ...qui, pour le
ministre, est une question de réduction des listes d'attente. Vous... pour
vous, c'est la qualité de la relation avec le patient.
M. Gaudreault (Mauril) :
C'est ça.
M. Marissal : Donc, assez
fondamentalement, on va dire que vous n'êtes pas d'accord avec p.l. n° 106, là. Je ne veux pas vous le faire dire de force, là,
mais c'est la base de ça, là, c'est c'est la base de ça, là. J'ai eu un
briefing d'une heure hier...
Des voix : ...
M. Marissal : S'il vous plaît,
la parole est de ce côté-ci de la table, vous en avez eu 17, tantôt, vous en
avez eu 17, minutes, tantôt.
Le Président (M. Provençal)
:...pour vous dire que votre temps est
écoulé, mais finissez votre propos, s'il vous plaît.
M. Marissal : C'est l'esprit
même de ce projet de loi là.
M. Gaudreault (Mauril) :Responsabilité collective.
M. Marissal : Et performance.
M. Gaudreault (Mauril) :Oui.
M. Marissal : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. le député. M. le député des
Îles.
M. Arseneau : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous trois. Ce n'est pas la première fois qu'on se
rencontre en commission parlementaire, depuis quelques années. Est-ce que vous
avez l'impression, quand on décrit ce projet de loi comme étant dangereux... est-ce
que vous avez l'impression qu'on est sur le bord d'un point de rupture? Est-ce
que l'événement qu'on est en train de vivre, le moment qu'on est en train de
vivre aujourd'hui, là, pour essayer de remettre sur les rails le système de
santé en s'en prenant spécifiquement aux médecins... Est-ce qu'on est sur le
bord d'un point...
M. Arseneau : …selon vous,
est-ce que… tu sais, si on est… dans le temps long, là, puis vous avez plus
d'expérience que moi, là, c'est un épisode parmi d'autres ou celui-ci est
déterminant?
M. Gaudreault
(Mauril) : Bien, on va répondre à deux, trois, O.K., mais moi,
je vous dis, c'est vraiment, vraiment le moment d'être responsable tous
ensemble par rapport au bien commun de la population que nous avons à
desservir. Est-ce que c'est un point tournant? Peut-être, mais si on est
responsable, à mon avis, on peut y aller de façon positive. Guy?
M. Morissette (Guy) : Alors,
oui, effectivement, un moment important. Je pense que si l'environnement
d'échange, si on retrouve le but commun, O.K., de… collectivement, je pense
qu'on… quelque chose justement parce que c'est un moment important. Ça peut
être très, très… comment je dirais, donc, favorable pour la population,
c'est-à-dire, tu sais, à ce moment-là, par rapport à la qualité des soins et
l'accès aux services.
M. Arseneau : Je comprends que
ça peut être déterminant si on fait les choses comme il se doit. Mais pour ce,
il faut adopter l'approche que vous proposez de responsabilité collective de
tous les professionnels liée à la santé. C'est bien ça?
M. Morissette (Guy) : Tout à
fait.
Mme Saad (Nathalie) : Et
avoir les bons indicateurs pour qu'on puisse être vraiment imputable de ce que
la population s'attend du système de santé en tant que groupe de
professionnels.
M. Arseneau : Merci beaucoup.
J'ai deux autres petites questions avec une minute. Comment expliquez-vous que
ce que vous proposez semble se retrouver dans le rapport d'experts qui a été
déposé auprès du ministre le 31 mars dernier et qu'on le rejette du revers
de la main?
M. Gaudreault
(Mauril) : Bien, j'espère qu'on ne le rejettera pas du revers
de la main. C'est pour ça qu'on a… on dit dans notre mémoire, et comme je l'ai
répété dans l'allocution : faisons confiance aux experts que nous avons
nommés et qui nous proposent des choses intéressantes.
M. Arseneau : Mais puisque ce
que vous dites, c'est : il faut ensemble réorganiser les soins d'une
certaine façon pour être plus efficace puis que chacun puisse jouer son rôle,
est-ce que le fait d'amener tous les… tous l'élément de rémunération, qui
devrait se discuter normalement à une table de négociation… Est-ce qu'on ne
vient pas confondre les deux éléments et en même temps confondre la population
sur les objectifs auxquels on devrait s'attabler?
M. Gaudreault
(Mauril) : Ce n'est pas d'amener la rémunération à mon sens,
c'est de la lier à une performance. C'est là que le bât blesse pour nous comme
ordre professionnel soucieux de protéger le public en assurant une médecine de
qualité.
M. Arseneau : Parce que ça
risque d'affecter la qualité.
M. Gaudreault
(Mauril) : …c'est ça.
M. Arseneau : Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député. Merci
beaucoup aux représentants du Collège des médecins pour votre présentation et
pour la qualité de l'échange.
Alors, sur ce, je vais suspendre les
travaux pour laisser place au prochain groupe. Merci beaucoup!
(Suspension de la séance à 16 h 09)
(Reprise à 16 h 12)
Le Président (M. Provençal)
: Alors, nous reprenons nos travaux avec un groupe. Puis
cette fois-ci nous allons rencontrer la Fédération médicale étudiante du
Québec. Deux représentants, M. Maxime Pelletier-Lebrun, président, et
Mme Félicia Harvey, vice-présidente. Alors, vous avez 10 minutes et,
après ça, on procède aux échanges. Et je vous cède immédiatement la parole.
M. Pelletier-Lebrun
(Maxence) : Maxence Pelletier. Donc, enchanté, M. le Président. M. le
ministre, membres de la commission, je vous remercie de nous recevoir
aujourd'hui afin de porter la voix de la relève médicale. Je me nomme Maxence
Pelletier-Lebrun, étudiant en médecine et président de la Fédération médicale
étudiante du Québec, la FMEQ, et je suis accompagné de Mme Félicie Harvey,
notre vice-présidente. La FMEQ représente près de 5 000 étudiants en
médecine issus des quatre facultés du Québec réparties sur 11 campus.
Depuis notre création, nous nous positionnons en faveur d'un système de santé
publique fort, universel et accessible, et proposons des solutions pour
améliorer l'accès du réseau, notamment la hausse des admissions en médecine et
la formation médicale délocalisée. Plus tôt ce printemps, nous avons demandé en
commission l'abandon du p.l. n° 83 qui risque de
motiver le mouvement des étudiants en médecine hors du Québec, ce qui pourrait
fragiliser davantage l'accès à la première ligne. N'ayant pas de fonction
syndicale, notre seul agenda aujourd'hui est de proposer une vision
structurante pour le système de santé québécois, où nous serons portés à
travailler comme futurs professionnels. Le dépôt du p.l. n° 106,
le 8 mai, s'inscrit dans un contexte de négociations entre le
gouvernement, la FMOQ, la FMSQ et la FMEQ. La coïncidence de ces événements a
été largement commentée dans l'espace public et fragilise le dialogue
nécessaire pour développer des solutions communes aux problèmes du réseau. Dans
ce contexte, nous réitérons l'importance d'un débat public structurant qui s'appuie
sur des données probantes et non des rapports de force.
Alors que de nombreux Québécois ont
difficilement accès à la première ligne, le MSSS a mandaté un groupe d'experts
pour élaborer une politique gouvernementale sur les soins et services de première
ligne dont le rapport a été publié en mars. Ce rapport demande, entre autres,
de garantir l'adéquation entre la capacité du réseau et la demande générée par
l'inscription. Malheureusement, le projet de loi n° 106 ignore cette
recommandation ainsi que la capacité du réseau à accueillir des centaines de
milliers de nouvelles inscriptions sans ressources financières, humaines ou
matérielles additionnelles. La pénurie d'effectifs médicaux touche le réseau au
grand complet, des infirmières aux physiothérapeutes, des psychologues aux TS.
Par exemple, plusieurs blocs opératoires demeurent fermés, non pas en raison
d'un manque de chirurgiens, mais faute d'autres professionnels indispensables à
leur fonctionnement. L'expansion de la pratique privée au Québec encourage
également la création de deux systèmes parallèles qui se font concurrence.
Rappelons que dans les dernières années,
le gouvernement a recouru à plusieurs mesures accélérant l'expansion du privé,
telle la signature de contrats avec des CMS et la création de minihôpitaux
privés qui contribuent aux problèmes d'accessibilité du réseau public. Les
difficultés que vit présentement la première ligne ne peuvent pas être tassées
de la main simplement parce qu'elles sont incommodantes. Affilier de force les
Québécois à un milieu de pratique, comme le propose le p.l. n° 106,
constitue une tâche impossible si l'on néglige les capacités réelles des
professionnels à prendre en charge des patients. Avec le p.l. n° 106,
un patient sera peut-être affilié à un milieu, mais seulement sur papier. Il ne
pourra pas voir un médecin lorsqu'il en aura besoin, car celui-ci croulera sous
un nombre de patients dépassant largement la capacité d'accueil de son milieu.
Peut-être cela améliorera-t-il les indicateurs sur le tableau de bord du
gouvernement, mais si le patient n'a pas accès à un médecin, qu'est ce que ça
change concrètement?
Une clause inexplicable du projet de loi
sur ce sujet prévoit qu'une personne sera désaffiliée d'un milieu de pratique
si cette personne est établie en dehors du territoire du département
territorial. Concrètement, cela signifie qu'un patient qui déménage de
seulement quelques kilomètres, mais dans un département territorial différent
perdra son médecin de famille, ce qui est absurde. Un autre enjeu soulevé par
le projet de loi, c'est celui de la rémunération des médecins. Différentes
études internationales comparent l'efficacité de modèles de rémunération à
l'acte, par capitation et par salaire. Et celles-ci concluent qu'il n'existe
pas de système de rémunération parfait. Dans ce contexte, la rémunération mixte
permet de combiner les avantages de chaque modèle...
M. Pelletier-Lebrun (Maxence) :
…notons que le modèle actuel intègre déjà une bonne part de capitation, ce qui
remet en question la nécessité des mesures prévues au p.l. no 106. Nous
croyons qu'un modèle mixte a sa place au Québec, pourvu qu'il soit adapté à la
réalité terrain et le fruit d'un dialogue entre le gouvernement et les
médecins. À ce titre, la FMEQ s'inquiète grandement des implications de
l'article huit, qui stipule que le ministre peut, par règlement, établir les
modes de rémunération des professionnels de la santé, ce qui pourrait entraver
le droit à la négociation future.
La FMEQ se questionne également sur la
définition de la vulnérabilité utilisée dans le projet de loi. D'abord, il
importe de rappeler que les médecins utilisent déjà des codes de facturation
différents pour les patients jugés vulnérables, Codes qui sont discutés de
manière périodique avec la FMOQ. Cette flexibilité est menacée par
l'inscription des niveaux de vulnérabilité à même le projet de loi, ce qui
complexifie leur modification future. Également, la séparation de patients en
seulement quatre niveaux de vulnérabilité ne nous apparaît pas suffisamment
granulaire pour représenter la diversité des cas qui sont vus en pratique. Il
est souhaitable que la vulnérabilité soit prise en compte dans la rémunération
des médecins, mais celle-ci doit refléter la réalité clinique et non une
réalité aplatie à des fins de codification administrative.
Mme Harvey (Félicia) : Les
mesures prévues dans le projet de loi s'ajoutent à des contraintes de pratique
déjà importantes. Les médecins au public doivent notamment se soumettre aux
PREM, aux PEM et aux AMP. À cela s'ajoutent les contrats que devront signer les
étudiants et résidents en médecine du Québec prochainement si les mesures
prévues dans le p.l. 83, maintenant la loi 10 sont appliquées.
Un autre enjeu de premier plan est la
charge administrative, comme la multiplication de la paperasse et des réformes
organisationnelles, dont la création de Santé Québec constitue le dernier
exemple. Le gouvernement reconnaît ce problème et a entrepris différentes
actions pour y remédier, comme le projet de loi n° 68. La FMEQ applaudit
ces initiatives et encourage le gouvernement à continuer dans cette voie. Le
dépôt du projet de loi n° 106 constitue malheureusement un recul sur cet
enjeu. La présente situation exige la réduction du fardeau administratif et
organisationnel des médecins pour leur redonner le temps de soigner et non pas
une énième couche de bureaucratie qui nuit notamment à la valorisation de la
médecine de famille. Le projet de loi n° 106 prévoit que la rémunération
des médecins soit liée à des indicateurs de performance locaux, territoriaux et
nationaux afin d'encourager les médecins à orienter leurs pratiques selon les
priorités ministérielles. Puisque les médecins à titre individuel n'ont qu'une
influence négligeable sur l'atteinte d'objectifs nationaux, nous considérons
que ces derniers ne doivent pas être liés à leur rémunération.
En effet, tous les médecins seraient
pénalisés pour des indicateurs qui ne dépendent pas réellement d'eux. Par
exemple, un médecin à Chicoutimi n'a aucun pouvoir sur la performance d'un
médecin à Montréal. Le seul effet de cette mesure serait de décourager les
médecins. Nous ne sommes pas opposés à l'existence d'objectifs nationaux ni
d'objectifs territoriaux qui peuvent être utiles pour diriger des efforts
systémiques en santé. Seulement les lier à la rémunération est
contre-productif.
Au contraire, des objectifs locaux, soit
des objectifs associés à un milieu de pratique, peuvent, s'ils sont clairs,
mesurables et cliniquement pertinents, améliorer l'efficience du système de
santé. En France, le programme Rémunération sur objectifs de santé publique
s'appuie sur des objectifs liés à la prévention, à la qualité du suivi et à la
pertinence des prescriptions. Au Royaume-Uni, le Quality and Outcomes Framework
incite pour sa part les médecins généralistes à atteindre des cibles cliniques
précises comme la gestion de l'hypertension ou le suivi du diabète.
Pour être des leviers de changement, ces
objectifs doivent être centrés sur les soins et non sur des indicateurs
comptables. Des initiatives similaires pourraient redonner à la prévention un
rôle principal dans le système de santé, un changement nécessaire alors que la
population vieillit et que les coûts des soins créent un poids sur les finances
publiques.
• (16 h 20) •
Pour être efficace, la définition de ces
objectifs doit également se faire selon un modèle de gouvernance partagée. Les
acteurs sur le terrain, comme la FMOQ, la FMSQ et les DRMG doivent être
pleinement impliqués dans la sélection des objectifs et des indicateurs utilisés
pour les mesurer. Autrement, ceux-ci seront déconnectés de la pratique
clinique. Si une rémunération est associée à la réalisation de ces objectifs
locaux, celle-ci devrait prendre la forme d'une prime à la performance
individuelle et non d'une sanction collective. Des objectifs qui ne respectent
pas les critères précédents risquent de créer une vision tunnel où l'atteinte
d'indicateurs accapare l'attention du médecin au détriment de la santé globale
du patient. Il existe également un risque que la multiplication d'objectifs
s'accompagne d'une multiplication de paperasse et de mécanismes pour vérifier
l'imputabilité des médecins. Il ne faut pas que le médecin passe plus de temps
à prouver qu'il a atteint un objectif qu'il en passe à gérer concrètement la
situation médicale qui y est associée.
Au-delà de ces particularités, la FMEQ
s'inquiète grandement quant aux répercussions que pourrait avoir le p.l.
no 106 sur l'enseignement médical. Une part essentielle du travail des
médecins consiste à former la relève, que ce soit au niveau préclinique, par
l'enseignement universitaire, ou en contexte clinique auprès des externes et
des résidents. Ces activités constituent un socle fondamental pour assurer une
relève compétente et bien formée pour répondre aux besoins de la population.
Or, ces tâches pédagogiques sont absentes des calculs liés au nombre de jours
travaillés dans le cadre de la facturation. Elles ne…
Mme Harvey (Félicia) : ...ne
sont pas reconnus à leur juste valeur dans les mécanismes de reddition de
comptes ou de responsabilisation proposés dans la réforme. Si le gouvernement
ne reconnaît pas explicitement l'importance de ces activités, il y a un risque
réel qu'elles deviennent les premières à être délaissées par les médecins,
faute de temps et de ressources. Comme le ministre, nous partageons la
volonté d'améliorer l'accès aux soins pour la population québécoise, mais nous
considérons que, sous sa forme actuelle, il n'améliorera pas réellement le
système de santé québécois. L'accessibilité à la première ligne ne doit pas
reposer sur la seule responsabilité des médecins ni sur des délais qui suivent
des échéanciers électoraux. Les solutions proposées par le projet de loi n° 106 ne s'attaquent pas aux racines profondes des
problèmes du réseau, soit le sous-financement chronique, la pénurie de
personnel, l'expansion du privé, la lourdeur administrative et la vétusté des
infrastructures. En soi, il n'y a rien de mal à vouloir que le système atteigne
des cibles, seulement, ces objectifs ne pourront être atteints que si l'on crée
les conditions sur le terrain permettant de les réaliser. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:C'est terminé?
Mme Harvey (Félicia) : Oui.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, M. le ministre.
M. Dubé : J'ai toujours
beaucoup d'appréciation pour vos présences dans les commissions parlementaires,
parce que vous n'avez pas juste ça à faire. Et à chaque fois, je pense qu'il y
a un travail qui est rigoureux de votre part. Ce n'est vraiment pas la première
fois que vous venez. Je ne peux pas savoir combien de fois, mais merci beaucoup
d'être là. C'est ce que je voulais vous dire pour commencer, à tous les deux.
Juste sur votre dernier commentaire, je
vais commencer par la fin parce que j'ai pris quelques notes. Vous dites que le
projet de loi n° 106 ne réglera pas tous les
problèmes. Ce n'est vraiment pas ça, l'objectif. Parce que c'est pour ça qu'on
a fait un plan santé il y a trois ans, puis on a mis une cinquantaine de
recommandations, puis on les fait une par une. Je pense que le projet de loi,
ici, l'objectif, c'est de travailler sur la rémunération point. Quand vous
parlez d'infrastructures, quand vous parlez de systèmes informatiques, quand
vous parlez de toutes les autres choses qu'on a faites en parallèle, améliorer
la santé publique, etc., c'est toutes des choses qu'on a déjà faites et
commencées, mais je veux juste dire qu'on est d'accord, que le projet de loi n° 106 n'est pas là pour régler tous les autres problèmes.
Je veux juste faire cette précision-là.
Maintenant, une chose qui est très
intéressante puis, je dirais, pour... de votre côté, puis je vais faire un
parallèle avec ce qu'on discutait tout à l'heure avec le Dr Gaudreault du
collège, puis je pense que vous étiez en salle tout à l'heure quand on
discutait de ça, je pense qu'où on s'entend moins... parce que vous, c'est
sûr... qu'est-ce qu'on veut dire par résultats ou qu'est-ce qu'on veut dire par
performance... puis il y a une partie de la rémunération. Parce que, quand vous
me donniez des exemples un peu plus tôt dans votre présentation, que vous me
parliez de l'Angleterre, etc., bien, nous, on est allés voir ces modèles-là
puis on a bien vu justement qu'il y avait des indicateurs qui étaient faits
puis qui étaient liés à la rémunération. Des fois, c'est 10 %, 15 %,
20 %, mais il y a une partie de la rémunération des médecins dans
plusieurs de ces pays-là européens qui sont liés à la performance.
Bon, maintenant, où je pense que le terme
est galvaudé en termes du mot «performance», c'est que c'est souvent relié à
quelque chose qui est beaucoup plus économique. Tantôt, vous avez dit
comptable, je pense que je comprends ce que vous dites quand on parle
d'objectifs financiers. Mais lorsqu'on parle... Puis, tout à l'heure, on aura
la chance d'avoir justement le groupe de Mylène Breton qui va venir, le groupe
d'experts qu'on a engagé, puis ils ont mis six ou sept indicateurs avec
lesquels ils sont d'accord. Ça fait que je pense qu'il faut trouver, dans les
prochaines semaines... puis moi, si vous voulez, puis je ne sais pas
aujourd'hui si on a le temps, parce qu'encore une fois, je le dis, ce n'est pas
long, 17 minutes, là, mais d'être capable de trouver cet arrangement-là ou
quels sont les indicateurs qui sont faits, exemple, dans d'autres pays qui
mesurent la qualité, qui mesurent l'accès aux patients, qui vont faire qu'avec
des experts comme on a engagé... puis ce n'est pas pour rien qu'on les engagés,
c'est pour être capable de nous dire qu'est-ce qui se faisait ailleurs puis
comment on peut travailler ensemble.
Ça fait que c'est là que je dis, quand on
dit : basé sur la performance, c'est là, je pense, qu'on ère un peu, puis
c'est correct, puis c'est ça qu'on devrait préciser. Ça fait que je voulais
juste vous dire ça parce que j'entends que vous n'êtes pas contre ce qui se
fait ailleurs puis surtout si c'est des objectifs qui sont liés, par exemple, à
la qualité. Ça fait que ça, c'est un élément.
Vous avez parlé aussi de... puis je me
mets à votre place, vous vous préparez à rentrer en profession, puis on est
très content. Vous avez dit : Est ce qu'il y a d'autres efforts qui
peuvent être faits? On a quand même augmenté, puis vous faites partie de ces
cohortes là maintenant, le nombre de patients puis... le nombre de médecins,
pardon, qui sont formés à chaque année. Il y a quelques années, c'était 800. On
est rendus à 1 100 patients qu'on forme à chaque année dans nos
quatre grandes facultés...
M. Dubé : ...de médecine. Ça,
je pense que c'en est une, chose qu'on a faite. Puis c'est la première fois, je
pense, qu'on a autant de médecins qui sont acceptés en médecine familiale. Ça,
c'est quand même quelque chose. Alors, je veux juste dire qu'il faut... il faut
prendre la mesure de tout ce qui est en train d'être fait. Ça ne va peut-être
pas à la vitesse qu'on voudrait, mais je voulais juste vous le mentionner.
Maintenant, sur vos autres points, puis
j'en ai un qui me... Vous avez dit, tout à l'heure, puis je veux juste... on
pourra le discuter un peu plus à fond, vous avez dit : Bien, on n'aime pas
la question que quelqu'un qui serait dans une région pourrait être obligé de
changer sa région parce qu'il perdrait son médecin de famille, ou tout ça. Puis
je pense qu'il y a beaucoup de choses qui ont été dites là-dessus, là, puis
peut-être que mon collègue aura la chance de vous reposer la question aussi,
mais je veux juste qu'on précise une chose, puis peut-être que le projet de loi
doit être précisé, puis on le précisera au besoin, mais il y a deux choses,
puis je veux que les Québécois l'entendent parce que vous avez soulevé ce
point-là, puis ça, je pense que ça a fait beaucoup jaser, puis des fois, c'est
important de corriger les faits.
Ceux qui ont un médecin de famille, en ce
moment, ceux qui ont un médecin de famille, là, qui en ont un, les 6 millions
de chanceux qui en ont un, là, ils vont le garder peu importe ce qui arrive.
Ça, je veux juste être clair là-dessus, très, très clair là-dessus. Il y a un
article spécifique qui dit que ceux qui ont un médecin de famille vont le
garder, ça fait que... Bon. Deuxièmement, tous ceux qu'on va amener qui
vont être pris en prise charge collective, hein, parce que c'est ça qui est
l'objectif, puis d'être relié à un médecin ou à un milieu de soins, eux, on
leur dit : On peut, si jamais vous êtes à un endroit au moment où la RLS
ou le GMF vous prend en charge, vous allez être identifié à un groupe,
clairement. Parce que le rapport d'experts nous a dit : Ce n'est pas juste
l'accès qui est important, c'est la continuité, c'est de toujours faire affaire
à la même place pour être capable de s'habituer au personnel, parce que ce
n'est pas toujours le médecin qui peut vous servir, on dit qu'il faut répartir
ça entre les différents professionnels. Donc, si quelqu'un déménage l'autre
bord de la rue puis que ce n'est plus la même région, ça va devenir son choix
de rester dans son ancienne région ou d'aller prendre une autre. Alors, ça
aussi, il faut clarifier ça. Moi, ce que je comprends de la lecture, que
plusieurs personnes m'ont dit... puis j'ai dit : Oui, on est d'accord avec
ça, ça devrait être le choix, puis on va le préciser par règlement.
Alors, je veux juste dire : Il faut
faire attention parce que je ne veux pas... Les Québécois, là, sont déjà assez
inquiets par leur système de santé, pour toutes sortes de raisons. Je voudrais
juste qu'on dise les vraies choses. Donc, ceux qui en ont un, ils vont le
garder. Ceux qui n'en ont pas, on va les identifier à un milieu de soins avec
un médecin puis ce qu'on appelle une prise en charge collective. Et, si jamais
ils déménagent puis ils veulent le garder, ils vont pouvoir le garder. Alors
donc, je veux juste qu'on se comprenne bien là-dessus. Puis je suis content que
vous ayez soulevé ça, parce que, si ce n'est pas clair, on va le clarifier,
puis c'est à ça que ça sert, un projet de loi. Je voulais juste vous entendre
là-dessus.
M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : ...un
enjeu de clarté que des faits qui ne sont pas bons, ici, parce qu'il est clairement
dit dans le projet de loi qu'«une personne est désaffiliée d'un milieu de
pratique dans les cas suivants»‘ puis il est dit «cette personne s'établit en
dehors du territoire du département territorial de médecine familiale». Donc,
ce n'est pas votre intention, je comprends...
M. Dubé : ...là, lisez la fin
de l'article 4, jusqu'en bas, là, puis ça dit qu'on peut le faire par voie de
règlement pour faire ça. Alors donc, ce que je vous dis, ce que je vous dis,
c'est que, si ce n'est pas dans la loi... Parce que, si on faisait la loi au
complet, là, puis on faisait tous les règlements, là, ce serait épais comme ça.
Alors, ça, sur ce point-là, pour la nouvelle affiliation, ceux qui n'ont pas un
médecin de famille... En ce moment, ils n'en ont pas, là. On dit : Vous
allez être affilié à un GMF puis, si jamais vous déménagez puis que vous ne
voulez pas changer, ce sera votre choix de demander. On pourra faire des
mécanismes de transition.
• (16 h 30) •
Je vais vous donner un exemple. Un des
problèmes qu'on a, là, c'est sur la grande île de Montréal. En ce moment, là,
il y a bien des gens qui viennent de Laval ou qui viennent de Montérégie. J'en
connais, moi, j'en ai beaucoup, dans mon comté, là. Leur médecin de famille, il
est à Montréal parce qu'ils viennent travailler à Montréal puis ils voient leur
médecin de famille à Montréal. Ça, c'est la réalité de beaucoup de monde. Bien,
c'est sûr que la journée qu'on dit qu'on veut 100 % de la population de
plus, donc 15 % de la population de plus pour atteindre 15 %, il y a
peut-être des GMF à Montréal qui : Écoutez, moi, le bouchon, il est plein,
là, puis je l'ai entendu de gens qui m'ont dit ça, là, on se comprend.
Il va falloir avoir un mécanisme de
transition pour dire : Bien là, on vous prend, mais voici comment on peut
faire cette transition-là. Ça fait que c'est pour ça que je dis : Il faut
faire attention. Parce que qu'est-ce qu'on vise? Ceux qui ont déjà un médecin,
on ne bouge pas, ça reste pareil. Ceux qu'on prend par affiliation, il va falloir
trouver un mécanisme de transition. Puis je voulais juste être certain que
les...
16 h 30 (version non révisée)
M. Dubé : ...les Québécois qui
nous écoutent, là, ils entendent ça aujourd'hui.
Mme Harvey (Félicia) : J'aimerais
juste ajouter une clarification. Au début de votre commentaire, vous avez dit
que c'est une des mesures, vous nous avez dit aussi la même chose pour le projet
de loi n° 83. Puis on reconnaît qu'il n'y a pas une mesure qui va tout
changer au système de santé. Mais, dans le ton puis dans ce qu'on a entendu
dans les dernières semaines, on parlait quand même de clé de voûte. On parlait
de projet de loi qui se faisait attendre depuis 23 ans. On mettait... On a
entendu des termes sévères pour les médecins comme médecins paresseux. Donc, on
est content puis on reconnaît que...
M. Dubé : Je ne suis pas sûr
que quelqu'un qui a dit que c'était paresseux de la part du gouvernement. Ça a
été dit par d'autres personnes, mais pas par des gens du gouvernement.
Mme Harvey (Félicia) : Non,
mais je parle du contexte médiatique...
M. Dubé : Oui, oui, effectivement.
Mme Harvey (Félicia) : ...c'est
ce contexte médiatique là qui inquiète, là, aussi les étudiants, puis notamment
pour la médecine de famille, là, pour être constant dans les efforts que votre
ministère fait également pour la valorisation de la médecine de famille, des
discours comme ça, ça inquiète les étudiants.
M. Dubé : Parce que, ce qui
est intéressant, puis j'apprécie que vous reveniez là-dessus, on le reconnaît,
puis vous reconnaissez qu'on en a fait des efforts, depuis plusieurs années,
pour valoriser la médecine familiale. Puis je suis tannant, parce que, quand
vous me demandez d'en parler, je peux vous donner des foules d'exemples de ce
qu'on a fait pour éliminer la paperasse, puis le... etc. Donc, moi, je ne
regarde pas en arrière, je regarde en avant, puis je vous dis : Ça, là, on
va s'en occuper, on va s'occuper de ce qu'on a à faire. Maintenant, comme l'a
dit le docteur Gaudreault, il faut faire... les deux doivent faire leur part.
Je veux juste revenir, parce que je ne
sais pas comment qui me reste de temps...
Le Président (M. Provençal)
: Six minutes.
M. Dubé : Ah! c'est beaucoup
quand même. Je veux revenir sur la question informatique, parce qu'on parle
souvent des infrastructures, des hôpitaux, la bâtisse. Et vous êtes des jeunes
médecins, puis je suis certain que toute la question... on en a déjà parlé
ensemble d'ailleurs dans diverses rencontres qu'on a eues. Moi, je vous
demanderais de parler à votre... à vos collègues à la FMSQ pour s'assurer qu'ils
ne débarquent pas du projet du DSN, parce que ce que j'ai entendu, ce matin,
là, la vidéo que j'ai vue, là, où ils recommandent à leur médecin de ne plus travailler
sur le projet de DSN, je voudrais juste qu'ils comprennent l'impact que ça, là.
D'un côté, on ne peut pas demander au gouvernement de dire : Donnez-nous
des outils, donnez-nous des outils pour qu'on soit plus efficaces. On a investi
des centaines de millions de dollars en ce moment dans un projet de
transformation informatique pour que tout le monde puisse avoir ses données sur
son téléphone, d'être capable d'aller d'un hôpital à l'autre, de ne pas avoir à
traîner son dossier en dessous ou demander au médecin. On est en train de faire
ça dans deux projets vitrines au Québec. Puis là je ne sais pas si c'est vrai
ce que j'ai vu ce matin, là, mais Dr Oliva recommande à ses membres de se
sortir du projet DSN.
Ça fait que, moi, je voudrais juste vous
dire, si c'est vrai ce qui a été dit, là, ce serait peut-être bon que des
jeunes médecins, comme vous, en devenir, là, puissent dire clairement : On
a besoin de ces outils-là au cours des prochaines années, parce que c'est ça qu'on
est en train de faire, là, passer de l'âge de pierre à l'âge de l'informatique
avec des projets majeurs. Ça, c'est majeur, ce qu'on est en train de faire en
informatique pour que vous ayez des outils pour mieux soigner les gens. Puis
là, pour des raisons de négos, pour des raisons de pression, on dit : On
va se retirer de ça en ce moment. Il y a quelque chose qui ne marche pas, là,
dans le discours.
Mme Harvey (Félicia) : Nous,
la FMEQ, évidemment, on collabore avec la FMSQ autant qu'on collabore avec
vous. On ne va pas se positionner sur les propos de la FMSQ. Tout ce qu'on peut
dire, c'est que, nous, évidemment, on travaille avec le gouvernement pour la
mise en place de système comme ça, parce que travaillant... Bien, en stage, dans
le réseau, là, on peut dire que c'est plus que nécessaire, là.
M. Dubé : On est d'accord.
Mme Harvey (Félicia) : Quand
on parle d'objectifs et de performance, là, quand il faut ouvrir un logiciel
pour voir les images, un autre pour voir les laboratoires, un autre pour voir
les antécédents, c'est difficile d'être performant, là. Donc...
M. Dubé : Bien, donc, on est d'accord...
Mme Harvey (Félicia) : On est d'accord
que les travaux doivent continuer, oui.
M. Dubé : ...mais je voulais
juste le mentionner, parce que je veux que ce que les Québécois comprennent...
Puis c'est tellement majeur ce qu'on est en train de faire puis, en plus, on
est à quelques mois d'arriver. Moi, je ne voudrais pas arriver dans deux mois, comme
c'est arrivé dans d'autres projets informatiques... Puis là on a mis Santé Québec,
on a mis des gens responsables, des collègues de Mme Poupart, qui est derrière,
là, pour être capables de faire arriver ces projets-là. Enfin, enfin, ces
projets sont arrivés. On doit avoir la première implantation au Centre-du-Québec
au mois de novembre, je crois. C'est là, ce n'est pas le temps d'arrêter ça
puis de dire : Bien là, on ne travaille plus là-dessus. Ça fait que je
voulais juste le mentionner.
J'arrive avec un autre point. Il me reste
combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Provençal)
:Il vous reste deux minutes.
M. Dubé : Bon. Sur la question
de la paperasse... sur la question des PREM, ça, je sais que ça vous préoccupe.
J'aimerais ça que vous entendiez directement des personnes qui vous parlent que,
malheureusement, dans le processus de négociation en ce moment, puis je ne
parlerai pas...
M. Dubé : ...pas de
négociation. Ça fait que je vais faire attention pour ne pas que le député de
Rosemont me le reproche. Nous, on s'est fait demander par vous de simplifier
les PREM. On s'est fait demander ça ça fait longtemps, là. On a fait un groupe
de travail avec les DRMG, avec la FMOQ. On a fait un rapport qui simplifie les
PREM, qui pourrait être applicable au mois de septembre. Majeur, là, c'est
majeur. C'est une de vos demandes majeures. Bien, en ce moment, pas de réponse,
parce que les gens nous disent : Attendez qu'on ait fini de négocier, puis
on signera. Je m'excuse de le soulever aussi clairement, mais moi, je m'étais
engagé pour que les PREM du mois de septembre de cette année puissent être
simplifiés, puissent être simplifiés pour être capable de faire ça, O.K.? Alors
donc, je veux juste... Vous entendez, là. Je sais que le député, il n'aime pas
ça, devant moi, là, mais c'est ça, la réalité. Alors donc, moi, ce que... je
veux juste être certain que vous sachiez ma part que ce rapport-là, il est
prêt, il fait des recommandations très claires de simplifier les PREM pour
avoir encore plus de valorisation de la médecine familiale, ce que vous m'avez
demandé, ce que vous nous avez demandé. Il y a eu un groupe d'experts qui l'a
fait, qui est arrivé à des conclusions que voici tout ce qu'on devrait faire,
puis là, zip, pas de réponse de la part de la FMOQ.
M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : Je
peux peut-être rapidement juste dire qu'on n'est pas sur ce groupe-là, mais il
y a quand même certains enjeux avec les PREM, notamment qu'on peut juste
appliquer à deux sous-régions, ce qui est un peu ridicule si on veut appliquer
dans le Grand Saguenay puis peut-être que Jonquière nous conviendrait autant
qu'Alma. Donc, il y a quand même des...
M. Dubé : Bien, c'est pour ça
qu'on veut simplifier les règles et...
M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : On
s'entend. Mais je crois qu'il y a quand même des enjeux aussi spécifiques au
projet de loi par rapport à la région. Je nommais mon petit patelin. Donc, moi,
je viens de Saint-Roch-des-Aulnaies, donc pas loin d'où vient le ministre, à
Saint-Jean-Port-Joli...
M. Dubé : Mon Dieu! C'est à
côté de Saint-Jean-Port-Joli.
M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : Bien,
je sais. Mais, tu sais, vous savez ce que c'est en région. Techniquement, on
est dans Chaudière-Appalaches, à côté de La Pocatière, beaucoup de personnes
qui vont avoir une clinique à La Pocatière, qui est un département régional
différent. Donc, des fois, c'est ça, la réalité des régions, c'est que peut-être
que le milieu qui nous correspond le plus, duquel on est le plus proche, bien,
ce n'est pas celui qui est charté par une frontière invisible par les
départements territoriaux. Ce qui est instauré dans le projet de loi, c'est
qu'on va être affilié à notre département, alors qu'en réalité la pratique,
c'est que, des fois, ton médecin qui serait le plus proche puis avec qui tu as
été affilié depuis longtemps, ou bien le milieu de pratique, bien, c'est un
milieu qui serait plus proche géographiquement et non selon les régions. Donc,
on est encore en train d'être plus dans une...
M. Dubé : Et la
simplification des PREM va en tenir compte, mais on pourra y revenir.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup.
M. Dubé : Merci beaucoup.
Merci.
Le Président (M. Provençal)
:M. le député de Pontiac, la suite
vous appartient.
M. Fortin :Petit guide pour les gens qui nous écoutent : À chaque
fois que le ministre dit : On ne fera pas de négociation sur la place
publique, il fait de la négociation sur la place publique.
Merci d'être là. Merci de vos
commentaires. Le ministre a passé beaucoup de temps, là, à essayer de vous...
essayer de vous convaincre de quelque chose par rapport à, justement, les
départements territoriaux de médecine familiale, là, que vous avez abordés, là,
encore une fois, à la toute fin, là. Donc, votre lecture du projet de loi à
vous, là, votre interprétation, là, c'est que, si quelqu'un est affilié à un
milieu de pratique à Québec, qu'il déménage dans Chaudière-Appalaches... c'est
qu'il ne pourra plus aller à cette clinique-là, c'est ça?
M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : Du
moins, ce qui est dans le projet de loi en ce moment, on n'a pas encore les
règlements, donc on ne peut pas se positionner sur des règlements qui
n'existent pas pour l'instant.
M. Fortin :Oui. Mais c'est ça qui est dans le projet de loi.
M. Pelletier-Lebrun (Maxence) :
Oui. Selon notre lecture, du moins.
M. Fortin :
Très bien. Mais faites attention, faites attention, le ministre va vous dire
que vous faites de la désinformation. O.K. Je...
Une voix : ...
M. Fortin :
Pardon?
Une voix : ...
Mme Harvey (Félicia) : C'est
notre lecture. On s'en tient à ça.
Des voix : ...
M. Fortin :O.K. Alors là, commençons par la fin de votre projet de
loi. Je vous cite, là : «Les objectifs qui ne respectent pas les critères
précédents risquent de créer une vision tunnel où l'atteinte d'indicateurs
accapare l'attention du médecin au détriment de la santé globale du patient.»
Donc, vous êtes un peu, si je vous comprends bien, à la même place que le
collège, qui était ici précédemment et qui disait essentiellement : Il y a
un risque pour le patient, là, il y a un risque qu'on aille trop vite, il y a
un risque qu'on veuille les voir trop rapidement, il y a un risque qu'on manque
des diagnostics parce qu'on veut aller vite, il y a un risque que le patient
n'ait pas toujours le suivi nécessaire, qu'il n'ait pas le temps de dire ce
qu'il a à nous dire, un patient plus vulnérable, par exemple. Est-ce que...
Est-ce qu'elle est là, votre préoccupation principale, c'est-à-dire que la
qualité des soins pourrait être affectée?
• (16 h 40) •
Mme Harvey (Félicia) : Oui,
exactement, là, on rejoint le CMQ à ce niveau-là. On a peur qu'il y ait des
objectifs, là, de performance, comptables, peu importe le mot, là, mais qui
favorisent une quantité versus une qualité. C'est pour ça que, dans notre
mémoire, pour essayer de faire du chemin puis de travailler en collaboration,
on parle plus d'objectifs qui pourraient être liés à la prévention, par
exemple, là, prendre des statistiques sur le dépistage de cancer du sein, sur
la vaccination, des points comme ça, pour valoriser la prévention, qu'on sait
qui est souvent...
Mme Harvey (Félicia) :
...laisser de côté, là, quand on fait des coupes budgétaires. Mais pour les
objectifs qui seraient de performance, de quantité, de forcer des médecins à
travailler plus de jours par semaine, ça, on pense que ça pourrait amener des
risques, là, pour la santé des patients.
M. Pelletier-Lebrun
(Maxence) : Puis le collège parlait de la métaphore des pièces
détachées de voiture. Bien, je pousserais la métaphore, puis je dis : On
n'a pas envie de devenir une chaîne de montage Toyota où on voit un patient
chaque 10 minutes, puis il n'y a pas d'adaptation qui est faite selon
chaque patient. On parle des patients vulnérables dans le projet de loi. Les
patients vulnérables, ça prend du temps parce qu'ils ont peut-être une
comorbidité psychologique quand on a quelqu'un, dans la famille, qui est mort
puis qu'on a envie d'avoir cette relation de confiance là parce qu'on les voit
pendant 40, 50 ans, c'est des choses qui prennent du temps. On ne peut pas
juste gérer quelqu'un qui est dans son deuil pendant cinq minutes, lui donner
une boîte de mouchoirs, puis passer au prochain patient. Il y a quelque chose
de fondamentalement humaniste dans la médecine. Puis ce qu'on craint, c'est que
si on désaxe nos objectifs de cette vision-là de la médecine, bien, on va
perdre quelque chose qui n'est peut-être pas quantifiable, qui n'est peut-être
pas indiquable sur un tableau de bord, mais qui fait aussi la beauté de la
pratique médicale.
M. Fortin :C'est-à-dire de pouvoir s'occuper de son patient, de lui donner
toute l'attention, tous les soins et tout l'écoute qu'il a besoin.
Mme Harvey (Félicia) :
Oui. Puis laisser l'autonomie aussi professionnelle du médecin de juger du
temps qu'il a besoin avec le patient, là, tu sais qui... Je pense qu'on a les
outils pour décider du temps qu'on passe avec le patient. Puis quand on met des
objectifs comme ça, c'est qu'on met un même moule pour tout le monde.
M. Fortin :
Mais vous n'êtes pas foncièrement sur le mode de rémunération, hein, c'est-à-dire
de passer d'une mode de rémunération qui est plus axée sur l'acte à un mode
peut-être mixte ou avec plus de capitation, tout ça. Est-ce que vous avez...
Est-ce que vous avez une objection à la base là-dessus.
M. Pelletier-Lebrun
(Maxence) : On croit que c'est quelque chose qui peut être discuté. Il
existe plusieurs modèles à l'international, peut-être pas dans un contexte d'un
projet de loi au niveau en cours aussi. Quelque chose qui nous dérange un peu,
c'est la définition de la vulnérabilité qui est faite pour la capitation, parce
que c'est... à même le projet de loi, alors que normalement c'est fait de façon
extrajudiciaire. Ça, ça fait qu'on n'a pas de flexibilité dans le futur pour
modifier ces critères de vulnérabilité là. Puis aussi de réduire toute la
diversité de la pratique clinique que je décrivais tantôt en seulement quatre
critères, ça me semble un peu réducteur. Dans le projet de loi, en ce moment,
ça veut dire qu'un patient à la santé flambante 25 ans est aussi
vulnérable qu'un nouveau-né. Ceux qui sont parents parmi vous savent qu'un
nouveau-né, ça tombe malade assez souvent. Ça ne semble pas tellement refléter
la réalité clinique. Il faut dire que la RAMQ a accès à tous les codes
diagnostiques de toute façon. Donc, il y aurait la possibilité d'avoir quelque
chose qui est plus nuancé que seulement quatre pastilles de couleur pour
essayer de décrire toute la vie en santé d'un patient.
M. Fortin :
Donc, je vous le confirme, mes enfants allaient pas mal plus souvent avoir le
médecin quand ils étaient nouveau-nés que moi à 25 ans, effectivement.
Vous dites, encore une fois, là, je suis à la toute fin de votre mémoire,
là : «Il existe également un risque que la multiplication d'objectifs
s'accompagne d'une multiplication de paperasse et de mécanismes pour vérifier
l'imputabilité des médecins». Ça fait que vous êtes en train de nous dire,
là : Vous allez défaire tout ce que tout ce que tout le monde a essayé de
faire en disant il faut réduire la charge administrative ou la charge de paperasse
des médecins. Non seulement le médecin qui était ici ce matin me disait :
Déjà je passe quatre jours par mois à faire de la paperasse, là. Là, vous dites
que ça risque d'en amener davantage.
Mme Harvey (Félicia) :
Exactement. C'est notre crainte, là. C'est y rajouter une couche de
bureaucratie de prouver est ce que j'ai atteint mes objectifs. Puis c'est de
rajouter des étapes au final de paperasse pour vérifier l'imputabilité, alors
qu'on veut que les médecins passent plus de temps dans les soins.
M. Fortin :O.K. Je regarde vos recommandations à la fin, là : retirer
la rémunération liée aux objectifs nationaux et territoriaux; retirer la notion
d'affiliation à un... d'affiliation obligatoire à un millier de soins; milieu
de soins, retirer la définition explicite des niveaux de vulnérabilité — on
vient d'en parler — abroger l'article 8 afin de garantir le
droit de négociation. Et à travers tout ça, là, il y en a un paquet d'autres,
là, des recommandations. Est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'on avait
retiré le projet de loi?
Mme Harvey (Félicia) : On
est en train d'essayer de trouver des manières d'amener des propositions
constructives au projet de loi. On l'a vu avec le projet de loi n° 83, on
a demandé un retrait. Le gouvernement a décidé de continuer. Donc, notre
approche, cette fois-ci, c'est d'essayer d'apporter des recommandations qui
pourraient diminuer les impacts négatifs sur la population.
M. Pelletier-Lebrun
(Maxence) : En santé, parfois, on parle de réduction des méfaits. Je
crois que le terme serait indiqué ici aussi.
M. Fortin :
Parlant de réduction des méfaits, là, qu'est-ce que ça... Vous l'avez apporté,
là, dans votre exposé, là. Lier la rémunération, disons, d'un médecin à
Gatineau, avec le nombre de patients, par exemple, qu'un médecin à Gaspé peut
réussir à avoir, c'est un enjeu. Mais quand je dis ça, il y a aussi l'objectif
et la responsabilité gouvernementale derrière tout ça, là. Lier la
responsabilité... De lier la rémunération d'un médecin à Gaspé au fait que le
gouvernement...
M. Fortin :...capable de donner des salles d'opération à Gatineau, ce
n'est pas bien, bien mieux non plus, là. Donc, si je vous comprends bien, là,
dans l'ensemble de votre propos, il me semble qu'il y a aussi une partie que le
gouvernement doit faire.
Mme Harvey (Félicia) : Oui,
exactement. Comme on dit, on n'est pas contre avoir des objectifs, il faut
avoir un plan, il faut savoir où on s'en va, donc on reconnaît l'importance de
ça, mais quand on met des objectifs, il faut mettre des ressources qui vont
avec. Si on ajoute une nouvelle classe dans une école, on peut s'attendre à ce
que l'école prenne plus d'étudiants. Mais si les classes sont déjà toutes
pleines, on ne rajoute pas de classe puis on dit : Augmentez de 50 %
votre prise en... bien, pas votre prise en charge, mais le nombre d'étudiants
dans l'école, ça ne fonctionne pas. Donc, on peut se fixer des objectifs, mais
nous, on veut voir des ressources sur le terrain, on veut voir des professionnels
à qui on a plus accès puis toutes les autres mesures qui ont été nommées ce
matin pis qu'on a... qui sont dans plein de rapports, dans plein de rapports
d'experts. Mais de déposer un projet de loi qui parle d'avoir des objectifs,
mais qui ne parle d'aucune ressource qui sont proposées avec, on trouve que ça
ne fonctionnera pas, là.
M. Fortin :Dernière chose. Vous avez une longue liste de
recommandations, vous vous attardez à plusieurs des enjeux spécifiques soulevés
par le projet de loi ou des articles du projet de loi, puis vous ne m'aimerez
peut-être pas parce que c'est une question ouverte, là, mais c'est quoi votre
plus grande préoccupation par rapport au projet de loi?
Mme Harvey (Félicia) : Notre
plus grande préoccupation, c'est l'enseignement, là. Je cite le ministre. Ce
matin, il a dit : «J'ai beaucoup de respect pour ceux qui font de
l'enseignement, mais le Québécois, de quoi a-t-il besoin? C'est la prise en
charge». L'enseignement, c'est ce qui fait les médecins de demain. Les Québécois
ont besoin d'étudier en médecine s'ils veulent des médecins demain et
après-demain. Donc, nous, ce qui nous inquiète, c'est que l'enseignement fait
par les médecins, que ce soit au prix clinique ou dans tous nos stages
cliniques, n'est pas pris en considération quand on parle de performance, n'est
pas pris en compte quand on parle de facturation à l'acte. Puis nous, on
demande que ça soit fait parce que, sinon, ça risque d'être la première tâche
que les médecins vont laisser tomber pour essayer de répondre à des objectifs
puis les étudiants n'auront plus de formation. Puis le ministre parlait de la
hausse des admissions en médecine, ce qu'on reconnaît qui est une bonne chose
si on veut augmenter les effectifs médicaux, mais ça doit aussi s'amener de
ressources. Si l'enseignement diminue, on n'aura pas des médecins prêts demain
matin.
M. Fortin :Très bien, je vous rejoins là-dessus. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Oui, merci, M.
le Président. Bonjour. Rebonjour. Il était un temps où on se voyait une fois
par année dans votre visite. Il me semble que je vous vois aux trois mois. Ce
n'est pas que c'est désagréable, au contraire, mais je me mets dans votre peau,
là, ça brasse beaucoup en santé, là, dans le réseau. Tu sais, juste avec vous,
il y a eu p.l. n° 15, p.l. n° 83,
p.l. n° 106 puis j'en oublie probablement, le p.l. n° 11 et d'autres, là. Quel est le moral des troupes de vos
membres en ce moment, dans tous ces chambardements et ces craintes, ces doutes,
les répercussions des changements que l'on vit en ce moment qu'on essaie
d'implanter? C'est deux choses, là. Quel est le moral des troupes chez vous?
M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : Bien,
je crois qu'il est moins bon qu'il y a quelques années de ça, malheureusement.
Je crois qu'il y en a beaucoup qui commencent la médecine un peu avec la vision
que j'élevais tantôt, peut-être un peu trop idéaliste, rose bonbon. Mais de
vouloir soigner puis de penser que ça va être central dans la pratique...
Malheureusement, il y a comme des couches et des couches de bureaucratie,
d'administration, de paperasse — puis pas juste le présent
gouvernement, ça date quand même de longtemps — qui se rajoutent,
puis, de plus en plus, c'est relégué au second plan puis avec un discours qui
est malheureusement négatif. On parlait de la valorisation de la médecine
familiale, tous les deux, ça fait trois ans qu'on est sur la table de
valorisation de la médecine familiale, qu'on essaie de pousser pour faire des
efforts. J'ai animé des webinaires, j'en ai fait des rencontres pour parler de
la région, mais on dirait qu'on fait ces efforts-là, mais, après ça, on fait un
pas en arrière puis on a des mesures plus coercitives, puis on dirait qu'on perd...
on perd un peu de vision, c'est quoi qui est important dans tout ça.
Puis il y a aussi tout l'enjeu des départs
vers les autres provinces, ce qu'on a nommé avec le p.l. n° 83,
que le monde se dit : Est-ce que j'ai vraiment envie de pratiquer au Québec,
alors qu'on est la législation au Canada qui est la plus restrictive dans ses
mesures?
Puis il y a aussi l'enjeu qu'il y a
beaucoup d'étudiants en médecine qui commencent leur résidence, qui viennent
des autres provinces. Est-ce que vraiment l'environnement actuel leur donne
envie de venir? On n'est pas un employeur de choix ou on n'est pas autant un
employeur de choix qu'on pourrait l'être. C'est sûr que le moral des troupes
n'est pas à son meilleur en ce moment.
• (16 h 50) •
M. Marissal : O.K. Pour
parler avec pas mal de médecins, là, c'est ma job, là, dans le cadre de ma job,
j'entends, je parle avec des médecins, pas de façon personnelle. Les jeunes
médecins, moi, il y a un truc que je remarque, c'est qu'ils sont beaucoup plus
branchés sur la prévention, notamment en raison des changements climatiques. On
ne peut pas nécessairement demander à des médecins seniors d'avoir les mêmes
préoccupations, puis c'est correct. Moi, je regarde ce projet de loi là, puis
je considère ce que les médecins me disent. Je me dis : On est déjà pas
mal faibles au Québec en termes de prévention. On est très curatifs, on est
très hospitalo-centrisme, mais on est mauvais en prévention. Qu'est-ce qu'il va
vous rester...
M. Marissal : …comme tant pour
faire de la prévention si on vous fait… si on vous demande de passer les
patients à la moulinette un par un aux 10 minutes sans faire de suivi,
qu'est-ce qui va rester comme temps pour la prévention?
Mme Harvey (Félicia) : Oui,
c'est une de nos craintes. En début… début mai, on a présenté, là, deux
mémoires à l'Assemblée nationale. On vous a rencontré justement, là, où on
parlait de prévention, là, qu'on voyait ça comme une manière aussi de
rééquilibrer le système de santé, là. On veut beaucoup gérer la demande…
l'offre, mais une autre manière de rééquilibrer, c'est de diminuer la demande.
Puis avec une population qui vieillit, une manière de s'assurer d'avoir moins
de travail demain, c'est rare que des travailleurs vont demander ça, mais c'est
de faire de la prévention maintenant pour s'assurer d'avoir une population en
santé. C'est pour ça qu'on espérait, avec nos recommandations, là, que les
objectifs soient liés à la prévention, pour que ça puisse permettre de le
remettre de l'avant. On ne pense pas que c'était dans l'idée du législateur au
départ, mais on le présente quand même. Parce que si on n'encourage pas la
prévention, on va juste se ramasser en quelques années avec encore plus de
travail puis plus de maladies qu'on aurait pu mieux gérer dès le départ.
M. Marissal : Oui, je suis
d'accord. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup de votre réponse. Alors, M. le député des
Îles, pour compléter.
M. Arseneau : Merci. Merci, M.
le Président. Toujours un plaisir de vous revoir. Votre mémoire est fort
intéressant, votre prestation et vos réponses sont solides. J'aimerais faire un
peu de pouce sur la question de mon prédécesseur parce que vous vous dirigez
tous deux vers la médecine familiale, si je comprends bien, vous avez parlé du
moral des troupes, Comment ça se traduit? Est-ce que vous avez des rencontres,
des sites web, un peu comme on voyait, là, pour les médecins actuellement?
Est-ce qu'il y a un genre de mobilisation ou d'échange? Est-ce que… Est-ce
qu'il y a un lieu où vous pouvez ventiler un peu puis de discuter de tout ça
puis voir comment on réagit face à ce qu'on a appelé le dénigrement
gouvernemental envers la profession?
Mme Harvey (Félicia) : Oui,
bien, la FMEQ, c'est une fédération, là, donc on représente quatre associations
étudiantes des quatre universités. On a, nous, des… des conseils, là, où on
parle avec les associations qui, eux, nous rapportent aussi ce que nos membres
individuels craignent et ont comme préoccupations. On a beaucoup… tu sais, nos
membres nous écrivent beaucoup aussi. Il y a quelques semaines, on a fait, là,
un webinaire sur le projet de loi n° 83 et quelles seraient les
conséquences s'ils étaient appliqués. Donc ça se traduit par des gens qui
veulent comprendre, qui veulent comprendre pourquoi, tu sais, la médecine est
toujours… les médecins sont attaqués et ils sont comme utilisés en bouc
émissaire, alors que les gens sont rentrés en médecine pour soigner, pour
traiter les gens. C'est des étudiants qui sont performants, qui ont travaillé
fort pour rentrer en médecine. Ils n'ont pas comme but d'aller faire du trois
jours semaines au privé, là. Donc, ils n'aiment pas le discours qu'ils
entendent.
M. Arseneau : Puis vous avez
parlé du rapport Soutenir l'élaboration d'une première politique
gouvernementale, en disant : Nous, on y souscrit. Mais vous dites : On
voit dans la traduction, là, de ce que le gouvernement a fait dans le projet de
loi, il n'y a qu'un seul côté de l'équation qui est retenu, là. Expliquez-nous
en quoi est-ce que, finalement, on a une approche qui ne correspond pas à ce
qu'on souhaiterait pour obtenir de vrais résultats, là?
M. Pelletier-Lebrun (Maxence) :
Je vais donner une petite métaphore encore une fois, on a une autre crise
d'accès au Québec, qui est la crise du logement en ce moment, on pourrait
dire : à partir de l'été 2026, on va associer un logement à chaque
Québécois, et le problème est réglé. Tout le monde a un logement, mais si c'est
un logement théorique, comme on veut créer des médecins théoriques, des
médecins de papier qui ne vont pas vraiment pouvoir répondre aux demandes de
leurs patients, bien, ça ne sert à rien de faire cette affiliation-là. Nous, ce
qu'on craint, c'est que sans ressources supplémentaires, on a beau associer un
médecin à un milieu de pratique, bien, si c'est le même nombre de
professionnels, le même nombre de salles, le même nombre de ressources qui sont
là, bien, ça va juste faire en sorte que les patients qui sont déjà là vont
avoir moins d'accès. Puis ceux qui vont venir dans le milieu, bien, ils ne vont
pas avoir un accès idéal à non plus.
M. Arseneau : Sauf que dans ce
cas-là, il faudrait identifier la performance des constructeurs ou des
municipalités, pour savoir qui est le coupable pour le manque de logements.
Mme Harvey (Félicia) : Je
pense que la première étape, ce serait d'arrêter de chercher un coupable, de
travailler ensemble, de construire des infrastructures… bien là, pour la crise
du logement, mais pour nous, de construire quelque chose ensemble. On trouvera
le coupable après.
M. Arseneau : Non, mais c'est
ça, trouver des solutions plutôt que des coupables. L'idée de la… comment vous
avez appelé ça, de la granulométrie…
Mme Harvey (Félicia) : De la
granulation.
M. Arseneau : Des… En fait,
c'est comme si… tu sais, pour simplifier, on disait : bien il y a des
malades, puis il y a des non-malades, puis ça réglerait le problème. On coche
oui ou non. Actuellement, ces outils-là existent. Et puis vous, vous êtes
familiers avec ça, là, pour le code de vulnérabilité, pourquoi on change ça
selon vous?
M. Pelletier-Lebrun (Maxence) :
Bon, bien, ça, comme on disait, il y a déjà des codes de vulnérabilité qui
existent, donc qu'est-ce que ça apporte en plus? Je crois que le fait d'en
discuter, on ouvre une boîte de Pandore que… on peut discuter de la
vulnérabilité dans un contexte de rémunération. Puis les codes qui sont
présentement implémentés ne sont pas parfaits. Puis ce serait le moment d'y
aller de façon plus granulaire puis pas trop granulaire qu'on avait avec Dr
Heppell ce matin, mais quand même…
M. Pelletier-Lebrun (Maxence) : ...pour
qu'on ait une facturation qui représente vraiment l'état de santé du patient
puis qu'on ait plus que quatre mots ou bien quatre pastilles pour représenter
une situation complexe.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup de votre participation
à nos travaux et surtout de votre contribution.
Sur ce, je vais suspendre les travaux
temporairement pour laisser place au prochain groupe. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 16 h 57)
(Reprise à 17 heures)
Le Président (M. Provençal)
: Alors, nous allons poursuivre nos travaux. Nous recevons
présentement la Fédération des médecins résidents du Québec et deux
représentants, le Dr Soufi et Me Savignac. Alors, je vous laisse la parole 10
minutes, puis on fait l'échange. Allez-y.
M. Soufi (Ghassen) : Parfait.
Merci, M. le Président. Donc, Dr Ghassen Soufi, président de la Fédération des
médecins résidents du Québec. Je suis accompagné de Me Patrice Savignac Dufour,
directeur général de la FMRQ. Donc, chers membres de la commission, je vous
remercie pour l'invitation aujourd'hui.
La FMRQ représente les médecins résidents
affiliés aux quatre facultés de médecine au Québec, soit plus de 4 000
médecins résidents. Ceux-ci offrent des soins à la population québécoise dans
l'une des 60 spécialités médicales reconnues au Québec dans le cadre d'une
résidence qui dure au minimum deux ans et qui peut s'étaler jusqu'à sept ans
selon les spécialités. Les médecins résidents travaillent exclusivement dans le
réseau public de la santé et peuvent poser les mêmes diagnostics, les mêmes
gestes que les médecins en pratique. Ils évaluent les patients, prescrivent des
médicaments et pratiquent différentes interventions chirurgicales. Bref, ils
font tout ce que les médecins en pratique autonome de leur spécialité sont
appelés à faire, le tout selon...
17 h (version non révisée)
M. Soufi (Ghassen) : ...niveau
de résidence. Ce travail s'effectue à raison de 72 heures par semaine en
moyenne, soir, nuit et jour, peu importe, et ce jusqu'à 19 journées
consécutives, selon l'entente actuelle.
M. le Président, nous vous remercions sincèrement
de l'invitation aujourd'hui. Nous vous indiquons d'emblée que le projet de loi
devant nous, en plus de relever de la négociation entre le gouvernement, et la
FMSQ, et la FMOQ, aborde un sujet qui est en soi très complexe. Nous venons
donc ici en toute humilité, sans la prétention d'être des experts sur le sujet
de la rémunération, mais il nous fait plaisir d'apporter au débat la
perspective de ceux et celles qui seront les médecins de demain.
Cependant, comme pour le projet de loi n° 11 en 2022, qui visait les médecins de famille par des
mesures coercitives, comme pour le projet de loi n° 15
en 2023, qui visait les médecins spécialistes, et comme pour le projet de loi
n° 83 qui visait les jeunes médecins, lequel nous sommes venus commenter
il y a à peine trois mois, nous nous retrouvons, encore aujourd'hui, devant une
pièce législative aux objectifs déclarés d'améliorer le système de santé, mais
qui, dans les faits, semble davantage destiné à servir de pion dans le jeu
politique du gouvernement.
Au-delà du très court délai entre l'invitation
que nous avons reçue et la commission parlementaire, aujourd'hui, il nous
apparaît très clair que le gouvernement ne cherche pas vraiment à dialoguer de
manière sincère sur les enjeux qui sont soulevés dans le projet de loi n° 106.
Il est assez particulier qu'un gouvernement dépose un projet de loi le jour
même que la publication d'un rapport d'expert commandé par lui-même sur le
sujet, rapport qui recommandait essentiellement des solutions contraires à
celles proposées dans le projet de loi n° 106. Si le gouvernement n'est
pas capable d'écouter ses propres experts, nous nous questionnons légitimement
à savoir s'il a réellement l'intention d'écouter ceux et celles qui viennent
commenter le projet de loi. Malgré cette fermeture de plus en plus marquée du gouvernement
au dialogue, j'espère sincèrement que vous porterez attention à ce dont je veux
vous parler aujourd'hui, à ces enjeux que nos membres nous soulèvent encore et
encore, à ces enjeux que les jeunes médecins redoutent, eux qui travaillent à
chaque jour sur le terrain, eux qui s'apprêtent à entamer une longue carrière
de 30, 40, 50 ans dans notre réseau, eux qui ont écouté vos propos dans
les dernières semaines, M. le ministre, avec stupéfaction. On va y travailler,
dans le système public, et on va y rester.
Tandis que l'objectif pour le ministre et
son gouvernement sont peut-être les élections de l'an prochain, les inquiétudes
que je tiens à vous partager témoignent d'une perspective que je partage avec tous
mes collègues, qui s'étalent sur un horizon de 10 ans, de 15 ans. Je
veux vous parler de l'avenir du système de santé au Québec, de la perspective
de la relève médicale et des dommages que ce projet de loi va y entraîner. M.
le ministre, il y a à peine trois mois, l'ensemble des acteurs de la santé ont
défilé ici pour vous dire que le projet de loi n° 83 était le mauvais
remède pour notre système de santé. Les fédérations médicales, le CMQ, les
syndicats, les médecins québécois pour le régime public, tous vous ont exprimé
le même message. Tous ont suggéré différentes avenues à explorer, des
suggestions, des idées pour améliorer le système. Vous avez semblé réceptif à
plusieurs de nos commentaires dans les échanges en commission et nous espérions
que les choses allaient commencer à changer. Mais nous voilà, trois mois plus
tard, à peu près là où on était. Le projet de loi a été adopté avec quelques
modifications esthétiques, mais nos hôpitaux sont encore en train de s'écrouler.
Nos chirurgiens sont encore limités par le nombre de salles d'opération. Nos
médecins de famille portent encore à bout de bras les enjeux administratifs
grandissants de leur pratique. Bref, nos collègues n'ont toujours pas accès à
toutes les ressources dont ils auraient besoin pour offrir des soins de la plus
grande qualité et au plus grand nombre de Québécois possible.
Et maintenant, le nouveau discours dans
lequel vous avez commencé à vous engager serait que les médecins sont paresseux.
Ils ne travaillent pas assez, ou sinon ils travaillent à temps partiel et ils
ne sont pas assez performants. M. le ministre, vous affirmez que les médecins
font le choix de ne pas être là le vendredi après 16 heures. M. Legault
n'hésite pas à jeter les gants, à dire que ça va brasser, qu'il attend ce
moment depuis 23 ans. M. le ministre, beaucoup de médecins résidents nous
ont écrit. Ils se sentent dépourvus, insultés. Et le problème, ici, c'est qu'on
a devant nous un gouvernement qui a les deux mains sur le volant, ce qui est
bien, qui s'obstine pourtant à garder les yeux rivés sur le tableau de bord,
sur les statistiques, sur les indicateurs de performance, tout ça pour brûler
une lumière jaune sans comprendre que la voiture peut s'écraser sur le poteau
quand on n'a pas vu, que le tableau de bord n'a pas vu.
Je souhaite diriger votre attention sur un
rapport publié il y a quelques jours par le groupe des chercheurs du HEC,
dirigé par le Pr Pierre Karl Michaud, sur l'évolution récente de l'offre
de services médicaux et de la rémunération au Québec. Ignorons aux fins de l'exercice
les limitations de la méthodologie, du calcul des auteurs, mais on rapporte
dans l'étude que les médecins de famille n'atteignaient le seuil minimal de
facturation choisi par les auteurs...
M. Soufi (Ghassen) : ...que durant
37 semaines dans une année, donc 32 semaines pour les spécialistes. Ces
chiffres font contraste, vraiment, avec les 46 semaines travaillées en moyenne
rapportées par les médecins eux-mêmes. Ça, c'est une différence qui est
soulignée par les auteurs. Cette étude constitue pour nous un excellent
tremplin pour comprendre pourquoi nos membres sont si indignés par vos propos
et par le projet de loi.
M. le ministre, vous pensez que ces
médecins font quoi pendant les 10 semaines d'écart entre les 46 puis les 32?
Pour nous qui sommes sur le terrain jour et nuit, qui travaillons en région,
dans les grands centres hospitaliers, dans les CHSLD et qui voyons ces
médecins-là travailler, la réponse est évidente, et votre hypothèse qu'ils sont
paresseux ne tient pas vraiment la route. En fait, ce sont ces médecins-là qui
tiennent à bout de bras le système de santé. Durant les périodes où ils
facturent moins, ce sont eux qui prennent de leur temps pour remplir des
formulaires. Ce sont eux qui prennent sur leur dos des tâches administratives,
de plus en plus de tâches administratives, faute de la lourdeur de notre
système de santé. Ce sont eux qui siègent au comité d'évaluation de l'acte
médical pour améliorer l'accès aux soins. Ce sont eux qui participent à des
activités de formation professionnelle continue afin de rester à jour sur les
données probantes qui avancent à un rythme effréné, encore une fois, pour
améliorer les soins à la population québécoise. Et ce sont eux, finalement, qui
prennent de leur temps pour nous former et nous enseigner à nous, la relève
médicale.
Mes collègues et moi sommes sur le
terrain. Nous travaillons avec ces médecins paresseux. Nous voyons nos
collègues et superviseurs se plier en huit pour remplir toutes leurs
obligations, pour continuer à offrir une médecine de qualité à leurs patients,
malgré tous les maux du système. Donc, quand le gouvernement insinue que ces
médecins, qui tiennent à bout de bras le système, sont paresseux, ou ne
travaillent pas assez, ou ne sont pas assez performants, il n'est pas
surprenant de voir qu'ils se sentent insultés.
Cet exemple, parmi tant d'autres, témoigne
des dangers de l'approche que préconise le gouvernement, où on garde les yeux
rivés sur le tableau de bord, sur les statistiques, sur cette vision un peu
comptable de la santé, et on fonce tout droit sans écouter ce qu'ont à dire les
acteurs qui sont sur le terrain. Pour nous qui sommes là, nous voyons les
conséquences de cette approche. Nous voyons que la qualité de l'enseignement
est en péril. Cette obsession avec les cibles statistiques qu'on vend aux
Québécois, qui ne veulent rien dire essentiellement, elle se fait au détriment
de la relève médicale, celle qui sera responsable de prodiguer les soins aux
patients de demain et celle dont l'apprentissage ne figure tout simplement pas
parmi les statistiques que le gouvernement a jugées importantes.
Depuis quelques années, le gouvernement
s'est réveillé, après des décennies de torpeur, pour ajuster à la hausse les
cohortes de médecine en 2018-2022, ce qui était réclamé par tous les acteurs de
la société et de la santé. Et nous saluons très sincèrement les efforts du
gouvernement en ce sens et notons cette année qu'il y aura un nombre record de
médecins résidents qui commenceront en médecine familiale le 1er juillet. C'est
vraiment fantastique. Chapeau à vous! Chapeau à tous! Mais ce n'est pas le
temps de gaspiller cet investissement.
Comme il était le cas pour le projet de
loi n° 83, il est évident que le projet de loi n° 106 ne sert qu'à
instrumentaliser les médecins pour donner l'impression qu'on tente de régler
les enjeux du réseau public sans réellement le faire. Les solutions pour
optimiser l'offre de soins au sein de ce réseau, nous les connaissons depuis
longtemps. Il nous faut un véritable accès à la première ligne. Il nous faut un
plan durable où les médecins sont encouragés à pratiquer une médecine humaine
et non une médecine statistique. Il faut que les professionnels de la santé,
qu'ils soient médecins, psychologues, travailleurs sociaux ou autres, puissent
avoir accès aux ressources dont ils ont besoin pour effectuer leur travail, et
ce, peu importe l'indice de performance qui est choisi. Pour les questions de
rémunération, laissons aux parties concernées et laissons aux tables de
négociation la tâche de déterminer la juste rémunération des médecins et
concentrons-nous à mettre sur place ces solutions pour réellement améliorer
notre système de santé et donner à la population... la population québécoise
l'ensemble des services qu'elle mérite, pas juste l'an prochain, pas juste dans
deux ans, mais aussi en 2030, en 2040, en 2050. Merci.
• (17 h 10) •
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre
présentation. M. le ministre, à vous la parole.
M. Dubé : Très bien. Alors,
encore une fois, je vais faire comme à vos collègues qui vous ont précédés. Ça
fait quelques fois qu'on se rencontre en commission. Alors, merci beaucoup du
temps, surtout qu'il n'y avait peut-être pas beaucoup de temps pour vous
préparer. Alors, j'apprécie énormément.
Je reviendrai tout à l'heure sur la
question de... parce qu'on fait souvent répondre... référence au comité
d'experts qu'on a engagé, là, Mme... je dis Mylaine...
Une voix : ...
M. Dubé : ...Breton, merci,
Étienne, et des deux autres personnes, Dr Groulx et Mme Boulanger... Dre
Boulanger, mais juste vous dire qu'on n'est pas en désaccord du tout avec le
rapport, parce qu'on se fait entendre ça souvent, là, au cours des... puis on
n'a jamais dit qu'on était en désaccord avec le rapport. Alors, il y a d'autres
gens qui l'ont dit pour nous, mais nous, on n'a pas dit qu'on était en
accord... en désaccord avec le rapport d'experts, je veux juste le mentionner.
Puis on a...
M. Dubé : ...on a la chance,
un peu plus tard, je pense que c'est ce soir qu'on les rencontre, puis je suis
très contente qu'ils soient en commission avec nous. On pourra peut-être
discuter plus spécifiquement des points de divergence que l'on a, mais des
points aussi de convergence sur les six recommandations qu'ils font.
Moi, je comprends très bien vos points,
là, puis vous... je ne ferai pas de liens, vous avez le droit de faire les
commentaires que vous faites par rapport aux liens politiques qui, à mon
sens... c'est votre droit de le dire, mais moi, je pense que je prends une
approche qui est de patient. Puis je vous entends sur l'implication que ça a
pour les médecins, puis vous avez le droit à votre opinion, mais moi, je vais
vous dire, si à chaque fois qu'on dit : Bien, nous, on ne peut pas changer
parce que c'est tout le rôle du gouvernement puis que, du côté des médecins, on
ne peut pas au moins avoir une certaine ouverture à faire des changements,
bien, jamais on ne va réussir, on ne va jamais réussir. Puis c'est ça que
j'entends un peu de vous aujourd'hui, là, c'est juste la faute du gouvernement
puis il n'y a rien que les médecins peuvent faire. Puis c'est ça que je trouve
un petit peu dangereux.
Alors, moi, ce que je vous dis, c'est
quand je regarde les patients, puis j'entends, là, j'en ai des députés, là, des
députés qui m'ont écrit puis qui me disent ce qu'ils entendent sur le terrain,
là, des 1,5 million de Québécois qui ne sont pas pris en charge, là, puis
des 600 000 vulnérables, ce n'est pas une question de pastilles de
couleur, là, que ce soit l'ancien code ou le nouveau code, c'est tout du monde
qui est vulnérable puis qui ne sont pas pris en charge en ce moment. Ça fait
que moi, quand je prends une approche patient, je me dis : Qu'est-ce que
vous pouvez faire de votre côté? Est-ce que vous en faites déjà beaucoup? La
réponse, c'est oui.
C'est vrai que les médecins en font déjà
beaucoup. Puis je l'ai dit et je vais le redire, la très grande majorité en
fait beaucoup, mais lorsqu'on parle pour les médecins, pour les omnis, pour nos
médecins de famille, là, je veux juste qu'on se comprenne bien que nos médecins
de famille, l'objectif principal, c'est la prise en charge. Je n'ai rien contre
la recherche, puis je n'ai rien contre l'enseignement, faites-moi pas dire des
choses que je n'ai pas dites, mais quand je regarde la question de
l'enseignement, les statistiques qu'on a, qui ne sont pas dans les codes de
facturation dont on parle, je m'excuse d'être mécanique, là, mais quand on
m'explique que la grande majorité, c'est de l'enseignement puis de la
recherche, puis qu'il y a moins de 200 équivalents à temps complet qui
font de l'enseignement, moins de 200... bien, 200, moins de 200, c'est 187, là,
le chiffre qu'on nous a donné il y a quelques jours parce qu'on a posé ces
questions-là, ça, c'est 2 % des médecins de famille, là. Ça ne vient pas
expliquer le trou que l'expert des HEC a trouvé, là, on parle de 187. Puis,
parce que les autres médecins qui font votre formation sont payés par un acte
de facturation de la RAMQ, donc il faut continuer à dire : Ce n'est pas
que les gens ne travaillent pas assez fort, mais la priorité doit être la prise
en charge, puis la priorité doit dire comment on peut faire pour travailler
autrement. C'est ça que moi, j'attends des médecins qui sont sur le terrain comme
vous puis qui travaillent fort. C'est de me dire où elles sont, les solutions.
Puis les solutions, on en a mis sur la table. Le Collège des médecins pousse,
puis c'est pour ça que j'étais content de la présentation que le
Dr Gaudreault a faite aujourd'hui. Le Dr Gaudreault a dit : On
s'entend, la solution, c'est travailler en équipe puis que ça ne soit pas juste
les médecins qui prennent en charge, mais les autres, la population, les autres
professionnels.
Alors, aujourd'hui, moi, ce que je vous
dis, puis j'aimerais ça vous entendre, pouvez-vous faire partie de la solution?
Pouvez-vous nous aider à travailler autrement? Parce que, tu sais, tantôt, je
donnais l'exemple de l'informatique. Si on ne trouve pas des solutions pour
aller chercher rapidement des dossiers à santé numérique, etc., moi, je me
dis : Aidez-nous à trouver des solutions. Je comprends, là, que vous avez
votre travail à faire puis vous avez lié ça à la politique puis que le
gouvernement fait ça comme un welsh politique. Vous avez le droit de dire ça
puis que je respecte ça, mais moi, ce n'est pas ça que je m'attends aujourd'hui.
Puis ce que je m'attends, c'est : Est-ce qu'on peut essayer de trouver des
solutions ensemble? Est-ce que vous y croyez, vous, à la prise en charge
populationnelle, d'être capable de déléguer à d'autres professionnels, d'être
capable de vous aider entre régions? Parce que s'il y a bien des spécialistes à
Montréal, comment on peut faire pour faire de la couverture dans des régions
qui manquent de grands spécialistes? Moi, c'est là les solutions que je veux
entendre. Alors, je vous entends là-dessus puis'aimerais ça vous entendre.
M. Soufi (Ghassen) : Bien, M.
le ministre...
M. Soufi (Ghassen) : ...ni vous
ni moi ne contestons le fait que les médecins omnipraticiens spécialistes, ils
ont une responsabilité. Bien évidemment, ils ne peuvent pas s'en acquitter de
toute impunité, quelle qu'en soit... qui que soit le patient, quel que soit le
geste, quel que soit le milieu. Mais ça, ces médecins-là qui ont cette responsabilité-là,
l'envers de la médaille, et les représentants ce matin de la FMSQ et de la FMOQ
vous l'ont dit, il faut qu'il y ait les ressources qui soient disponibles pour
qu'ils puissent faire la prestation de soins.
Puis là où je pense qu'on est peut-être en
désaccord, c'est le fait que la prise en charge pour l'ensemble des Québécois,
tout à fait d'accord, mais ce que je pense qu'on a peut-être une opinion
différente, c'est que les Québécois, ils ne veulent pas être inscrits sur la
liste d'un médecin de famille, ils veulent être capables de voir ce médecin de
famille là, de lui parler. Ils veulent avoir un lien avec lui, développer une
relation pour que ce médecin puisse les connaître, apprendre à connaître c'est
quoi, leur maladie, c'est quoi, les traitements, etc. Puis si on va au garage
puis qu'on veut changer ses pneus d'hiver, puis que le garagiste nous dit qu'il
va nous inscrire sur la liste d'attente, bien, ça ne nous aide pas à avoir un
temps pour changer les pneus.
M. Dubé : Bien, bon, allons-y
avec ça. Je veux juste être plus précis dans ma question. Êtes-vous d'accord ou
non à relier des objectifs de résultats à la rémunération des médecins? Je
pense que je connais la réponse, mais je veux juste vous entendre parce que ça
se fait dans plusieurs pays du monde, on a besoin d'être capable d'augmenter la
disponibilité. Puis, comme je vous dis, ce n'est pas parce qu'on a quelque
chose contre la recherche puis contre l'enseignement, mais il faut être capable
de trouver d'autres façons de faire.
Si on fait nos projets informatiques, si
on a accès maintenant à l'intelligence artificielle, si on est capable de
mettre en place, comme on a commencé à faire dans nos GMF, le projet de vitrail
pour justement être capable de faire de la pertinence des actes puis...
êtes-vous d'accord avec ça? On est-tu capable de dire que ça pourrait être lié
à certains objectifs? On entendra Mme Breton ce soir, mais vous, êtes-vous
d'accord avec ça, qu'il faut les lier à certaines cibles?
M. Soufi (Ghassen) : Comme je
vous l'ai dit tout à l'heure, je ne suis pas l'expert en rémunération. Puis ça,
vous avez les tables de négociation, vous allez pouvoir discuter de ça avec la
FMEQ puis la FMOQ, mais...
M. Dubé : Non, mais vous, là.
Parce qu'on me demande de ne pas parler de négos. Vous, comme futur médecin,
pour les 30 prochaines années.
M. Soufi (Ghassen) : C'est ça.
Bien, j'allais vous répondre. J'y arrive. La rémunération à l'acte, c'est
l'essence de la rémunération à la performance. Mais ce que vous, vous cherchez,
ce n'est pas de la rémunération à la performance, c'est de la rémunération à la
statistique. Puis c'est là où on est peut-être d'une opinion différente.
M. Dubé : O.K. O.K., donc
vous me dites : Vous, une liaison entre une partie de la rémunération et
puis un résultat, comme de baisser des listes d'attente, d'être capable de voir
le bon patient au bon moment dans sa GMF, d'être capable d'avoir... d'être
capable d'avoir les bons médecins spécialistes qui viennent en région au bon
moment, ça, vous... de lier une partie de la rémunération à ça, vous n'êtes pas
d'accord avec ça?
M. Soufi (Ghassen) : Je n'ai
pas dit que je n'étais pas d'accord. On est d'accord de lier des indicateurs de
performance quelconque avec une rémunération. Au Québec, il existe plusieurs
modes de rémunération déjà, que ce soit à l'acte, que ce soit... il y en a
certains qui sont salariés. Ça dépend du type de... ça dépend du type de
médecine qui est pratiquée, ça dépend du milieu, ça dépend de plusieurs
facteurs. Puis ça, essayer d'aller voir qu'est-ce qui marcherait le mieux pour
lequel des types de pratiques, ça, on va laisser ça aux experts sur la table de
négociation en parler. Parce que, est-ce qu'il y a une manière d'optimiser ça?
Bien sûr, mais ça n'appartient pas à nous d'aller nous ingérer là-dedans puis
de le faire.
M. Dubé : C'est correct si
vous ne voulez pas répondre... Il me reste combien de temps?
Le Président (M. Provençal)
: Sept minutes?
M. Dubé : Combien?
Le Président (M. Provençal)
: Sept?
M. Dubé : Sept. Sur la
question populationnelle, je ne sais pas combien il vous reste de temps à votre
résidence, êtes-vous un R2?
M. Soufi (Ghassen) : Un mois.
• (17 h 20) •
M. Dubé : Un mois. Mon Dieu! vous
êtes là, là, vous êtes... O.K. Bon, bien, tant mieux. Sur la question de la
prise en charge populationnelle, moi, j'ai posé la question ce matin au
Dr Gaudreault puis je voudrais avoir votre philosophie à vous. On
considère, depuis des années, que les médecins, c'est des travailleurs
autonomes. Vous entrez dans cette profession-là en tant qu'un travailleur
autonome. Vous êtes d'accord avec ça? Bon, comment je fais pour réconcilier...
vous, comme travailleur autonome, puis vous avez un client, c'est le gouvernement
parce que c'est à lui que vous envoyez les factures, comment vous considérez ce
travailleur autonome qui a un client, le gouvernement puis, d'un côté, qui
dit... vous dites : Bien, moi, je vais prendre les patients que je veux
prendre, hein? Les cas difficiles, je ne suis pas toujours obligé de les
prendre, puis moi, j'ai un engagement, moi, comme ministre de la Santé, j'ai un
engagement envers les Québécois qui paient des impôts, qui doivent dire :
Écoutez...
M. Dubé : ...comment je fais
pour prendre en charge 100 % des Québécois? Selon vous, pour les
prochaines années, qu'est-ce qu'on doit faire pour marier ces deux points-là,
vous, comme travailleur autonome, qui avait été formé pour sauver des patients,
pour soigner des patients — puis merci beaucoup de vous impliquer?
Comment je fais, moi, comme ministre, pour répondre à l'autre côté de
l'équation puis de dire : Comment on fait pour réconcilier ça? Il y a une
solution, c'est qu'on soit en charge de toute la population. Il faut qu'on
change ce paradigme-là, c'est qu'on dise :Est-ce qu'on est d'accord, les
médecins et le gouvernement, de dire : On va prendre en charge, peu
importe qu'on soit un travailleur autonome qui a des avantages, peu importe les
avantages — je ne rentrerai pas là-dedans aujourd'hui, il y en a
beaucoup? Comment vous pensez qu'on peut réconcilier ça, à part la
responsabilité populationnelle de 100 % de la population? Expliquez-moi
comment on peut faire ça.
M. Soufi (Ghassen) : Je pense
que, fondamentalement, la manière dont on fait ça, c'est qu'on s'assoie avec
ses vis-à-vis puis on discute, on écoute ce que les gens ont à dire de ce qui
se passe sur le terrain, comment ça se fait que... Comment ça se fait que les
médecins ne peuvent pas prendre en charge des patients, est-ce que c'est un
manque de local? Est-ce que c'est...
M. Dubé : O.K. Mais là vous
revenez, qu'est-ce que le gouvernement peut faire, moi, ce que je vous demande,
vous, vous : Qu'est ce que vous pouvez faire dans les prochaines années, les
prochains mois? Vous dites, vous commencez dans un mois, là, qu'est-ce que vous
pouvez faire pour réconcilier ces deux enjeux-là? Vous allez être un
travailleur autonome. Vous allez pouvoir décider, si on ne change pas les
règles, qui on prend. Puis, moi, je vais avoir encore 1,5 million de
Québécois, dont 600 000 vulnérables avec des maladies chroniques qui vont
dire : Je ne suis pas capable de voir mon médecin. Comment on réconcilie
ça ensemble?
M. Savignac Dufour (Patrice) : Peut-être,
M. le Président, dire là-dessus, si vous me permettez, ça fait plusieurs
fois...
M. Dubé : C'est quoi votre
rôle, exactement? S'il vous plaît, vous présenter.
M. Savignac Dufour (Patrice) : Je
pense que M. le président m'a déjà présenté, là.
M. Dubé : Non, mais
pouvez-vous me le redire, j'ai oublié.
Le Président (M. Provençal)
: Il est directeur général, M. le ministre.
M. Savignac Dufour (Patrice) :
Oui, on s'est déjà parlé, M. le ministre. il a déjà parlé. Mais, M. le
Président, en fait, ça fait plusieurs fois que le ministre Dubé parle de cette
question du travailleur autonome. Et peut-être qu'on aura l'occasion d'en
reparler tout à l'heure, mais c'est une chance que les médecins sont des
travailleurs autonomes, pour lui, dans la façon dont on se gouverne dans le
dossier du projet de loi n° 106. Parce que si c'était un groupe de
salariés — je n'embarquerai pas là-dedans parce que c'est technique — ils
auraient, au moment où on se parle, des recours sur les façons de négocier.
Mais, bon, c'est des travailleurs autonomes, mais alors le gouvernement a
choisi sa façon de négocier avec les médecins.
Puis, tu sais, nous, on n'a pas de
problème à ce que le pouvoir exécutif, ultimement, puisse utiliser les pouvoirs
législatifs, quand il y a des litiges, quand il y a des impasses dans les
négociations, pour arriver à ses fins. Moi, comme personne démocrate, là, si on
veut, je suis pour ça qu'ultimement un gouvernement peut trancher, ils sont
élus par la population. Mais là on fait les affaires à l'envers. Là, on arrive
avec un projet de loi qui veut fixer d'avance la rémunération des médecins
parce qu'on n'a pas ce qu'on veut à la table de négo. Tu sais, il n'a pas été
négocié entre la 7 puis le 8 mai, ce projet de loi là, alors qu'on était déjà
en train de négocier avec les vis-à-vis. Alors, tu sais, la question,
c'est : Faisons donc les affaires dans le bon ordre.
Le Président (M. Provençal)
:S'il vous plaît! S'il vous plaît! M.
le ministre veut intervenir.
M. Savignac Dufour (Patrice) :
Ah! excusez-moi, je pensais... Excusez-moi.
M. Dubé : Oui, je l'apprécie.
Je vais continuer avec le questionnement de votre collègue ici, c'est lui qui
est médecin, celui qui est dans la... Ce que j'aimerais, ce que j'aimerais
comprendre, quand vous dites ça, là, ça fait plus que deux ans que l'entente
est expirée, ça fait plus que deux ans que l'attente est expirée. J'ai montré,
ce matin, au docteur Amyot clairement, très clairement, qu'il y a des
propositions qu'ils nous ont faites eux-mêmes il y a deux ans, en 2023, sur
l'engagement populationnel, dont je parle, avec des indicateurs qui seraient
liés aux résultats. Toutes des choses qui semblent contraires à ce qu'on met
aujourd'hui dans le projet de loi. Alors, quand vous me dites que c'est entre
le 7 puis le 8 mai que ça a changé, là, je veux juste qu'on fasse
attention un petit peu à ce qui est dit, là.
Alors, moi, je veux juste dire... j'essaie
de trouver des solutions puis j'essaie de trouver des solutions avec des gens
qui vont être sur le terrain comme vous vous l'êtes déjà, parce que quand vous
faites votre RR2, vous êtes déjà sur le terrain. Moi ce que je vous dis, c'est
que je veux vous entendre pour dire comment on peut se rapprocher, pour être
capable de dire comment on va faire pour aller chercher ce 1,5 million de
patients, là. Moi, j'ai ramené des gens, là, qui... Malheureusement, on a une
population qui vieillit. Les gens, dont je parlais aujourd'hui, là, puis je ne
veux pas commencer à nommer de nom, on m'a donné à peu près 700 exemples,
juste par le caucus, de gens qui ont écrit aux différents députés qui sont avec
moi, là, puis qui nous disent : Moi, je suis allé, là, puis on m'a
dit : Regardez, là, je ne peux pas vous servir. Puis ces gens-là, ils ont payé...
M. Dubé : ...leurs impôts
toute leur vie. Alors, aidez-moi. Comment on peut trouver une solution pour ça?
M. Soufi (Ghassen) : Bien, je
pense que ça passe par l'écoute, écouter ce que... écouter ce que les gens sur
le terrain ont à vous dire. Et vous avez écouté ce matin. Les médecins qui
étaient là vous disaient qu'ils aimeraient voir plus de patients. Ils
voudraient faire plus de prise en charge, ils voudraient faire plus de
chirurgies, mais il y a des facteurs qu'ils ont identifiés, qu'ils ont nommés,
qui les empêchent de le faire. Donc, assoyons-nous à la table de négo, nous...
je m'exclus de cette table de négo, puis voyons c'est quoi, ces solutions-là
qu'on peut mettre en place pour travailler sur ça.
M. Dubé : Mais êtes vous
d'accord avec... mais je reviens à ma question initiale.
Le Président (M. Provençal)
: M. le ministre, votre temps est écoulé.
M. Dubé : Ah! malheureusement.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, M. le député de Pontiac.
M. Fortin :Oui, rester zen, M. le Président, je vais rester zen, mais
je veux dire quand même que la façon de la façon de traiter les gens qui
viennent ici pour un ministre qui a dit qu'il voulait changer le ton tantôt est
particulière.
Des voix : ...
Le Président (M. Provençal)
: Je m'excuse. Je m'excuse, non...
M. Dubé : ...dire ça.
Excusez-moi, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:S'il vous plaît?
M. Dubé : Ça m'a fait du bien
de le dire.
Le Président (M. Provençal)
: S'il vous plaît! Puis vous redonnerez du temps à... M. le
député, s'il vous plaît.
M. Fortin :
O.K. Est-ce que vous comprenez pourquoi le ministre ne va pas de l'avant avec
le rapport du groupe d'experts qui lui a été déposé? Aujourd'hui, il semble
dire qu'il n'est pas en désaccord, là, avec le rapport du groupe d'experts. Il
dépose un projet de loi qui ne fait pas pantoute ce qu'il recommande. Alors,
est-ce que vous vous expliquez cette décision-là de la part du gouvernement?
M. Soufi (Ghassen) : Comme je
l'ai exprimé tantôt, on ne le comprend pas parce que le rapport, il a été
mandaté. Ce sont des experts envers qui on a confiance qui ont produit ce
rapport-là, puis, ensuite, ce qu'on fait avec le projet de loi, c'est qu'on vient
essentiellement faire le contraire, malgré ce qu'on puisse dire. Donc, on ne
comprend pas, essentiellement comment est-ce que ce projet de loi ci, le projet
de loi n° 106 va venir réellement améliorer les soins
que vont recevoir les Québécois sur le terrain. Ça, on ne le voit pas, on ne
voit pas le lien.
Puis on ne le voit pas, pourquoi? On
ignore les recommandations qui nous sont faites par les experts, les
recommandations des gens qui viennent s'adresser au ministre, les dialogues
qu'on a eus au cours de la commission parlementaire précédente, également, mais
qui, au final, ne mènent à rien, ne mènent pas à des changements. On a encore
des hôpitaux qui s'écroulent, on a encore des manques de salles d'op, puis ça,
c'est la réalité terrain. C'est ça qui nous empêche de voir plus de patients,
de faire plus de prise en charge, de réduire les listes d'attente, etc.
M. Fortin :Est-ce que vous pensez, à l'instar de groupes qui sont
venus précédemment, là, qu'il pourrait même y avoir... qu'il pourrait y avoir
des impacts négatifs au projet de loi. Tantôt, on a parlé avec Médecins
étudiants de l'augmentation potentielle de la paperasse, c'est-à-dire du
fardeau administratif des médecins. Est-ce que vous pensez qu'il peut y avoir
des effets négatifs d'adopter le projet de loi comme ça?
M. Soufi (Ghassen) : C'est
difficile de prédire ce qui pourrait résulter de ce projet de loi tellement
c'est difficile à suivre, mais nous, ce qu'on veut venir soulever
aujourd'hui... puis encore, je le répète, on n'est pas des experts sur la
rémunération des médecins spécialistes et des omnipraticiens, mais ce dont on a
peur, c'est les angles morts que ce projet de loi introduit. Quand on fait de
la médecine qui n'est pas humaine puis qui est statistique, on risque de manquer
des bouts. Que ce soit, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, dans
l'enseignement des médecins... C'est quelque chose qui ne se chiffre pas,
peut-être, est-ce que c'est un acte non facturé? Est-ce que c'est une heure
prise de plus après la journée de travail au bureau? C'est quelque chose qui ne
se quantifie pas, mais c'est tangible, c'est réel, c'est humain. Il y a
beaucoup de ces facteurs-là dans la pratique de la médecine, qui sont humains
puis qui ne rentrent pas dans les statistiques. Puis c'est de ça dont on a
peur, c'est que les angles morts que pourrait introduire ce projet de loi, on
les manque, puis, carrément, on s'écrase contre un poteau.
• (17 h 30) •
M. Fortin :C'est que le temps qui est pris par des médecins pour faire
ça, pour faire de la formation continue, entre autres, là, soit maintenant
utilisé pour atteindre les objectifs du gouvernement.
M. Soufi (Ghassen) : Exactement.
Puis, comme ont dit les gens qui sont venus témoigner ce matin, voir un patient
qui est plus âgé, il a des comorbidités plus complexes, ça prend du temps.
Couper les coins ronds, ça peut mener à des erreurs, ce qu'on ne veut pas
faire. Les médecins veulent prodiguer des soins de la meilleure qualité au plus
grand nombre de patients possible, puis, quand on nous force à aller vite,
bien, ça ne nous plaît pas puis ça ne plaît pas aux patients. Personne ne veut
aller voir son médecin puis être vu en cinq minutes puis avoir l'impression que
ça roule puis ça roule. Bien, c'est ça qu'on nous propose dans le projet de
loi, et on n'est pas d'accord avec cette idée.
M. Fortin :Il y a un concept qu'on a discuté beaucoup au cours des
dernières années, on n'en a pas parlé aujourd'hui, là, mais on avançait souvent
l'idée que les médecins disaient aux patients : Non, non, non, tu peux
juste... tu peux juste me parler d'un truc. Puis le ministre disait : Aïe!
Non, ça, ça n'a pas d'allure, voyons, des gens qui vont voir leur médecin s'ils
ont... ça fait peut-être longtemps qu'ils attendent pour aller voir...
17 h 30 (version non révisée)
M. Fortin :
…les médecins, ils ont deux trucs différents. Est-ce que... Puis là, la
ministre nous dit : Non, non, c'est réglé, cette affaire-là. Bon, ce n'est
pas tout à fait ce qu'on entend du terrain, mais bon, le ministre nous dit que
c'est réglé. Avez-vous l'impression qu'on va revenir à ça si on fait de la
médecine cinq minutes, là? C'est-à-dire ça va être un problème, une chose, tu
reviendras une autre fois.
M. Soufi (Ghassen) : Bien, si
on fait de la médecine dans cinq minutes, de la médecine fastfood, il n'y a pas
le temps, il n'y a pas le temps de plonger dans les enjeux qui nécessiteraient
plus de temps, que ce soit en santé mentale, que ce soit de la famille. Peu
importe, on ne peut pas… On ne peut pas prodiguer des soins de bonne qualité si
on insiste uniquement sur la performance, sur les statistiques, sur la vitesse,
sur les… Le projet de loi, essentiellement, c'est un papier qui vise à diminuer
les listes d'attente sur papier, qui vise à augmenter le nombre de chirurgies
sur papier. Mais sur le terrain, ce n'est pas ça qu'on va observer, c'est juste…
C'est juste des statistiques qui vont changer. Puis les patients ne vont pas
recevoir de meilleurs soins à cause de ça.
M. Fortin :Mais, O.K., ça, c'est la médecine familiale, là, mais là vous
venez toucher, là, la… augmenter des chirurgies sur papier, là. Tu sais, ce qui
bloque les chirurgies aujourd'hui, là, on en a parlé en long puis en large, là,
dans ma région, il y a une salle d'opération qui va rouler à l'hôpital cette
année. Alors, est-ce que vous voyez d'une façon ou d'une autre comment ce
projet de loi là peut augmenter le temps de disponibilité des salles
opératoires ou le nombre de chirurgies qui se fait?
M. Soufi (Ghassen) : Il n'y a
rien dans ce projet de loi qui va en ce sens, parce qu'on les connaît, les
solutions déjà, à ces problèmes, on les a énumérés la dernière fois qu'on est
passé en commission parlementaire, il y a trois mois à peine. Les médecins
spécialistes n'arrêtent pas de le répéter, ça prend… la médecine, c'est un
travail d'équipe. On ne peut pas… on ne peut pas tout faire tout seul. Il nous faut
des... il faut des collègues, il faut des infirmières, il faut des
ergothérapeutes, il faut des inhalothérapeutes, il faut des salles. Et c'est ça
le… C'est ça l'entonnoir qui bloque, le fait de pouvoir voir plus de patients,
le fait de pouvoir faire plus de chirurgies, ce n'est pas… ce n'est pas ce qui
est indiqué dans le p.l. 106, puis c'est… On ne voit pas comment ça en soi va
améliorer l'accès aux soins de santé pour les Québécois.
M. Fortin :O.K., donc du côté de la médecine familiale, là, ce qui
pourrait se produire, c'est soit on fait de la médecine fastfood, là, comme on
vient de dire, on voit les patients en quelques minutes, avec tous les risques
que ça peut comporter pour les patients, pour la qualité des soins ou encore on
laisse tomber l'enseignement, la formation et tout le reste, là, comme les gens
de la… les médecins étudiants nous ont… nous ont avertis. Et du côté des
spécialistes, c'est-à-dire du côté des chirurgies entre autres, vous ne voyez
pas comment on peut faire plus de chirurgies avec ce projet de loi là.
M. Soufi (Ghassen) : Bien, il
n'y a rien dans ce projet de loi qui adresse les facteurs que je vous ai
mentionnés tantôt. D'ailleurs, c'est les mêmes facteurs dont on a discuté il y
a à peine trois mois au p.l. no 83, à la commission, puis rien n'a changé
depuis ce temps-là. Donc, on ne peut pas s'attendre à ce qu'il y ait plus de chirurgies
qui soient faites si on n'adresse pas vraiment les problèmes terrain.
M. Fortin :
Je vous écoute, là. Est-ce que vous avez l'impression d'avoir été entendus ou
écoutés par le ministre, la partie gouvernementale dans votre… La dernière fois
que vous étiez ici?
M. Soufi (Ghassen) : Bien,
sincèrement, on voulait venir participer très honnêtement exprimer vraiment
quelles étaient… quelles étaient nos préoccupations vis-à-vis le p.l. 106. Puis
c'est ce qu'on veut continuer à faire aujourd'hui avec le p.l. 106. Mais on
commence à avoir des doutes parce qu'on parle de ce qui se passe sur le
terrain, on parle de ce qui se passe sur le terrain, mais rien n'est fait
concrètement pour adresser ces problèmes-là. Puis nous, on le voit, on
travaille avec ces médecins-là sur le terrain, des médecins qui sont dits
paresseux. On voit qu'eux aussi deviennent de plus en plus frustrés parce qu'il
leur manque de… il leur manque de ressources. Ils voudraient faire plus, ils
voudraient faire plus de prise en charge, voir plus de patients, faire plus de
consultations. Mais ils ne peuvent pas. Bien, ce n'est pas parce qu'ils ne peuvent
pas… parce qu'ils ne veulent pas continuer à travailler après 16 heures le
soir ou quoi que ce soit, ils le feraient. C'est juste que physiquement, il n'y
a pas les espaces, il n'y a pas le personnel, il n'y a pas les ressources pour
le faire. Ça, ça devient frustrant.
M. Fortin :
Le ministre, tantôt, il était très insistant pour nous dire : Je n'ai
jamais dit que les médecins étaient paresseux. Il n'a peut-être pas utilisé le
mot paresseux, mais c'est ce que vous avez compris de son propos.
M. Soufi (Ghassen) : Il a
fortement insinué que ce serait ce mot-là et passé plusieurs remarques au sens
que les médecins, il y en a plusieurs qui travaillaient à temps partiel par
choix, qui réduisent leurs heures parce que c'est plus favorable, etc. Ce n'est
pas le cas.
M. Fortin :Très bien. Ça va pour moi, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
: Ça va?
M. Fortin :
Oui, c'est bon.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député. M. le député
de Rosemont.
M. Marissal : merci, merci,
merci. On arrive à la pause et ça fera du bien. Je ne parle pas de vous, bien
sûr, Dr Soufi, c'est toujours un plaisir de vous recevoir. Je vais prendre 30 secondes
pour répondre au ministre qui m'a interpelé tantôt, là. Oui, je lui fais le reproche
de parler des négos, parce que lui-même dit tout le temps qu'il ne faut pas en
parler. Ce n'est pas le premier barbecue qu'on fait ensemble, là. On a fait des
projets de loi ensemble, je ne sais pas combien de fois il dit ça : On ne parle
pas des négos, on ne parle pas des négos. On oscille constamment entre la table
de négos, où est-ce que…
M. Marissal : ...à la table de
négo... un projet de loi, puis parfois on est même complètement à côté du sujet
du projet de loi, puis on parle de négo pareil. Moi, c'est le mélange des
genres que je... qui m'énerve, ici, là, que je trouve contreproductif. Et, en
plus, le ministre a beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps, ça fait qu'il fait
des monologues, il ne laisse à peu près pas de temps aux témoins, quand il ne
leur dit pas qu'il ne veut pas les entendre, comme il vient de le faire avec le
directeur général. Je trouve ça indélicat, je trouve ça très indélicat.
J'en veux pour preuve qu'il y a un lien
entre la négo, que, ce matin, il nous a dit : Finalement, il n'y aura
peut-être pas de bâillon parce que la FMSQ est revenue à la table. Ça, si ce
n'est pas un lien direct entre le projet de loi puis les mesures législatives,
je ne sais pas ce que c'est. C'est fascinant. Il ne s'en cache même plus, là, il
nous le dit textuellement. Alors, Docteur Soufi, désolé pour cette parenthèse.
Vous arrivez à la fin de votre parcours de résident. Bravo! D'ailleurs, je
crois que vous serez psychiatre, hein, vous l'êtes déjà, en fait, je pense
qu'il faut que je dise que vous êtes déjà psychiatre. Alors, vous êtes
psychiatre. Bonne chance pour la suite puis bravo pour les efforts. Je vais
vous poser la même question que j'ai posée à vos collègues de fédérations
étudiantes : L'état d'esprit de vos collègues, le moral des troupes en ce
moment.
M. Soufi (Ghassen) : Laissez-moi
vous donner une analogie... plutôt une anecdote. Je me rappelle, quand j'ai
commencé ma résidence, justement, ça fait peut-être quatre ans, cinq ans, je
suis entré avec un collègue dans notre bureau, puis on a vu, le plafond était
effondré, il y avait du liquide de dialyse par terre, du liquide de dialyse,
c'est de l'urine, presque, puis c'était notre bureau où on voyait des patients,
on faisait des consultations, etc. Donc, on a dû... on a dû annuler quelques
rendez-vous, déplacer notre bureau pendant quelques mois, puis ensuite on a
appris que ça se répétait à chaque année, cette histoire, que le plafond
brisait à chaque fois. Puis à ce moment-là, on a ri. Parce que, quand on est
dans le réseau de la santé, dans le système public, on doit rire, des fois. Il
faut qu'on évacue ça, parce qu'il y a plusieurs choses qu'on voit qui sont...
c'est absurde. On se dit : J'aimerais tellement mieux offrir à mes
patients, mais je ne peux pas, donc essayons de faire le mieux qu'on peut avec
ce qu'on a. Puis une des réponses, c'est de rire, c'est l'humour.
Puis là, plus j'avance à travers les
années, plus on pige dans ce discours-là qui est très antagoniste, très
dénigrant, plus les réactions que j'entends de mes collègues, ce n'est plus de
l'humour, mais c'est aussi de l'irritation, c'est de la colère. Puis avant on
se disait : Bien, regarde, on va faire avec ce qu'on a, essayons de
changer les choses, essayons d'améliorer les choses. Là, c'est... le discours
commence à changer un peu. Les gens veulent quand même rester et travailler au
public, y consacrer leur carrière, mais il ne faut pas qu'on continue à
alimenter ce discours négatif là parce que c'est vraiment dégradant pour les
gens qui écoutent ça puis qu'ils se disent : Bien, à quoi ça a servi, tout
ce temps-là que je me suis mis... puis que j'ai mis des efforts pour essayer
d'améliorer ce système-là?
M. Marissal : Je crois que je
n'ai plus de temps, mais ne lâchez pas quand même. Merci d'être là. Merci pour
le témoignage aussi. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député. M. le
député des Îles.
M. Arseneau : Merci, M. le
Président. Oui, docteur Soufi, toujours un plaisir. M. Savignac Dufour,
également. J'aimerais vous laisser la parole parce que vous étiez dans une
lancée lorsqu'on vous a interrompu. J'aimerais vous entendre, parce que vous
sembliez dire qu'on fonctionnait à l'envers, si j'ai bien compris.
• (17 h 40) •
M. Savignac Dufour (Patrice) : Bien,
écoutez, moi, j'ai rarement vu ça, honnêtement, là, puis ça fait 25 30 ans que
je suis les travaux législatifs. Dans d'autres vies, je suis venu en commission
parlementaire, là, puis, tu sais, une loi spéciale déguisée, là, c'est ça, là,
tu sais, c'est... On anticipe d'avance un litige qu'on n'a pas encore. Il y a
un litige entre des fédérations médicales puis le gouvernement. Ça a toujours
existé, ça va continuer à exister, mais on n'est pas dans une impasse. On n'est
pas dans une crise sociale où le gouvernement va utiliser l'Assemblée nationale
pour légiférer, pour régler une crise. Il y a une crise de financement du
réseau, il y en a, des crises en santé, ce n'est pas ce que je dis, mais, tu
sais, laissons la chance à la négo, puis, ultimement, là, si le gouvernement
fait la démonstration que les... mettons que les fédérations médicales ont été
de mauvaise foi dans le cadre de la négo puis qu'il est rendu à uniquement
légiférer, bien, il fera ce qu'il a à faire.
Puis une loi spéciale, ça peut exister en
démocratie. Là, ce qu'on vous demande, vous, les membres de l'Assemblée
nationale, là, c'est d'emblée donner une loi spéciale au gouvernement dans ses
négos, puis ils ne le cachent même pas. C'est vraiment hallucinant, là.
Et, tu sais, regardez l'article 8, on en
parlait tantôt, là, à l'article huit, on vous demande à l'Assemblée nationale,
vous, de, d'emblée, donner un chèque en blanc au gouvernement pour définir par
règlement les modalités de prise en charge des personnes assurées puis les
obligations de la prise en charge. Ça fait que la médecine McDonnald's... Moi,
je ne prête pas de mauvaises intentions à personne, mais un gouvernement, ou un
autre gouvernement, d'ailleurs, si cette loi était adoptée, dans le futur,
pourrait utiliser le pouvoir réglementaire pour imposer à peu près n'importe
quoi dans la pratique médicale... si cet article là, était adopté. C'est ça que
je voulais vous exprimer.
M. Arseneau : Merci de
l'avoir fait. Maintenant, pour ce qui est de, justement, la question de l'organisation...
M. Arseneau : ...ça me semble
être ça, l'élément sur lequel on souhaite... on souhaiterait se pencher en vous
écoutant puis en écoutant les autres, alors que là, on vient introduire des
notions liées à la négociation de la rémunération de l'enveloppe globale. Et
est-ce que ça ne vient pas justement nous empêcher de voir plus clair non
seulement... pas seulement sur la prise en charge, mais sur les meilleurs soins
à apporter aux Québécoises et aux Québécois?
M. Soufi (Ghassen) : Oui,
parce que les solutions, on les connaît, ça fait longtemps qu'on les connaît.
C'est un véritable accès à la première ligne, une première ligne
multidisciplinaire. C'est des ressources au bon endroit pour les bonnes
personnes. Mais les débats qu'on a sur ce projet de loi, c'est, comme vous le
dites, ça détourne un peu l'attention de ce sur quoi on devrait vraiment
concentrer notre attention puis nos efforts puis nos énergies, puis on trouve
ça dommage.
M. Arseneau : Puis vous, vous
êtes de l'école... évidemment, de l'idée que, pour renforcer la première ligne,
la rendre plus efficace, mais vous ne pouvez pas faire ça tout seul, c'est
clair.
M. Soufi (Ghassen) : Ça va de
soi. La médecine se complexifie, les patients deviennent de plus en plus âgés,
il y a des maladies chroniques qui s'installent. C'est impossible de faire
cette job seul, ça nous prend une équipe, ça nous prend des professionnels sur
qui on peut compter, qui sont présents. Ça nous prend des locaux dans lesquels
on peut voir les patients. Ça n'existe plus cette médecine où on est seul, on a
le cabinet, on voit le patient, c'est trop complexe, c'est trop avancé pour
faire ça.
M. Arseneau : Donc,
inscription et accès, ce n'est pas la même chose.
M. Soufi (Ghassen) : Ce n'est
pas du tout la même chose. Qu'on soit inscrit sur une liste puis qu'on puisse
voir un médecin, c'est deux choses complètement différentes.
M. Arseneau : Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Alors, merci beaucoup à la Fédération des médecins
résidents du Québec, pour votre participation à nos travaux.
Sur ce, je suspends les travaux jusqu'à
18 h 40.
(Suspension de la séance à 17 h 43)
18 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 18 h 45)
Le Président (M. Provençal)
:Bonsoir à tous. Nous allons
poursuivre nos travaux. Nous allons poursuivre les consultations particulières
et auditions publiques sur le projet de loi n° 106, Loi visant principalement à
instaurer la responsabilité collective et l'imputabilité des médecins quant à l'amélioration
de l'accès aux services médicaux.
Ce soir, nous entendons les témoins
suivants : Pre Mylaine Breton, les Médecins québécois du régime... pour le
régime public et l'Association des jeunes médecins du Québec.
Sur ce fait, je vais saluer Mme Mylaine
Breton, professeure titulaire du Département des sciences de la santé
communautaire, Université de Sherbrooke, et la dame... et le docteur Elise
Bélanger, médecin de famille de la Clinique Indigo, qui l'accompagne. Alors,
sur ce, vous avez 10 minutes pour votre présentation, et, par la suite, nous
procéderons aux échanges. À vous la parole.
Mme Breton (Mylaine) : Bonsoir,
M. le Président, Mesdames et Messieurs les membres de la commission...
Mme Breton (Mylaine) : ...je...
j'ai... excusez. Dre Marie-Dominique Beaulieu, professeure émérite de
l'Université de Montréal, et Mme Catherine Lamoureux-Lamarche sont
co-signataires de notre témoignage. Aujourd'hui, nous ne venons pas à titre de
membres du comité d'experts mandatés par le ministre. Aujourd'hui, on souhaite
plus partager avec vous une critique informée du projet de loi n° 106 à partir
de notre double expertise, d'une part, sur les savoirs scientifiques et,
d'autre part, sur les savoirs expérientiels des cliniciens. Depuis près de deux
ans, nous travaillons ensemble sur différentes initiatives pour recommander des
façons concrètes d'améliorer les services au Québec.
D'entrée de jeu, le projet de loi
n° 106 propose une finalité ambitieuse et courageuse que nous
reconnaissons et partageons, celle de garantir un accès universel et équitable
à des soins de première ligne. Toutefois, nous avons des préoccupations
importantes quant aux moyens choisis pour l'atteindre. Nous souhaitons
aujourd'hui soumettre quatre éléments du projet de loi qui nous semblent
problématiques. Nous vous parlerons d'abord que c'est un projet qui fait porter
toute la responsabilité populationnelle uniquement sur les médecins, qui
propose un mécanisme d'inscription sans engagement clair de l'État, qui prévoit
de lier des modèles de prise en charge basés sur une catégorisation de la
vulnérabilité par l'État et, enfin, qui mise sur des stratégies coercitives
susceptibles de cristalliser les pratiques au lieu de mobiliser les milieux.
Premièrement, la responsabilité
populationnelle ne peut être que partagée. Aucun groupe professionnel ne peut
assumer seul la responsabilité de l'accès aux services de première ligne. Cette
approche n'est pas viable. Le projet de loi n° 106, dans sa mouture
actuelle, concentre la responsabilité populationnelle collective sur les
médecins de famille. Il rend les DTMF responsables de répartir cette
responsabilité, alors que l'accès des services de première ligne ne dépend pas
que de leur ressort. Or, faire porter l'entière responsabilité de la filiation
et de la prise en charge d'une population à une seule profession sans lui
donner des moyens structurels et du soutien organisationnel est une approche
réductrice et dépassée. Cette responsabilité doit être partagée entre les
équipes cliniques, les instances gouvernementales et l'État.
La première ligne doit reposer sur des
équipes interprofessionnelles. Ce sont des équipes qui sont... qui assurent la
prise en charge, la coordination et la continuité des soins.
Ces équipes doivent être appuyées par des
structures de gouvernance locale qui sont en mesure d'agir sur des conditions
de succès de la première ligne, budget pour l'organisation des services,
fluidité des parcours, réduction du fardeau administratif, dotation adéquate du
personnel en quantité suffisante, stabilité organisationnelle, accès à des
services spécialisés.
Attribuer la responsabilité à des médecins
qui ont ni contrôle sur les ressources humaines, ni sur l'organisation des
services, c'est de créer une responsabilité sans levier et, ultimement, sans
résultat. Bref, il faut que la responsabilité soit clairement partagée,
encadrée et soutenue.
Deuxièmement, l'inscription, telle qu'elle
est proposée dans le projet de loi, n'engage pas explicitement l'État dans son
succès, alors qu'il devrait être un acteur central. C'est important de
comprendre que l'inscription est un outil de politique publique qui engage
trois parties : l'État, les milieux cliniques et les patients.
L'inscription agit à la fois comme un levier de coordination clinique, de
répartition des ressources et d'imputabilité populationnelle.
• (18 h 50) •
Le projet de loi n° 106 introduit un
mécanisme d'inscription en milieu de soins, mais il ne fait... il le fait en se
concentrant uniquement sur la modification de la rémunération des médecins, qui
n'est qu'un des leviers. Cette approche est problématique et elle fait
abstraction des autres conditions essentielles à la réussite d'un tel mécanisme
qui doit s'accompagner d'un ensemble cohérent de mesures, par exemple des
mécanismes de gouvernance adaptés dans des milieux, une capacité réelle
d'accueil des organisations dans ces mêmes milieux, des processus de contractualisation
clairs et un alignement entre le financement, la reddition de comptes et la
réalité clinique. Or, aucun de ces moyens n'est abordé dans le projet de loi.
L'État, en tant que payeur et garant de
l'organisation des soins, doit être pleinement engagé dans la mise en œuvre de
ce type de réforme. Il ne peut déléguer la responsabilité d'affilier les
citoyens à un milieu de soins à une seule catégorie de professionnels sans
s'engager à fournir les ressources adéquates aux milieux cliniques et de se doter
d'une infrastructure nécessaire pour assurer son succès. Par exemple, la
dotation des postes de professionnels dans les GMF est la responsabilité de
l'État.
Un autre enjeu fondamental concerne le
type d'inscription retenu. Dans la loi actuelle, le principal professionnel
responsable est clairement explicite pour les personnes qui ont actuellement un
médecin de famille. Il n'est pas clair qui serait responsable pour les patients
inscrits collectivement ou nouvellement inscrits à un milieu de soins. En l'absence
d'un professionnel clairement identifié, l'inscription à un milieu de soins
peut rendre... peut conduire à des effets pervers : redistribution
arbitraire des listes en fonction d'une capacité administrative, diminution de
la qualité des suivis ou encore incitation à prioriser des patients moins
complexes...
Mme Breton (Mylaine) : ...détriment
de ceux qui nécessitent davantage d'attention. La littérature scientifique
confirme que l'inscription formelle à un médecin de famille ou à une IPS est un
meilleur gage de qualité et de services en général. Il faut éviter de recréer
les dérives observées avec les modèles d'inscriptions collectives où
l'inscription n'implique ni relation thérapeutique ni continuité réelle.
Mme Boulanger (Elise) : Troisièmement,
il y a un réel danger avec le projet de loi que l'État s'approprie des
modalités de prise en charge de la population et impose des classifications de
vulnérabilité qui ne tiennent pas en compte les réalités cliniques. Le
gouvernement propose actuellement, notamment, d'utiliser la méthodologie de
regroupement de la population développée par l'Institut canadien d'information
sur la santé. Cette méthodologie a son utilité. Elle sert principalement à la
planification des services, à l'analyse des besoins à l'échelle populationnelle
et à la gestion des ressources. Elle permet, oui, de regrouper des personnes
ayant des profils de santé similaires, mais elle n'a pas été conçue pour guider
des décisions cliniques ni pour évaluer la complexité des situations humaines
des individus.
Utiliser ce type de système pour
déterminer la rémunération des médecins présente plusieurs limites. Non
seulement il ne capte pas les nuances des trajectoires cliniques, mais il
pourrait aussi générer des effets pervers en orientant le comportement des
cliniciens. Ce sont des risques qui sont bien documentés lorsque les incitatifs
sont mal alignés.
Il faut comprendre que la vulnérabilité en
première ligne, telle qu'on la définit, c'est un phénomène qui est
multidimensionnel, qui est évolutif puis qui est profondément ancré dans les
conditions de vie des personnes. C'est dynamique. On croit fermement que
l'évaluation de ce phénomène, tout comme l'organisation et la prise en charge
de ce phénomène dans les milieux cliniques, doit se faire dans les milieux
cliniques, en partenariat avec les patients, fondé sur la confiance, la
continuité puis la connaissance des situations personnelles. Ce principe
fondamental est mis en danger actuellement avec les pouvoirs octroyés par ce
projet de loi. La prise en charge des personnes vulnérables ne peut pas être
imposée par un algorithme ou un barème administratif, O.K., des données
clinicoadministratives. Les outils dont dispose le gouvernement à l'heure
actuelle sont trop imparfaits et ne sont pas conçus pour guider une prise en
charge qui est juste et appropriée pour les patients.
Finalement, le quatrième point dont on
souhaite vous parler, c'est l'utilisation des stratégies coercitives qui sont
fondées sur des mesures de performance imposées puis qui risquent de devenir
cristalliser des pratiques qui sont désuètes plutôt que de susciter un
véritable engagement des milieux.
Le projet de loi n° 106
s'inscrit dans une logique de réforme qui repose en grande partie actuellement
sur des mécanismes coercitifs. En venant lier la responsabilité populationnelle
à une seule catégorie de professionnels, en envisageant des mécanismes de
performance qui peuvent être associés à la rémunération, il vient alimenter la
résistance plutôt que de venir soutenir l'adhésion. C'est particulièrement
problématique actuellement, en contexte de pénurie de ressources où on
souhaite, finalement, garder tout le monde qu'on a.
Nous ne sommes pas ici pour discuter en
profondeur des modalités de rémunération, puis d'autres experts le feront mieux
que nous, mais... puis on reconnaît que la révision des modalités de
rémunération des médecins, elle est vraiment légitime, elle est souhaitable,
O.K., pour soutenir la transformation des pratiques interprofessionnelles. Ça,
c'est clair, puis ça doit se faire dans le cadre d'un modèle mixte qui inclut,
oui, la capitation, oui, les incitatifs appropriés, mais sans que la
performance ne devienne une condition punitive de la rémunération.
Derrière les résultats des politiques de
rémunération à la performance, le fameux P «for performance», comme celles qui
ont été mises en place au Royaume-Uni, sont en fait plutôt mitigées, ne sont
jamais à la hauteur de 25 % puis sont plutôt mitigées. Les effets sur la
qualité des soins sont incertains, et puis les effets pervers ont été
documentés, comme l'alignement des pratiques sur des indicateurs qui sont
finalement inadéquats, qu'on veut changer par la suite, ou la négligence, même,
de certaines dimensions plus qualitatives des soins qui sont très importantes
pour les patients.
Ce qu'on propose à la lumière des données
probantes, c'est plutôt de concentrer nos efforts sur la création d'une
infrastructure de données fiable, facilement utilisable pour la première ligne,
qui permet de comparer les performances entre les équipes, O.K., au lieu... et
de venir soutenir les équipes interprofessionnelles dans une réelle démarche
d'amélioration continue de la qualité au lieu d'aligner les travailleurs vers
des cibles qui vont cristalliser des comportements... qu'on va vouloir ensuite
changer la cible parce que, finalement, on s'est rendu compte que la cible
n'était pas bonne. La science montre qu'on est plus gagnant à long terme si on
vient cultiver autrement la performance en soutenant l'amélioration.
Brièvement, on voulait vous parler de
l'expérience de l'Ontario, parce qu'elle est quand même inspirante, là. Depuis
plus d'un an, la province déploie actuellement un plan d'action pour les soins
primaires qui vise à inscrire chaque Ontarien auprès d'un médecin de famille ou
d'une IPS d'ici à 2029. Ce plan prévoit des investissements très importants,
là, plus de 1 milliard, pour venir créer 305 nouvelles équipes
interprofessionnelles puis affilier les 2 millions de personnes qui ne le sont
pas. Puis ils viennent aussi de déposer une cadre... pardon, une loi, donc,
pour fixer dans leur cadre légal une vision publique claire, donc une loi
déclarative sur les soins primaires.
En conclusion, le projet de loi no 106
propose, oui, une finalité ambitieuse à laquelle vraiment, là, on adhère, celle
d'avoir une source régulière de soins pour tous les citoyens. Toutefois, dans
sa forme et dans son fond, le projet de loi sous-estime la complexité de la première
ligne et met en péril la transformation qui s'était déjà amorcée dans plusieurs
régions puis plusieurs milieux cliniques...
Mme Boulanger (Elise) : ...en
voulant imposer rapidement des mécanismes qui sont rigides, sans tenir compte
de l'ensemble des leviers nécessaires, pour nous, le projet risque de ne pas
obtenir les effets escomptés pour la population, c'est le plus grand danger.
Les constats qui sont issus du terrain sont clairs, ils sont vraiment bien
soutenus par la science, pour une transformation qui est vraiment tenir une
première ligne forte qui va nous donner un système de santé performant. On vous
a parlé aujourd'hui d'une gouvernance territoriale pour permettre une réelle
responsabilité partagée. C'est une inscription qui est soutenue par l'État à
l'aide de ressources humaines et d'infrastructures. C'est une évaluation
clinique de la vulnérabilité, d'incitatifs qui sont alignés sur l'amélioration
continue des pratiques soutenues par une infrastructure de données qui est
fiable. Il faut se donner le temps de continuer à mettre les conditions
de succès en place. Nous aussi, on est pressés, mais on est surtout pressés de
bien faire les choses pour la suite... pour les Québécois.
Donc, on appelle ici les membres de cette
commission à revoir vraiment le fondement même de ce projet de loi au profit
d'une approche qui, pour nous, est d'une autre nature. Ce dont on a besoin,
c'est d'une trajectoire qui est cohérente, qui est transparente puis qui va
permettre à chaque acteur, professionnels, gestionnaires, les organisations,
les patients, de vraiment comprendre son rôle puis de s'y engager pleinement
dans le futur. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup M. le ministre.
M. Dubé : Très bien. Alors,
Mme Breton, je ne sais pas... Vous avez un doctorat?
Mme Breton (Mylaine) : Oui.
M. Dubé : Donc, est-ce que je
peux dire docteure?
Mme Breton (Mylaine) : Au
Québec, on dit les professeurs, mais, dans le Canada anglais, on dit docteur
quand c'est des Ph. D.
M. Dubé : Alors, j'allais
dire, mesdames...
Mme Breton (Mylaine) : Je suis
un docteur qui ne soigne pas.
M. Dubé : Peut-être....
Dre Boulanger. Merci à vous deux. Je veux juste que les gens, puis je sais
que c'est un petit peu délicat, parce que vous venez, à moins que je me trompe,
vous venez dans votre rôle plus personnel que dans le rôle que vous étiez au
niveau du mandat qui avait été donné par le ministère. Peut-être juste, en
30 secondes, l'expliquer, puis après ça, ça sera clair pour tout le monde.
Mme Breton (Mylaine) : En
fait, c'est l'invitation qu'on a reçue. J'ai été invité à titre de professeur
et pas les membres du comité d'experts. Mais comme il y a une longue histoire
de collaboration, je me suis joint des experts autour de moi.
M. Dubé : Non, mais je suis
très content...
Mme Boulanger (Elise) : On
travaillait ensemble avant, ce comité d'experts là, sur des choses par rapport
à la première ligne.
M. Dubé : Bien, c'est ça, puis
je reconnais les deux expertises, Dre Boulanger, du terrain. Vous avez
votre propre GMF, puis tout ça, puis, Mme Breton, mais je voulais juste le
mentionner, parce que, tu sais, on s'est fait dire qu'on n'était pas d'accord
avec le rapport d'experts puis, au contraire. Je voulais juste le mentionner
parce qu'on aura à en reparler dans les prochaines semaines.
Lorsqu'on a engagé le groupe d'experts,
puis je finis là-dessus, c'était pour nous aider à définir une politique de
première ligne, puis on n'a pas changé d'idée. Puis l'essentiel des
recommandations que vous faites dans ce rapport-là, on est d'accord. Bon,
l'enjeu, puis vous l'avez bien dit, c'est un enjeu d'exécution et d'échéancier,
je vais le dire comme ça, pour arriver à ces fins-là. Ça fait que je mets ça de
côté. Puis, comme on dit, on s'entend que, sur certaines choses, on ne s'entend
pas, mais, je dirais, sur l'essentiel, d'avoir besoin d'avoir une première
ligne forte avec les six recommandations qui sont dans le rapport, je vous
dirais qu'essentiellement on est là. Bon, je voulais juste mentionner ça.
Moi, je voudrais profiter de vos
expertises, à vous deux, pour vous poser des questions ce soir. Bon, je vais
commencer par vous Mme Breton, parce qu'une des raisons que vous avez été
engagée, je pense, entre autres, c'était votre expertise par rapport à comment
est performante une GMF. Puis je dis ça, pas parce qu'elles ne le sont pas,
mais comment on peut améliorer des GMF, hein? On vous a vu dans d'autres
commissions, et j'aimerais ça que vous me parliez des cibles — puis,
si c'est possible, M. le Président, on pourra déposer des rapports que
Mme Breton a déjà fait — ça a l'air de quoi, des cibles d'une
GMF performante. Puis la raison pour laquelle je vous demande d'en parler,
c'est qu'il y a un débat, en ce moment, de dire : Est-ce qu'on est
d'accord ou pas avec une rémunération qui est basée sur des sites... Je ne
parle pas de GMF, là.
Et je voudrais que les gens comprennent de
quel genre de cible, selon vous, quand on parle d'une GMF qui est là pour... de
quel genre de cible vous parlez. Puis je demanderais, si vous êtes d'accord, à
déposer les documents que vous avez sur votre site Web. Mais je veux vous
entendre là-dessus, parce que c'est important que les gens comprennent
qu'est-ce que ça veut dire, les cibles, quand on parle... parce que ce n'est
pas des cibles comptables. C'est de quoi qu'on parle, pouvez-vous m'en parler
un petit peu?
• (19 heures) •
Mme Breton (Mylaine) : Oui,
tout à fait. En fait, il y a deux éléments. Il faut voir à quel niveau qu'on
utilise des indicateurs, nos cibles de performance. Puis il faut en mettre, là,
on est tous d'accord, notre rapport d'expert en fait mention, puis, dans le
reste du monde, là, on utilise... basé sur le quintuple objectif qu'on
recommande aussi, ce n'est pas seulement sur des indicateurs administratifs,
mais...
M. Dubé : Quand vous dites le
quintuple...
Mme Breton (Mylaine) :
Quintule objectif.
M. Dubé : ...mais pouvez-vous
le dire, c'est quoi, votre quintuple... Moi, je les connais, mais...
Mme Breton (Mylaine) : Oui.
Le quintuple objectif, en fait, c'est utilisé...
19 h (version non révisée)
Mme Breton (Mylaine) : ...travers
le monde. On dit... Ça a évolué. Au début, on disait : Les systèmes de
santé performants doit améliorer non seulement l'état de santé de la
population, les indicateurs de mortalité, que c'est la base, mais aussi l'expérience
des patients qui sont au cœur des systèmes, le côté efficience.
M. Dubé : C'est ça. Ça, c'est
le deuxième.
Mme Breton (Mylaine) : Après,
on a ajouté récemment l'expérience des professionnels, qu'on sait que c'est au
cœur d'un système de santé, alors aussi pour toucher la... le... pas juste le
plaisir au travail, mais la... les enjeux de burn-out ou de... des
professionnels. Et le nouvel objectif qu'on vient d'ajouter, qui est le
cinquième, c'est l'équité, qui est au centre d'un service de santé.
Alors, c'est vraiment le quintuple
objectif, c'est ce qu'on dit dans la littérature, c'est l'atteinte visée par
les systèmes de santé performants. Puis on devrait, quand on fait des
indicateurs de performance, avoir des indicateurs dans chacun de ces cadrans-là.
Alors... Puis, dans notre rapport, si vous voulez, on a... on a regardé les
cinq cadrans puis on fait des propositions qui est dans la littérature pour
aller chercher de l'information.
Un exemple : le Commonwealth Fund, ils
font des sondages de satisfaction d'expérience en soins primaires à travers le
monde. Au Québec, on paie pour cette enquête-là puis on suréchantillonne pour
avoir des... plus de Québécois qui participent pour être capable de contraster
l'expérience entre les régions. On dispose de cette mine actuellement. C'est le
Commissaire à la santé, au bien-être qui dispose de cette banque de données. Et
je vous recommande fortement d'aller utiliser ces résultats-là, qui est un des
indicateurs au niveau des systèmes et même au niveau de chaque région qu'on
peut dire : O.K. Est-ce que l'expérience des patients... Est-ce que c'est
facile d'avoir accès en temps opportun? Est-ce qu'on est... Ça fait que ces
éléments-là qui est important, c'est une source d'information extrêmement
importante et valide et qu'on dispose actuellement au Québec.
Alors, quand on dit de se doter d'un
système, un peu, un monitorage, c'est de s'assurer qu'on a, dans chacun des
cadrans, des indicateurs qui sont à niveau de système. Si on veut voir est-ce qu'on
s'améliore, les soins primaires, c'est de suivre ces indicateurs-là dans le
temps.
M. Dubé : Et la question...
Mme Breton (Mylaine) : Ça,
c'est au niveau système de santé.
M. Dubé : O.K. Excusez-moi,
excusez-moi. Oui.
Mme Breton (Mylaine) : Votre
question touche les GMF. Comment... C'est quoi, les systèmes qu'on peut se
donner?
M. Dubé : C'est ça.
Mme Breton (Mylaine) : Bon. Là,
c'est nouveau... Les indicateurs, historiquement, c'est une boîte noire dans
les... On utilisait les données de facturation de la RAMQ deux ans plus tard
pour un peu donner un portrait de performance. Le dossier médical électronique,
c'est une source d'information extrêmement riche qu'on n'utilise pas encore
beaucoup. Ça fait à peu près 10, 12 ans que ça existe. Moi, quand j'ai fait mon
doctorat, on demandait aux cliniques médicales : Avez-vous un dossier
médical électronique? Puis, s'ils disaient oui, ils avaient tous les points de
qualité. Alors, c'est une source qu'on n'a pas explorée encore beaucoup puis ça
permet en temps réel.
Et là j'en viens à les travaux que je mène
actuellement, qui est d'accompagner les GMF dans l'accès adapté. Et on a
développé plusieurs indicateurs qui sont... une des sources d'information,
c'est les dossiers médical électroniques. Essentiellement, c'est l'agenda. Je
tiens à préciser qu'on a développé ça, moi et ma collègue Isabelle Gaboury,
dans une philosophie, un esprit de soutenir la pratique réflexive des
cliniciens. Les cliniciens, ils veulent s'améliorer, ils veulent des données. Pour
s'améliorer, il faut avoir parfois des données. Puis là on se rejoint. Moi, ce
que j'ai peur, c'est que ça soit utilisé... Il y a toujours du... Si on attire puis
on lie à la rémunération, je pense que c'est une erreur, mais il faut donner
les cliniciens... Quels sont ces indicateurs, par exemple? Nous, on regarde, on
a huit indicateurs...
M. Dubé : ...
Mme Breton (Mylaine) : Est-ce
que je continue sur les... le contenu des indicateurs?
M. Dubé : Oui, mais juste
pour terminer,parce que, moi, ce que je veux que les gens comprennent,
c'est que vous êtes une experte notamment en GMF, puis, nous, quand on a
commencé à parler des cibles, c'était pour quelque chose de bien précis, c'était
pour les médecins, pour la rémunération. Ma question, elle est simple :
Est-ce qu'il y a plusieurs des indicateurs dont vous parlez qui pourraient
servir aux deux? Est-ce qu'il y en a qui sont communs ou, quand vous parlez,
vous parlez uniquement pour les GMF?
Mme Breton (Mylaine) : Moi,
les indicateurs que j'ai développés, c'est dans les milieux GMF puis c'est à la
fois un portrait personnalisé pour chaque médecin qui lèvent la main, qui
veulent leurs indicateurs puis qui sont capables de se suivre dans le temps, puis
dans le temps en temps réel. Chaque semaine, je peux valider c'est quoi mon
troisième rendez-vous disponible, ma proportion des rendez-vous à 48 heures...
M. Dubé : Oui, ça, je me
souviens. O.K.
Mme Breton (Mylaine) : ...la
collaboration interprofessionnelle, le «no-show». Alors, on est capables, mais
c'est vraiment... je tiens à souligner que c'est développé à des fins de
pratique réflexive, et ce n'est pas le ministère, ce n'est pas la FMOQ qui a
les résultats, puis je pense que, dans cette ouverture vers la culture d'amélioration,
la culture de données, il faut... il faut expérimenter puis il faut les... il
faut que les médecins et les organisations apprennent à s'approprier ces
données-là.
M. Dubé : O.K. Je comprends
votre point. Il me reste...
Le Président (M. Provençal)
:...
M. Dubé : O.K. J'avais deux...
on pourrait en parler pendant des heures, mais je veux juste revenir sur vos
deux expertises. J'ai parlé... Puis, s'il me reste du temps, je vais passer au
docteur Boulanger, si vous permettez.
Dre Boulanger, une des raisons pour
laquelle on vous a engagée dans le mandat mais que, je pense, vous êtes à l'aise
de parler ce soir... parce que je veux vous entendre sur, en tant que médecin,
ce que vous entendez par la responsabilité. Vous l'avez dit tantôt dans votre
énoncé : la responsabilité. Dans un monde idéal, tout le monde devrait
avoir un médecin, tout le monde devrait référer à un médecin et...
M. Dubé : ...avoir un GMF
pour avoir une... Parce qu'on parle beaucoup de continuité de soins. Ma
question, c'est... je ne pense pas que vous êtes contre la responsabilité
populationnelle, mais je veux vous entendre sur les deux. Parce qu'on est un
peu pris dans un dilemme, là, puis je l'ai expliqué en d'autres... puis je vais
faire mon introduction très vite : il manque de médecins, selon certains,
de la façon dont on travaille en ce moment. Je n'entrerai pas dans ce débat-là,
mais, pour être capable de pallier peut-être au manque qu'on a en ce moment,
comment on fait pour se servir de la responsabilité populationnelle qui a été
faite, des fois de le prendre en groupe plutôt qu'un médecin, sans enlever la
responsabilité du médecin que vous préférez? Est-ce que je suis claire dans ma
question?
Mme Boulanger (Elise) : Je
vais essayer d'y répondre en quelques minutes.
M. Dubé : O.K., parfait. Je
sais que ce n'est pas facile, mais c'est important de le comprendre dans le...
Mme Boulanger (Elise) : C'est
correct. Il y a beaucoup de concepts...
M. Dubé : Et voilà, s'il vous
plaît.
Mme Boulanger (Elise) : ...pas
simples. Donc... Bien, premièrement, la responsabilité populationnelle, telle
qu'on la définit, il y a une définition bien précise de ça, O.K.? C'est... tu
sais, c'est une responsabilité qui est collective de tous les acteurs du
système d'avoir... donc, ça, ça a été défini, là, tu sais, je l'avais même noté
ici, en fait, parce que je me doutais qu'on allait en parler, de tous les acteurs
du système de santé et des services sociaux envers la santé de toute la
population. Ça implique une collaboration entre des organisations publiques,
des organisations communautaires, des organisations privées, de maintenir,
d'améliorer la santé et le bien-être de la population en agissant aussi sur les
déterminants sociaux de la santé. Donc, c'est beaucoup plus large que ce qu'on
parle des services médicaux ici. On parle aussi de ce qui... de ce qui touche
parfois aux villes, de ce qui touche à d'autres secteurs que la santé. Donc, il
faut vraiment... tu sais, quand on parle de responsabilité populationnelle,
c'est ça.
Ensuite, quand on veut... puis c'est un
peu l'enjeu, là, pour lequel ici, avec le projet de loi, quand on vient mettre
ça sur un type de professionnels, bien, ça ne fonctionne pas, là, il y a... On
parle aussi de la responsabilité collective en groupe, là, puis la prise en...
M. Dubé : Oui, ce qui est une
autre définition importante dans tout ça, là, oui.
Mme Boulanger (Elise) : ...en
charge de groupes, qui est une autre, exactement, définition à part.
Premièrement, tu sais, si on termine sur la responsabilité populationnelle,
c'est que... c'est certain qu'il y a toutes sortes de responsabilités que les
différentes personnes et groupes ont là-dedans. Donc, en soi, c'est enchâssé
aussi dans la loi pour l'État, alors c'est l'État qui a cette
responsabilité-là, puis là, bien, par le fait même, c'est Santé Québec, c'est
le réseau, et donc il doit venir fédérer et puis... tu sais, Mylaine, tu as
fait ta thèse là-dessus, donc tu pourrais en parler plus que moi, donc... et de
venir fédérer tous les acteurs, là, dont on parle dans notre définition. Ça
fait que c'est de même que ça doit se faire pour donner les services à la
population.
M. Dubé : Mais peut-être ma
question...
Mme Boulanger (Elise) : C'est...
Votre question est différente, c'est ça, à...
M. Dubé : Oui. Bien, c'est
ça. Moi, je suis plus dans la responsabilité collective parce qu'un des
enjeux... Puis c'est pour ça qu'on a fait le GAP comme méthode intérimaire,
c'est qu'on disait : Bien, si, de la façon dont on travaille en ce moment,
il manque des médecins, puis je le dis comme ça, qu'est-ce qu'on fait en
attendant? Puis on a trouvé que le collectif était mieux que pas du tout, je
vais le dire comme ça. Comment vous... Comment on peut continuer à améliorer ça
et tendre, comme vous avez dit dans votre rapport à un moment donné... À un
moment donné, on va avoir les ressources nécessaires. On fait quoi en attendant
pour combler le besoin?
Mme Boulanger (Elise) : Bien,
c'est sûr que c'est la grande question, c'est sûr que... Je veux dire, quand on
est arrivés avec le comité d'experts, l'objectif, si on peut parler de ça, là,
un petit peu, le rapport, notre objectif ici, c'était de venir informer une
politique pour la première ligne. Donc, c'était la vision pour le futur, puis
c'est : quelles sont les grandes orientations, vers où on devrait s'en
aller, c'est quoi, notre vrai Nord, O.K.?
M. Dubé : C'est ça,
exactement.
Mme Boulanger (Elise) : Donc,
on ne nous a pas demandé de faire un plan d'action, ça fait que... Évidemment,
tu sais, s'il y a des choses qui sortent, ça vient de nous, O.K.?
M. Dubé : C'est une politique
pour commencer. C'est ça, exactement.
• (19 h 10) •
Mme Boulanger (Elise) : Donc,
c'est une politique pour faire avancer, pour donner les grandes lignes à tout
le monde. C'est un peu comme faire un plan stratégique pour une
organisation : Voici où on s'en va, puis ensuite on fait un plan d'action,
puis ensuite on le met en action. Donc... donc, c'est là qu'on en est, O.K.?
Donc, entre les deux, c'est certain qu'il
faut avoir une espèce de plan de transition pour être capable d'améliorer les
soins qu'on a à la population, O.K.? Ça fait que, là, les moyens exacts pour
faire ça ne sont pas clairs. Mais une chose qu'on sait, c'est que la première
ligne, pour vraiment qu'elle fonctionne, O.K., pour vraiment qu'on arrive à
avoir les résultats que ces systèmes performants là nous donnent dans le monde,
il y a des affaires... il y a une magie, O.K., qui doit se passer puis il y a
certaines caractéristiques qui doivent aller ensemble.
Puis, si on focus juste sur l'accès, donc
de prendre toutes les ressources qu'on a actuellement puis de les étaler sur
tout le monde pour être capable... pour se dire : Bien, dans le fond, là,
j'en ai 85 % d'inscrits, j'en ai 15 % qui ne l'ont pas, je vais tout
étaler puis je vais faire... on va perdre cette qualité-là de la première ligne,
qui nous donne finalement des effets dans le restant de notre système. Ça va...
Ça se peut qu'il y ait des gens qui aillent plus à l'urgence, par exemple, ça
se peut que... donc qui vont... parce qu'ils n'auront pas les soins qui vont
être requis dans la première ligne. Donc...
Et le problème qu'on voit avec amener un
projet de loi comme ça qui va imposer ces affaires-là, c'est qu'on perd des
gens avec ça, puis on perd des gens à un moment où c'est le pire moment,
finalement, parce qu'on veut bâtir notre capacité, on va leur dire vers où on
s'en va.
M. Dubé : Puis moi, je...
Vous le faites dans un sens constructif, là. On fait... je reviens toujours à
la même question, mais on fait quoi pour les...
M. Dubé : ...1,5 million de
Québécois, qui...
Mme Boulanger (Elise) : On
continue...
M. Dubé : Oui. Donc...
Mme Boulanger (Elise) : ...on
continue à mettre les bases, on continue à leur dire vers où on s'en va.
Qu'est-ce qu'on fait pour améliorer ça? On continue à leur dire qu'on va
augmenter les équipes interprofessionnelles, qu'on va travailler en équipe,
qu'on va augmenter...
M. Dubé : Oui, mais...
Mme Boulanger (Elise) : Mais
on le fait déjà, on le fait déjà. Les gens ont des endroits où ils peuvent
aller, donc il faut juste continuer à améliorer la qualité puis donner une
direction. Donc, si on fait toujours rebrasser les cartes, puis on ne finit
jamais le travail... Ce qui est arrivé un petit peu, dans le fond, avec
l'inscription, c'est qu'on s'est dit : O.K., on va faire une inscription,
à tout le monde, à un médecin de famille, mais on n'a pas regardé si on avait
assez de médecins de famille pour inscrire toute la capacité des gens. Au
Québec, on a une proportion non significative qui travaille dans les
établissements, dans les hôpitaux, dans les urgences, puis ça, bien, c'est
important, parce qu'on en a eu besoin à un moment donné, puis tout ça, puis,
bon, mais c'est une particularité, O.K. Ça fait que, quand on compare... C'est
sûr que, quand on compare un nombre de médecins de famille ailleurs, avec
d'autres provinces, on a l'impression qu'on en a autant puis qu'on a moins de
services mais c'est parce qu'ils travaillent ailleurs aussi, puis c'est
important.
Ça fait que cet enjeu-là...
M. Dubé : Mais est-ce que...
En fait, la question simple... puis je ne sais pas comment...
Mme Boulanger (Elise) : ...il
faut continuer à augmenter l'inscription puis avoir assez de gens.
M. Dubé : Il me reste une
minute. Moi, ce que je veux, c'est... puis c'est d'ailleurs pour ça qu'on vous
l'a demandé comment... c'est quoi, la vision, puis comment on peut y arriver...
Mme Boulanger (Elise) : Oui,
oui, puis j'ai un dernier point là-dessus.
M. Dubé : ...je veux juste
savoir si cette transition-là peut se faire par une responsabilité ou une prise
en charge collective pendant qu'on n'a pas toutes les ressources nécessaires,
selon vous. Je veux juste savoir : Est-ce que c'est, au moins, un moyen
intérimaire?
Mme Boulanger (Elise) : Donc,
je pense que, pour certaines régions, pour certains milieux, oui, ce serait
possible. O.K. Il y en a qui l'ont fait, il y en a qui...
M. Dubé : Oui, qui l'ont même déjà
fait, qui l'ont même déjà...
Mme Boulanger (Elise) : ...il
y a des endroits qu'ils sont allés, O.K., avec... et qui ont été... mais on a
laissé... on n'est pas allé d'une manière coercitive. On a dit aux gens :
Voici vers où on s'en va, voici notre direction, voici ce que le gouvernement,
aussi, va faire de son côté, qu'est-ce... quelles ressources on va rajouter. On
comprend la situation. Puis donner le pouvoir aux gens du terrain...
M. Dubé : Puis ça, est-ce
qu'on peut le faire dans... bien...
Mme Boulanger (Elise) :
...puis d'être capables de mettre en place ces modèles-là, parce qu'il y en a
qui l'ont fait.
M. Dubé : Oui, mais...
Allez-y, Mylaine.
Mme Breton (Mylaine) : Puis, actuellement,
on a fait une inscription collective, mais il faut que le patient rappelle le
GAP pour avoir un rendez-vous à cette clinique-là. Ça fait que permettez, le
patient... s'ils sont inscrits collectivement à la clinique, que le patient
appelle direct la clinique...
M. Dubé : Directement, directement.
Mme Breton (Mylaine) : ...et
la clinique s'organise pour avoir cette responsabilité-là.
M. Dubé : Bon, bien, d'accord.
Mme Breton (Mylaine) : C'est
une inscription fantôme. Alors, si c'est une inscription citoyenne à ce groupe
là, bien, laissez la clinique et le patient se coordonner. Mais il ne faut pas
oublier d'avoir un professionnel responsable au dossier...
M. Dubé : Oui, ça, vous en... O.K.
Mme Breton (Mylaine) :
...parce que, comme on l'a dit, la magie de la continuité, puis tous les effets
sur l'hospitalisation...
M. Dubé : Alors, si ce n'est
pas un médecin, ça peut être un professionnel responsable dans la GMF ou...
Mme Breton (Mylaine) : Il ne
faut pas que ça tombe entre les craques.
Mme Boulanger (Elise) : La
majorité des données nous disent que c'est un médecin ou une IPS, donc c'est le
professionnel qui est le plus habilité, dans la première ligne, pour faire le
plus de choses, tu sais, les choses les plus... qui vont nous éviter des
hospitalisations, O.K. Ça ne veut pas dire que c'est toujours ce
professionnel-là qui voit... Il peut avoir... il peut être identifié
davantage...
M. Dubé : Bon, O.K. Bien,
c'est ça.
Mme Boulanger (Elise) : ...ou
voir davantage les infirmières, et tout ça. Et travailler en équipe, c'est
vraiment ça qui est important. Mais il y a quelqu'un d'identifié comme ça. Ce
n'est pas la collusion de l'anonymat si jamais il arrive puis, soudainement, il
devient très, très vulnérable.
Mme Breton (Mylaine) : Il y a
une personne inscrite au dossier.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup.
M. Dubé : On va continuer à
discuter. Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: M. le député de Pontiac, pour 12 min 23 s.
M. Fortin :Oui, merci, M. le Président. Bonjour à vous deux, merci
d'être là. Le ministre a dit tantôt que c'est important pour lui que les gens
comprennent que vous êtes des expertes en la matière. Je pense que c'est fait,
je pense que c'est pas mal compris de tout le monde, là.
Je veux... je veux qu'on aille un peu sur
les risques du projet de loi tel qu'il est... tel qu'il est écrit en ce moment.
Vous en avez cité plusieurs. Je vous en nomme deux, que vous avez mentionnés
vous-mêmes : la diminution de la qualité, puis la priorisation des
inscriptions de certains cas, peut-être, plus simples, au détriment de patients
plus vulnérables. J'aimerais ça vous entendre sur votre perspective de comment
ça va arriver, ça, la diminution de la qualité, comment ça va arriver, le fait
que... pourquoi ça arriverait, le fait que des patients peut-être plus simples
seraient priorisés sur des patients plus... ou des cas plus difficiles.
Mme Boulanger (Elise) : Bien,
si je peux parler de l'enjeu par rapport à l'identification, les catégories de
vulnérabilité, actuellement, il y a quand même... il y en a eu, un système, là,
de catégorisation de la vulnérabilité, à peu près une vingtaine de
catégorisations, puis c'est fait dans les bureaux des cliniciens. Ce qu'on...
Elle n'est pas parfaite, c'est clair, il y a des gens qui sont exclus, il y a
des... bon, il y a toutes sortes de défis avec ça, mais ça reste que... ça
reste quelque chose d'assez dynamique et évolutif qui se passe dans les
bureaux, dans des relations de confiance avec les cliniciens.
Le danger, c'est que, si on y va avec,
donc, ce qui est proposé, avec les couleurs rouge, vert, jaune, c'est... c'est
basé sur des données qui sont clinico-administratives de la RAMQ, qui ne vont
pas regarder, par exemple, des éléments sociodémographiques des personnes, O.K.
Donc, on ne voit pas c'est quoi, l'état psychologique des gens, si les gens sont
dans la pauvreté, s'ils ont d'autres... d'autres défis. Ça ne va pas mentionner
ça. C'est aussi très, très à retardement, finalement, comme système, ça peut
prendre jusqu'à un an avant de mettre à jour ces choses-là. Donc, on peut voir
comment ça peut, pour des personnes qui ont des besoins similaires, mais qui
pourraient se retrouver dans des catégories différentes... Et donc avoir une
rémunération associée, si on associe la rémunération de la capitation avec ça,
bien, donc, les gens...
Mme Boulanger (Elise) : ...se
dire : Ah bien, moi, je veux, tu sais, ce type-là ou ce type-là. Ça reste
que les médecins, je veux dire, avec tout... puis, je veux dire, on les
connaît, je suis médecin moi-même, je veux dire, ils sont là-dedans pour faire
les bonnes choses, mais ça reste des travailleurs, alors on n'est pas dupes non
plus. Ça fait que c'est des choses qui sont prouvées, là, tu sais, dans la
littérature, il faut faire attention à ça.
Donc, quand c'est fait plus près des
milieux cliniques, bien, on s'assure aussi que, donc, c'est dans la discussion
avec le patient, puis ces éléments-là sont pris en compte. Donc, on évite
des... c'est ça, ces problèmes-là pour les patients.
M. Fortin :Un an, c'est particulièrement... C'est frappant ce que vous
dites, là, que ça peut prendre un an jusqu'à ce que...
Mme Boulanger (Elise) : C'est
mis à jour.
M. Fortin :...l'évaluation puisse être changée si on le fait de façon
clinicoadministrative.
Mme Boulanger (Elise) : Oui,
exact.
M. Fortin :
Le patient, il passe de... il peut partir de très, très, très en santé à soins
palliatifs en beaucoup moins qu'un an, là.
Mme Boulanger (Elise) : Absolument.
Et c'est sur le passé. Donc, on se base sur le passé, versus, c'est ça... ce
n'est pas des choses qui s'en viennent, là.
Mme Breton (Mylaine) : Puis
vous identifiez quelque chose qui est vraiment un paradoxe, puis on le sait,
plus qu'on inscrit le patient, on est peut-être moins disponible... C'est de
trouver le «sweet spot» dans l'équilibre. Puis d'ailleurs le modèle d'accès
adapté quand on accompagne des médecins, c'est de voir comment on regarde...
caractéristiques de votre patientèle puis votre disponibilité pour être
accessible pour vos patients inscrits, parce qu'on priorise la continuité
relationnelle. Alors, c'est là tout l'enjeu. Si on impose davantage de patients
à un milieu clinique puis ils n'ont pas plus de disponibilité, bien, c'est sûr
que ça va jouer sur la qualité, sur la disponibilité que j'ai déjà à mes
patients.
Ça fait qu'il faut réfléchir comment on
peut travailler juste : il est où, le point d'équilibre pour s'assurer que
les médecins demeurent accessibles de manière continue puis d'offrir les
services de manière préventive... où qu'il faut investir. C'est seulement cette
réflexion de composition d'équipe. Si on rehausse les équipes, comment on peut
prendre plus de patients. Mais il faut vraiment s'assurer de ce soutien avec
plus d'investissements à ce niveau-là. Sinon, on retourne à perdre de la
qualité puis à miser juste sur de l'accessibilité sans avoir du temps à offrir
pour des soins avec nos patients inscrits.
M. Fortin :Bien, dans le fond, là, vous avez commencé votre
explication en parlant de l'accessibilité, c'est-à-dire on n'a pas atteint le
«sweet spot» nécessaire, donc j'ai trop de patients pour ce que je suis capable
de voir, c'est-à-dire, il y a des gens que je ne verrai jamais puis qui ne
seront pas capables d'avoir d'accès. Mais, en même temps, il y a l'autre bout,
là, qui était mentionné par certaines des fédérations qui étaient ici cet
après-midi, qui nous disaient essentiellement : Faites attention, il y a
peut-être des médecins qui vont vous tourner les coins ronds pour voir les
patients plus vite. Ça fait-tu partie de vos inquiétudes, ça aussi?
Mme Boulanger (Elise) : Bien,
c'est qu'il faut... il faut faire... vraiment faire attention de ne pas voir
les médecins comme des unités de production, tu sais, de visites. Ce n'est pas
comme ça que ça fonctionne. Puis, en fait, la qualité, on la produit. Quand on
est dans cette relation-là, ça prend du temps à bâtir, c'est... donc c'est très
long... ça reste très humain, là, comme travail, donc. Et puis on a... tu sais
Ili y a certains moyens pour évaluer un peu la qualité, mais ce n'est pas facile,
là, d'aller chercher tout ce qu'on fait.
Tu sais, quand on parle de visites, là, tu
sais, c'est ça, le problème aussi, c'est qu'il faut sortir un petit peu de la
volumétrie puis même de la planification de la première ligne puis de ce qu'on
reçoit par rapport à des nombres de visites. Parce que, souvent, en médecine de
famille, on va régler quatre, cinq, six problèmes d'un même patient dans une
visite, puis, des fois, parce qu'on le connaît, on peut le régler plus
rapidement, mais ça, ce n'est pas des choses qui sont calculées, tu sais. Puis
même... Donc, c'est ça, je vais m'arrêter là.
Mme Breton (Mylaine) : Puis
il y a beaucoup de capacités à aller chercher dans le travail d'équipe,
justement, la collaboration, comment on peut organiser, dans les cliniques, que
les bébés en santé, maintenant, sont vus par peut-être un autre professionnel,
au départ, qu'un médecin avec un nom inscrit au dossier. Mais les malades
chroniques stables, là, tu sais, un jeune diabétique a... les «guidelines»
disent de le voir quatre fois par année, mais il n'y a peut-être pas de valeur
ajoutée thérapeutique de le voir quatre fois par année. Ça fait que je pense
que c'est de revoir aussi la manière de travailler pour offrir des services de
qualité, mais en capitalisant sur toute l'expertise des autres professionnels,
vraiment, au sein de l'équipe.
• (19 h 20) •
M. Fortin :Et ça, ça marche si les professionnelles et professionnels
sont là. Tu sais, tantôt, vous avez...
Mme Breton (Mylaine) : Sont
là, et formés aussi. Je pense qu'il faut aussi insister qu'une infirmière qui a
fait sa carrière pendant 20 ans à l'hôpital puis elle arrive, demain matin,
dans un groupe, dans un GMF, elle n'est peut-être pas prête à prendre en charge
des patients parce que la formation, il faut juste mettre... il y a une
formation à s'approprier en première ligne. Alors, il y a aussi ce niveau-là.
Des fois, on a l'impression qu'on veut prendre d'autres professionnels. Il faut
qu'ils soient formés aussi. Les médecins de famille sont formés en première
ligne, les autres professionnels... ce n'est pas tout à fait le cas pour tous
les professionnels.
M. Fortin :Bien, d'où la responsabilité de l'État que vous mentionniez
tantôt, là, c'est-à-dire on ne peut pas prendre tout ça puis mettre tout ça sur
une catégorie de professionnels si l'État ne fait pas sa partie sur la
dotation, sur la formation, puis tout le reste.
Mme Boulanger (Elise) : Exact.
Mme Breton (Mylaine) : Notamment
la formation puis la dotation. Il n'est pas rare, dans des GMF, que les postes
ne sont pas dotés. Bien, c'est sûr que, s'il y a deux postes vacants puis on
était déjà en déficit, bien, ça joue sur la capacité de prise en charge. Puis
même si on dit : Bien, j'aurais... normalement, ces cas-là, ils auraient
été directement vers un autre professionnel, bien, ce n'est pas tout à fait
lieu.
Puis il y a aussi beaucoup de capacités.
Par exemple, il y a des physiothérapeutes dans des cliniques, mais ils ne sont
pas orientés directement vers le physio si... Quand ils appellent pour un cas
musculosquelettique, c'est environ 30 %, ils voient le médecin puis,
après, ils sont réorientés avec la physio. On peut travailler à les orienter
directement vers le physio, ça fait qu'on gagne de la capacité en travaillant
mieux ensemble puis en formant les secrétaires et l'équipe, qui fait quoi au
sein de l'équipe, quelles situations cliniques.
M. Fortin :
O.K. Vous avez... vous êtes le premier groupe à nous en parler, là, de ce qui
se fait en Ontario. Donc, j'aimerais peut-être juste ça, approfondir un petit
peu, là, parce que je sais que le gouvernement aime ça, se comparer beaucoup
avec l'Ontario, alors...
M. Fortin :...prenons le temps de le faire. Là, ici, on a un modèle
qui est... disons, un modèle qui mise en partie sur des pénalités liées à la
performance et à la prise en charge collective ou à la responsabilité
collective, puis là vous nous dites : Bien, l'Ontario vient de créer un
plan d'action sur les soins primaires qui, eux, mise davantage sur la création
de nouveaux groupes de médecine, bien dotés, avec tous les effectifs
nécessaires. Ils se sont donné le temps d'y arriver, quoi, cinq ans, si j'ai
bien compris...
Mme Breton (Mylaine) : Cinq
ans.
M. Fortin :...votre prémisse. Alors, qu'est-ce qu'ils sont en train de
faire qu'on devrait nous-mêmes faire?
Mme Boulanger (Elise) : Bien,
c'est ça, l'Ontario, donc, a défini... Il y a environ un peu plus d'un an, ils
ont nommé une personne à la tête du Primary Care Action Plan, qui est une médecin
de famille, qui s'appelle Jane Philpott, qui a déjà été ministre de la Santé
fédérale, et puis pour piloter finalement... elle, c'était une médecin aussi
qui avait créé, donc, un centre de médecine de famille, là, là-bas, en Ontario,
donc, pour venir piloter, donc, ce projet-là, avec comme objectif, un peu comme
ici, dans le fond, là, de s'assurer d'avoir... d'affilier, finalement, chacun
de leurs citoyens à... Ils ont vraiment mis... ils sont allés... D'emblée,
selon les données probantes, ils sont allés dire : Médecin ou une IPS. Et
puis, bien, ce qu'ils ont fait, finalement, c'est qu'ils sont... ils ont
regardé quels étaient les besoins dans leur territoire, donc ils sont allés
voir, codes postaux par codes postaux, quels sont les patients qui sont non
inscrits, quelle est la capacité qui est manquante, quelle est
l'infrastructure.
Puis ça, c'est l'autre enjeu au Québec,
c'est : Quelle est notre notre infrastructure de première ligne qu'on
utilise actuellement? C'est les GMF, c'est les CLSC, qui sont... qui sont même
vulnérables de par leur... tu sais, je sais qu'on dit collectivement qu'on met
beaucoup d'argent dans les GMF, mais on... ça coûte cher soutenir des
infrastructures de première ligne, malheureusement, c'est un peu ce qu'on se
rend compte, et que cette infrastructure est encore financée en partie même à
travers la rémunération des médecins. Donc, dès qu'on vient jouer là-dessus, ça
fait un petit peu château de cartes. Donc, c'est un peu fragilisé chez nous.
Puis on l'a vu avec des groupes qui se consolident, des choses comme ça.
En Ontario, ils ont un système qui est un
petit peu différent là-dessus aussi. Donc, ils sont vraiment en train
d'investir massivement, même dans les infrastructures aussi, donc, qui vont...
Quand ils vont bâtir 300 équipes, c'est qu'ils vont aussi financer les
espaces, les équipes interprofessionnelles, puis là ils leur donnent des
critères : Voici comment on veut que tu fonctionnes. Donc, nous, l'État,
on te donne des choses, mais, en rétrospective aussi, tu vas prendre tant de
population en charge, etc. Donc, c'est comme ça qu'ils font sur cinq ans.
Mme Breton (Mylaine) : Et
l'exemple de l'Ontario est intéressant parce qu'ils disent : On a
2 000 000 de personnes orphelines, puis, notre vision est claire, on
veut les... on veut inscrire tous les Ontariens d'ici cinq ans, puis, pour ce
faire, on va ajouter dans... on va investir dans les équipes
interprofessionnelles. Alors, ça serait l'équivalent de créer des nouveaux GMF.
Puis, même ça, pour la planification du lieu des nouveaux GMF, ils vont aller
voir est-ce qu'il y a des déserts médicaux, c'est où qu'ils ont plus de besoins
pour mettre après des appels d'offres, pour mettre les ressources pour
permettre à ces... qui est un peu besoins locaux, pour la création de ces
modèles interprofessionnels. Puis ils misent, essentiellement, sur... Eux, ils
ont plusieurs modèles, mais ils misent sur les Community Health Teams puis les
familles Health Teams, qui est... deux modèles complémentaires.
Mme Boulanger (Elise) : Qui
ont des structures aussi de gouvernance. Ils sont quand même un petit peu plus
poussés dans leur structure de gouvernance par rapport aux GMF, tu sais, qui
restent des groupes de médecins familles qui ont une entente, mais qui n'ont
pas nécessairement une énorme gouvernance à l'intérieur de ces cliniques-là,
pour faire cette espèce de contractualisation là avec le gouvernement. Donc,
ils sont un petit peu plus avancés à ce niveau-là. Je pense qu'au Québec on
l'est... on est quand même vraiment bon avec le programme GMF, tu sais, il y a
quand même... vraiment, là, quand on regarde ailleurs au Canada. Donc, il y a
de belles infrastructures puis un modèle à continuer à bâtir.
M. Fortin :Mais, si je regarde les deux approches, là, nonobstant les
différences entre les deux... les deux provinces, là, les deux approches,
c'est-à-dire celle que le gouvernement ontarien a choisie l'an dernier puis
celle que le ministre choisit de mettre de l'avant aujourd'hui, vous pensez que
le modèle ontarien, même avec les caractéristiques un peu différentes, est plus
porteur et a plus de chances de succès?
Mme Breton (Mylaine) : Bien,
c'est des conditions différentes. Ici, on est dans un contexte actuellement
d'optimisation de ressources où... Tu sais, on n'a pas entendu qu'il y aurait
de l'investissement, de nouveaux argents. Tu sais, là, ici, on parle
d'investissements avec de nouveaux argents en Ontario pour... Ça fait qu'ici,
ce serait l'équivalent de dire : O.K., on investit pour créer de nouveaux
GMF. Et on utilise aussi la contractualisation dans le programme GMF pour avoir
des cibles puis... en échange. Ça fait que c'est-tu la stratégie qu'ils se sont
dotés? Ici, on a pris une stratégie différente, qui est notamment le projet de
loi ici, en misant sur la rémunération.
M. Fortin :O.K. Dernière chose, je crois, de ma part, oui. Vous avez
mentionné que ce qu'on est en train de faire là peut mettre en péril la
transformation déjà amorcée dans quelques régions. Pouvez-vous juste nous dire
ce que ça veut dire, ça? Je n'étais pas certain de comprendre votre propos
là-dessus.
Mme Boulanger (Elise) : Dans
le fond, c'est un peu... c'est la méthode... c'est l'approche coercitive,
finalement, qui vient un peu... qui vient miner sur le terrain, vraiment, le moral
des troupes quand on veut finalement essayer d'aller mobiliser ces
cliniciens-là à embarquer dans un nouveau projet. Puis il y a certaines
régions... Tu sais, moi, je suis à Montréal. La situation est vraiment
différente, on en a parlé un petit peu tantôt, bon, on sert... tu sais, on...
c'est surchargé, mais il y a des régions qui étaient un petit peu ailleurs, des
fois qui étaient plus près, par exemple, de leur 100 % en inscription,
qu'ils ont voulu s'organiser autrement. Ils ont fait même toutes sortes
d'initiatives très innovantes, là, où ils sont allés chercher des partenaires
intersectoriels avec des tables, les maires...
Mme Boulanger (Elise) : ...comment
est-ce qu'on peut faire pour s'assurer, pour attirer les médecins, attirer...
et vraiment créer ces choses-là? Et ça, bien, quand on arrive avec quelque
chose comme ça, qui va venir un petit peu faire table rase, va mettre tout le
monde sur un mur-à-mur, on vient... Puis on vient aussi tout rebrasser les
cartes, le temps que ça va nous prendre à tout se réorganiser quand on pourrait
finalement essayer de continuer à bâtir sur les acquis puis vraiment terminer
le travail. C'est ce qu'on propose.
Mme Breton (Mylaine) : Pour
s'assurer de la mobilisation des médecins et des autres professionnels, il faut
vraiment amener tous dans une mobilisation active. Dans nos... justement, dans
nos travaux du... pour le rapport d'expert, on a fait un forum, il y avait
énormément de gens, des citoyens, des associations professionnelles. On avait
tous dit : On a des problèmes importants, il faut travailler ensemble.
Puis il y avait vraiment une volonté de collaborer tous. Alors, on a
l'impression qu'il faut garder ce momentum vers le positif puis aller chercher
la force volontaire.
M. Fortin : Un grand merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci, Mme Breton. Alors, je vais passer maintenant la
parole au député de Rosemont pour 4 min 8 s.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bonsoir. Bonsoir. Merci d'être là. Je vais aller quand même
rapidement, parce que quatre minutes, vous allez voir, ça passe pas mal vite.
J'essaie de comprendre d'où on est parti. Je recule en mai 2022, ça fait
trois ans. On avait adopté ici un projet de loi n° 11, que
vous connaissez assurément, probablement même plus que moi, que vous avez
peut-être plus fraîchement en mémoire que moi, là. Elle s'appelait la
Loi visant à augmenter l'offre de services de première ligne et à améliorer la
gestion de cette offre. Je me souviens d'avoir voté pour ça. Je me souviens
d'avoir eu des discussions constructives, ouvertes avec la partie
gouvernementale.
Moi, je trouvais que c'était une bonne
idée, ça allait bien. Puis peut-être un peu naïvement, j'avais pensé que ça y
est, on avait parti cette machine-là de l'interdisciplinarité et la...
multidisciplinarité — il commence à être tard, j'ai beaucoup parlé
aujourd'hui — puis je me rends compte que, finalement, non, sur le
terrain, on s'est arrêté. Puis vous avez dit, Dre Boulanger, tantôt :
Il faut continuer... À une question du ministre, vous avez dit : Il faut continuer
d'inscrire, d'inscrire, d'inscrire. Pourquoi est-ce qu'on s'est arrêté en si
bon chemin? Puis en quoi 106... Parce que 106, dans votre conclusion, vous
dites clairement que ce n'est pas le bon outil. Je pense que c'est écrit assez
clairement, votre première conclusion ici, là. J'essaie juste de voir comment
ça se fait qu'on — à moins que je vous ai mal compris, là ça se peut
que — comment ça se fait qu'on s'est arrêté en si bon chemin? Ça
semblait être bien parti, cette affaire-là.
Mme Boulanger (Elise) : Donc,
en fait, quand je parle de compléter le travail, tu sais, c'est de dire... de
bien comprendre, O.K., jusqu'où... pour se rendre à notre 100 %
d'inscription, qu'est-ce qu'il faut qu'on fasse, c'est quoi, la capacité puis
comment est-ce que... Donc, il faut bien comprendre les besoins, bien
comprendre la capacité manquante. Actuellement, tu sais, on la saisit, mais pas
100 %, puis on n'a pas de plan pour être capable de «bridger» ce gap-là,
si vous me pardonnez l'expression anglaise.
Puis donc, je pense que, tu sais, pour
répondre à votre question aussi, ça prend du temps à mettre ces affaires-là en
place. C'est ça qui est compliqué, c'est que même changer les pratiques avec
des gens qui travaillent tout le temps, tu sais, je veux dire, il faut qu'on
voie des patients, là. Ça fait que, dans les cliniques, on n'est pas tout le
temps à essayer de s'améliorer, à travailler ensemble. On voit des patients.
Changer les pratiques, c'est compliqué, c'est long, O.K., et ça prend du temps.
Puis, actuellement, bien, l'autre enjeu, c'est qu'en GMF on n'en a pas tant que
ça des professionnels. C'est ça, la réalité aussi. Nous, pour 16 médecins,
on a deux infirmières cliniciennes, une travailleuse sociale. Ce n'est pas
beaucoup, O.K. Puis souvent, pendant six mois, il en manque un, parce que, bon,
il y a des processus de dotation, hein, les CISSS et les CIUSSS sont complexes,
etc. Donc, on vit avec ça tout le temps. C'est nous qui le filet de
sécurité à la fin. Ça fait que ce n'est pas parce qu'on ne veut pas, hein,
nous, on l'a fait, un projet de collaboration interprofessionnel à la clinique,
puis ça a été... C'est difficile à maintenir aussi parce qu'on n'a pas de
capacité pour s'aider dans cette amélioration-là.
M. Marissal : Allez-y, Mme
Breton, je vois que vous voulez parler.
• (19 h 30) •
Mme Breton (Mylaine) :
Peut-être, il faut souligner que le modèle GMF, on est parmi les plus avancés
au Canada. C'est notre modèle de base qui est interdisciplinaire. On a le
travailleur social qui est dans l'équipe de base, le pharmacien. Puis l'Ontario
ont plusieurs modèles, mais on est vraiment le modèle prédominant. Il y a
beaucoup de provinces que l'interprofessionnel, l'infirmière, elle commence à
arriver. Nous, ça fait 20 ans. C'est une base solide, puis je pense qu'il
faut continuer dans cette... justement, rehausser les postes, de s'assurer
qu'ils soient là, de s'assurer que les équipes aient de l'accompagnement,
soutien à la pratique réflexive, qu'il y ait des données. On est tous d'accord,
les cliniciens veulent des données.
Moi, à titre... comme chercheur sur une
base volontaire, il y a 130 cliniques médicales au Québec. C'est plus de
1 000 médecins qui se sont inscrits à participer à mes projets pour avoir
de l'accompagnement, pour s'améliorer, parce que je leur redonne. Je suis
certaine qu'il y a un engouement pour la recherche, mais je ne pense pas que
c'est la recherche qui fait que leur participation... c'est parce que j'assure
la confidentialité, je leur redonne leurs résultats, et c'est ce qu'ils
veulent, ils veulent de l'accompagnement. Et je pense qu'il faut capitaliser
là-dessus. Il y a un engouement, sur une base volontaire, à participer. Ils
veulent des données, ils veulent être accompagnés. Là, je pense que, si on a à
investir, moi, je travaillerais davantage, comment on peut soutenir ces
milieux, les GMF, notre programme GMF, à s'améliorer, à travailler les
trajectoires de soins, à améliorer la pertinence, à travailler aussi avec...
19 h 30 (version non révisée)
Mme Breton (Mylaine) : ...le
patient, d'éduquer les patients : quand aller, où aller. Bien, je pense qu'il
y a beaucoup d'éléments qu'on peut travailler en parallèle de la rémunération
des médecins pour améliorer les soins primaires au Québec.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Alors, je tiens à vous
remercier, mesdames, pour votre participation et votre contribution à nos
travaux.
Alors, sur ce, je vais suspendre les
travaux pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup et
bonne fin de soirée.
(Suspension de la séance à 19 h 32)
(Reprise à 19 h 36)
Le Président (M. Provençal)
:Nous poursuivons nos travaux. Nous
recevons maintenant les Médecins québécois pour le régime public. Donc, nous
aurons la Dre Isabelle Leblanc, présidente, le Dr Xavier Gauvreau,
vice-président, Dre Juliette Lemieux-Fortin, membre du conseil
d'administration, et Mme Kelly-Anne Kurtz, membre du conseil d'administration.
Alors, je vous cède la parole 10 minutes, et on fait les échanges.
Mme Leblanc (Isabelle) :
Bonjour. Merci pour l'invitation. On est ici, comme vous avez dit, au nom de
Médecins québécois pour le régime public, qui est un groupe de médecins,
médecins résidents, étudiants en médecine et sympathisants qui sont pour la
défense d'un système de santé public accessible, équitable et de qualité.
Moi je m'appelle Isabelle Leblanc, je suis
médecin de famille. Je suis enseignante au GMFU Saint-Mary's, où j'ai eu la
chance, il y a plusieurs années, de former Dre Elise Boulanger, qui est ici,
derrière moi, et qui est donc un des plus gros centres d'enseignement en
médecine de famille au Québec. Et je suis ça avec mes collègues, qui vont se
présenter.
M. Gauvreau (Xavier) : Donc,
moi c'est Xavier Gauvreau. Je suis médecin résident en psychiatrie à
l'Université Laval.
Mme Kurtz (Kelly-Anne) : Bonsoir,
je m'appelle Kelly-Anne Kurtz, je suis étudiante en médecine à l'Université
Laval.
Mme Lemieux-Forget (Juliette) :
Bonjour, je m'appelle Juliette Lemieux-Forget, je suis médecin de famille à la
clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles et à l'Institut universitaire en
santé mentale Douglas.
Mme Leblanc (Isabelle) : Ça
fait que ça fait 20 ans que les gouvernements successifs essaient d'améliorer
la première ligne avec des primes puis des punitions. Ça fait 20 ans que ça ne
marche pas puis qu'on découvre que chaque prime cause un nouveau problème. Le
diagnostic posé par le projet de loi n° 106, il est
juste : l'accès aux soins de première ligne pose problème, mais il n'y a
vraiment rien dans ce projet-là qui va changer ce qui se fait depuis 20 ans.
Cette réforme a été conçue dans l'urgence, en contexte de négociation, sans
vraie écoute des experts et elle repose surtout sur des indicateurs
quantitatifs qui ne tiennent pas la route dans la pratique clinique en première
ligne.
Il y a une crise dans le système de santé
publique à cause des choix politiques de faire des coupures de personnel, de
matériel, de ressources techniques. Il y a la crise parce qu'on a choisi de pas
avoir une approche globale à la première ligne ou on a choisi de pas mettre fin
non plus à la privatisation qui draine des ressources.
Il faut répondre à la crise, mais notre
crainte, nous, c'est que le projet de loi n° 106 ne
le fera pas puis va peut-être même aggraver la situation. Notre message est
clair : On n'est pas contre une réforme de la première ligne, ni contre un
changement du mode de rémunération des médecins. En fait, c'est essentiel, mais
pas de cette façon-là. Il faut que la réforme soit pensée, structurée, qu'elle
soit équitable, qu'elle soit basée sur des données solides puis surtout qu'on
la construise avec les gens sur le terrain. Ça mise sur des... le projet de loi
n° 106 mise sur des outils comme la capitation, les
bonis collectifs, les primes ou les cibles de prise en charge, mais on connaît
déjà les effets pervers de ces approches, on vient de l'entendre des gens juste
avant nous. Ça encourage le gaming, ça peut démotiver les soignants puis ça
peut pousser à prioriser des cas lucratifs au détriment des patients plus
vulnérables. On l'a vu à chaque réforme depuis 20 ans. Vous souvenez-vous des
inscriptions, sous le Dr Bolduc, avec la loi n° 20,
sous Barrette, ou même avec le GAP, où des patients... des médecins ont choisi
de voir plus de patients de GAP parce que c'était plus lucratif, au détriment
de leurs patients inscrits.
On devrait tirer des leçons de ces histoires-là
puis ne pas refaire les mêmes erreurs à nouveau.
Il faut repenser la première ligne dans
son ensemble, en consultant des spécialistes et en concertation avec tous les
autres professionnels de la santé et des groupes communautaires qui oeuvrent en
première ligne. Il faut arrêter de travailler en silos et plutôt bâtir un
réseau intégré cohérent qui répond aux besoins des patients. Il faut arrêter de
croire que ce sont les médecins qui sont au centre de la première ligne. Nos
patients, ils ont besoin de soins psychologiques, de réadaptation, de soins
infirmiers qui soient accessibles, qui soient couverts par le système de santé
publique. Il faudrait peut-être qu'on arrête de penser une réforme de la
première ligne juste dans le cadre des négociations entre une fédération de
médecins puis le ministère de la Santé.
• (19 h 40) •
M. Gauvreau (Xavier) : Le
projet de loi n° 106 propose une architecture
technocratique qui fait abstraction de la complexité des tâches cliniques, des
contextes locaux et des besoins diversifiés des populations, qui diffèrent à
travers les régions du Québec. Sans s'être concerté avec les médecins qui
travaillent en première ligne, sans avoir consulté les autres professionnels de
la santé, sans avoir tenu compte de l'avis des milieux universitaires, le
gouvernement impose unilatéralement une solution qu'on qualifierait, dans le
milieu de la santé mentale, de pensée magique.
En effet, il tente d'attribuer aux
médecins seuls la responsabilité de résoudre les enjeux d'accès, mais ne nous
offre aucun moyen ou ressource adéquate pour y parvenir. Il ne propose aucune
mesure structurante pour corriger les obstacles fondamentaux qui nuisent à
l'accès : la privatisation croissante du réseau, la détérioration des
conditions de travail et la pénurie de ressources humaines, la mauvaise
coordination et la centralisation des décisions.
MQAP réitère l'importance primordiale de
s'éloigner d'un modèle de première ligne centré sur les médecins, une
amélioration réelle et durable, et j'évoque ici une qui se fait sentir sur le
terrain, non pas seulement sur les jolis tableaux de bord du MSSS...
reproches... pardon, repose sur une approche interprofessionnelle et une
utilisation...
M. Gauvreau (Xavier) : ...optimale
des ressources disponibles, incluant une intégration avec les ressources
communautaires locales. Nous devons impérativement revoir l'organisation du
travail et permettre aux autres professionnels, infirmières, travailleuses
sociales, pharmaciens, psychologues, et j'en passe, d'être pleinement intégrés
à l'offre publique. Par exemple, en couvrant les soins de physiothérapie, il
serait possible de diminuer de presque 25 % le nombre de visites aux
médecins de famille.
Les médecins sont déjà embourbés au
quotidien dans les dédales bureaucratiques du système : dossiers papier
qui tiennent avec de la broche, programmes informatiques désuets, demandes de
service qui se perdent entre deux fax, formulaires multiples et futiles
demandés par les assureurs, etc. Au lieu d'alléger ces conditions de pratique, au
lieu de dégager du temps réellement passé avec les patients, le projet de loi
ajoute une couche de contraintes, ce qui risque inévitablement d'entraîner des
effets pervers pour les patients.
Le modèle proposé combine
l'obsessionnalité néolibérale de faire plus avec moins, avec l'inflexibilité
des cibles quasi soviétiques. Le citron est malheureusement pressé jusqu'à la
pulpe, et, en introduisant un paiement par capitation couplé à des cibles
uniformes, le p.l. 106 favorise une médecine de sélection. Le médecin est
incité à choisir des patients plus simples au détriment de ceux avec des
besoins plus complexes, souvent des personnes marginalisées, isolées ou vivant
en situation de précarité pouvant difficilement être réduites à un code de
couleurs bleu, blanc, rouge. Nous anticipons que cette réforme pénalisera les
milieux travaillant avec ces populations vulnérables en négligeant les réalités
cliniques et contextuelles de ces milieux.
Mme Kurtz (Kelly-Anne) : Le projet
de loi n° 106 risque d'affecter de manière disproportionnée les femmes
médecins. Elles assument plus fréquemment des tâches essentielles comme la
coordination interdisciplinaire, le soutien aux collègues et l'encadrement des
équipes. Ce sont des responsabilités fondamentales pour assurer la qualité des
soins et le bon fonctionnement des milieux cliniques. D'ailleurs, les femmes
médecins sont plus susceptibles de devoir adapter leurs pratiques en raison de
congés de maternité, de responsabilités familiales ou encore de rôles de proche
aidance qu'elles assument. Ces réalités exposent des femmes à des biais genrés
que le projet de loi risque d'accentuer. Une réforme équitable ne peut pas
ignorer ces inégalités ni minimiser ce type d'engagement professionnel.
Nous appelons à une réforme centrée sur la
qualité des soins, la continuité et la pertinence clinique. Pour cela, il faut
des indicateurs validés scientifiquement, adaptés à la complexité du terrain et
construits avec les équipes de première ligne elle-mêmes. Ces indicateurs
doivent refléter la réalité des pratiques cliniques plutôt que de la simplifier
à des objectifs chiffrés, déconnectés du quotidien des soignants et des
soignantes. Tel que mentionné par mon collègue Docteur Gauvreau, ces
indicateurs doivent aussi reconnaître les particularités des milieux qui
desservent les populations vulnérables, où la qualité ne peut se mesurer
uniquement en nombre de patients vus ou en rapidité d'accès.
Il est aussi essentiel de reconnaître et
de valoriser le travail clinique invisible tel que l'enseignement, la
supervision, la formation continue et les tâches académiques. Ces activités
sont indispensables à la qualité des soins, à la relève médicale et à la
durabilité du système, mais elles sont absentes du projet de loi n° 106.
Enfin, la formation des futures
générations de médecins repose sur un engagement significatif des cliniciens et
des cliniciennes. Cela exige du temps, de la préparation et une présence active
auprès des apprenants et des apprenantes. En misant sur des indicateurs
productivistes, le projet de loi n° 106 risque de nuire à l'attractivité de ces
tâches, de fragilité... fragiliser, pardon, la qualité de l'enseignement reçu,
de décourager les milieux de soins à mission universitaire et surtout de
compromettre l'avenir même de la relève médicale.
Mme Lemieux-Forget (Juliette) : Dans
son projet de loi, le gouvernement veut parler d'imputabilité. Parlons-en. Le
projet de loi n° 106 ignore l'éléphant dans la pièce. Actuellement, plus de 500
médecins de famille exercent exclusivement dans le secteur privé. Ça, ça
représente une perte d'accès significative pour des centaines de milliers de
patients. On le sait, le statut socioéconomique des patients est lié à leur
état de santé. Les patients avec le plus de ressources, qui sont donc souvent
les fameux verts de votre système de couleurs, vont se faire repêcher par le
privé en laissant au système... en laissant un système amoindri de ces
ressources s'occuper d'une population encore plus vulnérable.
Si on veut réellement assurer une prise en
charge universelle, comme le dit le gouvernement, on doit ramener l'ensemble
des médecins dans le système public, peu importe le nombre d'années de
pratique. Le gouvernement aurait déjà les outils pour le faire en faisant
recours à l'article 30.1 de la Loi sur l'assurance maladie. On croit aussi que
le statut de non-participant à la RAMQ devrait être complètement aboli. Sinon,
un premier pas dans la bonne direction serait déjà d'interdire la mixité de
pratique en télémédecine.
C'est essentiel de rapatrier tous ces
médecins dans le système public et leur permettre de pratiquer dans un système
qui est fonctionnel. Le gouvernement ne peut pas prétendre instaurer une
responsabilité collective tout en tolérant une situation où une...
Mme Lemieux-Forget (Juliette) : ...de
plus en plus grande du corps médical quitte vers le privé, vu l'état du système
actuel. Le gouvernement de la CAQ se dit défenseur du système public, mais
refuse d'encadrer la pratique hors RAMQ, et encourage même la pratique des
chirurgiens en établissement privé. Bref, ce projet de loi passe à côté d'une
occasion historique de réformer la première ligne de manière cohérente, juste
et structurante. Il propose une approche top-down, médicocentriste et basée sur
des outils de gestion, plutôt que sur les besoins réels des populations et sur
le savoir des gens sur le terrain.
En conclusion, MQRP ne se positionne pas
contre une réforme, au contraire, mais on souhaite une réforme qui serait un
levier de transformation positive pour le système de santé, contrairement au
projet actuel. Voici donc certaines de nos recommandations : suspendre
l'étude du projet sous sa forme actuelle, pour en revoir les fondements; mettre
en place l'ensemble des suggestions du rapport d'experts sur la première ligne,
qui a déjà été produit; oui, réformer la rémunération des médecins, mais à
partir d'un comité multidisciplinaire d'experts indépendants; intégrer
davantage des professionnels à l'offre des soins publics, et que ceux-ci soient
couverts par la RAMQ; adopter des indicateurs qualitatifs scientifiquement
validés; mettre un frein à la privatisation; assurer un financement adéquat aux
organismes communautaires en première ligne; et surtout, protéger
l'universalité, la solidarité et la qualité du système public. Merci de nous
avoir écoutés...
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre
présentation. Alors, M. le ministre, à vous la parole.
M. Dubé : Oui, très bien.
Alors, M. le Président... Et merci beaucoup, encore une fois, de vous prêter à
cet exercice-là, parce qu'on voit quand même... je l'ai dit à d'autres groupes,
là... Merci, Dre Leblanc, je ne savais pas que vous aviez formé la Dre
Boulanger, alors c'est tout à votre honneur, parce que c'est quand même... on a
vu son expertise tout à l'heure, et... J'aimerais ça vous dire, Dre Leblanc,
que je vais vous écouter avec beaucoup d'attention, parce que ce n'est pas la
première fois que vous venez, puis vous avez toujours été très directe, alors
je pense que... C'est ça qu'on demande aux gens qui viennent en consultations.
On ne veut pas entendre ce qu'on veut entendre, on veut entendre ce qu'est la
réalité du terrain.
Puis je m'amène à deux questions, pour
commencer, puis je veux écouter vos réponses, parce que je veux vraiment... Où
je suis un peu mêlé, c'est que, d'un côté, j'entendais, tout à l'heure, la
position d'autres... pas juste la Dre Boulanger, nous dire : On doit
centrer ça sur le médecin. Puis je le dis... peut-être que je le dis mal, là,
mais qu'on veut revenir avec... c'est la responsabilité du médecin d'être le
coordonnateur. Alors que vous, vous dites : Au contraire, il faut enlever
de la pression sur le médecin. Et je veux juste bien comprendre ce que vous
dites, parce que c'est... c'est deux positions complètement différentes. Puis
je dis toujours : Quand il y a plusieurs personnes en charge, il n'y a pas
de personnes en charge. Ça fait que je veux vous entendre un petit peu
là-dessus, parce que ça semble être assez différent de bien d'autres positions,
puis j'aimerais ça vous entendre sur ça.
Mme Leblanc (Isabelle) : Bien,
nous, on pense que c'est très important, en première ligne, que le patient ait
un médecin, une IPS, donc une infirmière praticienne spécialisée, qui soit une
personne attitrée pour ses soins, même si ce n'est pas toujours cette
personne-là qui doit donner les soins. Ça prend une personne responsable.
M. Dubé : Donc, vous
dites : C'est, au moins... c'est, au moins, ces deux-là.
Mme Leblanc (Isabelle) : Oui.
Donc, il va y avoir une personne qui est en charge, mais on ne pense pas que la
première ligne doit toute être pensée autour du docteur seulement, parce que,
comme on disait...
• (19 h 50) •
M. Dubé : O.K. Bien, c'est ça,
la précision que je vous demande de faire.
Mme Leblanc (Isabelle) : C'est
ça, c'est ça.
M. Dubé : Parce que, tout à
l'heure, soit que j'aie mal compris... Mais vous dites quand même, un peu, la
position de Dre Boulanger tout à l'heure. On dit que c'est un ou l'autre, mais
entouré d'autres professionnels.
Mme Leblanc (Isabelle) : Puis
qu'en fait...
M. Dubé : Mais le
quart-arrière... excusez-moi, là, je prends un langage de football, je ne
devrais pas...
Mme Leblanc (Isabelle) : C'est
correct, ça va.
M. Dubé : ...mais la personne
clé, la personne pivot de ça, c'est soit un médecin de famille ou une IPS,
selon...
Mme Leblanc (Isabelle) : Je
ne connais pas assez le football pour trouver c'est quoi, la bonne position,
mais c'est vraiment très important, puis je pense que toutes les études
montrent qu'avoir une personne, que ce soit une infirmière ou un médecin
d'attache ça aide à la santé des gens, ça aide à la...
M. Dubé : Une personne pivot.
Mme Leblanc (Isabelle) : Une
personne pivot, c'est ça.
M. Dubé : Puis, même... Oui?
Mme Leblanc (Isabelle) : Mais,
des fois, le quart-arrière, il doit passer la balle à... bien, ce n'est pas lui
qui... en tout cas, je ne sais pas qui lance la balle, mais il faut faire bien
des passes à d'autres mondes, puis, des fois, ça n'a pas besoin d'être la
première personne, puis ça, c'est un des gros enjeux avec le GMF, dont on a
déjà parlé. Pour voir la travailleuse sociale au GMF, pour voir la
physiothérapeute ou le pharmacien, il faut passer par le médecin, par exemple.
Ça, c'est ridicule.
M. Dubé : Bon, alors c'est...
c'est ça que vous dites, puis c'est ça qui est important pour... Parce que,
quand on a une... Puis je veux vraiment faire la différence, là, puis je pense
qu'à cette heure-là il y a encore des Québécois qui nous écoutent, là, il y en
a peut-être moins...
Mme Leblanc (Isabelle) : Il y
en a deux, trois, au moins, qu'on connaît. Il y en a deux, trois qui sont là
pour nous écouter, c'est sûr.
M. Dubé : ...mais il y en a au
moins deux, trois, puis il y en a... il y en a une quinzaine alentour la table.
Moi, je mets la rémunération de côté. Puis quand on a demandé d'avoir une
vision de...
M. Dubé : ...première ligne.
C'est de ça dont vous me parlez puis c'est ça qu'on discutait tout à l'heure,
parce que la rénumération des médecins, c'est une chose. Puis c'est sûr qu'une
fois qu'on a la bonne vision de la première ligne, la rénumération peut s'y
accrocher puis respecter ce qu'on veut, mais on est d'accord avec ça.
Je reviens. Tout à l'heure, il ressortait
clairement, clairement, de la part de commentaires précédents de Mme Boulanger
puis Mme Breton... c'est que c'est vraiment le personnel qui manque, c'est
vraiment l'encadrement. Puis j'ai entendu un commentaire de Dre Boulanger
tantôt qui disait : Oui, mais moi, si ma deuxième infirmière ne rentre
pas, je viens de passer de 16 médecins à une personne de support. Êtes-vous
d'accord avec ça, que si on avait notre baguette magique, là, puis qu'il n'y
aurait pas d'enjeu financier, puis, etc., que c'est là qu'on devrait mettre nos
ressources, là, dans le personnel? Puis là je dis plus qu'administratif, là, je
pense aux autres, travailleur social, etc. Je veux juste l'entendre parce qu'on
est en train de parler un peu de votre vision ou de la vision qu'on veut
mettre, nous, on voulait sortir cet automne.
Mme Leblanc (Isabelle) : Oui,
bien, c'est ça. Puis je pense que, d'abord, pour répondre à votre premier
commentaire, moi, je pense que la rémunération, il faut la mettre de côté,
maintenant, puis il faut penser à la première ligne, puis après... Parce que,
sinon, avec votre projet de loi puis la façon dont la rémunération est pensée
dans le projet de loi, ça ne va pas amener la première ligne où on veut qu'elle
aille. Ça fait qu'on met la charrue devant les boeufs.
M. Dubé : Ça, on pourra
débattre ça, mais...
Mme Leblanc (Isabelle) : Oui,
mais vous venez de le dire, ça fait que c'est pour ça que je dis ça. Après...
M. Dubé : Oui, bien, je ne
l'ai pas dit tout à fait comme ça, mais c'est correct.
Mme Leblanc (Isabelle) : Bien,
c'est pour ça, mais moi, je le recadre comme ça.
M. Dubé : C'est correct.
Mme Leblanc (Isabelle) :
Assurément, si on avait une baguette magique, plus de secrétaires, plus de
réceptionnistes, mais aussi beaucoup, beaucoup plus de travailleurs,
travailleuses de la santé non médecins pour avoir des bons ratios. On est tout
croches dans nos ratios, dans les GMF. Je suis dans un des plus gros GMF au
Québec. On a 30 000 patients, on a un psychologue, on a deux ou trois
travailleuses sociales. Donc, si on change les ratios, si on arrive à avoir des
gens dans le système de santé public pour qu'ils donnent des soins à nos
patients, ça va vraiment décharger les médecins.
M. Dubé : Mais l'argent qui
est mis, puis là je ne veux pas faire de débat, là, je ne suis pas en train de
parler de négos, je veux dire ça à mes deux collègues, là.
Mme Leblanc (Isabelle) : Ah
non?
M. Dubé : Non, non, je veux
juste... L'argent qui est demandé à un médecin, en ce moment, j'ai soulevé la
question rapidement avec le Dr Amyot, ce matin, le 30 % qui est payé en
supplément, quand vous avez des gros GMF comme la vôtre dont vous parlez, là,
vous avez plus de 30 000, patients... est-ce que cet argent-là est
suffisant pour couvrir les frais dont on parle ici?
Mme Leblanc (Isabelle) : Moi,
je ne peux pas vous répondre parce que, moi, je suis dans un GMF en
établissement. Donc, je suis dans un GMFU. Donc, les centres d'enseignement,
qui sont très, très importants, ça permet de former des docteurs comme Dre
Boulanger, mais c'est un GMFU. Mes collègues de la FMOQ puis des médecins sur
le terrain disent que si leur rémunération baisse, ils vont peut-être avoir de
la difficulté à payer tous les autres professionnels, mais je n'ai pas les
chiffres, je ne sais pas. C'est ce qu'on entend.
M. Dubé : Quand vous
dites : La rénumération baisse, c'est parce que... bien, en tout cas, ce
n'est peut-être à vous que je devrais poser la question.
Mme Leblanc (Isabelle) : Non, c'est
ça. Oui.
M. Dubé : Parce que moi, ce
que j'ai entendu, c'est que, malheureusement, le 30 %, il n'est pas
toujours payé à la GMF. Mais je me disais, s'il était payé, est-ce que ça
réglerait, mais...
Mme Leblanc (Isabelle) : Pour
payer des professionnels, ça me surprendrait. Il faudrait quand même que les
professionnels soient payés par le système public, je crois.
M. Dubé : Puis, quand vous
dites «les professionnels», vous parlez de l'ensemble?
Mme Leblanc (Isabelle) : Des
psychologues, de tous les travailleurs de la santé non-médecins, non
infirmières.
M. Dubé : Il y en a qui sont
déjà fournis par les CISSS...
Mme Leblanc (Isabelle) : C'est
ça, mais comme je vous dis, un psychologue pour 30 000 patients, pour nous en
tout cas, dans mon GMF.
M. Dubé : Dans votre cas, ce
n'est pas suffisant. Je comprends.
Mme Leblanc (Isabelle) : Oui,
bien, je pense que, dans aucun cas, c'est vraiment suffisant.
M. Dubé : Puis la différence
entre ce qu'on vient de discuter, donc... un médecin ou une IPS pivot mais qui
peut déléguer à d'autres, est-ce que vous considérez ça comme de la prise en
charge collective si ce n'est pas toujours le médecin que le patient va aller
voir? Je veux juste être sûr qu'on a la bonne... Parce que moi, c'est un petit
peu comme ça qu'on... Parce que les gens, en tout cas, moi, le premier, là, des
fois, on a beaucoup de terminologies, mais de façon... simplement, ce qu'on a
fait avec le GAP... Puis la question du député de Rosemont avant était très
bonne : Pourquoi Le GAP a bien marché malgré ses défauts? On savait qu'il
y avait des choses à améliorer, mais le GAP a bien fonctionné parce que ce
n'était pas nécessairement le médecin qui disait : Je deviens imputable,
responsable tout le temps. Ça peut être quelqu'un de la même GMF qui va
rencontrer la personne. Moi, j'appelle ça de la prise en charge collective, par
opposition à individuelle. Est-ce que vous voyez cette première ligne là, à
terme, comme ça?
Mme Leblanc (Isabelle) : C'est
ce qu'on vient de vous dire. Nous, on pense que la première ligne, ça devrait
être beaucoup plus d'autres professionnels pour le même nombre de médecins.
M. Dubé : Alors, quelle
différence que vous faites entre ceux qui sont... qui ont gagné à la loterie
puis qui ont un médecin de famille, en ce moment, il y en a
6 000 000, et ceux qu'on veut prendre par affiliation au cours des
prochains mois parce qu'on veut aller chercher...
M. Dubé : ...on verra, là, si
l'échéancier est réaliste, là, c'était ça, le débat tout à l'heure, mais vous
voyez ça comment? Comment on fait cette transition-là? Parce qu'on ne veut pas
l'enlever à ceux qui l'ont, mais il y en a peut-être qu'on va dire : Bien,
vous, on vous a identifié à un médecin, mais vous êtes en collectif plutôt
qu'en individuel. Je veux juste vous entendre. Comment vous voyez cette
transition-là?
Mme Leblanc (Isabelle) : Bien,
comme organisation, ce qu'on pense, c'est que les gens doivent avoir accès au
bon professionnel au bon moment. Vous dites ça, vous-même, des fois, dans vos
conférences de presse.
M. Dubé : Souvent, souvent.
Mme Leblanc (Isabelle) : Donc,
l'idée, c'est que tout le monde soit sur le même pied d'égalité, tout le monde
ait accès à un médecin ou une IPS. Puis, s'ils ont besoin de voir un médecin,
ils vont voir un médecin puis, s'ils ont besoin de voir un physiothérapeute,
ils vont voir un physiothérapeute.
M. Dubé : Ça fait que, même
s'il y a un médecin d'identifié depuis toujours, on pourrait dire : On ne
fait pas de différence. Parce que, si c'est le bon choix à faire, cette
personne-là pourrait voir une travailleuse sociale si c'est la bonne chose.
Mme Leblanc (Isabelle) : Je
vais peut-être sortir une seconde... la position de mon organisation, parce
qu'on n'en a jamais parlé, mais je me pose même la question : Pourquoi
est-ce que les gens doivent être inscrits s'il y a assez de services, s'il y a
assez de professionnels de la santé, s'il y a assez de médecins, s'il y a assez
de tout le monde pour prendre soin de la population? Les gens vont juste aller
à la clinique de quartier puis avoir accès au bon professionnel au bon moment.
Puis ça fait vraiment deux catégories de patients, avoir une inscription. C'est
ça, un enjeu.
M. Dubé : Et qu'est-ce qui...
Il me reste combien de temps?
Le Président (M. Provençal)
:Six minutes.
M. Dubé : Six minutes. Mon
Dieu! On est lousse, comme on dit chez nous. Non, mais c'est vraiment
intéressant, puis, même si la journée a été longue, je pense, c'est... Je
reviens sur, je vais le dire, les défauts du GAP. Moi, c'est parce que...
Malheureusement, j'ai demandé à mes collègues députés de me dire comment les
Québécois étaient contents ou pas de leur réseau, puis je n'ai pas vraiment
aimé la réponse, là, puis il y en a qui m'ont dit que ce qu'ils reprochent le
plus, c'est... quand, finalement, ils ont réussi à avoir un médecin, parce que
le GAP a permis d'en avoir presque 1 million point un... ou point deux,
là, qu'on a eu par le GAP depuis presque deux ans, mais ils me disent :
Moi, je me faisais dire : Bien, un bobo. C'était quoi, le principal
problème de ça, pour ne pas qu'on retombe dans la même chose? Parce que, vous
me dites, il y a des éléments de prise en charge collective qu'on veut amener,
je vais le dire comme ça, mais comment on fait pour ne pas retomber dans «un
patient, un bobo», là, ou «un rendez-vous, un bobo»? Je vais le dire comme ça,
là.
Mme Leblanc (Isabelle) : Je
pense que, si les gens, les soignants, que ce soient des médecins, des
infirmières... au moins, sentent moins la pression du temps. Parce que tout ce
qu'on entend, c'est qu'on va passer le patient, certains d'entre nous sommes
paresseux, on ne fournit pas. C'est sûr que, quand les gens ont l'impression
qu'un temps est très limité, qu'ils doivent voir le plus de monde possible...
M. Dubé : Mais vous ne pensez
pas que c'est la... je ne sais pas. Là, ça a l'air d'une question plantée,
alors vous avez le droit de me dire : Je vais répondre différemment, mais
vous ne pensez pas que c'est entre autres la rémunération à l'acte qui fait...
Parce que moi, j'entends, là, qu'on ne veut pas faire juste du volume, puis, au
contraire, on ne veut pas, moi, je pense que la capitation peut faire partie de
la solution, mais pourquoi, pourquoi vous sentez que, dans le projet de loi
n° 106, on veut faire du volume puis on veut faire plus d'actes? Il me
semble que c'est le contraire. Puis il va falloir qu'on l'explique mieux,
mais...
Mme Leblanc (Isabelle) : Bien,
nous, on pense qu'en mettant de la pression sur les médecins à avoir plus de
patients sans rien changer du système, ça nous demande de faire du volume.
C'est plus comme ça qu'on le voit. Puis, je veux dire, à la base, là...
• (20 heures) •
M. Dubé : Ah! O.K., O.K. Ça,
c'est mathématique. Si on ne change pas la façon de faire, bien, c'est sûr que,
si on a 1000000 et demi de personnes, sans changer la façon de faire, ça ne
marchera pas, ça va mettre...
Mme Leblanc (Isabelle) : D'une
part. Puis, tu sais, l'autre part, là, c'est que, la rémunération à l'acte,
comme organisation, on a déjà écrit des mémoires là-dessus, on pense qu'elle
doit être repensée. Puis probablement qu'en première ligne ce n'est pas le
meilleur type de rémunération. Mais la rémunération à l'acte... S'il y a une
chose dans la vie qui incite des gens à faire du volume, c'est la rémunération
à l'acte.
M. Dubé : Non, mais on est
d'accord. Donc...
Mme Leblanc (Isabelle) : Donc,
on n'a pas besoin de primes, on n'a pas besoin de diminuer tout. Les gens,
s'ils avaient la possibilité de voir plus de patients, ils le feraient, ils
gagneraient plus d'argent, ils ne le feront pas.
M. Dubé : Alors, si ce n'est
pas ça qu'on veut — nous, ce n'est pas ça qu'on veut puis, vous, ce n'est pas
ça que vous voulez — puis qu'on dit qu'on veut changer la façon de travailler
pour être capable de façon intérimaire... Je le dis, là, dans un monde idéal,
j'aimerais ça qu'on ait une baguette magique, que ce soit réglé, mais, en
attendant, on fait quoi?
Moi, ma question que je vous pose, c'est
tous les... Oui, on pourrait mettre encore plus d'argent, mais on en a déjà mis
beaucoup. Je l'ai expliqué, là, que, dans les GMF, on a triplé l'argent depuis
quelques années. Ce n'est peut-être pas assez, mais, en support, c'est ça qu'on
a fait. Parlez-moi, par exemple, des filtres de pertinence. Je ne sais pas si
c'est dans votre GMF vous l'utilisez.
Mme Leblanc (Isabelle) : Pas
encore.
M. Dubé : Pas encore. Mais,
quand je dis qu'on doit travailler différemment, c'est d'être capable de
dire : Est-ce qu'il peut y avoir des filtres ou des processus qui
permettent de mieux rentrer au début pour enlever de la pression sur les
médecins? Moi, je vous le dis, on l'a vu dans 75 de nos GMF, ça a déjà fait une
grosse...
20 h (version non révisée)
M. Dubé : ...l'intelligence
artificielle qui permet à un médecin de prendre en note sa consultation puis de
ne pas de la réécrire pendant 20 minutes après la visite du patient. Vous
ne pensez pas que ces nouvelles façons de faire là peuvent aider à libérer pour
être capable de faire plus de rendez-vous, mais sans augmenter la charge de
travail?
Mme Leblanc (Isabelle) : Les
outils technologiques peuvent aider, mais, moi, dans un GMF en établissement, un
jour sur deux, l'Internet ne marche pas.
M. Dubé : ...
Mme Leblanc (Isabelle) : Non,
mais, je veux dire, il faut se dire les vraies choses. Les structures actuelles,
c'est bien les files de pertinence, mais ça amène un peu... Vous posez des
questions sur le GAP, un des enjeux avec le GAP, le triage, c'est une très
bonne idée d'appeler quelqu'un pour voir... être dirigé au bon endroit. Mais
quand on appelle quelqu'un au GAP, l'infirmière, à qui on parle, du 8-1-1, nous
demande c'est quoi, votre problème. Puis on est triés pour un problème...
M. Dubé : Bien là, on revient
à un bobo, un rendez-vous, un bobo.
Mme Leblanc (Isabelle) : ...puis
après on arrive, voir le professionnel pour un problème. On revient. C'est le
système de triage. Puis on ne le nommera pas, mais la personne vient demain ou
après-demain présenter le logiciel que vous avez en tête pour des files de pertinence,
c'est un peu la même chose, c'est un problème aussi. Ça fait que si ce n'est
pas le genre de médecine qu'on veut, il va falloir repenser. Puis, moi, je fais
beaucoup plus confiance à l'intelligence naturelle d'une infirmière qui parle à
un patient pour faire un triage qu'un ordinateur en ce moment. On verra comment
les choses vont, puis, de toute façon, quand Internet ne marche pas, l'ordi, ça
ne va pas.
M. Dubé : C'est sûr que, si on
n'est pas capable d'avoir Internet, on a un problème.
Mme Leblanc (Isabelle) : Mais
ça arrive dans plein d'endroits, hein, dans le réseau.
M. Dubé : Ah! je le sais, je
le sais, je le sais. Je regarde... Il me reste combien de temps?
Le Président (M. Provençal)
: 1 min 30 s.
M. Dubé :
1 min 30 s. Quand on a regardé... Puis j'ai trouvé ça difficile
comme conclusion du professeur des HEC, parce qu'un des commentaires durs qu'il
a faits, où tout le monde a été un peu surpris, c'est : Plus que la rémunération
augmente, plus le service diminue. Qu'est-ce qui a pu causer ça, vous pensez?
Est-ce que vous avez pu prendre connaissance du rapport des HEC?
Mme Leblanc (Isabelle) : Oui.
Je pense que les services diminuent... La rémunération augmente parce qu'il y a
eu des grosses augmentations de rémunération des médecins dans les derniers 15 ans.
Puis je pense que les services diminuent parce que le système, il va de moins
en moins bien, c'est de plus en plus difficile. Moi, j'ai presque 20 ans
de pratique, puis je vois presque moins de patients par jour que j'en voyais
avant, parce que le système est de plus en plus complexe, de plus en plus
lourd, de plus en plus difficile d'une part. D'autre part, je pense qu'il y a
des gros enjeux avec ces chiffres-là, peut-être que d'autres chercheurs vont
vous en parler dans les prochains jours, où ils ne considéraient pas la
rémunération à l'acte... la rémunération, pardon, à tarif horaire, la
rémunération mixte, hein, qui est arrivée dans les derniers 10 ans, la
rémunération mixte n'était pas là, la part de capitation, parce que là vous
nous présentez comme si la capitation arrivait de nouveau, mais on est déjà à
15 % de capitation à peu près avec les primes de GMF, tout ça.
M. Dubé : Oui, quand on parle
de forfait...
Mme Leblanc (Isabelle) : C'est
ça...
M. Dubé : ...il y a un chevauchement
entre les forfaits puis... O.K. On se comprend.
Mme Leblanc (Isabelle) : ...c'est
ça, léger, mais c'est ça. Ça fait que je pense qu'il y a aussi des enjeux avec
les chiffres de cette personne-là, mais, je veux dire, les gens donnent moins
de soins dans le réseau, parce que le réseau est en moins bon état maintenant
qu'il était il y a 20 ans?
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup.
M. Dubé : Très bien. Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre, je comprends que vous
souhaitez déposer le nouveau modèle d'organisation des soins de première ligne
ainsi que le rapport de l'indicateur d'accès. Oui. Alors, j'ai pris
connaissance des deux documents et j'en autorise le dépôt. Ils seront
disponibles sur Greffier ainsi que sur le site de l'Assemblée prochainement.
Merci beaucoup.
M. Dubé : Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Provençal)
: Et maintenant je cède la parole au
député de Pontiac.
M. Fortin :Merci, merci, M. le Président. Merci à vous quatre d'être là ce
soir. Un jour sur deux, l'Internet ne marche pas?
Mme Leblanc (Isabelle) : À peu
près, j'exagère peut-être un tout petit peu, mais ça arrive vraiment souvent.
On a tous nos techniques pour contourner.
M. Fortin :
J'ai le goût de vous dire, mais, au moins, le fax marche encore, mais ça, c'est
un autre débat.
Mme Leblanc (Isabelle) : Oui,
mais c'est pour ça qu'on aime le fax.
Mme Lemieux-Forget (Juliette) :
...pas capable de me rendre... sans rendez-vous ce matin à ma clinique, et on a
eu une panne d'électricité, malheureusement, et donc Internet ne fonctionnait
plus. Tout était «down», rien ne marchait, ça ne fait plus d'heures, mais on en
a souvent.
M. Fortin :C'est triste, c'est triste quand on est rendu à dire qu'on aime
le fax, parce qu'au moins il marche...
Mme Lemieux-Forget (Juliette) :
Le fax ne marchait même pas, là.
M. Fortin :O.K. Dans vos recommandations, je vous ai entendu parler des
indicateurs qualitatifs. Ça fait quelques groupes qui le mentionnent, mais on n'élabore
vraiment jamais sur ce que ça veut dire, comment ça peut être mis de l'avant, qu'est-ce
que vous avez en tête spécifiquement. Puis là on parle beaucoup du quantitatif
avec certaines mesures, certains objectifs gouvernementaux bien précis, bien précis
dans la tête du ministre, mais on verra lorsque viendra le temps de la
réglementation. Mais, sur le qualitatif, j'aimerais vous entendre sur comment
on peut faire ça, qu'est-ce que ça peut vouloir dire, ça peut ressembler à quoi.
Mme Leblanc (Isabelle) : Bien,
je pense que nos collègues mentionnaient les recherches Commonwealth Health
Fund, un, la satisfaction des patients, c'est des données qui sont qualitatives;
la santé des patients, je veux dire, dans rien de tout ça, dans aucun des
indicateurs, je ne les ai pas tous vus, les indicateurs, je n'ai pas vu... le
règlement, mais est-ce que notre population est en meilleure santé...
Mme Leblanc (Isabelle) : ...est-ce
que nos diabètes sont bien contrôlés? Est-ce que nos enfants ont des bons indicateurs
de développement? Est-ce qu'on s'assure de la... comment dire, que l'offre de
soins est pertinente pour la population qu'elle dessert? Donc, est-ce que, dans
une clinique dans Côte-des-Neiges, il y a des soins avec, je ne sais pas, un
interprète? Est-ce qu'en Outaouais il y a des soins qui empêchent les gens
d'aller du côté de l'Ontario à toutes les deux minutes? Donc, d'avoir
vraiment... ça demande plus de temps, ça demande plus d'analyse, ça demande de
mettre des données en contexte, mais les données qualitatives, c'est
probablement les données les plus riches pour savoir comment un système de
santé fonctionne.
M. Fortin :Mais, même si on a des données qualitatives demain matin,
là, elles ne peuvent pas juste être appliquées à une catégorie de
professionnels quand même, là. Parce que les... ce que vous mentionnez là, le
diabète contrôlé, ça peut venir avec les outils qui sont approuvés ou non
par... ou remboursés ou non par le gouvernement. Les indicateurs de santé d'une
population, ça peut venir avec notre investissement dans la prévention, le
sport, tout le reste. Ça ne peut pas être juste mis sur les épaules des
médecins, ça non plus.
M. Gauvreau (Xavier) : Oui,
exactement. Puis c'est pour reprendre un peu le concept de responsabilité
populationnelle qui a été évoqué plus tôt puis pour marteler un peu le point
que nous, on veut faire, c'est que de mettre... de lier des indicateurs
seulement à la performance des médecins, c'est d'occulter complètement les
indicateurs qui tiennent compte de la santé de la population. On vise vraiment
la mauvaise cible ici, et c'est donc pour ça qu'on met autant d'emphase sur les
autres professionnels, qu'on croit qu'ils devraient également être inclus dans
ce genre de mesures là.
M. Fortin :O.K.La... D'entrée de jeu, là, je pense vous avoir
entendus dire que c'était essentiel de revoir le fonctionnement de la première
ligne et en même temps de revoir la rémunération. O.K. Mais est-ce que c'est
la... comment dire, est-ce que c'est davantage de capitation qui vous inquiète
ou c'est la combinaison de davantage de captation plus des cibles... des cibles
particulières? Je crois, Dr Gauvreau, vous avoir entendu parler des... de la
combinaison des deux, là, mais je veux juste bien comprendre.
M. Gauvreau (Xavier) : Comme
on l'a déjà mentionné, nous, ce qui nous... On s'est déjà penchés sur cette
question-là, sur qu'est-ce qui est mieux en entre capitation, à l'acte versus
horaire. Probablement qu'une combinaison. Puis, selon le milieu, selon le type
de pratique, ça varie, quelle est la meilleure façon de rémunérer le médecin.
Puis, en ce moment, on est en train de se chicaner sur ces détails-là. Nous, ce
qui nous inquiète là-dedans, ce n'est pas tant le type en tant que tel ou la
combinaison qui est choisie, c'est plutôt justement la contrainte qui mise ou
qu'on sent qui va être mise par le projet de loi de prendre plus de patients en
charge puis d'accélérer, d'augmenter les contraintes qui vont être mises aux
médecins.
M. Fortin :C'est la cible qui vient avec, dans le fond.
M. Gauvreau (Xavier) : Exact.
Exact.
M. Fortin :O.K. Parce que ça peut mener à des enjeux de qualité, ça
peut mener à toutes sortes de... d'effets... d'effets non désirables, là,
disons.
M. Gauvreau (Xavier) : Oui.
Bien, je pense que M. Dubé l'a bien dit, là : Si on rajoute 1 million de
patients dans les listes d'attente, bien, c'est inévitable que les patients
vont avoir plus de difficulté à être vus. Puis c'est quelque chose qu'on a vu
avec le GAP, c'est un des effets pervers qu'on a vus, c'est que des patients
qui étaient inscrits à des médecins de famille n'étaient plus vus par un
médecin de famille parce que ceux-ci se consacraient au GAP, parce que le GAP
était plus payant à cette époque-là. On craint des effets pervers qui vont être
similaires si on fait juste ouvrir ces... ajouter ces patients-là sur les
listes, là, oui.
• (20 h 10) •
M. Fortin :Oui. Moi aussi, j'étais content d'entendre le ministre
dire : Si on met 1,5 million de plus de patients sans changer la façon de
faire, ça ne marchera pas. On va la garder, celle-là, quand même.
Sur la question des femmes médecins, je...
c'est vous qui l'avez amenée tantôt, là, vous êtes le premier groupe à nous en
parler de façon explicite. Si je vous ai bien compris, là, les pratiques
peut-être un peu atypiques sont... c'est plus... il y a plus de femmes qui en
ont. Des types de... tu sais, de l'enseignement, de la formation, des...
d'autres types de tâches que juste voir des patients à longueur de journée,
c'est peut-être plus les femmes qui sont portées vers ça. Est-ce que vous avez
des chiffres derrière ça?
Mme Leblanc (Isabelle) : Pas
avec nous.
M. Fortin :
Je vous crois... Je vous crois sur parole, là, mais je...
Mme Leblanc (Isabelle) : Oui.
On peut vous les envoyer, ils existent...
M. Fortin :
Oui, j'aimerais ça.
Mme Leblanc (Isabelle) :
...mais on ne les a pas mis dans nos documents. Mais ils existent. Je peux...
On peut vous les envoyer par la suite, on pourra les déposer.
M. Fortin :O.K. Mais ça va être intéressant, M. le ministre, de voir
si vous avez fait une analyse différenciée selon les sexes pour essayer de
comprendre si vraiment il y a un... il y a un fondement, disons, approfondi de
cette question-là, je n'ai aucun doute que les chiffres vont dire ce que vous
avez, mais si vraiment, là, il y a une différence marquée de ce phénomène-là. Sur
la question... Sur la question de la pensée magique à laquelle vous avez fait
référence... et je pense, on a parlé beaucoup...
M. Fortin :...beaucoup des médecins de famille, là, mais ça ne
s'applique, selon moi, peut-être pas encore davantage aux médecins
spécialistes. Si on ne leur donne aucune ressource supplémentaire, si on ne
change absolument rien de ce qu'ils ont, si on ne leur donne pas plus d'accès,
par exemple, au bloc opératoire, bien, ça devient de la pensée magique de
croire qu'ils vont être en mesure de faire davantage de chirurgies. C'est dur
de le voir. Tandis que ce matin ou cet après-midi, là, avec d'autres groupes,
on nous a dit : Bien, c'est dur de voir comment les chirurgiens, par
exemple, peuvent en faire plus. Les médecins de famille peuvent peut-être en
faire plus, mais ça amène certains risques si on ne change pas les fondements.
Sur la question des spécialistes, là, est-ce que vous voyez un début de comment
le gouvernement peut croire que c'est possible de faire plus de chirurgies sans
changer les ressources qui sont à la disposition du réseau public?
M. Gauvreau (Xavier) : Écoutez,
je dois répondre un peu de... par la question en disant : Bien, le... Je
pense que le gouvernement a la pensée magique de penser qu'en envoyant les gens
au privé dans les CMS, ça va augmenter le nombre de chirurgies qui sont faites.
Malheureusement, ce n'est pas ça qu'on voit sur le terrain. Vous parlez que
c'est un phénomène qu'on voit également en spécialité. On a beaucoup utilisé,
là, les chirurgies parce que c'est assez facilement quantifiable puis c'est...
les données sont là. Moi, je peux vous en parler, là, qu'en
Chaudière-Appalaches, à Lévis, où je travaille, à l'Hôtel-Dieu de Lévis ils ont
été touchés dans des coupes récemment, là, au personnel. Puis nous, on l'a vu,
là, on a perdu beaucoup de travailleuses sociales qui maintenaient des patients
très vulnérables, psychiatriques en communauté, et on a vu une augmentation
quand même de nos patients qui n'étaient plus maintenus en communauté qui
venaient consulter à l'urgence, qui venaient consulter en psychiatrie. Donc,
c'est sûr que les données sont plus difficiles à avoir dans ce contexte-là
qu'en chirurgie, mais clairement qu'il y a... cet effet boule de neige là se
fait dans les spécialités également.
M. Fortin :Maintenant, quand vous dites que, par exemple à
l'Hôtel-Dieu de Lévis, il y a eu des coupures qui ont mené à des difficultés
d'accès de services, ça vient miner encore davantage les fameux ratios auxquels
vous faites référence, là. Puis ce n'est peut-être pas aussi clair qu'une
psychologue pour 30 000 patients dans un GMF, mais là, si on enlève ce type de
professionnel là de l'urgence, de toute évidence, on mise encore plus sur un
autre type de professionnel, qui est peut-être le médecin, l'urgentologue ou
peu importe, là. Alors, ce que vous me dites aujourd'hui, c'est que les
coupures aggravent le problème qu'on devrait vouloir régler à travers
l'interdisciplinarité.
M. Gauvreau (Xavier) : Oui,
exact. Dans le fond, c'est... Ce qu'on voit, c'est qu'on a coupé dans les
autres professionnels de la santé, et il y a plus de pression qui est sur le
système et sur les médecins, puis ensuite on demande aux médecins d'en faire
plus. C'est un non-sens, à mon avis.
M. Fortin :O.K. Juste une dernière chose. Vous avez mentionné :
Si les physios sont disponibles, de façon universelle, disons, c'est 25 %,
c'est 25 % des visites chez les médecins de famille qui peuvent être
éliminées demain matin?
Mme Leblanc (Isabelle) : Puis
«demain matin»...
M. Fortin :Bien, non, mais de... à terme. À terme, disons.
Mme Leblanc (Isabelle) : Demain
matin, non, mais... Oui.
M. Fortin :Voilà.
Mme Leblanc (Isabelle) : Puis
je n'ai pas les chiffres sous les yeux encore une fois, mais il y a des bons
chiffres aussi sur le nombre de chirurgies, donc des remplacements de hanches,
des remplacements de genoux qui peuvent être évités. Donc, c'est autour de
30 % des consultations chez le médecin qui sont du musculosquelettique en
première ligne puis entre 20 % à 25 % peuvent être... pourraient être
gérés complètement par un physio.
M. Fortin :O.K. Et donc, dans votre modèle idéal d'interdisciplinarité
en GMF ou ailleurs, les physios font partie de ce modèle-là bien plus qu'ils ne
le sont aujourd'hui.
Mme Leblanc (Isabelle) : Oui,
puis à l'urgence aussi parce que c'est la même chose à l'urgence.
M. Fortin :O.K. Très bien. On a entendu les physios se prononcer la
semaine dernière, là, là-dessus, mais je suis content d'entendre d'autres
groupes de professionnels également avec cette réflexion-là. Ça va pour moi, M.
le Président. Je vous remercie.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. le député. Alors, M. le
député de Rosemont.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Bonsoir à vous quatre, merci d'être là. En fait, je vais continuer
sur la même lancée que mon collègue de Pontiac, là, les physios se sont
prononcés la semaine dernière, mais ça fait combien d'années qu'on les entend
dire que... Puis ça a été fait ailleurs dans le monde, ça marche assez bien.
D'ailleurs, le ministre et moi, on ne fait pas juste se chicaner. Quand on
avait visité Jeffery Hale, à cette demande, ils avaient intégré un physio puis
ça marche superbien. Pourquoi on n'en a pas? C'est parce qu'ils ne sont pas
disponibles, ils sont tous au privé? Même chose pour les psychologues?
En passant, Dre Leblanc, comment
fonctionne, dans un GMF-U, à 30 000 patients avec une psychologue? Est-ce qu'on
ne la condamne pas au burn-out, à l'épuisement, à la retraite anticipée? Rendu
là, je me dis : Mais pauvre, pauvre professionnelle. Une sur 30 000.
Alors, qu'est-ce qui fait que... Est-ce qu'il faut les ramener? Parce qu'ils
sont tous et toutes au privé pour plein de raisons? On ne refera pas ce
débat-là, là, on n'a pas le temps, mais qu'est-ce qu'on fait? Parce que ça
marcherait.
Mme Leblanc (Isabelle) : Bien,
c'est... Oui, oui, il faut les ramener dans le système public. Je pense qu'il y
a un enjeu parce que les gens qui sont en GMF, en établissement n'ont pas tout
le temps de l'espace pour tous ces professionnels-là. Est-ce qu'il faut penser
à une couverture publique de la physiothérapie...
Mme Leblanc (Isabelle) : ...ou
pour certains certains enjeux. Même chose pour la psychothérapie. Si on veut
vraiment sauver la première ligne, si on veut vraiment avoir un système de
première ligne qui est performant, il faut que tout le monde puisse y avoir
accès.
Pour répondre à votre question, bien,
nous, on a des critères d'exclusion. Tout le monde qui a des assurances ne peut
pas voir de psychologue, tout le monde qui a certains critères ne peut pas voir
de psychologue, puis, après, il y a des listes d'attente, puis ils sont tenus
de faire des consultations, un nombre de consultations limitées pour pouvoir
offrir à beaucoup de gens. Mais je veux dire, c'est ça, l'éléphant dans la
pièce, là, c'est qu'on veut changer la première ligne en utilisant la
rémunération des médecins, mais la vérité, c'est que ça prend beaucoup d'autres
professionnels pour que la première ligne soit bien. Nous, on voit des patients
à répétition, comme médecins de famille, parce qu'ils n'ont pas accès à leur
physio ou à la psychologue, ça fait qu'ils viennent nous voir, nous. On leur
prescrit des médicaments, on surmédicamente, souvent. Des fois, c'est des
choses qui ne sont pas superpertinentes. On va faire une autre radio, une autre
IRM pour faire quelque chose pour le patient. C'est vraiment un très gros
enjeu, puis moi, j'invite vraiment le ministre à penser à... s'il va de l'avant
avec cette loi-là, de s'assurer qu'il y a un accès aux autres professionnels
bien meilleur que ce qu'il y a en ce moment, quitte à couvrir les soins qui
sont donnés en rétablissement.
M. Marissal : Bien, je ne
veux pas répondre pour lui, puis le moment n'est pas aux échanges avec la
partie gouvernementale, mais moi, je ne vois pas ça dans 106. Je ne crois pas
que ce soit le but de 106. Est-ce qu'il y aurait une ouverture? On le verra,
éventuellement, mais est-ce que c'est pour ça que vous demandez d'abord et
avant tout, à la première recommandation, de suspendre l'étude, mais... Puis
là, après ça, j'entends le ministre qui va dire : Oui, mais suspendre
combien de temps? Parce qu'il veut agir, il veut faire de quoi. Après ça, on
peut être d'accord ou non, là, mais combien de temps, puis qu'est-ce qu'on fait
après?
Mme Lemieux-Forget (Juliette) : Je
ne me sens pas vraiment qualifiée pour nommer le nombre de temps qu'il faut
suspendre quelque chose pour faire l'étude d'un projet, là. Je ne pense pas que
c'est notre mandat en tant qu'association.
M. Marissal : C'est plus sur
la suite, la séquence.
Mme Leblanc (Isabelle) : Bien,
demain, il y a un comité d'experts qui connaît la rémunération... puis il y a
plein de gens, il y en a qui vont venir vous parler demain puis après-demain,
qui voient comment on peut améliorer la rémunération... pas l'améliorer, mais
la rendre plus pertinente pour la première ligne qu'on veut. Reparler aux gens
du groupe du comité d'experts sur l'accès aux soins, puis, je veux dire,
c'était clair dans leur rapport, hein, ils disaient que les recommandations
étaient indissociables. Là, c'est comme si on avait pris deux recommandations,
on n'a pas tout pris. Donc, vraiment regarder, mettre ça en place puis penser à
une couverture publique des autres professionnels. Ça fait que je ne sais pas
combien de temps ça peut prendre, mais on est dans une crise puis je pense
qu'on n'est pas à un, trois ou six mois, tu sais, il faut trouver la solution
qui va pouvoir durer dans le temps.
M. Marissal : Bien, j'y
reviens, là-dessus, là, parce que les physios, je pense, sont comme tous les
professionnels, ils voudraient aider, là, puis pratiquer dans les meilleures
conditions, mais ils vont au privé parce que c'est là qu'ils peuvent travailler
ou parce que c'est plus payant ou... Pourquoi on en a si peu sur la première
ligne? Parce qu'ils n'ont pas de place?
Mme Leblanc (Isabelle) : Parce
qu'il n'y a pas de postes.
M. Marissal : Vos avez dit...
c'est peut-être juste une question de locaux, tout simplement.
Mme Leblanc (Isabelle) : Bien,
il y a très peu de postes. Je veux dire, si les ratios pour 30 000 patients,
c'est... Nous, on a un physio, un psychologue, ça fait que, tu sais, si c'est
ça, les ratios de ce qui est couvert en GMF, ça ne fait pas beaucoup d'emplois.
Puis je pense que c'est, en ce moment, assez clair dans la tête de la plupart
des gens qui terminent dans ces professions que la voie normale, c'est le
privé.
Ça fait qu'il faut ramener le public comme
un employeur de choix, pour utiliser à nouveau les mots de M. Dubé, de temps en
temps, mais il faut s'assurer que les gens aient envie de venir travailler dans
le public, parce que je pense que tout le monde veut le mieux de la population.
Mme Lemieux-Forget (Juliette) :
...cercle vicieux, là, où quelqu'un voit, justement, ah bien, il y a juste une
travailleuse sociale pour 30 000 patients, ce n'est pas très attrayant, comme
milieu de travail. On n'a pas nécessairement envie d'aller travailler dans un
milieu comme ça. Ça fait que ce serait de briser ce cercle-là, d'inviter plus
de professionnels puis leur permettre de travailler dans le milieu, là.
M. Marissal : Je comprends.
O.K.Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, merci beaucoup aux Médecins
québécois pour le régime public, de votre participation à nos travaux et
surtout à la contribution que vous lui apportez.
Alors, sur ce, je suspends les travaux
pour faire place au dernier groupe que nous allons rencontrer ce soir. Merci.
(Suspension de la séance à 20 h 20)
(Reprise à 20 h 23)
Le Président (M. Provençal)
:Alors, nous allons terminer nos
travaux de cette journée avec l'Association des jeunes médecins du Québec. Nous
avons le docteur Setti, qui est président, qui va interagir avec les membres de
la commission. Alors, docteur, vous avez 10 minutes pour votre
présentation. Et, par la suite, nous procéderons aux échanges. À vous...
(Visioconférence)
M. Setti (Chakib) : Bonjour!
Tout d'abord, M. le Président, M. le ministre, mesdames, Messieurs les députés,
merci de l'invitation aujourd'hui. L'AJMQ se veut présente et a tenté à
plusieurs reprises d'assister aux différentes commissions parlementaires.
Malheureusement, la dernière fois, c'était au niveau de la loi 20. Et on
désire aujourd'hui apporter des solutions concrètes dans un système de santé
qui a beaucoup de défis, qui relève beaucoup de défis aujourd'hui.
Avant toute chose, j'aimerais préciser que
l'Association des jeunes médecins du Québec est une association qui a été
fondée en 1995. C'est une association centrée sur l'intégration de tous les
jeunes médecins québécois, toutes spécialités confondues, en plus de la
reconnaissance, un peu, et de l'inclusion de ceux-ci dans les négociations.
Tel qu'aujourd'hui, par exemple, l'essence
même de notre action est de donner une voix aux jeunes médecins du Québec en
prenant part à chaque réflexion qui concerne directement leur pratique
professionnelle, évidemment le tout dans l'intérêt des patients québécois.
M. le Président, il y a une chose aussi
importante que j'aimerais... avec laquelle j'aimerais débuter aujourd'hui.
C'est qu'en 2002, on avait eu un ministre de la Santé qui a malheureusement
forcé les médecins de la première ligne à quitter leur bureau pour aller aux...
travailler aux établissements. Aujourd'hui, le projet de loi n° 106 aussi
veut forcer les médecins à atteindre des chiffres. La loi 83, récemment, a
voulu, de par son existence, forcer les médecins à travailler dans des systèmes
publics au lieu de leur créer un environnement adéquat, pour le bien-être de
leurs patients, évidemment.
Donc, tout d'abord, comment peut-on
espérer un résultat différent avec la même approche? Einstein l'avait déjà dit
préalablement, puis on le répète encore une fois aujourd'hui, il y a eu
différentes actions avec le même type d'approche et malheureusement, le
résultat est le même.
Aussi, j'aimerais aussi vous partager des
chiffres intéressants. Puis je pense que tout le monde aujourd'hui, ici, aime
les chiffres. Il y a eu une consultation auprès de différentes cliniques, puis
le résultat, et je dis bien le résultat qui est partagé par tous, c'est qu'il y
a un minimum de 37 % des consultations qu'on pourrait libérer afin
d'avoir... de voir plus de patients. Je pense que tout le monde, aujourd'hui
ici présent, désire la même chose, désire à trouver des solutions pour
améliorer l'accès aux patients. Et, aujourd'hui, on a des solutions à des
solutions, des solutions concrètes que l'Association des jeunes médecins a
présentées depuis longtemps et qu'elle présente et revient encore aujourd'hui
pour le même objectif.
On parle de plusieurs aspects. On parle de
différents niveaux. Malheureusement, les solutions concrètes qui émanent du
terrain ne sont pas entendues. On a par exemple...
M. Setti (Chakib) : ...à
titre d'exemple, répété à plusieurs reprises, que l'une des solutions qui
pourraient faciliter l'intégration fasse augmenter la pratique libre des
médecins au Québec, et là on parle un attrait... d'un des attraits les plus
importants pour le système public, c'est d'attirer les médecins en abolissant
les fameux PREM, les PEM et les AMP. Ça, c'est d'un côté.
D'un autre côté, le travail
interdisciplinaire. On ne peut pas demander au médecin en pratique, quelle que
soit sa spécialité, d'améliorer ses conditions de travail de lui-même,
d'augmenter sa productivité, même si, le terme, je garderai une certaine
réserve, qu'on pourrait développer plus tard. On ne peut pas se baser que sur
les médecins pour améliorer le fonctionnement d'un système qui souffre de
plusieurs niveaux. Alors que, d'un autre côté, puis je l'ai entendu tout à
l'heure dans le groupe... enfin, parmi tous les groupes qui m'ont précédé
aujourd'hui, c'est un système qui est basé sur plusieurs niveaux, c'est un
système qui repose sur plusieurs joueurs. Les médecins sont une des instances
qui peuvent travailler, qui peuvent aider à améliorer les systèmes. Cependant,
au jour d'aujourd'hui, on blâme encore les médecins. D'ailleurs, à
l'Association des jeunes médecins du Québec, on se questionne pourquoi on a
adopté la loi 83 avant de proposer le projet de loi n° 106 aujourd'hui. Nous
nous questionnons. Si on avait fait le contraire, est-ce qu'on se serait
retrouvé avec des médecins qui auraient tous quitté le système public ou dans leur
grande majorité? Je vous laisse répondre à la question, y réfléchir.
Quand on parle des autres professionnels
de la santé, je vous ai entendu parler des physiothérapeutes, des psychologues,
des thérapeutes, des nutritionnistes, la liste est longue, on se questionne
encore une fois comment on peut se... demander aux médecins d'avoir plus
d'offre de services si, encore une fois, les médecins voient les patients...
et, malheureusement, dans beaucoup de leurs rendez-vous qu'ils octroient à
leurs patients... sont des rendez-vous, malheureusement, que je citerai... et
que je nommerai... je qualifierai d'inutiles. Tout simplement, dans ce
contexte-là, nous, encore une fois, comme autres associations, on plébiscite le
travail interdisciplinaire. Le fait qu'il existe d'autres professionnels de la
santé pourrait être embarqué dans la solution et non pas se baser que juste les
médecins.
Un exemple concret de tous les
jours : si vous... vous voyez, par exemple, une entorse de la cheville et
que le médecin voit le patient et le diagnostique, quel intérêt à ce que ce
patient continuerait de voir le médecin si, en réalité, il aurait besoin de
voir un physiothérapeute, mais, malheureusement, ses assurances ou ses moyens
financiers ne le permettent pas? Quel serait le bénéfice au patient qui souffre
d'anxiété ou de dépression, et la réalité nous le rapporte à tous les jours, de
revoir le patient... le médecin à tous... plusieurs reprises durant l'année qui
suit, alors qu'en réalité il a besoin d'un soutien psychologique avec le
travail social, avec un psychologue? Malheureusement, il ne peut pas se
permettre ou il n'a pas les assurances pour cela. Pourquoi on incomberait aux
médecins la faute d'un système qui est dysfonctionnel, alors qu'en réalité les
médecins, au jour d'aujourd'hui, sur les terrains, ne demandent que de
l'amélioration?
• (20 h 30) •
L'une des autres pistes de solution qu'on
a encore, qu'on rapporte aujourd'hui, qu'on a répétée, c'est les tâches
médicoadministratives. Il y a un projet de loi qui a été discuté, il y a une
loi qui a été adoptée, mais on attend l'application sur le terrain. Comment on
explique encore aujourd'hui, en 2025, que les médecins portent entre 1 h et 1 h
et demie par jour de travail et de tâches que je qualifierais de charge
médicoadministrative, alors qu'il serait plus pertinent qu'ils se concentrent
sur les médecins? J'anticipe la remarque en me disant qu'on travaille sur cela.
Je dirais plutôt : Pourquoi ne pas finaliser ce travail avant d'aller
essayer de tenter de trouver d'autres projets de loi qui, encore une fois, ont
la même approche coercitive?
Est-ce qu'on... Au jour d'aujourd'hui, on
pense que beaucoup de jeunes médecins risquent de quitter, malheureusement, non
pas quitter le système public mais quitter la province. Au jour d'aujourd'hui,
je vous dis, j'ai le malheur de vous aviser qu'on a au moins une quarantaine à
cinquantaine de médecins qui nous ont déjà avisés qu'ils risqueraient de
quitter la province. Pourquoi on se permettrait encore une fois d'aller dans
des projets de loi qui risquent encore de nous diminuer le nombre de médecins,
alors qu'on le sait tous que notre système a besoin de plus de main-d'oeuvre?
Pourquoi on se dirige encore une fois dans le même principe avec un projet de
loi qui risque encore une fois de pousser ceux qui nous aident, et c'est
presque le quart des médecins du Québec qui ont 60 ans ou plus, à quitter
avec... dans une retraite bien... ô combien bien méritée, mais malheureusement
ils sont...
20 h 30 (version non révisée)
M. Setti (Chakib) : ...encore
là pour nous aider, alors que ce projet de loi ne vient aucunement les stimuler
à rester.
On a d'autres aussi... d'autres projets, d'autres
propositions telles que, par exemple le projet de loi qui a été discuté avec
les pharmaciens pour le renouvellement des médicaments. Encore aujourd'hui,
dans nos consultations, on a encore la hantise d'avoir des patients qui se
déplacent malheureusement encore à nos bureaux pour renouveler des médicaments,
qui aurait pu se faire ailleurs sans encore l'aval, l'intervention du médecin.
On a des membres chez nous qui voudraient éventuellement faire des chirurgies,
mais leur plateau technique ou je dirais même les blocs opératoires ne sont pas
disponibles.
La question qu'on doit se poser aujourd'hui :
On a tous le même objectif, on veut tous le même but, mais je pense qu'on est
rendus, au jour d'aujourd'hui, à écouter les gens du terrain, à écouter des
solutions concrètes, et des solutions qui sont aujourd'hui proposées par des
gens qui travaillent, des gens qui les rencontrent à tous les jours dans des
problématiques qui les handicapent dans leur pratique de tous les jours. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Ça va?
M. Dubé : Très bien.
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre, on y va?
M. Dubé : Très bien.
Allons-y. Alors, Dr Setti, merci de prendre le temps ce soir, parce que vous
êtes quand même la conclusion de notre journée, alors, et de l'avoir fait dans
un délai aussi court, là, de vous êtes préparé.
Puis je vais... je vais y aller de facto
avec votre mémoire si vous permettez. Je vais commencer par ce qu'on a l'air de
s'entendre, c'est la recommandation numéro quatre, qui est très bonne, où vous
dites, puis vous l'avez présentée, que «37 % des plages horaires médicales
actuellement offertes pourraient être libérées si un soutien accru par d'autres
professionnels de la santé était favorisé par davantage d'interdisciplinarité.»
Vous l'avez mentionné durant votre présentation. Puis je pense qu'on souscrit
tous à ce constat-là.
Et quand vous dites : «Les travaux
que mène actuellement le gouvernement du Québec afin de créer une meilleure
collaboration», moi, je les connais, mais je voudrais que vous les expliquiez
aux Québécois qui nous écoutent, là, ce soir, là, qu'est-ce que sont ces
travaux-là, qui permettent justement de mieux rediriger ou de libérer des
plages horaires. Parce qu'en fait je disais tout à l'heure : Oui, si on
continue de travailler de la même façon, il va toujours manquer du monde, mais,
si on travaille différent, on est peut-être capables d'avoir plus de
disponibilité. Alors, qu'est-ce que sont, selon vous, les travaux que mène le
gouvernement du Québec là-dessus pour favoriser une meilleure orientation,
entre autres, chez vous, dans votre quotidien, là? Mais, si vous pouviez le
décrire, là, parce que vous avez l'air d'être satisfait de cette direction-là,
si je comprends bien.
M. Setti (Chakib) : Tout d'abord,
merci, M. le ministre, de préciser, parce que malheureusement, nous avons été
avisés de notre présence aujourd'hui à 11 h 49 exactement. J'aurais
voulu être parmi vous physiquement, mais cependant, donc, on le fait par
visioconférence.
Concernant...
M. Dubé : En langage de
baseball, vous êtes un frappeur remplaçant d'une grande qualité pour être
capable d'avoir produit cette documentation-là dans si peu de temps. Alors, c'est
pour ça que je vous remercie, parce que vous avez été concis et très clair dans
votre présentation. Alors, merci beaucoup.
M. Setti (Chakib) : Merci.
Concernant notre satisfaction, j'ai malheureusement l'obligation de dire
aujourd'hui : Est-ce qu'on est vraiment satisfaits? On l'est, je dirais,
partiellement. Oui, on est satisfaits de l'objectif, puis je pense encore une
fois qu'au jour d'aujourd'hui tout le monde présent ici, à cette heure-ci de la
journée, tout le monde veut le même objectif, c'est améliorer la qualité des
soins, améliorer l'accès. Là, on est tous d'accord.
Cependant, la problématique qu'on note au
niveau de l'AJMQ, puis même au niveau de tous les médecins praticiens aujourd'hui
au Québec, c'est qu'au lieu d'aller de l'avant avec ces projets de loi, par
exemple, le projet de loi n° 68 concernant les charges médicoadministratives ou
concernant un peu l'objectif qui a été travaillé avec la loi 41 avec les
pharmaciens afin qu'ils puissent avoir plus la capacité de renouveler ou le
pouvoir de renouveler les médicaments, ou voire même faire certains suivis de
laboratoires de prises sanguines pour faciliter le suivi des patients et
diminuer la charge de la première ligne, là nous sommes satisfaits de ces
idées-là. Mais, là où le bât blesse, c'est qu'on n'a pas été plus loin pour les
mettre en pratique. Quand je dis ça, je dis... je reviens encore au même point :
il y a eu le projet, enfin, la loi 83, tout de suite par la suite, il y a
eu le projet de loi n° 106, mais on a délaissé ce côté-là en marge de nos
travaux de...
M. Setti (Chakib) : ...aux
travaux, si on peut les qualifier de la sorte. Et nous pensons que, si on se
concentrait... ou si vous allez, comme ministre, comme groupe, aujourd'hui,
parlementaire, vous concentrer sur l'application de ces mesures-là, que ça
devienne... pratico-pratique, que le médecin ne perde pas une heure, une heure
et demie, voire deux heures par jour avec une charge médico-administrative,
pour qu'ils... ces médecins puissent se concentrer sur des patients, je pense
que l'existence ou l'essence même du projet de loi n° 106... je pense même
que la commission parlementaire d'aujourd'hui n'existerait même pas.
M. Dubé : Alors, je veux
juste, pour continuer cette discussion-là, là, de façon très constructive...
J'ai toujours dit qu'un projet de loi, lorsqu'on le fait dans un ensemble de
projets ou d'actions d'un gouvernement ce n'est pas le seul projet de loi qui
va sauver le monde. C'est un ensemble d'actions, puis ça, ça en est une. Je
pense que... ce que je comprenais lire de votre recommandation, et c'est pour
ça que je suis d'accord avec vous... On a fait des gestes, des gestes, entre
autres, en transformation informatique, puis les gens de Santé Québec, dont Mme
Poupart... est ici ce soir, savent que, d'ici quelques mois, on va arriver avec
une plateforme qui va faciliter, entre autres, la prise de rendez-vous, et une
prise de rendez-vous qui va aider non seulement à prendre un rendez-vous avec
un médecin dans une GMF, mais qui va permettre de rediriger certains
rendez-vous avec d'autres professionnels, et ça, pour moi, c'est beau à voir.
Puis là je le dis à quelqu'un qui est dans
le réseau, puis qui comprend ce dont on parle ici, quand on met un filtre de
pertinence pour dire : Vous, comme médecin, vous n'avez pas besoin de voir
cette personne-là, puis elle devrait aller chez un pharmacien ou sur une...
chez une IPS, mais que vous avez de la paperasse à faire, ou un téléphone à
faire, vous n'avez pas gagné grand-chose, mais si on vous aide à rediriger
cette personne-là tout en facilitant votre travail, c'est là que les premiers
gestes qu'on a posés avec le projet de loi n° 41 dont vous parliez, qu'il
faut qu'il y ait une suite à ça. C'est ça que je comprends de votre point.
Moi, ce que je vous dis, c'est qu'il faut
que... oui, il y a des projets de loi, mais il faut qu'il y ait un suivi
administratif, il faut qu'il y ait des logiciels informatiques qui suivent. Et
est-ce que... est-ce que je le décris bien, ou vous êtes en... êtes-vous en
accord avec ce que je viens de dire? Parce que c'est ça qui est important.
C'est bien beau, faire un projet de loi, mais il faut que la mécanique suive,
pour être capables de vous enlever de la charge, aux médecins, puis de dire aux
patients : Bien, voici comment on va être plus efficaces dans nos GMF. Je
veux... je veux vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.
• (20 h 40) •
M. Setti (Chakib) : Bien, M.
le ministre, encore une fois, l'objectif est noble. On ne... je ne peux pas,
comme praticien, dire que ce n'est pas le cas. La problématique, c'est qu'on
note que l'approche n'est pas nécessairement la meilleure, de notre point de
vue, comme praticiens.
Je vais faire le parallèle avec un des
sujets que vous avez probablement discutés aujourd'hui, l'inscription
collective. L'inscription collective est venue pour pallier un certain manque,
une certaine urgence à des patients pour des éléments ponctuels. Ça a ses
avantages, ça a ses inconvénients. Ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui.
Cependant, je vais juste vous donner un exemple parfait par rapport à ce que
vous venez de parler, puis on pourrait en débattre, si vous le désirez.
L'inscription collective a été implantée dans un certain objectif. Cependant,
aujourd'hui, on a remarqué, les derniers mois et les dernières années, que les
agentes administratives ou les infirmières qui travaillent au niveau du GAP, au
niveau du tri ont dû être coupées dans certaines régions du Québec. Donc, si on
implante un projet, si on implante un corridor, et qu'on finit par faire des
coupures dans ce corridor-là on ne peut pas imputer les médecins de la
problématique d'accès, alors qu'en réalité l'accès réside ailleurs.
Et là il y a plusieurs exemples. Je vous
donne l'exemple de l'inscription collective, qui est un des sujets que vous
avez été à plusieurs reprises. Et, d'un autre niveau, on se demande pourquoi,
encore une fois, les médecins sont incriminés alors que, pratico-pratique,
l'accès au niveau de l'inscription collective a été difficile, parce que, même
au niveau des agentes administratives qui font le tri, qui sont responsables de
ça... ont été coupées. Donc, est-ce que ces coupures sont imputables aux médecins?
Nous pensons que non.
M. Dubé : Mais ça, on est
d'accord puis on l'a dit. Je me souviens avoir intervenu auprès de Santé Québec
quand il y avait eu ces décisions-là qui avaient été prises, puis on a
dit : Écoutez, on ne peut pas... on ne peut pas faire ça, on a beau avoir
les pressions financières qu'on a, s'il y a un endroit où on n'ira pas couper
c'est sur l'accès. Alors, je comprends que c'est arrivé, mais il faut corriger
le tir. Moi, ce que... ce que je vous...
M. Dubé : ...ce que je vous
demande, puis de me dire... puis je l'ai demandé à plusieurs médecins qui sont
venus comme vous aujourd'hui, puis je l'apprécie : Selon vous, qu'est-ce
qu'on peut faire? Parce que, quand vous me dites de miser sur
l'interdisciplinarité, moi, je vous dis : On est d'accord avec ça. On vous
donne de plus en plus d'outils pour le faire, peut-être qu'ils ne sont pas
suffisants. Je vous demande la question : Qu'est-ce que vous pouvez faire,
de votre côté, pour nous aider à faire arriver ça? Je comprends que nous, on
peut en faire, mais, quand je dis «nous», là, le gouvernement, Santé Québec,
ceux qui sont là pour appuyer les médecins, mais, de votre côté, qu'est-ce que
vous pouvez faire?
M. Setti (Chakib) : Alors, de
notre côté, ce qu'on propose, première chose, c'est de mettre le projet de loi
n° 106 de côté pour l'instant et de discuter d'autres manœuvres. Là, vous me
demandez ce que je veux, je vous dis ce que je veux.
Deuxièmement, on va se concentrer et
parler des vraies choses, vous êtes quelqu'un de... une personne pragmatique
puis vous aimez les chiffres, quand on parle de libérer 37 % des
consultations, et là je vous donne le chiffre minimal qu'on a pris au niveau de
plusieurs cliniques à travers différentes régions du Québec, le chiffre 37 %,
je vous le dis, c'est un patient sur trois, une consultation sur trois qui
serait libérée. D'un autre côté, on va incriminer les autres professionnels
dans le système, parce que, malheureusement, dans le système public, les autres
professionnels, on les cherche. Moi, si vous venez à ma clinique, puis je vous
invite à venir dans ma clinique passer une journée avec moi, ça nous ferait
plaisir de vous partager notre quotidien, vous allez vous apercevoir la
problématique qu'on a, nous n'avons pas la possibilité d'acheminer les patients
vers les bons professionnels au bon moment. On a beau les voir moins, comme
médecins ou tous les collègues, quelle que soit leur spécialité, on pourrait
les voir cinq, six, sept, 20 fois, ça ne changera rien parce que le vrai
problème, ce n'est pas l'accès aux médecins, c'est parce que les patients
reviennent voir les médecins pour les mêmes problèmes et les médecins se
retrouvent, encore une fois, avec les mêmes problématiques. Nous sommes démunis
au niveau pratico-pratique. C'est pour ça que je vous le dis, on a...
M. Dubé : C'est un petit
peu... excusez-moi, c'est... je voulais... Je vous laisse compléter, je
m'excuse de vous avoir interrompu, pardon.
M. Setti (Chakib) : Il n'y a
pas de soucis. En allant plus loin avec ce qu'on a parlé, la loi 68 ou la
loi 41, en appliquant ces lois sur le terrain et en veillant à ce que ce
soit appliqué, parce que, si on donne la possibilité aux pharmaciens de
renouveler leurs médicaments... On évalue à entre 5 % et 10 % maximum
des pharmaciens qu'ils le font. Donc, est-ce qu'on ne pourrait pas regarder
vraiment, au niveau des pharmaciens, qu'est-ce qui les empêche ou qu'est-ce qui
les handicaps de faire leur travail? Déjà, on réglerait, je dirais, deux
oiseaux avec la même pierre, là, si je peux dire... si je peux utiliser à cet
exemple-là. Donc, on pourrait aller de l'avant avec des solutions concrètes. Si
on arriverait à avoir des professionnels dans les GMF, par exemple, on pourrait
aller de l'avant aussi, mais, malheureusement, ils n'existent pas.
M. Dubé : O.K. Bon. Ça, les
professionnels, tout à l'heure on en a entendu parler par les deux groupes qui
nous ont précédés, je pense que le message était très clair. Il manque, selon
eux, d'appuis dans les GMF elles-mêmes. Ça, je pense que c'était très clair.
Moi, ce que je disais tout à l'heure avec les pharmaciens, puis je fais le lien
avec ce que vous dites : Est-ce que le transfert d'une demande de
rendez-vous, le transfert d'une demande qu'on est en train de mettre en place
avec la plateforme Votre santé, devrait vous aider à faire ce qu'on dit? Parce
que, là, le... Est-ce qu'en ce moment on rejoint 10 % des pharmaciens? Je
prends vos chiffres. Mais est-ce qu'on peut l'amener à 40, 50, 60 %, pour
que, réellement, ceux qui n'ont pas besoin de voir le médecin, mais qui ont
besoin de voir le pharmacien... Alors là, vous me dites... O.K., vous, vous
êtes prêts à faire ce transfert-là, donc vous n'avez pas de problème à ce qu'il
se fasse, puis ce vous attendez de nous, c'est qu'on ait les outils pour les
transférer. Parce que vous me dites : Il n'y a rien de plus que vous
pouvez faire. C'est ça que je comprends, mais c'est correct aussi, là. Parce
qu'on a fait le projet de loi qui permet de le faire. Maintenant, il faut avoir
les outils qui permettent le transfert. Je veux juste qu'on se comprenne bien.
Moi, c'est ça que j'entends ce soir, là.
M. Setti (Chakib) : Vous
savez, M. le ministre, que quelqu'un qui fait beaucoup d'années d'études en
médecine, c'est quelqu'un qui veut se concentrer pour faire de la pratique de
la médecine pour laquelle il a été entraîné, il a fait des sacrifices et pour
laquelle il est censé faire... apporter sa participation dans... au niveau de
la communauté. Cependant, je ne connais aucun médecin, au jour d'aujourd'hui,
qui veut voir des patients juste pour les voir de façon, je dirais,
malheureusement, inutile. Je ne connais aucun médecin, au jour d'aujourd'hui,
en pratique, qui veut passer 1 h à 1 h 30 par jour juste à faire
de la paperasse, à faire des...
M. Setti (Chakib) : ...assurances
de la CNESST, des assurances de la SAAQ, des assurances d'arrêt... des papiers
d'arrêt de travail, le fait aussi de... la complétion de d'autres formulaires.
Les formulaires, on en a beaucoup. Donc, si je vous dis ça
aujourd'hui... qu'on arrivera à libérer beaucoup de plages. Au jour
d'aujourd'hui, ce n'est pas sorcier, on ne réinvente pas la roue. On a les
solutions, il faudrait les appliquer, mais, par contre, au lieu de les
appliquer, la décision qui est un peu, malheureusement, au jour d'aujourd'hui,
au Québec, c'est une approche coercitive qui va de l'avant avec des projets de
loi et des lois, 83, 106. Peut-être qu'il y aura un 245 par la suite.
Malheureusement, ce n'est pas la meilleure chose.
Deuxièmement, je vous rappelle, et
c'est...
M. Dubé : ...pas encore
entendu beaucoup ce que vous pouvez faire pour nous, là, je n'ai pas entendu ça
beaucoup, mais il ne me reste pas beaucoup de temps. Il me reste combien de
temps?
Le Président (M. Provençal)
: 55 secondes.
M. Dubé : Il vous reste 55
secondes pour me dire qu'est-ce que vous pouvez faire de plus pour nous. Je me
réessaie une dernière fois. Qu'est-ce que vous pouvez faire pour nous de plus?
M. Setti (Chakib) : M. le ministre,
si vous arrivez à enlever tous ces bâtons, je vous dis que les patients du
Québec seraient pris en charge et seraient gérés par les médecins. Mais encore
une fois, il faut d'abord que les médecins puissent travailler et, je dirais,
pratiquer leur médecine au lieu de faire d'autres tâches connexes, qui,
malheureusement, ne sont pas de leur ressort.
M. Dubé : O.K. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, M. le député de
Pontiac.
M. Fortin :Oui. Merci, M. le Président. Je trouve ça... je trouve ça
intéressant, là, la différence de discours, disons, entre certains
intervenants, ce soir, et la partie gouvernementale, là, c'est-à-dire :
Qu'est-ce que tu peux faire pour moi? Non. Qu'est-ce que tu peux faire pour
moi? Non. Qu'est-ce que tu peux faire pour moi? Puis, essentiellement, à la fin
de la journée, là, tu sais, M. le ministre, moi, ce que j'entends de certains
des groupes, c'est, essentiellement : utiliser certaines des ressources qui
sont à nos dispositions, à notre disposition, qu'on n'utilise pas, là. Les
salles d'opération, au Québec, on a payé pour, collectivement, là, comme
Québécois, on paie encore pour les chauffer, on paie encore pour les nettoyer,
mais on n'utilise pas ces salles-là pour faire de la chirurgie. Alors, je pense
que ça fait partie du message que plusieurs groupes nous relaient aujourd'hui.
Dr Setti, je vous demande : C'est
quoi, le plus grand risque du projet de loi n° 106,
selon vous? Tu sais, vous avez... certaines possibilités, là, que des médecins
quittent, entre autres. Il y a des gens qui nous ont parlé de la médecine
fast-food, c'est-à-dire que les patients soient moins bien traités. Il y a le
sentiment de dénigrement, là, de la part de la profession. C'est quoi qui vous
inquiète le plus à ce moment-ci?
• (20 h 50) •
M. Setti (Chakib) : Bien, je
répondrais en deux volets. Notre première et principale inquiétude, c'est la
qualité des soins qui va en pâtir à coup sûr. Et là on ne se pose même pas la
question, ce n'est même plus... ce n'est même pas une hypothèse, c'est une
certitude. Comme médecins, nous ne voulons pas avoir une qualité de soins qui
est médiocre. Vous savez que les médecins du Québec sont reconnus de par leur
expertise, quels que soient leurs champs de pratique, ailleurs au Canada, aux
États-Unis et ailleurs dans le monde, que ce soit en Europe, en Asie ou
n'importe où. Et ce serait dommage que cette qualité de soins et cette
expertise qui est reconnue envers leurs patients se retrouvent malheureusement
à un niveau, je dirais, médiocre... dont les patients seraient
malheureusement... vont être impactés, tout simplement parce qu'on a un
minuteur ou, je dirais, un sablier qui nous limite, au niveau des patients, ou,
malheureusement, qu'on devienne avec... atteindre des chiffres.
Ici, on parle de médecine, on parle d'une
santé, on parle de sauver des vies. On ne peut pas demander aux médecins
d'avoir un chiffre. Si je vois une otite, ce n'est pas le même temps, ou la
même énergie, ou... le même temps ou même expertise que j'aurai besoin pour
évaluer, par exemple, un patient qui a un cancer, un patient auquel le médecin
doit se déplacer à la maison. On parle du temps du médecin, mais je ne sais pas
si d'autres groupes en ont parlé, mais les médecins ne pratiquent pas seulement
avec des patients, les médecins sont là pour gérer et maintenir le bon
fonctionnement du système. On parle de ce qu'on appelle le CML, les
coordonnateurs médicaux locaux, on parle des chefs RLS par région, on parle des
médecins qui sont dans le DTMF, un peu les médecins qui gèrent, le groupe de
médecins qui gèrent les régions pour que le corridor soit fonctionnel, pour que
les cliniques puissent fonctionner, pour que les médecins puissent avoir
l'accès aux patients et ainsi aider les médecins ou les cliniques dans leurs
problématiques ou dysfonctionnements. On parle aussi des médecins qui font
partie de ce qu'on appelle les groupes de CMDP, les groupes de médecins,
pharmaciens qui gèrent un peu aux établissements, etc., avant la venue de Santé
Québec.
Il y a des médecins qui font sont partout.
Moi, je...
M. Setti (Chakib) : ...qui
m'ont même dit par exemple qu'on avait de l'intérêt à faire de la recherche. Le
Québec est connu par rapport à son niveau de recherche. Je cite plusieurs
centres, pas juste l'Institut de cardio de Montréal. Il y a plusieurs centres
qui font de la recherche au Québec. Malheureusement, c'est ces jeunes médecins
là ou même les jeunes médecins qui ont de l'intérêt pour de l'enseignement.
Parce qu'il nous faut des médecins pour faire de l'enseignement aux futures
générations. Eh bien, ces médecins-là, ces jeunes médecins ne sont plus... je
dirais, même s'ils sont intéressés, mais ne se voient plus... ne s'imaginent
plus faire ce genre de chose, parce que ce projet de loi n° 106 se veut
calculateur, avec un certain débit, un certain chiffre. On gère des humains, on
gère de la santé, on a une expertise et puis on a une certaine qualité de soins
à donner à nos patients. Et malheureusement, ce projet de loi n° 106 va
exactement à l'encontre de tout ça.
Deuxième volet : Est-ce que je vois
un départ des médecins? Moi, je répondrai avec un seul mot pour être bref, je
vois une hémorragie qui va venir.
M. Fortin :O.K. Sur l'enjeu de la qualité, là, je vois... je vois,
corrigez-moi si j'ai tort, là, deux parties à votre réponse, il y a la qualité,
c'est-à-dire plus on va vite avec des patients, moins on entre dans le détail,
moins on parle de... on fait le travail correctement, mais il y a aussi derrière
l'enjeu qualité, il y a toute la recherche, la formation continue,
l'enseignement, dont plusieurs groupes nous ont parlé, là. Vous faites
référence à la recherche, mais tout ça, ça va à la qualité de la médecine qu'on
offre et qu'on peut dispenser au Québec. Mais est-ce que sur l'enjeu de la
qualité de chaque visite chez un médecin et de, quand on va trop vite,
peut-être qu'on coupe les coins ronds, là, est-ce qu'un médecin qui a... qui a
souscrit au serment... au serment d'Hippocrate n'a pas une obligation quand
même de ne pas couper les coins ronds? Est-ce que... Est-ce que vous dites,
dans le fond, c'est : La pratique habituelle va faire en sorte que, malgré
nos obligations, ça se peut qu'on en échappe à gauche et à droite?
M. Setti (Chakib) : Malheureusement,
ce n'est pas une pratique. Là, on parle d'une pratique imposée, forcée. Vous
avez l'épée de Damoclès au-dessus de votre tête, le bâton derrière votre dos,
et là on vous demande... et la gâchette sur la tempe, et là on vous demande de
respecter le serment. Mais de quel serment vous allez... vous allez pouvoir
respecter? Et c'est là où est le grand problème aujourd'hui. Nos médecins
québécois... Nos médecins québécois ne veulent pas, au jour d'aujourd'hui, se
retrouver à prodiguer des soins de mauvaise ou de basse qualité. Aujourd'hui,
on a un certain standard à respecter puis on veut continuer à respecter parce
qu'on a à cœur la qualité de soins qu'on prodigue à nos patients.
M. Fortin :Sur l'enjeu de l'hémorragie, là, pouvez-vous nous expliquer
pourquoi est-ce que vous considérez qu'il y aurait une hémorragie? Parce que
c'est fort comme terme, là, quand même. Ce n'est pas juste quand... J'imagine,
quand vous... quand vous utilisez ce terme-là, vous ne faites pas juste
référence aux 40, 50 qui vous ont déjà peut-être indiqué leur indication, ou
leur volonté d'aller ailleurs, ou de faire d'autres choses, là, ou de changer
de pratique, mais c'est plus large que ça. Qu'est-ce qui vous fait penser que
ça va se rendre jusqu'à l'hémorragie?
M. Setti (Chakib) : Bien,
vous savez, il y a deux volets. Il y a les médecins qui sont en pratique ou
sont en début de pratique, ceux qui arrivent ou ceux qui ont déjà commencé leur
pratique. Puis on les côtoie. Ils ne se voient pas dans un système où on les
force à aller à l'encontre de tout ce qu'on leur a appris dans leur
enseignement, que la qualité du patient est primordiale, que le temps accordé
au patient... que de faire une bonne évaluation de la problématique du patient
qui est en face d'eux et de ne pas tourner les coins ronds. Imaginez que vous
avez fait beaucoup d'années d'études, on vous dit ça, puis vous arrivez en
pleine pratique. Puis vous avez des projets de loi ou même des lois qui
risquent de devenir des lois si on décide d'aller de l'avant avec ça. Et vous
allez vous retrouver à la fin avec une problématique contradictoire par rapport
à ce que... ce qui vous a poussé même à être médecin, à devenir médecin
aujourd'hui, et ce, c'est pour toutes les spécialités confondues. Donc, c'est
ça que le bât blesse et là où les gens ne se reconnaissent plus dans la
pratique qu'ils sont en train de faire ou qu'ils voudraient éventuellement
faire dans ce système-là, si ce projet de loi passe de l'avant.
Deuxièmement, il faut qu'on parle aussi
des médecins qui ont un peu... qui sont dans une situation de préretraite. Là,
on parle d'entre 20 % et 25 %, dépendamment des statistiques, mais
tout le monde se rejoint qu'il y a au moins entre 20 % et 25 % à peu
près au Québec. Vous savez, ces médecins-là nous aident, de par leur présence,
à...
M. Setti (Chakib) : ...prodiguer
les soins nécessaires aux patients. La présence de ces médecins est importante,
et je dirais même primordiale chez nous. Puis beaucoup de ces médecins nous
disent aussi qu'au jour d'aujourd'hui, si ce projet de loi passe, ils ne se
voient pas continuer avec un certain genre de pratique, alors qu'en réalité ça
fait 25, 30 ans qu'ils pratiquent d'une certaine façon, puis, au jour
d'aujourd'hui, on veut leur... les faire atteindre des objectifs chiffrés,
alors que la santé, encore une fois, ne se mesure pas par des chiffres.
M. Fortin :O.K.Très bien. Vous avez... Vous avez quand même un
certain nombre de recommandations, là, puis, dans la recommandation un,
c'est-à-dire recommandation sur les tâches médicoadministratives, améliorer
l'accès, assurer les meilleurs accès aux autres professionnels, est-ce que vous
vous sentez le gouvernement pleinement engagé envers ces objectifs-là en ce
moment, c'est-à-dire réduire les tâches médicoadministratives, offrir un
meilleur accès aux plateaux techniques? Est-ce que... Le ministre, ce matin,
là, nous a dit : Nous autres, on va faire notre bout, essentiellement,
nous, on va faire le travail qu'on a besoin de faire. Est-ce que vous sentez
que ça se fait, ce travail-là?
M. Setti (Chakib) : On ne
remet pas en cause la bonne foi du ministre de la Santé, mais, au niveau
pratico-pratique, on attend que ces mesures-là... ces mesures soient effectives
et puis qu'on puisse aussi en bénéficier. Et, à la fin, c'est le patient aussi
qui va en bénéficier. Cependant, au lieu d'aller recréer une roue puis aller de
l'avant avec d'autres mesures nouvelles qui sont malheureusement
contre-productives, principalement pour les patients et pas juste pour les médecins,
on pense qu'il faut aller de l'avant avec ce qu'on a déjà commencé avant
d'aller essayer de voir si ça ne fonctionne pas, parce que nous, médecins de la
pratique, nous pouvons vous assurer au jour d'aujourd'hui que ces mesures-là
vont avoir un impact positif. Mais, au lieu de leur donner la chance et au lieu
d'investir notre argent, notre temps et notre énergie là-dedans,
malheureusement on se retourne vers des... d'autres projets de loi qui sont,
malheureusement, encore une fois, avec une approche coercitive, une approche
qu'on ne comprend pas.
M. Fortin :Très bien. Ça va pour moi, M. le Président. Je vous
remercie, docteur Setti. Je trouve que vous avez une approche à la fois directe
et diplomate. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. le député. Alors, on va
terminer notre journée de travail avec le député de Rosemont.
M. Marissal : Oui. Merci, M.
le Président. Bonsoir, docteur Setti. Recommandation trois : suspendre le
plafond salarial imposé aux médecins qui travaillent beaucoup. Ça, vous êtes le
premier à nous en avoir parlé aujourd'hui. Pouvez-vous rapidement nous
expliquer de quoi il s'agit?
M. Setti (Chakib) : C'est un
point qu'on a décidé de mettre au niveau de notre mémoire pour attirer
l'attention sur un point assez particulier. On a actuellement une demande de
voir les médecins pratiquer plus, mais on a eu quelques médecins qui se sont
manifestés puis qu'on nous a dit qu'ils ont été soit pénalisés, soit ils ont dû
arrêter leur pratique pendant deux, trois mois parce que, tout simplement, il y
a des mesures actuelles qui existent au Québec qui bloquent les médecins s'ils
arrivent à un certain nombre de montants par rapport à un certain nombre de
jours de pratique.
Donc, si, par exemple, vous prenez un
médecin qui travaille six jours par semaine pendant une certaine période, bien,
il atteindra ce plafond puis il doit soit arrêter de pratiquer, soit continuer
à pratiquer puis il y a beaucoup de pénalités qui lui sont imposées, puis on
trouve que c'est un peu contradictoire avec l'objectif de pousser les médecins
à vouloir pratiquer plus.
• (21 heures) •
M. Marissal : ...salarial ou
c'est un plafond de jours de travail? Parce que je peux comprendre qu'on ne
veut pas non plus pousser tout le monde au burn-out, les faire travailler 372
jours par année, là. Est-ce que c'est un plafond salarial ou un plafond de...
Moi, c'est la première fois que j'entends parler de ça, là, j'irai aux
nouvelles, là, mais c'est la première fois que j'entends parler de ça.
M. Setti (Chakib) : C'est un
plafond salarial. Si, par exemple, vous travaillez beaucoup... Puis le ministre
l'a déjà dit, plus on travaille, plus vous êtes plus... mieux... plus rémunéré.
Et ça existe dans toutes les professions, quel que soit le domaine de pratique
des Québécoises et Québécois. Mais, si un médecin travaille un certain
nombre... ou voit une certaine quantité... ou fait un certain nombre d'actes,
par exemple, au Québec, quelle que soit la spécialité, bien, il va se retrouver
avec un certain plafond salarial, et là, le médecin, s'il continue de
pratiquer, bien, on va le pénaliser. Et nous, on ne comprend pas, encore une
fois, pourquoi on va de l'avant. Alors, si on veut que les médecins travaillent
plus... Ici, il y a des médecins qui travaillent beaucoup ou peuvent se
permettre de travailler beaucoup ou, par exemple, sont dans leur début de
pratique, ils ont moins de charge... soit moins de maladies personnelles, soit
moins de responsabilités familiales, bien, ces médecins-là, arrivés à un certain
moment, doivent arrêter ou diminuer leur pratique parce que sinon ils vont être
pénalisés, alors que, d'un autre côté, ils seraient éventuellement prêts à
pratiquer plus....
21 h (version non révisée)
M. Marissal : ...Autre
question, ce sera la dernière, en ce qui me concerne. Vous dites que vous
pourriez dégager à peu près 37 % de plages horaires, là, en ne revoyant
pas ou en ne voyant pas certains cas qui ne seraient pas... qui ne
nécessiteraient pas une visite chez vous. Bien, si la rémunération est fonction,
en partie, de la volumétrie et du nombre de cas, quel est l'incitatif, pour un
médecin, de ne pas voir ces cas-là, de ne pas revoir trois fois la personne qui
s'est fait une foulure à la cheville, ou trois fois, quatre fois le bébé qui a
une otite? Puisqu'on demande du volume, puis que c'est comme ça que sera
calculée une partie de la rémunération, en quoi le médecin a un avantage de les
envoyer ailleurs s'il peut juste continuer de les voir?
M. Setti (Chakib) : Bien, merci
pour... La question est très pertinente, et la réponse est simple. Vous savez,
actuellement, les médecins, au Québec, ne sont pas contents de revoir les mêmes
patients parce qu'ils se sentent... il y a un sentiment d'impuissance, de ne
pas pouvoir aider leurs patients. Si je vous vois avec une problématique d'anxiété
ou de dépression, puis, au lieu de vous envoyer voir votre psychologue, qui va
vraiment vous apporter ce dont vous avez besoin, je vous vois à mon bureau pour
faire signer des arrêts de travail, et, encore une fois, pour... discuter ou
revoir un plan de médicaments, alors qu'en réalité on sait tous que 70 %
de l'approche n'est pas médicamenteuse, mais plutôt, au niveau de la thérapie...
Bien, les médecins seraient les premiers gagnants, et les patients, évidemment.
Deuxièmement, on sait tous qu'il y a un
certain nombre... dépendamment des chiffres, un certain nombre de médecins qui
sont manquants au Québec, il y a beaucoup de médecins qui manquent au Québec
quelles que soient les spécialités, puis à travers... à travers toutes les
régions du Québec. Nous sommes convaincus, au jour d'aujourd'hui, que, si on
arrive à impliquer les autres professionnels de la santé dans le système public,
on arrivera à voir ceux qui ont de la misère à avoir... parce que,
malheureusement, si on revoit... on vous revoit pour votre entorse de la
cheville pour la troisième ou quatrième fois, peut-être qu'il y a un autre
patient qui va avoir une crise cardiaque, peut-être qu'il y a quelqu'un qui va
avoir un cancer qu'on ne pourra pas dépister à temps parce que,
malheureusement, j'ai vu le patient avec entorse de la cheville pour la
quatrième fois, au lieu de l'avoir référé au physiothérapeute ou au
professionnel souhaité.
M. Marissal : Bien, c'est
clair. Merci, merci pour votre témoignage.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Dr Setti, représentant
de l'Association des jeunes médecins du Québec, pour le temps que vous nous
avez alloué. On s'excuse pour l'heure, mais on est très heureux que vous ayez
participé à nos travaux. Sur ce, je remercie tout le monde.
Et la commission ajourne ses travaux au
mercredi 28 mai 2025, après les avis touchant les travaux des
commissions, où elle poursuivra son mandat. Bonne fin de soirée à tous.
(Fin de la séance à 21 h 04)