Journal des débats (Hansard) of the Committee on Transportation and the Environment
Version préliminaire
43rd Legislature, 2nd Session
(début : September 30, 2025)
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Wednesday, December 3, 2025
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Vol. 48 N° 5
Consultations particulières et auditions publiques sur le document intitulé : Consultation sur la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec
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15 h (version non révisée)
(Quinze heures une minute)
Le Président (M. St-Louis) : Alors,
bonjour à toutes et à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la commission des transports et de l'environnement ouverte. La Commission est
réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions
publiques sur le document intitulé Consultation sur la cible de réduction des
émissions de gaz à effet de serre du Québec. Mme la secrétaire, il y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
:
Oui,
M. le Président, M. Derraji (Nelligan) est remplacé par Mme McGraw
(Notre-Dame-de-Grâce), M. St-Pierre Plamondon (Camille-Laurin) est
remplacé par M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine).
Le Président (M. St-Louis) : Merci.
Alors, nous entendrons cet après-midi les organismes suivants : Réseau de
recherche en économie circulaire du Québec, conjointement avec le Centre d'études
et de recherche intersectorielle en économie circulaire. Ce sera suivi du
Réseau Action Climat Canada et Coalition zéro émission Québec. Donc, nous
allons débuter, Messieurs Normandin et... je cherche votre nom, désolé.
M. Laplatte (Benjamin) : Laplatte.
Le Président (M. St-Louis) : Laplatte,
merci. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation. Ce sera suivi
d'un premier bloc d'échange avec la banquette gouvernementale. La parole est à
vous.
M. Normandin (Daniel) : Merci,
M. le Président, M. le ministre Drainville, mesdames, messieurs membres de la commission.
Mon nom est Daniel Normandin, je suis le directeur du Centre d'études et de
recherches intersectorielles en économie circulaire de l'École de technologie
supérieure et je suis également directeur exécutif du Réseau de recherche en
économie circulaire du Québec. Je suis accompagné, donc, de mon collègue, le directeur
adjoint M. Benjamin Laplatte. Notre intervention va se dérouler en deux parties,
la première va être présentée par mon collègue M. Laplatte et la seconde, par
moi même. Donc, je vais céder tout de suite la parole à mon collègue.
M. Laplatte (Benjamin) : Merci,
Daniel. Au nom du CERIEC et du réseau de recherche en économie circulaire du
Québec, merci de nous accueillir. En fait, nous venons ici vous parler de la
contribution de l'économie circulaire à la décarbonation, avec trois
responsabilités qui nous animent, aujourd'hui. Premièrement, une responsabilité
scientifique en vue d'éclairer objectivement les membres de la Commission à
partir de ce que nous disent les données et nos observations à l'international.
Une responsabilité sociale et territoriale qui nous anime, également, de par le
nombre de partenaires avec lesquels nous collaborons régulièrement, on pense
aux municipalités, aux entreprises et aux citoyens qui vivent déjà durement les
impacts climatiques dans leur quotidien, et souvent, ce sont les personnes les
moins nanties qui en souffrent le plus, d'ailleurs. Évidemment, une
responsabilité intergénérationnelle que nous partageons avec vous, les membres
de la commission, par rapport aux décisions que nous prendrons aujourd'hui et
qui vont façonner le Québec de demain. Le message essentiel de notre
intervention, c'est que le débat sur la cible 2030 auquel nous sommes conviés
aujourd'hui n'est pas que technique par rapport à des pronostics de résultats...
de scientifiques, même s'ils sont importants. C'est d'abord un choix de société
pour les citoyennes et les citoyens du Québec d'aujourd'hui et de demain.
Cela dit, ce n'est pas parce qu'un choix
de société fait consensus qu'il s'agit nécessairement d'un choix facile. Et
vous avez raison, M. le ministre, quand vous dites qu'il faut dire la vérité
aux gens, même si on veut être du bon côté de l'histoire. Le Québec, dans son
histoire, a fait plusieurs choix difficiles dans le passé et relevé des défis
dont on peut être fiers aujourd'hui. Le défi climatique n'est pas différent. Il
est aussi complexe qu'incontournable. Mais nous avons les moyens de le relever,
particulièrement parce que nous n'avons pas encore tout essayé et c'est ce que
nous allons tenter d'aborder avec vous aujourd'hui. Un mot rapide sur l'enjeu
du signal envoyé par la cible, cependant, pour nous, l'idée de l'abaisser parce
qu'elle semble difficile à atteindre revient un peu à abaisser la note de passage
en plein milieu d'un examen, parce qu'on pense que la classe aura de la
difficulté. Nous estimons que personne ne persévère ni ne progresse en nivelant
par le bas. J'ajouterai même que les contraintes sont un moteur d'innovation.
Il faut le rappeler, la cible de 2030 n'est qu'un jalon vers 2025 et idéalement,
vers 2045 pour la neutralité. Pour nous, l'enjeu réel n'est pas tant la cible,
mais les moyens que nous déployons, et là dessus, le Québec est certainement
perfectible. Trois éléments : le FECC, premièrement, est un levier d'investissement
qui manque autant de planification que d'agilité. La transition vers l'économie
circulaire est sous-exploitée et sous financée et nous y reviendrons largement.
Plusieurs de nos politiques publiques ne sont pas coordonnées comme elles le
devraient. Alors, pourquoi ne pas abaisser la cible malgré tout? Quelques
raisons pour la population : cela enverrait pour nous un message
impopulaire que la lutte climatique n'est plus prioritaire, voire accessoire,
en regard des réalités vécues, particulièrement dans les...
M. Laplatte (Benjamin) : ...pour
les acteurs économiques et les investisseurs... cela créerait encore plus
d'incertitude et de... d'imprévisibilité, selon nous, dans un contexte où il y
en a déjà assez. Pour les territoires, cela contredirait ce que vivent déjà
plusieurs municipalités, dont plusieurs vous ont fait part de leurs
difficultés. À l'international et pour les générations futures, enfin, ça
reviendrait à une question de crédibilité par rapport à la parole donnée et aux
engagements.
Nous n'opposons pas du tout économie et
lutte aux changements climatiques, bien au contraire, on avance les deux
ensemble. Même si on peut ignorer le bruyant voisin américain, le risque serait
de devenir myopes à son égard, tandis que plusieurs de nos partenaires ou de
nos concurrents, le... le choix des mots est vraiment subjectif, se sont
engagés dans cette transition à l'international. Et on peut parier que ceux qui
s'en tireront le mieux ne seront certainement pas ceux qui en auront fait le
moins.
Ah oui, pardon. Le Québec doit composer
avec des défis structurels, en fait. Le taux de circularité de l'économie
québécoise est médiocre et plafonne à 3.5 %, 2.5 %. C'est dire que 90..
plus de 95 % de nos... de nos ressources ne contribuent pas pleinement à
ce qu'elles pourraient en termes de création de valeur et de richesse
collective. Notre productivité matérielle, enfin, énergétique décline. Nous
créons de moins en moins de richesse par matière première consommée, et il y a
là pour nous un gisement de réduction des GES important.
Ces faits montrent qu'on ne pourra pas
décarboner sérieusement sans transformer notre façon d'extraire, de transformer
et de... et de consommer. Et c'est ce que nous allons vous démontrer à
l'instant.
M. Normandin (Daniel) : Merci,
Benjamin. J'aimerais tout d'abord mentionner que le Québec, et ça, ce n'est
peut-être pas assez connu, est... est à la fois un pionnier et un leader en
matière d'économie circulaire sur le plan nord-américain. Mentionnons que le
Québec est le seul État, voire la seule province, en fait, nord-américaine à
avoir, donc, une feuille de route en économie circulaire depuis l'an dernier.
Nous avons aussi évidemment des unités de recherche, que ce soit évidemment le CERIEC,
le Réseau de recherche en économie circulaire, le CTTTEI, le CIREC, pour ne
nommer que ceux-là, mais également aussi la société... de Québec, là, qui
s'implique pleinement dans la transition vers une économie plus circulaire.
Les efforts qu'on déploie, en matière
d'économie circulaire, datent maintenant de plus de 10 ans, ce qui fait de
nous, en fait, encore une fois, un pionnier en la matière. Malgré tout, comme
l'a expliqué mon collègue Benjamin, il y a un recul, donc, dans le taux de
circularité de l'économie québécoise, et ceci, je dirais, par un manque de
moyens pour des projets qui sont systémiques et aussi un manque d'écofiscalité
pour appuyer la transition. C'est pourquoi il faut engager le Québec dans une
économie beaucoup plus... plus circulaire, pardon. Il s'agit d'un levier
d'action important et indispensable sur... dans notre lutte aux émissions de
gaz à effet de serre, et il est également sous-estimé malgré le fait que nous
sommes évidemment des leaders nord-américains en économie circulaire.
Les solutions liées à l'énergie sont
essentielles, mais ne couvrent qu'environ la moitié du problème. L'autre moitié
provient de la manière dont on produit et qu'on consomme nos produits, nos
matières premières avant, pendant et après leur durée de vie utile. Je vous
donne quelques ordres de grandeur, selon, en fait, des publications
internationales, 70 % des émissions mondiales de GES proviendraient de
l'extraction de la première transformation des matériaux. Si on met en œuvre
des scénarios circulaires crédibles, ça nous permettrait de pouvoir réduire de
près de 50 % l'empreinte matérielle du Québec. Le secteur de la
construction pourrait réduire de 40 % ses émissions grâce au réemploi des
matériaux et à la prolongation de la durée de vie des bâtiments et des
infrastructures. Le gaspillage alimentaire, et il y en a beaucoup, en fait,
près de 40 % de ce qui est produit, donc, du champ à l'assiette, 40 %
et gaspillé. Donc, le gaspillage alimentaire, ce serait... c'est près de
8 millions de tonnes de GES par année, donc, environ 10 % des
émissions québécoises.
• (15 h 10) •
Donc, ce sont là des gisements, je dirais,
majeurs, tangibles, accessibles, qu'on pourrait réexploiter. La Suède, par
exemple, estime qu'un modèle trop linéaire lui fait perdre l'équivalent de
19 % de sa valeur économique année après année. L'économie circulaire est
surtout... et aussi une vision politique et économique. L'économie circulaire
augmente l'autonomie du Québec, donc on devient moins dépendants des
importations à risque qui nous appauvrissent, moins exposés aux chocs
géopolitiques. On crée plus de valeur ici par la réparation, le remanufacturer,
ou le recyclage avancé, l'efficacité accrue des matériaux, et, évidemment, on
génère moins de guerres, parce qu'une fois que les produits sont vendus sur
notre territoire, l'idée, c'est de les faire évidemment circuler le plus
longtemps possible dans l'économie, donc...
M. Normandin (Daniel) : ...boucle
plus locale, donc on émet moins de gaz à effet de serre. Pour le Québec, tout
comme le reste du monde, donc, rester linéaire n'est pas seulement un risque
environnemental, c'est également un risque économique, car les ressources ne
sont pas illimitées, elles sont fixes, à part l'énergie solaire, et leur
exploitation amenuise peu à peu leur disponibilité et en augmente forcément le
coût.
Donc, ce qu'il faut faire maintenant...
j'ai des moyens très clairs, donc trois priorités. La première : muscler
de façon importante les moyens pour... plutôt que de réduire nos ambitions,
financer, donc, adéquatement la feuille de route en économie circulaire,
soutenir les secteurs prioritaires clés, envoyer un signal clair aux marchés et
déployer des incitatifs pour nos entreprises, intégrer des critères de
circularité dans les achats publics, donc en termes de durabilité, de
réparabilité, le contenu recyclé, favoriser l'économie de fonctionnalité plutôt
que... plutôt que l'achat, accroître la portée du FECC et soutenir la recherche
scientifique davantage, donc c'est-à-dire élargir l'admissibilité à des projets
circulaires de petite, moyenne et surtout de grande portée, accepter des...
peut-être le fait qu'on ne puisse pas encore, de façon très précise, mesurer
les réductions directes ou indifférées... ou différées, pardon, des GES suite à
la mise en œuvre de ces projets de circularité et rendre les moyens prévisibles
et transparents. Aussi, il faut non seulement poursuivre, mais accroître nos
activités d'innovation et notre capacité de développer des outils de mesure des
progrès accomplis...
Le Président (M. St-Louis) : En
conclusion, M. Normandin, s'il vous plaît.
M. Normandin (Daniel) : Oui.
En conclusion, la cible en tant que telle n'est pas un vrai enjeu. Ce sont les
moyens dont nous disposons pour les atteindre. Le Québec a tout pour
réussir : énergies propres, territoires et acteurs mobilisés, expertise
industrielle, réseaux de recherche et d'innovation, maturité du dialogue
social, notoriété internationale. Ce qu'il faut, ce n'est pas moins d'ambition,
c'est plus de cohérence, de prévisibilité et de moyens. Merci pour votre
attention. Et nous sommes évidemment disponibles pour vos questions.
Le Président (M. St-Louis) : Merci,
M. Laplatte. Merci, M. Normandin. Nous allons donc débuter la période d'échange
avec un premier bloc. M. le ministre, la parole est à vous. Vous disposez de 16
minutes 30 secondes.
M. Drainville : Merci pour
votre présentation. Je ne sais pas, je crois que c'est M. Normandin, puis, si
ce n'est pas M. Normandin, bien, c'est M. Laplatte, qui nous a dit que... qui a
fait référence aux municipalités puis au fait qu'elles vivaient déjà avec les
conséquences du réchauffement. J'imagine que vous faisiez référence aux...
notamment aux phénomènes météorologiques extrêmes, exact?
M. Laplatte (Benjamin) :
Absolument, entre autres choses...
M. Drainville : Oui,
d'accord. D'accord. Je l'ai dit déjà à quelques reprises dans le cadre de ces
travaux. Lorsque je note ce que je m'apprête à vous transmettre comme... comme
question, ce n'est pas pour laisser entendre que le Québec ne doit pas
continuer à faire sa part pour lutter contre les GES, ne doit pas continuer à
être un leader nord-américain en matière de réduction aux GES. Je dis, je
redis, je maintiens, je réitère qu'on va continuer à être des leaders en la
matière. Maintenant, il faut trouver le bon chemin pour ce faire.
Alors, ce que je... la partie un peu plus
controversée de mon propos, c'est de dire : Même si on fermait l'économie
québécoise et qu'il n'y avait plus aucune émission de GES en provenance du
Québec, on vivrait quand même avec le même... les mêmes phénomènes
météorologiques extrêmes pour de nombreuses années. Parce que, rappelons-le, on
représente 0,16 % des GES sur la planète. Donc, de faire un lien entre la
cible que nous allons nous donner et notre exposition aux phénomènes
météorologiques extrêmes, c'est une équation que je trouve discutable, parce
que, peu importe la cible que nous allons nous fixer, on va vivre avec ce
réchauffement, malheureusement, on va vivre avec ce réchauffement.
Alors, je redis, pour être sûr, cela ne
veut pas dire, quand je mets de l'avant ce... cette donnée très factuelle...
cela ne veut évidemment pas dire que je propose que l'on renonce, que l'on
abandonne ou quoi que ce soit. Je réitère que nous allons continuer à mener une
action très vigoureuse sur la question des GES. Maintenant, il faudra voir
comment... par quelles cibles elle va s'exprimer.
Maintenant, qu'est-ce que vous me...
qu'est-ce que vous répondez à cette inquiétude, que j'ai exprimée déjà à
maintes reprises, sur le fait que nous avons accompli la moitié du chemin en
l'espace d'une trentaine d'années, entre 1990 et 2022, dernières données que
nous avons, et d'atteindre l'autre moitié de la cible en l'espace de cinq ans?
Ça, pour moi, cette marche très rapide...
M. Drainville : ...pour la
deuxième moitié, elle me semble porteuse de risques, de risques économiques qui
m'apparaissent évidents mais qui visiblement ne le sont pas pour maintes
personnes qui sont... qui ont participé à nos travaux.
M. Laplatte (Benjamin) : Oui,
je vais... la sonnerie, c'était la vôtre? Oui, je pense que oui, pardon.
M. Drainville : Je la... je
la mets en mode silencieux, je m'en excuse.
M. Laplatte (Benjamin) : Non,
aucun problème, je pensais que le problème était de mon bord, désolé. Oui,
effectivement, c'est tout un défi, on en convient. Vous en avez abondamment
parlé avec d'autres personnes, d'autres groupes avant nous.
Nous... ce dont on aimerait vous parler
aujourd'hui, c'est de la contribution de l'économie circulaire à la
décarbonation de l'économie québécoise parce qu'on estime qu'il y a un effet
multiplicateur que l'économie circulaire pourrait aborder qu'on n'a pas
nécessairement actionné dans les dernières années autant qu'on aurait pu,
contrairement, par exemple, à d'autres juridictions à l'international, comme
particulièrement certaines... certaines juridictions en Europe. On en convient,
c'est tout un défi, il y a une conjoncture économique.
Sans la minimiser, on conviendra quand même
que dans les 10 dernières années, on a eu une première élection avec M.
Trump qui a renégocié assez durement l'accord de libre-échange, c'était
l'ALENA. Ensuite on a eu la pandémie, là on a une version Trump 2.0, vous
avez raison... il y a un cumul de... il y a un cumul de défis. Malgré tout, ça
n'a pas empêché l'économie... l'économie québécoise de quand même tirer son
épingle du jeu et on pense qu'on a les atouts pour relever ce défi.
M. Normandin (Daniel) : Oui,
en fait, l'économie circulaire, comme je l'ai mentionné dans mon propos, on...
en fait, le Québec, malgré le fait que nous sommes des leaders sur les
initiatives qu'on peut voir se dérouler sur le territoire, on a énormément
d'initiatives qui sont déployées actuellement sur le territoire, mais ce sont
des petites initiatives qui ne sont pas nécessairement en cohérence les unes
avec les autres et qui ne sont pas systémiques, c'est-à-dire qui ne permettent
pas à des secteurs prioritaires de pouvoir se séculariser davantage.
Si on le faisait, ça permettrait
effectivement de réduire de façon substantielle les gaz à effet de serre, puis,
comme on disait dans... comme je le disais dans mon propos plus tôt, à peu près
la moitié des émissions sont dues, non pas à... évidemment, à l'énergie en tant
que telle, mais à la façon dont on produit et on consomme nos... nos produits
et services. Au Québec, malgré les actions qu'on a posées en économie
circulaire, notre économie est très peu circulaire. On parle entre, Benjamin
l'a mentionné, là, 2,5, en fait, selon les derniers chiffres de RECYC-QUÉBEC,
là, avec les nouvelles méthodologies, on parle de 1,9. Ça, ça veut dire que
sur, bon, grosso modo, d'après les cinq milliards... 5 millions de tonnes,
pardon, de ressources qui rentrent par année dans l'économie québécoise, il y
en aurait environ 1,9 qui... qui rentrerait de nouveau dans l'économie pour
satisfaire nos besoins en matière de produits et services. C'est très peu. La
moyenne mondiale est à environ à 7,9, c'est déjà très peu, et cette... cette
moyenne mondiale là ne nous permet pas de nous... de continuer à nous
développer à l'intérieur des limites planétaires.
Et encore une fois, comme les ressources
de la planète sont fixes, on peut s'attendre, éventuellement, dans un horizon
assez prévisible, à ce que les ressources dont on a besoin pour satisfaire nos
besoins sur le... en fait, il y a un chiffre, là, qui est absolument
extraordinaire, mais année après année, sur le plan international, on parle de
100 milliards de tonnes qui rentre dans l'économie pour répondre aux
besoins de l'humanité, 100 milliards de tonnes. C'est un chiffre
astronomique et ce chiffre-là va augmenter de 60 % si on ne fait rien à
l'horizon de 2100.
M. Drainville : 100 milliards
de tonnes de quoi, là? De biens et services? De quoi?
M. Normandin (Daniel) : De
matières premières. De matières premières qui rentrent pour fabriquer nos
produits et services dont on a besoin. 100 milliards de tonnes qui sont
extraites, ce sont des ressources qui proviennent de la biomasse, mais des
ressources aussi qu'on appelle abiotique, donc des ressources minérales, des
métaux, des minéraux, qui rentrent dans la composition de ce qu'on consomme.
Donc, au Québec, évidemment, ce n'est pas
100 milliards de tonnes, on parle plutôt de 500 millions de tonnes,
c'est déjà beaucoup. Si on regarde l'empreinte matière, l'empreinte matérielle,
si vous voulez, des Québécois par rapport au reste du monde, on parle d'environ
45 tonnes de matière par habitant. Alors qu'en Europe, on parle de 14 tonnes,
la moyenne mondiale, c'est 12, les Africains, c'est deux, alors... Et ce que
des experts disent, c'est que si on veut rester à l'intérieur des limites
planétaires, il faudrait consommer huit tonnes, environ, de matière par
habitant, par année. Alors, on est loin du compte.
• (15 h 20) •
Et comme je vous le disais tantôt,
l'économie circulaire du Québec est largement linéaire, très peu circulaire
parce que... bon, il y a plusieurs raisons qui expliquent ça. On n'est pas
différent du reste de l'Amérique du Nord, c'est-à-dire qu'on a des grandes
maisons, on a des...
M. Normandin (Daniel) : ...qui
sont très consommatrices d'énergie. On a... on est très peu densément peuplés
sur un grand territoire, donc beaucoup de déplacements. Tout ça contribue
évidemment à accroître notre empreinte matérielle au Québec. Alors, est-ce que
ça va, M. le ministre?
M. Drainville : Oui, je vous
écoute. Je suis en train de regarder l'espèce de tableau que vous avez... que
vous avez partagé, là, sur l'économie circulaire, Une transition bien
amorcée au Québec. Peut-être pour les gens qui nous écoutent, ça
pourrait... ça pourrait être une bonne idée de prendre une ou deux minutes
juste pour expliquer une économie circulaire par rapport à une économie
linéaire. Quelle est la différence? Comment ça fonctionne? Puis en
sous-question, est-ce qu'il y a un pays dans le monde ou une nation qui a
particulièrement bien réussi son économie circulaire ou qui est en voie de
réussir? Pour pour... peut-être nous faire la démonstration que ce n'est pas
une utopie, que c'est possible.
M. Normandin (Daniel) : Très
bonne question. Alors l'économie linéaire, en fait, c'est celle dans laquelle
on se trouve depuis grosso modo l'ère, industrielle, dont depuis environ 150,
200 ans, si vous voulez. Et l'économie linéaire en fait c'est... ça veut
dire essentiellement extraire les ressources et les transformer en produits
qu'on... les consommer et les utiliser, et évidemment les jeter en bout de
cycle. C'est ça, l'économie linéaire, et c'est ce que... ce en quoi... c'est ce
à quoi est engagée en fait, je dirais, l'économie mondiale depuis les débuts de
l'ère industrielle.
L'économie circulaire, c'est de maintenir,
le plus longtemps possible dans l'économie, les produits et les matières qui
composent ces produits-là, donc les maintenir dans l'économie, de conserver
leur valeur le plus longtemps possible dans l'économie par une douzaine de
stratégies, qui vont de l'écoconception des produits et de la production
circulaire, donc, qui utilisent moins d'énergie, moins de matière pour être
capable de produire les produits dont... dont on a besoin. Ça veut dire aussi
mutualiser les produits qui sont déjà sur le marché plutôt que d'acheter des
nouveaux produits pour satisfaire la demande.
Par exemple, bon, si on regarde... on
donne souvent l'exemple de la perceuse, là, qui est utilisée en général par un
individu 30 minutes dans sa vie utile et si votre voisin a besoin d'une
perceuse, souvent, plutôt que de vous l'emprunter... emprunter la vôtre, il va
acheter la sienne. Donc, ça fait un paquet de perceuses qui sont
sous-utilisées. Ça, c'est une analogie, mais on pourrait la multiplier à toute
sorte de produits d'usage courant qui nous entourent. Donc, on produit...
M. Drainville : Gros
changement de culture, là, de commencer à partager la perceuse, partager la
tondeuse, partager la souffleuse, partager éventuellement la voiture. C'est un
gros changement de culture.
M. Normandin (Daniel) : Bien,
pas tant que ça, parce qu'il y a déjà beaucoup d'applications qui permettent de
le faire, ici, au Québec, qui ont été développées, entre autres au Québec. On
le voit à la fois d'un point de vue domestique, mais aussi d'un point de vue
industriel, c'est-à-dire qu'il y a des sites qui permettent à des entreprises
de pouvoir partager, mutualiser des équipements et...
M. Drainville : Oui, oui,
oui. On a vu ça dans le milieu agricole, notamment, là. Ça fait quelques années
qu'on voit ça dans le milieu agricole, là où il y a des... Ils achètent
ensemble une... par exemple une moissonneuse-batteuse qui sert seulement
quelques jours, semaines, maximum. Et puis ils se la partagent dans le rang,
par exemple, où ils forment des coopératives pour partager la machinerie. Oui,
OK.
M. Normandin (Daniel) : Oui,
bien, on est là-dedans. Alors, donc, l'intensification de l'usage des produits
est essentielle pour éviter le gaspillage. Et la sous utilisation des produits,
parce que tous les produits qu'on consomme ont nécessité l'extraction de
matériaux à coût d'impact sur l'environnement et à coût d'émission de gaz à
effet de serre. Donc si on est capable déjà de mutualiser ce qu'on a... ce
qu'on a besoin, c'est déjà... on va éviter de produire des unités
supplémentaires inutiles.
L'autre chose, c'est d'allonger la durée
d'usage. Donc, réparer des produits, permettre, donc, de prolonger leur durée
de vie par le «remanifacturing» entre autres, par le don entre autres, par la
vente. Donc, permettre aux produits que l'on consomme d'avoir une deuxième, troisième,
quatrième vie, donc de maintenir ces produits-là le plus longtemps possible
dans l'économie. Et, lorsqu'on a épuisé toutes ces stratégies-là, bien il reste
ce que tout le monde connaît, c'est-à-dire le recyclage ou la valorisation
énergétique.
Donc, quand on parle d'économie
circulaire, M. le ministre, c'est la mise en œuvre d'une douzaine de
stratégies, là, que j'ai résumées rapidement. Er qui font en sorte qu'on a une
utilisation beaucoup plus efficace ou plus responsables des ressources qui sont
extraites pour...
M. Drainville : Et beacoup
moins individualistes, beaucoup moins individualistes, là.
M. Normandin (Daniel) :
Absolument.
M. Drainville : Parce que
vous... ce que j'entends, en tout cas, c'est un changement majeur au niveau de
la, je dirais, la culture de consommation, là.
M. Normandin (Daniel) : Oui,
tout à fait. Mais je pense que...
M. Drainville : Bon, puis
est-ce qu'il y a des... là, dans ce que vous... dans ce que vous avez publié,
transmis, je vois que les Pays-Bas auraient un taux de circularité de
24 %, ce qui est de beaucoup supérieur à la deuxième place qui
appartiendrait à l'Autriche à près de 10 %. Le Québec 3,5 quand même
le Québec devant la Suède qui est à 3,4 et qui est devant la Norvège, qui est
à... qui est à deux... 2 %.
M. Normandin (Daniel) : Oui.
On vient de recalculer, comme je vous disais, le taux de circularité. En fait,
c'est RECYC-QUÉBEC qui l'a fait avec un de ses partenaires...
M. Normandin (Daniel) : ...en
fait, il y a une méthodologique qui a été développée qui permet justement la
comparaison des taux de circularité à l'échelle internationale. Et le Québec,
la nouvelle donne, ce n'est pas 3,5, c'est 1,9.
M. Laplatte (Benjamin) : Malheureusement,
ça a baissé.
M. Drainville : Pardon?
M. Normandin (Daniel) : Alors,
donc, dans le dernier rapport qui vient de sortir en 2025, le taux de
circularité a chuté de 3,5 à 1,9.
M. Drainville : OK, donc le
3.5, c'était l'année passée, ça, c'est ça?
M. Normandin (Daniel) : Non,
2021.
M. Drainville : Ah, c'est
2021, pardonnez-moi. Très bien.
M. Normandin (Daniel) : Oui.
M. Drainville : Mais...
M. Normandin (Daniel) : Donc,
le... pour répondre à votre question tout à l'heure, M. le ministre, la...
effectivement, les Pays-Bas seraient le pays le plus circulaire. Il n'y a pas
encore de pays circulaire... évidemment, à 100 %, à 100 %, ça serait,
évidemment, impossible à atteindre parce que, à cause des lois de la
thermodynamique, là, puis je ne rentrerai pas dans un cours de physique,
mais... disons que 90 %, ça ferait déjà, évidemment, une cible incroyable,
éventuellement, à atteindre. Sauf qu'en ce moment, à 1,9, on fait partie un peu
des cancres internationaux en matière de circularité, alors qu'on a tout ce
qu'il faut pour être capable de redresser la barre. On a accès à des gisements
de matière qui sont sous-utilisés énormes, qui nous permettraient à la fois de
créer des économies, des emplois locaux, de booster notre économie, notre
P.I.B., tout en réduisant, de façon substantielle, la production.
M. Drainville : J'ai ma
collègue de Saint-Maurice-Laviolette... Laviolette-Saint-Maurice qui souhaite
vous poser une question. Je... Quand vous parlez des gisements de matière,
j'aurais été curieux de savoir, mais je veux vraiment laisser à ma collègue la
chance de poser sa question.
M. Normandin (Daniel) : Oui.
Le Président (M. St-Louis) : Mme
la députée.
Mme Tardif : Bonjour et
merci. Vous en avez brièvement parlé, là, mais j'aimerais que vous abordiez
davantage, un peu plus en profondeur, parce que vous parlez de... que de
nombreux projets d'économie circulaire qui demeurent non admissibles au FECC,
puis qui... non seulement ils ne sont pas admissibles, mais ils contribuent et
contribueraient à diminuer l'émission des GES?
M. Laplatte (Benjamin) : ...
vous avez fini? C'est votre question? Oui? Bien, effectivement, c'est le cas,
puis c'est... dans une certaine mesure, c'est assez logique parce que bon, à sa
création, le fait qu'évidemment son indice de... son indice de référence, c'est
la... c'est la réduction de GES. Or, comme ça a été dit dans le préambule de
mon... de mon collègue, dans son... dans son intervention, on n'a pas
nécessairement, aujourd'hui, toute la donnée... toute la donnée ou les méthodes
possibles pour démontrer hors de tout doute une réduction nette de GMS quand on
met en place des stratégies d'économie circulaire. Par contre, on comprendra,
avec l'explication qu'a faite mon collègue, qu'en mettant en place certaines...
certaines stratégies, particulièrement de réduction à la source ou qui nous
amènent à augmenter notre productivité énergétique ou notre productivité
matière, c'est-à-dire augmenter la quantité de richesse produite par tonne de
matière, intrinsèquement, on va réduire nos GES. Donc, en l'état actuel des
choses, nous ce qu'on estime, puis surtout, considérant que le FECC a...
capitalisé à 1.7 milliard de... de surplus, c'est qu'il y a une réserve
d'investissement qui serait disponible pour appuyer des projets d'économie
circulaire dans les prochaines années. Donner sa chance à ce modèle-là en
investissant dans ce type d'innovation de façon plus substantielle pour nous
démarquer à l'international puis contribuer à épauler le leadership québécois et
qui nous permette, du côté de la recherche et de l'innovation, de démontrer la
contribution nette de la réduction de GES en augmentant l'indice de circularité
de l'économie québécoise, comme le font d'autres juridictions dans... dans le
monde. C'est la proposition qu'on vous fait et c'est aussi la raison pour
laquelle on ne peut pas...
Le Président (M. St-Louis) :
En conclusion, M. Laplatte, s'il vous plaît.
M. Laplatte (Benjamin) : Oui,
bien sûr. Que c'est certainement dommage de voir que sur 1.7 milliard de
surplus est une réserve d'investissement qu'on aurait pu consacrer à ça plutôt
que de l'envoyer dans le Fonds des générations, malheureusement.
Le Président (M. St-Louis) : Je
vous remercie beaucoup. Ceci conclut le premier bloc d'échange. Donc, je cède
la parole à Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
• (15 h 30) •
Mme McGraw : Merci, M. le
Président, et merci à vous d'être là, bien, en virtuel pour votre présentation
et votre mémoire très clair, très détaillé. J'aimerais m'attarder, peut-être,
aux points 4, 5... 4 et 5 de votre mémoire, ainsi que les recommandations de
vos organismes respectifs. Donc, au niveau des retombées économiques, emploi,
justice sociale, le ministre se préoccupe de... parle de perte en poids, d'appauvrir
les Québécois pour atteindre les cibles. Et justement, vous... vous... dans
votre mémoire, vous dites et je cite : Les débats publics opposent parfois
la protection de l'emploi et l'ambition climatique comme s'agissait de deux
objectifs irréconciliables. C'est une vision qui est trompeuse. Et
d'ailleurs... donc, j'aimerais vous entendre...
15 h 30 (version non révisée)
Mme McGraw : ...là-dessus, parce
que ce que vous dites, vous... vous dites que les transitions industrielles ne
se traduisent pas historiquement par une destruction massive d'emplois, mais
surtout par une transformation de la nature du travail. Donc, avec le défi
climatique, comment est-ce que vous voyez ça pour les emplois et la
transformation... la transformation industrielle, entre autres?
M. Laplatte (Benjamin) : Oui,
bien sûr, par contre, je doute qu'on ait utilisé le terme le terme trompeur, en
tout respect, dans notre mémoire, mais on a parlé, par contre, d'un... des
dilemmes qu'on ne devrait pas avoir parce qu'effectivement, oui, parce qu'effectivement,
on conviendra que des emplois pourront avoir à se transformer, ça, c'est
indéniable, et on le sait depuis un certain nombre d'années puis d'ailleurs, c'est
discuté dans plusieurs grandes ONG internationales, dans plusieurs tables
paritaires au Québec, qui réunissent des représentants patronaux et syndicaux.
Et le message qu'on aimerait vous envoyer, c'est qu'on est chanceux, au Québec,
d'avoir cette maturité de dialogue social là qui permet aux partenaires de
marché du travail à réfléchir et à penser à des solutions pour faire en sorte
que cette transition se traduise en opportunités du point de vue de l'emploi. D'ailleurs,
nous, par exemple, de façon très concrète, on travaille actuellement avec le
Comité sectoriel de main-d'œuvre en environnement ... compétences, à l'élaboration
d'un référentiel des compétences circulaires comme il en existe un dans le
référentiel de compétences en environnement pour identifier concrètement
quelles sont les compétences et les formations dont il va falloir accompagner
la main-d'œuvre dans cette transition-là, parce que c'est indéniable qu'il y
aura des transformations. Par contre, je pense qu'on a les moyens, au Québec,
de faire en sorte que ce choix, ça puisse se traduire par des emplois plus
pérens, de nouveaux emplois et aussi permettre qu'il y ait des qualifications d'emplois
qui pourraient être éventuellement menacés. C'est notre... c'est notre propos.
Mme McGraw : Merci, donc au point
n° 5, lorsque vous parlez de l'économie circulaire, un levier de réduction
de GES encore sous-utilisée, donc, vous voyez ça comme un levier majeur mais
qui est sous-utilisé. Vous insistez sur le fait que l'économie circulaire est
déjà reconnue comme un pilier, mais qui reste marginale dans la mise en œuvre.
Alors quels seraient des leviers simples qui pourraient être activés rapidement
pour mieux intégrer la circulaire dans les politiques climatiques?
M. Normandin (Daniel) : Bien,
en fait, il y en a plusieurs. Déjà, le gouvernement se doit d'être exemplaire,
le gouvernement achète, bon an, mal an, des milliards de dollars de biens et
services... un des enjeux de l'économie circulaire, puis M. le ministre en a...
l'a mentionné tout à l'heure, bon, c'est... c'est des changements de
comportements qui sont quand même relativement importants, puis des changements,
aussi, de modèles d'affaires au niveau des entreprises, sont importants, donc,
il faut créer le marché de circularité. Et en ce moment, un des enjeux qu'on a,
c'est que le prix de la matière première vierge est souvent inférieur à la
matière recyclée. Donc ça n'encourage pas ces changements de pratiques
industrielles. Et pourquoi c'est le... c'est moins cher? Évidemment, c'est
parce qu'elles sont souvent extraites, puis la majorité des matières premières
qu'on utilise ici sont extraites, en fait, viennent des importations, sont
extraites dans des pays où les normes environnementales sont très peu
respectées et les coûts de main-d'œuvre sont également très bas. Alors, quand
on parle de matières recyclées, ici au Québec, les coûts de main-d'œuvre sont
plus élevés et les normes environnementales sont plus élevées également, donc c'est
difficile de compétitionner. Si on... le gouvernement lui-même intégrait dans
ses processus d'achat, d'approvisionnement, des critères de circularité et de
mettre des normes, par exemple, en matière de contenu recyclé, en matière, par
exemple, de... plutôt que d'acheter des produits, aller en économie de
fonctionnalité, donc acheter une performance d'usage plutôt qu'un produit lui-même,
ça permettrait de créer un marché, de créer des entreprises avec cette... cette
vision de circularité, donc de créer des entreprises circulaires qui, une fois
lancées, pourraient, évidemment, prendre le marché au fur et à mesure, puis en
fait, je dirais, à permettre aux entreprises linéaires de se transformer peu à
peu vers une... des entreprises beaucoup plus, comment dirais-je? Circulaires
et respectueuses de l'environnement. Je ne sais pas si je suis clair dans mon
explication, mais... le gouvernement lui-même a un levier extraordinaire pour
mettre en œuvre, créer un marché et permettre aux premières entreprises de voir
le jour.
Mme McGraw : Au niveau, vous
avez parlé... le coût, c'est plus cher, l'exemple que vous avez donné au
ministre, de partage, etc. Mais en pleine crise de coût de la vie? Est-ce que
la circularité, aussi, on s'ajoute un aspect de... ça devient moins cher pour
les... Je veux dire, est-ce qu'on peut parler de la... on s'attaque à plusieurs
enjeux en même temps avec l'économie circulaire?
M. Normandin (Daniel) : L'autopartage,
les vélopartages, c'est tous... c'est des moyens, justement, de pouvoir se...
se... en fait, avoir une mobilité très, très... une mobilité très bien, en
fait, très adéquate, sans avoir à acquérir ni de voiture ni un vélo, par
exemple. Donc, ce sont des exemples très concrets et qui...
M. Normandin (Daniel) : ...permettre
aux ménages de pouvoir sauver des sous en n'ayant pas besoin d'acheter de
voiture ou d'acheter des vélos parce qu'ils sont offerts en partage. Et on
pourrait multiplier les exemples avec toutes sortes de produits qu'on n'a pas
besoin nécessairement sur une base continue.
Je vous donne un exemple. En Europe, par
exemple, en France, il y a une compagnie qui s'appelle Groupe SEB, qui est un
manufacturier d'électroménager, ils ont pris une entente avec un distributeur
qui s'appelle Carrefour, là, un peu comme le IGA ou Metro chez nous, et puis
ils offrent, en économie de fonctionnalité, des petits électroménagers. Vous
avez besoin d'un mélangeur pour une recette, vous n'avez pas besoin d'en
acheter un, vous allez à l'épicerie, vous l'empruntez, et puis vous êtes faites
votre recette, puis vous le ramenez. Donc, ça permet de... évidemment, d'éviter
de construire des unités inutiles, en fait, ou, je dirais, très peu utilisées
et permettre aux ménages, donc, de pouvoir accéder à des produits qu'ils
auraient... qu'ils ont... en fait, qu'ils n'auraient peut-être pas les moyens
d'acheter autrement.
Mme McGraw : Peut-être une
dernière question. Je pense qu'il nous reste à peu près deux minutes. Trois
minutes? OK. Bien, peut-être deux questions, mais... j'y vais. Donc, vous avez
12 stratégiques de circularité que vous proposez d'intégrer au plan climat, au
PEV, et... Pourquoi cet arrimage formel est essentiel pour atteindre les cibles
2030? ...peut-être en parler, des 12 stratégies, aussi.
M. Laplatte (Benjamin) : Bien,
oui, d'une part... Peut-être que, pour les 12 stratégies, je vais laisser... je
vais laisser aller mon collègue, mais merci pour la question par rapport... par
rapport au PEV, parce que le PEV, évidemment, on va devoir le revoir, comme
on... comme on le fait à travers ce plan de mise en oeuvre, à chaque année.
Donc, quand on analyse le PEV, actuellement, il y a des mesures qui sont
soutenues en économie circulaire, mais on pense qu'on pourrait être beaucoup
plus ambitieux. Après, c'est l'histoire de l'oeuf et de la poule. Pour pouvoir
y consacrer plus de... plus d'argent, à ces initiatives-là, bien, il faudrait
faire en sorte que le FECC puisse admettre plus de projets en économie
circulaire. Tout est un petit peu... Tout est un petit peu dans tout. Mais,
comme on a tenté de vous le démontrer jusqu'à présent, c'est que, dans nos
enjeux de productivité matière et de productivité énergétique, on estime qu'il
y a là un gisement de réduction de GES qu'on n'exploite pas. Donc, c'est la...
c'est la raison pour laquelle on espère beaucoup avoir l'occasion de vous en
reparler dans le cadre de la révision du PEV, notamment.
Par rapport aux 12 stratégies, si tu as
des ajouts à faire...
M. Normandin (Daniel) : Bien,
en fait, je les ai expliquées un petit peu tout à l'heure. Donc, il y a trois
grands blocs, c'est-à-dire de concevoir les produits pour la circularité, de...
d'intensifier leurs usages par toutes sortes de pratiques comme la
mutualisation, comme j'ai dit tout à l'heure, le... et puis le prolongement de
la durée d'usage par le... la revente, le don, le remanufacturing, entre
autres. Et puis, évidemment, lorsqu'on a épuisé ces stratégies-là, bien, il
reste, encore une fois, le recyclage et puis la valorisation énergétique.
Donc, la mise en œuvre des 12 stratégies
permettrait, en fait, dans les différents secteurs qui sont les plus grands
émetteurs ou les plus grands producteurs de matières résiduelles, d'abaisser de
façon très substantielle les GES, parce que, comme on le disait, environ la
moitié des GES proviennent, évidemment, de l'énergie, de... puis l'autre moitié
provient de l'extraction des matières premières et de leur première
transformation. Donc, si on est capable d'éviter en amont l'extraction des
matières premières par l'utilisation des gisements qui sont sous-utilisés dans
le marché, ça permettrait justement, donc, à la fois de réduire les GES, ça
permettrait également de réduire les impacts sur l'environnement, notamment sur
la biodiversité, ça permettrait de créer des nouveaux emplois. Donc, il n'y a
que du positif partout, essentiellement.
Le Président (M. St-Louis) : Il
reste 20 secondes, Mme la députée.
Mme McGraw : Donc, je
souligne, dans un dernier point, que vous voulez changer les critères
d'admissibilité que vous trouvez trop restrictifs au FECC pour avoir plus de
projets qui misent sur la circularité.
M. Normandin (Daniel) : Bien,
en fait, grosso modo, c'est qu'en ce moment c'est très difficile...
Le Président (M. St-Louis) : M.
Normandin, je m'excuse. Le bloc est malheureusement terminé. J'ai le rôle
ingrat de garder le temps. Donc, je cède maintenant la parole au porte-parole
du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Taschereau, la parole est à
vous. Trois minutes 18.
• (15 h 40) •
M. Grandmont : Merci, M. le
Président. Merci à vous deux pour votre mémoire et votre présence. C'est très,
très, très intéressant. Dans le fond, ce que vous arrivez ici, là... vous
arrivez ici avec des solutions, dans le fond, c'est ce que je trouve
intéressant, là, un peu comme l'a fait... l'ont fait, là, les... différents
groupes quand ils ont parlé de transport, quand ils ont parlé d'habitation, où
les fruits sont très mûrs en termes de réduction de gaz à effet de serre qu'on
peut faire... du CPEQ, là, du Conseil patronal de l'environnement, qui avait un
plan d'action, plusieurs actions à mettre de l'avant pour dire : Bien, si
vous voulez garder votre cible de 2030, bien, voici, mais il y a beaucoup de
choses à mettre en œuvre. On a eu la même chose au niveau de... Bien, donc,
dans le fond, vous arrivez avec l'économie circulaire. Vous dites :
Évidemment, il faut se donner les moyens de le faire. Si on veut rester
ambitieux, il faut quand même avoir les moyens, évidemment. Vous avez parlé du
Fonds vert, vous avez parlé de quelques autres pistes, mais je vous donnerais
quelques... quelques instants pour parler de... Vous avez parlé de créer un...
le marché de la circularité, qui est très, très... D'ailleurs, vos chiffres
étaient...
M. Grandmont :
...particulièrement éloquent puis inquiétant en même temps, là, on est loin
dans cette course-là. Comment on peut mettre en place... Parce qu'il y a
évidemment les moyens financiers, mais il y a les moyens réglementaires,
qu'est-ce qui pourrait aider aussi à créer, favoriser ce marché de la... de la
circularité?
M. Normandin (Daniel) : Bien,
entre autres, si je prends le secteur de la construction, là, qui est un
secteur qui est énormément utilisateur de ressources puis un grand générateur
aussi de matières résiduelles, là, en ce moment, grosso modo, là, on produit...
3,3 millions de tonnes de matières résiduelles par année dans ce secteur-là.
Et, là-dessus, il y en a à peu près 50 % qui s'en vont à l'élimination,
carrément. Et c'est des matériaux qui pourraient être réutilisés, en fait, pour
construire de nouveaux bâtiments, mais la réglementation actuelle, le Code du
bâtiment, entre autres, ne permet pas toujours d'utiliser les matières
secondaires pour fabriquer les nouveaux bâtiments. Donc, il faudrait évidemment
retravailler la...
M. Grandmont : Je m'excuse de
vous interrompre, mais, dans le fond, ces matériaux de construction là dont
vous parlez, ça, on pourrait caractériser ça comme un gisement, justement.
M. Normandin (Daniel) : C'est
un gisement.
M. Grandmont : C'est un
gisement. D'accord.
M. Normandin (Daniel) : Oui.
Quand on parle de gisement, en fait, il y en a de différents types. Bon. Quand
on parle des mines urbaines, on en a mentionné, je pense, entre autres, dans
quelques auditions, les mines urbaines, essentiellement, c'est des produits
électroniques, électriques. Et les chiffres qu'on a, qui sont, malheureusement,
très difficiles à obtenir, en fait, au Canada, en 2022, on parlait de seulement
13 % de récupération de ces... de ces matériaux électroniques,
électriques, là. Il y a une statistique, là, qui est assez éloquente, là, il y
a plus d'or dans...en fait, il y a 100 fois plus d'or dans une tonne de
téléphones cellulaires qu'il y en a dans 100 tonnes... dans une tonne de
minerais, en tant que tel, d'or. Alors donc...
M. Grandmont : C'est très
parlant.
M. Normandin (Daniel) :
...c'est plus facile d'aller extraire l'or dans les téléphones cellulaires que
de le faire, évidemment, dans des mines où on a, évidemment, des répercussions
environnementales importantes entre... notamment sur la biodiversité. Donc, ce
qu'on propose, c'est de...
M. Grandmont : C'est très
parlant.
M. Normandin (Daniel) :
...avant d'exploiter des gisements de matières premières vierges, exploitons
nos gisements de matières secondaires.
M. Grandmont : Merci
beaucoup. Puis vous parlez, il y a un concept important aussi, au-delà de la
transition climatique, vous parlez d'une transition industrielle, on l'a déjà
vécu dans le passé, pourquoi vous amenez ce concept-là à ce moment-ci?
Le Président (M. St-Louis) :
En 10 secondes, s'il vous plaît.
M. Laplatte (Benjamin) : Ce
concept de transition industrielle, parce qu'en fait c'est une question de
compétitivité à l'international, ne serait-ce que par rapport à un accès qui
est rendu de plus en plus difficile à certaines ressources, si on pense juste,
par exemple, aux minéraux critiques et stratégiques, il s'agit en fait de
ressources qui sont grandement... en grande majorité, concentrées dans des pays
avec des sacrés enjeux géopolitiques et que...
Le Président (M. St-Louis) :
Désolé, M. Laplatte, mais, malheureusement, le temps nous étant compté, je dois
maintenant céder la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.Îles de la
Madeleine. Vous disposez de 3 min 18 s.
M. Arseneau : Merci, M. le
Président. Merci à vous deux pour la présentation, pour votre présence. Le
mémoire est extrêmement intéressant. J'aimerais d'abord vous demander, parce
que vous parlez de la question de la responsabilité scientifique, territoriale,
intergénérationnelle, j'aimerais vous demander si, dans votre esprit, la cible
de... la cible de 2030, de 37,5 %, est dissociable de la cible de
décarbonation que vous proposez pour 2045? Est-ce qu'on doit voir ça comme un
continuum, ou est-ce qu'on peut dire... bien, on verra pour la première cible,
là, on peut se donner le temps qu'on veut, mais la cible ultime, on la
conserve?
M. Laplatte (Benjamin) :
Bien, c'est certain que la cible... les cibles ultimes, c'est de viser la
carboneutralité, comme nous en a fait mention, notamment, le comité-conseil sur
les changements climatiques à l'horizon 2045-2050, après 2045, idéalement.
C'est la trajectoire dans laquelle on s'est engagé et c'est ce qu'il faut
poursuivre pour pouvoir accomplir ce grand défi-là, et c'est ce que réclame
aussi le milieu des affaires notamment, mais aussi les citoyens. On a besoin de
prévisibilité, on a besoin d'un certain niveau de cohérence dans nos politiques
publiques. Puis on l'a démontré tantôt...
M. Arseneau : Exact.
M. Laplatte (Benjamin) :
...on a besoin de leviers réglementaires, on a besoin de signaux de marché,
notamment par rapport aux appels d'offres publics.
M. Arseneau : Mais, je
m'excuse, je n'ai pas beaucoup de temps. Là où je veux en venir, c'est que,
d'ici 2050, c'est 25 ans. Vous, vous dites, 2045, ce serait préférable,
donc, c'est 20 ans. Sur ces 20 ans là, bien, les cinq prochaines
années, on met un frein ou on décale les objectifs immédiats du 37,5, est-ce
qu'on se rend véritablement service? Si on prenait le point de vue du ministre
qui dit, depuis 1990 jusqu'à 2025, donc, sur une période de 35 ans, on
atteint 19 % de réduction des gaz à effet de serre, dont 7 % sur le
territoire. Si on reporte de cinq ans, on se donne 20 ans, 15 ans, si
on...
M. Arseneau : ...votre
proposition pour faire tout le reste du chemin. Est-ce que ça, c'est une cible
qui demeure atteignable? Est-ce que ça, c'est réaliste? Est-ce qu'on se rend
vraiment service en décalant le calendrier comme celui-là?
M. Normandin (Daniel) : Bien,
en fait, nous ne croyons pas que ça serait se rendre service parce que les
coûts, en fait, pour, justement, atteindre nos cibles, vont augmenter avec le
temps, donc plus on retarde plus ça va coûter cher d'une part. Et si on
doublait, en fait, notre circularité, déjà, on aurait des gains importants et
ça, on a des fruits mûrs. Ce qu'il faut en fait, c'est de soutenir nos
entreprises, soutenir l'innovation, soutenir, en fait, on a le plus grand
réseau de recherche en économie circulaire au monde, on a 370 chercheurs,
65 disciplines qui sont là pour accompagner la société, l'industrie. Ce
qui manque, en fait, c'est des moyens pour faire des projets.
M. Arseneau : Excellent.
Puis, on a souvent identifié les différents secteurs transport, bâtiment,
agriculture, matières résiduelles et ainsi de suite par pourcentage. Est-ce que
vous avez un pourcentage à mettre sur la circularité qui nous permettrait
d'avoir une meilleure idée du gain qu'on peut faire?
Le Président (M. St-Louis) : En
quelques secondes, s'il vous plaît.
M. Normandin (Daniel) : Oui.
M. Laplatte (Benjamin) : Par
secteur ou globalement?
M. Arseneau : Globalement.
M. Normandin (Daniel) : Bien,
globalement, écoutez, je veux dire... on a... on a de la marge énorme, en fait,
de... on doublerait le taux, déjà, ça serait déjà très bien. En fait, l'idée,
ça serait plutôt de le tripler, selon moi, dans un premier temps, d'ici
peut-être 2030. On a ce qu'il faut pour le faire, ce qui manque, c'est les
moyens financiers, mais on a tout le reste pour le faire. Y compris les...
Le Président (M. St-Louis) : Merci,
messieurs, malheureusement c'est tout le temps qui nous était alloué pour ce
dernier bloc d'échange. Donc, je vous remercie pour votre contribution aux
travaux de la commission. Je suspends les travaux quelques instants afin que
l'on puisse accueillir notre prochain invité. Merci, messieurs.
M. Normandin (Daniel) : Merci
à vous.
M. Laplatte (Benjamin) :
Merci à vous.
(Suspension de la séance à 15 h 47)
(Reprise à 15 h 49)
Le Président (M. St-Louis) : Donc,
la commission reprend ses travaux. J'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme
Caroline Brouillette, directrice exécutive chez Réseau action climat Canada.
Donc, Mme Brouillette, vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation
aux membres de la commission. La parole est à vous.
Mme Brouillette (Caroline) : Oui,
merci beaucoup. D'abord et avant tout, merci beaucoup pour l'invitation et mes
excuses de ne pouvoir être avec vous en personne, beaucoup de voyagement ces
temps-ci.
Donc, pour présenter le Réseau action
climat Canada, nous sommes le plus vaste réseau d'organisations qui travaillent
sur des questions liées au changement climatique et à l'énergie au Canada. On
rassemble près de 200 organisations, dont une masse critique au Québec,
qui opèrent d'un océan à l'autre. Nos membres, ce ne sont pas juste des groupes
environnementaux, mais bien sûr on les inclut, mais aussi des syndicats, les
Premières Nations, des organisations de justice sociale, le développement de santé
et de jeunesse, des groupes religieux et des initiatives locales. Donc, une
très vaste coalition, comme vous pouvez le voir. Et notre rôle, c'est de
faciliter des consensus entre la société civile et des réalités variées à
suivre au quotidien, les dynamiques nationales, sous nationales et
internationales sur les questions liées à l'ambition climatique. Et si vous me
permettez, donc, personnellement...
Mme Brouillette (Caroline) : ...je
suis économiste de formation, je siège également au Conseil du partenariat sur
les emplois durables qui avise le gouvernement fédéral sur ces questions.
Mon intervention aujourd'hui sera ancrée
dans le contexte international et plus particulièrement l'Accord de Paris et
ses principes. Alors, sans plus tarder, je vais commencer et je vous remercie,
on a envoyé aujourd'hui une étude qu'on a... on tenait absolument à conclure et
à vous présenter avant ma présentation d'aujourd'hui menée par la chercheuse
Ceecee Holz du Climate Equity Reference Project sur laquelle s'appuiera mes
propos.
Donc, en 2025, quand on parle de
compétitivité de notre économie, ça veut dire qu'on doit s'assurer que les
travailleurs, les travailleuses, les industries, les citoyens, les citoyennes
soient en mesure de prospérer dans des marchés qui sont en pleine
transformation et évolue vers les technologies du futur. Notre voisin du Sud,
bien entendu, sous la présidence Trump, a abdiqué devant l'industrie pétrolière
et gazière. Ce président a beau s'accrocher aux technologies du passé et à
intimider les pays à travers les tarifs pour qu'ils augmentent leur dépendance
aux énergies fossiles qui sont instables, qui sont dangereuses et
économiquement extrêmement volatiles, ça ne veut pas dire que le Québec devrait
faire de même.
Au contraire, on devrait prêter attention
à la trajectoire réelle du reste du monde, où la majorité des pays accélère
rapidement le déploiement des technologies basées sur l'électricité et les
énergies renouvelables, deux choses dans lesquelles nous sommes riches au
Québec et nous sommes également technologiquement avancés. Je vais juste nommer
d'entrée de jeu l'Europe, notamment, qui va adopter un mécanisme d'ajustement
carbone aux frontières, pas plus tard que 2026. La Chine également qui est...
on voit en ce moment la domination de certains secteurs critiques, notamment le
solaire photovoltaïque, les voitures électriques et les batteries. Et donc je
pense que dans ce contexte, c'est important de nommer qu'économiquement on
est... on est ailleurs en 2025 et opposer environnement et économie à ce stade
est tout simplement anachronique.
Je vous rappelle également que bien que le
Québec ne soit pas une partie formelle à l'Accord de Paris, il y a adhéré par
décret en décembre 2016, s'engageant ainsi à respecter ses principes et à poursuivre
ses objectifs et, en vertu de cet accord, à chaque cinq ans, les pays se
doivent de déposer de nouvelles cibles pour les cinq années suivantes. Et, en
fait, juste avant la COP 30, les pays ont déposé leurs cibles pour 2035,
le Canada également l'a fait en février dernier. Donc, permettez-moi d'abord de
faire un premier constat, celui que le sujet de notre conversation aujourd'hui
sur les cibles de 2030 nous place malheureusement un petit peu en déconnexion
de ce cycle mondial, plutôt que de positionner le Québec vers l'avant dans une
position de leadership qui est celle, très certainement, que nous, au Réseau
Action Climat, on attend du Québec.
Cela dit, je vais maintenant vous parler
plus précisément du travail qu'on a fait pour mesurer, en vertu de ces
obligations qu'on a prises envers l'accord de Paris, les obligations du Québec
et comment, dans le fond, on... en respect du science et de l'équité, ce que le
Québec devrait contribuer à cet grand effort... à ce grand effort international
pour limiter le réchauffement climatique au seuil critique de 1,5 degré.
C'est un exercice que les chercheurs du Climate Equity Reference Project ont
d'ailleurs fait ailleurs dans le monde, que ce soit à l'échelle pancanadienne,
aux États-Unis, en Norvège, etc. Donc, en 2021, le réseau avait fait la
recommandation de réduire les émissions d'au moins 65 % d'ici 2030 par
rapport à 1990. Pour respecter sa part équitable de cet effort mondial là pour
limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius, le Québec doit
combiner deux leviers.
Donc, d'abord, cette réduction sur notre
territoire que je viens de mentionner, et également une contribution
internationelle... internationale, pardon, substantielle, notamment sous forme
de financement climatique, je pense, par exemple, aux programmes de coopération
climatique internationale, qui est un programme phare du Québec, mais également
de transfert technologique et de soutien au renforcement des capacités. Dans
notre étude, on... et j'espère que vous aurez le temps, si ce n'est pas
aujourd'hui, d'y jeter un coup d'œil...
Mme Brouillette (Caroline) : ...on
vient évaluer trois trajectoires de carboneutralité, soit 2040, 2045 ou 2050,
parce que je vous rappelle que l'ONU... en fait, le... son secrétaire général
lui-même a recommandé aux pays dits développés de viser la carboneutralité en
2040. L'Agence de l'énergie internationale a, elle, suggéré que les économies
avancées devancent leurs cibles de... de carboneutralité en 2045, et un
scénario de base de carboneutralité à l'échéance de 2050, qui est la cible que
vise le Québec sans toutefois l'avoir inscrite comme obligation juridiquement
contraignante.
Donc, ce qu'on a évalué dans notre
rapport, parce que... bien, ce qu'on vient faire, en fait, c'est déterminer
l'effort qui devra être fait pour rejoindre ces différentes cibles... de
carboneutralité, qui nous... finalement, le choix qu'on fait, c'est... c'est un
peu une question d'à quel point on veut être ambitieux et à quel point on veut
avoir une posture de leadership. Mais également on doit tenir en compte le
record... le retard, pardon, qu'on a accumulé entre 2016 et 2024, c'est-à-dire
le retard pris dans la contribution du Québec aux efforts mondials
d'atténuation par rapport à notre juste part de l'engagement qu'on a pris dans
l'Accord de Paris.
Donc, je ne vais pas nommer tous ces
chiffres, mais ce qu'ils mettent en évidence est une réalité incontournable.
Plus l'action est retardée, plus l'effort à fournir devient abrupt et plus
notre économie échouera à se positionner dans un échiquier mondial en pleine
transformation.
Donc, nos recommandations sont les
suivantes : d'abord, établir dès 2025 une cible intermédiaire pour 2035
alignée sur un scénario de carboneutralité équitable; ensuite fixer une cible
officielle de carboneutralité qui est juridiquement contraignante, en cohérence
avec les recommandations de l'ONU; intégrer systématiquement le rattrapage du
déficit d'action climatique post-2015 afin de ne pas transférer l'effort à
des générations futures ni à d'autres régions du monde; et finalement compléter
les réductions domestiques par une contribution internationale substantielle.
Je vais conclure en vous disant qu'on
parle de chiffres et que je sais que ces questions-là, ça peut parfois sembler
abstrait et déconnecté du réel, mais dans le fond, une cible... une cible
climatique, c'est une étoile polaire pour guider, guider nos décisions
collectives, incluant les décisions du gouvernement, pour nous assurer que
l'ensemble de l'économie soit prête pour les transformations présentes et à
venir. C'est aussi une certitude pour les entreprises et les industries qui ont
besoin de clarté pour faire des investissements dans la décarbonation. Et c'est
finalement une direction pour les travailleurs et travailleuses et les
communautés dans une économie mondiale extrêmement turbulente, qui nous
permette de planifier plutôt que de se laisser garocher à gauche puis à droite
par les forces du marché.
Et j'espère que vous allez me permettre
une petite note personnelle. Je vous ai parlé de mon rôle au début et ce que je
ne vous ai pas dit, c'est que je suis la première directrice générale
francophone et québécoise de ce grand et vaste réseau qui est le nôtre, le
Réseau Action Climat Canada. Et, au début de mon mandat, j'ai eu plusieurs
opportunités d'être fière de la province du Québec et de la façon dont elle
jouait son rôle comme vecteur d'ambition et de leadership dans la fédération
canadienne. Je pense notamment à la Loi visant principalement à mettre fin à la
recherche ainsi qu'à la production d'hydrocarbures et au financement public de
celles-ci. Je dois vous dire que cette fierté a pris un petit coup, un gros
coup récemment. Et, quand je regarde l'état de la situation climatique au
Canada en ce moment, on a besoin plus que jamais du leadership des provinces et
notamment du Québec. Et donc, sincèrement, j'espère que vous nous entendrez.
Le Président (M. St-Louis) :
En terminant, Mme Brouillette.
Mme Brouillette (Caroline) :
Oui, j'espère que vous entendrez ma question. Je sais que c'est vous qui posez
les questions aujourd'hui, mais je me demande sincèrement pourquoi, en tant que
Québécois, on se priverait de ce leadership et des avantages économiques qui en
découlent et pourquoi on en priverait le reste du Canada et du monde. Merci.
Le Président (M. St-Louis) :
Je vous remercie pour votre... votre exposé. Nous allons maintenant débuter la
période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous, vous... vous disposez
de 16 minutes 30 secondes.
• (16 heures) •
M. Drainville : Merci pour
votre présentation. On vient de recevoir votre mémoire. Je cite... Donc, vous
avez fait une recommandation en 2021 et, dans votre mémoire, ce que vous dites,
c'est...
16 h (version non révisée)
M. Drainville : ...que la
réduction des émissions de GES domestiques du Québec d'au moins 65 % d'ici
2030 par rapport à 90 demeure pleinement valide. Donc, on est à moins 19 %
actuellement sur les niveaux de 90, vous proposez qu'on passe de moins 19 %
à moins 65 % en cinq ans. Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment on
va réussir un tel bond?
Mme Brouillette (Caroline) : Écoutez,
je pense que la question, en fait, moi, que je me pose, c'est si des
juridictions comme le Québec, qui sont extrêmement bien positionnées, que ce
soit en matière d'expertise technologique sur l'électricité et les énergies
renouvelables, que ça soit en matière de capacité et de ressources, le Québec
est quand même... fait partie des pays dits développés, quand on regarde les
parties à l'accord de Paris, à l'ONU. Donc, si le Québec ne le fait pas, ça va
être... ça va être quel autre pays qui va... va faire cet effort-là pour nous
empêcher collectivement de payer les coûts d'un changement climatique en pleine
accélération et dont on vit déjà les conséquences.
M. Drainville : OK, mais vous
êtes consciente, puis je réitère que le Québec est un leader et va demeurer un
leader, peu importe la cible que nous choisirons, mais vous êtes... vous êtes
consciente du fait que le Québec représente 0,16 % des émissions de GES
sur la planète présentement et de demander à l'économie québécoise de réduire
sa production de GES, en cinq ans passer de moins 19 % à moins 65 %,
c'est un électro-choc économique extrêmement important et c'est à coup sûr une
décroissance économique assez importante, là. Vous croyez que les Québécois
sont prêts à participer à une opération de décroissance économique comme celle-là?
Vous pensez que vous avez la population avec vous?
Mme Brouillette (Caroline) : Écoutez,
je pense que... là c'est vos mots, pas les miens, là, la question de la
décroissance économique. Je ne nie pas qu'il s'agit d'un bond important et d'un
effort important, mais comme je le disais tout à l'heure, une cible, ce à quoi
ça sert, c'est à donner une direction à notre économie et à s'assurer que
l'ensemble de celle-ci et que tous les secteurs contribuent leurs efforts à cet...
à cet effort national là, à cet effort provincial. Moi, je pense que les
Québécois sont extrêmement ambitieux en matière de climat. On le sait, ils sont
parmi les plus... les plus climato-concernés quand il y a des sondages au
niveau pannational et je pense que, si on leur explique bien les opportunités
qui découle d'un tel positionnement, que ça soit dans une panoplie
d'industries, ils en seraient.
Cela dit, c'est maintenant un effort
collectif une fois qu'on se fixe une cible, on s'entend que ça prend également
un plan pour pour y arriver. Et les deux vont ensemble, c'est comme un peu une carte,
on ne se donne pas de carte de... on ne part pas en voyage sans avoir une idée
claire sur notre destination, ça nous aide à avoir un plan concret pour y
arriver.
M. Drainville : Vous dites
aussi dans votre...
Mme Brouillette (Caroline) : Et,
peut-être, je réitérerais, M. Drainville, quand on a fait cet exercice-là, on
l'a fait avec les membres du Québec du Réseau action climat Canada, qui
comporte non seulement des groupes environnementaux, mais également des groupes
qui travaillent sur la scène internationale, ainsi que des syndicats, des
travailleurs et travailleuses qui sont directement impactés non seulement par
les impacts climatiques, mais par la nécessaire transition de notre économie.
M. Drainville : Dans votre
mémoire, vous affirmez également que dans les faits, ce n'est pas moins 65 %
qu'il faudrait atteindre d'ici 2030, vous dites : La juste part du Québec
est plutôt à moins 179 % d'ici 2035, qui pourrait s'élever jusqu'à moins 206 %
de réduction lorsqu'on tient compte du déficit d'action climatique accumulé
entre 2016 et 2024. Pouvez-vous m'expliquer d'où ça vient ce chiffre-là, moins 179 %
ou même 206 %? Là, rendu là, honnêtement, il n'y a plus grande différence.
C'est quoi ça, moins... mettons, on va arrondir, là, mettons, moins 200 %,
là? Moins 200 % de GES, comment... parce que vous avez fait référence à la
fin, vous avez dit notre stratégie, ou je ne sais pas quoi, notre proposition
inclut une réduction domestique et une contribution internationale
substantielle. Est-ce que c'est ça le moins 200 %? C'est il faut non
seulement baisser ici, mais faut aller aider les autres à baisser...
M. Drainville : ...également,
est-ce que c'est de là que ça vient votre chiffre?
Mme Brouillette (Caroline) : Oui,
exactement. En fait, quand... quand ces calculs-là sont faits, ce qu'on voit,
c'est que tous les... tous les pays, en fait et toutes les juridictions
développées du monde ont tellement contribué à la... à la pollution et à la...
à la l'utilisation de notre budget carbone actuel. Quand on compare à des
régions, par exemple, comme l'Afrique qui, le continent lui-même, est
responsable d'à peu près de moins de 2 % des émissions mondiales, et que
l'effort nécessaire est extrêmement grand, vous le constatez, là, on s'entend à
200 %, c'est immense et ce n'est pas ce qu'on demande de faire, ni pour
compenser le fait qu'on ne peut pas réduire les émissions à ce point-là sur
notre territoire. On doit continuer les efforts du Québec en matière de
financement climatique international. Je le répète, le Québec est un grand
pionnier sur cette question-là, et on a été une des premières juridictions
sous-nationales à le faire par l'entremise du PCCI, le Programme de coopération
climatique internationale. Donc, ça fait partie de notre juste part quand on
vient considérer les questions de science et d'équité.
M. Drainville : Et vous
proposez... Bien, j'imagine que, si vous proposez un tel effort, un tel
transfert de ressources financières vers l'international, j'imagine que...
Enfin, est-ce que vous avez identifié la provenance de ces sommes d'argent
qu'on utiliserait présumément pour soi pour acheter des crédits à
l'international ou pour aider à transférer des sous dans des pays qui
pourraient s'en servir par la suite pour... pour décarboner leur propre
économie. Est-ce que vous avez identifié les sources de ce... de ce transfert
d'argent massif?
Mme Brouillette (Caroline) : On
n'a pas identifié les sources ni fait en quantification à ce stade, mais je
pense que c'est important, quand on parle des coûts de l'action climatique, de
bien comptabiliser les coûts de l'inaction. Je vais vous donner quelques
exemples. Les pertes assurées annuelles moyennes au Québec sont passées de
18 millions de dollars à 877 millions de dollars entre 2000
et 2004, et 2020 et 2024, à cause des événements comme les inondations, les
vagues de chaleur. Les coûts associés à la perte de vies humaines et aux
atteintes au bien-être causées par ces vagues de chaleur, son coût estimé à
3,6 milliards de dollars par année. Donc je vais... je vais utiliser
mon langage d'économiste en ce moment pour dire : C'est important
d'utiliser le bon constat factuel. Et vous savez, ces interventions-là, dans
les pays du Sud, ont également des répercussions économiques, pas juste pour
eux, mais pour nous, dont il faut tenir compte. Je pense aux organisations
humanitaires basées ici, au Québec et au Canada, qui sont forcées de plus en
plus d'intervenir face à des catastrophes climatiques. C'est de ça dont on
parle.
M. Drainville : OK. Mais vous
ne craignez pas que la crédibilité de votre proposition en souffre si vous
proposez que... que le Québec aide à coup de milliards d'autres économies à
l'étranger sans identifier la provenance de l'argent? Vous ne croyez pas que ça
risque d'affecter votre la crédibilité de votre proposition, non?
Mme Brouillette (Caroline) : Bien,
le Québec contribue déjà des montants à l'échelle de milliards à...
M. Drainville : Oui. On
parle... on parle... on parle de... Vous avez parlé de dizaines de millions
tout à l'heure, là. Là, de contribuer à hauteur de 100... Enfin, encore une
fois, arrondissons à moins 200 % de réduction de GES, on parle de
milliards et de milliards qu'il faudrait transférer, là, vers des pays étrangers.
Mme Brouillette (Caroline) : Écoutez,
M. Drainville, moi, les...
M. Drainville : Moins 37,5,
là, ça représente une diminution de 1.4 % du PIB, là, moins 37,6. Vous,
vous proposez moins. C'est quoi, 65 qu'on disait tout à l'heure? Moins 65, donc
c'est... c'est beaucoup plus. Ça, c'est juste pour le territoire national.
Puis, par la suite, il faut transférer toutes ces ressources financières,
toutes ces sommes d'argent massives vers l'étranger. Donc, on peut penser que
la facture pour le contribuable québécois serait très, très, très importante.
Ça ne vous inquiète pas, ça, de demander un tel effort financier à vos
concitoyens?
• (16 h 10) •
Mme Brouillette (Caroline) : Bien,
deux choses. Donc, premièrement, en tant qu'économiste, pour moi, c'est
extrêmement important, quand on parle du coût de l'action climatique,
d'utiliser la bonne comparaison, donc de comparer avec le coût de l'inaction,
ce que je constate dans les discussions, malheureusement, qui est présentement
absent et dans un deuxième...
Mme Brouillette (Caroline) :
...en même temps l'objectif de notre étude, à nous, M. Drainville, c'est
vraiment de venir calculer qu'est-ce que ça veut dire les obligations de
l'accord de Paris qu'on a prises.
Ensuite, je suis d'accord avec vous que
c'est un effort substantiel, mais il reste que c'est la question qu'on doit se
poser parce que, si le Québec ne le fait pas, la question, c'est quelle autre
juridiction va le faire? Et moi, ça m'inquiète particulièrement, et je dois vous
avouer que je suis en recherche de réponses parce que je ne sais pas ça va être
qui, qui pourra prendre le slack, en bon français, du Québec, si nous, on
décide de relayer notre rôle de leadership.
M. Drainville : Non, mais je
suis d'accord qu'il faut garder un pôle de leadership, là, mais je le disais
tout à l'heure, là, le Québec représente 0,16 % des émissions de GES sur
la planète. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas faire notre effort, je le
répète, je le réitère, mais le poids économique de vos... de vos propositions
dépasse largement, je pense, ce que notre société peut supporter, là. Puis moi,
une de mes préoccupations, depuis le début, moi, de ces consultations-là, c'est
c'est de garder le maximum de Québécois qui veulent lutter contre les GES avec
nous, mobilisés. Si, à un moment donné, on finit par verser dans l'autre
extrême, celui de cibles qui sont complètement irréalistes, bien, on risque
d'en décourager certains, puis je ne crois pas que la mobilisation citoyenne va
rester aussi forte, et donc, en bout de ligne, on va tous être perdants, là.
Donc, moi, je vois dans vos cibles ce
risque-là. Visiblement, ou vous ne le voyez pas, ou vous ou vous n'êtes pas
d'accord avec mon analyse, puis c'est tout à fait correct, mais je suis un peu...
je suis un peu étonné, mettons, par l'ampleur des chiffres que vous nous
présentez, là, aujourd'hui, là.
Mme Brouillette (Caroline) : Pour
être franche avec vous, M. Drainville, moi aussi, quand j'ai vu ces
chiffres-là, ça m'a choquée. Et on ne vous les présente pas parce que ça nous
tente de vous montrer des chiffres extrêmes, mais plutôt parce que c'est le
portrait réel de la situation qu'on doit dresser quand on constate... quand on
inclut les principes de la science et de l'équité. Si on avait commencé
sérieusement il y a 20 ans à réduire nos émissions, on n'aurait pas besoin
d'une descente aussi rapide aujourd'hui, mais là, parce qu'on a accumulé du
retard, la pente devient plus raide. Et moi, ce que je veux prévenir, c'est de
nous assurer qu'on n'ait pas une conversation similaire et encore plus
drastique dans cinq ans.
M. Drainville : OK. Il me
reste combien de temps?
Une voix : Trois minutes.
M. Drainville : Alors,
mettons que vous auriez devant vous un citoyen ou une citoyenne un petit peu
sceptique, là, je vous laisse le soin de la convaincre, cette personne-là, là,
quel argumentaire... Parce que vous lui dites : Il y aura un fardeau
fiscal plus important, très certainement, il y aura sans doute des entreprises
qui devront fermer leurs portes parce que les charges fiscales liées à une
telle cible seraient... seront très importantes, donc elle pourrait perdre son
emploi, il y aura certainement des contrôles sur l'utilisation des véhicules à
carburant, on l'obligera très certainement à garder sa voiture à la maison une
couple de jours par semaine, si ce n'est que de l'obliger même à prendre le
transport collectif, il y aura très certainement une hausse des taxes sur tout
ce qui est carburant. Alors, on additionne tout ça, puis vous vous présentez
devant ladite citoyenne, là, puis vous lui dites : Bien, regarde, ça,
c'est le prix économique, mais il faut vraiment que tu le fasses. Alors,
dites-nous, dites-nous comment vous vous y prenez pour la convaincre, cette
personne-là?
Mme Brouillette (Caroline) : Bien,
juste, M. Drainville, ce que vous venez de décrire, c'est peut-être votre
vision, mais ce n'est certainement pas la mienne, ni celle que défendent les
membres du Réseau Action Climat Canada. Moi, vous savez, j'ai grandi à Sherbrooke
et je dis tout le temps : Moi, si j'habitais à Sherbrooke, je n'aurais
probablement pas le choix d'avoir une voiture. La transformation dont on parle,
la transformation climatique, elle a des coûts-bénéfices pour les gens. L'idée,
c'est de transformer nos milieux de vie, de rendre les choix
environnementalement sensibles plus faciles et plus accessibles pour les gens.
Donc, on vient réfléchir à l'aménagement du territoire, à l'offre de transport
collectif et actif et ensuite aux questions d'électrification des véhicules. On
parle de nos industries. Euh. Vous parlez de la question des.
Mme Brouillette (Caroline) : ...on
emploie quelque chose qui est extrêmement important, on doit venir transformer
nos économies. Je vous ai beaucoup entendu parler de l'industrie de
l'aluminium, M. Drainville, pendant cette commission, bien, ça va bientôt être
impossible de vendre de l'aluminium qui est polluant parce que certains pays,
comme je le disais tout à l'heure, dont l'Union européenne, ont une
réglementation en vigueur sur l'empreinte carbone des différents produits de
base. Les technologies sont au rendez-vous pour capter le CO2 produit par le
procédé d'extraction d'aluminium à un coût acceptable, donc on a un rôle en
tant que société, en tant que gouvernement, d'investir pour s'assurer...
M. Drainville : Mais on le
fait, hein, comme vous le savez.
Mme Brouillette (Caroline) :
...que notre industrie de l'aluminium puisse compétitionner dans ce
contexte-là...
M. Drainville : Comme vous...
comme vous savez...
Mme Brouillette (Caroline) :
...et c'est ce type d'opportunité qu'on doit saisir pour se prévaloir de
leadership climatique.
Le Président (M. St-Louis) :
En conclusion, M. le ministre.
M. Drainville : Mais, comme
vous le savez, Mme Brouillette, on le fait. Le gouvernement subventionne
l'utilisation de la technologie ELYSIS, là, on fait notre part, ce n'est pas
comme si on ne faisait pas notre part, là, on fait notre part pour favoriser
une aluminium verte et la plus décarbonée possible. Mais merci beaucoup pour
votre présentation.
Le Président (M. St-Louis) : Alors
je cède maintenant la parole à la porte-parole de l'opposition officielle. Mme
la députée, vous disposez de neuf minutes 54 secondes.
Mme McGraw : Merci, M. le
Président, et merci, Mme Brouillette, d'être avec nous. Merci aussi pour la
note personnelle, c'est vraiment toute une fierté pour le Québec, vous êtes la
première Québécoise et francophone et économiste par formation, donc c'est...
c'est vraiment toute une fierté. Donc, juste pour commencer, effectivement,
avec l'économie, vous avez parlé d'utiliser le bon contrefactuel. Est-ce que
vous pouvez nous parler des coûts de l'inaction? Parce que le ministre, il mise
beaucoup sur un peu un discours qui oppose un peu l'économie et
l'environnement, comme quoi on va appauvrir les Québécois, on va perdre des
emplois, mais la plupart des groupes du milieu économique nous ont parlé des
opportunités. Ce sont la transition climatique, c'est un levier économique et
non un obstacle et, aussi, il y a des coûts qui sont liés à la transition mais
surtout à l'inaction climatique. Est-ce qu'on peut vous entendre là-dessus?
Mme Brouillette (Caroline) : Oui,
merci. Puis, je pense qu'il faut nommer d'entrée de jeu qu'il y a quand même la
transition économique liée à la transition de tous les secteurs de l'économie
pour faire face à la crise climatique, ce n'est pas facile, facile, ça ne se
fait pas en claquant des doigts, mais comme vous le dites, vient avec des opportunités
et ne pas le faire à un coût d'opportunité important. Je pense que ce serait
bien d'ailleurs, peut-être que le Québec et le gouvernement en soi fassent des
efforts au niveau provincial parce que beaucoup des chiffres qu'on a en ce
moment sont au niveau fédéral, mais le coût de l'inaction climatique au Québec
se chiffre en milliards de dollars, que ce soit par les répercussions sur la
santé et en pertes assurées liées aux phénomènes météorologiques extrêmes.
Je le disais tout à l'heure, on parle de 877 millions de
dollars par année en pertes assurées annuelles entre 2020 et 2024. Et ça, c'est
en contraste à 18 millions entre 2000 et 2004. Et ça, c'est juste des
événements comme les inondations et les vagues de chaleur. Ça, ça a aussi des
impacts importants sur le système de la santé, donc on parle d'environ
15 millions de dollars en coûts directs et 5 millions de
dollars, juste en coût lié à l'absentéisme, tu sais, ça, c'est un impact
économique dont on ne parle pas souvent. Il y a aussi des coûts intangibles
associés aux pertes de vies humaines, c'est assez tragique, on s'entend, ça a
un impact humain, mais ça, ça a un impact économique aussi, on parle d'environ
3,6 milliards de dollars par année. Et quand on regarde
malheureusement la trajectoire actuelle en matière d'impact climatique, ces
coûts-là pourraient augmenter considérablement, soit tripler ou même quintupler
d'ici 2050. Je vais... je pourrais continuer, mais je vais m'arrêter ici.
Mme McGraw : Mais, oui, je
sais, vous travaillez beaucoup, évidemment au niveau pancanadien, mais aussi au
niveau international, puis, nous, on a entendu des chiffres comme pour chaque
dollar investi en prévention, en atténuation, c'est un 4 à 10 qu'on va
sauvegarder en adaptation, en réaction. Je ne sais pas si vous avez accès à ces
données-là, mais... sinon, je peux passer à autre chose.
• (16 h 20) •
Mme Brouillette (Caroline) : Oui,
je ne les ai pas en ce moment, mais on appelle ça... bien, en économie, on
appelle ça, c'est ça, les taux multiplicateurs. Malheureusement, on est rendu à
un point tel d'inaction climatique et on a tellement tardé sur l'atténuation,
comme je le disais tantôt, la pente est rendue tellement...
Mme Brouillette (Caroline) :
...je vais utiliser l'analogie de la COVID, là, tu sais, on ne parle pas juste
d'aplatir la courbe, là... la courbe, on doit rapidement la faire descendre,
qu'on doit en même temps investir en atténuation et répondre aux pertes et
préjudices causés par les changements climatiques. Donc, il faut nommer, il y a
un coût, et ce coût-là, on le paie parce qu'on n'a pas voulu investir dans la
transition quand ça aurait été beaucoup plus économiquement viable il y a
20 ans.
Mme McGraw : J'aime beaucoup
l'idée de votre... Vous avez proposé, je pense, une étude québécoise vraiment
sur les coûts de l'inaction. Ce serait intéressant. Vous avez posé une question
en conclusion : Pourquoi le Québec se priverait d'être un leader en action
climatique? Et le ministre, il avait dit à plusieurs reprises : Bien, encore
aujourd'hui, le Québec va demeurer un leader peu importe la cible. Est-ce que
vous êtes d'accord?
Mme Brouillette (Caroline) :
Non, absolument pas. Je pense qu'au Québec, on a pris des décisions historiques
qui font en sorte que nos émissions de gaz à effet de serre sont basses
lorsqu'on se compare aux cancres de la classe, c'est-à-dire aux hautes
juridictions en Amérique du Nord. Cette décision historique là, c'est la
nationalisation de notre électricité et le fait que notre hydroélectricité au
Québec, elle est à 99,8 % renouvelable. Mais bon, c'est sûr qu'il y a des
décisions qui m'inquiètent au niveau fédéral, en ce moment, puis je
n'élaborerai pas là-dessus, là, mais il y a quelque chose d'autre qui est en
train de se passer. C'est-à-dire que d'autres juridictions investissent dans
l'électricité propre et qu'assez rapidement, le Québec ne pourra plus s'asseoir
sur ses lauriers de cette façon-là. Mais là, économiquement, on est dans une
position avantageuse. En économie, on parle de... bon, de l'avantage
comparatif. On a déjà cette électricité propre là, on... Il y a des
opportunités, que ça soit notre expertise et notre savoir-faire en matière
d'électrification et d'énergies renouvelables, dont on pourrait profiter. Mais
pour ça, il faut être proactif.
La Chine domine complètement en ce moment
le solaire photovoltaïque, les batteries et les véhicules électriques parce
qu'il y a eu un leadership extrêmement fort de la part du gouvernement, des
investissements publics dans l'économie et ce qui fait en sorte que, juste par
ses exportations en ce moment, la Chine contribue à réduire les émissions
mondiales de 1 %. C'est gros, ça. Donc, moi, je pense qu'au Québec, on ait
des gens extrêmement ambitieux. On a déjà eu de la vision, et là c'est le
moment de redoubler d'ardeur. Ce n'est pas le moment, parce qu'on a un
président Trump au Sud, de s'asseoir sur nos lauriers.
Mme McGraw : Puis justement,
peut-être une dernière question, parce que je crois que ma collègue a une
question aussi, justement, là, le ministre parle beaucoup de ce qui se passe à
l'extérieur du Québec, il y a Trump, il y a l'Ontario, le Canada. Il y a
beaucoup d'imprévisibilité puis on comprend que le Québec a déjà pris sur des
gouvernements antérieurs des décisions structurantes, même contre ce qui se
passait ailleurs. Donc, on a mis en place un marché de carbone, on a été les
premiers avec... en tout cas, sur plusieurs niveaux, donc on a toujours été
avant-gardiste malgré ce qui se passe autour. Donc, est-ce qu'on... l'idée,
c'est de redoubler, j'imagine, nos efforts au lieu d'aller dans la mauvaise
direction, surtout lorsqu'on est en train de diversifier nos marchés vis-à-vis
l'Europe, etc.
Dernière question, mobilisation, le
ministre se dit préoccupé par une démobilisation de la société québécoise. Si
on a des cibles qu'on ne peut pas atteindre. Est-ce que vous êtes d'accord ou
est-ce qu'il y aurait un risque de démobilisation si on recule sur nos cibles?
Mme Brouillette (Caroline) :
Moi, la démobilisation qui m'inquiète en ce moment, c'est la démobilisation des
politiciennes et politiciens sur l'action climatique et l'impact que ça a sur
le citoyen, les citoyennes lambda qui se posent des questions sur
l'abordabilité, sur l'avenir, qui sont inquiets quand ils se retrouvent avec de
l'eau dans le sous-sol à chaque été puis des coûts d'assurance qui augmentent.
Moi, c'est ça qui m'inquiète en ce moment d'un point de vue de mobilisation.
Je pense qu'il y a des opportunités
économiques que les leaders politiques ont un rôle extrêmement important à
jouer dans l'éducation des gens, dont, ce moment, malheureusement, on manque
cette opportunité-là. Puis puis j'ai encore espoir qu'elle soit saisie.
Mme McGraw : Merci...
Mme Dufour : OK. Merci.
Bonjour, Mme Brouillette, députée de Mille-Îles. Vous... vous venez de le
mentionner, il y a des...
Mme Dufour : ...concret
actuellement... pour nos citoyens. Votre proposition, c'est de... mettre encore
davantage d'argent dans la... dans le fond, la réduction des émissions de GES
du Québec. Là, j'ai compris, au-delà même du 100 %, là, c'est d'aller
compenser une... la juste part du Québec. Mais comment on... on fait ça, quand,
en même temps, on doit mettre des sous dans l'adaptation? Puis là on parle de
milliards de dollars qu'on a besoin de mettre dans l'adaptation. L'argent qu'on
va mettre dans la réduction ailleurs, à l'étranger, on ne l'aura pas pour
l'adaptation chez nous?
Le Président (M. St-Louis) : En
30 secondes, Mme Brouillette, s'il vous plaît.
Mme Brouillette (Caroline) : Je
pense que ce que... pour simplifier, là... les investissements qu'on va faire
aujourd'hui, ici, chez nous, en... en atténuation, en adaptation, en réponse
aux pertes et préjudices, mais également dans... dans le financement climatique
international, vont nous sauver énormément... d'argent dans... dans l'avenir.
Je pense que c'est... c'est à ça qui est... qu'on doit réfléchir.
Mme Dufour : Oui, mais, j'imagine,
les fonds ne sont pas illimités non plus, donc il va falloir faire des choix.
Merci, Mme Brouillette.
Le Président (M. St-Louis) : Merci
beaucoup. Nous... Je cède maintenant la parole au... au porte-parole, pardon,
du deuxième groupe d'opposition. M. le député, la parole est à vous, vous
disposez de trois minutes 18 secondes.
M. Grandmont : Merci, M. le
Président. Bonjour, Mme Brouillette. Merci pour votre mémoire. Merci pour votre
présence.
Vous avez parlé d'émissions, puis votre
mémoire en parle aussi beaucoup, là, de... d'émissions historiques. Je
comprends que ce doit être quand même assez compliqué d'évaluer le pourcentage
d'émissions historiques du Québec sur l'ensemble de ce qui a été produit, là,
sur la planète, là, dans son histoire. Mais, au-delà de ça, est-ce que...
est-ce que... est-ce que ça n'apporte pas un peu un devoir moral très grand
pour le Québec, sachant qu'on a contribué historiquement beaucoup et on s'est
développé beaucoup autour des énergies fossiles, dans le fond, là? Devoir
moral, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Brouillette (Caroline) : Bien,
c'est... c'est certain, le... l'Accord de Paris est... est basé sur des
principes d'équité, et c'est ça qu'on est... on vient quantifier avec ce type d'évaluation
là. Je pense que quand on voit l'ampleur de ces chiffres-là, ça... ça nous
donne un choc, ça ne fait pas plaisir, mais ça fait partie de... de notre
responsabilité historique. Et, vous savez, nous, on... on a des... des
collègues partout dans le monde qui ont une responsabilité historique très
différente. Des pays comme l'Inde, par exemple, sont loin d'avoir une juste
part qui s'élève à 179 % et au-delà de... de 200 %, et... et ça
reflète le fait que, per capita, quand on vient de calculer notre... notre
empreinte... carbone... elle est très élevée.
Puis je voudrais juste... revenir
rapidement sur... (panne de son) ...question liée, là, au coût. Parce que...
avec votre collègue précédemment... là, je comprends que ça s'élève à beaucoup,
mais vous savez, l'économiste Nicholas Stern, qui... qui est au Royaume-Uni,
avait calculé que ça reviendrait à environ à 2 % du PIB de chaque
juridiction qui devrait être investi en... en actions climatiques. Donc, je
pense que... c'est, somme toute, un montant, là, qui n'est pas absolument
déraisonnable.
M. Grandmont : Parfait.
Merci. Vous avez parlé de la Chine, là, qui était un leader, là. Vous avez
parlé principalement, là, du solaire, du photovoltaïque. Est-ce que, dans le
fond, la Chine fait la démonstration que c'est possible de combiner l'économie
et l'ambition climatique?
Mme Brouillette (Caroline) : Je
pense que oui. Je pense qu'il y a eu des... des choix qui ont été faits par le
leadership chinois, dans les années 2010, par l'identification des
secteurs stratégiques pour les... leur économie et l'identification de secteurs
où la Chine en particulier avait un avantage comparatif compétitif. Je pense
que ce serait bien que des juridictions comme le Québec le fassent. Que ce soit
dans les secteurs comme l'efficacité énergétique, on a développé beaucoup de...
d'expertises via Hydro-Québec, il y a également, bon, l'IREQ qui a... qui a un
rôle particulièrement intéressant. Si on faisait ce genre de réflexion, on...
on... on pourrait aller beaucoup plus loin.
M. Grandmont : Quand on
regarde évidemment le bilan du Québec, j'imagine que les transports,
l'aménagement du territoire seraient aussi des secteurs... seraient un secteur
névralgique pour le Québec?
Mme Brouillette (Caroline) : Évidemment,
comme le Québec a déjà une production d'électricité qui est à peu près
100 % décarbonée, le prochain... le prochain secteur, il s'agit de celui
du transport, vous l'avez nommé. Je pense que vous avez entendu mes collègues,
les membres du Réseau action climat, parler plus concrètement des... des
solutions à ce niveau-là.
• (16 h 30) •
Le Président (M. St-Louis) : ...je
vous remercie, Mme Brouillette. Je suis désolé. Je suis le gardien du temps.
Ceci conclut, troisième bloc d'échange. Je cède... cède maintenant la parole au
député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci, M. le
Président...
16 h 30 (version non révisée)
Le Président (M. St-Louis) : ...des
Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci, M. le
Président. Merci, Mme Brouillette, pour votre présence. J'aimerais vous
entendre davantage sur le contexte dans lequel on est, parce que vous avez fait
mention de ce qui se passe au sud de la frontière en disant que ça ne doit pas
être notre référence. Mais vous avez évoqué brièvement le fait que, dans les
autres provinces canadiennes ou sur le plan fédéral, il se passe aussi des
choses. Le ministre nous a argumenté le fait que les cibles climatiques sur le
plan fédéral ne semblent pas en voie d'être atteintes. Au contraire, on semble
les abandonner les unes après les autres. Qu'est-ce que vous dites de ce
contexte-là où finalement, abstraction faite, là, des États-Unis, ce qui se
passe ailleurs au Canada, vous allez faire le même genre de recommandations,
j'imagine, si vous avez voix au chapitre sur les mesures qui sont prises au
gouvernement fédéral notamment?
Mme Brouillette (Caroline) : Tout
à fait. Vous pouvez voir les interventions et réactions du Réseau Action Climat
Canada aux dernières décisions qui ont été prises par le gouvernement fédéral.
Là, où je pense que je me permets, comme je le disais tout à l'heure, à titre
personnel entre Québécois, d'avoir des attentes plus élevées pour le Québec. C'est
en vertu des décisions historiques qu'on a prises des opportunités économiques
et du fait qu'on s'est positionnés avec notamment, bon, il y avait loi pour
mettre fin à la production d'hydrocarbures. On était coprésident de l'Alliance Beyond
Oil&Gas qui l'était laissait présumer qu'on allait jouer un rôle
diplomatique auprès des autres provinces canadiennes. Et je trouve qu'on est en
train de laisser beaucoup d'opportunités derrière nous en tant que province. Et
quand, comme je le disais tantôt, je regarde tout ce qui se passe, bon, dans
toutes les provinces canadiennes, mais également à l'échelle fédérale, on a
besoin de provinces qui sont à l'avant-plan pour jouer ce rôle de leadership plus
que jamais.
M. Arseneau : Merci. Vous
avez réagi, tout à l'heure, aux propos du ministre qui disait : Si on
accélère le pas, on va avoir des conséquences économiques délétères, voire
catastrophiques. Vous avez semblé exprimer un désaccord. J'aimerais vous entendre
davantage là-dessus, jusqu'à quel point c'est rentable, justement, d'accélérer
la cadence et comment est-ce qu'on peut justement comprendre que l'on puisse
tirer notre épingle du jeu sur le plan économique si on va de l'avant davantage
que si on recule.
Le Président (M. St-Louis) : En
30 secondes, Mme Brouillette.
Mme Brouillette (Caroline) : Oui.
Comme je le disais tout à l'heure, je pense que ça serait extrêmement utile
pour... pour les décideurs comme... les décideuses comme... comme vous, mais
également pour nous qui sont dans le côté pratique de la chose, d'avoir des
données à l'échelle provinciale pour les coûts de l'inaction qui nous
permettraient d'avoir une conversation un petit peu plus basée sur des faits.
Tu sais, je reviendrais aussi, tu sais, on parle, on compare les coûts d'adaptation,
l'argent qu'on met sur l'adaptation aujourd'hui, c'est déjà de l'argent qu'on
paie de trop parce qu'on a trop attendu pour réduire les émissions. Donc, je
pense que, tu sais, ce comparatif-là, il est important parce que les réductions
des émissions qu'on fait aujourd'hui, c'est des coûts d'adaptation puis en
perte et préjudice qu'on s'évite dans le futur.
Le Président (M. St-Louis) : Merci
beaucoup. Je vous remercie infiniment, Mme Brouillette, pour votre contribution
aux travaux de la commission. Nous allons suspendre les travaux quelques
instants afin d'accueillir le prochain groupe. Merci.
Mme Brouillette (Caroline) : Merci
et au revoir.
(Suspension de la séance à 16 h 34)
(Reprise à 16 h 38)
Le Président (M. St-Louis) :
Alors, la commission reprend ses travaux. J'aimerais souhaiter la bienvenue à
MM. Langlois et Pascalon de Coalition Zéro Émission Québec. Alors, messieurs,
vous disposez de 10 minutes pour votre présentation. La parole est à vous.
M. Langlois (Mario) : Merci,
M. le Président. Mmes et MM. les membres de la commission, merci de nous
recevoir aujourd'hui. Je suis Mario Langlois, accompagné de mon collègue
Stéphane Pascalon, nous représentons la Coalition Zéro Émission Québec, un OBNL
qui travaillent depuis 2014 à accélérer la transition vers un transport routier
sans émissions au Québec. Nous siégeons notamment au comité de suivi de la
norme véhicules zéro émission depuis sa mise en œuvre. Nous vous remercions de
nous permettre de contribuer à cet exercice essentiel : la révision de la
cible climatique du Québec.
Notre message d'ouverture est
simple : la cible actuelle de réduction des GES ne doit pas être
affaiblie. Pour atteindre... pour l'atteindre, la norme véhicules zéro
émission, la norme VZE parfois, constitue l'outil... de loin l'outil le plus
efficace, le plus économique et le plus crédible à la disposition du Québec.
Pourquoi la cible doit être maintenue? La Loi sur la qualité de l'environnement
fixe un plancher légal, une réduction d'au moins 37,5 % sous les niveaux
de 1990, d'ici 2030, vous avez dû l'entendre souvent celle-là dans les derniers
jours. Il s'agit d'une obligation juridique. Cette cible n'est donc pas un plafond,
elle est un minimum. Ce principe est en ligne avec celui de non-régression de
l'Accord de Paris.
• (16 h 40) •
79 mégatonnes aujourd'hui,
85 mégatonnes en 90, ça représente une...
M. Langlois (Mario) : ...d'à
peine 7 %. Pour respecter la cible de 2030, il faudrait descendre autour
de 53 mégatonnes. Il reste donc environ 26 mégatonnes à réduire en
quelques années. Le Québec s'est positionné depuis des années comme un leader
nord-américain en électrification et en énergie propre. Nous ne manquons pas
d'ambition, nous avons longtemps manqué d'action. Le déficit actuel provient
d'un manque de mesures suffisamment fortes, pas d'une cible trop élevée. Avec
une électricité propre à... à plus de 90 % et des technologies matures, le
Québec est l'une des juridictions les mieux placées au monde pour atteindre
voire dépasser ses objectifs climatiques.
Le transport doit être au cœur de la
stratégie. Si le Québec veut combler son écart, il doit se concentrer sur le
secteur qui émet le plus : le transport. En 2022, le secteur du transport
a... a généré 43 % des émissions du Québec, soit plus que l'industrie, les
bâtiments et l'agriculture combinés. Et à lui seul, le transport routier
représente 32 % de toutes les émissions québécoises, c'est un secteur où
les émissions ont augmenté de 25 % depuis 1990, une tendance à rebours de
tous les autres secteurs. Or, contrairement à d'autres sources d'émissions
difficiles à éliminer, l'électrification du transport léger est un domaine où
les centres... où les solutions existent déjà, fonctionnent déjà et peuvent
être déployés très rapidement.
Le Québec dispose d'un avantage unique au
monde, alimenté des millions de véhicules électriques avec une énergie
pratiquement carboneutre. Chaque véhicule à essence remplacée par un véhicule
électrique représente donc une réduction nette et immédiate des émissions. Et,
contrairement à la reconstruction de réseaux énergétiques, l'électrification
s'arrime au cycle normal de renouvellement des véhicules, que ce soit pour les
ménages, les entreprises ou les administrations publiques. C'est pour ces
raisons qu'une action forte sur le transport est absolument incontournable et
c'est ce qui nous amène à l'outil qui fonctionne le mieux : la norme VZE.
Je passe maintenant la parole à Stéphane.
M. Pascalon (Stéphane) : Merci,
Mario. La norme VZE, c'est un instrument qui donne des résultats. La norme
véhicule zéro émission, c'est un règlement simple dans son principe : les
constructeurs automobiles doivent atteindre un pourcentage minimal de vente de
véhicules électriques ou hybrides rechargeables mesuré par un système de
crédit. Il s'agit d'une obligation de résultat, pas d'une mesure volontaire ou
incitative. Et le résultat est sans équivoque : 100 % des constructeurs
respectent la norme depuis son entrée en vigueur en 2018 au Québec et aussi
ailleurs dans le monde.
Nous avons observé, année après année, une
plus grande disponibilité des modèles électriques, des délais de livraison plus
courts, une concurrence accrue entre les constructeurs et même des surplus de
crédits qui montrent que l'industrie peut aller encore plus vite. Cette norme a
été le principal moteur de la croissance des ventes de véhicules électriques au
Québec, qui ont atteint plus de 22 % en 2024, un niveau comparable à celui
observé en Californie lorsqu'elle a consolidé sa propre norme.
Et cela n'a rien d'un phénomène isolé,
partout où une norme comparable est en vigueur, les résultats suivent. En 2024,
la Colombie Britannique avait 20,7 %, la Californie 25,3 %. Dans les
juridictions dépourvues de norme, la progression est généralement 2 à
3 fois plus lente, parce que les constructeurs priorisent toujours les
marchés où ils sont tenus d'atteindre des résultats.
D'un point de vue climatique, la norme VZE
est l'un des instruments les plus puissants jamais mis en place au Québec et
selon les analyses officielles du gouvernement, elle permettra
2,3 mégatonnes de réduction en 2030 et 5,9 mégatonnes en 2035, un
total de 26,4 mégatonnes cumulées entre 2025 et 2035. C'est à ce jour la
contribution directe la plus importante d'un seul instrument réglementaire dans
tout le secteur des transports. Et surtout, il s'agit de réductions réalisées
sur le territoire québécois, ce qui réduit la dépendance au marché du carbone
et renforce la souveraineté énergétique du Québec.
Mais la norme VZE n'est pas seulement
efficace, elle est également la solution la moins coûteuse. Pour les ménages,
le coût total de possession d'un véhicule électrique est souvent inférieur à
celui d'un véhicule thermique. On parle d'économies d'environ 1000 à
2000 $ par année sur l'ensemble de la durée de vie du véhicule. Cela
protège les familles contre la volatilité du prix du pétrole. Pour l'économie
québécoise, des analyses gouvernementales estiment que la norme générera
13 milliards de dollars de bénéfice net entre 2025 et 2035 ans
en conservant les niveaux actuels de la norme, donc un impact économique
fortement positif. Électrifier les transports, c'est aussi réduire notre
dépendance à des produits pétroliers entièrement...
M. Pascalon (Stéphane) : ...chaque
litre d'essence évitée, c'est plus de richesse qui reste au Québec. Nos
recommandations à la commission, à la lumière de ces éléments, sont très
claires. Premièrement, maintenir, au minimum, la cible actuelle de 37,5 %,
L'affaiblir serait contraire à la loi, contraire à l'Accord de Paris et surtout
contraire à l'intérêt public; renforcer la norme des aides; maintenir les
cibles progressives jusqu'en 2035 et éviter les exemptions qui dilueraient
l'impact, notamment l'inclusion de véhicules hybrides non rechargeables;
accélérer les investissements dans l'électrification; campagnes médiatiques
pour mieux éduquer le public sur les avantages, notamment, économiques des
véhicules électriques; déploiement de bornes de recharge publiques et privées;
intégration progressive des véhicules lourds là où les technologies sont
prêtes; et soutenir davantage l'accès aux véhicules électriques d'occasion pour
les ménages à revenus modestes. Mario, je vais te laisser conclure.
M. Langlois (Mario) : En
conclusion, la question posée par le gouvernement appelle une réponse sans
ambiguïté, on l'a dit, la cible québécoise de réduction GES ne doit pas être
vue à la baisse, doit être maintenue. Le Québec n'a pas un problème de cible,
il a un problème de vitesse d'action. Le transport léger est de loin le plus
grand secteur émetteur. La norme VZE est le seul instrument capable de
transformer rapidement et massivement le marché tout en générant des bénéfices
économiques et sociaux majeurs. L'électrification, grâce à l'électricité propre
du Québec est la solution la plus efficace, la plus simple, la moins coûteuse
et la plus stratégique pour renforcer notre économie et notre sécurité
énergétique. Le Québec a la possibilité réelle d'être parmi les leaders
mondiaux, de maintenir son leadership de la mobilité zéro émission. Il doit
saisir cette occasion dès maintenant. C'est ce qu'on vous demande.
Merci pour votre attention. On est
disposés à répondre à vos questions.
Le Président (M. St-Louis) :
Merci beaucoup, messieurs, pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter le
premier bloc d'échange. M. le ministre, je vous cède la parole pour un bloc de
16 min 30 s.
M. Drainville : Oui, merci
beaucoup de votre présentation. M. Langlois, si je ne m'abuse, vous êtes,
comment dire, un citoyen engagé depuis de nombreuses années, n'est-ce pas, sur
cet enjeu? Rappelez-nous...
M. Langlois (Mario) : Effectivement,
je suis un des fondateurs...
M. Drainville : ...ça fait
quoi, 20, 25 ans, non, quelque chose comme ça, hein?
M. Langlois (Mario) : ...je
suis un des fondateurs de la Coalition Zéro Émission Québec. Alors, depuis la
fondation, depuis aussi la fondation d'autres groupes, là, qui visent l'électrification
des transports, je suis effectivement impliqué dans ce milieu-là depuis plus
d'une quinzaine d'années.
M. Drainville : Bravo pour
votre... pour la constance de votre... de votre engagement.
M. Langlois (Mario) : Merci.
M. Drainville : Alors, vous
avez sans doute vu que la Colombie-Britannique a décidé, n'est-ce pas, de
renoncer à sa cible d'électrification des transports. Moi, j'ai été très
surpris qu'une province... qu'un État comme la Colombie-Britannique, qui a
longtemps été un leader, je dirais, avec le Québec, sur ces questions
climatiques, qu'elle décide de laisser tomber sa cible de 100 % pour 2035.
Ils ont essentiellement dit : On laisse ça au fédéral pour la suite des
choses. Le gouvernement fédéral qui a lui-même décidé de suspendre sa propre
cible qu'il devait fixer cet automne, on ne sait pas trop ce qu'il en est pour
la suite des choses.
À quoi vous attribuez, vous, ce recul du
côté de la Colombie Britannique? Qu'est-ce qui a fait qu'ils ont décidé de
laisser tomber leurs cibles d'électrification et leurs cibles également de
rabais, là, pour l'achat de véhicules électriques?
• (16 h 50) •
M. Langlois (Mario) : Comme
vous dites... vous disiez, j'ai suivi, depuis 15 ans, le domaine de
l'électrification des transports, mais je ne suis pas un spécialiste des
politiques... c'est-à-dire en matière de politique. J'ai l'impression que c'est
plus une réaction politique, ces décisions-là, qu'une décision qui est basée
sur la science et sur l'objectif de réduire les GES en utilisant
l'électrification des transports.
M. Drainville : D'accord. On
a eu des représentants de fabricants de voitures qui se sont présentés devant
cette commission et qui nous ont dit que, selon leurs projections, on pourrait
espérer avoir autour de...
M. Drainville : ...de ventes
de véhicules électriques à l'horizon 2030. Et je parle de vente annuelle de
nouveaux véhicules, donc les ventes de 2030 seront à 37 % électriques
selon... et je pense, hybrides branchables, je pense que c'était compris dans
le 37 %, on le vérifie à l'instant, mais bref, on est très, très loin de
l'objectif. Comment vous avez réagi? Enfin, je ne sais pas si vous l'avez
entendu, là, mais quand vous entendez ça, là, et que les fabricants de voitures
prédisent grosso modo que seulement un véhicule sur trois sera électrique, sera
vendu... en 2030 et sera électrique. Comment vous réagissez à ça?
M. Langlois (Mario) :
Je
vais réagir... je vais réagir, mais je vais aussi garder une place pour
Stéphane qui pourrait répondre en chiffres, là. Mais nous, ce qu'on pense,
c'est que la norme véhicule zéro émission telle qu'elle existe présentement,
avec les cibles qu'elle a année après année jusqu'en 2030, doit être maintenue.
Nous, ce qu'on sait aussi, c'est que les manufacturiers vont respecter ces
objectifs-là.
M. Pascalon (Stéphane) :
En
fait, M. Drainville, ce qu'on aperçoit à travers les différents discours des
manufacturiers automobiles, c'est qu'ils sortent un peu des chiffres à travers
du chapeau...leur chapeau, parce qu'ils ont sorti 37 % dans votre
commission, ils ont sorti 30 % dans d'autres commissions au Canada. Quand
on arrive en Colombie-Britannique, ils donnent d'autres chiffres et ils n'ont
rien pour...
M. Drainville : Donc ils ne
sont pas fiables. Selon vous, ils ne sont pas fiables.
M. Pascalon (Stéphane) :
Ils
n'ont rien pour étayer ces chiffres-là. Les chiffres que nous, on propose dans
la norme zéro émission que vous avez suivie, suivent les courbes d'adoption qui
sont réelles, basées sur ce qui s'est passé en Norvège, basé ce qui se passe
sur... en Angleterre, basé sur ce qui se passe en Chine, où on voit que ces
courbes d'adoption sont exactement selon la courbe de la norme zéro émission
actuelle.
M. Drainville : Très bien. Je
ne sais pas si vous étiez au courant, mais vous êtes notre dernier groupe, donc
on pourrait dire qu'on finit ça... on finit ça en beauté avec vous. Et j'ai le
goût de ramener un élément plus positif sur lequel je souhaiterais vous
entendre. Parce que je... je pense que dans le contexte actuel, il nous faut
rester mobilisés, mais il faut trouver le bon, le bon chemin, la bonne voie de
passage et surtout le bon équilibre. Et je l'ai dit d'entrée de jeu, au tout
début des travaux de cette consultation, j'ai rappelé que oui, la planète se
réchauffe à un rythme trop rapide. On est sur un horizon, une trajectoire, là,
d'autour de 2.5 %, là, selon le Programme des Nations Unies pour
l'environnement. Maintenant, s'il n'y avait pas eu l'accord de Paris, on serait
sur... une trajectoire de réchauffement à quatre degrés. Donc entre 2,5 et
trois, c'est encore beaucoup trop, on est, on est loin du 1,5 que l'on vise,
mais il ne faut pas perdre de vue que les efforts qui ont été faits depuis une
dizaine d'années à travers la planète nous ont quand même permis de faire des
gains. Et ça, je pense que c'est très important de le rappeler pour garder,
justement, pour que nos concitoyens se disent : ça vaut la peine de
continuer, ça... il ne faut pas lâcher, ça vaut la peine de continuer parce que
ça pourrait être mieux, mais ça pourrait être beaucoup pire sans les efforts
que les différents États ont faits. Est-ce que ça suscite une réflexion
particulière chez vous?
M. Pascalon (Stéphane) :
Oui,
bien, en fait, il faut bénéficier de ces gains-là pour surtout ne pas arrêter
le momentum et, au contraire, le renforcer. Et c'est pour ça qu'on voit que la
Californie, malgré le changement de la présidence aux États-Unis, n'a pas
changé ses cibles de réduction de GES et n'a pas changé sa norme zéro émission.
Donc, il faut absolument garder le cap et il faut ne pas suivre le lobby des
manufacturiers automobiles qui cherchent à faire croire qu'ils ne sont pas
capables de l'atteindre alors que dans la réalité, ils sont toujours capables
de l'atteindre. Donc oui, ces efforts-là payent. Oui, c'est des très beaux
résultats et en fait, on peut faire encore mieux pour un coût qui est nul pour
le Québec, puisqu'en fait, comme le rapport, l'analyse d'impact de la norme
zéro émission l'a démontré, c'est un gain de 13 milliards de dollars pour
la province de garder la norme zéro émission telle qu'elle est.
M. Drainville : Excusez-moi,
vous citez quel rapport, là?
M. Pascalon (Stéphane) :
Le
rapport d'analyse d'impact du renforcement de la norme zéro émission qui a été
fait par le MELCCFP en 2023 ou 2024.
M. Drainville : D'accord,
très bien. Parce que le rapport qui a été déposé devant cette...
M. Drainville : ...en
prévision des consultations démontrait quand même qu'il y avait un coût
économique, là, lié à l'atteinte des... de la présente... présente cible, là,
pour...
M. Pascalon (Stéphane) : Tout
à fait. Tout à fait. Il y a... Il y a un coût économique à l'atteinte du
37,5 % si on prend l'ensemble des industries. Dans notre cas, on se
concentre sur le transport. Et ce qu'on voit ici, c'est que le transport peut
réduire de manière importante les GES avec un bénéfice pour le Québec, donc,
sans coût économique pour le Québec. L'industrie du transport est celle qui va
permettre d'enrichir le Québec et d'atteindre les cibles en même temps. Et
c'est pour ça qu'on parle de la norme zéro émission comme étant le meilleur
moyen pour atteindre cet objectif-là. On comprend que pour l'industrie, pour le
bâtiment, pour l'agriculture, il peut y avoir des coûts et des risques, mais
dans le cadre du transport, particulièrement quand on parle des véhicules
légers, il n'y a que des bénéfices pour le Québec de le faire. Donc, il n'y a
aucune raison de ralentir le momentum qui est déjà en marche.
M. Langlois (Mario) : Et
non seulement il n'y a... Si vous permettez, il n'y a aucune raison de ralentir
le momentum, mais s'il y a moyen de même augmenter le momentum dans le cadre de
la norme de véhicule zéro émission, par exemple, si le ministre décidait de
changer la réglementation pour les cibles de 2027, 2028, 2029, en exemple, ce
qui pourrait être fait assez facilement, attribuer plus de crédits zéro mission
à un véhicule 100 % électrique et un peu moins de crédit zéro émission à
un véhicule hybride rebranchable en favorisant aussi... Évidemment, on est
conscients de l'annonce qui a été faite hier pour l'écocamionnage, ça aussi,
c'est important puis ça va devenir de plus en plus important pour accélérer
encore plus la réduction des GES grâce au transport.
M. Drainville : Vous
avez noté qu'on a renouvelé le programme d'écocamionnage hier, hein, j'imagine,
vous avez vu ça?
M. Langlois (Mario) :
Oui, on a vu ça. On est très heureux de l'annonce. Mes félicitations! En même
temps, on est conscients aussi qu'il y a du retard à prendre parce que ça fait
longtemps qu'il y a des...
M. Drainville : Oui.
M. Langlois (Mario) :
...des actions qui auraient pu être prises...
M. Drainville : D'accord.
M. Langlois (Mario) :
...mais c'est une bonne nouvelle.
M. Drainville :
D'accord, merci. Merci beaucoup pour votre participation. Et je cède la parole
à ma collègue de Laviolette—Saint-Maurice. Merci et bon succès pour la suite.
Le Président (M. St-Louis) :
Mme la députée, la parole est à vous.
Mme Tardif : Merci.
Merci d'être là. Je voulais avoir votre... votre opinion, votre regard. Parce
que, oui, le transport, l'électrification des transports est extrêmement
important, parce que vous nous l'avez dit et on le sait, là, c'est une source
majeure de polluants surtout le transport lourd. Par contre, nous qui
représentons des travailleurs en région, des travailleurs forestiers, des
travailleurs agricoles entre autres, j'aimerais avoir votre regard par rapport
à un scénario pensable, positif sur l'horizon que pourrait avoir une
électrification, et si c'est possible de penser qu'un jour les transports de
camions de bois, la machinerie en forêt, les camions qui vont sur les routes
forestières puissent avoir cette autonomie-là et cette force-là, surtout en
hiver, parce qu'on le sait que les batteries sont plus ou moins fiables
actuellement. Donc, quel est votre horizon? Parce qu'en cinq ans, c'est...
c'est rapide, là.
M. Pascalon (Stéphane) :
Alors, nous, on se concentre particulièrement sur les véhicules légers. Donc
là, pour l'instant, les véhicules légers, on sait qu'on pourrait viser
100 % des véhicules légers électriques au Québec d'ici 2035. C'est tout à
fait réalisable. Quand on parle de transport lourd, ce qu'on remarque, c'est
qu'il y a à peu près 40 % des transports faits par camion aujourd'hui, qui
peuvent être faits par des véhicules électriques déjà disponibles sur le
marché. L'autre 60 % est plus complexe, mais on voit à quel rythme les technologies
évoluent. Parce que si on remonte il y a 10 ans en arrière, en 2015 et
vous me disiez : Est-ce qu'on pourrait électrifier tous les véhicules
légers au Québec? On vous aurait peut-être dit non, parce qu'à ce moment-là ce
n'était pas le cas. Donc les technologies évoluent et donc c'est certain que
d'ici 2035, il y aura des solutions pour électrifier ces véhicules plus
complexes ou ces cas d'utilisation un peu plus complexes. Donc, on peut penser
que d'ici un horizon 2050, on aura 100 % des véhicules de transport
électrifiés. Mais commençons par ce qui est, et c'est ça qu'on recommande,
c'est commençons par ce qui est simple et ce qui est faisable. Ça ne sert à
rien de se casser la tête, d'investir beaucoup d'argent sur des choses qui sont
complexes quand on a des choses simples qui peuvent être faites, électrifier
les véhicules légers.
• (17 heures) •
Mme Tardif : Merci.
Le Président (M. St-Louis) :
M. le ministre, vous disposez toujours de quatre minutes.
M. Drainville : Oui, mais
très bien. Je... Ah oui, une question que je voulais...
17 h (version non révisée)
M. Drainville : ...vous posez.
Dans votre mémoire, vous dites que vous soutenez que toute modification... alors
vous... vous recommandez de maintenir la cible et vous soutenez que toute
modification devrait servir à renforcer l'ambition climatique du Québec,
particulièrement par l'élargissement massif de l'électrification des
transports. Bon, tout à l'heure, vous avez parlé du fait que vous souhaitiez
que les crédits qui sont accordés aux voitures... électriques, à 100 %
électriques, soient davantage importants soient plus importants en relation
avec les hybrides branchables, puis je pense que vous avez même parlé des
hybrides non-branchables. Comme vous le savez, les hybrides non-branchables
vont obtenir 0.25 crédit pour encore deux ans et par la suite, il n'y aura plus
de pointages qui leur seront attribués, il n'y aura plus de points qui leur
seront attribués. Vous savez que ce que nous avons annoncé... bon, oui, on a
abaissé de 190 %, là, d'ici 2035, mais mettons que ça n'a pas
nécessairement été reçu avec beaucoup d'enthousiasme par l'industrie. Comment...
comment... comment concilier, dans votre esprit, les velléités ou les besoins
exprimés par l'industrie ou les... comment dire, les revendications de l'industrie,
tient... et la fixation d'une norme comme celle-là? Parce que moi, j'ai essayé,
encore une fois, là, c'est le maître mot, de trouver un équilibre, de garder
une cible qui reste très, très ambitieuse, là, mais en même temps d'envoyer un
signal qu'on était... qu'on était, comment dire, conscients des difficultés
créées par le nouveau contexte. Donc, on a essayé de trouver le juste
équilibre, mais c'était encore insuffisant pour... pour les représentants,
enfin, certains représentants, en tout cas, de l'industrie trouvaient que 90, c'est
encore trop élevé. Comment vous réagissez quand vous entendez ce discours?
M. Pascalon (Stéphane) :
Il
y a deux points dans votre question, et en fait, le 90 % est une cible qui
est, comme vous dites, très raisonnable et qui reste ambitieuse. Idéalement, on
aimerait 100 %. Les manufacturiers automobiles en 2016 ou 2017, quand on
parlait de norme zéro émission, étaient déjà alarmistes en nous disant qu'ils n'étaient
pas capables d'atteindre... qu'ils ne seraient pas capables d'atteindre les
cibles en 2017, qui ne seraient pas capables d'atteindre les cibles en 2018, et
à chaque fois qu'on leur a mis une cible, ils nous ont toujours dit qu'ils n'ont
jamais été capables. L'histoire nous montre qu'ils ont toujours été capables de
se conformer. Donc c'est simplement une politique de peur pour vous décourager
de vous engager là-dedans, mais ce n'est absolument pas basé sur des faits.
Concernant les véhicules hybrides, il faut... non rechargeables, il ne
faut absolument pas les mettre dans la norme... ils ne sont pas encore dans la
norme actuellement. Tant qu'il n'y a pas eu de changements qui ont été faits au
règlement, il ne faut absolument pas les mettre dans la norme parce que ce ne
sont pas des véhicules zéro émission, ce sont des véhicules dont 100 % de
l'énergie provient de l'essence, d'accord? L'ensemble de l'énergie qu'ils
créent provient de l'essence, donc il faut... Même si... si ça ne dépendait que
de nous, les véhicules hybrides rechargeables ne devraient même pas être
considérés comme des véhicules zéro émission. On le fait parce qu'ils ont une
portion qui roule électrique et surtout, ça permet le déploiement de bornes de
recharge et qui va permettre aux gens d'avoir des bornes de recharge pour quand
ils vont faire l'acquisition d'un véhicule électrique par la suite. C'est pour
ça que les... c'est pour ça que les hybrides rechargeables sont intéressants à avoir,
mais les hybrides non rechargeables, ça, aucune juridiction au monde n'a
intégré ces véhicules-là dans une norme zéro émission.
Le Président (M. St-Louis) : Merci
beaucoup, M. Pascalon, merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à la
porte-parole de l'opposition officielle, vous disposez de 9 min 54 sec.
Mme McGraw : Merci, M. le
Président, et merci pour votre... votre présence en virtuel et votre
présentation, votre mémoire. Alors, première question concernant la cible. Vous
affirmez qu'il serait irresponsable d'affaiblir la cible actuelle puisqu'elle
est inscrite dans la loi et conforme à l'accord de Paris. Dans un premier
temps, pourquoi, selon vous, c'est essentiel de maintenir au minimum, hein,
vous dites, au minimum la cible. Et on reconnaît qu'à l'intérieur de tout ça,
il y a les... le secteur de transport représente le secteur le plus important en
termes de contribution aux GES et c'est le secteur, si on comprend bien, qui
fait... qui a eu le moins réduction, aussi, en pourcentage comparé, par exemple,
à l'industrie. Donc il faut... est ce... de façon plus générale, le secteur du
transport, où... c'est où, le nerf de la guerre, c'est où le... l'enjeu à l'intérieur
de ce secteur-là pour réduire les GES?...
M. Langlois (Mario) : ...vas-y,
Stéphane. Je vais compléter si nécessaire.
M. Pascalon (Stéphane) : OK.
Le secteur des transports n'a pas réduire ses émissions de gaz à effet de serre
parce qu'il y a eu un nombre croissant de véhicules sur les routes et il y a eu
une taille croissante des véhicules sur les routes. Donc, les manufacturiers
automobiles ont rencontré les objectifs d'émissions EPA pour réduire les
émissions polluantes des véhicules. Mais comme les véhicules grossissent
tranquillement et qu'il y en a de plus en plus sur les routes, le transport a
généré de plus en plus de GES. Le transport lourd a aussi une part importante
parce qu'il y a plus en plus de transport de marchandises qui se fait pour
lequel il y a une part importante. Donc, nous, ce qu'on dit aujourd'hui, c'est
qu'il y a une solution technique qui existe, c'est le véhicule électrique qui
réduit de 100 % les émissions diverses. Et donc ce qui est important,
c'est que les gens puissent passer d'un véhicule qui émet des émissions à un
véhicule qui émet zéro émission, là où ça peut être fait facilement et
rapidement.
Mme McGraw : Donc, c'est ça
que vous parlez justement que le secteur des transports représente presque
75 % des émissions du secteur... pardon, le transport routier.
M. Pascalon (Stéphane) :
Transport routier, oui.
Mme McGraw : Et que le
secteur des transports en général représente 43,3 % des émissions totales
au Québec, et à l'intérieur de ça, il y a le routier, puis à l'intérieur de ça il
y a le transport lourd et le transport des véhicules. Donc le nerf de la
guerre, c'est le transport routier et le transport lourd. Et les véhicules, pourcentage,
routiers?
M. Pascalon (Stéphane) : Oui,
en fait si on électrifier tout le parc automobile de véhicules légers, on
arriverait à une réduction globale de GES au Québec de 16 %. Donc, ça veut
dire qu'on aurait fait la moitié du chemin de la cible de 37,7 % qui nous
manque, et il nous manque 19 % de ce qu'on a vu.
Mme McGraw : Correct.
M. Pascalon (Stéphane) : Donc,
on pourrait... si on avait 100 % de véhicules électriques sur les routes
en 2030, on pourrait réduire de 16 %.
Mme McGraw : OK.
M. Pascalon (Stéphane) :
Alors, on sait qu'on n'arrivera pas à ce chiffre-là. D'accord? Mais on sait
quand il ne faut absolument pas ralentir, sinon on voudrait pouvoir se
rapprocher de la cible. Ça,c'est s'il y avait uniquement le transport qui
contribuait. On sait qu'il y a d'autres mécanismes, qu'il y a d'autres secteurs
qui vont contribuer. Donc, ce qu'on souhaite, c'est accélérer ou garder le
momentum sur un secteur qui est capable de générer une réduction du niveau au
Québec immédiatement et qui ne passe pas à travers un marché de carbone.
Mme McGraw : Tout à fait.
Puis les groupes nous ont dit...
M. Langlois (Mario) : Et
qui... qui est avantageux aussi d'un point de vue économique pour le Québec.
Excusez-moi d'intervenir.
Mme Girard (Marie-Claude) :
Allez-y.
M. Langlois (Mario) : Mais
qui est aussi en même temps avantageux d'un point de vue économique. Ce n'est
pas une dépense, au contraire, c'est des revenus que ça génère. Je veux dire,
c'est la balance, on travaille sur la balance commerciale c'est-à-dire moins
de... on importe moins de pétrole et on vend plus de notre électricité.
Mme McGraw : Tout à fait. Et
les groupes nous disent deux choses. Ils nous disent : Premièrement, il
faut prioriser les réductions ici sur le territoire québécois. Et on nous dit
aussi qu'il faut... il faudrait voir la transition climatique comme un levier
économique et non comme un obstacle économique, donc vraiment, ce que vous
décrivez, c'est vraiment... ça décrit très bien la situation.
Mais juste pour reprendre, donc 16 %
de réduction de GES qui correspond plus ou moins, là, il faut viser un autre
18 %, 19 %, représente si on faisait 100 % électrification des
véhicules légers, mais vous dites en même temps ça ne va pas être possible
d'ici 2030 de le faire. Donc, quel pourcentage ce serait possible d'ici 2030?
Quelle contribution on pourrait envisager pour atteindre notre cible?
M. Pascalon (Stéphane) : Bien,
en fait, il faut garder les cibles actuelles de la norme VZE qui utilise de
l'ordre de 70 %... En fait, je vais chercher le chiffre exact, là.
M. Langlois (Mario) : En
2030, 22 milliards...
M. Pascalon (Stéphane) : En
2030, c'est quatre... quatre fois. C'est de l'ordre... c'est de l'ordre de 75 à
80 % en 2030. Mais ce qui veut dire, c'est que ce chiffre-là va générer,
dans le parc automobile, dans la flotte totale au Québec, ça va générer que
simplement 35 % des véhicules vont être électriques. En fait, on vise
2 millions de véhicules électriques en 2030. Donc ça, ça veut dire que ça
va contribuer à 35 % du 16 % des... qu'on vous a donnés tout à
l'heure, hein. Donc, ça va donner à peu près 6 %.
• (17 h 10) •
Mme McGraw : Un tiers à peu
près.
M. Pascalon (Stéphane) :
Voilà, à peu près 5 % à 6 %.
Mme McGraw : Et voilà! Donc,
un tiers de 16 %, ce n'est quand même pas négligeable.
M. Langlois (Mario) : Voilà.
Et ça, c'est sans compter... il y a aussi...
M. Pascalon (Stéphane) : C'est
non négligeable.
M. Langlois (Mario) : C'est
sans compter aussi l'impact qu'aurait l'électrification rapide des camions, là,
tu sais, des véhicules lourds. Ça, ça se rajouterait comme réduction du GES.
Mme McGraw : Donc, avec ça,
ça serait un ajout de quel pourcentage...
Mme McGraw : ...OK. C'est...
Vous n'avez pas les chiffres. Mais, si je comprends bien, vous voulez qu'on
maintienne la cible? Vous parlez de ce serait irresponsable de reculer, vous
voulez... Puis là vous avez des... des données qui disent : Bon, voilà le
secteur transport, voilà la contribution qui n'est pas... quand même, évidemment,
une contribution très importante compte tenu du secteur transport qui est...
qui contribue le plus aux GES au Québec. Donc, voilà aussi où on peut trouver
les solutions.
M. Pascalon (Stéphane) : Le
Québec n'a aucun intérêt économique à ralentir sur la norme VZE et n'a aucun
intérêt environnemental à ralentir sur la norme VZE, d'accord? Et on sait, par
expérience, en regardant ce qui s'est passé dans d'autres pays que les
manufacturiers automobiles sont en mesure de se conformer à la norme et de
rencontrer des objectifs puisque ce n'est pas des courbes de croissance qui
sont supérieures à ce qui a été observé dans d'autres pays.
Mme McGraw : D'ailleurs,
votre mémoire indique que la norme VZE génère 13 milliards de dollars
de gain économique et jusqu'à 2 000 $ d'économie par ménage. Ce n'est
pas négligeable non plus. Donc, encore une fois, au niveau économique, c'est...
c'est important.
M. Pascalon (Stéphane) : C'est
100 à 200 dollars par mois par famille qui peuvent être économisés s'ils
remplacent un transport par un véhicule... d'un véhicule thermique par un
véhicule électrique. Et le 13 milliards, ce n'est pas nous qui avons créé
ce chiffre-là, c'est le rapport du gouvernement sur l'analyse d'impact de la
norme VZE. Donc, c'est un chiffre qui a été validé par les fonctionnaires du
gouvernement.
Mme McGraw : Donc, vous
concluez que le vrai problème, ce n'est pas la cible, mais c'est vraiment la
vitesse et l'intensité de l'action. Donc, c'est la mise en œuvre,
effectivement.
Donc, juste en conclusion, je pense qu'il
nous reste à peu près 1 min 30 s à peu près, quelles seraient...
quelles mesures concrètes devraient être accélérées, priorisées pour combler
l'écart avant 2030? Est-ce qu'on... est ce qu'on recule, est-ce qu'on avance
sur les mesures concrètes? Quelles seraient ces mesures là, concrètes, pour...
à prioriser?
M. Pascalon (Stéphane) : La
mesure concrète, c'est de conserver la norme zéro émission telle qu'elle est,
d'accord, de ne pas changer la norme zéro émission et de... de continuer les...
les différentes mesures d'accompagnement que le gouvernement a mis en place,
particulièrement des campagnes de sensibilisation auprès du public sur l'impact
économique positif des véhicules électriques. On... on a beaucoup de campagnes
de peur sur les véhicules électriques, comme quoi ça ne marche pas en hiver,
etc. Je pense que de Fermont et une des villes au Québec où... qui fait partie
des villes où il y a le plus de véhicules électriques et ce n'est pas mal dans
le nord du Québec.
Mme McGraw : Donc, c'est
garder le cap sur la cible, mais aussi garder le cap sur les mesures de façon
très concrète et ne pas reculer sur les mesures.
M. Pascalon (Stéphane) : Exactement.
M. Langlois (Mario) : Et ne
pas reculer sur les mesures mais aussi électrifier les... les véhicules lourds
aussi et puis accélérer l'électrification des véhicules, ça, c'est quelque
chose où on a... on avait déjà des projets, mais ils ont été mis sur la glace
par je ne sais qui... moi, si on avait avancé il y a 18 mois, ou il y a
15 mois, ou il y a 12 mois, on serait déjà rendus plus loin. Et il y
a des industries qui auraient... qui auraient pu mettre sur pied des projets
qui auraient été aujourd'hui concrets. Alors, il va falloir mettre de l'énergie
là-dessus et... et aller chercher les fonds qui ne sont plus dans le Fonds
vert.
M. Pascalon (Stéphane) : Les
mesures doivent être connues et prévisibles.
M. Langlois (Mario) : Oui.
Pour rassurer l'industrie.
M. Pascalon (Stéphane) : Le
changement d'écocamionnage qui est... qui a disparu et qui est revenu, le
rabais à l'achat qui a disparu au mois de février a eu un impact énorme
février, mars. L'incitatif provincial a disparu, ça a eu un impact énorme sur
les ventes de véhicules électriques. Donc, il faut une politique stable et
prévisible.
Le Président (M. St-Louis) : Alors
merci beaucoup, messieurs. Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole
au porte-parole du deuxième groupe de... deuxième opposition, pardon.
M. Grandmont : Merci, M. le
Président. Merci à vous deux d'être présents. Merci pour votre mémoire.
J'aimerais d'abord commencer sur la norme VZE, la, qui a été réduite de 100 à
90 %, là. Comment ça s'opère concrètement, là, tu sais, dans l'offre, qui
fixe, comment ça fonctionne au niveau des concessionnaires, des manufacturiers
cette... cette offre qui passe de 100 à 100? C'est quand même assez facile, on
le sait qu'à partir d'une telle date ça doit être l'ensemble des véhicules qui
sont vendus, qui sont électriques ou hybrides branchables. Mais 90 %, qui
fixe le 90 et le 10?
M. Langlois (Mario) : Alors,
c'est la norme qui fixe le 90 ou le 100.
M. Grandmont : Mais comment
ça arrive concrètement, là, dans nos... chez les concessionnaires?
M. Langlois (Mario) : Alors
là, le... les concessionnaires, il faut dire une chose, là, parce que je
sais... on sait très bien qu'il y a beaucoup de concessionnaires au Québec qui
ont fait beaucoup de lobby auprès de chaque député, probablement, là, dans leur
comté, alors que la norme...
M. Langlois (Mario) : ...elle
ne s'applique aucunement au concessionnaire. La norme véhicules zéro émission
ne s'applique qu'aux manufacturiers. Alors, les seuls qui ont des obligations,
des objectifs à atteindre, ce sont les manufacturiers. Si le gouvernement dit
aux manufacturiers : En 2026, ça va être tant de % en véhicules
électriques, les manufacturiers vont respecter la norme...
M. Grandmont : Donc, il y a
comme un décalage, en fait, entre ce qui est produit puis ce qui arrive chez
les concessionnaires aussi. Ça veut dire que c'est plus tard.
M. Langlois (Mario) : C'est-à-dire
que les concessionnaires... dans certaines régions, il y a certains
concessionnaires qui pourraient avoir un marché, par exemple, dit plus
difficile que d'autres et ces concessionnaires-là ne sont pas obligés d'avoir
des véhicules électriques s'ils ont de la misère à vendre des véhicules
électriques dans une région donnée. Les autres régions...
M. Pascalon (Stéphane) : Les
manufacturiers s'alignent sur... les manufacturiers s'alignent sur la norme
pour donner les allocations aux concessionnaires, donc, quand ils font les
allocations de stock aux concessionnaires, ils le font exactement en fonction
de la norme basée sur le nombre de ventes de l'année précédente. S'il y en a un
qui a vendu plus d'électriques, il va en avoir plus que l'autre, etc., mais ils
suivent les objectifs de la norme. Ce que l'on voit aujourd'hui, c'est que
cette norme-là crée des allocations supplémentaires chez certains
concessionnaires qui obtiennent des rabais du manufacturier pour mettre en
vente des véhicules électriques. Et, si vous avez regardé, au mois de novembre,
les F-150 électriques étaient au même prix que les F-150 à essence. Donc, il
n'y a plus de surcoût à l'achat pour un véhicule électrique grâce à la norme.
M. Grandmont : Mais donc
chaque manufacturier, dans le fond, est tenu de produire... en 2035, là, au
minimum 90, disons qu'il respecte la norme VZE, et 10 % non, et après
ça la distribution se fait au regard d'un paquet d'autres paramètres.
M. Pascalon (Stéphane) : Exactement.
M. Langlois (Mario) : S'ils
ne le font pas, ils vont respecter la loi autrement, en achetant des crédits
zéro émission de manufacturiers qui ont dépassé la norme.
M. Grandmont : Ah! bien oui,
parce qu'évidemment c'est possible, c'est ça.
M. Pascalon (Stéphane) : Et
il faut rappeler... et il faut rappeler... il faut rappeler que cette norme ne
s'appelle... ne s'applique qu'aux grands manufacturiers, ça veut dire que les
petits manufacturiers peuvent encore vendre des véhicules à essence. Donc...
M. Grandmont : Oui,
évidemment. Je voudrais vous entendre sur un autre truc, les autoroutes
électrifiées pour le camionnage. Vous avez sûrement déjà vu ça, là, des
autoroutes, on en voit en Europe notamment, là, qui sont électrifiés puis les
camions par caténaire sont alimentés en électrique... en électrique pour avoir
des plus petites batteries qui sont utiles uniquement en ville, là.
Le Président (M. St-Louis) : En
15 secondes, s'il vous plaît.
M. Grandmont : 15 secondes.
Êtes-vous favorable à ça? Ça a-tu du bon sang?
M. Pascalon (Stéphane) : C'est
une autre... c'est quelque chose à regarder. Ça coûte extrêmement cher en
investissement initial. Donc, dépendamment de l'évolution des technologies,
c'est quelque chose qu'il faut juste regarder comment les technologies
évolueront.
M. Grandmont : Parfait. Je
vous remercie.
Le Président (M. St-Louis) : Merci.
Je cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine. Vous disposez
de trois minutes 18 secondes.
M. Arseneau : Merci, M. le
Président. Merci à vous deux pour votre présentation, pour les réponses
éclairantes. J'ai une petite question sur la réduction de la norme ou de
l'objectif 2035 de 100 % à 90 % de vente de véhicules
électriques. Vous aviez réagi comment, là, à cette décision?
M. Langlois (Mario) : Alors...
Bien, je peux y aller, Stéphane, rapidement. Nous, on n'est pas favorable à une
réduction à quelque façon que ce soit. Et d'ailleurs, à mesure qu'on dilue la
norme, on sait qu'il y a des aspects dans l'économie et aussi écologiques qui
vont... qui vont succomber, là, c'est-à-dire qu'ils vont... On n'aide pas le
Québec. On n'aide pas à mieux se... à avoir un meilleur taux de santé. On
n'aide pas à l'économie du Québec. Alors, c'est quelque chose qui est pour
nous... Et, je comprends, c'est une décision politique puis il y a une tendance
vers ça, alors... mais, en ce qui nous concerne, pourquoi... pourquoi...
M. Pascalon (Stéphane) : C'est
un compromis qu'on avait déjà fait au moment de la mise en place de la norme
VZE, où, finalement, on visait 2030 au départ, on l'a décalé à 2035. Donc, en
fait, on va de compromis, en compromis, en compromis pour toujours diminuer les
choses, alors qu'on devrait garder en 2030. On a enlevé l'interdiction de la
vente des véhicules... de véhicules thermiques en 2035, ce qui est une bonne
chose, ça laisse la liberté aux petits manufacturiers de continuer à vendre des
voitures à essence et ça laisse le choix aux consommateurs qui voudront encore
acheter des voitures à essence à ce moment-là s'ils veulent s'endetter... payer
cher du pétrole.
• (1 h 20) •
M. Arseneau : Excellent.
Maintenant, pour ce qui est des programmes incitatifs, comme Roulez vert, là,
qui va aller en s'amenuisant puis les mesures fédérales qui sont encore
suspendues, à ce que je sache, est-ce que... est-ce que vous êtes favorables au
renouvellement des mesures incitatives ou si vous pensez que le marché peut
vraiment s'ajuster et offrir des véhicules à prix abordables pour les gens qui
souhaitent, effectivement, faire la transition?
M. Pascalon (Stéphane) : Alors,
le marché peut s'ajuster. Et, en fait, à partir du moment où il y a une
prévisibilité dans la réduction de ces incitatifs, comme on le voit
actuellement, où on sait qu'au 1ᵉʳ janvier ça va diminuer puis on sait que
ça va disparaître l'année suivante, les ménages peuvent prévoir leurs achats en
conséquence et les concessionnaires peuvent prévoir aussi... bon, les
manufacturiers peuvent prévoir en conséquence. Donc, tant qu'il y a une prévisibilité,
le...
M. Pascalon (Stéphane) : ...fait
que ça diminue, ce n'est pas la fin du monde. Comme je vous le disais tout à
l'heure, le F-150 électrique est aujourd'hui au même prix que le F-150 à
essence.
M. Arseneau : Mais ça, c'est
très intéressant, mais est-ce que c'est l'exception qui confirme la règle ou
est-ce qu'il y a d'autres catégories de véhicules, sachant que les véhicules
qui sont vendus sont les véhicules à... les plus populaires, à essence de plus
en plus gros, des SUV, avec... qui transportent de moins en moins de personnes?
On avait la présentation du professeur Pineau hier. Comment est-ce qu'on va à
l'encontre de cette tendance lourde, disons?
Le Président (M. St-Louis) : En
30 secondes, s'il vous plaît?
M. Pascalon (Stéphane) : Alors
là, il faudra aller trouver d'autres moyens que le véhicule électrique. Il
faudra probablement mettre... puis c'est une des propositions qu'on a, c'est de
dire : Il faudrait faire une taxe à l'immatriculation des véhicules en
fonction du poids des véhicules, qui s'applique à tous les véhicules,
thermiques et électriques, d'accord, et qui, à terme, remplacera la taxe sur
l'essence, probablement. Donc, c'est des choses comme ça qu'il faut envisager
pour aider les gens à réduire la taille de leurs véhicules. Mais la parité des
prix va arriver en 2028, on parle de 2027-2028 selon les différentes études
qu'on voit pour la parité des prix entre les véhicules électriques et les
véhicules à essence.
M. Arseneau : Merci beaucoup...
Le Président (M. St-Louis) : Merci
beaucoup, messieurs. Ceci conclut notre dernier bloc d'échange. Un grand merci
pour votre contribution aux travaux de la commission.
Donc, avant de conclure les auditions, je
procède au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été
entendus lors des auditions publiques.
M. le ministre, membres de la commission,
je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.
La commission, ayant accompli son mandat,
ajourne ses travaux au jeudi 4 décembre 2025, à 15 heures, où elle se réunira
en séance de travail. Merci.
(Fin de la séance à 17
h
22)