Journal des débats (Hansard) of the Committee on Transportation and the Environment
Version préliminaire
43rd Legislature, 2nd Session
(début : September 30, 2025)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Thursday, November 27, 2025
-
Vol. 48 N° 3
Consultations particulières et auditions publiques sur le document intitulé : Consultation sur la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec
Aller directement au contenu du Journal des débats
11 h 30 (version non révisée)
(Onze heures trente-huit minutes)
La Présidente (Mme Nichols) : Alors,
bonjour à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
des transports et de l'environnement ouverte. La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations... pardon, particulières et aux auditions
publiques sur le document intitulé Consultation sur la cible de réduction des
émissions de gaz à effet de serre du Québec. Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme Roy (Verchères) est remplacé par Mme Grondin
(Argenteuil), M. Derraji (Nelligan) est remplacé par Mme McGraw
(Notre-Dame-de-Grâce) et M. St-Pierre Plamondon (Camille-Laurin) est
remplacé par M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine).
La Présidente (Mme Nichols) : Très
bien, merci. Donc, ce matin, nous entendrons les organismes suivants, soit
Transit, Alliance pour le financement des transports collectifs au Québec et
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Donc, nous allons
commencer, nos invités sont arrivés, ils sont en visioconférence, alors je
souhaite la bienvenue aux représentants de Transit, Alliance pour le
financement des transports collectifs au Québec. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous allons procéder
à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à
vous présenter, puis à commencer votre exposé.
Mme Gagné (Marie-Soleil) : Bonjour,
Mme la Présidente de la commission, M. le ministre, Mmes et MM. les députés,
bonjour et merci pour l'invitation. Je m'appelle Marie-Soleil Gagné, directrice
générale d'Accès transports viables et porte-parole de l'Alliance transit. Je
suis accompagnée par Samuel Pagé-Plouffe, coordonnateur et porte-parole de l'Alliance
transit. C'est le mémoire de l'Alliance que nous vous présentons aujourd'hui.
Pour rappel, l'Alliance est un
regroupement d'organismes en faveur du financement des transports collectifs et
sa mission est de favoriser le développement et l'amélioration des services de
transports collectifs partout au Québec. Nous avons trois recommandations
principales dans le mémoire que nous souhaitons discuter avec vous aujourd'hui.
La première, c'est de maintenir l'ambition en réduction des émissions de gaz à
effet de serre. La seconde est d'intégrer réellement la mobilité durable dans notre
politique climatique et la dernière est de financer le transport collectif à la
hauteur de son rôle structurant.
Comme la majorité des intervenants qui se
sont présentés devant vous, notamment le Comité consultatif sur les changements
climatifs... climatiques, nous souhaitons au moins maintenir l'ambition et ne
pas réviser à la baisse la cible de 37,5 % pour 2030. Le Québec est un
leader de la lutte au changement climatique en Amérique du Nord et il ne nous
semble pas qu'il y a de l'acceptabilité sociale pour la perte de son rôle de
leader. Au contraire, avec les événements météorologiques extrêmes qui ont
touché nos régions, événements qui seront appelés à augmenter en termes de
fréquence et d'intensité, la population québécoise est très sensibilisée à l'impact
des changements climatiques sur leur qualité de vie. En 2025, c'est 81 %
de la population québécoise qui trouve important d'agir en environnement.
Les choix du gouvernement de maintenir le
marché de carbone ainsi que la taxe sur l'essence, mais aussi et surtout la
motion unanime réitérant l'engagement et l'ambition du Québec à respecter l'Accord
de Paris vont aussi dans ce sens-là. Nous l'encourageons donc à poursuivre sur
cette lancée.
• (11 h 40) •
Mais force est de constater qu'on l'a
échappé dans le domaine transport. À l'évidence, l'augmentation de 26 %
des GES dans le secteur des transports témoigne du manque de vigueur de l'action
climatique, particulièrement dans ce secteur, un coup de barre est nécessaire.
Les solutions existent et on peut les retrouver dans la politique de mobilité
durable. À ce titre, le gouvernement s'était engagé à accroître l'offre des
services de transport collectif au Québec à la hauteur de 5 % par année.
On constate plutôt que l'offre des services de transport collectif a plutôt stagné...
Mme Gagné (Marie-Soleil) :
...43 % des émissions du Québec soient attribuables au transport ainsi que
le quart de la consommation d'énergie. Le transport ne figure même pas dans la
feuille de route en matière de sobriété et d'efficacité énergétique. Par
ailleurs, la part du transport routier sur les émissions totales du Québec est
passée de 21,1 % en 1990 à 35,6 %, en 2018. On ne s'en va pas vers la
bonne direction.
Aussi, l'absence de trajectoire prévue
après 2030 est d'ailleurs un angle mort évident de la politique actuelle.
L'objectif de 2030 devrait constituer un jalon dans le chemin vers la
carboneutralité avec des cibles intermédiaires fréquentes. Nous encourageons le
gouvernement du Québec à adopter une approche de collaboration et à marcher
main dans la main avec les autres paliers gouvernementaux afin de transitionner
le secteur du transport. L'atteinte des cibles de réduction des GES nécessite,
notamment, de prévoir bonifier les leviers financiers à destination des
municipalités, mais aussi de prévoir des leviers financiers du... sont
disponibles au gouvernement au Canada.
Pour terminer, la mobilité durable semble
être la pièce de casse-tête manquante pour atteindre nos objectifs. Investir en
mobilité durable, c'est non seulement investir dans la résilience de nos
communautés, c'est surtout investir dans les entreprises et les travailleurs et
les travailleuses d'ici. Je vais laisser la parole à mon collègue Samuel.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) :
Oui, merci, Marie-Soleil. Bonjour, tout le monde, ça me fait plaisir d'être
avec vous aujourd'hui. Donc, je vais revenir sur certains points qui ont déjà
été mentionnés. Pour l'Alliance Transit, c'est important que la mobilité
durable redevienne un pilier de la politique climatique du Québec. Et j'insiste
sur le mot redevienne. Donc, ça a été évoqué, mais peut-être pour vous donner
un peu un ordre de grandeur, là, entre 2007 et 2015, avec notamment le soutien
des revenus liés à la lutte aux changements climatiques, il y avait eu une
augmentation des services, là, en transport collectif de 32 %, et là, depuis
2018, on a une stagnation à peu près, 0 %, là, d'augmentation de l'offre
de services, alors que c'était écrit très clairement, là, «qu'afin d'atteindre
la cible, là, je vous cite, de 37,5 % des émissions de gaz à effet de
serre, il est nécessaire d'augmenter l'offre de services de transport commun de
5 % par année».
Vous avez à la page 11, là, quelques
comparaisons qu'on a déjà vues dans l'espace public, là, mais donc, des
investissements pour la prochaine décennie, là, donc, entre le Québec et
l'Ontario, c'est 1 600 $ pour le... pour... par habitant au Québec et
3 700 $ pour la prochaine décennie par habitant en termes de développement
des infrastructures de transport collectif. Et bon, la politique de mobilité
durable, elle est sur la glace. Ça a été... ça a été annoncé au printemps
dernier alors que ça devait être une des bases du plan pour une économie verte,
ça avait été nommé.
Pourquoi le transport collectif dans la
politique climatique? Il y a beaucoup de raisons. J'attirerais peut-être votre
attention à la page 13, là où on voit, donc, la croissance de la demande
en énergie, parce que la transition climatique et la transition énergétique
c'est évidemment, comme on le sait tous, une pression importante, sur, bien,
l'électricité que l'on a au Québec. Et ce que l'on voit dans le tableau, là,
c'est qu'essentiellement le tiers de la croissance de la demande d'électricité,
donc 7,8 TWh, c'est... ça vient de l'électrification des transports. Et, à
ce jour, on n'a pas au Québec une stratégie pour économiser de l'énergie en
transport, bien au contraire.
Et là, je vous invite à aller voir plutôt
le tableau qui est à la page... à la page 11, on constate que dans la
feuille de route en sobriété et efficacité énergétique, donc, ça, c'est
essentiellement, là, la stratégie qu'on a pour économiser de l'énergie. Tous
les secteurs y apparaissent, sauf le secteur des transports. Et ça, bien, ça a
été annoncé l'année passée dans le plan pour une économie verte, mais ça a été
réitéré cette année. Et là, on a une occasion, avec le plan de gestion intégrée
des ressources, de réintégrer le transport parce qu'économiser de l'énergie en
transport, ça passe par la mobilité durable, ça passe par des changements de
comportements. Donc, de ce côté-là, c'est vraiment dans l'angle mort de la
politique climatique et on pense que c'est important. Notre hypothèse pour ça,
c'est notamment que la méthode de calcul, là, qui nous permet de prioriser nos
investissements puis nos actions, le fameux coût la tonne, là, elle n'intègre
pas systématiquement tous les co-bénéfices liés par exemple à la congestion,
aux effets de redéveloppement, les émissions de gaz à effet de serre qui
peuvent être économisées, par exemple liées à la densification. Donc, c'est une
méthode de calcul qui est critiquée par plusieurs auteurs qui s'intéressent à
la question des changements climatiques, et on pense que ces co-bénéfices-là
n'étant pas intégrés, ça fait qu'on l'a un peu dans notre angle mort. Et on
ajouterait aussi qu'à notre avis, la question de...
M. Pagé-Plouffe (Samuel) :
...la mobilité durable des transports collectifs, ce sont en fait... C'est
important parce que ça permet d'offrir des alternatives à la population. Le
transport collectif, ça peut être un vecteur d'équité, d'abordabilité et
d'adhésion aux changements de comportements qui sont... qui sont à faire. Je le
redis, mais évidemment, s'il y a une augmentation des coûts de l'énergie liée
aux faits, tout ça, si on n'offre pas une alternative, ça va être, somme toute,
plus compliqué d'avoir l'adhésion de la population. Donc, nos recommandations,
miser sur la mobilité durable dans la politique climatique beaucoup plus
clairement, et donner suite à la politique de mobilité durable qui est
actuellement sur la glace.
Ensuite, on va entrer un peu plus dans les
détails, donc, sur les éléments financiers. Donc, on pense qu'il faut se donner
les moyens financiers. Donc, évidemment, le marché du carbone ne va pas
financer tous les réseaux de transport collectif. Ça, c'est... c'est une
évidence, hein? On ne dit pas ça du tout. Cela dit, à l'origine, ce qui était
prévu, c'était écrit dans la loi, c'était que les deux tiers des revenus du
marché du carbone devaient être consacrés au transport. Et en 2022, il y a un
décret, là, qui a prévu que cette part-là devait passer des deux tiers à
25 %. Je ne suis pas en train de vous dire qu'il faut revenir
nécessairement aux deux tiers, mais l'explication qui était donnée à l'époque,
pourquoi on investissait en transport autant, puis là on insistait, on disait transport,
mobilité durable et en particulier transport collectif. Mais donc l'explication
était que cette proportion, le deux tiers consacrés aux transports collectifs,
est pertinente en raison de l'importance des émissions de gaz à effet de serre
dans ce secteur, comme disait ma collègue Marie-Soleil, on l'a échappée dans
secteur, de la difficulté de changer les comportements tout en préservant le
développement économique et social et des nombreux bénéfices associés aux
transports collectifs. Donc, c'est assez en ligne avec ce que je viens de vous
dire.
Donc certains... certains éléments, nous,
ça fait... Ça fait longtemps qu'on dit qu'il y a une part plus importante,
somme toute, des revenus du marché du carbone qui devrait être utilisée,
notamment les surplus. Bon, vous ne serez pas... Vous ne serez pas surpris de
m'entendre dire qu'on s'inquiète énormément des détournements des surplus du
marché du carbone. Mais avant, j'attirerais peut-être de votre attention, là, à
la page, à la page 19, où on voit qu'effectivement la part des revenus du
marché du carbone qui sert à financer le développement des revenus de... du
transport collectif, diminue très rapidement, là. On passe de 22 % à
6 %. Donc, il faudrait arrêter cette baisse. Je vais terminer donc en
évoquant, donc, ce que je disais tout à l'heure, le détournement des revenus du
marché du carbone, pour nous, c'est très inquiétant et on pense qu'il faut que
le gouvernement revienne sur cette décision-là. Les gens d'affaires l'ont
dénoncé vigoureusement, là, dans un texte d'opinion en début de semaine. On
pense que c'est... Bien, on est solidaires avec... avec eux. Je pense que,
somme toute, il y a un consensus à cet égard-là.
La Présidente (Mme Nichols) :
Je vous remercie.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) :
Je termine en disant...
La Présidente (Mme Nichols) :
Oui. Je vous laisse deux, trois secondes parce qu'on a déjà dépassé le temps.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) :
Parfait. Merci. Je termine en disant qu'il faut reprendre contrôle des
émissions en transport avec une cible sectorielle dans ce secteur-là en
particulier, et qu'il faut refaire, donc, de la mobilité durable un pilier de
notre politique climatique. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Nichols) :
Merci. Merci de votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période
d'échange. M. le ministre, la... La première période est à vous pour
13 minutes.
M. Drainville : Oui.
Merci. Merci beaucoup pour votre présentation. Je ne veux pas me lancer dans
une guerre de chiffres, là, parce que, bon, ça ne sera probablement pas très
productif. Mais je veux quand même rappeler que les investissements en
transports collectifs depuis 2018 ont doublé comparativement à la période
précédente, 12 milliards de dollars de plus pour moderniser, électrifier
et rendre le transport collectif plus accessible. 12 milliards de plus
depuis 2018. Dans le dernier PQI, il y avait 14,5 milliards de dollars
supplémentaires pour les années à venir, qui visent le transport collectif. Et
par ailleurs, depuis 2020, on a investi 3,3 milliards de dollars dans les
opérations des sociétés de transport. Donc, je respecte évidemment votre
position, mais je pense qu'il faut regarder la situation dans son ensemble et
prendre acte de toutes les données qui concernent le transport collectif et
plus largement la mobilité durable.
• (11 h 50) •
Par ailleurs, je veux revenir sur
l'acceptabilité sociale dont vous avez parlé au départ. Moi, je suis très...
Comment dire, je suis préoccupé comme... comme vous sur cette question-là, de
l'acceptabilité sociale. Moi, je pense que si on veut continuer à être des
leaders...
M. Drainville : ...en matière
climatique, je parle du Québec, je parle des Québécois, il faut qu'il y ait un
niveau d'adhésion qui reste très élevé. Et actuellement, évidemment, les
États-Unis ont renoncé à... enfin, le gouvernement fédéral américain a renoncé
à l'essentiel de ce qu'on pourrait appeler une politique climatique. L'éolien
est considéré comme un mal et puis le charbon comme un bien. Trump veut même
considérer les gaz à effet de serre comme étant quelque chose qui n'existe pas
et qui ne devrait pas être considéré comme un polluant atmosphérique. Là, je ne
vous parle pas, évidemment, des sommes qui devaient être investies massivement
dans l'électrification des transports là-bas puis dans la transition verte.
Alors, ça, ça a déclenché un mouvement qui nous a rejoints très rapidement,
avec le recul du gouvernement fédéral sur la taxe sur le carbone, il n'y en a
plus. La cible d'électrification des transports, qui devait être annoncée cet
automne, ils ont décidé, finalement, de suspendre leur décision, alors que
nous, au Québec, on a maintenu une cible très ambitieuse de 90 % de
véhicules électriques et électriques branchables d'ici 2035. Là, la Colombie-Britannique
est en train de faire des reculs également. L'Ontario songe à faire lever
carrément ses objectifs de réduction de GES.
Alors, il y a un risque réel que le Québec
soit en train d'être isolé par ses voisins, ses voisins économiques surtout,
parce que l'essentiel de nos concurrents sont en Amérique du Nord évidemment.
Et donc maintenir une politique climatique ambitieuse, ça va prendre du
courage. Il va falloir continuer à expliquer à nos concitoyens pourquoi eux
devraient continuer à faire les efforts qu'ils font alors que, tout autour, les
gouvernements reculent. Et donc il y aura une pression, puis on la sent déjà
dans l'opinion publique actuellement, une pression pour qu'on emboîte le pas
face aux autres États dont je viens de parler.
Et donc ma question porte justement sur le
niveau d'adhésion populaire. Qu'est-ce que vous répondez à ces Québécois qui
soit n'ont jamais adhéré ou encore, actuellement, sont dans le doute, se
questionnent, se demandent est-ce que c'est une bonne idée de continuer à soutenir
financièrement, puisque c'est bien de ça dont il s'agit, une politique
climatique qui reste... qui était déjà très ambitieuse et qui est une, sinon la
plus ambitieuse, certainement au Canada, et parmi les plus ambitieuses dans les
Amériques?
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Bien,
je pense, M. le ministre, qu'on partage votre préoccupation puis votre volonté
de maintenir cette adhésion à la politique climatique que vous nommez
ambitieuse, moi, j'ose dire aussi responsable. Je trouve que le Québec, quand
il fait partie... quand il fait preuve de leadership à l'international, quand
il réitère, par la voix de son Assemblée nationale, à l'unanimité, son
intention de respecter l'accord de Paris, moi, je trouve que c'est un geste qui
est... qui est responsable.
Bon, cela dit, sur la question de
l'adhésion, moi, je pense réellement qu'on n'en a pas fait assez pour offrir
des alternatives. Et je suis d'accord avec vous, ne faisons pas un... ne
faisons pas un débat de chiffres, mais, je veux juste dire, sur le résultat
net, là, est-ce qu'on a offert des alternatives pour se déplacer aux Québécois?
L'offre de services en transport collectif au Québec n'a pas augmenté, depuis
2018, sur l'offre de service totale, donc il n'y a pas eu une croissance des
services. Donc, d'un point de vue d'adhésion, je pense qu'on a un défi qui
est... qui est réel. Vous avez nommé, effectivement, des chiffres qu'on a
entendus dans l'espace public. Il y a eu des investissements assez importants
pour, bien, électrifier les autobus, mais ça, ça n'offre pas davantage de
services à la population. Donc, payer pour... d'avoir des nouveaux autobus qui
sont électriques, il y a un surcoût. C'est une bonne politique industrielle qui
est bonne pour l'économie du Québec, mais ça n'offre pas des services. Donc,
d'un point de vue d'adhésion, là, on a un défi là qui est important. Puis les
sommes que vous avez évoquées, là, records, c'est beaucoup lié, donc, aux
aides, là, liées à la pandémie. Donc...
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : ...avec
vous, je dis qu'il faut... il faut donc se préoccuper de la question de
l'adhésion... de l'adhésion populaire. Je termine peut-être en disant aussi que
quand il y a des régions qui ont essayé de s'organiser, notamment le
Bas-St-Laurent, pour se développer des services de transport collectif,
malheureusement l'initiative a été... a été bloquée par le gouvernement, alors
que, historiquement, on leur reconnaît... on reconnaissait aux régions et aux
MRC la possibilité, donc, d'aller chercher, là, des revenus de contribution sur
l'essence. Donc, bien... honnêtement, sur l'essentiel, je pense qu'on est
d'accord. Il y a un enjeu sur l'adhésion, puis c'est peut-être le début, là,
d'une discussion, mais il va falloir que collectivement, on se donne les moyens
pour maintenir cette adhésion-là parce que je pense que c'est le rôle du
Québec, finalement, en Amérique du Nord, d'être un leader sur la question
climatique. Est ce que, Marie-Soleil, tu voudrais compléter?
Mme Gagné (Marie-Soleil) : Oui,
merci beaucoup. En fait, pour faciliter les changements de comportement en
matière de transport, il faut prendre en compte les freins à l'adoption des
comportements, puis un des freins principaux pour l'adoption de bons
comportements, dans le fond, de transport, bien, c'est l'offre. Puis, c'est
vraiment une question d'équité territoriale dans le sens où on sait que dans
les périmètres urbains, il y a quand même une bonne desserte, mais quand qu'on
s'en va en région, puis je viens de la région moi aussi, je viens de la belle
région de la Gaspésie, bien c'est... ce n'est pas là finalement qu'on peut se
déplacer de manière durable, donc on devient un peu dépendant, finalement,
collectivement, à l'automobile. C'est important de trouver des solutions qui
sortent de la boîte, puis on en a plein en tête. Il y a aussi beaucoup de
travaux, la science, là, qui a énormément de données à ce niveau-là, mais c'est
clair qu'il y a des solutions qui sont peu coûteuses, comme par exemple la
mutualisation de la flotte automobile municipale, institutionnelle ou individuelle,
le transport à la demande, l'autopartage, le covoiturage. Donc ce n'est pas
obligé d'être des solutions qui sont coûteuses pour l'adoption, en fait, là,
pour augmenter l'offre de transport collectif.
M. Drainville : OK. Parce
que... encore une fois, je ne veux pas... je ne veux pas qu'on s'éternise sur
les chiffres, là, mais pendant qu'on se parlait, j'avais les chiffres qui
m'étaient transmis, là. Quand on regarde le transport collectif, là, au PQI...
au PQI de 2018-2028, donc le dernier sous le gouvernement Couillard, le PQI
pour le transport collectif était à 9 milliards; il a bondi à
13,6 milliards en 2020-2030, donc dans le PQI 2020-2030; 12,8
milliards dans 21-31; 13,4, 13,8, 13,8, 14,5 dans le PQI 25-35. Donc, je
veux juste dire, au niveau des investissements, là, les chiffres que j'ai, ça,
c'est les chiffres du PQI, donc c'est on ne peut plus officiel, là, ça vient du
Conseil du trésor. Mais je comprends ce que vous dites, M. Pagé-Plouffe, je
comprends ce que vous dites. Vous dites : Ce n'est pas parce qu'on
augmente les investissements qu'on augmente nécessairement le nombre de
personnes qui utilisent le transport. Je comprends bien votre argumentaire
là-dessus.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Est-ce
que je peux rebondir?
M. Drainville : Bien sûr,
bien sûr.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Bien,
sur le PQI, c'est ce que je vous évoquais. C'est qu'on a investi beaucoup, là,
pour l'électrification des flottes, ça, c'est un surcoût, mais ça n'offre pas
des services supplémentaires. Et, bien, si vous comparez, par exemple, en
Ontario, c'est 70 milliards, là. Donc, vous m'avez parlé de 13, 14, là,
effectivement, il y a eu une certaine... certaine augmentation, là, liée à
l'électrification des bus.
M. Drainville : Oui. Dans les
chiffres que je vous ai donnés, là, c'est du trois pour un en bonification,
donc en augmentation des services, là. Par exemple, les REM, là, les deux REM
qui ont été inaugurés c'est...
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Oui,
il n'apparaît pas au PQI le REM, il est hors du périmètre comptant pour ce qui
est du REM, là, parce que ce n'est pas financé par l'emprunt gouvernemental,
mais...
• (12 heures) •
M. Drainville : Non, je
comprends, mais... je suis d'accord, mais c'est quand même la Caisse de dépôt,
là, qui est qui nous appartient, puis on peut dire, je pense, que c'est un
équipement collectif de transport en commun qui a été inauguré, là, qui
s'ajoute, j'oserais dire, aux chiffres que je viens de vous donner, là. Donc,
c'est des investissements en transport collectif qui s'ajoutent aux chiffres
que j'ai donnés. Donc, il faut quand même en prendre acte, mais on ne va pas,
comment dire, s'obstiner sur le fait qu'il faut continuer à maintenir des
services de transport collectif qui sont efficaces, ça, je pense qu'on s'entend
là-dessus. Et puis il faut trouver le juste équilibre entre des investissements
en transport collectif et des investissements sur le transport individuel, si
on peut dire, qui reste aussi très important parce qu'on a un important réseau
routier et autoroutier dont il faut continuer à s'occuper.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Oui,
il faut l'entretenir, vous avez... on est tout à fait d'accord avec ça, puis ce
que vous nommez, c'est fait pas mal...
12 h (version non révisée)
M. Pagé-Plouffe (Samuel) :
...notre pain puis notre beurre, tu sais. Puis je suis d'accord avec vous.
Évitons trop le débat de chiffres. Si je peux peut-être juste vous nommer, là,
ma demande, là, pour vous, M. Drainville.
M. Drainville : Oui.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) :
Page 9, là, on l'évoque, là. Donc, la feuille de route pour économiser de l'énergie
au Québec, là. Les transports ne sont pas dans cette feuille de route là pour l'instant.
Et on pense réellement que pour réussir la transition énergétique au Québec, ce
serait bien d'avoir une stratégie d'économie d'énergie en transport. Ça fait
que ça, c'est... On pense que ça, ça serait vraiment salutaire. Ça nous
permettrait de dire : Bien, on va... on va mettre la mobilité durable dans
notre politique climatique.
M. Drainville : Qu'est-ce
que vous avez pensé de l'ajustement que nous avons apporté à la politique sur l'électrification
des transports en maintenant quand même un objectif d'électrification de
90 % d'ici 2035? On l'a... On l'a abaissé de 190, mais ça reste très,
très, très ambitieux.
La Présidente (Mme Nichols) :
En 20 secondes, s'il vous plaît.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) :
Oui. Bien, on pense que le Québec devrait demeurer un leader en électrification
des transports, mais qu'effectivement la terminaison du Roulez vert
progressivement, ça, on adhère à ça.
M. Drainville : Merci
beaucoup. Merci.
La Présidente (Mme Nichols) :
Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la porte-parole de l'opposition
officielle. Notre-Dame-de-Grâce ou Mille-Îles? Je comprends. Notre-Dame-de-Grâce,
vous avez 7 min 48 s.
Mme McGraw : Merci, Mme
la Présidente. Bien, peut-être compléter la réponse suite à la question du
ministre pour vous donner plus de temps.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) :
Ah! Oui, c'est gentil. Donc, les changements aux cibles d'électrification.
Bien, je mentionnerais peut-être que nous, notre notre... notre mission se
concentre davantage sur la mobilité durable. Mais on pense que l'essentiel, c'est
que le Québec demeure un leader. Et on jugera aux résultats. Mais à ce jour,
somme toute, le Québec a été un leader de l'électrification des transports
individuels. Ce n'est pas le cas, par contre, là, dans les... dans la dernière
décennie, pour ce qui est de la mobilité durable. On a... On a plutôt stagné. C'est
ce que... C'est ce qu'on vous a exposé plus tard.
Mme McGraw : Donc, c'est
ça, vous misez sur le leadership du Québec. On comprend que le ministre exprime
des préoccupations d'être isolé vis-à-vis des... vis-à-vis des... ici, en
Amérique du Nord, vis-à-vis des autres provinces et des États. Est-ce que vous
partagez cette préoccupation que le leadership pourrait se traduire en
isolement pour le Québec?
Mme Gagné (Marie-Soleil) :
Pas nécessairement... nous, on conçoit que c'est un individu avec un mandat
très défini, avec une durée déterminée, qui nous amène potentiellement vers ce
recul-là. En même temps, on sait qu'il y a des villes, qu'il y a des États qui répondent
présents dans l'action climatique. Donc, si on se compare, on ne peut pas juste
se comparer à ceux qui en font moins. Je pense qu'il faut regarder aussi ceux
qui en font plus. L'Union européenne aussi, c'est un partenaire commercial d'envergure
pour le Québec. Puis ils ont comme intention de réduire leurs émissions de gaz
à effet de serre de 90 % d'ici 2040. Donc, soit que tu partes avec une
longueur d'avance, mais au moins on veut être sûrs que nous, avec tout le
monde, je pense que c'est... Tu sais, c'est parce qu'on veut se comparer aux
meilleurs et non pas de se comparer à ceux qui performent...
M. Pagé-Plouffe (Samuel) :
Peut-être un mini élément de complément. J'ai écouté un peu les autres passages
en commission. J'ai vu que là-dessus ça avait été assez chaud quand même, là, le
risque pour la compétitivité du Québec. Je suis quand même retourné voir, là,
ce qui était écrit dans le plan de mise en œuvre du Plan pour une économie
verte qui a été déposé, donc, cet été, là. Donc, c'est tout... c'est tout
récent. Et ça disait clairement que le marché du carbone et le Fonds d'électrification
et des changements climatiques a des retombées concrètes. On parle d'augmentation
de la productivité énergétique, certes, mais on parle aussi, puis là je cite, là,
une hausse de plus de 700 millions du PIB du Québec, même en l'absence de
tarifs douaniers... même, excusez-moi, même en présence de tarifs douaniers et
en l'absence d'une taxe carbone ailleurs au Canada. Donc, c'est quand même
intéressant, là. Le gouvernement, jusqu'à récemment, nous disait très
clairement que, somme toute, agir pour le climat, c'est bon pour l'économie, chiffres
à l'appui.
Mme McGraw : Parce qu'il
faut regarder pour avoir une approche équilibrée, les coûts, mais aussi les opportunités
et les retombées de ces investissements.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) :
Exactement.
Mme McGraw : D'ailleurs,
vous avez mentionné le super marché du carbone. J'aimerais aller là-dessus. La
recommandation n° 8, c'est d'utiliser
les surplus du SPED pour la lutte et lutte aux changements climatiques qui,
pour nous, comprend et atténuation et adaptation. C'est ça la lutte. Là, vous
le précisez parce qu'on vient de voir qu'effectivement le mandat du Fonds, ça a
été utilisé pour autre chose. Et effectivement, ce qu'on fait avec cette... Puis
on est tous et toutes pour réduire la dette, mais ce qu'on fait effectivement, c'est
on prend le... On déplace le problème de la dette financière...
Mme McGraw : ...puis on la
déplace vers une dette climatique. Alors, est-ce qu'on peut vous entendre sur
la recommandation n° 8, s'il vous plaît?
M. Pagé-Plouffe (Samuel) :
C'est un peu aberrant de devoir faire cette recommandation-là, utiliser les
revenus de la lutte aux changements climatiques pour la lutte aux changements
climatiques. Le sourire, quand vous avez posé la question, est très évocateur.
Je pense qu'il n'y a à peu près personne dans la société civile, dans le milieu
des affaires, qui recommande donc d'utiliser les surplus du marché du carbone
autrement que pour la lutte aux changements climatiques. On comprend qu'il y a
des enjeux comptables puis que, bon, oui, la question de la dette, puis de la
saine gestion des finances publiques, on en est. Mais il faut trouver une
manière absolument que ces sommes-là servent à la lutte aux changements
climatiques. Puis, moi, je pense que le gouvernement doit revenir sur sa
décision, mais, à la limite, qu'il fasse un remboursement a posteriori, mais on
ne peut pas se permettre...
Mme McGraw : Vous parlez de
détournement, c'est les mots que vous utilisez.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) :
Détournement.
Mme McGraw : ...et vous
demandez effectivement un remboursement à travers un réinvestissement au
programme de lutte aux changements climatiques. Donc, voilà votre
recommandation.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) :
Bien, il nous semble que c'est la moindre des choses.
Mme McGraw : Et, au niveau de
la cible, je pense que ma collègue a peut-être une... OK, je vais peut-être...
On a deux minutes, donc, je vais demander à la collègue de compléter.
Mme Dufour : Merci, merci, ma
collègue. Votre... Dans votre mémoire, vous mentionnez très clairement...
«détourner le fruit de l'effort collectif engendré par le marché du carbone au
Fonds des générations constitue une opération comptable inacceptable». Donc, je
pense que la position, elle est très claire. Je voudrais vous amener sur le
tableau, vous avez évoqué, page 11. Dans le fond, on voit que la
différence avec l'Ontario, puis je sais que le gouvernement actuel aime
beaucoup se comparer à l'Ontario, mais cette comparaison-là est un peu gênante,
quand on voit les efforts en transport collectif, ils sont beaucoup moins au
Québec.
Est-ce que... Est-ce que c'est quelque
chose qui est plus récent comme tendance? Est-ce que ça va à la... à la baisse
pour les transports collectifs?
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Ils
se sont donné, en 2008, un grand plan, là, le Big Move en Ontario qui, donc, a
l'adhésion, peu importe la couleur du gouvernement. On est d'accord qu'il faut
faire beaucoup de projets de transport collectif en Ontario. Donc, c'est un
plan qui était financé, le Big Move, en 2008, et il continue d'aller de l'avant
avec... avec des projets. Effectivement, quand on fait la comparaison, là c'est
un peu gênant pour... pour le Québec, on a un retard à rattraper. Et ça, bien,
oui, je le disais tout à l'heure, il y a des coûts-bénéfices, oui, c'est des
coûts en termes de gaz à effet de serre, mais c'est la congestion, là, la
congestion dans le Grand Montréal, c'est un montant plus élevé annuellement que
le total de ce qu'on a comme revenus pour la lutte aux changements climatiques.
Mme Dufour : Oui, tout à fait.
Vous... En Ontario, puis il y avait un article récemment où on voyait que le
fédéral investissait beaucoup plus en Ontario. Vous l'expliquez ici, dans votre
mémoire, mais, dans le fond, le Québec, ce qu'on comprend, c'est qu'il ne
soumet pas de projet, contrairement à l'Ontario et la Colombie-Britannique. C'est
bien, c'est bien le constat que vous avez fait?
M. Pagé-Plouffe (Samuel) :
Oui.
Mme Gagné (Marie-Soleil) :
Effectivement. Donc... Ce qu'on encourage, en fait, c'est une collaboration
entre les différents paliers gouvernementaux, donc, de se prévaloir des
fonctions disponibles pour le financement, pour la croissance du transport
collectif et de prévoir, pour le palier gouvernemental municipal, des leviers
financiers pour pouvoir justement mettre en place les plans climat, les schémas
d'aménagement qui seront appelés à être révisés pour justement accélérer la
transition socioécologique juste.
Mme Dufour : Donc, si je
comprends, on pourrait multiplier l'argent du Québec, si on faisait des
demandes au fédéral, si on investissait mieux l'argent.
Mme Gagné (Marie-Soleil) :
...c'est ça.
La Présidente (Mme Nichols) :
Très bien. Merci. Je cède maintenant la parole au député de Taschereau.
• (12 h 10) •
M. Grandmont : Oui, merci
beaucoup, pour votre présence. Merci pour votre mémoire. Votre participation
toujours très éclairante sur ce volet, là, des activités du Québec et
évidemment fort émettrices de gaz à effet de serre. J'ai une question très
générale, mais j'aimerais une réponse par oui ou non, si possible. Vous avez
sans doute vu la feuille de route, le mémoire proposé par le Comité consultatif
sur les changements climatiques, vous avez pu en prendre connaissance. Est-ce
que vous adhérez à cette vision proposée par le comité?
Mme Gagné (Marie-Soleil) :
Oui.
M. Grandmont : Parfait. Merci
beaucoup. Deuxième question. Bon, vous avez entendu les débats un peu, M. le
ministre parle d'une échéance qui vient très rapidement. Il a même dit tantôt
aussi qu'il reste seulement quatre ans, cinq ans... quatre ans, là, mettons,
pour atteindre... pour doubler, en fait, les efforts ou les résultats qu'on a
obtenus, là, dans les dernières années. Qu'est-ce qui serait le plus... le plus
profitable...
M. Grandmont : ...à court
terme pour être capable d'aller chercher des gains rapides dans les transports,
est-ce que... puis considérant, évidemment, que faire des nouveaux projets,
c'est long, c'est ardu, c'est compliqué, est-ce que d'investir dans les
services, comme il a déjà été fait au début des années 2000, est-ce que ce
serait la meilleure solution?
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Oui,
effectivement. Il faut savoir que l'élément déclencheur qui a mené à la
croissance dont on a parlé, là, de 32 % des services entre 2007 et 2015,
c'est le fait qu'on avait un plan de lutte aux changements climatiques et il y
avait des revenus associés à ça et des mécanismes pour, donc, soutenir l'offre
de services. On a vu une croissance à la fois de l'offre de services et de
l'achalandage et, ça, bien ça ne prend pas énormément d'années pour mettre en
service davantage d'autobus et que les gens puissent les utiliser. Donc oui, à
court terme, là, financer les services, c'est une priorité je dirais d'autant
plus qu'on a un défi très criant à court terme sur le financement.
M. Grandmont : ...avait été
investi à l'époque, puis quelle avait été l'augmentation de l'achalandage
pendant cette période-là?
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : C'était
à peu près un deux pour un, là, ça fait qu'à 32... à 32 %, on est à peu
près à la moitié de ça en termes d'augmentation de l'achalandage.
M. Grandmont : D'accord.
Donc, ça donne des résultats. Là, évidemment, on a une ex-ministre des
Transports qui disait que financer les services ce n'était pas la mission de
l'État, mais, donc, vous, c'est quand même ça que vous proposez, c'est un
retour à, finalement, un engagement du gouvernement dans les services de
transport en commun. J'aimerais que vous me parliez un peu de la politique de
mobilité durable. Vous avez dit que c'est sur la glace présentement, c'est
quand même assez surprenant dans un contexte où les transports sont au cœur de
l'action climatique. Qu'est-ce qui se passe avec la politique?
La Présidente (Mme Nichols) : 4 secondes.
Je suis désolé
M. Pagé-Plouffe (Samuel) :
C'est sur la glace, c'est ce qu'on a appris par la voix des médias, même si on
est collaborateur du ministère.
La Présidente (Mme Nichols) : Merci.
Je vais céder la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Oui, merci.
Merci de votre présence, de votre mémoire. Est-ce que vous pouvez, justement,
élaborer un peu là-dessus? C'était aussi une de mes questions sur la politique
de mobilité durable, qui semble assez essentielle comme pièce du puzzle pour
arriver à l'objectif visé de 37,5 % de réduction.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Malheureusement,
on n'a plus... on n'a plus de retour. On était réellement collaborateur, là,
avec le ministère qui avait son comité qui travaillait à l'élaboration. Elle a,
à ce jour... elle est sur la glace, donc c'est sur l'espace... dans l'espace
public, ça a été nommé que, en raison des, bons, contraintes budgétaires à
court terme, il n'y a pas d'intention d'avoir un nouveau plan d'action. Donc on
est un peu dans les limbes, mais le problème là-dedans, c'est que, je reviens
au tableau que j'ai montré à M. le ministre, c'est que, là, complètement, la
mobilité durable est dans l'angle mort de la politique climatique. Donc, et on
comprend, c'est une situation financière difficile, que probablement que c'est
plus difficile d'investir à très court terme dans des grands projets, mais en
même temps, il faut qu'on ait une action qui est concertée à travers une
politique pour pouvoir finalement, bien, agir sur la mobilité durable peu
importe de la situation difficile financière.
M. Arseneau : Oui. Vous avez
fait référence au plan de mise en œuvre déposé il y a très peu de temps. Ma
compréhension, puis je veux savoir si vous avez la même que moi, le précédent
ministre disait : Bien, avec le plan qu'on a et les mesures qui sont
identifiées, si on les met en œuvre d'ici cinq ans, et j'insiste pour cinq ans,
parce qu'il faut inclure l'année 2030, là, jusqu'au 31 décembre, donc
on a cinq ans pour y arriver, avec les mesures qu'on a là, là, on va arriver à
atteindre l'objectif de 37,5 % de réduction, mais à hauteur de 65 %
sur le territoire du Québec. La balance étant le SPED, donc il faut le
considérer, donc on attendrait nos objectifs. Est-ce que vous comprenez la même
chose? Que, là, aujourd'hui, on est vraiment en train de faire un virage par
rapport à ce qui était prévu et ce qu'on devait investir pour atteindre les
objectifs d'ici 2020?
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Oui,
bien il y a un virage qu'on observe, puis, comme je vous disais, je suis quand
même assez étonné parce qu'encore cet été, on nous disait que, bien, on avait
les moyens d'y arriver, que pour l'économie du Québec, c'était plus positif que
négatif. Donc là, on est un peu, je vous dirais, et c'est ce que vous disais
tout à l'heure Marie-Soleil, un peu pris par surprise, puis je citerais le
maire de Baie-Saint-Paul qui était lors... qui a participé à la consultation,
lui a dit : Si on devait reculer sur la cible climatique, la population
québécoise serait stupéfaite. On ne l'a comme pas vraiment vu venir, en fait.
M. Arseneau : Merci beaucoup.
Mme Nichols : Oui, merci
beaucoup. Merci beaucoup, merci de votre contribution aux travaux de la
commission. Nous allons maintenant suspendre quelques instants afin que l'on
puisse accueillir nos prochains invités. Merci. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 16)
(Reprise à 12 h 18)
La Présidente (Mme Nichols) : Nous
reprenons les travaux, et je souhaite la bienvenue aux représentants de la
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Merci d'être parmi
nous. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après
quoi nous allons procéder à un échange avec les collègues, avec les membres de
la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à débuter votre
exposé.
M. Rondeau (Patrick) : Merci
beaucoup. Je me présente, Patrick Rondeau, je suis le directeur du service
Environnement et Transition juste à la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec. Je suis accompagné de Sami Dellah, qui est conseiller
en environnement et conseiller régional pour la région de Montréal.
M. le ministre, membres de l'Assemblée
nationale, bien, la FTQ vous remercie de nous inviter en commission, c'est
extrêmement apprécié, pour discuter de cette consultation sur la cible de
réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec, et on insiste
vraiment sur l'aspect réduction de la consultation à travers notre mémoire.
Donc, il est clair, pour nous, que revenir
en arrière, le statu quo ou un manque d'ambition n'est tout simplement pas
acceptable pour les membres que nous représentons. La FTQ préconise une cible
de réduction de 55 % à 60 % pour 2030, ainsi que des cibles
intermédiaires, soit au moins 70 % pour 2035, 85 % pour 2040, et
l'atteinte de la carboneutralité pour 2045, tel que proposé par le GIEC. Est-ce
trop ambitieux? Est-ce qu'on est tombé sur la tête? Je dirais tout simplement
que le Royaume-Uni, lui, a une cible de 81 % pour 2035, alors on ne
comprend pas pourquoi on ne serait pas capables, au Québec, d'être à la hauteur
du défi. Donc, avant de dire qu'on est déconnectés, irresponsable envers nos
membres, les personnes qu'on représente, on est plutôt d'avis que l'inaction et
le manque d'ambition sera encore plus dommageable pour l'ensemble de la
main-d'oeuvre au Québec.
Si vous vous... et, si vous remettez en
question, bien, je vous invite à en parler aux 30 000 personnes qui ont
déjà perdu leur emploi dans l'industrie forestière depuis les 25 dernières
années, et ce n'est pas terminé. Pourquoi? Bien, tout simplement parce que le
Québec n'a aucun plan de transition, aucune politique industrielle, donc aucune
prévisibilité. D'ailleurs, on a entendu le ministre dire qu'aucun emploi ne
sera sacrifié sur une cible de réduction de GES trop ambitieuse. C'est bien
apprécié, de ne pas sacrifier les emplois de nos membres, mais, en même temps,
c'est comme si l'ambition climatique était strictement liée à des pertes
d'emplois. Donc, ça demande des explications.
En fait, personne ne sait quel sera
l'impact des changements climatiques sur les emplois, absolument personne,
parce que le gouvernement actuel s'est toujours refusé de faire une étude
prospective sur les impacts des changements climatiques sur les emplois, une
demande pourtant demandée depuis six ans par la FTQ et même par le Conseil du
patronat du Québec, conjointement. Donc, la réponse qu'on reçoit, bien, c'est
que c'est trop compliqué, ou la réponse qu'on reçoit, très laconique, c'est de
dire : Bien, on n'a pas de charbon, au Québec, donc on n'a pas à
l'évaluer. C'est vraiment, texto, ce qu'on a comme réponse. Donc, au Québec, en
matière d'ambition, de prévisibilité, bien, on repassera.
• (12 h 20) •
La cible préconisée par la FTQ n'est pas
une cible en l'air. Elle s'appuie sur les obligations du Québec et sur la
science, notamment la juste part, une science qui nous indique que l'inaction
coûtera plus cher qu'agir. Les prévisions de l'Institut climatique du Canada
sont pourtant claires : les impacts des changements climatiques coûteront
minimalement 25 milliards par année, pouvant atteindre jusqu'à 41 milliards au
tournant du siècle. On y apprend également que les ménages pourraient subir des
pertes de revenus de 12 % à 19 %. Les changements climatiques
détruisent également les emplois. On parle d'environ 3 millions perdus d'ici la
fin du siècle, nonobstant la croissance démographique. Donc, ce n'est pas des
cibles... Et les efforts de réduction de GES...
M. Rondeau (Patrick) : ...est-ce
qui causeront les pertes d'emplois, mais bien les changements climatiques et
les gouvernements qui ne planifient pas adéquatement la transition. Donc, c'est
pourquoi que ce n'est pas si tant un débat sur les cibles qui intéresse la FTQ,
mais comment on va y arriver. Ça fait maintenant 10 ans que la FTQ appelle à
mettre en œuvre les principes directeurs pour une transition juste vers des
économies et des sociétés écologiquement durables pour tous de l'Organisation
internationale du travail. D'autant plus que l'Assemblée nationale a adopté non
pas une, mais deux fois des motions sur la transition juste en 2021. Mais
depuis, absolument rien. Bien sûr, un mandat sur la transition verte a été
adopté, piloté par le ministère de l'Emploi, mais on est encore très loin de la
transition juste. Donc, aucun plan, incluant les travailleurs et les
travailleuses, n'a jamais été adopté. Point barre. Donc, aucune prévisibilité
de ce côté-là.
Donc, on réitère que si le gouvernement du
Québec veut atteindre la carboneutralité, il doit faire des études prospectives
d'impact, établir des scénarios de décarbonation, évaluer les impacts de ces
scénarios sur les emplois et surtout planifier une transition juste avec les
travailleurs et les travailleuses, pas à leurs dépens. Donc, ça prend aussi des
cibles industrielles, sectorielles. Il n'y en a aucune dans le plan pour une
économie verte. Il est assez clair que l'approche volontariste ne fonctionne
pas. C'est un effort sectoriel, inclusif dont nous avons besoin. De plus, le
mandat sur la transition verte doit être recadré. On demande donc un comité
aviseur soit rapidement mis en place pour que les travaux et les sommes
investies répondent vraiment aux besoins des entreprises et de la main-d'œuvre.
On appelle également au lancement d'un livre blanc sur la transition juste le
plus rapidement possible. Si Québec cherche des exemples, il peut se tourner du
côté de l'Écosse, du côté de l'Espagne et j'en passe. Donc, après 10 ans
d'attente, les travailleurs, travailleuses du Québec méritent mieux que d'agir
un épouvantail sur l'hypothétique perte d'emploi pour justifier un manque
d'ambition.
D'ailleurs, pourquoi les efforts de
transition ne pourraient pas provoquer l'inverse, donc, création d'emplois,
meilleures conditions de travail, entreprises compétitives ayant une meilleure
résilience? Donc, il faut cesser le discours alarmiste pour qu'il devienne un
narratif positif et rassembleur. Donc, encore une fois, oui, à une cible
ambitieuse, mais surtout à une planification inclusive, prévisible et juste. De
plus, la cible ambitieuse signifie, également, des budgets et des politiques
plus ambitieux. Donc, à ce sujet, la FTQ demande que le gouvernement du Québec
se dote également d'un budget carbone.
En conclusion, bien, on sait que les
changements climatiques causeront des pertes d'emplois. C'est assez clair.
Reste à savoir ce que les partis à Québec et tous ceux qui sont autour de la
table vont faire pour limiter ces pertes d'emplois-là. L'inaction et le manque
d'ambition ne sera jamais la bonne réponse à cette crise. Merci.
La Présidente (Mme Nichols) : Je
vous remercie de votre exposé. Nous allons maintenant débuter les blocs
d'échanges. M. le ministre, la parole est à vous pour 13 minutes.
M. Drainville : Oui. Merci
beaucoup. Merci pour votre présentation. Diminution de 55 à 60 % des
émissions en 2030. Est-ce que vous avez évalué les manières d'y arriver? Est-ce
que vous avez des suggestions concrètes sur comment on va arriver à une telle
diminution en l'espace d'à peu près cinq ans?
M. Rondeau (Patrick) : Bien,
c'est le cœur de notre mémoire. C'est justement ça, c'est comment on va y
arriver. Pour nous, c'est sûr que la cible est d'ordre scientifique. En fait,
on se base sur les obligations du Canada, et par conséquent, le Québec, face à
l'Accord de Paris. Si on veut maintenir aussi une température sous 1.5 degré,
on peut avoir des cibles beaucoup plus inférieures, mais on ne fait que
pelleter par en avant. Donc, pour nous, la cible, elle part de là. Maintenant,
sur le comment, c'est exactement comme je le disais. La première des choses,
bon, on a besoin des études prospectives, des impacts des changements
climatiques sur les emplois pour mettre à profit la mobilisation des milieux de
travail, des cibles sectorielles au niveau des industries. Il nous faut un plan
inclusif de transition juste. Il nous faut... donc c'est ça. Donc, dans le
fond, c'est comme ça qu'on y arrive, nous, naturellement, incluant le SPEDE, ça
va de soi et tous les outils d'écofiscalité dont Québec dispose.
M. Drainville : Oui, mais
comment dire... Bon, par exemple, dans le document de consultation pour la
présente commission, on donne l'exemple si on devait atteindre la cible de 37.5
% et non pas celle que vous proposez de 55 à 60 %, si on atteignait la cible de
37.5 % sur le territoire québécois, si on l'atteignait dans sa totalité, il
faudrait, par exemple, augmenter la taxe sur l'essence. Est-ce que vous êtes
favorable à l'augmentation de la taxe sur l'essence?
M. Rondeau (Patrick) : On est
favorables à une révision complète des mesures d'écofiscalité qui existent au
Québec. Donc, je pense que c'est un dialogue qu'il faut avoir avec les citoyens
et citoyennes du Québec. Naturellement, d'aller simplement sur des taxes
punitives, parce que c'est comme ça, si on les présente comme ça, c'est sûr que
les gens n'embarqueront pas là-dedans. Bien, je pense qu'il y a d'autres façons
de faire, faut mettre à profit les entreprises, entre autres...
M. Drainville : ...donnez-nous
des exemples...
M. Drainville : ...fiscalité
qui serait, à vos yeux, acceptable.
M. Rondeau (Patrick) : Je
pense qu'il y a un fardeau qui peut être aussi porté par les entreprises du
Québec un peu plus, à ce niveau-là. Je pense que la taxe sur l'essence, si pas
tant de l'amener, mais je pense qu'il faut explorer une taxe kilométrique, par
exemple, il faut peut-être voir du côté des péages. Je pense qu'il y a une
panoplie d'écofiscalités qui sont disponibles. Il faudra voir, aussi, au niveau
du SPED, au niveau, particulièrement, des... des droits, des droits au niveau
du SPED, bie, peut-être, normalement, ils doivent être plus régressifs avec le
temps. Alors, je pense que ces outils-là doivent être explorés.
M. Drainville : Expliquez-nous
comment ça fonctionne, une taxe kilométrique.
M. Rondeau (Patrick) : Une
taxe kilométrique, c'est comme une taxe sur l'essence, mais on y va selon le
kilométrage, parce qu'on sait qu'au niveau du transport collectif, bien, déjà
en partant, avec l'électrification des transports, je veux dire, la taxe
essence, elle va disparaître par elle-même un jour ou l'autre, là, donc ça,
c'est assez, c'est assez clair, donc il faut qu'elle soit remplacée pour
pouvoir financer le transport collectif commun, pas commun, mais public. Donc
ça, c'est un exemple parmi tant d'autres. Mais si vous regardez le mémoire, ce
n'est pas ce qu'on préconise, non, on préconise spécifiquement de mettre à
profit les travailleurs, les travailleuses et les entreprises au Québec pour
qu'on ait un effort collectif, ensemble, pour y arriver.
M. Drainville : Puis un
péage, vous... vous parlez de... de quoi exactement? Il y a des taxes qui...
M. Rondeau (Patrick) : Bien,
dans le monde, il y a des taxes qui existent pour les grands centres urbains,
par exemple, pour les gens qui travaillent à l'extérieur, ou plutôt l'inverse,
qui habitent à l'extérieur. Donc ça, c'est le genre de chose qui peut être
exploré, naturellement, mais c'est clair que si on regarde les deux plus
grandes tartes de GES au Québec, c'est le transport, on le sait tous. Donc,
ça... j'ai entendu mes collègues de Vivre en ville, tantôt, je pense que
d'investir encore plus dans le transport collectif et public est une des
solutions. Et l'autre pointe de tarte, c'est les industries, donc les
industries, malheureusement, ça ne bouge pas beaucoup depuis plusieurs années
parce que l'effort est sur une base volontariste individuelle et les
entreprises ne veulent pas s'embarquer là-dedans et de surcroît être en... se
chicaner avec leurs propres employés parce qu'ils ne savent pas comment le
présenter. Donc, il faut leur donner les outils nécessaires pour pouvoir faire
cet effort-là, collectif et sectoriel.
M. Drainville : Juste pour en
revenir à la taxe kilométrique... Bon, vous le savez, dans les régions, par
exemple, les régions ressources, si on prend l'industrie de la forêt, par
exemple, qui vit des moments très, très difficiles, qui est frappée par une
taxe de 45 %, un tarif de 45 % actuellement, qui a subi beaucoup de
pertes d'emplois, ces dernières années, d'imposer une taxe kilométrique, ça
risque de pénaliser l'industrie forestière qui doit transporter, notamment, le
bois sur de longues distances. Il faut permettre à la machinerie d'aller
chercher le bois, vous ne... vous ne craignez pas qu'une telle taxe vienne
faire mal aux travailleurs de la forêt, par exemple?
M. Rondeau (Patrick) : Mais
encore une fois, vous avez posé la question à savoir quel genre d'exemples qui
existent. Je vous ai répondu que c'est un dialogue que les citoyens et
citoyennes doivent avoir au Québec. Mais dans notre mémoire, nous ne proposons
pas une taxe kilométrique, c'est un exemple parmi tant d'autres. Nous, ce qu'on
croit, c'est que la transition doit avoir un narratif positif. On pense que les
entreprises pourraient être plus compétitives et non pas une dépense,
simplement. Pour nous, on voit la transition au Québec comme un investissement,
pas une dépense du tout. Donc on... Et quand on regarde ailleurs, où il y a des
cibles plus ambitieuses, comme au Royaume-Uni, c'est l'inverse. Ils sont en
bonne position économiquement, ils ont une cible de 80 % de... pour 2035.
Donc ce n'est pas un puits sans fond qui se creuse au niveau du déficit.
• (12 h 30) •
M. Drainville : Mais vous
comprenez, M. Rondeau, que le Royaume-Uni ou d'autres États européens, ils sont
en... ils sont en concurrence les uns avec les autres à l'intérieur du marché
européen, et donc... de... d'adopter une politique climatique qui prévoit des
diminutions très grandes, lorsque ton voisin prévoit aussi une politique
climatique avec des réductions très importantes, je veux dire, tout le monde
est en concurrence, mais avec, essentiellement, les mêmes règles ou avec des
objectifs, en tout cas, qui sont proches les uns des autres. Actuellement, ce
qui se passe dans les Amériques, c'est que les États-Unis baissent leurs
standards, baissent leurs exigences climatiques. Le gouvernement fédéral a fait
la même chose, notamment avec sa politique d'électrification des véhicules,
mais aussi sa taxe carbone, qu'il a carrément éliminé pour les individus. La
Colombie-Britannique vient d'annoncer que sa politique d'électrification
prenait le bord, qu'ils allaient se fier sur Ottawa pour ça, puis Ottawa a suspendu
sa cible en matière d'électrification. Et là, l'Ontario est en train
d'envisager sérieusement de faire sauter sa cible de réduction de GES, donc nos
concurrents économiques, eux, abaissent les standards. Et vous, ce que vous
nous dites, c'est qu'on devrait non seulement maintenir les cibles que nous
avons déjà, 37,5, mais qu'on devrait les accroître. Et ça, ça va
nécessairement...
12 h 30 (version non révisée)
M. Drainville : ...vouloir
dire un coût financier notamment plus important. Par exemple, on est les seuls
à avoir une taxe carbone présentement, à part... au Canada, on est les seuls.
En Amérique du Nord, bon, il y a la Californie qui participe à la Bourse du
carbone et tout ça, mais nos concurrents économiques, ils ne... ils ne
s'imposent pas les mêmes coûts financiers, les mêmes coûts économiques. Et donc
ça pose un réel enjeu de concurrence, puis un réel risque pour les pertes d'emplois.
J'imagine que vous le voyez, ce risque-là.
M. Rondeau (Patrick) : Bien,
on le voit déjà parce qu'il y a déjà des pertes d'emplois et les conditions de
travail se dégradent en ce moment, notamment dans des enjeux commerciaux. Et
même si le Canada a ses cibles en apparence, il cherche à ouvrir d'autres
marchés aussi, comme on le sait très bien, parce qu'on ne peut plus se fier aux
États-Unis. Donc, ces nouveaux marchés-là, bien, à l'extérieur, à ce que je
vois, vous avez parlé de l'Union européenne, mais même la Chine, d'une certaine
façon, d'un point de vue énergétique, est en train de faire un virage
important. Donc, ce qu'on dit encore une fois, c'est que cette approche-là,
volontariste, de demander aux entreprises de peut-être faire quelque chose, ne
fonctionne pas. Et ce qu'on entend, autant de la part de nos membres que de
certaines entreprises, c'est que ça prend une approche sectorielle pour
relancer un principe compétitif de valeur ajoutée sur ce qu'on produit. Et ça,
ça implique le taux, pas le taux, mais le niveau de carbone qui est utilisé
aussi. Donc, pour nous...
M. Drainville : Comment
voulez-vous être compétitif si tout le monde baisse les exigences alors que
nous on les augmente et on les augmenterait selon... encore plus selon ce que
vous proposez? Je ne vois pas, là, comment on peut être compétitif dans un dans
un monde comme celui-là, là. Je ne comprends pas.
M. Rondeau (Patrick) : Bien,
on fait face à un ajustement carbone aux frontières, par exemple à l'Union
européenne, donc si on ouvre un marché avec l'Union européenne, il va falloir
que les produits soient plus compétitifs de ce qu'on va envoyer. Ça, c'est
assez exporté, c'est assez clair là-dessus. Et pour nous, en fait, de baisser
les standards, puis je sais que ce n'est pas ce que vous dites nécessairement,
mais vous vous comparez à des gens, pas des gens, mais des pays qui baissent
leurs standards, bien on fait juste pelleter par en avant parce que le
réchauffement climatique lui se poursuit pendant ce temps-là et on fait face à
des pertes d'emploi. Je veux dire, tous les indicateurs, on le voit, si vous
regardez les rapports de l'Organisation internationale du travail, le nombre d'heures
perdu par année est en explosion, causée par les coups de chaleur, par le
stress thermique, etc. Donc il y a déjà un impact sur les emplois, sur les
entreprises. Donc si on se dit : Bien, baissons les standards, on ne va
pas en rajouter, quant à nous on fait juste pelleter par en avant là. Et c'est
nos membres à nous qui continuent à voir leurs conditions de vie et leurs
conditions de travail se dégrader.
M. Drainville : Donc vos
membres seraient favorables à ce que les entreprises québécoises paient encore
plus pour la transition énergétique? Vous pensez que vos membres seraient pour
ça?
M. Rondeau (Patrick) : On
sait pertinemment que nos membres sont favorables à ce qu'il y ait des
principes de transition juste qui soient mis en place au Québec, qu'ils fassent
partie de la solution et qu'ils puissent être assis autour de la table pour
planifier cette transition-là. Ça, c'est assez clair.
M. Drainville : Dans le
document de consultation qui a été déposé devant la commission qui a été
préparé, donc, par les équipes du ministère, on dit... on donne un autre
exemple de mesures qu'il faudrait adopter pour atteindre une cible de 37,5, l'actuelle
cible, d'ici 2030 si l'ensemble des réductions étaient effectuées sur le
territoire et on donne l'exemple d'une baisse de production d'aluminium,
notamment d'aluminium, de 14 %. Vous, est-ce que vous seriez favorable à
une baisse de production d'un secteur comme celui de l'aluminium pour atteindre
les objectifs?
M. Rondeau (Patrick) : On n'est
pas favorables à une baisse de production, puis à des pertes d'emplois, là, ça
va de soi. Donc ça, c'est assez clair que non. Maintenant, sur les chiffres sur
l'aluminium, je ne sais pas si tu voulais intervenir là-dessus?
M. Dellah (Sami) : Bien, en
fait, c'est que vous avez déjà eu le plaisir d'entendre Nature Québec, là, vous
exposez un peu la situation, mais moi, ce que j'aimerais, la chose sur laquelle
j'aimerais plutôt revenir, c'est que, à quelque part, une transition crédible,
là, ça exige, comme on dit, une analyse prospective structurée sur les impacts
de... des changements climatiques sur l'emploi, les compétences, les
trajectoires professionnelles, les conditions de travail. Puis ces questions-là
ne peuvent pas être traitées autrement que par les principes de transition juste
qu'on amène dans le mémoire. Donc, c'est important qu'un exercice de réflexion
et de planification soit encadré par les parties prenantes, mais avec
principalement les travailleurs et les travailleuses et leurs organisations. Et
là, ces bons mots-là ne viennent pas de moi, ils viennent, verbatim, d'Alain
Webster lors du webinaire sur le huitième avis consultatif. Donc, il faut
écouter les gens qui ont le mandat de donner des réponses et des alignements au
gouvernement actuel.
M. Drainville : Il me reste 15 secondes.
On peut, à votre avis...
M. Drainville : ...et
diminuer de 55 % à 60 % les émissions de GES d'ici 2030, sans perte
d'emploi?
M. Dellah (Sami) : Ce serait
irréaliste de penser qu'il n'y a pas de pertes d'emploi, mais ce serait
irréaliste également et à quelque part, irresponsable de mettre de côté le coût
de l'inaction, et le coût de l'inaction va causer beaucoup plus de pertes
d'emploi que la mise en œuvre d'une planification qui fait... qui fait appel
aux principes fondateurs de la transition juste, donc, avec les travailleurs, avec
les parties prenantes, avec les Premières Nations, et j'en passe, les
gouvernements, les entreprises. Ce n'est pas pour rien qu'on vous dit que ça
fait six ans qu'on parle de ça, et qu'on a même déposé des écrits en
collaboration avec le CPQ. Ce n'est pas juste les syndicats qui parlent de ça,
là.
La Présidente (Mme Nichols) :
Je vous remercie...
M. Dellah (Sami) : Merci.
La Présidente (Mme Nichols) :
Je vous remercie. Le temps est écoulé. Je vais céder la parole à la députée de
Notre-Dame-de-Grâce.
Mme McGraw : Merci, Mme la
Présidente. Mais juste pour revenir... Mais merci pour votre présence, votre
mémoire et votre présentation, dans un premier temps.
On va revenir sur le coût de l'inaction,
justement, à la page 11 de votre mémoire, vous parlez d'un fardeau
exponentiel, et le ministre se dit vouloir avoir une approche équilibrée entre
l'environnement et l'économie. On entend beaucoup moins parler de
l'environnement, plus de l'économie. On partage les préoccupations économiques.
Mais l'analyse économique, ce qu'on entend du ministre, c'est beaucoup les
coûts, les coûts, et ce qui est important, mais pour l'approche équilibrée, il
y a aussi les coûts de l'inaction et aussi les opportunités, les retombées de
l'action climatique.
Vous parlez d'un discours alarmiste qu'il
faut éviter un discours alarmiste, si je comprends bien, et vous parlez plus
d'un discours qui est rassembleur. Alors, est-ce qu'on peut vous entendre
là-dessus?
M. Dellah (Sami) : Bien,
écoutez, oui, certainement, c'est des coûts. Il va y avoir des coûts à une
transition. Mais comme on inscrit, dans notre mémoire, les coûts de l'inaction
sont substantiellement plus élevés. On parle que pour chaque dollar
d'investissement, c'est 13 $ à 15 $ qu'on convient. Le rapport, le
ratio est quand même immense par rapport à une transition versus un manque de
planification. Donc, ce qu'on dit et quand on parle de ne pas avoir de discours
alarmiste, c'est c'est également... Je vais peut-être l'amener sur autre chose
et il faut qu'on dépolitise la transition climatique au Québec. On ne peut pas
rester dans des discours partisans ou dans des discours électoraux, là. On doit
essayer de travailler ensemble. Cette transition-là ne peut pas se faire juste
par un gouvernement ou juste par un parti, elle doit être faite de façon
dépolitisée et de façon consciente pour justement préserver les générations
futures.
Si on a si on ne fait pas les changements
maintenant, si on ne tente pas... Et là on parle de cibles, puis on pourrait
s'obstiner sur des pourcentages de cibles à atteindre, là, pendant des heures.
Mais la réalité, c'est qu'on a un devoir d'effort avant même l'effort... avant
même d'avoir le devoir de résultat. Donc, on se doit d'avoir une ambition
rehaussée pour qu'ensuite les politiques, la réglementation soient adaptées en
conséquence. Donc, si on... si on réduit notre ambition comme ce qui semble
être potentiellement l'idée du gouvernement actuel, bien, on se trouve à lancer
un signal comme quoi, dans le fond, la crise climatique, ce n'est pas une
véritable crise. Et moi, je ne veux pas vivre dans une société où,
malheureusement, on vit dans le déni de la crise climatique. Ce n'est pas... on
n'est pas les États-Unis, on n'est pas le gouvernement de Trump, je pense qu'on
est plus intelligent que ça au Québec et on a le devoir d'avoir cette
intelligence-là collective et de travailler ensemble.
Mme McGraw : D'ailleurs, vous
parlez d'un discours non partisan. Et d'ailleurs, si le Québec est reconnu, à
l'international et au sein du Canada comme un leader mondial, c'est à cause de
décisions structurelles entre... il y a tous les gouvernements confondus. Ça a
été quelque chose mené pendant des décennies, et là on s'aperçoit qui va peut
être avoir un recul important qui va à l'encontre d'un consensus québécois peu
importe le parti au pouvoir. Donc, c'est préoccupant. Et justement il faut
avoir cette approche équilibrée qu'il faut regarder les coûts... les coûts et
les opportunités aussi.
• (12 h 40) •
Par contre, votre cible de 55 %. J'ai
eu la chance, en tant que porte-parole en matière de relations internationales,
de parler au Royaume-Uni justement et de comprendre leur approche. C'est sûr
que c'est au sein de l'Europe, mais ils ont beaucoup parlé... le ministre l'a
évoqué, il a parlé de courage politique. Ils ont parlé aussi du courage, du
courage que ça a pris. Est-ce qu'on peut vous entendre là-dessus? Parce que
55 % quand même, 2030, vous, est-ce que c'est crédible?
M. Dellah (Sami) : Bien, on
est conscients...
M. Rondeau (Patrick) :
...c'est un sacré challenge, là, un sacré défi, là. Ça... Ça, ça va de soi, là.
Mais en même temps, on vise quand même, et même si on garde les cibles du
Québec, là, une carboneutralité, donc, on parle de 100 %, là, dans
25 ans. Donc, même avec la cible actuelle de 37,5 %, et même si on la
descend, moi, j'aimerais... Je vais relancer la question, comment on va faire
en 2035, 2040, 2045? Tout d'un coup, on va faire un bond de 70 %. Donc, il
y a quelque chose qui ne marche pas là-dedans. Ce n'est pas... Ce n'est pas
crédible quelque part de se dire qu'on peut garder des cibles actuelles et
atteindre la carboneutralité en 2050. Ça ne tient pas la route.
Donc ça, c'est important. Et l'approche du
Royaume-Uni, c'est qu'elle a été inclusive. Il y a eu des scénarios qui ont été
faits, sectoriels. Donc, ce qu'ils ont fait, c'est une évaluation, en fait, à
partir de cibles scientifiques et non pas politiques, donc, des scénarios de
décarbonation par industrie, par secteur industriel. Donc, l'effort a été
collectif mais différenciée pour, après ça, évaluer les impacts de ces
scénarios-là sur les emplois, et corriger, et mettre en place tout de suite les
structures multipartites, puis ce qui leur permettait d'aller plus loin. Donc,
c'est juste ça qu'on demande, tu sais. Donc... Donc, quand on parle, on trouve
ça... Effectivement, vous parliez tantôt du leadership international du Québec.
Et dans mes fonctions, je suis ici co-coordonnateur des syndicats
internationaux à la Convention-cadre de l'ONU sur les changements climatiques.
Et effectivement, je l'entends, ça, ce leadership-là du Québec, de plus en
plus... pas de plus en plus, mais depuis plusieurs années. Mais le morceau du
puzzle qui manque depuis toujours, c'est les enjeux de main-d'oeuvre. Tu sais,
ils sont inexistants à ce niveau-là.
Mme McGraw : Je veux
juste... Je sais qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps. Ma collègue a une
question importante. Donc, je cède la parole à ma collègue.
La Présidente (Mme Nichols) :
Oui, Mme la députée des Mille-Îles.
Mme Dufour : Oui. Merci
beaucoup pour votre présence aujourd'hui. Le ministre, lorsqu'il a parlé de la
cible, du maintien de la cible, il a laissé sous-entendre que de maintenir
ou... pourrait mener à des pertes d'emplois. Vous représentez les travailleurs
du Québec, pas la totalité, mais quand même des milliers de travailleurs du
Québec. Et je comprends que votre position est complètement l'inverse et que
c'est plutôt le fait de ne pas maintenir cette cible ou ne pas être même plus
ambitieux qui, pour vous, pourrait mener à des pertes d'emplois. C'est bien ça?
M. Rondeau (Patrick) :
Il y a deux réponses là-dedans. La première, oui, pour répondre tout
simplement, effectivement. Et encore une fois, on pense que de parler de lutte
aux changements climatiques, de parler de transition, pour nous, on ne voit pas
ça comme quelque chose de négatif. On pense que c'est quelque chose qui peut
être positif. C'est un effort collectif et qui peut être économiquement payant
pour le Québec. C'est la première des choses. La deuxième des choses, c'est
qu'on entend constamment ces pertes d'emplois là hypothétiques. Et je m'excuse,
personne ne le sait. Je veux dire, le gouvernement du Québec s'est toujours
entêté à ne pas faire les études d'impact. Ça n'existe pas. Et ça, c'est la
première chose qu'on demande. Et on ne peut pas croire qu'on est obligés de
demander ça encore après cinq ans en compagnie des associations d'employeurs et
qu'il n'y a pas de réponse. Donc, donnez-nous l'importunité de voir où on s'en
va et effectivement on apportera les correctifs par la suite.
La Présidente (Mme Nichols) :
Il reste 30 secondes.
Mme Dufour : Et qu'est ce
que ça prendrait pour faire cette étude?
M. Rondeau (Patrick) :
Bien, ça prendrait... Bien, des scénarios de décarbonation sectoriels,
industrie par industrie. Ça prend une collaboration des syndicats, une
collaboration du côté des employeurs. Et ça, la collaboration, la main est déjà
tendue depuis longtemps. Et par la suite, à partir... Et avec des cibles
scientifiques, non pas des cibles politiques comme le PEV, parce qu'il n'y a
même pas de cible, de toute façon, au niveau des industries dans le PEV. Donc,
et à partir de là, bien, évaluation de ces cibles-là sur les emplois et la
main-d'œuvre. Et là, avec les institutions qu'on a, comme la Commission des
partenaires du marché du travail, on peut se mettre au travail dans le mandat
sur la transition verte. Et on n'a pas rien réinventé, là.
La Présidente (Mme Nichols) :
Merci. Je cède maintenant la parole au député de Taschereau,
2 min 40 s.
M. Grandmont :
2 min 40 s. Bonjour. Merci pour votre présence. D'abord,
première question, est ce que vous avez... Est-ce que vous appuyez la feuille
de route proposée par le Comité consultatif sur les changements climatiques?
M. Dellah (Sami) : Oui.
Bien, somme toute, la feuille de route est... est quand même assez éloquente,
là. Puis il y a des bonnes... des bonnes idées aussi qui en ressortent. Nous,
ce qu'on veut rajouter, puis on l'a marqué dans le mémoire, c'est
qu'indépendamment des feuilles de route, des budgets carbone, des outils
techniques, ou des plans sectoriels, ou des mécanismes à suivre, on ne peut pas
garantir une transition juste, efficace si les outils ne sont pas accompagnés
d'une gouvernance inclusive.
M. Grandmont : Je veux
vous laisser le temps qu'il me reste, à peu près deux minutes, pour qu'au
bénéfice de la commission, vous nous expliquiez ce qu'est la transition juste.
Je pense que c'est important d'expliquer la transition juste. Je ne suis pas
sûr que c'est un concept qui est compris par tout le monde.
M. Rondeau (Patrick) :
En deux minutes, c'est un sacré beau défi, mais ça part des principes
directeurs, en fait, de l'Organisation internationale du travail, donc,
négociée par les syndicats, les États, dont le Canada, et les employeurs. Ça
repose sur des principes d'équité...
M. Rondeau (Patrick) :
...de dialogue et la protection sociale. Donc, c'est-à-dire qu'il y a une série
d'indicateurs qui définissent que, pour que la transition énergétique soit
juste, ces indicateurs-là doivent être rencontrés. Plusieurs États dans le
monde ont des politiques de transition juste, ce qui permet d'avoir un réel
dialogue social entre les trois parties pour planifier cette transition-là,
s'assurer d'avoir les protections sociales nécessaires pour les gens qui vont
vraiment être en difficulté, avoir le budget nécessaire pour y faire face,
parce qu'on sait où on s'en va à ce moment-là, et dans le respect du droit du
travail, notamment au niveau du droit d'association et de négociation.
Donc, essentiellement, c'est ces
indicateurs-là, vous en avez en Europe, en Afrique du Sud, vous en avez en
Nouvelle-Zélande. Donc, c'est ces principes directeurs là, adoptés par le
Canada, qu'on veut voir être mis en... mis en œuvre, adaptés, en fait, au
Québec. Donc, ce n'est même pas de réinventer la roue, c'est simplement de les
adapter.
M. Grandmont : Merci
beaucoup.
La Présidente
(Mme Nichols) : Merci. Je cède maintenant la parole au député des
Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous pour votre présence puis votre très
intéressant mémoire. Et j'ai peu de temps, donc les recommandations que vous
faites, tu sais, au-delà des cibles, dans quel espace-temps est-ce qu'on
pourrait les réaliser de façon concrète? Par exemple, une étude prospective,
selon votre expérience, est-ce que ça prend quelques mois ou plus encore pour
le développer? Ça fait déjà six ans que vous l'attendez, là.
Puis l'autre élément, là, c'est pour la
transition juste aussi, tu sais, j'aimerais savoir comment on peut placer les
éléments du puzzle pour qu'on aille véritablement de l'avant pour l'atteinte
des objectifs que vous ciblez?
M. Rondeau (Patrick) : Bien,
on pense que ça prend... C'est par étapes, donc, et la première étape, pour
nous, c'est d'avoir cette étude prospective là, de savoir... d'avoir de la
prévisibilité, de savoir où on s'en va, quels seront les impacts et ils seront
où. Et par la suite, d'établir un dialogue entre les employeurs, les syndicats
et le gouvernement pour pouvoir planifier les éléments que l'on retrouve dans
la politique de l'OIT. Essentiellement, là, c'est de cette façon-là dont on le
voit.
Sur la temporalité, c'est sûr qu'en bas
d'une année, de pouvoir faire ces études prospectives là, c'est peut-être
audacieux, mais on pense qu'au bout d'un an on pourrait avoir déjà des bonnes
réponses pour pouvoir mieux orienter. Et, encore une fois, on a les
institutions pour le faire, comme la Commission des partenaires du marché du
travail, qui a, de surcroît, un mandat sur la transition verte par le ministère
de l'Emploi. Et je pense qu'on pourrait élargir le mandat pour pouvoir faire
ces étapes-là.
M. Arseneau : Bien,
justement, je voulais vous poser la question sur les études prospectives. Je
comprends que, dans votre esprit, la Commission des partenaires du marché du
travail serait un peu les donneurs d'ordre, mais ils ne réalisent pas les
études. Est-ce que ce sont des études qui sont nécessairement faites par le
gouvernement ou par une instance qui est mandatée par le gouvernement pour le
faire? Et, si c'est le gouvernement, c'est chacun des ministères, j'imagine, et
il faut travailler de façon intersectorielle. Vous savez comment ça peut être
long, des fois.
M. Rondeau (Patrick) : Oui,
oui, absolument, c'est le gouvernement qui serait le donneur d'ordre, à ce
moment-là, et avec un consortium scientifique pour pouvoir faire l'étude
prospective.
M. Arseneau : D'accord.
Et c'est un peu le modèle qui a été utilisé d00ans d'autres juridictions?
Puis... Et je comprends aussi que les budgets carbone, bien, ils doivent être
associés, j'imagine, aussi à cette étude-là. Donc, le point de départ, c'est
l'étude.
M. Rondeau (Patrick) :
Le point de départ, c'est : est-ce qu'on peut savoir où on s'en va? Tout
simplement.
M. Arseneau : C'est
parce que même la présentation, même de la discussion, aujourd'hui, c'est sur
les cibles, mais on n'a pas les moyens, on n'a pas les études, on n'a pas
les... Bon. D'accord, on s'entend là-dessus, merci.
La Présidente
(Mme Nichols) : Très bien, merci. Je vous remercie de votre
présence. Je vous remercie de la contribution à nos travaux. Je vais
maintenant suspendre la commission jusqu'à 14 heures. Merci. Bon appétit.
(Suspension de la séance à 12 h 50)
14 h (version non révisée)
(Reprise à 14 h 10)
La Présidente (Mme Nichols) : Alors,
rebonjour, tout le monde. La Commission des transports et de l'environnement
reprend ses travaux. Nous poursuivons donc les consultations particulières et
les auditions publiques sur le document intitulé : Consultation sur la
cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec. Cet
après-midi, nous entendrons les organismes suivants, soit l'Association
canadienne du ciment, région du Québec, Équiterre et l'Association québécoise des
médecins pour l'environnement. Je souhaite la bienvenue... Nos invités sont en
visioconférence, alors, je leur souhaite la bienvenue. Ce sont les représentants
de l'Association canadienne du ciment, région du Québec. Alors, bienvenue à
vous. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après
quoi nous allons procéder à une période d'échanges avec les membres de la
commission. Je vous invite donc, à vous présenter, puis à débuter votre exposé.
M. Drolet (René) : Merci, Mme
la Présidente. Mon nom est René Drolet, je suis le directeur des affaires
publiques pour la région du Québec à l'Association canadienne du ciment. On
représente les cimenteries à travers le Canada, y compris trois des quatre
cimenteries qui sont en opération au Québec. Je suis accompagné de mes
collègues. Je vais leur demander de se présenter en y allant d'ouest en est.
Donc, Anthony, ensuite, Alexandre et Mathias.
M. Perron-Anglehart (Anthony) :
Bonjour. Anthony Perron-Anglehart, dans le fond, je suis le chef du service Environnement
à la cimenterie Amrize à Saint-Constant. Bonjour.
La Présidente (Mme Nichols) : Bienvenue.
M. Ramacieri (Alexandre) : Bonjour.
Alexandre Ramacieri. Je suis vice-président, Développement corporatif chez
Béton provincial. On détient la cimenterie de Joliette, Ciment St-Laurent.
Bonjour.
La Présidente (Mme Nichols) : Bonjour.
M. Lamerant (Mathias) : Bonjour.
Mathias Lamerant. Chef de service Environnement pour la cimenterie Ciment
St-Mary's à l'usine McInnis, en Gaspésie.
La Présidente (Mme Nichols) : Bonjour
et bienvenue.
M. Drolet (René) : Merci.
Alors, d'entrée de jeu, premièrement, on voudrait vous remercier de l'opportunité
de présenter nos perspectives. Les GES est un enjeu qui est central à notre
industrie. Évidemment, vous savez, les cimenteries, ce sont des grands
émetteurs de GES. Selon le registre de 2024, les quatre cimenteries au Québec a
représenté 10.6 % des émissions de la province. Donc, c'est important pour
nous et l'industrie en a fait une priorité...
M. Drolet (René) :
...depuis plusieurs années, on a... Un peu pour mettre en contexte avant de
parler des cibles, en 2023, on a publié un plan d'action. Notre plan d'action
de l'industrie canadienne du ciment et du béton, Vers un béton net zéro.
Vous remarquez qu'on parle ciment et béton parce que pour réduire les GES, on
regarde vraiment tout l'ensemble du cycle de production, la chaîne de
production de notre produit. Et ce plan d'action là est basé vraiment sur
beaucoup de travail, avec des... des données de l'industrie pour regarder
toutes les opportunités de réduction de GES à partir de l'extraction des
matériaux jusqu'aux activités dans les cimenteries, dans les usines de béton,
la conception des ouvrages et la construction. Donc, c'est vraiment un cadre de
référence qu'on... que les joueurs de l'industrie se servent maintenant pour
réduire les GES. Et en 2024, à la demande du ministre Benoit Charette, chacune
des cimenteries au Québec a présenté une feuille de route détaillée sur sa
stratégie de réduction des GES d'ici 2050. Donc, cette information-là, elle est
déjà au gouvernement. On a fait l'effort, en tant qu'industrie, de... de
déterminer comment on peut réduire les GES. On sait quoi faire. La mettre en
œuvre, c'est là qu'il y a des défis.
Et ce qu'on se rend compte, c'est que les
défis, c'est que c'est long et ça coûte cher. C'est long parce que ça demande
des innovations technologiques qui évidemment ne se feront pas du jour au
lendemain. Ça demande également des autorisations pour certaines activités,
changer les activités et des autorisations environnementales qui prennent
également du temps à obtenir. Et ça nécessite également des modifications au
code... aux normes et au code des... codes des bâtiments dans certains cas. Si
on veut produire de nouveaux produits, il faut s'assurer que ça se fait en
toute sécurité, là, le béton qui sert aux infrastructures. On doit rencontrer
certaines normes.
Donc, tout ça fait en sorte que c'est des
processus qui sont longs et ça coûte cher. Les... Les émissions les plus
faciles ont déjà été faites depuis 20 ans, l'efficacité énergétique, les
petits ajustements. Ce que maintenant les cimenteries ont sur leurs planches à
dessin, ce sont des initiatives majeures, des projets souvent de dizaines de
millions, mais de centaines de millions de dollars. Donc, tout ça fait en sorte
qu'on avance. On avance lentement. Et ça nous amène aux cibles. Quand on parle
de cibles de réduction du gouvernement, justement, des cibles, c'est utile,
c'est utile d'avoir des cibles. Ça nous fixe des objectifs et ça permet de
canaliser nos efforts. Ça permet aussi, puis ça, c'est important, une... une certaine
prévisibilité à long terme. Et c'est important pour les investissements, ça, de
savoir où on s'en va.
Par contre, les cibles doivent être
réalistes afin qu'elles soient crédibles. Donc, dans le... la situation
actuelle, ce qu'on comprend de l'évolution, là, et de tout l'ensemble de la
société au Québec, c'est que la cible de 37,5 % de réduction à l'horizon
de 2030, elle est difficile... ça va être difficile à atteindre. Donc, nous,
nous sommes d'avis que ça serait mal avisé peut-être de la modifier à ce
stade-ci. Et on recommande le statu quo. Donc, garder la même cible, ça va
continuer à... à aider les initiatives, mais une cible plus contraignant
pourrait être problématique.
Quant à l'objectif à long terme de
carboneutralité, bien, il est... Il est cohérent avec notre propre objectif.
Donc, c'est sûr que c'est quelque chose qu'on... qu'on appuie tout en étant...
Vraiment, il faut être conscient que ça va nécessiter le recours à des
technologies innovantes, que ce soit la capture, l'utilisation de stockage du
carbone ou d'autres types de technologies qu'on peut peut-être à peine imaginer
pour l'instant. Il y a vraiment beaucoup de travail à faire au niveau de la
recherche et du développement si on veut atteindre la carboneutralité. Puis en
tant que cible, c'est cohérent avec nos objectifs au niveau de l'industrie.
Par contre, je veux aussi parler
rapidement du contexte économique qui, évidemment, a changé depuis 2015, depuis
l'établissement des cibles. Les cimentiers, on a la responsabilité d'assurer un
approvisionnement fiable en ciment afin de faire du béton qui supporte les
infrastructures. Puis comme vous le savez, la demande pour les infrastructures,
elle est là. Il y a une longue liste au Québec et ailleurs au Canada, de
projets en attente. Donc, la demande pour le béton, elle est toujours là, et
notre chaîne de production, notre... elle est quand même... elle est très
imbriquée avec les États-Unis. Il y a un certain pourcentage, ça représente
40 % du ciment produit au Canada qui est exporté, et principalement aux
États-Unis. Il y a donc... Le contexte global est important. Il y a
l'incertitude générale créée par les tarifs douaniers présentement, qui crée de
l'incertitude dans l'économie. Il y a également les mécanismes d'ajustement
carbone à la frontière en Europe qui peuvent avoir un effet. Ça change toute la
dynamique des importations et des exportations de ciment...
M. Drolet (René) : ...et ça
peut se répercuter... se répercuter jusqu'ici. Donc, le... Ce qu'il faut
comprendre que des cimenteries au Canada et certaines des cimenteries au Québec
sont la propriété de multinationales. Et ce que ça veut dire? C'est qu'une
cimenterie qui a, par exemple, un projet de réduction GES veut investir
200 millions ou 300 millions de dollars, doit convaincre la
maison-mère d'investir au Québec plutôt que d'investir, par exemple, dans une
cimenterie qui serait dans la région des Grands Lacs aux États-Unis, pourrait
desservir le même marché. Donc, il y a... ce qui est important, c'est que les
gouvernements mettent en place les conditions propices aux investissements pour
attirer les investisseurs au Québec. Les producteurs de ciment au niveau
mondial, ils cherchent à investir dans des juridictions qui offrent des
avantages stratégiques, que ce soit leur modernisation, productivité,
croissance du marché, des choses comme ça. Et, au Québec, on a accès à une
main-d'œuvre qualifiée, à une électricité propre et une infrastructure qui
permet le transport, là, pour le commerce international. Donc, c'est des... les
points positifs. Par contre, il y a une lenteur dans la narration pour les
mises en chantier des projets d'infrastructures qui peut-être un frein et qui
peut peut-être affecter l'investissement. Donc, c'est des choses au-delà des
normes il faut regarder aussi le contexte, mettre en place les mesures pour
faciliter la réduction des GES, et les investissements au Québec.
...plus détaillé pour notre industrie et
les mesures d'accompagnement. Étant donné qu'on parle de... d'initiatives très
coûteuses, évidemment, des programmes qui permettent un soutien financier pour
la réduction des GES dans l'industrie, c'est toujours le bienvenu. Il existe
des programmes présentement, on espère qu'ils vont continuer et qu'ils vont
être bonifiés, des processus d'autorisation qui seraient plus rapides,
peut-être, plus prévisibles, ce serait également utile pour... pour faciliter
et accélérer les... les projets de réduction de GES.
Et il y a aussi un rôle que le
gouvernement peut jouer pour créer des marchés et... de maintenir des marchés
pour des produits, les matériaux plus faibles en carbone. Parce que c'est une
chose pour l'industrie de dire : On produit des ciments ou des bétons bas
carbone, mais il faut qu'il y ait un marché pour ces produits-là. Étant donné que
les projets d'infrastructure, les plus grands donneurs d'ouvrage, c'est le
gouvernement, que ce soit le fédéral, le provincial, le municipal. Bien, par
les politiques d'approvisionnement, il y a des opportunités où le gouvernement
peut aider à la mise en place des marchés pour des produits qui seraient plus
faibles en... en carbone, tout ça évidemment pour protéger et garder
l'industrie cimentière au... au Québec.
Je pourrais en parler plus longtemps, mais
je veux que... garder du temps pour les questions avant qu'on... qu'on me dise
que je suis rendu à mes 10 minutes. Donc, de façon générale, on supporte
les cibles qui sont là, mais les cibles en elles-mêmes ne sont pas suffisantes.
Ça prend des mesures et un contexte qui va permettre justement de les atteindre
plus facilement.
La Présidente (Mme Nichols) : Merci,
merci... beaucoup, M. Drolet, pour votre exposé. Nous allons en effet, là,
commencer la période d'échange. M. le ministre, vous avez le premier bloc pour
15 minutes 30 secondes.
M. Drainville : Alors, merci
à vous quatre pour votre présentation et votre participation.
Quand vous dites que vous êtes favorables
au maintien de la cible actuelle, donc moins 37,5
d'ici 2030, est-ce que ça veut dire, dans votre esprit, c'est moins 37,5 d'ici
2030 et ça s'arrête là? Ou est-ce que vous seriez favorables à un... à une
cible qui resterait à moins 37,5, mais qui serait repoussée dans le temps?
L'industrie de l'aluminium, par exemple, hier, nous ont dit qu'ils seraient
ouverts, eux autres, à un séquençage, donc à une année autre que 2030 comme
année de référence. Vous, vous êtes où là-dessus?
• (14 h 20) •
M. Drolet (René) : Je vais
commencer. Bien, en fait, une cible, c'est un objectif, n'est-ce pas? Et nous,
on s'est fixé, et à l'intérieur de l'industrie, des cibles aussi ambitieuses,
donc c'est pourquoi on... on supporte le maintien de la cible. Maintenant,
c'est sûr que la repousser dans le temps...
M. Drainville : Excusez-moi,
excusez-moi. Quand vous dites, M. Drolet : On supporte le maintien de la
cible, vous supportez le maintien de la cible et l'année de référence? Pour
vous, c'est... ça... ça va ensemble, ça?
M. Drolet (René) : L'année de
référence, pour nous, ne fait pas... n'a pas une importance majeure, dans le
sens où on travaille vers les réductions, de toute façon, et on espère
l'atteindre. Si elle est plus repoussée dans le temps, ça va être plus facile
de l'atteindre, évidemment. Mais il y a toutes sortes de raisons pour quoi on
veut continuer à l'atteindre. Donc, non, on... on pense que cette cible-là
était une cible intermédiaire. Je comprends. À long terme, il y a la
carboneutralité...
M. Drolet (René) : ...si on est
capable de l'atteindre en 2030, tant mieux, si elle est repoussée en 2035, on
va travailler vers cet objectif-là également.
M. Drainville : Est-ce que...
parmi les trois autres personnes présentes, est-ce qu'il y en a qui souhaitent
sauter sur la glace, là? Non. Bon, ça ne se précipite pas, hein? Alors donc
37,5 % d'ici 2030, c'est la position idéalement, mais si jamais il faut
repousser, ce n'est pas dramatique. Parce que l'objectif ultime, c'est
carboneutralité pour 2050. Est-ce que je résume bien?
M. Drolet (René) : Oui.
M. Drainville : Bon. Quand
vous dites : C'est une chose de modifier nos procédés pour produire des
matériaux à plus faible empreinte de carbone, mais il doit y avoir un marché
pour de tels matériaux. Comment s'en assurer? Comment s'assurer qu'il y a un
marché pour de tels matériaux, c'est-à-dire du ciment ou du béton à faible
empreinte de carbone ou à plus faible empreinte de carbone que chez les
voisins?
M. Drolet (René) : Bien, il y
a différentes façons. Mais quand je parlais des processus d'approvisionnement,
présentement, on a souvent les projets qui sont attribués en vertu du principe
de... le plus bas soumissionnaire conforme, là, techniquement. Intégrer des
critères environnementaux ou climatiques dans les processus
d'approvisionnement, ça peut aider. Le gouvernement fédéral le fait avec la
directive du Conseil du trésor, depuis 2022, sur le... Carbon, là, je ne sais
pas comment le dire en français. Il y a moyen de donner des points pour les
types de béton dans les projets d'infrastructures, qui permettraient de
stimuler l'utilisation... Si, par exemple, il y a des coûts plus élevés pour
produire des produits bas carbone, il ne faudrait pas que ce soit pénalisé.
Donc, c'est par les processus d'approvisionnement qu'on peut... qu'on peut
améliorer cette utilisation-là... ce marché-là. Je ne sais pas si mes collègues
veulent ajouter à ça?
M. Perron-Anglehart (Anthony) :
Oui, je peux peut-être rajouter... Par le passé, j'ai travaillé pour l'industrie
de la construction, puis il y avait des projets d'infrastructures qui étaient
certifiés Envision, je ne sais pas si vous connaissez, puis il y avait des
points bonifiés, là, pour des types de... différents types de béton, donc ceux
en plus faibles empreintes carbone, ils étaient priorisés, il y avait... une
bonification qui était faite par rapport à ça. Mais c'est tout le temps
aussi... comme M. Drolet le dit, là, le c'est l'offre et la demande, là. Les
produits, des fois, sont... sont plus... sont plus chers.
M. Drainville : Mais est-ce
qu'on pourrait faire ça juste pour le marché du Québec, juste pour le marché
québécois?
M. Drolet (René) : Bien, dans
les projets...
M. Drainville : Oui, allez-y.
M. Drolet (René) : ...dans les
projets d'infrastructure... dans les projets d'infrastructure qui sont financés
par le gouvernement du Québec, ce serait possible de le faire, j'imagine, là,
je ne suis pas... il faudrait demander à votre collègue du Conseil du trésor.
Mais j'imagine que c'est... c'est des processus faisables.
M. Drainville : Puis ça ne
risquerait pas de porter atteinte aux ententes de libre... libre-échange
pancanadien, ou libre circulation, ou... On est plutôt dans un... dans un mode
d'abaisser les barrières tarifaires et non tarifaires entre les différentes
provinces actuellement. Si le Québec décidait de donner plus de points à un
producteur de ciment ou de béton qui a... par exemple, qui fonctionne dans
une... dans un État ou dans une province, qui a une cible de réduction de GES,
vous pensez que ça passerait le test?
M. Drolet (René) : Bien, je
pense qu'il faudrait s'arrimer avec la directive et la façon dont c'est fait au
gouvernement fédéral. Si eux le font, il y a sûrement des analyses qui ont été
faites au niveau des... des exigences, là, pour tenir compte de ce que vous
mentionnez, mais c'est... c'est des mécanismes qui sont faisables.
M. Drainville : OK. Est-ce
que ça vous... Est-ce que ça vous inquiète de voir que l'arrivée de Trump a
déclenché une réaction en chaîne, là, c'est-à-dire qu'il a fait sauter
évidemment tout ce qui est politique, climatique. Le gouvernement canadien a,
ni plus ni moins, qu'emboîté le pas en faisant... en éliminant la taxe sur le
carbone qui s'applique aux individus, en suspendant sa cible d'électrification
des véhicules. Là, la Colombie-Britannique...
M. Drainville : ...fait la
même chose, l'Ontario a exprimé son intention de... de mettre fin à... à ses
cibles de réduction de GES. Est-ce que vous craignez, comme acteur québécois,
qu'éventuellement vous soyez dans un environnement où on vous impose des... des
normes et des exigences qui vous rendent moins concurrentiels que vos
compétiteurs à l'extérieur du Québec? Est-ce que c'est une inquiétude? On
peut-tu commencer par ça?
M. Drolet (René) : Bien,
l'inquiétude, elle a toujours été là. Elle est... Elle existe, c'est ce qu'on
appelle des fuites de carbone, là. Ça a toujours existé. On en a fait. Et c'est
la raison pour laquelle, dans le cadre du... de système de plafonnement et
échange qui est en vigueur au Québec dans le marché du carbone, on est
identifié comme un secteur qui est vulnérable au commerce international. Ce que
ça veut dire, c'est que... et... ce que ça veut dire c'est qu'on a accès à plus
d'allocations gratuites pour compenser le fait que du ciment pourrait être
amené d'ailleurs parce que... parce qu'il est plus facile à produire ou moins
cher à produire. Donc, l'inquiétude, elle est toujours là. Il faut
considérer : on ne travaille pas dans un vacuum. Donc, oui, l'inquiétude,
elle est là, la réalité, elle est là. Il faut regarder ce qui se fait ailleurs.
D'un autre côté, le mouvement vers la
réduction des GES, le changement des processus, et tout ça, il est enclenché.
C'est juste qu'il va prendre du temps, mais il est enclenché. Donc, c'est de
voir comment ça peut se faire en s'assurant qu'on respecte la compétitivité justement.
Je me tourne vers mes collègues encore une fois, là, si vous voulez ajouter
des... de ça.
M. Ramacieri (Alexandre) : Bien,
dans une dynamique où le Québec est un exportateur, là, de ciment vers les
États-Unis, on a plus peur des coûts ajoutés ou des réactions américaines que
de la situation actuelle du marché, là. Il y a de l'exportation qui se fait de
façon importante vers les États-Unis. Puis nos concurrents, ce sont les Turcs,
ce sont les Grecs, ce sont, bon, dépendamment d'où on exporte aux États-Unis,
différents concurrents. Donc, c'est sûr qu'on veut garder notre posture, on ne
voudrait pas réduire notre capacité à concurrencer ces exportateurs d'ailleurs.
Mais le plus grand danger, c'est de générer une réaction aux États-Unis, là.
M. Drainville : Comment vous
dites, M. Ramacieri, la fin, c'est?
M. Ramacieri (Alexandre) : C'est
de dire... Ce qu'on veut présentement? Le ciment est produit... est considéré
comme un produit d'origine. Donc, le principal danger dans une dynamique d'exportation
vers les États-Unis, c'est de générer une réaction américaine. On veut
maintenir l'accès au marché américain.
M. Drainville : Et donc
est-ce que le ciment...
M. Ramacieri (Alexandre) : Bien
sûr, on est préoccupés par la concurrence avec des pays qui, eux, n'ont pas de
tarifications du carbone, par exemple, ou des très faibles tarifications du
carbone.
M. Drainville : Par exemple?
M. Ramacieri (Alexandre) : La
Turquie, par exemple, très active sur le marché américain.
M. Drainville : Très active
dans le marché du ciment, dites-vous.
M. Ramacieri (Alexandre) : Oui.
M. Drainville : Et ils n'ont
pas de cibles, ils n'ont pas de... ils n'ont pas de tarifications du carbone?
M. Ramacieri (Alexandre) : Je
ne connais pas les détails, là, mais disons que leurs prix sont très
concurrentiels.
M. Drainville : Vous venez de
dire... M. Drolet, vous avez dit : Ça va prendre du temps. Moi, je veux
revenir à l'atteinte du 37,5, là, d'ici quatre ans, là. Je veux dire, 26, 27,
28, 29, là, à la fin 29, il me reste quatre ans, il faut avoir atteint la
diminution de 37,5. Ça nous a pris une trentaine d'années, là. À partir de
1990, ça nous a pris une trentaine d'années pour obtenir à peu près la moitié
de la cible, -19 %. Là, il nous reste quatre ans pour atteindre l'autre
19 %. Vous convenez avec moi que c'est très ambitieux, j'imagine, hein?
Est-ce qu'on peut s'entendre sur ce mot? Je ne dis pas impossible, mais je dis
très ambitieux. Vous êtes d'accord avec moi là-dessus?
• (14 h 30) •
Une voix : Absolument. Oui.
Oui, oui.
M. Drainville : Bon.
Évidemment, il y en a qui diront : C'est plus qu'ambitieux. Et donc je me
pose la question : Est-ce qu'il vaut mieux maintenir une cible que
certains considèrent non seulement ambitieuse, mais carrément irréaliste, puis
il y a une espèce de non-dit autour de ça, honnêtement, là, ou est-ce qu'il ne
vaudrait pas mieux peut-être, je pose la question, se donner un peu plus de
temps pour s'assurer de l'atteindre et donc de travailler sur une cible qui est
véritablement atteignable, que l'on sait atteignable puis qu'on mobilise la
société québécoise puis l'économie québécoise pour...
14 h 30 (version non révisée)
M. Drainville : ...véritablement
l'atteindre? Je pose la question. Il y en a qui vont dire, écoutez... vaut
mieux peut-être repousser... je pose la question. Vaut mieux peut-être
repousser puis se donner de véritables chances de l'atteindre que de se faire
des accroires? C'est une question. Je pose la question, parce que moi, je
crains la démobilisation. Je vous le dis là, je crains la démobilisation. Puis semble-t-il
que je suis tout seul dans cette salle à la craindre. Mais moi, je la crains,
moi. Moi, j'ai peur qu'à un moment donné, les citoyens, voyant effectivement
que cette cible-là est très, très difficile, puis voyant la classe politique
dire : Non, non, non, faites vous en pas, ça va bien aller, on va
continuer, vous allez voir, on va y arriver, sans trop dire comment. Puis on
arrive en 2030, mettons qu'on ne l'a pas atteint en 2030. Moi, je crains qu'il
y ait des Québécois qui disent : Bien, vous le saviez que ce n'était pas
atteignable. Puis vous nous l'avez quand même imposé, mais vous le saviez.
Alors, la prochaine fois que vous allez nous donner une cible en 2035, bien, sais-tu
quoi? On ne vous croira pas, parce que vous le saviez que c'était à peu près
impossible de l'atteindre, puis vous nous l'avez quand même imposé. C'est une
question que je pose. C'est une hypothèse que je soulève. Votre réaction, c'est
quoi?
M. Drolet (René) : Ma
réaction, c'est que, je reviens au fait que nous, on représente 10,6 % des
émissions au Québec, ce n'est... ce n'est pas rien, mais c'est 10 %. Vous,
vous devez gérer 100 % des émissions. Donc, vous êtes préoccupés par une
cible. Nous, la job la cible... la cible, elle le fait sa job, dans le sens où
le processus il est enclenché dans notre secteur. On a un plan d'action
détaillé et on va travailler dessus. Que la cible, elle soit en 2030, en 2035,
on va continuer à travailler. On a fait le déclencheur. Ce qu'il faut
comprendre, c'est que dans l'industrie, quand on parle de gros projets comme
ça, ça se planifie des années et des années à l'avance. Une fois que le bateau
est parti...
M. Drainville : De gros
investissements. À coups de gros investissements, comme vous l'avez dit.
M. Drolet (René) : Oui.
M. Drainville : Mais je retiens
quand même, puis je ne pense pas, parce qu'il me reste 30 secondes, je retiens
quand même. Je ne pense pas vous mettre des mots dans la bouche que ce qui est
important c'est de continuer à progresser et à réduire les GES. Cette
trajectoire-là, il faut absolument la poursuivre. Et vous dites comme industrie,
nous sommes engagés dans cette voie et on a notre part à faire. On représente
10 % des GES, donc, vous reconnaissez votre responsabilité. Mais s'il faut
l'étirer sur une période de temps un peu plus longue en ce qui a trait aux
cibles, vous n'êtes pas fermé à ça. C'est ça que je retiens, moi.
M. Drolet (René) : Absolument.
Si on a plus de temps pour la rencontrer, tant mieux.
M. Drainville : OK. Très bien.
Merci.
La Présidente (Mme Nichols) : Merci
beaucoup. Alors je cède maintenant la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme McGraw : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Et merci pour votre présentation, votre mémoire. Est-ce que vous
êtes pour un recul, oui ou non, de la cible? Est-ce que vous, vous êtes en
faveur d'un recul de cette cible? Vous représentez 10,6 % des émissions au
Québec. Est-ce que vous êtes, oui ou non, pour un recul sur la cible?
M. Drolet (René) : Quand vous
dites un recul, vous parlez dans le temps ou du nombre?
Mme McGraw : Donc, il y a
trois éléments. Il y a l'année référence qui est 1990, il y a l'année visée, là
on parle de 2030, il y a le pourcentage. Est-ce que vous êtes pour un recul sur
un de ces éléments, soit avancer l'année référence de 1990, peut-être 2005, est-ce
que vous êtes pour avancer le délai? Est-ce que vous êtes pour réduire la cible
de 37,5 %? Voilà.
M. Drolet (René) : ...on a
établi dans notre plan d'action, on a introduit nos propres cibles et c'est
avec ça qu'on travaille. Et notre cible pour 2030, elle est de 40 % à l'année
2020. On parlait de l'année 2020. C'est très ambitieux. On y travaille et on le
considère comme un objectif. Là, il faut s'entendre que c'est une cible qu'on
s'est mis comme objectif. Il n'y a pas d'obligation, mais c'est vraiment... Alors,
les cibles gouvernement, ils sont là pour tous les acteurs, y compris notre
industrie. Est-ce qu'on est dans les détails, est-ce qu'on veut plus ou moins,
ou tout ça? C'est un peu une question théorique parce que nous...
M. Drolet (René) : ...on a, on
fait ce qu'on... qu'on pense qu'on peut faire pour réduire les GES.
Mme McGraw : Et le 40 %,
et je vous félicite, d'ailleurs, le 40 %, est-ce que ça a été développé?
Je comprends que vous avez un plan détaillé, est-ce que le 40 %, le 37.5,
a joué un rôle ou ce n'était pas un facteur?
M. Drolet (René) : On a... on
vraiment regardé avec toutes les données qui venaient de l'industrie, on a pris
quand même deux ans pour mettre ça en place. On a fait de la modélisation et on
est... et... et c'est, effectivement, très ambitieux et on le sait, et là, on
est dans un processus de regarder où on est et... et juste trouver... c'est...
c'est des situations complexes, et juste collecter les informations pour voir où
on est, c'est un défi. Mais on avance lentement et on le fait. C'est pour ça
que la discussion sur les cibles, pour nous, je veux dire, je le répète, une
cible, c'est très utile parce que ça... ça permet de canaliser les énergies.
Les détails de la cible, à ce stade-ci, sont peut-être un peu moins importants
pour nous.
Mme McGraw : Donc, si je
comprends bien, la cible est quand même utile. On a parlé d'un... c'est un
signe stratégique, ça permet de s'organiser, de planifier. Donc, si je comprends
bien, il n'y a aucun enjeu avec la cible. Date référence de 1990, cible, vous
allez vous-même déplacer, dépasser 40 % et l'année, le délai, donc le
40 %, c'est... c'est en... jusqu'en 2030, c'est ça?
M. Drolet (René) : Oui, oui,
oui, et...
Mme McGraw : Parfait, ça
clarifie des choses.
M. Drolet (René) :
Oui.
Mme McGraw : Donc, pour vous,
le délai, c'est 2030? Pour le 40%.
M. Drolet (René) : Oui, oui,
pour le 40%, et la carboneutralité à plus long terme.
Mme McGraw : Impeccable.
M. Drolet (René) : L'idée
derrière l'établissement des cibles, c'est pour donner de la visibilité, pour
savoir où on s'en va en tant qu'industrie.
Mme McGraw : Donc, si on
change un de ces éléments-là, ça enlève la prévisibilité.
M. Drolet (René) : Oui.
Mme McGraw : Parfait. Vous
avez un plan détaillé, encore une fois, je vous félicite pour, effectivement,
réduire les émissions à chaque étape de la chaîne de production du ciment et du
béton. Impeccable. Et vous avez, j'imagine, dans ce plan-là, 100 % des
mesures et des moyens identifiés pour atteindre vos propres cibles?
M. Drolet (René) : On a fait
l'exercice de regarder à chacune des étapes quel pourcentage de réduction qu'on
peut avoir, et à la fin, il nous manquait 28 % pour arriver à la
carboneutralité, et c'est là que la technologie innovante comme la... la
capture, la séquestration du carbone, entre en jeu. Mais pour le reste, on a
fait des... les estimations, qu'on pouvait aller chercher tant... et ça passe
par toutes sortes de choses, là, les... des ajouts cimentaires pour remplacer
une partie du clinker dans la composition du ciment, au niveau du béton
également. Même au niveau de la conception des ouvrages, on se rend compte
qu'il y a des études qui démontrent que, souvent, il y a trop de béton de...
d'utilisé dans un ouvrage par souci d'être vraiment solide, mais ce n'est pas
nécessairement nécessaire d'en faire autant, donc on regarde où les endroits où
on peut mettre ça en œuvre. Évidemment, ça demande, ça demande une coordination
de tous les acteurs du secteur de la construction, et ça, c'est un défi en soi.
Donc, on fait beaucoup, présentement, de temps à parler du... de notre plan
d'action, essayer d'engager les partenaires, les architectes, les ingénieurs,
les entrepreneurs généraux et tout ça. Donc, tout ça, quand je dis que ça prend
du temps, c'est aussi parce qu'il faut amener tout le monde à ce... à ce
niveau-là.
Mme McGraw : Donc, il y a
toute une coordination, mais si je comprends bien, vous avez identifié
72 % des mesures pour atteindre votre propre cible de 40 % et vous
vous attendez à des avancées technologiques pour compléter le 28 %, est-ce
que c'est...?
• (14 h 40) •
M. Drolet (René) : Oui, oui.
Oui, d'ailleurs, le plan d'action, vous pouvez le consulter sur le site web de
l'association, là, je pense que dans le mémoire, vous avez le lien pour
consulter le plan d'action.
Mme McGraw : Bien, bravo
d'avoir identifié la plupart de vos mesures, ce qui n'est pas le cas pour le
Québec. Et les moyens aussi... d'ailleurs, le Québec est en train de faire le
contraire, qui... d'enlever des mesures comme Roulez vert, en train d'enlever
des moyens. En parlant de moyens, dans votre mémoire, vous dites que vous
participez au SPED et notre... et je vous cite : Notre support, parce que
vous êtes un grand émetteur, quand même, donc vous avez un rôle majeur au
niveau du... du SPED, et je cite : Notre support est toutefois
conditionnel à la mise en place, par les gouvernements, de mesures nécessaires
pour faciliter les réductions de GES...
Mme McGraw : ...etc. Donc
le fonds, le Fonds vert, le Fonds d'électrification et changements climatiques
c'est un peu un quid pro quo dans le sens qu'on investit, on participe au
marché du carbone et on s'attend à ce que les fonds qui sont générés soient
réinvestis pour aider avec les additions de GES. Est-ce que c'est... Est-ce que
j'ai bien compris?
M. Drolet (René) : Oui,
c'est une partie effectivement. On... Il existe des programmes de financement
qu'on a utilisé, que certaines des cimenteries ont utilisé pour aider à
financer certains projets. Donc, ça fait partie de ce ça. L'autre partie, vous
parliez du SPEDE, l'autre partie, c'est justement la reconnaissance de notre
industrie comme étant vulnérable au commerce pour éviter les fuites... les
fuites de carbone, donc avoir des allocations gratuites en plus grand nombre.
Donc, c'est le genre de mesures qui nous aident à continuer à évoluer
là-dedans.
Mme McGraw : Je pense
qu'il me reste juste... Combien de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Nichols) :
1 min 30 s.
Mme McGraw : Une minute.
Donc, j'ai deux autres questions. Donc, j'imagine que le fait que le surplus de
ce fonds-là, vous avez participé de bonne foi au SPEDE, et que le fonds, il a
étudié pour autre chose que réduire les GES et la lutte contre les changements
climatiques, comment est-ce que vous réagissez à cette décision avec la mise à
jour économique du gouvernement?
M. Drolet (René) :
...d'avoir des sommes qui peuvent être disponibles pour les grands émetteurs
pour réduire les rejets, c'était... c'est important, c'est essentiel. Je pense
que tout le monde s'entend de ce côté-là. Donc, oui, on s'attend que ces
fonds-là demeurent disponibles.
Mme McGraw : Mais là,
c'est 1,8 milliard qui a été enlevé. Maintenant, ça ne va plus être pour
ça. Comment est-ce que vous réagissez à cette décision, cette semaine, du
gouvernement?
M. Drolet (René) : Ce
n'est pas un sujet qu'on est en... que j'ai eu l'occasion de discuter en détail
avec les membres de notre association encore, là. J'ai parlé du projet de loi n° 7, là. On n'est pas rendus là. Donc, je ne veux pas trop
m'aventurer. Évidemment, ça dépend aussi de comment cet argent-là est utilisé.
Déjà, pourquoi il y a eu des surplus comme ça? Est-ce que les programmes
n'étaient pas assez faciles d'accès? Est-ce que c'est... Ce n'est quand même
pas facile d'aller chercher ce financement-là. Donc, c'est plein de choses. Je
ne sais pas si d'autres veulent intervenir dans mes collègues.
La Présidente (Mme Nichols) :
Malheureusement, là, le temps est écoulé, et je dois céder la parole au député
de Taschereau.
M. Grandmont : Oui.
Merci, Mme la Présidente. Merci à vous d'être présents aujourd'hui. Très
intéressante discussion. Honnêtement, je... je suis bien impressionné,
notamment par votre plan d'action dont vous venez de parler, là. Le plan
d'action Béton zéro qui date de 2022, si ma mémoire est bonne, là. C'est en
2022 qu'il a été rendu public.
M. Drolet (René) : 2023.
M. Grandmont : 2023.
C'est tout récent. Parfait. Oui. J'aimerais quand même lire une section de ce
mémoire-là, de ce plan d'action là. J'espère bien que le ministre va écouter.
Alors, vous dites, là, on est à la page 11, là. Vous dites : «Nous
sommes prêts à relever ce défi. Notre plan d'action montre qu'avec les
technologies actuelles, nous pouvons réduire nos émissions de 40 % d'ici
2030 — on l'avait dit tantôt — et de 50 %... 59 %
d'ici 2040, et les éliminer totalement d'ici 2050. Cette cadence pourrait
s'accélérer à mesure que de nouvelles technologies seront mises au point et
déployées». Vous entendez faire preuve de transparence, de responsabilité. Vous
publierez un rapport d'avancement au moins tous les cinq ans. «En suivant notre
plan d'action, nous voulons que nos activités deviennent réellement net zéro.
Et c'est pour cette raison que nous excluons la possibilité de recourir à
l'achat de droits d'émission pour y arriver». Donc, c'est tout à votre honneur.
Évidemment, ce sont des réductions nettes sur le territoire. C'est parfait. Il
y a un paragraphe qui est intéressant après. «Si les conditions économiques et
réglementaires font obstacle à notre capacité d'atteindre nos cibles de
réduction, nous travaillerons activement à les améliorer plutôt que de nous en
servir comme prétexte pour retarder notre action».
Moi, je trouve ça très très clair. Je
trouve que c'est visionnaire. C'est lucide en même temps aussi parce que vous
savez d'où vous venez. Vous représentez 10,6 % des émissions du Québec, ce
qui n'est franchement pas rien. Mais vous dites que peu importe ce qui sera
décidé d'un point de vue réglementaire et légal, bien, vous allez travailler
quand même d'arrache-pied pour réduire vos émissions. Donc, vous avez toutes
mes félicitations. J'aimerais revenir sur la question de ma collègue sur le
Fonds vert. Vous disiez, bon, il y a 1,8 milliard de dollars qui étaient
disponibles, puis vous disiez peut-être on se questionne pourquoi cet argent-là
est resté inutilisé depuis autant de temps. On s'est posé la même question
aussi bien... bien sincèrement. Est-ce que vous avez, vous, essayé de... de, tu
sais, dans votre industrie, là, chez les joueurs que vous représentez, demander
à avoir accès à ces sommes-là? Est-ce que vous avez tenté d'avoir accès à des
programmes? Ça s'est avéré...
M. Grandmont : ...difficile.
J'aimerais comprendre un peu.
M. Drolet (René) : Je vais me
tourner vers mes collègues. Je ne sais pas s'il y en a qui veulent se lancer.
Sinon, je peux faire des commentaires assez généraux, là, je n'ai pas les
détails de... autant, je... il y a des...
M. Ramacieri (Alexandre) :
Bien, peut-être dire, simplement, qu'on a pu voir dans les médias que des
sommes avaient été disponibles par le passé, là, pour des modernisations, là,
donc ça n'avait pas été un enjeu.
M. Drolet (René) : Il y a
eu... Je sais qu'il y a eu des projets, bon, évidemment, la plupart de ces
projets-là, c'est public, c'est de nature publique quand ils sont financés.
Alors, je peux mentionner qu'il y a une cimenterie au Québec qui n'est pas
membre de l'association mais qu'on sait qui a réussi à avoir des fonds pour un
projet quand même majeur, un projet qui est très aligné avec les besoins des
cimenteries, ici, pour réduire les GES. Je pense qu'il y a des discussions en
cours, il y a des projets qui se préparent. Donc, c'est complexe d'aller
chercher ces financements-là, mais ça se comprend, d'une certaine façon, c'est
qu'ils veulent s'assurer également que le projet ait vraiment... va mener
vraiment à des réductions de GES, donc...
La Présidente (Mme Nichols) : Merci.
Merci beaucoup. Je dois maintenant... Merci. Je cède la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous quatre. Merci de votre présence et de votre
présentation. J'aimerais savoir si vous connaissez Lisa Leblanc,
autrice-compositrice-interprète du Nouveau-Brunswick, qui chante Pourquoi
faire aujourd'hui qu'est-ce que tu pourrais faire demain? Et j'ai un peu
l'impression que c'est la question que le ministre vous a posée tout à l'heure,
il vous a presque imploré d'accepter sa proposition de reporter à plus tard
l'atteinte de vos objectifs. Y a-t-il une logique pour vous, une logique
économique à maintenir le cap sur la réduction des objectifs de réduction de
gaz à effet de serre dans l'industrie du ciment, selon le plan que vous vous
êtes donné?
M. Drolet (René) : Oui, dans
le sens où on observe, bon... évidemment, on observe un mouvement vers
peut-être certaines nouvelles tendances, mais on sait tous que les
gouvernements changent, les... ce qui se passe présentement au sud de la
frontière peut revenir à quelque chose de différent. Et, puisque ce sont des
initiatives à long terme, il faut prévoir à long terme, donc on continue à
garder le cap.
Il y a... Il ne faut pas oublier qu'il y a
des... Je parlais de l'Europe, tout à l'heure, ils ont établi des mesures à la
frontière, ce qui fait en sorte que certains pays qui exportaient leur ciment
vers l'Europe ne peuvent plus le faire parce que leur ciment ne rencontre pas
les exigences, et maintenant peuvent l'importer... peut-être essayer de
l'amener ici, ce qui peut nuire à notre industrie, également. Donc, il faut
tenir compte... C'est des jeux politiques complexes, et je pense que, oui, il y
a quand même une valeur économique, une raison économique de pouvoir, de
vouloir continuer à réduire nos GES.
M. Arseneau : Mais est-ce que
vous voyez ça, là... l'atteinte, justement, de la carboneutralité dans votre
industrie, c'est un investissement, et donc, si on peut y aller rapidement... Évidemment,
tout ce qu'on reporterait à plus tard risquerait de coûter plus cher et de nous
coincer un peu, d'autant plus que vous venez de dire que peut-être qu'on serait
sous le standard par rapport à d'autres juridictions, c'est ce que je comprends
et, à ce moment-là, bien, on ne serait pas compétitifs?
• (14 h 50) •
M. Drolet (René) : La... Je
m'excuse, là, la question, elle est...
M. Arseneau : Si vous dépensez
maintenant pour faire la transition, sur le plan économique, c'est plus
avantageux que reporter à plus tard ces investissements-là?
M. Drolet (René) : Je pense
que ça dépend de chaque situation, là, je ne veux pas parler au nom des
compagnies, des multinationales qui font ces décisions-là, mais il y a un
bon... des bonnes raisons d'investir dans la décarbonotation, présentement, je
pense que c'est encore... c'est encore la... c'est encore l'approche qui est
privilégiée dans notre industrie, et on verra comment le contexte global va
évoluer.
M. Arseneau : Et juste une
petite dernière question, j'ai quelques secondes.
La Présidente (Mme Nichols) :
10 secondes.
M. Arseneau : Où est-ce qu'on
se situe dans l'environnement international industrie, ici, en termes
d'innovation, en termes de réduction de gaz à effet de serre?
M. Drolet (René) : Je pense
qu'il y a beaucoup de pays qui ont... qui ne sont pas rendus là, mais il y en a
qui sont peut-être encore plus avancés, entre autres, en Europe. Donc, on est
peut-être dans le milieu.
M. Arseneau : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Nichols) : Je
vous remercie. Je vous remercie beaucoup pour votre contribution aux travaux de
la commission.
Et nous allons maintenant suspendre
quelques instants afin d'accueillir le prochain groupe. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 14 h 52)
(Reprise à 14 h 55)
La Présidente (Mme Nichols) :
Très bien. Donc, nous poursuivons les travaux. Je souhaite la bienvenue aux
représentants d'Équiterre. Merci de votre présence et je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé. Après quoi, nous allons procéder
à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à
vous présenter puis à commencer votre exposé.
M. Viau (Marc-André) : Merci,
Mme la Présidente, M. le ministre, Membres de la Commission de l'environnement
et des transports, bonjour. Je suis Marc-André Viau, directeur des relations
gouvernementales chez Équiterre, et je vais partager mon temps avec
Charles-Edouard Têtu, analyste des politiques climatiques et énergétiques chez
nous.
Content d'avoir enfin la chance de vous
parler, M. le ministre. C'était trop bref, la dernière fois qu'on s'est vus en
marge du discours d'ouverture de la nouvelle session. Je pense qu'on aurait
avantage à échanger plus souvent à l'extérieur de l'Assemblée nationale. On a
dit qu'on ne vous lâcherait pas avec les GES. On est là pour ça.
Depuis quelques semaines, le discours du
gouvernement est difficile à suivre en ce qui concerne l'environnement. Le
premier ministre dit qu'il faut mettre la transition énergétique sur pause.
Mais en même temps, on nous dévoile en grande pompe une nouvelle vision
économique qui mise essentiellement sur l'énergie renouvelable et sur les
minéraux critiques qui sont notamment utilisés dans la transition énergétique.
Alors, j'espère que le ministre peut nous aider à réconcilier le fait qu'on
mise énormément sur la transition énergétique, tout en affirmant que la
transition énergétique est reportée de quatre ans. J'aimerais que le ministre
nous aide aussi à réconcilier le discours selon lequel les mesures
environnementales vont causer des pertes massives d'emplois, alors qu'on
annonce en parallèle qu'on va créer 35 000 emplois jusqu'en 2035 avec le
développement des capacités énergétiques renouvelables. Un autre point sur
lequel j'aimerais avoir des précisions, c'est l'idée qu'on va régler les
problèmes de commerce international et de la guerre commerciale avec comme
solution l'affaiblissement des protections environnementales.
Les décisions économiques sont à la base
du problème de l'économie. Vous avez beau enlever toutes les protections
environnementales...
M. Viau (Marc-André) : ...contourner
les lois et les mécanismes de participation publique, ça ne compensera pas pour
les décisions économiques du régime politique américain. Les bonnes solutions
pour les bons problèmes.
Donc, pour la cible, qu'est-ce que ça veut
dire, si on prend les chiffres de l'inventaire des émissions de GES? Les
transports, c'est 34,3 mégatonnes, donc 43 % de nos émissions contenues
dans l'inventaire. Du côté des marchandises, il faut travailler sur toutes les
solutions, électrification, mutualisation mini-hub urbain, hydrogène. Du côté
des transports de personnes, ça augmente à cause de la croissance des camions
légers. La solution, et c'est l'électrification des transports, la réduction de
la taille des véhicules. Malheureusement, le gouvernement du Québec a affaibli
sa réglementation sur les véhicules zéro émission. Si on électrifie tout le
parc automobile, on va diminuer de 16,8 mégatonnes les émissions de GES du
sous-secteur des transports personnels d'ici 2040.
Les industries, c'est le deuxième gros morceau
du bilan, avec 24,5 mégatonnes ou 35... ou 31 % du total de l'inventaire.
Il y a des millions qui ont été mis dans la décarbonation des procédés
industriels, l'aluminium notamment. Il faut continuer dans cette voie. L'autre
solution est évidemment le marché du carbone.
En agriculture, les émissions de GES
représentent huit mégatonnes, donc 10 % de l'inventaire. Il faut continuer
sur la voie du déploiement du réseau triphasé tout en réduisant l'alimentation
au gaz dans les serres. Les solutions passent aussi par l'augmentation de la
biométhanisation, une meilleure gestion des sols agricoles et la
diversification des cultures dans une approche d'agriculture régénératrice,
comme l'a mentionné Jérôme Dupras, l'autre en comité... en commission, pardon.
Les bâtiments représentent 7,6 mégatonnes,
9,5 % de l'inventaire. Il y a eu des initiatives municipales pour retirer
l'alimentation en gaz pour le chauffage, et ensuite encadrées... dans les
municipalités, et ensuite encadrées par le gouvernement. Il faut continuer sur
cette voie et surtout dans l'institutionnel et le commercial.
Les matières résiduelles, 4,5 mégatonnes,
5 % de l'inventaire principalement lié aux déchets qui vont à
l'enfouissement. Il faut réduire la production de déchets, même si ça ne fait
pas une grande différence sur le bilan, parce que c'est aussi un enjeu
d'occupation du territoire, et peu de gens veulent avoir un dépotoir dans leur
cour arrière. Les solutions sont dans le compost, la réutilisation et la
diminution de la consommation éphémère. Je cède la parole à mon collègue.
M. Têtu (Charles-Édouard) : Pour
la prochaine section, on va répondre à peu près à la question de pourquoi on
est ici. Parce qu'à l'image de ce que pense le comité consultatif, on est
d'avis que de cibler... de fixer une cible, c'est un exercice essentiel pour
guider notre action climatique. Par contre, il s'agit juste de définir un
objectif pour une année donnée. La vraie question à laquelle on va tenter de
répondre aujourd'hui, c'est surtout de se pencher sur comment on arrive
fondamentalement à réduire le nombre de GES qu'on a dans l'atmosphère.
M. le ministre, vous nous avez lancé
l'invitation, la semaine dernière, c'était de vous donner des moyens d'y
arriver. On est un petit peu ici pour ça. Ça va nous prendre des cibles, mais
ça nous prend surtout des politiques et des règlements qui nous permettent,
essentiellement, de réduire nos émissions.
Par rapport à la cible, Équiterre appuie
d'emblée les recommandations du comité consultatif où le Québec devrait adopter
le plus haut jalon de la fourchette proposée, soit de 40 % à 45 % de
réduction des émissions. Aussi, comme le comité, la révision de l'ambition
devrait aussi être compensée par le d'avancement de la cible de carboneutralité
d'ici 2045. Cette cible-là, elle est fixée pour respecter les mesures
ambitieuses de l'Accord de Paris, que... je souhaite à vous rappeler,
l'Assemblée a réitéré son appui pour celui-ci dans le Parlement il y a quelques
semaines.
En passant, on souhaite le rappeler, le
comité, ce n'est pas un regroupement de citoyens engagés pour le climat, c'est
un comité d'experts légitimes qu'on doit écouter. Ensuite, si la cible, c'est
un outil pour guider l'action climatique, on doit aussi se permettre de se
tracer une feuille de route qu'on doit... où on ne peut pas s'égarer. C'est
pourquoi on recommande, tout comme le comité consultatif, d'adhérer à des
cibles intermédiaires de moins 60 % pour 2035 et de 80 % pour 2040.
C'est un choix qui nous permet, pour 2025‑2030, d'assumer qu'on doit renforcer
nos politiques actuelles pour être sûrs qu'on atteigne nos objectifs.
Par rapport à ces objectifs-là, ne pas les
atteindre, ce n'est pas juste une ligne qui dit, sur le bord d'un tableau,
qu'on a diminué de GES, ça a des impacts tacites et concrets pour la population
québécoise. On parle ici de ralentissement économique, de monde qui perdent
leurs jobs, M. Drainville, mais aussi de pression sur les familles québécoises,
de l'insécurité alimentaire, et j'en passe.
• (15 heures) •
Si les cibles intermédiaires qui servent à
tracer une feuille de route... on doit aussi avoir un plan de match que tout le
monde connaît et dans lequel les parties prenantes connaissent leur rôle. C'est
pourquoi le gouvernement devrait adopter une approche fondée sur des budgets
carbone et que ceux-ci devraient être ventilés par secteur d'activité. C'est un
moyen efficace qui est connu à travers le monde pour bien s'agencer avec les
systèmes d'échange et qui pourrait réduire les impacts sur les entreprises du
Québec ainsi que les pressions que les travailleuses et travailleurs pourraient
subir. Pourquoi? Parce que ça permet une prévisibilité pour les entreprises et
les investisseurs puisqu'ils savent ce qui s'en vient, à la place d'avoir un
gouvernement qui change d'idée à toutes les deux semaines.
Par rapport aux emplois, je pense que
c'est un enjeu assez important pour vous, M. le ministre, ce l'est pour nous
aussi, il ne sera jamais question ici d'identifier quels emplois est-ce qu'on
sacrifie. C'est possible de sortir du...
15 h (version non révisée)
M. Têtu (Charles-Édouard) : ...problème
où les jobs et l'environnement ne peuvent pas coexister. Surtout au Québec, où,
comme l'avait dit mon collègue, on peut créer 35 000 emplois d'ici 2035, si on
a la manière de nos ambitions. On recommande donc au gouvernement d'adopter,
comme le Canada et le Danemark avant lui, une politique de transition juste
pour s'assurer qu'il y ait un dialogue social et que les travailleurs et
travailleuses qui connaissent leur milieu puissent participer au tout. Donc, je
suis désolé, je suis un petit peu perdu dans mes feuilles... Par rapport, donc,
aux plaidoyers d'Équiterre, ici, ce qu'on considère, c'est, comme vous l'avez
mentionné, les cibles sont essentielles à la direction de notre action
climatique, mais le plus important, c'est sur quoi, collectivement, on a du
contrôle. Et ça, ça se traduit sur la réduction brute de nos émissions de gaz à
effet de serre dans l'atmosphère.
Dans un Québec carboneutre, selon nous, la
province aurait réduit de 85 % ses émissions sur son territoire d'ici 2045
par rapport à 1990. Pour ce faire, on doit d'abord revoir comment on habite
notre territoire, comment on travaille, comment on cultive, qu'est ce qu'on
mange, comment on se déplace, ce qu'on produit, ce qu'on consomme, tout ça en
réduisant la consommation énergétique. Ça a l'air d'être un grand défi, mais c'est
possible, on a les outils pour le faire. Ce qui nous manque en ce moment, c'est
de la volonté politique. Pour y arriver, ça va nous prendre une forme de saine
gouvernance. Modifier nos choix collectifs passe surtout par là. C'est quoi, une
saine gouvernance, vous me demanderez? C'est de prendre des décisions fondées
sur la science, la redevabilité, la transparence, la collaboration et tout ça,
pour réduire, essentiellement, nos gaz à effet de serre. Ça se traduirait, par
exemple, par la dépolitisation de certains enjeux, comme l'a fait la Californie
il y a quelques semaines, où on envoie maintenant les surplus du Cap and Trade
dans une entité indépendante qui, elle, est chargée de... avec un seul but, c'est
de réduire les émissions.
De notre côté, au gouvernement, on envoie
un surplus de 1.8 milliard qui dort depuis quelques années, qui devrait
servir à l'électrification et au transport collectif, dans le Fonds des
générations. Si ce n'est pas ça manquer de vision, je ne sais pas c'est quoi. Par
rapport à la capture du carbone, on s'entend que, comme le comité et le GIEC, à
long terme, c'est nécessaire pour atteindre une cible de réduction nette de
100 % de nos émissions. Par contre, on doit rappeler, et ça, c'est très
important, que la solution de la décarbonation ne réside pas dans les
technologies, elle provient d'une modification des choix collectifs. On
reconnaît que ça va être important de l'intégrer de façon permanente, la
séquestration, mais là où on souhaite être très clairs, c'est qu'en plus d'avoir
un encadrement réglementaire strict et fondé sur la science avec une
méthodologie internationale, jamais le gouvernement ne devrait investir
indirectement ou directement dans une telle technologie qui n'a toujours pas
fait ses preuves.
Sinon, par rapport au SPED, on l'a
mentionné tout à l'heure, c'est un excellent outil pour réduire nos émissions.
On invite le gouvernement à finaliser la mise à jour qu'il a annoncée dans la
dernière année, parce que ça commence à presser. À cet effet, on devrait aussi
appuyer les recommandations du Comité consultatif de... de juin 2024. À la
réforme du SPED, on devrait l'accompagner d'une réelle politique industrielle
carboneutre, fondée sur des critères sociaux, environnementaux, économiques et
de gouvernance qu'Équiterre pourrait aussi vous fournir, là, on l'avait déjà
montée, mais on doit surtout cesser de distribuer notre électricité si
précieuse, en ces moments où l'on doit réduire nos émissions, à n'importe
quelle entreprise internationale qui n'a aucune volonté de respecter nos lois
et qui laisse les Québécois avec la facture.
En terminant, ce qu'on doit retenir, c'est
d'abord que le Québec a tous les moyens et les outils nécessaires pour
atteindre ses objectifs, ce qui nous manque, c'est de la volonté politique, une
gouvernance éclairée, une vision économique en adéquation avec nos cibles, et
un gouvernement prêt à maintenir le cap. Si le gouvernement s'est défini, dans
les dernières 50 dernières années sur la scène internationale, comme un État
fort, c'était par son action climatique et son énergie renouvelable. Alors qu'il
y a un certain recul, on encourage fortement le gouvernement à emboîter le pas
de ceux qui avancent. Donc, on vous remercie pour ça, prêts à répondre aux
questions.
La Présidente (Mme Nichols) : Merci
beaucoup pour votre exposé. Nous allons débuter la période d'échange. La parole
est à M. le ministre, pour 15 min 30 sec.
M. Drainville : Merci pour la
présentation. Vous proposez, donc, une cible de... de -40 à -45 d'ici 2030. Est-ce
que vous avez fait le... l'évaluation de l'impact économique d'une telle cible?
M. Têtu (Charles-Édouard) : Bien,
l'évaluation économique d'une telle cible a été prise aussi de la modélisation
qui a été constituée par le Comité consultatif et celle de ... dans les
dernières années. Donc, on va y aller avec la... la présomption que le comité
consultatif ne se serait pas trompé et qu'il y aurait un impact, là, d'environ
un moins... -1.4 % du PIB, là, d'ici 2030.
M. Drainville : Un impact de
combien, vous dites?
M. Têtu (Charles-Édouard) : -1.4 %
du PIB. Donc, comme le... l'a réitéré le Comité consultatif.
M. Drainville : D'ici 2030?
M. Têtu (Charles-Édouard) : D'ici
2030.
M. Drainville : D'ici 2030?
M. Têtu (Charles-Édouard) : Pas
d'ici 2030, donc... d'ici... bien, si on atteint nos objectifs.
M. Drainville : Oui, c'est
d'ici... c'est d'ici 2030.
M. Têtu (Charles-Édouard) :
Oui, c'est ça...
M. Drainville : Effets sur le
PIB...
M. Drainville : ...du Québec,
oui. Donc, 1,4 %, disiez-vous, hein? En tout cas, nous, dans le document
que nous avons déposé, nous étant le ministère de l'Environnement avec le FECC,
l'atteinte de la cible représente une diminution du PIB de 1,4 % en
dollars 2023. Ça, c'est avec le FECC. Est-ce que la... est-ce que... L'impact
économique puis l'impact sur l'emploi, est-ce que ça... est-ce que c'est
important dans votre réflexion ou est-ce que c'est secondaire?
M. Viau (Marc-André) : Non.
Mais je pense que tu en as déjà parlé, ça fait que tu pourrais en parler
encore.
M. Têtu (Charles-Édouard) : Bien,
écoutez, effectivement, je pense qu'on prend au sérieux les impacts économiques
qu'une telle demande pourrait représenter. C'est pourquoi on s'appuie sur la
recommandation du comité qui propose une fourchette. La fourchette propose en
fait, là, un certain, certain équilibre entre ce qui est possible pour réduire
les impacts économiques tout en respectant en fait les ambitions qu'on avait et
en réitérant notre appui à l'accord de Paris. Je ne pense pas qu'on prend ça à
la légère puis en plus, on le sait et on l'a démontré dans notre exposé à deux
ou trois reprises, il y a possibilité en fait de créer des emplois et
d'absorber le ralentissement économique que cela pourrait causer. Je ne pense
pas qu'on fait abstraction de tout ça, M. le ministre.
M. Drainville : Mais moi, je
suis d'accord qu'il y a... évidemment que la transition énergétique peut mener
à la création d'emplois. L'enjeu que j'ai depuis, depuis le début, c'est le peu
de temps que nous avons, les quatre années, là, que nous avons pour atteindre
la cible de -35 alors qu'on a... on a pris depuis 1990, donc on a pris une
trentaine d'années pour faire la moitié du chemin, faire l'autre moitié du
chemin en quatre ans, ça me semble extrêmement ambitieux. Et ce que je crains,
c'est que cette... cette marche très rapide vers l'objectif ait des
conséquences économiques pour nos citoyens.
Je suis d'accord que sur la durée, la
marche vers la carboneutralité va permettre la naissance de nouvelles
entreprises. C'est déjà le cas de toute façon, l'émergence de nouvelles
technologies. Et je pense qu'à terme, là, je m'étire le cou, là, mais je suis
raisonnablement confiant qu'à la fin, on aura... d'ici 2050, on aura récupéré
les pertes d'emplois puis... puis peut-être même qu'on aura ajouté de nouveaux
emplois. Ce n'est pas mon enjeu. Mon enjeu, c'est le très court laps de temps
qu'il nous reste pour atteindre l'objectif et le risque que cette marche très
rapide cause une... cause des dommages économiques. Et moi, je ne peux pas
faire autrement dans ma position, je ne peux pas faire autrement que de prendre
ça en considération. Il faut prendre en considération le climat, il faut
prendre en considération la nécessité de participer à la lutte contre les
changements climatiques, mais on ne peut pas ignorer l'humain là-dedans, on ne
peut pas ignorer les secteurs qui sont plus fragilisés présentement. Ce n'est
pas vrai que c'est juste des numéros. Ce n'est pas vrai que c'est juste des
statistiques.
• (15 h 10) •
M. Viau (Marc-André) : Mais
c'est juste... si je peux me permettre, il n'y a personne qui a parlé de
numéros ici. Je pense que mon collègue a fait une bonne démonstration de
l'importance qu'on accorde aussi aux emplois, à la transition juste. C'est sûr
que si on ne se donne pas les moyens par la législation ou la réglementation
pour atteindre nos objectifs, c'est sûr qu'on n'y arrivera pas. C'est sûr qu'en
affaiblissant la norme pour les véhicules zéro mission par exemple, c'est sûr
qu'on n'y arrivera pas. Les pertes d'emplois dans les pertes d'emplois
potentiels que le... dont le premier ministre va parler dans la foresterie ne
sont aucunement liées à l'environnement, elles sont liées à des conditions
économiques, à une guerre commerciale. Donc, comme je l'ai dit tantôt, les
bonnes solutions pour les bons problèmes.
Donc, il faut continuer de miser sur
les... sur nos réussites, sur nos succès, sur l'électrification. Mais encore
là, comme je l'ai dit, c'est ce que le gouvernement entend faire avec sa
nouvelle vision économique. Alors, comme nous le disait le président du Comité
sur les changements du Comité consultatif sur les changements climatiques, on
dit pas mal la même chose, mais je ne sais pas pourquoi, il y a une partie du
discours qui est comme encore que l'environnement est dans le chemin, alors que
ce n'est pas le cas. Peut-être que mon collègue veut compléter.
M. Têtu (Charles-Édouard) : Mais
il y a aussi le fait que j'ai apprécié qu'on passe après des représentants des
industries. Même eux en fait plusieurs, là, il y a plusieurs secteurs en fait
qui attendent qu'on se mobilise, parce qu'en fait il y a un aspect de
compétitivité qui pourrait être ressenti que si on mettait trop de...
M. Têtu (Charles-Édouard) :
...de normes environnementales, par exemple, on réduirait la compétitivité des
entreprises. Mais dans la plupart des cas, là, il y a des entreprises, par
exemple, il y a des... L'Union européenne adopte des cadres où les produits qui
ne sont pas testés pour le carbone, par exemple, ne peuvent pas rentrer. Mais
là, à ce moment-là, qu'est ce qu'on fait? On continue puis on perd des
partenaires essentiels en Europe et en Asie? Mais, tu sais, à un certain écart,
il y a des façons d'être compétitif en allant vers l'avant. Si les autres pays
continuent la lutte à la... la lutte aux changements climatiques, la
transition, bien nous, on ne peut pas prendre un peu de recul, puis après ça ne
pas être compétitif à long terme pour trois ans, là.
M. Drainville : Mais
vous avez été nombreux, je parle des groupes, à nous donner l'exemple de
l'Europe. Puis ça... Ça me surprend tout le temps parce que ce ne sont pas nos
principaux concurrents économiques, puis ce ne sont pas nos principaux
concurrents économiques. Il faudrait vérifier, là, mais la part du PIB qui
dépend de nos exportations vers l'Europe, ça ne doit pas dépasser 10 %,
là. Je ne pense pas que ça dépasse 10 %, là. Donc, l'essentiel de notre
concurrence, c'est avec le reste du Canada, puis avec les États-Unis. C'est
peut-être 15 %, mais en tout cas, c'est un chiffre qui est beaucoup moins
important que les exportations que... que les exportations que nous avons vers
les autres juridictions nord-américaines. Et donc de donner l'exemple de
l'Europe, c'est un... c'est un mauvais exemple parce que ce n'est pas... Les
entreprises québécoises sont ne sont pas d'abord en concurrence avec l'Europe.
Les normes qui sont imposées à l'Europe, c'est une chose. Ils s'imposent des
normes entre eux et ils sont en concurrence entre eux. Nous, on est en Amérique
du Nord. Les États-Unis reculent, l'Ontario recule, le fédéral recule.
Colombie-Britannique, le grand État, grande province progressiste, recule sur
la norme VZE. M. Viau, vous venez de me dire le recul de la norme VZE.
Mais, moi, je vais vous dire une chose, là, 90 % de véhicules électriques
ou véhicules branchables d'ici 2035, c'est une cible extrêmement ambitieuse. Je
suis renversé que vous ne le reconnaissiez pas. Quand je vous entends
dire : On n'est pas pour renoncer aux moyens qu'on s'est donnés, on n'est
pas pour affaiblir nos moyens... Heille! On est le seul État au Canada qui a
encore une taxe sur le carbone. Et on la protège, la taxe sur le carbone. Il
n'y a personne qui propose ici de la remettre en question. Vous devriez saluer
ça.
M. Viau (Marc-André) :
On l'a fait. On le fait.
M. Drainville : Vous
devriez saluer...
M. Viau (Marc-André) :
On le fait régulièrement.
M. Drainville : Ça
devrait être le début.
M. Viau (Marc-André) :
On le fait. On le fait régulièrement.
M. Drainville : Ça
devrait être le début, de dire... vous, le consensus tient malgré tout parce
qu'il y a de plus en plus de nos concitoyens qui disent pourquoi est ce que,
moi, je paierais, là, alors que les autres ne paient plus, là? Parce que les
autres, ils n'en ont plus de taxe sur le carbone. Alors, la taxe sur le
carbone, la bourse sur le carbone, ce sont des instruments qui demeurent. Ça,
c'est une avancée exceptionnelle. C'est la preuve, s'il en faut, du leadership
qui est maintenu. Mais plutôt que de vouloir consolider ça, vous assurer,
justement, qu'on stabilise ce socle-là, dont on est fier, et qui a permis au
Québec d'acquérir effectivement une situation de leadership, quand vous arrivez
avec une cible comme celle que vous proposez, moins 40 %, 45 %, je
respecte votre position. Moi, ma position, c'est de dire, si on en demande
trop, à un moment donné, on va casser l'esprit citoyen qui, effectivement, je
pense, qui c'est encore majoritairement favorable au Québec.
M. Viau (Marc-André) :
On demande... On demande la même chose sur la cible depuis... depuis 2015. Ça
fait 10 ans qu'on a... qu'on a... qu'on a les mêmes cibles. On ne va pas dire
que la cible de 2015, en 2025, si elle reste pareille, c'est ambitieux.
M. Drainville : OK, mais
en 2015...
M. Viau (Marc-André) : Ça
fait qu'à un moment donné...
M. Drainville : En 2015,
vous proposiez de réduire le kilométrage parcouru de 20 %. Est-ce que vous
le proposez toujours?
M. Viau (Marc-André) :
Bien là, ce n'est pas... Je veux dire, oui, idéalement, il faudrait réduire le
kilométrage parcouru en auto pour les véhicules à essence. Je n'ai pas cette
proposition-là. Je n'arrive pas à la table avec cette proposition-là. Mais là,
il y a beaucoup de choses dans ce que vous avez dit. Vous avez parlé des
concurrents. Les concurrents... Et moi, ce que j'entends de la part... de la
part du gouvernement, c'est dire : Il faut diversifier nos marchés, aller
faire des, tu sais, aller faire des affaires ailleurs. Mais là vous me parlez
des concurrents. Vous me parlez qu'on est en concurrence, donc juste dans un
monde de concurrence et pas dans un monde de collaboration. Mais là, de l'autre
côté du discours, c'est il faut diversifier nos marchés, aller ailleurs. Là,
l'exemple de l'Europe n'est pas bon, mais on veut avoir l'Europe comme marché
de...
M. Drainville : ...
M. Viau (Marc-André) :
...collaboration. Bien, c'est ça que vous avez dit.
M. Drainville : Je vous
parle du temps, le temps que nous avons pour effectuer ce virage-là.
M. Viau (Marc-André) :
Non, non, non. Ce n'est ça que vous avez dit. Vous avez parlé de la
concurrence. On est... On est en concurrence avec tout le monde autour de nous.
M. Drainville : Oui, je
sais. Puis je vous ai dit : L'Europe, ce n'est pas notre principal marché.
M. Viau (Marc-André) :
Mais est ce qu'on veut diversifier les marchés ou on ne veut pas les
diversifier les marchés?
M. Drainville : Ce n'est
pas notre principal marché.
M. Viau (Marc-André) :
Oui, mais il faut prendre... Est-ce que la Norvège a été capable, d'atteindre
des cibles...
M. Drainville :
M. Viau... M. Viau...
M. Viau (Marc-André) :
...de 90 % de véhicules...
La Présidente (Mme Nichols) :
Juste un instant. On va parler chacun son tour, là, parce que ce n'est pas
super agréable pour la personne qui est...
Une voix : ...
La Présidente (Mme Nichols) :
Oui, oui. Très bien. Là, c'est moi qui parle, par exemple...
La Présidente (Mme Nichols) : ...très
bien, merci. Alors, je vais céder la parole. Adressez-vous à moi s'il y a un
problème, puis...
Une voix : ...
La Présidente (Mme Nichols) :
Bien, ça doit être des échanges un petit peu plus cordiaux. Merci, M. le
ministre.
M. Drainville : Bien, Mme la
Présidente, si vous me permettez, là, je ne suis pas sûr que vous étiez au
courant de ça, puis je ne suis pas sûr que les gens qui nous écoutent sont au
courant de ça. Mais Équiterre, là, c'est le groupe qui a fait paraître, qui a
publié ce qu'il a mis sur une grosse pancarte le long de la 20 dans mon comté.
Un beau...
La Présidente (Mme Nichols) : M.
le ministre, je ne pense pas que c'est le propos, non...
M. Drainville : ...je pense
que c'est pertinent parce que vous parlez du ton...
M. Viau (Marc-André) : Je
l'ai... je l'ai mentionné dans mon allocution tantôt.
M. Drainville : ...on ne te
lâchera pas avec les GES...
La Présidente (Mme Nichols) : M.
le ministre.
M. Drainville : ...Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Nichols) :
Oui. M. le ministre...
M. Drainville : ...vous
parlez d'échanges cordials, est-ce que vous pensez que de vous faire mettre une
pancarte...
La Présidente (Mme Nichols) : OK.
M. le ministre. Votre micro est fermé. Donc, écoutez-moi, là, on est... on ne
reviendra pas sur une pancarte ou... non. L'objectif aujourd'hui, là, le groupe
est ici pour parler de la réduction des cibles de GES. Chacun son opinion. Vous
avez peut-être des différends dans le passé, on ne les ramènera pas ici
aujourd'hui. Il y a un temps qui leur est accordé, donc je vous demanderais de
rester sur le sujet s'il vous plaît, puis d'avoir des échanges...
M. Drainville : ...le sujet
c'est le dialogue, le sujet c'est le dialogue. M. Viau a commencé son... sa
présentation en disant : On aimerait ça pouvoir dialoguer. Ils ont envoyé
à leurs membres : «Écrivez Bernie en commentaire et on vous enverra le
lien...»
La Présidente (Mme Nichols) : Très
bien.
M. Drainville : Bien, oui.
Mme la Présidente. Je veux bien dialoguer, je veux bien dialoguer, mais le
dialogue se fait dans le respect et envoyer aux membres d'Équiterre :
«Écrivez à Bernie», moi j'ai trouvé que ça manquait de respect.
La Présidente (Mme Nichols) : Bon,
très bien. Merci. Là, je vais rouvrir le micro, mais je vais demander à ce
qu'il y ait des échanges en lien avec les consultations du jour. Merci.
M. Drainville : Est-ce que
vous êtes d'accord, que ça manquait de respect, «Écrivez Bernie»?
M. Viau (Marc-André) : Je ne
suis pas responsable des communications, je suis ici...
(Interruption)
La Présidente (Mme Nichols) : Très
bien. Il y a une réponse à votre question. Veuillez, s'il vous plaît, continuer
les échanges en lien avec la réduction des cibles de GES au Québec.
M. Drainville : Alors, vous
disiez, M. Viau, qu'en 2015, vous aviez pris une position puis vous vous ne
vous voyez pas aller en dessous de cette position-là. En 2015, vous proposez
aussi une taxe de 7,6 % sur l'achat de véhicules neufs. Est-ce que c'est
encore votre position?
M. Viau (Marc-André) : En
2015, je n'étais pas chez Équiterre.
M. Drainville : Vous
proposiez une taxe annuelle de 188 $ sur les véhicules de 10 ans et plus.
Est-ce que c'est encore la position d'Équiterre, pas la position de M. Viau, la
position d'Équiterre?
M. Viau (Marc-André) : Bien,
est-ce que tu... bien, si vous voulez qu'on échange sur les positions
d'Équiterre, moi, je vous l'ai dit, ça me fera plaisir qu'on se rencontre à
l'extérieur du cadre de l'Assemblée nationale pour qu'on puisse échanger sur
l'ensemble de nos positions. Je pense qu'ici on est là pour parler de la cible.
Si vous voulez revenir sur la cible, moi ça me fera plaisir de parler de la
cible. Maintenant, sur la question des véhicules. On a proposé plusieurs
solutions, notamment la redevance-remise pour permettre au gouvernement de
continuer d'encadrer la vente de véhicules électriques tout en diminuant les
véhicules à essence qui sont sur le marché. Mais ça, ça fait partie des
positions qu'on a depuis longtemps, là, aussi.
• (15 h 20) •
M. Drainville : Écoutez, on
va prendre en considération votre position. Équiterre c'est un organisme qui, à
mes yeux, est un pionnier dans la cause environnementale au Québec. Je... donc,
je respecte votre position, puis Équiterre c'est un... c'est un nom, c'est une
appellation qui incarne, à mon avis, oui, une crédibilité. Je pense que j'ai
exprimé mon point de vue sur votre campagne, que vous ne désavouez pas par
ailleurs. Je comprends que vous n'êtes pas responsable, mais vous ne la
désavouez pas. Alors, je dirais que cette campagne-là n'a certainement pas fait
grandir votre crédibilité à mes yeux. Mais je n'ai pas le choix que de
reconnaître qu'Équiterre, ça été un organisme qui a été un leader dans la cause
environnementale au Québec. Et puis... donc, je... je prends en considération
vos réflexions, et puis je nous souhaite bon succès pour la suite.
M. Viau (Marc-André) : J'apprécie
vos propos, M. le ministre. Je suis là pour parler des GES on ne s'en cache
pas. On va continuer de collaborer avec le gouvernement sur plein de projets,
comme on le fait avec les institutions, avec les hôpitaux, avec les écoles.
La Présidente (Mme Nichols) : Merci.
Sur ces belles paroles, le temps est écoulé. Je vais céder la parole à Mme la
députée de Notre-Dame-de-Grâce. 9 minutes 20 secondes.
Mme McGraw : Merci, Mme la
Présidente. Et merci à vous pour votre présence, votre présentation et votre
mémoire. D'ailleurs, revenons sur la... la situation avec les États-Unis, parce
que le ministre parle beaucoup de ce qui se passe aux États-Unis, les actions,
les impacts du gouvernement...
Mme McGraw : ...et vous, vous
caractérisez ça. Dans votre mémoire, vous dites : «On souhaite rappeler
que l'affaiblissement des protections environnementales — climatiques,
hein — et la diminution de l'ambition dans la lutte aux changements
climatiques ne compenseront pas par... pour — et je cite encore — le
sabotage économique présidé par les États-Unis.» J'aimerais vous entendre
davantage là-dessus. Je pense que ça va aussi vous donner une chance de
répondre à des propos du ministre. Et est-ce que, dans votre réponse, vous
parlez aussi d'un... des avantages de... d'avoir... On a parlé au secteur du
ciment, qui sont en train de décarboner, que ça peut être un avantage
compétitif vis-à-vis certains marchés. Et je suis d'accord, en tant que
porte-parole, non seulement changements climatiques mais commerce, qu'il y a
une incongruité entre : on nous dit, bien, on est en train de diversifier
nos marchés et, en même temps, on se colle sur les États-Unis dans nos propos.
Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Viau (Marc-André) : Bien
oui, je veux dire, on l'entend, on l'a entendu de la part du gouvernement, ici,
à Québec, mais également d'autres gouvernements qui ont... le gouvernement
fédéral, notamment, qui a mis en place un projet... une loi, la loi Bâtir le
Canada, C-5, laquelle consiste essentiellement à contourner des lois
environnementales, notamment la Loi sur les espèces en péril, pour des logiques
économiques. Or, comme je l'ai dit un peu plus tôt, l'utilisation... ou
utiliser l'environnement comme une échappatoire aux logiques économiques qu'on
ne contrôle pas ne produira pas les résultats qui sont escomptés. Donc, ça,
c'est un problème.
Vous avez parlé des industries, vous avez
parlé de l'importance pour les industries d'avoir un cadre qu'on peut prévoir,
pour les investissements. Donc, il y a les cimenteries qui étaient là, il y a
également plusieurs fabricants de véhicules qui sont mécontents aussi de
l'affaiblissement de la norme sur les véhicules zéro émission ou de la mise sur
glace de celle qui a été faite aussi à Ottawa. Je ne sais pas si mon collègue
veut rajouter des informations par rapport à ça.
M. Têtu (Charles-Édouard) : Bien
oui, écoutez, vous nous avez demandé un exemple, par exemple, de secteur, là,
qui pourrait en ressentir les bénéfices. Bien, il y a celui de l'aluminium, qui
est dans... qui est aussi un secteur, là, qui a été mentionné à plusieurs
reprises par le ministre. Il y a quelques statistiques, ici, qui pourraient
être, quand même, intéressantes. On parle quand même de 40 000 emplois,
là, dans le secteur l'aluminium, actuellement, au Québec. Juste pour... à titre
d'information, là, on demande à peu près d'une à trois tonnes d'aluminium dans
chaque éolienne qu'on va pouvoir mettre sur le territoire. Ça, cet
aluminium-là, si on souhaiterait avoir une bonne gouvernance énergétique, là,
on le produirait au Québec, on le produirait aussi avec... de l'aluminium qui
serait bas en carbone. Ça devient quand même intéressant aussi dans un rapport
de productivité qui serait sur le territoire, qui amènerait des emplois au
Québec, mais qui... aussi de développer un savoir-faire qu'on pourrait
exporter, non seulement en Europe mais aussi aux États-Unis, puisqu'ils
construisent des éoliennes aussi, là, donc, autant au Wisconsin qu'au Dakota du
Nord, là.
Puis aussi, bien, justement, les véhicules
électriques demandent plus d'aluminium que les véhicules à essence, on parle de
30 % à 50 % plus. Ça pourrait être une opportunité aussi pour le
Québec, là, de voir son industrie participer à ce chantier-là.
Donc, il y a énormément de secteurs, là,
j'ai pris celui de l'aluminium, je ne veux pas qu'on prenne tout le temps sur
cette question, j'imagine que vous en avez d'autres, mais, par exemple,
celui-là, qui semble être quand même cher, autant aux Saguenéens et au
ministre, et on le salue pour ça, là, qui pourraient s'en sortir gagnants.
Mme McGraw : Merci. En
parlant d'international, dans votre mémoire, vous parlez justement du fait que
le Québec est reconnu pour son leadership climatique, et ça, tous gouvernements
confondus, Parti québécois, libéral, même au début, avec la CAQ, ça a été un
consensus. Nous, on se... Est-ce que vous partagez notre préoccupation qu'un
recul, ça représenterait un bris avec ce consensus québécois, s'il y a un recul
sur nos cibles?
M. Viau (Marc-André) : Bien,
définitivement. C'est quelque chose qui nous distingue. Je pense que les...
tous les élus ici présents ont une préoccupation particulière pour la nation
québécoise et l'identité québécoise. Et de dire : Est-ce qu'on doit suivre
les autres ou on doit choisir notre voie en tant que nation?, d'après moi, ça
fait partie aussi de cette identité-là, cette identité-là, environnementale,
qu'on s'est dotée au fil des ans, qu'on a aussi marquée économiquement en
faisant le choix de l'hydroélectricité à la fin des années 50 et début des
années 60. Donc, ça fait partie de ce qui est important. On le note, on
le souligne dans le mémoire. Le ministre...
M. Viau (Marc-André) : …on en
a parlé tantôt, est-ce que ce ne serait pas important de souligner l'importance
du marché du carbone? On le fait à de multiples reprises, on a même proposé un
projet cette année au gouvernement du Québec, au... au ministère de
l'Environnement pour la COP, pour aller parler du marché du carbone, pour faire
rayonner ce marché du carbone là sur la scène internationale. Malheureusement,
le projet n'a pas été retenu, mais ce n'est pas grave, il y a d'autres projets
qui ont été retenus. Donc, l'important... donc on n'hésite pas à le mentionner,
c'est même marqué dans le, ça me surprend d'ailleurs que le ministre ne l'ait
pas souligné, c'est marqué dans le mémoire qu'on dit : Félicitations pour
avoir rejeté GNL, félicitations pour avoir embarqué dans BOGA, félicitations
pour avoir interdit par voie législative l'exploration et l'exploitation du
pétrole et du gaz. Toutes des belles choses qu'on a dites dans notre mémoire.
Mme McGraw : Oui,
effectivement, à la page numéro six, vous notez tout ça. Alors, pour revenir au
marché de carbone, qui n'est pas une taxe carbone, ce n'est pas la même chose,
c'est une mesure écofiscale qui n'est pas une taxe carbone, le marché. Soyons
clairs là-dessus. La Californie, si je comprends bien ce que vous proposez en
termes de cible qu'on se colle plus à la Californie, qui redouble ses efforts
malgré le président Trump, notre partenaire dans ce marché-là qui a révisé à la
hausse leur cible à 40 % d'ici 2030 et une feuille de route vers la
carboneutralité d'ici 2045. Si je comprends bien, c'est ce que vous proposez
effectivement pour le Québec, est-ce que c'est bien ça?
M. Têtu (Charles-Édouard) : Bien
oui, effectivement, puis s'accoler à la Californie, là, c'est bon pour tout le
monde, en fait, c'est bon pour Équiterre, là, on est assis ici, on souhaite
avoir des cibles ambitieuses, on souhaite aussi les partenariats, mais ce
serait bon aussi pour l'ensemble du gouvernement, l'ensemble de l'économie
québécoise. On en a parlé tout à l'heure, mais c'est moi même qui l'a
mentionné, ça nous prend de la prévisibilité pour les investisseurs, les
entreprises. Il faut savoir ce qui s'en vient. La Californie a envoyé un signal
clair et dans le SB 840, là, qui est le règlement qu'ils ont adopté à cet
égard, c'était l'argument fondamental, c'était ça nous prend de la
prévisibilité.
Je pense que le Québec pourrait s'inspirer
de la quatrième plus grosse économie au monde, en fait, là, pour prendre ses décisions,
je pense qu'on n'aurait rien à y perdre, ça pourrait être un bon modèle à
prendre. Et puis je réitère que la Californie a fait preuve d'une excellence
dans sa saine gouvernance. On a dépolitisé comment est-ce qu'on gérait les
profits du marché du carbone qui vont croître, on a fait en sorte qu'on allait
appuyer directement le portefeuille des Californiennes, des Californiens, en
les aidant à avoir accès à de l'énergie propre, nous, on a déjà ça ici.
Qu'est-ce qu'on pourrait faire? Peut-être réduire le fardeau qu'il y a, par
exemple, sur la facture d'hydroélectricité à la fin du mois des Québécois et
des Québécoises qui, eux, doivent payer, en fait, pour que le Québec fasse
venir des grandes entreprises énergivores. Peut-être qu'on pourrait accorder
cette pause-là aux Québécois et Québécoises que la CAQ cherche à attribuer à
travers une gestion du fonds qui serait adéquate et non pas l'investir dans le
Fonds des générations.
Mme McGraw : Bien justement,
ce n'est pas vraiment le Fonds des générations. Soyons clair que c'est vraiment
pour s'attaquer à la dette fiscale, qui est une bonne chose, mais ce qu'on
fait, c'est qu'on déplace le problème vers une dette climatique, on se comprend
bien. Donc, sur le fond, vous proposez que la Fonds... que le contrôle soit
retiré du contrôle gouvernemental, un organisme indépendant. D'ailleurs, après
la période pilote de ce fonds-là, le gouvernement libéral avait proposé des
réformes au gouvernement qui n'ont jamais mises été en place par le
gouvernement de la CAQ. Parlez-nous plus de ce... de cette réforme de
gouvernance du Fonds.
• (15 h 30) •
M. Têtu (Charles-Édouard) : La
réforme serait un petit peu, en fait là, présentement, elle serait à s'accoler,
en fait, à ce que fait la Californie. Puis de la saine gouvernance, c'est
quelque chose qu'Équiterre demande, là, depuis avant même que j'y arrive, là.
Donc, on l'a demandé, par exemple, dans la définition du projet de loi 69
sur l'énergie, le PÉGIR ne devrait pas être géré par le gouvernement ou par...
ça devrait être une entité indépendante qui s'assure de c'est quoi nos besoins,
puis comment on y répond. C'est la même chose avec le fonds d'électrification.
C'est quoi les besoins, par exemple, pour subvenir aux besoins des sociétés de
transport? C'est quoi que les Québécois et les Québécoises ont de besoin pour
se déplacer, réduire le nombre de kilométrages, par exemple, quand on se
déplace en auto, qui sont énergivore et qui vont à l'encontre du concept de
sobriété. Il y a énormément de choses qu'on pourrait faire pour dépolitiser
l'action climatique et s'assurer qu'on obtient des résultats et ça, la
Californie, c'est ce qu'ils ont réalisé et c'est ce qu'ils sont en train de
mettre en œuvre. Et je pense, encore une fois, et je vais le mentionner une
deuxième fois, je veux vraiment que ça soit bien compris, c'est la quatrième
plus grosse économie au monde. Je pense que, si on se dit que la quatrième plus
grosse économie au monde fait quelque chose, on pourrait peut-être un petit peu
s'en inspirer.
La Présidente (Mme Nichols) : Merci.
Merci, je suis désolé de vous interrompre.
M. Têtu (Charles-Édouard) : Il
n'y a pas de problème.
La Présidente (Mme Nichols) :
Mais c'est pour céder la parole au député de Taschereau.
M. Grandmont : Oui, merci
beaucoup. Merci, madame la Présidente. Merci à vous deux, puis merci à
Équiterre pour le travail que vous faites aussi, très rigoureux, puis un
travail de sensibilisation, puis de mobilisation citoyenne aussi, qui est
immense, n'en déplaise à certaines personnes, c'est très efficace et c'est très
utile dans la société québécoise. On n'a pas beaucoup de temps, mais j'aimerais
aborder deux points. La première... la première chose, c'est la question des
marchés. Vous avez... vous avez réitéré, là, à plusieurs reprises
qu'effectivement la Californie est...
15 h 30 (version non révisée)
M. Grandmont : ...un immense
marché économique d'un partenaire et on aurait tout intérêt à s'y coller. L'Europe,
même chose, on en a parlé tantôt, un peu plus mineur, disons, dans nos
relations actuelles, mais en augmentation assez grande, 25 point quelques...
presque 26 % d'augmentation des exportations vers l'Union européenne au
premier semestre de 2025. D'ailleurs, il y a une stratégie québécoise d'augmentation
des partenariats économiques avec l'Europe. Est-ce que vous pensez qu'on a tout
intérêt à se coller à ces pays-là pour être prêts pour la transition ou l'économie
carbone neutre qui viendra de toute façon, ou plutôt prendre un pas de recul
puis attendre, tu sais, prendre le train en marche,
mais plus tard?
M. Têtu (Charles-Édouard) : Assurément.
Écoutez, là, je pense que c'était... c'était pas mal une des choses qu'il
fallait retenir de notre intervention, c'est que, pendant qu'il y a du monde
qui avance, les investissements se dirigent là bas.
En fait, 2024, c'est la première année où
les investissements en énergies renouvelables ont dépassé celles des industries
faciles à l'échelle de la planète. Je pense que ça, ça nous envoie un petit peu
un signal sur vers quoi on s'en va. Et puis si on prend du retard, si on est un
petit peu en réaction à tout ça, bien, je vais vous avertir tout de suite, c'est
les pays comme la Chine qui elle investit massivement là-dedans qui vont se
retrouver avec cet avantage économique là. Déjà que c'est difficile de
compétitionner avec ce genre d'État, s'ils se réattribuent, en fait, cette
volonté d'avoir ces investissements-là, ils vont les obtenir. Donc
effectivement, c'est comme... comme dirait ma mère, c'est un «no brainer» d'aller
vers l'avant et d'aller chercher vers où s'en va l'argent. Il faudrait la
suivre si on veut avoir des investissements de qualité.
M. Grandmont : L'autre
question concerne...
M. Viau (Marc-André) : ...
M. Grandmont : Ah! oui.
Allez-y, allez-y
M. Viau (Marc-André) : Juste
préciser, il a dit «no brainer» parce que sa mère est anglophone.
M. Grandmont : Donc, l'autre
question porte sur l'état de mobilisation citoyenne. M. le ministre l'a dit...
l'a répété à plusieurs reprises, il a peur que, si la cible n'est pas atteinte,
ça risque d'être démobilisant pour la société québécoise, les entreprises, les
citoyens et citoyennes. Vous suivez la population, vous voyez les sondages, est-ce
que vous nous avez à nous dire sur l'état de mobilisation actuellement des
citoyens. Qu'est-ce qu'ils veulent en fait qu'on en fasse?
M. Viau (Marc-André) : Bien,
les citoyens veulent qu'on fasse des choses pour eux, qu'on ait des services
publics, notamment transports collectifs. Ils veulent qu'on s'assure que leurs
collectivités soient résilientes aussi. Donc, on a parlé beaucoup de cibles. Je
sais que la ministre a une attention aussi particulière à l'adaptation. Donc,
là-dessus, je suis... on est aussi disposés à échanger et à travailler
conjointement avec les élus de l'Assemblée nationale sur les enjeux d'adaptation.
Les gens reçoivent les impacts des
changements climatiques. Donc oui, de plus en plus, ils sont impactés, que ce
soit psychologiquement parce que c'est quelque chose de subir les impacts des
changements climatiques. Financièrement, les municipalités également sont
affectées financièrement et donc les gens sont mobilisés.
La Présidente (Mme Nichols) : Merci.
Je cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci, Mme la
Présidente. Merci à vous pour votre présentation, pour les échanges, les
mémoires, et évidemment je vais continuer sur la question de la mobilisation
parce que je voudrais savoir ce que vous pensez de l'argument du ministre qui
dit essentiellement : Ça va être plus facile de mobiliser les gens si l'objectif
est atteignable à ses yeux. Donc, il faudrait réduire nos ambitions pour se
donner une chance de les atteindre, comme ça, ça va encourager les gens d'embarquer.
Je le paraphrase.
M. Viau (Marc-André) : Bien,
je ne suis pas convaincu. Pour mobiliser les gens, il faut faire appel à une
émotion souvent, hein? Et pour faire appel à une... les émotions peuvent être
négatives, peuvent être positives. Moi, je pense... et on est d'avis, chez
Équiterre, qu'il faut faire appel à l'espoir. L'espoir de bâtir un monde
meilleur, l'espoir d'être capable de lutter contre ces changements climatiques
là, l'espoir d'être capable de construire des sociétés plus, plus résilientes.
Donc ,à mon avis, donner de l'ambition et donner des objectifs, et c'est aussi
souvent que les élus vont faire, mettons, dans des campagnes électorales, de
faire rêver, de... Donc, on est aussi dans ces... dans ces objectifs-là. Et c'est
en faisant rêver et c'est en donnant de l'espoir qu'on est capable de mobiliser
les gens.
M. Arseneau : Mais vous
parlez aussi... Tu sais, il y a la mobilisation d'une part, mais vous
identifiez très clairement le rôle du gouvernement comme étant celui de
légiférer puis de réglementer. Et puis il y a des gens... Évidemment, il y a un
courant qui dit il ne faut pas trop pousser, là, le bouchon parce que les gens
vont réagir négativement. Votre point de vue là-dessus.
M. Têtu (Charles-Édouard) : Bien,
en fait, tu sais, on le mentionne dans le mémoire, c'est que ça nous prend en
fait des changements qui sont structurels, et c'est difficile en fait de mettre
en place ce genre de changements là si on n'a pas un leadership assumé de la
part de l'État. C'est lui qui a les outils, que ce soit son administration
publique, que ce soit son influence, sa légitimité pour faire adopter des
changements à la population.
Nous, chez Équiterre, on essaye ça depuis
1993. On a fait notre part de chemin, je pense, puis on continue de le faire à
tous les jours. Après ça, lorsque l'État...
M. Têtu (Charles-Édouard) : ...dégonfle,
c'est difficile d'aller chercher cette mobilisation-là. Donc, effectivement, si
on souhaite avoir de... faire de meilleurs choix collectifs, si on souhaite
atteindre nos objectifs, ça passe par une volonté politique, ça passe par un
État qui démontre aux gens que c'est possible. Ça ne part pas de l'objectif, ça
part de si l'État est prêt, puis même si, par exemple, la cible est à 45 puis
on arrive à 43, au moins, on a essayé de faire quelque chose à la place de
dire : bon, bien, finalement le réchauffement de 1.5, ça n'a pas marché,
on va tomber à 2. Ça ne marche pas comme ça, ça ne fonctionne pas comme ça. Il
faut que l'État fasse part de... de l'action.
M. Viau (Marc-André) : Il n'y
a aucun groupe, il n'y a aucun politicien qui veut écœurer les gens. On veut
les aider, on veut trouver des solutions, on veut sensibiliser, on veut
informer et on veut rallier les gens pour embarquer dans de l'action
collective.
M. Arseneau : Ce qui semble
se décider... de se dessiner, c'est-à-dire, depuis qu'on en parle, depuis deux
jours, là, c'est que l'objectif de 37,5 de réduction va demeurer, parce qu'il
faudrait changer la loi pour faire autrement, mais qu'on le reporterait dans le
temps, parce que la loi n'oblige pas que ce soit atteint pour 2030. Si on en
arrive à une décision comme celle-là de la part du gouvernement, votre
réaction?
La Présidente (Mme Nichols) : En
quelques secondes.
M. Viau (Marc-André) : Vous
êtes... vous êtes responsable de prendre ces décisions-là. Je vais vivre avec,
et les Québécois vivront avec les conséquences.
M. Arseneau : ...un recul,
c'est une bonne décision?
M. Viau (Marc-André) : Ce
n'est pas une avancée.
M. Arseneau : Merci.
La Présidente (Mme Nichols) :
Merci, merci beaucoup de votre présence. Merci de votre exposé et des
échanges... votre contribution aux travaux de la commission. Je vais suspendre
quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 38)
(Reprise à 15 h 44)
La Présidente (Mme Nichols) : Alors,
on reprend les travaux. Bonjour. Je souhaite la bienvenue à la représentante de
l'Association québécoise des médecins pour l'environnement. Bonjour, Mme
Clermont. Alors, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, après quoi nous allons procéder à la période d'échange avec les membres
de la commission. Je vous invite à vous présenter, bien que j'ai pris un peu
d'avance, et à commencer votre exposé.
Mme Clermont (Patricia) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je m'appelle Patricia Clermont, je suis
docteure en communication, donc, pas médecin, mais je suis l'organisatrice et
la porte-parole de l'Association québécoise des médecins pour l'environnement,
l'AQME, et je suis heureuse d'être devant vous, même invitée à courte échéance,
pour vous présenter notre mémoire, auquel ont aussi contribué la présidente de
l'AQME, la Dre Claudel Pétrin-Desrosiers, et deux membres très actives de notre
association, la Dre Eve Riopel, pédiatre, et la Dre Johanne Elsener, médecin
vétérinaire de formation, mais aussi très impliquée en santé humaine et
environnement.
Notre propos est simple, la crise climatique
traverse toutes les crises que nous traversons collectivement, et c'est aussi
une crise de santé, ce qui est vital. C'est pourquoi notre neuvième
recommandation, qui devrait être en fait la première, est la suivante :
Que le gouvernement du Québec présente le respect et l'atteinte des cibles
d'une trajectoire climatique ambitieuse comme un objectif visant l'amélioration
de la santé des gens.
Ce faisant, la trajectoire que propose le
Comité consultatif sur les changements climatiques, que nous soutenons par une
recommandation aussi, devient une trajectoire pour améliorer la santé
environnementale et humaine, mais aussi la santé de nos finances publiques et
de notre économie. Et, pour réaliser cette trajectoire, il faut maintenir la
cible de réduction des gaz à effet de serre à au moins 37,5 % pour 2030.
C'est aussi l'une de nos recommandations.
Les gens au Québec sont prêts. Rappelons
qu'un récent sondage Léger, avec une méthodologie solide, a établi que
81 % de la population québécoise est prête pour l'action climatique. Et ce
sondage n'est pas isolé, il rejoint en d'autres... il en rejoint d'autres, en
fait, au Québec, dans les toutes dernières années, de même que d'autres à
travers le monde, comme le 89 % Project du média britannique The Guardian
le démontre, établissant que 79 % à 89 % de la population à
travers le monde veut de l'action climatique.
Notre mémoire met aussi en évidence des
données qui montrent que les politiciens et les politiciennes sous-estiment
constamment à quel point les gens sont prêts à financer des mesures
climatiques. Car de plus en plus de gens au Québec et ailleurs le
réalisent : ce qui nous coûtera le plus cher, c'est l'inaction et les
reculs climatiques, en coûts de santé et en coûts d'infrastructures, notamment,
avec aussi des retards en termes de mobilité durable, de perturbation des
secteurs économiques comme la construction et l'agriculture, par exemple, à
cause des effets des changements climatiques de plus en plus fréquents,
intenses et perturbateurs. De plus en plus de gens au Québec et ailleurs
réalisent aussi que l'environnement conditionne la santé humaine et que les
problèmes de santé aussi nous coûtent cher...
Mme Clermont (Patricia) : ...malheureusement,
notre travail approfondi sur la qualité de l'air nous amène à déplorer que le
document de la présente consultation produit par le ministère de
l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et
des Parcs est négligé d'évaluer les avantages économiques liés à l'amélioration
de la qualité de l'air, un co-bénéfice de la réduction des gaz à effet de
serre. À notre avis, ces avantages devraient, au contraire, être au cœur des
motivations du gouvernement dans la lutte contre les changements climatiques.
Parce qu'au Québec seulement, Santé Canada estime que chaque année, la
pollution atmosphérique cause plus de 4000 décès prématurés et qu'elle engendre
des coûts sociaux sanitaires qui dépassent les 34 milliards de dollars.
Les effets sur la santé sont de mieux en mieux compris et immenses, des
maladies cardiovasculaires, des maladies pulmonaires, des problèmes
endocriniens, des maladies rénales et j'en passe.
Le fardeau financier associé à la chaleur,
par ailleurs, s'élève à 15 millions de dollars en termes de soins de
santé, à 5 milliards de dollars en termes d'absentéisme et à 3,6 milliards
en pertes intangibles des décès de l'atteinte au bien-être. L'Institut national
de santé publique du Québec a évalué que chaque augmentation de 1°C de la
température estivale quotidienne maximale entraîne une augmentation d'environ
40 % du nombre de réclamations quotidiennes à la Commission des normes, de
l'équité, de la santé et de la sécurité au travail pour accidents de travail.
L'INSPQ et Ouranos par une étude en 2015, déjà, révélaient que les coûts
additionnels attribuables aux changements climatiques des allergies
saisonnières grimperont à 70 à 86 milliards de dollars par année d'ici
2065 au Québec. Pour 2019 seulement, la facture des inondations pour le
gouvernement québécois a été de 458 millions de dollars. Enfin, une étude
américaine rapporte aussi que si tous les déplacements automobiles de moins de
8km se faisaient par transport alternatif, cela résulterait en des bénéfices
sanitaires net annuels estimés à environ de 5 à 8 milliards de dollars
américains pour 11 villes métropolitaines.
Il va sans dire que nous déplorons avec
les autres membres de TRANSIT, l'Alliance pour les financements du transport
collectif, dont nous faisons aussi partie, que la dernière mise à jour
économique ne comprenne ou ne sache pas ses potentiels immenses pour une
mobilité durable et une meilleure santé pour tout le monde. À l'AQME, nous
sommes déjà à l'œuvre de conjuguer santé, climat et carboneutralité. Nos
membres s'illustrent dans leur milieu de soins pour mettre en œuvre des
initiatives de réduction de l'empreinte environnementale de leurs pratiques
cliniques, tout en protégeant la qualité des soins. Ils sont également engagés
dans la société à différentes échelles communautaires, institutionnelles, médiatiques
à titre d'experts. Nous faisons partie de coalitions qui plaident et proposent
des façons de réduire les émissions de GES dans différents secteurs, dans les
transports collectifs, mais aussi dans... au niveau du gaz et des énergies.
Nous avons aussi une communauté de pratiques pour des soins écoresponsables et
la décarbonation du secteur de la santé soins, Propulsion Écosoins, que je
coordonne avec des cliniciens et des professionnels de la santé profondément
engagés à réaliser le potentiel de réduction des GES de leur secteur de
pratique d'au moins 3,6 %, ce qui est possible. Ils et elles savent aussi
que ces réductions vont de pair avec des économies d'argent aussi
substantielles, et surtout, cohérentes avec le fait de soigner les gens avec
des produits et des pratiques qui soient profitables à la santé de
l'environnement. D'ailleurs, 39 d'entre eux et elles ont déploré en mars
dernier, dans une lettre au ministère de la Santé et à Santé Québec, le virage
écologique manqué dans le plan de transformation du ministère.
• (15 h 50) •
Je vais passer rapidement sur le fait,
mais quand même, pour souligner que le Centre hospitalier de l'Université de
Montréal s'est doté d'un objectif de carboneutralité, et que le Centre
universitaire de santé McGill a annoncé un plan de décarbonation de ses
bâtiments. Ce type d'initiative devrait être la norme et non l'exception dans
le réseau. Et ce qu'on veut à l'AQME et à Propulsion ÉcoSoins, c'est que le
Québec suivre l'exemple de certains pays à travers le monde, comme
l'Angleterre, qui a entrepris avec succès des démarches responsables à ce sens,
car nous avons au Québec le savoir et le vouloir pour faire de même. Les
données scientifiques sont claires. L'action climatique a des effets bénéfiques
sur notre santé. Elle offre la possibilité d'améliorer la santé humaine et de
réduire les disparités de santé partout au Québec. Si nous luttons efficacement
contre les changements climatiques, si nous améliorons la qualité de l'air et
si nous conservons nos espaces naturels afin de protéger la biodiversité, nous
avons une occasion inégalée d'améliorer la santé des gens et d'offrir une
meilleure qualité de vie à tout le monde. Et cela, c'est aussi prendre soin de
l'économie et des gens qui travaillent, sans oublier les gens et les
communautés plus vulnérables. 81 % de la population québécoise est prête
pour l'action climatique. Cela commande un plan ambitieux, pertinent, cohérent
et...
Mme Clermont (Patricia) : ...qui
commande aussi une planification à travers les secteurs de la société, comme le
recommande le Comité consultatif sur les changements climatiques. Alors que le
gouvernement fédéral annonce aujourd'hui un changement de cap environnemental
des plus inquiétants, ce n'est pas le temps de décourager les Québécois et les
Québécoises, c'est au contraire le temps de les engager dans une trajectoire
climatique et de santé qui nous permettra de tout... traverser, pardon,
collectivement et en santé.
La Présidente (Mme Nichols) : Merci,
Mme Clermont, pour votre exposé. Nous allons débuter la période d'échange avec
M. le ministre pour un bloc de 15 min 30 sec.
M. Drainville : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci, Mme Clermont. Vous dites, vous citez un
sondage Léger, je crois, que vous avez dit? 81 % de la population
québécoise qui est prête pour l'action climatique. Est-ce que vous êtes
d'accord avec moi que c'est un 81 % qui est, oui, qui est très élevé, mais
qu'il faut moduler selon l'impact qu'aura cette stratégie climatique sur leur
quotidien. En d'autres mots, dans l'absolu, oui, on est favorables, mais si on
commence à devoir assumer les coûts, si on commence à devoir faire des
sacrifices, notamment économiques, en matière d'emploi, sacrifices financiers.
Un peu comme le «pas dans ma cour», hein, on observe ça, parfois, dans
l'absolu, on est favorables, mais dès que ça nous touche dans notre quotidien,
là, oh attention! Est-ce que... vous n'êtes pas d'accord avec moi pour dire que
les Québécois vont rester mobilisés pour l'action climatique si on est capables
de bien doser cet effort-là pour faire en sorte qu'ils ne sont pas pénalisés
sur le plan économique, sur le plan de l'emploi, sur le plan financier?
Mme Clermont (Patricia) : Ça
fait 20 ans que je travaille en environnement, que je suis engagée, et ce que
je vois, et encore plus ces temps-ci, ce qui décourage les gens, ce qui les
rend cyniques, c'est quand ils voient leurs efforts complètement désarticulés
puis contradictoires. Je pense que les gens sont prêts pour des actions climatiques
coordonnées, surtout quand ils savent comment ça va se passer, à quoi ça va
servir, ce que ça va entraîner. J'en suis témoin, à l'AQME, ça fait quatre ans
que mon poste a été créé, je suis toujours plus débordée par des médecins, des
professionnels, mais aussi des citoyens qui nous disent, en fait, que les
sacrifices... Bien, premièrement, il faut se dire aussi que tout ce qu'on
pouvait faire de plus facile, on l'a fait. Évidemment, on arrive aux choses
plus difficiles, mais les gens qui viennent et qui sollicitent l'AQME
perçoivent très bien, aussi, que, en fait, il y a beaucoup de bénéfices,
d'écobénéfices, de santé, d'économie et de qualité de vie qui vont avec des
changements, puis des changements, ce n'est pas toujours des sacrifices,
surtout quand on peut exprimer puis expliquer l'écobénéfice, et les économies
pour le système de santé sont loin d'être négligeables, et ça aussi, les gens y
sont de plus en plus attachés.
M. Drainville : Je n'en doute
point. Je... je suis tout à fait d'accord avec vous que les gens sont de plus
en plus conscients des effets, des conséquences du réchauffement, pas juste des
événements météorologiques extrêmes, mais aussi l'impact que ça a sur la santé
humaine. J'adhère à ça complètement. Mais... est-ce que vous êtes d'accord avec
moi que de faire... d'avoir fait la moitié du chemin entre 1990 et 2022,
puisque ce sont les dernières données, donc ce -19 % d'émissions de GES
qui a été réalisé en 2032 démontre que l'autre moitié du chemin que nous
devrons faire en quatre ans est un objectif extrêmement ambitieux. Est-ce que
vous êtes d'accord avec moi que c'est extrêmement ambitieux? Et je vous pose
même la question : est-ce que vous croyez que c'est réaliste de penser
qu'on va réaliser en quatre ans ce qu'on a mis 32 ans à réaliser?
Mme Clermont (Patricia) : Bien,
à mon sens, il me semble que ça fait juste de 12 à 15 ans qu'il y a une vraie
action climatique coordonnée, ça fait que je pense que c'est là qu'on a...
consolidé la réduction.
M. Drainville : Alors, disons
12 ans, prenons votre chiffre, disons 12 ans, on a fait la moitié du chemin en
12 ans, là, il faut faire l'autre moitié en quatre ans. Est-ce que vous jugez
que c'est réaliste?
Mme Clermont (Patricia) : Moi,
je pense que c'est réaliste, surtout avec un plan coordonné. Je prends juste
pour exemple la dernière grève des transports en commun, puis, en fait,
généralement, parce que comme je vous dis, ça fait longtemps que je travaille
en environnement. Les gens sont prêts à prendre du transport collectif pour
autant qu'il y en ait. Mais on voit très bien, par exemple, par la publicité,
par les investissements des compagnies qui ont... qui ont trait avec les
énergies fossiles, aussi, qu'en fait, ce qu'on nous promeut souvent, c'est
la... cette voie-là qui n'est... qui n'est pas contrebalancée par des
investissements conséquents et...
Mme Clermont (Patricia) :
...tout pérennes, par exemple, pour que des transports collectifs soient
développés à travers le territoire québécois. Alors moi, ce que j'entends
souvent, c'est que les gens, ils veulent faire des efforts. Ils sont conscients
que ça ne sera pas toujours facile. Ils savent aussi que ça prend un certain
temps à s'adapter. Puis au terme de ça, ce qu'on entend, nous, puis c'est ce
pour quoi on est de plus en plus débordé aussi, en fait, c'est que les gens,
ils perçoivent que ça vaut la peine de changer des habitudes.
M. Drainville : Alors,
je suis d'accord avec vous que si on offre davantage de transport collectif, il
y aura davantage de gens qui seront susceptibles de le prendre. Mais en même
temps, je ne sais pas si vous avez entendu ça un peu plus tôt aujourd'hui, là,
je disais à quel point les investissements en transport collectif ont beaucoup,
beaucoup augmenté, là. C'est massif, ce que nous avons investi en transport
collectif. On a plus que doublé les investissements en transport collectif.
Depuis 2018, 12 milliards qui ont été investis pour moderniser,
électrifier, rendre le transport collectif plus accessible partout au Québec, etc.
Je veux dire, de loin, de loin, de loin, la période où il s'est investi le plus
d'argent en transport collectif, c'est les cinq, six ou sept dernières années,
de très loin. Et vous comprenez qu'il y a une limite à un moment donné à la
capacité de payer du contribuable.
Puis quand vous nous dites : Les gens
n'attendent que ça pour prendre le transport collectif, ils n'attendent qu'on
leur en offre. Moi, je vous réponds : Bien, on a beaucoup investi dans le
transport collectif et, à un moment donné, de continuer à investir davantage,
ça implique nécessairement un coût, un coût financier en termes de taxes et
d'impôts. Et c'est là que je trouve qu'il faut mettre dans la balance, pas
juste le bénéfice, mais aussi ce que le citoyen est prêt à payer. Sa capacité de
payer n'est pas infinie. Et il faut trouver cet équilibre-là. Et parfois, j'ai
l'impression, quand je suis en discussion avec le mouvement
environnementaliste, j'ai l'impression qu'il n'y a qu'une partie de l'équation
qui est traitée, c'est-à-dire toujours plus, toujours plus, toujours plus. Mais
à un moment donné il faut aussi prendre en considération que cet argent-là, il
est durement gagné. Il provient des taxes et des impôts. Donc, il faut trouver
cet équilibre-là. N'êtes-vous pas d'accord avec moi qu'il faut prendre en
considération également? J'en reviens à l'effort citoyen, là.
Mme Clermont (Patricia) :
Moi, ce que je sais, c'est qu'il y a un déséquilibre qui s'est fait il y a à
peu près 35 ans entre les investissements routiers et la... et le transport
collectif, puis qu'on ne l'a pas encore rattrapé. D'autre part, je veux juste
souligner que l'AQME, c'est un groupe de santé et d'environnement, mais surtout
c'est que si, dans les décennies futures, ça ne relève pas juste d'un
gouvernement, là, mais si, par exemple, il y avait des investissements, des
travaux qui se faisaient chaque année, que par exemple il y avait une station
de métro, un nouveau réseau d'autobus qui sortait, qui devenait... qui devenait
effectif chaque année, ça serait beaucoup plus facile, mais on serait engagé
dans la mobilité durable, dans le cercle vertueux, puis avec la vélocité qu'on
doit avoir en regard des changements climatiques. Alors, je pense que les gens
sont prêts à payer en autant qu'ils reçoivent des services qui sont conséquents
et performants.
• (16 heures) •
M. Drainville : Oui.
Bon, enfin, comme vous le savez, on est déjà la population qui... qui paie le
plus de taxes et d'impôts au Canada. Puis en Amérique du Nord, on est
certainement parmi les... ceux qui ont un fardeau fiscal parmi les plus
importants. Mais bref, refermons cette... refermons cette parenthèse.
J'aimerais ça qu'on parle un petit peu
d'adaptation, parce que vous avez raison de parler de... de l'impact. Donc,
l'impact est très, très, très contemporain, c'est très, très, très actuel,
c'est très, très, très maintenant. On vit avec l'impact des changements
climatiques. Et d'ailleurs je note, je fais une petite parenthèse, le Québec
représente 0,16 % des GES sur la planète, 0,16 % de la planète. Alors,
évidemment, il faut faire notre effort comme... comme on le souhaite pour les
autres, mais on pourrait arrêter de produire tous les GES, on pourrait cesser
de produire un atome de carbone ou une molécule de carbone, la situation de la
planète continuerait malheureusement de se détériorer, la situation du
réchauffement continuerait de se détériorer. Alors, encore une fois, je prends
la peine de le dire et je le redis, il faut que le Québec continue de faire sa
part puis il faut que le Québec reste un leader. Mais il faut aussi prendre
acte du fait qu'on ne peut pas y arriver seul et qu'on dépend...
16 h (version non révisée)
M. Drainville : ...aussi
beaucoup, pour l'essentiel, de ce que les grandes puissances émettrices vont
poser comme gestes. Et on souhaite qu'elles posent les bons gestes pour qu'on
puisse finir par ralentir le réchauffement, puis éventuellement l'inverser.
Cela étant dit, une chose est certaine, les
effets, les conséquences de ces GES se font déjà sentir, et ça... peu importe
ce qui arrive maintenant, on sait qu'on est pris avec des conséquences qui vont
s'alourdir, qui vont devenir de plus en plus graves. Et donc notre position,
nous, c'est qu'il faut investir dans la stratégie climatique, il faut investir
une part substantielle dans l'adaptation climatique pour aider les Québécois
qui subissent ces changements climatiques. Quelle est votre réflexion, là-dessus,
vous, dans le fond, l'équation : réduction versus... et les montants qu'on
investit pour réduire les GES, versus la partie qu'il faut réserver dorénavant
pour l'adaptation?
Mme Clermont (Patricia) : Bien,
d'abord, je veux juste dire que le Québec est quand même un des endroits... même
si on dit souvent qu'il paie plus de taxes qu'ailleurs, c'est un des endroits
qui a traversé le mieux possible les crises des 20 dernières années, avec le
modèle social qu'on a. Mais, d'autre part, surtout, c'est que, pour les
médecins et les professionnels de la santé qui participent à l'AQME, et il y en
a de plus en plus, consacrer des sommes à l'adaptation en cessant de lutter, c'est
complètement aberrant.
M. Drainville : ...
Mme Clermont (Patricia) : Non,
mais même en... Pour nous, en fait, réduire l'ambition, c'est déjà reculer, c'est
déjà arrêter, parce que, justement, les changements climatiques ont des effets
de plus en plus... qui ont de plus en plus de vélocité et d'impacts. Ça, ça veut
dire, là, que... On vous donne un exemple, par exemple, ce qui... ce qui
préoccupe vraiment beaucoup les membres de la communauté de pratique... soins,
c'est qu'il y a 3,6 % de réduction des gaz à effet de serre qui pourraient
être faits par le système de santé et des services sociaux, puis ce n'est pas...
ce n'est pas vraiment concret en ce moment. Les gens essaient de faire avancer
ça, mais ce n'est pas concret.
Mais pour eux, les soignants, en fait,
ceux qui sont à l'AQME, ils veulent que, par exemple, vous arriviez dans leur
cabinet et qu'ils soient rassurés le plus possible sur l'état de l'environnement
dans lequel vous allez sortir. Ça, ça implique que, oui, il faut des sommes
pour l'adaptation, puis il faut garder une ambition climatique qui est assez
haute pour qu'on puisse peut-être même mitiger les effets des changements
climatiques, qui ne vont pas s'arrêter.
Et puis je pense que c'est une question de
signal, parce que, si on commence à réduire, même si ce n'est pas cesser, d'autres
vont le faire, et, en fait, les effets vont juste être de plus en plus graves. En
fait, quant à nos voisins américains, comme le rappelaient mes collègues d'Équiterre,
il y a quand même au moins un État, mais ce n'est pas le seul, qui est très,
très pesant, en termes d'économie et d'ambitions climatiques. Et je pense que c'est
envers ce genre de collectivité là qu'il faut s'aligner, sur l'Europe aussi, en
termes de pratiques de carboneutralité, pour que, par exemple, le 3,6 % de
réduction de gaz à effet de serre qu'on pourrait avoir au Québec puisse s'additionner
à d'autres 3,6 % de systèmes de santé à travers le monde. Merci.
M. Drainville : Je souligne,
soit dit en passant, que la Californie, par habitant, produit plus de GES que
le Québec, il ne faudrait jamais l'oublier, là, et que même s'ils atteignent
leur cible, en 2030, ils vont produire plus de GES que nous. Ils seraient à 6,4,
on serait 5,8. Actuellement, le Québec est à huit, et la Californie est à 10,2
tonnes par habitant. Je veux juste dire ça en passant. Mais le Québec est
numéro un, je le rappelle, numéro un pour la quantité de GES produite, et on en
est très fiers, puis on veut que ça continue, puis ça va continuer.
Mais la question sur l'adaptation, ce n'était
pas de dire : On réduit le montant dédié à la stratégie. Prenons, par
exemple, les revenus de la bourse du carbone, du SPEDE, mettons 1,5 milliard
par année, bon, bien, est-ce qu'à l'intérieur de cette enveloppe-là, donc le
résultat des enchères, hein, il y a quatre enchères par année, donc, on va
chercher tout l'argent qu'on peut aller chercher avec la bourse du carbone... est-ce
qu'à l'intérieur de ce montant de 1,5... est-ce qu'on pourrait décider d'en
donner davantage, d'en investir davantage dans l'adaptation pour...
M. Drainville : ...aider nos
citoyens. Alors, ça ne veut pas dire qu'on diminue l'argent dédié à la
stratégie climatique, mais qu'il y a un déplacement pour aider nos citoyens qui
ont des difficultés avec des inondations, qui ont des difficultés avec des
berges qui sont frappées par la force des vagues, des gens qui sont affectés
par les feux de forêt, etc., etc. C'était ça le sens de ma question.
Mme Clermont (Patricia) : En
fait, il faut faire les deux. Oui, il faut mettre des sommes à l'adaptation
pour les aider à passer à travers les effets puis à s'adapter à ces effets-là.
Mais... aussi, par exemple, financer encore plus le transport en commun, un
aménagement des villes qui favorise, en fait, le fait que les gens parcourent
moins de kilomètres par automobile. Il faut aussi, justement, favoriser que,
par exemple, les contrats d'approvisionnement des médicaments dans les... dans
les hôpitaux soient les meilleurs possibles en termes d'émissions de gaz à
effet de serre. Puis vous savez, en ce moment, ce n'est vraiment pas facile,
là. Il y a des contrats dont il faut attendre le terme et le bon moment pour
les renouveler, pour aller vers des produits qui sont les meilleurs. On a du
mal à suivre même les recommandations de l'INESSS en ce moment, ce n'est pas
partout à travers le Québec, mais il y a des gaz par exemple, comme le
desflurane dont il faut sortir. L'INESSS l'a établi et ce n'est pas encore...
c'est... en fait, nous, on essaie de répertorier là où c'est fait, là où c'est
en voie de se faire, puis ce n'est pas clair du tout.
La Présidente (Mme Nichols) :
Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme McGraw : Merci, Mme la
Présidente. Et merci à vous pour votre présence. Et je tiens à souligner
l'importance, évidemment, vous représentez l'Association québécoise des
médecins pour l'environnement et le travail important des médecins en matière,
ici au Québec. Et je pense que vous êtes très bien placée pour parler de
l'impact. Le ministre parle beaucoup de l'impact humain puis on ne doute pas de
sa sincérité, mais il parle surtout de l'impact humain en poids, etc., puis on
regarde surtout côté coûts et moins gains. Mais je ne doute pas la sincérité au
niveau des impacts humains. Donc, j'aimerais vous entendre plus sur l'impact
humain. La santé mentale, entre autres. L'angoisse, l'apathie aussi, parce que
lorsqu'on... on se sent impuissant. Ça devient de l'apathie, surtout chez nos
jeunes. Est-ce que... Est-ce que l'antidote ce n'est pas l'action, ce n'est pas
passer à l'action? Dans votre mémoire, vous parlez de la majorité de la
population québécoise veulent plus d'actions climatiques, un 80 %. Est-ce
qu'il y a un risque de démobilisation si on recule? Le ministre se... beaucoup
d'une démobilisation, mais s'il y a un recul, est-ce qu'il y a ce risque-là, de
démobiliser, mais aussi sur la santé mentale des Québécois, notamment les
jeunes?
• (16 h 10) •
Mme Clermont (Patricia) : Vous
savez, on se fait parfois questionner sur l'écoanxiété, puis nous, en fait, ce
qu'on essaie de montrer par l'exemple, c'est l'écoémotion, en fait, d'être en
action, justement. Puis je pense que les jeunes nous regardent. En tout cas,
moi j'ai deux ados, puis c'est une de mes grandes... c'est un de mes grands moteurs,
c'est celui de beaucoup de gens aussi, puis je pense qu'en fait ils sont... ça
me surprend toujours de voir à quel point ils sont au fait de plein de choses,
en fait. Puis on parle de santé mentale, mais par exemple, trop souvent depuis
des décennies au Québec, la santé c'est... les problèmes de santé sont comme
des dommages collatéraux du développement économique. Alors, par exemple, des
situations comme ce qui se passe à Rouyn-Noranda par exemple, ou dans l'est de
Montréal, parce que les gens déplorent des conditions des effets sur leur
santé. Puis il n'y a comme pas de solution, il y a des normes qui sont
abaissées pour favoriser les industries. Les jeunes nous regardent et souvent
parce qu'ils se disent : C'est comment on va changer ça, nous autres?
C'est eux, ils n'allument pas. Puis, nous, à l'AQME, bien, c'est sur ça qu'on
allume en fait, c'est ce qui nous motive, c'est de pointer les secteurs où
est-ce qu'on pourrait faire quelque chose, et où est-ce qu'en fait il faut
faire quelque chose. Ça, pour nous, c'est une des manières concrètes d'agir
pour améliorer aussi la santé mentale, en mobilisant pour l'action climatique à
travers les secteurs. C'est pourquoi on fait partie de beaucoup de coalitions,
en plus de faire notre propre travail.
Puis, encore une fois, je déplore le fait
que les avantages de l'amélioration de la qualité de l'air n'a pas été évaluée
au niveau économique parce que nous, c'est quelque chose qui nous intéresse,
mais ce qu'on n'arrive pas à faire en fait, parce qu'en fait, les médecins sont
bénévoles, je suis la seule employée, ce n'est pas possible pour nous de
répertorier ça pour le moment. Mais on va trouver des moyens. Mais ça ne
devrait pas être à nous de faire ça. Je pense que ça serait le travail aussi du
gouvernement du Québec d'évaluer les impacts économiques de l'amélioration de
la qualité de l'air.
Mme McGraw : Merci pour ça.
Et en tant que mère de trois enfants, dont deux ados, c'est des «jocks», là,
c'est des athlètes, mais même eux autres, là, ils parlent des...
Mme McGraw :
...«doomsday» en anglophone, on est anglophone évidemment. Et c'est vraiment
triste. Ce n'est pas des gars qui sont... Ils sont... Ce n'est pas des... Ce
n'est pas des militants on va dire, c'est... Mais ils parlent vraiment des
scénarios de «doomsday», mes ados, c'est... mes garçons. C'est... C'est
vraiment triste.
M. Drainville : ...des
scénarios?
Mme McGraw : «Doomsday».
Je suis désolée, je n'ai pas le mot en français, mais là c'est...
M. Drainville : ...
Mme McGraw : Ouais. Et
puis là, et surtout avec Trump, disons, c'est vraiment décourageant pour les
ados. Ça fait que moi, moi, en tant que mère de famille, en tant que... Moi, je
suis rentrée en politique pour m'assurer vraiment le succès des futures
générations et un environnement sain, entre autres, une économie durable et une
société juste. Mais ce n'est pas de l'abstrait pour moi, c'est très concret. Et
quand j'ai mes ados, mes garçons ados qui sont des «jocks», je ne sais pas comment
dire ça en français, des «jocks», là. Ils sont vraiment très sportifs, puis ce
n'est pas des militants, mais ils se préoccupent. Puis lorsqu'ils voient le
président, le ministre parle beaucoup du président, mais on peut-tu se tenir
debout devant ça, comme la Californie, puis dire : On va redoubler nos
efforts? En tout cas, c'est un peu un témoignage personnel que je fais, mais
c'est vraiment très concret pour moi. Alors, j'apprécie beaucoup votre
expérience aussi en tant que mère de famille.
Juste pour revenir avec... avec les...
avec les coûts. Vous avez parlé... Et c'est dommage qu'on n'a pas fait... On
n'a pas regardé des coûts, mais au niveau des coûts, des gains, le ministre, je
sais que son intention c'est de présenter, d'avoir une approche qui est équilibrée,
environnement, économie. On parle beaucoup d'économie, puis on... ça nous
rejoint beaucoup, mais on regarde seulement un côté de l'économie. On regarde
seulement les coûts. D'ailleurs, on a appris dans LaPresse,
je ne sais pas si vous avez vu l'article par Philippe Mercure, qui parle de
justement le document, puis le 38 millions... milliards de dollars de
coûts, que c'est vraiment... c'est incomplet, on va être poli, c'est incomplet.
Et je cite... D'ailleurs, Alain Webster, qui est venu en commission nous parler
comme... c'est le président du Conseil consultatif sur les changements
climatiques, qui conseille le gouvernement du Québec, c'est un expert en
économie de l'environnement. Il dit que le chef à 38 milliards de dollars
est le résultat d'une modélisation. Ça provient d'un scénario qui est théorique
mais finalement qui n'est pas la réalité. L'institut d'énergie a dit la même
chose. C'est théorique et ce n'est pas fondé dans les faits. Ça fait que de
base, là, tout le scénario qu'on parle, puis je pense que c'est ce qui guide le
ministre malgré les bonnes intentions, c'est... c'est les... c'est des
informations qu'on va dire incomplètes, pour être poli. C'est très préoccupant.
Est-ce que ça vous préoccupe, le fait que, de base, on regarde des scénarios
qui ne sont pas bien fondés?
Mme Clermont (Patricia) :
Bien, moi aussi, ça me préoccupe et surtout c'est que ça ne permet pas de
montrer les cobénéfices qui seraient possibles. Il y a vraiment des cobénéfices
importants par rapport aux coûts de notre système de santé qui pèsent si lourd
dans le budget québécois. Puis dans le... Parce que, quand on ne fait pas, ça,
en fait, c'est qu'on laisse dans l'ombre tous les effets de nos politiques
d'aménagement et de mobilité durable, par exemple. Une des mesures qu'on
préconise, par exemple, à l'AQME, c'est que tous les établissements sensibles
comme les CHSLD, les garderies, les écoles, soient à au moins 300 mètres
des autoroutes parce que ça occasionne des augmentations de problématiques de
santé respiratoire, par exemple, tant chez les enfants qui sont des populations
vulnérables par définition, que par les adultes qui s'en occupent. Et pourtant,
trop souvent en fait, il y a des écoles qui sont encore construites à
100 mètres, des garderies aussi, qui ont failli être à 100 mètres des
autoroutes. Ça, ce sont tous des coûts pour notre système de santé dont on ne
vient pas à bout. Mais avec un meilleur environnement planifié par rapport au
territoire et à la mobilité, par rapport à la qualité de l'air, par rapport au
respect des normes par les industries puis par les transports, on pourrait
vraiment faire des gains qui pourraient être chiffrés, économiques, justement
pour montrer aux Québécois et aux Québécoises ce que ça donne que de faire une
action climatique ambitieuse, planifiée dans le temps et dans tous les
secteurs.
Mme McGraw : Merci de
parler des coûts au niveau de la santé. On a parlé de santé mentale, mais la
santé physique est qu'effectivement il y a des groupes qui sont plus
vulnérables, dont nos nos jeunes, nos enfants et nos aînés aussi. Peut-être une
dernière question parce qu'il me manque de... Mais écoutez, est-ce que... Je
vous laisse la parole pour compléter. Vous avez une minute, à peu près une
minute. Est ce qu'il y a des choses que vous voulez souligner en conclusion,
des points que vous voulez mettre en phase? Je vous laisse...
Mme McGraw : ...je vous cède
le reste de mon temps.
Mme Clermont (Patricia) : Bien,
en fait... ce que je soulignerais, en fait, c'est que, justement, juste au
niveau de la qualité de l'air, juste au niveau des effets de tous les efforts
dans les secteurs qui pourraient aussi procurer des diminutions pour les coûts
de la santé, je pense que c'est un exercice qui s'avère incontournable. Mais en
plus, nous, quand on dit que la politique climatique devrait être aussi une
politique de santé, je pense que ce serait un excellent argument aussi pour
mobiliser toutes les générations au Québec pour s'engager dans une politique
climatique ambitieuse qui serait décarbonée pour 2045. Voilà.
La Présidente (Mme Nichols) : Parfait,
merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Taschereau.
M. Grandmont : Oui. Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci, Mme Clermont, pour votre présence,
puis pour l'immense travail que l'AQME fait aussi, là, j'ai eu la chance de
travailler avec certaines de vos membres, notamment, là, sur différents
dossiers, souvent en transport et beaucoup de rigueur, beaucoup d'intelligence
dans votre propos. Dans le fond, ce que vous dites c'est que d'agir sur les
changements climatiques, d'être ambitieux sur les changements climatiques,
c'est agir en prévention en santé, grosso modo. Vous avez plusieurs exemples,
vous parlez évidemment, là, de chaleur extrême, on parle de coût 3,6
milliards de dollars, des coûts totaux qui pourraient tripler, voire
quintupler d'ici 2050. Évidemment, vous faites référence aussi à des coûts
là... du stress psychologique, vous avez parlé des garderies. Bon, il y a plein
de choses là-dedans qui sont très intéressantes, puis j'ai l'impression qu'au
Québec, puis vous me direz si vous êtes d'accord avec ça, c'est que la
prévention en santé, ça a souvent été le parent pauvre. Autant la santé est un
poste budgétaire important, autant la prévention n'est pas très financée,
est-ce que vous partagez ce constat-là?
Mme Clermont (Patricia) : En
fait, c'est... étant donné qu'on a été convoqué, tu sais, il n'y a vraiment pas
longtemps, on n'a pas eu le temps de regarder ça, mais, en fait, une des choses
qu'on est en train de regarder parce que ça a alerté, puis, en fait, ça a un
peu catastrophé certaines de nos membres, c'est que, par exemple, la stratégie
de prévention en santé qui a été présentée ne faisait que mentionner les
changements climatiques. En fait, on est en train de regarder ça, puis c'est
sûr qu'on pourrait regarder ça d'une manière positive en disant c'est bien
d'encourager ceci, cela, mais il n'y a pas cette dimension-là qui, en fait,
pourrait informer puis vraiment pousser davantage, par exemple, de financements
vers de la prévention en termes d'action climatique aussi. Ça c'est ça un
dossier, en fait, qui nous intéresse, mais qu'on n'a pas fini d'analyser. Mais,
déjà ça, déjà, ça, ça serait probablement une façon d'élaborer une stratégie
nationale de prévention santé qui tienne en compte vraiment la dimension de la
crise climatique, de mieux la financer, de mieux l'articuler aussi avec les
autres efforts qu'il est possible de faire dans le secteur de la santé et
services sociaux et avec les autres secteurs de la société.
M. Grandmont : Bon, on a
parlé... on parle souvent des coûts, il y a les coûts de l'action, puis il y a
les coûts de l'inaction, il y a les coûts en prévention, les coûts en santé que
ça peut occasionner, évidemment. Est-ce que, avant de décider de changer la
date d'échéance, de la faire passer de 2030 à 2035 par exemple, est-ce que vous
nous recommanderiez, à la commission, d'aller chercher davantage d'informations
pour mieux documenter? Et si oui, quelles informations on devrait aller
chercher?
• (16 h 20) •
Mme Clermont (Patricia) : Tous
ceux dont j'ai parlé juste précédemment. En fait, parce qu'on parle beaucoup
des coûts, des coûts, mais aussi les coûts évités, en fait, les coûts que l'on
pourrait s'éviter collectivement. Tu sais, quand on fait un bon aménagement,
par exemple, on a... puis on l'a mentionné dans le mémoire, on invite les gens
aussi à être plus actifs physiquement, au-delà des injonctions culpabilisantes
individuelles. Puis quand les gens commencent à marcher dans un quartier qui
est mieux aménagé, plus sécuritaire, plus verdit, d'habitude leur préoccupation
envers leur environnement, ça devient de plus en plus point important ils en
prennent de mieux en mieux soin et dès lors, par exemple, les politiques de
propreté même occasionnent des améliorations parce que tout le monde voit qu'il
y a un effort coordonné, donc l'effort individuel, les gens se sentent plus
atomisés. Quand on parlait de découragement tout à l'heure, c'est ça qui fait
que ça rend les gens.
La Présidente (Mme Nichols) : Merci.
Merci, Mme Clermont. La parole est aux députés des Îles-de-la-Madeleine pour
3 minutes, 10 secondes.
M. Arseneau : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mme Clermont de votre présence et de votre mémoire. Vous
saluerez en même temps vos collaboratrices, Drs Pétrin des Rosiers, Riopelle et
Elseneur. Excellent travail et, moi, je voulais revenir sur la question des
efforts qu'il faut consentir maintenant d'ici 2030, le prochain objectif, mais
se donner des objectifs intermédiaires. Je pense que vous vous en êtes partie
prenante aussi, avec l'impression parfois...
M. Arseneau : ...que les gains
ou les bénéfices sont à venir dans très longtemps pour soigner la planète.
L'intérêt de votre mémoire, aujourd'hui, c'est qu'il démontre que les gains
sont immédiats ou presque. Est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus, sur la
santé? Comme quoi, essentiellement, tous les efforts que l'on pourrait
consentir pour la réduction de notre dépendance aux énergies fossiles,
l'amélioration de la qualité de l'air, mais on a des gains, parce qu'on a
souvent parlé d'emplois et tout ça, mais sur la santé des gens, et donc, sur
les coûts de la santé au... pour le Québec.
Mme Clermont (Patricia) : Bien,
d'une part, en fait, on le dit souvent... L'air, c'est transparent, tu sais,
puis souvent, en fait, on s'en préoccupe quand, par exemple, l'air était orange
pendant l'été 2023. Mais il est tout le temps problématique. Alors, tous les
chiffres que j'ai mis dans le mémoire... qu'on a mis dans le mémoire, même dans
mon allocution, aussi, c'était pour mettre en évidence des choses qu'on paie,
en ce moment, puis qu'on pourrait s'éviter de payer. Puis surtout, c'est qu'à
chaque bouchée qu'on ne prend pas avec ambition, ça fait en sorte que la
prochaine bouchée va être encore plus grosse à prendre et plus décourageante.
Donc c'est pour ça que nous, ce qu'on dit, c'est que non, il faut prendre la
bouchée, il faut articuler comment on la prend et on sera capable de faire les
pas conséquents pour parvenir à... non seulement à se décarboner, mais à avoir
une meilleure santé pour tout le monde, globalement.
M. Arseneau : Donc reporter,
je comprends de votre discours, de votre propos, que reporter les objectifs,
c'est rendre l'atteinte de l'objectif encore plus difficile, plus contraignant,
plus coûteux, y compris sur le plan de la santé.
Mme Clermont (Patricia) : Oui,
et si on suivait la logique de se dire : est-ce que ça va décourager les
gens? Ça voudrait dire qu'on deviendrait de moins en moins ambitieux. C'est le
contraire, moi en tout cas, encore une fois, puis là, je ne parle pas de mes
enfants, là, je parle juste de si, par exemple, j'étais plus jeune, si j'ai,
je... je me demanderais comment va le faire si les gens qui sont là, en ce
moment, ne sont pas prêts, ne sont jamais prêts à prendre la bouchée qu'il faut
prendre. C'est de ça dont il est question.
M. Arseneau : Deux mots pour
la décarbonation du système de santé et services sociaux. Comment on aborde
cette question-là pour que les exemples que vous mentionniez, ce ne sont pas...
ce ne soient pas des anecdotes? Comment faire?
Mme Clermont (Patricia) : Je
ne suis pas certaine de comprendre, mais je... je vais, je vais juste dire, par
exemple, que par rapport à notre position dans le gaz, une de nos positions à
la Coalition Sortons le gaz, c'est-à-dire il faut réserver l'usage du gaz là où
ce n'est pas possible de décarboner autrement, parce qu'à chaque fois, que ce
soit le gaz ou les énergies, il y a toujours des... il y a toujours des
risques. Il faut les considérer et considérer comment une sobriété énergétique
pourrait améliorer, aussi, la santé. Ça, ça vaut aussi pour nos bâtiments
institutionnels.
La Présidente (Mme Nichols) : Merci
beaucoup. Merci, Mme Clermont, de votre présence, merci de votre contribution à
nos travaux. Chers collègues, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses
travaux au mardi 2 décembre à 10 h 25, où elle poursuivra son mandat. Merci.
(Fin de la séance à 16 h 25)