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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Tuesday, November 22, 2016 - Vol. 44 N° 86

Special consultations and public hearings on Bill 102, An Act to amend the Environment Quality Act to modernize the environmental authorization scheme and to amend other legislative provisions, in particular to reform the governance of the Green Fund


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Table des matières

Remarques préliminaires

M. David Heurtel

M. Sylvain Gaudreault

M. Mathieu Lemay

Auditions

Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec (RNCREQ)

Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

RECYC-QUÉBEC

Conseil patronal de l'environnement du Québec (CPEQ)

Équiterre

Autres intervenants

M. Alexandre Iracà, président

M. Marc H. Plante

M. Ghislain Bolduc

M. Serge Simard 

*          M. Philippe Bourke, RNCREQ

*          M. Alexandre Turgeon, idem

*          M. Jean Baril, CQDE

*          M. Michel Bélanger, idem

*          M. David Laureti, FCCQ

*          M. Dany Lemieux, idem

*          M. Dany Michaud, RECYC-QUÉBEC

*          Mme Marie Cloutier, idem

*          Mme Hélène Lauzon, CPEQ

*          Mme Marie-Claude Bellemare, idem

*          M. Sidney Ribaux, Équiterre

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quinze heures vingt-quatre minutes)

Le Président (M. Iracà) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on va commencer un petit peu avant le délai qui était imparti. Nous allons commencer immédiatement. On me dit que tout le monde est là. Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Nous commençons avec un nouveau projet de loi qui est déposé. Une belle aventure! On va être ici quand même un bon temps ensemble. Alors, je vous invite tous et chacun à vous aimer les uns les autres.

Alors, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement, je le répète, ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement afin de moderniser le régime d'autorisation environnementale et modifiant d'autres dispositions législatives notamment pour réformer la gouvernance du Fonds vert.

Alors, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Non, M. le Président, il n'y a aucun remplacement.

Remarques préliminaires

Le Président (M. Iracà) : Alors, voici l'ordre du jour de cet après-midi. Nous allons débuter par les remarques préliminaires. Par la suite, nous entendrons les groupes suivants : le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement, le Centre québécois du droit de l'environnement et la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Alors, sur ce, je cède la parole au ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques pour ses remarques préliminaires. M. le ministre, la parole est à vous, vous disposez de six minutes.

M. David Heurtel

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Et permettez-moi de vous féliciter pour votre accession à la présidence de cette commission.

Chers collègues, chers membres du ministère, mesdames messieurs, comme vous le savez, en juin dernier, j'ai présenté aux membres de l'Assemblée nationale ce projet de loi d'envergure, soit le projet de loi n° 102 modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement afin de moderniser le régime d'autorisation environnementale et modifiant d'autres dispositions législatives notamment pour réformer la gouvernance du Fonds vert. La Loi sur la qualité de l'environnement a été adoptée en 1972. Il n'y a eu aucune modernisation majeure depuis bientôt 44 ans.

Dès mon arrivée en poste comme ministre, j'ai sillonné le Québec. Partout, on m'a demandé de rendre la LQE plus efficace et plus prévisible, de simplifier les processus et de réduire les délais. Notre vision est sans équivoque. Nous voulons doter le Québec d'un régime d'autorisation environnementale moderne, clair, prévisible, optimisé et conforme aux plus hauts standards en matière de protection de l'environnement. La modernisation du régime d'autorisation se ferait sur trois fronts : législatif, réglementaire et administratif.

Le projet de loi propose d'accroître la modulation du régime d'autorisation en fonction du risque pour l'environnement. Les projets seraient classés selon quatre niveaux de risque qui nécessiteraient quatre types d'encadrement différents : risque élevé, risque modéré, risque faible et risque négligeable. Cela éliminerait environ 1 500 autorisations ministérielles.

Le projet de loi n° 102 propose de simplifier les autorisations et accroître la prévisibilité des processus d'analyse. Un seul type d'autorisation remplacerait la grande majorité des certificats, autorisations, attestations, approbations, permis et permissions auparavant requis par la loi. Le régime serait simplifié pour les projets pilotes à des fins de recherche et d'expérimentation. La réduction des délais serait significative pour de nombreuses activités, jusqu'à 20 % pour les projets soumis à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement.

Le projet de loi vise à mieux équilibrer les responsabilités entre le ministère et les initiateurs de projets. Une demande incomplète ne serait plus recevable. Il y aurait des rencontres de démarrage, et cela permettrait d'éliminer les allers-retours de questions-réponses, qui peuvent durer des mois et parfois même des années.

Le ministère reçoit en moyenne 12 000 demandes d'accès à l'information chaque année. La population veut plus d'information plus tôt dans le processus. Pour les projets à risques élevés, il y aurait un registre des évaluations environnementales avec une information complète livrée tôt dans le processus et au fur et à mesure. Il y aurait aussi la possibilité pour le public de faire part de ses observations sur les enjeux que l'étude d'impact devrait aborder. Il y aurait aussi un registre des autorisations ministérielles qui donnera le contenu complet des documents.

Le projet de loi propose l'introduction également d'un test climat. Cela permettrait d'intervenir en amont, alors à titre de prévention. Il y aurait un seuil d'émissions de GES fixé par règlement. L'initiateur de projet serait tenu de justifier ses choix technologiques, ses procédés ou ses sources d'énergie ou fournir un plan de réduction de GES, le cas échéant. Le gouvernement pourrait également assujettir à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement les projets qui ne le seraient pas et qui comporteraient des enjeux majeurs en matière de changements climatiques.

Le projet de loi propose également de modifier la loi constitutive du ministère pour créer le Conseil de gestion du Fonds vert. Il serait composé de neuf membres nommés par le gouvernement et majoritairement issus de la société civile. Il aurait notamment comme mandat de conseiller le ministre sur les programmes, les projets ou les activités financés par le Fonds vert, d'évaluer la performance des programmes, des projets ou des activités financés par le Fonds vert et de recommander au ministre les ajustements requis pour favoriser une meilleure performance, et d'assurer la supervision et le suivi des activités de trésorerie du Fonds vert et collaborer avec le ministre à la préparation des prévisions du Fonds vert pour chaque exercice financier.

Ce projet de loi se veut : au bénéfice de la population, avec plus de transparence, plus de participation citoyenne, et l'environnement qui est toujours aussi bien protégé; au bénéfice des entreprises, qui pourraient bénéficier d'un régime d'autorisation simplifié, prévisible, clair et optimisé, d'une réduction du nombre d'autorisations et d'une réduction des délais; au bénéfice du monde agricole également, qui est un moteur économique important et qui verrait notamment des seuils de production de phosphore rehaussés avant de devoir faire une demande d'autorisation; au bénéfice du monde municipal, car la majorité des prolongements de réseaux d'aqueduc ou d'égouts seraient considérés comme des activités à risques faibles. Les municipalités pourraient débuter les travaux 30 jours après le dépôt de leur déclaration de conformité. Aujourd'hui, la moyenne de traitement de ces demandes est de 200 jours. Le ministre pourrait exempter de l'obligation d'obtenir une autorisation pour la totalité ou une partie des travaux à réaliser. Les employés municipaux auraient les mêmes pouvoirs que ceux du ministère lorsqu'ils sont tenus d'appliquer un règlement pris en vertu de la LQE.

En conclusion, M. le Président, ce projet de loi se veut au bénéfice de tous. Je tiens à remercier à l'avance tous les intervenantes et intervenants qui participeront à cette commission parlementaire, de même que toutes ceux et celles qui nous permettront des... qui nous présenteront, pardon, des mémoires. J'écouterai avec le plus grand intérêt leurs suggestions et leurs réflexions. Merci, M. le Président.

• (15 h 30) •

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. le ministre. J'invite le porte-parole de l'opposition officielle et député de Jonquière à faire ses remarques préliminaires, pour une période maximale de 3 min 30 s.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Alors, moi aussi, je veux saluer tout le monde, particulièrement les gens du ministère qui sont ici, qui nous accompagnent et qui vont nous accompagner. Je veux saluer évidemment les collègues parlementaires qui sont ici, Étienne Pomerleau-Landry, qui m'accompagne comme recherchiste, évidemment, tous ceux et celles qui viendront témoigner ou viendront présenter des mémoires en cette commission.

Donc, effectivement, avec une loi qui est adoptée depuis 1972, on a, avec le temps, constaté un certain alourdissement, voire une désuétude de certaines procédures de la Loi sur la qualité de l'environnement. Le BAPE, également, qui a été ajouté en 1978 — donc, ça fait quand même presque 40 ans que cette institution existe — et qui mérite certainement d'être revu pour diminuer la bureaucratie. Moi, j'abonde en ce sens, mais jamais, jamais, au grand jamais au détriment de la qualité de l'environnement, qui doit nécessairement primer, d'autant plus dans un contexte de lutte contre les changements climatiques.

Le ministre, dans le projet de loi n° 102, nous propose quatre niveaux de risque pour faire une évaluation des risques, justement, donc de négligeables à élevés, en passant par faibles et modérés. Évidemment, nous aurons un très grand nombre de questions à cet égard, notamment sur toute la question de la discrétion ministérielle. Quand on lit le projet de loi n° 102, on s'aperçoit qu'à plusieurs places il y a de la discrétion ministérielle qui est permise. Ce n'est pas nécessairement mauvais, mais, vous savez, il faut quand même baliser cette discrétion ministérielle. C'est une raison d'ailleurs pour laquelle on souhaite ardemment obtenir les règlements. À plusieurs reprises, le ministre va nous dire, ou, dans le projet de loi, on dit : Ça viendra par règlement. Je sais que les groupes également auront l'occasion d'en parler quand ils viendront nous présenter leurs mémoires, mais, si je regarde, par exemple, dans le projet de loi n° 106, avec le collègue du ministre mais à l'Énergie et aux Ressources naturelles, le ministre a déposé un certain nombre d'intentions réglementaires. Alors, si nous, on veut être capables de bien faire notre travail, on aura besoin également de ces intentions réglementaires, surtout sur la question des niveaux de risque, là, des quatre niveaux.

La question de la gestion du Fonds vert, évidemment, nous préoccupe au plus haut point également, notamment la question de la reddition de compte, de sa gouvernance en lien aussi avec Transition énergétique Québec, justement, qui est abordée dans le projet de loi n° 106, hein? Le travail qu'on aura à faire, ce sera d'être capable de faire des liens et de briser les silos, si on reprend l'expression consacrée. Parce que Transition énergétique Québec, dans le projet de loi n° 106, aura une partie de la gestion du Fonds vert, alors il faut s'assurer, là, que ça se fasse correctement.

La question du test climat, même chose. Le test climat que le ministre amène dans le projet de loi n° 102, il faudra le regarder attentivement, et, encore une fois, on va avoir besoin des intentions réglementaires du ministre à cet égard pour bien faire notre travail.

Et je termine en vous disant aussi que toute la question de la contestation juridique, par exemple, de décisions prises par le ministère, pour nous, elle doit s'appliquer à l'ensemble des citoyens, et notamment au niveau du droit d'appel, qui doit se faire pour tous, pas seulement pour des entreprises, mais également pour des citoyens. Alors, merci.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. le député de Jonquière. J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition, le député de Masson, à faire ses remarques préliminaires, pour une période maximale de 2 min 30 s.

M. Mathieu Lemay

M. Lemay : Alors, M. le Président, à mon tour de saluer les collègues parlementaires, saluer M. le ministre et notre collègue député de Jonquière. Je suis accompagné aujourd'hui de Fanny Cantin, ma recherchiste. Et, en fait, on veut souligner aussi la présence de tous les groupes qui vont venir ici, en consultation, prendre la parole devant cette commission. On les remercie à l'avance pour la présentation de leurs mémoires, qui vont porter notamment sur la modernisation du régime d'autorisation environnementale et la réforme de la gouvernance du Fonds vert.

Donc, il était très important pour nous d'avoir l'occasion d'entendre les divers intervenants sur les sujets bien précis qui balisent la Loi sur la qualité de l'environnement. On peut penser juste à des sujets en termes d'eau, d'atmosphère, de sol, de contaminants, polluants, matières résiduelles, matières dangereuses, et j'en passe, M. le Président. Bref, on est ici pour se pencher sur un projet de loi qui est très technique, qui aura des impacts sur de nombreux secteurs et de nombreuses entreprises québécoises.

Donc, ma formation politique est d'avis que cet exercice de révision de la loi était devenu nécessaire — M. le ministre l'a mentionné tout à l'heure, 44 années — et puis on va s'assurer, par la modernisation de cette loi, qu'on va atteindre les objectifs de simplification du processus d'autorisation. En effet, il y a plusieurs exemples d'entreprises qui sont coincées dans un processus sans fin qui se multiplie, des délais pour obtenir des autorisations qui sont de plus en plus longs. Donc, M. le Président, il est essentiel que la révision de la LQE puisse encadrer nos entreprises innovantes afin de mieux permettre la réalisation de leurs projets selon un échéancier raisonnable. Donc, on va garder en tête que, tout au long des consultations, la notion d'efficience devrait être au rendez-vous à la ligne d'arrivée.

Alors, M. le Président, je suis fier de siéger sur cette commission pour écouter chacun des groupes et leurs propositions d'amendement afin de rendre ce projet de loi réellement efficace. Merci, M. le Président.

Auditions

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. le député de Masson. Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants du groupe Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement. Je vous demande de bien vouloir vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et, par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, sans plus tarder, la parole est à vous.

Regroupement national des conseils régionaux
de l'environnement du Québec (RNCREQ)

M. Bourke (Philippe) : Merci beaucoup. M. le ministre, MM. et Mmes les commissaires, M. le Président. Écoutez, mon nom est Philippe Bourke, je suis le directeur du regroupement des conseils régionaux de l'environnement. Je suis accompagné de mon collègue Cédric Chaperon, qui est responsable des dossiers changements climatiques et énergie chez nous, et de M. Alexandre Turgeon, directeur général du Conseil régional de l'environnement de la Capitale-Nationale.

Donc, je vais y aller très brièvement sur la présentation de notre organisation... pour la plupart, vous nous connaissez bien. Donc, les 16 conseils régionaux de l'environnement du Québec qu'on représente interviennent en faveur de la protection de l'environnement dans chacune des régions du Québec, en favorisant l'intégration des préoccupations environnementales dans les processus de développement, et contribuent ainsi à harmoniser durabilité écologique, équité sociale et développement économique.

Hier, le 21 novembre, le regroupement fêtait ses 25 ans, et récemment, moi-même, j'ai célébré mes 20 ans à la direction du regroupement. Et jamais je n'aurais pensé qu'un jour enfin on allait réformer la Loi sur la qualité de l'environnement. Et je tiens... on l'a déjà dit, mais je tiens à saluer le travail du ministre là-dessus, parce que d'autres ont essayé avant lui d'arriver à une réforme, et, on le mentionnait, ça fait plus de 40 ans que cette loi-là n'a pas été réformée, et, de notre point de vue, c'est aussi nuisible pour la protection de l'environnement que ce l'est pour le développement économique du Québec. Donc, en soi, enfin, on constatait qu'il y avait deux grandes lacunes, qu'on pouvait faire oeuvre utile en réformant cette Loi sur la qualité de l'environnement et donc faire progresser le Québec dans le XXIe siècle. Donc, on est très contents, donc, d'être rendus à cette étape-ci. On a participé aux autres étapes avec le livre vert, et donc on est contents de voir que la mobilisation se poursuit et que bientôt on aura une loi sur la qualité de l'environnement qui sera à jour.

• (15 h 40) •

Évidemment, pour nous, c'est important que le ministère de l'Environnement puisse avoir des outils adéquats pour remplir son rôle de protection de l'environnement, et évidemment que cet outil-là, qui est le principal outil du ministère, c'est important qu'il soit à jour. En même temps, comme on le répète souvent lorsqu'on vient ici, on est convaincus que, si on veut que le ministère puisse jouer son rôle de protection de l'environnement de façon adéquate, ça lui prend des ressources humaines et financières à la hauteur de ce défi-là. On ne cesse de constater d'année en année une diminution du budget du ministère, en dépit du fait qu'on lui ajoute des responsabilités en matière de développement durable, de changements climatiques. À un moment donné, je pense que le citron a été assez pressé, et ça nous prend, si on veut être sérieux avec cette réforme-là, un réinvestissement majeur dans le financement du ministère. Donc, on en a fait, encore une fois, notre première recommandation. On pense que c'est fondamental qu'on dise ce message-là une fois de plus.

Au sujet des objectifs de la réforme, je le disais tout à l'heure, on n'a rien contre l'idée d'alléger le processus d'autorisation environnemental, parce que c'est clair qu'il y a un enjeu là qui est nuisible pour le développement du Québec. Mais, en même temps, on est préoccupés par le fait qu'on a tendance à mettre en priorité ces éléments de nuisance là et de négliger peut-être l'idée qu'on devrait avoir une loi sur l'environnement qui est encore plus forte, qui va mieux protéger l'environnement. Et ça, on le sent moins, et c'est pour ça que notre deuxième recommandation porte là-dessus. On pense qu'en inscrivant, dès les dispositions préliminaires du projet de loi, quelque chose de plus fort par rapport à l'importance que le Québec veut donner à la protection de l'environnement — on fait une recommandation ici, mais évidemment on peut en discuter — nous, on pense que ça viendrait donner le ton et recentrer peut-être davantage les objectifs de cette réforme-là sur l'idée d'améliorer la protection de l'environnement.

Évidemment, on a peu de temps, et j'ai déjà près de la moitié de mon temps de passée, je ne vais pas passer en revue toutes les recommandations dans le mémoire. Évidemment, on a voulu s'attarder à beaucoup de choses qui sont importantes. Je vous amène tout de suite à la page 8 de notre mémoire. Encore une fois, on mentionne qu'on a... évidemment, on partage les objectifs que poursuit le gouvernement, notamment l'idée d'améliorer la clarté, la prévisibilité et l'efficacité du régime d'autorisation. Et, en ce sens-là, pour nous, on croit que c'est indispensable de revaloriser nos processus de planification au Québec. Donc, on le fait bien, déjà, en intégrant dans le projet de loi la question de l'évaluation environnementale stratégique. C'est une excellente chose. Mais il y a d'autres mécanismes de planification à l'échelle des territoires : les schémas d'aménagement, les plans d'urbanisme, ce genre de choses là. Nous, on pense que, si on revalorise l'importance de faire une bonne planification du territoire, ça va rendre l'application des lois comme celle-là beaucoup plus facile, ça va diminuer les problématiques d'acceptabilité sociale, et ça aussi, ça va améliorer notre capacité à mieux développer le Québec et à faire en sorte qu'il réponde aux impératifs du XXIe siècle.

Ensuite, je vous amènerais... Bon, évidemment, on arrive à la partie IX, où on a une section plus détaillée où on a regardé, dans la colonne de gauche, le texte des notes explicatives du projet de loi et on a fait des commentaires, des propositions. Souvent, on a salué les avancées qui sont faites dans le projet de loi, on est très contents, donc je ne passerai pas en revue tout ça parce qu'évidemment on n'a pas le temps.

Je vous amènerais peut-être à certains éléments qu'on voudrait mettre à votre attention, en page 12, où on parle de la question des consultations ciblées. Pour nous, c'est quelque chose qui est un peu... on a besoin de réponses, là, sur qu'est-ce qui est perçu ou qu'est-ce qui est entendu par ça. Même à l'interne, il y en a qui disaient : Bien, c'est-u une consultation où on cible les personnes qui participent ou c'est une consultation sur un thème qu'on cible? Juste en partant, il y avait une confusion chez nous. Donc, je pense que c'est sans doute une bonne idée, puis sans doute que ça répond à un besoin, mais, pour nous, il faudrait d'abord clarifier ce qu'on entend par là.

Il y avait des inquiétudes au niveau de la médiation, pas parce que ce n'est pas intéressant, au contraire, nous, qui sommes des organismes de concertation, on privilégie ce mode de résolution de conflit qui est la médiation. Ce qui nous inquiétait un peu, c'est la disparition du fait que, lorsque la médiation échoue, maintenant, on n'aurait plus automatiquement le recours à l'audience publique en bonne et due forme.

Je vous amène maintenant en page 14, où on parle de la question des matières résiduelles, un secteur dans lequel les conseils régionaux interviennent beaucoup. Plusieurs d'entre eux ont participé aux travaux de consultation qui ont eu lieu au cours des derniers mois sur la mise à jour des plans de gestion des matières résiduelles. C'est dont... ce qu'on parle ici. Le projet de loi propose d'alléger ces processus-là. On n'a rien contre certaines dispositions. Par contre, on est inquiets sur l'idée de reporter de cinq à 10 ans la durée des plans, d'autant plus que nous, on perçoit qu'il y a des lacunes au niveau de l'application de ces plans-là. Donc, ce qu'on propose, c'est qu'en contrepartie les MRC soient forcées de faire un bilan annuel de mise en oeuvre du plan, ce qui permettrait de compenser l'extension de la durée du plan.

Je vous amène en page 15, c'est un... Je vais attirer votre attention là-dessus parce que c'est un sujet important pour nous. Évidemment, on s'intéresse énormément aux enjeux de changements climatiques, au plan d'action sur les changements climatiques, à l'utilisation des sommes par le Fonds vert, et on tenait ici à être très, très précis sur certains commentaires et recommandations. Donc, je vais vous faire la lecture.

Le regroupement reconnaît que la gestion du Fonds vert est loin d'être optimale et que les nombreuses irrégularités qui ont été constatées au cours des dernières années méritent une grande attention. En ce sens, le RNCREQ salue la mise en place du conseil de gestion du Fonds vert.

Cela dit, au-delà du caractère spectaculaire des cas d'irrégularité qui ont fait la manchette et qui justifient aujourd'hui la mise en place de ce conseil de gestion, il se cache d'autres problèmes, dans la mise en oeuvre du plan d'action sur les changements climatiques, que le conseil de gestion ne va pas nécessairement pouvoir résoudre. Premièrement, à l'inverse du manque de contrôle observé sur certaines dépenses — on le concède — on observe en contrepartie une volonté de contrôle comptable excessive sur les activités, en particulier, du ministère de l'Environnement. Et c'est complètement contre-productif et même inadapté au contexte de la protection de l'environnement.

Je donne quelques exemples. Quand on est en train de faire de la transition énergétique, des changements climatiques, ça implique de l'éducation, des changements de comportement, des modifications de normes sociales, l'adaptation aux changements climatiques. C'est toutes des choses qui ne se comptent pas dans les colonnes d'un fichier Excel. Alors, quand on demande aux fonctionnaires du ministère de traduire ça en nombres dans des colonnes de fichiers Excel, ils ne sont pas en train de protéger l'environnement puis de trouver une façon de faire accélérer la mise en oeuvre du plan sur les changements climatiques. Donc, je pense que ça, là, en soi, il faut essayer d'inverser cette tendance-là à la numérotation de notre action en changements climatiques et en protection de l'environnement en général.

Le Président (M. Iracà) : ...secondes, M. Bourke. Tout simplement pour vous aviser.

M. Bourke (Philippe) : C'est gentil. Merci beaucoup. L'autre chose peut-être que je pourrais mentionner rapidement, bon, évidemment, de façon spécifique, on ne sera pas les seuls à en parler, mais, dans les lacunes qu'on observe au niveau de la mise en oeuvre du Fonds vert, il y a un grand volet qui appartient aux responsabilités du ministère des Transports. Il y a des propositions ici pour trouver une façon de corriger ce tir-là. D'autres vont en parler, parce qu'on s'est partagé un peu le travail sur une proposition pour aider le ministère de l'Environnement à améliorer sa capacité à orienter correctement les dépenses du Fonds vert qui vont en transport. Donc, je vous laisse là-dessus regarder nos propositions.

Et, bien, je pense, ça va être tout. Écoutez, il y a plein d'autres sujets dont on parle, mais que je n'ai malheureusement pas le temps d'aborder. On le fera sans doute dans les questions.

Le Président (M. Iracà) : Oui. Alors, merci, M. Bourke, pour votre exposé. Effectivement, lors des échanges, vous aurez l'occasion certainement d'approfondir, là, au niveau de votre exposé. Alors, sur ce, nous allons maintenant commencer la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Bourke. Bonjour, messieurs. Merci pour votre mémoire ainsi que votre présentation aujourd'hui. Oui, c'est un projet de loi assez volumineux, on pourrait en dire beaucoup, mais je vais prendre pour acquis que c'étaient les priorités que vous avez mentionnées, les faits saillants les plus importants. Le mémoire couvre beaucoup de travail, d'ailleurs, comme toujours.

Je vais commencer par l'ordre inverse, je vais commencer par le Fonds vert. Quand vous parlez d'une crainte qu'on soit sous l'emprise des comptables, si je paraphrase votre propos, je veux juste comprendre, est-ce que vous avez spécifiquement... Parce que ce n'est vraiment pas ça, l'objectif. L'objectif de la disposition, c'est véritablement s'assurer que, du début d'un projet et même avant même qu'on prenne la décision d'investir de l'argent du Fonds vert dans un projet, quel qu'il soit, que de soit un projet de transport, de recherche scientifique ou de sensibilisation de la population, qu'on s'assure qu'on ait bien réfléchi, qu'on ait véritablement une gestion par projet, qu'on ait des livrables, des indicateurs de performance, qu'on puisse déterminer, en fin de projet et même durant le projet, bien, est-ce qu'on dépense les fonds, parce que les fonds des Québécoises et des Québécois, là, qu'on dépense, qu'on s'assure que l'argent va... doit aller...

Je veux juste m'assurer. Est-ce que vous lisez vraiment, dans le libellé du projet de loi, qu'on va juste s'en tenir à des projets de réduction de gaz à effet de serre, ou est-ce que vous exprimez plus une crainte que ça devienne l'interprétation? Je veux juste bien comprendre votre propos, parce que moi, je ne lis pas le projet de loi comme ça. Mais c'est le but des consultations, là.

• (15 h 50) •

M. Bourke (Philippe) : Vous avez raison de dire qu'on ne le lit pas comme ça. Mais c'est une crainte qu'on sent. Elle est plus latente, puis on a juste peur que ce nouveau conseil de gestion, dont ce n'est pas le but, assurément, de s'empêtrer dans des processus, des procédures, mais de bien faire les choses, bien, on voudrait éviter qu'il tombe dans, finalement, de la procédurite, donc. Mais on ne l'a pas lu. Donc, c'est une crainte qu'on vous soumet et on porte à l'attention des parlementaires de juste veiller à ça, parce qu'on touche à... On n'est pas dans... En environnement, en changements de comportements, je pense qu'il faut comprendre qu'il ne faut pas nécessairement penser qu'on va suivre les... les indicateurs vont être de la même nature que dans d'autres domaines.

M. Heurtel : Je reçois très bien ça, puis nous sommes d'accord, là, ce n'est pas du tout ça, l'objectif. En effet, il va y avoir des projets puis il y a déjà des projets financés par le Fonds vert, en sensibilisation, par exemple, ou en recherche scientifique. Il n'y a pas un lien direct qu'on peut dire : Bien, investir dans Ouranos, par exemple, va nous donner x réductions de GES. Ça, on est d'accord. Mais, encore, veux veux pas, je crois que la structure de gouvernance actuelle du Fonds vert n'est pas adaptée à la réalité, n'est pas adaptée à des exigences, même les exigences de plusieurs groupes environnementaux qui veulent mieux comprendre, mieux voir où l'argent va puis c'est quoi, le lien entre les investissements et tout l'écosystème. Parce qu'il y a deux ans, presque trois ans, on n'avait pas tous les outils qu'on a aujourd'hui, on n'avait pas une stratégie gouvernementale de développement durable, on n'avait pas la politique énergétique, le Plan d'action en électrification des transports, on n'avait pas la cible de 2030 ni celle de 2050 de réduction d'émissions. Alors, je crois que... puis c'est ça, le but.

Puis je vais faire la transition avec votre commentaire sur le préambule. On a fait bien attention, dans le préambule du projet de loi, qui serait le nouveau préambule de la Loi sur la qualité de l'environnement, d'intégrer la Loi sur la qualité... la lutte contre les changements climatiques, plutôt, puis justement pour s'assurer que, lorsqu'on interprète la loi puis lorsqu'on fait... que ça soit au niveau de l'évaluation des dépenses du Fonds vert ou des autorisations environnementales, qu'on tienne compte... plus qu'on tienne compte, qu'on intègre dans la réflexion, dans nos procédés, la lutte contre les changements climatiques et tous les outils qui existent présentement, mais qui vont... Il va y en avoir d'autres à l'avenir, nécessairement, dans l'ensemble des actions qu'on pose. Alors, je veux juste m'assurer, sachant qu'il y a un projet de loi sur les milieux humides qui s'en vient, sachant qu'il va y avoir, par exemple, une loi spécifique sur les pesticides qui s'en vient également, je veux juste... je crains que... Est-ce qu'on n'essaie pas de trop en faire avec un long préambule, là? Je veux juste essayer de comprendre.

Vous envoyez des messages très, très clairs puis au niveau de vos priorités, mais moi, je vois un... Puis ça, c'est mes vieux réflexes d'avocat, mais, je veux dire, si on en laisse trop, là, on restreint aussi l'interprétation possible, tu sais, je veux dire, dans le sens que, si on fait une liste trop exhaustive dans le préambule d'un projet de loi, bien là, ce qui n'est pas écrit risque de dire : Bien, le législateur a voulu l'exclure. En tout cas, ça peut être plaidé. En tout cas, moi, j'essaie de penser pour l'avenir : Est-ce qu'il ne faut pas rester plus général?

Mais, si je vous demanderais c'est quoi, les enjeux principaux que vous proposez, là, dans votre préambule... Qu'est-ce qui vous laisse croire que la LQE, dans sa forme actuelle ou dans la forme proposée, serait affaiblie ou ne ferait pas le travail dans ces enjeux-là? Je vois, par exemple, la biodiversité, bon, la protection de la biodiversité, c'est... J'essaie d'aller plus concrètement où vous voyez un risque de faiblesse ou... Quand vous dites : Il faudrait être plus fort, avez-vous des exemples concrets ou quelque chose de plus... bien, plus clair là-dessus?

Le Président (M. Iracà) : M. Bourke.

M. Bourke (Philippe) : Bien, déjà, on a proposé, entre autres, c'était déjà quelque chose qui était dans les notes explicatives, la volonté du gouvernement d'intégrer la santé humaine comme un élément important à ajouter, donc de faire le lien fondamental qui existe entre la protection de l'environnement et la santé humaine. Donc, ça, on le retrouvait déjà dans les notes explicatives, donc, ça nous apparaît nécessaire de minimalement l'intégrer dans ça pour montrer... Puis je pense que, pour nous qui travaillons dans le domaine de la protection de l'environnement, de faire la démonstration que c'est lié, ces choses-là, ça va assurément aider à faire progresser les choses.

Ceci dit, écoutez, notre intention de vouloir augmenter ou d'ajouter des choses à la disposition préliminaire, je le rappelle, vient du fait qu'on présume que l'intention est surtout axée sur l'amélioration de l'efficacité du processus. Puis, comme on l'a dit, on n'a rien contre, et on cherchait une façon de contrebalancer cette tendance-là, puis on pensait, à cet endroit-là, c'était le mieux. Maintenant, je ne suis pas juriste, je n'ai pas réfléchi aux... les effets...

Une voix : ...

M. Bourke (Philippe) : C'est ça. Je suis content, ils vont pouvoir me donner leurs commentaires après. Mais, ceci dit, donc, c'était notre proposition de vouloir mettre ces choses-là sur la table, à ce moment-ci, pour clairement montrer qu'au-delà de la nécessité d'alléger le processus le gouvernement maintient que la priorité, pour lui, c'est quand même son rôle de gardien de la protection de l'environnement, et on pense que, formulé comme ça, ça aiderait.

M. Heurtel : Je comprends. Puis ce l'est. Je veux dire, encore une fois, tu sais, quand on parle... par exemple, avec la nouvelle structure, bien, fondée sur le risque, par exemple, on se donne la latitude d'intégrer tous les projets sur les hydrocarbures, ce qu'on ne pouvait pas faire avant. Avec le test climat, on réussit maintenant à approfondir puis, en amont, dès le départ, de poser toutes les questions nécessaires, justement, reliées à la lutte contre les changements climatiques puis avoir des réponses claires dès le départ.

Toute la question de transparence, de participation citoyenne, tu sais... puis encore, moi aussi, je suis limité dans le temps, là, mais il y a beaucoup de dispositions dans le projet de loi pour mieux impliquer les citoyens et citoyennes, groupes et autres plus tôt dans le processus, en plus, avoir plus d'accessibilité; tout ça est fait dans une optique de justement mieux protéger l'environnement, je veux dire, il y a plusieurs exemples, là, comme ça. Mais j'entends bien que ce qui ressort plus, ce que vous ressentez plus, vous, de votre côté, c'est qu'on mise plus sur la simplicité, l'efficacité, la prévisibilité. Mais je veux juste bien être clair, les standards de protection de l'environnement ne sont pas du tout affectés, au contraire, nous pensons, et moi, je le pense profondément, qu'on améliore nos outils.

Sur la question... vous parliez de schéma d'aménagement, tout ça, encore une fois, on essaie d'y aller par étapes, parce que la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme couvre justement la question de schéma d'aménagement, comme vous le savez, et ne relève pas du ministère de l'Environnement. C'est clair que c'est quelque chose qu'il faut regarder, surtout quand on parle de planification de transport, l'étalement urbain, tout ça. Mais, encore une fois, ma question, c'est : Vous ne voyez pas, dans le test climat, une façon justement de nous permettre d'analyser, justement, si un projet, justement, va générer des émissions importantes? Puis ça peut aller jusqu'à une autoroute, ça peut aller... Ça ne nous permet pas, justement, d'entrer... de pouvoir approfondir les questions soulevées par de tels projets et se rendre jusqu'à la question d'aménagement, de planification urbaine? Je me demande si vous ne voyez pas là quand même une partie de la solution.

Le Président (M. Iracà) : M. Bourke.

M. Bourke (Philippe) : Bien, je pourrai te laisser compléter. Mais vous m'amenez sur la question du test climat. Justement, dans la section où on en parle, on insiste énormément, justement, sur... Et c'est un bon point que vous faites, parce que ce qu'on dit justement, c'est que ce test climat là doit, en priorité, s'appliquer à ce genre de planification là. C'est là qu'on va faire les meilleurs gains, c'est en amont, lorsqu'on réfléchit de la manière dont on va occuper le territoire, la manière qu'on va développer nos villes, la manière qu'on va... À la rigueur, ça peut être aussi au niveau des politiques de développement, notre plan d'action sur l'exportation, par exemple, en quoi il est connecté aux enjeux climatiques du Québec. Donc, pour nous, le test climat, c'est là qu'il va avoir sa plus grande importance, son plus grand pouvoir de faire changer les choses dans la bonne direction.

L'idée de l'appliquer à des projets spécifiques, on n'est pas contre, au contraire, mais je pense que ça pose plus de questions en termes d'application. Mais, au contraire, moi, je pense que ça, cette idée-là, elle est vraiment très importante, du test climat, mais appliquée à la planification. Je ne sais pas si tu avais peut-être un point, Alexandre, à rajouter là-dessus.

• (16 heures) •

M. Turgeon (Alexandre) : Bien, si c'est une façon de mieux regarder, pour le gouvernement, ce que font les municipalités dans leur planification, dans leurs outils de planification, dans les plans d'urbanisme, dans les schémas d'aménagement qui peuvent avoir des conséquences environnementales assez dramatiques, non seulement par le développement urbain, sur le drainage des sols, mais également sur notre consommation énergétique de par les modes de transport qui sont associés au développement urbain, si le test climat permet de poser un regard, et d'être un peu plus sévères, et de requestionner le travail des municipalités... Vous savez, on a une approche où on dit que les municipalités... On est d'accord avec une plus grande autonomie envers les municipalités sur leurs façons de faire les choses, mais que cette autonomie-là doit s'accompagner d'une obligation plus grande de résultat par rapport à des objectifs de société qui sont établis dans différentes politiques gouvernementales. Et, en ce sens là, si ça donne une meilleure poignée au gouvernement pour rappeler à l'ordre des municipalités sur leur travail à faire en matière d'aménagement du territoire et de transport, bien, tant mieux.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Turgeon. M. le député de Maskinongé, en 2 min 30 s.

M. Plante : Bon, bien, écoutez, bien, merci beaucoup, M. le Président. Donc, écoutez, très rapidement... Tantôt, je vous ai entendu parler au niveau des ressources du ministère, et on a eu la chance de faire, même, des tournées de consultation, tout ça. On entend le même commentaire souvent que, bon, soit qu'il manque de ressources ou l'accompagnement est plus difficile dans certains cas. Et j'ai entendu dire aussi... puis, lors des consultations, on a pu le constater ensemble, il y a certaines personnes qui disaient qu'on pourrait donner ou faire jouer un rôle plus important à des sociétés d'État comme RECYC-QUÉBEC dans différents dossiers à différents niveaux, un exemple : des sites d'enfouissement, ou des choses comme ça, et j'aimerais entendre votre point de vue là-dedans, là, très rapidement, puisque je pensais qu'il me restait sept minutes, mais c'est deux minutes.

Le Président (M. Iracà) : Alors, M. Bourke.

M. Bourke (Philippe) : Écoutez, si on parle spécifiquement du dossier des matières résiduelles, puis, tu sais, je ne veux pas faire de lien par contre avec la question... l'enjeu des ressources humaines ou financières du ministère, mais c'est clair que, dans ce dossier-là, on le constate, nous, de notre point de vue, il y a effectivement un besoin, assurément, de trouver une façon de réduire les dédoublements, de clarifier les rôles respectifs du ministère et de RECYC-QUÉBEC pour rendre plus opérationnel ce chantier important qu'est notre politique de gestion des matières résiduelles. Alors, est-ce que c'est la bonne solution de confier plus de responsabilités à RECYC? Assurément que ça vaut la peine de regarder. Moi, je vous encourage à le faire parce que vous touchez là à une problématique importante, de notre point de vue, où il y a un dédoublement, une grande inefficacité dans ce dossier-là, mais je me... sous toutes réserves parce qu'évidemment je n'ai pas consulté, là, mais c'est à explorer, sans doute.

Mais, pour ce qui est d'autres mandats, je ne me prononcerais pas parce que les sociétés d'État qui sont liées au ministère de l'Environnement, à part celle-là, je n'en connais pas d'autre. Puis je pense que je réitère l'importance de bien doter le ministère, aussi, d'effectifs, de ressource qui est capable de bien jouer son rôle de surveillance, de contrôle, et... c'est ça.

Le Président (M. Iracà) : Alors, merci beaucoup, M. Bourke. Ceci met fin à la période d'échange avec la partie gouvernementale. Nous allons procéder à la période d'échange avec le premier groupe d'opposition. M. le député de Jonquière, la parole est à vous.

M. Gaudreault : Avec le groupe d'opposition officielle, M. le Président.

Le Président (M. Iracà) : Ah! le premier groupe... bien sûr, officielle.

M. Gaudreault : Avec le groupe d'opposition officielle.

Le Président (M. Iracà) : Le groupe d'opposition officielle, bien sûr.

M. Gaudreault : Merci d'être ici, M. Bourke, M. Turgeon, M. Chaperon, vous cassez la glace. Alors, vous êtes les premiers et soyez assurés que vos recommandations seront prises en compte, même si les consultations vont continuer. Vous pouvez avoir l'impression que, ah, ça a évolué puis qu'on est un peu loin quand on arrive plus tard dans le processus, mais je veux vous rassurer quant à ça.

Maintenant, moi aussi, je veux y aller sur le Fonds vert pour commencer. J'aime bien votre expression quand vous dites, M. Bourke : La gestion du Fonds vert ne doit pas se limiter à une feuille Excel, là, grosso modo, là, bon, parce que ce n'est pas que comptable, là, quand on parle de réduction de GES. Mais, en même temps, à la page 16 de votre mémoire, il y a un point, là, à la toute fin, où, justement, vous faites une critique des sommes allouées... la gestion des sommes allouées au MTQ, et là vous soulevez quatre préoccupations majeures, là : aucune cible de réduction de GES n'est exigée, bon, etc., je ne veux pas le lire ici. Justement, cet exemple-là que vous donnez fait paradoxalement la confirmation qu'il faut avoir une gestion quand même serrée du Fonds vert. Donc, comment on peut trouver le bon équilibre, là, entre pas trop de contraintes, tenir compte de la réalité intrinsèque du Fonds vert et de ses objectifs, mais quand même avoir une reddition de comptes qui est correcte et qui est collée à l'objectif qui est d'atteindre des cibles de réduction de GES?

Le Président (M. Iracà) : M. Bourke.

M. Bourke (Philippe) : C'est un bon point que vous soulevez, effectivement. D'une part, on dit qu'il y a un contrôle trop serré, puis, après ça, on vient dire qu'il n'y en a pas assez. Écoutez, ma remarque, je pense que je l'avais déjà abordé quand on a adopté la Loi sur le développement durable, on a créé le poste de Commissaire au développement durable puis on lui a demandé de surveiller en particulier la mise en oeuvre de cette fameuse loi, mais ça s'est adonné que le commissaire semble avoir interprété son rôle comme de la surveillance du ministère du Développement durable, et, année après année, est très dur à en faire... de la manière dont le ministère fait ses choses, et donc le force à continuellement corriger et de plus surveiller, contrôler, compter. Puis, pendant ce temps-là, d'autres ministères qui prennent des décisions à tous les jours qui vont complètement à l'envers du développement durable, comme décider de construire une autoroute qui va drainer un important étalement urbain, bien, personne ne les surveille.

Bien, on retrouve à peu près la même chose ici lorsqu'on parle de la gestion du Fonds vert. Donc, le ministère de l'Environnement est continuellement mis au banc des accusés pour comment ça se fait, telle dépense, puis pourquoi c'est telle chose, puis là il est obligé de toujours s'expliquer puis dire... puis là, après ça, là, être forcé de continuellement rajouter des briques autour de qu'est-ce qu'il fait. Puis, pendant ce temps-là, bien, le ministère des Transports, qui est responsable de près du deux tiers des dépenses du fonds, bien, lui, on lui confie le fonds en disant : Bien, voici, tu dois faire de la réduction de gaz à effet de serre, mais avec des modalités de contrôle qui sont moindres. Donc, nous, on dit : Est-ce que c'est le conseil de gestion qui va régler ça? On ne le sait pas. En attendant, une des choses qu'on perçoit, c'est que, minimalement, si on réussissait à distinguer l'argent qui va dans le fonds de celle qui irait à des actions vraiment dédiées à la réduction des gaz à effet de serre, déjà ça améliorerait énormément le contrôle au niveau des dépenses du ministère des Transports. Et donc c'est dans ce sens-là, là... Effectivement, c'est un peu deux poids, deux mesures. Je pense que, peut-être, il faut changer notre mode de contrôle et l'orienter un peu plus aux endroits où ça compte un peu plus.

Le Président (M. Iracà) : M. le député.

M. Gaudreault : Bien, peut-être qu'au fond la solution se trouve dans la page 15 de votre mémoire, un, deux, trois, quatrième paragraphe, quand vous dites : «...la réforme en cours doit permettre de fixer des cibles de réduction sectorielles qui incitent les principaux ministères à intégrer plus formellement la lutte aux changements climatiques à l'ensemble de leurs activités.» Autrement dit, est-ce que vous dites qu'on devrait aller plus loin en prévoyant, dans une loi, soit la LQE ou une autre, j'en ai suggéré une, moi, en ce qui me concerne, en tout cas, en ce qui nous concerne... Est-ce qu'on pourrait, à ce moment-là, fixer des cibles de réduction sectorielles, donc transport, qui permettrait de trouver cette voie de passage? Parce que, là, présentement, il n'y en a pas. On a des cibles politiques, mais qui ne sont pas contrôlées par une loi, d'une certaine manière.

M. Bourke (Philippe) : On a fait la proposition, cet été, lorsqu'on a participé aux travaux de la commission des... c'est la...

Une voix : Ressources naturelles.

M. Bourke (Philippe) : ...ressources naturelles, sur le projet de loi n° 106, qui met en place Transition énergétique Québec. Nous, on a fait la suggestion que ça soit une loi sur la transition énergétique et qui intègre, justement, des cibles sectorielles parce que, sinon, ça devient tout simplement une gestion de programme, puis finalement un ministère peut recevoir des sommes pour établir des programmes de réduction, mais entre-temps établit des politiques publiques qui vont en sens inverse. Donc, en mettant une cible, on s'assure qu'à la fois dans la façon dont ils délivrent les programmes et à la fois dans les plans de développement qu'ils mettent en oeuvre ils aient cette obligation et même cette imputabilité à rendre des comptes sur l'atteinte de leurs cibles de GES.

Moi, j'arrive du Maroc. L'année passée, je suis allé en France, puis c'est comme ça que ça fonctionne, il y a des obligations de résultat. Et on pense qu'en termes de saine gestion, saine gouvernance, ça devrait aller de soi qu'on se donne ce genre de cibles là.

M. Gaudreault : Mais est-ce que ça, ce devrait se faire dans la loi actuelle qu'on est en train d'étudier?

• (16 h 10) •

M. Bourke (Philippe) : Écoutez, nous, on le propose. Parce qu'après ça il faut le calculer, là. C'est facile de le dire, mais, après ça, c'est combien on l'attribue? On est conscients que c'est un défi. Peut-être que, dans le prochain plan d'action, 2020‑2030, ça pourrait être l'occasion. Sinon, nous, on n'a pas perdu espoir que, dans la stratégie énergétique, ça devrait se retrouver là, ça devrait être la première responsabilité de Transition énergétique Québec que de fixer des cibles.

M. Gaudreault : Que ce soit évaluable et que ce soit mesurable. O.K.

M. Bourke (Philippe) : Bien, exactement. Donc, il y a des opportunités en ce moment, oui, mais là pour vous dire à quel endroit c'est le mieux... Je pense que nous, on fait juste soulever la problématique ici que c'est important qu'on se donne cet outil-là.

M. Gaudreault : Ça m'amène justement, moi aussi, à vous questionner sur les dispositions préliminaires parce que, quand je lis, à la page 7, là, le bout en gras que vous voulez ajouter, c'est quasiment des mots qui en font un genre de loi un peu fondamentale parce que vous parlez du caractère collectif, d'intérêt public, les générations futures. C'est comme si vous voudriez y donner un statut un peu plus solennel, je ne sais pas trop comment l'exprimer, là, mais vous arrivez quand même avec des dispositions ou des mots qui donnent un caractère un peu plus formel. Est-ce que je vous lis bien ou... Est-ce que vous pouvez nous parler davantage de ça?

M. Bourke (Philippe) : Je m'excuse... Écoutez, quand elle a été créée, cette loi-là, en 1972, on ne vivait pas dans un monde où les ressources étaient limitées, c'était un monde encore de ressources illimitées, il fallait juste faire de la mitigation. On constatait que le développement entraînait des conséquences, et on se disait : Bien, il faut limiter ces conséquences-là, mais on continue le développement. Aujourd'hui, en...

Une voix : 2016.

M. Bourke (Philippe) : ... — 2016, oui, c'est ça, je cherche parce que 2015, 2014, 2016 — ...

Une voix : ...

M. Bourke (Philippe) : ...2016 — oui, c'est ça, c'est peut-être ça — on est rendus ailleurs. Et donc là, là, il faut... cette loi de la protection d'environnement, là, elle n'a plus la même responsabilité qu'à l'époque, elle est là pour garantir le maintien des conditions d'existence sur la terre. Ça peut paraître ésotérique, ce que je vous dis, là, mais c'est la réalité, lorsqu'on lit les rapports, à chaque jour, qui nous tombent, que ce soit de l'ONU, d'un peu partout sur la planète, sur la disparition de la biodiversité, sur les changements climatiques, etc. Donc, à quelque part, là, il faut repréciser un peu plus ce qu'on veut faire avec cette loi-là.

Le Président (M. Iracà) : Une minute.

M. Gaudreault : Merci, oui. Il nous reste une minute, donc le temps file vite, mais je veux absolument vous entendre, parce que vous avez l'air très inquiet sur l'idée des consultations ciblées. Je ne relirai pas votre mémoire, là, page 12, mais pouvez-vous nous expliquer un peu plus... Vous suggérez quoi, là, vu que vous êtes inquiet, là? Vous ne donnez pas votre appui, comme vous dites : «[On] réserve donc [notre] appui à cette proposition», page 12.

M. Bourke (Philippe) : Bien, la seule chose qu'on suggère, c'est une définition. Pour le moment, notre inquiétude est plus liée au fait qu'on ne sait pas ce que c'est. Ce n'est pas vraiment une inquiétude comme une... Avant de dire quoi que ce soit, on va attendre de voir ce que ça veut dire. Donc, je pense que ce serait nécessaire d'expliquer un peu mieux l'intention et ce que ça veut dire dans les faits. Parce qu'évidemment, dès qu'on touche aux enjeux comme les consultations publiques, là, on sait que les Québécois tiennent beaucoup au BAPE, au processus classique. Alors, quand on arrive avec des nouvelles choses, je pense, c'est important de le définir correctement.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Bourke. Ceci met fin à l'échange avec le porte-parole de l'opposition officielle. Nous allons débuter un autre échange avec le porte-parole du deuxième groupe d'opposition, le député de Masson. La parole est à vous.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Donc, à mon tour de vous saluer. Je vais vous amener à la page 10 de votre mémoire. Dans votre premier encadré, quand vous parlez, dans le fond, que «l'examen attentif des règlements d'application devient une condition essentielle pour juger de la saine gestion du risque» au niveau des quatre types de risques — bon, je crois que vous apportez des nuances ici, là — est-ce que voulez en dire davantage?

M. Bourke (Philippe) : Bien, écoutez, on dit : Le diable est dans les détails. Je me souviens que, lorsqu'on était venus présenter notre mémoire ici sur le livre vert, on avait fait la suggestion de faire des tests, d'essayer de mettre des idées de projet, sur la table, fictifs puis de voir où est-ce qu'ils se situeraient dans ces quatre échelons-là pour qu'on soit capables de figurer un peu de quoi on parle, parce que, compte tenu du fait qu'effectivement on n'a pas la réglementation, c'est difficile. Le principe, on y adhère, mais où est-ce qu'on va situer le changement de case pour des niveaux de risque, tel projet va être dans un ou dans l'autre? Tant qu'on n'a pas cette réponse-là, effectivement, c'est une source d'inquiétude.

Et, nous, un des éléments qu'on mentionne aussi, l'importance, là-dedans, c'est de tenir compte de certaines particularités territoriales. Donc, un risque peut être faible à certains endroits... comme la perte d'un milieu humide sur la Côte-Nord versus la perte d'un milieu humide à Laval, on s'entend que ce n'est pas la même problématique, ce n'est pas le même risque. Alors, si on se fie uniquement à des tailles, bien, on risque de passer à côté de quelque chose d'important. Donc, c'est la seule nuance qu'on voulait apporter ici.

Le Président (M. Iracà) : M. le député.

M. Lemay : Merci. Donc, ce que je peux comprendre, c'est que vous verriez, à travers la liste qui va être émise par règlement, de peut-être avoir, peut-être, une grille d'analyse pour pouvoir dire : Ah! compte tenu des particularités régionales, il pourrait être soumis à une autre catégorie de risques que ce qui est écrit dans le règlement.

M. Bourke (Philippe) : Bien, exactement. On s'attend à ce que les critères soient quand même multiples, là, que ça ne soit pas uniquement limité, par exemple, à un tonnage, ou à une taille d'un territoire, ou quoi que ce soit, parce que tout ça peut avoir des... L'effet de cumul, je n'en ai pas parlé, mais c'est la même chose. Donc, plusieurs petits projets dans un territoire restreint, globalement, peut avoir un impact grand, mais, si on les prend un à un, on va juger qu'ils sont à faible risque. Donc, c'est le genre de chose qu'il faut regarder.

M. Lemay : Merci pour les précisions. Pour le souci du ministre, là, j'ai entendu tantôt le député de Jonquière aussi mentionner que ça serait important qu'on ait accès audit règlement ou auxdites listes, donc j'imagine qu'éventuellement, dans l'étude détaillée, ce sera rendu disponible pour permettre l'étude du projet de loi convenable.

J'aimerais vous poser une question. Si on s'en va à la page 11, là, vous allez... dans votre premier encadré, vous parlez sur le principe f, de l'accès au savoir, de la Loi sur le développement durable. Vous mentionnez que c'est toute l'information qui devrait être publique, pas seulement une majorité ou davantage, là. Vous voulez m'en dire davantage sur cet encadré, s'il vous plaît?

M. Bourke (Philippe) : C'est à quel endroit qu'on en a parlé?

Des voix : ...

M. Bourke (Philippe) : Ne bougez pas, c'est parce que, cette portion-là du mémoire, on l'a faite voilà deux jours puis là je me... Bien, on est censés avoir rajouté une section où on traite d'une façon plus spécifique de ce qu'on entend, donc, par cette information... voyons, nécessairement importante à avoir. Écoutez, je vais prendre la question en délibéré puis je vous enverrai notre réponse, là, parce que je ne retrouve pas... On avait vraiment fait l'exercice de bien détailler le genre d'information... bon, évidemment, quand on dit «toute l'information», on est conscients qu'il y a des limites, là, il y a toujours des...

M. Lemay : ...parce que...

Le Président (M. Iracà) : Excusez-moi, M. Bourke, simplement l'envoyer au secrétariat, on va s'assurer de l'envoyer à tout le monde.

M. Bourke (Philippe) : Oui, absolument. Ça sera fait.

Le Président (M. Iracà) : Merci.

M. Lemay : Si je me rappelle, lorsqu'on faisait l'étude du livre vert, il était mention de certaines informations de nature industrielle ou concurrentielle, là, que peut-être qu'elles ne seraient pas rendues publiques, mais, bon, si vous avez vos précisions à cet effet, ça sera apprécié.

M. Bourke (Philippe) : Parfait, merci. On fera ça.

M. Lemay : Parfait. Je vais vous ramener, d'abord, à la page 8 de votre mémoire, là, dans l'encadré de la... bien, en fait, dans la recommandation 4. Quand que vous parlez de revaloriser les évaluations environnementales stratégiques, vous semblez voir ça d'un bon oeil. Je ne sais pas si vous voulez en dire plus.

M. Bourke (Philippe) : Oui, bien, c'est un bon point, on l'aborde plus loin aussi dans le mémoire. On est contents de voir l'intégration de cette question de l'évaluation environnementale stratégique dans le projet de loi. Nous, ça fait longtemps qu'on milite pour cet outil-là. Par contre, on dénote que, oui, il y a un bon début, mais il reste du travail à faire parce qu'on aurait besoin que ça soit plus évident : quand est-ce qu'on l'applique, à partir de quand, qui s'en occupe, à quelles fins. Toute cette mécanique-là mérite, à notre point de vue, d'être mieux explicitée soit dans le projet de loi ou dans un règlement; là-dessus, on laisse la discrétion aux parlementaires de décider. Mais visiblement, oui, il y a une avancée. On est contents de le voir là, mais ça nous apparaît encore bonifiable, là. Disons qu'il y a du travail à faire pour rendre cet outil-là, qui est fondamental, qui est un vrai outil moderne de développement durable... lui rendre vraiment toute sa capacité d'action puis de nous faire avancer.

M. Lemay : Parfait. Il nous reste à peine une minute. Je ne sais pas s'il y a quelqu'un d'autre qui voulait ajouter quelque chose ou si vous vouliez compléter, parce que vous semblez mentionner que vous n'aviez pas tout dit dans vos remarques préliminaires.

M. Turgeon (Alexandre) : Bien, écoutez, Philippe me demande de peut-être compléter sur une question qu'on aborde à la page 16 du mémoire et qui concerne la question des milieux humides, qui va être traitée dans un autre projet de loi, mais nous, on rappelle l'importance, dans des négociations qui ont cours avec les municipalités sur la délégation de pouvoirs... On sait que les municipalités ont des demandes de délégation de pouvoirs en matière d'autorisations environnementales, notamment en ce qui traite la question des milieux humides. Nous, on vous rappelle que les villes gèrent l'aménagement du territoire... qui reconnaît, dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, que c'est un rôle politique. Délivrer des autorisations environnementales, ça relève davantage d'une question scientifique que d'un pouvoir politique, et donc il faut être extrêmement prudents sur cette délégation-là de pouvoirs à faire aux municipalités. Nous, on pense que, non, au contraire, c'est le l'État qui doit être le gardien de ces autorisations-là parce que les villes sont en conflit d'intérêts sur qu'est-ce qui se passe sur leur territoire et ils ne peuvent, à notre avis, pas bien faire les arbitrages et de se préoccuper des questions scientifiques qui doivent être derrière les décisions de protéger un milieu ou d'autoriser un projet ou pas.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Turgeon, M. Bourke, M. Chaperon. Merci beaucoup de votre contribution à cette commission.

Je suspends les travaux quelques instants et je vais demander au deuxième groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 20)

(Reprise à 16 h 22)

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup. Nous allons reprendre les travaux.

Je souhaite la bienvenue aux représentants du Centre québécois du droit de l'environnement. Je vous demande de bien vouloir vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, messieurs, la parole est à vous.

Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)

M. Baril (Jean) : Merci. M. le ministre, M. le Président, MM. les législateurs et députés — je crois qu'il n'y a pas de Mme législateur aujourd'hui — mon nom est Jean Baril, je suis avocat, docteur en droit, professeur de droit au Département de sciences juridiques de l'UQAM et vice-président du Centre québécois du droit de l'environnement. Je suis accompagné, à ma gauche, de Me Michel Bélanger, avocat émérite, président fondateur du Centre québécois du droit de l'environnement. Je vais passer, étant donné le temps limité, la présentation de notre organisme. Je pense que vous nous connaissez suffisamment.

Donc, conformément à la mission et aux valeurs du CQDE, aujourd'hui, on veut principalement aborder les droits d'accès à l'information, de participation et d'accès à la justice en matière environnementale, que je rappelle : Le principe 10 de la déclaration de Rio sur le développement durable, en 1992, dit que la meilleure façon de traiter les questions d'environnement, c'est d'assurer aux citoyens ces trois droits-là procéduraux; pas une bonne façon parmi d'autres, la meilleure façon.

En 1978, il y a eu une importante réforme de la Loi sur la qualité de l'environnement, qui donnait pour la première fois à la population du Québec certains droits en matière d'environnement. Alors, on était un précurseur. Malheureusement, ces droits-là ont resté inchangés depuis. Et le CQDE est tout à fait d'accord avec le ministre et le projet de loi qu'il faut absolument moderniser nos mécanismes, non seulement ceux d'autorisation, mais aussi ceux qui donnent des droits aux citoyens.

Il faut rappeler que l'objectif essentiel, et on rejoint un peu les préoccupations des intervenants précédents... la réforme vise principalement à satisfaire les demandeurs d'autorisation environnementale en simplifiant les mécanismes d'autorisation, ce avec quoi on est d'accord, et en réduisant leur nombre de 30 %, comme l'indique l'analyse d'impact réglementaire du projet de loi préparée par le gouvernement.

Donc, l'objectif central de la réforme quand on lit l'analyse réglementaire, ce n'est pas la protection de l'environnement, c'est... il n'est pas de répondre aux besoins ou exigences des seuls bénéficiaires du droit à la qualité de l'environnement, en vertu de la loi et de notre charte, que sont les citoyens et citoyennes du Québec. Une façon de le faire, d'améliorer non seulement les mécanismes d'autorisation pour les demandeurs, c'est par la fameuse disposition préliminaire dont il y a été fait mention tantôt. Nous aussi, on considère que, si on veut tenir compte des enseignements du droit international qui sont survenus depuis une trentaine d'années, depuis l'adoption de la LQE, entre autres, la disposition devrait clairement indiquer le caractère collectif et d'intérêt public de l'environnement ainsi que le rôle de l'État, son gardien, de le protéger et de l'améliorer parce que la question de la protection de l'environnement, c'est essentiel, mais l'amélioration de la qualité de l'environnement est aussi une responsabilité du ministère.

L'importance de lutter contre les changements climatiques, de préserver la biodiversité en respectant la capacité du support des écosystèmes. Capacité de support des écosystèmes, c'est une notion centrale du développement durable parce qu'on ne peut pas dépasser cette capacité-là. Et à l'heure actuelle on retrouve cette notion-là à l'article 24, donc — M. le ministre est un ancien... est un avocat — ça veut dire que cette notion-là ne s'applique qu'à la section des autorisations ministérielles. Nous, ce qu'on voudrait, c'est que la notion de capacité de support des écosystèmes s'applique — le mot «transversalité» — à l'ensemble de la loi. C'est un aspect essentiel si on veut atteindre un jour un développement qui soit durable.

Ce type de disposition introductive, un peu à l'exemple de celle qui est contenue au Code civil du Québec, par ailleurs, servirait à mieux baliser les nombreux pouvoirs discrétionnaires accordés au ministre dans la loi, et ce, au bénéfice de tous les bénéficiaires du droit à l'environnement. L'intégration de telles balises atteindrait aussi les objectifs de clarté et de prévisibilité dans lesquels dit s'inscrire le projet de loi.

Par ailleurs, nous nous interrogeons fortement sur le sens et la pertinence d'inclure, et je cite, «les réalités des territoires et des collectivités qui les habitent» à la fin de cette disposition. Alors que les autres éléments énumérés peuvent être compréhensibles, on s'interroge sur l'objectif qui est visé par cette énumération-là. Si c'est la prise en compte des collectivités qui habitent les territoires qui préoccupent le ministère, on devrait plutôt le faire en réaffirmant le principe de subsidiarité dans la loi, qui est un principe reconnu autant en droit international qu'en droit interne canadien, et en renforçant le rôle et les pouvoirs des municipalités dans la loi, ce qui est inexistant dans l'actuel projet de loi. Par exemple, selon nous, les municipalités devraient avoir le pouvoir d'adopter des réglementations supérieures à ce qui est prévu et adopté par les réglementations nationales au Québec. On réaffirme aussi que le droit à la qualité de l'environnement, qui est affirmé dans la Loi sur la qualité de l'environnement et dans notre charte, doit s'appliquer également sur l'ensemble du territoire québécois, et nous ne comprenons pas ce qui est recherché par cet ajout.

Un des principaux points forts de la loi n° 102 — et ça, j'en suis très content, j'ai fait ma thèse de doctorat sur l'accès à l'information, l'Assemblée nationale m'avait remis un prix par rapport à ça — c'est la question de l'accès à l'information — il y a des gens qui ont lu ma thèse et j'en suis très content. Cependant, et je remercie le ministre, il y a beaucoup d'efforts qui ont été faits sur ça, mais il y a une lacune quand même assez grave : les demandes d'accès à l'information, au moment où les demandeurs d'autorisation vont déposer une demande d'accès à l'information, les documents ne seront rendus accessibles qu'une fois l'autorisation accordée par le registre de 118.5. Les demandes ne feront l'objet que d'un simple avis sur le registre, comme on peut le voir actuellement, donc : une compagnie à numéro, région administrative Bas-du-Fleuve, déposé le 17 janvier 2017, une demande en vertu de l'article 22. Ça n'explique pas du tout les enjeux, les impacts ni pour les élus municipaux ni pour la population, donc impossibilité pour les citoyens de connaître, de faire des représentations. Ils sauront... ils obtiendront effectivement — c'est un progrès — ces renseignements-là au moment où l'autorisation aurait été émise. Et, Michel va en parler tantôt, malheureusement, à ce moment-là, ils n'auront plus aucun recours parce qu'il n'y a aucune avancée sur la question de l'accès à la justice.

Sur la participation publique, encore là, il y a de nombreuses avancées qui répondent à des demandes historiques de plusieurs groupes de recherche qui avaient été avancés. Malheureusement, selon nous, la question de l'EES, si, oui, c'est un progrès de mettre les évaluations environnementales stratégiques dans la loi, la mécanique qui est proposée nous semble vraiment déficiente, manquer d'indépendance, relever de la très haute fonction publique de cinq ministères, qui peuvent avoir des intérêts à s'entendre entre eux, et avec un rôle très limité pour le Bureau d'audiences publiques en environnement.

Le BAPE, ça aussi, c'est une autre question. On est déçus de voir que toutes les propositions, recommandations à l'effet du mécanisme de nomination des commissaires n'ont pas été retenues. Ce qu'on dit, c'est : Il y aura un mécanisme qui pourra éventuellement proposer un mécanisme de nomination des membres du BAPE. Donc, sur la question de la participation citoyenne, notre principale critique porte sur l'EES, sur la mécanique comme telle, et aussi, comme les intervenants précédents, sur la question des audiences ciblées. On a vu, dans le dernier rapport... dans la dernière audience du BAPE sur Énergie Est, en vertu de 6.3, que le ministre avait donné comme mandat d'exclure les considérations économiques. On se souviendra qu'il y a eu des débats aussi entre la Régie de l'énergie et même entre le BAPE, il y a eu des prises de bec sur... si la capacité de production énergétique du Québec ne devrait pas être étudiée par les... durant les auditions publiques du BAPE parce que ça aurait fait l'objet de débats à la Régie de l'énergie. Selon nous, et, encore là, il n'y a aucune définition de qu'est-ce que ça serait, une audience ciblée, personne ne peut demander une audience ciblée en vertu du projet de loi, mais le ministre peut décider qu'il y aura une audience ciblée. À notre avis, c'est les deux grandes questions, sur la question de la participation publique, qui nous semblent préoccupantes.

Je vais laisser la parole à Michel sur l'accès à la justice.

• (16 h 30) •

M. Bélanger (Michel) : Oui, je vais être assez bref pour prendre plus de questions plutôt après.

Dans un premier temps, au niveau des mécanismes d'autorisation, on n'a pas beaucoup d'opinions sur le fait d'avoir changé, de passer d'un régime de 22 à quatre régimes. On vivait quand même dans un système qui ressemblait à ça, mais avec peut-être moins de... c'était moins clair qu'on avait quatre régimes, là, aussi distincts que maintenant. Mais, pour nous autres, il n'y a pas grande différence à ce chapitre-là. Bien entendu, par contre, comme on l'avait mentionné au livre vert, donc, on avait anticipé, il y a plus d'un an, que c'est ce qui arriverait, et ça, malheureusement, c'est ce qui arrive. Ça prenait ou ça nous prend... ça aurait pris les règlements d'application à plusieurs égards pour savoir exactement où le ministère s'en allait sur beaucoup d'enjeux.

Juste donner un exemple : quand on prend, à l'article... nouvel article 24, qu'on va tenir compte des changements climatiques, c'est intéressant de le lire, mais, quand on lit l'analyse d'impact du règlement, on dit clairement que ça va s'appliquer dans des cas exceptionnels, ce que, donc, le règlement nous aurait permis de jauger éventuellement qu'est-ce qu'on entend par... dans l'analyse réglementaire, que l'analyse des impacts sur les changements climatiques va être faite exceptionnellement seulement.

Le Président (M. Iracà) : Vous avez 40 secondes, simplement pour vous aviser.

M. Bélanger (Michel) : D'accord. L'autre élément, probablement l'un des éléments les plus fondamentaux de la loi, on l'a mentionné, vous l'avez souligné tout à l'heure, la grande discrétion donnée au ministère et au ministre dans cette loi-là est quelque chose qui est à déplorer parce que c'est un net recul. Parmi les dispositions où le plus... selon moi, une des plus importantes, c'est l'abrogation totale de la disposition de l'article 24, qui était la seule disposition impérative de la loi. Le mot «doit» apparaissait une seule fois, et ça disait que le ministre, dans la délivrance des autorisations, se doit de respecter la loi. Ça a l'air... c'est tellement absurde comme disposition, tellement qu'elle est évidente, et on ne comprend pas qu'on l'ait enlevée dans la nouvelle loi. Les tribunaux s'en étaient accommodés, la jurisprudence s'est reposée là-dessus. Or, on va recommencer avec un régime totalement nouveau, et, M. le ministre l'a mentionné, lorsqu'on ajoute des choses, on enlève, par le biais de l'interprétation des lois... Bien entendu, on va se poser la question : Pourquoi le législateur est allé enlever l'obligation pour le ministre de respecter sa propre loi?

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Bélanger. Merci pour votre exposé. Nous allons procéder maintenant à la période d'échange avec la partie gouvernementale, et je vais céder tout de suite la parole au ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, maîtres. Mécanique EES. Alors, ça serait quoi qu'il faudrait qu'on fasse?

M. Baril (Jean) : Nous, on a consulté, autant pour le livre vert que sur la question du projet de loi n° 102, des gens, par exemple, de l'association québécoise d'évaluation des impacts, que vous allez recevoir, M. Gilles Côté, du Secrétariat international francophone pour l'évaluation environnementale. On a regardé aussi ce qui se passe dans l'État de New York, où ils ont, depuis plus longtemps que nous, l'évaluation environnementale stratégique des plans, politiques et programmes, et ce qui nous apparaît... parce que c'est... on est dans une discussion, là, on comprend qu'est-ce qui est en avancée, c'est une avancée de mettre, dans la loi, une obligation de tenir des EES, mais ça apparaît quand même au niveau de la participation publique, c'est un comité interne de cinq ministères qui sont les cinq plus grands ministères qui peuvent avoir des impacts par...

M. Heurtel : ...maître, je sais ce qui est écrit, je vous demande qu'est-ce qu'il faudrait améliorer.

M. Baril (Jean) : Oui. Bien, donc, améliorer l'indépendance de votre mécanique. Par exemple, ça pourrait être le président du BAPE qui pourrait participer à ça, peut-être, on peut penser au Commissaire au développement durable. On peut penser à des gens indépendants de la haute fonction publique qui ont un intérêt eux-mêmes à ce que des projets, qui vont découdre de leurs filières, de leurs plans, politiques et programmes, ne soient pas nécessairement... Je ne crois pas que le BAPE soit... fasse partie nécessairement des priorités de la très haute fonction publique. On se bat souvent, comme groupe, mais... comme les groupes environnementaux, pour obtenir que les BAPE se tiennent sur des projets ou sur des plans, des politiques ou des programmes. Donc, augmenter, améliorer l'indépendance de l'organisme qui est en charge de l'évaluation environnementale stratégique.

M. Heurtel : À New York, comment c'est fait? Alors, dans les cas... Parce que, moi, l'idée de l'EES, ça provient de la notion américaine, là, de «scoping». Et donc, si vous dites que vous avez étudié New York, alors, qu'est-ce qu'ils font, à New York?

M. Baril (Jean) : L'idée de «scoping», c'est aussi ce que vous allez faire, et je vous en félicite, la question de permettre la consultation publique sur un projet, initialement, pour que les gens puissent s'exprimer sur les enjeux avant qu'on envoie l'entreprise élaborer une étude d'impact.

M. Heurtel : Des fois, ça se fait aussi dans le cadre d'un processus, ça.

M. Baril (Jean) : Oui. Mais, dans...

M. Heurtel : Ce n'est pas seulement que de la consultation, ce n'est pas seulement...

M. Baril (Jean) : Non, ce n'est pas seulement de la consultation.

M. Heurtel : ...recevoir, c'est de faire un véritable processus.

M. Baril (Jean) : Exactement.

M. Heurtel : Alors, j'essaie de savoir, moi — c'est très bien, vous avez émis votre critique — j'essaie de voir : Ce serait comment qu'on améliorerait le processus des EES?

M. Baril (Jean) : À notre avis, le Bureau d'audiences publiques en l'environnement, qui est un des rares organismes, en tout cas, un des organismes administratifs qui jouit d'une grande crédibilité... on voit comment c'est important quand on regarde ce qui s'est passé avec l'ONE au fédéral... devrait avoir un rôle dans l'EES comme dans l'évaluation des projets pour intégrer la démarche, pour que les mécanismes de consultation, d'information et de participation, qui relèvent de l'EES, soient pris en compte, après ce qui est considéré par tout le monde... par les audiences publiques sur des projets. Donc, il y aurait un rôle du BAPE qui, à l'heure actuelle... c'est une possibilité, c'est à la discrétion. Nous, on considère que c'est absolument essentiel, si on veut avoir une procédure d'évaluation intégrée, comme vous le dites, que, dès le départ, le BAPE ait un rôle à jouer là-dedans.

M. Heurtel : Donc, si je vous comprends bien, toute la question... Une EES, ça serait géré par le BAPE, tout le processus serait géré par le BAPE.

M. Baril (Jean) : Au niveau de la consultation. Le mandat du BAPE, c'est au niveau de favoriser, vous le savez, c'est de favoriser l'information et la participation du public. Il faut que le BAPE... ce n'est pas au BAPE à contrôler ce que les ministères veulent faire en termes de filières, de nouvelles filières, de plans, de politiques et de programmes, mais qu'il y ait un accompagnement dès le départ pour s'assurer que l'information, qui permet le «scoping», soit accessible au public en amont, et que les gens aient confiance à la crédibilité du processus, que, si c'est réservé à cinq hauts fonctionnaires, aussi honnêtes... je ne remets pas du tout en question cette chose-là, mais ça reste que c'est un processus qui paraît un petit peu incestueux.

M. Heurtel : En tout cas, je veux juste vous rassurer, si vous pensez que ces cinq ministères-là s'entendent tout le temps, là, vous êtes radicalement dans l'erreur.

M. Baril (Jean) : Bien, ils peuvent s'entendre peut-être pour ne pas avoir le BAPE dans les jambes. Ça, je ne suis pas sûr que je suis radicalement dans l'erreur.

M. Heurtel : ...donc, on garderait la structure proposée, mais, sur l'aspect audiences publiques de l'EES, ça, il faudrait donner ça au BAPE. Ça, je comprends, c'est ça, la recommandation du CQDE.

M. Baril (Jean) : La recommandation centrale au niveau de l'information, participation publique, oui. Il y a des gens, vous allez en entendre d'autres, l'Association québécoise de l'évaluation d'impacts, qui vont dire que, par exemple, bien là, c'est plus dans la mécanique, que, dans une vraie évaluation environnementale stratégique, il faut avoir des alternatives aux plans, aux politiques, aux programmes. Il faut être capable d'avoir des alternatives, dont l'option zéro, ne rien faire. Mais ça, ça n'a pas nécessairement à se retrouver dans le projet de loi. Je sais qu'il y a des gens qui vont vous en parler.

M. Heurtel : Pour l'EES encore, d'après vos recherches, dans le système qu'on a présentement, du BAPE, puis les évaluations environnementales qui intègrent, là, un processus d'audiences publiques, vous voyez l'utilité de l'EES comment?

M. Baril (Jean) : Bien, juste si je veux prendre un exemple concret, à l'époque, en 2006, quand on a décidé, au Québec, de développer la filière de l'éolien, le BAPE, dans plusieurs de ses rapports sur des projets de développement particuliers, a dit : On aurait dû faire une évaluation environnementale stratégique de la filière avant de se lancer. Et, quand on aurait fait l'étude environnementale stratégique de la filière éolienne, on aurait pu discuter, la population, le gouvernement, tous les intervenants : Est-ce que ça devrait être laissé au privé, comme actuellement, ou Hydro-Québec ne pourrait pas en faire? Les distances minimales, les aspects du paysage, la question des baux pour les gens qui laissent des producteurs éoliens sur leurs terres; il y aurait un ensemble de critères qui auraient été discutés puis établis au niveau national.

Après ça, quand on aurait eu des audiences publiques sur un projet de développement précis de parc éolien, les gens auraient discuté des impacts locaux qui peuvent être... ce n'est pas tout le monde qui a à être d'accord... on est tous d'accord probablement avec l'éolien, mais l'éolien, ça ne se fait pas nécessairement n'importe où. Il y a des gens qui ont raison de s'y opposer.

Autre critique sur l'évaluation environnementale stratégique : danger quand on dit que c'est l'étude environnementale stratégique et qu'il n'y a pas nécessairement le bon niveau de consultation et d'information qui déterminerait les conditions d'acceptabilité sociale. Je ne suis pas convaincu que, si les conditions d'acceptabilité sociale sont déterminées par en haut, par un mécanisme qui, selon les gens, n'est pas assez indépendant, bien, que ça va... on va arriver à ce qu'on espère tous, qui est une acceptabilité sociale pour les projets. Donc, c'est un autre point là-dessus.

• (16 h 40) •

M. Heurtel : Est-ce que je comprends bien en disant que l'EES ne sert qu'à justement adresser ces grandes questions-là? Moi, dans mes lectures, à moi, je voyais aussi l'EES, puis c'est un «et», là, ce n'est pas un «ou», de la façon... ce que vous avez décrit, tu sais, approfondir une question vaste, là, comme justement la filière des éoliennes. Bon, on approfondit ça, puis là, après, là, tout ce travail-là va nous aider justement. Quand on a un projet plus précis, bien, on aura déjà débroussaillé beaucoup de questions. Mais est-ce que ça peut, une EES, aussi, selon vous, servir à cerner des questions d'un projet spécifique?

M. Baril (Jean) : Bien, normalement, la doctrine sur les évaluations environnementales, je regarde en Europe, la Convention d'Aarhus, là, qui s'applique quand même à 47 pays, qui porte, entre autres, sur l'évaluation environnementale stratégique, ça dit... ça porte spécifiquement sur les plans, les politiques et les programmes gouvernementaux, ce n'est pas normalement l'EES sur des projets particuliers. Ça, c'est l'évaluation des impacts en environnement comme on est habitués de faire au Québec depuis 1978, et comme, 10 ans plus tard, le rapport Lacoste disait déjà : Bien, avant de faire des rapports sur des projets particuliers, il faudrait y aller en amont, et déjà il proposait l'évaluation environnementale stratégique pour regarder les filières, par exemple, pour les différents plans, politiques et programmes du gouvernement.

M. Heurtel : Merci.

Le Président (M. Iracà) : Alors, merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions pour cette période d'échanges? Alors, le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Vous avez mentionné, tout à l'heure, quelque chose qui m'a frappé. Vous avez parlé du fait que vous désireriez ou que vous espéreriez à ce que les municipalités aient des droits qui lui sont supérieurs à celui du gouvernement en matière environnementale. Je ne sais pas si j'ai bien compris, là, mais j'aimerais bien vous entendre là-dessus parce que ça me semble un peu contradictoire avec le rôle de responsabilités traditionnelles.

Le Président (M. Iracà) : Me Baril.

M. Baril (Jean) : Oui. Par exemple, j'ai un exemple concret : la situation qu'on a connue il y a peut-être... dans les dernières années à Gaspé. Je rappelle que le principe de subsidiarité qui est avancé par le droit international de l'environnement, qui est reconnu au Québec dans notre Loi sur le développement durable, dit que les décisions devraient se prendre au niveau le plus près pour qu'elles puissent être efficaces. On a une loi, un règlement, sur le prélèvement des eaux qui établit la distance minimale à 500 mètres, qui est adoptée par le Québec. C'est le minimum. On serait tout à fait contre qu'une municipalité, comme il a été dit précédemment, puisse dire : Bien, nous, on s'en fout, c'est à 50 mètres. C'est la norme nationale. Mais, si une municipalité considère que, s'ils adoptaient une norme de 2 kilomètres, ils sont prêts, parce que c'est effectivement vrai, ils vont éliminer des entreprises qui ne viendraient pas chez eux, peut-être qu'il va y avoir un prix économique à adopter une norme plus haute que celle qui est en vigueur au Québec, mais c'est leur choix. En quoi ça nuit au reste du Québec que des municipalités décident d'adopter des normes supérieures à ce qui existe au plan national? À notre sens, c'est un exemple concret de l'application du principe de subsidiarité.

M. Bélanger (Michel) : Puis un exemple qui s'est vécu, qui est vécu, c'est à la ville de Montréal, qui s'est vu accorder ce privilège-là, d'avoir ses propres normes, et qui a monté une norme de soufre au-delà de celle de... provinciale. On comprendra qu'il y avait beaucoup de raffineries à Montréal, mais ça n'a pas fait fuir, au contraire, les raffineries. Vous allez me dire : Ça ne se déplace pas facilement, une raffinerie. Mais ça a été l'avantage des Montréalais de pouvoir avoir une norme de soufre beaucoup plus rigoureuse que celle du reste de la province.

M. Bolduc : Là, je comprends bien, c'est donc que vous voulez avoir le droit que les municipalités aient une norme plus sévère que celles, minimales, du gouvernement provincial ou fédéral qui fait la même chose, là? On peut toujours serrer en descendant, c'est correct. Je comprends bien, merci.

Vous avez parlé aussi de la faiblesse du système de nomination des commissaires du BAPE. Pourriez-vous élaborer là-dessus, puis est-ce que vous avez des points de vue?

M. Baril (Jean) : Oui. Bien, encore là, de nombreux rapports gouvernementaux, parce qu'il y a eu de nombreux projets de réforme de la Loi sur la qualité de l'environnement, il y a même eu une loi d'adoptée dans les années 90 qui n'a jamais été mise en vigueur et cette loi-là prévoyait la nomination du président du BAPE par un vote à l'Assemblée nationale des deux tiers, un peu comme il se passe pour le Vérificateur général, le Protecteur du citoyen, etc.

Nous, pour garantir... parce que vous savez qu'il y a toutes sortes de débats publics qui se passent à chaque fois qu'il y a une nomination par un gouvernement ou un autre, là, peu importent les partis politiques, sur le caractère partisan ou non des nominations. Parce que le BAPE a quand même une crédibilité. C'est important, un rapport du BAPE. Le rôle du président du BAPE est important dans la nomination des commissaires qui vont entendre les gens. Donc, nous, ce qu'on constate, on considère que la nomination par l'Assemblée nationale, ça améliorerait la crédibilité du processus.

Et on s'interroge, d'ailleurs, pourquoi le projet de loi abroge l'obligation pour le BAPE de déposer un rapport annuel à l'Assemblée nationale, ce qui nous apparaissait un avantage. Il y a plein... pour les législateurs d'apprendre... Et, dans ce rapport annuel là, le BAPE peut faire mention aux législateurs de différents problèmes rencontrés. Donc, pour nous, tout ce qui sert à renforcer la crédibilité d'un processus d'information et de consultation, on est favorables. Et, à notre avis, la nomination par l'Assemblée nationale sert à renforcer la crédibilité des gens du BAPE.

Le Président (M. Iracà) : M. le député.

M. Bolduc : Il nous reste combien de temps?

Le Président (M. Iracà) : Il reste trois minutes.

M. Bolduc : O.K. Veux-tu y aller avec la tienne?

Le Président (M. Iracà) : Ah! alors, M. le député de Dubuc.

M. Simard : Merci, M. le Président. Vous parlez, à la page 12, que le ministère... la décision de ne pas émettre un permis peut être contestée par un promoteur, mais que la municipalité, elle, n'a pas le droit de contester, justement, une décision. J'aimerais vous entendre là-dessus parce que je voudrais que vous me l'expliquiez comme il faut.

M. Baril (Jean) : C'est la situation actuelle qui prévaut, là. Malheureusement, selon nous, le projet de loi ne modifie pas ça. À l'heure actuelle, un demandeur d'autorisation qui se fait refuser une autorisation ou imposer des conditions trop sévères peut aller devant le TAQ, le Tribunal administratif du Québec. Une municipalité, un citoyen... Parce qu'on considère, autrement dit, que le ministre peut se tromper en étant trop sévère, en refusant ou en mettant des conditions trop sévères, et qu'il y a un tribunal administratif qui peut corriger ça. Par contre, cette possibilité-là n'existe pas pour les citoyens ni les élus municipaux : on ne peut pas contester une autorisation. Le ministre, semble-t-il... et ce n'est pas personnel, pas du tout, c'est comme si les ministres de l'Environnement ne peuvent pas se tromper en donnant une autorisation, mais ils peuvent se tromper en la refusant. Et, selon nous, c'est un déni de justice. On aurait espéré que... Et, par exemple, en Ontario, on en parle dans notre mémoire, en Ontario, la possibilité existe, depuis 1993, de contester des autorisations ministérielles. Et, en France, c'est un système juridique différent, mais, en France, en droit administratif, toute autorisation d'un ministre est contestable devant les tribunaux administratifs. Et, selon nous, il y a des balises à mettre là-dessus. Je sais qu'il y a des gens qui se préoccupent beaucoup de la sécurité juridique, là, des entreprises qui vont demander des permis puis si on nous poursuit... mais, en Ontario... ça n'a pas empêché, semble-t-il, le développement de la province voisine. Donc, on pense qu'il y a des possibilités.

M. Bélanger (Michel) : Si je pouvais ajouter un élément, ça laisse entendre aussi, mis à part le fait que ça peut... on peut juste se tromper dans un sens quand on en émet, mais, si on prend pour acquis que cette loi-là, elle est là pour protéger l'environnement, si on prend pour acquis que, dans cette loi-là, on donne des droits... pas à des promoteurs, on ne dit pas : Tout promoteur a droit à un permis, c'est : Tout citoyen a droit à la qualité de son environnement — et la Charte des droits et libertés de la personne est venue rajouter ça en 2006, le même droit — donc, si on prend pour acquis que cette loi-là est pour protéger l'environnement, lorsque... toutes les autorisations qui sont délivrées, c'est des autorisations pour polluer, c'est des autorisations qui permettent la pollution. Or, le fait de ne pas pouvoir en appeler, que ce soit même d'une municipalité, c'est qu'on peut présumer que tous les gens qui sont exclus de ce droit d'appel là, c'est des gens qui seraient intervenus pour dire : Je pense qu'il y a une erreur dans une perspective de protection de l'environnement. Je serais bien surpris que quelqu'un intervienne en appel d'une autorisation juste pour dire : On voudrait que ça pollue davantage. Donc, c'est vraiment un droit d'appel pour corriger une situation qui, en droit, est inéquitable, parce que tu ne peux pas avoir deux poids, deux mesures, deux droits... un droit d'appel à sens unique, mais c'est dans une perspective aussi de protection de l'environnement.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, Me Bélanger. Ceci met fin à la période d'échange avec la partie gouvernementale. Nous allons procéder à la période d'échange avec le porte-parole de l'opposition officielle, le député de Jonquière. La parole est à vous.

• (16 h 50) •

M. Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Bienvenue, M. Bélanger, M. Baril. Ça fait plaisir de vous recevoir ici, comme toujours. Je constate que vous êtes quand même assez critique à l'égard du projet de loi n° 102 dans votre mémoire. Vous parlez beaucoup de risques accrus à certains égards, puis on pourra y revenir dans la discussion, voire même de plusieurs reculs, entre autres sur la question du droit d'appel dont vous venez de discuter avec mon collègue de Dubuc. J'aimerais ça qu'on en parle davantage, mais en commençant par la question du pouvoir discrétionnaire. Parce que là, dans votre mémoire, à la page 26, là, c'est même en gras, je pense, si vous aviez pu le mettre avec des néons qui flashent, là, vous l'auriez fait dans le mémoire, là : «La formulation de cet article ne respecte pas les fondements conceptuels de la démarche d'analyse des impacts.» En fin de compte, c'est le résultat d'une analyse sur la question du pouvoir discrétionnaire, là, parce qu'à la page 25, à la suite de l'article 24, troisième paragraphe, vous dites : «D'une obligation, le projet de loi n'exigera plus que le ministre "prenne notamment en considération certains éléments".»

Alors, j'aimerais ça vous entendre davantage, là, sur cette question du recul que vous... la qualification de recul, au fond, là, relié au pouvoir discrétionnaire.

M. Bélanger (Michel) : Oui, bien, je l'ai esquissé rapidement tout à l'heure. Quand la loi a été rédigée... probablement que le Barreau va avoir l'occasion de revenir, je n'ai pas lu leur mémoire, mais j'anticipe, c'est un élément qui va les fatiguer aussi. C'est qu'il y a une logique intrinsèque dans cette législation-là. Il y a effectivement beaucoup de pouvoirs discrétionnaires qui sont donnés, il y a une marge de manoeuvre importante, mais il y a un minimum d'encadrement. Et, quand on parlait que cette loi-là devait avoir de la clarté et de la prévisibilité, on comprend mal comment on peut substituer un processus qui, quand même, encadrait...

Nous, dans le cadre du livre vert, on avait recommandé qu'en tablant sur ce qui avait déjà été décidé par les tribunaux, qu'on puisse au moins baliser cette discrétion ministérielle là, comme, par exemple, en fonction de précédents qui ont eu lieu, à savoir, je ne sais pas, moi, lorsqu'un projet se déroule dans l'habitat essentiel d'une espèce menacée, on se doit d'en prendre en considération. Ce sont des impératifs, à notre avis, environnementaux, mais on parle d'impératifs.

Et, lorsqu'une disposition... et la seule de la loi mentionnait que le ministre se doit de respecter sa loi en émettant ses autorisations et qu'on retire cette disposition-là pour dire que le ministre peut considérer x, y, z autre chose, nous, comme juristes, on saute ça de haut, parce qu'il y a une finalité claire dans une disposition comme celle-là, et je l'ai dit très rapidement tantôt dans mon exposé, mais ça va se jouer dans les deux sens. Autrement dit, le fait de l'avoir enlevé va être éventuellement interprété comme étant : Il y avait bien une raison qui a fait que les tribunaux l'ont retiré. Et toutes les causes qu'on a vues dans le passé, dont l'affaire des bélugas, la juge Roy s'est reposée là-dessus en disant : Écoutez, il y a une logique dans la loi, c'est l'article 22, qui est l'autorisation, ce qu'on amende ici; 24, qui disait dans quelles conditions tu peux l'émettre, et l'article 20, qui disait que tu ne peux émettre un contaminant susceptible de porter atteinte à l'environnement. Et, dans son jugement, elle a dit : Et l'environnement, il faut être d'autant plus prudent lorsqu'il s'agit d'une espèce menacée.

Cette logique-là, je crains et nous craignons que le fait d'avoir changé cette disposition-là de la loi... à elle seule va marquer un recul dans l'interprétation. On est partis sur une prochaine vague d'interprétations et, honnêtement, d'augmenter la discrétion ministérielle limite les pouvoirs de contrôle d'abus potentiel de la part de l'appareil gouvernemental, et c'est à déplorer. Autant l'industrie va probablement dire : Il n'y a pas de discrétion, mais il faut comprendre que, lorsque nous, on dit : On doit limiter la discrétion, c'est dans une perspective essentiellement de protection de l'environnement. Quand c'est certain qu'on ne doit pas aller là ou que ça ne doit pas se faire, il n'y a pas de raison de ne pas encadrer cette discrétion-là du ministre. D'ailleurs, ça va être prévisible pour tout le monde. Comme je l'ai mentionné, il n'y a pas de droit à développer, il y a un droit à protéger.

M. Gaudreault : Et vous dites, au fond, la même chose concernant le pouvoir discrétionnaire du ministre d'ordonner des consultations ciblées et de réduire les délais. Alors, est-ce que vous nous suggérez ou vous nous recommandez de baliser... que ce soit sur la question justement du pouvoir discrétionnaire de façon large, à l'article 24, ou du côté des consultations ciblées, vous nous proposez d'amener des balises ou de carrément arriver avec une obligation comme le verbe «doit»?

M. Bélanger (Michel) : ...trouver, et ce n'est pas... je ne suis pas contradictoire en disant ça, parce que je m'attends à ce qu'il y ait une nuance qui soit faite. Quand on demande de baliser le pouvoir discrétionnaire du ministre et quand l'industrie va demander la même chose, les promoteurs, on ne vise pas le même objectif. Et, là-dessus, on a eu quand même des discussions assez importantes, parce qu'il y a de la discrétion qui est mise dans cette loi-là qui n'est pas nécessairement mauvaise, on avait recommandé, dans le livre vert, et il y a des mécanismes qui ressemblent à ça dans le projet de loi, de permettre, par exemple, d'«upgrader» le degré d'évaluation environnementale lorsqu'un projet le nécessite. Donc, non, mais c'est parce que là où il y a une nuance, effectivement, qui est importante, parce que je tiens à la faire... c'est qu'à partir du moment où il y a un risque que l'absence ou l'augmentation de discrétions fasse en sorte qu'on va reculer au niveau de la protection de l'environnement, là, effectivement, c'est un moins. Et on estime, nous autres, qu'à partir du moment où on peut ne pas respecter la Loi sur la qualité de l'environnement en délivrant une autorisation, c'est un recul. À partir du moment où est-ce qu'on peut passer à travers l'habitat essentiel d'une espèce menacée, c'est un recul.

Autrement dit, si les pouvoirs discrétionnaires sont donnés au ministre de manière à s'assurer qu'il peut... parce que la loi vise la protection de l'environnement, pas au développement du Québec. Il ne faut pas compromettre ce développement-là, mais il faut protéger l'environnement de façon primordiale. Si le ministre a, dans certains cas, l'opportunité de moduler l'exercice du processus de décision, soit, ça peut être, effectivement, environnementalement une bonne chose.

M. Gaudreault : Il y a comme un test, au fond, qui est globalement... qu'on pourrait appeler la protection de l'environnement. Et on doit toujours interpréter ou essayer de baliser ce pouvoir discrétionnaire en fonction de ce test d'une certaine manière. C'est un peu ça que vous dites.

M. Bélanger (Michel) : Oui. Puis il faut comprendre que la loi va survivre aux ministres, aux différents ministres qui vont se succéder. Et, tout en donnant la bonne foi du ministre actuel — on n'en doute absolument pas — il faut prévoir qu'un jour on peut tomber sur un ministre qui, lui, va avoir le goût d'être plus... de faire des passe-droits. Donc autant de discrétion, autant de difficulté de contrôler les abus.

M. Gaudreault : O.K. J'aimerais ça vous amener sur la question des ententes intergouvernementales. Vous en parlez à la page 40, là. Vous parlez aussi, peut-être pas d'un recul, mais, en tout cas, d'un risque que vous évaluez, là. Il ne faudrait pas perdre le BAPE pour l'ONE ou l'ACEE, là, la consultation canadienne. Alors, est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu plus, là, sur ce que vous évaluez comme un risque de substitution et qui pourrait se retrouver dans le projet de loi n° 102?

M. Baril (Jean) : Oui, effectivement, le CQDE est d'accord à la coordination des mécanismes d'évaluation environnementale. Il existe d'ailleurs un accord entre le Québec et le Canada, entre l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, là. Malheureusement, l'ONE n'était pas là-dedans.

Ce qui nous a fait un peu sursauter, ce n'est pas tellement le projet de loi, c'est que le texte de l'analyse d'impact réglementaire qui a été faite par le gouvernement, à la page 17, qui dit que «le Québec serait donc en mesure de demander au gouvernement fédéral la substitution ou l'équivalence de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement»... Au niveau canadien, il y a plusieurs provinces dans l'Ouest qui demandent, c'est le terme, là, la substitution du processus provincial par le processus fédéral. Je ne pense pas qu'ici ça serait vraiment le cas. Quand on a lu le projet de loi, ça ne nous apparaissait pas comme ça, mais, quand on lit l'analyse d'impact réglementaire qui, je répète, est préparée par le gouvernement, là, ce n'est pas Greenpeace qui l'a écrite, ça, ça nous a inquiétés. Et ça demanderait peut-être une clarification que, oui aux coordinations — les citoyens non plus, là, n'aiment pas aller à se déplacer à deux endroits différents pour déposer des mémoires différents sur le même projet, il faut se coordonner, il y a moyen de faire ça — mais non, totalement, à l'abandon de nos compétences pour des mécanismes d'évaluation fédéraux.

M. Gaudreault : O.K. Merci de nous faire cette précision-là.

Le Président (M. Iracà) : 40 secondes, M. le député.

M. Gaudreault : Oui. Sur la question, dans les 40 secondes, j'aimerais ça vous entendre sur l'importance, pour nous, comme parlementaires, dans le travail qu'on entame, de recevoir rapidement, autant que faire se peut, évidemment, là, la question des intentions réglementaires du gouvernement.

M. Baril (Jean) : Bien, comme Michel l'a dit, dans notre mémoire sur le livre vert il y a un an, on le disait. Quand vous allez arriver avec votre projet de loi, arrivez avec les règlements, parce que sinon c'est très difficile de se prononcer. On est...

M. Gaudreault : ...

M. Baril (Jean) : Oui, parce qu'on... c'est très difficile de se prononcer. On est tout à fait d'accord qu'il y a des... l'expérience accumulée permet de diminuer certaines attentes, certains niveaux d'autorisation, mais il y a aussi l'expérience accumulée qui devrait nous dire qu'il y a des projets qui... actuellement les projets commerciaux ne sont pas évalués et... qui devraient l'être. Donc, sans les règlements, c'est très difficile de se prononcer. Tout ce qu'on a, c'est le chiffre de 30 %.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, Me Baril. Nous allons procéder à la période d'échange avec le porte-parole du deuxième groupe d'opposition, le député de Masson. Je vous cède la parole.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci, M. Baril et M. Bélanger. Moi, je vais vous poser une question. À la page 10 de votre mémoire, vous mentionnez, là, au deuxième point, là, qu'on fait l'introduction dans la loi d'un principe de médiation. Et puis j'aimerais savoir, dans le fond, comment vous percevez l'introduction de la médiation.

• (17 heures) •

M. Baril (Jean) : On est favorables à cette introduction-là. Encore là, c'est une avancée historique qui a été demandée dans de nombreux rapports commandés par le gouvernement ou des groupes d'étude indépendants. La médiation, il s'en est fait puis il s'en fait depuis le milieu des années 90, même si ce n'était pas dans la loi. Le BAPE fait des rapports sur la médiation. Maintenant, c'est correct, c'est dans la loi.

Ce qui nous inquiète, c'est qu'à l'heure actuelle, quand il y a un processus de médiation, les gens ne perdent pas le droit à l'audience publique. Si la médiation ne réussit pas, bien, on retourne devant l'audience publique, comme c'était prévu initialement. Si le projet de loi est adopté tel quel, bien, là, ça sera au ministre, c'est un autre pouvoir discrétionnaire qui lui est donné, de dire si, oui ou non, le droit à l'audience est maintenu ou s'il y aura ou non des audiences. Mais, l'idée, on n'est pas obligés toujours de sortir l'arme la plus totale qui est le BAPE et les audiences publiques, etc., quand il y a un ou deux requérants. Il n'y a absolument aucune raison. La médiation environnementale, c'est un point positif, et c'est positif qu'elle soit mise dans la loi.

M. Lemay : ...si je peux comprendre, c'est qu'on devrait prévoir un mécanisme après la médiation, revoir le mécanisme?

M. Baril (Jean) : Bien, en cas d'échec de médiation, actuellement, il en existe un, il existe l'audience publique. Le ministre n'a pas le choix. Là, ce qu'on dit, c'est que là il aurait le choix. C'est un autre pouvoir discrétionnaire qui est accordé. Et, selon nous, en tout cas, à moins que ça ne soit clarifié, là, là-dessus, les gens ne devraient pas perdre le droit à l'audience publique. Parce qu'il y a d'autres intervenants qui peuvent vouloir se prononcer aussi, comme Michel.

M. Bélanger (Michel) : Parce que l'expérience de la médiation, pour ceux qui l'ont vécue, elle a soulevé quand même beaucoup de problématiques. À partir d'une demande restreinte de groupes environnementaux de demander une audience en identifiant un ou deux enjeux, on pourrait être très rapidement portés à dire : On va vous recommander d'aller en médiation. Or, durant la médiation, on l'a vu... je l'ai vu dans le passé, dans des dossiers, les municipalités, tout d'un coup, il y a un enjeu, l'enjeu déborde, et on rajoute la municipalité en médiation. Et considérant que c'est un processus de décision sur des projets à impacts majeurs qui ont été pensés par le législateur, à l'époque, comme étant un processus qui va permettre au gouvernement et non plus au ministre, parce que c'est le gouvernement qui en décide ultimement, d'avoir un éclairage général, à partir du moment où on remplace ce processus-là qui est destiné à éclairer le jugement de l'ensemble du gouvernement par un processus de médiation sur des enjeux ciblés, il y a un risque effectivement de banaliser et de limiter les enjeux. Donc, il faut être en mesure, s'il y a un échec, de retourner à l'esprit général de ce que veut être cette procédure-là d'impact pour des projets majeurs, à savoir d'éclairer le gouvernement sur sa décision.

M. Lemay : Excellent. On va aller à la page 11, dans la partie que vous êtes en désaccord, le dernier point. Dans le fond, vous dites que le projet de loi, il écarte totalement l'idée de permettre aux citoyens puis aux municipalités d'être minimalement consultés puis informés dans le cadre des autorisations émises sous l'article 22 pour les projets de forage ou de fracturation dans le shale. Alors, je ne sais pas si vous pouvez me donner plus de détails, s'il vous plaît.

M. Baril (Jean) : Oui. En 2010, suite à la controverse du gaz de schiste dans le sud... dans les basses-terres du Saint-Laurent, le gouvernement libéral avait... votre prédécesseur, M. Arcand, avait fait une modification au règlement d'application sur la Loi sur la qualité de l'environnement, qui permettait, dans les cas de fracturation et de forage dans le shale, une consultation des citoyens et aussi des municipalités. C'est l'article 8 du règlement. Nous, on avait espéré... C'est le seul cas, le seul type d'autorisation sur l'article 22 où les gens sont consultés et informés préalablement. Nous, on aurait espéré qu'en modernisant la Loi sur la qualité de l'environnement... qu'on élargisse. Il y a pas mal de raisons, au Québec, sur d'autres projets que sur la fracturation hydraulique. À l'heure actuelle, ça s'est fait une fois à Port-Menier, Anticosti. Mais, sur l'ensemble et, ici, le règlement qu'on n'a pas sur les autorisations ministérielles, à notre avis, ces autorisations ministérielles là, ces projets-là devraient prévoir un mécanisme d'information et de consultation pas seulement des citoyens, mais des municipalités sur les territoires desquelles ces projets-là vont se faire.

M. Lemay : Merci de la précision. J'aimerais vous amener aux pages 42 et 45 de votre mémoire, dans lesquelles vous commentez sur la section III des établissements industriels. Je ne sais pas si vous avez... vous n'avez pas eu la chance d'en parler, mais peut-être que vous pourriez faire vos commentaires.

M. Bélanger (Michel) : Ça a été énormément de travail, ce projet de loi là, ça remettait en question des morceaux importants de la loi, et, honnêtement, c'est le volet que... J'ai tenté de le comprendre parce qu'on manque beaucoup de... on a réduit, on a changé, on annonce un règlement, on ne sait pas tout à fait si on a vraiment changé le Programme de réduction des rejets, le PRRI, par un nouveau système qui va s'appliquer à d'autres choses que des catégories de projets, mais... Et, quand on regarde, techniquement, on a... Puis, quand je dis que ça a été un exercice de fou, parce qu'on cherchait les morceaux pour voir s'il y en avait eu qui étaient enlevés complètement, on voit qu'on ramène ça au régime de 22 pour de nouveaux projets. Mais ça fait quand même particulier quand on... selon la compréhension qu'on a eue du processus, que pour certains projets industriels on pourrait obtenir une autorisation sans autre consultation, sur un simple 22, comme on l'a mentionné, comme on l'a déploré aussi un peu, et que ce projet industriel là pourrait éventuellement être soumis à ce régime-là, qui verrait une consultation publique seulement lors de son renouvellement, cinq ans après le programme. Donc, il y a...

Le Président (M. Iracà) : 30 secondes.

M. Bélanger (Michel) : Ça fait juste témoigner qu'on a de la bonne volonté, mais qu'en déplaçant les morceaux on se rend compte qu'il y a une incohérence qui pourrait être remplacée par quelque chose de beaucoup plus cohérent. Les gens sont informés en amont d'une demande de permis, peuvent y participer, lorsqu'on donne le permis pour construire l'usine, et, si, évidemment, il y a une suite et qu'on module les conditions d'exploitation, bien, soit, qu'ils soient consultés aussi.

M. Lemay : Merci beaucoup.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, Me Bélanger, Me Baril, pour votre participation à cette commission.

Je vais suspendre les travaux quelques instants pour permettre au troisième groupe de cet après-midi de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 6)

(Reprise à 17 h 7)

Le Président (M. Iracà) : Je déclare la séance ouverte. Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je vous demande de bien vouloir vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, sans plus tarder, messieurs, la parole est à vous.

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

M. Laureti (David) : Merci, M. le Président. M. le ministre et membres de la commission. Mon nom est David Laureti, je suis directeur Stratégie et affaires économiques à la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je suis accompagné de Dany Lemieux, qui est expert-conseil auprès de la fédération sur les questions énergétiques et de développement durable. Je prie les membres de la commission d'excuser mon président-directeur général, Stéphane Forget, qui ne peut être avec nous ce soir. Je vous offre ses excuses.

La fédération, vous la connaissez, est le plus important réseau de gens d'affaires au Québec. Les 141 chambres de commerce que nous fédérons, et, à titre de chambre provinciale, les 1 200 entreprises membres que nous représentons sont à l'oeuvre dans tous les secteurs de l'économie. La modernisation de la Loi sur la qualité de l'environnement ainsi que celle du régime d'autorisation environnementale était souhaitée par la fédération depuis longtemps. C'est ainsi que, dès la parution de livre vert, elle a applaudi la volonté exprimée par le ministre de rendre le régime d'autorisation environnementale plus clair, prévisible et efficace, tout en réduisant les délais d'autorisation. Beaucoup d'efforts ont été déployés par le ministre, nous l'apprécions et nous tenons à le souligner.

Plusieurs volets du projet de loi n° 102 sont très positifs. Par exemple, les dispositions relatives à la collaboration et à des actions coordonnées entre les différents paliers de gouvernement, dans le cadre d'une procédure d'évaluation environnementale conjointe fédérale-provinciale, nous semblent porteuses. Ainsi en est-il de l'instauration d'un comité de sélection pour choisir les futurs membres du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, qui nous apparaît une excellente avenue, tout autant que la disposition qui permettrait au BAPE d'organiser des séances de médiation, ce qui éviterait, dans certaines occasions, d'éviter de longs processus d'audiences publiques lorsqu'il se trouve peu de demandeurs pour celles-ci.

Il reste toutefois place à des améliorations, et nous sommes heureux d'avoir été invités par la Commission des transports et de l'environnement pour nous permettre de vous faire part de nos commentaires et observations.

La modernisation du régime d'autorisation environnementale interpelle à plusieurs sphères de notre économie. C'est ainsi que plusieurs entreprises membres de nos comités énergie, mines et développement durable ont contribué à la réflexion que nous vous communiquons aujourd'hui.

• (17 h 10) •

Le projet de loi n° 102 propose d'utiliser de nouveaux outils afin de renforcer la capacité de prise en compte des risques climatiques dans l'ensemble des processus d'autorisation, dont deux ont retenu notre attention : l'imposition d'une technologie particulière, d'un procédé ou d'une source d'énergie, de même que des mesures visant à prendre en considération les impacts des changements climatiques sur l'activité, et l'introduction d'un test climat. En commission parlementaire, la FCCQ vous avait déjà fait part que cette avenue n'était pas la bonne, et nous le réitérons aujourd'hui. Nous avons déjà, au Québec, un système de plafonnement et d'échange de droits d'émissions. Ce système, qui fonctionne bien, permet aux entreprises d'avoir de la flexibilité pour réduire leurs émissions de GES, et ce, au meilleur coût de revient possible. À la lumière de ce que contient le projet de loi n° 102, on semble vouloir désavouer ce système.

Les mesures que nous venons de décrire nous apparaissent comme une immiscion dans la gestion même des entreprises. Nous sommes d'avis que le champ d'action du ministère doit se limiter à l'atteinte des résultats et à la conformité réglementaire. Le choix d'une technologie particulière, d'un procédé ou d'une source d'énergie doit demeurer la prérogative du promoteur d'un projet.

Nous sommes d'avis que les dispositions permettant de prescrire par règlement toute mesure visant à favoriser la réduction des émissions de GES ainsi qu'à exiger la mise en place de mesures d'atténuation des impacts des changements climatiques et des mesures d'adaptation à ces impacts s'apparentent à un test climat auquel on ne peut raisonnablement soumettre les entreprises. Ce concept même de test climat, introduit par le projet de loi, est incompatible, selon nous, avec le principe de développement durable, puisqu'il ne tient pas compte du volet économique. Nous vous invitons à abandonner cette avenue.

Nous avions réagi positivement à la volonté exprimée par le ministre de réformer la gouvernance du Fonds vert. Nous tenons à rappeler que les sommes issues du Fonds vert doivent mener à des résultats de réduction de GES. À ce jour, force est de constater toutefois qu'il est difficile d'en faire le bilan.

La formation d'un conseil de gestion chargé de formuler des recommandations sur l'allocation des ressources financières ainsi que procéder à l'évaluation des résultats à travers une nouvelle structure de gouvernance nous apparaissait également comme une avenue positive. Nous nous interrogeons toutefois sur le fait que des gens seront nommés sans que soient tenus en compte les profils de compétences ou d'expérience. À la lumière des problèmes de gouvernance actuels du Fonds vert, nous croyons que ces aspects devraient être considérés en priorité.

D'autre part, la FCCQ croit que les articles du projet de loi qui augmentent les délais du processus d'autorisation devraient être minimalement compensés par d'autres articles qui en diminueraient ces mêmes délais. Ainsi, plusieurs pouvoirs discrétionnaires ne nous semblent pas compatibles avec un cadre juridique et réglementaire clair, prévisible, efficace et uniforme et résistant aux aléas politiques pour lesquels nous militons. La prévisibilité, nous vous le rappelons, est cruciale pour les entreprises afin d'avoir un environnement d'affaires sain et attractif au Québec.

Ainsi, l'assujettissement arbitraire d'un projet de loi à l'article 31.1 de la LQE est inacceptable. En effet, un projet qui est assujetti aux dispositions de l'article 22 ne peut être assujetti également aux dispositions de l'article 31 de la LQE. Or, l'article 19 du projet de loi n° 102, introduisant l'article 31.1.1., pourrait changer cet état de fait. Il y aurait dédoublement du processus d'autorisation pour un même projet.

La FCCQ était d'accord avec l'orientation amenant la modulation du régime d'autorisation en fonction du risque environnemental. Cette initiative était même l'un des piliers du livre vert. Toutefois, la seule trace de cette orientation dans le projet de loi renvoie à un futur règlement qui pourrait prévoir une méthodologie d'évaluation des impacts. Nous croyons que la méthodologie entourant les catégories d'activités par risques, qu'elles soient élevées, modérées, faibles ou négligeables, devrait minimalement être définie dans la loi. Ainsi en est-il des secteurs d'activités visés par ces catégories, de même que les activités dites particulières, qui devraient être définies dans le projet de loi.

Enfin, la FCCQ comprend que le ministre recherche la transparence dans les processus d'évaluation environnementale, et nous l'appuyons à cet égard. Si nous disons oui à la transparence, il faut toutefois s'assurer de protéger les données sensibles. À titre d'exemple, le projet de loi n° 102 ne doit pas écarter l'application des articles 23 et 24 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, qui demeurent essentiels à la protection des renseignements confidentiels et des secrets industriels.

En conclusion, la FCCQ rappelle qu'elle appuie le ministre dans sa volonté de rendre le régime d'autorisation environnementale, je le répète, plus clair, prévisible et efficace, tout en réduisant les délais d'autorisation. Ceci étant dit, pour aller au bout de l'exercice, ce dernier doit tenir compte de la réalité économique des entreprises. Pour la FCCQ et ses membres, la diminution et la simplification des délais de traitement des dossiers et des demandes d'autorisation environnementale sont primordiales afin d'assurer une prévisibilité aux promoteurs et minimiser leurs risques d'affaires. Nous croyons aux projets qui s'inscrivent dans une perspective de développement durable... Pardonnez-moi. Il nous apparaît essentiel de revoir la façon dont ces derniers sont examinés du point de vue environnemental.

Nous croyons que les commentaires que nous venons de vous formuler amélioreront le climat d'investissement et la réputation du Québec comme terre d'accueil pour les entreprises désireuses d'y investir et aidera le Québec à atteindre ses cibles de réduction de GES. Je vous remercie.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Laureti. Il reste 2 min 40 s, mais, si vous avez terminé, je vais commencer immédiatement la période d'échange avec le ministre. Ça va?

M. Laureti (David) : La présentation est terminée, oui.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons débuter, à ce moment, la période d'échange avec la partie gouvernementale, et je cède la parole à M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci pour votre présentation ainsi que votre mémoire. Vous transmettrez nos salutations à M. Forget.

Je suis à la page 8 de votre mémoire. Je vais citer, c'est l'avant-dernier paragraphe de la page : «Dans le même ordre d'idées, la FCCQ considère inacceptable le 29e paragraphe du premier alinéa de l'article 95.1 introduit par l'article 115 du projet de loi, qui permet au gouvernement de prescrire par règlements toute mesure visant à favoriser la réduction des émissions de GES ainsi qu'à exiger la mise en place de mesures d'atténuation des impacts des changements climatiques et des mesures d'adaptation à ces impacts. Cette disposition revient ni plus ni moins qu'à imposer un test climat.»

Depuis le mois d'août dernier, j'ai fait une tournée d'à peu près une quinzaine de chambres de commerce à travers le Québec, justement pour entamer un dialogue encore plus concret, malgré les consultations qu'on a faites sur le livre vert, malgré les consultations qu'on a faites en amont du livre vert, où on a parlé, entre autres, avec votre organisation et d'autres leaders économiques, tout comme des leaders environnementaux, tout comme les municipalités et d'autres groupes d'intérêt... Est-ce que je vous entends bien? Parce que, moi, dans ces tournées-là, toutes les chambres de commerce à qui j'ai parlé — puis on a parlé beaucoup du test climat — étaient très sensibles à la question de la lutte contre les changements climatiques.

C'est difficile pour moi, qui arrive de Marrakech, de la COP22, où il y avait énormément de leaders de grandes entreprises, des leaders mondiaux économiques qui étaient présents et qui, de façon unanime... puis là on parle de représentants et représentantes des 1 000 plus grandes entreprises du monde... tout le monde était très clair là-dessus, puis, encore une fois, je vous ramène à ma tournée de cet automne, tout le monde était très, très, très sensible à la notion, justement, d'atténuer les impacts des changements climatiques. Si ce n'est pas au ministre, et au ministère de l'Environnement, et à la LQE de veiller à ce qu'on atténue les impacts des changements climatiques, qui est le plus grand défi de notre génération, qui va le faire?

M. Laureti (David) : Il ne fait aucun doute dans notre esprit que les défis liés aux changements climatiques sont importants pour notre société. Ils le sont également pour les entreprises, vous les avez consultées bien avant de rédiger ce projet de loi. On a toujours appuyé les initiatives gouvernementales en ce sens. On a fait part de plusieurs de nos observations en matière de cibles de réduction de GES, on a pris acte des cibles ambitieuses que le Québec s'est données en cette matière-là, et aussi on a donné notre appui à un système de plafonnement d'échanges et d'émissions au Québec, ici, une mesure qui a été qualifiée d'originale, qui fait la fierté du Québec, là, si je me rappelle ce qui s'est dit, entre autres, à la COP21 l'année dernière, un modèle qui fait la fierté du Québec et qui fait du Québec un leader sur la scène internationale. On a souscrit à ce système-là, parce qu'on pense qu'il fonctionne bien, qu'il permet aux entreprises de contribuer à la réduction des GES de façon flexible, en respect de la réalité économique. Et on s'étonne, on se questionne à voir pourquoi on devrait ajouter à ce système, qui fonctionne déjà bien, une couche supplémentaire.

Et on a parlé de désaveu. C'est comme si on se disait : Ma foi, on a un système qui fonctionne bien, pourquoi faudrait-il en rajouter? Est-ce que c'est parce que le système ne fonctionne pas si bien, justement, qu'on doit en ajouter des vérifications supplémentaires? Et ce n'est pas, ici, de désavouer le législateur, là, dans son mandat de veiller à réduire et à encadrer tout ça, mais on a déjà un système qui fonctionne, alors pourquoi l'ajouter... ajouter d'autres choses? C'est un peu l'interrogation que nous avons eue à la lecture du projet de loi n° 102 et on a voulu vous le communiquer dans ce mémoire.

• (17 h 20) •

M. Heurtel : C'est parce que les mots que vous employez sont très forts, et je me demande s'il n'y a pas lieu... En tout cas, moi, je peux vous dire qu'après avoir parlé à plusieurs de vos membres cet automne je n'ai pas du tout entendu le début de ce genre de commentaire là. Le questionnement sur le test climat, je l'entends.

Vous parlez de dédoublement, premièrement, sur le marché du carbone. Le marché du carbone, c'est... Puis je peux tout de suite répondre à votre commentaire : l'imposition du test climat n'est pas, d'aucune façon, une réaction à une présumée insatisfaction par rapport à la performance du marché du carbone. D'ailleurs, on a rendu publics, cet après-midi, les résultats de la neuvième vente aux enchères, puis c'est des résultats très forts qui montrent justement la résilience du marché du carbone. La décision de la Chine de mettre en place un marché du carbone national, on parle de la deuxième économie du monde et du premier pollueur du monde, vous ne pouvez pas être insensibles à ça, ça va justement transformer l'économie du monde, le fait qu'après l'arrivée de la Chine 60 % environ du PIB mondial va avoir une forme de marché du carbone. La Nouvelle-Écosse qui choisit le marché du carbone comme moyen de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, c'est une autre validation de l'approche québécoise, qui a déjà été entérinée par l'Ontario, le Mexique et d'autres. Alors, ce n'est pas ça, mais le marché du carbone, c'est, oui, la pierre angulaire de notre stratégie de lutte contre les changements climatiques, mais il faut d'autres outils.

Je donne l'exemple bien concret : une autoroute, ce n'est pas soumis au marché du carbone, alors comment évalue-t-on? On a parlé de planification urbaine, on a parlé de planification des transports. Ce n'est pas toujours le marché du carbone qui va régir toutes les questions reliées à la lutte contre les changements climatiques. Un test climat en amont... Puis prenons un projet concret. Si on avait eu un test climat pour Port-Daniel, n'aurait-on pas pu éviter justement des délais incroyables, des contestations devant les tribunaux, des sommes d'argent dépensées puis plutôt vider les questions en amont, trouver des sources alternatives de combustible, parler, à ce moment-là, de biomasse forestière, de gaz naturel, de capture carbone comme combustible... bien, pas capture carbone, mais les deux premiers? Puis, en termes de développement économique, bien, c'est un peu, entre autres, à ce que sert le Fonds verts, d'investir dans ces nouvelles technologies-là, pour justement... puis au Québec, pour justement favoriser un développement économique sur les énergies vertes, sur une transition vers des combustibles plus propres.

Alors, je comprends mal comment, justement, en amont, soulever ces questions-là et regarder un projet à travers le prisme d'un plan d'action sur les changements climatiques, d'une politique énergétique, d'un plan d'action sur l'électrification des transports, de la cible de 20 % en 2020, la cible de 37,5 % en 2030, de 80 % à 95 % en 2050, qui sont, oui, des cibles ambitieuses, mais qui sont partagées par... Je veux dire, l'Allemagne, qui n'est pas une petite économie, là, dans le monde, a des cibles plus ambitieuses que nous autres. La Californie, la sixième économie du monde, a 40 % de réduction pour 2030. Alors, je ne comprends pas que vous en soyez à dire que c'est complètement inacceptable de parler de mettre en place des mesures d'atténuation puis de travailler avec les entreprises en amont, au départ d'un projet, pour justement tenter de le rendre plus compatible avec l'ensemble de ces mesures pour lutter contre les changements climatiques. Alors, je ne comprends pas cette opposition-là. Le marché du carbone est très important, mais ne peut pas tout faire. Et, ultimement, c'est une mesure qui vise à réduire, mais est-ce qu'on peut penser en amont, aussi? C'est ça mon... Je ne comprends pas cette opposition farouche là.

M. Laureti (David) : Moi, je vous entends très bien. Et vous avez évoqué la question du développement économique; c'est notre raison d'être, c'est la raison pour laquelle la fédération existe. Et je n'ai nul doute sur les discussions que vous avez eues avec certains de nos membres ou même des plus grands leaders économiques, là, lors de la dernière conférence sur le climat. Mais plusieurs de nos membres nous disent également que le Québec... ce qui est rendu difficile, au Québec, donc, de faire des choses.

Si la perspective, la question du développement durable est sur toutes les lèvres... Et on en est, là, c'est-à-dire qu'on favorise ces projets qui s'inscrivent dans une logique de développement durable. Mais on se place toujours dans la perspective où, à choisir entre deux législations... Par exemple, un investisseur, par exemple, étranger doit regarder le Québec et doit regarder une autre législation. Il regarde ce à quoi il est soumis, il voit ce qu'il y a au Québec, donc, à faire, et, à la lumière de ce qu'on voit dans ce projet de loi, devrait se conformer à davantage d'obligations. Bien, certains nous disent que le choix serait d'aller ailleurs. Et on est de ceux qui croyons que le développement économique manque cruellement d'investissements, et qu'à force d'ajouter des couches comme celles-là, bien, on manque des opportunités. C'est un peu l'objet de notre réflexion. Voudrais-tu ajouter quelque chose?

M. Lemieux (Dany)  : Oui. Par rapport à ce que vous venez de mentionner, M. le ministre, il y a toute la question de la lecture du projet de loi dans son entier. Un industriel, par exemple... Les industries ont diminué leurs gaz à effet de serre de 21 % depuis 1990, donc il y a déjà un gros effort qui a été fait par les industries au Québec. Et là les industries, ce qu'elles nous disent, c'est qu'on a déjà fait des efforts et là on a une épée de Damoclès au-dessus de la tête, du fait qu'on pourrait se faire imposer une technologie, un procédé ou une source d'énergie. Et là on n'est plus dans la flexibilité du SPEDE, mais pas du tout. Donc, oui, il y a toujours possibilité de s'améliorer, les entreprises et nos membres le font constamment, mais il y a déjà des efforts qui ont été faits.

Et là le SPEDE, ce que les entreprises aimaient bien, c'est de dire : Bien, si j'ai déjà fait l'ensemble des réductions qu'il m'est possible de faire dans mon entreprise et que je suis rendu à un coût d'évitement de 400 $ la tonne, bien, c'est logique que j'aille sur le marché pour combler. Mais là le danger, c'est qu'il y aurait quelqu'un au ministère de l'Environnement qui dirait : Bien, moi, je veux finalement qu'en plus des efforts que tu as déjà faits tu implantes tel procédé ou... peu importent les conditions économiques. Vous avez cité l'Allemagne, la Californie; les coûts d'énergie sont beaucoup plus élevés, dans ces juridictions-là, qu'au Québec, et donc la période de retour sur l'investissement est beaucoup plus rapide. Donc, il faut tenir compte du contexte économique et non pas seulement de la technologie disponible. Il faut voir : Est-ce qu'on est capables de l'amortir, cette technologie-là, dans les conditions économiques du Québec? Donc, ça aussi, il faut considérer ça.

M. Heurtel : Alors, où est-ce que c'est écrit, dans le projet de loi, qu'on ne tiendra pas compte de tout ça dans le test climat?

M. Lemieux (Dany)  : Bien, en fait, le développement durable, c'est ça, c'est la cohabitation de l'environnement, de l'acceptabilité sociale et de l'économique.

M. Heurtel : Je vous pose la question...

M. Lemieux (Dany)  : Bien, la crainte, elle est là. C'est qu'on...

M. Heurtel : Non, ce n'était pas ça, ma question. Dans le projet de loi, un test climat, ce n'est pas là pour empêcher nécessairement un projet, c'est justement... Puis là on parle beaucoup de pouvoir discrétionnaire, c'est justement... Dans mon exemple de Port-Daniel, l'entreprise aurait pu sauver beaucoup de temps, et beaucoup d'argent, et aussi des problèmes réputationnels, je crois, assez importants, si on avait eu une conversation en amont sur les technologies disponibles. Et où est-ce que... C'est parce que ce n'est pas un automatique, là, qu'il va y avoir une imposition de technologie. Et, en plus de ça, s'il y a une technologie meilleure qui est proposée et qu'en plus de ça le gouvernement du Québec est présent pour la financer, où est l'impact négatif?

M. Lemieux (Dany)  : Comme je l'ai expliqué, comme M. Laureti le disait tantôt, il y a une question plus en amont du côté du promoteur : Est-ce qu'il serait venu de toute façon? Et elle est là, la question. Si on met tellement de restrictions à venir faire du développement économique au Québec qu'une entreprise, qui peut choisir n'importe quelle terre d'accueil, décide de ne plus venir au Québec, bien, ça fait en sorte qu'on crée moins de richesse. Si on crée moins de richesse, il y a moins de rentrées fiscales pour le gouvernement pour investir en santé et en éducation. Donc, il y a ça aussi à considérer.

M. Heurtel : Encore, ce qui est étonnant, c'est parce que vous... Encore une fois, il n'y a rien, dans les dispositions, qui, même, suggère le genre de scénario, disons, sombre que vous présentez.

Et, deuxièmement, ce qui est aussi... et ce que vous ne semblez pas analyser, et je vais vous demander si vous l'avez analysé, une des conséquences de l'arrivée de la Chine dans le marché du carbone, c'est qu'il y a beaucoup d'experts dans le monde économique qui voient venir... puis c'est déjà discuté à l'international. On en a discuté à Marrakech, on discute de ça dans d'autres rencontres internationales.

Au niveau du commerce international, on prévoit, dans l'avenir, des barrières tarifaires climatiques, c'est-à-dire que, dans un monde où justement il y a 60 % de la planète qui ont des cibles très importantes, des prix carbone très importants, un virage clair, bien, les États qui n'auront pas des exigences élevées, bien, ne pourront pas vendre leurs biens dans des États qui ont des exigences élevées et que, une des raisons pour laquelle la Chine met ça en place, c'est entre autres parce qu'ils vont pouvoir imposer un tarif climatique. Donc, des États qui n'auront pas, justement, les mêmes niveaux d'exigence climatique ne pourront pas vendre leurs biens, ne pourront pas rentrer dans les grands marchés. Est-ce que vous avez analysé cette possibilité-là?

• (17 h 30) •

Le Président (M. Iracà) : En 45 secondes, M. Laureti ou M. Lemieux.

M. Laureti (David) : Pour répondre spécifiquement à votre question, non, et on vous remercie de nous éclairer là-dessus. Nous parlons d'échanges, nous parlons de libre-échange régulièrement, et cette dimension-là, pour l'examen de ce projet de loi, nous a échappée. On ne l'a pas analysée, et on se promet de le faire, effectivement, parce que ça va représenter certainement des enjeux pour la compétitivité des entreprises d'ici sur les marchés d'exportation.

Je voudrais juste compléter, là, ou terminer en disant que, s'il y a une compréhension qui semble différente, là, par rapport à cela, on souhaite essentiellement, nous, que les dispositions du projet de loi n'affectent pas la compétitivité des entreprises d'ici. On vous a accompagnés dans ça et on veut continuer à le faire, mais...

M. Heurtel : Ce n'est pas du tout notre intention.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup. Merci beaucoup. Ceci met fin à la période d'échange avec la partie gouvernementale. Nous allons débuter la période d'échange avec le porte-parole de l'opposition officielle. M. le député de Jonquière, la parole est à vous.

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Bienvenue en commission parlementaire. Vous saluerez également M. Forget de ma part.

J'aimerais ça vous entendre un peu comme en témoignage, entre guillemets, là, de ce à quoi vous vous butez comme entreprises, là, chez vos membres de la fédération et des chambres de commerce, dans le processus, là, actuel et où on doit, là, réellement agir, là, plus d'un côté de l'expérience, de votre expérience. Parce qu'un des objectifs de ce projet de loi, c'est d'alléger la bureaucratie ou d'alléger les processus. Alors, donnez-nous des exemples concrets ou des exemples qui vous sont transmis par vos membres à cet égard.

M. Lemieux (Dany)  : Oui. Bien, par exemple, un des exemples, il y a un de nos membres que, pour lui, c'est extrêmement critique, la période avec laquelle il doit recevoir son certificat d'autorisation, parce que ses activités doivent être faites durant l'été. Donc, si on retarde le processus, lui, il manque sa fenêtre d'opportunité, parce que ses activités sont uniquement en période estivale. Donc, tout retard dans les processus, pour lui, c'est extrêmement critique. On a donné des exemples. L'épandage biologique pour le contrôle biologique des insectes piqueurs, par exemple, c'est un exemple très concret; des activités qui auraient lieu en territoire nordique, qui sont uniquement accessibles en période estivale, c'est un autre exemple.

Donc, tout ce qui peut faire en sorte de retarder ou de mettre de l'incertitude, où on a une perte de prévisibilité pour les promoteurs, c'est important. Et, tout comme les intervenants précédents, le fait qu'on renvoie énormément à des futurs projets de règlement dans le projet de loi ou encore les nombreux pouvoirs discrétionnaires qui incomberaient au ministre fait en sorte que ça amène énormément d'incertitude chez les investisseurs, chez les promoteurs. Et ça, c'est quelque chose qui est très important pour les membres de la fédération.

M. Gaudreault : O.K. Donc, est-ce que je dois comprendre que vous aussi vous souhaiteriez avoir accès aux intentions réglementaires du gouvernement le plus rapidement possible, à l'occasion, par exemple, des travaux de la commission parlementaire, si c'était déposé ici, pour qu'on puisse savoir un peu plus où on s'en va, là? Parce qu'il y a quand même beaucoup d'éléments du projet de loi qui dépendent d'un éventuel règlement. Alors, c'est ce que vous souhaitez également, un dépôt rapide des intentions?

M. Laureti (David) : Je vous réponds par l'affirmative.

M. Gaudreault : O.K. Vous venez de faire mention du pouvoir discrétionnaire du ministre accordé par le projet de loi n° 102, l'élargissement du pouvoir discrétionnaire du ministre. On en a parlé amplement avec les témoins précédents qui étaient ici. Je ne sais pas si vous étiez présents dans la salle à ce moment-là, mais on en a discuté amplement.

Vous voyez ça comment, le pouvoir discrétionnaire dans... Est-ce qu'on doit le baliser davantage? Comment on doit l'interpréter, éventuellement? Vos prédécesseurs à cette table, du Centre québécois du droit de l'environnement, bon, étaient inquiets, là, de la disparition d'une obligation, par exemple, en vertu de l'article 22 et 24 de la loi. Comment vous voyez ça, vous autres, cette balise? Parce que je comprends que vous êtes aussi inquiets, mais peut-être pas nécessairement dans le même sens, parce que vous, vous dites : Bien, on veut avoir un peu plus de prévisibilité. Donc, comment vous voyez ça, cette balise du pouvoir discrétionnaire?

M. Lemieux (Dany)  : Bien, en fait, par exemple, on commence un projet, un promoteur commence un projet, et là un pouvoir discrétionnaire du ministre vient faire en sorte qu'on altère la direction du projet, alors que le promoteur avait dans sa tête la certitude que le projet allait de l'avant selon certains paramètres, et donc il avait commencé des travaux en regard de ces paramètres-là. Donc, c'est préparer, entamer des études, et on pourrait changer, en cours de route, certains paramètres du projet liés à l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire du ministre.

Et ça, pour les entreprises, comme vous l'avez dit précédemment, ça amène énormément d'incertitude. Un industriel, par exemple, qui investit pour un projet majeur pour les 50 prochaines années, il veut savoir exactement dans quoi il s'embarque, il veut savoir... Ce n'est pas que les entreprises ne veulent pas de réglementation environnementale, ils veulent simplement savoir quelle est cette réglementation-là, quels vont être les échéanciers, être capable de prévoir et d'aboutir, dans un laps de temps connu, dans des coûts qu'il est capable de prévoir.

M. Gaudreault : Mais ultimement ça pourrait être quoi, le test, là? Parce que, par exemple, le CQDE, qui était ici il y a quelques minutes avant vous, dit : Bon, bien, c'est l'amélioration, la protection et l'amélioration de l'environnement. Le projet de loi doit viser ça, puis la Loi sur la qualité de l'environnement doit viser ça, puis c'est comme l'assise même de la loi.

Alors, vous, c'est quoi, c'est dans quel esprit que vous vous inscrivez, qui devrait nous inspirer, nous, pour baliser le pouvoir discrétionnaire du ministre?

M. Laureti (David) : Nous, on s'inscrit... Si vous me permettez, on a déjà eu cette discussion-là également lors des consultations sur l'acceptabilité sociale, par exemple, et, pour autant que la Loi sur la qualité de l'environnement s'inscrit également dans un processus comme celui-là, on dénonçait, à ce moment-là, l'absence de processus clairs et définis, et tout ça.

Ce qui est discuté ici vise à modifier et à clarifier, donc, les processus. Donc, il faut que chacune des étapes... à partir du moment où un promoteur arrive avec un projet, sache, autrement dit, à quoi s'en tenir. On avait employé le terme de «checklist». Là, finalement, c'est un peu ce qui permettrait... ce que nos membres, nos entreprises membres disent : Je veux développer un projet au Québec. Si je sais, à partir de a jusqu'à z, quelles étapes s'en viennent, eh bien, ça va favoriser l'acceptabilité sociale de mon projet et je serai plus enclin moi-même à vouloir faire des affaires au Québec.

Alors, le pouvoir discrétionnaire du ministre, on l'a mentionné dans ce mémoire, vient altérer forcément ce processus, mais, s'il y a intervention ministérielle, qu'elle soit balisée et qu'elle soit connue, et ça permettra aux entreprises de savoir dans quoi elles s'embarquent.

M. Gaudreault : O.K. Concernant le droit d'appel sur une décision du ministère ou sur un certificat d'autorisation, est-ce que vous croyez que ce droit d'appel doit s'appliquer, bien sûr, à des entreprises, par exemple, qui ont besoin d'un certificat d'autorisation, mais est-ce qu'on doit l'étendre également ou le permettre à des groupes de citoyens ou à des citoyens?

M. Laureti (David) : Encore là, il faut que ça soit inscrit dans un processus qui est connu et prévisible.

• (17 h 40) •

M. Gaudreault : Donc, vous n'êtes pas nécessairement contre que des citoyens puissent aussi en appeler d'une décision concernant un certificat d'autorisation ou une décision du ministre ou du ministère?

M. Lemieux (Dany)  : Bien, présentement, il y a toujours des recours juridiques qui sont disponibles pour les gens qui contesteraient un projet. Donc, nous, on parle au nom des entreprises. Pour les entreprises, c'est important d'avoir un temps adéquat pour réagir suite à une décision gouvernementale. Des délais de 15 jours, ça nous apparaît extrêmement court parce qu'il peut y avoir énormément de facettes à un projet, qui peuvent toucher le bruit, l'eau, la qualité de l'air, et donc le promoteur, suite à la décision gouvernementale, doit être en mesure de consulter ses spécialistes qui ont travaillé sur le projet.

Donc, nous, oui, on veut avoir un certain délai. On va se prononcer pour les entreprises, dans le cas présent.

M. Gaudreault : Mais, quand même, c'est une question de... là, je n'ai pas le mémoire devant moi, je pense c'est le CQDE qui en parlait ou peut-être aussi le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement, là, mais ils parlaient vraiment d'un... Ah! merci. C'est le CQDE, oui, à la page 12 de son mémoire, qui disait que l'article 96 de la LQE «nous paraît constituer un accroc aux principes les plus élémentaires de justice», là, concernant le... Il parle même d'un deux poids, deux mesures, là, quant au pouvoir des citoyens ou au non-pouvoir des citoyens de pouvoir contester.

Alors, est-ce que vous pensez que ça touche également le droit fondamental, finalement, des citoyens de pouvoir contester?

M. Lemieux (Dany)  : C'est l'entreprise qui fait la demande du certificat d'autorisation. Donc, de notre point de vue, l'entreprise a certainement le droit, en cas de refus, de réagir.

Le Président (M. Iracà) : ...45 secondes.

M. Lemieux (Dany)  : Est-ce que les citoyens et les municipalités... habituellement, c'est le recours aux tribunaux. Dans la procédure actuelle, c'est... En tout cas, nous, on pense, du point de vue des entreprises, que les entreprises ont certainement droit au chapitre. Pour le reste...

Le Président (M. Iracà) : Il reste 20 secondes, M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Bien, écoutez, j'aurais eu évidemment encore beaucoup de questions à vous poser, là, mais je vous remercie de votre présence, puis on aura l'occasion, sûrement, d'échanger de nouveau, peut-être dans d'autres forums, sur cette question-là.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. le député de Jonquière. Nous allons procéder à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Masson, la parole est à vous.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci d'être ici, messieurs. Vous savez, je vais vous emmener tout de suite à la page 11 de votre mémoire. J'ai bien aimé votre passage quand vous mentionniez que vous aviez compris que le processus d'optimisation devrait faire une diminution des délais et non une augmentation de ceux-ci. Puis vous faites mention ici à la nouvelle forme préliminaire de consultations qui va ajouter des délais sans pouvoir en évaluer la durée, des délais. Est-ce que, dans le fond, vous croyez qu'on devrait préciser cette mécanique?

M. Lemieux (Dany)  : Oui, définitivement. Comme David a dit précédemment, il faut savoir quels vont être les délais exactement. Est-ce que c'est 15 jours, 45 jours, 60 jours? On ne peut pas se permettre d'avoir des délais... On avait un article dans la loi que le gouvernement peut communiquer, dans les meilleurs délais, sa décision de délivrer une autorisation. C'est quoi, ça, les meilleurs délais? Est-ce que c'est 15 jours, un mois, un an, cinq ans? On ne le sait pas.

Il faut avoir un processus prévisible, autant pour l'acceptabilité sociale des projets que pour les promoteurs, pour qu'ils aient une prévisibilité de faire des affaires au Québec. Et ça, dans le cadre du projet de loi, il faut qu'on ait ces balises-là.

M. Lemay : Dans le fond, on comprend très bien, là, vous l'avez mentionné au début, je crois que c'est M. Laureti, dans le fond, vous avez mentionné que la prévisibilité est cruciale aux entreprises, puis ça, on le comprend bien. Dans le domaine des affaires, justement, on ne veut pas avoir, là, de flou.

Je vais vous emmener à la page 13. Vous mentionnez, à l'article 115.10.3 de la LQE, que ça paraît inacceptable, dans le fond, qu'on pourrait refuser d'indemniser une entreprise étrangère ayant agi légalement et de bonne foi. Ça pourrait contrevenir à des accords internationaux. Je ne sais pas si vous voulez préciser un peu plus sur ce point.

M. Lemieux (Dany)  : Dans le cadre de l'ALENA, il est arrivé, il y a quelques années, un cas à Terre-Neuve-et-Labrador où le premier ministre de l'époque avait décidé d'exproprier carrément une entreprise du fait qu'elle avait été obligée, pour des considérations économiques, de fermer une usine pour laquelle le gouvernement avait consenti des aides financières, et des droits de force hydraulique, et des droits de coupes forestières.

Et donc le fait de refuser d'indemniser une entreprise qui oeuvre de bonne foi, une entreprise étrangère qui ferait affaire au Canada, donc, plus particulièrement au Québec, pour... de carrément arrêter sa production pour une raison qui reviendrait, ni plus ni moins, à une sorte d'expropriation indirecte, pourrait faire en sorte de contrevenir au chapitre 11 de l'ALENA. Parce que le chapitre 11 est très clair : une entreprise a droit à des indemnités dans ces cas-là.

M. Lemay : O.K. Donc, ce que vous dites, c'est qu'on devrait revoir puis possiblement apporter un amendement à cet article-là, parce que justement, dans l'article, on dit que, respectivement aux articles 115.10.1 et 115.10.2, ça «ne donne lieu à aucune indemnité de la part de l'État et prévaut sur toute disposition inconciliable d'une loi, d'un règlement ou d'un décret». Donc, selon ce que je comprends, c'est qu'on devrait apporter un amendement assurément pour...

M. Lemieux (Dany)  : En fait, il faut s'assurer qu'on ne contrevient pas à des accords internationaux.

M. Lemay : Pas de problème. Si on va sur la double comptabilité, vous avez fait mention... vous avez donné un exemple au niveau du Fonds vert et puis du Fonds des réseaux de transport terrestre. Vous mentionniez qu'il y avait une possibilité de double comptabilité. Je ne sais pas si vous voulez en parler davantage.

M. Lemieux (Dany)  : Oui, en fait, c'est que, bon, le Fonds vert, vous le savez, doit servir à réduire les émissions de gaz à effet de serre au Québec. Le problème qu'on a actuellement, c'est qu'on n'en a aucune idée. Il n'y a eu aucune reddition de comptes depuis l'année financière 2013‑2014, il n'y a aucun bilan du plan d'action 2006‑2012 qui a été fait. On sait qu'en additionnant les données annuelles 2006‑2012, on sait que 93 % des budgets ont été dépensés, mais que moins de 15 % de la cible a été atteinte, mais il n'y a pas de bilan global qui a été fait. Il faut vraiment additionner année par année. Et ça, pour nous, le fait qu'on a de la difficulté également à suivre à quoi servent les fonds que les entreprises membres de la fédération paient au Fonds vert, bien, c'est très, très, très préoccupant.

Donc, dans cette mesure-là, on demande plus de transparence dans la gouvernance et la divulgation, la reddition de comptes des sommes du Fonds vert, parce qu'on n'a pas l'impression que ces sommes-là servent effectivement à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

M. Lemay : Merci. Très apprécié pour votre commentaire. Il nous reste une minute, je crois, donc...

Le Président (M. Iracà) : Oui, un peu plus d'une minute.

M. Lemay : Oui, c'est ça. Allons tout de suite à la page 17, là. Quand on a fait le livre vert, on a eu la statistique, 45 % des frais sont couverts présentement par le traitement d'une demande d'autorisation et puis, avec le livre vert, on nous disait que là, maintenant, ça allait être 100 % des coûts qui allaient être chargés.

Vous dites, vous n'avez pas d'objection si, en augmentant les coûts, on augmente les services. Moi, je me rappelle, il me semble qu'on n'avait pas mentionné qu'on allait avoir plus d'effectifs, là. Comment vous voyez ça, ce côté-là?

M. Lemieux (Dany)  : Bien, nous, en fait, ce qu'on dit par rapport à ce point-là précis, c'est que, si effectivement il y a plus de services au ministère de l'Environnement et qu'on réduit les délais actuels qui sont assez importants, donc, c'est un moindre mal. Dans la mesure où on met plus d'argent, et qu'on n'a pas plus de services, et que les délais ne se raccourcissent pas, on a un problème. Les entreprises sont tout à fait prêtes à faire leur part, mais dans la mesure où il y a du service qui vient avec. On ne peut pas mettre de l'argent et que l'argent n'amène aucune amélioration dans le système. Donc, c'est notre point de vue par rapport à ce point-là.

M. Lemay : Très bien. Merci beaucoup, messieurs.

Le Président (M. Iracà) : Alors, MM. Laureti et Lemieux, merci beaucoup de votre participation à cette commission.

Compte tenu de l'heure, je vais suspendre les travaux jusqu'à 19 h 30.

(Suspension de la séance à 17 h 49)

(Reprise à 19 h 32)

Le Président (M. Iracà) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. Veuillez, s'il vous plaît, éteindre la sonnerie de vos téléphones cellulaires.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les audiences publiques dans le cadre de la consultation particulière sur le projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement afin de moderniser le régime d'autorisation environnementale et modifiant d'autres dispositions législatives notamment pour réformer la gouvernance du Fonds vert.

Ce soir, nous entendrons les groupes suivants : RECYC-QUÉBEC, le Conseil patronal de l'environnement du Québec et Équiterre.

Je souhaite donc la bienvenue aux représentants de RECYC-QUÉBEC, le premier groupe de ce soir. Je vous demande de bien vouloir vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, sur ce, madame et monsieur, la parole est à vous.

RECYC-QUÉBEC

M. Michaud (Dany) : Merci, M. le Président. M. le ministre, députés membres de la commission, mesdames, messieurs, je me présente, Dany Michaud, président-directeur général de RECYC-QUÉBEC. Je suis accompagné de Mme Marie Cloutier, vice-présidente, Développement intelligence d'affaires. Je tiens tout d'abord à vous remercier, les membres de la commission, le ministre et le président, d'avoir invité RECYC-QUÉBEC à venir soumettre ses commentaires à l'égard du projet de loi n° 102.

D'entrée de jeu, je tiens à vous remercier et à vous informer que RECYC-QUÉBEC appuie les principes généraux du projet de loi n° 102, notamment la volonté du gouvernement du Québec de moderniser ses façons de faire pour mieux accompagner le Québec vers une gestion environnementale performante et efficace. M. le Président, M. le ministre, il y a un an, lors de ma nomination à titre de président-directeur général de RECYC-QUÉBEC, j'ai reçu le mandat d'optimiser les services de cette société d'État. Ma présentation aujourd'hui s'inscrit donc dans cette démarche d'amélioration et d'optimisation des services offerts par RECYC-QUÉBEC.

Je débuterai mon allocution ce soir en vous présentant RECYC-QUÉBEC, cette société d'État moins connue, mais dont le mandat est au coeur même de la gestion de matières résiduelles au Québec. Je vous ferai également part des enjeux que j'observe depuis mon entrée en fonction et des solutions que nous préconisons. Je terminerai ma présentation en vous expliquant comment ces solutions sont garantes de succès dans la gestion des matières résiduelles au Québec.

RECYC-QUÉBEC est une société d'État qui a été créée en 1990 par le gouvernement du Québec suite à l'incendie de Saint-Amable, où 6 millions de pneus ont brûlé. Sa mission est d'amener le Québec à réduire, à réutiliser, à recycler et à valoriser les matières résiduelles dans une perspective d'économie circulaire et de la lutte contre les changements climatiques. RECYC-QUÉBEC gère le système de consignation des contenants de boissons de fin de vie, de même que plusieurs programmes d'aide financière, totalisant 55 millions de dollars, issus du Fonds vert.

Depuis sa création, cette société d'État fait preuve d'agilité, d'efficacité dans ses programmes, par exemple, pour ne nommer que celui-ci, le programme québécois de pneus hors d'usage. Ce programme est, depuis plusieurs années, le plus performant au Canada. Après 25 ans, RECYC-QUÉBEC se distingue par sa capacité de mobilisation et de concertation des intervenants sur le terrain. Nous travaillons avec plus de 800 installations partenaires de récupération, de tri, de recyclage et de mise en valeur. Pour vous donner une idée du travail qui s'effectue au Québec, en 2012, il y avait plus de 1 million de tonnes de matières recyclables du secteur résidentiel et des industries, commerces et institutions qui transitaient par les centres de tri au Québec et près de 1 150 000 millions de tonnes de résidus organiques qui étaient recyclés par épandage, biométhanisation ou compostage.

RECYC-QUÉBEC est aujourd'hui reconnue et appréciée par les citoyens, les industries, les commerces et institutions, les municipalités, les associations sectorielles, les ministères et organismes comme une référence incontournable en gestion des matières résiduelles. À ce titre, je souhaite partager avec vous les constatations des principaux acteurs du milieu quant à la lourdeur administrative qui existe présentement dans la gestion des matières résiduelles au gouvernement du Québec.

Présentement, cette gestion est réalisée par deux entités distinctes, RECYC-QUÉBEC, société d'État autofinancée qui accompagne les acteurs dans la mise en place de systèmes visant la récupération et le recyclage de matières résiduelles, et une division en gestion des matières résiduelles du ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, financée à même les crédits publics, responsable du suivi législatif. Or, cette structure de fonctionnement occasionne depuis longtemps de nombreux enjeux sous divers gouvernements.

Vous savez, la gestion des matières résiduelles a connu une évolution fulgurante au cours des dernières années. Certaines matières considérées comme des déchets il y a 20 ans sont devenues, au fil du temps, créatrices d'une industrie innovante. Malheureusement, les services gouvernementaux offerts ne sont pas adaptés à la réalité du secteur. Il suffit de penser au retard dans la mise en oeuvre d'orientations structurantes découlant du plan 2011‑2015 de la politique de gestion des matières résiduelles. Pensons notamment à la stratégie de bannissement du bois, qui devait voir le jour en 2015, ou la mise en oeuvre du règlement des responsabilités élargies des producteurs visant les halocarbures, dont l'annonce était prévue en 2013. Ces délais retardent la mise en oeuvre d'actions structurantes visant à améliorer la performance environnementale du Québec et l'émergence d'une industrie prête à investir dans de nouvelles technologies de pointe porteuses d'une économie verte pour le Québec.

Ce n'est pas tout. Comment expliquer que, par l'analyse des plans de gestion des matières résiduelles soumis par les municipalités... s'effectue en double depuis 2012? Vous savez, l'analyse des plans, l'accompagnement personnalisé aux municipalités, les recommandations au ministre et les documents administratifs et légaux ont toujours été réalisés par RECYC-QUÉBEC. Toutefois, depuis 2012, l'analyse de RECYC-QUÉBEC est reprise par le ministère, un doublement de travail qui alourdit énormément le processus pour la clientèle municipale. Ça n'apporte aucune valeur ajoutée et ça utilise mal les ressources de l'État. De même, les étapes administratives et la reddition de comptes sont aussi dédoublées concernant les sommes du Fonds vert qui sont administrées par RECYC-QUÉBEC.

C'est dans cet esprit, M. le Président et M. le ministre, que nous croyons que le gouvernement doit aborder rapidement les enjeux liés à l'inefficacité dans la gestion gouvernementale des matières résiduelles, comme l'actuel gouvernement a réussi à le faire avec d'autres sphères d'activités.

Vous savez, RECYC-QUÉBEC comprend les enjeux des acteurs du milieu, les accompagne de façon complète et souhaite les épauler davantage, mais ses pouvoirs sont restreints. De plus, de nombreux organismes partenaires, comme... — vous allez d'ailleurs les rencontrer lors de cette commission — déplorent le décalage entre les orientations réglementaires préconisées et l'évolution de notre secteur. L'inefficacité dont il est question ici doit être corrigée, et ce, afin que le Québec puisse entrer dans une nouvelle ère d'économie circulaire, où les richesses du Québec seront mises de l'avant.

• (19 h 40) •

M. le Président, M. le ministre et membres de la commission, la gouvernance de notre secteur au sein de l'appareil gouvernemental ainsi que le mandat législatif de la société d'État n'ont pas été revisés depuis 25 ans. Ce secteur créateur de richesse nécessite une approche d'accompagnement plus agile, qui peut tenir compte des enjeux économiques, technologiques, énergétiques et sociaux autant qu'environnementaux. Dans un contexte d'allègement administratif global de l'appareil gouvernemental, et pour mieux épauler les acteurs du milieu, l'optimisation des ressources et des processus de fonctionnement sont primordiaux. Le projet de loi n° 102 offre l'opportunité au gouvernement de modifier les dispositions législatives de la LQE pour apporter des solutions concrètes aux enjeux soulevés précédemment.

C'est pourquoi RECYC-QUÉBEC formule deux recommandations : premièrement, que le ministre confie à RECYC-QUÉBEC, la société d'État la mieux placée pour le faire, la révision de la politique de gestion des matières résiduelles ainsi que l'élaboration de l'ensemble des orientations, stratégies, plans d'action et programmes découlant de cette politique; deuxièmement, que le ministre délègue à RECYC-QUÉBEC son autorité dans la mise en application des mandats décrits à la section VII de la LQE relativement à la gestion des matières résiduelles.

Ces deux recommandations permettraient d'alléger la charge opérationnelle du ministère, dont la charge est déjà extrêmement colossale, tout en mettant à profit la grande expertise de notre société d'État. Ceci apporterait plusieurs solutions, tel qu'élaborer des orientations gouvernementales qui répondent plus rapidement et de façon plus concrète et concertée aux enjeux économiques, technologiques, énergétiques, sociaux et environnementaux au Québec; mettre en place des stratégies, plans d'action et des programmes découlant de la politique, à l'instar d'autres sociétés d'État, dans des délais qui respectent les engagements gouvernementaux; gérer avec rigueur, efficacité, efficience et transparence les sommes du Fonds vert au Plan d'action 2013-2020 sur les changements climatiques; alléger le fardeau administratif des municipalités en évitant un dédoublement inutile; mettre en oeuvre des solutions plus rapidement lorsqu'un enjeu de récupération, conditionnement, recyclage ou de débouchés se présente dans la chaîne de valeur des matières; informer, sensibiliser, éduquer davantage les acteurs de cette chaîne de valeur; assurer une coordination des actions gouvernementales au niveau de la gestion des matières résiduelles et être au coeur des enjeux et des préoccupations des municipalités et des entreprises.

M. le Président, nous avons l'opportunité que le gouvernement épaule une industrie créatrice de richesse à devenir plus performante.

Le Président (M. Iracà) : Cinq secondes, M. Michaud.

M. Michaud (Dany) : Je vais descendre ça en cinq secondes. Faisons-le en sorte que le virage proposé corresponde aux attentes des citoyens, des municipalités, des industries et de tous les partenaires du milieu de la gestion des matières résiduelles. Ainsi, c'est toute la société québécoise qui en sortira gagnante.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup. Alors, merci beaucoup pour votre exposé, M. Michaud. Nous allons procéder aux échanges avec la partie gouvernementale. Je cède immédiatement la parole à M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Michaud, Mme Cloutier. Merci pour votre présentation ainsi que votre mémoire. Puis je dois faire une petite parenthèse pour exprimer ma grande satisfaction de voir RECYC-QUÉBEC jouer un rôle plus actif, plus présent dans nos travaux. J'apprécie énormément la contribution.

Sur le point majeur que vous soulevez, avez-vous calculé, d'un côté, quel serait l'impact sur RECYC-QUÉBEC si on allait de l'avant avec les recommandations? Je veux dire, est-ce que ça occasionnerait des coûts additionnels? Quand vous parlez d'optimisation pour le ministère, avez-vous regardé qu'est-ce que ça voudrait dire plus concrètement en termes d'efficacité? Avez-vous échangé avec des municipalités? Est-ce que vous pourriez justement approfondir? Avez-vous plus de données? Avez-vous pris le temps de rechercher puis de quantifier un peu les gains qu'on ferait, là, si on suivait votre recommandation principale?

M. Michaud (Dany) : Tu veux-tu commencer avec des liens peut-être un peu plus techniques de nombre de personnes...

Mme Cloutier (Marie) : Bien, actuellement, chez RECYC-QUÉBEC, il y a 80 employés, et, du côté du ministère, dans la division des matières résiduelles, il y a 15 personnes. Dans notre évaluation des impacts administratifs, s'il y avait un transfert de ressources, nous, on croit qu'on pourrait atteindre une efficacité plus grande avec seulement une fraction des ressources qui sont dans la division du ministère, pour qu'on puisse quand même garder une certaine force au ministère au niveau législatif, ce qui veut dire qu'on propose au gouvernement d'optimiser les services avec moins de ressources, à savoir, au niveau du service aux municipalités, bien, on peut témoigner — puis vous allez sûrement l'entendre en cours de commission — que les municipalités souhaitent n'avoir qu'un seul intervenant. On vit une situation, entre autres, avec l'analyse des PGMR, qui est reprise à deux reprises, à la fois chez RECYC-QUÉBEC et au ministère, et qui n'apporte aucune valeur ajoutée, en fait, et c'est un irritant pour les municipalités.

Veux-tu compléter?

M. Michaud (Dany) : Bien, je vous dirais, exactement, les demandes qui sont faites des municipalités sont assez claires, c'est de transiger avec un seul... Ils ne comprennent pas pourquoi ils doivent transiger avec les deux parties. Ils se demandent constamment pourquoi on doit dédoubler et demander les mêmes expertises. Si on revient sur le point de la fraction, comme on l'expliquait plus tôt, on se rend compte que, soit au ministère et chez RECYC-QUÉBEC, souvent, différentes personnes font le même emploi. Donc, effectivement, on serait capables de le faire de façon beaucoup plus efficace.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Michaud. Alors, à ce moment-ci, je vais céder la parole au député de Maskinongé.

M. Plante : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, M. Michaud, Mme Cloutier, bien, bonsoir et bienvenue.

Donc, écoutez, je vais avoir quelques questions dans la même veine que M. le ministre, au niveau de ce que vous nous proposez, donc de jouer un rôle supplémentaire pour le ministère, un rôle important, soit dit en passant, et j'aimerais que vous me parliez... Au niveau de votre exemple... Vous mettez en lumière plusieurs types d'exemples, mais vous mettez en lumière que le ministère semble accuser un certain retard dans l'acheminement de certains dossiers. J'aimerais avoir quelques exemples à ce niveau-là pour voir à quel niveau ou quels sont les dossiers qu'il y a des retards. Et comment pouvons-nous mettre en lumière les exemples que vous nous donnez?

Mme Cloutier (Marie) : Oui. Bien, un exemple qu'on a mentionné dans notre mémoire et que M. Michaud a mentionné, c'est la stratégie de bannissement du bois. On sait qu'il s'agit d'une stratégie qui faisait partie du plan d'action en gestion des matières résiduelles 2011‑2015, et qui n'a toujours pas été publiée, et qui n'a pas vu le jour encore à ce moment-ci.

On peut parler aussi de la REP, qu'on appelle, dans notre jargon, responsabilité élargie des producteurs. Le règlement de la responsabilité élargie des producteurs pour les halocarbures, c'est un règlement très important parce que les halocarbures génèrent énormément de gaz à effet de serre dans l'atmosphère; il devient d'autant plus important, et le gouvernement était censé le mettre en place en 2014. Il n'est toujours pas publié. Ça occasionne... Oui?

M. Michaud (Dany) : Bien, on peut prendre un exemple concret pour vous dire exactement ce que les gens vivent et dans quelle situation on se retrouve. Moi, j'aime bien imager les choses, alors partons de l'exemple justement de la REP. On peut avoir des rencontres avec des parties prenantes qui nous demandent justement de vouloir alléger. On vient, on les rencontre, on fait l'évaluation pour savoir, O.K., quels sont les impacts, quels sont les impacts environnementaux, de quelle manière... on fait un plan, on indique les indicateurs de performance, mais après on doit aller s'asseoir directement avec le ministère et revalider le tout. Dans les circonstances où est-ce que le ministère a d'autres priorités, on doit se retrouver à reculer, se rasseoir encore avec les parties prenantes et avoir un délai de temps. Trois, quatre mois plus tard, la même partie prenante nous rappelle en disant : Est-ce qu'on peut faire un suivi? Et là on se rassoit, on essaie de faire avancer le dossier, mais vous comprenez qu'on n'a pas le pouvoir. Alors, à chaque fois, tout ce qu'on fait, c'est qu'on est le porteur de ballon, mais on ne peut jamais régler la situation. Donc, on se retrouve dans un cercle sans fin qui occasionne, bien, une année passée, une deuxième année passée, une troisième année passée. Et ce qu'on trouve difficile, c'est qu'on a probablement l'occasion... On en parlait, par rapport à la REP, des halocarbures, bien, il y avait des objectifs agressifs de pouvoir baisser les gaz à effet de serre, bien, c'en est une, belle situation où est-ce qu'on pourrait déjà devancer cette chose-là.

Alors, ce qu'on demande aujourd'hui, c'est... Au lieu d'avoir fait trois tours de roue, peut-être qu'en un et demi on aurait réglé la situation, mais, comme on n'a pas le pouvoir, on doit toujours aller à la priorité directe de ce qui se passe avec le ministère.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. le député.

M. Plante : Merci, M. le Président. J'entends bien ce que vous dites et ça me sonne une cloche, une grosse cloche. C'est que, dans ma région... en tout cas, d'une région limitrophe, il y a un projet justement de récupération de réfrigérateurs, au niveau des halocarbures, en lien avec la REP aussi. Je pense, vous êtes au courant de ce projet-là. Mais moi, j'aimerais savoir, concrètement, là, demain matin, on fait un changement, mais comment RECYC-QUÉBEC va changer ma vie pour le projet, et va changer la vie du promoteur, et va faire que ça fonctionne mieux, premièrement? Et quels sont les résultats qu'on va avoir rapidement et concrètement, là, de ce changement-là?

• (19 h 50) •

M. Michaud (Dany) : Déjà, les professionnels en place qu'on a chez nous et la performance qu'on a déjà chez nous, l'agilité, la proximité puis faire le plan... Puis je reviens au pouvoir. Je prends cet exemple-là. On a dû rencontrer cette personne-là probablement quatre, cinq fois, et, à toutes les fois, tout ce qu'on doit faire, c'est de pouvoir essayer de travailler avec lui, monter le plan, avancer tranquillement avec lui, et, lorsque ça vient le temps, on doit aller s'asseoir avec le ministère. Je vous le répète encore, en n'ayant pas ce pouvoir-là, on est dans l'obligation de passer par ce chemin-là et d'être obligés d'attendre. Le ministère, pour toutes sortes de bonnes raisons, a d'autres priorités qu'on comprend super bien, parce que c'est vraiment le ministère de l'Environnement, non pas juste de la GMR. Donc, il a vraiment d'autres priorités quelquefois.

Donc, on met ça sur la tablette. Le monsieur en question nous rappelle pour dire : Écoutez, on a besoin d'un suivi. C'est une partie prenante importante, ça peut être des entreprises, ça peut être des emplois qui vont être mis de l'avant. Donc, on doit prendre... l'écouter et s'assurer qu'on va travailler, qu'on va l'accompagner, cet homme-là, mais, au bout du compte, on se retrouve encore dans la même situation. Et, quand je vous dis «concrètement», c'est parce que, si on avait eu ce pouvoir-là dès le départ, on aurait pu établir nos plans, et faire l'acceptation tout de suite, et accepter tout de suite ces plans-là au lieu d'être obligés de repasser par une machine qui devait nous ralentir pour toutes sortes de raisons qui leur appartiennent.

Mme Cloutier (Marie) : Si je peux me permettre de compléter aussi, la valeur ajoutée de RECYC-QUÉBEC est réellement au niveau de l'implication de toute la chaîne de valeur. Donc, quand une entreprise comme ça voit le jour et se réalise, nous, on va travailler avec eux en amont pour s'assurer qu'ils ont l'approvisionnement suffisant et aussi en aval pour s'assurer qu'ils ont des débouchés. Donc, on a une vision, on apporte à tout ça une vision globale au niveau économique, social, énergétique, pas seulement via la lunette davantage environnementale, et c'est comme ça qu'on peut accompagner le mieux les entreprises dans une économie verte.

M. Plante : Merci.

Le Président (M. Iracà) : M. le député.

M. Plante : J'ai une dernière...

Une voix : Vas-y, vas-y.

M. Plante : Vous mettez en lumière, et de façon très, très bien, le rôle d'accompagnateur dans les dossiers, le rôle de mise en valeur des dossiers. Bon, premièrement, j'aimerais savoir où se situerait votre rôle d'accompagnateur au niveau des différents projets, au niveau des différentes entreprises où vous pourriez accompagner, non seulement mettre en oeuvre les politiques, mais aussi accompagner les promoteurs dans les différentes mises en oeuvre de la politique. Ça, c'est la première question, mais j'ai une sous-question sous-jacente à ça. Au niveau des autres sociétés d'État comme la vôtre, pouvez-vous me témoigner, ou me dire, ou me cibler des autres qui ont un rôle semblable au vôtre à l'extérieur du Québec? Si oui, quelles elles sont et quel rôle elles ont?

M. Michaud (Dany) : Des sociétés d'État semblables à la nôtre?

M. Plante : Oui.

M. Michaud (Dany) : Bien, si je prends le rôle des sociétés d'État, ce à quoi je peux me référer, et à ceux que j'ai visités, et à ceux que j'ai rencontrés, chacun me dit : Bien, il y a la société d'État et il y a le ministère. Il n'y a pas de doublon à l'intérieur. Par exemple, la SAAQ est une société d'État, de l'autre côté, son ministère ne va pas offrir les permis de conduire, ne va pas faire le suivi de ces choses-là, il donne ça en mandataire à sa société d'État. Tout ce qu'on demande ici aujourd'hui, c'est juste de reprendre le rôle de cette société d'État là, c'est tout ce qu'on demande aujourd'hui, pour que ça soit fait de façon efficace, et, comme ça, tout le côté législatif et tout ce qui se trouve en amont du côté législatif repose sur la société d'État jusqu'au moment où est-ce que ça arrive au législatif, et là ça se retrouve du côté du ministère. Je vous dirais que c'est là que se situe le point de fraction entre les deux.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Michaud. M. le député de Maskinongé, est-ce que ça complète?

M. Plante : Eh bien, j'aurais peut-être une dernière question.

Le Président (M. Iracà) : Il vous reste 5 min 45 s.

M. Plante : Mais je vais partager aussi avec mon collègue de Dubuc, là, donc je vais être rapide dans la dernière question. Mais j'aimerais savoir — puis vous nous exposez ça de façon très, très bien — quels seraient ou quels sont les gains qu'on peut faire au niveau économique. Au niveau de la nouvelle répartition des pouvoirs que vous nous proposez, ces gains-là, quel serait, au niveau économique, au niveau administratif... Est-ce qu'il y a des gains ou non... oui, pour le gouvernement ou pour la société d'État? Quels seraient ces gains, s'il y en a?

M. Michaud (Dany) : Marie en a parlé directement. L'évaluation qu'on en a faite, c'est que ça va prendre moins de monde pour faire le même travail. Déjà, il y a un gain économique de cette partie-là. On parle de moins d'ETC et de moins d'heures de travail forcément parce qu'il y avait déjà un doublon.

L'autre partie, c'est sur les résultats, les attentes gouvernementales par rapport à l'environnement. Prenons l'exemple des changements climatiques : si on met en place une REP trois ans avant, on aurait déjà récupéré plusieurs de ces gaz à effet de serre. Si on réussit à travailler beaucoup plus efficacement et agilement avec les parties prenantes qui sont alentour, bien, c'est aussi des gens qui vont pouvoir dire que le gouvernement fait avancer leurs choses et qu'il les appuie dans leurs projets.

Vous savez, ce qu'on essaie de faire, c'est de s'assurer que, lorsqu'un projet est amené sur la table, ce ne soit pas trois, quatre ans plus tard, puis que le projet soit dépassé, puis que les impacts soient... Tu sais, souvent, là, ce qu'on a vu, c'est qu'il y a des gens, lorsqu'il vient le temps d'avancer dans leur projet, il y a tellement eu d'impasses qu'ils sont obligés de réviser leur projet pour arriver à autre chose. Ça fait que cette efficacité-là va apporter directement au gouvernement le principe qu'ils ont de l'écoute, et qu'ils sont là, et qu'ils vont avancer aussi l'économie circulaire au Québec, parce que c'est des emplois québécois qui vont se créer alentour de ça.

Le Président (M. Iracà) : Est-ce que ça va, M. le député de Maskinongé?

M. Plante : Oui, ça va bien.

Le Président (M. Iracà) : M. le député de Dubuc, vous avez un gros quatre minutes.

M. Simard : Oh! merci, M. le Président. M. Michaud, Mme Cloutier, d'abord, merci d'être là avec nous.

Une question. Moi, chez moi, j'ai une entreprise, une jeune entreprise qui fait affaire avec RECYC-QUÉBEC. Vous avez donné nécessairement des subsides à l'entreprise pour être en mesure de mettre en place cette entreprise-là. Chez nous, l'individu a inventé — c'est le bon mot, là — une machine pour récupérer le gypse, alors qu'on sait très, très bien le coût qu'enfouir le gypse peut coûter, parce qu'on est au poids au niveau des municipalités. Ma première question : Est-ce que RECYC-QUÉBEC a véritablement la mission de faire du référencement pour faire du recyclage dans des domaines qui sont inexistants au moment où on se parle et que les municipalités veulent diminuer le poids d'enfouissement? Est-ce que vous avez ce rôle-là?

Mme Cloutier (Marie) : Absolument, on a...

M. Simard : Est-ce que vous le faites?

Mme Cloutier (Marie) : Il y a certaines filières pour lesquelles on est limités faute de pouvoirs et de moyens, et, entre autres, la filière à laquelle vous faites référence, c'est les matériaux de construction, rénovation, démolition, qui est un enjeu majeur en ce moment justement à cause des coûts d'enfouissement que ça génère, et on sait... parce qu'on a des études sur lesquelles on peut se fier pour identifier que ces matières sont bel et bien recyclables. Maintenant, à certains égards, je sais qu'il y a des attentes d'autorisation environnementale en fonction du procédé qui est utilisé. Donc, votre firme qui est dans votre circonscription est peut-être en attente à ce niveau-là.

M. Simard : Ils manquent de gypse au moment où on se parle.

Mme Cloutier (Marie) : Ah! ils manquent de gypse. Non, mais alors c'est un enjeu de récupération dans ce cas-là, c'est un enjeu de récupération.

M. Michaud (Dany) : Au même moment où on se retrouve avec plusieurs centres de tri, de récupération de matériaux, qui, probablement, ne savent pas où le mettre, le gypse.

Mme Cloutier (Marie) : Exactement.

M. Michaud (Dany) : Quand on vous parle de justement cette économie circulaire là, d'avoir le pouvoir de pouvoir s'approcher de ces entreprises-là, de pouvoir faire la promotion de ces gens-là, bien, c'est ça qu'on veut aller chercher aujourd'hui, c'est d'être capables de les accompagner, de leur fournir des outils qu'on n'a pas encore accès, de pouvoir dire : Écoutez, on a des outils, là, vous, vous avez besoin de gypse, nous, on en connaît, on va vous faire le lien entre les deux. Mais souvent, par des certificats d'autorisation, par d'autres enjeux, on n'est pas capables de faire cet avancement-là.

M. Simard : Mais je vais vous donner ça comme information, peut-être vous le savez, peut-être vous ne le savez pas, c'est une entreprise qui fonctionne, a toutes ses autorisations, et, véritablement, qu'est-ce qu'il leur manque, c'est beaucoup plus de référencements au niveau de différentes entreprises, de différentes municipalités. Parce que, les municipalités, vous devez comprendre que M. Tout-le-monde, quand il fait des réparations chez eux, il se fait venir un container, puis, après ça, il va domper ça à quelque part dans le paysage, et il y aurait possibilité de récupérer énormément... puis tout ce gypse-là est récupéré, puis il fait de l'engrais avec ça, il fait toutes sortes de choses, et c'est concluant parce qu'il en manque, de gypse, là. C'est la raison pour laquelle je pense que vous avez déjà un grand rôle de référencement.

Je ne le sais pas, moi, si vous le jouez correctement ou si vous avez des enfarges. Si vous avez des enfarges, j'aurais aimé vous entendre par rapport à ces enfarges-là, parce que vous allez comprendre que, pour ce genre d'inventeur là — soit dit en passant, c'est un inventeur — ce serait très important qu'on puisse les aider, et c'est comme ça qu'on va gagner au niveau de l'environnement.

M. Michaud (Dany) : Mais là c'est un cas très précis.

M. Simard : Oui. Bien, il n'y en a pas d'autre, là, au moment où on se parle.

M. Michaud (Dany) : Alors, c'est certain qu'il faudrait aller chercher cette information-là — là, ce que je vous donnais, c'est un état global de la situation — en ayant exactement une rencontre avec ce monsieur-là. Comme je vous disais...

M. Simard : Bien, je vous invite.

M. Michaud (Dany) : Bien, c'est ce qu'on va faire. Je vais pouvoir aller le rencontrer, on va regarder où ça accroche dans la situation, et, effectivement, on a non seulement le rôle, mais on a la capacité d'être capables de faire avancer...

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Michaud. Cela termine la période d'échange avec la partie gouvernementale. Nous allons procéder à la période d'échange avec le porte-parole de l'opposition officielle. M. le député de Jonquière, la parole est à vous.

M. Gaudreault : Oui. Alors, merci, M. le Président. Merci et bienvenue, M. Michaud — j'allais dire M. Cloutier — Mme Cloutier. Merci beaucoup d'être ici.

Puis c'est drôle parce que, je pense, c'était dans cette salle-ci que nous avions étudié le projet de loi...

Une voix : ...

• (20 heures) •

M. Gaudreault : Non, ça fait... autour de 2010, je ne me souviens plus du numéro, il y avait un projet de loi qui abolissait un certain nombre d'organismes de... 130 sociétés d'État, puis, au début, vous étiez dans la liste. On avait fait une bataille puis on avait fait des représentations. Finalement, le gouvernement avait enfin allumé, puis il avait retiré RECYC-QUÉBEC, puis vous faites la démonstration encore une fois que vous aviez eu raison de vous battre à ce moment-là, puis on avait eu raison de vous accompagner, avec d'autres, là, pour éviter cela. Il y avait eu aussi... mais là on n'avait pas réussi, c'était passé dans la machine à tordeur, avec l'Agence de l'efficacité énergétique, et le gouvernement est en train de la recréer indirectement par le projet de loi n° 106, avec Transition énergétique Québec. Alors, on voit des retournements de situation comme ça, puis je pense que... Il me semble, c'était en 2010, donc cinq, six ans plus tard, on voit finalement qu'on a bien fait de maintenir une société d'État utile comme la vôtre.

Je voudrais maintenant revenir sur votre mémoire. Vous insistez beaucoup sur les municipalités qui reprochent le dédoublement de fonctions et d'interventions à la fois avec le ministère et à la fois avec RECYC-QUÉBEC, mais vous avez d'autres partenaires avec qui vous travaillez, là, juste par exemple, là, les représentants de l'industrie des contenants et de l'emballage, le monde de l'imprimé qui vit des enjeux particulièrement avec les médias régionaux. Moi, je suis un défenseur des médias régionaux, on pourrait en reparler d'ailleurs plus abondamment, de façon différente. Mais, ensuite, l'industrie du pneu, bon, etc.

Eux, ces autres partenaires, outre les municipalités, parce que je comprends que les municipalités sont favorables à votre proposition... Vous en parlez un petit peu quand même dans votre mémoire quand vous dites, à la page 8, deuxième paragraphe : Les organismes et partenaires, bon, déplorent le décalage entre les orientations réglementaires, etc.

Pouvez-vous nous en parler davantage, de ces autres organismes et partenaires, outre les municipalités, quant à votre revendication et votre recommandation?

M. Michaud (Dany) : Est-ce que tu veux citer un exemple? Parce que j'aurais pu parler un peu de RecycleMédias, entre autres.

M. Gaudreault : De...

M. Michaud (Dany) : RecycleMédias, entre autres. Lorsque vous parlez des hebdos, ça peut vous donner un exemple concret de situation d'où on vit par notre manque de pouvoir, un peu.

M. Gaudreault : Allez-y.

M. Michaud (Dany) : Alors, on a eu plusieurs rencontres avec ces gens-là qui sont venus nous exprimer, justement, avec assez de conviction, leurs explications puis essayer de trouver des terrains d'entente. Puis on a eu l'ouverture de les écouter, puis d'arriver à un certain chemin, puis dire : Bien, écoutez, ce que vous nous prononcez aujourd'hui, ça fait du sens, on comprend qu'on peut arriver peut-être à une entente. On voyait la bonne foi derrière tout ça puis on essayait d'avancer.

Mais en n'ayant pas le pouvoir, ça s'est limité à de l'écoute. Et on se retrouve dans une situation où ces gens-là nous demandent de faire évoluer le dossier, mais, comme je vous disais tantôt, à un moment donné, on doit cogner à la porte puis dire : Bien, voici comment on le présente. Et, comme on n'a pas le pouvoir, bien, c'est une réinterprétation de la situation. Peut-être parce qu'on est plus proches, peut-être... tu sais, on est proches de l'industrie, on est un peu plus proches de la gestion, en général, de cette GMR là, peut-être la compréhension des industries en général, bien, on avait peut-être des déductions qui ne sont pas les mêmes que le ministère à cet endroit-là. Mais c'est pour vous donner un exemple qu'avec le pouvoir qu'on aurait eu on aurait peut-être pu réussir à trouver un arrangement avec ces gens-là.

Maintenant, on ne peut faire qu'une recommandation, et, par la suite, ça devient la décision du ministère. On la pousse du maximum de ce qu'on peut, mais la recommandation reste là. Alors, ça vous donne un peu l'exemple dans quelle situation qu'on se retrouve assez régulièrement, mais je pourrais parler peut-être de d'autres... As-tu d'autres partenaires que tu veux émettre?

Mme Cloutier (Marie) : Bien, il y a plusieurs associations sectorielles qui vivent des difficultés soit au niveau du conditionnement, du recyclage ou des débouchés de certaines matières.

Parce que, vous savez, il y a une quarantaine de matières résiduelles, grosso modo, là, quarante, et chacune fait l'objet d'une chaîne de valeurs. Il y a un générateur, il y a un conditionneur, il y a un recycleur, puis ça prend un débouché. Et si, à un moment donné, il y a un de ces maillons-là de la chaîne qui bloque, bien, c'est toute la chaîne qui bloque. Donc, on se retrouve avec des matières qui s'en vont à l'enfouissement.

Notre rôle, c'est de tenter d'agir là où il y a des problèmes à un moment donné dans la chaîne. Donc, ça fait en sorte que les associations sectorielles, comme pour les matériaux de construction, veulent essayer de travailler avec nous et comprendre. Ils nous nourrissent, et on les nourrit aussi de réflexions pour savoir à quel niveau de la chaîne ça ne fonctionne pas, puis on est le mieux placés, avec eux, en travaillant très conjointement, pour identifier les meilleures actions, qui vont avoir le plus grand impact le plus rapidement possible. Puis on ne le regarde pas exclusivement...

M. Gaudreault : ...et, si vous permettez, ça, c'est votre... M. le ministre, oui.

Le Président (M. Iracà) : Oui, monsieur... Non, non, M. le député de Jonquière, ancien ministre.

M. Gaudreault : Oui, oui. Vous faites bien de vous pratiquer, M. le Président. Je comprends très bien puis je m'excuse de vous interrompre, mais c'est parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, puis...

Mme Cloutier (Marie) : Oui, bien sûr.

M. Gaudreault : ...je veux être sûr qu'on se comprenne bien, mais... Je comprends très bien votre argumentaire, mais je vais y aller plus directement.

Si, par exemple, on était capables d'amener des modifications dans le projet de loi n° 102 pour répondre à votre recommandation, est-ce que le lendemain de l'adoption de la loi, il y a une levée de boucliers de la part des autres partenaires que des municipalités? Ils vont dire : Non, non, nous, on aime mieux le statu quo. Parce que là vous me plaidez que, de votre point de vue puis avec... selon votre analyse, pour les autres représentants de l'industrie, de différents groupes, là, des différentes industries, différents partenaires, ça va être mieux. Mais je veux savoir, de leur part, avez-vous des appuis concrets là-dessus?

Mme Cloutier (Marie) : Absolument. En fait, c'est tout le contraire de ce que vous dites. Les gens vont applaudir. Et d'ailleurs je vous encourage à poser la question directement à ces organismes-là qui vont venir vous rencontrer dans le cadre de cette commission. Il y en a plusieurs, non seulement les municipalités, mais d'autres représentants. Posez-leur la question, demandez-leur, vous allez avoir l'heure juste. Il y en a plusieurs qui nous ont déjà envoyé des lettres d'appui, d'autres nous l'ont proposé, si c'est nécessaire. Donc, je ne pense pas que vous pouvez... Vous allez vous attendre à une levée de boucliers, ça va être le contraire.

M. Gaudreault : O.K. Maintenant, vous avez fait référence, à plusieurs reprises, dans votre présentation ou lors de réponses à des questions des collègues, à l'économie circulaire. Puis effectivement c'est un concept qui est encore en émergence, d'une certaine manière, quoiqu'il y a des législatures ou d'autres pays, entre autres en France, qui sont allés déjà beaucoup plus loin sur ce concept-là, même avec l'adoption de lois, etc.

Alors, vous, idéalement, là, si c'est vous qui teniez le crayon, là, d'une loi sur l'économie circulaire, ou d'une mesure, ou d'un processus, ou peu importe, qu'est-ce que vous suggéreriez puis comment on pourrait mettre ça davantage en pratique?

Mme Cloutier (Marie) : Je pense que, pour démarrer, c'est essentiel d'obtenir ou de se créer une stratégie québécoise de l'économie circulaire. Et, pour ce faire, on doit asseoir autour de la table... faire une table multi... interministérielle qui partagerait les préoccupations.

Une économie circulaire, ce n'est pas seulement des enjeux économiques, c'est des enjeux sociaux, c'est des enjeux énergétiques, c'est des enjeux de ressources naturelles. Ça touche tout ça. On vient de signer d'ailleurs, nous, un partenariat avec l'ADEME, en France, spécifiquement pour développer cet élément-là et on est déjà en contact avec le ministère de l'Économie, Science et Innovation qui avait intégré cette action-là dans son plan d'action de développement durable et on a débuté le travail pour le faire en collaboration.

Le Président (M. Iracà) : Une minute, M. le député.

M. Gaudreault : Une minute. Oh là là! Est-ce que... bon, c'est parce qu'il faut que je choisisse une question, là. Dans vos recommandations, page 9, le dernier picot, là, vous dites... vous ne croyez pas que de réduire la fréquence de production des PGMR de cinq à 10 ans représente une solution gagnante. Élaborez davantage là-dessus, s'il vous plaît.

Mme Cloutier (Marie) : Oui. Compte tenu du dédoublement administratif actuellement qui est requis, ayant à la fois des analyses de PGMR par RECYC-QUÉBEC et par le ministère, le projet de loi recommande des PGMR aux 10 ans pour alléger le fardeau administratif pour les municipalités.

Nous, on ne croit pas que cette solution-là est gagnante. On a vécu une très longue période sans renouvellement de PGMR lors de la première génération pendant 10 ans, et les PGMR ont été tablettés. Finalement...

M. Gaudreault : Ils deviennent obsolètes ou...

Mme Cloutier (Marie) : Absolument, puis il y a eu une démobilisation des municipalités autour de ça.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, Mme Cloutier. Cela met fin à la période d'échange avec l'opposition officielle. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition, et je cède la parole au député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci d'être ici avec nous aujourd'hui. Vous savez, 25 ans de RECYC-QUÉBEC et puis 25 ans qu'on n'a pas revu la gouvernance du programme de gestion des matières résiduelles, il doit y avoir beaucoup de choses à dire. Vous partiez sur une lancée.

En fait, moi, ce que je comprends de votre présentation dans votre mémoire, c'est que vous vouliez qu'on encadre RECYC-QUÉBEC, là, pour mieux vous permettre à jouer votre rôle dans le programme de gestion des matières résiduelles. C'est ce que je comprends, grosso modo, là?

Mme Cloutier (Marie) : Oui. Le milieu des matières résiduelles a énormément évolué dans les 20 dernières années. Ce qui pouvait être approprié il y a 20 ans comme encadrement législatif n'est plus approprié, d'après nous, pour accompagner le Québec pour une meilleure performance environnementale.

M. Lemay : Parfait. Dans le projet... Dans la LQE, la section des matières résiduelles, c'est les articles 53 à 70. Dans votre mémoire, j'essaie de voir si vous voyez des amendements qu'on pourrait apporter dans cette section-là. Je ne l'ai pas vu nécessairement. Est-ce que vous avez des articles plus spécifiques que vous voudriez qu'on se penche pour...

Mme Cloutier (Marie) : On parle principalement de l'article 53.4, où là le ministre peut confier à la société d'État des mandats additionnels à ce qu'on fait actuellement et, un peu plus loin, il donne... en fait, il délègue à la société d'État le pouvoir de gérer ces mandats-là. Donc, c'est à la fois donner des mandats additionnels et octroyer plus de pouvoirs à la société d'État.

• (20 h 10) •

M. Lemay : O.K. Parfait. On le voit aussi ici à 53.5.1, dans le fond, là, le... C'est là qu'on dit : Le ministre peut confier à la société québécoise... Bon, O.K. Parfait. Donc, ça, vous dites, vous voudriez avoir plus de précisions ou vous vouliez juste...

Mme Cloutier (Marie) : En fait, c'est à cet article-là...

M. Lemay : On a-tu quelque chose à changer à l'article ou c'est simplement de dire : Il faut se baser sur cet article-là pour vous permettre de jouer votre rôle?

Mme Cloutier (Marie) : C'est ça. Le fait que ce soit intégré à la Loi sur la qualité de l'environnement va ensuite nous permettre d'actualiser la loi constitutive de RECYC-QUÉBEC en tant que société d'État.

M. Lemay : Parfait. Et puis là, vous l'avez mentionné tout à l'heure avec mon collègue député de Jonquière, au niveau des MRC aussi, là, qu'elles doivent revoir, là... Donc, ce que vous dites, c'est qu'on devrait laisser ça à cinq ans, là, de... En fait, on devrait mettre ça sur cinq ans absolument.

M. Michaud (Dany) : On ne s'est pas commis sur un délai de temps, mais on disait que ce n'est pas nécessairement 10 ans qui est la solution, c'est plutôt un accompagnement beaucoup plus agile et efficace, et la notion de temps pourrait être modifiée. Mais ce qu'on dit, c'est que je pense que ce n'est pas nécessairement la solution ultime. C'est qu'il faut quand même attacher ça à une meilleure agilité, parce que 10 ans, dans l'expérience qu'on a eue dans le passé, c'est que ça finissait qu'il y avait un oubli puis ça tablettait l'information. C'était un peu plus difficile.

M. Lemay : Parfait. Si je prends le projet de loi puis je m'en viens au tout début du projet de loi, là, je pense, dans l'article 1, on... article 1, alinéa 11.2°, là, on introduit la notion de valorisation de matières résiduelles. Je ne sais pas si vous avez un point à mentionner là-dessus. Tu sais, est-ce que vous voyez que le texte est bien, selon vous, puis vous auriez fait des modifications, vous l'auriez mis à plus d'endroits dans le projet de loi?

Mme Cloutier (Marie) : On émettrait, de notre côté, la recommandation d'élargir la notion de «matières résiduelles», parce que, tel que défini actuellement dans la loi, «matières résiduelles» est défini comme une matière laissée à l'abandon, et ça occasionne certains enjeux au niveau de la propriété de la matière résiduelle. Donc, on croit qu'il y aurait lieu de revisiter cet article-là sur la définition des matières résiduelles pour en faciliter la gestion et la prise en charge par un système qu'on peut définir dans la société.

M. Lemay : O.K. Donc, on élargirait... parce que, juste avant ça, à l'article 1, alinéa 11.1°, là, on dit : «élimination de matières résiduelles». Après ça, à 11.2°, on dit : «valorisation de matières résiduelles», puis là il y a une liste. Là, dans le fond, ce que vous dites, c'est qu'on pourrait l'élargir pour inclure plus de fonctions, parce que, comme vous mentionnez, des matières résiduelles d'il y a 20 ans, aujourd'hui, c'est devenu des matières premières pour des nouveautés des entreprises québécoises qui peuvent même utiliser ces matières-là pour la réduction des gaz à effet de serre.

Mme Cloutier (Marie) : C'est des intrants à peu de frais puis qui créent des belles entreprises innovantes avec des nouvelles technologies.

M. Lemay : J'ai pas mal saisi le sens de votre message, là. Je ne sais pas si vous aviez quelque chose d'autre à ajouter que vous n'aviez pas mentionné précédemment.

M. Michaud (Dany) : Bien, je pense qu'on a fait le tour.

Mme Cloutier (Marie) : Nous, en fait, peut-être, en guise... On veut vraiment... On cherche à travailler en complémentarité avec le travail que fait le ministère. On croit qu'il y a moyen d'optimiser ce travail-là pour rendre un meilleur service aux clientèles et aussi que le ministère puisse conserver son rôle de législateur et se concentrer sur ce rôle-là aussi.

M. Michaud (Dany) : C'est juste de reprendre le rôle de la société d'État.

M. Lemay : O.K. Pas de problème. Puis, juste en terminant, tantôt, vous avez mentionné RecycleMédias, et puis je sais que ça a fait l'objet d'une question écrite au feuilleton, qu'on a reçu une réponse récemment. Et puis il va y avoir une rencontre, je crois que c'est prochainement, là, dans les deux, trois prochaines semaines, à Montréal, pour justement parler de cet enjeu-là. Vous avez mentionné tout à l'heure, là, que vous auriez une seule recommandation à émettre. Est-ce que c'est possible de la recevoir?

M. Michaud (Dany) : Ce n'est pas une seule recommandation. Ce qu'on a dit, c'est qu'on est en mode écoute et, même si on a des solutions arrivées avec RecycleMédias, à partir du moment où est-ce qu'on peut seulement leur parler, notre rôle se dilue à l'intérieur de ça. Donc, on les écoute, on essaie de comprendre avec eux, on essaie d'avancer, mais ça se limite à la hauteur de pouvoirs qu'on est capables d'avoir.

M. Lemay : Mais ça, ces recommandations-là, est-ce que c'est possible de les consulter en quelque part?

Le Président (M. Iracà) : En 20 secondes, M. Michaud.

M. Michaud (Dany) : Ce n'est pas des recommandations qui sont écrites, là, c'est des recommandations qui ont été discutées parce que les gens nous ont soumis leurs problématiques, le risque qu'il y avait, la manière dont ils voulaient fonctionner. Alors, on a pris le temps vraiment de les écouter, de regarder comment ça a été fait, mais, comme je vous dis, ça s'est situé au niveau de l'écoute, tout simplement.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Michaud, Mme Cloutier, pour votre participation à la commission.

Je vais suspendre les travaux quelques instants pour que le deuxième groupe puisse s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 20 h 15)

(Reprise à 20 h 18)

Le Président (M. Iracà) : Nous allons reprendre nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants du conseil des patronats de l'environnement du Québec. Je vous demande de bien vouloir vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, mesdames, la parole est à vous.

Conseil patronal de l'environnement du Québec (CPEQ)

Mme Lauzon (Hélène) : Bonjour, M. le Président. Merci pour cette invitation. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, Mme et MM. les parlementaires. Merci de cette invitation. Donc, je commence à me... donc, Hélène Lauzon, la présidente-directrice générale du Conseil patronal de l'environnement du Québec, et je suis accompagnée ce soir par Me Marie-Claude Bellemare du cabinet Borden Ladner Gervais.

Et donc je commencerais d'emblée en vous disant : Bien, vous connaissez le conseil, donc, comme on a 10 minutes, on y va rapidement, d'emblée. Je salue d'abord la volonté gouvernementale de procéder à cette refonte majeure du régime d'autorisation. C'est une refonte que nous attendions depuis très longtemps, et donc on ne peut que se féliciter d'aller de l'avant avec une telle refonte. Ça s'inscrit et ça s'est fait assez rapidement, je dois dire, ça s'inscrit dans cette volonté d'allégement réglementaire, de simplification aussi, d'efficacité administrative. Donc, que le projet de loi soit déposé assez rapidement après la production du rapport sur l'allégement réglementaire, on peut s'en féliciter.

• (20 h 20) •

Nous accueillons plusieurs mesures du projet de loi favorablement. Je vous dirais d'abord l'autorisation unique; ensuite, la disparition de l'attestation municipale, qui est très importante pour les entreprises; l'accentuation de la modulation du régime d'autorisation en fonction du risque; puis l'encadrement d'une procédure de consultation dans le cadre de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts. Nous nous expliquerons sur les objections que nous avons par rapport au test climat et nous ferons part également des préoccupations que nous avons dans le dossier de l'accès à l'information sur la question de la protection des secrets industriels.

Donc, je débute avec l'attestation municipale, l'attestation de conformité municipale. Pour les parlementaires qui sont peut-être moins familiers avec cette notion, lorsqu'une entreprise a pour objectif ou comme objet de vouloir présenter un projet au ministère, une demande de certificat d'autorisation, elle doit, cette entreprise, préalablement obtenir une attestation de conformité municipale, donc une attestation qui confirme que son projet est conforme à la réglementation municipale.

Nous avons eu de multiples problèmes avec ce type d'attestation dans le passé parce que le ministère refuse d'étudier une demande de certificat d'autorisation tant que cette attestation-là n'est pas soumise au dossier. Donc, ce type d'attestation, souvent, ça a été une façon de retarder les dossiers. Je peux vous nommer plusieurs dossiers où les attestations municipales ont pris... on a dû obtenir... peut-être six mois, une année, avant de les obtenir, si c'est... dans certains cas, on a même dû prendre des procédures judiciaires en mandamus pour forcer les municipalités à délivrer l'attestation municipale.

Donc, si la problématique, au fond, qui est derrière ça, c'est que les municipalités souhaitent être consultées pour les projets, bien, elles le seront selon les bonnes pratiques en acceptabilité sociale. Puis on s'attend à ce que le livre vert, qui deviendra éventuellement la politique en acceptabilité sociale du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, bien, ça sera la façon de consulter les municipalités, mais de ne pas quand même profiter de cette occasion pour donner un pouvoir aux municipalités pour venir freiner un projet sur la base du fait qu'on n'a pas respecté une réglementation municipale. Les entreprises sont, de toute façon, obligées de respecter la réglementation municipale. Donc, elles devront par la suite consulter les entreprises au même titre que toute autre partie prenante pour le dépôt d'un projet.

Le régime d'autorisation, bon, on va se féliciter qu'il y ait un régime à géométrie variable, en fonction du risque, donc risque négligeable, risque faible, risque modéré, risque majeur. Ce qui est important, je pense, c'est de baliser rapidement qu'est-ce que c'est, cette notion de risque. Et ce que nous croyons, c'est que la liste, que ce soit pour les projets à impact négligeable, les projets à impact faible et même à impact majeur, il est important que ces listes soient révisées périodiquement parce que les situations évoluent dans le temps.

Ce que je vous dirais, pour les projets à faible risque, bien sûr, les consultants seront mis à contribution pour élaborer les déclarations de conformité, mais il reste que c'est quand même l'entreprise qui demeure imputable et responsable ultimement. Pour ce qui est des projets à impact majeur, nous avons une grande préoccupation par rapport à ce pouvoir qui est conféré au ministre d'assujettir un projet à une procédure d'évaluation et d'examen des impacts, même si le projet n'est pas énuméré dans la liste réglementaire des projets.

Je passe maintenant au test climat. Notre compréhension du test climat est le suivant : Si une entreprise souhaite déposer un projet et que ce projet démontre qu'il y a des émissions de gaz à effet de serre qui éventuellement dépasseront un certain seuil, mais alors le ministre aurait la discrétion d'exiger un plan d'atténuation des impacts de ce projet, des impacts des émissions de gaz à effet de serre, pourrait peut-être même revoir la technologie et assujettir le projet à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts, même si ce projet n'est pas énuméré sur la liste des projets.

Nous, ce que nous prétendons, c'est que le marché du carbone incite les entreprises à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Alors, dans le marché du carbone, vous avez les grands émetteurs qui émettent 25 000 tonnes de gaz à effet de serre par année. Ces entreprises-là, parce qu'elles ont l'obligation éventuellement de réduire ou d'acheter des crédits carbone, elles sont automatiquement incitées à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, que ce soit lors de la conception d'un projet ou dans le cadre d'un procédé. Et, pour ce qui est des entreprises qui ne sont pas assujetties au marché du carbone, les plus petites entreprises, elles se font transférer le coût carbone par leurs distributeurs de carburant ou combustible. Donc, comme elles se font transférer le coût carbone, bien, elles ont aussi un incitatif à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

Donc, pour nous, l'imposition d'un test climat constitue un dédoublement par rapport aux exigences du marché du carbone. Si, par contre, le ministre, le gouvernement souhaitait tout de même aller de l'avant avec un tel test, pour nous, ce qui est important, c'est que le seuil soit au moins équivalent au seuil que l'on retrouve en ce moment sur le marché du carbone, c'est-à-dire un seuil réglementaire à 25 000 tonnes par année. Ce sont les commentaires que nous avions sur le test climat.

Choix d'une technologie. On voit que, dans le projet de loi, le ministre pourrait faire revoir par une entreprise la technologie qu'elle utilise. Sur cet aspect, je vous référerais à la politique sur l'allégement réglementaire, la politique gouvernementale, qui nous demande de miser sur les résultats et non sur les moyens. Lorsque le gouvernement commence à regarder quelle est la technologie utilisée par une entreprise, alors, quant à nous, on entre dans les moyens plutôt que dans les résultats.

Je passe maintenant à l'accès à l'information. Bien sûr, nous sommes favorables à la bonification des informations accessibles au public. C'est un enjeu fondamental. Par contre, ce qu'on a constaté, à la lecture du projet de loi, c'est que tous les documents qui sont soumis par une entreprise à l'appui d'une demande de certificat d'autorisation deviennent désormais publics, selon ce qui est prévu au projet de loi, et ces documents contiennent toujours des secrets industriels. Ces documents-là, en ce moment, ne sont pas accessibles au public. Ils le deviendraient, donc nous avons une très grande préoccupation par rapport à la protection des secrets industriels qui se retrouvent dans ces documents.

Nous vous demandons de prêter une attention particulière et de protéger les secrets industriels, expressément. Il est important que vous vous posiez cette question par rapport à la protection des secrets industriels, non seulement pour les nouveaux projets, mais également pour les projets existants ou ceux qui ont déjà été autorisés. Les projets qui ont déjà été autorisés, lorsque les initiateurs de projets les ont déposés, ils avaient à l'esprit que leurs secrets industriels seraient protégés puisqu'en ce moment ils le sont. Alors, si jamais vous alliez de l'avant avec une telle disposition, est-ce que les secrets industriels de ces projets qui avaient préalablement été autorisés seraient maintenus? Nous vous soumettons qu'il est nécessaire qu'ils soient maintenus puisqu'ils ont été autorisés avec l'esprit qu'ils étaient protégés.

Je passe maintenant à l'assujettissement à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts. D'assujettir, sur une base discrétionnaire, un projet qui n'est pas prévu dans la liste des règlements nous apparaît un pouvoir qui est beaucoup trop large et qui devrait même être retiré du projet de loi. Si jamais le gouvernement le maintenait, nous croyons qu'il serait important que le gouvernement se décide dans un délai de 15 jours, et non pas de trois mois, pour qu'une entreprise sache si elle est assujettie à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts.

Le Président (M. Iracà) : 40 secondes, Mme Lauzon.

Mme Lauzon (Hélène) : Je termine alors avec la gouvernance du Fonds vert, puis les questions pourront permettre d'aller dans le détail avec d'autres choses. Nous saluons la nouvelle gouvernance du Fonds vert. Nous ne comprenons par contre pas pourquoi il y a une différence dans la gouvernance du Fonds vert et dans la gouvernance du nouveau fonds, pourquoi on n'a pas prévu une gouvernance identique pour le nouveau fonds qui est proposé.

Alors, nous saluons cette initiative, M. le Président. Ce sont de bonnes intentions pour favoriser le développement économique. Par contre, ça prend beaucoup de prévisibilité, et nous insistons sur la nécessité de maintenir la prévisibilité. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, Mme Lauzon, de votre exposé. Nous allons procéder maintenant à la période d'échange avec la partie gouvernementale, et, de ce pas, je cède la parole au ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour... Bonsoir, plutôt. Merci pour votre présentation ainsi que votre mémoire.

Je vais commencer sur... tiens, on va parler de la question... vous parlez de risque d'imposition de choix technologique à des entreprises. Je n'ai pas lu une disposition encore dans le projet de loi qui dit ça. Si vous voyez ce langage-là, j'aimerais bien trouver ce langage-là.

Mme Lauzon (Hélène) : 25.8°, M. le ministre.

M. Heurtel : Mais je n'impose rien.

Mme Lauzon (Hélène) : O.K. Alors, c'est peut-être une mauvaise interprétation... ou de compréhension de notre part. Je vais seulement lire... alors que vous pouvez imposer «des mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre attribuables à l'activité, notamment le choix d'une technologie particulière».

M. Heurtel : Oui, mais...

Mme Lauzon (Hélène) : Je m'excuse, je vous ai interrompu.

• (20 h 30) •

M. Heurtel : C'est parce que, moi, ce que je vois, dans ce que vous dites, c'est comme... c'est un automatique. Il y a le mot «peut» dans ça, et le fait est que, quand vous dites moyens versus résultats, je ne comprends pas que là, là-dessus, on impose un moyen, mais que, depuis 44 ans, quand on émet des certificats d'autorisation avec des conditions, c'est presque toujours que des moyens, continuellement. Ça parle des moyens, ce n'est pas des listes de résultats à atteindre. Alors, je ne comprends pas que, tout à coup, quand on parle de changements climatiques, là, il faut parler de résultats, mais, depuis 44 ans, on peut parler de moyens dans tout ce qu'il reste. Je ne comprends pas pourquoi, juste dans ce domaine-là, on doit mettre de côté les moyens.

Mme Lauzon (Hélène) : Je vous dirais, M. le ministre, que ce n'est pas que dans ce domaine-là. Nous avons souvent répété que nous souhaitions que le gouvernement, même dans l'imposition de conditions, s'en tienne à l'obtention de résultats, et non pas à l'obtention d'un moyen ou à l'imposition d'un moyen. Donc, ce qu'on vous dit aujourd'hui : Oui pour les changements climatiques, mais on l'a répété souvent au gouvernement dans le passé.

M. Heurtel : En tout cas, c'est une pratique qui est quand même assez établie, là, dans les certificats d'autorisation. Ils sont souvent assortis de recommandations... de conditions, plutôt. Les rapports du BAPE, c'est sur les moyens. Il me semble que tout notre processus d'évaluation environnementale parle de moyens, alors je... Si on revient justement à la possibilité — et c'est une possibilité — d'imposer une technologie, comment vous voyez que, dans un contexte où il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre, il n'y ait pas, justement, une discussion avec le promoteur en amont pour déterminer, justement, étant donné l'ensemble des mesures, directives, politiques, cibles, etc., qu'on a en matière de lutte contre les changements climatiques... Pourquoi on ne peut pas explorer avec le promoteur s'il n'y a pas des meilleures technologies existantes? Et, s'il y en a, c'est quoi, le drame qu'on se serve, justement, du Fonds vert pour aider le promoteur à mettre en oeuvre ces nouvelles technologies là? En quoi ça lui nuit?

Mme Lauzon (Hélène) : Ah! bien là... Alors, votre dernière phrase me séduit parce que ce que j'allais vous dire, M. le ministre, c'est qu'on ne voit aucune objection à ce qu'il y ait des discussions — puis je l'ai souvent répété dans le passé et encore récemment — pour atteindre nos objectifs de réduction de gaz à effet de serre pour le secteur industriel. Là, ce n'est pas compliqué, c'est : ou on change le procédé industriel, puis là on est dans les ordres de grandeur astronomiques en coûts, ou on modernise. Alors, on modernise le procédé industriel ou on modifie les équipements. Encore là, je vais vous donner un exemple concret : trois fours, en ce moment, qui fonctionnent avec des combustibles; si on passe à des fours à arc électrique, c'est 26 millions par four. Mais le programme ÉcoPerformance du Fonds vert est plafonné à 5 millions, M. le ministre. Bien, ce n'est pas avec 5 millions qu'on va pouvoir changer les fours.

M. Heurtel : ...sur l'autre conversation, là.

Mme Lauzon (Hélène) : Bien oui, mais ça va avec, dans le sens, si votre équipe nous imposait une modernisation de procédé ou un changement d'équipement dans le... excusez-moi, quand le gouvernement... si le gouvernement nous imposait un changement de procédé ou une modernisation d'équipement, bien, il faudrait, à tout le moins, que ce soit assorti de mesures économiques à la hauteur de ces modifications. Sinon, c'est des fermetures.

M. Heurtel : Alors, si je modifie les programmes, vous êtes pour le test climat?

Mme Lauzon (Hélène) : Si vous modifiez les programmes, est-ce que je ferai un test climat? Je ne le dirais pas de cette façon-là. Je ne pense pas que je répondrais de cette façon-là parce que je dirais : Vous dédoublez quand même par rapport au marché du carbone.

M. Heurtel : Alors, en quoi je dédouble pour une autoroute? Un projet d'autoroute? En quoi je dédouble? Une autoroute, ce n'est pas soumis au marché du carbone.

Mme Bellemare (Marie-Claude) : Je pense que... Si vous me permettez d'intervenir là-dessus... Puis je pense qu'on avait déjà eu une discussion similaire quand on a parlé du livre vert...

M. Heurtel : Vous ne m'aviez pas donné de réponse à ce moment-là non plus.

Mme Bellemare (Marie-Claude) : Oui, en fait, je vous ai donné une réponse à ce moment-là. Je vous avais indiqué qu'il y a une différence entre la planification du territoire... Ça, c'est une chose, O.K.? Comme gouvernement, de faire les décisions, de prendre les décisions face à l'aménagement du territoire, ça, c'est une chose. Puis, si je reviens, par exemple, à vos véhicules, les véhicules sont assujettis indirectement au marché du carbone parce que le coût carbone est transféré. Donc, il y a un impact aussi, à cet égard-là, au niveau du choix des véhicules, au niveau de l'endroit où on va le situer comme citoyen.

Donc, de dire qu'il n'y a pas une... Je pense qu'on mélange deux enjeux. Il y a un enjeu d'aménagement du territoire, qui, ça, est une chose, est un choix gouvernemental, comment on veut que le territoire se développe. Mais, face aux industries en question, à savoir qu'il y a un dédoublement... Parce que je ne vois pas non plus nécessairement comment votre test climat, d'un point de vue d'une industrie, à un endroit donné, ne serait pas un dédoublement puis ne va pas nécessairement résoudre votre question sur l'autoroute.

M. Heurtel : ...Port-Daniel, en quoi, je veux dire, vous trouvez que c'est bon, pour vos membres, de vivre la saga qu'on a vécue, d'aller devant les tribunaux, les médias, toutes les questions qui ont été soulevées, ça, c'est un processus à encourager?

Mme Bellemare (Marie-Claude) : ...sur le dossier de Port-Daniel, ce que je dirais à cet égard-là, c'est qu'il y a un enjeu qui n'était pas juste lié aux gaz à effet de serre, il y avait un enjeu de transparence et de prévisibilité relativement à la gestion de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts, de sorte que ce qui était notamment demandé, c'est qu'à projets égaux les projets soient traités de façon égale. Et donc je pense que ce serait de réduire l'enjeu environnemental de Port-Daniel, ou le débat qu'il y a eu à cet égard-là, même devant les tribunaux, pour simplement dire qu'elle en était une de question de gaz à effet de serre. C'était beaucoup plus complexe que ça, puis c'est une question de la procédure et d'évaluation et d'examen du projet.

M. Heurtel : En tout cas, j'étais là, là, puis le dossier, c'était... a commencé et s'est terminé et continue aujourd'hui uniquement sur la question des émissions de gaz à effet de serre. Alors, je trouve particulier que vous pensez qu'on ne pourrait pas s'asseoir avec les promoteurs avant que tout ça arrive, puis qu'on pose les questions à la lumière de tout l'écosystème qu'on a mis en place pour lutter contre les changements climatiques, qu'on essaie de valider avec le promoteur, s'il n'y a pas moyen, si le cas se présente, d'améliorer le projet à la lumière de ces réalités-là.

Alors, d'appeler ça un dédoublement, c'est votre droit le plus strict, moi, j'appelle ça de l'efficacité, puis une façon plus cohérente de travailler. Mais bon. La question... l'autre point...

(Interruption)

Une voix : ...

M. Heurtel : Nous ne sommes pas disponibles. La...

(Interruption)

Le Président (M. Iracà) : M. le député.

Une voix : ...

Le Président (M. Iracà) : M. le ministre, poursuivez.

M. Heurtel : C'est parce que c'est difficile, M. le Président. J'ai été déconcentré.

Le Président (M. Iracà) : Je sais, je sais.

M. Heurtel : La question de la déclaration de conformité... peut-être je ne saisis pas votre propos. L'objectif, ici, c'est tant d'engager la responsabilité du promoteur que du tiers professionnel qui va signer. L'inspiration, c'est un peu comme un vérificateur externe, un vérificateur comptable externe. Si le vérificateur externe signe quelque chose qu'il n'aurait pas dû, bien, il engage sa responsabilité professionnelle et peut-être même pire, mais ça ne dégage pas le déclarant de sa responsabilité. Alors, je ne sais pas, qu'est-ce que je n'ai pas saisi, là, dans votre propos?

Le Président (M. Iracà) : Mme Lauzon.

Mme Lauzon (Hélène) : Merci, M. le Président. C'est un consultant, vous avez raison, M. le ministre...

M. Heurtel : Alors, ce n'est pas votre préoccupation, donc.

Mme Lauzon (Hélène) : Bien, c'est que le consultant peut signer sur la conception, mais, quand arrive le moment de l'exploitation, comment le consultant peut s'assurer que l'entreprise va mettre en place tout ce qui a été recommandé au départ? C'était seulement ça.

M. Heurtel : On s'entend. Non, mais l'idée de la déclaration de conformité, c'est de dire... puis encore, on parle de projets classés d'avance à risque faible, hein? Donc, déjà, en partant, il y a comme une présomption de projets qui ont des impacts limités, disons. Alors, l'idée, c'est de dire... puis ça va viser des secteurs déjà très normés, éprouvés, tu sais, dans le temps, où il n'y a pas beaucoup de développement, où c'est assez prévisible comme situation. Alors, c'est de dire : Bon. Je veux un tiers. Le tiers révise le projet sous son sceau, sous sa signature ou en sa responsabilité professionnelle, juge que ça respecte le projet. Mais, plus tard, dans l'exécution du projet, bien là, si, lors de l'inspection, ce n'est pas respecté, c'est le promoteur qui est responsable.

Mme Lauzon (Hélène) : On s'entend.

Mme Bellemare (Marie-Claude) : C'est juste que, dans les sections sur la déclaration de conformité, il y a des attestations. On laisse sous-entendre, puis c'est peut-être une question de précision au niveau de la rédaction... il y a deux types d'attestations qui seraient demandées du consultant, une au niveau de la conception, et une par la suite. Donc, c'est de là aussi que le questionnement en est venu.

M. Heurtel : Parfait. Moi, ça va. Merci.

• (20 h 40) •

Le Président (M. Iracà) : M. le ministre, ça va? Est-ce qu'il y a des députés de la partie gouvernementale qui désirent poser une question? Il vous reste 4 min 28 s. Alors, M. le député de Mégantic et le député de Dubuc. Le député de Mégantic en premier?

M. Bolduc : Oui. Ce ne sera pas long. Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames, il me fait plaisir de vous entendre. Vous dites, dans votre résumé — dans votre mémoire, excusez-moi — que le CPEQ estime que le délai de cinq ans pour l'exploitation d'un établissement industriel, le permis, est trop court et devrait être allongé. Je voudrais vous entendre là-dessus, parce que, dans — puis je vous donne un contexte — l'évolution technologique d'aujourd'hui, le nombre de changements, même si on dit : L'entreprise devra déclarer toutes ses modifications, ses changements, etc., la nature des structures et des opérations fait qu'il y a passablement de changements. Donc, dans un environnement de contextes dynamiques et de changements technologiques — appelons-les significatifs — comment vous pouvez nous dire que ce délai de cinq ans est trop court? Et, si cinq ans, c'est acceptable, sous quelles conditions?

Mme Lauzon (Hélène) : Moi, je vous dirais que c'est trop court, parce que, si une autorisation est valide pour cinq ans, le temps que l'entreprise doit mettre à préparer un dossier pour aller en renouvellement, bien, elle va tout simplement obtenir son autorisation valide pour cinq ans et elle va devoir déjà amorcer les travaux pour le renouvellement dans cinq ans, parce que c'est très long. Donc, c'est juste pour une question de prévisibilité, pour que les investisseurs se disent : Bon, bien, à partir du moment où j'investis au Québec pour éventuellement entreprendre un projet, bien, je sais que j'en ai pour au moins un certain nombre d'années, et non pas cinq ans.

Mme Bellemare (Marie-Claude) : Puis on va illustrer, si vous me permettez, avec les attestations d'assainissement. En ce moment, il y a des dossiers devant le ministère de l'Environnement qui prennent plus de 10 ans avant que l'autorisation soit délivrée.

M. Bolduc : Pourquoi vous ne me dites pas plutôt : La procédure est trop compliquée?

Mme Bellemare (Marie-Claude) : Bien, c'est parce que ça va... En fait, ça va dans les deux sens : un, la procédure, elle est très longue, d'une part; puis, d'autre part, il y a des entreprises qui, par la nature de leurs opérations... Si je peux illustrer, on n'a pas un interrupteur «on-off» où on peut, en cliquant des doigts, mettre à niveau aussi, par ailleurs. Il y a des types de procédés aussi que ce n'est pas possible non plus, par ailleurs, de changer aux cinq ans, et c'est souvent... Ces types d'entreprises là, la teneur des investissements au moment où on met les sous pour aller chercher l'équipement, de savoir... on ne les rentabilise pas nécessairement sur cette période-là, de cinq ans aussi, d'où l'importance de cette prévisibilité.

M. Bolduc : O.K. Puis je vous laisse...

M. Simard : Oui, merci.

Le Président (M. Iracà) : Alors, M. le député de Dubuc.

M. Simard : Merci, M. le Président. Mesdames, d'abord, bienvenue, merci d'être ici avec nous. À la page 13 : «Le CPEQ craint [...] à la lecture des articles 177 et 178 du projet de loi [...] que la confidentialité des secrets industriels puisse être compromise.» Vous l'avez dit d'entrée de jeu, si on se souvient bien. Donc, est-ce que le CPQ peut nous donner des exemples concrets pour les gens qui nous écoutent, là? Quels enjeux que vous avez par rapport à ça?

Mme Lauzon (Hélène) : Si vous avez un document dans lequel vous dites : Écoutez, voici les intrants que j'utilise... Pour obtenir mon autorisation, là, je dois faire part de mes intrants, je dois faire part des impacts de ces intrants-là sur l'environnement à partir du moment où l'usine sera en opération. Mais seulement de connaître les intrants peut permettre parfois à un concurrent de connaître le procédé et donc de faire en sorte que notre secret est dévoilé. C'est comme la recette d'un gâteau, où c'est aussi possible qu'une telle chose se produise.

M. Simard : Parce que je vous pose cette question-là, M. le Président, parce qu'en réalité, vous savez, beaucoup, beaucoup de gens, beaucoup de groupes veulent avoir que ce... ils veulent que ce soit transparent, ils veulent que ce soit divulgué. Donc, c'est la raison pour laquelle je vous pose cette question des enjeux que vous avez au niveau des entreprises. Maintenant...

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. le député de Dubuc.

M. Simard : Oh! j'ai fini, moi? Bien, je m'excuse.

Le Président (M. Iracà) : Malheureusement, il ne reste plus de temps. Donc, vous avez fait le tour. Vous allez peut-être pouvoir y revenir dans d'autres échanges. Ceci met fin à la période d'échange avec la partie gouvernementale. Nous allons procéder à la période d'échange avec le porte-parole de l'opposition officielle. M. le député de Jonquière, la parole est à vous.

M. Gaudreault : Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme Lauzon, Mme Bellemare, merci beaucoup d'être ici au nom du Conseil patronal de l'environnement. Je veux revenir sur la question du test climat. Vous avez eu un bon échange avec le ministre à ce sujet-là. Nous savons par ailleurs que vous êtes également la coprésidente du Comité-conseil sur les changements climatiques du ministère, qui fait, à l'occasion, des avis sur un certain nombre de questions. Est-ce que le comité-conseil a fait un avis sur le test climat auprès du ministre?

Mme Lauzon (Hélène) : Non, pas d'avis sur le test climat, ce test climat du projet de loi n° 102, non, le ministre ne nous a pas demandé de lui procurer un avis. Je ne vous dis pas qu'un tel concept ne pourrait pas surgir autrement, mais, sur le test climat, tel qu'il est prévu dans le projet de loi n° 102, non, nous n'avons pas émis d'avis.

M. Gaudreault : Mais est-ce qu'il y a eu des avis sur d'autres aspects du projet de loi n° 102?

Mme Lauzon (Hélène) : Non, non plus.

M. Gaudreault : Non? O.K. S'il s'avère qu'il y a des avis, est-ce qu'on pourrait y avoir accès? Est-ce que les avis — c'est une question que je pose comme ça — est-ce que les avis du conseil sont publics?

Mme Lauzon (Hélène) : Non, c'est un comité-conseil, donc c'est le ministre qui a la discrétion de rendre publics les avis. Le seul avis ou les seules recommandations qui ont été rendues publiques à ce jour, ce sont les recommandations portant sur la cible à l'horizon 2030, la cible de réduction d'émissions de gaz à effet de serre.

M. Gaudreault : O.K. Mais vous, est-ce que vous pensez qu'on pourrait... ça pourrait être public? Seriez-vous d'accord avec ça?

Mme Lauzon (Hélène) : Pas nécessairement. Dans certains cas, ça dépend, je vous dirais qu'il y a des gens autour de la table qui pourraient souhaiter que certaines recommandations soient rendues publiques. Personnellement, pour... Je ne pense pas que, dans tous les cas, les recommandations doivent être rendues publiques, mais nous savons que c'est le ministre qui doit exercer sa discrétion.

M. Gaudreault : O.K. Merci. Maintenant, je veux vous entendre sur la question du droit d'appel, à la suite, par exemple, d'une décision du ministère, certificat d'autorisation, etc. L'article 96 actuel de la LQE dispose de cette question-là, entre autres. Vous, est-ce que vous croyez que ça devrait être étendu à plus large que le demandeur d'un certificat d'autorisation? Est-ce qu'il pourrait y avoir des citoyens, par exemple, qui pourraient demander d'aller en appel sur des décisions à cet égard?

Mme Bellemare (Marie-Claude) : Ça, ce que je dirais là-dessus, d'entrée de jeu, d'une part, le pouvoir de révision judiciaire, dans certains cas, si, par exemple, on parlait de contester un certificat d'autorisation aujourd'hui, il existe déjà devant la Cour supérieure, O.K.? C'est sûr qu'au niveau du point de vue économique, une entreprise a besoin d'une certaine stabilité aussi à cet égard-là. Donc, je pense que les processus en amont pour la consultation et l'acceptabilité sociale prennent toute leur importance en vue de les gérer en amont plus que de réagir en bout de ligne, parce qu'une fois que l'autorisation est émise on a besoin de cette stabilité-là.

M. Gaudreault : Pardon?

Mme Bellemare (Marie-Claude) : On a besoin... l'autorisation émise, on a besoin de sa stabilité, de ne pas avoir une autorisation, si on peut dire, en état d'insécurité ou de «limbo», pour utiliser cette image.

M. Gaudreault : O.K. Donc, vous pensez que le régime actuel de pouvoir de contestation ou de pouvoir... c'est-à-dire, le pouvoir d'évocation, là, à la Cour supérieure, c'est suffisant au moment où on se parle, et que ça devrait se poursuivre de cette manière-là.

Mme Bellemare (Marie-Claude) : Je pense que ça amène une certaine stabilité à cet égard-là. Néanmoins, ce n'est pas nécessairement une question qui a été discutée de façon spécifique avec nos membres.

M. Gaudreault : Au conseil patronal? O.K. Maintenant, sur le pouvoir discrétionnaire, vous en parlez quand même pas mal, entre autres, à la page 3 de votre mémoire, au point 1.8, là, «Les pouvoirs discrétionnaires». Vous dites que vous êtes «préoccupé par l'étendue du pouvoir discrétionnaire accordé au ministre et au gouvernement» et que vous craignez «qu'un pouvoir discrétionnaire si vaste ait pour effet de nuire à la prévisibilité juridique, un principe essentiel pour favoriser les investissements». J'aimerais ça vous entendre davantage là-dessus. On a eu d'autres représentations avant vous ici, à cette table, où des groupes, des gens ont été très préoccupés par l'étendue du pouvoir discrétionnaire qu'accorde le projet de loi n° 102 au ministre. Maintenant, j'aimerais ça vous entendre davantage là-dessus : C'est quoi, vos craintes? On va commencer comme ça, là, c'est quoi, vos craintes?

• (20 h 50) •

Mme Bellemare (Marie-Claude) : Donc, d'entrée de jeu, on a un cadre législatif et on a un cadre réglementaire aux différentes, je veux dire, normes et exigences qui sont fixées pour différentes industries dans différents domaines. O.K.? Un des enjeux, notamment ici, est le fait qu'à divers endroits, dans le projet de loi, nonobstant l'existence de normes réglementaires, il pourrait y avoir des exigences supplémentaires et qui pourraient par exemple diverger avec ce cadre réglementaire là existant. Donc, on peut s'imaginer une entreprise qui vient établir ou qui souhaite venir établir une entreprise en se disant : Bien, voici le cadre juridique à l'intérieur duquel je peux m'installer. J'ai fait mon évaluation du dossier, oui, au niveau environnemental, mais aussi au niveau de faisabilité économique, et on avance dans le processus. Et ce qu'on sait, ce qu'on réalise, c'est que finalement les règles du jeu sont changées sans qu'on les connaisse à l'avance. Donc, évidemment, il y a une inquiétude à cet égard-là. On le voit aussi notamment avec une des dispositions où, même si on a délivré une autorisation, si la compréhension des informations varie, on pourrait venir retirer l'autorisation en question. Donc, on peut facilement voir, au niveau du développement économique, que cette source, en fait, cette absence de certitude écrite et claire peut soulever un certain questionnement au niveau de la prévisibilité des projets.

M. Gaudreault : Mais vous savez qu'un pouvoir discrétionnaire, ça peut se baliser, ça peut s'encadrer, donc, c'est bien, bien reconnu en droit administratif. Qu'est-ce que vous suggérez, à ce moment-là, comme... Est-ce que vous préférez le statu quo, par exemple, ou, tant qu'à avoir un pouvoir discrétionnaire tel que prévu dans le projet de loi n° 102, le baliser, l'encadrer? Si oui, sur quelle base et comment?

Mme Bellemare (Marie-Claude) : Donc, je pense qu'effectivement il y a moyen de baliser. C'est sûr que de mettre, par exemple, des paramètres spécifiques, par exemple, au niveau des enjeux spécifiques sur l'environnement — on pourrait le voir de ce côté-là, par exemple — ce serait des éléments, des pistes de solution à observer pour pouvoir essayer de le baliser. Parce que, l'autre enjeu, et non seulement face... je veux dire, le ministère de l'Environnement, de façon globale... mais c'est aussi de s'assurer que deux projets égaux, dans des milieux similaires, vont être traités de façon égale. Et un des défis, en ce moment, qu'on a sur le terrain, c'est qu'à projets égaux deux directions régionales ne vont pas nécessairement arriver avec les mêmes exigences. Ça fait que cet exercice-là du pouvoir discrétionnaire, il ne faut pas juste le regarder : un projet, la loi, mais il faut le regarder aussi sur son... l'uniformité sur le territoire.

M. Gaudreault : O.K. Donc, je comprends que vous plaidez beaucoup, puis c'est normal de la part des entreprises, là, puis on l'a entendu également de la part de la Fédération des chambres de commerce, mais vous plaidez beaucoup pour la prévisibilité, savoir où on s'en va, puis c'est important dans le monde des affaires puis dans le domaine économique. Est-ce que ça aiderait à votre prévisibilité que nous ayons ici, lors de l'étude, même présentement, là, ou, en tout cas, éventuellement, au moins lors de l'étude article par article, le dépôt des intentions réglementaires du ministre à cet égard?

Mme Lauzon (Hélène) : Non, parce que ce n'est pas possible. Ce que je veux dire, c'est que... bien, j'ai dit, j'ai répondu à une telle question récemment dans une autre commission parlementaire parce que le député me disait : Mais qu'est-ce que vous faites du fait que les règlements ne sont pas déposés? Bien, c'est parce qu'on ne peut pas déposer les règlements tant que la loi n'est pas adoptée. C'est le système de... c'est le législatif puis l'exécutif, donc, on commence au législatif avec la... ici, vous allez adopter la loi, éventuellement, puis l'exécutif fera son travail, mais on ne peut pas faire les deux en même temps. Donc... Mais oui, je sais qu'éventuellement nous aurons l'occasion, lorsque les règlements seront prépubliés dans la Gazette, nous aurons un délai, espérons, de 60 jours et non de 45 jours, pour pouvoir les commenter.

M. Gaudreault : Mais vous savez qu'à la question que mon collègue vous avait posée... c'est au projet de loi n° 106, finalement, les intentions réglementaires ont été déposées. Je ne sais pas si vous avez suivi, là, la semaine passée, ou je ne sais plus, ou il y a...

Mme Lauzon (Hélène) : Les intentions... les intentions.

M. Gaudreault : Bien, mais c'est la question... mais c'est ce que je vous disais tantôt, là, j'ai bien dit «les intentions».

Mme Lauzon (Hélène) : O.K., je m'excuse. Intentions.

Le Président (M. Iracà) : Vous avez 20 secondes pour répondre, Mme Lauzon.

Mme Lauzon (Hélène) : Mais j'étais pour dire :Oui, si le gouvernement est en mesure d'avoir déjà ses intentions, pourquoi pas? Mais je ne sais pas si c'est possible. Vous me dites que ç'a été fait dans le dossier du projet de loi n° 106. Mais, si le ministère de l'Environnement est assez avancé dans sa réflexion, pourquoi pas?

Le Président (M. Iracà) : Alors, merci beaucoup, M. le député de Jonquière. Nous allons procéder maintenant à la période d'échange avec la deuxième opposition. M. le député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Donc, pour rester sur ce même thème, vous mentionniez tout à l'heure dans votre propos de départ qu'on avait un régime... on allait mettre un régime à géométrie variable et puis, justement, là-dessus, sur les intentions de règlements, là, vous avez même mentionné que vous suggérez qu'il y ait une révision périodique. Est-ce que vous avez en tête une fréquence pour la...

Mme Lauzon (Hélène) : Je pense qu'une fréquence quinquennale suffirait, de dire : À chaque cinq ans, on revoit le contenu, et que ce soit le règlement qui prévoira quels sont les projets à faibles risques, ceux à faibles... pas à faibles, à risques négligeables et ceux à risques... voyons, à risques majeurs. C'est ça. Les risques modérés... mais risques modérés, c'est... enfin, on ne pourra pas les définir parce qu'ils seront prévus selon l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement.

M. Lemay : Parfait. Merci. J'aimerais vous amener à la page 6 de votre mémoire, quand vous parlez, à votre point 2.1.3, là, vous mentionnez... vous parlez des impacts économiques... un projet... qui n'est pas un critère qui est examiné dans le cadre d'un processus de délivrance d'une autorisation, et puis, au niveau des aspects économiques, vous amenez l'aspect que le ministère devrait consulter de façon systématique d'autres ministères à vocation plus économique comme le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, ou le MESI. Est-ce que vous voulez commenter sur cet aspect, s'il vous plaît?

Mme Lauzon (Hélène) : Oui. Bien, le ministère, son nom, hein, c'est le ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. Dans développement durable, il y a la dimension environnementale, mais il y a la dimension économique aussi. Donc, nous, ce qu'on se dit, c'est que, lorsque le ministère étudie une demande d'autorisation, il serait raisonnable que le critère économique soit pris en compte, et, comme le ministère a aussi pour pratique de consulter d'autres ministères, bien, ce serait bien que les autres ministères soient consultés pour le caractère économique d'une demande d'autorisation.

M. Lemay : O.K. Parfait. Ce qui m'amène à la page 14 de votre mémoire, au point 2.4.2, lorsque, dans le fond, vous mentionnez aussi que, quand on fait un BAPE, on devrait nommer un économiste au sein du BAPE, là. C'est en lien, dans le fond, c'est toujours dans le même ordre d'idées?

Mme Lauzon (Hélène) : Oui, quand on fait une procédure d'évaluation d'examen des impacts devant le BAPE, oui, le Bureau d'audiences publiques, effectivement, c'est toujours en lien.

M. Lemay : Parfait. Vous m'avez fait sourire tout à l'heure lorsque vous mentionniez, au niveau... puis vous étiez un peu pris de court dans le temps, au niveau de la gouvernance du Fonds vert, vous mentionniez que, quand on veut mettre en place la nouvelle gouvernance, là, du nouveau Fonds pour la protection de l'environnement et du domaine hydrique de l'État, là, vous mentionniez quelque chose, là, comme quoi on devrait avoir la gouvernance du nouveau fonds qui devrait se baser à ce qu'on fait avec le Fonds vert. Je ne sais pas si vous voulez finir ce que vous aviez parti à dire.

Mme Lauzon (Hélène) : C'était simplement parce qu'on salue la nouvelle gouvernance du Fonds vert, et ce qu'on pense, c'est qu'il serait probablement plus simple d'avoir une gouvernance identique pour le nouveau fonds, puis il y a des questions qui se posent. Par exemple, le Fonds vert, il a plusieurs tiroirs pour l'alimenter, et un de ces tiroirs, ce sont les redevances sur l'eau. Donc, la redevance sur l'eau, qui actuellement se retrouve au Fonds vert, est-ce qu'elle se retrouvera dans ce nouveau fonds qui est, entre autres, un fonds hydrique? Donc, il y a des questions qui se posent, mais, pour la gouvernance, je crois que nous verrions d'un bon oeil que la gouvernance qui s'appliquera au Fonds vert s'applique à ce fonds aussi.

M. Lemay : Parfait. Merci. Puis, si on va à la page 17 de votre mémoire, là, le point 2.6.4, on n'en a pas parlé avec les questions de mes autres collègues, là, mais vous semblez voir un petit problème à l'article 31.0.5 de la LQE, là, au niveau de cessation, cessation totale. J'ai lu l'article en question pour voir qu'effectivement on utilise, dans le même article, deux notions différentes. Je ne sais pas si... C'est quoi, la différence? Est-ce que vous voyez une différence?

Mme Lauzon (Hélène) : Importante.

Mme Bellemare (Marie-Claude) : Bien, en fait, c'est qu'en ce moment il faut remettre aussi le cadre... il faut prendre en considération le cadre juridique existant, où on va parler de cessation définitive. Donc, il y a des activités, par exemple, pour ne pas la nommer, dans le domaine de la foresterie, où les scieries, par exemple, vont fonctionner à l'intérieur de cycles économiques, par exemple. Il va arriver, justement, dans ces secteurs-là, où des usines vont être fermées pendant un an ou deux ans, mais en vue d'être réouvertes. En retirant le mot «définitive» ou en retirant le mot «totale» et qu'on parle uniquement de «cessation», est-ce que ça veut dire qu'un arrêt d'activité pour des raisons économiques deviendrait une cessation et, à chaque fois qu'on fait un arrêt économique, on est tenus de procéder aux obligations environnementales qui en découlent? Je ne suis pas sûre que nécessairement la situation est viable.

M. Lemay : O.K.

Mme Lauzon (Hélène) : Et même une cessation... Les entreprises ont souvent des activités de... elles font souvent de la cessation lorsqu'elles font leur entretien annuel estival. L'usine peut arrêter d'opérer pendant à peu près un mois. Et donc c'est une cessation, mais ce n'est sûrement pas une cessation définitive qui mériterait qu'on l'assortisse de mesures comme une étude de caractérisation. Donc, le mot, le qualificatif «définitive» est quand même important à maintenir, selon nous.

M. Lemay : À maintenir?

Mme Lauzon (Hélène) : Oui, à maintenir.

M. Lemay : Vous enlèveriez «totale», d'abord?

Mme Bellemare (Marie-Claude) : En fait, conceptuellement, l'idée, ce serait une «cessation définitive», et ce qualificatif-là devrait se retrouver toujours à côté du terme «cessation».

M. Lemay : Parfait. Merci.

Le Président (M. Iracà) : Il vous reste 50 secondes, M. le député de Masson.

M. Lemay : 50 secondes? Quelque chose que vous n'avez pas eu le temps... J'ai vu que vous avez passé quatre, cinq cartons, là.

Le Président (M. Iracà) : Il vous reste 40 secondes, Mme Lauzon.

• (21 heures) •

Mme Lauzon (Hélène) : Oui, oui, oui, une dernière chose. L'harmonisation avec le gouvernement fédéral pour l'évaluation environnementale. En ce moment, le gouvernement fédéral refuse de conclure une entente d'équivalence avec nous, puisque, dit-il, les mesures de sécurité ne sont pas les mêmes entre le fédéral et le provincial. C'est le temps de profiter de cette occasion pour bonifier notre système d'évaluation environnementale pour être certain de pouvoir avoir une entente d'équivalence avec le fédéral.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, Mme Lauzon, Me Bellemare, de votre contribution à la commission. Merci beaucoup de votre présence.

Alors, je vais suspendre les travaux quelques instants, pour permettre au troisième groupe de se présenter. Merci.

(Suspension de la séance à 21 h 1)

(Reprise à 21 h 3)

Le Président (M. Iracà) : Alors, je déclare la séance ouverte. Je vais demander un petit peu de discipline en cette fin de soirée, s'il vous plaît. Nous allons reprendre nos travaux.

Je souhaite la bienvenue au groupe Équiterre, un groupe qui vient souvent en commission parlementaire dans toutes sortes de projets de loi. On vous souhaite encore une fois la bienvenue. Merci beaucoup de votre présence. Je vous demande de bien vouloir vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, de ce pas, la parole est à vous, madame et monsieur.

Équiterre

M. Ribaux (Sidney) : Alors, bonsoir, tout le monde. Merci, M. le Président, membres de la commission, de nous donner la parole à cette heure. Et je suis bien content de voir qu'il y a des cafés et des thés qui sont arrivés. Donc, mon nom est Sidney Ribaux, je suis le directeur général et le cofondateur d'Équiterre. Je suis accompagné d'Alizée Cauchon, qui est notre responsable du bureau de Québec et qui a contribué, donc, à la rédaction du mémoire.

Alors, rapidement, vous savez qu'Équiterre c'est une organisation à but non lucratif qui a une mission, évidemment, environnementale. On mobilise 125 000 personnes à travers le Québec, qui sont nos sympathisants, et 20 000 de ces sympathisants sont aussi nos membres qui nous financent. On a des bureaux à Québec, Montréal et Ottawa. Alors, je m'arrête là pour la présentation d'Équiterre.

Vous dire, premièrement, qu'on salue l'effort de refonte de cette loi, que la refonte était bien due. Par contre, vous dire que nos commentaires vont se limiter... On pensait que notre contribution serait particulièrement utile sur la question des changements climatiques, donc on va cibler nos commentaires sur cette question-là ce soir et particulièrement sur la question du test à l'égard des GES dans le cadre de l'évaluation des projets.

Donc, bon, évidemment, on part du constat que le gouvernement du Québec a adopté des cibles ambitieuses sur l'horizon 2030 et 2050, donc moins 37,5 % sur 2030, entre moins 80 % et moins 95 % sur 2050. Je pense que c'est important de partir de cette cible-là pour comprendre la logique du test climat, que l'on soutient, que l'on salue dans le projet de loi, mais qu'on pense qu'on peut bonifier.

Lorsqu'on parle de la cible sur l'horizon de 2050, ce qu'on est en train de dire, c'est qu'en 2050 il n'y aura plus d'émissions de gaz à effet de serre qui découle de la combustion d'énergies fossiles ou de procédés industriels, hein? Donc, la cible 2050 que le gouvernement du Québec a adoptée équivaut à dire : À partir de 2050, le CO2 sera interdit d'un point de vue des activités humaines et de la production énergétique. C'est ce que ça veut dire concrètement, dans les faits.

Évidemment, dans les faits, les projets qui sont approuvés cette année, par exemple, ne vont pas durer qu'une seule année. Lorsqu'on approuve une cimenterie, par exemple, elle ne va pas fonctionner qu'une seule année, ou deux ans, ou cinq ans. C'est des projets qui ont souvent une durée de vie qui est très, très longue et qui, dans certains cas, vont dépasser 2030, 2040, où il y aura sans doute une autre cible qui sera adoptée et éventuellement il y aura des projets qu'on va approuver, dans les prochaines années, qui vont avoir une durée de vie qui va traverser cette ligne du 2050 où on doit arriver à zéro.

Et donc c'est dans cette logique-là qu'on appuie le projet... le test climat. Parce que, dans le fond, certains diront que c'est du dédoublement, mais ce n'est pas du dédoublement. On a un régime qui est le régime d'échange et de marché du carbone qui permet d'encadrer les émissions aujourd'hui. Mais, au même moment qu'il y a une activité industrielle qui se développe aujourd'hui, on construit des infrastructures puis on approuve des projets qui auront des émissions demain et pour le futur. Et c'est de ça qu'il est question ici.

Je vous dirais un autre principe et après ça je vais utiliser le temps qu'il me reste pour vous expliquer un peu ce que nous, on propose. Et on a un schéma pour vous aider à mieux comprendre la proposition qu'on fait. Ce qu'on propose est basé essentiellement sur la meilleure pratique existante des entreprises. Les grandes entreprises qui utilisent beaucoup d'énergie font déjà des prévisions de leurs émissions de gaz à effet de serre sur plusieurs années, sur plusieurs décennies. Lorsqu'on construit une aluminerie, on ne se pose pas seulement la question : Quel sera le coût de l'aluminium l'année prochaine?, quel sera le coût du gaz naturel qu'on utilise pour produire l'aluminium l'année prochaine?, on fait des prévisions sur du long terme. La plupart des grandes entreprises, aujourd'hui, qui développent des projets comme ça, font aussi une prévision, non seulement du coût, par exemple, de l'énergie sur 10, 15, 20 ans, mais aussi du prix carbone qu'on va ajouter à l'énergie. Donc, même avant que Québec adopte la bourse du carbone, même avant que M. Trudeau annonce, il y a un mois, qu'il y aura un prix carbone partout au Canada et qu'il a annoncé quel sera ce prix-là pour les prochaines années, les entreprises faisaient déjà ça. A fortiori, maintenant, que de plus en plus de juridictions imposent un prix carbone, de plus en plus d'entreprises font ces prévisions-là et mettent un prix carbone à long terme. Donc, l'exercice du test climat qui est proposé, il est déjà appliqué par les grandes entreprises qui sont responsables et qui veulent s'assurer de faire des projets rentables.

• (21 h 10) •

Bon, alors, c'est un peu ça, la logique derrière une proposition d'un test climat. Et je vous dirais qu'à la limite ce n'est qu'une bonne pratique d'entreprise que de prévoir quels seront les coûts de l'entreprise à moyen et long terme lorsqu'on construit une infrastructure ou un projet qui va durer quelques décennies.

Si vous avez une copie, je pense, de notre mémoire, si vous passez à la page 14, dans le fond, on pense que ce qui est dans le projet de loi, c'est bien, mais on pense qu'on pourrait aller plus loin. Et plus loin ne veut pas nécessairement dire d'être plus restrictif, mais, je pense, d'être plus... Ce qu'on souhaite, c'est d'être plus compréhensif et plus englobant. Donc, ce qu'on préconise comme test climat, c'est un test qui s'appliquerait, mais... pas de façon égale, mais qui s'appliquerait à tous les projets qui font l'objet d'une évaluation environnementale.

On propose trois catégories, donc : 10 000 et moins; entre 10 000 et 25 000 tonnes; et 25 000 tonnes et plus. Pour les 10 000 tonnes et moins, comme vous voyez dans le schéma, essentiellement, c'est un exercice de sensibilisation qu'on propose pour ces projets-là. Donc, on propose qu'il y ait un formulaire qui peut être relativement simple. On s'entend, là, un test climat, ce que ça veut dire, c'est d'évaluer quelle est l'énergie que mon procédé ou que mon entreprise va consommer, et de traduire ces unités d'énergie là en GES. C'est des mathématiques de base qu'on apprend au primaire, là, ce n'est pas très compliqué, là, d'évaluer les émissions de gaz à effet de serre d'un projet dans le temps. Et donc, pour la vaste majorité des projets qui sont en bas de 10 000 tonnes, ça sera essentiellement un exercice de sensibilisation. Pour les 10 000 à 25 000 tonnes, on pense qu'on peut demander à ces projets-là d'aller plus loin, de non seulement faire une projection de quelles seront leurs émissions dans le temps, mais aussi de comparer ces émissions-là avec les cibles que se sont dotés les deux ordres de gouvernement au Canada, dans ce cas-ci le Québec et le Canada, et aussi les recommandations du principal groupe scientifique qui étudie la question des changements climatiques, donc le GIEC.

Dans certains cas, pour ces projets-là, on recommanderait aussi que le ministre aurait la possibilité de demander que cette projection-là des émissions du projet... que le promoteur explique comment ces émissions-là ne mettront pas en péril l'atteinte des cibles. Alors, pour ce qui est des cibles de 2030 et tout ça, c'est un processus relativement simple. Et, dans le cas des grands projets de 25 000 tonnes et plus, bien là, tous les projets auraient à faire exactement ce que je viens de décrire, donc, à la fois de faire un inventaire de quelles seront leurs projections dans le futur et aussi de décrire en quoi ces cibles-là ne mettent pas en péril l'atteinte des cibles du Québec, du Canada, dans les prochaines années.

Alors, c'est sûr que la proposition qu'on fait est basée sur le fait qu'on... Ça fait 45 ans qu'on n'a pas révisé la loi, alors on se dit : On met un test climat qui va nous servir à court terme mais qui va évidemment devenir de plus en plus pertinent au fur et à mesure qu'on approche des cibles plus ambitieuses qu'on a pour 2030 déjà et pour 2050 déjà, et qui seront sans doute aussi formulées sur l'horizon 2040.

Le Président (M. Iracà) : 30 secondes, M. Ribaux.

M. Ribaux (Sidney) : Et donc je termine en disant qu'évidemment on propose aussi, là, dans une case, de dire : Le test pourrait être un peu plus strict pour le public, pour des projets publics, versus pour des projets privés. Je m'arrête là-dessus.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Ribaux, pour votre exposé. Alors, nous allons procéder à la période d'échange avec la partie gouvernementale. Et, de ce pas, je vais céder la parole au ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonsoir. Merci d'être avec nous ce soir, ainsi que pour votre mémoire et votre présentation. Je n'ai pas remarqué, avez-vous assisté à l'échange précédent? Alors, ce soir puis cet après-midi, avec la Fédération des chambres de commerce du Québec, on a eu l'argument contraire au test climat.

Alors, des enjeux. Ça soulève, un, vous y avez fait allusion, mais je vais vous demander d'aller plus loin, là, bon, on dit que c'est un dédoublement par rapport au marché du carbone. On prétend que ça affecte... il y a une question de prévisibilité qui est affectée, que justement un des objectifs du projet de loi, qui est justement de fournir une plus grande prévisibilité pour les promoteurs et citoyens, citoyennes justiciables, là, au Québec... ça atteint cet objectif-là négativement, qu'on se retrouve également dans une situation où on semble avoir une crainte très, très, très prononcée du fait que le ministre va choisir à tous coups d'imposer des technologies contraires à la liberté de choix, là, d'une entreprise, bref, qui lui nuiraient, qui nuiraient à l'entreprise. C'est un peu les trois critiques principales que j'ai entendues, là, aujourd'hui.

Alors, comment répondez-vous à ce genre de critique là, dans un contexte qui est tout à fait, puis ça, il faut le dire, louable, c'est dire : Oui, lutte contre les changements climatiques, mais on veut aussi du développement économique? On ne peut pas... Il faut trouver un équilibre. Alors, toutes ces préoccupations-là sont soulevées dans un contexte où on craint que, si on va trop loin, notamment avec un test climat, bien, ça va désavantager la position concurrentielle du Québec quand va venir le temps pour une entreprise qui est déjà établie ou qui voudrait s'établir au Québec de développer un projet additionnel. Votre réaction.

M. Ribaux (Sidney) : Bien, moi, je vous dirais, à plusieurs niveaux... Au niveau de la prévisibilité, je vois mal en quoi de dire à l'avance aux entreprises quelle est la cible de réduction pour... Présentement, on a une cible pour les 25 prochaines années; ça me semble assez prévisible. Là où veut aller le gouvernement en termes de... C'est rare, par exemple, pour un polluant, qu'on dit, 25 ans d'avance : On va interdire ce polluant-là...

M. Heurtel : 35 ans.

M. Ribaux (Sidney) : ...35 ans, pardon, vous avez raison, 35 ans d'avance : On va interdire un polluant. Alors, c'est ce qu'on est en train de dire, là, présentement. Et ce n'est pas juste le Québec, c'est toute la planète qui est en train de faire ça, là. Alors, on est en train de dire aux entreprises : Le CO2 sera interdit dans, dépendant des juridictions, 20, 30, 40, 35 ans. Alors, ça me semble très prévisible.

Au niveau de la faisabilité puis de la lourdeur administrative, ça me semble beaucoup plus simple d'évaluer quels sont les... la quantité de carburant qu'on va utiliser dans un projet annuellement, et le coût de ce carburant-là, et comment ça se traduit en GES — encore une fois, c'est mathématique, là, c'est un tableau qu'on complète sur Excel, sur Internet pour la vaste majorité des projets dont il est question présentement — que, par exemple, de faire une étude spécifique sur une espèce en voie de disparition qui est potentiellement sur le territoire ou sur des ressources hydriques qui pourraient être polluées. Je veux dire, c'est une expertise, à la limite... Ce qu'on demande, c'est quelque chose de relativement simple pour une entreprise.

Puis je vous dirais même que, d'un point de vue du développement économique, on devrait demander à l'ensemble des entreprises de le faire, parce que c'est juste une bonne idée de le faire, d'un point de vue économique, de bien gérer ses dépenses énergétiques. Dans le fond, ce qui est proposé dans le projet de loi, puis ce que nous, on propose d'appliquer d'une façon un petit peu plus large, c'est simplement une saine pratique d'entreprise que de prévoir quelles seront nos dépenses énergétiques dans le futur, de prévoir combien elles vont coûter et de faire un scénario sur la durée de vie du projet. C'est-à-dire, autrement dit, si on réalise qu'on est en train de construire un projet qui va franchir une limite où on ne pourra plus émettre de CO2 et qu'on est capables de déjà prévoir qu'il n'y aura aucune autre façon, pour nous, d'avoir ce procédé industriel là sans émettre de CO2, bien, c'est sûrement... ce n'est peut-être pas une bonne idée qu'on fasse ce projet-là. Il y a une durée de vie nécessaire dans la plupart des projets économiques pour atteindre la rentabilité.

Puis, dans le fond, ce qu'on veut s'assurer, c'est que les projets qui sont construits maintenant... qu'on ne s'attache pas à des projets qui vont, dans 10 ans, 15 ans, 20 ans, continuer à émettre trop par rapport à ce qu'on va vouloir comme société, mais qui, d'un point de vue de la rentabilité économique, ça va devenir très difficile de leur dire : Bien là, vous ne pouvez plus opérer. Alors, aussi bien le prévoir tout de suite. Et c'est ça, le sens de la proposition qui est dans le projet de loi et que nous, on propose, où on propose d'aller un petit peu plus loin.

M. Heurtel : Merci. Ça va pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, est-ce qu'il y a des députés de la partie gouvernementale? M. le député de Mégantic, la parole est à vous.

• (21 h 20) •

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Bonsoir, M. Ribaux, bonsoir, madame. J'aime beaucoup votre petit test de GES, etc. On va essayer d'aller un peu plus loin. La première question : Est-ce que vos 20 000 membres sont au Québec?

M. Ribaux (Sidney) : Oui.

M. Bolduc : O.K.

M. Ribaux (Sidney) : Bien, 95 % sont au Québec.

M. Bolduc : 95 %, O.K. Vous savez comme moi qu'en fait l'objectif de 80 % de réduction de gaz à effet de serre pour 2050, c'est un objectif ambitieux, et on voit que des pays comme la Norvège, qui se sont fixé de n'avoir aucun véhicule aux hydrocarbures en 2025, ça va moins bien que ça paraît. Même que l'Allemagne, qui décide de fermer ses centrales nucléaires, s'en va au charbon. On a un petit problème, là.

Puis je vais revenir pour... on est à 77 millions de tonnes de CO2 sur une base de 85 millions. Qu'est-ce que vous diriez si on simplifie tout ce problème de GES là et on construit, pour des raisons économiques pour le ministre, deux barrages hydroélectriques de 1 000 MW pour 10 milliards, on les exporte aux États-Unis, on ferme deux centrales au charbon qui produisent chacune 32 millions de tonnes de CO2 par année, et on a atteint notre 80 % de gaz à effet de serre? Parce que les États-Unis en produisent 6,6 milliards de tonnes; la Chine, 10 milliards; et nous, on est ici, là, avec 77 millions de tonnes puis on se casse la tête. Qu'est-ce que vous me dites?

M. Ribaux (Sidney) : Bien, en fait, je pense que l'idée derrière notre proposition, c'est celle du marché du carbone, c'est d'aller chercher des réductions là où elles coûtent le moins cher. Et on est favorables à ça. Le climat ne se préoccupe pas de la juridiction de laquelle provient le CO2. Et donc, en ce sens-là, s'il y a des réductions qu'on peut aller chercher ailleurs et que c'est bien fait, que c'est bien encadré, on est à l'aise, notre organisation est à l'aise avec ça. C'est pour ça qu'on soutient le marché du carbone. Vous avez parlé des États-Unis, on pourrait parler des Maritimes, de la Nouvelle-Écosse, bon, et le Nouveau-Brunswick, ils ont des centrales au charbon qu'il faudrait fermer éventuellement. Alors donc, oui, on peut faire ça.

Cela étant dit, plus on avance dans le temps, même aux États-Unis, même avec le président qui vient d'être élu, le coût de ces transactions-là va augmenter. Donc, au fur et à mesure qu'on ferme des... Parce que, même aux États-Unis, soit dit en passant, on ferme des centrales au charbon depuis déjà 15-20 ans, là. Il ne se construit plus de centrale au charbon aux États-Unis depuis très longtemps, et il s'en ferme, alors donc... Et ça va continuer. En dépit de ce qu'on dit que le président actuel voudrait, il n'y a plus de rentabilité ni d'acceptabilité sociale sur les centrales au charbon.

Ça fait que vous avez raison, le test climat, il est entre autres là pour dire : Bien, à un moment donné, le marché du carbone va atteindre sa limite, c'est-à-dire que, si tout le monde réduit, bien, on peut aller chercher des réductions où elles sont les moins chères, mais il faudra ultimement, aussi, réduire chez nous, premièrement. Deuxièmement, c'est sûr que toutes les réductions qu'on fait chez nous, d'un point de vue économique, il y a un intérêt à le faire ici. Ça fait que...

M. Bolduc : Donc, vous êtes d'accord sur le principe. À 150 $ la tonne, on rentre dans notre argent demain matin pour la bourse, par tonne de CO2. Pour 10 milliards, 2 000 MW, là, à 150 $ la tonne, ça fait... on rentre dans notre argent. Donc, vous n'avez pas de problème à penser plus large, globalement, si l'action du Québec a un effet positif sur la balance de carbone. On est d'accord.

Puis là je complique votre histoire un petit peu. La moyenne des usines de charbon aux États-Unis a 56 ans; leur vie utile, 65 à 67 ans. Est-ce qu'on fait un bon deal? Parce qu'au fond, là, on va sauver 10 ans puis on ramasse le crédit au complet. Comprenez-vous ce que je dis, là?

M. Ribaux (Sidney) : Bien, dans le fond, la façon que j'ai répondu à votre question, c'est dire qu'on est favorables au marché du carbone, donc on est à l'aise avec des réductions extrajuridictionnelles dans la mesure où c'est encadré, puis que c'est vérifié. Alors, voilà. Ça fait que, si c'est fait de cette façon-là, il n'y a pas de problème, là. Mais il faut que ça soit fait selon les règles qui ont été établies par le marché du carbone.

Ce que je dis aussi, c'est que, le marché du carbone, on pense que c'est un excellent outil pour les 10, 15, 20 peut-être même 25, 30 prochaines années, mais on va atteindre, à un moment donné, une limite au marché du carbone quand on va arriver à des réductions. Plus on va réduire... Et ça, à mon avis, ça va arriver plus rapidement qu'on le pense. C'est comme les téléphones intelligents, là, quand c'est sorti, tout le monde se disait : Ça sert à quoi, un téléphone intelligent? Puis maintenant tout le monde en a puis personne ne peut s'en passer. À mon avis, il est en train de se passer la même chose avec les énergies renouvelables puis l'électrification des transports. Donc, je pense que ça va aller rapidement.

Mais, cela étant dit, la question, c'est que, là où le marché du carbone a sa limite, c'est : puisque tout le monde est en train de réduire en même temps, bien, à un moment donné, la rentabilité ou l'intérêt de faire ce que vous suggérez, donc d'aller chercher des crédits ailleurs, va devenir plus difficile, plus onéreux. Et donc, ultimement, il faudra quand même réduire ici. Alors, on est aussi bien de... on a tout avantage à essayer de réduire ici en même temps que, dans certains cas, on va acheter des crédits à l'extérieur.

M. Bolduc : Un autre des problèmes qui me fait douter de notre situation... puis je ne suis pas contre tout ça, là, je suis en faveur à 100 %, en fait, dans la côte nord-est américaine, il y a 12 centrales au gaz naturel en construction, à 229 millions chaque, 1 000 mégawatts chaque. Ils produisent la moitié du CO2 d'une usine de charbon, pour à peu près la même capacité, vous comprenez bien? Si on ne sauve pas deux usines de charbon, mais quatre usines de gaz naturel, on a le même effet. Puis là ils sont en construction, donc un cycle de vie de 50 ans. Vous voyez ce que je veux dire? Tant et aussi longtemps que... Si on regarde sur une façon d'attendre des objectifs du Québec, on peut se donner, en fait, des bourses de carbone, parce qu'en bâtissant des barrages hydroélectriques on se donne une capacité industrielle et un potentiel d'économie de carbone. Étant donné qu'on est à 9,9 tonnes par habitant puis que les États-Unis et le reste du Canada sont au-delà de 20, on a un intérêt fondamental à faire du commerce et de faire un gain sur cette bourse de carbone là.

Si vous êtes d'accord avec ce principe-là, est-ce que ce n'est pas, normalement — comment je dirais ça donc? — un avantage significatif d'aller dans cette direction-là, plutôt que de travailler sur des petits volumes? Parce que, globalement, le Québec a beaucoup plus d'efficience. Il faut continuer notre conversion hydrocarbures, véhicules électriques, réduire l'industriel, comme vous le dites, mais pourquoi on vise bas?

Le Président (M. Iracà) : M. Ribaux.

M. Ribaux (Sidney) : Bien, en fait, nous, on ne vise pas bas, mais pourquoi le Québec... Bien, je veux dire, je pense qu'il faut voir... je pense qu'on peut voir ça de différentes façons. Est-ce qu'on peut exporter davantage de l'électricité à faibles émissions? Sans doute que oui. Évidemment, il y a une limite à ça qui est la capacité des lignes, d'une part, qu'on construit. Mais, d'autre part, même si on voudrait en construire plus, on le voit au New Hampshire, socialement, ça demeure difficile de construire n'importe quoi, là, donc, incluant des lignes à haute tension. Mais, oui, il y a de la place pour faire ça.

Il y aurait aussi de la place... puis je pense que c'est la direction qu'Hydro-Québec veut prendre, d'aller construire, que ce soient des éoliennes, que ce soit du solaire, que ce soit de l'hydroélectricité, ailleurs. Ça, je pense que l'expertise québécoise peut... Ça, c'est une façon qu'on peut bénéficier de ce nouveau marché de faibles, faibles carbones. Il va y avoir une demande pour de l'électricité qui émet peu, puis on a une certaine expertise là-dedans, au Québec, donc on peut exporter. Mais on peut aussi aller le faire ailleurs. Puis, si j'ai bien compris M. Martel d'Hydro-Québec, ça fait partie des orientations qu'ils sont. Puis tant mieux si on peut aller faire ça.

Moi, je vous dirais, là-dessus, par contre, il faut faire attention, parce que ce qui se passe présentement aux États-Unis, c'est qu'il y a une décentralisation, aussi, de la production qui a lieu. Donc, dans plusieurs États, là, je ne sais pas si c'est une vingtaine ou une trentaine d'États, ça coûte moins cher installer des panneaux solaires photovoltaïques sur le toit que d'acheter l'électricité du distributeur, dépendant où vous êtes. Alors, c'est un marché qui est en explosion. Bon, tu sais, jusqu'où ça va se poursuivre? Et là je ne parle pas de l'électricité au Québec, mais je réponds à votre question par rapport à l'exportation. Alors, il y a ça aussi à tenir compte, puis peut-être qu'on devrait être dans ce marché-là aussi.

M. Bolduc : La mise...

Le Président (M. Iracà) : 30 secondes, M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Combien?

Le Président (M. Iracà) : 30 secondes.

M. Bolduc : La mise à jour de la semaine dernière donnait 22 % sur le rendement photovoltaïque, 32 % sur les éoliennes, 34 % sur les hydroliennes en mer. On est les seuls en Amérique du Nord qui sont capables de retenir l'inventaire derrière les barrages. Prenez ça en ligne de compte.

• (21 h 30) •

Le Président (M. Iracà) : Alors, ça va se terminer en un commentaire et non en une question. Alors, ceci termine la période d'échange avec la période gouvernementale, la période de questions gouvernementale... la période d'échange. Alors, nous allons procéder à la période d'échange avec l'opposition officielle. Le député de Jonquière est impatient de prendre la parole.

M. Gaudreault : Bien là, je suis sans voix. Le député de Mégantic a mis la barre très haute, là, je me sens un peu mal.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Gaudreault : Je pense que je vais suspendre tout de suite les travaux.

Le Président (M. Iracà) : C'est un chimiste.

M. Gaudreault : Oui, justement, je ne veux aucunement... je n'ai aucune prétention de le combattre là-dessus. Bienvenue, M. Ribaux, Mme Cauchon.

Première question. À la page 3 de votre mémoire, deuxième paragraphe, vers la fin, vous dites, en parlant des cibles, là, du Québec : «Ces cibles doivent démontrer plus que de la bonne volonté et ne devraient pas être soumises à la discrétion des gouvernements qui se succéderont.» À cet effet, vous recommandez de traduire, dans une loi, les objectifs de réduction des émissions de GES sur les horizons de 2030 et 2050. J'aimerais ça vous entendre davantage là-dessus parce que c'est une suggestion que j'ai eu l'occasion de proposer à la COP22 à Marrakech. Alors, est-ce que vous trouvez que le projet de loi n° 102 pourrait aller dans ce sens-là ou ça prend quelque chose d'autre? Je veux vous entendre plus globalement, puis on pourra échanger là-dessus.

M. Ribaux (Sidney) : Bien, je pense qu'il faut que la cible soit légiférée d'une façon ou d'une autre. Là, on a vu dans les dernières années que les cibles, dépendant des ordres de gouvernement... On pense au gouvernement fédéral, par exemple, bien qu'il avait une cible, il n'y avait pas nécessairement d'action qui était posée au niveau fédéral. Nous, comme groupe, comme représentants des citoyens, ça ne nous laisse pas de recours. S'il n'y a pas de législation où la cible est enchâssée quelque part, on ne peut pas demander au gouvernement d'agir simplement sur un communiqué de presse qui a été émis en disant : On veut atteindre x chiffre. Alors, ça nous semble important, c'est une cible... On parlait tantôt de prévisibilité, ça va aider la prévisibilité pour tout le monde, incluant le milieu économique, si on le met dans une loi puis on dit : Voici où on s'en va, là, c'est très clair puis ce n'est pas juste un communiqué de presse qu'on a émis.

Alors, est-ce qu'on pourrait l'enchâsser dans le cadre de cette loi-ci? On le souhaiterait, d'autant plus que... Je ne sais pas si je l'ai dit clairement tantôt, mais le test climat qu'on propose, qui n'est pas tout à fait ce qui est dans le projet de loi présentement, c'est qu'on pense que le test doit se faire en fonction des cibles adoptées par le Québec et le Canada. Donc, on doit demander aux entreprises de nous dire : Quelles seront vos émissions jour 1, mais quelles seront vos émissions en 2020, en 2030, en 2050? Présentement, il y a des cibles qui sont adoptées, entre guillemets, par le gouvernement du Québec là-dessus. Alors, ce qu'on veut faire, c'est : on veut être capables de comparer, puis c'est sûr que, quand on parle de ça, on parle principalement de grands projets industriels ou de grands projets d'aménagement qui pourraient avoir des impacts significatifs, parce que, pour nous faire rater une cible, il faudrait que ça soit un grand projet. Mais il y en a, des grands projets. Alors, lorsqu'on en a... Je vous donne un exemple : si on est rendus à moins 36 % en 2029 puis qu'on a un projet de cimenterie sur la table qui ferait passer à... tu sais, qui viendrait gober 1 %, 2 %, 3 %, 4 %, bien, on manquerait notre cible en 2030 parce qu'il y a un projet qui vient s'installer.

Alors, ce n'est pas des exemples fictifs, là, c'est des exemples réels, et donc, dans ce sens-là, on pense que le test climat doit s'appuyer sur des cibles, puis, pour qu'il s'appuie sur des cibles puis que ça soit prévisible pour l'entreprise, bien, il faut que la cible soit enchâssée dans une loi quelque part.

M. Gaudreault : Donc, est-ce que je vous comprends bien si je dis que... Bon, il y a déjà un test climat qui est prévu dans le projet de loi n° 102, mais vous dites : Pour bien l'encadrer puis pour qu'il soit vraiment cohérent, on pourrait y ajouter, y enchâsser, pour reprendre votre expression, les cibles, finalement, sur les horizons 2030 et 2050, les enchâsser dans le projet de loi n° 102.

M. Ribaux (Sidney) : Exactement.

M. Gaudreault : Est-ce que vous avez d'autres références internationales qui vont un peu dans ce sens-là?

M. Ribaux (Sidney) : Sur les cibles?

M. Gaudreault : Sur ce type de loi qui enchâsse les...

M. Ribaux (Sidney) : On a regardé différents... On donne plusieurs exemples, dans le mémoire, de législations qui vont dans le sens du test climat. On a donné, par exemple, l'exemple de l'approbation présidentielle à l'égard du pipeline Keystone XL, où la justification du refus du projet était basée notamment sur les émissions de gaz à effet de serre, en disant : Ça dépasse ce qu'on a comme cible au niveau international, au niveau de ce que la science souhaite comme cible. C'est un exemple, il y en a quelques autres. Moi, ce que je vous dirais, c'est que, si on se dotait d'un test climat tel que nous, on le propose, je pense que le Québec serait un précurseur, au niveau canadien, avec un test climat comme celui-là. Par contre, je vous dirais : Si on ne le fait pas, on risque de se le faire... je ne dirais pas imposer, mais d'autres juridictions, à mon avis, vont le faire dans les prochaines années. Voilà.

M. Gaudreault : O.K. Justement, sur le test climat que vous proposez, j'ai bien aimé votre espèce d'organigramme, là...

Une voix : ...

M. Gaudreault : ...le schéma, oui, c'est mieux. Je veux juste être sûr de bien comprendre. Vous avez dit tout à l'heure, je pense, c'est à la fin de votre présentation, que vous suggéreriez que ce test climat soit plus strict pour les projets du secteur public que pour les projets du secteur privé. Est-ce que c'est parce que le secteur privé est soumis déjà au marché du carbone et non pas le public? Je veux juste bien comprendre pourquoi vous voulez avoir ce double standard public-privé.

M. Ribaux (Sidney) : Bien, c'est simplement le principe d'exemplarité. Donc, dans le fond, les deux questions, là, on aurait pu le mettre encore plus clair, mais il y a une case qui s'appelle... qui est soit «discrétion» ou «application», là, dépendant que vous êtes à 10 000 tonnes ou à 25 000 tonnes, et le test climat, c'est de répondre à la question suivante... si vous êtes dans le secteur privé, on vous pose la question suivante : Est-ce que votre projet, à court, moyen ou long terme, met en péril l'atteinte des cibles du Québec, du Canada ou du GIEC, donc le groupe d'experts? Ça, c'est pour le privé. Si vous êtes pour le public, ce qu'on pose comme question, c'est : Est-ce que ce projet facilite l'atteinte des cibles de réduction du Québec, du Canada? Alors, si vous êtes le ministère des Transports et vous construisez un train...

M. Gaudreault : ...19, mettons.

M. Ribaux (Sidney) : ...ou une autoroute, bien là, la question, c'est : Est-ce que le projet nous aide à atteindre la cible? C'est sûr qu'il ne faut pas qu'un projet public mette en péril la cible du gouvernement, c'est le gouvernement qui mène le projet.

M. Gaudreault : De là... Oui?

M. Ribaux (Sidney) : Alors, ce qu'on souhaite, c'est que le gouvernement mette systématiquement des projets qui, au pire, sont neutres, mais, dans le meilleur des cas, nous aident à atteindre les objectifs.

M. Gaudreault : Et de là l'importance aussi d'inclure dans une loi les cibles, comme on disait tout à l'heure, au début de notre échange.

M. Ribaux (Sidney) : Tout à fait.

M. Gaudreault : Ça viendrait renforcer cette exemplarité dont vous parlez, pour le test climat, en ce qui concerne les projets publics. C'est ça?

M. Ribaux (Sidney) : Oui, tout à fait, et à chaque fois qu'on parle... Je pense qu'un des défis qu'on a dans la lutte aux changements climatiques, c'est de s'assurer de la cohérence de l'État, évidemment, plusieurs ministères, et, si vous êtes au ministère de l'Immigration, le matin, quand vous vous levez, votre première préoccupation n'est pas les changements climatiques, c'est peut-être les réfugiés, c'est peut-être... mais le ministère de l'Éducation doit être logé dans des bâtiments, a une politique de déplacement, alors... et, s'il y a des projets qui émanent de d'autres ministères, bien, à partir du moment que c'est une exigence législative, ils vont les respecter, ils n'ont pas le choix. Si c'est un souhait d'un autre ministère, bien, c'est loin dans la liste des priorités de ce ministère-là.

M. Gaudreault : O.K. Et je comprends que la discrétion dont vous parlez dans votre schéma, c'est concernant les projets entre 10 000 et 25 000 tonnes.

M. Ribaux (Sidney) : Exactement.

M. Gaudreault : Mais on nous... Il y a plusieurs groupes qui sont venus ici dire qu'il y avait déjà beaucoup de pouvoirs discrétionnaires accordés au ministre, là, dans le projet de loi n° 102. Vous, ça ne vous chatouille pas trop?

M. Ribaux (Sidney) : Bien, l'idée, c'est de dire que c'est clair qu'à 25 000 tonnes... Puis, si j'ai bien compris, même le conseil du patronat de l'environnement serait d'accord pour dire qu'il y aurait un test climat pour les 25 000 tonnes et plus. Bon, c'est clair que ceux-là, on les met dans une catégorie où ils sont capables de faire leurs calculs de ça va être quoi, l'énergie qu'ils vont consommer dans 10 ans puis 15 ans. Mais, par contre, si vous êtes à 10 000 tonnes, bon, ça va dépendre un peu du projet, et peut-être que là c'est par voie réglementaire qu'on peut le préciser, mais, si vous êtes à 24 000 tonnes, bien, vous êtes pas mal proche du 25 000 tonnes. Alors, c'est pour ça qu'on dit : Entre 10 000 et 25 000, il y a peut-être... c'est une discrétion dans le sens que ce n'est peut-être pas pour tous les projets qu'on doit le faire, mais il y a certainement des projets où on doit aller là.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Ribaux. Merci, M. le député de Jonquière. Ceci met fin à la période d'échange avec l'opposition officielle. Nous allons procéder maintenant à la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition, et je cède la parole, pour la fin, au député de Masson.

• (21 h 40) •

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci, M. Ribaux, Mme Cauchon, d'être avec nous ce soir.

Bon, je comprends, là, que vous avez écrit «test GES» dans votre mémoire. Vous mentionnez «test climat». C'est la même affaire, là?

M. Ribaux (Sidney) : Oui, pardon.

M. Lemay : Parfait, pas de problème. Puis je veux juste revenir encore à la page 14, là, dans votre schéma, là. Dans le fond, juste pour être sûr, là, vous avez... sur la deuxième ligne, là, il y a trois encadrés, l'encadré du centre, là, de 10 000 à 25 000 tonnes, là, je lis la même affaire que pour 25 000 tonnes et plus. Est-ce que c'est simplement une erreur de frappe? Je veux juste savoir.

M. Ribaux (Sidney) : Non. Dans le fond, ce qu'on dit, c'est qu'il y a une... La première étape, là, la première case en haut, c'est une espèce de sondage en ligne qui vous oriente si vous êtes le promoteur, là : Vous allez vers quel schéma? Alors, si vous êtes en bas de 10 000 tonnes, bien, on vous envoie vers un schéma qui est essentiellement de la sensibilisation, c'est la première case; si vous êtes entre 10 000 et 25 000 ou 25 000 et plus, la première étape est la même dans les deux cas, vous avez à faire une projection de vos émissions pour le futur.

M. Lemay : C'est bon. Puis, sur ça, là, j'ai compris après ça que les deux questions, il y en avait une, c'était plus pour le privé, et l'autre, c'était plus pour le public. Puis ça m'amène à la page 15, au point 3.3.3, là. Vous mentionnez que, dans le fond, si la poursuite du projet compromet l'atteinte des cibles, bien, on va échouer le test puis on n'obtient pas l'autorisation. Mais, dans le fond, là, moi, j'ai juste une question, là, je me dis : Je suis une entreprise puis je sais que mon projet n'a pas une balance zéro, là, tu sais, je vais émettre des GES, ne serait-ce que... tu sais, je ne sais pas, je n'irai pas dire jusqu'à 1 million de tonnes de GES par année, là, mais, tu sais, je sais que je vais être un émetteur de GES, tu sais. Jusqu'à quel point est-ce que quelqu'un qui pourrait analyser le test GES... dire : O.K., c'est toi, le coupable, c'est à cause de toi qu'on n'atteindra pas les cibles du Québec? Je veux dire, est-ce qu'on va venir pouvoir dire à une entreprise en question : À cause de toi, on n'atteint pas... puis l'autre entreprise, selon un timing, passe en arrière d'une autre qui vient de dire : Ah! nous autres, on va réduire de 2 millions, puis, dans la même semaine, tu arrives puis tu dis : Je vais en émettre 50 000, ah... Tu sais, est-ce qu'on peut... par ce test-là, on va pouvoir venir pointer du doigt certaines entreprises, puis, selon le timing du moment de l'année qu'ils l'ont déposé, le projet, ça pourrait être acceptable ou pas? Je ne sais pas, là, j'extrapole.

M. Ribaux (Sidney) : Vous avez raison. C'est pour ça que j'ai dit d'entrée de jeu que c'est clair que plus on avance, plus les cibles sont ambitieuses, plus le cas où on dirait «non, ça compromet l'atteinte de la cible» devient réaliste. À court terme, difficile de voir comment on pourrait, au moment où on se parle, avoir un projet, même un projet de cimenterie, pour dire : Bon, votre projet compromet l'atteinte de notre objectif sur 2030. Bon, peut-être sur 2050, on pourrait argumenter, mais sans doute que la cimenterie pourrait répondre : Bien, moi, ma rentabilité, elle se ferait après 15 ans ou 20 ans, ça fait que je vais fermer en 2050 si la cible est là, je vais fermer, puis c'est tout, puis je peux quand même faire mon projet. Donc, dans ce sens-là, vous avez raison.

Par contre, je pense que, si j'étais une entreprise puis je me faisais faire faire un test climat comme ça... Encore une fois, les grandes entreprises font déjà ça. Ils vont prévoir un prix carbone sur 15, 25, 30 ans. Ce test-là fait juste obliger tout le monde à utiliser le «gold standard» par rapport à la prévision, de mettre un prix carbone. Sans doute que, dans le cadre, mettons, d'un BAPE, ce prix-là qui est utilisé deviendrait public. Bon, ce serait le genre de question que nous, on poserait, mettons, à une cimenterie, dire : Vous prévoyez quoi comme prix carbone en 2030, en 2035, en 2040? Et là, bien, on peut comparer, il y a des comparatifs, il y a d'autres gens qui font des prévisions, puis on pourrait, ne serait-ce que d'un point de vue économique, faire le débat avec l'entreprise pour dire : Bien, ça va-tu vraiment être encore rentable en 2040, en 2035, en 2030? Je pense, nous, c'est dans ce sens-là qu'on amène ce test-là.

M. Lemay : O.K. Parfait. Je vais vous amener à la page 17, à votre point 3.4.3., vous apportez, là, le... en fait, de dire qu'on pourrait combiner autant des mesures d'atténuation que des mesures d'adaptation, de prévoir un plan d'adaptation adéquat. Je ne sais pas si vous avez un commentaire supplémentaire là-dessus, sur... Je sais que, si on parlait avec le consortium Ouranos, là, ils nous diraient : Bien oui, il faut prévoir l'adaptation aux changements climatiques. Mais, vous, est-ce que vous avez un point en lien directement avec un article du projet de loi ou c'est simplement un commentaire que vous émettez, que c'est bon d'aussi prévoir de l'adaptation?

M. Ribaux (Sidney) : Non, c'est plutôt sur le principe. Je pense que c'est éventuellement quelque chose qui pourrait être ajouté à un test climat, de l'intégrer. On n'a pas suffisamment réfléchi pour vous dire exactement comment on pourrait l'intégrer dans le projet de loi, mais c'est certain que ça devient un enjeu de plus en plus important dans un projet, là, de prévoir que les écosystèmes changent, le climat change. Donc, pour toutes sortes d'usages, par exemple énergétiques, ça devient important d'utiliser, par exemple, des modèles climatiques qui sont faits pour le futur, pour se dire, quand on construit un bâtiment, par exemple : Est-ce qu'on met plus de chauffage, plus de climatisation? Alors, ces questions-là se posent maintenant quand on construit des ouvrages... de l'intégrer. Encore une fois, ce serait de s'assurer que les meilleures pratiques soient mises en place.

M. Lemay : Ce qui nous permet aussi de dire : Si ça nous a pris 44 ans pour faire la révision de la LQE, ce qu'on fait aujourd'hui, ça va être bon pour les 35 prochaines années, pour nous rendre en 2050, donc pourquoi pas ne pas tout de suite prévoir l'adaptation aux changements climatiques, n'est-ce pas?

M. Ribaux (Sidney) : Oui.

Le Président (M. Iracà) : Alors, M. le député de Masson, ça va se terminer sur ces belles paroles. Merci.

L'ordre du jour étant épuisé, la commission ajourne ses travaux au 23 novembre 2016 après les affaires courantes.

(Fin de la séance à 21 h 46)

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