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Version préliminaire

43rd Legislature, 2nd Session
(début : September 30, 2025)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Wednesday, December 3, 2025 - Vol. 48 N° 5

Consultations particulières et auditions publiques sur le document intitulé : Consultation sur la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec


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Journal des débats

15 h (version non révisée)

(Quinze heures une minute)

Le Président (M. St-Louis) : Alors, bonjour à toutes et à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. La Commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le document intitulé Consultation sur la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec. Mme la secrétaire, il y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président, M. Derraji (Nelligan) est remplacé par Mme McGraw (Notre-Dame-de-Grâce), M. St-Pierre Plamondon (Camille-Laurin) est remplacé par M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine).

Le Président (M. St-Louis) : Merci. Alors, nous entendrons cet après-midi les organismes suivants : Réseau de recherche en économie circulaire du Québec, conjointement avec le Centre d'études et de recherche intersectorielle en économie circulaire. Ce sera suivi du Réseau Action Climat Canada et Coalition zéro émission Québec. Donc, nous allons débuter, Messieurs Normandin et... je cherche votre nom, désolé.

M. Laplatte (Benjamin) : Laplatte.

Le Président (M. St-Louis) : Laplatte, merci. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation. Ce sera suivi d'un premier bloc d'échange avec la banquette gouvernementale. La parole est à vous.

M. Normandin (Daniel) : Merci, M. le Président, M. le ministre Drainville, mesdames, messieurs membres de la commission. Mon nom est Daniel Normandin, je suis le directeur du Centre d'études et de recherches intersectorielles en économie circulaire de l'École de technologie supérieure et je suis également directeur exécutif du Réseau de recherche en économie circulaire du Québec. Je suis accompagné, donc, de mon collègue, le directeur adjoint M. Benjamin Laplatte. Notre intervention va se dérouler en deux parties, la première va être présentée par mon collègue M. Laplatte et la seconde, par moi même. Donc, je vais céder tout de suite la parole à mon collègue.

M. Laplatte (Benjamin) : Merci, Daniel. Au nom du CERIEC et du réseau de recherche en économie circulaire du Québec, merci de nous accueillir. En fait, nous venons ici vous parler de la contribution de l'économie circulaire à la décarbonation, avec trois responsabilités qui nous animent, aujourd'hui. Premièrement, une responsabilité scientifique en vue d'éclairer objectivement les membres de la Commission à partir de ce que nous disent les données et nos observations à l'international. Une responsabilité sociale et territoriale qui nous anime, également, de par le nombre de partenaires avec lesquels nous collaborons régulièrement, on pense aux municipalités, aux entreprises et aux citoyens qui vivent déjà durement les impacts climatiques dans leur quotidien, et souvent, ce sont les personnes les moins nanties qui en souffrent le plus, d'ailleurs. Évidemment, une responsabilité intergénérationnelle que nous partageons avec vous, les membres de la commission, par rapport aux décisions que nous prendrons aujourd'hui et qui vont façonner le Québec de demain. Le message essentiel de notre intervention, c'est que le débat sur la cible 2030 auquel nous sommes conviés aujourd'hui n'est pas que technique par rapport à des pronostics de résultats...  de scientifiques, même s'ils sont importants. C'est d'abord un choix de société pour les citoyennes et les citoyens du Québec d'aujourd'hui et de demain.

Cela dit, ce n'est pas parce qu'un choix de société fait consensus qu'il s'agit nécessairement d'un choix facile. Et vous avez raison, M. le ministre, quand vous dites qu'il faut dire la vérité aux gens, même si on veut être du bon côté de l'histoire. Le Québec, dans son histoire, a fait plusieurs choix difficiles dans le passé et relevé des défis dont on peut être fiers aujourd'hui. Le défi climatique n'est pas différent. Il est aussi complexe qu'incontournable. Mais nous avons les moyens de le relever, particulièrement parce que nous n'avons pas encore tout essayé et c'est ce que nous allons tenter d'aborder avec vous aujourd'hui. Un mot rapide sur l'enjeu du signal envoyé par la cible, cependant, pour nous, l'idée de l'abaisser parce qu'elle semble difficile à atteindre revient un peu à abaisser la note de passage en plein milieu d'un examen, parce qu'on pense que la classe aura de la difficulté. Nous estimons que personne ne persévère ni ne progresse en nivelant par le bas. J'ajouterai même que les contraintes sont un moteur d'innovation. Il faut le rappeler, la cible de 2030 n'est qu'un jalon vers 2025 et idéalement, vers 2045 pour la neutralité. Pour nous, l'enjeu réel n'est pas tant la cible, mais les moyens que nous déployons, et là dessus, le Québec est certainement perfectible. Trois éléments : le FECC, premièrement, est un levier d'investissement qui manque autant de planification que d'agilité. La transition vers l'économie circulaire est sous-exploitée et sous financée et nous y reviendrons largement. Plusieurs de nos politiques publiques ne sont pas coordonnées comme elles le devraient. Alors, pourquoi ne pas abaisser la cible malgré tout? Quelques raisons pour la population : cela enverrait pour nous un message impopulaire que la lutte climatique n'est plus prioritaire, voire accessoire, en regard des réalités vécues, particulièrement dans les...

M. Laplatte (Benjamin) : ...pour les acteurs économiques et les investisseurs... cela créerait encore plus d'incertitude et de... d'imprévisibilité, selon nous, dans un contexte où il y en a déjà assez. Pour les territoires, cela contredirait ce que vivent déjà plusieurs municipalités, dont plusieurs vous ont fait part de leurs difficultés. À l'international et pour les générations futures, enfin, ça reviendrait à une question de crédibilité par rapport à la parole donnée et aux engagements.

Nous n'opposons pas du tout économie et lutte aux changements climatiques, bien au contraire, on avance les deux ensemble. Même si on peut ignorer le bruyant voisin américain, le risque serait de devenir myopes à son égard, tandis que plusieurs de nos partenaires ou de nos concurrents, le... le choix des mots est vraiment subjectif, se sont engagés dans cette transition à l'international. Et on peut parier que ceux qui s'en tireront le mieux ne seront certainement pas ceux qui en auront fait le moins.

Ah oui, pardon. Le Québec doit composer avec des défis structurels, en fait. Le taux de circularité de l'économie québécoise est médiocre et plafonne à 3.5 %, 2.5 %. C'est dire que 90.. plus de 95 % de nos... de nos ressources ne contribuent pas pleinement à ce qu'elles pourraient en termes de création de valeur et de richesse collective. Notre productivité matérielle, enfin, énergétique décline. Nous créons de moins en moins de richesse par matière première consommée, et il y a là pour nous un gisement de réduction des GES important.

Ces faits montrent qu'on ne pourra pas décarboner sérieusement sans transformer notre façon d'extraire, de transformer et de... et de consommer. Et c'est ce que nous allons vous démontrer à l'instant.

M. Normandin (Daniel) : Merci, Benjamin. J'aimerais tout d'abord mentionner que le Québec, et ça, ce n'est peut-être pas assez connu, est... est à la fois un pionnier et un leader en matière d'économie circulaire sur le plan nord-américain. Mentionnons que le Québec est le seul État, voire la seule province, en fait, nord-américaine à avoir, donc, une feuille de route en économie circulaire depuis l'an dernier. Nous avons aussi évidemment des unités de recherche, que ce soit évidemment le CERIEC, le Réseau de recherche en économie circulaire, le CTTTEI, le CIREC, pour ne nommer que ceux-là, mais également aussi la société... de Québec, là, qui s'implique pleinement dans la transition vers une économie plus circulaire.

Les efforts qu'on déploie, en matière d'économie circulaire, datent maintenant de plus de 10 ans, ce qui fait de nous, en fait, encore une fois, un pionnier en la matière. Malgré tout, comme l'a expliqué mon collègue Benjamin, il y a un recul, donc, dans le taux de circularité de l'économie québécoise, et ceci, je dirais, par un manque de moyens pour des projets qui sont systémiques et aussi un manque d'écofiscalité pour appuyer la transition. C'est pourquoi il faut engager le Québec dans une économie beaucoup plus... plus circulaire, pardon. Il s'agit d'un levier d'action important et indispensable sur... dans notre lutte aux émissions de gaz à effet de serre, et il est également sous-estimé malgré le fait que nous sommes évidemment des leaders nord-américains en économie circulaire.

Les solutions liées à l'énergie sont essentielles, mais ne couvrent qu'environ la moitié du problème. L'autre moitié provient de la manière dont on produit et qu'on consomme nos produits, nos matières premières avant, pendant et après leur durée de vie utile. Je vous donne quelques ordres de grandeur, selon, en fait, des publications internationales, 70 % des émissions mondiales de GES proviendraient de l'extraction de la première transformation des matériaux. Si on met en œuvre des scénarios circulaires crédibles, ça nous permettrait de pouvoir réduire de près de 50 % l'empreinte matérielle du Québec. Le secteur de la construction pourrait réduire de 40 % ses émissions grâce au réemploi des matériaux et à la prolongation de la durée de vie des bâtiments et des infrastructures. Le gaspillage alimentaire, et il y en a beaucoup, en fait, près de 40 % de ce qui est produit, donc, du champ à l'assiette, 40 % et gaspillé. Donc, le gaspillage alimentaire, ce serait... c'est près de 8 millions de tonnes de GES par année, donc, environ 10 % des émissions québécoises.

• (15 h 10) •

Donc, ce sont là des gisements, je dirais, majeurs, tangibles, accessibles, qu'on pourrait réexploiter. La Suède, par exemple, estime qu'un modèle trop linéaire lui fait perdre l'équivalent de 19 % de sa valeur économique année après année. L'économie circulaire est surtout... et aussi une vision politique et économique. L'économie circulaire augmente l'autonomie du Québec, donc on devient moins dépendants des importations à risque qui nous appauvrissent, moins exposés aux chocs géopolitiques. On crée plus de valeur ici par la réparation, le remanufacturer, ou le recyclage avancé, l'efficacité accrue des matériaux, et, évidemment, on génère moins de guerres, parce qu'une fois que les produits sont vendus sur notre territoire, l'idée, c'est de les faire évidemment circuler le plus longtemps possible dans l'économie, donc...

M. Normandin (Daniel) : ...boucle plus locale, donc on émet moins de gaz à effet de serre. Pour le Québec, tout comme le reste du monde, donc, rester linéaire n'est pas seulement un risque environnemental, c'est également un risque économique, car les ressources ne sont pas illimitées, elles sont fixes, à part l'énergie solaire, et leur exploitation amenuise peu à peu leur disponibilité et en augmente forcément le coût.

Donc, ce qu'il faut faire maintenant... j'ai des moyens très clairs, donc trois priorités. La première : muscler de façon importante les moyens pour... plutôt que de réduire nos ambitions, financer, donc, adéquatement la feuille de route en économie circulaire, soutenir les secteurs prioritaires clés, envoyer un signal clair aux marchés et déployer des incitatifs pour nos entreprises, intégrer des critères de circularité dans les achats publics, donc en termes de durabilité, de réparabilité, le contenu recyclé, favoriser l'économie de fonctionnalité plutôt que... plutôt que l'achat, accroître la portée du FECC et soutenir la recherche scientifique davantage, donc c'est-à-dire élargir l'admissibilité à des projets circulaires de petite, moyenne et surtout de grande portée, accepter des... peut-être le fait qu'on ne puisse pas encore, de façon très précise, mesurer les réductions directes ou indifférées... ou différées, pardon, des GES suite à la mise en œuvre de ces projets de circularité et rendre les moyens prévisibles et transparents. Aussi, il faut non seulement poursuivre, mais accroître nos activités d'innovation et notre capacité de développer des outils de mesure des progrès accomplis...

Le Président (M. St-Louis) : En conclusion, M. Normandin, s'il vous plaît.

M. Normandin (Daniel) : Oui. En conclusion, la cible en tant que telle n'est pas un vrai enjeu. Ce sont les moyens dont nous disposons pour les atteindre. Le Québec a tout pour réussir : énergies propres, territoires et acteurs mobilisés, expertise industrielle, réseaux de recherche et d'innovation, maturité du dialogue social, notoriété internationale. Ce qu'il faut, ce n'est pas moins d'ambition, c'est plus de cohérence, de prévisibilité et de moyens. Merci pour votre attention. Et nous sommes évidemment disponibles pour vos questions.

Le Président (M. St-Louis) : Merci, M. Laplatte. Merci, M. Normandin. Nous allons donc débuter la période d'échange avec un premier bloc. M. le ministre, la parole est à vous. Vous disposez de 16 minutes 30 secondes.

M. Drainville : Merci pour votre présentation. Je ne sais pas, je crois que c'est M. Normandin, puis, si ce n'est pas M. Normandin, bien, c'est M. Laplatte, qui nous a dit que... qui a fait référence aux municipalités puis au fait qu'elles vivaient déjà avec les conséquences du réchauffement. J'imagine que vous faisiez référence aux... notamment aux phénomènes météorologiques extrêmes, exact?

M. Laplatte (Benjamin) : Absolument, entre autres choses...

M. Drainville : Oui, d'accord. D'accord. Je l'ai dit déjà à quelques reprises dans le cadre de ces travaux. Lorsque je note ce que je m'apprête à vous transmettre comme... comme question, ce n'est pas pour laisser entendre que le Québec ne doit pas continuer à faire sa part pour lutter contre les GES, ne doit pas continuer à être un leader nord-américain en matière de réduction aux GES. Je dis, je redis, je maintiens, je réitère qu'on va continuer à être des leaders en la matière. Maintenant, il faut trouver le bon chemin pour ce faire.

Alors, ce que je... la partie un peu plus controversée de mon propos, c'est de dire : Même si on fermait l'économie québécoise et qu'il n'y avait plus aucune émission de GES en provenance du Québec, on vivrait quand même avec le même... les mêmes phénomènes météorologiques extrêmes pour de nombreuses années. Parce que, rappelons-le, on représente 0,16 % des GES sur la planète. Donc, de faire un lien entre la cible que nous allons nous donner et notre exposition aux phénomènes météorologiques extrêmes, c'est une équation que je trouve discutable, parce que, peu importe la cible que nous allons nous fixer, on va vivre avec ce réchauffement, malheureusement, on va vivre avec ce réchauffement.

Alors, je redis, pour être sûr, cela ne veut pas dire, quand je mets de l'avant ce... cette donnée très factuelle... cela ne veut évidemment pas dire que je propose que l'on renonce, que l'on abandonne ou quoi que ce soit. Je réitère que nous allons continuer à mener une action très vigoureuse sur la question des GES. Maintenant, il faudra voir comment... par quelles cibles elle va s'exprimer.

Maintenant, qu'est-ce que vous me... qu'est-ce que vous répondez à cette inquiétude, que j'ai exprimée déjà à maintes reprises, sur le fait que nous avons accompli la moitié du chemin en l'espace d'une trentaine d'années, entre 1990 et 2022, dernières données que nous avons, et d'atteindre l'autre moitié de la cible en l'espace de cinq ans? Ça, pour moi, cette marche très rapide...

M. Drainville : ...pour la deuxième moitié, elle me semble porteuse de risques, de risques économiques qui m'apparaissent évidents mais qui visiblement ne le sont pas pour maintes personnes qui sont... qui ont participé à nos travaux.

M. Laplatte (Benjamin) : Oui, je vais... la sonnerie, c'était la vôtre? Oui, je pense que oui, pardon.

M. Drainville : Je la... je la mets en mode silencieux, je m'en excuse.

M. Laplatte (Benjamin) : Non, aucun problème, je pensais que le problème était de mon bord, désolé. Oui, effectivement, c'est tout un défi, on en convient. Vous en avez abondamment parlé avec d'autres personnes, d'autres groupes avant nous.

Nous... ce dont on aimerait vous parler aujourd'hui, c'est de la contribution de l'économie circulaire à la décarbonation de l'économie québécoise parce qu'on estime qu'il y a un effet multiplicateur que l'économie circulaire pourrait aborder qu'on n'a pas nécessairement actionné dans les dernières années autant qu'on aurait pu, contrairement, par exemple, à d'autres juridictions à l'international, comme particulièrement certaines... certaines juridictions en Europe. On en convient, c'est tout un défi, il y a une conjoncture économique.

Sans la minimiser, on conviendra quand même que dans les 10 dernières années, on a eu une première élection avec M. Trump qui a renégocié assez durement l'accord de libre-échange, c'était l'ALENA. Ensuite on a eu la pandémie, là on a une version Trump 2.0, vous avez raison... il y a un cumul de... il y a un cumul de défis. Malgré tout, ça n'a pas empêché l'économie... l'économie québécoise de quand même tirer son épingle du jeu et on pense qu'on a les atouts pour relever ce défi.

M. Normandin (Daniel) : Oui, en fait, l'économie circulaire, comme je l'ai mentionné dans mon propos, on... en fait, le Québec, malgré le fait que nous sommes des leaders sur les initiatives qu'on peut voir se dérouler sur le territoire, on a énormément d'initiatives qui sont déployées actuellement sur le territoire, mais ce sont des petites initiatives qui ne sont pas nécessairement en cohérence les unes avec les autres et qui ne sont pas systémiques, c'est-à-dire qui ne permettent pas à des secteurs prioritaires de pouvoir se séculariser davantage.

Si on le faisait, ça permettrait effectivement de réduire de façon substantielle les gaz à effet de serre, puis, comme on disait dans... comme je le disais dans mon propos plus tôt, à peu près la moitié des émissions sont dues, non pas à... évidemment, à l'énergie en tant que telle, mais à la façon dont on produit et on consomme nos... nos produits et services. Au Québec, malgré les actions qu'on a posées en économie circulaire, notre économie est très peu circulaire. On parle entre, Benjamin l'a mentionné, là, 2,5, en fait, selon les derniers chiffres de RECYC-QUÉBEC, là, avec les nouvelles méthodologies, on parle de 1,9. Ça, ça veut dire que sur, bon, grosso modo, d'après les cinq milliards... 5 millions de tonnes, pardon, de ressources qui rentrent par année dans l'économie québécoise, il y en aurait environ 1,9 qui... qui rentrerait de nouveau dans l'économie pour satisfaire nos besoins en matière de produits et services. C'est très peu. La moyenne mondiale est à environ à 7,9, c'est déjà très peu, et cette... cette moyenne mondiale là ne nous permet pas de nous... de continuer à nous développer à l'intérieur des limites planétaires.

Et encore une fois, comme les ressources de la planète sont fixes, on peut s'attendre, éventuellement, dans un horizon assez prévisible, à ce que les ressources dont on a besoin pour satisfaire nos besoins sur le... en fait, il y a un chiffre, là, qui est absolument extraordinaire, mais année après année, sur le plan international, on parle de 100 milliards de tonnes qui rentre dans l'économie pour répondre aux besoins de l'humanité, 100 milliards de tonnes. C'est un chiffre astronomique et ce chiffre-là va augmenter de 60 % si on ne fait rien à l'horizon de 2100.

M. Drainville : 100 milliards de tonnes de quoi, là? De biens et services? De quoi?

M. Normandin (Daniel) : De matières premières. De matières premières qui rentrent pour fabriquer nos produits et services dont on a besoin. 100 milliards de tonnes qui sont extraites, ce sont des ressources qui proviennent de la biomasse, mais des ressources aussi qu'on appelle abiotique, donc des ressources minérales, des métaux, des minéraux, qui rentrent dans la composition de ce qu'on consomme.

Donc, au Québec, évidemment, ce n'est pas 100 milliards de tonnes, on parle plutôt de 500 millions de tonnes, c'est déjà beaucoup. Si on regarde l'empreinte matière, l'empreinte matérielle, si vous voulez, des Québécois par rapport au reste du monde, on parle d'environ 45 tonnes de matière par habitant. Alors qu'en Europe, on parle de 14 tonnes, la moyenne mondiale, c'est 12, les Africains, c'est deux, alors... Et ce que des experts disent, c'est que si on veut rester à l'intérieur des limites planétaires, il faudrait consommer huit tonnes, environ, de matière par habitant, par année. Alors, on est loin du compte.

• (15 h 20) •

Et comme je vous le disais tantôt, l'économie circulaire du Québec est largement linéaire, très peu circulaire parce que... bon, il y a plusieurs raisons qui expliquent ça. On n'est pas différent du reste de l'Amérique du Nord, c'est-à-dire qu'on a des grandes maisons, on a des...

M. Normandin (Daniel) : ...qui sont très consommatrices d'énergie. On a... on est très peu densément peuplés sur un grand territoire, donc beaucoup de déplacements. Tout ça contribue évidemment à accroître notre empreinte matérielle au Québec. Alors, est-ce que ça va, M. le ministre?

M. Drainville : Oui, je vous écoute. Je suis en train de regarder l'espèce de tableau que vous avez... que vous avez partagé, là, sur l'économie circulaire, Une transition bien amorcée au Québec. Peut-être pour les gens qui nous écoutent, ça pourrait... ça pourrait être une bonne idée de prendre une ou deux minutes juste pour expliquer une économie circulaire par rapport à une économie linéaire. Quelle est la différence? Comment ça fonctionne? Puis en sous-question, est-ce qu'il y a un pays dans le monde ou une nation qui a particulièrement bien réussi son économie circulaire ou qui est en voie de réussir? Pour pour... peut-être nous faire la démonstration que ce n'est pas une utopie, que c'est possible.

M. Normandin (Daniel) : Très bonne question. Alors l'économie linéaire, en fait, c'est celle dans laquelle on se trouve depuis grosso modo l'ère, industrielle, dont depuis environ 150, 200 ans, si vous voulez. Et l'économie linéaire en fait c'est... ça veut dire essentiellement extraire les ressources et les transformer en produits qu'on... les consommer et les utiliser, et évidemment les jeter en bout de cycle. C'est ça, l'économie linéaire, et c'est ce que... ce en quoi... c'est ce à quoi est engagée en fait, je dirais, l'économie mondiale depuis les débuts de l'ère industrielle.

L'économie circulaire, c'est de maintenir, le plus longtemps possible dans l'économie, les produits et les matières qui composent ces produits-là, donc les maintenir dans l'économie, de conserver leur valeur le plus longtemps possible dans l'économie par une douzaine de stratégies, qui vont de l'écoconception des produits et de la production circulaire, donc, qui utilisent moins d'énergie, moins de matière pour être capable de produire les produits dont... dont on a besoin. Ça veut dire aussi mutualiser les produits qui sont déjà sur le marché plutôt que d'acheter des nouveaux produits pour satisfaire la demande.

Par exemple, bon, si on regarde... on donne souvent l'exemple de la perceuse, là, qui est utilisée en général par un individu 30 minutes dans sa vie utile et si votre voisin a besoin d'une perceuse, souvent, plutôt que de vous l'emprunter... emprunter la vôtre, il va acheter la sienne. Donc, ça fait un paquet de perceuses qui sont sous-utilisées. Ça, c'est une analogie, mais on pourrait la multiplier à toute sorte de produits d'usage courant qui nous entourent. Donc, on produit...

M. Drainville : Gros changement de culture, là, de commencer à partager la perceuse, partager la tondeuse, partager la souffleuse, partager éventuellement la voiture. C'est un gros changement de culture.

M. Normandin (Daniel) : Bien, pas tant que ça, parce qu'il y a déjà beaucoup d'applications qui permettent de le faire, ici, au Québec, qui ont été développées, entre autres au Québec. On le voit à la fois d'un point de vue domestique, mais aussi d'un point de vue industriel, c'est-à-dire qu'il y a des sites qui permettent à des entreprises de pouvoir partager, mutualiser des équipements et...

M. Drainville : Oui, oui, oui. On a vu ça dans le milieu agricole, notamment, là. Ça fait quelques années qu'on voit ça dans le milieu agricole, là où il y a des... Ils achètent ensemble une... par exemple une moissonneuse-batteuse qui sert seulement quelques jours, semaines, maximum. Et puis ils se la partagent dans le rang, par exemple, où ils forment des coopératives pour partager la machinerie. Oui, OK.

M. Normandin (Daniel) : Oui, bien, on est là-dedans. Alors, donc, l'intensification de l'usage des produits est essentielle pour éviter le gaspillage. Et la sous utilisation des produits, parce que tous les produits qu'on consomme ont nécessité l'extraction de matériaux à coût d'impact sur l'environnement et à coût d'émission de gaz à effet de serre. Donc si on est capable déjà de mutualiser ce qu'on a... ce qu'on a besoin, c'est déjà... on va éviter de produire des unités supplémentaires inutiles.

L'autre chose, c'est d'allonger la durée d'usage. Donc, réparer des produits, permettre, donc, de prolonger leur durée de vie par le «remanifacturing» entre autres, par le don entre autres, par la vente. Donc, permettre aux produits que l'on consomme d'avoir une deuxième, troisième, quatrième vie, donc de maintenir ces produits-là le plus longtemps possible dans l'économie. Et, lorsqu'on a épuisé toutes ces stratégies-là, bien il reste ce que tout le monde connaît, c'est-à-dire le recyclage ou la valorisation énergétique.

Donc, quand on parle d'économie circulaire, M. le ministre, c'est la mise en œuvre d'une douzaine de stratégies, là, que j'ai résumées rapidement. Er qui font en sorte qu'on a une utilisation beaucoup plus efficace ou plus responsables des ressources qui sont extraites pour...

M. Drainville : Et beacoup moins individualistes, beaucoup moins individualistes, là.

M. Normandin (Daniel) : Absolument.

M. Drainville : Parce que vous... ce que j'entends, en tout cas, c'est un changement majeur au niveau de la, je dirais, la culture de consommation, là.

M. Normandin (Daniel) : Oui, tout à fait. Mais je pense que...

M. Drainville : Bon, puis est-ce qu'il y a des... là, dans ce que vous... dans ce que vous avez publié, transmis, je vois que les Pays-Bas auraient un taux de circularité de 24 %, ce qui est de beaucoup supérieur à la deuxième place qui appartiendrait à l'Autriche à près de 10 %. Le Québec 3,5 quand même le Québec devant la Suède qui est à 3,4 et qui est devant la Norvège, qui est à... qui est à deux... 2 %.

M. Normandin (Daniel) : Oui. On vient de recalculer, comme je vous disais, le taux de circularité. En fait, c'est RECYC-QUÉBEC qui l'a fait avec un de ses partenaires...

M. Normandin (Daniel) : ...en fait, il y a une méthodologique qui a été développée qui permet justement la comparaison des taux de circularité à l'échelle internationale. Et le Québec, la nouvelle donne, ce n'est pas 3,5, c'est 1,9.

M. Laplatte (Benjamin) : Malheureusement, ça a baissé.

M. Drainville : Pardon?

M. Normandin (Daniel) : Alors, donc, dans le dernier rapport qui vient de sortir en 2025, le taux de circularité a chuté de 3,5 à 1,9.

M. Drainville : OK, donc le 3.5, c'était l'année passée, ça, c'est ça?

M. Normandin (Daniel) : Non, 2021.

M. Drainville : Ah, c'est 2021, pardonnez-moi. Très bien.

M. Normandin (Daniel) : Oui.

M. Drainville : Mais...

M. Normandin (Daniel) : Donc, le... pour répondre à votre question tout à l'heure, M. le ministre, la... effectivement, les Pays-Bas seraient le pays le plus circulaire. Il n'y a pas encore de pays circulaire... évidemment, à 100 %, à 100 %, ça serait, évidemment, impossible à atteindre parce que, à cause des lois de la thermodynamique, là, puis je ne rentrerai pas dans un cours de physique, mais... disons que 90 %, ça ferait déjà, évidemment, une cible incroyable, éventuellement, à atteindre. Sauf qu'en ce moment, à 1,9, on fait partie un peu des cancres internationaux en matière de circularité, alors qu'on a tout ce qu'il faut pour être capable de redresser la barre. On a accès à des gisements de matière qui sont sous-utilisés énormes, qui nous permettraient à la fois de créer des économies, des emplois locaux, de booster notre économie, notre P.I.B., tout en réduisant, de façon substantielle, la production.

M. Drainville : J'ai ma collègue de Saint-Maurice-Laviolette... Laviolette-Saint-Maurice qui souhaite vous poser une question. Je... Quand vous parlez des gisements de matière, j'aurais été curieux de savoir, mais je veux vraiment laisser à ma collègue la chance de poser sa question.

M. Normandin (Daniel) : Oui.

Le Président (M. St-Louis) : Mme la députée.

Mme Tardif : Bonjour et merci. Vous en avez brièvement parlé, là, mais j'aimerais que vous abordiez davantage, un peu plus en profondeur, parce que vous parlez de... que de nombreux projets d'économie circulaire qui demeurent non admissibles au FECC, puis qui... non seulement ils ne sont pas admissibles, mais ils contribuent et contribueraient à diminuer l'émission des GES?

M. Laplatte (Benjamin) : ... vous avez fini? C'est votre question? Oui? Bien, effectivement, c'est le cas, puis c'est... dans une certaine mesure, c'est assez logique parce que bon, à sa création, le fait qu'évidemment son indice de... son indice de référence, c'est la... c'est la réduction de GES. Or, comme ça a été dit dans le préambule de mon... de mon collègue, dans son... dans son intervention, on n'a pas nécessairement, aujourd'hui, toute la donnée... toute la donnée ou les méthodes possibles pour démontrer hors de tout doute une réduction nette de GMS quand on met en place des stratégies d'économie circulaire. Par contre, on comprendra, avec l'explication qu'a faite mon collègue, qu'en mettant en place certaines... certaines stratégies, particulièrement de réduction à la source ou qui nous amènent à augmenter notre productivité énergétique ou notre productivité matière, c'est-à-dire augmenter la quantité de richesse produite par tonne de matière,  intrinsèquement, on va réduire nos GES. Donc, en l'état actuel des choses, nous ce qu'on estime, puis surtout, considérant que le FECC a... capitalisé à 1.7 milliard de... de surplus, c'est qu'il y a une réserve d'investissement qui serait disponible pour appuyer des projets d'économie circulaire dans les prochaines années. Donner sa chance à ce modèle-là en investissant dans ce type d'innovation de façon plus substantielle pour nous démarquer à l'international puis contribuer à épauler le leadership québécois et qui nous permette, du côté de la recherche et de l'innovation, de démontrer la contribution nette de la réduction de GES en augmentant l'indice de circularité de l'économie québécoise, comme le font d'autres juridictions dans... dans le monde. C'est la proposition qu'on vous fait et c'est aussi la raison pour laquelle on ne peut pas...

Le Président (M. St-Louis) : En conclusion, M. Laplatte, s'il vous plaît.

M. Laplatte (Benjamin) : Oui, bien sûr. Que c'est certainement dommage de voir que sur 1.7 milliard de surplus est une réserve d'investissement qu'on aurait pu consacrer à ça plutôt que de l'envoyer dans le Fonds des générations, malheureusement.

Le Président (M. St-Louis) : Je vous remercie beaucoup. Ceci conclut le premier bloc d'échange. Donc, je cède la parole à Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

• (15 h 30) •

Mme McGraw : Merci, M. le Président, et merci à vous d'être là, bien, en virtuel pour votre présentation et votre mémoire très clair, très détaillé. J'aimerais m'attarder, peut-être, aux points 4, 5... 4 et 5 de votre mémoire, ainsi que les recommandations de vos organismes respectifs. Donc, au niveau des retombées économiques, emploi, justice sociale, le ministre se préoccupe de... parle de perte en poids, d'appauvrir les Québécois pour atteindre les cibles. Et justement, vous... vous... dans votre mémoire, vous dites et je cite : Les débats publics opposent parfois la protection de l'emploi et l'ambition climatique comme s'agissait de deux objectifs irréconciliables. C'est une vision qui est trompeuse. Et d'ailleurs... donc, j'aimerais vous entendre...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

Mme McGraw : ...là-dessus, parce que ce que vous dites, vous... vous dites que les transitions industrielles ne se traduisent pas historiquement par une destruction massive d'emplois, mais surtout par une transformation de la nature du travail. Donc, avec le défi climatique, comment est-ce que vous voyez ça pour les emplois et la transformation... la transformation industrielle, entre autres?

M. Laplatte (Benjamin) : Oui, bien sûr, par contre, je doute qu'on ait utilisé le terme le terme trompeur, en tout respect, dans notre mémoire, mais on a parlé, par contre, d'un... des dilemmes qu'on ne devrait pas avoir parce qu'effectivement, oui, parce qu'effectivement, on conviendra que des emplois pourront avoir à se transformer, ça, c'est indéniable, et on le sait depuis un certain nombre d'années puis d'ailleurs, c'est discuté dans plusieurs grandes ONG internationales, dans plusieurs tables paritaires au Québec, qui réunissent des représentants patronaux et syndicaux. Et le message qu'on aimerait vous envoyer, c'est qu'on est chanceux, au Québec, d'avoir cette maturité de dialogue social là qui permet aux partenaires de marché du travail à réfléchir et à penser à des solutions pour faire en sorte que cette transition se traduise en opportunités du point de vue de l'emploi. D'ailleurs, nous, par exemple, de façon très concrète, on travaille actuellement avec le Comité sectoriel de main-d'œuvre en environnement ... compétences, à l'élaboration d'un référentiel des compétences circulaires comme il en existe un dans le référentiel de compétences en environnement pour identifier concrètement quelles sont les compétences et les formations dont il va falloir accompagner la main-d'œuvre dans cette transition-là, parce que c'est indéniable qu'il y aura des transformations. Par contre, je pense qu'on a les moyens, au Québec, de faire en sorte que ce choix, ça puisse se traduire par des emplois plus pérens, de nouveaux emplois et aussi permettre qu'il y ait des qualifications d'emplois qui pourraient être éventuellement menacés. C'est notre... c'est notre propos.

Mme McGraw : Merci, donc au point n° 5, lorsque vous parlez de l'économie circulaire, un levier de réduction de GES encore sous-utilisée, donc, vous voyez ça comme un levier majeur mais qui est sous-utilisé. Vous insistez sur le fait que l'économie circulaire est déjà reconnue comme un pilier, mais qui reste marginale dans la mise en œuvre. Alors quels seraient des leviers simples qui pourraient être activés rapidement pour mieux intégrer la circulaire dans les politiques climatiques?

M. Normandin (Daniel) : Bien, en fait, il y en a plusieurs. Déjà, le gouvernement se doit d'être exemplaire, le gouvernement achète, bon an, mal an, des milliards de dollars de biens et services... un des enjeux de l'économie circulaire, puis M. le ministre en a... l'a mentionné tout à l'heure, bon, c'est... c'est des changements de comportements qui sont quand même relativement importants, puis des changements, aussi, de modèles d'affaires au niveau des entreprises, sont importants, donc, il faut créer le marché de circularité. Et en ce moment, un des enjeux qu'on a, c'est que le prix de la matière première vierge est souvent inférieur à la matière recyclée. Donc ça n'encourage pas ces changements de pratiques industrielles. Et pourquoi c'est le... c'est moins cher? Évidemment, c'est parce qu'elles sont souvent extraites, puis la majorité des matières premières qu'on utilise ici sont extraites, en fait, viennent des importations, sont extraites dans des pays où les normes environnementales sont très peu respectées et les coûts de main-d'œuvre sont également très bas. Alors, quand on parle de matières recyclées, ici au Québec, les coûts de main-d'œuvre sont plus élevés et les normes environnementales sont plus élevées également, donc c'est difficile de compétitionner. Si on... le gouvernement lui-même intégrait dans ses processus d'achat, d'approvisionnement, des critères de circularité et de mettre des normes, par exemple, en matière de contenu recyclé, en matière, par exemple, de... plutôt que d'acheter des produits, aller en économie de fonctionnalité, donc acheter une performance d'usage plutôt qu'un produit lui-même, ça permettrait de créer un marché, de créer des entreprises avec cette... cette vision de circularité, donc de créer des entreprises circulaires qui, une fois lancées, pourraient, évidemment, prendre le marché au fur et à mesure, puis en fait, je dirais, à permettre aux entreprises linéaires de se transformer peu à peu vers une... des entreprises beaucoup plus, comment dirais-je? Circulaires et respectueuses de l'environnement. Je ne sais pas si je suis clair dans mon explication, mais... le gouvernement lui-même a un levier extraordinaire pour mettre en œuvre, créer un marché et permettre aux premières entreprises de voir le jour.

Mme McGraw : Au niveau, vous avez parlé... le coût, c'est plus cher, l'exemple que vous avez donné au ministre, de partage, etc. Mais en pleine crise de coût de la vie? Est-ce que la circularité, aussi, on s'ajoute un aspect de... ça devient moins cher pour les... Je veux dire, est-ce qu'on peut parler de la... on s'attaque à plusieurs enjeux en même temps avec l'économie circulaire?

M. Normandin (Daniel) : L'autopartage, les vélopartages, c'est tous... c'est des moyens, justement, de pouvoir se... se... en fait, avoir une mobilité très, très... une mobilité très bien, en fait, très adéquate, sans avoir à acquérir ni de voiture ni un vélo, par exemple. Donc, ce sont des exemples très concrets et qui...

M. Normandin (Daniel) : ...permettre aux ménages de pouvoir sauver des sous en n'ayant pas besoin d'acheter de voiture ou d'acheter des vélos parce qu'ils sont offerts en partage. Et on pourrait multiplier les exemples avec toutes sortes de produits qu'on n'a pas besoin nécessairement sur une base continue.

Je vous donne un exemple. En Europe, par exemple, en France, il y a une compagnie qui s'appelle Groupe SEB, qui est un manufacturier d'électroménager, ils ont pris une entente avec un distributeur qui s'appelle Carrefour, là, un peu comme le IGA ou Metro chez nous, et puis ils offrent, en économie de fonctionnalité, des petits électroménagers. Vous avez besoin d'un mélangeur pour une recette, vous n'avez pas besoin d'en acheter un, vous allez à l'épicerie, vous l'empruntez, et puis vous êtes faites votre recette, puis vous le ramenez. Donc, ça permet de... évidemment, d'éviter de construire des unités inutiles, en fait, ou, je dirais, très peu utilisées et permettre aux ménages, donc, de pouvoir accéder à des produits qu'ils auraient... qu'ils ont... en fait, qu'ils n'auraient peut-être pas les moyens d'acheter autrement.

Mme McGraw : Peut-être une dernière question. Je pense qu'il nous reste à peu près deux minutes. Trois minutes? OK. Bien, peut-être deux questions, mais... j'y vais. Donc, vous avez 12 stratégiques de circularité que vous proposez d'intégrer au plan climat, au PEV, et... Pourquoi cet arrimage formel est essentiel pour atteindre les cibles 2030? ...peut-être en parler, des 12 stratégies, aussi.

M. Laplatte (Benjamin) : Bien, oui, d'une part... Peut-être que, pour les 12 stratégies, je vais laisser... je vais laisser aller mon collègue, mais merci pour la question par rapport... par rapport au PEV, parce que le PEV, évidemment, on va devoir le revoir, comme on... comme on le fait à travers ce plan de mise en oeuvre, à chaque année. Donc, quand on analyse le PEV, actuellement, il y a des mesures qui sont soutenues en économie circulaire, mais on pense qu'on pourrait être beaucoup plus ambitieux. Après, c'est l'histoire de l'oeuf et de la poule. Pour pouvoir y consacrer plus de... plus d'argent, à ces initiatives-là, bien, il faudrait faire en sorte que le FECC puisse admettre plus de projets en économie circulaire. Tout est un petit peu... Tout est un petit peu dans tout. Mais, comme on a tenté de vous le démontrer jusqu'à présent, c'est que, dans nos enjeux de productivité matière et de productivité énergétique, on estime qu'il y a là un gisement de réduction de GES qu'on n'exploite pas. Donc, c'est la... c'est la raison pour laquelle on espère beaucoup avoir l'occasion de vous en reparler dans le cadre de la révision du PEV, notamment.

Par rapport aux 12 stratégies, si tu as des ajouts à faire...

M. Normandin (Daniel) : Bien, en fait, je les ai expliquées un petit peu tout à l'heure. Donc, il y a trois grands blocs, c'est-à-dire de concevoir les produits pour la circularité, de... d'intensifier leurs usages par toutes sortes de pratiques comme la mutualisation, comme j'ai dit tout à l'heure, le... et puis le prolongement de la durée d'usage par le... la revente, le don, le remanufacturing, entre autres. Et puis, évidemment, lorsqu'on a épuisé ces stratégies-là, bien, il reste, encore une fois, le recyclage et puis la valorisation énergétique.

Donc, la mise en œuvre des 12 stratégies permettrait, en fait, dans les différents secteurs qui sont les plus grands émetteurs ou les plus grands producteurs de matières résiduelles, d'abaisser de façon très substantielle les GES, parce que, comme on le disait, environ la moitié des GES proviennent, évidemment, de l'énergie, de... puis l'autre moitié provient de l'extraction des matières premières et de leur première transformation. Donc, si on est capable d'éviter en amont l'extraction des matières premières par l'utilisation des gisements qui sont sous-utilisés dans le marché, ça permettrait justement, donc, à la fois de réduire les GES, ça permettrait également de réduire les impacts sur l'environnement, notamment sur la biodiversité, ça permettrait de créer des nouveaux emplois. Donc, il n'y a que du positif partout, essentiellement.

Le Président (M. St-Louis) : Il reste 20 secondes, Mme la députée.

Mme McGraw : Donc, je souligne, dans un dernier point, que vous voulez changer les critères d'admissibilité que vous trouvez trop restrictifs au FECC pour avoir plus de projets qui misent sur la circularité.

M. Normandin (Daniel) : Bien, en fait, grosso modo, c'est qu'en ce moment c'est très difficile...

Le Président (M. St-Louis) : M. Normandin, je m'excuse. Le bloc est malheureusement terminé. J'ai le rôle ingrat de garder le temps. Donc, je cède maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Taschereau, la parole est à vous. Trois minutes 18.

• (15 h 40) •

M. Grandmont : Merci, M. le Président. Merci à vous deux pour votre mémoire et votre présence. C'est très, très, très intéressant. Dans le fond, ce que vous arrivez ici, là... vous arrivez ici avec des solutions, dans le fond, c'est ce que je trouve intéressant, là, un peu comme l'a fait... l'ont fait, là, les... différents groupes quand ils ont parlé de transport, quand ils ont parlé d'habitation, où les fruits sont très mûrs en termes de réduction de gaz à effet de serre qu'on peut faire... du CPEQ, là, du Conseil patronal de l'environnement, qui avait un plan d'action, plusieurs actions à mettre de l'avant pour dire : Bien, si vous voulez garder votre cible de 2030, bien, voici, mais il y a beaucoup de choses à mettre en œuvre. On a eu la même chose au niveau de... Bien, donc, dans le fond, vous arrivez avec l'économie circulaire. Vous dites : Évidemment, il faut se donner les moyens de le faire. Si on veut rester ambitieux, il faut quand même avoir les moyens, évidemment. Vous avez parlé du Fonds vert, vous avez parlé de quelques autres pistes, mais je vous donnerais quelques... quelques instants pour parler de... Vous avez parlé de créer un... le marché de la circularité, qui est très, très... D'ailleurs, vos chiffres étaient...

M. Grandmont : ...particulièrement éloquent puis inquiétant en même temps, là, on est loin dans cette course-là. Comment on peut mettre en place... Parce qu'il y a évidemment les moyens financiers, mais il y a les moyens réglementaires, qu'est-ce qui pourrait aider aussi à créer, favoriser ce marché de la... de la circularité?

M. Normandin (Daniel) : Bien, entre autres, si je prends le secteur de la construction, là, qui est un secteur qui est énormément utilisateur de ressources puis un grand générateur aussi de matières résiduelles, là, en ce moment, grosso modo, là, on produit... 3,3 millions de tonnes de matières résiduelles par année dans ce secteur-là. Et, là-dessus, il y en a à peu près 50 % qui s'en vont à l'élimination, carrément. Et c'est des matériaux qui pourraient être réutilisés, en fait, pour construire de nouveaux bâtiments, mais la réglementation actuelle, le Code du bâtiment, entre autres, ne permet pas toujours d'utiliser les matières secondaires pour fabriquer les nouveaux bâtiments. Donc, il faudrait évidemment retravailler la...

M. Grandmont : Je m'excuse de vous interrompre, mais, dans le fond, ces matériaux de construction là dont vous parlez, ça, on pourrait caractériser ça comme un gisement, justement.

M. Normandin (Daniel) : C'est un gisement.

M. Grandmont : C'est un gisement. D'accord.

M. Normandin (Daniel) : Oui. Quand on parle de gisement, en fait, il y en a de différents types. Bon. Quand on parle des mines urbaines, on en a mentionné, je pense, entre autres, dans quelques auditions, les mines urbaines, essentiellement, c'est des produits électroniques, électriques. Et les chiffres qu'on a, qui sont, malheureusement, très difficiles à obtenir, en fait, au Canada, en 2022, on parlait de seulement 13 % de récupération de ces... de ces matériaux électroniques, électriques, là. Il y a une statistique, là, qui est assez éloquente, là, il y a plus d'or dans...en fait, il y a 100 fois plus d'or dans une tonne de téléphones cellulaires qu'il y en a dans 100 tonnes... dans une tonne de minerais, en tant que tel, d'or. Alors donc...

M. Grandmont : C'est très parlant.

M. Normandin (Daniel) : ...c'est plus facile d'aller extraire l'or dans les téléphones cellulaires que de le faire, évidemment, dans des mines où on a, évidemment, des répercussions environnementales importantes entre... notamment sur la biodiversité. Donc, ce qu'on propose, c'est de...

M. Grandmont : C'est très parlant.

M. Normandin (Daniel) : ...avant d'exploiter des gisements de matières premières vierges, exploitons nos gisements de matières secondaires. 

M. Grandmont : Merci beaucoup. Puis vous parlez, il y a un concept important aussi, au-delà de la transition climatique, vous parlez d'une transition industrielle, on l'a déjà vécu dans le passé, pourquoi vous amenez ce concept-là à ce moment-ci?

Le Président (M. St-Louis) : En 10 secondes, s'il vous plaît.

M. Laplatte (Benjamin) : Ce concept de transition industrielle, parce qu'en fait c'est une question de compétitivité à l'international, ne serait-ce que par rapport à un accès qui est rendu de plus en plus difficile à certaines ressources, si on pense juste, par exemple, aux minéraux critiques et stratégiques, il s'agit en fait de ressources qui sont grandement... en grande majorité, concentrées dans des pays avec des sacrés enjeux géopolitiques et que...

Le Président (M. St-Louis) : Désolé, M. Laplatte, mais, malheureusement, le temps nous étant compté, je dois maintenant céder la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.Îles de la Madeleine. Vous disposez de 3 min 18 s.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Merci à vous deux pour la présentation, pour votre présence. Le mémoire est extrêmement intéressant. J'aimerais d'abord vous demander, parce que vous parlez de la question de la responsabilité scientifique, territoriale, intergénérationnelle, j'aimerais vous demander si, dans votre esprit, la cible de... la cible de 2030, de 37,5 %, est dissociable de la cible de décarbonation que vous proposez pour 2045? Est-ce qu'on doit voir ça comme un continuum, ou est-ce qu'on peut dire... bien, on verra pour la première cible, là, on peut se donner le temps qu'on veut, mais la cible ultime, on la conserve?

M. Laplatte (Benjamin) : Bien, c'est certain que la cible... les cibles ultimes, c'est de viser la carboneutralité, comme nous en a fait mention, notamment, le comité-conseil sur les changements climatiques à l'horizon 2045-2050, après 2045, idéalement. C'est la trajectoire dans laquelle on s'est engagé et c'est ce qu'il faut poursuivre pour pouvoir accomplir ce grand défi-là, et c'est ce que réclame aussi le milieu des affaires notamment, mais aussi les citoyens. On a besoin de prévisibilité, on a besoin d'un certain niveau de cohérence dans nos politiques publiques. Puis on l'a démontré tantôt...

M. Arseneau : Exact.

M. Laplatte (Benjamin) : ...on a besoin de leviers réglementaires, on a besoin de signaux de marché, notamment par rapport aux appels d'offres publics.

M. Arseneau : Mais, je m'excuse, je n'ai pas beaucoup de temps. Là où je veux en venir, c'est que, d'ici 2050, c'est 25 ans. Vous, vous dites, 2045, ce serait préférable, donc, c'est 20 ans. Sur ces 20 ans là, bien, les cinq prochaines années, on met un frein ou on décale les objectifs immédiats du 37,5, est-ce qu'on se rend véritablement service? Si on prenait le point de vue du ministre qui dit, depuis 1990 jusqu'à 2025, donc, sur une période de 35 ans, on atteint 19 % de réduction des gaz à effet de serre, dont 7 % sur le territoire. Si on reporte de cinq ans, on se donne 20 ans, 15 ans, si on...

M. Arseneau : ...votre proposition pour faire tout le reste du chemin. Est-ce que ça, c'est une cible qui demeure atteignable? Est-ce que ça, c'est réaliste? Est-ce qu'on se rend vraiment service en décalant le calendrier comme celui-là?

M. Normandin (Daniel) : Bien, en fait, nous ne croyons pas que ça serait se rendre service parce que les coûts, en fait, pour, justement, atteindre nos cibles, vont augmenter avec le temps, donc plus on retarde plus ça va coûter cher d'une part. Et si on doublait, en fait, notre circularité, déjà, on aurait des gains importants et ça, on a des fruits mûrs. Ce qu'il faut en fait, c'est de soutenir nos entreprises, soutenir l'innovation, soutenir, en fait, on a le plus grand réseau de recherche en économie circulaire au monde, on a 370 chercheurs, 65 disciplines qui sont là pour accompagner la société, l'industrie. Ce qui manque, en fait, c'est des moyens pour faire des projets.

M. Arseneau : Excellent. Puis, on a souvent identifié les différents secteurs transport, bâtiment, agriculture, matières résiduelles et ainsi de suite par pourcentage. Est-ce que vous avez un pourcentage à mettre sur la circularité qui nous permettrait d'avoir une meilleure idée du gain qu'on peut faire?

Le Président (M. St-Louis) : En quelques secondes, s'il vous plaît.

M. Normandin (Daniel) : Oui.

M. Laplatte (Benjamin) : Par secteur ou globalement?

M. Arseneau : Globalement.

M. Normandin (Daniel) : Bien, globalement, écoutez, je veux dire... on a... on a de la marge énorme, en fait, de... on doublerait le taux, déjà, ça serait déjà très bien. En fait, l'idée, ça serait plutôt de le tripler, selon moi, dans un premier temps, d'ici peut-être 2030. On a ce qu'il faut pour le faire, ce qui manque, c'est les moyens financiers, mais on a tout le reste pour le faire. Y compris les...

Le Président (M. St-Louis) : Merci, messieurs, malheureusement c'est tout le temps qui nous était alloué pour ce dernier bloc d'échange. Donc, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission. Je suspends les travaux quelques instants afin que l'on puisse accueillir notre prochain invité. Merci, messieurs.

M. Normandin (Daniel) : Merci à vous.

M. Laplatte (Benjamin) : Merci à vous.

(Suspension de la séance à 15 h 47)

(Reprise à 15 h 49)

Le Président (M. St-Louis) : Donc, la commission reprend ses travaux. J'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme Caroline Brouillette, directrice exécutive chez Réseau action climat Canada. Donc, Mme Brouillette, vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation aux membres de la commission. La parole est à vous.

Mme Brouillette (Caroline) : Oui, merci beaucoup. D'abord et avant tout, merci beaucoup pour l'invitation et mes excuses de ne pouvoir être avec vous en personne, beaucoup de voyagement ces temps-ci.

Donc, pour présenter le Réseau action climat Canada, nous sommes le plus vaste réseau d'organisations qui travaillent sur des questions liées au changement climatique et à l'énergie au Canada. On rassemble près de 200 organisations, dont une masse critique au Québec, qui opèrent d'un océan à l'autre. Nos membres, ce ne sont pas juste des groupes environnementaux, mais bien sûr on les inclut, mais aussi des syndicats, les Premières Nations, des organisations de justice sociale, le développement de santé et de jeunesse, des groupes religieux et des initiatives locales. Donc, une très vaste coalition, comme vous pouvez le voir. Et notre rôle, c'est de faciliter des consensus entre la société civile et des réalités variées à suivre au quotidien, les dynamiques nationales, sous nationales et internationales sur les questions liées à l'ambition climatique. Et si vous me permettez, donc, personnellement...

Mme Brouillette (Caroline) : ...je suis économiste de formation, je siège également au Conseil du partenariat sur les emplois durables qui avise le gouvernement fédéral sur ces questions.

Mon intervention aujourd'hui sera ancrée dans le contexte international et plus particulièrement l'Accord de Paris et ses principes. Alors, sans plus tarder, je vais commencer et je vous remercie, on a envoyé aujourd'hui une étude qu'on a... on tenait absolument à conclure et à vous présenter avant ma présentation d'aujourd'hui menée par la chercheuse Ceecee Holz du Climate Equity Reference Project sur laquelle s'appuiera mes propos.

Donc, en 2025, quand on parle de compétitivité de notre économie, ça veut dire qu'on doit s'assurer que les travailleurs, les travailleuses, les industries, les citoyens, les citoyennes soient en mesure de prospérer dans des marchés qui sont en pleine transformation et évolue vers les technologies du futur. Notre voisin du Sud, bien entendu, sous la présidence Trump, a abdiqué devant l'industrie pétrolière et gazière. Ce président a beau s'accrocher aux technologies du passé et à intimider les pays à travers les tarifs pour qu'ils augmentent leur dépendance aux énergies fossiles qui sont instables, qui sont dangereuses et économiquement extrêmement volatiles, ça ne veut pas dire que le Québec devrait faire de même.

Au contraire, on devrait prêter attention à la trajectoire réelle du reste du monde, où la majorité des pays accélère rapidement le déploiement des technologies basées sur l'électricité et les énergies renouvelables, deux choses dans lesquelles nous sommes riches au Québec et nous sommes également technologiquement avancés. Je vais juste nommer d'entrée de jeu l'Europe, notamment, qui va adopter un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, pas plus tard que 2026. La Chine également qui est... on voit en ce moment la domination de certains secteurs critiques, notamment le solaire photovoltaïque, les voitures électriques et les batteries. Et donc je pense que dans ce contexte, c'est important de nommer qu'économiquement on est... on est ailleurs en 2025 et opposer environnement et économie à ce stade est tout simplement anachronique.

Je vous rappelle également que bien que le Québec ne soit pas une partie formelle à l'Accord de Paris, il y a adhéré par décret en décembre 2016, s'engageant ainsi à respecter ses principes et à poursuivre ses objectifs et, en vertu de cet accord, à chaque cinq ans, les pays se doivent de déposer de nouvelles cibles pour les cinq années suivantes. Et, en fait, juste avant la COP 30, les pays ont déposé leurs cibles pour 2035, le Canada également l'a fait en février dernier. Donc, permettez-moi d'abord de faire un premier constat, celui que le sujet de notre conversation aujourd'hui sur les cibles de 2030 nous place malheureusement un petit peu en déconnexion de ce cycle mondial, plutôt que de positionner le Québec vers l'avant dans une position de leadership qui est celle, très certainement, que nous, au Réseau Action Climat, on attend du Québec.

Cela dit, je vais maintenant vous parler plus précisément du travail qu'on a fait pour mesurer, en vertu de ces obligations qu'on a prises envers l'accord de Paris, les obligations du Québec et comment, dans le fond, on... en respect du science et de l'équité, ce que le Québec devrait contribuer à cet grand effort... à ce grand effort international pour limiter le réchauffement climatique au seuil critique de 1,5 degré. C'est un exercice que les chercheurs du Climate Equity Reference Project ont d'ailleurs fait ailleurs dans le monde, que ce soit à l'échelle pancanadienne, aux États-Unis, en Norvège, etc. Donc, en 2021, le réseau avait fait la recommandation de réduire les émissions d'au moins 65 % d'ici 2030 par rapport à 1990. Pour respecter sa part équitable de cet effort mondial là pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius, le Québec doit combiner deux leviers.

Donc, d'abord, cette réduction sur notre territoire que je viens de mentionner, et également une contribution internationelle... internationale, pardon, substantielle, notamment sous forme de financement climatique, je pense, par exemple, aux programmes de coopération climatique internationale, qui est un programme phare du Québec, mais également de transfert technologique et de soutien au renforcement des capacités. Dans notre étude, on... et j'espère que vous aurez le temps, si ce n'est pas aujourd'hui, d'y jeter un coup d'œil...

Mme Brouillette (Caroline) : ...on vient évaluer trois trajectoires de carboneutralité, soit 2040, 2045 ou 2050, parce que je vous rappelle que l'ONU... en fait, le... son secrétaire général lui-même a recommandé aux pays dits développés de viser la carboneutralité en 2040. L'Agence de l'énergie internationale a, elle, suggéré que les économies avancées devancent leurs cibles de... de carboneutralité en 2045, et un scénario de base de carboneutralité à l'échéance de 2050, qui est la cible que vise le Québec sans toutefois l'avoir inscrite comme obligation juridiquement contraignante.

Donc, ce qu'on a évalué dans notre rapport, parce que... bien, ce qu'on vient faire, en fait, c'est déterminer l'effort qui devra être fait pour rejoindre ces différentes cibles... de carboneutralité, qui nous... finalement, le choix qu'on fait, c'est... c'est un peu une question d'à quel point on veut être ambitieux et à quel point on veut avoir une posture de leadership. Mais également on doit tenir en compte le record... le retard, pardon, qu'on a accumulé entre 2016 et 2024, c'est-à-dire le retard pris dans la contribution du Québec aux efforts mondials d'atténuation par rapport à notre juste part de l'engagement qu'on a pris dans l'Accord de Paris.

Donc, je ne vais pas nommer tous ces chiffres, mais ce qu'ils mettent en évidence est une réalité incontournable. Plus l'action est retardée, plus l'effort à fournir devient abrupt et plus notre économie échouera à se positionner dans un échiquier mondial en pleine transformation.

Donc, nos recommandations sont les suivantes : d'abord, établir dès 2025 une cible intermédiaire pour 2035 alignée sur un scénario de carboneutralité équitable; ensuite fixer une cible officielle de carboneutralité qui est juridiquement contraignante, en cohérence avec les recommandations de l'ONU; intégrer systématiquement le rattrapage du déficit d'action climatique post-2015 afin de ne pas transférer l'effort à des générations futures ni à d'autres régions du monde; et finalement compléter les réductions domestiques par une contribution internationale substantielle.

Je vais conclure en vous disant qu'on parle de chiffres et que je sais que ces questions-là, ça peut parfois sembler abstrait et déconnecté du réel, mais dans le fond, une cible... une cible climatique, c'est une étoile polaire pour guider, guider nos décisions collectives, incluant les décisions du gouvernement, pour nous assurer que l'ensemble de l'économie soit prête pour les transformations présentes et à venir. C'est aussi une certitude pour les entreprises et les industries qui ont besoin de clarté pour faire des investissements dans la décarbonation. Et c'est finalement une direction pour les travailleurs et travailleuses et les communautés dans une économie mondiale extrêmement turbulente, qui nous permette de planifier plutôt que de se laisser garocher à gauche puis à droite par les forces du marché.

Et j'espère que vous allez me permettre une petite note personnelle. Je vous ai parlé de mon rôle au début et ce que je ne vous ai pas dit, c'est que je suis la première directrice générale francophone et québécoise de ce grand et vaste réseau qui est le nôtre, le Réseau Action Climat Canada. Et, au début de mon mandat, j'ai eu plusieurs opportunités d'être fière de la province du Québec et de la façon dont elle jouait son rôle comme vecteur d'ambition et de leadership dans la fédération canadienne. Je pense notamment à la Loi visant principalement à mettre fin à la recherche ainsi qu'à la production d'hydrocarbures et au financement public de celles-ci. Je dois vous dire que cette fierté a pris un petit coup, un gros coup récemment. Et, quand je regarde l'état de la situation climatique au Canada en ce moment, on a besoin plus que jamais du leadership des provinces et notamment du Québec. Et donc, sincèrement, j'espère que vous nous entendrez.

Le Président (M. St-Louis) : En terminant, Mme Brouillette.

Mme Brouillette (Caroline) : Oui, j'espère que vous entendrez ma question. Je sais que c'est vous qui posez les questions aujourd'hui, mais je me demande sincèrement pourquoi, en tant que Québécois, on se priverait de ce leadership et des avantages économiques qui en découlent et pourquoi on en priverait le reste du Canada et du monde. Merci.

Le Président (M. St-Louis) : Je vous remercie pour votre... votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous, vous... vous disposez de 16 minutes 30 secondes.

• (16 heures) •

M. Drainville : Merci pour votre présentation. On vient de recevoir votre mémoire. Je cite... Donc, vous avez fait une recommandation en 2021 et, dans votre mémoire, ce que vous dites, c'est...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Drainville : ...que la réduction des émissions de GES domestiques du Québec d'au moins 65 % d'ici 2030 par rapport à 90 demeure pleinement valide. Donc, on est à moins 19 % actuellement sur les niveaux de 90, vous proposez qu'on passe de moins 19 % à moins 65 % en cinq ans. Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment on va réussir un tel bond?

Mme Brouillette (Caroline) : Écoutez, je pense que la question, en fait, moi, que je me pose, c'est si des juridictions comme le Québec, qui sont extrêmement bien positionnées, que ce soit en matière d'expertise technologique sur l'électricité et les énergies renouvelables, que ça soit en matière de capacité et de ressources, le Québec est quand même... fait partie des pays dits développés, quand on regarde les parties à l'accord de Paris, à l'ONU. Donc, si le Québec ne le fait pas, ça va être... ça va être quel autre pays qui va... va faire cet effort-là pour nous empêcher collectivement de payer les coûts d'un changement climatique en pleine accélération et dont on vit déjà les conséquences.

M. Drainville : OK, mais vous êtes consciente, puis je réitère que le Québec est un leader et va demeurer un leader, peu importe la cible que nous choisirons, mais vous êtes... vous êtes consciente du fait que le Québec représente 0,16 % des émissions de GES sur la planète présentement et de demander à l'économie québécoise de réduire sa production de GES, en cinq ans passer de moins 19 % à moins 65 %, c'est un électro-choc économique extrêmement important et c'est à coup sûr une décroissance économique assez importante, là. Vous croyez que les Québécois sont prêts à participer à une opération de décroissance économique comme celle-là? Vous pensez que vous avez la population avec vous?

Mme Brouillette (Caroline) : Écoutez, je pense que... là c'est vos mots, pas les miens, là, la question de la décroissance économique. Je ne nie pas qu'il s'agit d'un bond important et d'un effort important, mais comme je le disais tout à l'heure, une cible, ce à quoi ça sert, c'est à donner une direction à notre économie et à s'assurer que l'ensemble de celle-ci et que tous les secteurs contribuent leurs efforts à cet... à cet effort national là, à cet effort provincial. Moi, je pense que les Québécois sont extrêmement ambitieux en matière de climat. On le sait, ils sont parmi les plus... les plus climato-concernés quand il y a des sondages au niveau pannational et je pense que, si on leur explique bien les opportunités qui découle d'un tel positionnement, que ça soit dans une panoplie d'industries, ils en seraient.

Cela dit, c'est maintenant un effort collectif une fois qu'on se fixe une cible, on s'entend que ça prend également un plan pour pour y arriver. Et les deux vont ensemble, c'est comme un peu une carte, on ne se donne pas de carte de... on ne part pas en voyage sans avoir une idée claire sur notre destination, ça nous aide à avoir un plan concret pour y arriver.

M. Drainville : Vous dites aussi dans votre...

Mme Brouillette (Caroline) : Et, peut-être, je réitérerais, M. Drainville, quand on a fait cet exercice-là, on l'a fait avec les membres du Québec du Réseau action climat Canada, qui comporte non seulement des groupes environnementaux, mais également des groupes qui travaillent sur la scène internationale, ainsi que des syndicats, des travailleurs et travailleuses qui sont directement impactés non seulement par les impacts climatiques, mais par la nécessaire transition de notre économie.

M. Drainville : Dans votre mémoire, vous affirmez également que dans les faits, ce n'est pas moins 65 % qu'il faudrait atteindre d'ici 2030, vous dites : La juste part du Québec est plutôt à moins 179 % d'ici 2035, qui pourrait s'élever jusqu'à moins 206 % de réduction lorsqu'on tient compte du déficit d'action climatique accumulé entre 2016 et 2024. Pouvez-vous m'expliquer d'où ça vient ce chiffre-là, moins 179 % ou même 206 %? Là, rendu là, honnêtement, il n'y a plus grande différence. C'est quoi ça, moins... mettons, on va arrondir, là, mettons, moins 200 %, là? Moins 200 % de GES, comment... parce que vous avez fait référence à la fin, vous avez dit notre stratégie, ou je ne sais pas quoi, notre proposition inclut une réduction domestique et une contribution internationale substantielle. Est-ce que c'est ça le moins 200 %? C'est il faut non seulement baisser ici, mais faut aller aider les autres à baisser...

M. Drainville : ...également, est-ce que c'est de là que ça vient votre chiffre?

Mme Brouillette (Caroline) : Oui, exactement. En fait, quand... quand ces calculs-là sont faits, ce qu'on voit, c'est que tous les... tous les pays, en fait et toutes les juridictions développées du monde ont tellement contribué à la... à la pollution et à la... à la l'utilisation de notre budget carbone actuel. Quand on compare à des régions, par exemple, comme l'Afrique qui, le continent lui-même, est responsable d'à peu près de moins de 2 % des émissions mondiales, et que l'effort nécessaire est extrêmement grand, vous le constatez, là, on s'entend à 200 %, c'est immense et ce n'est pas ce qu'on demande de faire, ni pour compenser le fait qu'on ne peut pas réduire les émissions à ce point-là sur notre territoire. On doit continuer les efforts du Québec en matière de financement climatique international. Je le répète, le Québec est un grand pionnier sur cette question-là, et on a été une des premières juridictions sous-nationales à le faire par l'entremise du PCCI, le Programme de coopération climatique internationale. Donc, ça fait partie de notre juste part quand on vient considérer les questions de science et d'équité.

M. Drainville : Et vous proposez... Bien, j'imagine que, si vous proposez un tel effort, un tel transfert de ressources financières vers l'international, j'imagine que... Enfin, est-ce que vous avez identifié la provenance de ces sommes d'argent qu'on utiliserait présumément pour soi pour acheter des crédits à l'international ou pour aider à transférer des sous dans des pays qui pourraient s'en servir par la suite pour... pour décarboner leur propre économie. Est-ce que vous avez identifié les sources de ce... de ce transfert d'argent massif?

Mme Brouillette (Caroline) : On n'a pas identifié les sources ni fait en quantification à ce stade, mais je pense que c'est important, quand on parle des coûts de l'action climatique, de bien comptabiliser les coûts de l'inaction. Je vais vous donner quelques exemples. Les pertes assurées annuelles moyennes au Québec sont passées de 18 millions de dollars à 877 millions de dollars entre 2000 et 2004, et 2020 et 2024, à cause des événements comme les inondations, les vagues de chaleur. Les coûts associés à la perte de vies humaines et aux atteintes au bien-être causées par ces vagues de chaleur, son coût estimé à 3,6 milliards de dollars par année. Donc je vais... je vais utiliser mon langage d'économiste en ce moment pour dire : C'est important d'utiliser le bon constat factuel. Et vous savez, ces interventions-là, dans les pays du Sud, ont également des répercussions économiques, pas juste pour eux, mais pour nous, dont il faut tenir compte. Je pense aux organisations humanitaires basées ici, au Québec et au Canada, qui sont forcées de plus en plus d'intervenir face à des catastrophes climatiques. C'est de ça dont on parle.

M. Drainville : OK. Mais vous ne craignez pas que la crédibilité de votre proposition en souffre si vous proposez que... que le Québec aide à coup de milliards d'autres économies à l'étranger sans identifier la provenance de l'argent? Vous ne croyez pas que ça risque d'affecter votre la crédibilité de votre proposition, non?

Mme Brouillette (Caroline) : Bien, le Québec contribue déjà des montants à l'échelle de milliards à...

M. Drainville : Oui. On parle... on parle... on parle de... Vous avez parlé de dizaines de millions tout à l'heure, là. Là, de contribuer à hauteur de 100... Enfin, encore une fois, arrondissons à moins 200 % de réduction de GES, on parle de milliards et de milliards qu'il faudrait transférer, là, vers des pays étrangers.

Mme Brouillette (Caroline) : Écoutez, M. Drainville, moi, les...

M. Drainville : Moins 37,5, là, ça représente une diminution de 1.4 % du PIB, là, moins 37,6. Vous, vous proposez moins. C'est quoi, 65 qu'on disait tout à l'heure? Moins 65, donc c'est... c'est beaucoup plus. Ça, c'est juste pour le territoire national. Puis, par la suite, il faut transférer toutes ces ressources financières, toutes ces sommes d'argent massives vers l'étranger. Donc, on peut penser que la facture pour le contribuable québécois serait très, très, très importante. Ça ne vous inquiète pas, ça, de demander un tel effort financier à vos concitoyens?

• (16 h 10) •

Mme Brouillette (Caroline) : Bien, deux choses. Donc, premièrement, en tant qu'économiste, pour moi, c'est extrêmement important, quand on parle du coût de l'action climatique, d'utiliser la bonne comparaison, donc de comparer avec le coût de l'inaction, ce que je constate dans les discussions, malheureusement, qui est présentement absent et dans un deuxième...

Mme Brouillette (Caroline) : ...en même temps l'objectif de notre étude, à nous, M. Drainville, c'est vraiment de venir calculer qu'est-ce que ça veut dire les obligations de l'accord de Paris qu'on a prises.

Ensuite, je suis d'accord avec vous que c'est un effort substantiel, mais il reste que c'est la question qu'on doit se poser parce que, si le Québec ne le fait pas, la question, c'est quelle autre juridiction va le faire? Et moi, ça m'inquiète particulièrement, et je dois vous avouer que je suis en recherche de réponses parce que je ne sais pas ça va être qui, qui pourra prendre le slack, en bon français, du Québec, si nous, on décide de relayer notre rôle de leadership.

M. Drainville : Non, mais je suis d'accord qu'il faut garder un pôle de leadership, là, mais je le disais tout à l'heure, là, le Québec représente 0,16 % des émissions de GES sur la planète. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas faire notre effort, je le répète, je le réitère, mais le poids économique de vos... de vos propositions dépasse largement, je pense, ce que notre société peut supporter, là. Puis moi, une de mes préoccupations, depuis le début, moi, de ces consultations-là, c'est c'est de garder le maximum de Québécois qui veulent lutter contre les GES avec nous, mobilisés. Si, à un moment donné, on finit par verser dans l'autre extrême, celui de cibles qui sont complètement irréalistes, bien, on risque d'en décourager certains, puis je ne crois pas que la mobilisation citoyenne va rester aussi forte, et donc, en bout de ligne, on va tous être perdants, là.

Donc, moi, je vois dans vos cibles ce risque-là. Visiblement, ou vous ne le voyez pas, ou vous ou vous n'êtes pas d'accord avec mon analyse, puis c'est tout à fait correct, mais je suis un peu... je suis un peu étonné, mettons, par l'ampleur des chiffres que vous nous présentez, là, aujourd'hui, là.

Mme Brouillette (Caroline) : Pour être franche avec vous, M. Drainville, moi aussi, quand j'ai vu ces chiffres-là, ça m'a choquée. Et on ne vous les présente pas parce que ça nous tente de vous montrer des chiffres extrêmes, mais plutôt parce que c'est le portrait réel de la situation qu'on doit dresser quand on constate... quand on inclut les principes de la science et de l'équité. Si on avait commencé sérieusement il y a 20 ans à réduire nos émissions, on n'aurait pas besoin d'une descente aussi rapide aujourd'hui, mais là, parce qu'on a accumulé du retard, la pente devient plus raide. Et moi, ce que je veux prévenir, c'est de nous assurer qu'on n'ait pas une conversation similaire et encore plus drastique dans cinq ans.

M. Drainville : OK. Il me reste combien de temps?

Une voix : Trois minutes.

M. Drainville : Alors, mettons que vous auriez devant vous un citoyen ou une citoyenne un petit peu sceptique, là, je vous laisse le soin de la convaincre, cette personne-là, là, quel argumentaire... Parce que vous lui dites : Il y aura un fardeau fiscal plus important, très certainement, il y aura sans doute des entreprises qui devront fermer leurs portes parce que les charges fiscales liées à une telle cible seraient... seront très importantes, donc elle pourrait perdre son emploi, il y aura certainement des contrôles sur l'utilisation des véhicules à carburant, on l'obligera très certainement à garder sa voiture à la maison une couple de jours par semaine, si ce n'est que de l'obliger même à prendre le transport collectif, il y aura très certainement une hausse des taxes sur tout ce qui est carburant. Alors, on additionne tout ça, puis vous vous présentez devant ladite citoyenne, là, puis vous lui dites : Bien, regarde, ça, c'est le prix économique, mais il faut vraiment que tu le fasses. Alors, dites-nous, dites-nous comment vous vous y prenez pour la convaincre, cette personne-là?

Mme Brouillette (Caroline) : Bien, juste, M. Drainville, ce que vous venez de décrire, c'est peut-être votre vision, mais ce n'est certainement pas la mienne, ni celle que défendent les membres du Réseau Action Climat Canada. Moi, vous savez, j'ai grandi à Sherbrooke et je dis tout le temps : Moi, si j'habitais à Sherbrooke, je n'aurais probablement pas le choix d'avoir une voiture. La transformation dont on parle, la transformation climatique, elle a des coûts-bénéfices pour les gens. L'idée, c'est de transformer nos milieux de vie, de rendre les choix environnementalement sensibles plus faciles et plus accessibles pour les gens. Donc, on vient réfléchir à l'aménagement du territoire, à l'offre de transport collectif et actif et ensuite aux questions d'électrification des véhicules. On parle de nos industries. Euh. Vous parlez de la question des.

Mme Brouillette (Caroline) : ...on emploie quelque chose qui est extrêmement important, on doit venir transformer nos économies. Je vous ai beaucoup entendu parler de l'industrie de l'aluminium, M. Drainville, pendant cette commission, bien, ça va bientôt être impossible de vendre de l'aluminium qui est polluant parce que certains pays, comme je le disais tout à l'heure, dont l'Union européenne, ont une réglementation en vigueur sur l'empreinte carbone des différents produits de base. Les technologies sont au rendez-vous pour capter le CO2 produit par le procédé d'extraction d'aluminium à un coût acceptable, donc on a un rôle en tant que société, en tant que gouvernement, d'investir pour s'assurer...

M. Drainville : Mais on le fait, hein, comme vous le savez.

Mme Brouillette (Caroline) : ...que notre industrie de l'aluminium puisse compétitionner dans ce contexte-là...

M. Drainville : Comme vous... comme vous savez...

Mme Brouillette (Caroline) : ...et c'est ce type d'opportunité qu'on doit saisir pour se prévaloir de leadership climatique.

Le Président (M. St-Louis) : En conclusion, M. le ministre.

M. Drainville : Mais, comme vous le savez, Mme Brouillette, on le fait. Le gouvernement subventionne l'utilisation de la technologie ELYSIS, là, on fait notre part, ce n'est pas comme si on ne faisait pas notre part, là, on fait notre part pour favoriser une aluminium verte et la plus décarbonée possible. Mais merci beaucoup pour votre présentation.

Le Président (M. St-Louis) : Alors je cède maintenant la parole à la porte-parole de l'opposition officielle. Mme la députée, vous disposez de neuf minutes 54 secondes.

Mme McGraw : Merci, M. le Président, et merci, Mme Brouillette, d'être avec nous. Merci aussi pour la note personnelle, c'est vraiment toute une fierté pour le Québec, vous êtes la première Québécoise et francophone et économiste par formation, donc c'est... c'est vraiment toute une fierté. Donc, juste pour commencer, effectivement, avec l'économie, vous avez parlé d'utiliser le bon contrefactuel. Est-ce que vous pouvez nous parler des coûts de l'inaction? Parce que le ministre, il mise beaucoup sur un peu un discours qui oppose un peu l'économie et l'environnement, comme quoi on va appauvrir les Québécois, on va perdre des emplois, mais la plupart des groupes du milieu économique nous ont parlé des opportunités. Ce sont la transition climatique, c'est un levier économique et non un obstacle et, aussi, il y a des coûts qui sont liés à la transition mais surtout à l'inaction climatique. Est-ce qu'on peut vous entendre là-dessus?

Mme Brouillette (Caroline) : Oui, merci. Puis, je pense qu'il faut nommer d'entrée de jeu qu'il y a quand même la transition économique liée à la transition de tous les secteurs de l'économie pour faire face à la crise climatique, ce n'est pas facile, facile, ça ne se fait pas en claquant des doigts, mais comme vous le dites, vient avec des opportunités et ne pas le faire à un coût d'opportunité important. Je pense que ce serait bien d'ailleurs, peut-être que le Québec et le gouvernement en soi fassent des efforts au niveau provincial parce que beaucoup des chiffres qu'on a en ce moment sont au niveau fédéral, mais le coût de l'inaction climatique au Québec se chiffre en milliards de dollars, que ce soit par les répercussions sur la santé et en pertes assurées liées aux phénomènes météorologiques extrêmes.

Je le disais tout à l'heure, on parle de 877 millions de dollars par année en pertes assurées annuelles entre 2020 et 2024. Et ça, c'est en contraste à 18 millions entre 2000 et 2004. Et ça, c'est juste des événements comme les inondations et les vagues de chaleur. Ça, ça a aussi des impacts importants sur le système de la santé, donc on parle d'environ 15 millions de dollars en coûts directs et 5 millions de dollars, juste en coût lié à l'absentéisme, tu sais, ça, c'est un impact économique dont on ne parle pas souvent. Il y a aussi des coûts intangibles associés aux pertes de vies humaines, c'est assez tragique, on s'entend, ça a un impact humain, mais ça, ça a un impact économique aussi, on parle d'environ 3,6 milliards de dollars par année. Et quand on regarde malheureusement la trajectoire actuelle en matière d'impact climatique, ces coûts-là pourraient augmenter considérablement, soit tripler ou même quintupler d'ici 2050. Je vais... je pourrais continuer, mais je vais m'arrêter ici.

Mme McGraw : Mais, oui, je sais, vous travaillez beaucoup, évidemment au niveau pancanadien, mais aussi au niveau international, puis, nous, on a entendu des chiffres comme pour chaque dollar investi en prévention, en atténuation, c'est un 4 à 10 qu'on va sauvegarder en adaptation, en réaction. Je ne sais pas si vous avez accès à ces données-là, mais... sinon, je peux passer à autre chose.

• (16 h 20) •

Mme Brouillette (Caroline) : Oui, je ne les ai pas en ce moment, mais on appelle ça... bien, en économie, on appelle ça, c'est ça, les taux multiplicateurs. Malheureusement, on est rendu à un point tel d'inaction climatique et on a tellement tardé sur l'atténuation, comme je le disais tantôt, la pente est rendue tellement...

Mme Brouillette (Caroline) : ...je vais utiliser l'analogie de la COVID, là, tu sais, on ne parle pas juste d'aplatir la courbe, là... la courbe, on doit rapidement la faire descendre, qu'on doit en même temps investir en atténuation et répondre aux pertes et préjudices causés par les changements climatiques. Donc, il faut nommer, il y a un coût, et ce coût-là, on le paie parce qu'on n'a pas voulu investir dans la transition quand ça aurait été beaucoup plus économiquement viable il y a 20 ans.

Mme McGraw : J'aime beaucoup l'idée de votre... Vous avez proposé, je pense, une étude québécoise vraiment sur les coûts de l'inaction. Ce serait intéressant. Vous avez posé une question en conclusion : Pourquoi le Québec se priverait d'être un leader en action climatique? Et le ministre, il avait dit à plusieurs reprises : Bien, encore aujourd'hui, le Québec va demeurer un leader peu importe la cible. Est-ce que vous êtes d'accord?

Mme Brouillette (Caroline) : Non, absolument pas. Je pense qu'au Québec, on a pris des décisions historiques qui font en sorte que nos émissions de gaz à effet de serre sont basses lorsqu'on se compare aux cancres de la classe, c'est-à-dire aux hautes juridictions en Amérique du Nord. Cette décision historique là, c'est la nationalisation de notre électricité et le fait que notre hydroélectricité au Québec, elle est à 99,8 % renouvelable. Mais bon, c'est sûr qu'il y a des décisions qui m'inquiètent au niveau fédéral, en ce moment, puis je n'élaborerai pas là-dessus, là, mais il y a quelque chose d'autre qui est en train de se passer. C'est-à-dire que d'autres juridictions investissent dans l'électricité propre et qu'assez rapidement, le Québec ne pourra plus s'asseoir sur ses lauriers de cette façon-là. Mais là, économiquement, on est dans une position avantageuse. En économie, on parle de... bon, de l'avantage comparatif. On a déjà cette électricité propre là, on... Il y a des opportunités, que ça soit notre expertise et notre savoir-faire en matière d'électrification et d'énergies renouvelables, dont on pourrait profiter. Mais pour ça, il faut être proactif.

La Chine domine complètement en ce moment le solaire photovoltaïque, les batteries et les véhicules électriques parce qu'il y a eu un leadership extrêmement fort de la part du gouvernement, des investissements publics dans l'économie et ce qui fait en sorte que, juste par ses exportations en ce moment, la Chine contribue à réduire les émissions mondiales de 1 %. C'est gros, ça. Donc, moi, je pense qu'au Québec, on ait des gens extrêmement ambitieux. On a déjà eu de la vision, et là c'est le moment de redoubler d'ardeur. Ce n'est pas le moment, parce qu'on a un président Trump au Sud, de s'asseoir sur nos lauriers.

Mme McGraw : Puis justement, peut-être une dernière question, parce que je crois que ma collègue a une question aussi, justement, là, le ministre parle beaucoup de ce qui se passe à l'extérieur du Québec, il y a Trump, il y a l'Ontario, le Canada. Il y a beaucoup d'imprévisibilité puis on comprend que le Québec a déjà pris sur des gouvernements antérieurs des décisions structurantes, même contre ce qui se passait ailleurs. Donc, on a mis en place un marché de carbone, on a été les premiers avec... en tout cas, sur plusieurs niveaux, donc on a toujours été avant-gardiste malgré ce qui se passe autour. Donc, est-ce qu'on... l'idée, c'est de redoubler, j'imagine, nos efforts au lieu d'aller dans la mauvaise direction, surtout lorsqu'on est en train de diversifier nos marchés vis-à-vis l'Europe, etc.     

Dernière question, mobilisation, le ministre se dit préoccupé par une démobilisation de la société québécoise. Si on a des cibles qu'on ne peut pas atteindre. Est-ce que vous êtes d'accord ou est-ce qu'il y aurait un risque de démobilisation si on recule sur nos cibles?

Mme Brouillette (Caroline) : Moi, la démobilisation qui m'inquiète en ce moment, c'est la démobilisation des politiciennes et politiciens sur l'action climatique et l'impact que ça a sur le citoyen, les citoyennes lambda qui se posent des questions sur l'abordabilité, sur l'avenir, qui sont inquiets quand ils se retrouvent avec de l'eau dans le sous-sol à chaque été puis des coûts d'assurance qui augmentent. Moi, c'est ça qui m'inquiète en ce moment d'un point de vue de mobilisation.

Je pense qu'il y a des opportunités économiques que les leaders politiques ont un rôle extrêmement important à jouer dans l'éducation des gens, dont, ce moment, malheureusement, on manque cette opportunité-là. Puis puis j'ai encore espoir qu'elle soit saisie.

Mme McGraw : Merci...

Mme Dufour : OK. Merci. Bonjour, Mme Brouillette, députée de Mille-Îles. Vous... vous venez de le mentionner, il y a des...

Mme Dufour : ...concret actuellement... pour nos citoyens. Votre proposition, c'est de... mettre encore davantage d'argent dans la... dans le fond, la réduction des émissions de GES du Québec. Là, j'ai compris, au-delà même du 100 %, là, c'est d'aller compenser une... la juste part du Québec. Mais comment on... on fait ça, quand, en même temps, on doit mettre des sous dans l'adaptation? Puis là on parle de milliards de dollars qu'on a besoin de mettre dans l'adaptation. L'argent qu'on va mettre dans la réduction ailleurs, à l'étranger, on ne l'aura pas pour l'adaptation chez nous?

Le Président (M. St-Louis) : En 30 secondes, Mme Brouillette, s'il vous plaît.

Mme Brouillette (Caroline) : Je pense que ce que... pour simplifier, là... les investissements qu'on va faire aujourd'hui, ici, chez nous, en... en atténuation, en adaptation, en réponse aux pertes et préjudices, mais également dans... dans le financement climatique international, vont nous sauver énormément... d'argent dans... dans l'avenir. Je pense que c'est... c'est à ça qui est... qu'on doit réfléchir.

Mme Dufour : Oui, mais, j'imagine, les fonds ne sont pas illimités non plus, donc il va falloir faire des choix. Merci, Mme Brouillette.

Le Président (M. St-Louis) : Merci beaucoup. Nous... Je cède maintenant la parole au... au porte-parole, pardon, du deuxième groupe d'opposition. M. le député, la parole est à vous, vous disposez de trois minutes 18 secondes.

M. Grandmont : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Brouillette. Merci pour votre mémoire. Merci pour votre présence.

Vous avez parlé d'émissions, puis votre mémoire en parle aussi beaucoup, là, de... d'émissions historiques. Je comprends que ce doit être quand même assez compliqué d'évaluer le pourcentage d'émissions historiques du Québec sur l'ensemble de ce qui a été produit, là, sur la planète, là, dans son histoire. Mais, au-delà de ça, est-ce que... est-ce que... est-ce que ça n'apporte pas un peu un devoir moral très grand pour le Québec, sachant qu'on a contribué historiquement beaucoup et on s'est développé beaucoup autour des énergies fossiles, dans le fond, là? Devoir moral, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Brouillette (Caroline) : Bien, c'est... c'est certain, le... l'Accord de Paris est... est basé sur des principes d'équité, et c'est ça qu'on est... on vient quantifier avec ce type d'évaluation là. Je pense que quand on voit l'ampleur de ces chiffres-là, ça... ça nous donne un choc, ça ne fait pas plaisir, mais ça fait partie de... de notre responsabilité historique. Et, vous savez, nous, on... on a des... des collègues partout dans le monde qui ont une responsabilité historique très différente. Des pays comme l'Inde, par exemple, sont loin d'avoir une juste part qui s'élève à 179 % et au-delà de... de 200 %, et... et ça reflète le fait que, per capita, quand on vient de calculer notre... notre empreinte... carbone... elle est très élevée.

Puis je voudrais juste... revenir rapidement sur... (panne de son) ...question liée, là, au coût. Parce que... avec votre collègue précédemment... là, je comprends que ça s'élève à beaucoup, mais vous savez, l'économiste Nicholas Stern, qui... qui est au Royaume-Uni, avait calculé que ça reviendrait à environ à 2 % du PIB de chaque juridiction qui devrait être investi en... en actions climatiques. Donc, je pense que... c'est, somme toute, un montant, là, qui n'est pas absolument déraisonnable.

M. Grandmont : Parfait. Merci. Vous avez parlé de la Chine, là, qui était un leader, là. Vous avez parlé principalement, là, du solaire, du photovoltaïque. Est-ce que, dans le fond, la Chine fait la démonstration que c'est possible de combiner l'économie et l'ambition climatique?

Mme Brouillette (Caroline) : Je pense que oui. Je pense qu'il y a eu des... des choix qui ont été faits par le leadership chinois, dans les années 2010, par l'identification des secteurs stratégiques pour les... leur économie et l'identification de secteurs où la Chine en particulier avait un avantage comparatif compétitif. Je pense que ce serait bien que des juridictions comme le Québec le fassent. Que ce soit dans les secteurs comme l'efficacité énergétique, on a développé beaucoup de... d'expertises via Hydro-Québec, il y a également, bon, l'IREQ qui a... qui a un rôle particulièrement intéressant. Si on faisait ce genre de réflexion, on... on... on pourrait aller beaucoup plus loin.

M. Grandmont : Quand on regarde évidemment le bilan du Québec, j'imagine que les transports, l'aménagement du territoire seraient aussi des secteurs... seraient un secteur névralgique pour le Québec?

Mme Brouillette (Caroline) : Évidemment, comme le Québec a déjà une production d'électricité qui est à peu près 100 % décarbonée, le prochain... le prochain secteur, il s'agit de celui du transport, vous l'avez nommé. Je pense que vous avez entendu mes collègues, les membres du Réseau action climat, parler plus concrètement des... des solutions à ce niveau-là.

• (16 h 30) • 

Le Président (M. St-Louis) : ...je vous remercie, Mme Brouillette. Je suis désolé. Je suis le gardien du temps. Ceci conclut, troisième bloc d'échange. Je cède... cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, M. le Président...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

Le Président (M. St-Louis) : ...des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Merci, Mme Brouillette, pour votre présence. J'aimerais vous entendre davantage sur le contexte dans lequel on est, parce que vous avez fait mention de ce qui se passe au sud de la frontière en disant que ça ne doit pas être notre référence. Mais vous avez évoqué brièvement le fait que, dans les autres provinces canadiennes ou sur le plan fédéral, il se passe aussi des choses. Le ministre nous a argumenté le fait que les cibles climatiques sur le plan fédéral ne semblent pas en voie d'être atteintes. Au contraire, on semble les abandonner les unes après les autres. Qu'est-ce que vous dites de ce contexte-là où finalement, abstraction faite, là, des États-Unis, ce qui se passe ailleurs au Canada, vous allez faire le même genre de recommandations, j'imagine, si vous avez voix au chapitre sur les mesures qui sont prises au gouvernement fédéral notamment?

Mme Brouillette (Caroline) : Tout à fait. Vous pouvez voir les interventions et réactions du Réseau Action Climat Canada aux dernières décisions qui ont été prises par le gouvernement fédéral. Là, où je pense que je me permets, comme je le disais tout à l'heure, à titre personnel entre Québécois, d'avoir des attentes plus élevées pour le Québec. C'est en vertu des décisions historiques qu'on a prises des opportunités économiques et du fait qu'on s'est positionnés avec notamment, bon, il y avait loi pour mettre fin à la production d'hydrocarbures. On était coprésident de l'Alliance Beyond Oil&Gas qui l'était laissait présumer qu'on allait jouer un rôle diplomatique auprès des autres provinces canadiennes. Et je trouve qu'on est en train de laisser beaucoup d'opportunités derrière nous en tant que province. Et quand, comme je le disais tantôt, je regarde tout ce qui se passe, bon, dans toutes les provinces canadiennes, mais également à l'échelle fédérale, on a besoin de provinces qui sont à l'avant-plan pour jouer ce rôle de leadership plus que jamais.

M. Arseneau : Merci. Vous avez réagi, tout à l'heure, aux propos du ministre qui disait : Si on accélère le pas, on va avoir des conséquences économiques délétères, voire catastrophiques. Vous avez semblé exprimer un désaccord. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus, jusqu'à quel point c'est rentable, justement, d'accélérer la cadence et comment est-ce qu'on peut justement comprendre que l'on puisse tirer notre épingle du jeu sur le plan économique si on va de l'avant davantage que si on recule.

Le Président (M. St-Louis) : En 30 secondes, Mme Brouillette.

Mme Brouillette (Caroline) : Oui. Comme je le disais tout à l'heure, je pense que ça serait extrêmement utile pour... pour les décideurs comme... les décideuses comme... comme vous, mais également pour nous qui sont dans le côté pratique de la chose, d'avoir des données à l'échelle provinciale pour les coûts de l'inaction qui nous permettraient d'avoir une conversation un petit peu plus basée sur des faits. Tu sais, je reviendrais aussi, tu sais, on parle, on compare les coûts d'adaptation, l'argent qu'on met sur l'adaptation aujourd'hui, c'est déjà de l'argent qu'on paie de trop parce qu'on a trop attendu pour réduire les émissions. Donc, je pense que, tu sais, ce comparatif-là, il est important parce que les réductions des émissions qu'on fait aujourd'hui, c'est des coûts d'adaptation puis en perte et préjudice qu'on s'évite dans le futur.

Le Président (M. St-Louis) : Merci beaucoup. Je vous remercie infiniment, Mme Brouillette, pour votre contribution aux travaux de la commission. Nous allons suspendre les travaux quelques instants afin d'accueillir le prochain groupe. Merci.

Mme Brouillette (Caroline) : Merci et au revoir.

(Suspension de la séance à 16 h 34)

(Reprise à 16 h 38)

Le Président (M. St-Louis) : Alors, la commission reprend ses travaux. J'aimerais souhaiter la bienvenue à MM. Langlois et Pascalon de Coalition Zéro Émission Québec. Alors, messieurs, vous disposez de 10 minutes pour votre présentation. La parole est à vous.

M. Langlois (Mario) : Merci, M. le Président. Mmes et MM. les membres de la commission, merci de nous recevoir aujourd'hui. Je suis Mario Langlois, accompagné de mon collègue Stéphane Pascalon, nous représentons la Coalition Zéro Émission Québec, un OBNL qui travaillent depuis 2014 à accélérer la transition vers un transport routier sans émissions au Québec. Nous siégeons notamment au comité de suivi de la norme véhicules zéro émission depuis sa mise en œuvre. Nous vous remercions de nous permettre de contribuer à cet exercice essentiel : la révision de la cible climatique du Québec.

Notre message d'ouverture est simple : la cible actuelle de réduction des GES ne doit pas être affaiblie. Pour atteindre... pour l'atteindre, la norme véhicules zéro émission, la norme VZE parfois, constitue l'outil... de loin l'outil le plus efficace, le plus économique et le plus crédible à la disposition du Québec. Pourquoi la cible doit être maintenue? La Loi sur la qualité de l'environnement fixe un plancher légal, une réduction d'au moins 37,5 % sous les niveaux de 1990, d'ici 2030, vous avez dû l'entendre souvent celle-là dans les derniers jours. Il s'agit d'une obligation juridique. Cette cible n'est donc pas un plafond, elle est un minimum. Ce principe est en ligne avec celui de non-régression de l'Accord de Paris.

• (16 h 40) •

79 mégatonnes aujourd'hui, 85 mégatonnes en 90, ça représente une...

M. Langlois (Mario) : ...d'à peine 7 %. Pour respecter la cible de 2030, il faudrait descendre autour de 53 mégatonnes. Il reste donc environ 26 mégatonnes à réduire en quelques années. Le Québec s'est positionné depuis des années comme un leader nord-américain en électrification et en énergie propre. Nous ne manquons pas d'ambition, nous avons longtemps manqué d'action. Le déficit actuel provient d'un manque de mesures suffisamment fortes, pas d'une cible trop élevée. Avec une électricité propre à... à plus de 90 % et des technologies matures, le Québec est l'une des juridictions les mieux placées au monde pour atteindre voire dépasser ses objectifs climatiques.

Le transport doit être au cœur de la stratégie. Si le Québec veut combler son écart, il doit se concentrer sur le secteur qui émet le plus : le transport. En 2022, le secteur du transport a... a généré 43 % des émissions du Québec, soit plus que l'industrie, les bâtiments et l'agriculture combinés. Et à lui seul, le transport routier représente 32 % de toutes les émissions québécoises, c'est un secteur où les émissions ont augmenté de 25 % depuis 1990, une tendance à rebours de tous les autres secteurs. Or, contrairement à d'autres sources d'émissions difficiles à éliminer, l'électrification du transport léger est un domaine où les centres... où les solutions existent déjà, fonctionnent déjà et peuvent être déployés très rapidement.

Le Québec dispose d'un avantage unique au monde, alimenté des millions de véhicules électriques avec une énergie pratiquement carboneutre. Chaque véhicule à essence remplacée par un véhicule électrique représente donc une réduction nette et immédiate des émissions. Et, contrairement à la reconstruction de réseaux énergétiques, l'électrification s'arrime au cycle normal de renouvellement des véhicules, que ce soit pour les ménages, les entreprises ou les administrations publiques. C'est pour ces raisons qu'une action forte sur le transport est absolument incontournable et c'est ce qui nous amène à l'outil qui fonctionne le mieux : la norme VZE. Je passe maintenant la parole à Stéphane.

M. Pascalon (Stéphane) : Merci, Mario. La norme VZE, c'est un instrument qui donne des résultats. La norme véhicule zéro émission, c'est un règlement simple dans son principe : les constructeurs automobiles doivent atteindre un pourcentage minimal de vente de véhicules électriques ou hybrides rechargeables mesuré par un système de crédit. Il s'agit d'une obligation de résultat, pas d'une mesure volontaire ou incitative. Et le résultat est sans équivoque : 100 % des constructeurs respectent la norme depuis son entrée en vigueur en 2018 au Québec et aussi ailleurs dans le monde.

Nous avons observé, année après année, une plus grande disponibilité des modèles électriques, des délais de livraison plus courts, une concurrence accrue entre les constructeurs et même des surplus de crédits qui montrent que l'industrie peut aller encore plus vite. Cette norme a été le principal moteur de la croissance des ventes de véhicules électriques au Québec, qui ont atteint plus de 22 % en 2024, un niveau comparable à celui observé en Californie lorsqu'elle a consolidé sa propre norme.

Et cela n'a rien d'un phénomène isolé, partout où une norme comparable est en vigueur, les résultats suivent. En 2024, la Colombie Britannique avait 20,7 %, la Californie 25,3 %. Dans les juridictions dépourvues de norme, la progression est généralement 2 à 3 fois plus lente, parce que les constructeurs priorisent toujours les marchés où ils sont tenus d'atteindre des résultats.

D'un point de vue climatique, la norme VZE est l'un des instruments les plus puissants jamais mis en place au Québec et selon les analyses officielles du gouvernement, elle permettra 2,3 mégatonnes de réduction en 2030 et 5,9 mégatonnes en 2035, un total de 26,4 mégatonnes cumulées entre 2025 et 2035. C'est à ce jour la contribution directe la plus importante d'un seul instrument réglementaire dans tout le secteur des transports. Et surtout, il s'agit de réductions réalisées sur le territoire québécois, ce qui réduit la dépendance au marché du carbone et renforce la souveraineté énergétique du Québec.

Mais la norme VZE n'est pas seulement efficace, elle est également la solution la moins coûteuse. Pour les ménages, le coût total de possession d'un véhicule électrique est souvent inférieur à celui d'un véhicule thermique. On parle d'économies d'environ 1000 à 2000 $ par année sur l'ensemble de la durée de vie du véhicule. Cela protège les familles contre la volatilité du prix du pétrole. Pour l'économie québécoise, des analyses gouvernementales estiment que la norme générera 13 milliards de dollars de bénéfice net entre 2025 et 2035 ans en conservant les niveaux actuels de la norme, donc un impact économique fortement positif. Électrifier les transports, c'est aussi réduire notre dépendance à des produits pétroliers entièrement...

M. Pascalon (Stéphane) : ...chaque litre d'essence évitée, c'est plus de richesse qui reste au Québec. Nos recommandations à la commission, à la lumière de ces éléments, sont très claires. Premièrement, maintenir, au minimum, la cible actuelle de 37,5 %, L'affaiblir serait contraire à la loi, contraire à l'Accord de Paris et surtout contraire à l'intérêt public; renforcer la norme des aides; maintenir les cibles progressives jusqu'en 2035 et éviter les exemptions qui dilueraient l'impact, notamment l'inclusion de véhicules hybrides non rechargeables; accélérer les investissements dans l'électrification; campagnes médiatiques pour mieux éduquer le public sur les avantages, notamment, économiques des véhicules électriques; déploiement de bornes de recharge publiques et privées; intégration progressive des véhicules lourds là où les technologies sont prêtes; et soutenir davantage l'accès aux véhicules électriques d'occasion pour les ménages à revenus modestes. Mario, je vais te laisser conclure.

M. Langlois (Mario) : En conclusion, la question posée par le gouvernement appelle une réponse sans ambiguïté, on l'a dit, la cible québécoise de réduction GES ne doit pas être vue à la baisse, doit être maintenue. Le Québec n'a pas un problème de cible, il a un problème de vitesse d'action. Le transport léger est de loin le plus grand secteur émetteur. La norme VZE est le seul instrument capable de transformer rapidement et massivement le marché tout en générant des bénéfices économiques et sociaux majeurs. L'électrification, grâce à l'électricité propre du Québec est la solution la plus efficace, la plus simple, la moins coûteuse et la plus stratégique pour renforcer notre économie et notre sécurité énergétique. Le Québec a la possibilité réelle d'être parmi les leaders mondiaux, de maintenir son leadership de la mobilité zéro émission. Il doit saisir cette occasion dès maintenant. C'est ce qu'on vous demande.

Merci pour votre attention. On est disposés à répondre à vos questions.

Le Président (M. St-Louis) : Merci beaucoup, messieurs, pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter le premier bloc d'échange. M. le ministre, je vous cède la parole pour un bloc de 16 min 30 s.

M. Drainville : Oui, merci beaucoup de votre présentation. M. Langlois, si je ne m'abuse, vous êtes, comment dire, un citoyen engagé depuis de nombreuses années, n'est-ce pas, sur cet enjeu? Rappelez-nous...

M. Langlois (Mario) : Effectivement, je suis un des fondateurs...

M. Drainville : ...ça fait quoi, 20, 25 ans, non, quelque chose comme ça, hein?

M. Langlois (Mario) : ...je suis un des fondateurs de la Coalition Zéro Émission Québec. Alors, depuis la fondation, depuis aussi la fondation d'autres groupes, là, qui visent l'électrification des transports, je suis effectivement impliqué dans ce milieu-là depuis plus d'une quinzaine d'années.

M. Drainville : Bravo pour votre... pour la constance de votre... de votre engagement.

M. Langlois (Mario) : Merci.

M. Drainville : Alors, vous avez sans doute vu que la Colombie-Britannique a décidé, n'est-ce pas, de renoncer à sa cible d'électrification des transports. Moi, j'ai été très surpris qu'une province... qu'un État comme la Colombie-Britannique, qui a longtemps été un leader, je dirais, avec le Québec, sur ces questions climatiques, qu'elle décide de laisser tomber sa cible de 100 % pour 2035. Ils ont essentiellement dit : On laisse ça au fédéral pour la suite des choses. Le gouvernement fédéral qui a lui-même décidé de suspendre sa propre cible qu'il devait fixer cet automne, on ne sait pas trop ce qu'il en est pour la suite des choses.

À quoi vous attribuez, vous, ce recul du côté de la Colombie Britannique? Qu'est-ce qui a fait qu'ils ont décidé de laisser tomber leurs cibles d'électrification et leurs cibles également de rabais, là, pour l'achat de véhicules électriques?

• (16 h 50) •

M. Langlois (Mario) : Comme vous dites... vous disiez, j'ai suivi, depuis 15 ans, le domaine de l'électrification des transports, mais je ne suis pas un spécialiste des politiques... c'est-à-dire en matière de politique. J'ai l'impression que c'est plus une réaction politique, ces décisions-là, qu'une décision qui est basée sur la science et sur l'objectif de réduire les GES en utilisant l'électrification des transports.

M. Drainville : D'accord. On a eu des représentants de fabricants de voitures qui se sont présentés devant cette commission et qui nous ont dit que, selon leurs projections, on pourrait espérer avoir autour de...

M. Drainville : ...de ventes de véhicules électriques à l'horizon 2030. Et je parle de vente annuelle de nouveaux véhicules, donc les ventes de 2030 seront à 37 % électriques selon... et je pense, hybrides branchables, je pense que c'était compris dans le 37 %, on le vérifie à l'instant, mais bref, on est très, très loin de l'objectif. Comment vous avez réagi? Enfin, je ne sais pas si vous l'avez entendu, là, mais quand vous entendez ça, là, et que les fabricants de voitures prédisent grosso modo que seulement un véhicule sur trois sera électrique, sera vendu... en 2030 et sera électrique. Comment vous réagissez à ça?

M. Langlois (Mario) :  Je vais réagir... je vais réagir, mais je vais aussi garder une place pour Stéphane qui pourrait répondre en chiffres, là. Mais nous, ce qu'on pense, c'est que la norme véhicule zéro émission telle qu'elle existe présentement, avec les cibles qu'elle a année après année jusqu'en 2030, doit être maintenue. Nous, ce qu'on sait aussi, c'est que les manufacturiers vont respecter ces objectifs-là.

M. Pascalon (Stéphane) :  En fait, M. Drainville, ce qu'on aperçoit à travers les différents discours des manufacturiers automobiles, c'est qu'ils sortent un peu des chiffres à travers du chapeau...leur chapeau, parce qu'ils ont sorti 37 % dans votre commission, ils ont sorti 30 % dans d'autres commissions au Canada. Quand on arrive en Colombie-Britannique, ils donnent d'autres chiffres et ils n'ont rien pour...

M. Drainville : Donc ils ne sont pas fiables. Selon vous, ils ne sont pas fiables.

M. Pascalon (Stéphane) :  Ils n'ont rien pour étayer ces chiffres-là. Les chiffres que nous, on propose dans la norme zéro émission que vous avez suivie, suivent les courbes d'adoption qui sont réelles, basées sur ce qui s'est passé en Norvège, basé ce qui se passe sur... en Angleterre, basé sur ce qui se passe en Chine, où on voit que ces courbes d'adoption sont exactement selon la courbe de la norme zéro émission actuelle.

M. Drainville : Très bien. Je ne sais pas si vous étiez au courant, mais vous êtes notre dernier groupe, donc on pourrait dire qu'on finit ça... on finit ça en beauté avec vous. Et j'ai le goût de ramener un élément plus positif sur lequel je souhaiterais vous entendre. Parce que je... je pense que dans le contexte actuel, il nous faut rester mobilisés, mais il faut trouver le bon, le bon chemin, la bonne voie de passage et surtout le bon équilibre. Et je l'ai dit d'entrée de jeu, au tout début des travaux de cette consultation, j'ai rappelé que oui, la planète se réchauffe à un rythme trop rapide. On est sur un horizon, une trajectoire, là, d'autour de 2.5 %, là, selon le Programme des Nations Unies pour l'environnement. Maintenant, s'il n'y avait pas eu l'accord de Paris, on serait sur... une trajectoire de réchauffement à quatre degrés. Donc entre 2,5 et trois, c'est encore beaucoup trop, on est, on est loin du 1,5 que l'on vise, mais il ne faut pas perdre de vue que les efforts qui ont été faits depuis une dizaine d'années à travers la planète nous ont quand même permis de faire des gains. Et ça, je pense que c'est très important de le rappeler pour garder, justement, pour que nos concitoyens se disent : ça vaut la peine de continuer, ça... il ne faut pas lâcher, ça vaut la peine de continuer parce que ça pourrait être mieux, mais ça pourrait être beaucoup pire sans les efforts que les différents États ont faits. Est-ce que ça suscite une réflexion particulière chez vous?

M. Pascalon (Stéphane) :  Oui, bien, en fait, il faut bénéficier de ces gains-là pour surtout ne pas arrêter le momentum et, au contraire, le renforcer. Et c'est pour ça qu'on voit que la Californie, malgré le changement de la présidence aux États-Unis, n'a pas changé ses cibles de réduction de GES et n'a pas changé sa norme zéro émission. Donc, il faut absolument garder le cap et il faut ne pas suivre le lobby des manufacturiers automobiles qui cherchent à faire croire qu'ils ne sont pas capables de l'atteindre alors que dans la réalité, ils sont toujours capables de l'atteindre. Donc oui, ces efforts-là payent. Oui, c'est des très beaux résultats et en fait, on peut faire encore mieux pour un coût qui est nul pour le Québec, puisqu'en fait, comme le rapport, l'analyse d'impact de la norme zéro émission l'a démontré, c'est un gain de 13 milliards de dollars pour la province de garder la norme zéro émission telle qu'elle est.

M. Drainville : Excusez-moi, vous citez quel rapport, là?

M. Pascalon (Stéphane) :  Le rapport d'analyse d'impact du renforcement de la norme zéro émission qui a été fait par le MELCCFP en 2023 ou 2024.

M. Drainville : D'accord, très bien. Parce que le rapport qui a été déposé devant cette...

M. Drainville : ...en prévision des consultations démontrait quand même qu'il y avait un coût économique, là, lié à l'atteinte des... de la présente... présente cible, là, pour...

M. Pascalon (Stéphane) : Tout à fait. Tout à fait. Il y a... Il y a un coût économique à l'atteinte du 37,5 % si on prend l'ensemble des industries. Dans notre cas, on se concentre sur le transport. Et ce qu'on voit ici, c'est que le transport peut réduire de manière importante les GES avec un bénéfice pour le Québec, donc, sans coût économique pour le Québec. L'industrie du transport est celle qui va permettre d'enrichir le Québec et d'atteindre les cibles en même temps. Et c'est pour ça qu'on parle de la norme zéro émission comme étant le meilleur moyen pour atteindre cet objectif-là. On comprend que pour l'industrie, pour le bâtiment, pour l'agriculture, il peut y avoir des coûts et des risques, mais dans le cadre du transport, particulièrement quand on parle des véhicules légers, il n'y a que des bénéfices pour le Québec de le faire. Donc, il n'y a aucune raison de ralentir le momentum qui est déjà en marche.

M. Langlois (Mario) : Et non seulement il n'y a... Si vous permettez, il n'y a aucune raison de ralentir le momentum, mais s'il y a moyen de même augmenter le momentum dans le cadre de la norme de véhicule zéro émission, par exemple, si le ministre décidait de changer la réglementation pour les cibles de 2027, 2028, 2029, en exemple, ce qui pourrait être fait assez facilement, attribuer plus de crédits zéro mission à un véhicule 100 % électrique et un peu moins de crédit zéro émission à un véhicule hybride rebranchable en favorisant aussi... Évidemment, on est conscients de l'annonce qui a été faite hier pour l'écocamionnage, ça aussi, c'est important puis ça va devenir de plus en plus important pour accélérer encore plus la réduction des GES grâce au transport.

M. Drainville : Vous avez noté qu'on a renouvelé le programme d'écocamionnage hier, hein, j'imagine, vous avez vu ça?

M. Langlois (Mario) : Oui, on a vu ça. On est très heureux de l'annonce. Mes félicitations! En même temps, on est conscients aussi qu'il y a du retard à prendre parce que ça fait longtemps qu'il y a des...

M. Drainville : Oui.

M. Langlois (Mario) : ...des actions qui auraient pu être prises...

M. Drainville : D'accord.

M. Langlois (Mario) : ...mais c'est une bonne nouvelle.

M. Drainville : D'accord, merci. Merci beaucoup pour votre participation. Et je cède la parole à ma collègue de Laviolette—Saint-Maurice. Merci et bon succès pour la suite.

Le Président (M. St-Louis) : Mme la députée, la parole est à vous.

Mme Tardif : Merci. Merci d'être là. Je voulais avoir votre... votre opinion, votre regard. Parce que, oui, le transport, l'électrification des transports est extrêmement important, parce que vous nous l'avez dit et on le sait, là, c'est une source majeure de polluants surtout le transport lourd. Par contre, nous qui représentons des travailleurs en région, des travailleurs forestiers, des travailleurs agricoles entre autres, j'aimerais avoir votre regard par rapport à un scénario pensable, positif sur l'horizon que pourrait avoir une électrification, et si c'est possible de penser qu'un jour les transports de camions de bois, la machinerie en forêt, les camions qui vont sur les routes forestières puissent avoir cette autonomie-là et cette force-là, surtout en hiver, parce qu'on le sait que les batteries sont plus ou moins fiables actuellement. Donc, quel est votre horizon? Parce qu'en cinq ans, c'est... c'est rapide, là.

M. Pascalon (Stéphane) : Alors, nous, on se concentre particulièrement sur les véhicules légers. Donc là, pour l'instant, les véhicules légers, on sait qu'on pourrait viser 100 % des véhicules légers électriques au Québec d'ici 2035. C'est tout à fait réalisable. Quand on parle de transport lourd, ce qu'on remarque, c'est qu'il y a à peu près 40 % des transports faits par camion aujourd'hui, qui peuvent être faits par des véhicules électriques déjà disponibles sur le marché. L'autre 60 % est plus complexe, mais on voit à quel rythme les technologies évoluent. Parce que si on remonte il y a 10 ans en arrière, en 2015 et vous me disiez : Est-ce qu'on pourrait électrifier tous les véhicules légers au Québec? On vous aurait peut-être dit non, parce qu'à ce moment-là ce n'était pas le cas. Donc les technologies évoluent et donc c'est certain que d'ici 2035, il y aura des solutions pour électrifier ces véhicules plus complexes ou ces cas d'utilisation un peu plus complexes. Donc, on peut penser que d'ici un horizon 2050, on aura 100 % des véhicules de transport électrifiés. Mais commençons par ce qui est, et c'est ça qu'on recommande, c'est commençons par ce qui est simple et ce qui est faisable. Ça ne sert à rien de se casser la tête, d'investir beaucoup d'argent sur des choses qui sont complexes quand on a des choses simples qui peuvent être faites, électrifier les véhicules légers.

• (17 heures) •

Mme Tardif : Merci.

Le Président (M. St-Louis) : M. le ministre, vous disposez toujours de quatre minutes.

M. Drainville : Oui, mais très bien. Je... Ah oui, une question que je voulais...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Drainville : ...vous posez. Dans votre mémoire, vous dites que vous soutenez que toute modification... alors vous... vous recommandez de maintenir la cible et vous soutenez que toute modification devrait servir à renforcer l'ambition climatique du Québec, particulièrement par l'élargissement massif de l'électrification des transports. Bon, tout à l'heure, vous avez parlé du fait que vous souhaitiez que les crédits qui sont accordés aux voitures... électriques, à 100 % électriques, soient davantage importants soient plus importants en relation avec les hybrides branchables, puis je pense que vous avez même parlé des hybrides non-branchables. Comme vous le savez, les hybrides non-branchables vont obtenir 0.25 crédit pour encore deux ans et par la suite, il n'y aura plus de pointages qui leur seront attribués, il n'y aura plus de points qui leur seront attribués. Vous savez que ce que nous avons annoncé... bon, oui, on a abaissé de 190 %, là, d'ici 2035, mais mettons que ça n'a pas nécessairement été reçu avec beaucoup d'enthousiasme par l'industrie. Comment... comment... comment concilier, dans votre esprit, les velléités ou les besoins exprimés par l'industrie ou les... comment dire, les revendications de l'industrie, tient... et la fixation d'une norme comme celle-là? Parce que moi, j'ai essayé, encore une fois, là, c'est le maître mot, de trouver un équilibre, de garder une cible qui reste très, très ambitieuse, là, mais en même temps d'envoyer un signal qu'on était... qu'on était, comment dire, conscients des difficultés créées par le nouveau contexte. Donc, on a essayé de trouver le juste équilibre, mais c'était encore insuffisant pour... pour les représentants, enfin, certains représentants, en tout cas, de l'industrie trouvaient que 90, c'est encore trop élevé. Comment vous réagissez quand vous entendez ce discours?

M. Pascalon (Stéphane) :  Il y a deux points dans votre question, et en fait, le 90 % est une cible qui est, comme vous dites, très raisonnable et qui reste ambitieuse. Idéalement, on aimerait 100 %. Les manufacturiers automobiles en 2016 ou 2017, quand on parlait de norme zéro émission, étaient déjà alarmistes en nous disant qu'ils n'étaient pas capables d'atteindre... qu'ils ne seraient pas capables d'atteindre les cibles en 2017, qui ne seraient pas capables d'atteindre les cibles en 2018, et à chaque fois qu'on leur a mis une cible, ils nous ont toujours dit qu'ils n'ont jamais été capables. L'histoire nous montre qu'ils ont toujours été capables de se conformer. Donc c'est simplement une politique de peur pour vous décourager de vous engager là-dedans, mais ce n'est absolument pas basé sur des faits.
Concernant les véhicules hybrides, il faut... non rechargeables, il ne faut absolument pas les mettre dans la norme... ils ne sont pas encore dans la norme actuellement. Tant qu'il n'y a pas eu de changements qui ont été faits au règlement, il ne faut absolument pas les mettre dans la norme parce que ce ne sont pas des véhicules zéro émission, ce sont des véhicules dont 100 % de l'énergie provient de l'essence, d'accord? L'ensemble de l'énergie qu'ils créent provient de l'essence, donc il faut... Même si... si ça ne dépendait que de nous, les véhicules hybrides rechargeables ne devraient même pas être considérés comme des véhicules zéro émission. On le fait parce qu'ils ont une portion qui roule électrique et surtout, ça permet le déploiement de bornes de recharge et qui va permettre aux gens d'avoir des bornes de recharge pour quand ils vont faire l'acquisition d'un véhicule électrique par la suite. C'est pour ça que les... c'est pour ça que les hybrides rechargeables sont intéressants à avoir, mais les hybrides non rechargeables, ça, aucune juridiction au monde n'a intégré ces véhicules-là dans une norme zéro émission.

Le Président (M. St-Louis) : Merci beaucoup, M. Pascalon, merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à la porte-parole de l'opposition officielle, vous disposez de 9 min 54 sec.

Mme McGraw : Merci, M. le Président, et merci pour votre... votre présence en virtuel et votre présentation, votre mémoire. Alors, première question concernant la cible. Vous affirmez qu'il serait irresponsable d'affaiblir la cible actuelle puisqu'elle est inscrite dans la loi et conforme à l'accord de Paris. Dans un premier temps, pourquoi, selon vous, c'est essentiel de maintenir au minimum, hein, vous dites, au minimum la cible. Et on reconnaît qu'à l'intérieur de tout ça, il y a les... le secteur de transport représente le secteur le plus important en termes de contribution aux GES et c'est le secteur, si on comprend bien, qui fait... qui a eu le moins réduction, aussi, en pourcentage comparé, par exemple, à l'industrie. Donc il faut... est ce... de façon plus générale, le secteur du transport, où... c'est où, le nerf de la guerre, c'est où le... l'enjeu à l'intérieur de ce secteur-là pour réduire les GES?...  

M. Langlois (Mario) : ...vas-y, Stéphane. Je vais compléter si nécessaire.

M. Pascalon (Stéphane) : OK. Le secteur des transports n'a pas réduire ses émissions de gaz à effet de serre parce qu'il y a eu un nombre croissant de véhicules sur les routes et il y a eu une taille croissante des véhicules sur les routes. Donc, les manufacturiers automobiles ont rencontré les objectifs d'émissions EPA pour réduire les émissions polluantes des véhicules. Mais comme les véhicules grossissent tranquillement et qu'il y en a de plus en plus sur les routes, le transport a généré de plus en plus de GES. Le transport lourd a aussi une part importante parce qu'il y a plus en plus de transport de marchandises qui se fait pour lequel il y a une part importante. Donc, nous, ce qu'on dit aujourd'hui, c'est qu'il y a une solution technique qui existe, c'est le véhicule électrique qui réduit de 100 % les émissions diverses. Et donc ce qui est important, c'est que les gens puissent passer d'un véhicule qui émet des émissions à un véhicule qui émet zéro émission, là où ça peut être fait facilement et rapidement.

Mme McGraw : Donc, c'est ça que vous parlez justement que le secteur des transports représente presque 75 % des émissions du secteur... pardon, le transport routier.

M. Pascalon (Stéphane) : Transport routier, oui.

Mme McGraw : Et que le secteur des transports en général représente 43,3 % des émissions totales au Québec, et à l'intérieur de ça, il y a le routier, puis à l'intérieur de ça il y a le transport lourd et le transport des véhicules. Donc le nerf de la guerre, c'est le transport routier et le transport lourd. Et les véhicules, pourcentage, routiers?

M. Pascalon (Stéphane) : Oui, en fait si on électrifier tout le parc automobile de véhicules légers, on arriverait à une réduction globale de GES au Québec de 16 %. Donc, ça veut dire qu'on aurait fait la moitié du chemin de la cible de 37,7 % qui nous manque, et il nous manque 19 % de ce qu'on a vu.

Mme McGraw : Correct.

M. Pascalon (Stéphane) : Donc, on pourrait... si on avait 100 % de véhicules électriques sur les routes en 2030, on pourrait réduire de 16 %.

Mme McGraw : OK.

M. Pascalon (Stéphane) : Alors, on sait qu'on n'arrivera pas à ce chiffre-là. D'accord? Mais on sait quand il ne faut absolument pas ralentir, sinon on voudrait pouvoir se rapprocher de la cible. Ça,c'est s'il y avait uniquement le transport qui contribuait. On sait qu'il y a d'autres mécanismes, qu'il y a d'autres secteurs qui vont contribuer. Donc, ce qu'on souhaite, c'est accélérer ou garder le momentum sur un secteur qui est capable de générer une réduction du niveau au Québec immédiatement et qui ne passe pas à travers un marché de carbone.

Mme McGraw : Tout à fait. Puis les groupes nous ont dit...

M. Langlois (Mario) : Et qui... qui est avantageux aussi d'un point de vue économique pour le Québec. Excusez-moi d'intervenir.

Mme Girard (Marie-Claude) : Allez-y.

M. Langlois (Mario) : Mais qui est aussi en même temps avantageux d'un point de vue économique. Ce n'est pas une dépense, au contraire, c'est des revenus que ça génère. Je veux dire, c'est la balance, on travaille sur la balance commerciale c'est-à-dire moins de... on importe moins de pétrole et on vend plus de notre électricité.

Mme McGraw : Tout à fait. Et les groupes nous disent deux choses. Ils nous disent : Premièrement, il faut prioriser les réductions ici sur le territoire québécois. Et on nous dit aussi qu'il faut... il faudrait voir la transition climatique comme un levier économique et non comme un obstacle économique, donc vraiment, ce que vous décrivez, c'est vraiment... ça décrit très bien la situation.

Mais juste pour reprendre, donc 16 % de réduction de GES qui correspond plus ou moins, là, il faut viser un autre 18 %, 19 %, représente si on faisait 100 % électrification des véhicules légers, mais vous dites en même temps ça ne va pas être possible d'ici 2030 de le faire. Donc, quel pourcentage ce serait possible d'ici 2030? Quelle contribution on pourrait envisager pour atteindre notre cible?

M. Pascalon (Stéphane) : Bien, en fait, il faut garder les cibles actuelles de la norme VZE qui utilise de l'ordre de 70 %... En fait, je vais chercher le chiffre exact, là.

M. Langlois (Mario) : En 2030, 22 milliards...

M. Pascalon (Stéphane) : En 2030, c'est quatre... quatre fois. C'est de l'ordre... c'est de l'ordre de 75 à 80 % en 2030. Mais ce qui veut dire, c'est que ce chiffre-là va générer, dans le parc automobile, dans la flotte totale au Québec, ça va générer que simplement 35 % des véhicules vont être électriques. En fait, on vise 2 millions de véhicules électriques en 2030. Donc ça, ça veut dire que ça va contribuer à 35 % du 16 % des... qu'on vous a donnés tout à l'heure, hein. Donc, ça va donner à peu près 6 %.

• (17 h 10) •

Mme McGraw : Un tiers à peu près.

M. Pascalon (Stéphane) : Voilà, à peu près 5 % à 6 %.

Mme McGraw : Et voilà! Donc, un tiers de 16 %, ce n'est quand même pas négligeable.

M. Langlois (Mario) : Voilà. Et ça, c'est sans compter... il y a aussi...

M. Pascalon (Stéphane) : C'est non négligeable.

M. Langlois (Mario) : C'est sans compter aussi l'impact qu'aurait l'électrification rapide des camions, là, tu sais, des véhicules lourds. Ça, ça se rajouterait comme réduction du GES.

Mme McGraw : Donc, avec ça, ça serait un ajout de quel pourcentage...

Mme McGraw : ...OK. C'est... Vous n'avez pas les chiffres. Mais, si je comprends bien, vous voulez qu'on maintienne la cible? Vous parlez de ce serait irresponsable de reculer, vous voulez... Puis là vous avez des... des données qui disent : Bon, voilà le secteur transport, voilà la contribution qui n'est pas... quand même, évidemment, une contribution très importante compte tenu du secteur transport qui est... qui contribue le plus aux GES au Québec. Donc, voilà aussi où on peut trouver les solutions.

M. Pascalon (Stéphane) : Le Québec n'a aucun intérêt économique à ralentir sur la norme VZE et n'a aucun intérêt environnemental à ralentir sur la norme VZE, d'accord? Et on sait, par expérience, en regardant ce qui s'est passé dans d'autres pays que les manufacturiers automobiles sont en mesure de se conformer à la norme et de rencontrer des objectifs puisque ce n'est pas des courbes de croissance qui sont supérieures à ce qui a été observé dans d'autres pays.

Mme McGraw : D'ailleurs, votre mémoire indique que la norme VZE génère 13 milliards de dollars de gain économique et jusqu'à 2 000 $ d'économie par ménage. Ce n'est pas négligeable non plus. Donc, encore une fois, au niveau économique, c'est... c'est important.

M. Pascalon (Stéphane) : C'est 100 à 200 dollars par mois par famille qui peuvent être économisés s'ils remplacent un transport par un véhicule... d'un véhicule thermique par un véhicule électrique. Et le 13 milliards, ce n'est pas nous qui avons créé ce chiffre-là, c'est le rapport du gouvernement sur l'analyse d'impact de la norme VZE. Donc, c'est un chiffre qui a été validé par les fonctionnaires du gouvernement.

Mme McGraw : Donc, vous concluez que le vrai problème, ce n'est pas la cible, mais c'est vraiment la vitesse et l'intensité de l'action. Donc, c'est la mise en œuvre, effectivement.

Donc, juste en conclusion, je pense qu'il nous reste à peu près 1 min 30 s à peu près, quelles seraient... quelles mesures concrètes devraient être accélérées, priorisées pour combler l'écart avant 2030? Est-ce qu'on... est ce qu'on recule, est-ce qu'on avance sur les mesures concrètes? Quelles seraient ces mesures là, concrètes, pour... à prioriser?

M. Pascalon (Stéphane) : La mesure concrète, c'est de conserver la norme zéro émission telle qu'elle est, d'accord, de ne pas changer la norme zéro émission et de... de continuer les... les différentes mesures d'accompagnement que le gouvernement a mis en place, particulièrement des campagnes de sensibilisation auprès du public sur l'impact économique positif des véhicules électriques. On... on a beaucoup de campagnes de peur sur les véhicules électriques, comme quoi ça ne marche pas en hiver, etc. Je pense que de Fermont et une des villes au Québec où... qui fait partie des villes où il y a le plus de véhicules électriques et ce n'est pas mal dans le nord du Québec.

Mme McGraw : Donc, c'est garder le cap sur la cible, mais aussi garder le cap sur les mesures de façon très concrète et ne pas reculer sur les mesures.

M. Pascalon (Stéphane) : Exactement.

M. Langlois (Mario) : Et ne pas reculer sur les mesures mais aussi électrifier les... les véhicules lourds aussi et puis accélérer l'électrification des véhicules, ça, c'est quelque chose où on a... on avait déjà des projets, mais ils ont été mis sur la glace par je ne sais qui... moi, si on avait avancé il y a 18 mois, ou il y a 15 mois, ou il y a 12 mois, on serait déjà rendus plus loin. Et il y a des industries qui auraient... qui auraient pu mettre sur pied des projets qui auraient été aujourd'hui concrets. Alors, il va falloir mettre de l'énergie là-dessus et... et aller chercher les fonds qui ne sont plus dans le Fonds vert.

M. Pascalon (Stéphane) : Les mesures doivent être connues et prévisibles.

M. Langlois (Mario) : Oui. Pour rassurer l'industrie.

M. Pascalon (Stéphane) : Le changement d'écocamionnage qui est... qui a disparu et qui est revenu, le rabais à l'achat qui a disparu au mois de février a eu un impact énorme février, mars. L'incitatif provincial a disparu, ça a eu un impact énorme sur les ventes de véhicules électriques. Donc, il faut une politique stable et prévisible.

Le Président (M. St-Louis) : Alors merci beaucoup, messieurs. Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe de... deuxième opposition, pardon.

M. Grandmont : Merci, M. le Président. Merci à vous deux d'être présents. Merci pour votre mémoire. J'aimerais d'abord commencer sur la norme VZE, la, qui a été réduite de 100 à 90 %, là. Comment ça s'opère concrètement, là, tu sais, dans l'offre, qui fixe, comment ça fonctionne au niveau des concessionnaires, des manufacturiers cette... cette offre qui passe de 100 à 100? C'est quand même assez facile, on le sait qu'à partir d'une telle date ça doit être l'ensemble des véhicules qui sont vendus, qui sont électriques ou hybrides branchables. Mais 90 %, qui fixe le 90 et le 10?

M. Langlois (Mario) : Alors, c'est la norme qui fixe le 90 ou le 100.

M. Grandmont : Mais comment ça arrive concrètement, là, dans nos... chez les concessionnaires?

M. Langlois (Mario) : Alors là, le... les concessionnaires, il faut dire une chose, là, parce que je sais... on sait très bien qu'il y a beaucoup de concessionnaires au Québec qui ont fait beaucoup de lobby auprès de chaque député, probablement, là, dans leur comté, alors que la norme...

M. Langlois (Mario) : ...elle ne s'applique aucunement au concessionnaire. La norme véhicules zéro émission ne s'applique qu'aux manufacturiers. Alors, les seuls qui ont des obligations, des objectifs à atteindre, ce sont les manufacturiers. Si le gouvernement dit aux manufacturiers : En 2026, ça va être tant de % en véhicules électriques, les manufacturiers vont respecter la norme...

M. Grandmont : Donc, il y a comme un décalage, en fait, entre ce qui est produit puis ce qui arrive chez les concessionnaires aussi. Ça veut dire que c'est plus tard.

M. Langlois (Mario) : C'est-à-dire que les concessionnaires... dans certaines régions, il y a certains concessionnaires qui pourraient avoir un marché, par exemple, dit plus difficile que d'autres et ces concessionnaires-là ne sont pas obligés d'avoir des véhicules électriques s'ils ont de la misère à vendre des véhicules électriques dans une région donnée. Les autres régions...

M. Pascalon (Stéphane) : Les manufacturiers s'alignent sur... les manufacturiers s'alignent sur la norme pour donner les allocations aux concessionnaires, donc, quand ils font les allocations de stock aux concessionnaires, ils le font exactement en fonction de la norme basée sur le nombre de ventes de l'année précédente. S'il y en a un qui a vendu plus d'électriques, il va en avoir plus que l'autre, etc., mais ils suivent les objectifs de la norme. Ce que l'on voit aujourd'hui, c'est que cette norme-là crée des allocations supplémentaires chez certains concessionnaires qui obtiennent des rabais du manufacturier pour mettre en vente des véhicules électriques. Et, si vous avez regardé, au mois de novembre, les F-150 électriques étaient au même prix que les F-150 à essence. Donc, il n'y a plus de surcoût à l'achat pour un véhicule électrique grâce à la norme.

M. Grandmont : Mais donc chaque manufacturier, dans le fond, est tenu de produire... en 2035, là, au minimum 90, disons qu'il respecte la norme VZE, et 10 % non, et après ça la distribution se fait au regard d'un paquet d'autres paramètres.

M. Pascalon (Stéphane) : Exactement.

M. Langlois (Mario) : S'ils ne le font pas, ils vont respecter la loi autrement, en achetant des crédits zéro émission de manufacturiers qui ont dépassé la norme.

M. Grandmont : Ah! bien oui, parce qu'évidemment c'est possible, c'est ça.

M. Pascalon (Stéphane) : Et il faut rappeler... et il faut rappeler... il faut rappeler que cette norme ne s'appelle... ne s'applique qu'aux grands manufacturiers, ça veut dire que les petits manufacturiers peuvent encore vendre des véhicules à essence. Donc...

M. Grandmont : Oui, évidemment. Je voudrais vous entendre sur un autre truc, les autoroutes électrifiées pour le camionnage. Vous avez sûrement déjà vu ça, là, des autoroutes, on en voit en Europe notamment, là, qui sont électrifiés puis les camions par caténaire sont alimentés en électrique... en électrique pour avoir des plus petites batteries qui sont utiles uniquement en ville, là.

Le Président (M. St-Louis) :  En 15 secondes, s'il vous plaît.

M. Grandmont : 15 secondes. Êtes-vous favorable à ça? Ça a-tu du bon sang?

M. Pascalon (Stéphane) : C'est une autre... c'est quelque chose à regarder. Ça coûte extrêmement cher en investissement initial. Donc, dépendamment de l'évolution des technologies, c'est quelque chose qu'il faut juste regarder comment les technologies évolueront.

M. Grandmont : Parfait. Je vous remercie.

Le Président (M. St-Louis) : Merci. Je cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine. Vous disposez de trois minutes 18 secondes.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Merci à vous deux pour votre présentation, pour les réponses éclairantes. J'ai une petite question sur la réduction de la norme ou de l'objectif 2035 de 100 % à 90 % de vente de véhicules électriques. Vous aviez réagi comment, là, à cette décision?

M. Langlois (Mario) : Alors... Bien, je peux y aller, Stéphane, rapidement. Nous, on n'est pas favorable à une réduction à quelque façon que ce soit. Et d'ailleurs, à mesure qu'on dilue la norme, on sait qu'il y a des aspects dans l'économie et aussi écologiques qui vont... qui vont succomber, là, c'est-à-dire qu'ils vont... On n'aide pas le Québec. On n'aide pas à mieux se... à avoir un meilleur taux de santé. On n'aide pas à l'économie du Québec. Alors, c'est quelque chose qui est pour nous... Et, je comprends, c'est une décision politique puis il y a une tendance vers ça, alors... mais, en ce qui nous concerne, pourquoi... pourquoi...

M. Pascalon (Stéphane) : C'est un compromis qu'on avait déjà fait au moment de la mise en place de la norme VZE, où, finalement, on visait 2030 au départ, on l'a décalé à 2035. Donc, en fait, on va de compromis, en compromis, en compromis pour toujours diminuer les choses, alors qu'on devrait garder en 2030. On a enlevé l'interdiction de la vente des véhicules... de véhicules thermiques en 2035, ce qui est une bonne chose, ça laisse la liberté aux petits manufacturiers de continuer à vendre des voitures à essence et ça laisse le choix aux consommateurs qui voudront encore acheter des voitures à essence à ce moment-là s'ils veulent s'endetter... payer cher du pétrole.

• (1 h 20) •

M. Arseneau : Excellent. Maintenant, pour ce qui est des programmes incitatifs, comme Roulez vert, là, qui va aller en s'amenuisant puis les mesures fédérales qui sont encore suspendues, à ce que je sache, est-ce que... est-ce que vous êtes favorables au renouvellement des mesures incitatives ou si vous pensez que le marché peut vraiment s'ajuster et offrir des véhicules à prix abordables pour les gens qui souhaitent, effectivement, faire la transition?

M. Pascalon (Stéphane) : Alors, le marché peut s'ajuster. Et, en fait, à partir du moment où il y a une prévisibilité dans la réduction de ces incitatifs, comme on le voit actuellement, où on sait qu'au 1ᵉʳ janvier ça va diminuer puis on sait que ça va disparaître l'année suivante, les ménages peuvent prévoir leurs achats en conséquence et les concessionnaires peuvent prévoir aussi... bon, les manufacturiers peuvent prévoir en conséquence. Donc, tant qu'il y a une prévisibilité, le...

M. Pascalon (Stéphane) : ...fait que ça diminue, ce n'est pas la fin du monde. Comme je vous le disais tout à l'heure, le F-150 électrique est aujourd'hui au même prix que le F-150 à essence.

M. Arseneau : Mais ça, c'est très intéressant, mais est-ce que c'est l'exception qui confirme la règle ou est-ce qu'il y a d'autres catégories de véhicules, sachant que les véhicules qui sont vendus sont les véhicules à... les plus populaires, à essence de plus en plus gros, des SUV, avec... qui transportent de moins en moins de personnes? On avait la présentation du professeur Pineau hier. Comment est-ce qu'on va à l'encontre de cette tendance lourde, disons?

Le Président (M. St-Louis) : En 30 secondes, s'il vous plaît?

M. Pascalon (Stéphane) : Alors là, il faudra aller trouver d'autres moyens que le véhicule électrique. Il faudra probablement mettre... puis c'est une des propositions qu'on a, c'est de dire : Il faudrait faire une taxe à l'immatriculation des véhicules en fonction du poids des véhicules, qui s'applique à tous les véhicules, thermiques et électriques, d'accord, et qui, à terme, remplacera la taxe sur l'essence, probablement. Donc, c'est des choses comme ça qu'il faut envisager pour aider les gens à réduire la taille de leurs véhicules. Mais la parité des prix va arriver en 2028, on parle de 2027-2028 selon les différentes études qu'on voit pour la parité des prix entre les véhicules électriques et les véhicules à essence.

M. Arseneau : Merci beaucoup...

Le Président (M. St-Louis) : Merci beaucoup, messieurs. Ceci conclut notre dernier bloc d'échange. Un grand merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

Donc, avant de conclure les auditions, je procède au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques.

M. le ministre, membres de la commission, je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

La commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux au jeudi 4 décembre 2025, à 15 heures, où elle se réunira en séance de travail. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 22)


 
 

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