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Version préliminaire

43rd Legislature, 2nd Session
(début : September 30, 2025)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Thursday, November 27, 2025 - Vol. 48 N° 3

Consultations particulières et auditions publiques sur le document intitulé : Consultation sur la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec


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Journal des débats

11 h 30 (version non révisée)

(Onze heures trente-huit minutes)

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, bonjour à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. La commission est réunie afin de poursuivre les consultations... pardon, particulières et aux auditions publiques sur le document intitulé Consultation sur la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec. Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Roy (Verchères) est remplacé par Mme Grondin (Argenteuil), M. Derraji (Nelligan) est remplacé par Mme McGraw (Notre-Dame-de-Grâce) et M. St-Pierre Plamondon (Camille-Laurin) est remplacé par M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine).

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien, merci. Donc, ce matin, nous entendrons les organismes suivants, soit Transit, Alliance pour le financement des transports collectifs au Québec et Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Donc, nous allons commencer, nos invités sont arrivés, ils sont en visioconférence, alors je souhaite la bienvenue aux représentants de Transit, Alliance pour le financement des transports collectifs au Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter, puis à commencer votre exposé.

Mme Gagné (Marie-Soleil) : Bonjour, Mme la Présidente de la commission, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour et merci pour l'invitation. Je m'appelle Marie-Soleil Gagné, directrice générale d'Accès transports viables et porte-parole de l'Alliance transit. Je suis accompagnée par Samuel Pagé-Plouffe, coordonnateur et porte-parole de l'Alliance transit. C'est le mémoire de l'Alliance que nous vous présentons aujourd'hui.

Pour rappel, l'Alliance est un regroupement d'organismes en faveur du financement des transports collectifs et sa mission est de favoriser le développement et l'amélioration des services de transports collectifs partout au Québec. Nous avons trois recommandations principales dans le mémoire que nous souhaitons discuter avec vous aujourd'hui. La première, c'est de maintenir l'ambition en réduction des émissions de gaz à effet de serre. La seconde est d'intégrer réellement la mobilité durable dans notre politique climatique et la dernière est de financer le transport collectif à la hauteur de son rôle structurant.

Comme la majorité des intervenants qui se sont présentés devant vous, notamment le Comité consultatif sur les changements climatifs... climatiques, nous souhaitons au moins maintenir l'ambition et ne pas réviser à la baisse la cible de 37,5 % pour 2030. Le Québec est un leader de la lutte au changement climatique en Amérique du Nord et il ne nous semble pas qu'il y a de l'acceptabilité sociale pour la perte de son rôle de leader. Au contraire, avec les événements météorologiques extrêmes qui ont touché nos régions, événements qui seront appelés à augmenter en termes de fréquence et d'intensité, la population québécoise est très sensibilisée à l'impact des changements climatiques sur leur qualité de vie. En 2025, c'est 81 % de la population québécoise qui trouve important d'agir en environnement.

Les choix du gouvernement de maintenir le marché de carbone ainsi que la taxe sur l'essence, mais aussi et surtout la motion unanime réitérant l'engagement et l'ambition du Québec à respecter l'Accord de Paris vont aussi dans ce sens-là. Nous l'encourageons donc à poursuivre sur cette lancée.

• (11 h 40) •

Mais force est de constater qu'on l'a échappé dans le domaine transport. À l'évidence, l'augmentation de 26 % des GES dans le secteur des transports témoigne du manque de vigueur de l'action climatique, particulièrement dans ce secteur, un coup de barre est nécessaire. Les solutions existent et on peut les retrouver dans la politique de mobilité durable. À ce titre, le gouvernement s'était engagé à accroître l'offre des services de transport collectif au Québec à la hauteur de 5 % par année. On constate plutôt que l'offre des services de transport collectif a plutôt stagné...

Mme Gagné (Marie-Soleil) : ...43 % des émissions du Québec soient attribuables au transport ainsi que le quart de la consommation d'énergie. Le transport ne figure même pas dans la feuille de route en matière de sobriété et d'efficacité énergétique. Par ailleurs, la part du transport routier sur les émissions totales du Québec est passée de 21,1 % en 1990 à 35,6 %, en 2018. On ne s'en va pas vers la bonne direction.

Aussi, l'absence de trajectoire prévue après 2030 est d'ailleurs un angle mort évident de la politique actuelle. L'objectif de 2030 devrait constituer un jalon dans le chemin vers la carboneutralité avec des cibles intermédiaires fréquentes. Nous encourageons le gouvernement du Québec à adopter une approche de collaboration et à marcher main dans la main avec les autres paliers gouvernementaux afin de transitionner le secteur du transport. L'atteinte des cibles de réduction des GES nécessite, notamment, de prévoir bonifier les leviers financiers à destination des municipalités, mais aussi de prévoir des leviers financiers du... sont disponibles au gouvernement au Canada.

Pour terminer, la mobilité durable semble être la pièce de casse-tête manquante pour atteindre nos objectifs. Investir en mobilité durable, c'est non seulement investir dans la résilience de nos communautés, c'est surtout investir dans les entreprises et les travailleurs et les travailleuses d'ici. Je vais laisser la parole à mon collègue Samuel.

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Oui, merci, Marie-Soleil. Bonjour, tout le monde, ça me fait plaisir d'être avec vous aujourd'hui. Donc, je vais revenir sur certains points qui ont déjà été mentionnés. Pour l'Alliance Transit, c'est important que la mobilité durable redevienne un pilier de la politique climatique du Québec. Et j'insiste sur le mot redevienne. Donc, ça a été évoqué, mais peut-être pour vous donner un peu un ordre de grandeur, là, entre 2007 et 2015, avec notamment le soutien des revenus liés à la lutte aux changements climatiques, il y avait eu une augmentation des services, là, en transport collectif de 32 %, et là, depuis 2018, on a une stagnation à peu près, 0 %, là, d'augmentation de l'offre de services, alors que c'était écrit très clairement, là, «qu'afin d'atteindre la cible, là, je vous cite, de 37,5 % des émissions de gaz à effet de serre, il est nécessaire d'augmenter l'offre de services de transport commun de 5 % par année».

Vous avez à la page 11, là, quelques comparaisons qu'on a déjà vues dans l'espace public, là, mais donc, des investissements pour la prochaine décennie, là, donc, entre le Québec et l'Ontario, c'est 1 600 $ pour le... pour... par habitant au Québec et 3 700 $ pour la prochaine décennie par habitant en termes de développement des infrastructures de transport collectif. Et bon, la politique de mobilité durable, elle est sur la glace. Ça a été... ça a été annoncé au printemps dernier alors que ça devait être une des bases du plan pour une économie verte, ça avait été nommé.

Pourquoi le transport collectif dans la politique climatique? Il y a beaucoup de raisons. J'attirerais peut-être votre attention à la page 13, là où on voit, donc, la croissance de la demande en énergie, parce que la transition climatique et la transition énergétique c'est évidemment, comme on le sait tous, une pression importante, sur, bien, l'électricité que l'on a au Québec. Et ce que l'on voit dans le tableau, là, c'est qu'essentiellement le tiers de la croissance de la demande d'électricité, donc 7,8 TWh, c'est... ça vient de l'électrification des transports. Et, à ce jour, on n'a pas au Québec une stratégie pour économiser de l'énergie en transport, bien au contraire.

Et là, je vous invite à aller voir plutôt le tableau qui est à la page... à la page 11, on constate que dans la feuille de route en sobriété et efficacité énergétique, donc, ça, c'est essentiellement, là, la stratégie qu'on a pour économiser de l'énergie. Tous les secteurs y apparaissent, sauf le secteur des transports. Et ça, bien, ça a été annoncé l'année passée dans le plan pour une économie verte, mais ça a été réitéré cette année. Et là, on a une occasion, avec le plan de gestion intégrée des ressources, de réintégrer le transport parce qu'économiser de l'énergie en transport, ça passe par la mobilité durable, ça passe par des changements de comportements. Donc, de ce côté-là, c'est vraiment dans l'angle mort de la politique climatique et on pense que c'est important. Notre hypothèse pour ça, c'est notamment que la méthode de calcul, là, qui nous permet de prioriser nos investissements puis nos actions, le fameux coût la tonne, là, elle n'intègre pas systématiquement tous les co-bénéfices liés par exemple à la congestion, aux effets de redéveloppement, les émissions de gaz à effet de serre qui peuvent être économisées, par exemple liées à la densification. Donc, c'est une méthode de calcul qui est critiquée par plusieurs auteurs qui s'intéressent à la question des changements climatiques, et on pense que ces co-bénéfices-là n'étant pas intégrés, ça fait qu'on l'a un peu dans notre angle mort. Et on ajouterait aussi qu'à notre avis, la question de...

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : ...la mobilité durable des transports collectifs, ce sont en fait... C'est important parce que ça permet d'offrir des alternatives à la population. Le transport collectif, ça peut être un vecteur d'équité, d'abordabilité et d'adhésion aux changements de comportements qui sont... qui sont à faire. Je le redis, mais évidemment, s'il y a une augmentation des coûts de l'énergie liée aux faits, tout ça, si on n'offre pas une alternative, ça va être, somme toute, plus compliqué d'avoir l'adhésion de la population. Donc, nos recommandations, miser sur la mobilité durable dans la politique climatique beaucoup plus clairement, et donner suite à la politique de mobilité durable qui est actuellement sur la glace.

Ensuite, on va entrer un peu plus dans les détails, donc, sur les éléments financiers. Donc, on pense qu'il faut se donner les moyens financiers. Donc, évidemment, le marché du carbone ne va pas financer tous les réseaux de transport collectif. Ça, c'est... c'est une évidence, hein? On ne dit pas ça du tout. Cela dit, à l'origine, ce qui était prévu, c'était écrit dans la loi, c'était que les deux tiers des revenus du marché du carbone devaient être consacrés au transport. Et en 2022, il y a un décret, là, qui a prévu que cette part-là devait passer des deux tiers à 25 %. Je ne suis pas en train de vous dire qu'il faut revenir nécessairement aux deux tiers, mais l'explication qui était donnée à l'époque, pourquoi on investissait en transport autant, puis là on insistait, on disait transport, mobilité durable et en particulier transport collectif. Mais donc l'explication était que cette proportion, le deux tiers consacrés aux transports collectifs, est pertinente en raison de l'importance des émissions de gaz à effet de serre dans ce secteur, comme disait ma collègue Marie-Soleil, on l'a échappée dans secteur, de la difficulté de changer les comportements tout en préservant le développement économique et social et des nombreux bénéfices associés aux transports collectifs. Donc, c'est assez en ligne avec ce que je viens de vous dire.

Donc certains... certains éléments, nous, ça fait... Ça fait longtemps qu'on dit qu'il y a une part plus importante, somme toute, des revenus du marché du carbone qui devrait être utilisée, notamment les surplus. Bon, vous ne serez pas... Vous ne serez pas surpris de m'entendre dire qu'on s'inquiète énormément des détournements des surplus du marché du carbone. Mais avant, j'attirerais peut-être de votre attention, là, à la page, à la page 19, où on voit qu'effectivement la part des revenus du marché du carbone qui sert à financer le développement des revenus de... du transport collectif, diminue très rapidement, là. On passe de 22 % à 6 %. Donc, il faudrait arrêter cette baisse. Je vais terminer donc en évoquant, donc, ce que je disais tout à l'heure, le détournement des revenus du marché du carbone, pour nous, c'est très inquiétant et on pense qu'il faut que le gouvernement revienne sur cette décision-là. Les gens d'affaires l'ont dénoncé vigoureusement, là, dans un texte d'opinion en début de semaine. On pense que c'est... Bien, on est solidaires avec... avec eux. Je pense que, somme toute, il y a un consensus à cet égard-là.

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie.

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Je termine en disant...

La Présidente (Mme Nichols) : Oui. Je vous laisse deux, trois secondes parce qu'on a déjà dépassé le temps.

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Parfait. Merci. Je termine en disant qu'il faut reprendre contrôle des émissions en transport avec une cible sectorielle dans ce secteur-là en particulier, et qu'il faut refaire, donc, de la mobilité durable un pilier de notre politique climatique. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Merci de votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la... La première période est à vous pour 13 minutes.

M. Drainville : Oui. Merci. Merci beaucoup pour votre présentation. Je ne veux pas me lancer dans une guerre de chiffres, là, parce que, bon, ça ne sera probablement pas très productif. Mais je veux quand même rappeler que les investissements en transports collectifs depuis 2018 ont doublé comparativement à la période précédente, 12 milliards de dollars de plus pour moderniser, électrifier et rendre le transport collectif plus accessible. 12 milliards de plus depuis 2018. Dans le dernier PQI, il y avait 14,5 milliards de dollars supplémentaires pour les années à venir, qui visent le transport collectif. Et par ailleurs, depuis 2020, on a investi 3,3 milliards de dollars dans les opérations des sociétés de transport. Donc, je respecte évidemment votre position, mais je pense qu'il faut regarder la situation dans son ensemble et prendre acte de toutes les données qui concernent le transport collectif et plus largement la mobilité durable.

• (11 h 50) •

Par ailleurs, je veux revenir sur l'acceptabilité sociale dont vous avez parlé au départ. Moi, je suis très... Comment dire, je suis préoccupé comme... comme vous sur cette question-là, de l'acceptabilité sociale. Moi, je pense que si on veut continuer à être des leaders...

M. Drainville : ...en matière climatique, je parle du Québec, je parle des Québécois, il faut qu'il y ait un niveau d'adhésion qui reste très élevé. Et actuellement, évidemment, les États-Unis ont renoncé à... enfin, le gouvernement fédéral américain a renoncé à l'essentiel de ce qu'on pourrait appeler une politique climatique. L'éolien est considéré comme un mal et puis le charbon comme un bien. Trump veut même considérer les gaz à effet de serre comme étant quelque chose qui n'existe pas et qui ne devrait pas être considéré comme un polluant atmosphérique. Là, je ne vous parle pas, évidemment, des sommes qui devaient être investies massivement dans l'électrification des transports là-bas puis dans la transition verte. Alors, ça, ça a déclenché un mouvement qui nous a rejoints très rapidement, avec le recul du gouvernement fédéral sur la taxe sur le carbone, il n'y en a plus. La cible d'électrification des transports, qui devait être annoncée cet automne, ils ont décidé, finalement, de suspendre leur décision, alors que nous, au Québec, on a maintenu une cible très ambitieuse de 90 % de véhicules électriques et électriques branchables d'ici 2035. Là, la Colombie-Britannique est en train de faire des reculs également. L'Ontario songe à faire lever carrément ses objectifs de réduction de GES.

Alors, il y a un risque réel que le Québec soit en train d'être isolé par ses voisins, ses voisins économiques surtout, parce que l'essentiel de nos concurrents sont en Amérique du Nord évidemment. Et donc maintenir une politique climatique ambitieuse, ça va prendre du courage. Il va falloir continuer à expliquer à nos concitoyens pourquoi eux devraient continuer à faire les efforts qu'ils font alors que, tout autour, les gouvernements reculent. Et donc il y aura une pression, puis on la sent déjà dans l'opinion publique actuellement, une pression pour qu'on emboîte le pas face aux autres États dont je viens de parler.

Et donc ma question porte justement sur le niveau d'adhésion populaire. Qu'est-ce que vous répondez à ces Québécois qui soit n'ont jamais adhéré ou encore, actuellement, sont dans le doute, se questionnent, se demandent est-ce que c'est une bonne idée de continuer à soutenir financièrement, puisque c'est bien de ça dont il s'agit, une politique climatique qui reste... qui était déjà très ambitieuse et qui est une, sinon la plus ambitieuse, certainement au Canada, et parmi les plus ambitieuses dans les Amériques?

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Bien, je pense, M. le ministre, qu'on partage votre préoccupation puis votre volonté de maintenir cette adhésion à la politique climatique que vous nommez ambitieuse, moi, j'ose dire aussi responsable. Je trouve que le Québec, quand il fait partie... quand il fait preuve de leadership à l'international, quand il réitère, par la voix de son Assemblée nationale, à l'unanimité, son intention de respecter l'accord de Paris, moi, je trouve que c'est un geste qui est... qui est responsable.

Bon, cela dit, sur la question de l'adhésion, moi, je pense réellement qu'on n'en a pas fait assez pour offrir des alternatives. Et je suis d'accord avec vous, ne faisons pas un... ne faisons pas un débat de chiffres, mais, je veux juste dire, sur le résultat net, là, est-ce qu'on a offert des alternatives pour se déplacer aux Québécois? L'offre de services en transport collectif au Québec n'a pas augmenté, depuis 2018, sur l'offre de service totale, donc il n'y a pas eu une croissance des services. Donc, d'un point de vue d'adhésion, je pense qu'on a un défi qui est... qui est réel. Vous avez nommé, effectivement, des chiffres qu'on a entendus dans l'espace public. Il y a eu des investissements assez importants pour, bien, électrifier les autobus, mais ça, ça n'offre pas davantage de services à la population. Donc, payer pour... d'avoir des nouveaux autobus qui sont électriques, il y a un surcoût. C'est une bonne politique industrielle qui est bonne pour l'économie du Québec, mais ça n'offre pas des services. Donc, d'un point de vue d'adhésion, là, on a un défi là qui est important. Puis les sommes que vous avez évoquées, là, records, c'est beaucoup lié, donc, aux aides, là, liées à la pandémie. Donc...

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : ...avec vous, je dis qu'il faut... il faut donc se préoccuper de la question de l'adhésion... de l'adhésion populaire. Je termine peut-être en disant aussi que quand il y a des régions qui ont essayé de s'organiser, notamment le Bas-St-Laurent, pour se développer des services de transport collectif, malheureusement l'initiative a été... a été bloquée par le gouvernement, alors que, historiquement, on leur reconnaît... on reconnaissait aux régions et aux MRC la possibilité, donc, d'aller chercher, là, des revenus de contribution sur l'essence. Donc, bien... honnêtement, sur l'essentiel, je pense qu'on est d'accord. Il y a un enjeu sur l'adhésion, puis c'est peut-être le début, là, d'une discussion, mais il va falloir que collectivement, on se donne les moyens pour maintenir cette adhésion-là parce que je pense que c'est le rôle du Québec, finalement, en Amérique du Nord, d'être un leader sur la question climatique. Est ce que, Marie-Soleil, tu voudrais compléter?

Mme Gagné (Marie-Soleil) : Oui, merci beaucoup. En fait, pour faciliter les changements de comportement en matière de transport, il faut prendre en compte les freins à l'adoption des comportements, puis un des freins principaux pour l'adoption de bons comportements, dans le fond, de transport, bien, c'est l'offre. Puis, c'est vraiment une question d'équité territoriale dans le sens où on sait que dans les périmètres urbains, il y a quand même une bonne desserte, mais quand qu'on s'en va en région, puis je viens de la région moi aussi, je viens de la belle région de la Gaspésie, bien c'est... ce n'est pas là finalement qu'on peut se déplacer de manière durable, donc on devient un peu dépendant, finalement, collectivement, à l'automobile. C'est important de trouver des solutions qui sortent de la boîte, puis on en a plein en tête. Il y a aussi beaucoup de travaux, la science, là, qui a énormément de données à ce niveau-là, mais c'est clair qu'il y a des solutions qui sont peu coûteuses, comme par exemple la mutualisation de la flotte automobile municipale, institutionnelle ou individuelle, le transport à la demande, l'autopartage, le covoiturage. Donc ce n'est pas obligé d'être des solutions qui sont coûteuses pour l'adoption, en fait, là, pour augmenter l'offre de transport collectif.

M. Drainville : OK. Parce que... encore une fois, je ne veux pas... je ne veux pas qu'on s'éternise sur les chiffres, là, mais pendant qu'on se parlait, j'avais les chiffres qui m'étaient transmis, là. Quand on regarde le transport collectif, là, au PQI... au PQI de 2018-2028, donc le dernier sous le gouvernement Couillard, le PQI pour le transport collectif était à 9 milliards; il a bondi à 13,6 milliards en 2020-2030, donc dans le PQI 2020-2030; 12,8 milliards dans 21-31; 13,4, 13,8, 13,8, 14,5 dans le PQI 25-35. Donc, je veux juste dire, au niveau des investissements, là, les chiffres que j'ai, ça, c'est les chiffres du PQI, donc c'est on ne peut plus officiel, là, ça vient du Conseil du trésor. Mais je comprends ce que vous dites, M. Pagé-Plouffe, je comprends ce que vous dites. Vous dites : Ce n'est pas parce qu'on augmente les investissements qu'on augmente nécessairement le nombre de personnes qui utilisent le transport. Je comprends bien votre argumentaire là-dessus.

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Est-ce que je peux rebondir?

M. Drainville : Bien sûr, bien sûr.

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Bien, sur le PQI, c'est ce que je vous évoquais. C'est qu'on a investi beaucoup, là, pour l'électrification des flottes, ça, c'est un surcoût, mais ça n'offre pas des services supplémentaires. Et, bien, si vous comparez, par exemple, en Ontario, c'est 70 milliards, là. Donc, vous m'avez parlé de 13, 14, là, effectivement, il y a eu une certaine... certaine augmentation, là, liée à l'électrification des bus.

M. Drainville : Oui. Dans les chiffres que je vous ai donnés, là, c'est du trois pour un en bonification, donc en augmentation des services, là. Par exemple, les REM, là, les deux REM qui ont été inaugurés c'est...

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Oui, il n'apparaît pas au PQI le REM, il est hors du périmètre comptant pour ce qui est du REM, là, parce que ce n'est pas financé par l'emprunt gouvernemental, mais...

• (12 heures) •

M. Drainville : Non, je comprends, mais... je suis d'accord, mais c'est quand même la Caisse de dépôt, là, qui est qui nous appartient, puis on peut dire, je pense, que c'est un équipement collectif de transport en commun qui a été inauguré, là, qui s'ajoute, j'oserais dire, aux chiffres que je viens de vous donner, là. Donc, c'est des investissements en transport collectif qui s'ajoutent aux chiffres que j'ai donnés. Donc, il faut quand même en prendre acte, mais on ne va pas, comment dire, s'obstiner sur le fait qu'il faut continuer à maintenir des services de transport collectif qui sont efficaces, ça, je pense qu'on s'entend là-dessus. Et puis il faut trouver le juste équilibre entre des investissements en transport collectif et des investissements sur le transport individuel, si on peut dire, qui reste aussi très important parce qu'on a un important réseau routier et autoroutier dont il faut continuer à s'occuper.

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Oui, il faut l'entretenir, vous avez... on est tout à fait d'accord avec ça, puis ce que vous nommez, c'est fait pas mal...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : ...notre pain puis notre beurre, tu sais. Puis je suis d'accord avec vous. Évitons trop le débat de chiffres. Si je peux peut-être juste vous nommer, là, ma demande, là, pour vous, M. Drainville.

M. Drainville : Oui.

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Page 9, là, on l'évoque, là. Donc, la feuille de route pour économiser de l'énergie au Québec, là. Les transports ne sont pas dans cette feuille de route là pour l'instant. Et on pense réellement que pour réussir la transition énergétique au Québec, ce serait bien d'avoir une stratégie d'économie d'énergie en transport. Ça fait que ça, c'est... On pense que ça, ça serait vraiment salutaire. Ça nous permettrait de dire : Bien, on va... on va mettre la mobilité durable dans notre politique climatique.

M. Drainville : Qu'est-ce que vous avez pensé de l'ajustement que nous avons apporté à la politique sur l'électrification des transports en maintenant quand même un objectif d'électrification de 90 % d'ici 2035? On l'a... On l'a abaissé de 190, mais ça reste très, très, très ambitieux.

La Présidente (Mme Nichols) : En 20 secondes, s'il vous plaît.

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Oui. Bien, on pense que le Québec devrait demeurer un leader en électrification des transports, mais qu'effectivement la terminaison du Roulez vert progressivement, ça, on adhère à ça.

M. Drainville : Merci beaucoup. Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la porte-parole de l'opposition officielle. Notre-Dame-de-Grâce ou Mille-Îles? Je comprends. Notre-Dame-de-Grâce, vous avez 7 min 48 s.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente. Bien, peut-être compléter la réponse suite à la question du ministre pour vous donner plus de temps.

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Ah! Oui, c'est gentil. Donc, les changements aux cibles d'électrification. Bien, je mentionnerais peut-être que nous, notre notre... notre mission se concentre davantage sur la mobilité durable. Mais on pense que l'essentiel, c'est que le Québec demeure un leader. Et on jugera aux résultats. Mais à ce jour, somme toute, le Québec a été un leader de l'électrification des transports individuels. Ce n'est pas le cas, par contre, là, dans les... dans la dernière décennie, pour ce qui est de la mobilité durable. On a... On a plutôt stagné. C'est ce que... C'est ce qu'on vous a exposé plus tard.

Mme McGraw : Donc, c'est ça, vous misez sur le leadership du Québec. On comprend que le ministre exprime des préoccupations d'être isolé vis-à-vis des... vis-à-vis des... ici, en Amérique du Nord, vis-à-vis des autres provinces et des États. Est-ce que vous partagez cette préoccupation que le leadership pourrait se traduire en isolement pour le Québec?

Mme Gagné (Marie-Soleil) : Pas nécessairement... nous, on conçoit que c'est un individu avec un mandat très défini, avec une durée déterminée, qui nous amène potentiellement vers ce recul-là. En même temps, on sait qu'il y a des villes, qu'il y a des États qui répondent présents dans l'action climatique. Donc, si on se compare, on ne peut pas juste se comparer à ceux qui en font moins. Je pense qu'il faut regarder aussi ceux qui en font plus. L'Union européenne aussi, c'est un partenaire commercial d'envergure pour le Québec. Puis ils ont comme intention de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 90 % d'ici 2040. Donc, soit que tu partes avec une longueur d'avance, mais au moins on veut être sûrs que nous, avec tout le monde, je pense que c'est... Tu sais, c'est parce qu'on veut se comparer aux meilleurs et non pas de se comparer à ceux qui performent...

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Peut-être un mini élément de complément. J'ai écouté un peu les autres passages en commission. J'ai vu que là-dessus ça avait été assez chaud quand même, là, le risque pour la compétitivité du Québec. Je suis quand même retourné voir, là, ce qui était écrit dans le plan de mise en œuvre du Plan pour une économie verte qui a été déposé, donc, cet été, là. Donc, c'est tout... c'est tout récent. Et ça disait clairement que le marché du carbone et le Fonds d'électrification et des changements climatiques a des retombées concrètes. On parle d'augmentation de la productivité énergétique, certes, mais on parle aussi, puis là je cite, là, une hausse de plus de 700 millions du PIB du Québec, même en l'absence de tarifs douaniers... même, excusez-moi, même en présence de tarifs douaniers et en l'absence d'une taxe carbone ailleurs au Canada. Donc, c'est quand même intéressant, là. Le gouvernement, jusqu'à récemment, nous disait très clairement que, somme toute, agir pour le climat, c'est bon pour l'économie, chiffres à l'appui.

Mme McGraw : Parce qu'il faut regarder pour avoir une approche équilibrée, les coûts, mais aussi les opportunités et les retombées de ces investissements.

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Exactement.

Mme McGraw : D'ailleurs, vous avez mentionné le super marché du carbone. J'aimerais aller là-dessus. La recommandation n° 8, c'est d'utiliser les surplus du SPED pour la lutte et lutte aux changements climatiques qui, pour nous, comprend et atténuation et adaptation. C'est ça la lutte. Là, vous le précisez parce qu'on vient de voir qu'effectivement le mandat du Fonds, ça a été utilisé pour autre chose. Et effectivement, ce qu'on fait avec cette... Puis on est tous et toutes pour réduire la dette, mais ce qu'on fait effectivement, c'est on prend le... On déplace le problème de la dette financière...

Mme McGraw : ...puis on la déplace vers une dette climatique. Alors, est-ce qu'on peut vous entendre sur la recommandation n° 8, s'il vous plaît?

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : C'est un peu aberrant de devoir faire cette recommandation-là, utiliser les revenus de la lutte aux changements climatiques pour la lutte aux changements climatiques. Le sourire, quand vous avez posé la question, est très évocateur. Je pense qu'il n'y a à peu près personne dans la société civile, dans le milieu des affaires, qui recommande donc d'utiliser les surplus du marché du carbone autrement que pour la lutte aux changements climatiques. On comprend qu'il y a des enjeux comptables puis que, bon, oui, la question de la dette, puis de la saine gestion des finances publiques, on en est. Mais il faut trouver une manière absolument que ces sommes-là servent à la lutte aux changements climatiques. Puis, moi, je pense que le gouvernement doit revenir sur sa décision, mais, à la limite, qu'il fasse un remboursement a posteriori, mais on ne peut pas se permettre...

Mme McGraw : Vous parlez de détournement, c'est les mots que vous utilisez. 

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Détournement.

Mme McGraw : ...et vous demandez effectivement un remboursement à travers un réinvestissement au programme de lutte aux changements climatiques. Donc, voilà votre recommandation.

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Bien, il nous semble que c'est la moindre des choses.

Mme McGraw : Et, au niveau de la cible, je pense que ma collègue a peut-être une... OK, je vais peut-être... On a deux minutes, donc, je vais demander à la collègue de compléter. 

Mme Dufour : Merci, merci, ma collègue. Votre... Dans votre mémoire, vous mentionnez très clairement... «détourner le fruit de l'effort collectif engendré par le marché du carbone au Fonds des générations constitue une opération comptable inacceptable». Donc, je pense que la position, elle est très claire. Je voudrais vous amener sur le tableau, vous avez évoqué, page 11. Dans le fond, on voit que la différence avec l'Ontario, puis je sais que le gouvernement actuel aime beaucoup se comparer à l'Ontario, mais cette comparaison-là est un peu gênante, quand on voit les efforts en transport collectif, ils sont beaucoup moins au Québec.

Est-ce que... Est-ce que c'est quelque chose qui est plus récent comme tendance? Est-ce que ça va à la... à la baisse pour les transports collectifs?

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Ils se sont donné, en 2008, un grand plan, là, le Big Move en Ontario qui, donc, a l'adhésion, peu importe la couleur du gouvernement. On est d'accord qu'il faut faire beaucoup de projets de transport collectif en Ontario. Donc, c'est un plan qui était financé, le Big Move, en 2008, et il continue d'aller de l'avant avec... avec des projets. Effectivement, quand on fait la comparaison, là c'est un peu gênant pour... pour le Québec, on a un retard à rattraper. Et ça, bien, oui, je le disais tout à l'heure, il y a des coûts-bénéfices, oui, c'est des coûts en termes de gaz à effet de serre, mais c'est la congestion, là, la congestion dans le Grand Montréal, c'est un montant plus élevé annuellement que le total de ce qu'on a comme revenus pour la lutte aux changements climatiques.

Mme Dufour : Oui, tout à fait. Vous... En Ontario, puis il y avait un article récemment où on voyait que le fédéral investissait beaucoup plus en Ontario. Vous l'expliquez ici, dans votre mémoire, mais, dans le fond, le Québec, ce qu'on comprend, c'est qu'il ne soumet pas de projet, contrairement à l'Ontario et la Colombie-Britannique. C'est bien, c'est bien le constat que vous avez fait?

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Oui.

Mme Gagné (Marie-Soleil) : Effectivement. Donc... Ce qu'on encourage, en fait, c'est une collaboration entre les différents paliers gouvernementaux, donc, de se prévaloir des fonctions disponibles pour le financement, pour la croissance du transport collectif et de prévoir, pour le palier gouvernemental municipal, des leviers financiers pour pouvoir justement mettre en place les plans climat, les schémas d'aménagement qui seront appelés à être révisés pour justement accélérer la transition socioécologique juste.

Mme Dufour : Donc, si je comprends, on pourrait multiplier l'argent du Québec, si on faisait des demandes au fédéral, si on investissait mieux l'argent.

Mme Gagné (Marie-Soleil) : ...c'est ça.

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Merci. Je cède maintenant la parole au député de Taschereau.

• (12 h 10) •

M. Grandmont : Oui, merci beaucoup, pour votre présence. Merci pour votre mémoire. Votre participation toujours très éclairante sur ce volet, là, des activités du Québec et évidemment fort émettrices de gaz à effet de serre. J'ai une question très générale, mais j'aimerais une réponse par oui ou non, si possible. Vous avez sans doute vu la feuille de route, le mémoire proposé par le Comité consultatif sur les changements climatiques, vous avez pu en prendre connaissance. Est-ce que vous adhérez à cette vision proposée par le comité?

Mme Gagné (Marie-Soleil) : Oui.

M. Grandmont : Parfait. Merci beaucoup. Deuxième question. Bon, vous avez entendu les débats un peu, M. le ministre parle d'une échéance qui vient très rapidement. Il a même dit tantôt aussi qu'il reste seulement quatre ans, cinq ans... quatre ans, là, mettons, pour atteindre... pour doubler, en fait, les efforts ou les résultats qu'on a obtenus, là, dans les dernières années. Qu'est-ce qui serait le plus... le plus profitable...

M. Grandmont : ...à court terme pour être capable d'aller chercher des gains rapides dans les transports, est-ce que... puis considérant, évidemment, que faire des nouveaux projets, c'est long, c'est ardu, c'est compliqué, est-ce que d'investir dans les services, comme il a déjà été fait au début des années 2000, est-ce que ce serait la meilleure solution?

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Oui, effectivement. Il faut savoir que l'élément déclencheur qui a mené à la croissance dont on a parlé, là, de 32 % des services entre 2007 et 2015, c'est le fait qu'on avait un plan de lutte aux changements climatiques et il y avait des revenus associés à ça et des mécanismes pour, donc, soutenir l'offre de services. On a vu une croissance à la fois de l'offre de services et de l'achalandage et, ça, bien ça ne prend pas énormément d'années pour mettre en service davantage d'autobus et que les gens puissent les utiliser. Donc oui, à court terme, là, financer les services, c'est une priorité je dirais d'autant plus qu'on a un défi très criant à court terme sur le financement.

M. Grandmont : ...avait été investi à l'époque, puis quelle avait été l'augmentation de l'achalandage pendant cette période-là?

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : C'était à peu près un deux pour un, là, ça fait qu'à 32... à 32 %, on est à peu près à la moitié de ça en termes d'augmentation de l'achalandage.

M. Grandmont : D'accord. Donc, ça donne des résultats. Là, évidemment, on a une ex-ministre des Transports qui disait que financer les services ce n'était pas la mission de l'État, mais, donc, vous, c'est quand même ça que vous proposez, c'est un retour à, finalement, un engagement du gouvernement dans les services de transport en commun. J'aimerais que vous me parliez un peu de la politique de mobilité durable. Vous avez dit que c'est sur la glace présentement, c'est quand même assez surprenant dans un contexte où les transports sont au cœur de l'action climatique. Qu'est-ce qui se passe avec la politique?

La Présidente (Mme Nichols) : 4 secondes. Je suis désolé

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : C'est sur la glace, c'est ce qu'on a appris par la voix des médias, même si on est collaborateur du ministère.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Je vais céder la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Oui, merci. Merci de votre présence, de votre mémoire. Est-ce que vous pouvez, justement, élaborer un peu là-dessus? C'était aussi une de mes questions sur la politique de mobilité durable, qui semble assez essentielle comme pièce du puzzle pour arriver à l'objectif visé de 37,5 % de réduction.

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Malheureusement, on n'a plus... on n'a plus de retour. On était réellement collaborateur, là, avec le ministère qui avait son comité qui travaillait à l'élaboration. Elle a, à ce jour... elle est sur la glace, donc c'est sur l'espace... dans l'espace public, ça a été nommé que, en raison des, bons, contraintes budgétaires à court terme, il n'y a pas d'intention d'avoir un nouveau plan d'action. Donc on est un peu dans les limbes, mais le problème là-dedans, c'est que, je reviens au tableau que j'ai montré à M. le ministre, c'est que, là, complètement, la mobilité durable est dans l'angle mort de la politique climatique. Donc, et on comprend, c'est une situation financière difficile, que probablement que c'est plus difficile d'investir à très court terme dans des grands projets, mais en même temps, il faut qu'on ait une action qui est concertée à travers une politique pour pouvoir finalement, bien, agir sur la mobilité durable peu importe de la situation difficile financière.

M. Arseneau : Oui. Vous avez fait référence au plan de mise en œuvre déposé il y a très peu de temps. Ma compréhension, puis je veux savoir si vous avez la même que moi, le précédent ministre disait : Bien, avec le plan qu'on a et les mesures qui sont identifiées, si on les met en œuvre d'ici cinq ans, et j'insiste pour cinq ans, parce qu'il faut inclure l'année 2030, là, jusqu'au 31 décembre, donc on a cinq ans pour y arriver, avec les mesures qu'on a là, là, on va arriver à atteindre l'objectif de 37,5 % de réduction, mais à hauteur de 65 % sur le territoire du Québec. La balance étant le SPED, donc il faut le considérer, donc on attendrait nos objectifs. Est-ce que vous comprenez la même chose? Que, là, aujourd'hui, on est vraiment en train de faire un virage par rapport à ce qui était prévu et ce qu'on devait investir pour atteindre les objectifs d'ici 2020?

M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Oui, bien il y a un virage qu'on observe, puis, comme je vous disais, je suis quand même assez étonné parce qu'encore cet été, on nous disait que, bien, on avait les moyens d'y arriver, que pour l'économie du Québec, c'était plus positif que négatif. Donc là, on est un peu, je vous dirais, et c'est ce que vous disais tout à l'heure Marie-Soleil, un peu pris par surprise, puis je citerais le maire de Baie-Saint-Paul qui était lors... qui a participé à la consultation, lui a dit : Si on devait reculer sur la cible climatique, la population québécoise serait stupéfaite. On ne l'a comme pas vraiment vu venir, en fait.

M. Arseneau : Merci beaucoup.

Mme Nichols : Oui, merci beaucoup. Merci beaucoup, merci de votre contribution aux travaux de la commission. Nous allons maintenant suspendre quelques instants afin que l'on puisse accueillir nos prochains invités. Merci. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 16)

(Reprise à 12 h 18)

La Présidente (Mme Nichols) : Nous reprenons les travaux, et je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Merci d'être parmi nous. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous allons procéder à un échange avec les collègues, avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à débuter votre exposé.

M. Rondeau (Patrick) : Merci beaucoup. Je me présente, Patrick Rondeau, je suis le directeur du service Environnement et Transition juste à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Je suis accompagné de Sami Dellah, qui est conseiller en environnement et conseiller régional pour la région de Montréal.

M. le ministre, membres de l'Assemblée nationale, bien, la FTQ vous remercie de nous inviter en commission, c'est extrêmement apprécié, pour discuter de cette consultation sur la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec, et on insiste vraiment sur l'aspect réduction de la consultation à travers notre mémoire.

Donc, il est clair, pour nous, que revenir en arrière, le statu quo ou un manque d'ambition n'est tout simplement pas acceptable pour les membres que nous représentons. La FTQ préconise une cible de réduction de 55 % à 60 % pour 2030, ainsi que des cibles intermédiaires, soit au moins 70 % pour 2035, 85 % pour 2040, et l'atteinte de la carboneutralité pour 2045, tel que proposé par le GIEC. Est-ce trop ambitieux? Est-ce qu'on est tombé sur la tête? Je dirais tout simplement que le Royaume-Uni, lui, a une cible de 81 % pour 2035, alors on ne comprend pas pourquoi on ne serait pas capables, au Québec, d'être à la hauteur du défi. Donc, avant de dire qu'on est déconnectés, irresponsable envers nos membres, les personnes qu'on représente, on est plutôt d'avis que l'inaction et le manque d'ambition sera encore plus dommageable pour l'ensemble de la main-d'oeuvre au Québec.

Si vous vous... et, si vous remettez en question, bien, je vous invite à en parler aux 30 000 personnes qui ont déjà perdu leur emploi dans l'industrie forestière depuis les 25 dernières années, et ce n'est pas terminé. Pourquoi? Bien, tout simplement parce que le Québec n'a aucun plan de transition, aucune politique industrielle, donc aucune prévisibilité. D'ailleurs, on a entendu le ministre dire qu'aucun emploi ne sera sacrifié sur une cible de réduction de GES trop ambitieuse. C'est bien apprécié, de ne pas sacrifier les emplois de nos membres, mais, en même temps, c'est comme si l'ambition climatique était strictement liée à des pertes d'emplois. Donc, ça demande des explications.

En fait, personne ne sait quel sera l'impact des changements climatiques sur les emplois, absolument personne, parce que le gouvernement actuel s'est toujours refusé de faire une étude prospective sur les impacts des changements climatiques sur les emplois, une demande pourtant demandée depuis six ans par la FTQ et même par le Conseil du patronat du Québec, conjointement. Donc, la réponse qu'on reçoit, bien, c'est que c'est trop compliqué, ou la réponse qu'on reçoit, très laconique, c'est de dire : Bien, on n'a pas de charbon, au Québec, donc on n'a pas à l'évaluer. C'est vraiment, texto, ce qu'on a comme réponse. Donc, au Québec, en matière d'ambition, de prévisibilité, bien, on repassera.

• (12 h 20) •

La cible préconisée par la FTQ n'est pas une cible en l'air. Elle s'appuie sur les obligations du Québec et sur la science, notamment la juste part, une science qui nous indique que l'inaction coûtera plus cher qu'agir. Les prévisions de l'Institut climatique du Canada sont pourtant claires : les impacts des changements climatiques coûteront minimalement 25 milliards par année, pouvant atteindre jusqu'à 41 milliards au tournant du siècle. On y apprend également que les ménages pourraient subir des pertes de revenus de 12 % à 19 %. Les changements climatiques détruisent également les emplois. On parle d'environ 3 millions perdus d'ici la fin du siècle, nonobstant la croissance démographique. Donc, ce n'est pas des cibles... Et les efforts de réduction de GES...

M. Rondeau (Patrick) : ...est-ce qui causeront les pertes d'emplois, mais bien les changements climatiques et les gouvernements qui ne planifient pas adéquatement la transition. Donc, c'est pourquoi que ce n'est pas si tant un débat sur les cibles qui intéresse la FTQ, mais comment on va y arriver. Ça fait maintenant 10 ans que la FTQ appelle à mettre en œuvre les principes directeurs pour une transition juste vers des économies et des sociétés écologiquement durables pour tous de l'Organisation internationale du travail. D'autant plus que l'Assemblée nationale a adopté non pas une, mais deux fois des motions sur la transition juste en 2021. Mais depuis, absolument rien. Bien sûr, un mandat sur la transition verte a été adopté, piloté par le ministère de l'Emploi, mais on est encore très loin de la transition juste. Donc, aucun plan, incluant les travailleurs et les travailleuses, n'a jamais été adopté. Point barre. Donc, aucune prévisibilité de ce côté-là.

Donc, on réitère que si le gouvernement du Québec veut atteindre la carboneutralité, il doit faire des études prospectives d'impact, établir des scénarios de décarbonation, évaluer les impacts de ces scénarios sur les emplois et surtout planifier une transition juste avec les travailleurs et les travailleuses, pas à leurs dépens. Donc, ça prend aussi des cibles industrielles, sectorielles. Il n'y en a aucune dans le plan pour une économie verte. Il est assez clair que l'approche volontariste ne fonctionne pas. C'est un effort sectoriel, inclusif dont nous avons besoin. De plus, le mandat sur la transition verte doit être recadré. On demande donc un comité aviseur soit rapidement mis en place pour que les travaux et les sommes investies répondent vraiment aux besoins des entreprises et de la main-d'œuvre. On appelle également au lancement d'un livre blanc sur la transition juste le plus rapidement possible. Si Québec cherche des exemples, il peut se tourner du côté de l'Écosse, du côté de l'Espagne et j'en passe. Donc, après 10 ans d'attente, les travailleurs, travailleuses du Québec méritent mieux que d'agir un épouvantail sur l'hypothétique perte d'emploi pour justifier un manque d'ambition.

D'ailleurs, pourquoi les efforts de transition ne pourraient pas provoquer l'inverse, donc, création d'emplois, meilleures conditions de travail, entreprises compétitives ayant une meilleure résilience? Donc, il faut cesser le discours alarmiste pour qu'il devienne un narratif positif et rassembleur. Donc, encore une fois, oui, à une cible ambitieuse, mais surtout à une planification inclusive, prévisible et juste. De plus, la cible ambitieuse signifie, également, des budgets et des politiques plus ambitieux. Donc, à ce sujet, la FTQ demande que le gouvernement du Québec se dote également d'un budget carbone.

En conclusion, bien, on sait que les changements climatiques causeront des pertes d'emplois. C'est assez clair. Reste à savoir ce que les partis à Québec et tous ceux qui sont autour de la table vont faire pour limiter ces pertes d'emplois-là. L'inaction et le manque d'ambition ne sera jamais la bonne réponse à cette crise. Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie de votre exposé. Nous allons maintenant débuter les blocs d'échanges. M. le ministre, la parole est à vous pour 13 minutes.

M. Drainville : Oui. Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Diminution de 55 à 60 % des émissions en 2030. Est-ce que vous avez évalué les manières d'y arriver? Est-ce que vous avez des suggestions concrètes sur comment on va arriver à une telle diminution en l'espace d'à peu près cinq ans?

M. Rondeau (Patrick) : Bien, c'est le cœur de notre mémoire. C'est justement ça, c'est comment on va y arriver. Pour nous, c'est sûr que la cible est d'ordre scientifique. En fait, on se base sur les obligations du Canada, et par conséquent, le Québec, face à l'Accord de Paris. Si on veut maintenir aussi une température sous 1.5 degré, on peut avoir des cibles beaucoup plus inférieures, mais on ne fait que pelleter par en avant. Donc, pour nous, la cible, elle part de là. Maintenant, sur le comment, c'est exactement comme je le disais. La première des choses, bon, on a besoin des études prospectives, des impacts des changements climatiques sur les emplois pour mettre à profit la mobilisation des milieux de travail, des cibles sectorielles au niveau des industries. Il nous faut un plan inclusif de transition juste. Il nous faut... donc c'est ça. Donc, dans le fond, c'est comme ça qu'on y arrive, nous, naturellement, incluant le SPEDE, ça va de soi et tous les outils d'écofiscalité dont Québec dispose.

M. Drainville : Oui, mais comment dire... Bon, par exemple, dans le document de consultation pour la présente commission, on donne l'exemple si on devait atteindre la cible de 37.5 % et non pas celle que vous proposez de 55 à 60 %, si on atteignait la cible de 37.5 % sur le territoire québécois, si on l'atteignait dans sa totalité, il faudrait, par exemple, augmenter la taxe sur l'essence. Est-ce que vous êtes favorable à l'augmentation de la taxe sur l'essence?

M. Rondeau (Patrick) : On est favorables à une révision complète des mesures d'écofiscalité qui existent au Québec. Donc, je pense que c'est un dialogue qu'il faut avoir avec les citoyens et citoyennes du Québec. Naturellement, d'aller simplement sur des taxes punitives, parce que c'est comme ça, si on les présente comme ça, c'est sûr que les gens n'embarqueront pas là-dedans. Bien, je pense qu'il y a d'autres façons de faire, faut mettre à profit les entreprises, entre autres...

M. Drainville :  ...donnez-nous des exemples...

M. Drainville : ...fiscalité qui serait, à vos yeux, acceptable.

M. Rondeau (Patrick) : Je pense qu'il y a un fardeau qui peut être aussi porté par les entreprises du Québec un peu plus, à ce niveau-là. Je pense que la taxe sur l'essence, si pas tant de l'amener, mais je pense qu'il faut explorer une taxe kilométrique, par exemple, il faut peut-être voir du côté des péages. Je pense qu'il y a une panoplie d'écofiscalités qui sont disponibles. Il faudra voir, aussi, au niveau du SPED, au niveau, particulièrement, des... des droits, des droits au niveau du SPED, bie, peut-être, normalement, ils doivent être plus régressifs avec le temps. Alors, je pense que ces outils-là doivent être explorés.

M. Drainville : Expliquez-nous comment ça fonctionne, une taxe kilométrique.

M. Rondeau (Patrick) : Une taxe kilométrique, c'est comme une taxe sur l'essence, mais on y va selon le kilométrage, parce qu'on sait qu'au niveau du transport collectif, bien, déjà en partant, avec l'électrification des transports, je veux dire, la taxe essence, elle va disparaître par elle-même un jour ou l'autre, là, donc ça, c'est assez, c'est assez clair, donc il faut qu'elle soit remplacée pour pouvoir financer le transport collectif commun, pas commun, mais public. Donc ça, c'est un exemple parmi tant d'autres. Mais si vous regardez le mémoire, ce n'est pas ce qu'on préconise, non, on préconise spécifiquement de mettre à profit les travailleurs, les travailleuses et les entreprises au Québec pour qu'on ait un effort collectif, ensemble, pour y arriver.

M. Drainville : Puis un péage, vous... vous parlez de... de quoi exactement? Il y a des taxes qui...

M. Rondeau (Patrick) : Bien, dans le monde, il y a des taxes qui existent pour les grands centres urbains, par exemple, pour les gens qui travaillent à l'extérieur, ou plutôt l'inverse, qui habitent à l'extérieur. Donc ça, c'est le genre de chose qui peut être exploré, naturellement, mais c'est clair que si on regarde les deux plus grandes tartes de GES au Québec, c'est le transport, on le sait tous. Donc, ça... j'ai entendu mes collègues de Vivre en ville, tantôt, je pense que d'investir encore plus dans le transport collectif et public est une des solutions. Et l'autre pointe de tarte, c'est les industries, donc les industries, malheureusement, ça ne bouge pas beaucoup depuis plusieurs années parce que l'effort est sur une base volontariste individuelle et les entreprises ne veulent pas s'embarquer là-dedans et de surcroît être en... se chicaner avec leurs propres employés parce qu'ils ne savent pas comment le présenter. Donc, il faut leur donner les outils nécessaires pour pouvoir faire cet effort-là, collectif et sectoriel.

M. Drainville : Juste pour en revenir à la taxe kilométrique... Bon, vous le savez, dans les régions, par exemple, les régions ressources, si on prend l'industrie de la forêt, par exemple, qui vit des moments très, très difficiles, qui est frappée par une taxe de 45 %, un tarif de 45 % actuellement, qui a subi beaucoup de pertes d'emplois, ces dernières années, d'imposer une taxe kilométrique, ça risque de pénaliser l'industrie forestière qui doit transporter, notamment, le bois sur de longues distances. Il faut permettre à la machinerie d'aller chercher le bois, vous ne... vous ne craignez pas qu'une telle taxe vienne faire mal aux travailleurs de la forêt, par exemple?

M. Rondeau (Patrick) : Mais encore une fois, vous avez posé la question à savoir quel genre d'exemples qui existent. Je vous ai répondu que c'est un dialogue que les citoyens et citoyennes doivent avoir au Québec. Mais dans notre mémoire, nous ne proposons pas une taxe kilométrique, c'est un exemple parmi tant d'autres. Nous, ce qu'on croit, c'est que la transition doit avoir un narratif positif. On pense que les entreprises pourraient être plus compétitives et non pas une dépense, simplement. Pour nous, on voit la transition au Québec comme un investissement, pas une dépense du tout. Donc on... Et quand on regarde ailleurs, où il y a des cibles plus ambitieuses, comme au Royaume-Uni, c'est l'inverse. Ils sont en bonne position économiquement, ils ont une cible de 80 % de... pour 2035. Donc ce n'est pas un puits sans fond qui se creuse au niveau du déficit.

• (12 h 30) •

M. Drainville : Mais vous comprenez, M. Rondeau, que le Royaume-Uni ou d'autres États européens, ils sont en... ils sont en concurrence les uns avec les autres à l'intérieur du marché européen, et donc... de... d'adopter une politique climatique qui prévoit des diminutions très grandes, lorsque ton voisin prévoit aussi une politique climatique avec des réductions très importantes, je veux dire, tout le monde est en concurrence, mais avec, essentiellement, les mêmes règles ou avec des objectifs, en tout cas, qui sont proches les uns des autres. Actuellement, ce qui se passe dans les Amériques, c'est que les États-Unis baissent leurs standards, baissent leurs exigences climatiques. Le gouvernement fédéral a fait la même chose, notamment avec sa politique d'électrification des véhicules, mais aussi sa taxe carbone, qu'il a carrément éliminé pour les individus. La Colombie-Britannique vient d'annoncer que sa politique d'électrification prenait le bord, qu'ils allaient se fier sur Ottawa pour ça, puis Ottawa a suspendu sa cible en matière d'électrification. Et là, l'Ontario est en train d'envisager sérieusement de faire sauter sa cible de réduction de GES, donc nos concurrents économiques, eux, abaissent les standards. Et vous, ce que vous nous dites, c'est qu'on devrait non seulement maintenir les cibles que nous avons déjà, 37,5, mais qu'on devrait les accroître. Et ça, ça va nécessairement...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

M. Drainville : ...vouloir dire un coût financier notamment plus important. Par exemple, on est les seuls à avoir une taxe carbone présentement, à part... au Canada, on est les seuls. En Amérique du Nord, bon, il y a la Californie qui participe à la Bourse du carbone et tout ça, mais nos concurrents économiques, ils ne... ils ne s'imposent pas les mêmes coûts financiers, les mêmes coûts économiques. Et donc ça pose un réel enjeu de concurrence, puis un réel risque pour les pertes d'emplois. J'imagine que vous le voyez, ce risque-là.

M. Rondeau (Patrick) : Bien, on le voit déjà parce qu'il y a déjà des pertes d'emplois et les conditions de travail se dégradent en ce moment, notamment dans des enjeux commerciaux. Et même si le Canada a ses cibles en apparence, il cherche à ouvrir d'autres marchés aussi, comme on le sait très bien, parce qu'on ne peut plus se fier aux États-Unis. Donc, ces nouveaux marchés-là, bien, à l'extérieur, à ce que je vois, vous avez parlé de l'Union européenne, mais même la Chine, d'une certaine façon, d'un point de vue énergétique, est en train de faire un virage important. Donc, ce qu'on dit encore une fois, c'est que cette approche-là, volontariste, de demander aux entreprises de peut-être faire quelque chose, ne fonctionne pas. Et ce qu'on entend, autant de la part de nos membres que de certaines entreprises, c'est que ça prend une approche sectorielle pour relancer un principe compétitif de valeur ajoutée sur ce qu'on produit. Et ça, ça implique le taux, pas le taux, mais le niveau de carbone qui est utilisé aussi. Donc, pour nous...

M. Drainville : Comment voulez-vous être compétitif si tout le monde baisse les exigences alors que nous on les augmente et on les augmenterait selon... encore plus selon ce que vous proposez? Je ne vois pas, là, comment on peut être compétitif dans un dans un monde comme celui-là, là. Je ne comprends pas.

M. Rondeau (Patrick) : Bien, on fait face à un ajustement carbone aux frontières, par exemple à l'Union européenne, donc si on ouvre un marché avec l'Union européenne, il va falloir que les produits soient plus compétitifs de ce qu'on va envoyer. Ça, c'est assez exporté, c'est assez clair là-dessus. Et pour nous, en fait, de baisser les standards, puis je sais que ce n'est pas ce que vous dites nécessairement, mais vous vous comparez à des gens, pas des gens, mais des pays qui baissent leurs standards, bien on fait juste pelleter par en avant parce que le réchauffement climatique lui se poursuit pendant ce temps-là et on fait face à des pertes d'emploi. Je veux dire, tous les indicateurs, on le voit, si vous regardez les rapports de l'Organisation internationale du travail, le nombre d'heures perdu par année est en explosion, causée par les coups de chaleur, par le stress thermique, etc. Donc il y a déjà un impact sur les emplois, sur les entreprises. Donc si on se dit : Bien, baissons les standards, on ne va pas en rajouter, quant à nous on fait juste pelleter par en avant là. Et c'est nos membres à nous qui continuent à voir leurs conditions de vie et leurs conditions de travail se dégrader.

M. Drainville : Donc vos membres seraient favorables à ce que les entreprises québécoises paient encore plus pour la transition énergétique? Vous pensez que vos membres seraient pour ça?

M. Rondeau (Patrick) : On sait pertinemment que nos membres sont favorables à ce qu'il y ait des principes de transition juste qui soient mis en place au Québec, qu'ils fassent partie de la solution et qu'ils puissent être assis autour de la table pour planifier cette transition-là. Ça, c'est assez clair.

M. Drainville : Dans le document de consultation qui a été déposé devant la commission qui a été préparé, donc, par les équipes du ministère, on dit... on donne un autre exemple de mesures qu'il faudrait adopter pour atteindre une cible de 37,5, l'actuelle cible, d'ici 2030 si l'ensemble des réductions étaient effectuées sur le territoire et on donne l'exemple d'une baisse de production d'aluminium, notamment d'aluminium, de 14 %. Vous, est-ce que vous seriez favorable à une baisse de production d'un secteur comme celui de l'aluminium pour atteindre les objectifs?

M. Rondeau (Patrick) : On n'est pas favorables à une baisse de production, puis à des pertes d'emplois, là, ça va de soi. Donc ça, c'est assez clair que non. Maintenant, sur les chiffres sur l'aluminium, je ne sais pas si tu voulais intervenir là-dessus?

M. Dellah (Sami) : Bien, en fait, c'est que vous avez déjà eu le plaisir d'entendre Nature Québec, là, vous exposez un peu la situation, mais moi, ce que j'aimerais, la chose sur laquelle j'aimerais plutôt revenir, c'est que, à quelque part, une transition crédible, là, ça exige, comme on dit, une analyse prospective structurée sur les impacts de... des changements climatiques sur l'emploi, les compétences, les trajectoires professionnelles, les conditions de travail. Puis ces questions-là ne peuvent pas être traitées autrement que par les principes de transition juste qu'on amène dans le mémoire. Donc, c'est important qu'un exercice de réflexion et de planification soit encadré par les parties prenantes, mais avec principalement les travailleurs et les travailleuses et leurs organisations. Et là, ces bons mots-là ne viennent pas de moi, ils viennent, verbatim, d'Alain Webster lors du webinaire sur le huitième avis consultatif. Donc, il faut écouter les gens qui ont le mandat de donner des réponses et des alignements au gouvernement actuel.

M. Drainville : Il me reste 15 secondes. On peut, à votre avis...

M. Drainville : ...et diminuer de 55 % à 60 % les émissions de GES d'ici 2030, sans perte d'emploi?

M. Dellah (Sami) : Ce serait irréaliste de penser qu'il n'y a pas de pertes d'emploi, mais ce serait irréaliste également et à quelque part, irresponsable de mettre de côté le coût de l'inaction, et le coût de l'inaction va causer beaucoup plus de pertes d'emploi que la mise en œuvre d'une planification qui fait... qui fait appel aux principes fondateurs de la transition juste, donc, avec les travailleurs, avec les parties prenantes, avec les Premières Nations, et j'en passe, les gouvernements, les entreprises. Ce n'est pas pour rien qu'on vous dit que ça fait six ans qu'on parle de ça, et qu'on a même déposé des écrits en collaboration avec le CPQ. Ce n'est pas juste les syndicats qui parlent de ça, là.

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie...

M. Dellah (Sami) : Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie. Le temps est écoulé. Je vais céder la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente. Mais juste pour revenir... Mais merci pour votre présence, votre mémoire et votre présentation, dans un premier temps.

On va revenir sur le coût de l'inaction, justement, à la page 11 de votre mémoire, vous parlez d'un fardeau exponentiel, et le ministre se dit vouloir avoir une approche équilibrée entre l'environnement et l'économie. On entend beaucoup moins parler de l'environnement, plus de l'économie. On partage les préoccupations économiques. Mais l'analyse économique, ce qu'on entend du ministre, c'est beaucoup les coûts, les coûts, et ce qui est important, mais pour l'approche équilibrée, il y a aussi les coûts de l'inaction et aussi les opportunités, les retombées de l'action climatique.

Vous parlez d'un discours alarmiste qu'il faut éviter un discours alarmiste, si je comprends bien, et vous parlez plus d'un discours qui est rassembleur. Alors, est-ce qu'on peut vous entendre là-dessus?

M. Dellah (Sami) : Bien, écoutez, oui, certainement, c'est des coûts. Il va y avoir des coûts à une transition. Mais comme on inscrit, dans notre mémoire, les coûts de l'inaction sont substantiellement plus élevés. On parle que pour chaque dollar d'investissement, c'est 13 $ à 15 $ qu'on convient. Le rapport, le ratio est quand même immense par rapport à une transition versus un manque de planification. Donc, ce qu'on dit et quand on parle de ne pas avoir de discours alarmiste, c'est c'est également... Je vais peut-être l'amener sur autre chose et il faut qu'on dépolitise la transition climatique au Québec. On ne peut pas rester dans des discours partisans ou dans des discours électoraux, là. On doit essayer de travailler ensemble. Cette transition-là ne peut pas se faire juste par un gouvernement ou juste par un parti, elle doit être faite de façon dépolitisée et de façon consciente pour justement préserver les générations futures.

Si on a si on ne fait pas les changements maintenant, si on ne tente pas... Et là on parle de cibles, puis on pourrait s'obstiner sur des pourcentages de cibles à atteindre, là, pendant des heures. Mais la réalité, c'est qu'on a un devoir d'effort avant même l'effort... avant même d'avoir le devoir de résultat. Donc, on se doit d'avoir une ambition rehaussée pour qu'ensuite les politiques, la réglementation soient adaptées en conséquence. Donc, si on... si on réduit notre ambition comme ce qui semble être potentiellement l'idée du gouvernement actuel, bien, on se trouve à lancer un signal comme quoi, dans le fond, la crise climatique, ce n'est pas une véritable crise. Et moi, je ne veux pas vivre dans une société où, malheureusement, on vit dans le déni de la crise climatique. Ce n'est pas... on n'est pas les États-Unis, on n'est pas le gouvernement de Trump, je pense qu'on est plus intelligent que ça au Québec et on a le devoir d'avoir cette intelligence-là collective et de travailler ensemble.

Mme McGraw : D'ailleurs, vous parlez d'un discours non partisan. Et d'ailleurs, si le Québec est reconnu, à l'international et au sein du Canada comme un leader mondial, c'est à cause de décisions structurelles entre... il y a tous les gouvernements confondus. Ça a été quelque chose mené pendant des décennies, et là on s'aperçoit qui va peut être avoir un recul important qui va à l'encontre d'un consensus québécois peu importe le parti au pouvoir. Donc, c'est préoccupant. Et justement il faut avoir cette approche équilibrée qu'il faut regarder les coûts... les coûts et les opportunités aussi.

• (12 h 40) •

Par contre, votre cible de 55 %. J'ai eu la chance, en tant que porte-parole en matière de relations internationales, de parler au Royaume-Uni justement et de comprendre leur approche. C'est sûr que c'est au sein de l'Europe, mais ils ont beaucoup parlé... le ministre l'a évoqué, il a parlé de courage politique. Ils ont parlé aussi du courage, du courage que ça a pris. Est-ce qu'on peut vous entendre là-dessus? Parce que 55 % quand même, 2030, vous, est-ce que c'est crédible?

M. Dellah (Sami) : Bien, on est conscients...

M. Rondeau (Patrick) : ...c'est un sacré challenge, là, un sacré défi, là. Ça... Ça, ça va de soi, là. Mais en même temps, on vise quand même, et même si on garde les cibles du Québec, là, une carboneutralité, donc, on parle de 100 %, là, dans 25 ans. Donc, même avec la cible actuelle de 37,5 %, et même si on la descend, moi, j'aimerais... Je vais relancer la question, comment on va faire en 2035, 2040, 2045? Tout d'un coup, on va faire un bond de 70 %. Donc, il y a quelque chose qui ne marche pas là-dedans. Ce n'est pas... Ce n'est pas crédible quelque part de se dire qu'on peut garder des cibles actuelles et atteindre la carboneutralité en 2050. Ça ne tient pas la route.

Donc ça, c'est important. Et l'approche du Royaume-Uni, c'est qu'elle a été inclusive. Il y a eu des scénarios qui ont été faits, sectoriels. Donc, ce qu'ils ont fait, c'est une évaluation, en fait, à partir de cibles scientifiques et non pas politiques, donc, des scénarios de décarbonation par industrie, par secteur industriel. Donc, l'effort a été collectif mais différenciée pour, après ça, évaluer les impacts de ces scénarios-là sur les emplois, et corriger, et mettre en place tout de suite les structures multipartites, puis ce qui leur permettait d'aller plus loin. Donc, c'est juste ça qu'on demande, tu sais. Donc... Donc, quand on parle, on trouve ça... Effectivement, vous parliez tantôt du leadership international du Québec. Et dans mes fonctions, je suis ici co-coordonnateur des syndicats internationaux à la Convention-cadre de l'ONU sur les changements climatiques. Et effectivement, je l'entends, ça, ce leadership-là du Québec, de plus en plus... pas de plus en plus, mais depuis plusieurs années. Mais le morceau du puzzle qui manque depuis toujours, c'est les enjeux de main-d'oeuvre. Tu sais, ils sont inexistants à ce niveau-là.

Mme McGraw : Je veux juste... Je sais qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps. Ma collègue a une question importante. Donc, je cède la parole à ma collègue.

La Présidente (Mme Nichols) : Oui, Mme la députée des Mille-Îles.

Mme Dufour : Oui. Merci beaucoup pour votre présence aujourd'hui. Le ministre, lorsqu'il a parlé de la cible, du maintien de la cible, il a laissé sous-entendre que de maintenir ou... pourrait mener à des pertes d'emplois. Vous représentez les travailleurs du Québec, pas la totalité, mais quand même des milliers de travailleurs du Québec. Et je comprends que votre position est complètement l'inverse et que c'est plutôt le fait de ne pas maintenir cette cible ou ne pas être même plus ambitieux qui, pour vous, pourrait mener à des pertes d'emplois. C'est bien ça?

M. Rondeau (Patrick) : Il y a deux réponses là-dedans. La première, oui, pour répondre tout simplement, effectivement. Et encore une fois, on pense que de parler de lutte aux changements climatiques, de parler de transition, pour nous, on ne voit pas ça comme quelque chose de négatif. On pense que c'est quelque chose qui peut être positif. C'est un effort collectif et qui peut être économiquement payant pour le Québec. C'est la première des choses. La deuxième des choses, c'est qu'on entend constamment ces pertes d'emplois là hypothétiques. Et je m'excuse, personne ne le sait. Je veux dire, le gouvernement du Québec s'est toujours entêté à ne pas faire les études d'impact. Ça n'existe pas. Et ça, c'est la première chose qu'on demande. Et on ne peut pas croire qu'on est obligés de demander ça encore après cinq ans en compagnie des associations d'employeurs et qu'il n'y a pas de réponse. Donc, donnez-nous l'importunité de voir où on s'en va et effectivement on apportera les correctifs par la suite.

La Présidente (Mme Nichols) : Il reste 30 secondes.

Mme Dufour : Et qu'est ce que ça prendrait pour faire cette étude?

M. Rondeau (Patrick) : Bien, ça prendrait... Bien, des scénarios de décarbonation sectoriels, industrie par industrie. Ça prend une collaboration des syndicats, une collaboration du côté des employeurs. Et ça, la collaboration, la main est déjà tendue depuis longtemps. Et par la suite, à partir... Et avec des cibles scientifiques, non pas des cibles politiques comme le PEV, parce qu'il n'y a même pas de cible, de toute façon, au niveau des industries dans le PEV. Donc, et à partir de là, bien, évaluation de ces cibles-là sur les emplois et la main-d'œuvre. Et là, avec les institutions qu'on a, comme la Commission des partenaires du marché du travail, on peut se mettre au travail dans le mandat sur la transition verte. Et on n'a pas rien réinventé, là.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Taschereau, 2 min 40 s.

M. Grandmont : 2 min 40 s. Bonjour. Merci pour votre présence. D'abord, première question, est ce que vous avez... Est-ce que vous appuyez la feuille de route proposée par le Comité consultatif sur les changements climatiques?

M. Dellah (Sami) : Oui. Bien, somme toute, la feuille de route est... est quand même assez éloquente, là. Puis il y a des bonnes... des bonnes idées aussi qui en ressortent. Nous, ce qu'on veut rajouter, puis on l'a marqué dans le mémoire, c'est qu'indépendamment des feuilles de route, des budgets carbone, des outils techniques, ou des plans sectoriels, ou des mécanismes à suivre, on ne peut pas garantir une transition juste, efficace si les outils ne sont pas accompagnés d'une gouvernance inclusive.

M. Grandmont : Je veux vous laisser le temps qu'il me reste, à peu près deux minutes, pour qu'au bénéfice de la commission, vous nous expliquiez ce qu'est la transition juste. Je pense que c'est important d'expliquer la transition juste. Je ne suis pas sûr que c'est un concept qui est compris par tout le monde.

M. Rondeau (Patrick) : En deux minutes, c'est un sacré beau défi, mais ça part des principes directeurs, en fait, de l'Organisation internationale du travail, donc, négociée par les syndicats, les États, dont le Canada, et les employeurs. Ça repose sur des principes d'équité...

M. Rondeau (Patrick) : ...de dialogue et la protection sociale. Donc, c'est-à-dire qu'il y a une série d'indicateurs qui définissent que, pour que la transition énergétique soit juste, ces indicateurs-là doivent être rencontrés. Plusieurs États dans le monde ont des politiques de transition juste, ce qui permet d'avoir un réel dialogue social entre les trois parties pour planifier cette transition-là, s'assurer d'avoir les protections sociales nécessaires pour les gens qui vont vraiment être en difficulté, avoir le budget nécessaire pour y faire face, parce qu'on sait où on s'en va à ce moment-là, et dans le respect du droit du travail, notamment au niveau du droit d'association et de négociation.

Donc, essentiellement, c'est ces indicateurs-là, vous en avez en Europe, en Afrique du Sud, vous en avez en Nouvelle-Zélande. Donc, c'est ces principes directeurs là, adoptés par le Canada, qu'on veut voir être mis en... mis en œuvre, adaptés, en fait, au Québec. Donc, ce n'est même pas de réinventer la roue, c'est simplement de les adapter.

M. Grandmont : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Je cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous pour votre présence puis votre très intéressant mémoire. Et j'ai peu de temps, donc les recommandations que vous faites, tu sais, au-delà des cibles, dans quel espace-temps est-ce qu'on pourrait les réaliser de façon concrète? Par exemple, une étude prospective, selon votre expérience, est-ce que ça prend quelques mois ou plus encore pour le développer? Ça fait déjà six ans que vous l'attendez, là.

Puis l'autre élément, là, c'est pour la transition juste aussi, tu sais, j'aimerais savoir comment on peut placer les éléments du puzzle pour qu'on aille véritablement de l'avant pour l'atteinte des objectifs que vous ciblez?

M. Rondeau (Patrick) : Bien, on pense que ça prend... C'est par étapes, donc, et la première étape, pour nous, c'est d'avoir cette étude prospective là, de savoir... d'avoir de la prévisibilité, de savoir où on s'en va, quels seront les impacts et ils seront où. Et par la suite, d'établir un dialogue entre les employeurs, les syndicats et le gouvernement pour pouvoir planifier les éléments que l'on retrouve dans la politique de l'OIT. Essentiellement, là, c'est de cette façon-là dont on le voit.

Sur la temporalité, c'est sûr qu'en bas d'une année, de pouvoir faire ces études prospectives là, c'est peut-être audacieux, mais on pense qu'au bout d'un an on pourrait avoir déjà des bonnes réponses pour pouvoir mieux orienter. Et, encore une fois, on a les institutions pour le faire, comme la Commission des partenaires du marché du travail, qui a, de surcroît, un mandat sur la transition verte par le ministère de l'Emploi. Et je pense qu'on pourrait élargir le mandat pour pouvoir faire ces étapes-là.

M. Arseneau : Bien, justement, je voulais vous poser la question sur les études prospectives. Je comprends que, dans votre esprit, la Commission des partenaires du marché du travail serait un peu les donneurs d'ordre, mais ils ne réalisent pas les études. Est-ce que ce sont des études qui sont nécessairement faites par le gouvernement ou par une instance qui est mandatée par le gouvernement pour le faire? Et, si c'est le gouvernement, c'est chacun des ministères, j'imagine, et il faut travailler de façon intersectorielle. Vous savez comment ça peut être long, des fois.

M. Rondeau (Patrick) : Oui, oui, absolument, c'est le gouvernement qui serait le donneur d'ordre, à ce moment-là, et avec un consortium scientifique pour pouvoir faire l'étude prospective.

M. Arseneau : D'accord. Et c'est un peu le modèle qui a été utilisé d00ans d'autres juridictions? Puis... Et je comprends aussi que les budgets carbone, bien, ils doivent être associés, j'imagine, aussi à cette étude-là. Donc, le point de départ, c'est l'étude.

M. Rondeau (Patrick) : Le point de départ, c'est : est-ce qu'on peut savoir où on s'en va? Tout simplement.

M. Arseneau : C'est parce que même la présentation, même de la discussion, aujourd'hui, c'est sur les cibles, mais on n'a pas les moyens, on n'a pas les études, on n'a pas les... Bon. D'accord, on s'entend là-dessus, merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien, merci. Je vous remercie de votre présence. Je vous remercie de la contribution à nos travaux.   Je vais maintenant suspendre la commission jusqu'à 14 heures. Merci. Bon appétit.

(Suspension de la séance à 12 h 50)


 
 

14 h (version non révisée)

(Reprise à 14 h 10)

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, rebonjour, tout le monde. La Commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Nous poursuivons donc les consultations particulières et les auditions publiques sur le document intitulé : Consultation sur la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec. Cet après-midi, nous entendrons les organismes suivants, soit l'Association canadienne du ciment, région du Québec, Équiterre et l'Association québécoise des médecins pour l'environnement. Je souhaite la bienvenue... Nos invités sont en visioconférence, alors, je leur souhaite la bienvenue. Ce sont les représentants de l'Association canadienne du ciment, région du Québec. Alors, bienvenue à vous. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous allons procéder à une période d'échanges avec les membres de la commission. Je vous invite donc, à vous présenter, puis à débuter votre exposé.

M. Drolet (René) : Merci, Mme la Présidente. Mon nom est René Drolet, je suis le directeur des affaires publiques pour la région du Québec à l'Association canadienne du ciment. On représente les cimenteries à travers le Canada, y compris trois des quatre cimenteries qui sont en opération au Québec. Je suis accompagné de mes collègues. Je vais leur demander de se présenter en y allant d'ouest en est. Donc, Anthony, ensuite, Alexandre et Mathias.

M. Perron-Anglehart (Anthony) : Bonjour. Anthony Perron-Anglehart, dans le fond, je suis le chef du service Environnement à la cimenterie Amrize à Saint-Constant. Bonjour.

La Présidente (Mme Nichols) : Bienvenue.

M. Ramacieri (Alexandre) : Bonjour. Alexandre Ramacieri. Je suis vice-président, Développement corporatif chez Béton provincial. On détient la cimenterie de Joliette, Ciment St-Laurent. Bonjour.

La Présidente (Mme Nichols) : Bonjour.

M. Lamerant (Mathias) : Bonjour. Mathias Lamerant. Chef de service Environnement pour la cimenterie Ciment St-Mary's à l'usine McInnis, en Gaspésie.

La Présidente (Mme Nichols) : Bonjour et bienvenue.

M. Drolet (René) : Merci. Alors, d'entrée de jeu, premièrement, on voudrait vous remercier de l'opportunité de présenter nos perspectives. Les GES est un enjeu qui est central à notre industrie. Évidemment, vous savez, les cimenteries, ce sont des grands émetteurs de GES. Selon le registre de 2024, les quatre cimenteries au Québec a représenté 10.6 % des émissions de la province. Donc, c'est important pour nous et l'industrie en a fait une priorité...

M. Drolet (René) : ...depuis plusieurs années, on a... Un peu pour mettre en contexte avant de parler des cibles, en 2023, on a publié un plan d'action. Notre plan d'action de l'industrie canadienne du ciment et du béton, Vers un béton net zéro. Vous remarquez qu'on parle ciment et béton parce que pour réduire les GES, on regarde vraiment tout l'ensemble du cycle de production, la chaîne de production de notre produit. Et ce plan d'action là est basé vraiment sur beaucoup de travail, avec des... des données de l'industrie pour regarder toutes les opportunités de réduction de GES à partir de l'extraction des matériaux jusqu'aux activités dans les cimenteries, dans les usines de béton, la conception des ouvrages et la construction. Donc, c'est vraiment un cadre de référence qu'on... que les joueurs de l'industrie se servent maintenant pour réduire les GES. Et en 2024, à la demande du ministre Benoit Charette, chacune des cimenteries au Québec a présenté une feuille de route détaillée sur sa stratégie de réduction des GES d'ici 2050. Donc, cette information-là, elle est déjà au gouvernement. On a fait l'effort, en tant qu'industrie, de... de déterminer comment on peut réduire les GES. On sait quoi faire. La mettre en œuvre, c'est là qu'il y a des défis.

Et ce qu'on se rend compte, c'est que les défis, c'est que c'est long et ça coûte cher. C'est long parce que ça demande des innovations technologiques qui évidemment ne se feront pas du jour au lendemain. Ça demande également des autorisations pour certaines activités, changer les activités et des autorisations environnementales qui prennent également du temps à obtenir. Et ça nécessite également des modifications au code... aux normes et au code des... codes des bâtiments dans certains cas. Si on veut produire de nouveaux produits, il faut s'assurer que ça se fait en toute sécurité, là, le béton qui sert aux infrastructures. On doit rencontrer certaines normes.

Donc, tout ça fait en sorte que c'est des processus qui sont longs et ça coûte cher. Les... Les émissions les plus faciles ont déjà été faites depuis 20 ans, l'efficacité énergétique, les petits ajustements. Ce que maintenant les cimenteries ont sur leurs planches à dessin, ce sont des initiatives majeures, des projets souvent de dizaines de millions, mais de centaines de millions de dollars. Donc, tout ça fait en sorte qu'on avance. On avance lentement. Et ça nous amène aux cibles. Quand on parle de cibles de réduction du gouvernement, justement, des cibles, c'est utile, c'est utile d'avoir des cibles. Ça nous fixe des objectifs et ça permet de canaliser nos efforts. Ça permet aussi, puis ça, c'est important, une... une certaine prévisibilité à long terme. Et c'est important pour les investissements, ça, de savoir où on s'en va.

Par contre, les cibles doivent être réalistes afin qu'elles soient crédibles. Donc, dans le... la situation actuelle, ce qu'on comprend de l'évolution, là, et de tout l'ensemble de la société au Québec, c'est que la cible de 37,5 % de réduction à l'horizon de 2030, elle est difficile... ça va être difficile à atteindre. Donc, nous, nous sommes d'avis que ça serait mal avisé peut-être de la modifier à ce stade-ci. Et on recommande le statu quo. Donc, garder la même cible, ça va continuer à... à aider les initiatives, mais une cible plus contraignant pourrait être problématique.

Quant à l'objectif à long terme de carboneutralité, bien, il est... Il est cohérent avec notre propre objectif. Donc, c'est sûr que c'est quelque chose qu'on... qu'on appuie tout en étant... Vraiment, il faut être conscient que ça va nécessiter le recours à des technologies innovantes, que ce soit la capture, l'utilisation de stockage du carbone ou d'autres types de technologies qu'on peut peut-être à peine imaginer pour l'instant. Il y a vraiment beaucoup de travail à faire au niveau de la recherche et du développement si on veut atteindre la carboneutralité. Puis en tant que cible, c'est cohérent avec nos objectifs au niveau de l'industrie.

Par contre, je veux aussi parler rapidement du contexte économique qui, évidemment, a changé depuis 2015, depuis l'établissement des cibles. Les cimentiers, on a la responsabilité d'assurer un approvisionnement fiable en ciment afin de faire du béton qui supporte les infrastructures. Puis comme vous le savez, la demande pour les infrastructures, elle est là. Il y a une longue liste au Québec et ailleurs au Canada, de projets en attente. Donc, la demande pour le béton, elle est toujours là, et notre chaîne de production, notre... elle est quand même... elle est très imbriquée avec les États-Unis. Il y a un certain pourcentage, ça représente 40 % du ciment produit au Canada qui est exporté, et principalement aux États-Unis. Il y a donc... Le contexte global est important. Il y a l'incertitude générale créée par les tarifs douaniers présentement, qui crée de l'incertitude dans l'économie. Il y a également les mécanismes d'ajustement carbone à la frontière en Europe qui peuvent avoir un effet. Ça change toute la dynamique des importations et des exportations de ciment...

M. Drolet (René) : ...et ça peut se répercuter... se répercuter jusqu'ici. Donc, le... Ce qu'il faut comprendre que des cimenteries au Canada et certaines des cimenteries au Québec sont la propriété de multinationales. Et ce que ça veut dire? C'est qu'une cimenterie qui a, par exemple, un projet de réduction GES veut investir 200 millions ou 300 millions de dollars, doit convaincre la maison-mère d'investir au Québec plutôt que d'investir, par exemple, dans une cimenterie qui serait dans la région des Grands Lacs aux États-Unis, pourrait desservir le même marché. Donc, il y a... ce qui est important, c'est que les gouvernements mettent en place les conditions propices aux investissements pour attirer les investisseurs au Québec. Les producteurs de ciment au niveau mondial, ils cherchent à investir dans des juridictions qui offrent des avantages stratégiques, que ce soit leur modernisation, productivité, croissance du marché, des choses comme ça. Et, au Québec, on a accès à une main-d'œuvre qualifiée, à une électricité propre et une infrastructure qui permet le transport, là, pour le commerce international. Donc, c'est des... les points positifs. Par contre, il y a une lenteur dans la narration pour les mises en chantier des projets d'infrastructures qui peut-être un frein et qui peut peut-être affecter l'investissement. Donc, c'est des choses au-delà des normes il faut regarder aussi le contexte, mettre en place les mesures pour faciliter la réduction des GES, et les investissements au Québec.

...plus détaillé pour notre industrie et les mesures d'accompagnement. Étant donné qu'on parle de... d'initiatives très coûteuses, évidemment, des programmes qui permettent un soutien financier pour la réduction des GES dans l'industrie, c'est toujours le bienvenu. Il existe des programmes présentement, on espère qu'ils vont continuer et qu'ils vont être bonifiés, des processus d'autorisation qui seraient plus rapides, peut-être, plus prévisibles, ce serait également utile pour... pour faciliter et accélérer les... les projets de réduction de GES.

Et il y a aussi un rôle que le gouvernement peut jouer pour créer des marchés et... de maintenir des marchés pour des produits, les matériaux plus faibles en carbone. Parce que c'est une chose pour l'industrie de dire : On produit des ciments ou des bétons bas carbone, mais il faut qu'il y ait un marché pour ces produits-là. Étant donné que les projets d'infrastructure, les plus grands donneurs d'ouvrage, c'est le gouvernement, que ce soit le fédéral, le provincial, le municipal. Bien, par les politiques d'approvisionnement, il y a des opportunités où le gouvernement peut aider à la mise en place des marchés pour des produits qui seraient plus faibles en... en carbone, tout ça évidemment pour protéger et garder l'industrie cimentière au... au Québec.

Je pourrais en parler plus longtemps, mais je veux que... garder du temps pour les questions avant qu'on... qu'on me dise que je suis rendu à mes 10 minutes. Donc, de façon générale, on supporte les cibles qui sont là, mais les cibles en elles-mêmes ne sont pas suffisantes. Ça prend des mesures et un contexte qui va permettre justement de les atteindre plus facilement.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci, merci... beaucoup, M. Drolet, pour votre exposé. Nous allons en effet, là, commencer la période d'échange. M. le ministre, vous avez le premier bloc pour 15 minutes 30 secondes.

M. Drainville : Alors, merci à vous quatre pour votre présentation et votre participation.

Quand vous dites que vous êtes favorables au maintien de la cible actuelle, donc moins 37,5 d'ici 2030, est-ce que ça veut dire, dans votre esprit, c'est moins 37,5 d'ici 2030 et ça s'arrête là? Ou est-ce que vous seriez favorables à un... à une cible qui resterait à moins 37,5, mais qui serait repoussée dans le temps? L'industrie de l'aluminium, par exemple, hier, nous ont dit qu'ils seraient ouverts, eux autres, à un séquençage, donc à une année autre que 2030 comme année de référence. Vous, vous êtes où là-dessus?

• (14 h 20) •

M. Drolet (René) : Je vais commencer. Bien, en fait, une cible, c'est un objectif, n'est-ce pas? Et nous, on s'est fixé, et à l'intérieur de l'industrie, des cibles aussi ambitieuses, donc c'est pourquoi on... on supporte le maintien de la cible. Maintenant, c'est sûr que la repousser dans le temps...

M. Drainville : Excusez-moi, excusez-moi. Quand vous dites, M. Drolet : On supporte le maintien de la cible, vous supportez le maintien de la cible et l'année de référence? Pour vous, c'est... ça... ça va ensemble, ça?

M. Drolet (René) : L'année de référence, pour nous, ne fait pas... n'a pas une importance majeure, dans le sens où on travaille vers les réductions, de toute façon, et on espère l'atteindre. Si elle est plus repoussée dans le temps, ça va être plus facile de l'atteindre, évidemment. Mais il y a toutes sortes de raisons pour quoi on veut continuer à l'atteindre. Donc, non, on... on pense que cette cible-là était une cible intermédiaire. Je comprends. À long terme, il y a la carboneutralité...

M. Drolet (René) : ...si on est capable de l'atteindre en 2030, tant mieux, si elle est repoussée en 2035, on va travailler vers cet objectif-là également.

M. Drainville : Est-ce que... parmi les trois autres personnes présentes, est-ce qu'il y en a qui souhaitent sauter sur la glace, là? Non. Bon, ça ne se précipite pas, hein? Alors donc 37,5 % d'ici 2030, c'est la position idéalement, mais si jamais il faut repousser, ce n'est pas dramatique. Parce que l'objectif ultime, c'est carboneutralité pour 2050. Est-ce que je résume bien?

M. Drolet (René) : Oui.

M. Drainville : Bon. Quand vous dites : C'est une chose de modifier nos procédés pour produire des matériaux à plus faible empreinte de carbone, mais il doit y avoir un marché pour de tels matériaux. Comment s'en assurer? Comment s'assurer qu'il y a un marché pour de tels matériaux, c'est-à-dire du ciment ou du béton à faible empreinte de carbone ou à plus faible empreinte de carbone que chez les voisins?

M. Drolet (René) : Bien, il y a différentes façons. Mais quand je parlais des processus d'approvisionnement, présentement, on a souvent les projets qui sont attribués en vertu du principe de... le plus bas soumissionnaire conforme, là, techniquement. Intégrer des critères environnementaux ou climatiques dans les processus d'approvisionnement, ça peut aider. Le gouvernement fédéral le fait avec la directive du Conseil du trésor, depuis 2022, sur le... Carbon, là, je ne sais pas comment le dire en français. Il y a moyen de donner des points pour les types de béton dans les projets d'infrastructures, qui permettraient de stimuler l'utilisation... Si, par exemple, il y a des coûts plus élevés pour produire des produits bas carbone, il ne faudrait pas que ce soit pénalisé. Donc, c'est par les processus d'approvisionnement qu'on peut... qu'on peut améliorer cette utilisation-là... ce marché-là. Je ne sais pas si mes collègues veulent ajouter à ça?

M. Perron-Anglehart (Anthony) : Oui, je peux peut-être rajouter... Par le passé, j'ai travaillé pour l'industrie de la construction, puis il y avait des projets d'infrastructures qui étaient certifiés Envision, je ne sais pas si vous connaissez, puis il y avait des points bonifiés, là, pour des types de... différents types de béton, donc ceux en plus faibles empreintes carbone, ils étaient priorisés, il y avait... une bonification qui était faite par rapport à ça. Mais c'est tout le temps aussi... comme M. Drolet le dit, là, le c'est l'offre et la demande, là. Les produits, des fois, sont... sont plus... sont plus chers.

M. Drainville : Mais est-ce qu'on pourrait faire ça juste pour le marché du Québec, juste pour le marché québécois?

M. Drolet (René) : Bien, dans les projets...

M. Drainville : Oui, allez-y.

M. Drolet (René) : ...dans les projets d'infrastructure... dans les projets d'infrastructure qui sont financés par le gouvernement du Québec, ce serait possible de le faire, j'imagine, là, je ne suis pas... il faudrait demander à votre collègue du Conseil du trésor. Mais j'imagine que c'est... c'est des processus faisables.

M. Drainville : Puis ça ne risquerait pas de porter atteinte aux ententes de libre... libre-échange pancanadien, ou libre circulation, ou... On est plutôt dans un... dans un mode d'abaisser les barrières tarifaires et non tarifaires entre les différentes provinces actuellement. Si le Québec décidait de donner plus de points à un producteur de ciment ou de béton qui a... par exemple, qui  fonctionne dans une... dans un État ou dans une province, qui a une cible de réduction de GES, vous pensez que ça passerait le test?

M. Drolet (René) : Bien, je pense qu'il faudrait s'arrimer avec la directive et la façon dont c'est fait au gouvernement fédéral. Si eux le font, il y a sûrement des analyses qui ont été faites au niveau des... des exigences, là, pour tenir compte de ce que vous mentionnez, mais c'est... c'est des mécanismes qui sont faisables.

M. Drainville : OK. Est-ce que ça vous... Est-ce que ça vous inquiète de voir que l'arrivée de Trump a déclenché une réaction en chaîne, là, c'est-à-dire qu'il a fait sauter évidemment tout ce qui est politique, climatique. Le gouvernement canadien a, ni plus ni moins, qu'emboîté le pas en faisant... en éliminant la taxe sur le carbone qui s'applique aux individus, en suspendant sa cible d'électrification des véhicules. Là, la Colombie-Britannique...

M. Drainville : ...fait la même chose, l'Ontario a exprimé son intention de... de mettre fin à... à ses cibles de réduction de GES. Est-ce que vous craignez, comme acteur québécois, qu'éventuellement vous soyez dans un environnement où on vous impose des... des normes et des exigences qui vous rendent moins concurrentiels que vos compétiteurs à l'extérieur du Québec? Est-ce que c'est une inquiétude? On peut-tu commencer par ça?

M. Drolet (René) : Bien, l'inquiétude, elle a toujours été là. Elle est... Elle existe, c'est ce qu'on appelle des fuites de carbone, là. Ça a toujours existé. On en a fait. Et c'est la raison pour laquelle, dans le cadre du... de système de plafonnement et échange qui est en vigueur au Québec dans le marché du carbone, on est identifié comme un secteur qui est vulnérable au commerce international. Ce que ça veut dire, c'est que... et... ce que ça veut dire c'est qu'on a accès à plus d'allocations gratuites pour compenser le fait que du ciment pourrait être amené d'ailleurs parce que... parce qu'il est plus facile à produire ou moins cher à produire. Donc, l'inquiétude, elle est toujours là. Il faut considérer : on ne travaille pas dans un vacuum. Donc, oui, l'inquiétude, elle est là, la réalité, elle est là. Il faut regarder ce qui se fait ailleurs.

D'un autre côté, le mouvement vers la réduction des GES, le changement des processus, et tout ça, il est enclenché. C'est juste qu'il va prendre du temps, mais il est enclenché. Donc, c'est de voir comment ça peut se faire en s'assurant qu'on respecte la compétitivité justement. Je me tourne vers mes collègues encore une fois, là, si vous voulez ajouter des... de ça.

M. Ramacieri (Alexandre) : Bien, dans une dynamique où le Québec est un exportateur, là, de ciment vers les États-Unis, on a plus peur des coûts ajoutés ou des réactions américaines que de la situation actuelle du marché, là. Il y a de l'exportation qui se fait de façon importante vers les États-Unis. Puis nos concurrents, ce sont les Turcs, ce sont les Grecs, ce sont, bon, dépendamment d'où on exporte aux États-Unis, différents concurrents. Donc, c'est sûr qu'on veut garder notre posture, on ne voudrait pas réduire notre capacité à concurrencer ces exportateurs d'ailleurs. Mais le plus grand danger, c'est de générer une réaction aux États-Unis, là.

M. Drainville : Comment vous dites, M. Ramacieri, la fin, c'est?

M. Ramacieri (Alexandre) : C'est de dire... Ce qu'on veut présentement? Le ciment est produit... est considéré comme un produit d'origine. Donc, le principal danger dans une dynamique d'exportation vers les États-Unis, c'est de générer une réaction américaine. On veut maintenir l'accès au marché américain.

M. Drainville : Et donc est-ce que le ciment...

M. Ramacieri (Alexandre) : Bien sûr, on est préoccupés par la concurrence avec des pays qui, eux, n'ont pas de tarifications du carbone, par exemple, ou des très faibles tarifications du carbone.

M. Drainville : Par exemple?

M. Ramacieri (Alexandre) : La Turquie, par exemple, très active sur le marché américain.

M. Drainville : Très active dans le marché du ciment, dites-vous.

M. Ramacieri (Alexandre) : Oui.

M. Drainville : Et ils n'ont pas de cibles, ils n'ont pas de... ils n'ont pas de tarifications du carbone?

M. Ramacieri (Alexandre) : Je ne connais pas les détails, là, mais disons que leurs prix sont très concurrentiels.

M. Drainville : Vous venez de dire... M. Drolet, vous avez dit : Ça va prendre du temps. Moi, je veux revenir à l'atteinte du 37,5, là, d'ici quatre ans, là. Je veux dire, 26, 27, 28, 29, là, à la fin 29, il me reste quatre ans, il faut avoir atteint la diminution de 37,5. Ça nous a pris une trentaine d'années, là. À partir de 1990, ça nous a pris une trentaine d'années pour obtenir à peu près la moitié de la cible, -19 %. Là, il nous reste quatre ans pour atteindre l'autre 19 %. Vous convenez avec moi que c'est très ambitieux, j'imagine, hein? Est-ce qu'on peut s'entendre sur ce mot? Je ne dis pas impossible, mais je dis très ambitieux. Vous êtes d'accord avec moi là-dessus?

• (14 h 30) •

Une voix : Absolument. Oui. Oui, oui.

M. Drainville : Bon. Évidemment, il y en a qui diront : C'est plus qu'ambitieux. Et donc je me pose la question : Est-ce qu'il vaut mieux maintenir une cible que certains considèrent non seulement ambitieuse, mais carrément irréaliste, puis il y a une espèce de non-dit autour de ça, honnêtement, là, ou est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux peut-être, je pose la question, se donner un peu plus de temps pour s'assurer de l'atteindre et donc de travailler sur une cible qui est véritablement atteignable, que l'on sait atteignable puis qu'on mobilise la société québécoise puis l'économie québécoise pour...


 
 

14 h 30 (version non révisée)

M. Drainville : ...véritablement l'atteindre? Je pose la question. Il y en a qui vont dire, écoutez... vaut mieux peut-être repousser... je pose la question. Vaut mieux peut-être repousser puis se donner de véritables chances de l'atteindre que de se faire des accroires? C'est une question. Je pose la question, parce que moi, je crains la démobilisation. Je vous le dis là, je crains la démobilisation. Puis semble-t-il que je suis tout seul dans cette salle à la craindre. Mais moi, je la crains, moi. Moi, j'ai peur qu'à un moment donné, les citoyens, voyant effectivement que cette cible-là est très, très difficile, puis voyant la classe politique dire : Non, non, non, faites vous en pas, ça va bien aller, on va continuer, vous allez voir, on va y arriver, sans trop dire comment. Puis on arrive en 2030, mettons qu'on ne l'a pas atteint en 2030. Moi, je crains qu'il y ait des Québécois qui disent : Bien, vous le saviez que ce n'était pas atteignable. Puis vous nous l'avez quand même imposé, mais vous le saviez. Alors, la prochaine fois que vous allez nous donner une cible en 2035, bien, sais-tu quoi? On ne vous croira pas, parce que vous le saviez que c'était à peu près impossible de l'atteindre, puis vous nous l'avez quand même imposé. C'est une question que je pose. C'est une hypothèse que je soulève. Votre réaction, c'est quoi?

M. Drolet (René) : Ma réaction, c'est que, je reviens au fait que nous, on représente 10,6 % des émissions au Québec, ce n'est... ce n'est pas rien, mais c'est 10 %. Vous, vous devez gérer 100 % des émissions. Donc, vous êtes préoccupés par une cible. Nous, la job la cible... la cible, elle le fait sa job, dans le sens où le processus il est enclenché dans notre secteur. On a un plan d'action détaillé et on va travailler dessus. Que la cible, elle soit en 2030, en 2035, on va continuer à travailler. On a fait le déclencheur. Ce qu'il faut comprendre, c'est que dans l'industrie, quand on parle de gros projets comme ça, ça se planifie des années et des années à l'avance. Une fois que le bateau est parti...

M. Drainville : De gros investissements. À coups de gros investissements, comme vous l'avez dit.

M. Drolet (René) : Oui.

M. Drainville : Mais je retiens quand même, puis je ne pense pas, parce qu'il me reste 30 secondes, je retiens quand même. Je ne pense pas vous mettre des mots dans la bouche que ce qui est important c'est de continuer à progresser et à réduire les GES. Cette trajectoire-là, il faut absolument la poursuivre. Et vous dites comme industrie, nous sommes engagés dans cette voie et on a notre part à faire. On représente 10 % des GES, donc, vous reconnaissez votre responsabilité. Mais s'il faut l'étirer sur une période de temps un peu plus longue en ce qui a trait aux cibles, vous n'êtes pas fermé à ça. C'est ça que je retiens, moi.

M. Drolet (René) : Absolument. Si on a plus de temps pour la rencontrer, tant mieux.

M. Drainville : OK. Très bien. Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci beaucoup. Alors je cède maintenant la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme McGraw : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Et merci pour votre présentation, votre mémoire. Est-ce que vous êtes pour un recul, oui ou non, de la cible? Est-ce que vous, vous êtes en faveur d'un recul de cette cible? Vous représentez 10,6 % des émissions au Québec. Est-ce que vous êtes, oui ou non, pour un recul sur la cible?

M. Drolet (René) : Quand vous dites un recul, vous parlez dans le temps ou du nombre?

Mme McGraw : Donc, il y a trois éléments. Il y a l'année référence qui est 1990, il y a l'année visée, là on parle de 2030, il y a le pourcentage. Est-ce que vous êtes pour un recul sur un de ces éléments, soit avancer l'année référence de 1990, peut-être 2005, est-ce que vous êtes pour avancer le délai? Est-ce que vous êtes pour réduire la cible de 37,5 %? Voilà.

M. Drolet (René) : ...on a établi dans notre plan d'action, on a introduit nos propres cibles et c'est avec ça qu'on travaille. Et notre cible pour 2030, elle est de 40 % à l'année 2020. On parlait de l'année 2020. C'est très ambitieux. On y travaille et on le considère comme un objectif. Là, il faut s'entendre que c'est une cible qu'on s'est mis comme objectif. Il n'y a pas d'obligation, mais c'est vraiment... Alors, les cibles gouvernement, ils sont là pour tous les acteurs, y compris notre industrie. Est-ce qu'on est dans les détails, est-ce qu'on veut plus ou moins, ou tout ça? C'est un peu une question théorique parce que nous...

M. Drolet (René) : ...on a, on fait ce qu'on... qu'on pense qu'on peut faire pour réduire les GES.

Mme McGraw : Et le 40 %, et je vous félicite, d'ailleurs, le 40 %, est-ce que ça a été développé? Je comprends que vous avez un plan détaillé, est-ce que le 40 %, le 37.5, a joué un rôle ou ce n'était pas un facteur?

M. Drolet (René) : On a... on vraiment regardé avec toutes les données qui venaient de l'industrie, on a pris quand même deux ans pour mettre ça en place. On a fait de la modélisation et on est... et... et c'est, effectivement, très ambitieux et on le sait, et là, on est dans un processus de regarder où on est et... et juste trouver... c'est... c'est des situations complexes, et juste collecter les informations pour voir où on est, c'est un défi. Mais on avance lentement et on le fait. C'est pour ça que la discussion sur les cibles, pour nous, je veux dire, je le répète, une cible, c'est très utile parce que ça... ça permet de canaliser les énergies. Les détails de la cible, à ce stade-ci, sont peut-être un peu moins importants pour nous.

Mme McGraw : Donc, si je comprends bien, la cible est quand même utile. On a parlé d'un... c'est un signe stratégique, ça permet de s'organiser, de planifier. Donc, si je comprends bien, il n'y a aucun enjeu avec la cible. Date référence de 1990, cible, vous allez vous-même déplacer, dépasser 40 % et l'année, le délai, donc le 40 %, c'est... c'est en... jusqu'en 2030, c'est ça?

M. Drolet (René) : Oui, oui, oui, et...

Mme McGraw : Parfait, ça clarifie des choses.

M. Drolet (René) : Oui.

Mme McGraw : Donc, pour vous, le délai, c'est 2030? Pour le 40%.

M. Drolet (René) : Oui, oui, pour le 40%, et la carboneutralité à plus long terme.

Mme McGraw : Impeccable.

M. Drolet (René) : L'idée derrière l'établissement des cibles, c'est pour donner de la visibilité, pour savoir où on s'en va en tant qu'industrie.

Mme McGraw : Donc, si on change un de ces éléments-là, ça enlève la prévisibilité.

M. Drolet (René) : Oui.

Mme McGraw : Parfait. Vous avez un plan détaillé, encore une fois, je vous félicite pour, effectivement, réduire les émissions à chaque étape de la chaîne de production du ciment et du béton. Impeccable. Et vous avez, j'imagine, dans ce plan-là, 100 % des mesures et des moyens identifiés pour atteindre vos propres cibles?

M. Drolet (René) : On a fait l'exercice de regarder à chacune des étapes quel pourcentage de réduction qu'on peut avoir, et à la fin, il nous manquait 28 % pour arriver à la carboneutralité, et c'est là que la technologie innovante comme la... la capture, la séquestration du carbone, entre en jeu. Mais pour le reste, on a fait des... les estimations, qu'on pouvait aller chercher tant... et ça passe par toutes sortes de choses, là, les... des ajouts cimentaires pour remplacer une partie du clinker dans la composition du ciment, au niveau du béton également. Même au niveau de la conception des ouvrages, on se rend compte qu'il y a des études qui démontrent que, souvent, il y a trop de béton de... d'utilisé dans un ouvrage par souci d'être vraiment solide, mais ce n'est pas nécessairement nécessaire d'en faire autant, donc on regarde où les endroits où on peut mettre ça en œuvre. Évidemment, ça demande, ça demande une coordination de tous les acteurs du secteur de la construction, et ça, c'est un défi en soi. Donc, on fait beaucoup, présentement, de temps à parler du... de notre plan d'action, essayer d'engager les partenaires, les architectes, les ingénieurs, les entrepreneurs généraux et tout ça. Donc, tout ça, quand je dis que ça prend du temps, c'est aussi parce qu'il faut amener tout le monde à ce... à ce niveau-là.

Mme McGraw : Donc, il y a toute une coordination, mais si je comprends bien, vous avez identifié 72 % des mesures pour atteindre votre propre cible de 40 % et vous vous attendez à des avancées technologiques pour compléter le 28 %, est-ce que c'est...?

• (14 h 40) •

M. Drolet (René) : Oui, oui. Oui, d'ailleurs, le plan d'action, vous pouvez le consulter sur le site web de l'association, là, je pense que dans le mémoire, vous avez le lien pour consulter le plan d'action.

Mme McGraw : Bien, bravo d'avoir identifié la plupart de vos mesures, ce qui n'est pas le cas pour le Québec. Et les moyens aussi... d'ailleurs, le Québec est en train de faire le contraire, qui...  d'enlever des mesures comme Roulez vert, en train d'enlever des moyens. En parlant de moyens, dans votre mémoire, vous dites que vous participez au SPED et notre... et je vous cite : Notre support, parce que vous êtes un grand émetteur, quand même, donc vous avez un rôle majeur au niveau du... du SPED, et je cite : Notre support est toutefois conditionnel à la mise en place, par les gouvernements, de mesures nécessaires pour faciliter les réductions de GES...

Mme McGraw : ...etc. Donc le fonds, le Fonds vert, le Fonds d'électrification et changements climatiques c'est un peu un quid pro quo dans le sens qu'on investit, on participe au marché du carbone et on s'attend à ce que les fonds qui sont générés soient réinvestis pour aider avec les additions de GES. Est-ce que c'est... Est-ce que j'ai bien compris?

M. Drolet (René) : Oui, c'est une partie effectivement. On... Il existe des programmes de financement qu'on a utilisé, que certaines des cimenteries ont utilisé pour aider à financer certains projets. Donc, ça fait partie de ce ça. L'autre partie, vous parliez du SPEDE, l'autre partie, c'est justement la reconnaissance de notre industrie comme étant vulnérable au commerce pour éviter les fuites... les fuites de carbone, donc avoir des allocations gratuites en plus grand nombre. Donc, c'est le genre de mesures qui nous aident à continuer à évoluer là-dedans.

Mme McGraw : Je pense qu'il me reste juste... Combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Nichols) : 1 min 30 s.

Mme McGraw : Une minute. Donc, j'ai deux autres questions. Donc, j'imagine que le fait que le surplus de ce fonds-là, vous avez participé de bonne foi au SPEDE, et que le fonds, il a étudié pour autre chose que réduire les GES et la lutte contre les changements climatiques, comment est-ce que vous réagissez à cette décision avec la mise à jour économique du gouvernement?

M. Drolet (René) : ...d'avoir des sommes qui peuvent être disponibles pour les grands émetteurs pour réduire les rejets, c'était... c'est important, c'est essentiel. Je pense que tout le monde s'entend de ce côté-là. Donc, oui, on s'attend que ces fonds-là demeurent disponibles.

Mme McGraw : Mais là, c'est 1,8 milliard qui a été enlevé. Maintenant, ça ne va plus être pour ça. Comment est-ce que vous réagissez à cette décision, cette semaine, du gouvernement?

M. Drolet (René) : Ce n'est pas un sujet qu'on est en... que j'ai eu l'occasion de discuter en détail avec les membres de notre association encore, là. J'ai parlé du projet de loi n° 7, là. On n'est pas rendus là. Donc, je ne veux pas trop m'aventurer. Évidemment, ça dépend aussi de comment cet argent-là est utilisé. Déjà, pourquoi il y a eu des surplus comme ça? Est-ce que les programmes n'étaient pas assez faciles d'accès? Est-ce que c'est... Ce n'est quand même pas facile d'aller chercher ce financement-là. Donc, c'est plein de choses. Je ne sais pas si d'autres veulent intervenir dans mes collègues.

La Présidente (Mme Nichols) : Malheureusement, là, le temps est écoulé, et je dois céder la parole au député de Taschereau.

M. Grandmont : Oui. Merci, Mme la Présidente. Merci à vous d'être présents aujourd'hui. Très intéressante discussion. Honnêtement, je... je suis bien impressionné, notamment par votre plan d'action dont vous venez de parler, là. Le plan d'action Béton zéro qui date de 2022, si ma mémoire est bonne, là. C'est en 2022 qu'il a été rendu public.

M. Drolet (René) : 2023.

M. Grandmont : 2023. C'est tout récent. Parfait. Oui. J'aimerais quand même lire une section de ce mémoire-là, de ce plan d'action là. J'espère bien que le ministre va écouter. Alors, vous dites, là, on est à la page 11, là. Vous dites : «Nous sommes prêts à relever ce défi. Notre plan d'action montre qu'avec les technologies actuelles, nous pouvons réduire nos émissions de 40 % d'ici 2030 — on l'avait dit tantôt — et de 50 %... 59 % d'ici 2040, et les éliminer totalement d'ici 2050. Cette cadence pourrait s'accélérer à mesure que de nouvelles technologies seront mises au point et déployées». Vous entendez faire preuve de transparence, de responsabilité. Vous publierez un rapport d'avancement au moins tous les cinq ans. «En suivant notre plan d'action, nous voulons que nos activités deviennent réellement net zéro. Et c'est pour cette raison que nous excluons la possibilité de recourir à l'achat de droits d'émission pour y arriver». Donc, c'est tout à votre honneur. Évidemment, ce sont des réductions nettes sur le territoire. C'est parfait. Il y a un paragraphe qui est intéressant après. «Si les conditions économiques et réglementaires font obstacle à notre capacité d'atteindre nos cibles de réduction, nous travaillerons activement à les améliorer plutôt que de nous en servir comme prétexte pour retarder notre action».

Moi, je trouve ça très très clair. Je trouve que c'est visionnaire. C'est lucide en même temps aussi parce que vous savez d'où vous venez. Vous représentez 10,6 % des émissions du Québec, ce qui n'est franchement pas rien. Mais vous dites que peu importe ce qui sera décidé d'un point de vue réglementaire et légal, bien, vous allez travailler quand même d'arrache-pied pour réduire vos émissions. Donc, vous avez toutes mes félicitations. J'aimerais revenir sur la question de ma collègue sur le Fonds vert. Vous disiez, bon, il y a 1,8 milliard de dollars qui étaient disponibles, puis vous disiez peut-être on se questionne pourquoi cet argent-là est resté inutilisé depuis autant de temps. On s'est posé la même question aussi bien... bien sincèrement. Est-ce que vous avez, vous, essayé de... de, tu sais, dans votre industrie, là, chez les joueurs que vous représentez, demander à avoir accès à ces sommes-là? Est-ce que vous avez tenté d'avoir accès à des programmes? Ça s'est avéré...

M. Grandmont : ...difficile. J'aimerais comprendre un peu.

M. Drolet (René) : Je vais me tourner vers mes collègues. Je ne sais pas s'il y en a qui veulent se lancer. Sinon, je peux faire des commentaires assez généraux, là, je n'ai pas les détails de... autant, je... il y a des...

M. Ramacieri (Alexandre) : Bien, peut-être dire, simplement, qu'on a pu voir dans les médias que des sommes avaient été disponibles par le passé, là, pour des modernisations, là, donc ça n'avait pas été un enjeu.

M. Drolet (René) : Il y a eu... Je sais qu'il y a eu des projets, bon, évidemment, la plupart de ces projets-là, c'est public, c'est de nature publique quand ils sont financés. Alors, je peux mentionner qu'il y a une cimenterie au Québec qui n'est pas membre de l'association mais qu'on sait qui a réussi à avoir des fonds pour un projet quand même majeur, un projet qui est très aligné avec les besoins des cimenteries, ici, pour réduire les GES. Je pense qu'il y a des discussions en cours, il y a des projets qui se préparent. Donc, c'est complexe d'aller chercher ces financements-là, mais ça se comprend, d'une certaine façon, c'est qu'ils veulent s'assurer également que le projet ait vraiment... va mener vraiment à des réductions de GES, donc...

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Merci beaucoup. Je dois maintenant... Merci. Je cède la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous quatre. Merci de votre présence et de votre présentation. J'aimerais savoir si vous connaissez Lisa Leblanc, autrice-compositrice-interprète du Nouveau-Brunswick, qui chante Pourquoi faire aujourd'hui qu'est-ce que tu pourrais faire demain? Et j'ai un peu l'impression que c'est la question que le ministre vous a posée tout à l'heure, il vous a presque imploré d'accepter sa proposition de reporter à plus tard l'atteinte de vos objectifs. Y a-t-il une logique pour vous, une logique économique à maintenir le cap sur la réduction des objectifs de réduction de gaz à effet de serre dans l'industrie du ciment, selon le plan que vous vous êtes donné?

M. Drolet (René) : Oui, dans le sens où on observe, bon... évidemment, on observe un mouvement vers peut-être certaines nouvelles tendances, mais on sait tous que les gouvernements changent, les... ce qui se passe présentement au sud de la frontière peut revenir à quelque chose de différent. Et, puisque ce sont des initiatives à long terme, il faut prévoir à long terme, donc on continue à garder le cap.

Il y a... Il ne faut pas oublier qu'il y a des... Je parlais de l'Europe, tout à l'heure, ils ont établi des mesures à la frontière, ce qui fait en sorte que certains pays qui exportaient leur ciment vers l'Europe ne peuvent plus le faire parce que leur ciment ne rencontre pas les exigences, et maintenant peuvent l'importer... peut-être essayer de l'amener ici, ce qui peut nuire à notre industrie, également. Donc, il faut tenir compte... C'est des jeux politiques complexes, et je pense que, oui, il y a quand même une valeur économique, une raison économique de pouvoir, de vouloir continuer à réduire nos GES.

M. Arseneau : Mais est-ce que vous voyez ça, là... l'atteinte, justement, de la carboneutralité dans votre industrie, c'est un investissement, et donc, si on peut y aller rapidement... Évidemment, tout ce qu'on reporterait à plus tard risquerait de coûter plus cher et de nous coincer un peu, d'autant plus que vous venez de dire que peut-être qu'on serait sous le standard par rapport à d'autres juridictions, c'est ce que je comprends et, à ce moment-là, bien, on ne serait pas compétitifs?

• (14 h 50) •

M. Drolet (René) : La... Je m'excuse, là, la question, elle est...

M. Arseneau : Si vous dépensez maintenant pour faire la transition, sur le plan économique, c'est plus avantageux que reporter à plus tard ces investissements-là?

M. Drolet (René) : Je pense que ça dépend de chaque situation, là, je ne veux pas parler au nom des compagnies, des multinationales qui font ces décisions-là, mais il y a un bon... des bonnes raisons d'investir dans la décarbonotation, présentement, je pense que c'est encore... c'est encore la... c'est encore l'approche qui est privilégiée dans notre industrie, et on verra comment le contexte global va évoluer.

M. Arseneau : Et juste une petite dernière question, j'ai quelques secondes.

La Présidente (Mme Nichols) : 10 secondes.

M. Arseneau : Où est-ce qu'on se situe dans l'environnement international industrie, ici, en termes d'innovation, en termes de réduction de gaz à effet de serre?

M. Drolet (René) : Je pense qu'il y a beaucoup de pays qui ont... qui ne sont pas rendus là, mais il y en a qui sont peut-être encore plus avancés, entre autres, en Europe. Donc, on est peut-être dans le milieu.

M. Arseneau : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie. Je vous remercie beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission.

Et nous allons maintenant suspendre quelques instants afin d'accueillir le prochain groupe. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 14 h 52)

(Reprise à 14 h 55)

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Donc, nous poursuivons les travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants d'Équiterre. Merci de votre présence et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Après quoi, nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

M. Viau (Marc-André) : Merci, Mme la Présidente, M. le ministre, Membres de la Commission de l'environnement et des transports, bonjour. Je suis Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales chez Équiterre, et je vais partager mon temps avec Charles-Edouard Têtu, analyste des politiques climatiques et énergétiques chez nous.

Content d'avoir enfin la chance de vous parler, M. le ministre. C'était trop bref, la dernière fois qu'on s'est vus en marge du discours d'ouverture de la nouvelle session. Je pense qu'on aurait avantage à échanger plus souvent à l'extérieur de l'Assemblée nationale. On a dit qu'on ne vous lâcherait pas avec les GES. On est là pour ça.

Depuis quelques semaines, le discours du gouvernement est difficile à suivre en ce qui concerne l'environnement. Le premier ministre dit qu'il faut mettre la transition énergétique sur pause. Mais en même temps, on nous dévoile en grande pompe une nouvelle vision économique qui mise essentiellement sur l'énergie renouvelable et sur les minéraux critiques qui sont notamment utilisés dans la transition énergétique. Alors, j'espère que le ministre peut nous aider à réconcilier le fait qu'on mise énormément sur la transition énergétique, tout en affirmant que la transition énergétique est reportée de quatre ans. J'aimerais que le ministre nous aide aussi à réconcilier le discours selon lequel les mesures environnementales vont causer des pertes massives d'emplois, alors qu'on annonce en parallèle qu'on va créer 35 000 emplois jusqu'en 2035 avec le développement des capacités énergétiques renouvelables. Un autre point sur lequel j'aimerais avoir des précisions, c'est l'idée qu'on va régler les problèmes de commerce international et de la guerre commerciale avec comme solution l'affaiblissement des protections environnementales.

Les décisions économiques sont à la base du problème de l'économie. Vous avez beau enlever toutes les protections environnementales...

M. Viau (Marc-André) : ...contourner les lois et les mécanismes de participation publique, ça ne compensera pas pour les décisions économiques du régime politique américain. Les bonnes solutions pour les bons problèmes.

Donc, pour la cible, qu'est-ce que ça veut dire, si on prend les chiffres de l'inventaire des émissions de GES? Les transports, c'est 34,3 mégatonnes, donc 43 % de nos émissions contenues dans l'inventaire. Du côté des marchandises, il faut travailler sur toutes les solutions, électrification, mutualisation mini-hub urbain, hydrogène. Du côté des transports de personnes, ça augmente à cause de la croissance des camions légers. La solution, et c'est l'électrification des transports, la réduction de la taille des véhicules. Malheureusement, le gouvernement du Québec a affaibli sa réglementation sur les véhicules zéro émission. Si on électrifie tout le parc automobile, on va diminuer de 16,8 mégatonnes les émissions de GES du sous-secteur des transports personnels d'ici 2040.

Les industries, c'est le deuxième gros morceau du bilan, avec 24,5 mégatonnes ou 35... ou 31 % du total de l'inventaire. Il y a des millions qui ont été mis dans la décarbonation des procédés industriels, l'aluminium notamment. Il faut continuer dans cette voie. L'autre solution est évidemment le marché du carbone.

En agriculture, les émissions de GES représentent huit mégatonnes, donc 10 % de l'inventaire. Il faut continuer sur la voie du déploiement du réseau triphasé tout en réduisant l'alimentation au gaz dans les serres. Les solutions passent aussi par l'augmentation de la biométhanisation, une meilleure gestion des sols agricoles et la diversification des cultures dans une approche d'agriculture régénératrice, comme l'a mentionné Jérôme Dupras, l'autre en comité... en commission, pardon.

Les bâtiments représentent 7,6 mégatonnes, 9,5 % de l'inventaire. Il y a eu des initiatives municipales pour retirer l'alimentation en gaz pour le chauffage, et ensuite encadrées... dans les municipalités, et ensuite encadrées par le gouvernement. Il faut continuer sur cette voie et surtout dans l'institutionnel et le commercial.

Les matières résiduelles, 4,5 mégatonnes, 5 % de l'inventaire principalement lié aux déchets qui vont à l'enfouissement. Il faut réduire la production de déchets, même si ça ne fait pas une grande différence sur le bilan, parce que c'est aussi un enjeu d'occupation du territoire, et peu de gens veulent avoir un dépotoir dans leur cour arrière. Les solutions sont dans le compost, la réutilisation et la diminution de la consommation éphémère. Je cède la parole à mon collègue.

M. Têtu (Charles-Édouard) : Pour la prochaine section, on va répondre à peu près à la question de pourquoi on est ici. Parce qu'à l'image de ce que pense le comité consultatif, on est d'avis que de cibler... de fixer une cible, c'est un exercice essentiel pour guider notre action climatique. Par contre, il s'agit juste de définir un objectif pour une année donnée. La vraie question à laquelle on va tenter de répondre aujourd'hui, c'est surtout de se pencher sur comment on arrive fondamentalement à réduire le nombre de GES qu'on a dans l'atmosphère.

M. le ministre, vous nous avez lancé l'invitation, la semaine dernière, c'était de vous donner des moyens d'y arriver. On est un petit peu ici pour ça. Ça va nous prendre des cibles, mais ça nous prend surtout des politiques et des règlements qui nous permettent, essentiellement, de réduire nos émissions.

Par rapport à la cible, Équiterre appuie d'emblée les recommandations du comité consultatif où le Québec devrait adopter le plus haut jalon de la fourchette proposée, soit de 40 % à 45 % de réduction des émissions. Aussi, comme le comité, la révision de l'ambition devrait aussi être compensée par le d'avancement de la cible de carboneutralité d'ici 2045. Cette cible-là, elle est fixée pour respecter les mesures ambitieuses de l'Accord de Paris, que... je souhaite à vous rappeler, l'Assemblée a réitéré son appui pour celui-ci dans le Parlement il y a quelques semaines.

En passant, on souhaite le rappeler, le comité, ce n'est pas un regroupement de citoyens engagés pour le climat, c'est un comité d'experts légitimes qu'on doit écouter. Ensuite, si la cible, c'est un outil pour guider l'action climatique, on doit aussi se permettre de se tracer une feuille de route qu'on doit... où on ne peut pas s'égarer. C'est pourquoi on recommande, tout comme le comité consultatif, d'adhérer à des cibles intermédiaires de moins 60 % pour 2035 et de 80 % pour 2040. C'est un choix qui nous permet, pour 2025‑2030, d'assumer qu'on doit renforcer nos politiques actuelles pour être sûrs qu'on atteigne nos objectifs.

Par rapport à ces objectifs-là, ne pas les atteindre, ce n'est pas juste une ligne qui dit, sur le bord d'un tableau, qu'on a diminué de GES, ça a des impacts tacites et concrets pour la population québécoise. On parle ici de ralentissement économique, de monde qui perdent leurs jobs, M. Drainville, mais aussi de pression sur les familles québécoises, de l'insécurité alimentaire, et j'en passe.

• (15 heures) •

Si les cibles intermédiaires qui servent à tracer une feuille de route... on doit aussi avoir un plan de match que tout le monde connaît et dans lequel les parties prenantes connaissent leur rôle. C'est pourquoi le gouvernement devrait adopter une approche fondée sur des budgets carbone et que ceux-ci devraient être ventilés par secteur d'activité. C'est un moyen efficace qui est connu à travers le monde pour bien s'agencer avec les systèmes d'échange et qui pourrait réduire les impacts sur les entreprises du Québec ainsi que les pressions que les travailleuses et travailleurs pourraient subir. Pourquoi? Parce que ça permet une prévisibilité pour les entreprises et les investisseurs puisqu'ils savent ce qui s'en vient, à la place d'avoir un gouvernement qui change d'idée à toutes les deux semaines.

Par rapport aux emplois, je pense que c'est un enjeu assez important pour vous, M. le ministre, ce l'est pour nous aussi, il ne sera jamais question ici d'identifier quels emplois est-ce qu'on sacrifie. C'est possible de sortir du...


 
 

15 h (version non révisée)

M. Têtu (Charles-Édouard) : ...problème où les jobs et l'environnement ne peuvent pas coexister. Surtout au Québec, où, comme l'avait dit mon collègue, on peut créer 35 000 emplois d'ici 2035, si on a la manière de nos ambitions. On recommande donc au gouvernement d'adopter, comme le Canada et le Danemark avant lui, une politique de transition juste pour s'assurer qu'il y ait un dialogue social et que les travailleurs et travailleuses qui connaissent leur milieu puissent participer au tout. Donc, je suis désolé, je suis un petit peu perdu dans mes feuilles... Par rapport, donc, aux plaidoyers d'Équiterre, ici, ce qu'on considère, c'est, comme vous l'avez mentionné, les cibles sont essentielles à la direction de notre action climatique, mais le plus important, c'est sur quoi, collectivement, on a du contrôle. Et ça, ça se traduit sur la réduction brute de nos émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère.

Dans un Québec carboneutre, selon nous, la province aurait réduit de 85 % ses émissions sur son territoire d'ici 2045 par rapport à 1990. Pour ce faire, on doit d'abord revoir comment on habite notre territoire, comment on travaille, comment on cultive, qu'est ce qu'on mange, comment on se déplace, ce qu'on produit, ce qu'on consomme, tout ça en réduisant la consommation énergétique. Ça a l'air d'être un grand défi, mais c'est possible, on a les outils pour le faire. Ce qui nous manque en ce moment, c'est de la volonté politique. Pour y arriver, ça va nous prendre une forme de saine gouvernance. Modifier nos choix collectifs passe surtout par là. C'est quoi, une saine gouvernance, vous me demanderez? C'est de prendre des décisions fondées sur la science, la redevabilité, la transparence, la collaboration et tout ça, pour réduire, essentiellement, nos gaz à effet de serre. Ça se traduirait, par exemple, par la dépolitisation de certains enjeux, comme l'a fait la Californie il y a quelques semaines, où on envoie maintenant les surplus du Cap and Trade dans une entité indépendante qui, elle, est chargée de... avec un seul but, c'est de réduire les émissions.

De notre côté, au gouvernement, on envoie un surplus de 1.8 milliard qui dort depuis quelques années, qui devrait servir à l'électrification et au transport collectif, dans le Fonds des générations. Si ce n'est pas ça manquer de vision, je ne sais pas c'est quoi. Par rapport à la capture du carbone, on s'entend que, comme le comité et le GIEC, à long terme, c'est nécessaire pour atteindre une cible de réduction nette de 100 % de nos émissions. Par contre, on doit rappeler, et ça, c'est très important, que la solution de la décarbonation ne réside pas dans les technologies, elle provient d'une modification des choix collectifs. On reconnaît que ça va être important de l'intégrer de façon permanente, la séquestration, mais là où on souhaite être très clairs, c'est qu'en plus d'avoir un encadrement réglementaire strict et fondé sur la science avec une méthodologie internationale, jamais le gouvernement ne devrait investir indirectement ou directement dans une telle technologie qui n'a toujours pas fait ses preuves.

Sinon, par rapport au SPED, on l'a mentionné tout à l'heure, c'est un excellent outil pour réduire nos émissions. On invite le gouvernement à finaliser la mise à jour qu'il a annoncée dans la dernière année, parce que ça commence à presser. À cet effet, on devrait aussi appuyer les recommandations du Comité consultatif de... de juin 2024. À la réforme du SPED, on devrait l'accompagner d'une réelle politique industrielle carboneutre, fondée sur des critères sociaux, environnementaux, économiques et de gouvernance qu'Équiterre pourrait aussi vous fournir, là, on l'avait déjà montée, mais on doit surtout cesser de distribuer notre électricité si précieuse, en ces moments où l'on doit réduire nos émissions, à n'importe quelle entreprise internationale qui n'a aucune volonté de respecter nos lois et qui laisse les Québécois avec la facture.

En terminant, ce qu'on doit retenir, c'est d'abord que le Québec a tous les moyens et les outils nécessaires pour atteindre ses objectifs, ce qui nous manque, c'est de la volonté politique, une gouvernance éclairée, une vision économique en adéquation avec nos cibles, et un gouvernement prêt à maintenir le cap. Si le gouvernement s'est défini, dans les dernières 50 dernières années sur la scène internationale, comme un État fort, c'était par son action climatique et son énergie renouvelable. Alors qu'il y a un certain recul, on encourage fortement le gouvernement à emboîter le pas de ceux qui avancent. Donc, on vous remercie pour ça, prêts à répondre aux questions.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons débuter la période d'échange. La parole est à M. le ministre, pour 15 min 30 sec.

M. Drainville : Merci pour la présentation. Vous proposez, donc, une cible de... de -40 à -45 d'ici 2030. Est-ce que vous avez fait le... l'évaluation de l'impact économique d'une telle cible?

M. Têtu (Charles-Édouard) : Bien, l'évaluation économique d'une telle cible a été prise aussi de la modélisation qui a été constituée par le Comité consultatif et celle de ... dans les dernières années. Donc, on va y aller avec la... la présomption que le comité consultatif ne se serait pas trompé et qu'il y aurait un impact, là, d'environ un moins... -1.4 % du PIB, là, d'ici 2030.

M. Drainville : Un impact de combien, vous dites?

M. Têtu (Charles-Édouard) : -1.4 % du PIB. Donc, comme le...  l'a réitéré le Comité consultatif.

M. Drainville : D'ici 2030?

M. Têtu (Charles-Édouard) : D'ici 2030.

M. Drainville : D'ici 2030?

M. Têtu (Charles-Édouard) : Pas d'ici 2030, donc... d'ici... bien, si on atteint nos objectifs.

M. Drainville : Oui, c'est d'ici... c'est d'ici 2030.

M. Têtu (Charles-Édouard) : Oui, c'est ça...

M. Drainville : Effets sur le PIB...

M. Drainville : ...du Québec, oui. Donc, 1,4 %, disiez-vous, hein? En tout cas, nous, dans le document que nous avons déposé, nous étant le ministère de l'Environnement avec le FECC, l'atteinte de la cible représente une diminution du PIB de 1,4 % en dollars 2023. Ça, c'est avec le FECC. Est-ce que la... est-ce que... L'impact économique puis l'impact sur l'emploi, est-ce que ça... est-ce que c'est important dans votre réflexion ou est-ce que c'est secondaire?

M. Viau (Marc-André) : Non. Mais je pense que tu en as déjà parlé, ça fait que tu pourrais en parler encore.

M. Têtu (Charles-Édouard) : Bien, écoutez, effectivement, je pense qu'on prend au sérieux les impacts économiques qu'une telle demande pourrait représenter. C'est pourquoi on s'appuie sur la recommandation du comité qui propose une fourchette. La fourchette propose en fait, là, un certain, certain équilibre entre ce qui est possible pour réduire les impacts économiques tout en respectant en fait les ambitions qu'on avait et en réitérant notre appui à l'accord de Paris. Je ne pense pas qu'on prend ça à la légère puis en plus, on le sait et on l'a démontré dans notre exposé à deux ou trois reprises, il y a possibilité en fait de créer des emplois et d'absorber le ralentissement économique que cela pourrait causer. Je ne pense pas qu'on fait abstraction de tout ça, M. le ministre.

M. Drainville : Mais moi, je suis d'accord qu'il y a... évidemment que la transition énergétique peut mener à la création d'emplois. L'enjeu que j'ai depuis, depuis le début, c'est le peu de temps que nous avons, les quatre années, là, que nous avons pour atteindre la cible de -35 alors qu'on a... on a pris depuis 1990, donc on a pris une trentaine d'années pour faire la moitié du chemin, faire l'autre moitié du chemin en quatre ans, ça me semble extrêmement ambitieux. Et ce que je crains, c'est que cette... cette marche très rapide vers l'objectif ait des conséquences économiques pour nos citoyens.

Je suis d'accord que sur la durée, la marche vers la carboneutralité va permettre la naissance de nouvelles entreprises. C'est déjà le cas de toute façon, l'émergence de nouvelles technologies. Et je pense qu'à terme, là, je m'étire le cou, là, mais je suis raisonnablement confiant qu'à la fin, on aura... d'ici 2050, on aura récupéré les pertes d'emplois puis... puis peut-être même qu'on aura ajouté de nouveaux emplois. Ce n'est pas mon enjeu. Mon enjeu, c'est le très court laps de temps qu'il nous reste pour atteindre l'objectif et le risque que cette marche très rapide cause une... cause des dommages économiques. Et moi, je ne peux pas faire autrement dans ma position, je ne peux pas faire autrement que de prendre ça en considération. Il faut prendre en considération le climat, il faut prendre en considération la nécessité de participer à la lutte contre les changements climatiques, mais on ne peut pas ignorer l'humain là-dedans, on ne peut pas ignorer les secteurs qui sont plus fragilisés présentement. Ce n'est pas vrai que c'est juste des numéros. Ce n'est pas vrai que c'est juste des statistiques.

• (15 h 10) •

M. Viau (Marc-André) : Mais c'est juste... si je peux me permettre, il n'y a personne qui a parlé de numéros ici. Je pense que mon collègue a fait une bonne démonstration de l'importance qu'on accorde aussi aux emplois, à la transition juste. C'est sûr que si on ne se donne pas les moyens par la législation ou la réglementation pour atteindre nos objectifs, c'est sûr qu'on n'y arrivera pas. C'est sûr qu'en affaiblissant la norme pour les véhicules zéro mission par exemple, c'est sûr qu'on n'y arrivera pas. Les pertes d'emplois dans les pertes d'emplois potentiels que le... dont le premier ministre va parler dans la foresterie ne sont aucunement liées à l'environnement, elles sont liées à des conditions économiques, à une guerre commerciale. Donc, comme je l'ai dit tantôt, les bonnes solutions pour les bons problèmes.

Donc, il faut continuer de miser sur les... sur nos réussites, sur nos succès, sur l'électrification. Mais encore là, comme je l'ai dit, c'est ce que le gouvernement entend faire avec sa nouvelle vision économique. Alors, comme nous le disait le président du Comité sur les changements du Comité consultatif sur les changements climatiques, on dit pas mal la même chose, mais je ne sais pas pourquoi, il y a une partie du discours qui est comme encore que l'environnement est dans le chemin, alors que ce n'est pas le cas. Peut-être que mon collègue veut compléter.

M. Têtu (Charles-Édouard) : Mais il y a aussi le fait que j'ai apprécié qu'on passe après des représentants des industries. Même eux en fait plusieurs, là, il y a plusieurs secteurs en fait qui attendent qu'on se mobilise, parce qu'en fait il y a un aspect de compétitivité qui pourrait être ressenti que si on mettait trop de...

M. Têtu (Charles-Édouard) : ...de normes environnementales, par exemple, on réduirait la compétitivité des entreprises. Mais dans la plupart des cas, là, il y a des entreprises, par exemple, il y a des... L'Union européenne adopte des cadres où les produits qui ne sont pas testés pour le carbone, par exemple, ne peuvent pas rentrer. Mais là, à ce moment-là, qu'est ce qu'on fait? On continue puis on perd des partenaires essentiels en Europe et en Asie? Mais, tu sais, à un certain écart, il y a des façons d'être compétitif en allant vers l'avant. Si les autres pays continuent la lutte à la... la lutte aux changements climatiques, la transition, bien nous, on ne peut pas prendre un peu de recul, puis après ça ne pas être compétitif à long terme pour trois ans, là.

M. Drainville : Mais vous avez été nombreux, je parle des groupes, à nous donner l'exemple de l'Europe. Puis ça... Ça me surprend tout le temps parce que ce ne sont pas nos principaux concurrents économiques, puis ce ne sont pas nos principaux concurrents économiques. Il faudrait vérifier, là, mais la part du PIB qui dépend de nos exportations vers l'Europe, ça ne doit pas dépasser 10 %, là. Je ne pense pas que ça dépasse 10 %, là. Donc, l'essentiel de notre concurrence, c'est avec le reste du Canada, puis avec les États-Unis. C'est peut-être 15 %, mais en tout cas, c'est un chiffre qui est beaucoup moins important que les exportations que... que les exportations que nous avons vers les autres juridictions nord-américaines. Et donc de donner l'exemple de l'Europe, c'est un... c'est un mauvais exemple parce que ce n'est pas... Les entreprises québécoises sont ne sont pas d'abord en concurrence avec l'Europe. Les normes qui sont imposées à l'Europe, c'est une chose. Ils s'imposent des normes entre eux et ils sont en concurrence entre eux. Nous, on est en Amérique du Nord. Les États-Unis reculent, l'Ontario recule, le fédéral recule. Colombie-Britannique, le grand État, grande province progressiste, recule sur la norme VZE. M. Viau, vous venez de me dire le recul de la norme VZE. Mais, moi, je vais vous dire une chose, là, 90 % de véhicules électriques ou véhicules branchables d'ici 2035, c'est une cible extrêmement ambitieuse. Je suis renversé que vous ne le reconnaissiez pas. Quand je vous entends dire : On n'est pas pour renoncer aux moyens qu'on s'est donnés, on n'est pas pour affaiblir nos moyens... Heille! On est le seul État au Canada qui a encore une taxe sur le carbone. Et on la protège, la taxe sur le carbone. Il n'y a personne qui propose ici de la remettre en question. Vous devriez saluer ça.

M. Viau (Marc-André) : On l'a fait. On le fait.

M. Drainville : Vous devriez saluer...

M. Viau (Marc-André) : On le fait régulièrement.

M. Drainville : Ça devrait être le début.

M. Viau (Marc-André) : On le fait. On le fait régulièrement.

M. Drainville : Ça devrait être le début, de dire... vous, le consensus tient malgré tout parce qu'il y a de plus en plus de nos concitoyens qui disent pourquoi est ce que, moi, je paierais, là, alors que les autres ne paient plus, là? Parce que les autres, ils n'en ont plus de taxe sur le carbone. Alors, la taxe sur le carbone, la bourse sur le carbone, ce sont des instruments qui demeurent. Ça, c'est une avancée exceptionnelle. C'est la preuve, s'il en faut, du leadership qui est maintenu. Mais plutôt que de vouloir consolider ça, vous assurer, justement, qu'on stabilise ce socle-là, dont on est fier, et qui a permis au Québec d'acquérir effectivement une situation de leadership, quand vous arrivez avec une cible comme celle que vous proposez, moins 40 %, 45 %, je respecte votre position. Moi, ma position, c'est de dire, si on en demande trop, à un moment donné, on va casser l'esprit citoyen qui, effectivement, je pense, qui c'est encore majoritairement favorable au Québec.

M. Viau (Marc-André) : On demande... On demande la même chose sur la cible depuis... depuis 2015. Ça fait 10 ans qu'on a... qu'on a... qu'on a les mêmes cibles. On ne va pas dire que la cible de 2015, en 2025, si elle reste pareille, c'est ambitieux.

M. Drainville : OK, mais en 2015...

M. Viau (Marc-André) : Ça fait qu'à un moment donné...

M. Drainville : En 2015, vous proposiez de réduire le kilométrage parcouru de 20 %. Est-ce que vous le proposez toujours?

M. Viau (Marc-André) : Bien là, ce n'est pas... Je veux dire, oui, idéalement, il faudrait réduire le kilométrage parcouru en auto pour les véhicules à essence. Je n'ai pas cette proposition-là. Je n'arrive pas à la table avec cette proposition-là. Mais là, il y a beaucoup de choses dans ce que vous avez dit. Vous avez parlé des concurrents. Les concurrents... Et moi, ce que j'entends de la part... de la part du gouvernement, c'est dire : Il faut diversifier nos marchés, aller faire des, tu sais, aller faire des affaires ailleurs. Mais là vous me parlez des concurrents. Vous me parlez qu'on est en concurrence, donc juste dans un monde de concurrence et pas dans un monde de collaboration. Mais là, de l'autre côté du discours, c'est il faut diversifier nos marchés, aller ailleurs. Là, l'exemple de l'Europe n'est pas bon, mais on veut avoir l'Europe comme marché de...

M. Drainville : ...

M. Viau (Marc-André) : ...collaboration. Bien, c'est ça que vous avez dit.

M. Drainville : Je vous parle du temps, le temps que nous avons pour effectuer ce virage-là.

M. Viau (Marc-André) : Non, non, non. Ce n'est ça que vous avez dit. Vous avez parlé de la concurrence. On est... On est en concurrence avec tout le monde autour de nous.

M. Drainville : Oui, je sais. Puis je vous ai dit : L'Europe, ce n'est pas notre principal marché.

M. Viau (Marc-André) : Mais est ce qu'on veut diversifier les marchés ou on ne veut pas les diversifier les marchés?

M. Drainville : Ce n'est pas notre principal marché.

M. Viau (Marc-André) : Oui, mais il faut prendre... Est-ce que la Norvège a été capable, d'atteindre des cibles...

M. Drainville : M. Viau... M. Viau...

M. Viau (Marc-André) : ...de 90 % de véhicules...

La Présidente (Mme Nichols) : Juste un instant. On va parler chacun son tour, là, parce que ce n'est pas super agréable pour la personne qui est...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Nichols) : Oui, oui. Très bien. Là, c'est moi qui parle, par exemple...

La Présidente (Mme Nichols) : ...très bien, merci. Alors, je vais céder la parole. Adressez-vous à moi s'il y a un problème, puis...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Nichols) : Bien, ça doit être des échanges un petit peu plus cordiaux. Merci, M. le ministre.

M. Drainville : Bien, Mme la Présidente, si vous me permettez, là, je ne suis pas sûr que vous étiez au courant de ça, puis je ne suis pas sûr que les gens qui nous écoutent sont au courant de ça. Mais Équiterre, là, c'est le groupe qui a fait paraître, qui a publié ce qu'il a mis sur une grosse pancarte le long de la 20 dans mon comté. Un beau...

La Présidente (Mme Nichols) : M. le ministre, je ne pense pas que c'est le propos, non...

M. Drainville : ...je pense que c'est pertinent parce que vous parlez du ton...

M. Viau (Marc-André) : Je l'ai... je l'ai mentionné dans mon allocution tantôt.

M. Drainville : ...on ne te lâchera pas avec les GES...

La Présidente (Mme Nichols) : M. le ministre.

M. Drainville : ...Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Nichols) : Oui. M. le ministre...

M. Drainville : ...vous parlez d'échanges cordials, est-ce que vous pensez que de vous faire mettre une pancarte...

La Présidente (Mme Nichols) : OK. M. le ministre. Votre micro est fermé. Donc, écoutez-moi, là, on est... on ne reviendra pas sur une pancarte ou... non. L'objectif aujourd'hui, là, le groupe est ici pour parler de la réduction des cibles de GES. Chacun son opinion. Vous avez peut-être des différends dans le passé, on ne les ramènera pas ici aujourd'hui. Il y a un temps qui leur est accordé, donc je vous demanderais de rester sur le sujet s'il vous plaît, puis d'avoir des échanges...

M. Drainville : ...le sujet c'est le dialogue, le sujet c'est le dialogue. M. Viau a commencé son... sa présentation en disant : On aimerait ça pouvoir dialoguer. Ils ont envoyé à leurs membres : «Écrivez Bernie en commentaire et on vous enverra le lien...»

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien.

M. Drainville : Bien, oui. Mme la Présidente. Je veux bien dialoguer, je veux bien dialoguer, mais le dialogue se fait dans le respect et envoyer aux membres d'Équiterre : «Écrivez à Bernie», moi j'ai trouvé que ça manquait de respect.

La Présidente (Mme Nichols) : Bon, très bien. Merci. Là, je vais rouvrir le micro, mais je vais demander à ce qu'il y ait des échanges en lien avec les consultations du jour. Merci.

M. Drainville : Est-ce que vous êtes d'accord, que ça manquait de respect, «Écrivez Bernie»?

M. Viau (Marc-André) : Je ne suis pas responsable des communications, je suis ici...

(Interruption)

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Il y a une réponse à votre question. Veuillez, s'il vous plaît, continuer les échanges en lien avec la réduction des cibles de GES au Québec.

M. Drainville : Alors, vous disiez, M. Viau, qu'en 2015, vous aviez pris une position puis vous vous ne vous voyez pas aller en dessous de cette position-là. En 2015, vous proposez aussi une taxe de 7,6 % sur l'achat de véhicules neufs. Est-ce que c'est encore votre position?

M. Viau (Marc-André) : En 2015, je n'étais pas chez Équiterre.

M. Drainville : Vous proposiez une taxe annuelle de 188 $ sur les véhicules de 10 ans et plus. Est-ce que c'est encore la position d'Équiterre, pas la position de M. Viau, la position d'Équiterre?

M. Viau (Marc-André) : Bien, est-ce que tu... bien, si vous voulez qu'on échange sur les positions d'Équiterre, moi, je vous l'ai dit, ça me fera plaisir qu'on se rencontre à l'extérieur du cadre de l'Assemblée nationale pour qu'on puisse échanger sur l'ensemble de nos positions. Je pense qu'ici on est là pour parler de la cible. Si vous voulez revenir sur la cible, moi ça me fera plaisir de parler de la cible. Maintenant, sur la question des véhicules. On a proposé plusieurs solutions, notamment la redevance-remise pour permettre au gouvernement de continuer d'encadrer la vente de véhicules électriques tout en diminuant les véhicules à essence qui sont sur le marché. Mais ça, ça fait partie des positions qu'on a depuis longtemps, là, aussi.

• (15 h 20) •

M. Drainville : Écoutez, on va prendre en considération votre position. Équiterre c'est un organisme qui, à mes yeux, est un pionnier dans la cause environnementale au Québec. Je... donc, je respecte votre position, puis Équiterre c'est un... c'est un nom, c'est une appellation qui incarne, à mon avis, oui, une crédibilité. Je pense que j'ai exprimé mon point de vue sur votre campagne, que vous ne désavouez pas par ailleurs. Je comprends que vous n'êtes pas responsable, mais vous ne la désavouez pas. Alors, je dirais que cette campagne-là n'a certainement pas fait grandir votre crédibilité à mes yeux. Mais je n'ai pas le choix que de reconnaître qu'Équiterre, ça été un organisme qui a été un leader dans la cause environnementale au Québec. Et puis... donc, je... je prends en considération vos réflexions, et puis je nous souhaite bon succès pour la suite.

M. Viau (Marc-André) : J'apprécie vos propos, M. le ministre. Je suis là pour parler des GES on ne s'en cache pas. On va continuer de collaborer avec le gouvernement sur plein de projets, comme on le fait avec les institutions, avec les hôpitaux, avec les écoles.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Sur ces belles paroles, le temps est écoulé. Je vais céder la parole à Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce. 9 minutes 20 secondes.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente. Et merci à vous pour votre présence, votre présentation et votre mémoire. D'ailleurs, revenons sur la... la situation avec les États-Unis, parce que le ministre parle beaucoup de ce qui se passe aux États-Unis, les actions, les impacts du gouvernement...

Mme McGraw : ...et vous, vous caractérisez ça. Dans votre mémoire, vous dites : «On souhaite rappeler que l'affaiblissement des protections environnementales — climatiques, hein — et la diminution de l'ambition dans la lutte aux changements climatiques ne compenseront pas par... pour — et je cite encore — le sabotage économique présidé par les États-Unis.» J'aimerais vous entendre davantage là-dessus. Je pense que ça va aussi vous donner une chance de répondre à des propos du ministre. Et est-ce que, dans votre réponse, vous parlez aussi d'un... des avantages de... d'avoir... On a parlé au secteur du ciment, qui sont en train de décarboner, que ça peut être un avantage compétitif vis-à-vis certains marchés. Et je suis d'accord, en tant que porte-parole, non seulement changements climatiques mais commerce, qu'il y a une incongruité entre : on nous dit, bien, on est en train de diversifier nos marchés et, en même temps, on se colle sur les États-Unis dans nos propos. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Viau (Marc-André) : Bien oui, je veux dire, on l'entend, on l'a entendu de la part du gouvernement, ici, à Québec, mais également d'autres gouvernements qui ont... le gouvernement fédéral, notamment, qui a mis en place un projet... une loi, la loi Bâtir le Canada, C-5, laquelle consiste essentiellement à contourner des lois environnementales, notamment la Loi sur les espèces en péril, pour des logiques économiques. Or, comme je l'ai dit un peu plus tôt, l'utilisation... ou utiliser l'environnement comme une échappatoire aux logiques économiques qu'on ne contrôle pas ne produira pas les résultats qui sont escomptés. Donc, ça, c'est un problème.

Vous avez parlé des industries, vous avez parlé de l'importance pour les industries d'avoir un cadre qu'on peut prévoir, pour les investissements. Donc, il y a les cimenteries qui étaient là, il y a également plusieurs fabricants de véhicules qui sont mécontents aussi de l'affaiblissement de la norme sur les véhicules zéro émission ou de la mise sur glace de celle qui a été faite aussi à Ottawa. Je ne sais pas si mon collègue veut rajouter des informations par rapport à ça.

M. Têtu (Charles-Édouard) : Bien oui, écoutez, vous nous avez demandé un exemple, par exemple, de secteur, là, qui pourrait en ressentir les bénéfices. Bien, il y a celui de l'aluminium, qui est dans... qui est aussi un secteur, là, qui a été mentionné à plusieurs reprises par le ministre. Il y a quelques statistiques, ici, qui pourraient être, quand même, intéressantes. On parle quand même de 40 000 emplois, là, dans le secteur l'aluminium, actuellement, au Québec. Juste pour... à titre d'information, là, on demande à peu près d'une à trois tonnes d'aluminium dans chaque éolienne qu'on va pouvoir mettre sur le territoire. Ça, cet aluminium-là, si on souhaiterait avoir une bonne gouvernance énergétique, là, on le produirait au Québec, on le produirait aussi avec... de l'aluminium qui serait bas en carbone. Ça devient quand même intéressant aussi dans un rapport de productivité qui serait sur le territoire, qui amènerait des emplois au Québec, mais qui... aussi de développer un savoir-faire qu'on pourrait exporter, non seulement en Europe mais aussi aux États-Unis, puisqu'ils construisent des éoliennes aussi, là, donc, autant au Wisconsin qu'au Dakota du Nord, là.

Puis aussi, bien, justement, les véhicules électriques demandent plus d'aluminium que les véhicules à essence, on parle de 30 % à 50 % plus. Ça pourrait être une opportunité aussi pour le Québec, là, de voir son industrie participer à ce chantier-là.

Donc, il y a énormément de secteurs, là, j'ai pris celui de l'aluminium, je ne veux pas qu'on prenne tout le temps sur cette question, j'imagine que vous en avez d'autres, mais, par exemple, celui-là, qui semble être quand même cher, autant aux Saguenéens et au ministre, et on le salue pour ça, là, qui pourraient s'en sortir gagnants.

Mme McGraw : Merci. En parlant d'international, dans votre mémoire, vous parlez justement du fait que le Québec est reconnu pour son leadership climatique, et ça, tous gouvernements confondus, Parti québécois, libéral, même au début, avec la CAQ, ça a été un consensus. Nous, on se... Est-ce que vous partagez notre préoccupation qu'un recul, ça représenterait un bris avec ce consensus québécois, s'il y a un recul sur nos cibles?

M. Viau (Marc-André) : Bien, définitivement. C'est quelque chose qui nous distingue. Je pense que les... tous les élus ici présents ont une préoccupation particulière pour la nation québécoise et l'identité québécoise. Et de dire : Est-ce qu'on doit suivre les autres ou on doit choisir notre voie en tant que nation?, d'après moi, ça fait partie aussi de cette identité-là, cette identité-là, environnementale, qu'on s'est dotée au fil des ans, qu'on a aussi marquée économiquement en faisant le choix de l'hydroélectricité à la fin des années 50 et début des années 60. Donc, ça fait partie de ce qui est important. On le note, on le souligne dans le mémoire. Le ministre...

M. Viau (Marc-André) : …on en a parlé tantôt, est-ce que ce ne serait pas important de souligner l'importance du marché du carbone? On le fait à de multiples reprises, on a même proposé un projet cette année au gouvernement du Québec, au... au ministère de l'Environnement pour la COP, pour aller parler du marché du carbone, pour faire rayonner ce marché du carbone là sur la scène internationale. Malheureusement, le projet n'a pas été retenu, mais ce n'est pas grave, il y a d'autres projets qui ont été retenus. Donc, l'important... donc on n'hésite pas à le mentionner, c'est même marqué dans le, ça me surprend d'ailleurs que le ministre ne l'ait pas souligné, c'est marqué dans le mémoire qu'on dit : Félicitations pour avoir rejeté GNL, félicitations pour avoir embarqué dans BOGA, félicitations pour avoir interdit par voie législative l'exploration et l'exploitation du pétrole et du gaz. Toutes des belles choses qu'on a dites dans notre mémoire.

Mme McGraw : Oui, effectivement, à la page numéro six, vous notez tout ça. Alors, pour revenir au marché de carbone, qui n'est pas une taxe carbone, ce n'est pas la même chose, c'est une mesure écofiscale qui n'est pas une taxe carbone, le marché. Soyons clairs là-dessus. La Californie, si je comprends bien ce que vous proposez en termes de cible qu'on se colle plus à la Californie, qui redouble ses efforts malgré le président Trump, notre partenaire dans ce marché-là qui a révisé à la hausse leur cible à 40 % d'ici 2030 et une feuille de route vers la carboneutralité d'ici 2045. Si je comprends bien, c'est ce que vous proposez effectivement pour le Québec, est-ce que c'est bien ça?

M. Têtu (Charles-Édouard) : Bien oui, effectivement, puis s'accoler à la Californie, là, c'est bon pour tout le monde, en fait, c'est bon pour Équiterre, là, on est assis ici, on souhaite avoir des cibles ambitieuses, on souhaite aussi les partenariats, mais ce serait bon aussi pour l'ensemble du gouvernement, l'ensemble de l'économie québécoise. On en a parlé tout à l'heure, mais c'est moi même qui l'a mentionné, ça nous prend de la prévisibilité pour les investisseurs, les entreprises. Il faut savoir ce qui s'en vient. La Californie a envoyé un signal clair et dans le SB 840, là, qui est le règlement qu'ils ont adopté à cet égard, c'était l'argument fondamental, c'était ça nous prend de la prévisibilité.

Je pense que le Québec pourrait s'inspirer de la quatrième plus grosse économie au monde, en fait, là, pour prendre ses décisions, je pense qu'on n'aurait rien à y perdre, ça pourrait être un bon modèle à prendre. Et puis je réitère que la Californie a fait preuve d'une excellence dans sa saine gouvernance. On a dépolitisé comment est-ce qu'on gérait les profits du marché du carbone qui vont croître, on a fait en sorte qu'on allait appuyer directement le portefeuille des Californiennes, des Californiens, en les aidant à avoir accès à de l'énergie propre, nous, on a déjà ça ici. Qu'est-ce qu'on pourrait faire? Peut-être réduire le fardeau qu'il y a, par exemple, sur la facture d'hydroélectricité à la fin du mois des Québécois et des Québécoises qui, eux, doivent payer, en fait, pour que le Québec fasse venir des grandes entreprises énergivores. Peut-être qu'on pourrait accorder cette pause-là aux Québécois et Québécoises que la CAQ cherche à attribuer à travers une gestion du fonds qui serait adéquate et non pas l'investir dans le Fonds des générations.

Mme McGraw : Bien justement, ce n'est pas vraiment le Fonds des générations. Soyons clair que c'est vraiment pour s'attaquer à la dette fiscale, qui est une bonne chose, mais ce qu'on fait, c'est qu'on déplace le problème vers une dette climatique, on se comprend bien. Donc, sur le fond, vous proposez que la Fonds... que le contrôle soit retiré du contrôle gouvernemental, un organisme indépendant. D'ailleurs, après la période pilote de ce fonds-là, le gouvernement libéral avait proposé des réformes au gouvernement qui n'ont jamais mises été en place par le gouvernement de la CAQ. Parlez-nous plus de ce... de cette réforme de gouvernance du Fonds.

• (15 h 30) •

M. Têtu (Charles-Édouard) : La réforme serait un petit peu, en fait là, présentement, elle serait à s'accoler, en fait, à ce que fait la Californie. Puis de la saine gouvernance, c'est quelque chose qu'Équiterre demande, là, depuis avant même que j'y arrive, là. Donc, on l'a demandé, par exemple, dans la définition du projet de loi 69 sur l'énergie, le PÉGIR ne devrait pas être géré par le gouvernement ou par... ça devrait être une entité indépendante qui s'assure de c'est quoi nos besoins, puis comment on y répond. C'est la même chose avec le fonds d'électrification. C'est quoi les besoins, par exemple, pour subvenir aux besoins des sociétés de transport? C'est quoi que les Québécois et les Québécoises ont de besoin pour se déplacer, réduire le nombre de kilométrages, par exemple, quand on se déplace en auto, qui sont énergivore et qui vont à l'encontre du concept de sobriété. Il y a énormément de choses qu'on pourrait faire pour dépolitiser l'action climatique et s'assurer qu'on obtient des résultats et ça, la Californie, c'est ce qu'ils ont réalisé et c'est ce qu'ils sont en train de mettre en œuvre. Et je pense, encore une fois, et je vais le mentionner une deuxième fois, je veux vraiment que ça soit bien compris, c'est la quatrième plus grosse économie au monde. Je pense que, si on se dit que la quatrième plus grosse économie au monde fait quelque chose, on pourrait peut-être un petit peu s'en inspirer.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Merci, je suis désolé de vous interrompre.

M. Têtu (Charles-Édouard) : Il n'y a pas de problème.

La Présidente (Mme Nichols) : Mais c'est pour céder la parole au député de Taschereau.

M. Grandmont : Oui, merci beaucoup. Merci, madame la Présidente. Merci à vous deux, puis merci à Équiterre pour le travail que vous faites aussi, très rigoureux, puis un travail de sensibilisation, puis de mobilisation citoyenne aussi, qui est immense, n'en déplaise à certaines personnes, c'est très efficace et c'est très utile dans la société québécoise. On n'a pas beaucoup de temps, mais j'aimerais aborder deux points. La première... la première chose, c'est la question des marchés. Vous avez... vous avez réitéré, là, à plusieurs reprises qu'effectivement la Californie est...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Grandmont : ...un immense marché économique d'un partenaire et on aurait tout intérêt à s'y coller. L'Europe, même chose, on en a parlé tantôt, un peu plus mineur, disons, dans nos relations actuelles, mais en augmentation assez grande, 25 point quelques... presque 26 % d'augmentation des exportations vers l'Union européenne au premier semestre de 2025. D'ailleurs, il y a une stratégie québécoise d'augmentation des partenariats économiques avec l'Europe. Est-ce que vous pensez qu'on a tout intérêt à se coller à ces pays-là pour être prêts pour la transition ou l'économie carbone neutre qui viendra de toute façon, ou plutôt prendre un pas de recul

puis attendre, tu sais, prendre le train en marche, mais plus tard?

M. Têtu (Charles-Édouard) : Assurément. Écoutez, là, je pense que c'était... c'était pas mal une des choses qu'il fallait retenir de notre intervention, c'est que, pendant qu'il y a du monde qui avance, les investissements se dirigent là bas.

En fait, 2024, c'est la première année où les investissements en énergies renouvelables ont dépassé celles des industries faciles à l'échelle de la planète. Je pense que ça, ça nous envoie un petit peu un signal sur vers quoi on s'en va. Et puis si on prend du retard, si on est un petit peu en réaction à tout ça, bien, je vais vous avertir tout de suite, c'est les pays comme la Chine qui elle investit massivement là-dedans qui vont se retrouver avec cet avantage économique là. Déjà que c'est difficile de compétitionner avec ce genre d'État, s'ils se réattribuent, en fait, cette volonté d'avoir ces investissements-là, ils vont les obtenir. Donc effectivement, c'est comme... comme dirait ma mère, c'est un «no brainer» d'aller vers l'avant et d'aller chercher vers où s'en va l'argent. Il faudrait la suivre si on veut avoir des investissements de qualité.

M. Grandmont : L'autre question concerne...

M. Viau (Marc-André) : ...

M. Grandmont : Ah! oui. Allez-y, allez-y

M. Viau (Marc-André) : Juste préciser, il a dit «no brainer» parce que sa mère est anglophone.

M. Grandmont : Donc, l'autre question porte sur l'état de mobilisation citoyenne. M. le ministre l'a dit... l'a répété à plusieurs reprises, il a peur que, si la cible n'est pas atteinte, ça risque d'être démobilisant pour la société québécoise, les entreprises, les citoyens et citoyennes. Vous suivez la population, vous voyez les sondages, est-ce que vous nous avez à nous dire sur l'état de mobilisation actuellement des citoyens. Qu'est-ce qu'ils veulent en fait qu'on en fasse?

M. Viau (Marc-André) : Bien, les citoyens veulent qu'on fasse des choses pour eux, qu'on ait des services publics, notamment transports collectifs. Ils veulent qu'on s'assure que leurs collectivités soient résilientes aussi. Donc, on a parlé beaucoup de cibles. Je sais que la ministre a une attention aussi particulière à l'adaptation. Donc, là-dessus, je suis... on est aussi disposés à échanger et à travailler conjointement avec les élus de l'Assemblée nationale sur les enjeux d'adaptation.

Les gens reçoivent les impacts des changements climatiques. Donc oui, de plus en plus, ils sont impactés, que ce soit psychologiquement parce que c'est quelque chose de subir les impacts des changements climatiques. Financièrement, les municipalités également sont affectées financièrement et donc les gens sont mobilisés.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Je cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous pour votre présentation, pour les échanges, les mémoires, et évidemment je vais continuer sur la question de la mobilisation parce que je voudrais savoir ce que vous pensez de l'argument du ministre qui dit essentiellement : Ça va être plus facile de mobiliser les gens si l'objectif est atteignable à ses yeux. Donc, il faudrait réduire nos ambitions pour se donner une chance de les atteindre, comme ça, ça va encourager les gens d'embarquer. Je le paraphrase.

M. Viau (Marc-André) : Bien, je ne suis pas convaincu. Pour mobiliser les gens, il faut faire appel à une émotion souvent, hein? Et pour faire appel à une... les émotions peuvent être négatives, peuvent être positives. Moi, je pense... et on est d'avis, chez Équiterre, qu'il faut faire appel à l'espoir. L'espoir de bâtir un monde meilleur, l'espoir d'être capable de lutter contre ces changements climatiques là, l'espoir d'être capable de construire des sociétés plus, plus résilientes. Donc ,à mon avis, donner de l'ambition et donner des objectifs, et c'est aussi souvent que les élus vont faire, mettons, dans des campagnes électorales, de faire rêver, de... Donc, on est aussi dans ces... dans ces objectifs-là. Et c'est en faisant rêver et c'est en donnant de l'espoir qu'on est capable de mobiliser les gens.

M. Arseneau : Mais vous parlez aussi... Tu sais, il y a la mobilisation d'une part, mais vous identifiez très clairement le rôle du gouvernement comme étant celui de légiférer puis de réglementer. Et puis il y a des gens... Évidemment, il y a un courant qui dit il ne faut pas trop pousser, là, le bouchon parce que les gens vont réagir négativement. Votre point de vue là-dessus.

M. Têtu (Charles-Édouard) : Bien, en fait, tu sais, on le mentionne dans le mémoire, c'est que ça nous prend en fait des changements qui sont structurels, et c'est difficile en fait de mettre en place ce genre de changements là si on n'a pas un leadership assumé de la part de l'État. C'est lui qui a les outils, que ce soit son administration publique, que ce soit son influence, sa légitimité pour faire adopter des changements à la population.

Nous, chez Équiterre, on essaye ça depuis 1993. On a fait notre part de chemin, je pense, puis on continue de le faire à tous les jours. Après ça, lorsque l'État...

M. Têtu (Charles-Édouard) : ...dégonfle, c'est difficile d'aller chercher cette mobilisation-là. Donc, effectivement, si on souhaite avoir de... faire de meilleurs choix collectifs, si on souhaite atteindre nos objectifs, ça passe par une volonté politique, ça passe par un État qui démontre aux gens que c'est possible. Ça ne part pas de l'objectif, ça part de si l'État est prêt, puis même si, par exemple, la cible est à 45 puis on arrive à 43, au moins, on a essayé de faire quelque chose à la place de dire : bon, bien, finalement le réchauffement de 1.5, ça n'a pas marché, on va tomber à 2. Ça ne marche pas comme ça, ça ne fonctionne pas comme ça. Il faut que l'État fasse part de... de l'action.

M. Viau (Marc-André) : Il n'y a aucun groupe, il n'y a aucun politicien qui veut écœurer les gens. On veut les aider, on veut trouver des solutions, on veut sensibiliser, on veut informer et on veut rallier les gens pour embarquer dans de l'action collective.

M. Arseneau : Ce qui semble se décider... de se dessiner, c'est-à-dire, depuis qu'on en parle, depuis deux jours, là, c'est que l'objectif de 37,5 de réduction va demeurer, parce qu'il faudrait changer la loi pour faire autrement, mais qu'on le reporterait dans le temps, parce que la loi n'oblige pas que ce soit atteint pour 2030. Si on en arrive à une décision comme celle-là de la part du gouvernement, votre réaction?

La Présidente (Mme Nichols) : En quelques secondes.

M. Viau (Marc-André) : Vous êtes... vous êtes responsable de prendre ces décisions-là. Je vais vivre avec, et les Québécois vivront avec les conséquences.

M. Arseneau : ...un recul, c'est une bonne décision?

M. Viau (Marc-André) :  Ce n'est pas une avancée.

M. Arseneau : Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci, merci beaucoup de votre présence. Merci de votre exposé et des échanges... votre contribution aux travaux de la commission. Je vais suspendre quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 38)

(Reprise à 15 h 44)

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, on reprend les travaux. Bonjour. Je souhaite la bienvenue à la représentante de l'Association québécoise des médecins pour l'environnement. Bonjour, Mme Clermont. Alors, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter, bien que j'ai pris un peu d'avance, et à commencer votre exposé.

Mme Clermont (Patricia) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je m'appelle Patricia Clermont, je suis docteure en communication, donc, pas médecin, mais je suis l'organisatrice et la porte-parole de l'Association québécoise des médecins pour l'environnement, l'AQME, et je suis heureuse d'être devant vous, même invitée à courte échéance, pour vous présenter notre mémoire, auquel ont aussi contribué la présidente de l'AQME, la Dre Claudel Pétrin-Desrosiers, et deux membres très actives de notre association, la Dre Eve Riopel, pédiatre, et la Dre Johanne Elsener, médecin vétérinaire de formation, mais aussi très impliquée en santé humaine et environnement.

Notre propos est simple, la crise climatique traverse toutes les crises que nous traversons collectivement, et c'est aussi une crise de santé, ce qui est vital. C'est pourquoi notre neuvième recommandation, qui devrait être en fait la première, est la suivante : Que le gouvernement du Québec présente le respect et l'atteinte des cibles d'une trajectoire climatique ambitieuse comme un objectif visant l'amélioration de la santé des gens.

Ce faisant, la trajectoire que propose le Comité consultatif sur les changements climatiques, que nous soutenons par une recommandation aussi, devient une trajectoire pour améliorer la santé environnementale et humaine, mais aussi la santé de nos finances publiques et de notre économie. Et, pour réaliser cette trajectoire, il faut maintenir la cible de réduction des gaz à effet de serre à au moins 37,5 % pour 2030. C'est aussi l'une de nos recommandations.

Les gens au Québec sont prêts. Rappelons qu'un récent sondage Léger, avec une méthodologie solide, a établi que 81 % de la population québécoise est prête pour l'action climatique. Et ce sondage n'est pas isolé, il rejoint en d'autres... il en rejoint d'autres, en fait, au Québec, dans les toutes dernières années, de même que d'autres à travers le monde, comme le 89 % Project du média britannique The Guardian le démontre, établissant que 79 % à 89 % de la population à travers le monde veut de l'action climatique.

Notre mémoire met aussi en évidence des données qui montrent que les politiciens et les politiciennes sous-estiment constamment à quel point les gens sont prêts à financer des mesures climatiques. Car de plus en plus de gens au Québec et ailleurs le réalisent : ce qui nous coûtera le plus cher, c'est l'inaction et les reculs climatiques, en coûts de santé et en coûts d'infrastructures, notamment, avec aussi des retards en termes de mobilité durable, de perturbation des secteurs économiques comme la construction et l'agriculture, par exemple, à cause des effets des changements climatiques de plus en plus fréquents, intenses et perturbateurs. De plus en plus de gens au Québec et ailleurs réalisent aussi que l'environnement conditionne la santé humaine et que les problèmes de santé aussi nous coûtent cher...

Mme Clermont (Patricia) : ...malheureusement, notre travail approfondi sur la qualité de l'air nous amène à déplorer que le document de la présente consultation produit par le ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs est négligé d'évaluer les avantages économiques liés à l'amélioration de la qualité de l'air, un co-bénéfice de la réduction des gaz à effet de serre. À notre avis, ces avantages devraient, au contraire, être au cœur des motivations du gouvernement dans la lutte contre les changements climatiques. Parce qu'au Québec seulement, Santé Canada estime que chaque année, la pollution atmosphérique cause plus de 4000 décès prématurés et qu'elle engendre des coûts sociaux sanitaires qui dépassent les 34 milliards de dollars. Les effets sur la santé sont de mieux en mieux compris et immenses, des maladies cardiovasculaires, des maladies pulmonaires, des problèmes endocriniens, des maladies rénales et j'en passe.

Le fardeau financier associé à la chaleur, par ailleurs, s'élève à 15 millions de dollars en termes de soins de santé, à 5 milliards de dollars en termes d'absentéisme et à 3,6 milliards en pertes intangibles des décès de l'atteinte au bien-être. L'Institut national de santé publique du Québec a évalué que chaque augmentation de 1°C de la température estivale quotidienne maximale entraîne une augmentation d'environ 40 % du nombre de réclamations quotidiennes à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité au travail pour accidents de travail. L'INSPQ et Ouranos par une étude en 2015, déjà, révélaient que les coûts additionnels attribuables aux changements climatiques des allergies saisonnières grimperont à 70 à 86 milliards de dollars par année d'ici 2065 au Québec. Pour 2019 seulement, la facture des inondations pour le gouvernement québécois a été de 458 millions de dollars. Enfin, une étude américaine rapporte aussi que si tous les déplacements automobiles de moins de 8km se faisaient par transport alternatif, cela résulterait en des bénéfices sanitaires net annuels estimés à environ de 5 à 8 milliards de dollars américains pour 11 villes métropolitaines.

Il va sans dire que nous déplorons avec les autres membres de TRANSIT, l'Alliance pour les financements du transport collectif, dont nous faisons aussi partie, que la dernière mise à jour économique ne comprenne ou ne sache pas ses potentiels immenses pour une mobilité durable et une meilleure santé pour tout le monde. À l'AQME, nous sommes déjà à l'œuvre de conjuguer santé, climat et carboneutralité. Nos membres s'illustrent dans leur milieu de soins pour mettre en œuvre des initiatives de réduction de l'empreinte environnementale de leurs pratiques cliniques, tout en protégeant la qualité des soins. Ils sont également engagés dans la société à différentes échelles communautaires, institutionnelles, médiatiques à titre d'experts. Nous faisons partie de coalitions qui plaident et proposent des façons de réduire les émissions de GES dans différents secteurs, dans les transports collectifs, mais aussi dans... au niveau du gaz et des énergies. Nous avons aussi une communauté de pratiques pour des soins écoresponsables et la décarbonation du secteur de la santé soins, Propulsion Écosoins, que je coordonne avec des cliniciens et des professionnels de la santé profondément engagés à réaliser le potentiel de réduction des GES de leur secteur de pratique d'au moins 3,6 %, ce qui est possible. Ils et elles savent aussi que ces réductions vont de pair avec des économies d'argent aussi substantielles, et surtout, cohérentes avec le fait de soigner les gens avec des produits et des pratiques qui soient profitables à la santé de l'environnement. D'ailleurs, 39 d'entre eux et elles ont déploré en mars dernier, dans une lettre au ministère de la Santé et à Santé Québec, le virage écologique manqué dans le plan de transformation du ministère.

• (15 h 50) •

Je vais passer rapidement sur le fait, mais quand même, pour souligner que le Centre hospitalier de l'Université de Montréal s'est doté d'un objectif de carboneutralité, et que le Centre universitaire de santé McGill a annoncé un plan de décarbonation de ses bâtiments. Ce type d'initiative devrait être la norme et non l'exception dans le réseau. Et ce qu'on veut à l'AQME et à Propulsion ÉcoSoins, c'est que le Québec suivre l'exemple de certains pays à travers le monde, comme l'Angleterre, qui a entrepris avec succès des démarches responsables à ce sens, car nous avons au Québec le savoir et le vouloir pour faire de même. Les données scientifiques sont claires. L'action climatique a des effets bénéfiques sur notre santé. Elle offre la possibilité d'améliorer la santé humaine et de réduire les disparités de santé partout au Québec. Si nous luttons efficacement contre les changements climatiques, si nous améliorons la qualité de l'air et si nous conservons nos espaces naturels afin de protéger la biodiversité, nous avons une occasion inégalée d'améliorer la santé des gens et d'offrir une meilleure qualité de vie à tout le monde. Et cela, c'est aussi prendre soin de l'économie et des gens qui travaillent, sans oublier les gens et les communautés plus vulnérables. 81 % de la population québécoise est prête pour l'action climatique. Cela commande un plan ambitieux, pertinent, cohérent et...

Mme Clermont (Patricia) : ...qui commande aussi une planification à travers les secteurs de la société, comme le recommande le Comité consultatif sur les changements climatiques. Alors que le gouvernement fédéral annonce aujourd'hui un changement de cap environnemental des plus inquiétants, ce n'est pas le temps de décourager les Québécois et les Québécoises, c'est au contraire le temps de les engager dans une trajectoire climatique et de santé qui nous permettra de tout... traverser, pardon, collectivement et en santé.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci, Mme Clermont, pour votre exposé. Nous allons débuter la période d'échange avec M. le ministre pour un bloc de 15 min 30 sec.

M. Drainville : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, Mme Clermont. Vous dites, vous citez un sondage Léger, je crois, que vous avez dit? 81 % de la population québécoise qui est prête pour l'action climatique. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi que c'est un 81 % qui est, oui, qui est très élevé, mais qu'il faut moduler selon l'impact qu'aura cette stratégie climatique sur leur quotidien. En d'autres mots, dans l'absolu, oui, on est favorables, mais si on commence à devoir assumer les coûts, si on commence à devoir faire des sacrifices, notamment économiques, en matière d'emploi, sacrifices financiers. Un peu comme le «pas dans ma cour», hein, on observe ça, parfois, dans l'absolu, on est favorables, mais dès que ça nous touche dans notre quotidien, là, oh attention! Est-ce que... vous n'êtes pas d'accord avec moi pour dire que les Québécois vont rester mobilisés pour l'action climatique si on est capables de bien doser cet effort-là pour faire en sorte qu'ils ne sont pas pénalisés sur le plan économique, sur le plan de l'emploi, sur le plan financier?

Mme Clermont (Patricia) : Ça fait 20 ans que je travaille en environnement, que je suis engagée, et ce que je vois, et encore plus ces temps-ci, ce qui décourage les gens, ce qui les rend cyniques, c'est quand ils voient leurs efforts complètement désarticulés puis contradictoires. Je pense que les gens sont prêts pour des actions climatiques coordonnées, surtout quand ils savent comment ça va se passer, à quoi ça va servir, ce que ça va entraîner. J'en suis témoin, à l'AQME, ça fait quatre ans que mon poste a été créé, je suis toujours plus débordée par des médecins, des professionnels, mais aussi des citoyens qui nous disent, en fait, que les sacrifices... Bien, premièrement, il faut se dire aussi que tout ce qu'on pouvait faire de plus facile, on l'a fait. Évidemment, on arrive aux choses plus difficiles, mais les gens qui viennent et qui sollicitent l'AQME perçoivent très bien, aussi, que, en fait, il y a beaucoup de bénéfices, d'écobénéfices, de santé, d'économie et de qualité de vie qui vont avec des changements, puis des changements, ce n'est pas toujours des sacrifices, surtout quand on peut exprimer puis expliquer l'écobénéfice, et les économies pour le système de santé sont loin d'être négligeables, et ça aussi, les gens y sont de plus en plus attachés.

M. Drainville : Je n'en doute point. Je... je suis tout à fait d'accord avec vous que les gens sont de plus en plus conscients des effets, des conséquences du réchauffement, pas juste des événements météorologiques extrêmes, mais aussi l'impact que ça a sur la santé humaine. J'adhère à ça complètement. Mais... est-ce que vous êtes d'accord avec moi que de faire... d'avoir fait la moitié du chemin entre 1990 et 2022, puisque ce sont les dernières données, donc ce -19 % d'émissions de GES qui a été réalisé en 2032 démontre que l'autre moitié du chemin que nous devrons faire en quatre ans est un objectif extrêmement ambitieux. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi que c'est extrêmement ambitieux? Et je vous pose même la question : est-ce que vous croyez que c'est réaliste de penser qu'on va réaliser en quatre ans ce qu'on a mis 32 ans à réaliser?

Mme Clermont (Patricia) : Bien, à mon sens, il me semble que ça fait juste de 12 à 15 ans qu'il y a une vraie action climatique coordonnée, ça fait que je pense que c'est là qu'on a... consolidé la réduction.

M. Drainville : Alors, disons 12 ans, prenons votre chiffre, disons 12 ans, on a fait la moitié du chemin en 12 ans, là, il faut faire l'autre moitié en quatre ans. Est-ce que vous jugez que c'est réaliste?

Mme Clermont (Patricia) : Moi, je pense que c'est réaliste, surtout avec un plan coordonné. Je prends juste pour exemple la dernière grève des transports en commun, puis, en fait, généralement, parce que comme je vous dis, ça fait longtemps que je travaille en environnement. Les gens sont prêts à prendre du transport collectif pour autant qu'il y en ait. Mais on voit très bien, par exemple, par la publicité, par les investissements des compagnies qui ont... qui ont trait avec les énergies fossiles, aussi, qu'en fait, ce qu'on nous promeut souvent, c'est la... cette voie-là qui n'est... qui n'est pas contrebalancée par des investissements conséquents et...

Mme Clermont (Patricia) : ...tout pérennes, par exemple, pour que des transports collectifs soient développés à travers le territoire québécois. Alors moi, ce que j'entends souvent, c'est que les gens, ils veulent faire des efforts. Ils sont conscients que ça ne sera pas toujours facile. Ils savent aussi que ça prend un certain temps à s'adapter. Puis au terme de ça, ce qu'on entend, nous, puis c'est ce pour quoi on est de plus en plus débordé aussi, en fait, c'est que les gens, ils perçoivent que ça vaut la peine de changer des habitudes.

M. Drainville : Alors, je suis d'accord avec vous que si on offre davantage de transport collectif, il y aura davantage de gens qui seront susceptibles de le prendre. Mais en même temps, je ne sais pas si vous avez entendu ça un peu plus tôt aujourd'hui, là, je disais à quel point les investissements en transport collectif ont beaucoup, beaucoup augmenté, là. C'est massif, ce que nous avons investi en transport collectif. On a plus que doublé les investissements en transport collectif. Depuis 2018, 12 milliards qui ont été investis pour moderniser, électrifier, rendre le transport collectif plus accessible partout au Québec, etc. Je veux dire, de loin, de loin, de loin, la période où il s'est investi le plus d'argent en transport collectif, c'est les cinq, six ou sept dernières années, de très loin. Et vous comprenez qu'il y a une limite à un moment donné à la capacité de payer du contribuable.

Puis quand vous nous dites : Les gens n'attendent que ça pour prendre le transport collectif, ils n'attendent qu'on leur en offre. Moi, je vous réponds : Bien, on a beaucoup investi dans le transport collectif et, à un moment donné, de continuer à investir davantage, ça implique nécessairement un coût, un coût financier en termes de taxes et d'impôts. Et c'est là que je trouve qu'il faut mettre dans la balance, pas juste le bénéfice, mais aussi ce que le citoyen est prêt à payer. Sa capacité de payer n'est pas infinie. Et il faut trouver cet équilibre-là. Et parfois, j'ai l'impression, quand je suis en discussion avec le mouvement environnementaliste, j'ai l'impression qu'il n'y a qu'une partie de l'équation qui est traitée, c'est-à-dire toujours plus, toujours plus, toujours plus. Mais à un moment donné il faut aussi prendre en considération que cet argent-là, il est durement gagné. Il provient des taxes et des impôts. Donc, il faut trouver cet équilibre-là. N'êtes-vous pas d'accord avec moi qu'il faut prendre en considération également? J'en reviens à l'effort citoyen, là.

Mme Clermont (Patricia) : Moi, ce que je sais, c'est qu'il y a un déséquilibre qui s'est fait il y a à peu près 35 ans entre les investissements routiers et la... et le transport collectif, puis qu'on ne l'a pas encore rattrapé. D'autre part, je veux juste souligner que l'AQME, c'est un groupe de santé et d'environnement, mais surtout c'est que si, dans les décennies futures, ça ne relève pas juste d'un gouvernement, là, mais si, par exemple, il y avait des investissements, des travaux qui se faisaient chaque année, que par exemple il y avait une station de métro, un nouveau réseau d'autobus qui sortait, qui devenait... qui devenait effectif chaque année, ça serait beaucoup plus facile, mais on serait engagé dans la mobilité durable, dans le cercle vertueux, puis avec la vélocité qu'on doit avoir en regard des changements climatiques. Alors, je pense que les gens sont prêts à payer en autant qu'ils reçoivent des services qui sont conséquents et performants.

• (16 heures) •

M. Drainville : Oui. Bon, enfin, comme vous le savez, on est déjà la population qui... qui paie le plus de taxes et d'impôts au Canada. Puis en Amérique du Nord, on est certainement parmi les... ceux qui ont un fardeau fiscal parmi les plus importants. Mais bref, refermons cette... refermons cette parenthèse.

J'aimerais ça qu'on parle un petit peu d'adaptation, parce que vous avez raison de parler de... de l'impact. Donc, l'impact est très, très, très contemporain, c'est très, très, très actuel, c'est très, très, très maintenant. On vit avec l'impact des changements climatiques. Et d'ailleurs je note, je fais une petite parenthèse, le Québec représente 0,16 % des GES sur la planète, 0,16 % de la planète. Alors, évidemment, il faut faire notre effort comme... comme on le souhaite pour les autres, mais on pourrait arrêter de produire tous les GES, on pourrait cesser de produire un atome de carbone ou une molécule de carbone, la situation de la planète continuerait malheureusement de se détériorer, la situation du réchauffement continuerait de se détériorer. Alors, encore une fois, je prends la peine de le dire et je le redis, il faut que le Québec continue de faire sa part puis il faut que le Québec reste un leader. Mais il faut aussi prendre acte du fait qu'on ne peut pas y arriver seul et qu'on dépend...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Drainville : ...aussi beaucoup, pour l'essentiel, de ce que les grandes puissances émettrices vont poser comme gestes. Et on souhaite qu'elles posent les bons gestes pour qu'on puisse finir par ralentir le réchauffement, puis éventuellement l'inverser.

Cela étant dit, une chose est certaine, les effets, les conséquences de ces GES se font déjà sentir, et ça... peu importe ce qui arrive maintenant, on sait qu'on est pris avec des conséquences qui vont s'alourdir, qui vont devenir de plus en plus graves. Et donc notre position, nous, c'est qu'il faut investir dans la stratégie climatique, il faut investir une part substantielle dans l'adaptation climatique pour aider les Québécois qui subissent ces changements climatiques. Quelle est votre réflexion, là-dessus, vous, dans le fond, l'équation : réduction versus... et les montants qu'on investit pour réduire les GES, versus la partie qu'il faut réserver dorénavant pour l'adaptation?

Mme Clermont (Patricia) : Bien, d'abord, je veux juste dire que le Québec est quand même un des endroits... même si on dit souvent qu'il paie plus de taxes qu'ailleurs, c'est un des endroits qui a traversé le mieux possible les crises des 20 dernières années, avec le modèle social qu'on a. Mais, d'autre part, surtout, c'est que, pour les médecins et les professionnels de la santé qui participent à l'AQME, et il y en a de plus en plus, consacrer des sommes à l'adaptation en cessant de lutter, c'est complètement aberrant.

M. Drainville : ...

Mme Clermont (Patricia) : Non, mais même en... Pour nous, en fait, réduire l'ambition, c'est déjà reculer, c'est déjà arrêter, parce que, justement, les changements climatiques ont des effets de plus en plus... qui ont de plus en plus de vélocité et d'impacts. Ça, ça veut dire, là, que... On vous donne un exemple, par exemple, ce qui... ce qui préoccupe vraiment beaucoup les membres de la communauté de pratique... soins, c'est qu'il y a 3,6 % de réduction des gaz à effet de serre qui pourraient être faits par le système de santé et des services sociaux, puis ce n'est pas... ce n'est pas vraiment concret en ce moment. Les gens essaient de faire avancer ça, mais ce n'est pas concret.

Mais pour eux, les soignants, en fait, ceux qui sont à l'AQME, ils veulent que, par exemple, vous arriviez dans leur cabinet et qu'ils soient rassurés le plus possible sur l'état de l'environnement dans lequel vous allez sortir. Ça, ça implique que, oui, il faut des sommes pour l'adaptation, puis il faut garder une ambition climatique qui est assez haute pour qu'on puisse peut-être même mitiger les effets des changements climatiques, qui ne vont pas s'arrêter.

Et puis je pense que c'est une question de signal, parce que, si on commence à réduire, même si ce n'est pas cesser, d'autres vont le faire, et, en fait, les effets vont juste être de plus en plus graves. En fait, quant à nos voisins américains, comme le rappelaient mes collègues d'Équiterre, il y a quand même au moins un État, mais ce n'est pas le seul, qui est très, très pesant, en termes d'économie et d'ambitions climatiques. Et je pense que c'est envers ce genre de collectivité là qu'il faut s'aligner, sur l'Europe aussi, en termes de pratiques de carboneutralité, pour que, par exemple, le 3,6 % de réduction de gaz à effet de serre qu'on pourrait avoir au Québec puisse s'additionner à d'autres 3,6 % de systèmes de santé à travers le monde. Merci.

M. Drainville : Je souligne, soit dit en passant, que la Californie, par habitant, produit plus de GES que le Québec, il ne faudrait jamais l'oublier, là, et que même s'ils atteignent leur cible, en 2030, ils vont produire plus de GES que nous. Ils seraient à 6,4, on serait 5,8. Actuellement, le Québec est à huit, et la Californie est à 10,2 tonnes par habitant. Je veux juste dire ça en passant. Mais le Québec est numéro un, je le rappelle, numéro un pour la quantité de GES produite, et on en est très fiers, puis on veut que ça continue, puis ça va continuer.

Mais la question sur l'adaptation, ce n'était pas de dire : On réduit le montant dédié à la stratégie. Prenons, par exemple, les revenus de la bourse du carbone, du SPEDE, mettons 1,5 milliard par année, bon, bien, est-ce qu'à l'intérieur de cette enveloppe-là, donc le résultat des enchères, hein, il y a quatre enchères par année, donc, on va chercher tout l'argent qu'on peut aller chercher avec la bourse du carbone... est-ce qu'à l'intérieur de ce montant de 1,5... est-ce qu'on pourrait décider d'en donner davantage, d'en investir davantage dans l'adaptation pour...

M. Drainville : ...aider nos citoyens. Alors, ça ne veut pas dire qu'on diminue l'argent dédié à la stratégie climatique, mais qu'il y a un déplacement pour aider nos citoyens qui ont des difficultés avec des inondations, qui ont des difficultés avec des berges qui sont frappées par la force des vagues, des gens qui sont affectés par les feux de forêt, etc., etc. C'était ça le sens de ma question.

Mme Clermont (Patricia) : En fait, il faut faire les deux. Oui, il faut mettre des sommes à l'adaptation pour les aider à passer à travers les effets puis à s'adapter à ces effets-là. Mais... aussi, par exemple, financer encore plus le transport en commun, un aménagement des villes qui favorise, en fait, le fait que les gens parcourent moins de kilomètres par automobile. Il faut aussi, justement, favoriser que, par exemple, les contrats d'approvisionnement des médicaments dans les... dans les hôpitaux soient les meilleurs possibles en termes d'émissions de gaz à effet de serre. Puis vous savez, en ce moment, ce n'est vraiment pas facile, là. Il y a des contrats dont il faut attendre le terme et le bon moment pour les renouveler, pour aller vers des produits qui sont les meilleurs. On a du mal à suivre même les recommandations de l'INESSS en ce moment, ce n'est pas partout à travers le Québec, mais il y a des gaz par exemple, comme le desflurane dont il faut sortir. L'INESSS l'a établi et ce n'est pas encore... c'est... en fait, nous, on essaie de répertorier là où c'est fait, là où c'est en voie de se faire, puis ce n'est pas clair du tout.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente. Et merci à vous pour votre présence. Et je tiens à souligner l'importance, évidemment, vous représentez l'Association québécoise des médecins pour l'environnement et le travail important des médecins en matière, ici au Québec. Et je pense que vous êtes très bien placée pour parler de l'impact. Le ministre parle beaucoup de l'impact humain puis on ne doute pas de sa sincérité, mais il parle surtout de l'impact humain en poids, etc., puis on regarde surtout côté coûts et moins gains. Mais je ne doute pas la sincérité au niveau des impacts humains. Donc, j'aimerais vous entendre plus sur l'impact humain. La santé mentale, entre autres. L'angoisse, l'apathie aussi, parce que lorsqu'on... on se sent impuissant. Ça devient de l'apathie, surtout chez nos jeunes. Est-ce que... Est-ce que l'antidote ce n'est pas l'action, ce n'est pas passer à l'action? Dans votre mémoire, vous parlez de la majorité de la population québécoise veulent plus d'actions climatiques, un 80 %. Est-ce qu'il y a un risque de démobilisation si on recule? Le ministre se... beaucoup d'une démobilisation, mais s'il y a un recul, est-ce qu'il y a ce risque-là, de démobiliser, mais aussi sur la santé mentale des Québécois, notamment les jeunes?

• (16 h 10) •

Mme Clermont (Patricia) : Vous savez, on se fait parfois questionner sur l'écoanxiété, puis nous, en fait, ce qu'on essaie de montrer par l'exemple, c'est l'écoémotion, en fait, d'être en action, justement. Puis je pense que les jeunes nous regardent. En tout cas, moi j'ai deux ados, puis c'est une de mes grandes... c'est un de mes grands moteurs, c'est celui de beaucoup de gens aussi, puis je pense qu'en fait ils sont... ça me surprend toujours de voir à quel point ils sont au fait de plein de choses, en fait. Puis on parle de santé mentale, mais par exemple, trop souvent depuis des décennies au Québec, la santé c'est... les problèmes de santé sont comme des dommages collatéraux du développement économique. Alors, par exemple, des situations comme ce qui se passe à Rouyn-Noranda par exemple, ou dans l'est de Montréal, parce que les gens déplorent des conditions des effets sur leur santé. Puis il n'y a comme pas de solution, il y a des normes qui sont abaissées pour favoriser les industries. Les jeunes nous regardent et souvent parce qu'ils se disent : C'est comment on va changer ça, nous autres? C'est eux, ils n'allument pas. Puis, nous, à l'AQME, bien, c'est sur ça qu'on allume en fait, c'est ce qui nous motive, c'est de pointer les secteurs où est-ce qu'on pourrait faire quelque chose, et où est-ce qu'en fait il faut faire quelque chose. Ça, pour nous, c'est une des manières concrètes d'agir pour améliorer aussi la santé mentale, en mobilisant pour l'action climatique à travers les secteurs. C'est pourquoi on fait partie de beaucoup de coalitions, en plus de faire notre propre travail.

Puis, encore une fois, je déplore le fait que les avantages de l'amélioration de la qualité de l'air n'a pas été évaluée au niveau économique parce que nous, c'est quelque chose qui nous intéresse, mais ce qu'on n'arrive pas à faire en fait, parce qu'en fait, les médecins sont bénévoles, je suis la seule employée, ce n'est pas possible pour nous de répertorier ça pour le moment. Mais on va trouver des moyens. Mais ça ne devrait pas être à nous de faire ça. Je pense que ça serait le travail aussi du gouvernement du Québec d'évaluer les impacts économiques de l'amélioration de la qualité de l'air.

Mme McGraw : Merci pour ça. Et en tant que mère de trois enfants, dont deux ados, c'est des «jocks», là, c'est des athlètes, mais même eux autres, là, ils parlent des...

Mme McGraw : ...«doomsday» en anglophone, on est anglophone évidemment. Et c'est vraiment triste. Ce n'est pas des gars qui sont... Ils sont... Ce n'est pas des... Ce n'est pas des militants on va dire, c'est... Mais ils parlent vraiment des scénarios de «doomsday», mes ados, c'est... mes garçons. C'est... C'est vraiment triste.

M. Drainville : ...des scénarios?

Mme McGraw : «Doomsday». Je suis désolée, je n'ai pas le mot en français, mais là c'est...

M. Drainville : ...

Mme McGraw : Ouais. Et puis là, et surtout avec Trump, disons, c'est vraiment décourageant pour les ados. Ça fait que moi, moi, en tant que mère de famille, en tant que... Moi, je suis rentrée en politique pour m'assurer vraiment le succès des futures générations et un environnement sain, entre autres, une économie durable et une société juste. Mais ce n'est pas de l'abstrait pour moi, c'est très concret. Et quand j'ai mes ados, mes garçons ados qui sont des «jocks», je ne sais pas comment dire ça en français, des «jocks», là. Ils sont vraiment très sportifs, puis ce n'est pas des militants, mais ils se préoccupent. Puis lorsqu'ils voient le président, le ministre parle beaucoup du président, mais on peut-tu se tenir debout devant ça, comme la Californie, puis dire : On va redoubler nos efforts? En tout cas, c'est un peu un témoignage personnel que je fais, mais c'est vraiment très concret pour moi. Alors, j'apprécie beaucoup votre expérience aussi en tant que mère de famille.

Juste pour revenir avec... avec les... avec les coûts. Vous avez parlé... Et c'est dommage qu'on n'a pas fait... On n'a pas regardé des coûts, mais au niveau des coûts, des gains, le ministre, je sais que son intention c'est de présenter, d'avoir une approche qui est équilibrée, environnement, économie. On parle beaucoup d'économie, puis on... ça nous rejoint beaucoup, mais on regarde seulement un côté de l'économie. On regarde seulement les coûts. D'ailleurs, on a appris dans LaPresse, je ne sais pas si vous avez vu l'article par Philippe Mercure, qui parle de justement le document, puis le 38 millions... milliards de dollars de coûts, que c'est vraiment... c'est incomplet, on va être poli, c'est incomplet. Et je cite... D'ailleurs, Alain Webster, qui est venu en commission nous parler comme... c'est le président du Conseil consultatif sur les changements climatiques, qui conseille le gouvernement du Québec, c'est un expert en économie de l'environnement. Il dit que le chef à 38 milliards de dollars est le résultat d'une modélisation. Ça provient d'un scénario qui est théorique mais finalement qui n'est pas la réalité. L'institut d'énergie a dit la même chose. C'est théorique et ce n'est pas fondé dans les faits. Ça fait que de base, là, tout le scénario qu'on parle, puis je pense que c'est ce qui guide le ministre malgré les bonnes intentions, c'est... c'est les... c'est des informations qu'on va dire incomplètes, pour être poli. C'est très préoccupant. Est-ce que ça vous préoccupe, le fait que, de base, on regarde des scénarios qui ne sont pas bien fondés?

Mme Clermont (Patricia) : Bien, moi aussi, ça me préoccupe et surtout c'est que ça ne permet pas de montrer les cobénéfices qui seraient possibles. Il y a vraiment des cobénéfices importants par rapport aux coûts de notre système de santé qui pèsent si lourd dans le budget québécois. Puis dans le... Parce que, quand on ne fait pas, ça, en fait, c'est qu'on laisse dans l'ombre tous les effets de nos politiques d'aménagement et de mobilité durable, par exemple. Une des mesures qu'on préconise, par exemple, à l'AQME, c'est que tous les établissements sensibles comme les CHSLD, les garderies, les écoles, soient à au moins 300 mètres des autoroutes parce que ça occasionne des augmentations de problématiques de santé respiratoire, par exemple, tant chez les enfants qui sont des populations vulnérables par définition, que par les adultes qui s'en occupent. Et pourtant, trop souvent en fait, il y a des écoles qui sont encore construites à 100 mètres, des garderies aussi, qui ont failli être à 100 mètres des autoroutes. Ça, ce sont tous des coûts pour notre système de santé dont on ne vient pas à bout. Mais avec un meilleur environnement planifié par rapport au territoire et à la mobilité, par rapport à la qualité de l'air, par rapport au respect des normes par les industries puis par les transports, on pourrait vraiment faire des gains qui pourraient être chiffrés, économiques, justement pour montrer aux Québécois et aux Québécoises ce que ça donne que de faire une action climatique ambitieuse, planifiée dans le temps et dans tous les secteurs.

Mme McGraw : Merci de parler des coûts au niveau de la santé. On a parlé de santé mentale, mais la santé physique est qu'effectivement il y a des groupes qui sont plus vulnérables, dont nos nos jeunes, nos enfants et nos aînés aussi. Peut-être une dernière question parce qu'il me manque de... Mais écoutez, est-ce que... Je vous laisse la parole pour compléter. Vous avez une minute, à peu près une minute. Est ce qu'il y a des choses que vous voulez souligner en conclusion, des points que vous voulez mettre en phase? Je vous laisse...

Mme McGraw : ...je vous cède le reste de mon temps.

Mme Clermont (Patricia) : Bien, en fait... ce que je soulignerais, en fait, c'est que, justement, juste au niveau de la qualité de l'air, juste au niveau des effets de tous les efforts dans les secteurs qui pourraient aussi procurer des diminutions pour les coûts de la santé, je pense que c'est un exercice qui s'avère incontournable. Mais en plus, nous, quand on dit que la politique climatique devrait être aussi une politique de santé, je pense que ce serait un excellent argument aussi pour mobiliser toutes les générations au Québec pour s'engager dans une politique climatique ambitieuse qui serait décarbonée pour 2045. Voilà.

La Présidente (Mme Nichols) : Parfait, merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Taschereau.

M. Grandmont : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, Mme Clermont, pour votre présence, puis pour l'immense travail que l'AQME fait aussi, là, j'ai eu la chance de travailler avec certaines de vos membres, notamment, là, sur différents dossiers, souvent en transport et beaucoup de rigueur, beaucoup d'intelligence dans votre propos. Dans le fond, ce que vous dites c'est que d'agir sur les changements climatiques, d'être ambitieux sur les changements climatiques, c'est agir en prévention en santé, grosso modo. Vous avez plusieurs exemples, vous parlez évidemment, là, de chaleur extrême, on parle de coût 3,6 milliards de dollars, des coûts totaux qui pourraient tripler, voire quintupler d'ici 2050. Évidemment, vous faites référence aussi à des coûts là... du stress psychologique, vous avez parlé des garderies. Bon, il y a plein de choses là-dedans qui sont très intéressantes, puis j'ai l'impression qu'au Québec, puis vous me direz si vous êtes d'accord avec ça, c'est que la prévention en santé, ça a souvent été le parent pauvre. Autant la santé est un poste budgétaire important, autant la prévention n'est pas très financée, est-ce que vous partagez ce constat-là?

Mme Clermont (Patricia) : En fait, c'est... étant donné qu'on a été convoqué, tu sais, il n'y a vraiment pas longtemps, on n'a pas eu le temps de regarder ça, mais, en fait, une des choses qu'on est en train de regarder parce que ça a alerté, puis, en fait, ça a un peu catastrophé certaines de nos membres, c'est que, par exemple, la stratégie de prévention en santé qui a été présentée ne faisait que mentionner les changements climatiques. En fait, on est en train de regarder ça, puis c'est sûr qu'on pourrait regarder ça d'une manière positive en disant c'est bien d'encourager ceci, cela, mais il n'y a pas cette dimension-là qui, en fait, pourrait informer puis vraiment pousser davantage, par exemple, de financements vers de la prévention en termes d'action climatique aussi. Ça c'est ça un dossier, en fait, qui nous intéresse, mais qu'on n'a pas fini d'analyser. Mais, déjà ça, déjà, ça, ça serait probablement une façon d'élaborer une stratégie nationale de prévention santé qui tienne en compte vraiment la dimension de la crise climatique, de mieux la financer, de mieux l'articuler aussi avec les autres efforts qu'il est possible de faire dans le secteur de la santé et services sociaux et avec les autres secteurs de la société.

M. Grandmont : Bon, on a parlé... on parle souvent des coûts, il y a les coûts de l'action, puis il y a les coûts de l'inaction, il y a les coûts en prévention, les coûts en santé que ça peut occasionner, évidemment. Est-ce que, avant de décider de changer la date d'échéance, de la faire passer de 2030 à 2035 par exemple, est-ce que vous nous recommanderiez, à la commission, d'aller chercher davantage d'informations pour mieux documenter? Et si oui, quelles informations on devrait aller chercher?

• (16 h 20) •

Mme Clermont (Patricia) : Tous ceux dont j'ai parlé juste précédemment. En fait, parce qu'on parle beaucoup des coûts, des coûts, mais aussi les coûts évités, en fait, les coûts que l'on pourrait s'éviter collectivement. Tu sais, quand on fait un bon aménagement, par exemple, on a... puis on l'a mentionné dans le mémoire, on invite les gens aussi à être plus actifs physiquement, au-delà des injonctions culpabilisantes individuelles. Puis quand les gens commencent à marcher dans un quartier qui est mieux aménagé, plus sécuritaire, plus verdit, d'habitude leur préoccupation envers leur environnement, ça devient de plus en plus point important ils en prennent de mieux en mieux soin et dès lors, par exemple, les politiques de propreté même occasionnent des améliorations parce que tout le monde voit qu'il y a un effort coordonné, donc l'effort individuel, les gens se sentent plus atomisés. Quand on parlait de découragement tout à l'heure, c'est ça qui fait que ça rend les gens.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Merci, Mme Clermont. La parole est aux députés des Îles-de-la-Madeleine pour 3 minutes, 10 secondes.

M. Arseneau : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Clermont de votre présence et de votre mémoire. Vous saluerez en même temps vos collaboratrices, Drs Pétrin des Rosiers, Riopelle et Elseneur. Excellent travail et, moi, je voulais revenir sur la question des efforts qu'il faut consentir maintenant d'ici 2030, le prochain objectif, mais se donner des objectifs intermédiaires. Je pense que vous vous en êtes partie prenante aussi, avec l'impression parfois...

M. Arseneau : ...que les gains ou les bénéfices sont à venir dans très longtemps pour soigner la planète. L'intérêt de votre mémoire, aujourd'hui, c'est qu'il démontre que les gains sont immédiats ou presque. Est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus, sur la santé? Comme quoi, essentiellement, tous les efforts que l'on pourrait consentir pour la réduction de notre dépendance aux énergies fossiles, l'amélioration de la qualité de l'air, mais on a des gains, parce qu'on a souvent parlé d'emplois et tout ça, mais sur la santé des gens, et donc, sur les coûts de la santé au... pour le Québec.

Mme Clermont (Patricia) : Bien, d'une part, en fait, on le dit souvent... L'air, c'est transparent, tu sais, puis souvent, en fait, on s'en préoccupe quand, par exemple, l'air était orange pendant l'été 2023. Mais il est tout le temps problématique. Alors, tous les chiffres que j'ai mis dans le mémoire... qu'on a mis dans le mémoire, même dans mon allocution, aussi, c'était pour mettre en évidence des choses qu'on paie, en ce moment, puis qu'on pourrait s'éviter de payer. Puis surtout, c'est qu'à chaque bouchée qu'on ne prend pas avec ambition, ça fait en sorte que la prochaine bouchée va être encore plus grosse à prendre et plus décourageante. Donc c'est pour ça que nous, ce qu'on dit, c'est que non, il faut prendre la bouchée, il faut articuler comment on la prend et on sera capable de faire les pas conséquents pour parvenir à... non seulement à se décarboner, mais à avoir une meilleure santé pour tout le monde, globalement.

M. Arseneau : Donc reporter, je comprends de votre discours, de votre propos, que reporter les objectifs, c'est rendre l'atteinte de l'objectif encore plus difficile, plus contraignant, plus coûteux, y compris sur le plan de la santé.

Mme Clermont (Patricia) : Oui, et si on suivait la logique de se dire : est-ce que ça va décourager les gens? Ça voudrait dire qu'on deviendrait de moins en moins ambitieux. C'est le contraire, moi en tout cas, encore une fois, puis là, je ne parle pas de mes enfants, là, je parle juste de si, par exemple, j'étais plus jeune, si j'ai, je... je me demanderais comment va le faire si les gens qui sont là, en ce moment, ne sont pas prêts, ne sont jamais prêts à prendre la bouchée qu'il faut prendre. C'est de ça dont il est question.

M. Arseneau : Deux mots pour la décarbonation du système de santé et services sociaux. Comment on aborde cette question-là pour que les exemples que vous mentionniez, ce ne sont pas... ce ne soient pas des anecdotes? Comment faire?

Mme Clermont (Patricia) : Je ne suis pas certaine de comprendre, mais je... je vais, je vais juste dire, par exemple, que par rapport à notre position dans le gaz, une de nos positions à la Coalition Sortons le gaz, c'est-à-dire il faut réserver l'usage du gaz là où ce n'est pas possible de décarboner autrement, parce qu'à chaque fois, que ce soit le gaz ou les énergies, il y a toujours des... il y a toujours des risques. Il faut les considérer et considérer comment une sobriété énergétique pourrait améliorer, aussi, la santé. Ça, ça vaut aussi pour nos bâtiments institutionnels.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci beaucoup. Merci, Mme Clermont, de votre présence, merci de votre contribution à nos travaux. Chers collègues, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au mardi 2 décembre à 10 h 25, où elle poursuivra son mandat. Merci.

(Fin de la séance à 16 h 25)


 
 

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