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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Wednesday, September 30, 2015 - Vol. 44 N° 35

Special consultations and public hearings on the working paper on Québec’s greenhouse gas emission reduction target for 2030 entitled: “Cible de réduction d'émissions de gaz à effet de serre du Québec pour 2030”


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

M. David Heurtel

M. Mathieu Traversy

M. Mathieu Lemay

Auditions

Comité-conseil sur les changements climatiques

Équiterre

Réseau Environnement

La Coop Carbone

Gaz Métro

Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec (RNCREQ)

Autres intervenants

M. Pierre Reid, président

M. Marc H. Plante

Mme Manon Massé

M. Serge Simard

M. Ghislain Bolduc

*          M. Steven Guilbeault, Comité-conseil sur les changements climatiques et Équiterre

*          M. Philippe Bourke, Comité-conseil sur les changements climatiques et RNCREQ

*          M. Sidney Ribaux, Équiterre

*          M. Jean Lacroix, Réseau Environnement

*          M. Christian Perron, idem

*          M. Laurent Pilon, idem

*          M. Jean Nolet, La Coop Carbone

*          Mme Stéphanie Trudeau, Gaz Métro

*          M. Vincent Pouliot, idem

*          M. Cédric Chaperon, RNCREQ

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures onze minutes)

Le Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le document de consultation intitulé Cible de réduction d'émissions de gaz à effet de serre du Québec pour 2030.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Non, M. le Président, il n'y a aucun remplacement.

Le Président (M. Reid) : Alors, voici l'ordre du jour pour cet avant-midi. Nous allons débuter par des remarques préliminaires. Par la suite, nous entendrons les groupes suivants : Comité-conseil sur les changements climatiques et Équiterre.

Remarques préliminaires

Alors, je cède maintenant la parole au ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques pour ses remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez de six minutes.

M. David Heurtel

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Mme la secrétaire, collègues de la députation, je salue également les membres de mon cabinet qui sont ici et aussi les membres du ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. Mesdames et messieurs, bonjour à tous.

Je vous souhaite la bienvenue à cette première journée des consultations particulières sur la proposition de Cible de réduction d'émissions de gaz à effet de serre du Québec pour l'horizon 2030. Comme vous le savez, les impacts des changements climatiques sont bien réels sur notre santé, notre environnement et nos infrastructures. Il y a urgence d'agir. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a clairement dit : «Il n'y a pas de plan B, parce qu'il n'y a pas de planète B.»

Le Québec est partie prenante de la solution et entend demeurer un chef de file en matière de lutte contre les changements climatiques. Nous en sommes au début de la fin de l'ère des hydrocarbures et, conséquemment, nous sommes au début du début de l'ère post pétrodépendante, une ère basée sur une nouvelle économie propre et verte.

Récemment, nous avons proposé une cible québécoise ambitieuse et crédible de réduction des émissions de GES pour 2030 de l'ordre de 37,5 % par rapport à 1990. Je tiens d'ailleurs à souligner le travail réalisé par le Comité-conseil sur les changements climatiques dont les recommandations ont grandement contribué à la réflexion gouvernementale.

Aujourd'hui, nous entamons une étape importante. C'est à votre tour d'alimenter et d'enrichir les réflexions. Ensemble, nous devons déterminer une cible pour 2030 qui apportera un effort équitable à l'effort mondial, améliorera la santé, la sécurité et la qualité de vie des Québécoises et des Québécois, favorisera la relance et le développement durable de notre économie. Notre intention est d'annoncer notre cible de réduction pour l'horizon 2030 en vue de la 21e conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de Paris en décembre 2015. Cette conférence arrive à grands pas. Tous les membres de la communauté internationale sont appelés à prendre des engagements ambitieux de réduction de leurs émissions de GES pour la période post-2020. L'objectif est d'arriver à un accord international sur le climat afin de limiter le réchauffement climatique mondial à moins de 2 °C. À l'aube de cette importante conférence, jamais le rôle des États fédérés n'aura été aussi important pour notre avenir et celui de nos enfants.

La lutte contre les changements climatiques est une priorité pour le gouvernement du Québec depuis plus de 10 ans. Nous sommes parmi les États fédérés les plus actifs en la matière en Amérique du Nord. Plus de 1,5 milliard de dollars ont été investis pour réduire l'empreinte carbone du Québec, verdir son économie et renforcer notre capacité d'adaptation aux impacts des changements climatiques. Le marché du carbone est le fer de lance de notre approche en matière de changements climatiques. Il constitue un puissant outil de croissance économique verte. Lié à celui de la Californie depuis le 1er janvier 2014, il représente un bel exemple de ce que peuvent accomplir les États fédérés qui unissent leurs forces pour favoriser l'émergence d'une économie sobre en carbone. Rappelons que l'Ontario a signalé, en avril dernier, son intention de se joindre au marché du carbone de la Western Climate Initiative dont font partie le Québec et la Californie. Déjà, huit ventes aux enchères ont été tenues à ce jour, dont quatre conjointement avec la Californie. Elles ont généré des revenus de 755 millions de dollars pour le Québec. 100 % des revenus du marché du carbone sont réinvestis dans la mise en oeuvre du Plan d'action 2013‑2020 sur les changements climatiques. D'ici 2020, le Québec bénéficiera de plus de 3,3 milliards de dollars pour soutenir les entreprises, les municipalités et les citoyennes et citoyens dans leur transition vers une économie sobre en carbone.

Les plus récentes données de l'inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre indiquent que les émissions de GES du Québec en 2012 ont diminué de 8 % par rapport à leur niveau de 1990, surpassant ainsi de 2 % l'objectif de réduction que l'on s'était fixé. Pour 2020, le Québec s'est donné l'objectif de réduire ses émissions de GES de 20 % sous le niveau de 1990. Cela représente tout un défi pour un État où près de 100 % de l'électricité est déjà produite à partir d'énergies renouvelables.

La cible que nous établirons pour 2030 se doit d'être ambitieuse. Elle devra constituer une étape vers l'atteinte de l'objectif identifié par le GIEC pour les pays industrialisés et repris dans le protocole sur le leadership climatique mondial auquel le Québec a adhéré en juillet dernier, lors du sommet des Amériques sur les changements climatiques, soit une réduction de 80 % à 95 % d'ici 2050.

En août dernier, le Québec s'est aussi engagé, avec les 10 autres États et provinces partenaires de la conférence des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l'Est du Canada, à contribuer à une cible régionale de réduction d'émissions de GES de 35 % à 45 % sous le niveau de 1990 d'ici 2030. Rappelons que nos partenaires dans le marché du carbone, soit la Californie et l'Ontario, ont annoncé des cibles de réduction de 40 % et 37 % respectivement pour 2030 par rapport à 1990.

Le défi est grand, mais il est réalisable, à condition que l'ensemble des Québécoises et des Québécois se mobilisent. L'engagement des dirigeants politiques, des entreprises, des citoyens et de la société civile est également indispensable pour réduire notre empreinte carbone. C'est donc avec le plus grand intérêt que nous écouterons vos suggestions et vos réflexions. Ce sera l'occasion d'échanger sur les opportunités qu'offre la lutte contre les changements climatiques sur les plans du développement social et économique, sans compter ses impacts positifs sur notre qualité de vie.

Je tiens à remercier tous les intervenantes et intervenants qui participeront à cette commission parlementaire, de même que tous ceux et celles qui nous transmettront des mémoires. Ensemble, nous pouvons lutter contre les changements climatiques afin d'assurer une qualité de vie à nos enfants. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. le ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de Terrebonne, à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 3 min 30 s.

M. Mathieu Traversy

M. Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais tout d'abord saluer le ministre de l'Environnement, toute l'équipe gouvernementale qui l'entoure, nos collègues députés ainsi que la deuxième opposition, M. le député de Masson, et Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, qui est avec nous dans mon angle mort, mais on s'est croisés, là, quand même, là, juste avant de rater, évidemment, le coche.

Donc, je voulais vous dire, M. le Président, à quel point le Parti québécois est fier de participer à ces consultations sur un enjeu qui est aussi important que celui de la cible de réduction d'émissions de gaz à effet de serre au Québec pour 2030. On compte beaucoup sur les consultations pour, évidemment, nous diriger sur cette cible ambitieuse que le ministre nous a annoncée il y a quelques semaines, soit de 37,5 % en 2030, là, comparativement à 1990, voir, évidemment, donc, toute l'audace qui est derrière cette proposition mais voir aussi sa faisabilité.

Combien de fois, M. le Président, ne nous sommes pas dits au Québec : Nous voulons atteindre tel objectif, aller dans telle direction, et combien de fois, M. le Président, avons-nous été obligés, par différentes conjonctures ou différentes situations, de reculer? Donc, il est important de savoir, évidemment, de quelle façon on peut atteindre ces cibles qui, aussi ambitieuses soient-elles... puissent être accomplies et arriver, là, de manière concrète à se réaliser de par les redditions de comptes, de par les mesures qu'on peut voir mettre en place, là, pour y parvenir, évidemment toujours travailler à faire en sorte que le Québec puisse être un chef de file en matière de développement durable et dans l'optique, également, toujours en filigrane de la COP21, qui s'en vient aux mois de novembre et décembre à Paris.

Donc, sur cette trame de fond, le Parti québécois est très fier d'être associé et de participer à ces consultations, et nous avons bien hâte de vous écouter.

Le Président (M. Reid) : Pardon?

M. Traversy : C'est tout.

Le Président (M. Reid) : Ah! merci.

M. Traversy : Il devait rester une minute environ.

Le Président (M. Reid) : Oui.

M. Traversy : Bon, bien, c'est ça, c'est tout.

• (11 h 20) •

Le Président (M. Reid) : Bon, d'accord. Je n'avais pas saisi qu'on était à la fin de votre intervention. Alors, merci de votre intervention, M. le député de Terrebonne. Je passe maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition pour ses remarques préliminaires pour une durée de 2 min 30 s.

M. Mathieu Lemay

M. Lemay : Merci, M. le Président. J'aimerais tout d'abord saluer le ministre et les députés formant le gouvernement et les députés de l'opposition qui sont ici présents. Vous savez, à l'issue des consultations que nous amorçons aujourd'hui, il va y avoir des conclusions qui vont émaner. Puis cette proposition, bien, elle devra être approuvée par le Conseil des ministres avant sa présentation à la convention des Nations unies sur les changements climatiques de Paris en décembre 2015, tel que M. le ministre l'a mentionné un peu plus tôt. Donc, ce n'est pas définitif et c'est justement pour ça que nous tenons des consultations.

Vous savez, la réduction des GES est impérative et elle ne peut pas se faire à coût nul, certes, mais elle doit être opérée de façon responsable sur tous les plans, notamment ceux économiques. Selon l'étude d'impact microéconomique sommaire qui a été réalisée par le gouvernement et qui nous est présentée dans le guide sur la cible de réduction des gaz à effet de serre, vous savez, l'atteinte de cette cible de 37,5 % aura notamment pour effet d'augmenter le prix du litre d'essence d'au moins 0,04 $, de réduire la richesse du Québec d'au moins 600 millions de dollars et d'induire une perte de 2 800 emplois ou plus.

Donc, nous prenons acte des défis relatifs aux changements climatiques et on reconnaît la nécessité pour le Québec de se fixer une cible ambitieuse de réduction des gaz de GES pour assurer un avenir propre, sain et sécuritaire pour nos générations futures. Or, en contrepartie, on croit que le gouvernement du Québec a été incapable d'atteindre sa cible de réduction de 6 % en 2012 par rapport au niveau de 1990, il traîne la patte quant à l'atteinte de sa cible de 2020. Donc, on doit mettre des mesures en oeuvre pour que notre économie prenne un virage axé sur les technologies propres et innovantes, ce qui est très important pour nous, pour que l'atteinte de cette cible ne se fasse pas au détriment de notre bien-être économique.

Cela dit, le gouvernement a beaucoup de preuves à faire. La phase II du plan d'action sur les changements climatiques de 2013‑2020 n'est pas encore connue, donc on compte sur l'expertise des groupes que nous rencontrerons ces prochains jours afin de déterminer ensemble quelle serait la cible la plus responsable à adopter pour le Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. le député de Masson.

Auditions

Alors, je souhaite la bienvenue maintenant à nos invités du Comité-conseil sur les changements climatiques. Je vous rappelle que vous...

Une voix : ...

Le Président (M. Reid) : Oh! pardon. Non, il n'y a pas de temps prévu pour les députés indépendants. Désolé. Vous aurez l'occasion, à la période de questions, d'échanger, évidemment. On va protéger votre temps.

Alors, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous aurons une période d'échange. Je vous demanderais, pour les fins d'enregistrement, de vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne. À vous la parole.

Comité-conseil sur les changements climatiques

M. Guilbeault (Steven) : Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, Mme, MM. les députés, merci beaucoup de nous donner l'opportunité de vous présenter rapidement le fruit du travail du Comité-conseil sur les changements climatiques du gouvernement du Québec. Mon nom est Steven Guilbeault, je suis coprésident de ce comité-là. Je suis accompagné de Philippe Bourke, qui en est également membre.

D'abord, je dois vous dire que les membres du Comité-conseil — et je ne vais pas les nommer tous, vous les avez dans l'annexe 2 du document — ont été nommés à titre personnel. Alors, nous ne sommes pas des représentants de nos secteurs ou de nos organisations, bien que nous en soyons évidemment issus. Nous sommes ici, Philippe et moi, pour vous présenter un peu le fruit des travaux du comité et non pas nos opinions personnelles ou même celles de nos organisations, ce que nous aurons tous les deux le loisir de faire un peu plus tard dans le courant de la journée.

Le Comité-conseil a été créé à l'été 2014 avec quatre mandats, dont l'un des mandats était de fournir un avis au gouvernement du Québec sur une cible à l'horizon 2030, ce qu'on appelait, nous, post-2020. Il y a eu environ une douzaine de rencontres du comité au cours de la dernière année et quelques mois à raison d'une demie à une journée pour chaque rencontre. Ce qu'on a essayé de faire, c'est de regarder d'abord qu'est-ce qui se faisait autour de nous, quels étaient les objectifs de nos voisins et de d'autres pays, soit au Canada, aux États-Unis ou ailleurs dans le monde, donc de regarder un peu ce qui se passait à ce niveau-là. On a entendu des experts de plusieurs secteurs, que ce soient des gens qui ont fait du travail de prospective pour d'autres États sur la question de plans d'action ou de cibles potentielles de réduction. Nous avons entendu... Évidemment, on a travaillé de très près... et on remercie la précieuse collaboration des fonctionnaires du ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte aux changements climatiques. On a entendu les représentants du ministère des Transports, le ministère des Ressources naturelles et de l'Énergie. Et donc c'est avec l'ensemble de ces informations-là que le comité a regardé quelles pourraient être différentes cibles pour le Québec en fonction de différents paramètres, que ce soient des paramètres économiques, sociaux, environnementaux, les coûts-bénéfices de la réduction. Et je laisserais à Philippe le soin de présenter la recommandation du comité.

M. Bourke (Philippe) : Merci, Steven. Donc, effectivement, je vous rapporte à l'annexe 2 du document de consultation sur la cible, où on présente en détail la recommandation du comité. On précise, comme vient de le mentionner Steven, quels ont été les éléments qui ont été pris en compte dans notre réflexion. Donc, il y a toute une série de considérants que je ne répéterai pas ici, mais évidemment ça a été fort utile pour nous de se pencher sur le contexte, les tendances, ce que font nos voisins, quelles sont les particularités du Québec, les risques. Donc, ça a été le fruit de cette réflexion-là qui a mené à notre recommandation, et donc je vais vous la lire parce qu'en fait le choix des mots est important. Dans un comité comme celui-là, évidemment, c'est important qu'on nomme les choses correctement. Donc : «Le Comité-conseil recommande :

«Que le Québec adopte un objectif minimal de réduction de 80 % de ses émissions de GES sous le niveau de 1990, à l'horizon 2050;

«Que le Québec adopte une cible minimale de 37,5 % de ses émissions de GES sous le niveau de 1990, à l'horizon 2030, assortie d'un objectif ambitieux et mesurable de réduction de la consommation de combustibles fossiles, au premier chef le charbon et les produits pétroliers;

«Que des objectifs sectoriels soient adoptés pour assurer la mise en oeuvre de mesures structurantes visant la réduction des émissions domestiques de GES — donc, on parle ici des réductions internes — et qu'ils soient révisés, sur une base quinquennale, notamment, pour prendre en compte l'évolution de la science, les avancées techniques, le niveau réel de réductions obtenues, le coût de l'énergie, le prix carbone et les bénéfices [de] réductions;

«Qu'un mécanisme de reddition de comptes et d'évaluation d'impacts soit mis sur pied suivant les meilleures pratiques afin de suivre la réalisation des objectifs sectoriels et de contribuer aux ajustements quinquennaux;

«Que le Québec poursuive son engagement envers le marché du carbone et qu'il encourage son expansion tant sectorielle que géographique dans le but de se doter d'une plus grande flexibilité dans l'atteinte de sa cible; et enfin

«Que les différents programmes et politiques en matière de lutte contre les changements climatiques, dont le PACC — donc, le plan d'action sur les changements climatiques — soient suffisamment financés pour atteindre la cible et les objectifs.»

Alors, voilà, c'est la proposition... en fait, l'avis que fait le Comité-conseil au ministre pour l'établissement de la cible pour 2030.

Le Président (M. Reid) : Est-ce que ça termine votre présentation? Merci de votre présentation. Nous allons passer maintenant à la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. M. Guilbeault, M. Bourke, je tiens d'abord à vous remercier en tant que représentants de l'ensemble des membres du Comité-conseil sur les changements climatiques, vous remercier infiniment pour le travail colossal que vous avez accompli. Pendant plus d'un an, vous et l'ensemble du groupe qui compose une quinzaine d'experts dans une série de domaines, les groupes environnementaux, le monde de l'économie, de l'industrie, du transport, de la santé, du bâtiment, et j'en passe, ont tous travaillé et ont laissé de côté un peu leur... chacun leur domaine particulier, leurs oeillères particulières, puis ont engagé dans une discussion très productive qui a donné un travail qui a beaucoup aidé le gouvernement dans l'élaboration de sa proposition.

Alors, je tiens à vous remercier infiniment pour ce travail-là, qui va continuer, d'ailleurs, parce que notre travail ne s'arrête pas avec la cible après ça, et c'est le sens de mes questions parce qu'après une cible c'est le comment on y arrive, le vrai travail commence aussi.

Alors, on a déjà commencé avec le plan d'action sur les changements climatiques 2006‑2012, nous sommes présentement dans l'application du 2013‑2020. Mais, par rapport à votre travail — et j'aimerais bien faire le lien aussi avec les cibles sectorielles, en préambule, là — d'abord et avant tout, concrètement, sur quoi devrions-nous concentrer nos énergies en termes de moyens concrets pour atteindre cette cible? Quels sont les secteurs, les gestes qui pourraient faire le plus pour contribuer à l'atteinte de cette cible?

• (11 h 30) •

M. Guilbeault (Steven) : Je pense que, dans le cadre de nos discussions, il y a un certain nombre d'éléments qui sont ressortis et sur lesquels l'ensemble des membres du comité s'entendent de façon consensuelle et même souvent de façon unanime. L'importance du secteur des transports, clairement, quand on lit le document que vous avez présenté, on voit très bien que, là où d'autres secteurs ont réduit depuis 1990, c'est un secteur qui est en expansion au niveau des émissions. Et je pense que tous les acteurs autour de la table s'entendent pour dire qu'il faut mettre beaucoup d'efforts du côté des transports et, comme le spécifie d'ailleurs la recommandation, du côté de la réduction de notre consommation de combustibles fossiles, le pétrole, évidemment, qui occupe la part du lion de la consommation des combustibles fossiles au Québec, mais aussi encore un peu de charbon. Alors, clairement, ces deux éléments-là étaient les deux qui ressortaient le plus. Je ne sais pas si...

M. Bourke (Philippe) : Bien, moi, j'ajouterais peut-être quelque chose. D'abord, évidemment, on n'a pas la capacité, aujourd'hui, de se livrer complètement pour répondre à cette question-là. Vous nous avez confié, au comité, un autre important chantier, qui est celui d'élaborer une proposition pour une stratégie sobre en carbone, et on est en train d'attacher les derniers cordons, et on ne voudrait pas faire de scoop, surtout pas, évidemment, parce que, d'abord, vous devez le voir. Ceci dit, bon, comme dit Steven, il y a des choses là-dedans qui sont de l'ordre d'unanimité, celui des transports en est un.

J'ajouterais, parce qu'on parle de sectoriel, une autre unanimité. C'est justement que ça en prend et qu'il faudra une réflexion assez fouillée là-dessus pour éviter, justement, de faire porter sur certains secteurs un fardeau qui ne serait pas approprié compte tenu du contexte socioéconomique, par exemple des efforts déjà réalisés, par exemple, donc... Et, pour ça, bien, il y aura besoin de fouiller. Il y a des analyses qui sont possibles de faire dans ces secteurs-là, des analyses prospectives, qu'on appelle, pour évaluer les tendances et justement mesurer quels sont les risques. Donc, ça aussi, c'est quelque chose que vous allez retrouver dans l'avis. Mais on ne pourrait pas aller beaucoup plus loin que ça, vous comprenez, là, pour ne pas manquer de respect à nos collègues, là, du comité.

M. Heurtel : Mais déjà, justement, ça met bien la table sur au moins les secteurs, les domaines. Lorsqu'on a annoncé la proposition de cible... et je suis sûr que vous avez entendu ces commentaires-là puis je suis sûr qu'on va les entendre durant les travaux de la commission. Il y a certains qui vont dire que c'est une cible qui non seulement est ambitieuse, mais peut-être un peu trop ambitieuse parce qu'étant donné que le Québec, déjà, produit un pourcentage très élevé d'énergie renouvelable, alors... bon, presque 100 % d'énergie d'électricité produite au Québec provient de sources renouvelables. Et, déjà dans notre portefeuille énergétique, c'est près de 50 %. Alors, le mixte, là, on a 53-47 hydrocarbures, à peu près, là.

Et donc, par rapport... Alors, ce qu'on entend comme commentaires, souvent, il y a certains qui disent : Bien, cette cible-là, on est déjà en avance par rapport à d'autres juridictions autour de nous. Alors, nous, on a déjà fait le gros du travail. Ce qui reste à faire pour atteindre ce genre de cible là va être titanesque — encore une fois, là, ce n'est pas mes mots, c'est ce que j'entends — et ça va nous désavantager d'un point de vue compétitif par rapport à d'autres juridictions qui, elles, bon, pourraient facilement atteindre des cibles ambitieuses en éliminant le charbon, par exemple, en éliminant des sources d'énergie basées sur les hydrocarbures.

Alors, comment réagissez-vous à ce genre de proposition là?

M. Guilbeault (Steven) : Peut-être deux choses là-dessus. D'abord, évidemment, le fait que le Québec ait déjà fait des efforts fait en sorte que notre niveau d'émissions, soit per capita ou même au total, est très bas si on se compare à nos voisins. Donc, en pourcentage, lorsqu'on fait le pourcentage de nos réductions d'émissions en termes de mégatonnes, par exemple, si on regarde ce que l'Ontario devra faire en termes de réduction ou même l'Alberta, c'est peu de tonnes. Évidemment, comme on a déjà fait des efforts, ces tonnes-là, elles sont plus dures à aller chercher, mais on en a beaucoup moins à aller chercher que nos voisins, l'ensemble des gens qui nous entourent, d'une part.

D'autre part, quand je présentais un peu le processus que nous avons utilisé, encore une fois, lorsqu'on regarde autour de nous, bon, l'Ontario : une cible de 37 %. Pour atteindre cette cible-là, l'Ontario ne pourra pas fermer ses centrales au charbon, elle les a déjà fermées. Alors, on commence, là aussi, à entrer, chez nos voisins ontariens, dans des réductions d'émissions dans des secteurs où les réductions faciles, il n'y en a pas énormément non plus. Donc, plus on va avancer dans le temps, plus nos voisins vont commencer à nous ressembler. Le Vermont, avec une réduction de 50 % d'ici 2025... Bon, je veux bien croire que le Vermont, ce n'est pas la Californie, ce n'est pas la septième économie au monde, mais il reste que le portrait qui se dessine autour de nous, c'est que de plus en plus d'États, de provinces adoptent des cibles ambitieuses, et plus on va avancer dans le temps, plus l'effort va commencer à se ressembler d'un État, d'une province à l'autre.

M. Bourke (Philippe) : Moi, j'ajouterais un élément très important par rapport au point que vous soulevez, M. le ministre, parce que c'est vrai que ça va être un enjeu qui va servir de fil des discussions durant toute la commission, l'enjeu des impacts économiques de ce choix-là. C'est sûr qu'il y a un travail qui a été fait par le ministère des Finances. On peut dire du bien ou du mal de ça, je pense qu'il faudra peut-être le regarder de façon plus spécifique. Je ne suis pas convaincu que le ministère des Finances est nécessairement super bien équipé pour faire une bonne mesure de tout ça. En même temps, c'est utile d'avoir cet indicateur-là, mais je pense qu'il faut le prendre pour ce qu'il est.

J'en prendrais un autre que je vous suggérerais tous de lire, c'est l'extrait d'un discours qui a été fait hier en Angleterre par Mark Carney, qui est le gouverneur de la Banque d'Angleterre, qui est l'ancien gouverneur de la Banque du Canada. À mon avis, ce discours-là va rester dans les annales comme un point tournant de l'éveil du secteur financier, économique par rapport aux risques climatiques. C'est bien fouillé comme discours, c'est bien rendu, c'est bien exposé. Et justement ça me permet de dire que lui, il voit trois risques, puis celui qu'on vient d'exposer, là, qui est ce que j'appellerais le risque économique de la transition, qui est souvent pointé pour dire : Ah! oui, mais ça va nous coûter cher ou pas cher ou il y a des risques dans tout ça, oui, il est important, mais il y en a deux autres qu'on oublie, c'est le risque physique, c'est-à-dire il y a les impacts qu'on subit et les bénéfices qu'on peut avoir des actions. Ça, c'en est un. Et l'autre, c'est un autre risque qu'on voit poindre de plus en plus, qui est le risque réputationnel, celui où s'exposent les acteurs économiques pour ne pas avoir agi. On le voit poindre dans le secteur du tabac, par exemple, en ce moment, dans l'industrie automobile avec des choses comme ce qui... sont passées avec certaines compagnies allemandes.

Donc, ces risques-là aussi, il ne faut pas les oublier. Et je pense qu'à ce moment-là ça prend une grande ouverture d'esprit. Il faut aller voir aussi la recherche qui se fait un peu partout. La science économique sur le climat est large, et de plus en plus établie, et va beaucoup plus loin que l'analyse qu'a faite, en tout respect, le ministère des Finances.

Le Président (M. Reid) : Merci. Monsieur le... Oui, M. le ministre? Oui, d'accord.

M. Heurtel : ...une autre question, s'il vous plaît, M. le Président. Sur ce point-là, bon, encore une fois, certains groupes, certaines personnes qui ont des doutes sur la capacité d'atteindre une cible ambitieuse comme la nôtre... Je soulève le point. Bon, d'un côté, c'est que le post-2020, les pressions sur le coût de la tonne par rapport au marché du carbone risquent d'être à la baisse si, justement, on atteint nos objectifs puis on continue à limiter nos émissions. Donc, les crédits carbone risquent de valoir moins selon certaines personnes. Conséquemment, étant donné que c'est notre principale source de financement pour nos mesures d'atteinte de cible, on risque de manquer peut-être de revenus pour, justement, financer les actions nécessaires pour atteindre la cible, mais on risque de créer une espèce de cercle vicieux de ce côté-là. Est-ce que, un, vous souscrivez à cette proposition-là? Puis, deuxièmement, est-ce que ça veut dire que, pour atteindre nos cibles, il faut regarder un plus large éventail de mesures que les mesures actuelles? Bon, il y a le marché du carbone, mais il y en a d'autres. Mais est-ce que ça veut dire d'aller beaucoup plus loin en matière d'écofiscalité, par exemple? Alors, je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Guilbeault (Steven) : Je pense que les membres du comité ne souscriraient pas à l'énoncé que vous avez fait, essentiellement pour quelques raisons, mais le Québec et la Californie ont eu la bonne idée d'apprendre des erreurs des autres dans l'élaboration de leur marché, on pense notamment au prix plancher pour la tonne. Je pense que les Européens auraient été très heureux d'avoir un prix plancher au cours des dernières années, compte tenu des grandes fluctuations et même de l'effondrement des prix, d'une part. D'autre part, la réserve qu'on peut mettre de côté, qui permet d'avoir un certain contrôle sur l'évolution des prix...

Et je pense que la plupart des experts s'entendent sur le fait qu'en fait le prix de la tonne va augmenter dans le temps et non pas diminuer et que, même, plus on va aller, plus ça va coûter cher, plus les incitatifs à ne pas dépendre de ça vont devenir importants, donc d'investir en amont plutôt que d'attendre, finalement, très loin en aval avant d'intervenir.

L'autre élément qui a fait l'objet de beaucoup de discussions au sein des membres du comité, c'est que la bourse du carbone est un des éléments importants de l'action gouvernementale au Québec ou ailleurs mais qu'il y a énormément d'autres outils à notre disposition. Vous avez parlé d'écofiscalité. C'est une des choses dont on a beaucoup discuté, la réglementation, que ce soit sur l'efficacité énergétique des voitures, le bâtiment, ces éléments-là ont également été abordés. Veux-tu en ajouter, Philippe?

• (11 h 40) •

M. Bourke (Philippe) : Oui. Moi, j'ajouterais simplement... comme a dit Steven, je ne pense pas que les membres du comité perçoivent un risque important face aux outils qu'on a mis en place, comme le marché du carbone. Ceci dit, on est conscients qu'il y a un risque perçu. Il n'est peut-être pas réel, mais il est perçu, comme vous l'avez dit, et c'est pourquoi on a mis, dans nos recommandations, cette idée de révision quinquennale. Et donc, là, je sais qu'une fois qu'on a dit ça, ça exige des enjeux en termes de logistique, là, comment on gère ça, parce qu'on veut en même temps dire aux marchés vers où on s'en va... on veut être le plus transparents et, en fait, responsables et leur offrir le plus de prévisibilité possible, mais, en même temps, je pense qu'il faut se donner les moyens. Puis même, en fait, comme la cible qu'on propose, c'est après 2020, il nous reste encore du temps pour réfléchir. On n'est pas obligés d'attendre en 2025, par exemple, pour réviser, là. Si, au début de la prochaine décennie, on constate des écarts, bien, il y a toujours lieu, là... Je pense que c'est une belle garantie qu'on s'est donnée en proposant ça.

M. Heurtel : Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. M. le député de Maskinongé, il vous reste deux minutes à l'échange.

M. Plante : Oui. Bon, bien, merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre présentation. Écoutez, j'ai écouté attentivement et j'ai bien aimé quand vous avez parlé des trois risques : le risque de transition, le risque physique puis le risque réputationnel, je pense que c'est comme ça que vous l'avez mentionné. J'ai apprécié d'entendre ça parce qu'on entend beaucoup parler du risque de transition, l'impact économique, et tout ça. Par contre, pour que le Québec demeure un leader et reste... comment je dirais, qu'on reste sur l'impulsion de nos bonnes actions et qu'on continue à faire mieux, quels seraient pour vous les meilleurs moyens que le Québec demeure le leader inconditionnel, je crois, pour le Canada mais aussi un leader mondial au niveau des GES, des émissions des GES?

M. Guilbeault (Steven) : Sincèrement, le comité n'a pas vraiment abordé le travail qu'il y avait à faire sous cet angle-là du rôle de leadership. On a vraiment regardé, bon, bien, sur l'horizon 2030, au niveau des cibles. Philippe parlait du travail qu'on fait sur une société sobre en carbone, donc à plus long terme, sur l'horizon 2050. Il y a d'autres recommandations qu'on va faire sur un chantier spécifique, je pense, aux technologies propres, par exemple, mais l'aspect spécifique du rôle du Québec comme leader, là, de mémoire, ça n'a pas fait partie de nos discussions au sein du comité. Alors, je me sens mal à l'aise de vous répondre quelque chose qui serait le fruit de mon imagination.

M. Bourke (Philippe) : Sauf le souhait, comme il est exprimé dans l'avis, de cette volonté de maintenir la tendance qu'on a déjà prise, donc de continuer à exprimer ce leadership. La manière de le faire, ça, par contre, on ne s'est pas penchés autrement que sur la cible à choisir, effectivement.

Le Président (M. Reid) : Merci. Je comprends que vous aurez peut-être d'autres réponses aujourd'hui parce qu'on va vous revoir encore chacun votre tour pour autre chose que le comité.

Alors, nous passons maintenant au groupe de l'opposition officielle, et je donne la parole au porte-parole, M. le député de Terrebonne.

M. Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, j'aimerais remercier M. Guilbeault et M. Bourke pour leur présentation, de leur participation toujours aussi active à nos travaux, hein? Il faut rappeler que, depuis quelques semaines, l'environnement appelle à la mobilisation beaucoup le secteur. Et, pour en rajouter, je tiens à mentionner que ce n'est pas la dernière fois que nous risquons de voir M. Bourke et M. Guilbeault à cette même consultation d'aujourd'hui. Donc, ils sont très polyvalents, et je tiens à leur lever mon chapeau pour toute l'énergie qu'ils déploient dans cette lutte aux changements climatiques...

M. Guilbeault (Steven) : C'est de l'énergie renouvelable.

M. Traversy : ...et d'énergie renouvelable. Oui, vous êtes clairement des énergies renouvelables et sûrement compostables aussi, je n'ai aucun doute là-dessus. Donc nous sommes tous très biologiquement...

Bon, bref, j'aimerais donc vous remercier et commencer par vous poser quelques questions concernant les objectifs ambitieux que le ministre nous a proposés dans le cadre de cette discussion, des mesures, donc, qui sont atteignables, sont réalistes pour vous, à écouter vos paroles, mais dans quelle mesure et de quelle façon, là? Lorsque vous nous dites que ça prend des mesures de réduction et de consommation de combustibles fossiles, j'aimerais vous entendre sur les moyens qu'on va prendre pour atteindre ces objectifs. Vous en avez tracé quelques lignes tout à l'heure, mais, d'une façon plus concrète, là, si vous vous sentez rassurés de la démarche qui est entreprise ou si vous aviez des redditions de comptes ou des mécanismes qui pourraient rendre plus, peut-être, concrète l'atteinte de ces cibles qui nous sont proposées. Et on est ouverts à toutes vos suggestions, là, autour de cette table.

M. Guilbeault (Steven) : Vous comprendrez qu'au niveau de la cible il y en a, au sein du comité, qui auraient aimé une cible plus ambitieuse et d'autres, une cible moins ambitieuse. Comme Philippe le rappelait, la cible que le comité a proposée au ministre, c'est donc une cible qui a fait l'objet d'un consensus.

Sur les moyens, bien, spécifiquement, alors, on a ciblé le transport, la réduction de la consommation d'hydrocarbures, principalement le pétrole. Il y a eu beaucoup de discussions au sein du comité, et peut-être que des recommandations plus précises viendront autour de la question du transport collectif, transport actif, notamment au niveau, par exemple, des coûts-bénéfices pour la santé. Alors, ce sont des éléments dont nous avons discuté, électrification des transports...

On a discuté aussi un peu... on a regardé des secteurs un peu plus précis, je pense au transport des marchandises, mais là-dessus, bon, on a commencé à regarder différents éléments, mais il n'y a pas de proposition, là, qui émane du comité ou qu'on est en mesure de vous présenter présentement.

M. Traversy : Mais vous avez ciblé le transport. Dans la présentation également, là, du document, vous avez vu que c'était, là, un des secteurs prioritaires sur lesquels il fallait s'attaquer. Moi, je creuse avec vous, messieurs, là, pour voir certaines avenues. Vous me parlez de l'électrification des transports comme étant, exemple, un excellent moyen de parvenir à nos objectifs. Je sais qu'il y a un plan d'action concernant l'électrification des transports qui devrait arriver incessamment de la part du gouvernement. Est-ce que vous auriez des recommandations à nous faire, dans le cadre de cette mesure, qui touchent directement les cibles qui sont visées par nos discussions? Est-ce que vous auriez des messages ou des attentes importantes à l'égard de ce plan d'action qui s'en vient? Je pense que c'est tout à fait d'adon.

M. Bourke (Philippe) : La meilleure réponse qu'on peut vous donner aujourd'hui, c'est qu'on en a. À travers les travaux qu'on a faits pour le Québec sobre en carbone, on a identifié une série de mesures qui vont assurément nous amener à réaliser cet objectif-là et nous donnent confiance de l'atteindre.

Ceci dit, comme on a expliqué tout à l'heure, on ne peut pas aujourd'hui vous les pointer du doigt parce que les travaux ne sont pas terminés, mais on peut assurément vous dire qu'on s'est déjà pas mal entendus sur les mesures qui vont nous amener là. Et vous pouvez avoir confiance en nous là-dessus, là. On a les moyens, au Québec, de réaliser ces ambitions-là et on va le démontrer prochainement avec nos travaux.

M. Guilbeault (Steven) : Et peut-être que, de façon un peu plus globale... Je pense qu'il y avait aussi un consensus au sein des membres du comité sur le fait que l'atteinte des objectifs ne relève pas, par exemple, seulement du plan d'action sur les changements climatiques ou du travail du ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte aux changements climatiques mais que ça doit être un objectif gouvernemental et même sociétal. Et ça, je pense que tout le monde... Alors, je comprends que ça ne répond pas spécifiquement à votre question, mais, de façon un peu plus large, tout le monde s'entend pour dire qu'on peut... La tâche ne peut pas revenir que, par exemple, au ministère de l'Environnement, il faut que ce soit quelque chose de beaucoup plus large. Si on fait ça, les membres du comité ont confiance qu'on peut atteindre des cibles ambitieuses et que c'est possible de le faire.

M. Traversy : Et c'est ça que j'aimerais éclaircir avec vous parce que, bon, dans ma brève présentation de tout à l'heure... Vous savez qu'on est toujours pleins de bonnes intentions lorsqu'on décide de s'attaquer à des problèmes comme celui dont nous traitons aujourd'hui. Puis vous êtes, à mes yeux, là, des experts, là, tout à fait crédibles, puis, lorsqu'on me dit : 37,5 %, c'est une cible audacieuse, c'est une cible qui semble réaliste, j'aimerais savoir comment vous pouvez... Peut-être expliquer aux gens qui écoutent comment cette cible vous satisfait. Puis, encore là, j'ai vu que c'était une cible minimale, hein, dans votre document. Donc, 37,5 %, c'est minimal, mais je ne suis pas capable de comprendre, là, sur quels mécanismes ou sur quelles façons de calculer vous dites que c'est le minimal atteignable et qu'on pourrait peut-être aller plus loin. Faites juste nous aider à bien éclaircir ce chemin qui vous amène à conclure que 37,5 %, c'est le minimum puis qu'on pourrait peut-être faire plus. Comme ça, on serait sur la même longueur d'onde. Il manque ce petit élément là.

M. Guilbeault (Steven) : Pourquoi une cible minimale? D'abord, parce que les travaux du comité sont beaucoup guidés par les exigences de la communauté scientifique internationale. Le fait que le Québec ait adhéré à un certain nombre d'objectifs internationaux, soit au niveau de limiter l'augmentation des températures sous le seuil de 2 °C ou encore comme l'accord que le Québec a signé en juillet dans le cadre du Sommet des Amériques sur le climat avec la Californie et l'Ontario, donc sur la réduction, à l'horizon 2050, de l'ordre de 80 % à 95 %... Or, quand on regarde où on devrait être en 2020 et où on veut être, minimalement, en 2050, plus tous les autres éléments dont nous avons parlé, Philippe et moi, alors c'est comme ça qu'on est arrivés à dire : Bien, si on veut espérer atteindre une cible minimale de moins 80 % en 2050, bien, il faut qu'on soit autour de moins 37,5 % en 2030 parce que, sinon, après ça, ce que ça veut dire essentiellement, c'est qu'on laisse aux générations futures un effort de réduction très, très, très important. Si on décide de beaucoup prendre notre temps au départ, bien, eux vont devoir courir très rapidement si on veut arriver à ces cibles-là. Donc, c'est un peu comme ça qu'on a regardé ça.

• (11 h 50) •

M. Bourke (Philippe) : Moi, j'ajouterais quelque chose sur la question de notre capacité à atteindre nos objectifs. Puis effectivement les membres du comité sont, comme vous, conscients que c'est toujours un défi de réaliser nos intentions. On se donne des objectifs, puis c'est extrêmement difficile de les mettre en oeuvre, et, si vous regardez comme il faut notre avis, on a pointé quelques mesures qui, pour nous, sont des moyens d'y arriver, dont une cible sur la consommation des combustibles fossiles, dont des cibles sectorielles, dont une cible domestique, dont des... réaliser des réductions ici, au Québec, et non pas uniquement sur les marchés extérieurs. Donc, c'est des éléments qu'on a pointés — on a parlé, à la fin, aussi de bien financer les mesures — donc, c'est des pistes qu'on a mises comme étant des moyens à mettre en oeuvre pour s'assurer de réaliser notre intention.

M. Traversy : Donc, vous nous dites que, si la Politique énergétique ne tient pas compte de ces cibles-là, il y a des chances, évidemment, qu'on ne risque pas de l'atteindre.

M. Guilbeault (Steven) : Je ne pense pas que c'est ce que nous avons dit. Sincèrement, je l'ai dit tout à l'heure, pour les membres du comité, la cohérence de l'action gouvernementale est importante et névralgique pour l'atteinte des cibles. Le comité n'a pas émis d'avis spécifiquement sur la Politique énergétique du gouvernement ou encore celle sur l'électrification des transports. Alors, vous pouvez tirer, évidemment, vos propres conclusions, là, mais ce ne sont pas celles auxquelles le comité est arrivé.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous avons terminé pour le bloc de l'opposition officielle. Je passe maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci, M. Bourke, merci, M. Guilbeault, d'être avec nous aujourd'hui. Vous savez, vous avez fait les six recommandations du comité-conseil, et puis je voudrais regarder avec vous tout de suite la recommandation n° 5, là. Quand vous mentionnez que le Québec doit poursuivre son engagement envers le marché du carbone puis que vous dites que, dans le fond, on devrait se doter d'une plus grande flexibilité dans l'atteinte de sa cible, juste savoir un petit peu précisément : Est-ce que ça voudrait dire que, dans le fond, vous suggérez, par cette mesure-là, qu'on assujettisse des entreprises, tu sais, de moins de 25 000 tonnes par année, un peu comme ce que vous aviez mentionné la dernière fois dans le livre vert?

M. Guilbeault (Steven) : Je rappelle que, quand j'étais ici pour le livre vert, j'étais ici, évidemment, pour Équiterre. Je serai ici pour Équiterre dans quelques minutes, alors vous pourrez me reposer la question, mais, non, la recommandation n° 5 ne vise pas spécifiquement d'inclure des entreprises qui ne sont pas inclues. Ça n'a pas fait partie des discussions du comité. Évidemment, pour le secteur privé, l'avantage de la bourse du carbone, c'est que ça offre une grande flexibilité dans l'atteinte des objectifs. C'est d'ailleurs pour ça que ça a été inclus dans le Protocole de Kyoto parce que plusieurs pays et plusieurs représentants du secteur privé à l'échelle mondiale... Je veux dire, c'est une mesure qui favorise l'atteinte de réduction d'émissions au plus faible coût possible. Alors, je pense que c'est vraiment dans cet esprit-là.

M. Bourke (Philippe) : Oui, puis effectivement je pense que, quand on parle de plus de flexibilité, c'est qu'on s'attend à ce que, s'il y a plus de joueurs qu'uniquement le Québec et la Californie, bien, évidemment, on va aussi gagner en flexibilité. Puis là-dessus il faut reconnaître le travail qui a été fait, entre autres, par le ministre de l'Environnement, mais le gouvernement du Québec depuis les derniers mois, pour essayer, justement, de convaincre d'autres joueurs, dont l'Ontario, à se joindre au marché. Et on pense que ça va être bénéfique si on arrive à aller chercher des nouveaux joueurs. C'est évident que tout le monde va y gagner, là.

M. Lemay : Parfait.

M. Guilbeault (Steven) : On note notamment la volonté de l'État de Washington. Le gouverneur a clairement identifié... On est à l'élaboration, là, des lois et règlements pour que l'État de Washington... Donc, tout à coup, on était très seuls, là, nous et la Californie, et là il y a l'Ontario, l'État de Washington, des conversations avec les États du Nord-Est. Alors, ça commence à ressembler à un marché un peu plus vaste, et donc qui va offrir plus de possibilités que seulement avec deux partenaires.

M. Lemay : Merci. Pour avoir plus d'éclaircissement, dans votre recommandation n° 6, là, vous dites : «Que les différents programmes [puis] les politiques en matière de lutte contre les changements climatiques, dont le PACC, soient suffisamment financés pour atteindre la cible et les objectifs.» Quand vous parlez de «suffisamment financés», est-ce que vous parlez justement du Fonds vert? En fait, ma question, c'est... On sait qu'entre 2006 à 2012, là, ça a coûté un peu plus de 1 milliard pour réduire de 2 millions de tonnes de GES en huit ans. Là, présentement, le Fonds vert, il rapporte quoi, à peu près? On prévoit de 500 à 700 millions par année. Dans le fond, est-ce que c'est là que vous dites «soient suffisamment financés» ou vous avez envisagé un autre mécanisme?

M. Guilbeault (Steven) : Non, on n'a pas envisagé d'autre mécanisme. Je pense que cette recommandation-là, elle ne visait pas nécessairement le Fonds vert, quoique le Fonds vert est un des outils importants pour le plan d'action de lutte aux changements climatiques, mais simplement, simplement de dire que, si on veut atteindre des réductions dans des secteurs précis, bien, il faut s'assurer, là où les investissements sont nécessaires, que l'argent est au rendez-vous si on veut pouvoir atteindre ces objectifs de réduction là.

M. Lemay : O.K. À ce moment-là, ça m'emmène à la page 28, là, du rapport, rapport de cibles de réduction à la page 28. On dit que... bien, en fait, on annonce, à cet endroit-là, qu'on veut réduire de 15 millions de tonnes. On a un 10 millions de dollars qu'on pense qu'on peut aller chercher, là, dans les programmes de réglementation en matière d'efficacité énergétique, des programmes d'aide financière, mais il y a un autre 5 millions de tonnes qu'on dit qu'on peut envisager des «bonus-malus sur les véhicules légers, une hausse de [...] tarification [de] stationnement, l'implantation de péages routiers ou encore [la] modulation de la tarification énergétique». Est-ce que ce qui est dans ce paragraphe-là, pour ce 5 millions de tonnes, c'est en lien avec votre recommandation n° 6?

M. Bourke (Philippe) : Malheureusement, non, le comité ne s'est pas penché... Dans le fond, ce document-là a été produit suite à ce qu'on a... mettre notre avis sur la cible, mais on n'a pas discuté du tout des éléments qui sont proposés dans ça, là, mais par contre, évidemment, ça fera partie de nos réflexions futures, c'est évident. Déjà, on s'est penchés sur ce genre de chose dans le chantier dont je parlais, sur un Québec sobre en carbone. Mais, dans le cas de la cible, malheureusement, on n'a pas de discussion sur ces mécanismes-là et ni sur les chiffres qui sont proposés ici en termes de mégatonnes évitées, là.

M. Lemay : O.K. Mais là je comprends que vous ne vous êtes pas penchés là-dessus, mais admettons que je vous dis, là : Bien, une des propositions du gouvernement, c'est la modulation de la tarification énergétique. Ça, ce que je comprends de là, ça veut dire : En fonction des heures de la journée, le prix de l'électricité va varier, bon, entre autres. Vous, là, est-ce que vous pensez que c'est une mesure qui est quand même importante, qui a un incitatif sur la population à économiser leur consommation d'énergie?

M. Guilbeault (Steven) : Ce n'est pas un élément que le comité a abordé ou a étudié, alors ce n'est pas possible pour nous de répondre à cette question-là.

M. Lemay : Parfait. Merci. Merci beaucoup.

M. Guilbeault (Steven) : Merci.

Le Président (M. Reid) : Peut-être, rendez-vous dans quelques instants. Alors, nous passons maintenant au temps réservé aux députés indépendants, et je donne la parole à Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

• (12 heures) •

Mme Massé : Merci, M. le Président. Bonjour, collègues. Bonjour, collègues. En fait, je vais prendre un petit peu de ce temps-là pour faire mes remarques préliminaires parce que je trouve important aussi qu'on puisse exprimer comment, pour ma formation politique, on sent bien qu'on en est à une étape majeure et que la communauté internationale n'a pas le choix. On doit réussir, on ne peut pas échouer sur celle-là. Qu'il n'y ait pas de deuxième planète, c'est un état de fait, mais des gens en santé, des gens qui peuvent bénéficier comme le font les humains depuis des milliers et des milliers d'années, je pense qu'on a une responsabilité. Dans ce sens-là, le Québec doit bien sûr avoir des objectifs ambitieux.

On est aussi inquiets... Bon, ça fait plusieurs années qu'à Québec solidaire on dit que 2050 devrait être 95 %, et 2100, ça devrait être la disparation complète des énergies fossiles, des hydrocarbures. Ceci étant dit, nous sommes très inquiets par rapport à 2020 parce que, des chiffres, on peut en enligner sans arrêt, mais il y a des choix qui se font par après. Qu'on pense, par exemple, à Anticosti, à la mégacimenterie et à d'autres projets, on est inquiets que même 2020 ne nous permette pas d'atteindre nos objectifs que nous nous sommes fixés.

Mais par contre on n'a pas le choix. On n'a pas le choix. On n'a pas le choix parce que, sinon, quel espoir on peut garder et surtout quel espoir on peut donner à nos enfants, à nos petits-enfants, à nos arrières-petits-enfants? Alors, il vous restera peu de secondes, mais, puisque vous allez revenir, j'aurai la chance de vous requestionner.

2020, est-ce que, pour vous, le comité, lorsque vous avez réfléchi, vous vous êtes dit : 37... 37,5, pardon, réaliste ou, à tout le moins, au minimum, réaliste pour 2030? Mais est-ce que vous vous êtes dit : Mais là, absolument, il faut avoir atteint le 20 % pour 2020, là? Est-ce que c'est à partir de là que le 37,5 % devient réalisable?

M. Guilbeault (Steven) : Oui, je pense que tout le monde a pris pour acquis que nous allons atteindre nos objectifs en 2020. C'était implicite dans les travaux du comité.

M. Bourke (Philippe) : Oui, oui. C'était dans l'un des premiers considérants. On prend pour acquis qu'il y a déjà des choses qui se font et qui vont se faire, effectivement.

Mme Massé : C'est bien. Je pourrai vous requestionner lorsque vous reviendrez.

Le Président (M. Reid) : Alors, merci pour votre contribution, jusqu'à maintenant, aux travaux de la commission, parce que vous n'avez pas fini aujourd'hui.

Alors, la commission suspend ses travaux quelques instants, le temps de permettre à au moins une personne de plus de se joindre pour le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 12 h 3)

(Reprise à 12 h 8)

Le Président (M. Reid) : Alors, nous retournons à nos travaux. Alors, bienvenue aux représentants d'Équiterre. Évidemment, M. Guilbeault, qui était avec nous tout à l'heure, et M. Ribaux.

Alors, vous connaissez la routine. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Je pense que nous avons votre présentation d'acétate sur papier, donc nous allons suivre sur papier. Et, à la suite de votre 10 minutes, nous allons avoir une période d'échange.

Et je vous passe la parole. Je vous demanderais de vous présenter, pour les fins de l'enregistrement, et présenter la personne qui vous accompagne.

Équiterre

M. Ribaux (Sidney) : Alors, bonjour. Donc, Sidney Ribaux. Je suis le directeur général du groupe Équiterre, et mon collègue, Steven Guilbeault, qui est le directeur principal au Choix collectif.

On va aller rapidement à notre présentation. Je vous souligne qu'on vous a déposé quelques documents qui sont à la base de ce qu'on va vous expliquer... vous présenter, pardon, aujourd'hui et qu'on vous déposera un mémoire plus complet dans les semaines qui suivront.

Steven va faire une première partie de la présentation, puis je reviendrai à la fin pour vous faire une deuxième partie.

• (12 h 10) •

M. Guilbeault (Steven) : Alors, j'aimerais attirer votre attention — donc, rebonjour — sur l'acétate qui est issu d'une donnée de Bloomberg, qui montre que, pour les États-Unis — mais, quand on regarde au Québec, au Canada, la tendance est la même — la consommation de pétrole diminue depuis plus d'une décennie. Dans le cas du Québec, nous consommons moins de pétrole aujourd'hui qu'on le faisait en 2002.

Alors, bien avant la crise économique et financière, nous avions commencé à prendre un virage ici comme ailleurs. C'est vrai, en fait, pour l'ensemble des pays industrialisés, ça l'est moins pour certains pays en voie de développement et économies émergentes. C'est simplement pour montrer que ce que nous proposons et que ce dont nous allons discuter est tiré, en fait, et repose sur une analyse d'un mouvement qui s'est déjà amorcé.

Ensuite, l'autre acétate, qui est, celle-là aussi, issue de Bloomberg mais New Energy Finance, qui nous montre qu'en fait depuis 2013 il s'investit, à chaque année, plus pour la production d'énergie à partir des renouvelables que des combustibles fossiles. On peut questionner le fait que Bloomberg ait décidé de mettre le nucléaire dans les énergies propres, là, mais, même au-delà de ça, ce qu'on voit, c'est que les projections sont pour une réduction d'à peu près la moitié des investissements dans les combustibles fossiles d'ici 2030, alors qu'ils vont doubler dans les énergies propres. Alors, il y a une tendance très claire qui est amorcée au niveau international.

Je passe rapidement, vous l'avez dans le document, là, mais Équiterre, avant de voir que vous l'aviez fait dans le document, on avait, simplement pour illustrer, à la deuxième acétate, le rythme de réduction d'émissions qui sera nécessaire pour atteindre les objectifs en 2020, 2030 et 2050.

Je vous amènerais à l'acétate qui est intitulé Aménagement et transports, qui est issu d'un rapport de mon collègue qui était ici tout à l'heure, Philippe Bourke, du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement, qui nous montre qu'au niveau du solde commercial québécois ce qui plombe le plus notre solde commercial, c'est l'achat de véhicules et l'achat de pétrole, pétrole brut, pétrole brut et essence. C'est vraiment les deux éléments qui viennent vraiment plomber le déficit commercial québécois. Il en va de même au niveau plus personnel. Donc, du côté des ménages, le poste Transports est le deuxième poste budgétaire le plus important pour les ménages québécois.

Alors, avec ces quelques éléments là de contexte, j'aimerais attirer votre attention sur l'acétate suivant, donc, qui s'appelle également Aménagement et transports, où on présente un tableau de différentes mesures qui sont issues d'un document qu'on vous a distribué, qui s'appelle Changer de direction, que nous avons fait en collaboration avec l'organisation Vivre en ville, qui viendra également, un peu plus tard, présenter un mémoire dans le cadre de cette commission, où on a regardé un certain nombre de mesures autour des questions d'aménagement du territoire, transport collectif, transport actif et aussi technologies qui nous permettraient à la fois de réduire, donc, notre consommation de pétrole, les émissions de gaz à effet de serre et qui représenteraient des économies importantes pour le Québec.

Bon, pour ce qui est de la dernière colonne sur les économies de pétrole en dollars, il y a plusieurs scénarios qui ont été faits dans le document. On vous en présente un à 150 $ le baril sur l'acétate. Évidemment, on est conscients que nous sommes très loin de 150 $ le baril. Évidemment, on parle d'un horizon, ici, de 2030. Alors, l'idée, ce n'est pas seulement de regarder ce qui se passe présentement, mais c'est de regarder comment les choses pourraient évoluer au cours des prochaines années. Et ce qu'on a regardé dans Changer de direction, c'est un ensemble de mesures. Donc, il n'y a pas une mesure mais vraiment plusieurs, à la fois dans l'aménagement du territoire, dans l'offre de transport collectif et actif, dans des meilleures normes sur l'émission des véhicules.

L'introduction de plus en plus importante de véhicules électriques nous permettrait donc d'atteindre des réductions d'émissions de gaz à effet de serre très importantes tout en économisant beaucoup, beaucoup d'argent dans des secteurs où le Québec est en déficit commercial : on ne fait pas de voiture puis on ne fait pas de pétrole. Et, si on devait faire du pétrole un jour — et on est quand même assez loin de cet échéancier-là — à notre avis, le statu quo est inacceptable. On peut mettre en place des mesures, présentement... Bon, mettons entre parenthèses le fait qu'on pourrait peut-être faire du pétrole, un jour ici, en quantité importante. Il y a quand même plein de choses qu'on peut et, à notre avis, qu'on doit faire rapidement pour minimiser l'impact de notre dépendance au pétrole et à la voiture.

Alors, je m'arrêterais là et je passerais la parole à Sidney.

M. Ribaux (Sidney) : Donc, vous aurez compris que le sens de l'introduction de Steven est de dire que, plus on aura une stratégie ambitieuse de réduction des gaz à effet de serre, mieux ça sera pour le développement économique du Québec. Et je pense qu'on ne peut pas le dire assez souvent parce qu'évidemment on a tendance à mettre l'emphase sur les mesures, et évidemment il devra y avoir des mesures qui seront restrictives qui devront être mises en oeuvre pour atteindre ces cibles-là.

Mais, à chaque fois qu'on réduit la consommation d'énergie fossile au Québec, il y a un gain pour le PIB. Pourquoi? Parce que, quand on n'exporte pas de l'argent en Ontario pour acheter une voiture, c'est de l'argent qu'on dépense ici, dans l'économie locale. Lorsqu'on n'achète pas du pétrole pour faire fonctionner nos voitures, c'est de l'argent qui est réinvesti ici, dans l'économie locale. Donc, il y a un gain économique à toute stratégie de réduction des gaz à effet de serre, puis c'est là-dessus qu'on veut mettre l'emphase. Moi, je voudrais vous parler... Et donc, dans ce sens-là, Équiterre favorise une cible, la cible la plus ambitieuse possible. Dans le cas qui nous concerne, ça serait moins 40 pour... pour...

M. Guilbeault (Steven) : Maximiser.

M. Ribaux (Sidney) : ...pour maximiser ces retombées à la fois environnementales et économiques.

Je vous dirais... je voudrais mettre l'emphase... On vous a distribué aussi un document qui est un mémoire qu'on a déposé devant la Commission des finances il y a quelques semaines et qui propose une série d'écotaxes. La proposition a été faite dans le cadre de la réforme présentement pilotée par le gouvernement, et donc elle est faite dans le cadre d'un revenu nul ou neutre pour le gouvernement dans le même sens de la réforme qui est présentement préconisée, donc baisse d'impôt. Plutôt que d'augmenter, comme le préconise la réforme actuelle, la TVQ, on propose d'introduire des écotaxes et on propose notamment de taxer les véhicules neufs. La seule taxe qu'on propose, c'est une taxe modeste lorsqu'on la compare à ce qu'il se fait dans d'autres juridictions. Une taxe de 7,6 % sur les véhicules neufs, au Québec, pourrait rapporter à peu près le même montant que l'augmentation d'un point de la TVQ.

L'avantage, c'est qu'on réduirait la consommation de véhicules neufs — évidemment, on parle de véhicules neufs à essence et diesel — pour favoriser notamment les alternatives à la voiture et aussi l'achat de véhicules électriques. Et toute diminution qu'entraînerait cette taxe-là d'achat de véhicules aurait, encore une fois, un effet bénéfique sur les émissions de gaz à effet de serre et sur le développement économique; ça générerait des ressources, de l'argent à l'interne.

On a proposé d'autres écotaxes dont je ne veux pas nécessairement prendre tout le temps présentement pour vous énumérer, mais, pour faire une longue histoire courte, l'objectif initial de ce mandat qu'on a donné à une firme économique était de voir si on peut, avec des écotaxes, remplacer l'augmentation d'un point de la TVQ qui est proposée dans la réforme fiscale. On en a identifié pour 2,7 milliards. Donc, on pourrait réduire de presque... en fait, on pourrait réduire la TVQ, dans le cadre de la réforme fiscale, plutôt que de l'augmenter en introduisant ces taxes à la fois dans le secteur du transport, sur les contenants de plastique, sacs de plastique et pesticides, donc tous des produits qui ont un impact négatif à la fois sur les émissions de gaz à effet de serre.

Alors, on s'arrêterait ici pour les fins de la présentation et on serait disponibles pour les questions.

Le Président (M. Reid) : Merci pour votre présentation. Nous passons maintenant à la période d'échange. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour à nouveau, M. Guilbeault. M. Ribaux, bonjour. Merci pour votre présentation ainsi que l'ensemble des documents. En effet, vous aviez fait sensiblement le même genre de présentation concernant les mesures d'écofiscalité à la commission à laquelle participait mon collègue le ministre des Finances. Je crois... c'est la semaine dernière ou il y a deux semaines? On pourrait peut-être prendre quelques minutes justement pour approfondir ces mesures-là.

La question qui revient, parce qu'évidemment lorsqu'il y a un... Dans un des documents, bon, à la page 5, bien, on voit un tableau, puis c'est : taxes, taxes, taxes. Alors, d'un point de vue... Vous comprendrez que, dans le monde actuel dans lequel on vit, où, justement, bon, le fardeau fiscal des Québécoises et des Québécois est déjà très élevé, je comprends qu'il y aurait une espèce de compensation, là. Elles seraient à effet neutre, ces mesures-là, parce que le point de la TVQ permettrait de compenser, d'une certaine façon, ces mesures-là, mais, en même temps, à ceux qui diraient : Bon, bien, les quatre premières taxes que vous proposez... non, excusez, les trois premières que vous proposez visent l'automobile directement, alors... Puis je pense particulièrement aux gens qui habitent en région, où il y a des grandes distances — monde rural, monde agricole — où on a besoin de véhicules. Puis, souvent, des véhicules, ce n'est pas juste des petites voitures, là, il faut des pick-ups puis des véhicules qui peuvent faire un travail important. Ces gens-là vont se sentir pénalisés davantage. Et donc, dans cette mesure-là, qu'est-ce que vous avez à répondre à ça? Je comprends que c'est à revenu neutre, mais il va y avoir des gens, il va y avoir une partie de la population qui va sentir qu'on en remet davantage sur leurs épaules, alors qu'eux tout ce qu'ils essaient de faire, c'est de travailler puis d'exister, là.

• (12 h 20) •

M. Ribaux (Sidney) : Bien, je vous répondrais à différents niveaux. Premièrement, c'est clair que, présentement, la proposition fiscale, c'est d'augmenter la TVQ. La TVQ va avoir un impact sur tous les commerces, sur l'ensemble des entreprises au Québec. Évidemment, tu sais, on pense, par exemple, à des entreprises touristiques, justement, dans toutes les régions du Québec. Réserver un hôtel va coûter 1 % plus cher, aller au restaurant va coûter 1 % plus cher, et ainsi de suite. Donc, on va faire mal à l'ensemble de l'économie du Québec en augmentant la TVQ. Ça, c'est clair, c'est un fait accepté par les économistes. Ce qu'ils disent, c'est que ça va faire moins mal si on fait ça puis qu'on baisse l'impôt que l'inverse.

Alors, nous, ce qu'on dit, c'est : Pourquoi mettre une mesure qui nous fait mal, alors qu'on peut mettre une mesure qui va chercher le même revenu et qui, d'un point de vue macroéconomique, nous fait du bien, a un impact positif et, en plus, vient atteindre un des objectifs les plus ambitieux qu'on s'est donnés au Québec, donc, de réduire les émissions de gaz à effet de serre? Premièrement.

Deuxièmement, je pense qu'il faut faire attention, il y a effectivement un mythe. Steven et moi, on a, les deux, grandi en région. Ce n'est pas nécessaire d'avoir un énorme véhicule lorsqu'on se promène en région. Il y a certains besoins qui existent, effectivement, mais il faut comprendre que l'industrie de l'automobile a eu, dans les dernières décennies, des stratégies très agressives publicitaires pour faire la promotion de gros véhicules. Pourquoi? Parce qu'il y avait justement une exception, dans les lois d'efficacité énergétique aux États-Unis, pour permettre à des véhicules d'une certaine catégorie, donc les pick-ups, les... le mot ne me vient pas, là, pour les...

M. Guilbeault (Steven) : Utilitaires sport.

M. Ribaux (Sidney) : ...les utilitaires sport, et ainsi de suite, pour faciliter... En fait, l'idée était de faciliter... d'avoir une mesure fiscale d'allègement pour les agriculteurs à l'époque. Bien, les manufacturiers ont utilisé ça pour faire en sorte qu'on est passés d'une société, en Amérique du Nord, qui achetait des voitures à une société qui achète maintenant des véhicules sport utilitaires, des sept-passagers, et ainsi de suite.

Alors, c'est sûr que... Le point que je veux faire, c'est qu'il faut adopter des normes en fonction des objectifs sociétaux qu'on vise. L'industrie va s'adapter pour offrir les meilleurs produits aux bonnes personnes au bon moment, et, dans le cas où les gens ont besoin de gros véhicules — parce qu'on est d'accord avec vous, ça existe — ils seront toujours disponibles, et il y aura moyen de se les procurer. L'idée n'est pas d'empêcher qu'on vende ces véhicules-là.

M. Guilbeault (Steven) : Et peut-être ajouter que, si on regarde les propositions d'écotaxes, par exemple, dans l'ensemble de nos propositions sur l'amélioration des normes en efficacité énergétique, bien, on pourrait avoir une augmentation de taxe qui serait absorbée par l'augmentation de l'efficacité énergétique du véhicule. Et donc, même pour ceux qui en ont besoin, ça pourrait se faire à coût nul ou à peu près nul si on a des véhicules de plus en plus efficaces. Même si on augmente les taxes, les gens... Donc, je pense qu'il faut faire la distinction entre le coût d'acquisition et le coût d'opération de ces véhicules-là.

Le Président (M. Reid) : Oui. M. le député de Maskinongé.

M. Plante : Oui. Bien, je vais revenir sur la même question que le ministre, que vous avez effectué la réponse. Et je vous rejoins dans le choix de, quand on vit en région, on n'est pas tous obligés d'avoir un gros pick-up pour se véhiculer. Je suis d'accord avec vous. Par contre, je représente un comté où l'agriculture est prospère. Bon, on a 527 exploitations agricoles dans ma circonscription, et j'ai comme l'impression, en tout cas, que l'orientation des écotaxes pourrait cibler en particulier une industrie qui est l'agriculture. Parce que là, tantôt, vous avez dit : Oui, on a le choix. Et je suis d'accord. Moi, je suis seul avec ma conjointe, donc j'ai le choix d'avoir un petit véhicule ou un gros véhicule. Et ça, ça reste un choix personnel.

Par contre, j'aurais comme l'impression, en... puis moi, j'irais jusqu'aux quatre premières... aux taxes, là, en incluant les pesticides, qu'on cible premièrement une économie qui est l'agriculture en région. Puis on sait que, parallèlement à ça, on fait beaucoup d'efforts de vitalisation des milieux. Veux veux pas, l'agriculture a changé. Le visage de l'agriculture a changé. Les terres sont de plus en plus grandes, les machineries agricoles sont de plus en plus performantes, pas toujours écoperformantes. Puis ça, je suis d'accord avec vous à ce niveau-là. Par contre, on sait que c'est un besoin essentiel, là. Ils ne peuvent pas... Et je ne croirais pas que, demain matin, l'industrie, même du véhicule électrique, serait prête à compenser les besoins, mettons, des agriculteurs en machinerie ou en véhicules, véhicules de route, tout simplement.

Puis, d'une autre partie, quand vous avez parlé des sept-passagers, bien, ça serait peut-être vu plus aussi comme une taxe aux familles, aux jeunes familles, parce qu'on sait que ce type de véhicules là, c'est souvent les jeunes familles qui les ont ou qui achètent, qui ont de nombreux enfants. Donc, j'aimerais savoir... Parce que vous dites : Oui, ça peut être compensé par la performance du véhicule, mais j'aimerais vraiment que vous m'expliquiez ce concept-là parce que je ne suis pas convaincu, je dois vous avouer.

M. Ribaux (Sidney) : Bien, bon, premièrement... Ça fait qu'il y a plusieurs éléments dans votre question. Premièrement, sur la question des pesticides, vous dire que les pesticides représentent entre 1 % et 2 % des frais d'exploitation des producteurs agricoles. Vous dire que le taux qu'on a mis dans la proposition est de 50 %, ce qui peut sembler élevé comme taxe; c'est le taux de taxation qui a été mis au Danemark, et ça n'a pas eu d'impact sur la consommation de pesticides, ce qui veut dire que les agriculteurs l'ont absorbée assez facilement. Ce qu'on a proposé et ce qu'on continue à proposer, c'est que, si on ferait ça au Québec, on devrait moduler la taxe en fonction du niveau de toxicité des pesticides. Et le ministère de l'Environnement a cette information. Ça permettrait d'envoyer un signal de prix aux agriculteurs pour qu'ils utilisent les pesticides les moins nocifs. Je vous dirais, ça encouragerait aussi les agriculteurs à avoir une conversation avec les agronomes, qui seraient sensés, à notre avis — parce qu'on travaille beaucoup en agriculture, soit dit en passant — recommander les pesticides qui ont le moins d'impact. Ce n'est pas toujours le cas. Et ultimement l'objectif, c'est de diminuer la consommation de pesticides, ce qui va avoir un impact positif pour les agriculteurs parce que c'est un intrant qu'ils paient. Ça fait que, s'ils peuvent réduire cette consommation-là, à la fin de la journée, c'est un bénéfice.

Sur la question des véhicules, bon, évidemment, la taxe qu'on propose sur les véhicules neufs ne vise que les véhicules... soit les voitures, soit les véhicules utilitaires, là. Donc, on ne vise pas la machinerie, tracteurs, etc. Il faudrait peut-être réfléchir à si on doit s'y attaquer d'une autre façon. Mais, dans un premier temps, ce n'est pas ce qu'on vise.

Et finalement, sur la question des coûts, bien, c'est certain, c'est démontré assez clairement — on a beaucoup d'information là-dessus sur notre site Web — un consommateur, par exemple, qui achèterait une voiture électrique, la rentabilité, elle est immédiate, au moment où on se parle, avec les rabais gouvernementaux en place. Plus le temps va passer... Peu importe le prix de l'essence, là. Parce que le prix de l'électricité, ça coûte tellement moins cher que le prix de l'essence que l'économie de carburant vient rapidement rentabiliser l'achat d'un véhicule électrique.

Évidemment, au moment où on se parle, il y en a peu, mais là on parle d'une politique sur... on parle de 2030, ça fait qu'on veut se donner des objectifs à moyen et long terme. Et l'idée, c'est d'envoyer encore une fois un signal de plus au consommateur pour qu'il fasse les bons choix à court et long termes. Quand le prix de l'essence a diminué l'année passée, là, les ventes de véhicules utilitaires ont soudainement augmenté au Québec parce que, bon, c'est la nature humaine, on fait des choix à court terme souvent, on fait tous ça, et là les consommateurs s'achètent un véhicule qui va entraîner une augmentation de leur consommation d'essence pendant plusieurs années. Alors, l'idée, c'est d'envoyer des signaux de prix qui viennent moduler un peu ça puis encourager les gens à faire de meilleurs choix. C'est juste ça.

M. Guilbeault (Steven) : C'est beaucoup l'approche qu'a utilisée la Norvège, qui est le champion mondial de l'utilisation de la voiture électrique. Alors, une voiture sur quatre, une voiture sur cinq qui est vendue en Norvège présentement est un véhicule électrique, pas parce qu'il y a des incitatifs importants pour les véhicules électriques. Il n'y a pas d'incitatif direct à l'achat de véhicules électriques en Norvège, un pays nordique, moderne comme le nôtre, avec un secteur de l'agriculture, et ainsi de suite. Donc, pourquoi est-ce que ça fonctionne bien en Norvège? Parce que l'achat de véhicules à essence est plus taxé. On veut donc inciter des choix.

Et Sidney le disait, là, la technologie évolue très, très, très rapidement. On a des véhicules hybrides, maintenant, utilitaires sport. Il y a des voitures entièrement électriques utilitaires sport qui vont faire leur apparition sur le marché vers 2017. Alors, l'offre va devenir beaucoup plus intéressante que... Là, présentement, en fait, c'est quand même curieux qu'on parle souvent de choix quand il est question de pétrole, alors que les gens sont prisonniers du pétrole, ils n'ont aucun choix. Nous, ce qu'on propose, c'est d'augmenter l'offre de choix pour les individus.

Le Président (M. Reid) : Merci. M. le député de Dubuc.

• (12 h 30) •

M. Simard : Merci, M. le Président. D'abord, bonjour, messieurs. Merci de votre présence.

Je vais prendre les paroles, je pense, d'une bonne partie de la population qui sont préoccupés par justement la capacité de payer toutes ces nouvelles façons de faire dont vous venez de nous parler, là. D'abord, premièrement, je vais vous poser la question suivante : Ne croyez-vous pas que l'environnement devrait mettre à profit le même principe qu'un sauveteur? Si on veut sauver quelqu'un, il faut... Puis il y a un principe qui dit : Sauve ta vie, après ça, tu vas être capable de sauver l'autre, O.K.? C'est ça, le principe d'un sauveteur. Ceux-là qui ont leur carte de sauveteur, c'est la première chose qu'ils doivent respecter.

Maintenant, j'entends très souvent... Tout à l'heure, j'ai sursauté. Je m'excuse, avec toutes les taxes que vous voulez mettre en place, là, et que le commun des mortels est rendu qu'il n'a plus la capacité de payer justement parce qu'il se trouve surtaxé à tout et à rien, là... Et la préoccupation que j'ai, moi, comme une grande partie de la population, c'est : Est-ce que l'environnement est devenu une industrie autonome et indépendante des gens? Et c'est ce que les gens posent très souvent comme question. La raison, c'est qu'on sort toutes sortes de choses, mais on ne s'occupe pas de la capacité de payer des gens, la capacité de rester à l'emploi, la capacité de se développer, d'être compétitifs en fonction d'aujourd'hui et de demain. Et, oui, on nous amène à des réflexes, mais est-ce qu'on a la capacité de le faire?

Donc, est-ce qu'on ne pourrait pas avoir une préoccupation? Le développement durable en est une, mais, lorsqu'il y a un projet qui est déposé, on a toutes sortes d'interventions négatives sur le projet, pas pour le développement durable, strictement sur l'environnement. Et les gens qui veulent des emplois, les gens qui veulent gagner leur vie, les gens qui veulent faire vivre leur famille n'ont pas cette galerie-là pour être en mesure de dire : Aïe! Je suis là, moi, là, là. Je suis là, là. Pouvez-vous m'écouter un peu, là? Je veux gagner ma vie. J'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce qu'il y a une écoconditionnalité pour protéger l'environnement versus le monde qui ont besoin de gagner leur vie? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Reid) : Oui.

M. Ribaux (Sidney) : Oui. Je vais peut-être commencer, puis Steven pourra compléter. En fait, plusieurs éléments aux questions plurielles que vous soulevez, là. Je vais commencer par la dernière.

Le Président (M. Reid) : Oui. Essayez de synthétiser, vous avez une minute à peu près.

M. Ribaux (Sidney) : D'accord. On a évalué qu'en réduisant notre consommation de pétrole, sur six ans, de 16 %, on pourrait créer 130 000 emplois au Québec. C'est des économistes qui ont fait ces calculs.

L'objectif de nos propos est justement de dire qu'en réduisant nos gaz à effet de serre on va créer des emplois au Québec. Lorsqu'on n'achète pas de pétrole, si on économise 2 000 $ en achat de pétrole puis qu'on dépense en achat d'électricité et qu'il nous reste de l'argent pour acheter d'autres choses pour se promener au Québec ou pour encourager les commerces au Québec, on vient créer des emplois au Québec.

Donc, le propos que nous avons va tout à fait dans le sens des préoccupations que vous avez. Alors, on ne fait presque que ça, je vous dirais, proposer comment on peut faire à la fois de la création d'emplois et du développement économique tout en réduisant nos gaz à effet de serre. Pour nous, l'un n'est pas contradictoire avec l'autre du tout.

Le Président (M. Reid) : Juste bon dans le temps. Alors, nous passons maintenant à l'opposition officielle. Et je donne la parole à M. le député de Terrebonne.

M. Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, encore une fois, j'aimerais saluer nos deux intervenants qui sont avec nous, M. Guilbeault, M. Ribaux. Merci beaucoup d'être toujours fidèles au poste.

Donc, à la lueur de vos recommandations, on comprend très bien, et je ne veux pas surenchérir avec ce que le gouvernement a déjà dit, mais que, selon votre point de vue, pour en arriver à des résultats concrets dans la lutte aux changements climatiques et pour inciter les citoyens à diminuer leur consommation dans toutes sortes de secteurs, il faut aller les toucher là où c'est le plus sensible, là où ça fait mal, et ça passe par le portefeuille. Donc, je constate que, pour vous, il y a donc une logique, là, implacable sur le fait qu'il faut que le gouvernement puisse avoir, dans ses mesures et ses mécanismes pour atteindre ses objectifs, des contraintes qui touchent aux finances ou aux... en tout cas, au portefeuille des gens en général. Donc, est-ce que je vous ai bien entendus aujourd'hui?

Une voix : Oui.

M. Traversy : C'est donc pour vous très important?

M. Guilbeault (Steven) : Bien, est-ce que je peux... En fait, ce qu'on propose, c'est une approche du bâton et de la carotte. C'est-à-dire qu'on ne veut pas toucher les gens là où ça fait mal, mais on veut leur permettre d'avoir des choix et de faire des choix plus éclairés. On parlait d'électrification tout à l'heure, bien, si vous achetez une voiture électrique présentement au Québec... Prenons un exemple très concret, la Honda Civic, 18 000 $, grosso modo, modèle de base, la Nissan Leaf, 32 000 $, modèle de base. Là, les gens vont dire : Mon Dieu! Ça coûte bien trop cher, les voitures électriques, en gardant en tête que, présentement, 50 % des Québécois achètent une voiture qui coûte au-dessus de 40 000 $, mais mettons ça de côté. En l'espace de trois ans, grâce aux économies de carburant, économie sur l'entretien, rabais à l'achat soit des fabricants ou du gouvernement du Québec, vous allez rembourser le surcoût d'achat de la voiture électrique, la voiture électrique qui peut répondre aux besoins de 80 % des gens, dans à peu près 90 % du temps, avec les technologies actuelles. Donc, en trois ans, vous remboursez le surcoût et après ça vous sauvez 1 500 $ par année.

Alors, pour répondre à votre question, monsieur, moi, je pense que la plupart des consommateurs aimeraient ça avoir 1 500 $ de plus dans leurs poches plutôt que le donner aux pétrolières. Je pense que c'est beaucoup ça, notre approche. Donc, il faut avoir des mesures qui vont attirer les gens à faire certains comportements et les décourager à poser certains autres comportements.

M. Traversy : Puis c'est très bien expliqué. Donc, comme on vous entend, donc, il y a un impact, là, qui serait recherché à avoir ce genre de mesure dans les recommandations, là, donc, du ministère... donc dans l'application, plutôt, des mécanismes pour atteindre les cibles que le ministre s'est fixées. Vous avez d'ailleurs parlé d'une cible de 40 %, c'est bien ça? Pourquoi plus élevée que ce que le ministre propose?

M. Guilbeault (Steven) : Bien, comme on a tenté de le démontrer dans la présentation, plus on réduit les émissions de gaz à effet de serre — au Québec, ça se traduit énormément par une réduction de notre dépendance au pétrole, dépendance au pétrole qui plombe l'économie québécoise, qui plombe le revenu disponible des ménages — donc, plus on va de l'avant rapidement dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, plus l'économie québécoise va s'en porter mieux, plus on va pouvoir créer d'emplois au Québec et plus les gens vont avoir de l'argent disponible pour faire autre chose que d'acheter de l'essence.

M. Traversy : Merci beaucoup. Est-ce que, dans les... Je vois que vos mécanismes sont clairs pour ce qui est des taxes sur l'achat de véhicules neufs, les taxes annuelles sur les véhicules de 10 ans et plus. Vous voulez également, donc, que le ministre adopte une loi zéro émission. Est-ce que vous faites référence au projet de loi n° 392, là, qui a déjà été déposé en cette Assemblée?

M. Guilbeault (Steven) : Oui, la loi zéro émission qui vise les fabricants automobiles à fournir un pourcentage, qui évolue généralement dans le temps, donc, de véhicules électriques. Un des enjeux présentement, c'est qu'il y a plusieurs États autour de nous qui adoptent ce genre de loi là. Et, comme l'offre de véhicules électriques est encore passablement modeste, bien, ces États-là vont drainer le plus de véhicules électriques et nous allons avoir finalement un peu les restes, alors qu'on pense que plus l'offre de véhicules électriques va être intéressante pour les consommateurs, plus les consommateurs vont se tourner vers ça. Soit dit en passant, ça ne coûte rien au gouvernement d'adopter une loi comme ça, il n'y a pas de coût à ce qu'on mette en place... Et ça ressemble beaucoup à ce qu'on a fait, au Québec, avec les standards californiens sur les émissions polluantes des véhicules alors que Mme Beauchamp était ministre de l'Environnement, premier État à l'extérieur des États-Unis à les adopter. Donc, je pense que le parallèle est assez frappant entre les deux.

M. Traversy : Cette recommandation, je la trouve très intéressante pour ce qui est de la loi zéro émission. Dans le cahier de consultation que vous avez vu, vous avez compris que le ministre a ciblé certaines pistes, là, de mécanismes et d'actions pour être capable d'atteindre son objectif. Il parlait, bon, de révision de la fiscalité, bonus, malus. Bon, il y a différentes propositions. Il y en a deux en particulier dont je voulais avoir votre opinion, sur les tarifs de stationnement, donc augmenter la tarification des stationnements, et le retour des péages routiers. Donc, je voulais voir si vous aviez une opinion quant à ces pistes qui nous sont lancées dans la réflexion.

M. Ribaux (Sidney) : Donc, sur la question des péages routiers, on pense que, oui, ça fait partie de l'idée d'envoyer un signal de prix. Quand on parle des péages, on est davantage sur l'utilisation que d'autre chose, d'une part, et, d'autre part, on est sur des stratégies de réduction de la congestion routière. Bon, évidemment, dans la région de Montréal, dans la région de Québec, ce sont des grands enjeux. On sait que, par exemple, là, à l'heure de pointe, il y a entre 5 % et 10 % des gens qui sont sur la route, qui sont pris dans la congestion routière, qui n'ont pas besoin d'être là parce qu'ils s'en vont magasiner, ils s'en vont visiter un ami; ils auraient pu se déplacer à d'autres moments. La tarification via un péage, qui envoie un signal de prix différencié dans le temps, évidemment, maintenant, là, vient régler non seulement des enjeux d'émission de gaz à effet de serre, mais aussi des enjeux de congestion routière, donc encore une fois des enjeux économiques, parce qu'il y a des camions qui sont pris dans la congestion routière, etc.

Donc, là-dessus, oui, on pense que c'est une mesure qui devrait être dédiée au financement du transport en commun, donc, versus les autres mesures qu'on proposait tantôt où on disait : Vous voulez réduire l'impôt, bien, allez chercher le revenu vers ces nouvelles écotaxes là, donc c'est neutre pour le gouvernement. Le péage, on pense que les revenus devraient être réinvestis directement dans le transport en commun pour offrir une solution aux gens parce que, dans le fond, on veut améliorer l'offre de transport en commun. Celui qui se voit imposer 3 $ au péage, bien, il se fait aussi offrir un service d'autobus rapide, ou un métro, ou d'autre chose.

Sur la question du stationnement, oui, c'est une mesure qu'on a proposée dans le passé. Le diable est dans les détails concernant le stationnement. Comment on le fait? Comment on le fait bien? Ça, ça pourrait faire l'objet d'une autre commission parlementaire. Mais, sur le principe, oui.

• (12 h 40) •

M. Traversy : Alors, je vous remercie de cette franchise. Je vais profiter de votre expertise, messieurs, pour vous demander si vous trouveriez à propos que le Commissaire au développement durable, là, puisse avoir un rôle à jouer dans l'atteinte des cibles de par l'évaluation de la performance, exemple, du marché du carbone ou du Fonds vert. Est-ce que vous voyez, dans le fond, une participation, là, de notre Commissaire au développement durable dans cette lutte aux changements climatiques? Et, si oui, expliquez-nous comment vous voyez sa contribution.

M. Guilbeault (Steven) : On n'a pas regardé spécifiquement, par exemple, le rôle du commissaire, mais je pense qu'on est d'accord sur le fait qu'on a besoin d'un mécanisme de reddition de comptes qui est efficace et transparent, une mise à jour annuelle de la performance du... ou de ce que, par exemple, le Fonds vert à fait, le déploiement des mesures du Plan d'action sur les changements climatiques ou même, plus largement, à quel rythme le gouvernement du Québec avance-t-il pour atteindre les cibles qu'il s'est fixées, que ce soit sur l'horizon 2020, 2030 ou même 2050. Est-ce que c'est le Commissaire à l'environnement ou un autre mécanisme, je pense qu'on n'a pas vraiment d'idée là-dessus présentement.

Le Président (M. Reid) : Il reste quelques secondes.

M. Traversy : Merci. Bien, en tout cas, je vous remercie, donc, de votre clarté et je vous invite à réfléchir à cette proposition pour la suite de nos consultations et de nos travaux.

Le Président (M. Reid) : Nous passons maintenant au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci, M. Ribaux, M. Guilbeault. Bon! Alors, autre sujet, autres questions, mais, bref, vous savez, vous avez parlé beaucoup de transport dans votre présentation. Ça fait qu'on sait le transport, c'est 44,7 % de toutes les émissions. Ça fait qu'on va rester dans ce sujet-là plus particulièrement.

Vous avez déjà répondu au député de Maskinongé, au ministre, même au ministre Dubuc, là, en termes, là, de pourquoi la nouvelle taxe sur les véhicules neufs. Moi, j'ai juste une question pour vous, là, au niveau des véhicules neufs. Est-ce que vous avez considéré que certaines personnes vont décider de ne pas acheter un véhicule neuf mais plutôt se tourner vers le marché de l'usagé pour éviter cette taxe-là? Puis est-ce que vous l'avez considéré dans votre presque 1 milliard, là, que vous auriez, supplémentaire ou pas?

M. Ribaux (Sidney) : Oui. Oui, donc, on a fait des... Effectivement, l'économiste qui a fait les projections a présumé qu'il y aurait un impact sur les ventes, d'une part. Et, d'autre part, c'est aussi pour ça qu'on propose une taxe sur les vieux véhicules, dans le fond, pour s'assurer qu'on ne vienne pas augmenter la pollution en augmentant le nombre de véhicules qui sont vieux sur les routes.

M. Lemay : O.K. Mais la taxe, c'est pour les véhicules de plus de 10 ans.

M. Ribaux (Sidney) : Oui.

M. Lemay : Quand on fait la supposition que le concessionnaire automobile, pour accommoder son bon client, va dire : Bien, moi, j'achète un véhicule neuf puis je le mets à la disposition de mes vendeurs, puis, dans trois mois, le véhicule, il aura, quoi, une couple de... tu sais, peut-être 1 000 kilomètres, je ne sais pas, au compteur. Puis là il décide de dire : Bien là, ce véhicule-là, finalement, je le rends disponible à mon bon client. Donc là, est-ce qu'on considère que le véhicule, il est neuf? Tu sais, disons qu'il a juste 1 000 kilomètres, là, il n'est plus neuf. Tu sais, il y a-tu une définition qui dit véhicule neuf?

M. Ribaux (Sidney) : Bien, je vous dirais, on ne s'est pas rendus à ce niveau-là des règles fiscales. Je veux dire, quand la TVQ s'applique, la TVQ s'applique à la vente d'un véhicule neuf, elle ne s'applique pas à la vente en particulier. Là, à quoi s'appliquerait exactement une taxe comme ça, on a fait des présomptions, je vous dirais, économiques, mais on ne s'est pas rendus dans les règles fiscales d'application, là.

M. Lemay : D'accord. Non, je faisais juste essayer de voir, là, jusqu'à quelle ampleur... Mais, tu sais, on s'entend que certaines personnes vont peut-être décider d'acheter un véhicule d'un an, deux ans d'usure, là, tu sais...

M. Ribaux (Sidney) : C'est ça.

M. Lemay : ...justement pour éviter...

M. Ribaux (Sidney) : C'est certain.

M. Lemay : Bref, vous avez mentionné aussi qu'un de vos objectifs ça serait que, d'ici 2020, on ait 25 % des véhicules qui sont vendus qui soient électriques. Par contre, je ne l'ai pas vu dans votre présentation. C'est peut-être un élément nouveau, mais on sait que, dans les transports, il n'y a pas juste les voitures, il y a aussi les véhicules lourds. Puis, si on regarde entre 2006 puis 2012, au niveau des voitures, c'est quand même stable, tu sais, les émissions de GES versus les camions lourds, même les camions légers, que ça a doublé, tu sais. Ça fait que, là, on voit qu'il y a une progression au niveau des transports. On le voit, là. Le marché mondial de transport fait même qu'on a un projet de pipelines, d'oléoducs pour apporter l'énergie fossile un peu partout dans le monde. Donc, bref, les transports de longue distance, il y en a.

Moi, je me disais : Pourquoi que... Tu sais, selon vous, là, pourquoi se concentrer uniquement sur les véhicules électriques? Pourquoi ne pas faire la conversion ou l'achat de nouveaux véhicules de transport lourds au gaz naturel? On comprend que ce n'est pas zéro émission, mais, tout de même, ça représente 30 % de tous les GES émis par le secteur du transport, les véhicules lourds, tu sais. Puis on sait qu'un véhicule lourd ça a une durée de vie d'environ 10 ans, là. Ça fait que, de faire en sorte qu'aujourd'hui on aurait un incitatif pour que les... ne serait-ce que les municipalités, ne serait-ce que les camions de vidange. Puis même il y a plusieurs compagnies de transport, là, qui ont déjà commencé à le faire. Mais, tu sais, il y a la route bleue qui existe, là, entre Mississauga puis Québec. On projette de l'extensionner. Je ne sais pas si vous voulez parler un peu de cet aspect-là.

M. Ribaux (Sidney) : Peut-être rapidement, puis Steven va compléter. Mais juste vous dire : Vous avez raison, il y a tout un chantier à ouvrir sur le transport des marchandises. Vous avez mentionné quelques initiatives. Il y a le carburant de ces véhicules-là. Il y a des stratégies de transfert vers le train, vers le maritime pour certains trajets, qui vont réduire grandement les émissions de gaz à effet de serre. Il y a des stratégies de transfert en milieu urbain vers des véhicules plus efficaces, même vers des véhicules électriques. Donc, le transport des marchandises en milieu urbain, dans certains cas, pourrait se faire, de façon électrique, avec des plus petits véhicules.

Donc, il y a tout un chantier, il y a toute une série de mesures qu'il faut effectivement appliquer dans le transport des marchandises, qui passent, oui, par, dans certains cas, un signal de prix fiscal ou autre mais aussi par la réglementation et une meilleure organisation, dans certains cas, des transports.

M. Guilbeault (Steven) : On a concentré nos efforts sur la voiture puisque c'est encore 67 % des émissions du secteur des transports. Or, vous avez raison de dire que le secteur du transport des marchandises est en forte croissance. On a d'ailleurs salué l'initiative de Gaz Métro et de Transport Robert, salué l'initiative du gouvernement qui venait appuyer fiscalement... une déduction fiscale accélérée, si ma mémoire est bonne, pour l'achat de ces camions-là.

Mais, comme Sydney le disait, il y a beaucoup d'autres mesures qu'on n'a pas abordées dans le cadre de la présentation aujourd'hui mais qui pourraient être intéressantes : la livraison en milieu urbain par des véhicules électriques plutôt que par... On n'a pas de camion semi-remorque électrique, mais il y a des véhicules de livraison. Donc, il y a plusieurs villes, dans le monde, qui sont allées vers cette voie-là. Or, on réduit la pollution en milieu urbain, ce sont des plus petits véhicules, plus adaptés au monde urbain que... Donc, il y a effectivement des pistes intéressantes, vous avez raison.

M. Lemay : Merci. M. le Président...

Le Président (M. Reid) : Il reste 10 secondes, si vous voulez faire une dernière déclaration.

M. Lemay : 10 secondes? Bien, merci beaucoup, très intéressant. On aura la chance de discuter plus amplement en soirée.

M. Guilbeault (Steven) : Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous passons maintenant au bloc réservé aux députés indépendants. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Donc, pour faire suite à mon collègue, ce que je comprends dans votre document lorsque vous dites de réduire le kilométrage parcouru de 20 %, on parle des individus, on ne parle pas de tout ce qui est le transport des marchandises.

M. Guilbeault (Steven) : Oui, effectivement.

• (12 h 50) •

Mme Massé : Donc, un autre espace quand on parle d'aménagement du territoire, l'importance d'aménager pour faire en sorte que tu n'aies pas 80 kilomètres à parcourir pour aller faire ton épicerie, hein? C'est un peu... C'est parce qu'on a beaucoup parlé de taxes, et tout ça, mais votre document évoque aussi d'autres leviers que je voulais porter à notre attention collective.

Quand on parle d'aménagement, ce matin, je lisais, dans Le Devoir, quelque chose qui m'a profondément dérangée, et c'est en lien avec ces grands objectifs qu'on a. Nous, dans l'ensemble, s'attaquer à la question du pétrole, les taxes, bon, on pourra en rejaser, mais, globalement, 2030 est un bel objectif. Mais, quand j'ai vu, par exemple, en matière d'aménagement, que, malgré nos bons objectifs — parce qu'il y a des coupes, parce que l'austérité agit ailleurs et pas seulement en matière de développement durable — par exemple, une école doit mettre de côté son projet... puis je vais le lire, là : «...pour se conformer aux contraintes fixées par le gouvernement [d'épargner] 3 millions, la commission scolaire de Montréal ait dû renoncer au toit vert, à l'atrium central, aux exigences LEED et à la géothermie pour la nouvelle école [de] Saint-Gérard...»

Alors, dans le fond, vous avez dit, d'entrée de jeu, «cohérence». Dans le probablement 30 minutes qu'il vous reste, j'aimerais que vous nous parliez de cette...

Le Président (M. Reid) : Pas 30 minutes, une minute. Il vous reste une minute.

Mme Massé : Une minute de...

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Massé : J'ai-tu dit 30 minutes? Ah! le rêve.

M. Guilbeault (Steven) : Vous êtes généreuse, madame.

Mme Massé : ...une minute qu'il nous reste, que vous nous parliez de cette nécessaire cohérence pour atteindre nos objectifs.

M. Guilbeault (Steven) : Bien, je pense que c'est un exemple intéressant où, de façon générale, en tant que consommateurs, on a tendance... on achète un... Que ce soit pour une maison ou un véhicule, on va acheter le prix sans se poser la question sur le coût d'opération. Et je faisais le parallèle avec la voiture électrique. Bien, si on fait le calcul du coût d'opération sur plusieurs années, on se rend compte rapidement que l'électrique est beaucoup plus intéressant.

Si, dans la construction d'un édifice comme une école, tout ce qu'on regarde, c'est le coût de construction mais qu'on ne regarde pas le coût d'opération sur 50, 60, voire, dans le cas d'écoles montréalaises, presque 100 ans, bien, il nous manque une partie importante de l'équation. Or, nous, on le vit à tous les jours dans la Maison du développement durable, où nous économisons, à chaque mois, quelque... c'est autour de quoi, 3 000 $, 4 000 $ par mois sur notre facture d'énergie. 3 000 $ à 4 000 $ par mois. Or, si tout ce qu'on avait tenu compte quand on a construit la bâtisse, c'est combien ça va coûter à construire et pas à opérer sur 50, 60 ans, on passerait à côté d'économies annuelles, donc, de quelque chose comme 45 000 $, 50 000 $. Bien, imaginez ça reproduit sur l'ensemble du parc des écoles au Québec. Si on commence à faire ce genre de calcul là dans le temps plutôt que simplement au niveau de la construction d'un édifice, bien, on va se rendre compte qu'on prend peut-être les mauvaises décisions.

Le Président (M. Reid) : Merci.

Mme Massé : Donc, ça pourrait nous coûter moins cher.

Le Président (M. Reid) : Merci. Bon, le temps est terminé. Alors, M. Ribaux, M. Guilbeault, merci pour votre contribution à nos travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Il est recommandé de ne rien laisser dans cette salle puisqu'elle servira à un autre groupe entretemps.

(Suspension de la séance à 12 h 52)

(Reprise à 15 h 7)

Le Président (M. Reid) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le livre vert intitulé Moderniser le régime d'autorisation environnementale de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Cet après-midi, nous entendrons d'abord Réseau Environnement, suivi de Coop Carbone, de Gaz Métro et du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec.

Alors, je souhaite bienvenue à nos invités du Réseau Environnement. Vous avez — vous connaissez la façon de faire — 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous aurons un échange avec les membres de la commission. Je vous demanderais, pour les fins d'enregistrement, de vous nommer et de nommer les gens qui vous accompagnent. À vous la parole.

Réseau Environnement

M. Lacroix (Jean) : Bonjour. Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, mesdames... bien, j'allais dire mesdames messieurs, mais MM. les députés, merci de nous accueillir. Mon nom est Jean Lacroix, je suis le président-directeur général de Réseau Environnement. Je suis accompagné, à ma droite, de M. Christian Perron, qui est le vice-président du secteur Air et Changements climatiques chez nous, et M. Laurent Pilon, qui est le coordonnateur technique du même secteur.

Brève introduction de Réseau Environnement, de se rappeler que nous sommes la plus grande association de spécialistes et d'experts en environnement, qui existe depuis 52 ans, près de 2 700 membres. Essentiellement, le membership se sépare... c'est 50 % du côté public et 50 % du côté privé, ce qui la rend très particulière dans son approche parapluie et diversifiée de ses membres. Cinq secteurs sont couverts : matières résiduelles, eaux, sols et eaux souterraines, air et changements climatiques et biodiversité. Essentiellement, nous sommes beaucoup sur le terrain en action, tant par les utilisateurs que les différents fournisseurs, beaucoup dans le développement de contenus et le développement de programmes.

Je prends la peine de vous souligner ici aujourd'hui, nos habitudes sont de déposer un mémoire d'avance. Les délais étant très courts, au jour où l'annonce a été faite par le ministre de cette consultation, nous avons envoyé à nos instances... Vous comprendrez que la force de notre réseau est sa représentativité, de parler de nos parties et d'avoir des interactions. Le mémoire est en rédaction. Le gros de nos réflexions sont avec nous ici aujourd'hui, mais on devrait vous déposer, au plus tard le 15 octobre, des propositions plus circonscrites, détaillées de ce qu'on vous parle aujourd'hui.

Je vous dirais, dans l'ordonnancement de notre intervention, le document de consultation du ministère va faire guise de préambule à l'approche. Donc, j'y vais avec des commentaires généraux. Ce qu'on tient à souligner très fortement aujourd'hui, c'est le leadership et l'audace du gouvernement en place, du ministre à sa gouverne pour mettre en place une cible aussi ambitieuse, que nous croyons réalisable avec une mobilisation de l'ensemble des parties prenantes.

• (15 h 10) •

Ce qui nous importe de ce leadership-là est qu'il doit s'incarner auprès des entreprises et des entrepreneurs. Je vous dirais que ce qu'on doit s'assurer dans les mois qui suivent, c'est d'avoir de nombreuses entreprises qui prennent ce virage-là et qu'elles se nomment et parlent. Et, à cet effet-là, notre représentativité nous fait dire : Nous sommes prêts, nous sommes là. Il y a des contextes et des cadres dans lesquels on a des incertitudes qui, peut-être, ne font pas l'accélération qu'on désirerait.

Le Québec, je dirais, peut-être l'élément fondamental, nous sommes dans une économie à faible empreinte carbone, à sobriété, ce qui impose inévitablement un changement de culture et de modèle d'affaires. Et, quand je parle de changement de culture et de modèle d'affaires, je parle tant du gouvernement que des parties prenantes ici aujourd'hui qu'on représente, ce qui m'importe de dire, exemple, sur cette fameuse dualité qui est toujours présente et qui fait cette particularité, c'est qu'on est à la fois à établir en place un nouveau marché du carbone qui est florissant. Le cadre réglementaire et législatif est clair, le développement de marchés par l'application de protocoles doit se développer, et, à cet effet-là, évidemment, tout ne peut pas se faire en même temps, simultanément. Ce qu'on vous dit comme message, c'est : Aidez-nous à bien comprendre les règles de ce qui devra s'appliquer dans les prochaines semaines, prochains mois, prochaines années, et on sera, à ce moment-là, prêts et partie prenante.

Je vous donne un exemple, deux métiers très particuliers. Le MDDELC et le MDEIE ont des vocations essentielles, un dans un cadre où le marché du carbone est établi et l'autre côté qui est, de tradition, celui qui est dans le développement de marchés. Ça fait que cette combinaison d'acteurs là, puis je pourrais parler de d'autres ministères... Pour nous, les règles pour dynamiser le marché doivent être bien certaines. L'incertitude d'un marché émergent comme on a amène, je dirais... ça peut tuer un marché si les règles ne sont pas très clairement établies, et c'est le message fort qu'on veut lancer.

Nous ne sommes plus dans une confrontation économie-environnement, on est dans un contexte où on pense que tout passe par le territoire et tout passe par sa densification, et c'est un nouveau marché qu'on doit établir. Et la dualité qu'on parle depuis les années 80, équilibre entre l'économie et l'environnement, n'est plus pertinente dans un marché à faible carbone.

Donc, les éléments qu'on veut attirer à votre attention. Il y a urgence d'agir afin de réduire les coûts engendrés par les changements climatiques et l'adaptation. La question, pour nous, n'est donc pas de savoir si des mesures novatrices et plus vigoureuses doivent être mises en place mais plutôt quelles mesures et comment elles doivent être mises en place. L'annexe I en fait une démonstration dans le document de consultation. On pourrait vous en nommer de très nombreuses. La question est une question de priorisation avec des champs visés par le Québec. On a une occasion de leadership incroyable et on pense qu'il faut les définir très rapidement.

Peut-être, ce que je peux regarder, qui est une réaction souvent qu'on voit, dans le bilan économique, dans le fameux document des cibles, on voit une remarque qui est faite par le ministère des Finances du Québec qui laisse entendre un coût et qui, par la suite, donne une impression, je dirais, de nuance. Mais, je pense, ce n'est pas le vrai débat qu'on veut faire. Pour nous, on est fondamentalement... et on croit fondamentalement à une croissance économique, à une opportunité de développement des affaires en lien avec cette sobriété carbone qui est recherchée, et c'est à cet effet-là qu'on veut attirer l'attention du gouvernement.

Peut-être vous dire, et ce qui est important : Réseau Environnement soutient, à sa manière, des initiatives visant l'atténuation des changements climatiques. Tout récemment, nous avons signé l'entente sur le Pacte de Paris, qui a été mis tout sur la relation au niveau des bassins versants et de l'approche de territoire — Réseau souscrit à cette approche-là — le pacte sur l'eau et l'adaptation aux changements climatiques dans le cadre de COP21. Donc, on est très actifs, à notre manière, pour essayer de faire avancer les enjeux et l'envergure de ce que veut donner le gouvernement du Québec.

Question un qui avait été posée : Accord avec une cible de 37,5 %. Réseau Environnement appuie sans réserve cette cible. Elle est cohérente avec l'engagement du CGNA-PMEC de réduire, à l'horizon 2030, les émissions de 35 % à 45 %. Il est également cohérent avec l'effort mondial de réduction nécessaire. Il faut être conscient du contexte particulier québécois qui fait que cette cible ambitieuse constitue un défi. Le Québec, qui fait déjà sa part, fait partie des premiers de classe, et on doit y conserver... et on a tous les outils pour y arriver. L'ouverture des marchés, de l'Ontario en particulier, qu'il peut y avoir montre un effet de cohésion et un effet d'action qu'on doit avancer.

Question deux : les cibles particulières. Il nous apparaît important d'avoir clairement les cibles qui sont identifiées. Les filières à cibler, je pense qu'on les a définies, mais on prend la peine de les souligner : transport, institutionnel, commercial et industriel au niveau du bâtiment, la biomasse forestière et toute la question des matières résiduelles. Plusieurs de ces filières, dans la cible identifiée par le gouvernement, montrent moins de réductions de gaz à effet de serre qu'on pourrait l'imaginer de notre côté, qui pourraient se faire. Donc, on a identifié des filières, puis on pourra en parler tout à l'heure, sur toute la question de la biométhanisation. Je sors d'une entente sur le PGMR, d'une consultation avec la ville de Montréal sur la fameuse vision que le ministre... vous aviez exprimée, en 2020, élimination des matières organiques, qu'il n'y en ait plus. Donc, toute cette notion de valorisation là nous paraît un élément assez fondamental et clé qui pourrait générer des réductions jusqu'à 5 % des gaz à effet de serre avec un effort pas si substantiel qu'on pourrait le croire.

Donc, dans le secteur du transport, comment vous dire davantage qu'être capable d'amener cette notion de dualité entre le transport collectif et individuel? L'électrification des transports en soi est une bonne idée, il ne faut juste pas oublier que le fondement de Réseau Environnement, dans son application, c'est le 3RV-E. Plus on se rapproche... Évidemment, dans un monde idéal, réduction à la source, on est dans un système économique, on essaie de tendre vers ça, et on essaie de s'éloigner de l'élimination, et on se dit toujours : Pour nous, à notre avis, réduction à la source, c'est encore plus vrai dans de l'évitement de véhicules sur les routes qu'une électrification des transports.

Donc, cette dualité entre deux modalités de transport, vous comprendrez, je pourrais vous l'amener dans une plus grande perspective. Si on fait un aménagement du territoire qui simplifie et réduit à la fois le transport individuel et collectif vers un aménagement du territoire qui amène la mobilité des individus par d'autres moteurs, comme marcher et le vélo, on voit des exemples... et il faut penser dans l'aménagement du territoire à le faire et à l'appliquer. Une minute. C'est ça que je pensais, là. Il me reste trois pages, je vais y arriver.

De façon générale, ce qui nous importe, c'est... il faut s'assurer que les utilisateurs, ceux qui ont la capacité de réduire les gaz à effet de serre... il faut mettre en place des approches soit de proximité ou d'accompagnement pour aider la transformation parce que ce qu'on comprend, c'est que les gens sont prêts à le faire, n'ont peut-être pas juste la manière et comment le faire, et la marche est très haute. Et là on peut penser aux utilisateurs. Une des stratégies, c'est de regarder le financier de ces acteurs-là. Ces acteurs-là ont un rôle essentiel dans le modèle de financement pour amener une meilleure conscience puis une réduction des gaz à effet de serre. Mettre en place des programmes de formation, mettre en place des modèles de financement novateurs qui ne sont pas juste de l'État. Pour nous, il est essentiel que le... qu'autre que l'État investisse et croit à changer l'approche. On ne croit pas à une approche étatique uniquement par programme, on pense qu'il peut y avoir une combinaison partenariat public-privé dans les modèles de financement.

Le Président (M. Reid) : Vous allez pouvoir continuer, je pense, dans les échanges. Alors, nous allons commencer notre période d'échange. Je donne la parole à M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Lacroix. Bonjour, messieurs. Merci beaucoup pour votre participation et votre mémoire que nous allons recevoir bientôt. Merci. Alors, je comprends que les délais sont très serrés, les nôtres aussi, évidemment. Je tiens à faire une petite parenthèse. Je vous remercie, M. Lacroix, pour votre participation au Comité-conseil sur les matières résiduelles, très appréciée, en plus du travail constant et régulier que vous faites à Réseau Environnement, qui contribue toujours à nos travaux. Ce temps-là additionnel est très apprécié dans un exercice très important qui contribue justement à l'ensemble de notre lutte contre les changements climatiques. Alors, merci.

Dans votre présentation — puis là j'ai pris en note, là — vous parlez d'incertitude liée à des règles pas clairement établies. Pourriez-vous approfondir ça, donner des exemples concrets? C'est quoi, votre préoccupation précise par rapport à ça?

• (15 h 20) •

M. Lacroix (Jean) : Je vais introduire puis je vais laisser après... un exemple donné. Évidemment, à partir du moment où on met des cibles, on vient de les annoncer, le marché du carbone est actif. Pour nous, au moment où on se parle, la question, c'est : Quelles sont les priorités que le gouvernement veut, dans cette réalité-là, gouverner? Et, en ce sens-là, les acteurs, les parties prenantes réagissent toujours en fonction d'une priorisation, puis en fonction d'un signal en disant : Nous allons aller vers cette approche-là, donc, entre guillemets, investissez-vous dans le développement d'expertises, de technologies, de propriétés intellectuelles pour atteindre ces cibles-là.

Donc, vous avez vu, dans l'annexe, il y a de nombreuses, nombreuses, nombreuses priorités. On pourrait probablement doubler ces possibilités de mesure là. Pour nous, on dit : Soyez juste clairs, concis, précis sur des éléments, et, de ça, nous allons être en interaction et vous donner des cas pratiques parce que je vous avouerais que certains des membres chez nous, c'est comme si on essaie d'improviser puis de deviner où la priorisation... Puis ce n'est pas un reproche que je fais. C'est plus un signal de... c'est normal où on est. Je ne suis pas surpris de la précipitation dans laquelle on est, mais l'après COP21, pour nous, dès qu'on peut... Puis on lève la main pour vous dire : Nos membres vont être à votre service pour essayer de vous permettre, dans cette priorisation complexe... de dire où est-ce qu'on croit que les retombées, bien humblement, de notre côté, peuvent se faire.

Puis, peut-être, je ne sais pas si tu veux donner des exemples en lien avec ça.

M. Perron (Christian) : Oui. Christian Perron. Je suis vice-président des changements climatiques. J'agis de façon bénévole, comme les 2 700 membres de Réseau Environnement. Nous avons créé, l'année dernière, 79 comités ad hoc qui se sont penchés sur différentes politiques gouvernementales et différentes solutions.

Prenons exemple sur différentes solutions, un comité ad hoc sur le transport. On salue et on félicite le gouvernement de se pencher vers l'électrification des transports. Cependant, il existe d'autres solutions beaucoup plus faciles, moins dispendieuses et plus rapides dans le temps pour apporter au moins 10 % d'économies dans les gaz à effet de serre. Mais, en premier lieu...

M. Heurtel : Des exemples.

M. Perron (Christian) : Exemple, la formation et suivi. Des tests ont été faits avec FPInnovation et Camo-route, des organismes sans but lucratif, auprès de compagnies de transport, et on a vérifié qu'on avait 10 % avec formation et suivi. Je dis bien suivi, c'est important parce que, quand il n'y a pas de suivi, tu perds tout. Après trois mois, tu as tout oublié. Avec les chauffeurs, on revient au même niveau. Quand il y a un suivi, on a 10 %, 11 %, 12 % d'économies. C'est énorme, d'accord?

Et je vais vous poser une question avant, que je pose souvent dans mes conférences, et là on va parler d'information. Savez-vous à quoi ça ressemble, une tonne de gaz à effet de serre?

Une voix : ...

M. Perron (Christian) : Non. Ça a un volume. Quand vous soufflez un ballon d'air, c'est une baloune qui se gonfle, on s'entend? Une tonne de gaz à effet de serre, c'est 10 mètres par 10 mètres par 10 mètres, 30 pieds par 30 pieds par 30 pieds. C'est deux maisons de gros. Une voiture qui roule 12 000 kilomètres par année, 10 litres aux 100, trois tonnes, six maisons. Un taxi à Montréal — j'ai fait le programme taxi, on a participé pour les 4 668 taxis de Montréal, programme Taxi vert — 17 tonnes par année, 34 maisons. Un camion qui fait la route 20, la 20 Montréal-Québec : 150 tonnes, 300 maisons. Un camion qui fait la neige ou les poubelles Québec, Montréal, dans les villes, on s'entend : 150 tonnes, 300 maisons. On ne sait pas à quoi ça ressemble, on n'a pas d'idée. Donc, on n'a pas de bonne information à livrer aux consommateurs.

C'est la formation et l'information. On informe les gens, qu'est-ce que c'est, ils ont une image. Si on n'a pas d'image, on est dans le flou. Ça, c'est la première chose qu'on doit faire : informer les gens de façon correcte, donner des images concrètes. Comme, je pense, M. Heurtel, vous avez bien vu nos amis de Forêt d'Arden, d'accord? Je suis un des ambassadeurs de Forêt d'Arden.

M. Heurtel : Bravo!

M. Perron (Christian) : Merci. Et c'est là qu'on a amené l'image du ballon. Le petit ballon, là, c'est de là que ça vient, O.K.?

M. Heurtel : ...

M. Perron (Christian) : Merci. Donc, on a donné une image aux gens, on forme les jeunes avec ça, et ça, c'est la formation et l'information. Dans le transport, c'est la même chose.

On va continuer dans le transport. Le deuxième problème, la gestion du transport, le JITD, «just-in-time delivery» — excusez l'anglicisme, c'est de même que ça s'appelle — la livraison juste à temps. Savez-vous que dans un garage, à Montréal, quand le monsieur, il a besoin de trois pintes d'huile, il appelle trois places différentes de livraison? Il arrive trois livreurs. Ce n'est pas des jokes, on a fait l'étude. Trois livreurs, puis c'est la petite fille qui est la plus cute dans la livraison qui va avoir la commande. Ça, c'est un exemple.

Les camions qui rentrent à Montréal, 60 % des camions sont chargés à 50 %. C'est moins dur pour le pont, vous me direz, là, mais ça fait du gaz à effet de serre en ville sur un méchant temps. Si on pouvait avoir une meilleure gestion du temps... Il n'y a plus d'entreposage qui se fait dans les entrepôts. On appelle : Livre-moi ça demain. Je donnais un exemple, tout à l'heure, très ridicule, vous me direz, là, vous allez voir qu'est-ce que c'est. Des portes fabriquées en Chine pour le métro de Bombardier. Elles partent de Chine, s'en viennent à Vancouver par bateau, prennent le train, s'en viennent à Montréal, prennent le camion, s'en vont à Thetford, sont peinturées, s'en vont à Portland pour être assemblées à un autre morceau, puis après ça elles s'en vont à Dublin pour être assemblées pour être livrées en France. Est-ce que c'est logique? On est pris dans ce phénomène-là. Est-ce qu'au Québec on pourrait améliorer notre transport? Juste ça, c'est un autre 5 % à 10 %.

On parlait de solutions, de peut-être mettre l'électrification des transports pour condenser les transports urbains. Vous attachez aux trains urbains des wagons de transport pour faire la livraison avec des véhicules électriques à l'intérieur de la ville. Ce sont des solutions facilement adaptables, contrairement à avoir des gros camions qui vont faire la route Montréal-Vancouver. Sur l'électrique, ça nous prendrait des travaux à ce moment-là.

M. Heurtel : Si vous permettez...

M. Lacroix (Jean) : Oui, si on vous laissait poser des questions, oui.

M. Heurtel : Non, mais c'est parce que c'est très intéressant, là, votre exemple, mais, justement, si on prend votre exemple, que ça soit l'exemple de la porte Bombardier ou l'exemple du «just-in-time», évidemment, il y a des impératifs économiques, manifestement, qui conditionnent ce comportement-là. Donc là, comment faire spécifiquement... Parce que, là, vous dites... Très bien, on comprend très bien. Vous êtes très efficace. Vous nous avez expliqué. Bon, bien, oui, de la façon que vous le décrivez, en effet, il y a des liens à faire, mais...

M. Perron (Christian) : Énormes.

M. Heurtel : ...énormes, j'en conviens. Mais là le comment, comment on change ce comportement-là?

M. Perron (Christian) : À ce moment-là...

M. Heurtel : Parce que, là, l'impératif économique, c'est d'agir de la sorte.

M. Perron (Christian) : Bien, c'est là que le Réseau Environnement va vous aider en faisant un comité ad hoc pour trouver des solutions avec vous autres.

M. Lacroix (Jean) : Mais, si je peux me permettre, au-delà de ça, je pense qu'à partir du moment où on change le modèle d'affaires économiques, donc les paramètres dans lesquels on donne les incitatifs, les messages qui sont lancés par un gouvernement qui veut une cible audacieuse, il faut qu'il y ait une relation, dans son message économique, qui va amener un changement de comportement, qui va dire, par un mode de réglementation, par un incitatif particulier... qui va faire qu'ils ne le feront plus parce qu'économiquement parlant c'est mieux de faire autrement parce qu'on réduit les gaz à effet de serre, et, de façon équivalente, une opportunité d'affaires que ça devient.

Donc, une société faible ou sobre en carbone, on change le «mindset» du concept. Vous avez raison. Si on dit : Faites-le, ils ne le feront pas parce que le modèle économique, tel qu'il est connu aujourd'hui, n'est pas en adéquation. Ils le font parce que c'est rentable de le faire. Donc, la prémisse et ce qui fait qu'il est intéressant d'avoir des ententes bilatérales avec plusieurs pays, provinces, États fédérés, c'est justement... Tous doivent lancer un signal commun d'éviter ce déplacement.

Combien de cas on a connu de déplacement de biomasse forestière de la Belgique vers ici, d'ici à là-bas? Entre les régions où il y a un déficit, on va importer de l'extérieur, alors qu'on pourrait juste, entre provinces, échanger l'approche. Il y a une réalité économique. Pourquoi ils font ça? C'est parce qu'il y a un dollar sur la tonne.

M. Perron (Christian) : Si tu permets, Jean, je vais même rajouter. On va faire un lien avec les matières résiduelles. Est-ce que c'est normal que les déchets de Montmagny s'en aillent à Shawinigan? Est-ce que c'est normal que les déchets de Thetford Mine s'en aillent là-bas? Ça coûte une beurrée. Quand on regarde les programmes... Puis référez-vous aux études Climat municipalités. Toutes ces choses-là sont chiffrées à l'intérieur des études Climat municipalités. Vous les avez. J'ai participé à des études Climat municipalités. On les a sorties. C'est aberrant. C'est des sommes énormes pour le contribuable. Mais qui en profite? Deux, trois acteurs.

M. Lacroix (Jean) : Puis, si je peux me permettre, l'enjeu que vous avez est un enjeu économique, est un enjeu d'allocation des coûts à quel endroit? Si on le fait, c'est qu'à quelque part on vient faire une ponction d'un coup et qu'on le déplace ailleurs.

Ça ne rend pas l'exercice simple pour un gouvernement, on s'entend, parce que ça vient comme changer l'échiquier. Mais, à quelque part, si on veut tendre vers cette nouvelle réalité, le modèle d'affaires devra aller aussi loin. Puis on peut y aller. Ce n'est pas de façon doctrinaire. On y va par des projets pilotes. On teste, on a les résultats puis, après ça, on s'en convainc que, comme société collective... Est-ce que c'est un investissement intelligent? Tout ne sera pas des aberrations. Quelque chose d'intelligent, mais de nombreuses en auront... Puis là-dessus, à mon avis, vous avez, à travers le Fonds vert, une opportunité extraordinaire de tester cette approche-là, justement de dire : Comment je peux faire, par rapport à ça, un projet pilote qui va venir changer cette donne-là? Quel rapport? Comment on va faire l'écofiscalité? Comment on va mettre les incitatifs au bon endroit? Il y a 1 000 affaires qui me sortent en même temps, j'ai juste une bouche pour l'exprimer, mais, tu sais, c'est...

M. Perron (Christian) : Mais, si tu permets, Jean, je vais rajouter quelque chose. On parlait tout à l'heure de tout ça. On va parler d'un autre aspect qui touche encore le transport mais qui touche, exemple, les matières résiduelles ou autre. Excusez l'anglicisme, «small is beautiful». Ici, au Québec, on a le défaut de l'ingénierie, «Ing.». Je vous rappelle que «ing», des fois, veut dire «intelligence non garantie», d'accord? C'est mon grand plaisir de le dire, puis je vous dis pourquoi. Parce que les ingénieurs, ils voient bien souvent gros. Excusez, vous êtes peut-être ingénieur, je ne veux pas vous insulter, mais je suis sûr que ce n'est pas votre cas. O.K.

M. Lacroix (Jean) : Mais c'est le mien aussi, ça fait que...

• (15 h 30) •

M. Perron (Christian) : Oui. Ça, ce n'est pas grave, c'est toi. Si ça vous insulte, c'est parce que vous êtes touché, hein? Ça ne me dérange pas. Mais dites-vous une chose : Dans l'industrie... Je fais de l'industriel, on fait de l'industriel, on fait de l'efficacité énergétique, on fait des choses. Dans les projets, tout ce qu'on voit, exemple, le traitement des matières résiduelles, ce qu'on voit : des gros projets tous centralisés, encore une fois, alors qu'il est très facile, et on peut le prouver facilement, qu'économiquement parlant on peut faire des petits projets.

J'ai vu un projet qui s'est présenté à Chisasibi, en haut. C'est loin, là. Ce n'est pas la porte à côté, là. C'est un peu plus loin que L'Ange-Gardien. Le projet qui s'est présenté : biométhanisation des matières résiduelles, des matières organiques, avec une serre pour faire... Eux autres, ils ne voulaient pas avoir des légumes, ils voulaient avoir des fleurs, ce qui est normal, en haut, ils n'en ont pas. Après ça, on prenait le restant des matières résiduelles pour l'incinération pour chauffer la piscine. Zéro résidu. Maintenant, c'est comment qu'on le finance? C'est de trouver un petit projet. Ce n'est pas tellement dispendieux, quatre, cinq millions. Ça se finance bien, mais ça ne rentre pas dans les cadres des programmes du gouvernement. Ça ne rentre pas dans tel cadre, ça ne rentre pas dans tel cadre. On présentait, exemple... Il peut y avoir des projets qui peuvent se présenter pour Thetford, Montmagny, Lac-Mégantic. Pourquoi ne pas traiter localement, faire de l'énergie de quartier pour pouvoir développer ces choses-là? On n'est pas obligés de faire des extras. Montréal, c'est normal, mais, même à Montréal, on suggérait l'autre jour : Pourquoi vous ne faites pas quatre projets dans quatre niveaux de la ville au lieu de tout centraliser à la même place? Ce n'est pas plus dispendieux.

Alors, on n'est pas obligés de penser toujours gros, on peut penser décentraliser. Actuellement dans la biomasse forestière, il se fait des projets avec des modules pour pouvoir aller directement en forêt prendre le résidu qu'il y a là. Au lieu de transporter cinq voyages de bois, c'est un voyage d'huile puis un lithique. C'est un exemple. Alors, la décentralisation est importante. Et on vous demande de penser à cette chose-là. Les gens de Réseau Environnement y ont pensé. Ils se sont penchés là-dessus.

Le Comité de valorisation énergétique des matières résiduelles. Vous avez 22 professionnels qui se sont réunis pendant quatre réunions pour aider à améliorer les réglementations à l'intérieur de la valorisation énergétique des matières résiduelles. Si on suivait les réglementations, la seule chose qui était permise, c'était de faire du plasma, puis ça ne marche pas. Comprenez-vous? Ça ne veut pas dire que le fonctionnaire qui est là, il n'est pas incompétent et compétent, il n'a peut-être pas toutes les connaissances. Alors, à ce moment-là, en se penchant puis en s'alliant avec des personnes du terrain pour avoir des idées de plus, on peut aller vers une meilleure solution.

M. Lacroix (Jean) : Peut-être, vous avez posé la question de la nécessité des règles du jeu et la prévisibilité. Puis je m'excuse, j'ai l'impression qu'on remplit, mais le manque de main-d'oeuvre, c'est un enjeu important. Dans le manque de main-d'oeuvre qualifiée, il nous paraît important d'être capables de planifier de la croissance et de la prévisibilité.

L'efficacité énergétique a connu ces aléas qui ont été absolument mortels. C'est-à-dire qu'on a créé des attentes, des objectifs très élevés, on a désorganisé les attentes. Ça fait qu'aujourd'hui on repart l'efficacité énergétique. Je vous le dis, on a un problème de main-d'oeuvre pour l'exécuter. Et ça fait partie du gros potentiel de gaz à effet de serre. N'oublions pas que la main-d'oeuvre doit être au rendez-vous, la prévisibilité nous le permet d'y être et de ne pas perdre notre expertise à cet effet-là, d'où l'idée d'avoir une prévisibilité 5, 10, 15 ans sans changement de programmation pour faire du «swing» d'expertises au Québec.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous allons passer maintenant à l'opposition officielle. M. le député de Terrebonne.

M. Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Wow! Quelle présentation, messieurs, pour cette commission et pour la discussion qui nous anime, soit celle des cibles de réduction! Je pense que vous vous automotivez. En fait, vous formez une très belle équipe. La synergie est là, et ça nous permet de prendre plusieurs notes et évidemment de tirer, là, toutes les leçons de votre expertise. Donc, je tenais à vous remercier d'être là aujourd'hui.

Et vous allez devoir m'aider parce que, bon, l'environnement est un sujet qui est complexe. Je vois que vous avez beaucoup d'expérience, vous allez pouvoir m'aider à démystifier certaines choses puis peut-être aussi m'aider à prioriser certains aspects, là, des discussions que nous avons aujourd'hui parce que je pense que c'est monsieur, tantôt, qui disait, bon, que c'était très large. On peut couvrir, là, tout un ensemble de facteurs.

J'aimerais, pour débuter, savoir quel est votre... vos priorités à l'intérieur des différentes mesures ou propositions qui sont faites par le ministre et dans notre cahier de discussion. Est-ce que c'est le transport? Est-ce que c'est certains secteurs en particulier? Est-ce qu'il y a des mesures qui vous animent plus que d'autres? Je voulais juste revoir avec vous, là, les quelques priorités. Mettons cinq, maximum.

M. Lacroix (Jean) : Oui. Écoutez, je pense que, dans... Et c'est déjà ce que fait le gouvernement, à mon avis, c'est évidemment où se retrouve le plus grand potentiel de gaz à effet de serre à réduire. Évidemment, toute la question du transport, de l'efficacité énergétique au sens large du bâtiment, c'est comme un incontournable. C'est un des plus grands potentiels inexplorés. Et je vous rappelle qu'efficacité énergétique est une adéquation directe entre compétitivité de nos entreprises et productivité de nos entreprises. Ce n'est pas une histoire d'éclairage, ce n'est pas une histoire de fenêtres, c'est une histoire de performance et de concurrence par rapport à ce qui se passe dans notre écosystème nord-américain et mondial.

L'aspect, évidemment, de toute la biomasse, biomasse forestière, toute la question des matières organiques, je pense qu'il y a un grand potentiel de réduction de gaz à effet de serre. Il y a une mobilisation des acteurs municipaux à cet effet-là, c'est des momentums qu'on ne peut pas échapper et incontournables.

Tout ça peut être associé à... Je vous rappellerais qu'on est dans un marché du carbone qui a été stimulé par le Québec. Les crédits compensatoires sont un instrument financier essentiel et important. Pour tout de suite, on achète notre crédit compensatoire ou on tend à acheter ce crédit-là vers la Californie. On a une grande capacité, au Québec, de renverser la vapeur en se mobilisant pour essayer que ça soit chez nous qu'on développe du crédit. Et les secteurs que je viens de vous parler sont des protocoles. Je pense qu'il y en a trois actuellement en cours ou en force d'être faits. Je pense que ça va être, dans la suite des choses, une opportunité financière sans intervention de l'État directement dans des programmes pour être capables de soutenir le développement de filières.

M. Perron (Christian) : D'élargir aussi le marché du carbone en allant vers, peut-être — une simple suggestion — ce qu'on appelle les compensatoires, les autres... pas seulement les fermes, mais, justement, les efforts faits par le transport, les efforts faits par la biomasse, les traitements de biomasse. Alors, il y a d'autres marchés qui sont dans le marché compensatoire normal, qui peuvent peut-être s'appliquer et qui vont encore favoriser l'amélioration de l'empreinte carbone et l'amélioration surtout de la productivité parce que n'oubliez pas qu'à chaque fois que vous réduisez une tonne de gaz à effet de serre il est possible, par la mesure de l'empreinte carbone, d'améliorer la productivité. On l'a testé en entreprise, et ça fonctionne.

M. Lacroix (Jean) : Et je vous dirais : N'oubliez pas les modèles de financement privé. De plus en plus, les technologies propres sont une opportunité extraordinaire. Les financiers privés désirent être partenaires financiers dans l'aventure de la réduction des gaz à effet de serre au Québec et sont prêts à mettre des capitaux. L'État le dit : L'argent se fait plus rare que jamais. Une combinaison de modèles d'affaires, de financement public-privé pour arriver à mettre en place des technologies, du développement, c'est quelque chose qu'on a trop négligé au Québec, puis c'est une grande opportunité de levier, puis c'est ce qu'on entend beaucoup de nos partenaires financiers, d'ailleurs.

M. Pilon (Laurent) : J'ajouterais... Bien, si vous me permettez aussi, j'ajouterais : On nous a demandé cinq priorités, on est juste à trois. Donc, on pourrait peut-être se permettre d'en rajouter, entre autres, le transport électrifié. C'est une de nos priorités aussi chez Réseau Environnement.

Je pense, entre autres... M. Perron a déjà parlé du transport de marchandises avec l'efficacité, justement, du «just-in-time», mais il ne faut pas oublier également l'élimination de l'enfouissement de la matière organique, qui est une de nos priorités également. On pense, entre autres, que l'élimination de l'enfouissement de la matière organique permettrait d'aller chercher une efficacité de 90 %, soit de réduire, dans le fond, nos émissions de gaz à effet de serre de 5 % juste ce poste-là. Donc, voilà.

M. Lacroix (Jean) : Et, quand on fait ce commentaire-là, on le fait à partir de nos spécialistes, sur du tangible, sur du terrain. Ce n'est pas une vue de l'esprit et une vertu. On le sait que ça se fait, que les technologies sont là, que la connaissance du Québec est là pour le réaliser.

M. Perron (Christian) : N'oubliez pas que l'enfouissement, c'est 2 milliards de dollars par année. C'est énorme pour mettre des déchets dans un trou.

M. Traversy : Bien, je vous remercie pour cette authenticité et surtout pour vos suggestions. Le transport revient beaucoup dans l'ensemble des affirmations, évidemment, parce qu'on a vu le pourcentage, là, de gaz à effet de serre qu'il représente. Je vous pose une question toute simple parce que je veux rentrer aussi dans des détails peut-être un peu plus concrets maintenant que vous nous avez tracé le portrait plus global. Est-ce que, par exemple, l'adoption d'une loi zéro émission serait vue positivement par votre organisation?

M. Lacroix (Jean) : Bien, ça va faire partie de notre mémoire. C'est un des sujets que je n'ai pas eu le temps de vous parler, mais absolument, c'est quelque chose qui nous apparaît un élément essentiel, d'ailleurs qui a été souligné dans le document de consultation. On appuie très ouvertement cette approche-là.

M. Pilon (Laurent) : On formule plutôt, nous, une loi favorisant l'achat des véhicules électriques. On n'est pas tenus à une loi zéro émission comme... qui a été proposée déjà par certains organismes. Nous, c'est vraiment une loi qui favorise l'achat des véhicules électriques, tout simplement, ou hybrides.

M. Perron (Christian) : Nous suggérons de faire l'utilisation de l'empreinte carbone comme GPS d'entreprise, l'empreinte carbone ponctuelle; pas l'analyse de cycle de vie complète mais l'analyse ponctuelle d'une action. À ce moment-là, ça nous permet de vraiment calculer si on sauve ou pas. Il n'y a pas de méthodes comptables qui peuvent le faire, seulement ça. Alors, c'est une...

M. Traversy : Il me reste seulement deux minutes? Mon Dieu! O.K. Alors, en gros, écoutez, il y a tellement de choses dont j'aimerais vous parler, mais le temps file. Deux dernières questions. Bon, tantôt, vous avez mis beaucoup l'accent sur le fait de l'importance d'avoir des règles claires, que vous avez consulté vos membres, que c'était quelque chose qui venait de façon répétée. J'aimerais juste que vous nous disiez si vous avez vécu des expériences, par le passé, qui vous amènent à marteler que la clarté est importante, que, donc, par votre expérience, peut-être que certaines consultations ont mal fini, étant donné ce manque de clarté. Et j'aimerais que vous mettiez encore un peu l'accent sur l'après COP21 parce que ça aussi, ça semblait être une de vos préoccupations importantes. Je vous laisse. Il reste environ une minute?

• (15 h 40) •

M. Lacroix (Jean) : Je vous dirais, ça va me permettre de nuancer. Quand je dis l'absence de clarté, je vous dirais, c'est plus la nouveauté d'un marché émergent du carbone où, de plus en plus, il y a une transformation du marché qui se fait et, inévitablement, il y a un écart entre cette transformation-là, qui est faite, puis la compréhension du marché.

Moi, je vous dis qu'on a une maturité, une opportunité extraordinaire, dans le cadre de COP21, de faire des cibles, des annonces, de créer un momentum. Ce qui va être important très rapidement, c'est, par la suite, que les signaux... Puis je pense que c'est en ce sens-là puis je pense que le gouvernement est probablement le premier à vouloir annoncer un certain nombre de mesures qui vont suivre l'application de... Ce qu'on dit à nous de notre côté, c'est : On n'a pas de prédisposition particulière à qu'est-ce que c'est. C'est : Dites les règles, établissez-les. Si vous voulez nous consulter au préalable, on est ouverts, à l'écoute, puis on lève la main. Mais, une fois que ça sera fait, on sera capables de vous dire bien humblement ce qu'on est capables de faire et de ne pas faire et quels sont les instruments nécessaires pour arriver à cette cible-là qui est visée.

On vous a donné les matières organiques. Pour nous, c'est clair, on le sait, on a cette capacité-là d'aller chercher le 5 % de réduction de gaz à effet de serre. En ce sens-là, c'est clair, il y en a d'autres dans le transport qu'on peut faire. Dans le cas du transport, c'est plus complexe parce que ça amène beaucoup d'investissements significatifs pour y arriver.

M. Perron (Christian) : Je me permets d'apporter un bémol sur le transport. Commençons par la formation et le suivi, donnons les outils faciles. Et les organismes gouvernementaux actuels, dont je vais en nommer un... le PEIE, a un excellent programme, à l'intérieur, de formation en conduite. Alors, commençons par ça.

M. Traversy : En conclusion, je compte sur vous pour nous décrire, là, «formation et suivi», là, tout ce que ça représente pour vous dans votre mémoire. Merci beaucoup, messieurs, de votre temps.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous passons maintenant au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci d'être avec nous aujourd'hui, MM. Perron, Lacroix et Pilon, c'est ça? Effectivement. Bon, bien, parfait. Alors, vous savez, on a parlé de biomasse, vous avez parlé, par rapport à la question 2, là, qui est dans le livre, là, pour nos cibles, là, vous avez parlé de certaines priorités : transport, bâtiment, biomasse puis gestion de matières résiduelles. Mais la biomasse, on sait que, bon, on avait un objectif d'arriver pour 2019 au niveau des municipalités, là. Ça a été repoussé au 31 décembre 2022. Donc, j'imagine que vous ne voyez pas ça d'un bon oeil.

Si on fait juste penser à la ville de Saint-Hyacinthe, qui ont vraiment un beau projet, il y a un autre projet qui, peut-être, va voir le jour, là, sur la Rive-Sud de Montréal, là, Châteauguay, je ne sais pas, en tout cas, Beauharnois, je ne me rappelle plus de la ville exactement. On a aussi, je pense, Rivière-du-Loup qui veut faire de quoi avec le nouveau traversier. Tu sais, ils veulent faire une usine de biomasse. Mais vous, là, vous voyez ça d'un mauvais oeil, dans le fond, qu'on repousse les échéanciers au niveau des municipalités, j'imagine.

M. Perron (Christian) : Le repousser, oui parce que c'est de nous enfoncer, tout simplement. Ce qu'on préconise, je vous l'ai expliqué tout à l'heure, ce sont les projets locaux, le développement local. Pourquoi faire encore des mégacentres? Pourquoi encore favoriser les grosses compagnies? Ne serait-ce que l'enfouissement, posez-vous la question : À combien de personnes ça profite? Combien de compagnies profitent de l'enfouissement, O.K.? Il n'y en a pas beaucoup. Ces personnes-là ne sont pas intéressées à perdre leur marché.

Cependant, on peut transformer cette chose-là dans un mot très beau que le Réseau Environnement supporte, l'économie circulaire, l'économie que l'on fait dans la région, développer dans la région. On n'est pas obligés, si on fait, exemple... Je vais vous donner un exemple, Chisasibi. Si on faisait une serre, que je la fasse à Thetford ou que je la fasse n'importe où, je fais une serre à côté, je ne suis pas obligé de faire pousser des tomates. En Finlande, ils font pousser des bananes. Ça vous donne un exemple? On peut créer d'autre chose. Il faut être créatif. Sortons des sentiers battus. Et c'est là que l'expertise totale de Réseau Environnement peut amener à avoir des nouvelles solutions.

M. Lacroix (Jean) : Tu sais, quand j'avais fait un parallèle avec la prévisibilité, ce que je vous disais, une prévisibilité, quand elle est repoussée, ce que ça lance comme signal dans le marché, c'est que ça dit : Les prochaines fois, est-ce que ça va aussi arriver? C'était en ce sens-là quand je disais : La prévisibilité de ce qui s'en vient, si on bouge ces prévisibilités-là, ça amène juste des incertitudes, ça amène juste à penser qu'on va toujours faire des représentations pour déplacer les agendas. Puis c'est en ce sens-là qu'on dit : Essayons. Puis ce n'est pas toujours simple, il y a plein de considérants. On est conscients qu'il y a des particularités puis on est conscients qu'il y a des villes... Et l'approche mur à mur, en passant, je ne suis pas un dogmatique là-dessus. Je le sais qu'il y avait des villes qui avaient des problématiques en lien avec ça, et probablement que ça a fait écho à ça, même des membres chez nous, c'est le cas. Il n'en reste pas moins qu'il peut y avoir une prévisibilité anticipée avec des modules d'opération sur des particularités régionales qu'il peut y avoir de certaines villes, de certaines applications.

M. Lemay : Bon, bien, c'est très bien. En fait, en entreprise, ça nous prend des certitudes pour pouvoir faire des modèles économiques. Effectivement, ça, on comprend bien.

Moi, je veux savoir, vous n'êtes pas les seuls à nous parler d'électrification des transports, mais, vu que vous nous parlez de biomasse en particulier, je me dis : Dans le réseau des transports, il n'y a pas juste la voiture électrique, là, tu sais. Vous nous l'avez totalement indiqué pourquoi que, depuis 2006 versus 2012, il y a une augmentation des transports lourds sur nos routes. C'est à cause du phénomène de «just-in-time». Ça, ce n'est pas un phénomène qu'on va voir disparaître, surtout avec toutes les hausses de taxes qu'on a sur les terrains, les bâtiments. Donc, les entreprises construisent plus petit puis elles optent pour le «just-in-time». Ceci dit, pourquoi, alors, si vous mettez l'emphase sur la biomasse, vous ne nous parlez pas du fait qu'on devrait convertir nos véhicules lourds au gaz naturel pour justement faire la réduction des...

M. Lacroix (Jean) : ...qu'on n'a juste pas eu le temps de vous le dire. C'est un autre sujet qu'on peut vous parler.

M. Lemay : O.K. Bien, allez-y.

M. Lacroix (Jean) : Évidemment, on est conscients... Peut-être que la technologie évoluera, mais toute la question du gaz naturel liquéfié, du gaz naturel de compensation qui est de plus en plus développé à moindre coût, il y a plein de projets actuellement en développement au Québec. C'est clair qu'il y a une conversion parce que, dans l'efficacité énergétique, il y a le modèle de conversion, de substitution de filière. C'est un bel exemple où on peut avoir des réductions de gaz à effet de serre juste par une conversion parce qu'il y a un rapport économique de gens qui ont intérêt à le faire.

M. Perron (Christian) : Mais, cependant, j'ajouterais le point suivant : Utiliser le gaz naturel liquéfié ou le gaz naturel, c'est très bien, on réduit de 30 % les gaz à effet de serre. On conforte encore un monopole.

M. Lemay : Bien, pas si on a les petits projets locaux.

M. Perron (Christian) : Ah! là, oui, c'est ça, mais c'est parce qu'il y a un problème dans cette histoire-là, c'est : quand on met du gaz naturel puis que tu fais de la biométhanisation, ça coûte plus cher de le purifier pour le mettre qualité gaz naturel que de faire ta biométhanisation. C'est ça, le plus gros problème. Il existe d'autres solutions. Tu peux faire du «dual-fuel», il existe des technologies où est-ce que tu peux mêler du biogaz moins purifié mêlé à 60 % biogaz, 40 % diesel. Puis, si tu manques de biogaz, tu marches juste sur le diesel, comme le propane. Mais on est partis sur la tangente que ça doit être gaz naturel liquéfié. On est partis sur la tangente que c'est Gaz Métro. On est partis sur la tangente que ça doit être pur puis plus beau que tout le monde. Bleu, Bleu et bleu. C'est bleu.

M. Lacroix (Jean) : Mais il y en a plein, oui, c'est ça.

M. Perron (Christian) : Il y en a plein, tu sais.

M. Lemay : Ça peut être du gaz naturel comprimé.

M. Perron (Christian) : Mais ça peut être du gaz naturel... Mais il existe encore d'autres alternatives. Tantôt, on parlait de biomasse. Il y a d'autres biomasses : résiduelles et forestières, exemple.

M. Lemay : C'est terminé?

M. Perron (Christian) : D'accord, je m'excuse. Merci.

M. Lemay : Parfait. Bien, merci.

Le Président (M. Reid) : Bon, je m'excuse...

M. Lemay : Très appréciés, nos échanges.

M. Perron (Christian) : Merci beaucoup.

Le Président (M. Reid) : Alors, merci de votre contribution à nos travaux.

M. Perron (Christian) : Merci d'avoir supporté mon enthousiasme.

Le Président (M. Reid) : La commission suspend ses travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 48)

(Reprise à 15 h 50)

Le Président (M. Reid) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue à nos prochains invités... notre prochain invité, en fait, de Coop Carbone. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, et ensuite on aura une période d'échange.

Je vous demande de vous nommer pour les fins d'enregistrement. À vous la parole.

La Coop Carbone

M. Nolet (Jean) : Très bien. Je suis Jean Nolet, alors, directeur général de La Coop Carbone. Je désirerais, dans un premier temps, vous remercier, M. le Président, M. le ministre, les députés, mesdames et messieurs, ainsi que Mme Moisan et Mme Chiasson de me recevoir aujourd'hui, d'avoir eu la souplesse, en fait, d'aménager votre agenda pour recevoir La Coop Carbone. C'est très apprécié.

Alors, d'entrée de jeu, peut-être que je prendrais un moment pour présenter La Coop Carbone. Alors, La Coop Carbone existe déjà depuis quelques années. Elle a été fondée par quelques grands joueurs corporatifs du Québec intéressés par la coopération et intéressés par le développement durable et le marché du carbone en particulier. On parle ici principalement de Fondaction, de Desjardins et de La Coop fédérée, et également de l'Association québécoise de maîtrise de l'énergie et du Centre d'excellence en efficacité énergétique, qui sont les fondateurs de La Coop Carbone. Alors, ces joueurs-là ont voulu se donner une organisation, un fer de lance pour faire en sorte de bien saisir ce qui se passait avec le marché du carbone et en faire, si on veut, une locomotive pour favoriser un développement économique vert au Québec.

Alors, pour vous situer, donc, comme le nom le dit, on est une coopérative. La mission de La Coop Carbone — et c'est très important de l'avoir à l'esprit — c'est de générer des projets qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre au Québec parce qu'on veut faire en sorte qu'autant que possible les outils qu'on s'est donnés au Québec, avec les objectifs ambitieux qu'on s'est donnés au Québec, donnent des retombées économiques, au Québec, avec le développement de technologies au Québec.

Alors, les membres de La Coop Carbone sont d'abord des consommateurs d'hydrocarbures qui ont un potentiel de réduction de gaz à effet de serre et qui seraient intéressés à réaliser des projets chez eux.

Et dernièrement, il y a à peu près un an, La Coop Carbone s'est dotée d'une capacité opérationnelle importante en acquérant ÉcoRessources, une entreprise dont j'étais le président-directeur général. Ce faisant, La Coop Carbone et ÉcoRessources, ensemble, ont passablement d'expérience sur le marché du carbone, et je pense que ça vaut la peine de le mentionner. En fait, au total, ça fait une douzaine d'années qu'ÉcoRessources a été créé et est actif sur le marché du carbone au Québec et à l'échelle internationale.

On a été un originateur de projets importants à l'échelle internationale en travaillant en Amérique latine et en Europe, où on a originé un bon nombre de projets. À un certain moment donné, on avait, dans notre pipeline, environ un million de tonnes de crédits compensatoires reconnus dans le cadre du Protocole de Kyoto. On a travaillé à la construction de protocoles, notamment en Colombie-Britannique, dans le secteur forestier.

Six années de suite, on a été mandatés par l'Institut de l'environnement et de l'énergie des pays francophones pour rédiger le Guide du négociateur francophone à chacune des COP. Donc, on a la COP de Paris au mois de décembre. Il y en a une, comme vous le savez, à chaque année, une conférence des parties. Alors, pendant six années d'affilée, ÉcoRessources a eu le mandat de produire un guide pour les négociateurs francophones.

Par ailleurs, on a eu le mandat, pendant six années également, du MEIE de donner des formations sur le marché du carbone au Québec aux entreprises. On a également eu un mandat du MEIE qui visait à quantifier le potentiel de crédits compensatoires au Québec; un autre mandat qui visait à regarder c'était quoi, l'intérêt de créer un fonds d'investissement, un fonds d'achat de carbone au Québec. On a de l'expertise en évaluation des impacts économiques, et je devrais dire qu'on offre du service-conseil aux grands émetteurs au Québec et aux promoteurs de projets depuis une douzaine d'années.

Donc, on est présents, sur le marché, à l'échelle internationale mais aussi à l'échelle québécoise depuis longtemps. À ça s'ajoute le fait qu'on a travaillé passablement à l'adaptation aux changements climatiques également de par notre expertise parce qu'on regroupe à la fois des économistes et des ingénieurs.

Alors, aujourd'hui, si on revient au présent puis qu'on regarde ce qu'est La Coop Carbone — j'ai mentionné la mission qui vise à générer des projets de réduction de gaz à effet de serre au Québec — eh bien, on travaille sur un aspect de nos activités qui est la conformité carbone et, dans ce cadre-là, on accompagne les grands émetteurs et les distributeurs de carburant qui cherchent à se conformer à la réglementation qui les oblige à obtenir des droits d'émission pour pouvoir émettre au Québec. Alors, on est avec eux dans cette logique-là, et, carrément, ce qu'on fait, c'est qu'on achète des droits d'émission ou des crédits compensatoires qu'on leur revend. On ne s'en cache pas, on vise par là à faire un profit qui est ensuite utilisé pour notre mission qui vise à générer des projets de réduction de gaz à effet de serre au Québec. Alors, c'est un élément important.

On travaille par ailleurs, actuellement, à créer, avec Fondaction, un fonds d'investissement carbone qui vise à investir dans des projets de réduction de gaz à effet de serre au Québec et en Amérique du Nord. Et puis on travaille à des projets de réduction de gaz à effet de serre au Québec et on vise deux secteurs d'activité en particulier, l'agroalimentaire et puis les villes, avec, en premier lieu, la ville de Montréal. Donc, c'est ce sur quoi on se concentre du côté de La Coop Carbone.

Alors, prenant connaissance du document de consultation, qu'on a bien apprécié d'ailleurs, on a cherché à répondre aux questions que vous nous posiez, et puis on commence avec la première question sur la cible. Et d'abord, de ce côté-là, je pense que ça vaut la peine de mentionner que le Québec s'est doté d'une cible ambitieuse, pour 2020, en choisissant de réduire ses émissions de 6 % par rapport aux émissions de 1990. Alors, c'était très ambitieux. Et ça vaut la peine de mentionner que notre partenaire principal, dans le cadre de la Western Climate Initiative, la Californie, avait un objectif, quand on utilise l'année de référence de 1990, de 0 %. Donc, le Québec s'est doté d'un objectif plus ambitieux que la Californie, alors qu'on a une structure économique quand même différente, avec des plus petites entreprises et avec un potentiel de réduction de gaz à effet de serre moindre que la Californie. Donc, je pense que, si on devait se lancer des fleurs, on pourrait s'en lancer pour cet objectif ambitieux là qu'on s'est donné.

Maintenant, si on regarde la cible qui est suggérée dans le cadre du mémoire de la commission, alors on parle d'une cible de 37,5 % sous le niveau de 1990 pour 2030. Alors, on juge, du côté de La Coop Carbone, que c'est une cible ambitieuse mais tout à fait cohérente avec, d'une part, les objectifs qu'on se donne à long terme à l'échelle internationale, et tout à fait cohérente également avec celle de nos partenaires dans le cadre de la Western Climate Initiative, et tout à fait cohérente avec des cibles adoptées dans les pays développés. Je pense ici principalement à l'Union européenne.

Donc, on est tout à fait à l'aise, on appuie la cible suggérée par le ministre dans le document de consultation. De ce côté-là, une suggestion, peut-être : il pourrait être intéressant de se donner un indicateur ou une cible intérimaire d'ici 2030 juste pour pouvoir vérifier la progression de nos activités d'ici l'année 2030.

Pour la suite, on a choisi d'aborder la question 4 avant la question 3 du fait que, pour nous, la question des obstacles qu'on peut rencontrer dans l'atteinte de nos objectifs risque de déterminer certaines des actions qui pourraient être privilégiées dans la suite des choses.

Alors, je vous mentionnais que La Coop Carbone, avec ÉcoRessources, est active sur les marchés depuis longtemps, et on a cherché à identifier certaines des caractéristiques qui ne sont pas facilitantes dans l'atteinte des objectifs qu'on se donne au Québec. Et je me permets de les nommer ici. Vous les avez devant vous, mais, concrètement, au Québec, on a peu d'expérience sur les marchés environnementaux, et principalement sur les marchés du carbone, comparativement à la Californie, par exemple. Et ça s'explique par le fait qu'en Californie on avait un marché volontaire actif avant la décision d'aller de l'avant avec un marché réglementé. Et il y avait des institutions sur place, le CAAR, notamment, qui avaient déjà développé une expertise. On avait, donc, des promoteurs de projets puis une expertise assez importante de ce côté-là.

Par ailleurs, au Québec, je l'ai mentionné un peu plus tôt, quand on a parlé de la cible, mais on fait... on est... Oui?

Le Président (M. Reid) : Il reste une minute.

M. Nolet (Jean) : O.K. Est-ce que vous me permettez de poursuivre avec ma présentation? Elle ne sera pas tellement longue. Et puis je pensais que ça pourrait faciliter la conversation ensuite.

Des voix : ...

Le Président (M. Reid) : Est-ce qu'on est d'accord là-dessus? Ça va réduire les périodes d'échange.

M. Heurtel : Bien, qu'il termine en une minute, puis les questions vont lui permettre de compléter.

Le Président (M. Reid) : Oui, vous aurez l'occasion de continuer pendant la période d'échange.

• (16 heures) •

M. Nolet (Jean) : D'accord. Très bien. Alors, il y a certaines caractéristiques du marché qui sont importantes. D'abord, le fait qu'on a beaucoup de petits joueurs au Québec, et ça, c'est une caractéristique du marché québécois par rapport à d'autres marchés comme le marché californien.

Par ailleurs, on a un manque de connaissance du marché du carbone dans le secteur financier, et ça, ça se constate pour nous qui cherchons à travailler avec certains joueurs du secteur financier. Donc, c'est un obstacle auquel on est confrontés. Très concrètement, par exemple, je cherchais dernièrement à voir si on pouvait financer un achat de crédits carbone avec des partenaires financiers. Et alors, concrètement, quand on connaît la réglementation, on sait qu'un droit d'émission, c'est un actif qui pourrait être pris en garantie, mais les joueurs financiers, au Québec, ne sont pas prêts à ça à ce moment-ci.

On a une difficulté à financer...

Le Président (M. Reid) : Je dois vous interrompre, le temps est terminé.

M. Nolet (Jean) : D'accord.

Le Président (M. Reid)  : Alors, vous aurez l'occasion de reprendre certains thèmes pendant la période d'échange. M. le ministre, à vous la parole, pour la première partie de la période d'échange.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci pour votre mémoire ainsi que votre présentation. Moi, j'aimerais qu'on passe un peu plus de temps, maintenant, sur ce qu'on appelle les initiatives à favoriser, les moyens concrets que vous préconisez. On parle évidemment de transport, on parle de cadre bâti, on parle d'agroalimentaire. Ce sont des domaines, là, entre autres, que nous préconisons. Ce sont trois sources importantes d'émissions de gaz à effet de serre. Alors, je voudrais vous entendre plus concrètement sur les moyens que vous recommandez, dans ces trois secteurs-là, pour atteindre la cible.

M. Nolet (Jean) : Très bien. Alors, d'entrée de jeu, je dois souligner, comme vous l'avez remarqué vous-même, qu'on considère effectivement que ces priorités-là, qui ont été identifiées par votre ministère, sont justes. C'est, il nous semble, effectivement des secteurs d'activité où il faut agir de façon prioritaire.

Il y a des défis à réaliser, dans l'ensemble de ces secteurs d'activité là. Comme je le mentionnais, de par les obstacles, du fait qu'on a des petits joueurs... et par ailleurs le fait qu'on ait des petits joueurs crée des enjeux organisationnels pour faire en sorte qu'on arrive à réduire les émissions de gaz à effet de serre en agroalimentaire, et dans le transport, et dans le bâti, et on a des enjeux avec le manque de coordination avec le secteur financier dans certains cas.

Donc, si on revient, par exemple, aux initiatives à favoriser, bien, je vous dirais que, d'entrée de jeu, le gouvernement est sur la bonne voie, à notre avis, en poursuivant avec le marché du carbone puis avec les programmes complémentaires et réglementations qui sont adoptés.

Par ailleurs, j'ai mentionné un enjeu du côté financier, on pense que la mise en oeuvre de solutions de financement hybride pourrait aider au développement de solutions efficaces dans ces secteurs d'activité là, et que ça va être nécessaire, et que ce serait intéressant que le gouvernement utilise son levier, en termes financiers, pour aider à lever du financement dans le secteur privé. Et on favorise de nouveaux modèles d'affaires qui prennent en compte des enjeux d'innovation sociale, donc qui font appel à la capacité citoyenne, aux petites organisations coopératives pour lever des projets.

Dans le transport, à notre avis, il y a des choses à envisager du côté transport électrique des personnes, du transport électrique des marchandises, et puis en faisant des liens entre les technologies vertes et les technologies de l'information.

Très concrètement, si je reviens davantage sur le transport électrique des marchandises, on a des technologies qui sont à peu près prêtes. On parle de biberonnages, par exemple, dans le secteur du transport, qui permettent d'alimenter des véhicules électriques dans des petits réseaux. Et on peut très bien envisager, à brève échéance, que le transport des marchandises sur l'île de Montréal, par exemple, puisse se faire de façon électrique. On pourrait imaginer de partager un réseau de biberonnages entre le secteur du transport public et le secteur privé. Certains joueurs montrent de l'intérêt de ce côté-là actuellement.

Par ailleurs, quand on regarde du côté du transport des personnes, on voit des avancées potentielles intéressantes avec le mariage des technologies de l'information et puis les nouvelles technologies «cleantech», les technologies de transport électrique. On a vu des exemples déplorables, dans les derniers mois, avec Uber qui s'est développée et puis qui a généré un lot de conséquences néfastes, ce qui ne veut pas dire qu'une technologie ne peut pas être intégrée, utilisée de façon intéressante. Et on pourrait imaginer des modes de gestion ou de gouvernance qui viendraient permettre une collaboration entre le secteur coopératif, le secteur citoyen et puis le transport public de façon à adresser des enjeux qu'on appelle du dernier mille dans le transport en commun, qui fait en sorte que, souvent, les gens ont un intérêt pour leur voiture ou le transport privé du fait qu'ils ont le sentiment que le transport public sert mal leurs intérêts. Alors, on pense que, de ce côté-là, il y a des gains qui peuvent être faits.

Et la façon d'avancer concrètement avec ces initiatives-là nous semble être de favoriser la rencontre entre des promoteurs de projets, entre des acteurs sur le terrain, entre des financiers, de voir avec eux, sur le terrain, qu'est-ce qui peut être fait, c'est quoi, les obstacles, pour ensemble imaginer comment on pourrait lever les obstacles et faire en sorte que ces projets-là, très concrets, puissent se réaliser. Alors, on est dans cette logique-là.

Du côté du bâti, bon, on mentionne, dans le document de consultation, l'efficacité énergétique, la géothermie. Ça nous semble des voies d'avenir également. Alors, on est tout à fait d'accord avec les orientations suggérées. On pense que, de ce côté-là, il y a un intérêt à sortir d'une logique individuelle et envisager les choses d'une façon plus collective en réseau, par exemple. Et là on peut imaginer des réseaux de chaleur, des réseaux énergie qui permettraient de recourir à des énergies renouvelables, à la géothermie, au solaire mais aussi à la récupération de chaleur. Et là il y a toutes sortes de choses qui ont été mises en oeuvre, en Europe, dont on pourrait s'inspirer au Québec.

Si on regarde maintenant du côté de l'agroalimentaire, bien, ce que l'on constate, c'est que des projets sont difficiles à mettre en oeuvre sur une base individuelle, en agroalimentaire, du fait que les coûts de transaction sont souvent élevés pour les producteurs agricoles. Donc, si on veut arriver à lever des projets, ça pourra être important, intéressant de penser à de l'agrégation pour réaliser les projets. Je parle d'agrégation, mais je devrais parler également d'accompagnement.

Enfin, on a besoin de programmes qui visent des regroupements plutôt que les individus seulement. Et, lorsqu'on regarde les programmes qui sont existants au ministère de l'Agriculture actuellement, ce qu'on constate, c'est qu'un programme comme Prime-vert s'adresse aux entreprises. Donc, chaque entreprise doit proposer un projet, individuellement, qui sera éventuellement accepté, ce qui est très bon, qui est très intéressant. Mais on sait que, s'il y avait de la souplesse pour que des organisations puissent regrouper des producteurs et proposer des projets en commun, ça pourrait sans doute être porteur dans ce secteur d'activité là.

Des nouveaux protocoles, on sait qu'il y en a qui sont en préparation, mais ça va être certainement une chose qui va être la bienvenue dans le secteur agricole. Et je dirais que, de ce côté-là, les nouveaux protocoles auraient intérêt à se baser sur la réalité québécoise. Je mentionnais que l'économie québécoise est constituée de petites entreprises, c'est peut-être encore plus manifeste dans le secteur agricole, où on constate, par exemple, que les fermes laitières moyennes sont composées... ont un cheptel de 90 vaches, alors qu'en Californie on parle plutôt de 900 vaches.

Je voyageais... je veux dire, j'étais dans un État du Midwest américain cet été justement avec un groupe qui réfléchissait au potentiel de réduction de gaz à effet de serre en agriculture. Il nous a amenés visiter une ferme de 15 000 vaches pour nous montrer comment cette ferme-là s'y prenait pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais inutile de dire qu'un modèle 15 000 vaches, c'est absolument inimaginable au Québec, et puis c'est assez loin du consensus social sur ce qu'on cherche à atteindre, au Québec, en termes de respect et de protection de la ferme familiale. Donc, il y a des choses à réfléchir, de ce côté-là, pour que nos petites entreprises puissent profiter, comme les grandes entreprises, du potentiel qui peut se manifester suite à la mise en oeuvre d'un marché du carbone.

Et enfin j'ai parlé passablement, là, de... je me suis trouvé à parler de la réalité des fermes, donc du côté agricole, mais, quand on parle de l'agroalimentaire, c'est plus que l'agriculture; c'est aussi la transformation, c'est aussi la distribution. Et il y a intérêt à réfléchir le secteur agricole comme un tout pour voir s'il n'y aurait pas possibilité, en mettant les acteurs ensemble, des différents maillons de la chaîne, en ajoutant le transport à ces différents maillons là, pour voir comment ces différents maillons là pourraient s'accompagner et s'aider dans un objectif commun de réduction de gaz à effet de serre. On pourrait imaginer, par exemple, que du méthane de fosse à lisier soit utilisé pour le transport du lait ou des porcs jusqu'aux abattoirs. Bon, c'est un exemple, honnêtement, qu'on n'a pas mesuré, dont on n'a pas vérifié la possibilité de mettre en oeuvre, mais c'est le genre de chose qui pourrait éventuellement être envisagée.

Alors, c'est ce qui me vient à l'esprit, M. Heurtel, à première vue, pour répondre à votre question.

• (16 h 10) •

M. Heurtel : Merci.

Le Président (M. Reid) : 3 min 30 s.

M. Plante : Trois minutes?

Le Président (M. Reid) : Alors, M. le député de Maskinongé.

M. Plante : Merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, j'écoutais attentivement votre réponse à la question du ministre. Par contre, il y a un point au niveau de l'agroalimentaire puis au niveau des moyens. J'ai entendu beaucoup de choses puis je sais que vous auriez sûrement beaucoup de choses à nous dire. Par contre, concrètement, là, des moyens simples, concrets qui nous permettraient soit de convaincre, aider ou favoriser pour atteindre nos cibles, j'aimerais entendre des moyens concrets qui permettraient vraiment de dire aux gens du domaine de l'agroalimentaire, de l'agriculture aussi, quels seraient les moyens à prendre, quelles seraient les nouvelles pratiques et qu'est-ce que nous, comme gouvernement ou ensemble, on peut faire pour favoriser ces pratiques-là.

M. Nolet (Jean) : Très bien. Alors, très concrètement, on a un protocole en place, actuellement au Québec, qui vise les fosses à lisier, la récupération du méthane, et donc la transformation du méthane en CO2 ou l'utilisation des méthanes à d'autres fins énergétiques. Ça, c'est un moyen qui est déjà prévu dans le cadre du pacte actuel.

Par ailleurs, on peut parler de fertilisation, de fertilisation sur une base différente, de façon à réduire les émanations d'azote dans l'atmosphère. À ce moment-là, on parle également de réduction des labours. Alors, ça, ça permet de réduire la quantité d'azote qui se retrouve dans l'atmosphère. Et puis, une autre possibilité, on parle de fermentation entérique des aliments. Donc, concrètement, on sait que, dépendamment de ce qu'une vache mange, par exemple, il y aura plus ou moins de méthane qui va être émis au cours de sa croissance. Donc, on peut mieux contrôler l'alimentation des animaux pour faire en sorte qu'ils émettent moins de méthane en s'alimentant. Ça, c'est des choses qui peuvent être faites.

Alors, vous me demandez ensuite qu'est-ce qui... Ça, c'est du concret qui peut être fait. Il reste à le favoriser. On pense que ça peut être favorisé via des protocoles, des quantifications qui seraient développées au gouvernement ou dans le secteur privé et qui, ensuite, bon, reconnaîtraient finalement ces formes de réduction de gaz à effet de serre.

Au-delà de ces pratiques-là agricoles, bon, il y a certainement des gains qui peuvent être faits du côté du transport des aliments de façon à les faire de façon plus efficace. Donc, une logistique de transport plus efficace pourrait permettre des gains. Et, quand on parle agroalimentaire, on parle aussi de réfrigération parce que les aliments doivent être conservés au froid d'un bout à l'autre de la chaîne de valeur, depuis la ferme jusqu'à la distribution. Et là, bien, quand on parle de réfrigération, on parle de gaz à effet de serre puissants. On parle de gaz qui peuvent, dans certains cas, être remplacés par des gaz à effet de serre... en fait, des gaz qui ont beaucoup moins d'impact en termes de changements climatiques. Ça peut être le CO2 dans certains cas. Et donc, ça, transport, réfrigération, travail à la ferme du côté de la culture des sols, c'est des choses qui peuvent être faites.

Les protocoles en développement sont certainement une voie qu'on encourage. On sait qu'il y a des efforts qui sont faits de ce côté-là. Ça vaut également pour les gaz réfrigérants parce qu'il y a un protocole qui a été développé dans ce sens-là. Il y a sans doute des ajustements qui peuvent y être apportés pour faciliter son application au secteur agroalimentaire.

Le Président (M. Reid) : Je dois vous interrompre, le temps réservé au côté du gouvernement est épuisé. Alors, je passe la parole maintenant à l'opposition officielle. M. le député de Terrebonne.

M. Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. M. Nolet, merci d'être avec nous aujourd'hui. Merci de nous affronter seul devant toute cette troupe parlementaire qui vous écoute, là, attentivement depuis le début de cette consultation.

J'ai plusieurs questions à vous poser concernant votre présentation, puis je vais utiliser vos lumières pour éclairer un petit peu nos lanternes. J'y vais vraiment sur la pointe des pieds parce que je ne suis pas certain d'avoir bien compris, là. Vous avez parlé d'un concept de biberonnage.

M. Nolet (Jean) : Oui. En fait, l'idée, c'est que... Bien, en fait, quand on parle de transport électrique, il y a des gens, sans doute, qui connaissent ça mieux que moi encore ici, dans la salle, je n'en doute pas. Mais, très concrètement, l'enjeu avec le transport électrique, c'est les distances qu'on peut parcourir ou la puissance qu'on peut déployer. Et puis, bon, il y a beaucoup de travail qui est fait sur les batteries de façon à avoir des batteries plus puissantes, de façon à pouvoir aller plus vite, plus loin. Ça, c'est une chose. Et il y a aussi la possibilité d'utiliser des sources d'alimentation... en fait, des sources d'alimentation ponctuelles définies sur un trajet et sur lesquelles les camions s'alimentent. Alors, quand on parle de biberonnage, on fait référence au fait qu'un camion s'arrête à un endroit...

M. Traversy : S'abreuve.

M. Nolet (Jean) : ...s'abreuve et puis peut poursuivre sa route ensuite.

M. Traversy : Génial! Non, mais j'avais bien compris, mais je voulais être certain que la terminologie était bonne. Je trouve que c'est tout à fait justifié. Et, à cet égard-là, vous parlez de mode de transport collectif plus flexible. Ça, c'est un exemple de système qui existe. Vous dites, dans votre présentation, qu'il y a des exemples à Boston, à San Francisco, en Finlande. Vous prenez la peine de spécifier ces trois lieux géographiques. Est-ce que vous pouvez nous dire un peu quelle est la particularité qui vous amène à vouloir les spécifier dans votre mémoire?

M. Nolet (Jean) : En fait, ces modèles-là sont à différents stades, et puis, quand on regarde un peu la littérature ou quand on regarde un peu ce qui s'est fait — effectivement, la documentation sur le sujet — ce qui est intéressant, c'est qu'on constate que, dépendamment des promoteurs de projets des régions, il y a une intégration plus ou moins intéressante qui est faite entre le public et puis ces nouvelles initiatives là.

Concrètement, quand on regarde, par exemple, du côté de Boston, il y a eu, avec Bridj, une confrontation, au départ, entre l'intérêt privé, si on veut, puis l'intérêt collectif ou avec le transport public. Et, au fil du temps, il y a une compréhension qui s'est développée de façon à faire en sorte d'harmoniser les intérêts des différents joueurs, de sorte qu'aujourd'hui le transport public, à Boston, est partie prenante des développements avec Bridj pour faire en sorte que les intérêts des citoyens soient le mieux servis possible. Alors, c'est un exemple que je peux donner.

M. Traversy : Donc, Bridj, c'est le nom de la compagnie? C'est ce qu'on comprend?

M. Nolet (Jean) : C'est le nom de l'initiative, effectivement.

M. Traversy : O.K., le nom de l'initiative.

M. Nolet (Jean) : Oui. C'est ça.

M. Traversy : Parfait. Écoutez, j'ai regardé vos trois priorités, soit le transport, les cadres bâtis, l'agroalimentaire. Vous nous donnez des pistes de solution intéressantes. Bon, transport électrique, il y a beaucoup de modalités qui reviennent. Vous ne semblez pas être axé vers la tarification ou la taxation.

Il y a des groupes, ce matin, qui sont venus nous faire des propositions du style un peu plus la carotte et le bâton, comme ils ont aimé, dans le fond, le présenter. Est-ce que vous pensez que ce genre d'écotaxe ou de mesure tarifaire, là, pourrait être également envisagée, là, pour atteindre les cibles qui sont celles du 37,7 %, que vous jugez audacieuses et que vous semblez saluer, là, haut la main?

M. Nolet (Jean) : Tout à fait. Bien, en fait, l'idée d'une tarification, normalement, c'est de mettre un prix sur le carbone. Et c'est ce qu'on fait avec le système de plafonnement et d'échange, on met un prix sur le carbone, sauf qu'on le fait différemment, on met en place un quota et on laisse le marché fixer le prix.

Alors, on peut imaginer une tarification supplémentaire, mais ça revient à une double taxation sur un même élément à ce moment-là. Je n'ai pas assisté aux présentations qui ont été faites ce matin. Peut-être qu'on parlait de taxation autre que sur le carbone pour encourager des initiatives encore plus que ce qui est encouragé via le système de plafonnement et d'échange. Ce n'est pas à exclure, mais il faut quand même avoir à l'esprit qu'il y a déjà une tarification, une taxation indirecte qui est imposée via le système de plafonnement d'échange. Et donc c'est à considérer avec doigté, je vous dirais.

M. Traversy : C'est très intéressant. Donc, vous, vous craignez une espèce de dédoublement. Donc, c'est... Donc, c'est entendu. Évidemment, pour la loi émission zéro, vous êtes favorable également à l'adoption d'un tel projet?

M. Nolet (Jean) : Oui, tout à fait. En fait, ça va dans le sens de mesures complémentaires qui peuvent accompagner le système de plafonnement et d'échange. Par exemple, quand on regarde la réalité du côté de la Californie, où ils atteignent des objectifs, c'est vrai, moins ambitieux, mais, quand même, ils atteignent des objectifs intéressants, une des raisons pour lesquelles ils atteignent leurs objectifs, c'est qu'il y a une bonne complémentarité entre leur système de plafonnement et d'échange et les mesures complémentaires et les réglementations qu'ils mettent en place également pour y arriver. Donc, cette mesure-là va dans le même sens, je dirais.

• (16 h 20) •

M. Traversy : Excellent! Le regroupement avant vous, qui est Réseau Environnement, semblait mettre beaucoup d'espoir, là, sur l'après-COP21. Je voulais savoir si, dans le cadre des discussions que nous avons sur les cibles de gaz à effet de serre, vous aviez également peut-être une espérance à lancer au gouvernement quant à la suite et aux démarches qui s'en viennent. Est-ce que vous avez des attentes particulières?

M. Nolet (Jean) : Bien, honnêtement, je ne vois pas qu'est-ce qu'on pourrait demander de plus au gouvernement du Québec relativement à cette question-là, étant donné que le Québec est très présent sur la scène internationale, est très présent pour faire en sorte que d'autres juridictions se joignent au Western Climate Initiative, prend un objectif ambitieux pour la COP21 et est partie prenante à plusieurs initiatives internationales. M. Heurtel est très visible de ce côté-là. Bien, en fait, honnêtement, je pense que c'est difficile de demander au Québec de jouer davantage un rôle de pionnier que ce qu'il fait là, de donner plus l'exemple que ce qu'il fait actuellement avec les objectifs ambitieux qu'il se fixe.

M. Traversy : Mon Dieu! Vous m'avez l'air d'un homme comblé.

M. Nolet (Jean) : Honnêtement, je travaille, depuis des années, sur le marché du carbone. Je l'ai mentionné, ça fait 12 ans. Je considère que, quelque part, on... Je me mets dans la peau d'un entrepreneur qui travaille sur le marché du carbone. Quelque part, je suis chanceux qu'en cours de route le Québec soit une des juridictions où on a décidé d'aller de l'avant avec un système de plafonnement et d'échange. Et là je suis en conflit d'intérêts vis-à-vis peut-être un paquet de monde, mais je veux juste... c'est une réalité quand même non négligeable, le fait qu'au Québec on est allés de l'avant.

M. Traversy : Bon, bien, je vous remercie de ce positivisme, ça fait du bien. Alors, on se rejase dans d'autres circonstances?

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous passons maintenant au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Masson.

M. Lemay : Bonjour. Merci, M. le Président. Merci, M. Nolet, d'être avec nous. Vous venez de le mentionner, vous êtes fort d'une expérience sur le marché du carbone depuis un certain bout. Vous avez même réalisé une étude pour le MEIE sur le potentiel de crédits compensatoires au Québec. Vous avez mentionné, en fait, dans votre document, sur la question 3, que, tu sais, il devrait y avoir des réglementations complémentaires, puis c'est là-dessus que j'aimerais avoir un peu plus d'information, là, tu sais, en lien... J'imagine, c'est en lien avec les crédits compensatoires.

On sait — aujourd'hui même, on l'a vu passer dans un décret du gouvernement — que le gouvernement a ratifié une entente avec le gouvernement de l'Ontario pour développer de nouveaux protocoles de crédits compensatoires. Actuellement, il y a trois protocoles qui sont actifs. Selon vous, là, ça devrait être quoi, ces nouveaux protocoles? Là, tu sais, on essaie de trouver des protocoles qui sont autres que la destruction du méthane ou le reboisement, mais est-ce que vous avez des idées sur ce que devrait être un nouveau protocole?

M. Nolet (Jean) : C'est une très bonne question. En fait, je vous dirais que... Tantôt, j'ai mentionné un potentiel dans le secteur agricole. Alors, il y a des protocoles supplémentaires qui a priori pourraient sans doute être développés, dans le secteur agricole, pour générer des crédits compensatoires de ce côté-là. Et, autrement, bien, comme il faut s'en tenir aux secteurs qui ne sont pas couverts par le système de plafonnement et d'échange, je dirais qu'il y a des avenues à regarder principalement du côté du secteur forestier.

M. Lemay : Forestier?

M. Nolet (Jean) : Forestier.

M. Lemay : Puis qu'est-ce que vous voyez dans le forestier, là, autre que le reboisement?

M. Nolet (Jean) : Alors, je ne suis pas personnellement un expert du secteur forestier, j'ai des gens, dans mon équipe, dont c'est la spécialité, mais il y a des avenues, en termes de gestion de la forêt, qui peuvent être imaginées. Là, on est confrontés à certains enjeux, au Québec, du fait que la forêt est gérée publiquement. Donc, il y a des aménagements qui peuvent peut-être être envisagés de ce côté-là, mais il y a une complexité là.

Et par ailleurs il y aurait peut-être une possibilité, du côté de la lutte aux insectes ravageurs, qu'on pourrait envisager, par exemple, que la lutte aux changements climatiques... des crédits carbone permettent de financer la lutte à la tordeuse de bourgeons d'épinette et, de ce fait, préserver une capacité de séquestration dans la forêt. Mais je m'avance un peu, là, mais c'est le genre de chose qui mérite d'être regardée.

M. Lemay : Bien, merci. On cherche justement tout le temps des innovations parce que c'est par là qu'on va réussir à atteindre nos objectifs.

Vous savez, au niveau des crédits compensatoires, il y a une limite, pour une entreprise, de détenir un maximum de 8 % de crédits compensatoires par rapport à leurs actions. Est-ce que, selon vous, dans... Parce que, dans le fond, j'imagine, l'objectif de la limite de 8 %, c'est de dire à l'entreprise : Bien, faites des actions concrètes pour réduire au lieu d'aller acheter des... Est-ce que vous avez quelque chose à dire sur cette limite de 8 %?

M. Nolet (Jean) : Bien, je pense que vous avez raison. Je pense que c'était l'objectif initial avec la limite à 8 %. Ce qu'on constate sur le marché, c'est que la quantité de crédits compensatoires disponible est très loin du maximum de 8 % qui serait alloué aux entreprises, en supposant que toutes les entreprises se prévalent de cette opportunité-là. Donc, s'il y avait une ouverture pour les entreprises qui désirent aller au-delà du 8 %, ce serait sans doute une souplesse qui serait appréciée de certains joueurs dans le marché. Puis probablement que ça n'aurait pas d'impact réel, en bout de ligne, sur cette volonté-là du gouvernement de faire en sorte qu'il y ait une grande partie des réductions qui ait lieu à l'interne des entreprises.

M. Lemay : Alors, merci, M. Nolet, c'est intéressant. Donc, j'imagine, ça pourra faire partie des recommandations au ministre pour avoir une souplesse au niveau de la limite des crédits compensatoires.

M. le Président?

Le Président (M. Reid) : Il reste 40 secondes.

M. Lemay : 40 secondes. 40 secondes. Vous avez parlé, là, dans votre initiative à favoriser le bâti, de recours aux énergies renouvelables, dont la géothermie. Il vous reste 20 secondes. Vous pensez qu'au Québec, là, c'est prêt pour quand? 2015, 2020, 2025? On est-u prêts maintenant? On a-tu beaucoup d'innovation à faire?

M. Nolet (Jean) : Bien, il y a des choses qui peuvent être faites maintenant, ça, c'est clair, qui... Le 40 secondes me gèle un peu.

Le Président (M. Reid) : ...

M. Nolet (Jean) : Pardon?

Le Président (M. Reid) : Il reste du temps pour un cri du coeur seulement.

M. Lemay : On en rediscutera.

M. Nolet (Jean) : On en rediscutera.

Le Président (M. Reid) : O.K. D'accord. Alors, nous passons maintenant au bloc réservé aux députés indépendants. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Nolet.

M. Nolet (Jean) : Bonjour.

Mme Massé : Moi, j'ai trois minutes, alors on va aller droit au but. J'entends, vous êtes d'accord avec la cible qui est proposée là. Vous êtes un spécialiste des droits d'émission, et tout ça. Alors, j'aimerais vous lire un petit extrait du document pour que vous preniez le temps qui reste pour essayer de me l'expliquer. Or, ça dit :

«À cet égard, il convient de noter que plus la cible de réduction choisie sera ambitieuse, moins élevés seront les revenus générés par le marché du carbone en raison de la baisse des plafonds d'émission de GES et, par conséquent, des droits d'émission disponibles pour [la vente] aux enchères tenues par le gouvernement.»

Je n'arrive pas à saisir le rapport entre les deux et voire même les trois.

M. Nolet (Jean) : Bien, en trois... en deux minutes...

Mme Massé : Faites votre possible.

Une voix : ...

M. Nolet (Jean) : En fait, à la base, il faut comprendre que la logique gouvernementale, c'est de dire aux entreprises : Vous pouvez émettre autant de gaz à effet de serre que vous voulez, tant et aussi longtemps que vous avez un droit d'émission pour couvrir cette émission-là.

Le gouvernement crée les droits d'émission et choisit ensuite la façon dont il distribue ce droit d'émission là aux entreprises. Alors, il attribue une partie de ces droits d'émission là aux entreprises gratuitement, les entreprises qui sont en compétition avec l'étranger, de sorte que ce qu'il lui reste à vendre aux enchères ensuite, c'est le restant.

Alors, si on réduit notre objectif... Autrement dit, si on augmente notre objectif, ce qu'on va se trouver à faire, c'est à réduire la quantité de droits d'émission qu'on rend disponible dans l'économie. On va continuer, si le système de plafonnement et d'échange ne change pas, à donner autant de droits d'émission aux entreprises gratuitement, et l'écart qui va rester et qui pourra être vendu aux enchères va être réduit du fait qu'on a réduit nous-mêmes la quantité de droits d'émission disponible dans l'économie.

Mme Massé : C'est ce que j'avais cru comprendre. Merci.

M. Nolet (Jean) : Bon.

Le Président (M. Reid) : Merci pour votre contribution à nos travaux.

Alors, je lève la séance pour quelques instants pour permettre à notre prochain groupe d'invités de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 29)

(Reprise à 16 h 32)

Le Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos prochains invités. Il s'agit des représentants de Gaz Métro.

M. le député de Mégantic, s'il vous plaît! M. le député de Mégantic!

Des voix : ...

Le Président (M. Reid) : Alors, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos invités de Gaz Métro. Vous connaissez la dynamique : 10 minutes pour faire votre présentation. Ensuite, nous aurons une période d'échange.

Je vous demanderais de vous nommer et nommer la personne qui vous accompagne, pour les fins de l'enregistrement. À vous la parole.

Gaz Métro

Mme Trudeau (Stéphanie) : Clairement. Merci, M. le Président. M. le ministre, membres de la commission, je vous remercie de nous accueillir. Je suis Stéphanie Trudeau. Je suis vice-présidente, Stratégie, communication et développement durable chez Gaz Métro. J'ai le plaisir, aujourd'hui, d'être en compagnie de Vincent Pouliot, chef de service, Marché du carbone et efficacité énergétique chez Gaz Métro. Donc, merci de nous accueillir pour entendre notre point de vue quant à la cible, bien sûr, de réduction mais aussi et même, je dirais, surtout quant aux moyens que l'on privilégie pour les atteindre.

Je précise aussi que je fais partie du comité consultatif sur les changements climatiques, du ministre Heurtel. Je suis aussi membre du comité consultatif de l'alliance Switch qui, je crois, vous savez, regroupe tant des gens d'affaires que les groupes environnementaux. Nous nous sommes engagés ensemble à faire une économie plus verte. Je pense que ça vous dit déjà un peu à quelle enseigne loge Gaz Métro, soit à celle de la collaboration.

Pour nous, gaz naturel, pétrole, électricité, énergie renouvelable ne sont pas des adversaires au même titre que gouvernement, groupes environnementaux et entreprises ne le sont pas non plus. Si nous voulons avancer, on croit sincèrement qu'on doit rompre les antagonismes et travailler ensemble. C'est donc avec beaucoup d'intérêt, vous vous douterez, que nous avons pris connaissance du document de consultation. D'emblée, nous reconnaissons la volonté du gouvernement du Québec de fixer une cible de réduction de GES — très ambitieuse — se situant entre 35 % et 40 % par rapport au niveau de 1990.

Plusieurs organismes internationaux s'entendent pour dire que, pour lutter contre les changements climatiques, il y a trois choses importantes : un, réduire de façon significative la consommation d'énergie, donc redoubler d'efforts en matière d'efficacité énergétique, quelque soit la source d'énergie consommée. Ensuite, intégrer un maximum d'énergie renouvelable et puis utiliser des énergies plus propres, dont le gaz naturel, en lieu et place du charbon et des produits pétroliers.

Et c'est exactement ce sur quoi on mise chez Gaz Métro. Donc, pour arriver à consommer mieux puis à réduire nos émissions, il faut collaborer parce qu'une chose est claire : selon nous, la solution unique et la solution parfaite n'existent malheureusement pas. Et, soyons francs, que ça soit à titre de citoyen ou d'entreprise, on fait tous partie du problème, et donc la beauté de la chose, c'est qu'on fait aussi tous partie de la solution. C'est donc dans cet esprit de collaboration et de responsabilité partagée que j'aurai le plaisir, avec Sophie Brochu et d'autres partenaires du Québec, de participer à la COP21, la Conférence de Paris sur le climat, en décembre prochain. J'espère sincèrement qu'à cette occasion on va pouvoir parler d'une voix cohérente et se rallier définitivement au camp de ceux qui font la lutte aux changements climatiques.

Vous me permettrez maintenant de dire quelques mots sur Gaz Métro parce que, des fois, on pense que les gens nous connaissent bien, ce n'est pas toujours le cas. Vous devez savoir qu'on est le principal distributeur gazier au Québec, qu'on exploite un réseau de quelque 10 000 kilomètres pour desservir environ 200 000 clients situés dans 300 municipalités. On développe le potentiel de gaz naturel comprimé et liquéfié pouvant être utilisé comme carburant ou être acheminé vers des sites plus éloignés. On travaille aussi à la valorisation du biométhane. On contribue donc à transformer des rebus en gaz naturel renouvelable — je crois que vous en avez déjà parlé aujourd'hui — et nous sommes copropriétaires du plus grand parc éolien du Québec juste ici, à l'est de Québec, avec Boralex, soit les Parcs éoliens de la Seigneurie de Beaupré.

Chose un peu moins connue — peut-être que, là, vous allez en prendre connaissance avec notre nouvelle campagne corporative — mais Gaz Métro est aussi présente au Vermont. En fait, on a maintenant plus de clients américains que québécois. On a 350 000 clients à qui on distribue 100 % du gaz naturel consommé au Vermont et 70 % de l'électricité. On produit une large part de l'électricité qu'on distribue là-bas, notamment de sources hydraulique, solaire, éolienne et, vous le verrez, j'imagine, peut-être, de Cow Power, donc qui vient des fermes laitières du Vermont.

Donc, je pense qu'on est à même de prouver que Gaz Métro a évolué. De son métier de distributeur gazier, on est devenu, je pense humblement, une entreprise énergétique diversifiée et novatrice. On est d'ailleurs le premier distributeur d'énergie au Québec, avant Hydro-Québec, à s'être doté d'un plan global en efficacité énergétique. C'était en 2001, et, depuis, nous sommes très fiers, sous la gouverne de Vincent avec ses équipes, on a réussi à faire, avec nos clients, 107 000 projets d'efficacité énergétique — je vous rappelle qu'on n'a pas 200 000 clients — et ça leur a permis de faire des économies annuelles récurrentes de 100 millions de dollars et de contribuer à des réductions cumulatives de plus de 722 000 tonnes de GES évités.

Quand on se fait aujourd'hui les promoteurs de la collaboration et de la fin de l'antagonisme, c'est que nous avons fait de cette main tendue carrément le principe premier de notre développement. Cet esprit de collaboration doit maintenant s'étendre afin de nous rapprocher de nos objectifs communs de réduction de GES. Clairement, pour nous, le gaz naturel est un allier de choix pour le Québec et une solution disponible dès maintenant pour aider le Québec à faire figure de leader dans la scène internationale, notamment dans le domaine du transport lourd, maritime et des industries.

Je dois dire malheureusement que je trouve que cette réalité ne ressort pas tout à fait très bien du document de consultation du gouvernement dans lequel on parle presque exclusivement d'électrification — pardon, le 10 minutes m'amène à parler vite — sachant que, du côté du transport, un seul camion lourd converti au gaz naturel peut réduire l'équivalent en GES de neuf voitures à essence qui passeraient à l'électricité; un pour neuf. Et, pour le secteur industriel, il faut se rappeler qu'il y a des procédés qui ne peuvent carrément juste pas être faits à partir de l'électricité en raison de besoins techniques de haute chauffe, donc de flamme, qui peuvent actuellement n'être comblés que par des combustibles.

Le gaz naturel, bien sûr, c'est un hydrocarbure, mais c'est celui qui pollue le moins et qui émet le moins de GES. On enraie la quasi-totalité des polluants et des particules fines responsables du smog, et, ça tombe bien, son prix est extrêmement concurrentiel depuis quelques années.

Le gaz naturel représente donc un atout majeur sur lequel le gouvernement du Québec a misé en prenant une participation il y a un an jour pour jour, le 30 septembre 2014, via Investissement Québec dans l'accroissement des capacités de l'usine de liquéfaction de Gaz Métro située dans l'est de Montréal.

Conformément aux engagements du gouvernement dans le budget 2014‑2015, ça nous permettra donc, dès 2016, d'acheminer du gaz naturel au Nord-du-Québec et sur la Côte-Nord.

Le passage au gaz naturel des entreprises industrielles qui utilisent encore du mazout est une solution économique et écologique.

Pardon, je me suis trompée. J'ai perdu un peu le fil, vous me pardonnerez.

Bon. Par ailleurs, même en considérant la chute des prix du pétrole, le gaz naturel demeure la source d'énergie la plus abordable comparativement à toutes les formes d'énergie.

J'ai évoqué, il y a quelques instants, le gaz naturel liquéfié et le gaz naturel comprimé. Ils permettent de faire des gains dans le domaine du transport, principale source de gaz à effet de serre au Québec. Au Québec, les véhicules lourds, peut-être que vous ne le savez pas, ça représente seulement 4 % des véhicules, mais ils émettent plus du tiers de tous les GES. Or, lorsqu'un camion passe du diesel au gaz naturel, les GES diminuent de 25 %. C'est comme carrément si on enlevait un camion lourd sur quatre sur nos routes.

On peut faire les mêmes avancées dans le domaine du transport. Vous n'êtes pas sans savoir que la STQ a pris livraison du premier traversier à gaz naturel en Amérique du Nord et deux autres sont à venir. Donc, en plus des gains économiques et écologiques, il faut compter aussi sur une plus grande sécurité en cas d'un accident, ce qu'on ne souhaite jamais, mais le gaz naturel liquéfié, ne créant pas de nappe, ne crée aucun dommage ni à la faune ni à la flore, qu'elle soit marine ou côtière.

Le gaz naturel liquéfié peut être transporté vers des régions éloignées et des sites isolés comme des mines. D'ailleurs, on le fera très bientôt à la mine de diamants Stornoway, au nord de Chibougamau. Qui l'aurait cru? C'est à 300 kilomètres, mais, si on peut y livrer du diesel, on peut y livrer du gaz naturel, il n'y a pas de raison. C'est ce qui signifie que c'est une solution pour les communautés autochtones aussi, au Nord, dont l'énergie électrique provient de génératrices au diesel. Et il n'y a plus de raison, à nos yeux, de fabriquer de l'électricité à partir de diesel au Québec.

 • (16 h 40) •

Donc, dans notre marche commune vers le développement durable, le gaz naturel présente des avantages indéniables. Il fait partie de la solution. Ce n'est pas la seule solution, et ça, c'est clair, mais il est le moins émissif des hydrocarbures. C'est la forme d'énergie la moins dispendieuse, il est abondant, ce qui implique une stabilité sur le plan tant des approvisionnements que du prix.

Le Québec s'est donné pour objectif de réduire ses GES de 20 % d'ici 2020. Il s'est aussi engagé, plus tôt cet été, à réduire au minimum de 80 % ses émissions à l'horizon 2050 et nous consulte, aujourd'hui, en privilégiant une cible de réduction de 37,5 % pour 2030. Comme nous le savons tous, il en a été question, le Québec est partie prenante d'un marché du carbone avec la Californie. Bonne nouvelle, l'Ontario sera bientôt parmi nous. Au Canada, l'Alberta et la Colombie-Britannique sont aussi engagées dans des démarches consistant à mettre un prix sur le carbone par un mécanisme ou par un autre. C'est donc un mouvement clair qui est lancé. À nous de montrer l'exemple et de tout mettre en oeuvre pour appuyer nos entreprises et nos citoyens afin que nous puissions donner toutes les chances d'atteindre ou de se rapprocher de nos ambitieuses cibles.

La roue de la lutte aux changements climatiques a clairement commencé à tourner et elle s'accélérera. On paie déjà le prix des changements climatiques : l'érosion des berges, inondations, sécheresses, fonte du pergélisol en plus d'événements de météo extrême. C'est une réalité qu'on ne peut nier. On a donc le devoir de faire mieux, de faire différemment, de le faire ensemble. Nous sommes ainsi la première génération à subir les impacts des changements climatiques et on est peut-être la dernière qui peut y remédier. Il faut donc se préparer à faire plus.

Les cibles envisagées par le gouvernement sont extrêmement ambitieuses mais sont en ligne avec les recommandations du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le fameux GIEC, et aussi avec les cibles fixées par une multitude de pays européens et d'États américains.

Chez Gaz Métro, on travaille déjà à préparer la suite. On est favorables à la lutte aux changements climatiques, on appuie le gouvernement du Québec dans sa démarche de fixer des cibles ambitieuses à l'horizon 2030, à condition que nous nous donnions dès maintenant tous les moyens pour tenter de les atteindre, que nous visions une évolution immédiate et non une révolution utopique. Comme leader de l'industrie, notre choix est de le reconnaître et de travailler ensemble ou de se braquer. Clairement, chez Gaz Métro, on a fait le choix de collaborer et de passer à l'action. Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, merci pour votre présentation. Nous allons passer maintenant à la période d'échange. M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Trudeau, M. Pouliot. Merci beaucoup pour votre présentation. Puis j'en profite pour vous remercier, Mme Trudeau, pour votre travail au sein du Comité-conseil sur les changements climatiques, travail très important qui se poursuit, mais votre contribution a été très appréciée. Merci beaucoup.

Pour ce qui est... Bon, vous avez fait état de certains projets, de la participation du gouvernement du Québec, de la volonté du gouvernement du Québec de développer le gaz naturel, le réseau ainsi que la filière du gaz naturel liquéfié. Et on voit tout à fait d'un bon oeil le gaz naturel comme un carburant et un combustible de transition essentiel pour nous permettre d'atteindre nos cibles.

Là, l'enjeu... Puis j'aimerais ça vous entendre davantage, avec peut-être des solutions plus concrètes. Dans certains cas, genre d'obstacles... puis, bon, on essaie d'y remédier, mais, bon, c'est les limites du réseau de distribution, il ne se rend pas partout. Alors, j'aimerais vous entendre sur comment on peut remédier à cette situation-là parce que, par exemple, quand je pense aux communautés nordiques, quand je pense à des communautés comme les Îles-de-la-Madeleine, ou des projets industriels majeurs qui utilisent des combustibles plus nocifs... Quel genre d'éléments de solution voyez-vous, là? Là, on parle pour les 15 prochaines années. Qu'est-ce qu'on peut entrevoir concrètement pour faire en sorte que, peut-être, le gaz naturel, sa forme en gaz ou en liquéfié, soit un élément de solution?

Mme Trudeau (Stéphanie) : Premièrement, il faut savoir qu'à l'échelle mondiale la question se pose aussi. Le réseau gazier n'est pas nécessairement partout. Je pense que c'est à l'horizon... je pourrais vérifier, mais, je pense, 2035, l'utilisation du gaz naturel sous sa forme liquéfiée va dépasser son utilisation traditionnelle qu'on connaît par réseau à travers le monde. Donc, clairement, là où il y a une rentabilité envisageable, le gazoduc est toujours favorisé parce que le coût est moindre pour le client.

Par contre, la réalité — on l'a vu avec la Côte-Nord — des fois, le gazoduc n'est pas une option à privilégier pour les volumes qui sont au bout. À ce moment-là, si on est à proximité... bien, en fait, à proximité, pas si loin, on peut le compresser. Donc, à ce moment-là, on peut quand même entrer un volume plus intéressant dans le camion, mais ça, c'est pour peut-être une grosse PME. C'est des choses qu'on regarde à faire présentement.

Ensuite, si on parle de gros volumes, si on parle de Stornoway, si on parle de volumes miniers, etc., de transformation, à ce moment-là, c'est le gaz naturel liquéfié. Le seul hic, c'est qu'il est plus cher parce qu'il y a eu une action qui est celle de le liquéfier, mais, techniquement, c'est extrêmement simple. Ça fait déjà quatre ans qu'on en distribue. Nous, on en vend présentement aux États-Unis. Tous les jours, on a des camions qui partent vers les États-Unis. On en a qui partent maintenant vers Matane. Donc, ce n'est absolument pas sorcier. On a déjà les citernes. Technologiquement, il n'y a aucun problème, ça se fait partout à travers le monde. On peut ensuite le caboter, on peut le transporter par navire, on le voit en Australie.

Donc, moi, je pense que, techniquement, il n'y a aucun enjeu, il n'y a aucune raison pour laquelle on n'enverrait pas du gaz naturel — exemple, au Nord — et faire du couplage avec l'éolien parce que le gaz naturel n'est pas la seule... Ce qui se fait à Raglan avec l'éolien est exceptionnel. On a travaillé là-dessus un peu avec TUGLIQ. Alors, il y a ça. Il y a une très belle initiative du gouvernement. L'enveloppe de 38 millions, c'était un superbeau départ. Maintenant, on a fait Bellechasse, je pense qu'il y en a d'autres qu'on peut faire.

Donc, on peut l'atteindre soit par réseau gazier compressé ou, si les volumes sont vraiment importants, du GNL, que ça soit acheminé de façon routière ou maritime, mais, clairement, il n'y a pas de raison technique et même économique, même si le baril du pétrole a baissé, d'utiliser du charbon ou du pétrole au Québec.

M. Heurtel : D'accord. Maintenant, sur la question des véhicules, la conversion véhicule. Alors, il y a déjà... Puis je sais que vous travaillez très activement, puis il y a des exemples, là, notamment avec Transport Robert, et puis, bon, la conversion de flottes de camions. Qu'est-ce qui est le frein ou qu'est-ce qui doit être fait pour faire davantage, là, en termes de conversion de flottes de véhicules?

Mme Trudeau (Stéphanie) : Je vais commencer par peut-être ce qui est moins connu, le gaz naturel compressé, qui est celui qui a le plus de véhicules présentement. On a des entreprises comme Gaudreau, que vous connaissez sûrement, qui est dans la gestion des matières résiduelles, EBI, Waste Management. Il y a C.A.T., une entreprise qui a maintenant 100 camions à GNC. Il y a des entreprises de courrier qui sont à GNC — gaz naturel compressé. À ce moment-là, là où on a un obstacle, mais on y travaille, c'est à créer des infrastructures parce que, c'est comme n'importe quoi, il faut qu'il y ait des infrastructures pour se ravitailler. Quand on regarde en Europe, il y a 3 000 quelques stations de GNC, mais on y arrive.

Alors, ce qu'il faut continuer à faire, c'est continuer la subvention à l'achat de camion parce que, malheureusement, avec le taux de change, il y a encore un surcoût entre un camion à gaz naturel et un camion à diesel, et, avec le taux de change, ce surcoût-là est encore plus important. Avec la baisse du coût du baril de pétrole, malheureusement, l'incitatif pour avoir un carburant au gaz naturel est un peu moins intéressant par le camionneur. Donc, c'est superimportant qu'on continue le programme Écocamionnage, qu'on continue les mesures en écofiscalité. Pour l'amortissement accéléré, les entreprises de camionnage disent que c'est très important parce qu'ils continuent à compétitionner avec toutes les entreprises de camionnage autour.

Pour ce qui est du GNL, il y a un petit ralentissement pour une question de moteur qui reste à être développé parce qu'au Québec nos camions transportent un petit peu plus lourd qu'ailleurs. Donc, ça prend un moteur un peu plus puissant, mais on travaille là-dessus. Donc, la même chose dans le domaine maritime. Mais ce qui est important, c'est que les programmes soient là, soient accessibles, qu'il y ait des programmes qui ne sont, pour des bonnes ou des mauvaises raisons, pas accessibles pendant un certain nombre de mois... Et puis, quand on parle de camions, l'entreprise qui a son camion, il est dû, il doit l'acheter maintenant. Si le programme n'est pas disponible, la fenêtre, c'est dans huit ans ou 10 ans parce qu'il change, lui, ses camions aux huit à 10 ans. Donc, c'est important, vraiment, que les gens puissent acquérir les camions dès maintenant.

M. Heurtel : Ça veut dire... Excusez-moi, mais ça veut dire quoi, quand vous dites : Si le programme n'est pas accessible?

Mme Trudeau (Stéphanie) : Bien, il y a eu des moments où il y a eu soit des quotas qui étaient atteints, des moteurs qui n'étaient pas listés, des petits problèmes techniques comme ça avec des programmes comme ça. Et puis là il y a aussi une autre chose qui est importante pour tout type d'entreprise, pas juste dans le camionnage, c'est la pérennité des mesures. Là, il est discuté que, sur le plan de la mesure fiscale et non, donc, pas du Fonds vert, du côté des finances, je pense qu'il y a un requestionnement sur la mesure d'amortissement accéléré pour l'achat de camions à carburant plus vert. Et ça, ça insécurise le marché. Ils ont besoin de savoir que les règles vont rester telles qu'elles sont pendant un certain temps. Ça, c'est très, très important, la stabilité aussi.

M. Heurtel : Merci.

Mme Trudeau (Stéphanie) : Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Moi, j'aurais un point de vue intéressant. Ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que le gaz naturel va se rendre à 2020, peut-être jusqu'à l'horizon de 2030, dans les conditions actuelles parce qu'on parle de 20 % à 30 % d'économie, dépendant de l'application. Maintenant, vous allez devoir travailler sur des solutions alternatives pour pouvoir aller plus loin, en termes d'économie de gaz à effet de serre, avec le gaz naturel.

Je vais vous en donner une pour le fun, je veux juste vous entendre là-dessus. Par exemple, si vous prenez votre gaz naturel, vous le transformez en hydrogène pour aller dans les véhicules à hydrogène, vous pouvez aller à 60 %. Est-ce que ces types de technologie là ou des développements technologiques de cet ordre-là sont dans votre compas?

• (16 h 50) •

Mme Trudeau (Stéphanie) : Ce n'est pas des choses qui sont matures, mais c'est des choses que l'on regarde. Exemple, un jour, on aimerait bien ajouter de l'hydrogène dans notre réseau gazier. Donc, c'est des choses qui sont regardées. Mais, comme j'ai dit si souvent, je ne veux pas avoir l'air de me répéter, mais on devrait commencer par ce qui est disponible. Et puis ça va être évolutif. Il faut que la roue se mette à tourner. Et ensuite ça va s'améliorer, mais il faut commencer en quelque part.

Moi, j'ai commencé chez Gaz Métro en 2001, puis on disait que les voitures à hydrogène, ça s'en venait. Malheureusement, ce n'est pas encore arrivé. Est-ce que ça veut dire que ça n'arrivera pas? Non, ce n'est pas ce que je dis. Mais là, maintenant, c'est disponible maintenant. Donc, utilisons les technologies qu'on a et continuons à travailler. Nous, on n'a pas une grosse équipe de recherche et développement, mais, oui, on suit, on fait de la veille, on a un petit incubateur pour regarder ce genre de choses.

M. Bolduc : Est-ce qu'il y a des applications — comment je dirais ça, donc — où l'efficacité est très, très, très élevée? Je sais qu'aujourd'hui on a des fournaises, par exemple, où on n'a pratiquement plus besoin de cheminée parce qu'il n'y a plus de résiduel... l'énergie qui est évacuée. Où vous en êtes, dans ces utilisations-là, en termes d'efficacité? Puis est-ce qu'il y a encore de l'espace pour l'amélioration?

Mme Trudeau (Stéphanie) : Je vais laisser Vincent, comme c'est son sujet de prédilection.

M. Pouliot (Vincent) : Bonjour, M. le Président. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, membres de la commission. Effectivement, depuis maintenant 15 ans, Gaz Métro suit le marché de l'efficacité énergétique, est très impliqué, a une vingtaine de programmes d'efficacité énergétique pour le marché résidentiel, affaires, la grande entreprise. Aujourd'hui, il existe des applications, ce qu'on appelle les applications d'appareils à condensation, qui permettent d'atteindre au-delà de 95 % d'efficacité énergétique. Donc, on est maintenant rendus là. Il y a des programmes accessibles, il y a de la technologie qui est accessible, maintenant au niveau des appareils de chauffage de l'air et de l'eau, avec des pourcentages d'efficacité qui dépassent facilement les 90 % et 95 %.

Mme Trudeau (Stéphanie) : Puis d'ailleurs, si vous me permettez, c'est clairement là qu'il y a le plus à faire, hein? Je l'ai dit tout à l'heure, j'ai eu la chance d'écouter Philippe Benoît, qui est de l'Agence internationale de l'énergie, au Conference Board la semaine dernière, puis, selon lui, au niveau mondial, 30 % des réductions de GES vont venir de l'efficacité énergétique. Ce n'est pas marginal. Vous avez raison qu'il y a une large part de la solution qui va venir de là.

M. Bolduc : Est-ce qu'on a encore du temps?

Le Président (M. Reid) : Oui, M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : O.K. Tu avais une question, vas-y.

M. Simard : M. le Président, d'accord?

Le Président (M. Reid) : M. le député de Dubuc. Bon, on va savoir enfin c'est qui.

M. Simard : J'ai une question qui est... Tout à l'heure, je vous écoutais, vous dites que, malgré le marché du carbone, malgré les programmes, ce n'est pas avantageux, au moment où on se parle, pour une compagnie de transport de faire le changement du mazout... bien, du mazout, du diesel vers le gaz naturel. C'est ce que vous dites.

Mme Trudeau (Stéphanie) : Bien, ce l'est, mais ça pourrait l'être plus. Ça s'améliore. C'est comme le véhicule électrique, hein? Au début, il était très cher; maintenant, il y en a des beaucoup plus abordables. Il y a un surcoût, pour un camion à gaz naturel comprimé, d'environ 40 000 $ comparé à un camion équivalent. Pour un camion à GNL, ça peut aller jusqu'à 60 000 $, 70 000 $ de plus. Donc, c'est sûr que, quand le prix du baril était plus élevé, comme le prix du combustible, du gaz naturel, était plus bas — il l'est toujours, mais la marge s'est considérablement réduite — la rentabilité pour le transporteur... Comme son camion, il le garde juste huit ans, on ne regarde pas sur des horizons de 30, 40 ans comme un bâtiment ou autre. Donc, je vous dirais qu'avec cette marge-là, qui s'est rétrécie sur le prix du combustible, comme il y a un surcoût pour le camion, si on ne l'aide pas au départ, c'est un petit peu difficile. C'est moins évident avec les prix actuels du baril, je vous dirais, là. Ça prend plus d'incitatifs.

M. Simard : Par camion — je ne sais pas si j'ai encore du temps, mais rapidement — comment vous... Avec le marché du carbone, combien un propriétaire d'entreprise peut sauver par camion en diminuant le gaz à effet de serre? C'est-à-dire le carbone qui diminue par rapport à sa consommation, combien il peut sauver par rapport aux 60 000 $ ou aux 40 000 $ supplémentaires qu'il doit payer? Avez-vous une idée?

Mme Trudeau (Stéphanie) : Je ne peux pas vous faire le calcul comme ça, rapidement, mais, assurément, donc, il doit payer... s'il émet 25 % moins, il doit payer, grosso modo, 25 % moins de système de plafonnement et d'échange, mais je ne voudrais pas... Je pourrais vous revenir avec le calcul. Mais, à 15 $, 16 $ la tonne, il y a un incitatif, mais ce n'est pas comme si c'était plus élevé, là. Ce n'est pas ça, je pense, qui va devenir la grosse différence. Mais nos camionneurs, au Québec, veulent être compétitifs sur le plan économique, mais ils veulent être verts, aussi. Ça fait que, si on leur présente une solution qui est rentable, relativement un bon retour sur investissement, disons, un an, deux ans, trois ans sur un camion de huit ans, bien, je suis sûre qu'ils vont embarquer.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous passons maintenant à l'opposition officielle avec M. le député de Terrebonne.

M. Traversy : Merci, M. le Président. Mme Trudeau, M. Pouliot, très belle présentation. Je voudrais juste vous redemander une information qui vient d'être lancée par le député de Dubuc. Vous nous avez dit que la différence de coût, là, pour la transition d'un camion de diesel à celui de biogaz, c'était autour de 40 000 $ à 60 000 $? Je voulais juste...

Mme Trudeau (Stéphanie) : Oui, environ 40 000 $ pour un camion à gaz naturel compressé, ça, ça serait, exemple, pour une benne à ordures, puis allant jusqu'à peut-être 65 000 $ pour un camion, comme un 53-pieds, là, de transport lourd, grosso modo. C'est un ordre de grandeur.

M. Traversy : Donc, il y a encore...

Mme Trudeau (Stéphanie) : Mais c'est comme toute technologie : plus il y aura une demande, plus ils en fabriqueront, plus le prix... Le surcoût a déjà baissé. Pour le GNL, il y a trois ans, c'était 80 000 $. Donc, on voit qu'on est dans la bonne voie, là.

M. Traversy : Tout à fait. Puis vous avez fait le parallèle avec les voitures électriques qu'on voit également, là, devenir de plus en plus accessibles. Donc, le principe peut s'appliquer à vous également. Et je vous comprends aussi de prêcher pour votre paroisse parce qu'il est vrai qu'on parle beaucoup des voitures électriques, mais il y a aussi une alternative intéressante, là, dans le cadre de ce que vous nous proposez. En termes d'infrastructures disponibles, là, pour ce genre de véhicules, ça représente quoi, au Québec, là, dans un portrait plus global?

Mme Trudeau (Stéphanie) : Il y a quelques stations de compression publiques, notamment celles qui appartiennent à EBI. La bonne nouvelle, en plus, c'est que ces stations-là sont un mélange de gaz naturel et de gaz naturel renouvelable parce que ça vient aussi de leur site d'enfouissement. Donc, il y a du biométhane d'intégré. C'est très intéressant. Nous, on a des stations publiques; quelques-unes. Pour l'instant, il y a beaucoup de stations privées. Exemple, un transporteur qui a 100 camions, ça vaut la peine qu'il ait une station de compression chez lui. Quand c'est du gaz naturel compressé, ce n'est pas très cher. C'est juste d'installer une petite station dans la cour et, à ce moment... On en a une, chez Gaz Métro, pour nos camions. Donc, à ce moment-là, il y a plus de stations privées que publiques, mais le dilemme des infrastructures est moins important, surtout en termes de gaz naturel compressé. Si le marché démarre, l'investissement va suivre, les entreprises publiques vont le faire... privées, pardon, vont le faire, les stations vont ouvrir. Dans le cadre du GNL, c'est un petit peu plus difficile parce qu'il y a moins de camions à GNL, mais, lentement mais sûrement, ça se développe.

M. Traversy : Juste pour un petit informatif. Donc, on a rencontré différents regroupements de voitures électriques. On a, évidemment, là, bon, été sensibilisés au fait qu'on voulait qu'il y ait davantage de voitures électriques pour le gouvernement du Québec. Peut-être même, un jour, les voitures de fonction ministérielles seront-elles 100 % électriques. La technologie avance, elle l'est peut-être déjà. Et je ne sais pas si vous avez une Tesla, M. le ministre. Non, même pas? Donc, on a déjà quelque chose ici, la Ford Fusion. La commandite est faite. Alors, là-dessus...

Donc, est-ce qu'on a des véhicules, au niveau de... Combien de véhicules au biogaz on a au niveau du gouvernement du Québec ou de... Est-ce qu'on a quand même une flotte intéressante ou c'est simplement dans le privé que ça se retrouve?

Mme Trudeau (Stéphanie) : Bien, pour l'instant, ça s'est amorcé avec le privé. Je suis convaincue que le gouvernement suivra. Présentement, par contre, il y a un premier parc municipal, avec la ville de Saint-Hyacinthe, qui s'est converti à gaz naturel. Donc, il y aura un mélange de gaz naturel et de biométhane. Donc, je pense qu'au niveau municipal aussi on va voir de plus en plus de parcs de véhicules à gaz naturel apparaître.

Je vous dirais que, si on dit qu'il y a environ — puis on peut me corriger ici — quelque 6 000 véhicules personnels rechargeables électriques sur nos routes en peut-être comme 10 ans d'existence, en trois ans, on est rendus à plus de 500 camions. Donc, si on regarde le prorata, quand je vous dis que ça représente juste 4 %, c'est sûr que c'est naissant, mais, clairement, c'est en croissance. C'est à coups de 25, 50, 100 camions que les transporteurs les achètent.

M. Traversy : Excellent! Merci pour ces quelques données.

Vous avez terminé votre présentation, tout à l'heure, avec des termes quand même assez forts. Vous avez dit que vous étiez, évidemment, très collaborateurs avec la démarche mais que... bon, à condition de mettre tous les moyens dans la balance et d'avoir des effets immédiats. Vous avez peur de sombrer dans l'utopisme. Bref, je voulais que vous puissiez nous éclaircir un peu sur ces termes bien choisis de votre part et évidemment nous aiguillonner, là, pour ce que vous jugez être le mieux pour la suite.

Mme Trudeau (Stéphanie) : Bien, pour la suite, chez Gaz Métro, on a fait le calcul qu'on pense humblement pouvoir réaliser une dizaine de pourcentages, juste à nous, de l'objectif de 37,5 %, donc, en injectant un minimum de biométhane dans notre réseau, en substituant, par exemple, 20 % des camions lourds en les faisant passer du diesel au gaz naturel, en continuant nos efforts en efficacité énergétique — on est la seule filière qui a atteint les objectifs fixés par le gouvernement, 85 % des argents qu'on a dans nos programmes vont aux clients, ce qui est vraiment bon comparativement à ce qui se fait ailleurs au Canada et dans le monde — et en continuant à convertir les industries.

On pense que, par exemple, une des avenues, ça pourrait être de développer — qui pourrait être quelque chose de rassembleur — notre Plan Nord avec du GNL et du renouvelable seulement, donc d'avoir un développement futur qui est plus durable. On pense... Donc, comme je vous disais, gros, gros efforts en efficacité énergétique. Au niveau du transport électrifié, les véhicules légers, le gaz naturel dans le transport lourd, dans le transport maritime, augmenter la fréquentation du transport en commun, les inspections des véhicules, l'écofiscalité. On a des opinions sur beaucoup de choses.

Au niveau de l'industrie, comme je vous dis, il y a des places où on peut électrifier, il y a d'autres places où c'est techniquement impossible. Et donc il faudra aussi se pencher sur l'aménagement du territoire. Ce n'est pas quelque chose qui nous concerne particulièrement, mais je pense que c'est important de le faire.

Le Président (M. Reid) : Mme Trudeau, je vous arrête. Retenez votre souffle. Nous devons aller faire notre devoir de vote comme parlementaires et nous revenons aussitôt que c'est terminé. Ne vous éloignez pas parce qu'on a un horaire assez serré.

Mme Trudeau (Stéphanie) : Parfait.

(Suspension de la séance à 17 heures)

(Reprise à 17 h 21)

Le Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons reprendre nos travaux. Je vous rappelle que nous étions dans le bloc de l'opposition officielle, et le député de Terrebonne était en train de poser ses questions. Il lui restait deux minutes. Alors, M. le député de Terrebonne, à vous la parole.

M. Traversy : C'était pour mélanger le technicien au micro. Je vais rester ici.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, nous étions en train de discuter concernant l'acceptation, le volontarisme de Gaz Métro dans la stratégie gouvernementale qui est proposée, à condition, bien sûr, que tous les moyens soient mis en oeuvre pour y parvenir.

De ce que j'ai pu écrire rapidement, nous avions donc énuméré un certain nombre de points, donc, sur le développement, les véhicules, la conversion, et donc le biométhane, etc. Donc, il y a plein de suggestions qui nous ont été mentionnées. Je vais laisser terminer peut-être Mme Trudeau, s'il y avait un dernier mot à rajouter. Je sais que ça a fini de façon assez sèche ou, si vous étiez...

Mme Trudeau (Stéphanie) : On avait fait le tour. Je vous dirais juste peut-être simplement qu'il ne faut surtout pas dire : Est-ce qu'il faut faire a, b, c, d, e? Dans la majorité des cas, c'est toutes ces réponses. Et c'est juste ça qu'on voulait dire quand on dit : Il faut se mettre en action maintenant. Il y a plein de petits liens à faire, il n'y a pas de solution miracle.

M. Traversy : Parfait! Et je terminerai avec une question traditionnelle venant de l'opposition officielle et du Parti québécois, M. le Président. C'est sur la proposition de voter une loi sur les émissions zéro. Est-ce que Gaz Métro serait en accord avec cette initiative?

Mme Trudeau (Stéphanie) : Est-ce que vous parlez de la loi d'émission zéro pour les constructeurs de véhicules? Ou sinon, je vous demanderais juste de nous clarifier pour être sûre que je me...

M. Traversy : Oui. Bien, le... Oui, effectivement. Donc, la loi émission zéro, qui est le projet de loi n° 394, qui est un projet de loi qui vise justement à essayer, là, de faciliter, là, je pense, la diminution de gaz à effet de serre. Donc, je sais que ça a été dans les propositions d'Équiterre ce matin. C'est aussi une loi qui est envisagée par d'autres associations. Je voulais voir si vous étiez en accord avec ce principe de base.

Mme Trudeau (Stéphanie) : Pour ne pas l'avoir lue depuis un certain temps, je ne me prononcerai pas précisément là-dessus, mais c'est sûr que, tout ce qui encourage l'utilisation d'un véhicule à tout le moins rechargeable, on ne peut pas être contre ça. Là, maintenant, contre ce projet de loi spécifiquement, je ne le possède pas, alors je ne me prononcerai pas.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous passons maintenant au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Et, merci, Mme Trudeau, M. Pouliot, d'être avec nous aujourd'hui en commission. Vous savez, tout d'abord, je voulais juste préciser un point que le ministre a mentionné tantôt en mentionnant que ça serait peut-être une bonne idée d'utiliser le gaz naturel comme une transition, alors que, moi, ça m'a juste chatouillé.

Tu sais, dans mes impressions, le gaz naturel n'est pas une transition à une énergie alternative. Ça devrait être une énergie qui est là pour rester dans le sens qu'au niveau des procédés industriels il y a plusieurs procédés. Qu'on pense juste aux sources de chaleur, justement. On a besoin d'une énergie autre que l'énergie hydroélectrique, là. Donc, est-ce que vous voulez préciser, au niveau du terme, là, selon vous, là, le gaz naturel, c'est-u une énergie de transition ou c'est-u une énergie qui est là pour remplacer les énergies fossiles?

Mme Trudeau (Stéphanie) : Bien, c'en est une, énergie fossile, mais...

M. Lemay : Bien oui, mais, tu sais, pétrole...

Mme Trudeau (Stéphanie) : Mais oui, puis...

M. Lemay : Moins polluante.

Mme Trudeau (Stéphanie) : Je pense qu'on a tous des notions différentes de ce que peut être une transition. Une transition, dans certains cas... Par exemple, les produits pétroliers ont été une transition au charbon, puis on va avoir eu du pétrole pendant 50, 60, 80 ans. Donc, est-ce que, dans certains secteurs, la transition va être plus courte pour le gaz naturel puis qu'elle sera peut-être remplacée par, par exemple, de l'électricité? Peut-être. Dans certains, je pense que le mot «transition» peut durer 30 ans, 40 ans.

M. Lemay : Alors, merci de la précision. Vous avez mentionné, tout à l'heure, qu'effectivement une des choses qui seraient importantes c'est d'avoir, si on veut, du financement pour avoir des bornes de recharge de gaz naturel comprimé, d'aider davantage l'industrie du camion lourd pour être plus compétitifs pour justement convertir... Compte tenu que vous avez mentionné, tantôt, que c'était à peu près huit années, la durée de vie utile d'un camion lourd...

Moi, je regardais ce qui s'est fait en 2014, puis il y avait 22 millions qui étaient accordés pour les voitures, alors qu'il y avait juste 3,2 millions qui est allé pour les camions. Vous mentionniez, tout à l'heure, que les camions, ça représentait un tiers de tous les GES du secteur des transports. Mais, selon vous, dans le fond, ce que je comprends, c'est qu'on devrait bonifier l'offre sur... quoi, que ça soit la route bleue, que ça soit l'achat de nouveaux camions de gaz naturel comprimé.

Mme Trudeau (Stéphanie) : Je vais commencer puis je laisserai Vincent, si Vincent veut ajouter.

Essentiellement, je vous dirais que ce n'est pas Gaz Métro qui a besoin d'aide ou les gens qui veulent ouvrir des stations, c'est vraiment d'aider les utilisateurs. Les utilisateurs, c'est nos entreprises, et donc c'est vraiment les aider, comme je disais, avec le surcoût du camion, les aider avec l'amortissement du coût de ce camion-là. Et je crois qu'ensuite quand il y aura un nombre suffisant les infrastructures vont suivre. Donc, Gaz Métro ne demande pas d'argent au gouvernement pour ouvrir des stations de service. Puis, surtout dans le gaz naturel compressé, tout ça, il va y avoir une saine compétition. Puis il peut y avoir une concurrence. Il y a différents joueurs qui peuvent décider d'être dans ce marché-là. On ne veut pas se réserver quelque marché que ce soit.

Mais c'est sûr que, comme je disais, ça a tardé pour... Je ne dis pas que c'est des mauvaises raisons, mais, par exemple, au début, on pensait nous autres mêmes que le gaz naturel liquéfié serait, dans le transport lourd, ce qui débuterait le plus vite. Finalement, il y a eu un petit problème avec un moteur 15 litres, et finalement c'est le gaz naturel comprimé. Donc, ça prend un certain temps. C'est lourd, les processus gouvernementaux. Puis on comprend parce qu'ils veulent bien faire les choses, mais ça prend un certain temps avant d'ajouter, par exemple, le moteur à gaz naturel compressé.

Est-ce qu'on voudrait éventuellement ajouter ce qu'on appelle — excusez l'anglicisme — les kits de conversion, donc un camion actuel qu'on convertirait? Parce que, présentement, on s'adresse aux camions neufs. Donc, il y a plusieurs choses comme ça qu'on pourrait regarder pour accélérer l'entrée, sur nos routes, d'un maximum de camions à gaz naturel. Et puis voilà.

As-tu des choses à ajouter?

M. Pouliot (Vincent) : En fait, ce que je pourrais rajouter : il y a le gaz naturel de forme traditionnelle, que le monde connaît, mais il y a également le gaz naturel renouvelable. Donc, mettons, par exemple, la ville de Saint-Hyacinthe avec son projet de biométhanisation. Imaginez, si on avait plusieurs projets comme ça au Québec, on serait en mesure peut-être de remplacer ou de substituer peut-être de 5 % le gaz naturel disponible dans le réseau au Québec. Donc, on pourrait, à ce moment-là, alimenter non seulement nos maisons, nos résidences, nos bâtiments avec du gaz naturel renouvelable, mais également tout le secteur du transport, donc, avec des émissions totalement nulles dans ce cas-là.

Mme Trudeau (Stéphanie) : Bien, présentement, le biométhane qui est fait chez EBI, celui de Saint-Hyacinthe et celui de Rivière-du-Loup, du site régional, va être mis dans une station de service dans laquelle Gaz Métro va venir bonifier, pour s'assurer d'avoir des volumes stables, avec du gaz naturel liquéfié de notre usine de liquéfaction.

Donc, effectivement, présentement dans l'industrie naissante du biométhane, au Québec, il y a une large part qui va dans le transport, ce qui est une très bonne nouvelle. C'est une forme de biocarburant qui est très intéressante.

M. Lemay : Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous allons passer au bloc réservé aux députés indépendants. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : Merci, M. le Président. Bonjour! Heureuse de vous accueillir ici, à Québec, et peut-être d'aller vous rencontrer sous peu à Montréal.

Écoutez, quelques préoccupations, déjà, ont été soulevées. Heureuse d'entendre que, dans le fond, vous voyez comme nous que ça ne peut pas être une action unique, ça va venir de différentes sources. Et, dans ce sens-là, il faut travailler main dans la main, et je pense que ça tombe sous le sens.

C'est sûr que, pour nous, une des préoccupations par rapport à la question du gaz naturel, c'est toute la question de sa provenance. Avant qu'il arrive chez nous... Bon, bien sûr, le gaz conventionnel qu'on a historiquement... qui a donné un peu naissance à Gaz Métro, mais, de plus en plus, parce qu'il est moins loin, il est moins cher... Il y a aussi tous les gaz de schiste que... bien, on le sait parce qu'il y a des enjeux environnementaux, là, importants, ne sont pas nécessairement aidants.

Alors, si on le voit comme étant un combustible de transition, est-ce que, dans le fond, on peut imaginer qu'éventuellement on abandonne ce qui est le plus populaire... bien, le plus disponible actuellement, qui est le gaz de schiste, pour s'en aller quasi exclusivement vers la biométhanisation ou d'autres technologies qui viendront plus tard?

• (17 h 30) •

Mme Trudeau (Stéphanie) : De par le monde, il y a de plus en plus de bassins dits non traditionnels, donc de bassins de schiste qui sont mis en exploitation. Est-ce qu'il y aura une part croissante de biométhane, de gaz de deuxième génération? Éventuellement, on pourrait prendre des résidus du forestier puis, au lieu d'en faire de la biomasse, on pourrait en faire du gaz naturel.

Est-ce qu'on pourrait injecter... On aimerait bien travailler à injecter éventuellement de l'hydrogène dans notre réseau, donc à faire en sorte que le gaz naturel qui est distribué ici, au Québec, soit de plus en plus écologique. C'est sûr qu'on va travailler à le faire. On est préoccupés par la provenance du gaz, mais, quand on regarde le gaz, il faut regarder aussi le transport, vous avez mentionné le transport. Quand on s'approvisionne plus près, tel qu'on le fait ici, au Québec, bien, on sauve 4 000 kilomètres de compression quand on l'acheminait... Donc, il n'y a pas de situation parfaite.

Et puis ce qui a été décidé au niveau mondial puis ce avec quoi on se gouverne, c'est les émissions à la combustion, les émissions chez nous. Ce n'est pas que ce n'est pas important d'où ça vient, mais, partout à travers le monde, même si on parle de bassins non traditionnels, le gaz naturel est reconnu comme étant une des solutions au remplacement des produits pétroliers, que ça soit par l'Agence internationale de l'énergie, même par WWF — on ne peut pas tout à fait dire qu'ils sont un groupe d'affaires — qui a dit que vite, dans l'Arctique, il fallait mettre des navires à gaz naturel et plus des navires à diesel marin. Donc, je pense que, même de source non traditionnelle, ça demeure un combustible qui est plus souhaitable que le pétrole. Et on va tout faire ce qui est techniquement possible et avec le moindre impact économique pour les consommateurs de gaz naturel pour verdir notre réseau, bien sûr.

Le Président (M. Reid) : Bon. Malheureusement, le temps est terminé. Alors, je vous remercie, Mme Trudeau, M. Pouliot, pour votre contribution aux travaux de la commission.

La commission suspend ses travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 31)

(Reprise à 17 h 32)

Le Président (M. Reid) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à nos invités. Il y en a un qu'on a vu il n'y a pas si longtemps, ce matin, en fait. Alors, vous connaissez la routine : 10 minutes pour votre présentation. Ensuite, nous aurons un échange.

Je vous demande de vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne pour les fins de l'enregistrement. À vous la parole.

Regroupement national des conseils régionaux de
l'environnement du Québec (RNCREQ)

M. Bourke (Philippe) : Merci beaucoup. M. le ministre, Mme la députée, MM. les députés. Donc, je suis accompagné de M. Cédric Chaperon, qui est responsable de dossier changements climatiques et énergie au regroupement. Et donc, moi, mon nom, c'est Philippe Bourke, directeur.

Donc, je vais aller assez rapidement pour limiter le temps de notre présentation. Je ne vous présenterai pas nos organisations, je pense que vous les connaissez bien, on vient régulièrement ici, mais je voudrais juste peut-être insister sur le fait qu'évidemment vous allez entendre beaucoup d'organisations qui vont venir présenter ici. Ça serait quand même important de retenir, je dirais, la nature particulière de notre réseau. On a le privilège de pouvoir représenter l'ensemble des régions du Québec, d'avoir des organisations qui sont bien implantées dans le milieu, et donc ça nous donne une vision tout à fait particulière.

Ce qui est aussi particulier dans notre approche, évidemment, c'est qu'on... évidemment, on est préoccupés par les enjeux environnementaux dans les régions, mais aussi on a le souci d'un bon développement des territoires. Et donc on arbitre déjà, à l'intérieur de nos organisations et avec nos partenaires, cette dualité de développement et de protection de l'environnement. Donc, ça ajoute aussi à notre vision particulière.

Et finalement je dirais que ce qui nous distingue, c'est aussi notre approche vraiment constructive, qui est axée sur les solutions. Donc, on est là pour proposer, pour conseiller, pour faire avancer les choses. Et c'est sur la base de cette expertise-là, en particulier dans le domaine des changements climatiques, parce qu'on a développé, effectivement, une large expertise là-dessus, qu'on vous présente nos recommandations aujourd'hui.

On vous a fait parvenir un résumé de notre mémoire. Le mémoire complet viendra par la suite, mais ça vous permet déjà de comprendre les principales recommandations que l'on fait. On a utilisé les quatre questions qui étaient posées à la fin du document de consultation justement pour être le plus ciblés possible dans notre intervention.

Donc, si je prends la première question, qui concerne le choix ou la proposition par rapport à la cible, dans notre cas, on propose que la cible de réduction soit d'au minimum 40 % sous le niveau de 1990 pour 2030. On recommande qu'il y ait une révision statutaire de cette cible-là vers 2022. Et enfin on spécifie l'importance d'accorder beaucoup d'efforts à la réduction des gaz à effet de serre mais aussi de ne pas négliger les enjeux d'adaptation aux changements climatiques parce que ces changements sont déjà présents et nécessitent des interventions pour s'y adapter.

Concernant la deuxième question, qui nous demande si on devrait adopter, au-delà de la cible principale, des objectifs particuliers, on répond oui, d'une part, parce qu'on souhaite qu'il y ait, dans ce cas-ci, une cible de réduction domestique, donc une obligation, pour le gouvernement, de respecter une réduction de ses émissions internes. Et on pense que la meilleure façon d'y arriver, c'est de se doter d'une stratégie nationale visant la transition vers une société sobre en carbone, un peu à l'image de ce qui se fait en France actuellement, et que cette stratégie s'articule autour de cibles sectorielles qui relèveraient du Conseil exécutif.

À la troisième question, qui est très intéressante et qui nous pose la question à savoir comment accélérer le rythme des réductions et comment aussi maximiser les bénéfices ou les cobénéfices de la réduction des émissions, on a une série de recommandations, la première étant : si on veut accélérer le rythme, c'est d'abord de mettre en oeuvre notre plan d'action actuel sur les changements climatiques qui, malheureusement, souffre d'un délai dans son déploiement.

On recommande, entre autres, pour maximiser les coûts-bénéfices, de vivre des réductions dans le secteur de la consommation du pétrole. Ça nous apparaît être le secteur qui va générer le plus de cobénéfices et rapidement.

Enfin, on fait la suggestion de certaines mesures qui, selon nous, sont peu coûteuses, et qui sont prêtes à être déployées, et qui pourraient amener des bénéfices rapidement en termes de réduction des émissions de GES et aussi des coûts-bénéfices sur la santé et l'économie. Donc, on parle, entre autres, là, de la réglementation pour l'achat de véhicules à faibles émissions, des réglementations pour, entre autres, favoriser ou augmenter le nombre de personnes par véhicule, et finalement la fameuse... j'ai entendu parler tantôt que c'était un sujet de discussion déjà ici, là, mais une loi zéro émission.

Enfin, toujours pour augmenter ou accélérer le rythme des réductions, on propose de continuer... c'est déjà entamé, mais on pense qu'il faut continuer à susciter la mobilisation des acteurs à l'échelle territoriale. C'est important que les acteurs, dans chaque région... Ici, je le sais, c'est des députés qui viennent de chacune des régions. Vous le savez que vous avez vos propres particularités, que ce n'est pas des solutions mur à mur qui sont bonnes pour Montréal ou Québec. Ce n'est pas nécessairement la même chose lorsqu'on est en région. C'est fondamental de donner l'occasion aux acteurs du milieu, aux élus, à la société civile, de s'approprier la problématique et de proposer elle-même les solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Et c'est comme ça qu'on va garantir un meilleur succès dans notre stratégie.

On parle finalement aussi de certaines stratégies fondamentales qu'il faudrait mettre en oeuvre pour structurer ou, en fait, pour avoir une base structurante de nos interventions sur le territoire. On parle, entre autres, d'une politique nationale d'aménagement du territoire et d'urbanisme qui fait cruellement défaut ici, au Québec, une stratégie de mobilité durable qui privilégierait le transport collectif et actif, et enfin, évidemment, une politique énergétique, qu'on attend et qu'on espère centrée sur la réduction de la consommation des énergies.

Finalement, la dernière question, on parle des obstacles qu'il faut surmonter pour augmenter ou renforcer l'action contre les changements climatiques. On en cible plusieurs. D'abord, on pense que c'est nécessaire de mieux prendre acte du défi que représente la lutte contre les changements climatiques. On en arrive à une nouvelle étape qui va exiger des transformations beaucoup plus importantes et on pense que ce n'est pas acquis que les gens comprennent le sérieux derrière des transformations aussi importantes.

On parle de l'importance pour y arriver, entre autres, d'investir massivement dans les campagnes de communication, de mieux informer les gens sur la problématique des changements climatiques, sur les solutions, sur l'action du Québec, sur comment ça peut être profitable. À cet effet-là, évidemment, il faudra continuer à documenter ces informations-là, entre autres, pour mieux montrer les bénéfices positifs que l'action sur le climat a en termes économiques, sociaux et environnementaux.

On parle d'éliminer les incitatifs, les décisions et les mesures qui, actuellement, ont cours au gouvernement, qui, malheureusement, nous éloignent d'une réduction des gaz à effet de serre. On parle d'un gouvernement plus exemplaire aussi dans ses choix, dans les appels d'offres publics, ce genre de choses là, et finalement une mise en garde contre un des obstacles qui, selon nous, est le mirage des supertechnologies qui, souvent, nous éloignent finalement de l'action à court terme parce qu'on attend la solution miracle.

Donc, ça fait le tour. J'espère avoir été le plus rapidement possible.

Le Président (M. Reid) : Vous avez bien réussi. Merci beaucoup pour votre présentation. Nous passons maintenant à la période d'échange. M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci d'avoir écourté votre présentation, mais ma première question va vous permettre d'élaborer davantage, plus dans les moyens concrets. Alors, que ça soit transports ou autres, j'aimerais ça, votre avis en termes de qu'est-ce qu'on devrait prioriser, là, en termes de mesures concrètes qui vont nous rapporter le plus de réductions possible.

• (17 h 40) •

M. Bourke (Philippe) : Moi, je le répète souvent, là, puis je sais que ça s'en vient, puis j'ai très hâte, mais il faut mieux communiquer la problématique, il faut mieux expliquer aux gens que c'est un énorme défi mais, en même temps, que c'est plein d'opportunités. Sans qu'on aurait ensuite à mettre des mesures, il y a des changements qui vont venir uniquement de cette meilleure prise de conscience là par rapport à la problématique.

Et la deuxième chose, c'est : cette meilleure prise de conscience là va faciliter ensuite la mise en oeuvre des actions parce qu'il y a plein d'actions qu'on mentionne ici, que certains groupes vont mentionner, puis, souvent, je le sais, je me mets à votre place, vous dites : Oui, mais les gens ne sont pas prêts à ça, ils vont refuser, on va avoir des gens qui vont s'opposer. Alors, il faut construire... en fait, il faut travailler tout de suite, je dirais, à éliminer ces barrières-là parce que ça va être inévitable : ces mesures-là, on le sait qu'elles sont performantes, mais on sait qu'en même temps c'est exigeant en termes de... et donc, le plus tôt possible on va mieux communiquer, on va mieux expliquer que c'est un défi qui interpelle tout le monde, qu'on va mieux expliquer qu'il y a des opportunités dans la transition, qu'il ne faut pas en avoir peur, qu'au contraire ça va être bénéfique, bien, le plus facile, ensuite, on va pouvoir mettre en oeuvre des mesures. Ceci dit, on a insisté sur les mesures pétrole. Pétrole, c'est aussi transports. Donc, je pense qu'effectivement le secteur des transports nous apparaît comme le secteur le plus approprié pour agir à court terme et obtenir des bénéfices rapides.

M. Heurtel : Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. M. le député de Maskinongé.

M. Plante : Merci, M. le Président. Dans votre présentation, vous avez énoncé quelque chose qui m'a réjoui quand vous avez parlé des diversités régionales et aussi des diversités d'action aussi, parce qu'on sait bien qu'un modèle mur à mur ne peut pas fonctionner dans chacune de nos régions. Puis ça, on l'a bien compris. Et j'aimerais que vous élaboriez, à ce sujet-là, de quels seraient les moyens ou quelles seraient les différences régionales qui permettraient d'atteindre tous le même objectif mais de façon différente. Et j'aimerais beaucoup vous entendre à ce niveau-là.

M. Bourke (Philippe) : Bien, écoutez, il existe des outils pour y arriver. Tantôt, je donnais l'exemple français. C'en est un intéressant dans la mesure où on a obligé chaque territoire à se donner un plan, ce qu'ils appellent le Plan climat-énergie territoire. Donc, on réunit ensemble les acteurs du milieu, on leur dit : Voici l'objectif que vous avez à atteindre. Maintenant, entendez-vous sur comment, sur votre territoire, vous pourriez y arriver. Donc, déjà, d'offrir l'opportunité aux acteurs d'être les maîtres d'oeuvre dans le choix des... c'est déjà un excellent moyen.

Ici, au Québec, nous, on a fait cette démarche-là, les Conseils régionaux de l'environnement, à travers une démarche qui s'appelle Par notre propre énergie, justement dans l'objectif de faire en sorte que les gens prennent conscience de la problématique et, ensuite, se disent : Bien, nous, de notre point de vue, sur notre territoire, quels sont les meilleurs axes d'intervention qui vont nous permettre de se positionner dans ça? Et ça a été vraiment intéressant parce qu'évidemment tout de suite les gens ont un attachement à leur territoire, donc ils ont le goût d'agir parce qu'ils se disent : Bien, si j'agis, en plus, ça va être bon pour mon territoire. Donc, déjà, c'est un facteur de motivation très intéressant. Mais, en plus, ils sont effectivement capables de rapidement dire : Ah! bien, nous, justement, on a des ressources forestières résiduelles de disponibles. On pourrait utiliser ces ressources-là pour remplacer le mazout puis fabriquer des... en fait, de la biomasse résiduelle. Donc, certaines régions ont tout de suite perçu... bon, en Abitibi, en Mauricie, en Gaspésie, ont tout de suite dit : Ça, c'est un créneau, chez nous, sur lequel on va travailler parce que ça va nous permettre, à nous, une région ressource, d'agir.

Maintenant, évidemment, ils ont dit : Bien, on n'a pas les moyens d'agir pour avoir un transport collectif comme à Montréal et à Québec, mais, par contre, on a peut-être des ressources qu'on pourrait mettre en commun. Les autobus scolaires pourraient servir, la fin de semaine, pour déplacer des gens vers des activités. Ils sont très imaginatifs, les gens, lorsqu'on leur pose ces questions-là, et c'est ça qui est enrichissant. Donc, il faut... Moi, je pense que... Pour répondre clairement à votre question : Donnons-leur l'opportunité, eux, de planifier la façon dont ils veulent agir sur leur territoire en matière de changements climatiques et on va être surpris de voir le niveau d'enthousiasme puis d'innovation qui s'en dégage.

M. Plante : Donc, si je comprends bien, ce que vous nous dites, c'est : Plus on implique les acteurs du milieu, plus on implique les gens près des bases de décision, donc en région, plus la concertation, dans le fond, et l'adhésion se font facilement.

M. Bourke (Philippe) : Oui. Puis des idées viennent, hein? Au Saguenay—Lac-Saint-Jean récemment, on a mis en place un réseau de stationnements incitatifs pour le covoiturage. Ça n'aurait pas été possible si... C'est simple, mais ça a été possible juste parce que les gens se sont réunis puis ils ont dit : Bien, nous, effectivement, qu'est-ce que ça nous prendrait pour améliorer les... Bon, ils ont dit : Bien, le covoiturage, ça pourrait marcher si on aurait des points de chute, puis tout ça. Donc, facilement, ils ont trouvé les espaces et ils ont déployé ce réseau-là. Mais c'est tout simplement... Ce n'est pas très coûteux, mais c'était simplement l'idée de se rejoindre entre eux, puis de discuter, puis de prioriser cette activité-là.

Le Président (M. Reid) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Écoutez, vous parlez de régionalisation, mais un des problèmes... Oui, on a des bonnes idées, puis c'est le début des idées, là, mais on ne peut pas transporter... par exemple, faire de l'éthanol à partir de chaque région ou en fonction des besoins, les usines sont de plus en plus grosses. Donc, ça nous limite un peu.

Comment vous voyez cette espèce... Parce qu'on va devoir faire de l'intégration, à un moment donné, là, pour dire, bien, si on prend la route de l'éthanol ou si on prend d'autres routes. Comment on pourrait développer, selon vous, ces technologies-là, qui sont connues mais qui sont, je vous dirais, des échelles plus grandes que ce qu'une région a spécifiquement besoin?

M. Bourke (Philippe) : Bien, c'est un excellent point que vous soulevez. D'abord, évidemment, j'ai parlé de l'enjeu de l'intervention au niveau régional, mais ça ne peut pas se faire sans un arrimage avec des interventions à l'échelle du gouvernement. C'est le gouvernement qui dicte les orientations, qui met en place des programmes — on parle des programmes du PACC, par exemple — qui vont soutenir les innovations. Mais l'arrimage, justement, se fait au niveau où... bien, si c'est la région de Sherbrooke qui a un pôle d'excellence en technologie de type éthanol de deuxième génération, je pense à l'entreprise Enerkem qui se retrouve là, par exemple, bien là ça ne sert à rien de démultiplier l'argent en soutien au développement de cette technologie-là dans toutes les régions. On va concentrer ça vers ce secteur-là. Une fois qu'il va avoir émergé, bien, après ça, s'il y a des... on peut répéter ces expériences-là ailleurs, ça peut être fait, mais c'est une... Dans le fond, l'idée, c'est de bâtir sur les richesses puis les opportunités qu'il y a sur les territoires. Mais vous avez tout à fait raison que ça ne peut pas être désincarné des orientations puis d'une intervention de la part du gouvernement à Québec.

M. Bolduc : Maintenant, comme vous le savez, vous avez parlé d'Enerkem, ils sont en train de développer des petites unités de biomasse pour les régions isolées. Est-ce que vous avez déjà suivi cette partie de dossier là? Parce que l'objectif à la fin, c'est qu'on puisse utiliser les biomasses résiduelles dans des régions isolées où il n'y a pas d'électricité, d'éliminer l'importation d'hydrocarbures. Donc, on met du bois dans l'appareil, puis il nous sort de l'électricité à l'autre bout, là.

M. Bourke (Philippe) : Pas spécifiquement la technologie que développe Enerkem, mais cet enjeu-là de rapprocher la zone de production, disons, d'énergie du lieu d'utilisation, c'est une prémisse de base en matière d'énergie. On veut limiter les coûts de transport. C'est la théorie des cycles courts, qu'on appelle. Puis effectivement, souvent, la problématique avec la biomasse, c'est l'éloignement des centres d'utilisation, donc les coûts de transport, et tout ça. Donc, si on est capables de trouver des mécaniques ou des technologies qui vont faire en sorte qu'on va se rapprocher du lieu de collecte et du lieu d'utilisation, je pense que c'est tout à fait approprié. Puis je pense qu'il y a des belles choses qui se font en ce moment, justement dans les réseaux isolés. On a vu la mine Raglan, entre autres, qui est en train d'expérimenter un système éolien diesel. On sait qu'il y a d'autres idées qui poussent justement pour ajouter la biomasse aussi dans cette équation-là.

Tantôt, j'entendais... La question avait été posée aux gens de Gaz Métro, là, c'est : Il faut garder le cocktail de solutions. Il n'y en a pas, de solution miracle, il n'y a pas de solution unique, il y a des solutions adaptées à chacun des contextes. C'est ça, la beauté de l'innovation, puis je pense qu'il faut l'encourager.

Le Président (M. Reid) : Une dernière courte question, M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : O.K. Donc, rapidement, une des possibilités, par exemple, dans le cas des éoliennes, ça serait de prendre l'électricité et de la mettre en hydrogène — on peut la stocker — parce que le problème des éoliennes, c'est : il ne vente pas toujours dans le bon moment, là, mais, en l'utilisant localement, on a des très faibles coûts d'entreposage et d'utilisation. Est-ce que ce genre d'analyse là a été fait par vous?

M. Bourke (Philippe) : Nous, on n'a pas fait l'analyse, mais je vous dirais que c'est la réponse qu'on donne à ceux qui nous disent : Est-ce qu'on devrait faire de l'éolien encore au Québec?

M. Bolduc : ...

M. Bourke (Philippe) : Nous, on dit : Je pense qu'il faut aller ailleurs que des grands parcs éoliens en réseau, comme on a fait jusqu'ici, et aller chercher ces niches-là, intéressantes, où on va aller coupler l'éolien avec remplacer du diesel, remplacer des énergies non renouvelables, limiter les gaz à effet de serre de façon directe et en profiter ensuite pour exporter ces technologies-là ailleurs parce que des réseaux isolés, il y en a ailleurs dans le monde, là.

M. Bolduc : Merci.

Le Président (M. Reid) : Un commentaire seulement, si vous voulez. Il reste quelques secondes.

M. Simard : Mais, étant donné les changements climatiques, ne croyez-vous pas que l'éolien, tantôt, va devenir une nécessité en raison que le niveau des lacs, le niveau des rivières peut baisser?

• (17 h 50) •

M. Bourke (Philippe) : Bien, selon les rapports qu'Ouranos a produits... Parce qu'un des objectifs... Je ne sais pas si vous connaissez l'organisme Ouranos. C'est un centre de recherche, au Québec, qui a été mis en place pour étudier l'impact des changements climatiques. Et, disons, un des premiers chantiers qu'ils ont eu à faire, c'est d'évaluer l'impact du climat sur les réserves hydroélectriques du Québec. En fait, tu me corrigeras, Cédric, mais, de ce que j'en comprends, la tendance, c'est qu'il n'y a pas de grand risque pour le Québec, j'entends, là, par rapport aux modifications des précipitations sur la gestion des barrages. La tendance serait une hausse, même, du niveau de précipitations global. Et la chance qu'on a, c'est d'avoir des réservoirs, justement. Si on aurait seulement des centrales au fil de l'eau, là il y aurait un risque parce que les changements climatiques amènent des périodes de sécheresse, mais la force du Québec, c'est d'avoir des réservoirs qui sont capables de gérer des plus grandes variations de précipitations dans le temps. Donc, ça, c'est une autre force...

Le Président (M. Reid) : Merci.

M. Bourke (Philippe) : ...qu'on a, au Québec, sur laquelle il faut bâtir.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous passons maintenant à l'opposition officielle avec M. le député de Terrebonne.

M. Traversy : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, j'aimerais remercier encore une fois M. Bourke pour sa participation à cette commission et M. Chaperon qui l'accompagne aujourd'hui.

Donc, j'ai noté quelques éléments de votre présentation sur la stratégie nationale pour être sobre en carbone. Vous donniez des références, là, par rapport à la France, je pense, sur certaines modalités qui pourraient être explorées de la part du gouvernement du Québec, c'est bien noté.

J'ai compris aussi, également, que vous étiez plus... comment je pourrais dire, audacieux encore que le ministre lui-même en mettant la barre à 40 %. Donc, ce matin, il y a des groupes qui sont venus nous voir en disant que 37,5 %, c'était une barre minimale. Alors, je vois que vous avez aussi, donc, une certaine audace, à votre façon, à cet égard.

Vous avez parlé de politique de mobilité durable également. Donc, là-dessus, je trouve que... C'est la première fois que j'en entends parler, là, depuis le début de cette audition. Donc, c'est bien noté.

Mais il y a un point, dans votre rapport, qui a particulièrement attiré mon attention et c'est la question du PACC 2013‑2020 qui, selon ce que j'ai pu comprendre, là, n'ait pas dépensé à peine de plus de 10 % de son fonds, qui y est dédié, de 3,3 milliards de dollars d'ici 2020. Donc, très peu de sommes ont été engagées, jusqu'à présent, pour les objectifs qui sont ceux dont nous discutons aujourd'hui.

Ma question pour vous en débutant, c'est : Pensez-vous que la mise en oeuvre du pacte ait pris un trop gros retard à l'heure actuelle puis qu'il faudrait commencer à peser sur le gaz, comme on dit sans jeu de mots dans le cadre de cette commission, mais qu'il serait temps d'investir beaucoup plus d'énergie à cet égard?

M. Bourke (Philippe) : C'est tout à fait les propos qu'on a mentionnés. On profite de l'occasion de venir ici, en commission parlementaire, et surtout du fait qu'on nous demande justement comment faire pour accélérer le rythme pour répondre à cette question-là. Donc, effectivement, c'est une préoccupation. Nous, on juge qu'il y a un retard dans la... Bon, les chiffres exacts, là, je ne les connais pas en date d'aujourd'hui. C'était 12 % de dépenses en date du 15 février de cette année. Donc, on est déjà à quelques mois, mais, à ma connaissance, il n'y a pas eu de grandes dépenses qui ont été annoncées dans le Fonds vert depuis. Et, ceci dit, donc, nous, on soulève cette problématique-là. On n'est pas là, ici, pour chercher des coupables mais pour dire : Maintenant, il faut accélérer, comme vous dites, parce que plus on prend du retard, plus on s'expose à des risques.

M. Traversy : Pensez-vous qu'il serait judicieux également, peut-être, de mettre en place, là, des mécanismes de reddition de comptes indépendants? Pensez-vous que c'est nécessaire dans cette optique-ci ou qu'on ait besoin peut-être d'une loi plus précise, là, pour les cibles et les moyens qu'on veut entreprendre dans le cadre de nos discussions? J'aimerais vous entendre également là-dessus.

M. Bourke (Philippe) : Bon, pour ce qui est de la reddition de comptes, vous m'ouvrez une porte ici. Moi, à mon avis, c'est... en fait, c'est une hypothèse, mais, à mon sens, une des raisons qui fait qu'on a du retard dans la mise en oeuvre, c'est qu'il y a un surcontrôle un peu, je dirais même, inapproprié dans la façon dont on peut dépenser ces sommes-là. Donc, c'est pour ça que, des fois, on mélange reddition de comptes puis contrôle puis gestion, là. Il faut faire attention. Il y a déjà des mécanismes de reddition de comptes.

Le Commissaire au développement durable a regardé ce que faisait le ministère, a fait corriger les choses. Ils les ont corrigées, mais, à un moment donné, là, il faut aussi se donner un peu d'espace, là, parce qu'à un moment donné, à force de se donner des règles puis des restrictions, etc., bien, ça explique probablement une partie du fait qu'on est en retard. Et, pendant ce temps-là, puis là, si je continue sur le Commissaire au développement durable, à mon avis, il devrait surveiller un peu plus les autres ministères qui, eux, continuent à dépenser des sommes pour, par exemple, des autoroutes puis des choses comme ça qui augmentent les gaz à effet de serre, et un peu moins le ministère de l'Environnement et lui laisser la chance de mettre en oeuvre ses actions qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre.

Donc, je ferme la parenthèse éditoriale, là, mais, ceci dit, à un moment donné, c'est parce que la reddition de comptes est importante. Puis, sur un point, par contre, je vous suis, et ça rejoint une de nos préoccupations, c'est : Il faut se donner l'obligation d'avoir des réductions domestiques. C'est-à-dire qu'actuellement on a une cible, par exemple, en 2020, de 20 %, mais c'est assez flexible. Elle pourrait être prise avec des achats de crédits à l'étranger dans une proportion qui... Donc, on n'a pas l'obligation d'atteindre un minimum de réduction au Québec. Donc, nous, on trouve que ça, c'est une chose qu'on devrait corriger pour la prochaine phase pour s'assurer qu'on s'oblige, au Québec, à atteindre un minimum de réduction. Et ça, à ce moment-là, il devrait y avoir des mécanismes de reddition de comptes spécifiques pour cette nouvelle cible, par exemple.

M. Traversy : Vous avez également parlé, dans votre présentation, d'une révision statutaire en 2022, donc, j'imagine, pour s'assurer — on parle de reddition de comptes — des suivis, là, qu'il va être évidemment important d'avoir avec une cible aussi ambitieuse, qu'elle soit de 37,5 %, ou 40 %, ou peu importe la décision finale. Mais donc cette révision statutaire, pour vous, est d'une importance capitale.

M. Bourke (Philippe) : Elle est importante pour nous puis elle est importante pour tous les autres intervenants impliqués dans le secteur de la lutte aux changements climatiques qui... donc des secteurs qui sont plus impactés, là, je pense au secteur industriel ou tout ça, qui... Puis effectivement vous l'avez dit, certains trouvent ces cibles-là assez élevées. Et je pense que c'est de bonne guerre que de se donner un rempart pour que, sur une période énorme... 15 ans, aujourd'hui, c'est énorme, il y a des choses qui peuvent se passer. On souhaiterait tous qu'en 2021 la science nous dise que, finalement, 30 %, ça va être assez, là, tu sais. Si on n'a pas besoin de 80 %, ça serait le fun, puis là on pourrait dire : Bon, bien, on va faire d'autre chose. Mais l'inverse pourrait être aussi possible. C'est-à-dire qu'en 2021 on nous dise : Écoutez, c'est 2035 qu'il faut avoir zéro, là. Et on fait quoi? Est-ce qu'on continue en se disant : Non, nous, on vise moins que 37,5 % ou moins 40 %? Alors, c'est ça qu'on se dit, là. L'idée, c'est d'avoir la souplesse, sur une période aussi longue, de pouvoir réviser un engagement qu'on prend aujourd'hui pour dans 15 ans, là, basé sur des prémisses, des fois, qui peuvent être très variables, comme le coût de l'énergie, ce genre de choses là.

M. Traversy : C'est-u déjà fini?

Le Président (M. Reid) : Oui. Bon, bien...

M. Traversy : Bien, je vous remercie beaucoup, M. Bourke.

Le Président (M. Reid) : Alors, merci. Nous passons au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci, M. Bourke et M. Chaperon, d'être avec nous en commission. Vous savez, vous venez de parler avec le député de Terrebonne, là, d'émissions domestiques. Justement, là, dans le fond, vous mentionnez qu'on devrait limiter le recours à l'achat de crédits à l'étranger. Si on regarde, dans le cahier, les cibles, le gouvernement a projeté de faire des réductions d'environ 15 millions de tonnes puis il prévoit, pour atteindre la cible de 37,5 %, d'aller acheter 9,8 millions de tonnes. Puis, si on regarde, là, il nous avance même, là, que, selon les projections, là, de qu'est-ce que c'est, le marché du carbone, là, ça représenterait un achat de 327 millions. J'imagine que vous, là, vous avez des mesures concrètes supplémentaires aux 15 millions de tonnes que le gouvernement a déjà ciblés pour justement aller piger dans le 9,8 qu'on irait acheter à l'extérieur pour le ramener presque à zéro. Donc, dans les mesures supplémentaires, rapidement, j'imagine que vous avez déjà réfléchi à ce qui pourrait être fait?

M. Bourke (Philippe) : Tout d'abord, je ne peux pas dire quelles mesures ont été prises pour arriver à 15 millions de tonnes ou cinq. C'est clair que, nous, ce qu'on propose, c'est des mesures pour aller plus loin. En même temps, on ne vise pas zéro, là. Quand on dit : Éviter le recours au maximum, ça ne veut pas dire... On a accepté d'aller dans un marché du carbone. Forcément, c'est qu'on accepte le principe qu'il y a des mesures qui vont être moins coûteuses si on les fait à l'étranger qu'ici. Donc, ça, on ne veut pas renier ce principe-là, il est fondamental. C'est lui qui est un peu l'ADN ou la colonne vertébrale de notre action pour le moment, mais on est inquiets à ce que cette part-là prenne une trop grande place parce qu'on voit, nous, qu'on se prive de cobénéfices dans ce cas-là. Si les mesures sont toutes prises à l'extérieur, bien, on se prive, ici, de faire des actions qui vont amener des bénéfices pour la santé publique, qui vont faire en sorte que les gens vont être moins pris dans la congestion automobile, qui vont faire en sorte qu'il va y avoir du développement qui va se faire en région. Bien, si on prend tout notre argent puis on l'envoie à l'étranger, on n'aura pas ces bénéfices-là. Donc, il faut un juste équilibre. Et nous, on pense qu'une des manières de le faire, c'est, plutôt que d'y aller un peu «on verra qu'est-ce que ça va donner» puis «à peu près 40 % à l'étranger ou pas», se fixer une cible. Ça serait l'idéal, et donc on s'oblige à atteindre ce niveau-là.

Puis, bon, oui, ça va prendre des mesures. Bon, il y en a certaines qui sont mentionnées dans le document, là, puis nous, on en propose déjà, là. Donc, un système, par exemple, de bonus-malus ou une loi zéro émission. C'est des mesures qui ne sont pas nécessairement prévues pour atteindre le 15 mégatonnes mais qui permettraient d'aller plus loin, justement, et plus rapidement.

Une voix : ...

M. Lemay : Si on revient sur... Ah! vous vouliez rajouter quelque chose?

• (18 heures) •

M. Chaperon (Cédric) : Oui. Si je pouvais ajouter quelque chose, c'est que, dans les trois scénarios qui sont proposés, la cible domestique est toujours la même. En fait, c'est toujours 15 mégatonnes. Donc, si on veut faire plus d'efforts, bien, il faudrait faire un travail de mieux renseigner les potentiels de chacune des mesures qu'on pourrait mettre en place. Dans l'annexe I, il y a tout un éventail de mesures qui sont proposées. Après, il faudrait voir, donc, c'est quoi, les potentialités là-dedans, lesquelles coûtent le moins cher et lesquelles sont les plus faciles à mettre en place. Et on pense que ça, c'est un travail qui devrait être fait pour justement se donner une cible qui soit peut-être plus ambitieuse et puis qui soit aussi à la hauteur de ce qu'on est capables de faire dès maintenant.

M. Lemay : O.K. Parce que je prends...

Le Président (M. Reid) : Une minute.

M. Lemay : Une minute?

Le Président (M. Reid) : Une minute.

M. Lemay : Parfait. Je vais revenir à l'élément de la réponse que vous avez mentionné, M. Bourke. Là, Gaz Métro, tout à l'heure, nous mentionnait qu'à eux seuls ils pensaient être capables de contribuer pour 10 % de toutes les réductions, notamment avec le biométhane avec les transports lourds. Vous avez parlé tout à l'heure de bonus-malus, mais, en fait, on sait, là... Puis là je vais juste vous sortir une petite statistique, là. Il me semble que l'argent qui est donné pour les véhicules électriques est beaucoup plus élevé que qu'est-ce qui est donné présentement dans les véhicules au gaz naturel comprimé, ce qui fait en sorte que, dans le fond, si eux peuvent contribuer à eux seuls 10 %, il me semble qu'on devrait donner plus de financement pour justement que ces actions-là voient le jour, j'imagine.

M. Bourke (Philippe) : Bien, Cédric a un bon point là-dessus. Je pense qu'on a un exercice, puis on le propose, nous. Il y a des études qu'il va falloir faire pour mieux documenter le coût-bénéfice des mesures. Est-ce que c'est plus rentable d'investir dans l'électrification du transport individuel ou, à court terme, on serait plus gagnants en mettant plus de sous dans le transport collectif ou en réduisant l'impact du camionnage? Ça, je pense que c'est fondamental qu'on fasse ces analyses-là, et ça va sécuriser tout le monde.

Ceci dit, la loi zéro émission, elle, éviterait qu'on donne de l'argent à ceux qui veulent s'acheter un véhicule électrique. Ce seraient les compagnies qui s'occuperaient de nous fournir les véhicules.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, merci. Nous passons maintenant au bloc des députés indépendants. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : Oui, puis la question de la rentabilité, vous l'avez bien dit, c'est aussi une question de territoire, de santé, d'agriculture. Ce n'est pas juste la rentabilité de l'entreprise, c'est notre rentabilité collective.

Moi, j'en suis, de communiquer le défi, je pense. Quand j'entendais mon collègue tantôt dire : Mais là, tu sais, on a besoin des gros trucks, nous autres, dans la région. Oui, oui, ça se peut, mais il y a un défi collectif qui fait que, si tu as un gros truck mais, dans 25 ans, ton petit-fils ne peut pas l'utiliser parce qu'il n'y a plus de route à cause des effets de changements climatiques, on n'est pas avancés. Ça fait qu'il y a quelque chose à communiquer, à parler des opportunités. Ça, je trouve ça important. Et, depuis ce matin, on entend comment ça peut être lieu d'opportunités, de création, de créativité et de solidarité sur une base régionale, locale, etc. Peut-être que, dans le pacte des municipalités qui s'en vient sous peu, il y aurait quelque chose à s'inspirer de la France.

J'en suis, de la révision statutaire pour les raisons que vous avez évoquées, et déjà notre objectif de 2020 devra nous servir de première étape d'évaluation. Et j'en suis aussi, de se donner des cibles ici même, domestiques que vous appelez, parce que c'est sûr que je peux émettre des grands objectifs, mais, si je me permets constamment de déconstruire ce que je suis en train de construire, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas.

En quelques secondes, parce que c'est ce qu'il va vous rester, vous avez mentionné différentes mesures qui ne coûtent rien — ça, je pense que ça ne devrait pas tomber dans l'oreille d'un sourd — mais d'une politique nationale d'aménagement du territoire et d'urbanisme. Dites-moi, en quelques secondes, pourquoi il faut aller vers là.

Le Président (M. Reid) : Il vous reste...

M. Bourke (Philippe) : Bien, évidemment, on a la chance de pouvoir surfer sur une annonce hier qu'il y a eu d'une nouvelle alliance qui a été formée justement pour promouvoir l'idée d'une politique nationale d'aménagement et d'urbanisme, l'Alliance Ariane, mais on oublie tellement à quel point les choix qui sont faits, de localisation sur un territoire, viennent ensuite impacter considérablement notre mode de vie et nos obligations de déplacement qui sont fondamentales dans la lutte aux changements climatiques.

Donc, si on est capables de se planifier un territoire qui va réduire nos besoins de motorisation, il me semble qu'on a fait déjà pas mal plus que la moitié du chemin, et, après ça, le reste vient de soi. Mais malheureusement, à l'heure actuelle, c'est plutôt un laisser-faire dans le modèle d'aménagement du territoire, ce qui fait que, malheureusement, on a tendance à s'étaler et ensuite, bien, on dit : Bien là, moi, ça me coûte trop, il n'y a pas d'autobus chez moi, etc. Bien, c'est sûr. Donc, tout est interrelié. Donc, en ce sens-là, c'est important.

Le Président (M. Reid) : Bien, merci, M. Bourke, M. Chaperon, de votre contribution aux travaux de la commission.

Alors, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, à 8 heures, pour une séance de travail.

(Fin de la séance à 18 h 5)

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