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Version finale

29th Legislature, 1st Session
(June 9, 1970 au December 19, 1970)

Friday, August 7, 1970 - Vol. 10 N° 25

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Bill 38 - Loi concernant l'industrie de la construction


Journal des débats

 

Commission permanente du Travail et de la Main d'Oeuvre

Bill 38 — Loi concernant l'industrie de la construction

Séance du vendredi 7 août 1970

(vingt heures quatre minutes)

M. BOSSE (président de la Commission permanente du Travail et de la Main-d'Oeuvre): A l'ordre, messieurs! La séance de la Commission du Travail et de la Main-d'oeuvre est ouverte.

Procédure

M. LE PRESIDENT (Bossé): La séance a pour but d'entendre les représentations des sept parties en présence aux négociations, si elles ont l'intention de faire des représentations, bien sûr. Au départ, je voudrais que chacun des groupes concernés nomme un porte-parole. A l'occasion des représentations, vous serez appelés à parler chacun durant dix minutes et, par la suite, les membres de la commission ou les députés présents pourront poser des questions. Après chaque intervention de dix minutes de chacune des parties, nous poserons des questions, autrement nous n'en sortirons pas.

M. BURNS: M. le Président, je me demande très sérieusement si avec dix minutes on rend justice aux personnes que nous avons invitées ici pour nous expliquer leur point de vue. Je ne veux pas non plus qu'on se retrouve encore ici à cinq heures demain matin, mais par contre, je me demande si nous ne devrions pas donner plus de latitude aux personnes. On est quand même ici dans un but très précis, c'est-à-dire être informés de la position de chacun. Si on limite à dix minutes, par l'expérience que nous avons vécue avec le bill de l'assurance-maladie, on s'est aperçu que tous les orateurs, au bout de neuf minutes et trois quarts, commençaient à peine à entrer dans le vif du sujet.

M. LAPORTE: Nous n'aurons qu'à les faire commencer à la neuvième minute et trois quarts.

M. LE PRESIDENT (Bossé): On pourrait commencer dès le départ dans le vif du sujet, de telle sorte qu'en dix minutes.

M. BURNS: On peut toujours essayer dix minutes.

M. LE PRESIDENT (Bossé): J'admets que c'est assez court. Cependant, si l'on se base sur l'expérience vécue lors de l'étude du bill 8, c'était assez long, en plus des questions qui sont posées.

Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, comme l'a dit mon collègue du Parti Québécois, M. Burns, évidemment on peut, au départ, fixer une limite de temps de dix minutes, en espérant que chacune des parties qui désirera se faire entendre puisse s'exprimer, de façon que nous soyons informés de son point de vue.

Mais j'imagine que l'on donnera quand même suffisamment de latitude à la fois aux parties que nous désirons entendre et aux membres de cette commission pour que nous ayons une idée exacte du problème. En effet, le but de la réunion qui a été convoquée et qu'a acceptée le ministre du Travail, c'est d'être informé de la situation, non seulement dans le but d'être informé pour être informé, mais dans le but d'en venir à bonifier une loi qui, je le répète, en ce qui me concerne, est inacceptable et ne pourra l'être que si le gouvernement accepte de l'améliorer.

M.BERTRAND: Nous sommes venus devant la commission pour la raison bien simple que nous avons demandé au gouvernement d'épuiser tous les moyens avant de proposer le projet de loi no 38. Quant à moi, ce qui m'intéresse surtout — j'invite ceux-là qui seront appelés à exprimer une opinion là-dessus — c'est, premièrement, de savoir s'il est possible dans le climat actuel de continuer les négociations entre les parties. Deuxièmement, s'il ne s'avère pas possible de continuer lesdites négociations, suivant la loi que l'on appelle le bill 290, qui est devenu le chapitre 49 des lois du Québec de 1969, est-ce que les parties accepteraient de soumettre ce problème à la médiation? Dans les deux cas que je viens d'indiquer ou de la poursuite des négociations ou, si cela n'est pas possible, d'une médiation, est-ce que les parties, de part et d'autre, sont prêtes à s'accorder un sursis, les unes quant au lock-out, du côté des patrons, et les autres, quant à la grève, du côté des ouvriers ou des syndicats? Ce sont là, de prime abord, les problèmes qui me touchent et qui touchent de près plusieurs de mes collègues. Alors, j'aimerais bien, quand chacun des participants se fera entendre, qu'il précise, au nom de son groupe, sa position sur ces trois sujets.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député d'Abitibi-Est.

M.SAMSON: De Rouyn-Noranda, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Bossé): De Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, on a parlé de dix minutes pour chacune des parties intéressées; elles sont sept, ça fait déjà 70 minutes. Il y a aussi la période des questions. Si on leur permet de parler plus longtemps, à ce moment-

là, ça nous obligerait peut-être à écourter la période des questions. Il s'agit donc de savoir si, pour être objectif, il vaut mieux leur accorder dix bonnes minutes pour qu'elles s'expliquent et qu'on prenne le temps qu'il faut pour demander les explications supplémentaires nécessaires, et pour poser des questions. C'est pourquoi je pense que, de notre côté, nous serions disposés à convenir de dix bonnes minutes d'explication et nous accepterions qu'on prenne le temps de poser les questions nécessaires.

M. le Président, je voudrais aussi vous poser une question. Je voudrais savoir si, à cette commission, nous devons discuter du bill ou si nous devons nous conformer à ce qui a été dit en Chambre cet après-midi, au but de la motion, c'est-à-dire entendre les parties, les questionner afin de connaître la situation, pour qu'ensuite nous retournions en Chambre mieux éclairés pour faire nos interventions. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.

M. LE PRESIDENT (Bossé): J'ai compris qu'on devait entendre les parties et les questionner, et non pas discuter sur le fond du bill.

M. LAURIN: M. le Président, lorsque le député de Missisquoi a présenté sa motion cet après-midi, la première raison qu'il a alléguée, c'était qu'il nous fallait d'abord connaître les faits. Et les faits dans une cause dont les sources remontent à tellement loin en arrière, où il y a eu tellement de négociations et de discussions, peuvent être tellement nombreux et tellement complexes que je ne comprends pas qu'on puisse arriver en dix minutes à les résumer. Je pense que si on veut être fidèle à l'esprit de la motion, il faudrais laisser à ceux qui vont intervenir le loisir de parler selon leur bon jugement. Ils sont habitués aux négociations, ils savent dans quelles conditions on se réunit. Il faudrait donc leur laisser dire ce qu'ils ont à nous dire dans le temps qu'ils jugeront opportun.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Alors, je crois que...

M. LAPORTE: M. le Président, cet après-midi, cela a été clair, on n'a pas adopté la motion du député de Missisquoi, on en a adopté l'esprit. C'est moi-même qui ai proposé que cette commission siège. Le cadre dans lequel nous avons accepté de siéger ce soir était, il me semble, à la fois assez précis et assez large pour qu'on ne tente pas ce soir déjà — et je ne voudrais pas accuser le député de Bourget — dès le départ, de gauchir ce qui a été fait cet après-midi.

Il a été dit cet après-midi que nous ne voudrions pas demander aux parties en cause de nous faire l'historique de la négociation, on le connaît.

J'imagine que les députés de cette Chambre ne sont pas arrivés au parlement, aujourd'hui, comme des enfants qui viennent de naître, ils ont quand même, peut-être, suivis la discussion un peu depuis six mois, puisque nous avons dit cet après-midi que le député de Chambly avait fait rapport en Chambre, il y a quelques semaines. On a dû prendre connaissance du rapport. On a dû lire les journaux. On a dû se renseigner. Alors, si on veut faire un marathon de cette séance de la commission, je proposerai rapidement qu'on ajourne et qu'on retourne en Chambre, car nous n'atteindrons pas du tout l'esprit de ce que nous voulons faire.

Nous voulons demander à ceux qui sont directement visés par le bill — la CSN, la FTQ et les cinq parties patronales — de nous dire ce qu'ils pensent du bill. Et deuxièmement, que les parties nous disent si, avec l'un ou l'autre amendement, on pourrait améliorer le bill. Je n'ai aucune objection à ce que dit le député de Chicoutimi. Si on peut améliorer le bill, le bonifier, tant mieux! Chacun pourra se féliciter d'être responsable des améliorations, et chacun partira satisfait. Surtout, on aura l'impression d'avoir fait une législation sinon bonne, du moins aussi peu mauvaise que possible.

Ce que je voudrais dire ce soir, c'est que les parties peuvent nous dire ce qu'elles pensent du projet de loi; et deuxièmement, nous suggérer si elles ont des amendements à apporter. Ces amendements seront immédiatement placés devant la contradiction ou non des autres parties, et peut-être que la commission finira par constater qu'elles ne s'entendent pas. Nous aurons peut-être au moins acquis ce point.

Je poserai la question à chacun, ce soir, chacun de ceux qui ont négocié pendant six mois, et je leur demanderai: Pensez-vous que si on négociait encore pendant trois mois vous régleriez quelque chose? Ils nous le diront. Ils nous le diront. Et à partir de ce moment, la commission le saura. Ce n'est pas afin qu'on puisse publier deux volumes avec ce qui se dira aujourd'hui sur l'historique des négociations, mais afin de connaître l'opinion des gens qui sont concernés directement: lui, par 40,000 gars qui sont en grève; lui, par des augmentations de salaires qui, peut-être, prétend-il, vont ruiner ses gars. Cela nous intéresse. Et à ce moment, ils nous parleront du bill. Et ils diront qu'il est bon, qu'il n'est pas bon, qu'il est inutile, que c'est un recul, que c'est l'assassinat du syndicalisme. Tout ce qu'on voudra nous dire. Chacun est libre d'en parler. Il me semble que le débat est déjà assez important, assez sérieux, et vous êtes déjà assez exposés à ce que la Chambre vote demain un certain bill 38 pour nous parler de celui-là, peut-être, de nous faire changer d'idée ce soir. L'historique ne nous fera pas changer d'idée. Je ne pense pas. C'est l'état de la question aujourd'hui.

Je pense qu'à l'intérieur de ces limites, nous allons faire un compromis: nous pourrions

peut-être demander à chacune des parties de nous synthétiser sa pensée en dix minutes. Ensuite, nous soumettrons chacun des intervenants aux questions de la commission. Et je n'ai aucune objection à ce qu'à la fin de la discussion chacun ait encore dix minutes pour tirer ses conclusions.

Cela peut, je pense, satisfaire tout le monde. Cet exercice-là représente à lui seul trois ou quatre heures de travail. Mais, si on espère nous faire travailler jusqu'à quatre ou cinq heures du matin, personnellement, je vais m'y opposer, parce qu'à un moment donné je vais tout simplement m'endormir ici à la table et j'aime autant aller dormir chez moi.

Je ne suis pas capable de siéger jusqu'à quatre heures du matin et ça ne donnera rien. Lorsqu'on aura expliqué une fois ce qu'on a à dire, même s'il y en a dix autres qui le répètent sur un autre ton, avec un autre talent et d'une autre façon, ça n'ajoutera rien à la discussion. Alors, en dix minutes, je pense qu'on pourrait, si on veut y mettre de la bonne volonté — je pense que nous sommes tous disposés à y mettre de la bonne volonté — résumer sa pensée. Ensuite, chacun des membres de la commission pourrait fort bien poser des questions et, à la fin, on aurait dix autres minutes pour résumer ou synthétiser sa pensée. Je pense que ça pourrait être une formule acceptable à tout le monde.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Est-ce que les parties peuvent se mettre d'accord sur l'ordre de présentation? Cela se négocie.

M. PEPIN: M. le Président, MM. les députés, avant l'ordre de présentation est-ce qu'on pourrait parler sur ce que viennent de dire le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre et les autres députés?

DES VOIX: Non, non.

M. PEPIN: Je demande tout simplement si je peux parler sur ce que vous venez de dire, au moins, dire quelques mots.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je crois que la demande du représentant de la CSN est très légitime. S'il a quelques observations à faire sur ce qu'a dit le ministre du Travail, je pense que nous devrions l'autoriser à le faire. Cela, c'est simplement de la démocratie.

M. SAMSON: M. le Président, à condition que, si on lui accorde à lui le droit de parler là-dessus, on l'accorde à tous les autres qui le demanderont.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Je ne voudrais pas que ça devienne un marathon, bien sûr. Alors, je pense que la président de la CSN peut y aller.

M. SAMSON: A ce moment-là, M. le Président, si on lui accorde cette permission, il faut l'accorder aux autres ou bien ne l'accorder à personne.

M. LAPORTE: M. le Président, il fait chaud, tout le monde est fatigué, je pense que ça vaut pour les députés comme pour ceux qui sont devant nous. On va essayer d'y mettre beaucoup de bonne volonté. On va essayer d'écouter tous ceux qui ont des choses à nous dire, soit les députés , car il y en a qui auront des questions à poser, soit les autres qui veulent intervenir. Cela ne sera peut-être pas facile toute la soirée, mais, s'il vous plaît, on ne va pas s'enfarger toute la soirée dans la procédure. Laissons s'exprimer tous ceux qui veulent le faire. Personnellement, j'offre une complète mesure de bonne volonté; je sais que tous les députés vont faire la même chose et nos invités de même. Si, par hasard, on s'apercevait que les règles de bonne relation que l'on tente d'établir entre eux et nous n'étaient pas respectées par quelques-uns d'entre nous ou par quelques-uns d'entre eux, bien, à ce moment-là, la commission serait libre d'intervenir.

Mais, pour l'instant, disons que ce qui devra demeurer de notre réunion, c'est la liberté de parole à l'intérieur des limites jusqu'au temps où nous établirons en quelques minutes les procédures de cette soirée. S'il y en a qui trouvent que ce que nous suggérons n'est pas suffisamment digestible, qu'on nous le dise en quelques mots, je n'ai pas d'objection.

M. Marcel Pepin

M. PEPIN: Je voulais dire très brièvement, comme vous l'avez suggéré, que dix petites minutes pour expliquer un problème de cette ampleur... Généralement, devant les commissions de cette Chambre, je n'ai jamais abusé du temps des députés, parce que je suis intervenu fréquemment devant les commissions et je n'ai jamais cru prendre des temps indéfinis pour expliquer les situations que je croyais devoir expliquer. Dans le cas particulier, je pense que le ministre le reconnaîtra, ceux qui sont les plus directement visés, à part les entrepreneurs, ce sont évidemment les membres qui sont chez nous, les membres de la CSN. Les députés peuvent dire que nous avons tort ou raison, ce n'est pas là qu'est le problème pour l'instant. Nous avons peut-être besoin d'un peu plus de temps pour expliquer notre avis là-dessus. Ce qui se passe, et j'ai l'impression que même si tous les députés le savent fort bien, ils ne sont pas arrivés ici en innocents, comme l'a dit le ministre. Ils sont arrivés en pleine connaissance de cause. Je pense aussi avoir le temps de m'expliquer un peu pour dire quelle est la situation dans les chantiers de construction, cela n'est pas abusif. Je ne crois pas, M. le Président, messieurs les membres, que j'abuserai du temps de cette commission; j'essaierai de

faire mon travail le mieux possible, et je dois dire le plus succinctement qu'il me paraftra possible de le faire, de m'exprimer; mais de grâce, ne me limitez pas seulement à dix minutes parce que ce sont des problèmes très graves, très sérieux. Et n'allez pas nous mettre une espèce de bâillon au bout de dix minutes en -disant: C'est fini pour vous.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Est-ce que les groupes représentatifs veulent identifier leurs porte-parole?

M. PEPIN: La CSN, Marcel Pepin.

M. LEBON: La Corporation des maîtres-électriciens, Jean Lebon.

M. LEFEBVRE: L'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, Claude Lefebvre.

M. L'HEUREUX: L'Association des constructeurs de routes, Réal L'Heureux.

M. DION : La Fédération de la construction du Québec, Michel Dion. Si vous me permettez, M. le Président, il est fort possible que le représentant de la Corporation des plombiers, Me Louis Morin, ne soit pas ici et, s'il n'arrive pas en temps, j'ai été autorisé à faire connaître le point de vue des plombiers.

M. LABERGE: Louis Laberge, FTQ.

M. LE PRESIDENT (Bossé): C'est complet. Il n'y a pas d'autres représentations? Dans l'ordre où les représentants se sont identifiés, la parole est donc au représentant de la CSN.

M. PEPIN: M. le Président, MM. les membres de la commission, je voudrais, au point de départ, remercier l'Assemblée nationale d'avoir accepté de nous entendre, même si les périodes de temps sont limitées. Je comprends que, pour plusieurs personnes, ce problème est d'une extrême importance, non seulement pour les députés de l'Assemblée nationale mais pour la CSN, que je représente, et aussi les travailleurs que je crois représenter dans ce débat.

J'ai déjà déclaré publiquement aujourd'hui quel était mon sentiment sur le bill. Je ne l'aurais pas fait, si j'avais su que nous avions à nous faire entendre devant la commission, parce que j'aurais réservé mes commentaires pour la commission. Puisqu'il n'était pas alors entendu qu'il y aurait une telle réunion de la commission parlementaire, j'ai donc eu à prendre la liberté de m'exprimer d'une manière catégorique devant les représentants de la presse.

Je voudrais donc vous dire, au point de départ, qu'à mon sens ce bill est injuste et qu'il ne devrait pas être accepté tel qu'il est présenté devant la Chambre. Je voudrais ajouter aussi qu'il m'apparaît fort discriminatoire envers une centrale syndicale des travailleurs que nous représentons, des membres que nous avons, envers la CSN.

Si je dis immédiatement, au point de départ, que le bill est discriminatoire, je n'en veux en particulier et uniquement sur un point, le document sessionnel numéro 70, qui parle du régime syndical, de l'augmentation générale des salaires et des délégués de chantiers.

Le printemps dernier, il y a eu une grève qui a duré trois semaines à Montréal, du moins un arrêt de travail où un de nos syndicats a été aussi impliqué mais où nos collègues de la FTQ ont été plus largement impliqués, parce que vous comprenez la situation ou la réalité syndicale. Il s'est conclu à la suite de ça une entente sur le problème des délégués de chantier, qui a été réglé d'une certaine façon, entente signée par six associations, cinq patronales, une syndicale, la FTQ.

Dans ce document concernant les délégués de chantiers, on a fixé des règles différentes pour ce qui concerne les gros chantiers, raffineries d'huile, cimenteries ou autres, et les petits chantiers pour tout le reste. Dans les petits chantiers, on fixe une règle s'appliquant aux délégués de chantiers qui n'ont pas de préférence d'emploi. Je réfère particulièrement à la page 2 du document sur les délégués de chantier dans les petits chantiers n'ont pas une préférence d'emploi absolue, alors que, dans les gros chantiers, plus loin dans le document, — je pourrais vous donner la référence, si cela vous intéresse — il y a une préférence d'emploi absolue.

Pourquoi dis-je qu'il est discriminatoire? C'est que, généralement — et je pense que vous le savez déjà — notre organisation syndicale a protégé davantage ceux qui sont dans les métiers généraux de l'industrie. Je réfère aux menuisiers, charpentiers, journaliers, manoeuvres spécialisés ou autres et je rappelle que nos amis de la FTQ ont surtout oeuvré dans un domaine différent, celui des plombiers, électriciens, ou ce que l'on appelle en langage technique les métiers mécaniques.

Or, dans le cas des métiers mécaniques, puisque ce sont eux qui généralement s'en vont sur ce qu'on appelle là-dedans les gros chantiers, il arrive qu'eux ont une protection particulière et que dans les petits chantiers il n'y a pas une telle protection particulière. Dans ce sens je vous dis qu'il m'apparaît à moi que ce bill est discriminatoire.

En quoi est-il important d'avoir des délégués de chantier? Jusqu'à quel point cela peut-il constituer un litige majeur entre les parties? Vous comprendrez comme moi qu'à l'heure actuelle et depuis toujours dans cette industrie de la construction, il n'y a jamais eu de clause d'ancienneté. Nous en recherchons, une clause d'ancienneté. Elle n'est pas acceptée; elle fera l'objet des pourparlers ou des discussions avec

la commission parlementaire éventuellement ou le conciliateur, et jusqu'à maintenant les employeurs l'ont refusée catégoriquement et globalement.

Or, quand vous n'avez pas au moins une protection d'ancienneté, quand vous n'avez pas un délégué de chantier qui peut faire appliquer la convention d'une manière valable, essayez d'agir syndicalement et pour protéger les travailleurs sur les chantiers d'une manière convenable. Je pense que l'histoire, le problème de l'industrie de la construction, c'est que vraiment les employeurs ont toujours eu le haut du pavé. Il n'y a jamais eu moyen pour les travailleurs d'avoir une protection efficace, parce qu'ils pouvaient être mis à pied, congédiés.

Souvenez-vous qu'en 1966 lorsque nous avons fait grève à Montréal pour obtenir des avantages tels que quinze minutes pour prendre le café le matin ou l'après-midi, lorsque nous avons obtenu qu'il puisse y avoir un avis de 24 heures avant une mise à pied, ces dispositions, M. le Président et messieurs les députés, je vous le dis, n'ont pas été appliquées généralement parce que nous n'avions pas le moyen de les faire appliquer. Ceux qui voulaient les faire appliquer étaient mis à pied. Vous me direz: C'est de l'histoire, de l'historique. C'est très important dans le conflit qui nous oppose à l'heure actuelle au monde patronal.

Pourquoi est-ce important? Parce que si on n'a pas le moyen de faire appliquer la convention collective, si on n'a pas au minimum un délégué de chantier qui a une préférence d'emploi, qui a une priorité d'emploi, les travailleurs vont continuer d'être à la merci des employeurs, des entrepreneurs individuels. Notez bien que je ne blâme pas un entrepreneur en particulier, parce que je comprends que lorsqu'on est pris dans le domaine de la concurrence, de la compétition les uns contre les autres, il faut produire le plus efficacement possible. Mais quand tout le monde est soumis à la même règle, quand tout le monde est obligé d'obéir au même règlement, cela peut être différent.

Voilà donc pourquoi, sur le premier point, je soutiens que c'est un bill discriminatoire contre les travailleurs qui, généralement sont représentés par la CSN. Je demande donc à l'Assemblée nationale, si jamais elle a à adopter une telle loi, au moins de modifier un paragraphe dans le document sessionnel no 70. Si besoin en est, je fournirai dès demain matin un amendement écrit pour que l'Assemblée nationale en soit saisie et que vous puissiez en disposer comme vous l'entendiez.

Deuxième point. Je crois que c'est un bill discriminatoire contre les travailleurs, et non pas uniquement contre les salariés qui sont membres de la CSN, c'est discriminatoire parce que, dans le bill 38, il n'y a que les ententes convenues par tout le monde, qui sont inscrites dans les documents sessionnels ou qui font partie de certains articles du bill, ou les offres des patrons. Si le gouvernement, si l'Assemblée nationale veut adopter une loi, il me semble qu'il devrait y avoir à tout le moins un peu d'équilibre entre ce que le gouvernement prévoit dans sa loi et ce qui a été offert ou demandé par l'un ou par l'autre. A l'heure actuelle, on prévoit un mécanisme de négociations qui n'en est pas un, à mon avis.

Depuis que le premier ministre a demandé que cette séance soit convoquée, il était matériellement impossible qu'il y ait des négociations valables entre les parties. Pourquoi? Parce que nous ne savions pas ce que la loi allait contenir.

Nous ne pouvions pas faire des compromis, faire des concessions. Sur ce point, M. le Président, messieurs les membres de la commission, j'estime qu'il n'était pas possible pour nous, valablement, et cela, ce n'est pas uniquement mon avis. Si les employeurs veulent dire ce qu'ils ont dit aux conciliateurs qui sont ici, dans cette salle, je pense que tout le monde a été à peu près unanime pour s'exprimer dans le sens que je m'exprime à l'heure actuelle.

Discriminatoire, donc, ce bill, parce qu'il reprend la position des employeurs. Il nous coupe les ailes en disant: Retourne au travail, va-t-en devant le conciliateur, va-t-en devant une commission parlementaire, sans aucune force, sans aucun moyen. Or, l'on sait que, dans la société actuelle, malheureusement peut-être, il n'y a qu'une loi qui vaut — peut-être pas les lois du Parlement, cela vaut, ce n'est pas ce que je veux dire — mais la loi réelle dans le domaine des relations industrielles, c'est la loi de la force. Qu'on aime cela, ou qu'on n'aime pas cela, que j'emploie les expressions aussi vertes que celles que je peux utiliser, trouvez-moi un moyen de régler vraiement des problèmes, si vous n'avez pas d'un côté, une menace de lock-out ou un lock-out, ou de l'autre, une menace de grève ou une grève. Vous nous enlevez tous ces moyens-là et après, vous direz: Vous pourrez la faire la grève si le cabinet des ministres n'a pas décidé dans x jours — je pense que c'est trente jours, si ma mémoire est fidèle — après la fin des travaux de la commission parlementaire.

Eh bien, M. le Président et messieurs les membres de la commission parlementaire, c'est, à mon avis, et je vous le dis carrément, un leurre tout simplement. Parce que si vous attendez au mois de novembre ou au mois de décembre pour que les travailleurs de la construction aient une justice et qu'ils puissent faire valoir leurs droits, vous vous trompez, ce n'est pas vrai. Si nous n'avons pas, quant à nous, les moyens réels de faire appliquer ce que nous croyons être, nous, notre justice, je ne dis pas la justice des autres... Nous, nous avons le droit d'avoir une certaine conception de ce côté-là.

Je ne sais pas combien cela fait de temps. C'est bien fatigant quand on parle.

M. LAPORTE: Ne nous y faites pas penser.

M. PEPIN: Je m'excuse, c'est parce que je crois que c'est un problème qui...

M. LE PRESIDENT (Bossé): J'oubliais le temps...

M. PEPIN: Merci beaucoup. M. le Président. Je vous reconnais.

M. LE PRESIDENT (Bossé): On se reconnaît.

UNE VOIX: Nous aussi, on vous a reconnu.

M. PEPIN : II y avait une grève à Radio-Canada. C'était pour la reconnaissance syndicale et il y avait un piqueteur. Je ne le nommerai pas. Il se promenait et il était bien "chum" avec un des directeurs de la Société Radio-Canada. Il traverse une ligne de piquetage et il dit à notre piqueteur: Je te reconnais, toi. Bien, il dit: C'est pour ça qu'on est ici. C'était une grève de reconnaissance syndicale.

Donc, M. le Président, quand je dis que le bill est discriminatoire, c'est qu'il ne reprend que les propositions des employeurs. C'est tout ce que le bill fait, à l'heure actuelle. Il y a eu, cependant, une offre des conciliateurs, une suggestion, un document des conciliateurs, un document de travail. Le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, cette semaine, s'est dépêché, sans doute avec raison, de dire que ses conciliateurs, étaient extraordinairement compétents et qu'il avait en eux une confiance énorme et que c'est eux qui devaient faire le travail, le "job". Mais s'ils sont si compétents que cela, pour le ministre, s'ils sont si bons, si valides, pourquoi dans la loi, à tout le moins, ne pas prendre le document des conciliateurs et l'inscrire dans la loi? Et le reste, on pourrait tenter de la négocier par le truchement que vous voudrez. Mais, à tout le moins, ce sera un point de départ.

Je crois que tous les députés ont eu en main un document comme celui-ci où nous avons essayé de démontrer qu'il était important qu'il y ait une certaine égalisation de salaires, même si ça prend un peu de temps, bien sûr, nous le concevons. D'ailleurs, nous sommes en fort bonne compagnie, puisque même le ministre du Travail est d'accord avec nous et avec moi. Je pense même que le premier ministre a parlé dans le même sens, si ma mémoire est fidèle ou si les journaux ont rapporté des choses qu'il a vraiment dites. Mais, la déclaration du ministre du Travail apparaît, elle, dans le journal des Débats. Nous l'avons reproduite uniquement pour rappeler non pas au ministre — on sait qu'il s'en souvient — mais à tous les autres membres de cette Chambre qu'il nous fallait en arriver à une égalisation des salaires. Nous sommes tous d'accord là-dessus. La proposition des conciliateurs adoptée, par rapport à ce qui est payé à Montréal ou à ce qui sera payé à Montréal, ça donne des résultats comme ceux que vous avez en main pour chacun des métiers.

Je n'insiste pas, mais je vous rappelle qu'ayant le document vous pouvez en prendre connaissance. Vous devez savoir alors que, dans des régions comme l'Abitibi, par exemple, les taux de salaires sont pas mal inférieurs. La région des Laurentides, à côté de Montréal, a des taux de salaires largement inférieurs à la proposition des conciliateurs qui sont compétents, d'après le ministre du Travail. Sans doute qu'il a raison, mais pourquoi n'est-ce pas inscrit dans le bill dans ce cas-là? Vous devez savoir que dans la région de Drummondville — c'est le ministre de la Voirie qui est là — les salaires sont extraordinairement bas, même avec la proposition des conciliateurs. Vous devez savoir qu'à Rimouski — le ministre des Affaires municipales doit en savoir quelque chose — les salaires sont très bas aussi.

C'est pourquoi nous demandons qu'il y ait égalisation des salaires dans cette province. Est-ce que ce serait un précédent que nous créerions avec les gens de la construction? Le Parlement, l'Assemblée nationale, le gouvernement, non pas uniquement celui d'aujourd'hui, celui d'hier, mais aussi celui d'avant-hier, ont tous été d'accord pour accorder ou pour s'en aller vers l'égalisation des salaires. On sait bien qu'à l'heure actuelle les troubles qui existent dans l'industrie de la construction ne sont causés que par une chose, c'est qu'il n'y a pas, au départ, cette égalisation de traitements entre des gens qui font des "jobs" à peu près identiques.

On ne me dira pas qu'il y en a un qui est un peu plus compétent que l'autre ou vice versa. On se contera des histoires une autre fois. Si vraiment l'Assemblée nationale est d'accord pour inscrire dans sa loi qu'il y ait une égalisation des salaires, là, ça peut être différent. Permettez-moi de vous rappeler qu'il y a à peine quelques années, lorsque le Parti libéral était au pouvoir — je pense que c'était en 1965 ou en 1964 — il y a eu une grève de longue durée à Saint-Hyacinthe, chez Janin, où on construisait, je ne me souviens pas quoi, une école technique ou quelque chose du genre. Pourquoi y avait-il grève? C'est que l'entrepreneur prenait sa main-d'oeuvre à Montréal, et la payait à Saint-Hyacinthe. La main-d'oeuvre de Montréal était payée au taux de Montréal. Il embauchait d'autres menuisiers à Saint-Hyacinthe et les payait au taux de Saint-Hyacinthe. Cela a éclaté. A l'heure actuelle, sur les gros chantiers, dans la province de Québec, on va avoir les taux de Montréal; sur les petits chantiers, on va avoir les taux des régions, des taux aussi discriminatoires que ceux dont je viens de parler et même pires. Si l'Assemblée nationale accepte le projet de loi qui est devant elle, il est extrêmement improbable que nous puissions jamais en arriver à une conclusion.

M. le Président, messieurs les membres de la commission, les travailleurs de la construction, quant à moi, sont parmi les plus massacrés dans l'industrie parce qu'il n'y a pas de clause d'ancienneté, pas de clause de délégué de chantier et parce que les employeurs, ayant un immense réservoir, peuvent, à ce moment-là, manoeuvrer leur main-d'oeuvre comme ils l'entendent.

Si nous n'avons pas cette paix dans les chantiers, c'est qu'il n'y a pas d'égalité de traitements. Quant à nous, la CSN, avec tous les problèmes que vous pourrez nous donner, avec toutes les histoires que vous pourrez faire autour de nous, faites ce que vous voudrez de ce côté-là. Mais je suis sûr que nous représentons un sentiment vrai lorsque nous demandons que tous les travailleurs de la construction soient payés sur une base identique. Pourquoi est-ce vrai pour les fonctionnaires? Pourquoi est-ce vrai à la RAQ? Pourquoi est-ce vrai pour les employés d'hôpitaux? Pourquoi est-ce vrai dans l'industrie de l'acier? Pourquoi est-ce vrai dans l'industrie de l'aluminium? Les employeurs qui viennent se plaindre publiquement que ce serait un désastre au Québec, ils le font eux-mêmes dans leurs grandes industries. Les petits employeurs qui seraient incompétents pour faire un travail parce qu'ils auraient à payer un salaire convenable, on sait ce que l'on a à faire, tout le monde. Ce ne sont pas les travailleurs qui doivent subventionner les petits entrepreneurs.

Il me semble donc que le gouvernement et que l'Assemblée nationale devraient au moins prendre le document des conciliateurs comme base. Ils sont bons, les conciliateurs, ils sont compétents. Au moins, inscrivez cela dans le projet de loi et dites-moi que j'ai tort de vous dire de ne pas prendre uniquement la position patronale, mais retenez-en un bout aussi de la position syndicale.

M. LAPORTE: M. le Président, je comprends que vous êtes très bon, excellent, mais est-ce qu'on pourrait éviter, tout simplement pour que nous puissions discuter dans le calme, des manifestations de sentiment? Vous irez tous, après, féliciter M. Pepin et nous irons peut-être nous aussi. Nous ferons cela en privé, si vous le voulez. C'est une règle de conduite pour notre commission et je suis certain que chacun voudra la respecter. .

Je voudrais poser une seule question à M. Pepin. J'ai déjà dit à deux reprises que dans le projet de loi 38, en accordant des augmentations de salaire seulement et en reconnaissant toutes les clauses qui ont été paraphées par tout le monde, on connaît seulement la position patronale. J'aimerais qu'il m'explique cela en quelques minutes.

M. PEPIN: Certainement. Sur le premier point, les clauses paraphées, ce sont les clauses paraphées par tout le monde. Les clauses que vous avez ajoutées comme délégué de chantier, vous savez que nous y sommes opposés. Il y a six associations qui sont pour cela. Nous nous y sommes opposés. J'ai essayé d'expliquer mes raisons devant la commission pour dire pourquoi nous nous y étions opposés.

M. LAPORTE: Je voudrais vous faire dire que c'est une position patronale. La FTQ dans cela ne compte pas.

M. PEPIN: Je ne vous dis pas que la FTQ ne compte pas. Elle est ici.

M. LAPORTE: Vous me dites que c'est une position patronale. C'est cela que je veux dire.

M. PEPIN : II y a cinq associations patronales qui ont signé le document. La FTQ, comme elle est présente plus sur les gros chantiers que sur les petits... c'est un fait.

M. LAPORTE: Je le sais bien. Je ne discute pas cela. C'est parce que vous dites que, dans un projet de loi, et cela m'étonne tellement, on a pris seulement la ligne patronale, je veux savoir où.

M. PEPIN : Sur les salaires, M. le Président, c'est l'offre patronale que vous avez prise et que vous avez prévue uniquement dans votre projet de loi, ce n'est pas autre chose.

UNE VOIX: C'est mieux que rien.

M. PEPIN: Je ne vous dis pas que ce n'est pas mieux que rien, ce n'est pas là qu'est le problème, il me semble. Si vous êtes payé $3.50 à Montréal et $1.50 dans votre comté à vous, vous y verrez vous-même. Si vous voulez en avoir du trouble, vous allez en avoir de cette façon.

M. LAPORTE: Sur cette partie-là, on met dans le projet de loi une augmentation de salaire qui a été offerte par les patrons. Donc, c'est le minimum qu'ils sont disposés à offrir. Si on entreprend la discussion pour plus, on ne le mettra pas dedans, ils ne s'entendront pas. C'est cela que je veux vous dire.

M. PEPIN : M. le ministre, si vous mettiez la proposition, ou le document de travail, ou la suggestion de vos conciliateurs...

M. LAPORTE: Nous allons entendre les autres sur cela.

M. PEPIN: Non, non. En tout cas, moi, c'est la suggestion que je fais humblement, ici à la commission, ça me parait raisonnable. Ces gens-là ont travaillé longtemps, ils sont compétents, vous me l'avez dit.

M. LAPORTE: J'aimerais ça; oui, oui. Disons que j'évite d'utiliser ces arguments-là.

M. PEPIN: Moi, je vous rappelle M. le ministre, ce que vous disiez en 1967 dans le cas des enseignants, lorsqu'il était question que leur droit de grève soit suspendu jusqu'en 1968. Vous leur disiez que c'était pour eux une question de droit, de fierté humaine, de ne pas accepter sans protester vigoureusement un retour en arrière. Vous me comprenez, je pense.

M. LAPORTE: Oui, mais là...

M. BERTRAND: Notre maître le passé.

M. LAPORTE: ... je n'ai pas d'objection, mais nous ne le discuterons qu'une fois, par exemple. Je ne me laisserai "side-tracker" d'aucune façon. Evidemment, puisque nous adoptons une loi pour mettre fin à la grève, il y aura un petit moment, pendant cette discussion-là, où le droit de grève va disparaître. Nous ne pouvons pas faire une loi pour mettre fin à une grève en disant: Vous pouvez continuer. Je ne pense pas que ça atteindrait le but que nous voulons, mais, à l'intérieur de cette nécessité que nous jugeons, nous, et sur cette nécessité, je l'ai dit cet après-midi à l'Assemblée nationale, un jour, les citoyens nous diront si nous avons eu raison ou tort. Nous serons jugés, mais à l'intérieur de ce geste que nous posons, est-ce qu'il y a une de ces lois, que ce soit le cas de la CTM, que ce soit le cas des gars de Chambly, que ce soit le bill 25, où l'on a tenté de respecter de la même façon le droit à la négociation, le droit à la représentation, etc.? J'aimerais que vous nous disiez ça aussi.

Aimeriez-vous mieux que nous vous fassions un bill 25? C'est charmant de se faire dire: Pourquoi ne mettez-vous pas telle chose dans le bill, le rattrapage? Je suis d'accord, M. Pepin, que vous êtes absolument en faveur que nous mettions dans le bill tout ce qui vous plaît. Mais si, par hasard, au lieu de vous laisser négocier pendant un mois, le gouvernement intervenait lui-même pour mettre ce qui plaît aux patrons, là, vous pousseriez des grands hurlements, par exemple.

Cela marche des deux côtés. Si vous demandez ce soir, dites-le nous, à l'Assemblée nationale de régler le décret d'une façon définitive, nous allons le faire, mais vous courrez là un risque. Tandis que ce que nous vous disons nous, c'est que nous ne mettons rien dans le projet de loi qui vous plaît, sauf l'augmentation des salaires. Mais nous vous disons: Tout ce sur quoi vous ne vous êtes pas entendus, discutez-le. Et si vous n'êtes pas capables de vous entendre, revenez devant nous, nous ne parlerons que de ça. Est-ce que vous êtes plus protégés que de dire ce soir — mais dites-le-nous par exemple — à l'Assemblée nationale: Messieurs, donnez-moi le rattrapage, puis réglez-nous le reste.

Si vous êtes prêts à prendre ce risque-là, moi, je ne suis pas prêt à vous le donner, parce qu'à ce moment-là, vous vous placez dans une situation impossible, espérant obtenir des choses qui vous plaisent — et c'est normal — mais vous interdisant de penser qu'il y a aussi cinq parties patronales qui ont peut-être des choses à demander aussi. Et si nous en mettons quelques-unes qui ne vous plaisent pas, le lendemain matin, on va dire: Encore un gouvernement qui favorise les patrons. Nous ne voulons pas faire ça. C'est à vous, c'est votre responsabilité de négocier votre convention collective, et on me dit que vous êtes excellent pour faire ça, négociez-là. Puis si, en dernière analyse, après tout ça, vous ne réussissez pas à vous entendre, il faudra bien qu'un jour quelqu'un décide. Mais j'espère qu'à ce moment-là, le gouvernement, la commission et le public seront renseignés et qu'on pourra nous juger en connaissance de cause.

J'espère que vous n'allez pas non plus nous demander ce soir de nommer un arbitre, à moins que la CSN veuille retourner au régime de l'arbitrage obligatoire. Vous me le direz, ça aussi, M. Pepin, si vous voulez ça.

M. PEPIN: Dès que vous aurez fini, je suis prêt à vous parler. Je pense que là, j'essaie de répondre au ministre directement. Sur un des points, M. le ministre, que vous avez soulevés, par rapport, par exemple, à la CTM, vous vous souviendrez que, dans cette loi, c'est vous, je pense, qui avez proposé ou appuyé un amendement du chef de l'Opposition du temps, M. Lesage, où était prévue la période de négociations.

M. LAPORTE: C'est ça.

M. PEPIN: La négociation, dans le bill 1 dans le temps, était prévue par ce nécanisme. Ce que je voudrais mentionner, M. le ministre et MM. les membres de la commission parlementaire, c'est que dans la proposition du bill 38, je vous le dis très carrément, vous semblez protéger le principe de la négociation collective, mais, en fait, dans la pratique, d'après moi, vous ne le protégez pas. Je vais essayer de m'expli-quer. Peut-être ai-je tort.

M. LAPORTE: Je suis bien d'accord qu'on le discute.

M. PEPIN: A la première étape, vous prévoyez une période de conciliation et, à ce moment-là, devant un conciliateur que vous nommerez, peu importe lequel. Pendant cette période, les parties pourraient, théoriquement, s'entendre. Comme ça fait six mois qu'elle dure, il est possible qu'elles ne s'entendront pas. Si elles ne s'entendent pas, vous prévoyez la commission parlementaire où, je pense, nous aurons un peu plus que dix minutes pour nous exprimer, si elle a lieu. Quand cette commission

est terminée, si j'ai bien compris le bill, j'ai le droit de faire la grève ou l'employeur de faire son lock-out, s'il le désire, parce que la loi s'éteindrait à toutes fins pratiques. Non? Ce n'est pas à ce moment?

M. LAPORTE: Justement, on a voulu obliger le gouvernement à agir. C'est arrivé que des individus ont dit: Le gouvernement ne rend pas de décision; un mois, deux mois, six mois, un an. Mais les règles très sévères de la loi continuent de s'appliquer, et le gouvernement dit: Je vais les laisser tout seuls, je suis tranquille pendant ce temps-là. On s'est refusé cet abus. On a dit: Nous avons un mois pour rendre la décision. Si au bout d'un mois la décision n'est pas rendue, nous retournons à la loi de la jungle. C'est un gros risque à prendre pour un gouvernement, mais si la décision est rendue au bout d'un mois, évidemment, vous retombez sous l'empire de l'article 290. C'est clair. Alors, on s'oblige à agir en dedans d'un mois. C'est un avantage.

M. PEPIN: C'est là-dessus que je voudrais parler pour bien vous démontrer qu'à mon avis le principe de la négociation collective est protégé en théorie, mais rendu à ce bout-là, il n'est plus protégé parce que vous, comme gouvernement, comme lieutenant-gouverneur en conseil, vous prenez une décision. Même si la décision ne me plaît pas ou même si elle ne plaît pas aux employeurs, personne ne peut plus bouger. Nous sommes encadrés là-dedans, c'est votre décision. Si vous croyez que nous avons une force et que ça peut endommager le complexe G, H ou J, vous prenez une décision. Peu importe la décision. Vous allez prendre la meilleure possible quant à vous, mais disons que nous, comme travailleurs, elle ne nous plaît pas. A ce moment-là, ce n'est pas de la négociation collective. Quand je négocie avec quelqu'un et que j'ai un droit de grève et que lui a un droit de lock-out, à ce moment-là, je suis sur un pied d'égalité. Quand je négocie avec quelqu'un en vue d'en arriver à une décision d'un arbitre — quand vous me posez la question: Voulez-vous, comme CSN, avoir un arbitre ou non, c'est ce que vous me faites — l'arbitre, en l'occurrence, c'est le lieutenant-gouverneur en conseil parce que c'est lui qui sera appelé à prendre la dernière décision. A ce moment-là, vous m'offrez l'arbitrage. Ce qu'il y a de pire, à mon avis...

M. LAPORTE: Si vous me permettez, il faut bien, en partant de notre point de vue à nous, qu'un jour quelqu'un décide. Il faut donc trouver un arbitre.

M. PEPIN: Donc, c'est l'arbitrage.

M. LAPORTE: Nous vous suggérons, nous, l'arbitre qui est le plus susceptible d'être jugé par ses pairs. C'est mieux qu'un juge qui n'a de compte à rendre à personne. Un jour nous irons devant le peuple et il se souviendra, et vous serez là pour lui rappeler que nous avons rendu certaines décisions. Nous prenons non seulement nos responsabilités — et nous pouvons mettre un grand R quand on voudra — il y a un risque, mais nous nous imposons le rôle désagréable d'arbitre et nous l'imposons au seul qui a des comptes à rendre à des citoyens dont vous êtes. Je pense qu'on vous donne le meilleur arbitre qui soit, celui qui s'expose le plus.

M. PEPIN: Tout de même, je pense qu'on se comprend. Ce n'est pas la négociation collective telle qu'on la conçoit qui est protégée par le bill 38. C'est une négociation qui nous conduit à un arbitrage, mais l'arbitre, c'est le lieutenant-gouverneur en conseil.

M. LAPORTE: Elle vous y conduit seulement si cette négociation ne donne pas de résultat. C'est possible. C'est clair.

M. PEPIN: Bien sûr, mais seulement, comme nous n'avons pas la force de négociation requise à ce moment-ci pour négocier, écoutez...

M. LAPORTE: D'accord, vous êtes plus renseigné que moi, je vous l'accorde.

M. PEPIN: Je n'avais pas fini de répondre à toutes les questions.

M. LAPORTE: C'est peut-être sur le même sujet.

M. PEPIN: Si c'est sur le même sujet, je n'ai pas d'objection.

M.BERTRAND: Je vous écoute depuis le début et vous parlez de la loi. Quant à moi, j'ai indiqué, au début de mes remarques tantôt, que j'avais quelques questions à vous poser.

Disons qu'à un moment donné, il arrive qu'un gouvernement, quel qu'il soit, soit obligé de poser un geste. Mais avant de le poser, il faut employer tous les autres moyens. A ce moment-ci, vous dites que le gouvernement se substitue aux parties pour négocier. C'est ça, en fait. Dans les circonstances actuelles, seriez-vous en état de m'assurer qu'au nom de votre groupement, vous pouvez d'abord continuer à négocier?

M. PEPIN: Si j'ai les droits que j'ai à l'heure actuelle et que j'exerce, je vous réponds affirmativement.

M. BERTRAND: Voulez-vous dire par là que la grève continuerait?

M. PEPIN: C'est exactement ce que j'ai voulu dire, M. Bertrand.

M. BERTRAND: Et même s'il y avait nomination d'un médiateur, seriez-vous prêt à ordonner à vos ouvriers, à vos employés de retourner au travail?

M. PEPIN: Je vous réponds personnellement, puisque vous me posez une question impromptue et à brûle-pourpoint. Je vous dis que s'il y a un médiateur et que si nous voulons en arriver à un règlement, nous somme mieux de continuer la situation comme elle est à l'heure actuelle pour un règlement rapide.

DES VOIX: Ah! UNE VOIX: Ah bon!

M. PEPIN: Je vous dis clairement les choses. Je ne suis pas ici pour vous conter des histoires. Autrement, on n'a pas de force, et quel médiateur va agir?

M. LAPORTE: C'est notre droit de dire des ah! ah! ah!

M. PEPIN: Votre droit de dire des ah! ah! ah!

M. BERTRAND: M. Pepin, j'ai une autre question à vous poser. Vous parlez de l'exercice du droit de grève. Ce n'est pas moi qui ai soulevé ce point. Seriez-vous prêt, quant à ce droit de grève, quant à l'exercice de ce droit de grève, quant au vote au sujet de la grève, à ce qu'il y ait un mécanisme pour assurer que le vote sera absolument impartial et dénué de toute menace ou de procédure d'intimidation?

M. PEPIN: Bon. Je ne peux pas parler pour tout le monde. Je vais parler pour moi et je vais essayer de restreindre votre question, pour l'instant, au cas de la construction, si vous me le permettez.

Dans ce cas-ci, l'Assemblée nationale pourrait dire: Je vais adopter le projet de loi, mais je ne le sanctionne pas avant qu'il y ait une consultation libre, et de la manière dont vous entendrez cette liberté. Si vous voulez avoir un représentant de l'Assemblée qui assistera à toute...

M. BERTRAND: Sous l'égide du ministère du Travail.

M. PEPIN: Sous l'égide, dans ce cas-ci, du ministère du Travail. Si je ne l'accepte pas d'une manière générale, c'est pour d'autres considérations, M. Bertrand. Je pourrais prendre le temps de l'expliquer, mais je pense que si je réponds à votre question dans le cadre du cas de la construction, cela va vous satisfaire, et c'est pourça que nous sommes ici, ce n'est pas pour le cas général.

Dans ce cas-ci, adoptez donc demain la loi, mais ne la sanctionnez pas. Que ce soit ainsi. Faisons la tournée de tous nos groupes. Ce sont nos membres, par exemple, qui vont voter — ce ne sont pas des membres qui n'en sont pas — parce que ce sont eux qui décident; ce ne sont pas les membres des autres. A ce moment-là, vous aurez le rapport à l'Assemblée nationale la semaine prochaine et vous pourrez alors prendre une décision en connaissance de cause.

Donc, je réponds affirmativement à votre demande pour le cas de la construction. Si vous voulez que j'élargisse le débat, cela va être un autre problème.

M. BERTRAND: Non, non, je vous pose la question pour ce domaine-là.

M. PEPIN: Alors, je vous réponds pour ce domaine-là. Maintenant, le ministre m'avait posé une question très directement: Est-ce que vous êtes prêt à accepter que le cabinet ou que le conseil des ministres décide immédiatement? Du moins, j'ai compris...

M. LAPORTE: C'est l'Assemblée nationale.

M. PEPIN: Ou l'Assemblée nationale, comme le bill 25, si vous voulez.

Le processus parlementaire, tel que je le conçois, c'est que le gouvernement présente des propositions à l'Assemblée nationale. Quand il est majoritaire, il a plus de chances de faire accepter son règlement que si c'était un parti de l'Opposition qui venait avec ça. Ce qui revient à dire que le gouvernement, c'est le cabinet des ministres. Que ce soit l'Assemblée nationale...

M. BERTRAND: Vous avez l'air au courant.

M. PEPIN: II faut agir. Dans ce cas-ci, M. Laporte, je préfère ne pas attendre, quant à moi, X mois avant de connaître la réponse, avant que les gars connaissent la réponse. D'après votre bill, ils devraient retourner au travail lundi, s'il était adopté et sanctionné à temps. A ce moment-là, les gars retourneraient au travail et ils seraient absolument désemparés. Ils ont fait une grève, à tort ou à raison, pour une question d'égalisation de salaires et pour certaines autres conditions. Vous, vous leur dites: Retourne au travail. Ne t'en fais pas, cela va se régler par un mécanisme. Je l'ai dit fréquemment: A choisir entre votre bill tel qu'il est articulé et me faire dire demain par l'Assemblée nationale quelles vont être les conditions de règlement, je suis convaincu que les travailleurs que je représente vont préférer connaître la réponse immédiatement, mais pas dans six mois.

Est-ce que cela répond à votre question?

M. LAPORTE: Oui, mais j'aurais aimé vous entendre dire ça sur le bill 25.

UNE VOIX: Sur le bill 1.

M. PEPIN: Sur le bill 25, M. Laporte, lorsque les enseignants... Sur le bill no 1, il y a eu un processus de négociations. Souvenez-vous bien que, dans le bill 38, c'est le cabinet des ministres qui a le dernier mot. Qu'il l'ait dans six mois ou qu'il l'ait tout de suite, c'est le cabinet des ministres qui a le dernier mot. Je n'aime pas cette situation; je préférerais que le cabinet des ministres ne se mêle pas de ça, je vous le dis carrément. Mais, à choisir entre les deux pôles, je préfère qu'il nous dise tout de suite ce qui en est.

M. LAPORTE: Vous m'intriguez. Supposons qu'il y a un bill 38. Vous aimeriez confier la décision finale à qui?

M. PEPIN: La décision finale! Laissez les choses comme elles vont et les parties vont s'entendre. Vous me dites qu'il n'y a pas de bill 38.

M. LAPORTE: Je vous posais une question.

M. PEPIN: Je réponds à votre question. Que se passe-t-il lorsqu'il y a un conflit? Dans les hôpitaux privés, nous n'avons pas de force apparemment, mais la grève dure. Nous avons de la force là-bas et cela dure.

M. LAPORTE: Le bill 38 est adopté; les gars rentrent à l'ouvrage. Il faut qu'il y ait quelqu'un qui décide. Qui suggérez-vous comme arbitre final?

M. PEPIN: Ecoutez, je ne suis pas d'accord pour que le bill 38 soit adopté.

M. LAPORTE: C'est parce que vous me dites que le pire arbitre, à votre avis, c'est le conseil des ministres.

M. PEPIN: Je regrette, M. Laporte, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.

M. TREMBLAY: On n'aurait pas dû changer le conseil des ministres.

M. LAPORTE: On nous a simplement dit que nous n'aurions pas dû changer le conseil des ministres.

M. PEPIN: Ce que j'ai dit, M. Laporte, c'est que vous avez un projet de loi qui conduit à une décision du cabinet des ministres dans six mois, trois mois ou deux mois.

M. LAPORTE: Vous croyez ça fatalement? M. PEPIN: Fatalement, je crois ça.

M. LAPORTE: Lorsque j'ai dit, cet après-midi, en Chambre, qu'il était inimaginable que vous puissiez vous entendre rapidement, j'avais raison?

M. PEPIN: Pas nécessairement, Non, mais écoutez-moi, je pense que c'est important...

M. LAPORTE: Oui.

M. PEPIN: Vous ne vous placez pas dans le même cas. Vous avez une échéance. Quand vous étiez dans la négociation, avec arbitrage obligatoire — le président de la commission connaît fort bien ça: il l'a vécue, cette période comme moi — il n'y avait pas d'entente possible dans la négociation, parce que fatalement un arbitre décidait pour les parties. Pas de responsabilités pour les parties, à toutes fins pratiques. A l'heure actuelle, le mécanisme qui est prévu nous conduit fatalement vers l'arbitrage par le conseil des ministres. Je ne vous dis pas que le cabinet des ministres, c'est le meilleur ou le pire des arbitres. Je vous dis qu'à choisir entre les deux réalités — la réalité d'une décision du cabinet dans X semaines ou mois, ou la réalité de la décision du cabinet tout de suite pour la connaître, pour que les gars sachent à quelles conditions ils retournent au travail pour la période qui s'en vient — je préfère la deuxième.

M. LAPORTE: Et si entre le moment où le bill est adopté et le moment — le conseil des ministres espère que cela ne se produira jamais — où il devra décider, le conseil des ministres veut que vous veniez à tour de rôle, pour renseigner l'opinion publique devant la commission parlementaire du Travail, pour que le conseil des ministres un jour puisse être jugé en connaissance de cause par les gens, vous ne trouvez pas que c'est une amélioration.

M. PEPIN: Je ne le pense pas, en tout cas. Je vous donne carrément mon avis.

M. BERTRAND: M. Pepin, vous faites allusion, à ce moment-ci, à un des articles du bill. En fait, c'est l'article 12. Vous seriez prêt à accepter, vous, dans la loi, que ce ne soit pas le conseil des ministres, mais le Parlement qui soit chargé d'entériner le décret? C'est ça?

M. PEPIN: M. le chef de l'Opposition, ce que j'ai demandé depuis le début de la semaine, c'est que, si le Parlement, l'Assemblée nationale se réunit, il soit à tout le moins très valablement informé. Je sais que le ministre fait des efforts d'information — moi aussi, j'en fais ce soir — mais il faut que nous puissions discuter aussi un certain temps avec les membres du Parlement pour essayer de faire comprendre notre point de vue. J'ai aussi demandé qu'il n'y ait pas cette ligne traditionnelle de parti qui s'applique habituellement. Pourquoi? Si vous êtes des arbitres, dans un cas de relations de travail, un arbitre en soi, c'est quelqu'un qui n'est pas partisan, ce n'est pas quelqu'un qui est préjugé. Voilà pourquoi j'ai demandé cela tout simplement, publiquement. Je peux vous dire une auche chose, si cela pouvait vous aider. Indi-

quez donc dans le bill que l'Assemblée nationale est d'accord sur l'égalisation des salaires, prévoyez-le donc dans le bill. A ce moment-là, si vous décidez que cela prend un an et demi pour égaliser les salaires, deux ans et demi, trois ans ou même un peu plus longtemps, suivant des régions ou des métiers, nous pourrons commencer au moins à avoir l'orientation de l'Assemblée nationale. Les parties qui négocieraient sauraient alors quelle serait la position éventuelle du cabinet, non pas quant au quantum, non pas quant au temps, mais, au moins, nous saurions ce que veut l'Assemblée nationale. La grande lutte, les grands problèmes de l'industrie, c'est qu'il n'y a pas cette égalisation.

M. BERTRAND: M. Pepin, si vous me permettez, est-ce que, en vertu de l'entente intervenue en juillet 1969, il n'y a pas eu entre toutes les parties une acceptation de ce principe, quant à la parité de salaires et quant à ce mode de rattrapage qui devait ou qui devrait s'effectuer sur une durée de trois ans? Est-ce que cela a été agréé par toutes les parties?

M. PEPIN: II y a de la controverse, M. le chef de l'Opposition, sur ce point-là, parce que, dans l'entente,— je pense que vous l'avez dans un dossier ou dans l'autre; comme je la sais à peu près par coeur, non pas les mots, mais au moins les idées...

M. BERTRAND: La carte provinciale, dans un cas, et la carte régionale...

M. PEPIN: II y a le paragraphe a) et le paragraphe b). Dans le cas du paragraphe a), c'est la parité salariale absolue, lorsqu'il y a, à mon avis, suivant que je l'interprète...

M. BERTRAND: Au départ...

M. PEPIN: Bien, pas au départ, dans la prochaine convention collective, celle qui devait commencer le 1er mai dernier. Maintenant, dans ça, il y a eu une référence au bill 49, au paragraphe a). Or, les employeurs nous disent: II n'est pas appliqué, le bill 49. Il commence, je pense, en septembre. Donc, cela ne s'applique pas. A mon humble avis, l'intention des parties, au moins pour ceux qui ont une carte provinciale... Prenez le cas des électriciens et des plombiers, c'est une licence qui est émise par le ministère, ça. Alors, à ce moment-là, que les salaires soient identiques partout. Il me semble qu'on ne doit pas émettre des mauvaises licences à Québec ou à Chicoutimi, par rapport à Montréal. Bon, là, il y a une question d'interprétation. Le paragraphe b) arrive et dit: On accorde régionalement une disparité de salaires lorsqu'on trouve des facteurs économiques objectifs. Et on s'asseoit par la suite sur des coefficients économiques. Moi, je l'ai fait examiner par des économistes, pas par des juristes, parce que ce n'est pas un problème de droit, c'est un problème économique. Les économistes chez nous et à l'extérieur du mouvement ont dit: Que veux-tu? Essaie donc de trouver quelque chose d'objectif comme facteurs économiques. Ce n'est pas possible. Les employeurs me disent: Nous, nous en avons trouvé Notre proposition salariale tient compte de facteurs économiques objectifs. Finalement, j'ai compris, à la suite des discussions — et ils s'interpréteront eux-mêmes — qu'ils avaient calculé objectivement des facteurs économiques subjectifs. C'est d'ailleurs bien compréhensible, parce que personne ne peut en trouver. Du côté des conciliateurs, vous allez me faire croire qu'il y a des facteurs économiques qui interviennent là-dedans? Bien non. Eux non plus, ils ne feront croire cela à personne. Si vous prenez la courbe — je ne l'ai pas ici parce que je pensais que c'était inutile, je pensais que le gouvernement nous donnerait au moins ce que lui-même avait offert — si, dis-je, vous prenez la courbe des salaires offerte par les employeurs, vous allez avoir des creux encore plus considérables. Il n'y a donc pas de facteurs économiques. En conséquence, depuis cette période-là, il y a des choses qui ont été changées et j'ai l'impression que l'égalisation des salaires ne peut pas être uniquement un mythe pour nous, c'est une réalité. Ce qui arrive aussi, M. le chef de l'Opposition, et je pense que c'est important que vous le sachiez, c'est que, dans les métiers mécaniques comme on les appelle, c'est généralement un gros chantier, les salaires sont les mêmes qu'à Montréal. Ce qui est choquant pour les provinciaux, comme on les appelle et comme on les appelle d'ailleurs chez moi aussi parfois, c'est qu'il arrive que les provinciaux sont payés $1 l'heure meilleur marché. Sans doute mon ami Louis Laberge, va-t-il me dire: Ah, tu n'a pas fait ton "job".

Bien sûr qu'il peut me dire ça, sauf que ces mêmes gars à lui qui sont membres de son union, parce qu'il prétend en avoir beaucoup dans la province, ne sont pas payés plus cher que les nôtres quand ils travaillent là.

M. LABERGE : Ils viennent de rentrer.

M. PEPIN: Très bien.

UNE VOIX: Franchement, les dix minutes...

M. LAPORTE: M. le Président, est-ce que l'on pourrait tenir pour acquis que le très intéressant exposé...

M. PEPIN: Je ne suis pas d'accord.

M. LAPORTE: ... de M. Pepin a maintenant duré dix minutes?

M. CADIEUX: M. le Président, j'aurais une question à poser.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Un instant. Il y avait aussi le député de Rouyn-Noranda qui désirait poser une question.

M. LABERGE: Je n'ai aucune objection à ce qu'il continue.

M. LE PRESIDENT (Bossé): La parole est au député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, j'aimerais poser une question à M. Pepin. Le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, cet après-midi, nous a cité des chiffres en Chambre concernant le vote de grève qui a été pris pour le présent conflit. On nous a parlé d'une représentation de 15 p.c. de vos syndiqués qui ont voté et on nous a parlé aussi d'environ — peut-être à 8/10 près — 10 p-c. des travailleurs syndiqués qui ont voté pour la grève. Etes-vous en mesure, M. Pepin, de nous confirmer ces chiffres ou si vous les contestez?

M. PEPIN: Tout ce que je peux donner comme réponse c'est que le vote de caractère provincial pour les membres qui ont voté atteint tout près de 60 p.c. de ceux qui ont voté. Le pourcentage des membres qui ont voté, je ne l'ai pas. Est-ce que le ministre a de bons chiffres ou des mauvais chiffres? Je ne les conteste pas; je n'infirme rien et je ne confirme rien là-dessus. Mais souvenez-vous que quand vous êtes dans un mouvement, dans une association — si vous êtes Lacordaire, par exemple — et qu'un vote se prend à l'association, c'est parmi les membres qui sont là que le vote se prend, et puis c'est pareil aussi dans le monde syndical. A l'Assemblée nationale, lorsqu'un vote se prend, c'est parmi les membres qui sont présents que le vote se prend. Dans les syndicats, il y a des votes qui se prennent parmi ceux qui sont présents et quand la convocation a été faite régulièrement, je ne crois pas que l'on puisse contester ce fait.

Ce qui est important, c'est de savoir si la grève est légale ou non d'après vous au sens de la loi. Nos règlements, ça, ça nous regarde.

M. SAMSON: M. Pepin, on nous a dit cet après-midi que 60 p.c. environ — je pense que vous avez confirmé ça — de ceux qui ont voté ont voté en faveur de la grève. On nous a dit que 15 p.c. de vos effectifs ont voté. On a dit aussi que ça représente 10 p.c. C'est ça que je veux savoir de vous, si ces chiffres sont exacts. Maintenant, on nous a aussi dit en Chambre cet après-midi qu'à certains endroits il n'y avait pas eu de vote de grève, que vous aviez consulté les exécutifs. On nous a dit également, si je me rappelle bien, qu'à un endroit il y avait 0.8 p.c. des travailleurs syndiqués qui ont voté. Est-ce que selon vous — pour notre information, parce que ce n'est pas une accusation que je fais, je vous pose la question — cette méthode qui a été employée dans le cas présent, avec les chiffres qui nous sont donnés puisque nous devons considérer qu'ils sont exacts, est une méthode ordinaire, une méthode que vous employez régulièrement ou si c'est une méthode spéciale pour le conflit actuel?

M. PEPIN: D'abord, le cas de la construction est toujours spécial, ne vous en faites pas. Il n'y a pas de cas plus difficile que celui de la construction. Je pense que mes amis qui sont à ma droite en savent quelque chose et les députés doivent être au courant de ça. Le cas de la construction est toujours un cas extrêmement pénible dans un certain sens. Le métier lui-même est quelque chose qui n'est pas simple et puis la vie syndicale dans les métiers du bâtiment est aussi assez complexe.

Quand vous prenez un vote de grève, disons au mois d'avril, vous avez tel résultat. Mais quand les gars sur les chantiers, deux mois plus tard, décident de faire autrement parce qu'ils sont fatigués de leur employeur ou pour d'autres motifs, pour la recherche objective de ce qu'ils veulent avoir, les réalités se modifient considérablement. Généralement parlant, je dois vous dire que les votes de grève se tiennent de manière beaucoup plus scrupuleuse dans les industries que dans les métiers du bâtiment. Je peux vous dire ça.

Quant à votre question précise, mes informations sont que partout il y a eu des assemblées syndicales pour demander des votes de grève. Si je me suis trompé d'un endroit, tant pis, mes informations sont celles-là. Quant au résultat de Sept-Iles ou d'ailleurs, malheureusement, je ne l'ai pas.

Ce qui m'intéresse, c'est de voir comment cette urgence des problèmes peut se régler non pas uniquement avec un retour au travail, mais aussi l'urgence de régler les conditions de travail des gens.

M. SAMSON : Vous me permettrez, M. le Président, puisqu'on a permis aux autres députés de poser trois ou quatre questions...

M. LE PRESIDENT (Bossé): Je vous en prie.

M. SAMSON: Est-ce qu'il y a une raison spéciale pour laquelle ces chiffres n'ont pas été publiés? On a dû les avoir par l'entremise du ministre, cet après-midi.

M. PEPIN : Généralement, ces chiffres ne sont pas publiés, sauf par les journalistes qui assistent aux assemblées, la plupart du temps, et qui les font connaître au public. Il est probable, M. le député, que si vous aviez lu la série des journaux du temps — comme vous avez dû le faire, mais votre mémoire a pu oublier — vous auriez retrouvé ces résultats.

M. SAMSON : M. Pepin, je lis les journaux et

je n'ai pas trouvé les résultats qui nous ont été présentés cet après-midi. Malheureusement, peut-être que vous aviez oublié d'inviter les journalistes.

M. PEPIN: Je pense qu'ils ont suivi...

M.SAMSON: De toute façon, je voudrais vous poser une autre question. Les chiffres que nous avons eus sont les chiffres d'une moyenne provinciale. Il se trouve que, dans certains régions, le vote a été nettement contre la grève. Pour quelles raisons a-t-on, quand même, obligé les ouvriers de ces régions à faire la grève?

M. PEPIN : Si vous voulez procéder à une enquête à ce sujet, je suis prêt à ce qu'on fasse une enquête là-dessus.

M. SAMSON : M. Pepin, je ne vous demande pas de me parler des choses qui ne nous regardent pas, je vous demande de nous parler du cas qui nous regarde ce soir.

M. PEPIN: C'est celui-là, c'est là-dessus que je parle.

M. SAMSON: Je vous demande, à vous, pourquoi oblige-t-on les ouvriers d'une région donnée, qui ont voté nettement contre une grève, à la faire par différentes méthodes que vous connaissez. Pourquoi?

M. PEPIN: Vous avez l'air d'être bien au courant, vous.

M. SAMSON: Oui, parce que je lis les journaux.

M. PEPIN: C'est cela. Et comme vous croyez ce qui est écrit dans les journaux, vous en faites votre propre accusation.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Saint-Jean.

M. SAMSON: Je n'en fais pas une accusation, je vous demande pourquoi. C'est à vous de me donner la réponse, pas à moi. Ce soir, nous sommes réunis pour vous poser des questions, pour tenter de faire la lumière. Si vous refusez de nous donner des réponses, évidemment, nous le prendrons en considération.

M. PEPIN: Est-ce que j'ai refusé... M. SAMSON: Je vous demande...

M. PEPIN : Est-ce que j'ai refusé de vous répondre depuis le point de départ?

M. SAMSON: Actuellement, vous n'avez pas refusé, mais vous avez tenté de me dire que je faisais une accusation. Alors, je vous demande pourquoi, dans ces régions données... Je vais formuler de nouveau ma question, si elle n'est pas claire...

M. PEPIN: C'est cela.

M. SAMSON: Pourquoi les oblige-t-on?

M . PEPIN : Parce que je crois que nous ne les obligeons pas.

DES VOIX: Oh!

M. LE PRESIDENT (Bossé): Si vous me permettez...

M. SAMSON: Si vous ne les obligez pas, pour quelle raison, étant donné qu'ils ne veulent pas faire la grève, sont-ils en grève?

M. PEPIN: Moi, je pense qu'ils le veulent...

M. LE PRESIDENT: (Bossé): S'il vous plaît, est-ce que nous pouvons maintenant donner la parole au député de Saint-Jean?

UNE VOIX: J'aurais une question sur le même sujet.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le Député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Aux trois questions...

M. LE PRESIDENT (Bossé): Un peu de silence!

M. VEILLEUX: Aux trois questions de M. Bertrand, le représentant de la CSN a répondu qu'il accepterait la médiation à la condition qu'il puisse continuer la grève advenant le cas où l'Assemblée nationale permettrait à la CSN de continuer la grève. Est-ce que la CSN laisserait — pour employer l'expression du président de la CSN — les provinciaux de la FTQ travailler là où ils veulent travailler?

M. PEPIN : Ce n'est pas à nous de décider si les provinciaux de la FTQ travailleront ou non. Si le conflit perdure, continue, il est sûr que nous avons un droit aussi qui est attaché au droit de grève, celui de faire du piquetage. Je pense que nous continuerons à ce moment-là de faire du piquetage ou le genre de piquetage qui se fait dans l'industrie plutôt par patrouilles où les gens se promènent et essaient de dire aux gens: Arrêtez donc de travailler, parce que ce serait valable pour votre cas à vous.

M. VEILLEUX: Alors, la CSN ferait du piquetage devant les constructions où travaillent les syndiqués de la FTQ?

M. PEPIN: Vous savez, c'est quelque chose de légal de faire du piquetage dans cette province, le code criminel le prévoit. Alors, à ce moment-là, vous comprenez aussi la réalité. Dans les chantiers de construction, comme il y a dualité syndicale, la plupart du temps il n'y a

pas qu'une seule union, sauf dans certaines régions, qui soit présente dans le même chantier. Les deux unions sont présentes, généralement parlant. Si vous pouviez isoler un autre chantier, là, je pense qu'on pourrait répondre plus facilement à votre question. Mais, ce n'est pas la réalité syndicale.

M. VEILLEUX: Je vais vous donner un cas pratique. Par exemple, à l'industrie la Chemcell de Saint-Jean, où les employés de la construction sont des employés affiliés à la FTQ, est-ce que les autres gréviste de Saint-Jean, affiliés à la CSN, laisseraient travailler les syndiqués de la FTQ à la Chemcell?

M. PEPIN: Est-ce que vous êtes bien sûr — moi, je ne peux pas vous donner d'information, je ne le sais pas — qu'il n'y a que des travailleurs de la FTQ à la Chemcell ou...

M. VEILLEUX: Oui.

M. PEPIN: ... s'il n'y a pas un membre au moins de la CSN? Vous êtes sûr de ça, oui?

M. VEILLEUX: Oui.

M. PEPIN: A ce moment-là, le bill 290 a eu des chances d'être amoché dans ce coin-là.

M. LE PRESIDENT (Bossé): La parole est au député de Beauharnois.

M. CADIEUX: Vous avez parlé tantôt, M. Pepin, de la compétence des arbitres, de l'amour des arbitres et vous doutez de la compétence du cabinet des ministres comme arbitre. Est-ce que vous acceptez la compétence, comme arbitres, de vos ouvriers syndiqués à la CSN lorsqu'ils votent?

M. PEPIN: Bien sûr, quand ils votent, comme la population quand elle vote pour vous.

M. CADIEUX: Dites-moi, oui ou non, si vous acceptez leur compétence.

M. PEPIN: Oui, oui, quand elle vote pour vous, la population, vous l'acceptez aussi.

M. CADIEUX: A Rimouski, j'arrive de cette région, ils ont voté contre la grève et vous refusez leur compétence. Vous leur faites faire la grève quand même. Est-ce qu'ils sont compétents, oui ou non?

M. PEPIN: M. Cadieux, ils sont compétents, nous sommes d'accord là-dessus.

M. CADIEUX: Ils ont voté contre la grève.

M. PEPIN: Ils ont voté contre quand?

M. CADIEUX: A Québec, ils ont voté contre la grève. A Saint-Jean, ils ont voté contre la grève. Chez nous, ils votent contre la grève, puis après tout...

M. PEPIN: Quand? Bien, après ça les gars n'ont pas le droit de changer d'idée?

M. CADIEUX: Oui s'il est compétent comme...

M. PEPIN: Parfois ils votent pour un parti, parfois pour un autre parti.

M. CADIEUX: Bien oui, puis on plie devant ça.

M. PEPIN: Nous autres aussi nous plions. Ils ont changé...

M. CADIEUX: Pourquoi ne pliez-vous pas?

M. PEPIN: Cela dure quatre ans, puis pour nous, ça peut durer deux ou trois mois, puis ils changent d'idée.

M. CADIEUX: Dites-moi pourquoi vous leur faites faire la grève à Rimouski. J'arrive de la région. Vous obligez ces gars-là à faire la grève. J'étais présent sur un chantier lorsqu'on m'a dit que je n'avais pas d'affaires là-dedans et que je me ferais casser les jambes si je parlais aux gars qui venaient demander aux employés de sortir. J'étais là. J'ai dit que j'étais député de Beauharnois, adjoint au ministre du Travail et on m'a dit, je n'emploierai pas les mots, je vais passer certains mots: Toi là, là-bas, ce n'est pas de tes affaires; si vous continuez à travailler, on vous casse les jambes puis on vous casse autre chose. Puis ils ont voté contre la grève, ces gars-là. Je suis allé leur parler. Ils m'ont dit: On est contre la grève et on est obligé de la faire. Est-ce que ces gens-là sont compétents pour voter, oui ou non, sur un sujet de grève?

M. PEPIN: Oui, ils sont compétents.

M. CADIEUX: Pourquoi leur faites-vous faire la grève?

M. PEPIN: Pourquoi ils font la grève? C'est différent. Posez-leur la question.

M. CADIEUX: Non, non, c'étaient des gars de l'extérieur qui étaient là. C'étaient des gars de l'extérieur, je vous le dis. C'étaient des gars de l'extérieur. J'ai essayé de les questionner, mais on n'a pas voulu.

M. PEPIN: Si vous le savez, très bien, affirmez-le. Moi, je n'étais pas à Rimouski avec vous.

M. CADIEUX: Je vous l'affirme. Puis de quel droit peuvent-ils venir là-bas?

M. PEPIN: Bien oui, mais ils ont le droit d'aller à Rimouski.

M. CADIEUX: Us n'ont pas le droit de nous dire qu'ils nous casseront les jambes.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Un peu d'ordre, s'il vous plaît!

M. CADIEUX: Ils n'ont pas le droit d'appeler chez nous au téléphone pour dire qu'ils vont venir peinturer nos maisons, qu'ils vont venir nous casser les jambes. Si on fait la grève...

M. PEPIN: Si vraiment c'est quelque chose de criminel, faites-les arrêter. Si vous vous avez été menacé, si des gens vous menaçaient, vous les faites arrêter tout simplement.

M. CADIEUX: Ils se sont sauvés avant. M. PEPIN: Bon!

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Chicoutimi.

M. CADIEUX: Non, mais dites-moi s'ils sont compétents pour voter contre la grève?

M. PEPIN: Ils sont compétents.

M. CADIEUX: Pourquoi la leur faites-vous faire?

M. PEPIN: Parce qu'ils la font.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...

M. LE PRESIDENT (Bossé): Un peu d'ordre, s'il vous plaît! Vous avez quelque chose à ajouter à la question du député de Beauharnois? Alors, le député de Chicoutimi.

M. PEPIN: Non.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'espère que le débat ne s'envenimera pas, et qu'on gardera la dignité qui avait caractérisé...

M. LE PRESIDENT: Je demanderais un peu de silence.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... ces auditions depuis le départ. J'aurais deux questions à poser à M. Pépin. Il a déclaré tout à l'heure qu'il s'agissait d'une loi injuste, discriminatoire et il a donné ses raisons. La première question que je veux lui poser est la suivante: Si le gouvernement acceptait, dans le projet de loi qu'il a soumis à la Chambre et au sujet duquel j'ai déjà donné mon avis, de tenir compte de ce que vous avez évoqué concernant les délégués de chan- tier, les clauses d'ancienneté et l'offre des conciliateurs, quelle serait, en tant que représentant d'une centrale syndicale fort importante, votre attitude à vous, M. Pepin? Cela, c'est la première question. J'en aurai une autre après.

M. PEPIN: Juste pour bien comprendre votre question, M. le député, est-ce que vous voulez dire que la loi reste ce qu'elle est, mais qu'on ajoute les trois points que vous venez de mentionner? A ce moment-là, je considérerais que la loi serait très, très améliorée.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Très améliorée.

M. PEPIN: Oui. Vous savez, sur le principe même de la loi, je resterai toujours de la même idée, de la même opinion, mais étant obligé d'accepter une loi, si les conditions que vous venez de mentionner y étaient inscrites puis les autres stipulations, je considérerais que c'est une très grande amélioration.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et maintenant, M. Pepin, mon autre question rejoint, mais sur un autre ton, celle du député de Beauharnois.

On a quand même porté, tout à l'heure, contre votre centrale — parlons en général — des accusations assez graves. Il y a beaucoup de ragots à ce sujet. Il peut y avoir des faits exacts. Est-ce que vous seriez en mesure de suggérer au gouvernement ou à des organismes responsables de faire une enquête sur les agissements de personne qui, dit-on, obligeraient vos travailleurs qui ont voté contre la grève à faire quand même la grève? On a quand même, ce soir, implicitement ou explicitement, porté des accusations qui, à mon avis, sont préjudiciables à la bonne réputation de votre centrale syndicale. Je ne fais pas miennes ces accusations; je vous demande simplement de me dire si vous voyez quelque moyen d'informer le public et les membres de l'Assemblée nationale sur de telles accusations au sujet d'agissements qui, semble-t-il, seraient de nature criminelle.

M. PEPIN : Je vais répondre de deux façons à votre question. Sur le premier point, bien sûr que je n'ai aucune objection à ce que le ministère de la Justice ou du Travail, s'ils le désirent, fassent une enquête, complète cependant, sur ce qui s'est passé ou sur ce qui se passe à l'heure actuelle. Je dois vous rappeler que le ministère de la Justice est pleinement habilité, à mon avis, pour voir au règlement de ces problèmes. Si vous croyez qu'une enquête serait la meilleure façon de procéder, je n'y ai pas d'objection. J'espère que ce ne sera pas une enquête limitative cependant, uniquement pour tenter de trouver un ou quelques coupables pour essayer de s'amuser de ce côté. Pour répondre d'une manière un peu plus ouverte à

votre question, il vaudrait peut-être la peine pour l'Assemblée nationale d'examiner un vieux projet que les centrales syndicales caressent depuis très longtemps. Dans le cas d'une grève légale, ne serait-il pas mieux que les travaux de production arrêtent et sous forme législative? Je pense que ce serait une avenue pour éviter de très graves problèmes dans le monde industriel et particulièrement dans le domaine de la construction qui n'est pas un monde très ordinaire. C'est une suggestion que je vous fais. J'ai répondu directement à votre question, quand même.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si vous me permettez une question supplémentaire. En somme, vous seriez d'accord pour qu'on réexamine l'ensemble des lois du travail afin de trouver de nouvelles orientations qui permettraient de débarrasser le tableau de toutes ces ombres qui rendent difficiles d'abord l'appréciation des députés et, d'autre part, l'appréciation que le peuple peut faire des gestes de vos centrales syndicales ou de vos travailleurs.

M. PEPIN: Je suis d'accord pour que le code du travail soit remis à jour. Je pense qu'il en a besoin, même s'il ne date que de 1964. Avant, nous pouvions avoir des lois du travail qui remontaient à 1901 et qui ont été en vigueur jusqu'en 1964. Maintenant, je pense qu'il y a une réalité moderne et que ça évolue beaucoup trop vite pour qu'on soit statique ou stagnant de ce côté-là. D'ailleurs, le conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre dont je suis membre essaie de faire un travail positif de ce côté pour modifier certaines législations et en proposer d'autres au gouvernement et à l'Assemblée nationale.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Vous admettez que dans la construction, sauf tout le respect que j'ai pour le député de Chicoutimi, c'est "rough".

M. PEPIN: Je crois que vous avez une expression très juste, même si le député de Chicoutimi ne l'aime pas.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le député de Chicoutimi trouve que c'est "tough".

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): J'aurais quelques très brèves questions à poser à M. Pepin. Lorsqu'il y a vote de grève, j'imagine qu'on convoque les ouvriers à une réunion qui doit avoir lieu à une date déterminée. Est-ce que l'assemblée est convoquée justement en vue de prendre un vote de grève et est-ce que les ouvriers le savent d'avance?

M. PEPIN: D'abord, ce ne sont pas les ouvriers en tant que tels qui sont convoqués; ce sont les membres du syndicat. Si vous me référez à un cas particulier, je ne pourrais pas vous répondre; je vous dis quelle est la façon générale de procéder. Quand il y a un vote de grève à prendre, les membres sont avisés à l'avance de la tenue d'une assemblée à telle heure et à tel endroit. Ceux qui viennent ont le droit de vote. C'est la règle générale.

M. ROY (Beauce): Maintenant, est-ce qu'il est bien stipulé, dans la convocation de l'assemblée, qu'un vote de grève sera pris?

M. PEPIN: Généralement, oui, M. le député. Maintenant, je vous rappelle que nous avons des constitutions pour chacun des syndicats, et que les constitutions sont généralement approuvées par le Secrétaire de la province, ou d'autres organismes qui ne sont pas incorporés et qui ont leur propre constitution. Je ne peux pas vous donner une réponse pour les 950 constitutions que nous avons dans notre organisation. Mais la règle générale, c'est celle que je vous donne.

M. ROY (Beauce): Maintenant, est-il exact que, dans certains cas, on ne demande pas un vote de grève, on demande tout simplement un vote de confiance, comme l'ont souligné certains membres de l'Assemblée nationale tout à l'heure?

M. PEPIN: Généralement non. Maintenant, s'il y a eu des cas où cela s'est produit, moi, je ne peux pas répondre pour tous les votes qui ont pu être pris sous une forme de confiance ou non. Je crois que vous comprendrez que je ne suis pas habilité à vous donner une réponse valable parce que je ne suis pas au courant, bien sûr, de tout ce qui se passe.

M. ROY (Beauce): Je suis un peu surpris d'entendre dire que le président de la CSN n'est pas au courant de ce qui se passe. Maintenant, ce vote de grève se prend devant qui?

M. PEPIN: Devant qui?

M. ROY (Beauce): Devant quelles personnes mandatées pour recevoir le vote lorsqu'un vote est pris?

M. PEPIN: Les membres du syndicat votent...

M. ROY (Beauce): Ce sont les membres du syndicat.

M. PEPIN: ... et les représentants du syndicat sont généralement là aussi.

M. ROY (Beauce): Est-ce qu'il y a d'autres observateurs?

M. PEPIN: La plupart du temps, non, parce que c'est une assemblée des membres d'un syndicat.

M. ROY (Beauce): D'un syndicat. Maintenant, qui compte les bulletins?

M. PEPIN: Les responsables, généralement...

M. ROY (Beauce): Les responsables du syndicat.

M. PEPIN: ... ou les scrutateurs qui sont généralement désignés par l'assemblée.

M. ROY (Beauce): Par l'assemblée.

M. PEPIN: Généralement.

M. ROY (Beauce): Qui publie les résultats?

M. PEPIN: C'est le syndicat lui-même et les responsables qui rendent public le résultat. Si, parfois, il y a des journalistes dans la salle, il est arrivé fréquemment qu'on leur a demandé le service de dépouiller le scrutin. C'est arrivé fréquemment que les journalistes se sont plies de bonne grâce à notre demande.

M. ROY (Beauce): Maintenant, M. Pepin, une dernière question. Vous avez dit tout à l'heure, lorsque vous avez répondu au député de Rouyn-Noranda, que les ouvriers, les syndiqués étaient libres de faire la grève ou non. Est-ce que vous pourriez dire lundi matin, par exemple, aux ouvriers de Québec qui ont voté contre la grève qu'ils seraient libres de retourner au travail? Est-ce que vous pouvez le dire publiquement?

M. PEPIN: Ce n'est pas à moi à prendre une telle décision. Il y a des cadres syndicaux qui sont à Québec. Personnellement, comme président de la centrale, suivant les décisions qui seront prises, j'ai un choix à faire, d'après la loi. Je ferai mon choix personnel. Les autres feront leur choix aussi personnel. Moi, je ne suis pas ici pour menacer qui que ce soi ou pour me faire dire: Qu'est-ce que tu vas faire? Non, cela, c'est ma responsabilité. J'ai des instances à respecter moi aussi comme vous en avez à l'Assemblée nationale.

M. SAMSON: M. le Président, une question supplémentaire, s'il vous plaît.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député a usé de son droit de parole. Cependant, le temps s'écoule et je voudrais bien donner aussi l'occasion aux autres de s'exprimer.

M. SAMSON: Une simple question, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Alors, sur...

M. SAMSON: Etant donné que c'est sur une réponse.

M. LABERGE: Nous n'avons pas d'objection pourvu que vous ayez beaucoup d'haleine, parce que nous allons réclamer le temps nécessaire.

M. SAMSON: Alors, M. le Président,...

M. LAPORTE: Vous aurez vos dix minutes!

M. LE PRESIDENT (Bossé): C'est évident qu'il ne s'agit pas ici de mettre une partie plus que l'autre en vedette. Il s'agit de donner la même occasion à toutes les parties présentes. La question supplémentaire, d'abord, du député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. Pepin, vous m'avez dit tantôt que dans les régions où les syndiqués avaient voté contre la grève, vous ne les obligez pas à faire la grève. C'est assez clair qu'ils la font quand même. Alors, si vous ne les obligez pas à faire la grève, si ces gens-là, dans leur organisation locale, décident de retourner au travail, est-ce que vous allez les laisser libres de retourner, ou s'il y aura un mécanisme d'empêchement?

M. PEPIN: Vous me parlez, là? M. SAMSON: C'est à vous que je parle. M. PEPIN: Le président de la CSN? M. SAMSON: C'est à vous que je parle.

M. PEPIN: Moi je n'ai jamais envoyé personne faire la grève, et je n'en ai jamais fait retourner au travail non plus. Peut-être que les structures d'un mouvement syndical, on pourrait prendre le temps d'expliquer ça...

M. SAMSON: Non, non, M. le Président, si vous n'êtes pas responsable en quelque sorte de la grève, pourquoi est-ce vous qui venez nous donner des renseignements?

M. PEPIN: Parce que ce sont des membres qui nous sont affiliés, des membres...

M. SAMSON: D'accord.

M. PEPIN: ... qui acceptent que nous les représentions, des membres qui ont décidé de poser tel geste. Quand les décisions sont prises par eux, ce n'est pas nécessairement moi qui prends les décisions à ce moment-là. Il y a des gens dans le public qui s'imaginent qu'on a une machine dans notre bureau pour dire: Tel groupe fait la grève demain; tel autre groupe

rentre au travail après-demain. Non, cela ne marche pas de cette façon-là.

M. SAMSON: Mais, M. Pepin, puisque vous n'êtes pas...

UNE VOIX: Un peu de silence.

M. SAMSON: ... mandaté pour décider, selon ce que vous me dites, quel groupe fera la grève et quel groupe ne la fera pas, vous sembliez tantôt mandaté pour me dire qu'ils n'étaient pas obligés de faire la grève. Là, vous ne semblez pas mandaté pour me dire que vous ne les empêcherez pas de retourner au travail. Je voudrais que ce soit plus clair que cela.

M. PEPIN : Je suis convaincu que vous ne voulez pas me mettre en boîte.

M. SAMSON: Non, pour aucune considération. Je veux avoir une réponse claire.

M. PEPIN : II n'y a pas de problème, quant à moi. Si les gars veulent retourner au travail, le président de la CSN n'y a aucune objection.

M. SAMSON : Vous dites, M. le Président de la CSN, que vous n'avez aucune espèce d'objection, mais étant donné qu'ils ont voté contre la grève, ils ne voulaient pas quitter le travail. Pourquoi ont-ils quitté le travail? Pourquoi — je pense que c'est connu de tout le monde — les empêche-t-on d'aller au travail?

M. PEPIN: A l'heure actuelle, vous posez des questions de la même façon que M. Cadieux tantôt. Je crois avoir répondu clairement que ces gens ont pu prendre un vote de grève.

M. CADIEUX: Vous avez dit: Pas de réponse.

M. PEPIN : Pardon, je ne vous ai jamais répondu cela, M. Cadieux.

M. SAMSON: Pour continuer, je pense que l'on ne vous a pas compris. On voudrait tellement bien vous comprendre.

M. PEPIN: Au moins, ce que j'espère, c'est d'être entendu. C'est le minimum.

M. SAMSON: Je vous entends; je ne suis pas encore sourd.

M. LAPORTE: M. le Président, c'est intéressant, cela va très bien, les minutes passent vite. Est-ce que nous pourrions, au moins, revenir au sujet de notre étude, ce soir, le bill 38? D'après les règles que nous avions écrites, lorsque M. Pepin a déclaré: Je n'ai pas d'objection, moi, j'ai cru devoir ajouter au bill 38.

M. PEPIN: C'est vous qui avez ajouté cela.

M. LAPORTE: Oui, d'accord. On pourrait revenir au bill 38.

M. LE PRESIDENT: Sur le bill 38, le député de Bourget, d'abord.

M. LAURIN: Nous sommes bien patients, comme vous voyez.

J'ai retenu une phrase de M. Pepin. Il disait que, depuis une semaine, il ne pouvait pas négocier parce que la centrale et les unions affiliées ne savaient pas ce qu'il y aurait dans la loi. Maintenant, elles savent ce qu'il y a dans la loi ou elles le sauront demain matin ou lundi. Est-ce qu'il peut nous dire si, maintenant que sa centrale sait ce qu'il y a dans la loi, il lui serait possible de négocier? J'ajouterais deux questions subsidiaires à ma question. Dans cette optique-là, est-ce que la loi lui semblerait nécessaire — la loi telle qu'il la connaît maintenant — pour aboutir à des résultats qui seraient dans l'intérêt public et est-ce que cela aurait été possible également, même sans la loi, d'aboutir par la voie de la négociation, dans des délais respectables, à des résultats qui auraient été conformes à l'intérêt public?

M. PEPIN : Je prends vos questions les unes après les autres. Maintenant, que l'on connaît le bill, est-ce que c'est possible de négocier? Si le bill reste sur la glace comme il est là, par exemple, si le Parlement disait: On va le laisser de côté; allez négocier, les chances d'un règlement comme le bill nous placent dans la même position que l'annonce de la séance nous plaçait dans le fond. Parce que nous ne connaissons pas la décision éventuelle du cabinet des ministres. Alors, il est probable — c'est une question hypothétique, vous comprendrez que je réponde hypothétiquement — que des parties seraient dans la même position que nous l'étions au début de la semaine.

Est-ce que cela répond bien à votre premier point? La deuxième question que vous me posez: Est-ce qu'il y a moyen de reprendre les débats, à l'heure actuelle? Je pense que c'est contenu dans ma première réponse. Votre troisième question, voulez-vous la répéter?

M. LAURIN : Est-ce que cela aurait été possible d'en arriver à des résultats conformes à l'intérêt public sans cette loi-là? Ou encore, en d'autres termes, est-ce que cette loi-là vous paraissait absolument nécessaire ou relativement nécessaire? Est-ce que cela vous paraissait le meilleur moyen ou, au contraire, est-ce qu'il vous semblait qu'il valait mieux continuer à négocier selon les méthodes usuelles avec des chances relatives de succès dans un avenir rapproché?

M. PEPIN: L'expression sur laquelle on pourrait peut-être discuter ensemble, c'est un "temps respectable ou relativement bon". Là-dessus, je n'ai pas de réponse possible. Je pense

qu'il y aurait eu plus de possibilités d'accord entre les parties s'il n'y avait pas eu d'annonce de bill. C'est ce que je crois, personnellement.

M. LAURIN: Pourriez-vous élaborer là-dessus?

M. PEPIN : Dès que le gouvernement nous dit: Nous présenterons un bill à l'Assemblée nationale, il est extrêmement difficile pour une partie d'échanger avec l'autre, parce que l'on ne sait pas exactement quelle est la position de celui qui agira comme arbitre. C'est ainsi pour le bill 38 qui est actuellement devant vous. S'il était mis de côté et si on nous disait: Maintenant que tu connais la position du gouvernement, va donc négocier avec les employeurs.

Il y a une réponse que je n'ai pas. Quelle sera l'attitude éventuelle de l'arbitre, qui est le cabinet des ministres? C'est une forme d'arbitrage obligatoire et dans cela, le mécanisme usuel de négociations a toujours été bloqué lorsqu'il y avait un recours à un arbitre qui prenait une décision exécutoire. Pendant vingt ans, cela a été le cas des services publics. J'estime qu'il aurait été plus facile d'en arriver à un accord entre toutes les parties, dans un délai de X, que vous pourriez dire irraisonnable ou raisonnable, parce qu'il n'y a pas de réponse possible quant à la durée du délai. Je pense toutefois qu'il y aurait eu plus de possibilité d'en arriver à un accord en l'absence d'une session annoncée et d'un bill éventuel. J'estime aussi que les parties auraient fait éventuellement un meilleur travail, plus satisfaisant pour leurs conditions, qu'avec un bill, quelle que soit d'ailleurs la décision du cabinet des ministres, que ce soit lui ou un autre arbitre. Je voudrais vous rappeler que, dans le cas des enseignants — c'est de l'interprétation que je fais — le bill 25 adopté, à mon avis, a créé un tel émoi, un tel choc psychologique chez les enseignants qu'on a encore aujourd'hui une bonne partie du résultat. C'est ma thèse, c'est une interprétation, elle peut être non valable. Je crois que, dans le cas de la construction — ce ne sont pas des enseignants — vous pourriez en arriver à une situation un peu analogue, mais en tenant compte que les niveaux sont différents et que les responsabilités ne sont pas les mêmes.

M. LAURIN: Une autre question. Avez-vous l'impression, M. Pepin, que la présence du ministre du Travail au sein d'une négociation quelconque et, en particulier, celle de la construction, où les intérêts sont multiples, divergeants, étant donné le nombre des instances en cause, peut introduire dans les négociations, un caractère partisan, un caractère politique, qui peut nuire aux négociations? Ou, au contraire, croyez-vous qu'elle peut aider, à cause de la force dont jouit le ministre, du fait des pouvoirs qu'il possède, du prestige qu'il possède?

M. PEPIN: Ma réponse à votre question est affirmative. Je crois que la présence physique même du ministre est un atout pour aider. Sur cela, on peut diverger d'opinion. J'ai connu assez de négociations pour vous dire que, quand vous avez une présence qui constitue, dans le fond, une force morale, une pression morale sur les parties, ce n'est pas de l'imposition ou de l'obligation, mais que cela aide. Cela ne nous plaît pas toujours, ce que le ministre ou les ministres concernés ont proposé aux uns ou aux autres. Mais je pense que c'est un moyen, un débouché convenable. Cela dépend certes des personnes qui sont en cause. Il y en a qui aiment cela, et d'autres qui n'aiment pas cela. Moi, je préfère quand cela existe, comme vous l'avez suggéré dans votre question.

M. LAURIN: Est-ce qu'on ne court pas le danger, à ce moment-là, que le ministre devienne une cible favorite pour les deux parties en cause et qu'on le charge de tous les péchés d'Israël, lorsque la négociation n'aboutit pas?

M. PEPIN: Oui, c'est le danger que court le ministre d'ailleurs, quand il s'introduit à la table des négociations. Il peut se faire tirer des boulets par toutes les parties impliquées. Mais je crois que cela fait partie de son métier, de sa fonction, d'agir ainsi. Il y a d'autres ministres qui ont d'autres problèmes, à Cabano ou ailleurs. Qu'est-ce que vous voulez? C'est vraiment le rôle du ministre à ce moment-là.

M. LAPORTE: C'est le ministre de la Voirie qui va bâtir des routes.

M. PEPIN: Qui va bâtir des routes. Bien non, ce n'est pas nécessaire, M. le ministre. Je pense que c'est trop simple comme réponse. Vous le savez fort bien.

M. LAPORTE: Mais vous le savez fort bien, vous...

M. PEPIN: Vous pouvez, vous, vous en poser.

M. LAPORTE: ... vous avez non seulement de l'expérience, mais de la mémoire. Il y a un ministre qui a négocié, l'an passé. Est-ce que cela a facilité ou compliqué les négociations de l'an passé et surtout celles de cette année? J'aimerais poser la question aux cinq qui sont devant moi. Est-ce que c'est vrai, oui ou non, M. Pepin, que deux ou trois des parties patronales m'ont dit: Si la face du ministre se montre à la table, on s'en va? Pas parce qu'ils le haïssent. Ils les naissent tous, pas plus moi qu'un autre. Mais ils ont dit: L'an passé, on s'est fait tordre le bras dans la coulisse par le ministre, avec la puissance dont il dispose, lui, je me suis fait tordre le bras dans la coulisse, cette année, cela ne recommencera pas. Si le ministre entre dans l'appartement, on s'en va. C'est vrai ou non, ça?

M. LAURIN: II y a de bons orthopédistes, M. le ministre.

M. LAPORTE: Oui, oui, il y a de bons orthopédistes, mais il y a aussi de bons négociateurs.

M. PEPIN: M. le ministre, ce que vous ont dit les représentants des parties patronales, vous comprendrez que je ne le sais pas. Je les ai écoutés, lorsque j'étais présent à la table des négociations. C'est mardi, lundi soir ou mardi matin. J'ai compris qu'ils ne souhaitaient pas que vous soyez là. Cela les regarde.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le temps s'écoule, alors la parole...

M. LAURIN: J'ai d'autres questions, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Bossé): La parole est au député de Bourget.

M. LAURIN: C'est la première fois que je parle depuis une heure et quart. J'ai été très patient, je vous demanderais d'être patient. M. Pepin, pourriez-vous nous dire s'il vous parait utile, à votre centrale, que le ministère ou que le gouvernement, lors de séances de négociations aussi complexes que celles que connaît le monde de la corruption, de la construction — c'est la fatigue qui me fait fourcher la langue — s'il est utile, pour que les séances de négociations progressent, que dans des négociations aussi complexes le ministère émette des directives générales qui donnent un cadre à la négociation?

Comme, par exemple, l'affirmation d'un principe, la parité ou la sécurité d'emploi, ou un cadre de négociations, en ce qui concerne la négociation sectorielle, qui est un peu différente de la négociation au niveau particulier, comme la nécessité de règles plus détaillées, plus strictes, pour le déclenchement d'une grève... En somme des directives générales qui constituent un guide pour les parties. Est-ce que vous croyez que ça peut-être utile ou au contraire que ça peut mélanger les cartes?

M. PEPIN: Répondre d'une manière générale à votre question, je ne m'y hasarderai pas, je pense qu'il faudrait faire trop de distinctions et trop de nuances. Dans le cas cependant qui nous occupe et qui nous préoccupe tous, je crois que l'annonce de principes directeurs de la part du ministère, cela peut être utile pour les parties. On sait où se loge le ministère. Cela ne veut pas dire qu'on sera fatalement en accord avec ces directives, on peut les combattre, on peut essayer de les faire changer. Donc, je réponds affirmativement à votre question, dans le cas de la construction.

M. LAURIN: Une dernière question, M. le Président. Pourrais-je demander à M. Pepin si entre les deux, des conciliateurs et un médiateur, il voit une différence et, s'il voit une différence, voit-il une préférence dans le rôle que peut jouer un médiateur venant de l'extérieur, connu pour sa compétence dans un domaine où il a exercé ses talents? Est-ce que la présence d'un médiateur, surtout à un point des négociations qui devient assez serré lui paraît préférable à celle de conciliateurs, selon le rôle qu'on leur connaît habituellement?

M. PEPIN: Encore une fois, je ne parlerai pas généralement, je parlerai du problème que nous devons étudier. Je pense que, dans ce cas-ci, nommer un médiateur en plus de ceux qui ont été désignés par le ministère, serait du superflu. Je pense que les gens, comme l'a dit le ministre avec raison, ont fait un travail convenable. Ils n'ont pas réussi pour des circonstances sans doute extérieures à eux, et peut-être extérieures aux parties. Alors je ne suggérerais pas la nomination d'un médiateur spécial dans ce cas-ci.

M. LE PRESIDENT (Bossé): L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: J'ai seulement une question. Vous m'avez fait attendre longtemps, M. le Président. M. Pepin, si je vous ai bien compris tantôt, dans le cas de la construction, dans l'éventualité où les travailleurs visés par la grève ne seraient pas forcés à retourner au travail, du moins dans l'immédiat, pendant que les travailleurs sont en grève, si je vous ai bien compris, vous avez dit, tantôt, que vous accepteriez de prendre un nouveau vote dans ce cas-là quant à l'opportunité de rester en grève. Est-ce exact ce que j'ai compris, ou non?

M. PEPIN: Ce que j'ai répondu à une question qui m'a été posée par un député, je ne me souviens plus lequel, c'est si l'Assemblée nationale, demain par exemple, décide d'adopter le projet de loi 38, ou un projet de loi 38 modifié, mais qu'à ce moment-là, la proclamation ou la sanction — si ce n'est pas le bon terme, vous me le direz — ne se fasse pas avant qu'il y ait un retour à l'Assemblée nationale, après une série de votes qui se tiendraient dans tous les syndicats affiliés qui participent à ce conflit. Et là, l'Assemblée nationale serait informée.

M. BURNS: Alors en somme vous accepteriez le principe d'un vote supervisé actuellement parmi les employés en grève, c'est ça?

M. PEPIN: Oui, dans l'hypothèse que je viens de formuler, il faudrait savoir un peu où on est situé. L'Assemblée nationale adoptant une loi, sanction plus tard, là il y aurait une série de votes qui pourraient se prendre.

M. BURNS: Dans votre esprit, quelle est la

différence entre un projet de loi adopté, mais non sanctionné, et le projet de loi remis à plus tard? Y a-t-il une distinction, ou si c'est tout simplement le fait que les employés ne soient pas forcés à retourner au travail?

M. PEPIN: Vous savez, il y a plusieurs questions qui m'ont été posées ce soir, disant: Les gars sont tous forcés d'être en grève. Moi, je le conteste. J'ai peut-être tort, ils ont peut-être raison les députés qui m'ont suggéré ça. Je vous le dis, moi, je suis prêt à suivre cette procédure-là.

M. BURNS: Bon.

M. PEPIN: Si j'ai raison par exemple, tenez-en compte. Si j'ai tort, j'en tiendrai compte.

M. BURNS: Un tel vote, M. Pepin, d'après votre expérience et d'après les possibilités particulières des employés visés dans le cas présent, pourrait prendre combien de temps à être réalisé?

M. PEPIN: Je crois que entre 24 et 48 heures, cela pourrait s'organiser.

M. BURNS: Au complet. M. PEPIN: Oui.

M. BURNS: Vous voulez dire parmi les 40,000, je crois qu'ils sont 40,000...

M. PEPIN: S'il y avait 40,000 membres en grève, j'aimerais ça, mais ce n'est pas tout à fait exact.

De toute façon, entre 24 et 48 heures, parce qu'il y a des régions éloignées. Je présume qu'il faudrait la présence d'un représentant du ministère et nous, nous devrons envoyer nos représentants. Il faudra expliquer notre cas et leur dire ce que nous pensons de l'affaire. Et après cela, le vote se prendra.

M. BURNS: Merci, M. Pepin.

M. LAPORTE: M. le Président, quant à moi, ce sera la dernière question et j'espère que ce sera la dernière. Elle est, à mon avis, d'une importance extrême. Est-ce que le ministère du Travail aurait pu faire plus, aurait pu faire mieux ou aurait pu faire différemment depuis le 10 février 1970, à votre avis, pour aider à résoudre le problème qui est actuellement devant nous?

M. PEPIN: Je crois que le ministre aurait dû venir lui-même à la table des négociations.

M. LAPORTE: Bon!

M. PEPIN: Quant au ministère lui-même, je lui rends témoignage qu'il a fait tout ce qu'il a pu.

M. LAPORTE: Bon! Le ministre se justifiant ou ne se justifiant pas devant l'opinion publique de ne pas être allé à la table des négociations, quant au reste vous êtes d'avis que le ministère du Travail ne pouvait pas faire mieux, différemment ou plus?

M. PEPIN: Ma réponse est catégorique. Je crois que le ministère a fait un bon travail, même si je ne partage pas son avis sur tel point ou tel autre point.

M. LAPORTE: Oui, d'accord.

M. PEPIN: Je n'ai pas de plainte à porter au ministère.

M. LAPORTE: Merci.

M. PEPIN: Je pense que le ministre aurait dû être présent. Non pas parce que je veux le blâmer personnellement, c'est ma conception à moi.

M. LAPORTE: D'accord. Cet après-midi, j'ai donné...

M. LE PRESIDENT: (Bossé): Le député de l'Assomption.

M. PERREAULT: Une seule question au président de la CSN. Ce matin, certains députés ont mentionné que le Parlement ne devrait jamais intervenir dans une législation pour faire revenir des ouvriers au travail. On devrait laisser les combattants s'épuiser, les laisser tomber jusqu'à ce qu'il n'y ait plus un seul combattant. M. Pepin, combien de temps considérez-vous comme normal, sans qu'elle nuise à la société, pour une grève de la construction?

M. PEPIN: Sans nuire à...

M. PERREAULT: A la société en général.

M. PEPIN: En soi, une grève doit nuire à quelqu'un. Si cela ne nuit à personne... Si vous me demandez combien cela prend de temps pour entraîner un bouleversement économique général, je n'ai pas de réponse, et je ne pense pas que personne puisse donner une réponse objective. Moi, je ne crois pas qu'à l'heure actuelle la situation commande une session sur ce problème. Je ne le crois pas. Vous croyez le contraire, cela vous regarde.

Au point de départ, vous m'avez suggéré une espèce de question. Certains prétendent que vous ne devriez pas intervenir dans le domaine privé. Je sais que le ministre du Travail en a longuement parlé cet après-midi. Pour ne pas empiéter sur mes dix minutes, je n'en ai pas parlé au point de départ de mon intervention.

J'estime que, lorsque vous avez une grève efficace — efficace pour nous, cela veut dire que cela fait mal à quelqu'un aussi, je ne veux pas dire physiquement; pour vous, cela peut être les

travailleurs — les travailleurs, lorsqu'ils retournent au travail avec des gains, par exemple l'égalisation des salaires, pendant un certain temps auront eu mal, mais après, il y a un correctif qui vient.

Dans le domaine privé, si vous avez une grève — tout à l'heure j'ai parlé des hôpitaux privés; là, vous pouvez la laisser durer — qui est efficace, vous adoptez une loi, si ce n'est pas efficace les gars font la grève. Je pense que là-dessus vous devriez reviser un peu vos concepts vous aussi, pour vous demander comment oh s'ajustera. A quel moment pourrons-nous faire une grève? Chaque fois que nous pourrons en faire une qui ait un peu d'efficacité, vous pourrez vous réunir et dire: Cela, c'est efficace, nous adoptons une loi.

C'est là le danger que je trouve: l'intervention étatique dans l'économie. Je voudrais dire au ministre que s'il y a une organisation, s'il y a quelqu'un qui est d'accord pour l'intervention étatique dans l'économie, c'est bien celui qui vous parle et l'organisation que je représente. Vous ne devez pas être là uniquement pour punir les crimes; vous devez être les moteurs de l'économie, c'est bien sûr. Mais la règle de base qui est acceptée à l'heure actuelle, c'est quoi? Il y a un code du travail qui nous donne le droit de faire la grève. Lorsque nous la faisons — ou le code des relations industrielles dans les métiers de la construction — vous vous réunissez et vous dites: Non! Fini! Si nous avons fait des choses qui ne sont pas correctes, il y a d'autres procédures pour y voir. Ce n'est pas du ressort de la Chambre.

Voilà pourquoi je ne peux pas — bien sûr — répondre à votre question précise. Je ne pense pas que vous non plus vous puissiez apporter un témoignage certain en disant : C'est X semaines, X mois. Je sais que, dans le domaine des postes, à Ottawa, M. Kierans a l'air prêt à endurer cela bien, bien longtemps. J'espère qu'il en arrivera à un règlement plus valable que s'il l'impose par voie sessionnelle. C'est pour cela que je voudrais vous demander de faire l'effort d'oublier votre bill 38 et de dire aux parties de négocier valablement.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, je sais bien que l'on a parlé longuement de la procédure de vote dans les syndicats, mais je crois que c'est extrêmement important et que c'est rattaché directement au bill pour la bonne raison que pour les membres de l'Assemblée nationale, il est important de savoir si les membres des syndicats veulent en majorité cette grève ou ne la veulent pas.

Est-ce que vous seriez prêt à accepter une législation gouvernementale légiférant sur la procédure du vote lors d'un vote de grève?

M. PEPIN: Tantôt, j'ai évité de répondre à cette question-là, parce que ça entraîne un débat assez long. Mais je vais juste donner quelques mots d'explication pour que vous compreniez mon point de vue. Cependant, dans le cas de la construction, actuellement, ce que j'ai répondu au député de Maisonneuve et, je pense, au député de Chicoutimi, cela tient.

Quand vous me demandez si je suis d'accord pour que le code prévoie quelque chose — la plupart de nos constitutions le prévoient, ça, c'est évident — le danger pour nous, du côté syndical, et pour les membres que nous représentons, c'est qu'advenant que le code le prévoie, ça donne matière ou possibilité de recours devant les tribunaux parfois sur des questions de forme et non pas de fond. Alors il arrive que les mouvements syndicaux se sont opposés à ce que ce soit inscrit dans la loi pour que vraiment leur droit de grève soit quelque chose de réel qui ne puisse pas constamment être battu en brèche par des procédures, des brefs d'évocation devant les tribunaux. C'est une des raisons pour lesquelles nous ne voulons pas que la loi intervienne de ce côté-là. Vous êtes inquiets dans le cas de la construction, mais je vous refais la proposition que j'ai faite à diverses reprises ce soir.

M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, une question supplémentaire, si vous le voulez bien. Vous avez mentionné tout à l'heure que le gouvernement devrait, lors d'une grève légale, si vous voulez, fermer, par la loi, les chantiers ou l'usine qui subit cette grève. Mais d'un autre côté, comment croyez-vous que le législateur puisse coopérer avec les syndicats à arrêter ces briseurs de grève ou à fermer les chantiers ou les usines lorsque le vote de grève est pris par une telle minorité de syndiqués? Et bien des fois, il faut bien le mentionner — vous avez semblé tout à l'heure éviter la question d'un tour de main — ces questions de menaces, cette atmosphère d'insécurité, la peur des syndiqués, c'est quelque chose qui existe. Alors comment voulez-vous que le législateur puisse adopter une loi aussi restrictive, si vous voulez, en se basant toujours sur une procédure de vote si mal appropriée, à mon avis?

M. PEPIN: II est possible qu'à ce moment-là le législateur aura à faire le tour de la question, non pas seulement l'aspect que j'ai mentionné, mais d'autres aspects que nous serons prêts, tout le monde, à examiner. Si le principe était retenu par le législateur, dans le cas de la grève légale, par hypothèse, alors à ce moment-là il est entendu que la production cesse pendant la durée du conflit. Cela a été une source importante de conflits au Québec cette question de briseurs de grève, et je pense que cela pourrait être une amélioration. Je souhaite d'ailleurs que le Conseil consultatif du travail et de la main-

d'oeuvre puisse s'en emparer, comme il a déjà été saisi de beaucoup de questions, pour réexaminer le problème et voir s'il ne pourrait pas faire des suggestions valables aux législateurs qui en disposeront.

M. SAINT-GERMAIN: Juste pour terminer, si vous le voulez bien, M. le Président, ces menaces qui se font — et je crois qu'elles se font lors des grèves, surtout des grèves de la construction — ces menaces systématiques qui se font, est-ce que vous croyez que ce n'est pas une situation qui se crée et qui est dommageable aux syndicats, et qui peut fortement inciter un député de l'Assemblée nationale à mettre une fin soudaine à une situation comme il en existe une dans le moment, par exemple?

M. PEPIN: Il est possible que cela entraîne, de la part d'un député de l'Assemblée nationale une telle conclusion, et j'espère qu'il ne retiendrait pas uniquement cet aspect. Il pourrait aussi voir le fond du problème et voir comment, lui, porte un jugement en trop sur l'égalisation des salaires, ça lui permettra de voir les deux volets de la question.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Pour terminer, une dernière question par le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, on a discuté énormément de la parité des salaires, mais il existe aussi un autre problème assez fondamental dans certaines régions, à savoir la priorité de l'emploi. Est-ce que M. Pepin pourrait nous donner sa position en ce qui concerne la priorité de l'emploi, assez brièvement, en particulier la formule Gold?

M. PEPIN: L'an dernier, les conflits de la construction ont porté principalement sur cette question de la sécurité d'emploi. De la conclusion de la convention ou des conventions l'an dernier, nous avions prévu un certain nombre de critères, de principes pour protéger des employés afin qu'il n'y ait pas une masse de salariés pour un petit nombre d'emplois dans la construction.

Nous avions prévu, entre autres, qu'il y aurait une protection régionale des employés lorsqu'ils sont compétents pour faire le travail. Nous avions prévu qu'il y aurait une division des salariés en deux catégories: ceux qu'on appelle les professionnels de l'industrie et les réservistes. Avec ces principes, si nous ne pouvions pas nous entendre à la commission mixte formée par le bill 290, nous allions devant le juge Gold pour lui soumettre nos problèmes. C'est ce que nous avons fait. Le juge Gold a rendu sa décision. Il a maintenu trois sources d'emplois possibles; les centres de main-d'oeuvre du Québec, les bureaux de placement FTQ et les bureaux de placement CSN.

Nous aurions préféré qu'il y ait un seul endroit où l'embauchage puisse se faire, avec surveillance des parties quant à l'exécution du mandat du centre de main-d'oeuvre. Cela n'a pas été retenu par l'arbitre Gold. Cependant, il a accepté de définir ce qu'était un permanent et un réserviste. Il a accepté la priorité régionale. Généralement et même totalement, quant à nous, même si nous avions une réserve sur le premier point que j'ai mentionné, nous avons accepté le jugement Gold qui a été adopté par un arrêté en conseil il y a quelques mois et qui devrait être en vigueur le 10 novembre prochain, je crois. Pour nous, c'est une affaire fondamentale, cette question de sécurité d'emploi. Une des sources des conflits de l'industrie, c'est qu'il y avait un ramassis de tout le monde dans cette industrie. Si vous êtes un pompier, vous pouvez aller faire de la peinture en fin de semaine. Nous avons essayé, par le truchement de cette sécurité d'emploi, de protéger les véritables permanents de l'industrie. J'espère qu'en novembre ce problème sera finalement réglé, parce que la décision Gold serait appliquée intégralement. Cela répond à votre question?

M. LE PRESIDENT (Bossé): Je vous remercie, M. Pepin, d'avoir répondu aux questions durant les dix minutes réglementaires. Si vous le permettez, nous allons passer à M. Lebon.

M. Jean Lebon

M. LEBON: Je serai très bref. D'ailleurs, je concède déjà à M. Pepin quelques-unes de mes dix minutes.

UNE VOIX: Soyez bon!

M. LEBON: Je représente la Corporation des maîtres-électriciens.

UNE VOIX: Mettez-nous au courant.

M. LEBON: Disons que la Corporation des maftres-électriciens n'est pas du tout surprise de l'intervention de l'Etat dans une négociation sectorielle privée. On s'attend même que ce sera monnaie courante à cause des implications sur l'intérêt public, comparativement à la négociation strictement privée où on parlait anciennement, par exemple, d'un patron vis-à-vis de ses propres salariés. Lorsqu'on parle d'un secteur, c'est toute la province qui peut en souffrir. Quant à la construction, que le gouvernement puisse sembler être juge et partie en même temps, c'est peut-être un argument que d'aucuns pourraient servir, mais est-ce que le gouvernement est vraiment partie, dans le sens strict du mot, c'est-à-dire comme un commerçant? Le gouvernement ne fait pas d'argent avec la construction. Alors, nous le considérons

beaucoup plus comme juge que comme partie. Par conséquent, l'intervention du gouvernement dans le conflit de la construction est pour nous une chose qui devait se faire, à cause de la situation actuelle.

Pourquoi fallait-il une intervention? Premièrement, c'est le premier essai du bill 290. On sait que le bill 290 a été adopté en 1968. Il y a eu une première négociation l'an dernier, qui n'était pas tellement une vraie négociation. Cette année, on a eu, pour la première fois, l'essai réel du bill 290 qui, pour faire plaisir à mon ami, M. Pepin, devrait peut-être recevoir quelques amendements. Le bill 290, évidemment, fait un mariage de raison entre cinq parties patronales et deux parties syndicales qui, souvent, en fait, n'avaient pas l'intention de se marier. On a essayé de mettre une convention collective unique pour toutes les parties, alors qu'il y a des particularismes...

M. LE PRESIDENT (Bossé): Je vous demanderais le silence pour qu'on entende M. Lebon.

M. LEBON: Merci, M. le Président. Disons qu'à la table des négociations la structure même manquait de souplesse à cause du particularisme de certains secteurs.

Pour vous donner un exemple, évidemment, on ne voit pas quelle relation il peut y avoir entre un constructeur de routes et un électricien qui travaille dans un secteur domiciliaire. C'est évident qu'essayer de faire une convention qui convienne aux deux est une chose presque impossible.

Quant au contenu du bill 38 relativement au document 71, il faudrait remarquer que, pour la région de Québec, on accorde $0.30 d'augmentation de salaires, mais que, pour les électriciens et les plombiers —c'était une convention négociée dans ce temps-là pour les plombliers et les électriciens — $0.30, alors qu'au dernier jour du mois d'avril — je pense qu'il y a 30 jours dans le mois d'avril — on a déjà donné $0.30, ce qui fait une augmentation de $0.60 dans quatre mois, soit 16 p.c. d'augmentation. Alors, dans le contenu du document 71, on devrait faire une exception, au moins pour les électriciens.

Il y a aussi un autre problème, c'est la mise en vigueur immédiate, évidemment, pour l'employeur, de ces augmentations de salaires et des autres conditions de travail. Il est difficile pour un employeur, du jour au lendemain, de dire: A partir d'aujourd'hui, je paie $0.30 l'heure de plus, alors qu'il avait soumissionné, si vous voulez, à des taux inférieurs pour effectuer une construction quelconque.

Quant aux questions de M. Bertrand: Est-ce qu'il était possible de continuer? La corporation des électriciens croit que non. On a piétiné sur pied — c'est-à-dire sur place parce qu'on ne peut pas piétiner sur les mains —...

UNE VOIX: Avec vos pieds.

M. LEBON: Alors, on a piétiné bien avant qu'on annonce le projet de loi. L'autre question de M. Bertrand avait trait au médiateur. Je pense que les conciliateurs ont aussi agi comme médiateurs. Cela non plus, ça n'a rien réglé.

Quant aux remarques de M. Pepin concernant le délégué de changier, les cinq parties patronales ont essayé, évidemment, de trouver une clause, alors qu'on était en grève à Montréal, pour faire plaisir aux deux parties syndicales. On pensait avoir trouvé la clause. Encore une fois, on ne l'a pas trouvée. Cela démontre la difficulté de négocier à sept parties, comme ça, pour essayer de trouver une clause en or qui conviendrait à tout le monde, comme les "Deux femmes en or".

M. BERTRAND : Qui est-ce qui joue le rôle de juge là-dedans?

M. LEBON: II est absent. C'est pour ça que je dis que les délégués de chantier, c'est bien compliqué. On a admis, quand même, qu'il en fallait, des délégués de chantier. Le problème était de trouver une formule. Quant à l'ancienneté, encore une fois, c'est très difficilement applicable dans l'industrie de la construction. Si on emploie, par exemple, un électricien au début des travaux d'un chantier et que celui-ci se spécialise, si vous voulez, à plier du conduit, alors que le dixième qui est entré fait la finition, c'est-à-dire les contrôles complexes ou les choses comme ça, il est difficile d'appliquer un régime d'ancienneté où le dernier entré serait le premier mis à pied, parce que c'est l'individu dont on peut avoir besoin pour jusqu'à la fin des travaux. C'est la raison pour laquelle l'ancienneté, même si la Corporation des maîtres-électriciens ne s'oppose pas au principe, on la trouve difficilement applicable. Si les parties syndicales avaient une méthode miracle, nous serions prêts, évidemment, à nous pencher là-dessus.

Quant à l'entente du 10 juillet, je crois que c'est le député de Chicoutimi qui posait la question à savoir si on devait accorder la parité ou non. Non? De toute façon, c'est un honorable député qui a posé la question. La Corporation des maîtres-électriciens est prête à plaider, en fait, l'interprétation de l'entente du 10 juillet où l'on prévoyait une parité salariale selon des facteurs économiques, premièrement, et, deuxièmement, lorsqu'il y aurait émission de cartes provinciales selon le bill 49.

M. BERTRAND: J'ai posé à M. Pepin cette question et il a répondu qu'on ne pouvait pas établir dans les régions, sur une base solide, les coefficients économiques. Est-ce que vous partagez l'avis de M. Pepin ou non?

M. LEBON: Je crois qu'on aurait dû tenter pour le moins de faire l'effort, tant à la partie syndicale qu'à la partie patronale, pour les établir. Il n'en a même pas été question.

M. BERTRAND: II n'en a pas été question? M. LEBON: Non.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Vous pouvez continuer votre exposé.

M. LEBON: Merci. Quant à la suggestion de M. Pepin, aussi, de référer le tout au cabinet, je crois qu'il est préférable, selon la partie que je représente, de pouvoir plaider devant la commission parlementaire où les députés pourront, je pense, peser le pour et le contre de chacune des clauses que nous aurons à négocier. Par contre, la partie que je représente ne voit pas beaucoup l'utilité des 30 jours qu'on a prévus dans la loi, où les parties pourraient négocier. Je pense que, sans se conter d'histoires, à ce point-ci, les parties ne négocieront pas pendant les premiers 30 jours, parce que tout ce qu'elles vont concéder pendant ces 30 jours sera déjà acquis lorsqu'on viendra siéger devant la commission parlementaire. Nous croyons que ces 30 jours pourraient être éliminés et qu'on pourrait siéger dès lundi devant la commission parlementaire pour plaider sur chacune des clauses en suspens.

Quant à la question de M. Pepin sur l'intervention du ministre, la partie que je représente n'a jamais quitté la table des négociations. Si le ministre était venu, nous aurions continué quand même. Ce n'est d'ailleurs pas à nous de dire si l'honorable Laporte aurait fait un bon travail ou non, mais nous serions restés.

L'an dernier, nous avons essayé la médiation, mais cela n'a rien donné. Cette année, cela n'aurait pas donné grand-chose de plus. Le ministère du Travail, je pense, comme pour la dernière question que M. Laporte a posé à M. Pepin, a aussi, toujours selon la partie que je représente, fait un excellent travail. Il y a même fait de la prévention, parce que ses délégués sont venus s'asseoir longtemps à la table des négociations, avant d'intervenir, comme observateurs, pour se mettre au courant du développement de la négociation. Malheureusement, cela non plus n'a rien donné: nous sommes rendus à l'impasse où nous nous trouvons aujourd'hui.

M. le Président, merci, j'ai terminé.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Je remercie M. Lebon. Le ministre du Travail.

M. LAPORTE: J'aurais quatre questions à poser à M. Lebon. D y en a une quant au ministre du Travail. Il a lui-même admis que la présence du ministre n'aurait probablement pas contribué à hâter les choses et aurait peut-être, de toute façon, mêlé les cartes. Je suis d'accord sur ça.

Ma question est très précise. Est-ce que, comme représentant de la Corporation des maîtres-électriciens, vous êtes en mesure de dire à cette commission si, au lieu de convoquer l'Assemblée nationale, nous avions laissé les choses aller leur cours, appelons ça normal, il y avait lieu d'espérer, dans un délai raisonnable — et raisonnable, je vais le calculer à trois mois — que les parties eussent été en mesure d'en venir entre elles à une entente?

M. LEBON: Selon les consultations que nous avons faites au niveau de notre conseil d'administration, je crois que non.

M. LAPORTE: Bon. Deuxièmement, Est-ce qu'il vous apparaîtrait, comme représentant de la Corporation des maîtres-électriciens, acceptable, quant à vous, que nous introduisions dans le bill no 38 le document de travail des conciliateurs du ministère du Travail?

M. LEBON: Absolument pas, parce qu'il s'agit là des clauses qui n'ont pas été négociées et sur lesquelles les parties ne se sont pas entendues. Cela aurait été une imposition unilatérale, de la part du gouvernement, de conditions de travail non acceptées par la partie patronale.

M. LAPORTE: Je pense que vous avez posé le problème, comme j'aurais aimé le poser moi-même. Il y a, dans ce document qui a toujours été considéré comme un document de travail, une incitation à discuter, il y a des clauses qui n'ont jamais été discutées. C'est ça?

M. LEBON: C'est vrai, M. le ministre.

M. LAPORTE: Je voudrais formuler ma dernière question de façon que chacun se sente libre. Disons que, comme ministre du Travail, on s'habitue rapidement à absorber certains coups — mais on a dit, en certains milieux: Mon Dieu, on aurait pu faire autre chose et, si on avait été le moindrement fin, on aurait pu régler tout ça. Je formule donc ma question exactement de la même façon. Vous avez répondu partiellement et je vous en remercie. Est-ce que le ministère du Travail aurait pu faire plus, aurait pu faire mieux ou différent de ce qu'il a fait depuis le 10 février 1970 pour hâter ou provoquer une solution du problème?

M. LEBON: Il aurait peut-être pu faire autrement ou différemment, mais je ne crois pas que cela aurait donné de meilleurs résultats que cela a donnés jusqu'à maintenant.

M. LAPORTE: Mais quand on dit que le ministère n'a pas épuisé, ou les parties entre elles n'ont pas épuisé tous les moyens possibles d'en venir à une entente, exception faite évidemment d'une loi spéciale, est-ce que vous partagez cet avis? Est-ce qu'il y a des moyens autres prévus dans le code du travail, ou dans la

négociation, ou dans la conciliation... Est-ce qu'il y a des moyens qui existent auxquels on pourrait penser et qui n'ont pas été utilisés?

M. LEBON: Non, je pense que seules les parties auraient pu peut-être trouver un moyen, mais pas le ministère du Travail lui-même.

M. LAPORTE: C'est tout, M. le Président, quant à moi.

M. BERTRAND: M. Lebon...

M. LE PRESIDENT (Bossé): Je m'excuse, mais le député de Maisonneuve avait demandé la parole d'abord.

M. BERTRAND: D'accord.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Seulement quelques questions, M. le Président. M. Lebon, est-ce que les problèmes actuels auxquels on fait face, est-ce que j'ai bien compris votre exposé, en comprenant que vous disiez qu'ils relevaient davantage du projet de loi 290 que de la situation elle-même, ou des failles du projet de loi 290?

M. LEBON: En partie; lorsqu'on a sept parties à négocier, parce qu'il y aura toujours sept parties, à moins que l'on change le projet de loi complètement, de fond en comble, projet de loi tel que rédigé à l'heure actuelle, est sûrement une des causes du conflit.

M. BURNS: Dans ces circonstances, est-ce que vous ne croyez pas que ce serait plus profitable, pour toutes les parties en cause, de tenter d'amender le projet de loi 290 plutôt que d'adopter le projet de loi 38?

M. LEBON: Ce serait peut-être une solution, mais maintenant, on est rendu passablement loin dans la négociation, je me demande si ce serait sage à ce point-ci d'amender un projet de loi avec lequel on a travaillé depuis le mois de février, même depuis 1968, en fait.

M. BURNS: Concernant la rétroactivité, quelle est la position de votre corporation? La rétroactivité au 1er mai, par exemple. Est-ce que vous vous opposez à accorder l'augmentation, en admettant qu'elle soit de $0.30, selon toute vraisemblance, sera-t-elle rétroactive au 1er mai?

M. LEBON: Encore une fois, il faut comprendre que, pour les employeurs de la construction, c'est très difficile d'admettre la rétroactivité pour la simple et bonne raison que si j'ai un contrat chez vous, par exemple, M. Burns, je vous charge $150 pour faire un travail, je l'ai fait au mois de mai et par une loi, ou par décret, on dit: Au mois de mai, il y a deux mois, quand vous avez fait le contrat, il faut que vous payiez $0.30 l'heure de plus à l'ouvrier. L'ouvrier peut ne pas être à votre emploi, premièrement. Deuxièmement, vous ne pouvez sûrement pas revenir chez le client et réclamer $40 ou $50 supplémentaires. C'est la raison pour laquelle la rétroactivité, dans la construction, est très difficile à appliquer aussi.

M. BURNS: Maintenant, ce ne sera pas long, j'achève.

M. LE PRESIDENT (Bossé): La parole est au député de Maisonneuve.

M. BURNS: Maintenant que j'ai le crachoir, je vais le garder.

M. LAPORTE: Je voudrais que vous vous sentiez bien libre de poser vos questions.

M. BURNS: Oui, certainement. Je me sens très, libre d'ailleurs. M. Lebon, quel est votre point de vue vis-à-vis d'une éventuelle décision du conseil des ministres? Est-ce que vous n'avez pas des craintes de vous faire imposer des conditions qui pourraient ne pas être selon votre goût?

M. LEBON: II y a toujours un risque évidemment, mais c'est comme plaider devant n'importe quel arbitre.

M. BURNS: Alors, pour vous, c'est l'arbitrage obligatoire.

M. LEBON: Je pense que cela revient à la même chose. En fait, c'est l'arbitrage par la commission ici. Par contre, on espère que le bon sens triomphera, en plaidant chacune des positions qu'on a prises.

M. BURNS: Une dernière question. Quand vous dites que vous ne voudriez pas voir dans le bill des conditions imposées, telle par exemple, la parité, si je comprends bien, vous vous opposez d'abord à la parité ou au rattrapage durant une période des salaires des provinciaux, ceux qu'on a appelés les provinciaux tantôt, par rapport à Montréal, ou ce problème n'existe pas chez vous, quoi?

M. LEBON: Non, il n'y a pas de carte provinciale, comme je l'expliquais tout à l'heure, émise en vertu du bill 49. Alors il n'a pas été question d'admettre pour nous la parité, c'est-à-dire que nous l'avons admise mais, étant donné qu'il n'y a pas de carte, cela demeure une affaire à négocier. On entend le négocier aussi devant la commission évidemment.

M. BURNS: Si vous êtes contre l'imposition

de conditions dans le bill, est-ce que vous ne considérez pas que d'imposer, par exemple, la clause de délégués de chantier n'est pas l'imposition pour une autre partie en cause, d'une condition?

M. BURNS: Oui, mais en fait, comme l'augmentation de salaire l'est aussi. Il y a une autre chose aussi. Il y a un autre aspect qu'il ne faut pas oublier.

Lorsqu'on négocie une convention collective, règle générale, on la négocie globalement. Le gouvernement, à l'heure actuelle, nous dit qu'il y a 50 p.c. de la convention collective négociée à être adoptés. Pour le patronat, ça enlève aussi ce qu'on appelle le "bargaining power" parce que, d'habitude, on négocie ça globalement. Alors, c'est pour ça que je dis que, d'un côté, à nous aussi, ça peut faire mal un peu cette loi-là, parce que nous ne pourrons pas négocier globalement la convention collective comme nous le faisons d'habitude.

M. BURNS: Cela vous fait mal, mais vous préférez que ça vous fasse mal que de ne pas la voir adopter, si je comprends bien.

M. LEGON: C'est ça, parce que le conflit pourrait durer éternellement et il ne se réglerait rien.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Missisquoi.

M. BERTRAND: M. Lebon, juste une question. Je voudrais vous faire préciser ce que vous avez dit. Il y a, dans le projet de loi, une période de trente jours où les sept parties pourront continuer à négocier. Vous nous aviez bien déclaré que, durant cette période de trente jours, d'après vous, la négociation serait infructueuse.

M. LEBON: Absolument.

M. BERTRAND: Donc, vous aimeriez mieux que ça disparaisse et venir devant la commission parlementaire dès lundi?

M. LEBON: C'est ça.

M. BERTRAND: Est-ce que vous croyez réellement que la commission parlementaire est en meilleure posture que vous, les parties au courant de tout, pour négocier?

M. LEBON: Devant la commission parlementaire, la corporation croit qu'il va s'agir de plaider, en fait, les clauses qu'il reste à négocier beaucoup plus que de la négociation La négociation, de toute façon, à l'heure actuelle, ça ne marche pas. Cela n'a pas marché, cela a piétiné et puis, là, cela a cessé complètement lorsque le bill a été annoncé. Alors, si on nous dit: Vous avez trente jours et, après ça, on va régler le problème, on va être dans la même situation où nous étions la semaine dernière, pendant trente jours. Si on veut régler le problème le plus rapidement possible, je pense qu'on devrait siéger immédiatement sur l'ensemble des clauses et plaider chacune d'entre elles.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Est-ce terminé? Le député de Lafontaine.

M. LEGER: Le député de Missisquoi a posé la question que je voulais poser. Vous venez de répondre que vous ne croyez pas qu'à la suite de l'adoption du bill 38 vous puissiez négocier dans les trente prochains jours, mais je ne tiens pas pour acquis que les quatre autres groupes du côté patronal aient la même idée. Si vous aviez à négocier dans ces trente jours-là, le fait que le droit de grève soit enlevé aux syndicats et le droit de lock-out aux cinq parties patronales, est-ce que ça n'aurait pas été un avantage pour la partie patronale de ne pas faire de lockout et un désavantage, un déséquilibre pour la partie syndicale de ne pas faire la grève?

M. LEBON: Je ne sais pas si je saisis bien votre question, mais je pense que la grève et le lock-out sont en contrepartie. Par la loi, on enlève le moyen de pression tant d'un côté que de l'autre.

M. LEGER: Dans votre cas, du fait, justement, que le droit de grève ait un poids beaucoup plus avantageux que le droit de lock-out, ne croyez-vous pas que ces deux lois s'équilibrent?

M. LEBON: Je le crois.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. LAPORTE: Deux questions seulement. Vous avez dit tantôt que la période de trente jours, ne conduira pas à des résultats satisfaisants. Est-ce qu'à votre avis cet échec prévu est dû à l'adoption du bill 38 ou si c'est parce que, de toute façon, vous imaginez que trente autres jours de négociations ne produiraient pas de résultat définitif?

M. LEBON: Je crois que ce sont les deux raisons.

M. LAPORTE: Les deux raisons; et la présence du bill 38 et le fait, disons, que vous avez entre vous certains petits problèmes.

M. LEBON: Certains gros problèmes.

M. LAPORTE: Deuxièmement, est-ce que vous êtes d'avis que la responsabilité de négocier en vertu du bill 290, du chapitre 45 de nos

lois, appartient à la partie dont vous êtes, ce soir, le représentant?

M. LEBON: Selon le bill 290, oui.

M. LAPORTE: C'est une responsabilité.

M. LEBON: D'accord.

M. LAPORTE: Le législateur qui prend ses responsabilités en décrétant, à tort ou à raison, une loi, est-ce que vous croyez qu'il erre, se trompe en imposant à ceux dont c'est la responsabilité le devoir, l'obligation de négocier pendant trente jours?

M. LEBON: Non.

M. LAPORTE: II ne se trompe pas.

M. LEBON: Le législateur ne se trompe pas parce que dans les circonstances on ne peut pas faire autre chose. Excepté que les 30 jours sont superflus. Vous nous avez quand même enlevé l'une de nos responsabilités, c'est-à-dire celle de négocier et de nous entendre entre nous, par le bill 38.

M. LAPORTE: Je veux dire que...

M. LEBON: Vous nous la donnez pour 30 jours.

M. LAPORTE: Le Parlement peut-être vous l'imposera pour 30 jours, tout simplement parce qu'il est d'avis que cela nous parait trop facile de dire: Ecoutez, on a un divorce en préparation, on met les enfants dehors et on se sépare. Le législateur dit que vous allez assumer vos responsabilités en imaginant que face à vos responsabilités — que vous avez assumées depuis six mois — il n'est pas totalement impossible que vous régliez. Je ne voudrais pas être trop précis parce que je ne me souviens pas des termes exacts de la loi, mais je crois que cela s'est produit dans le cas de la Commission de transport de Montréal. Une négociation a finalement produit des résultats. Alors, est-ce qu'il est raisonnable d'imaginer que le législateur, qui s'impose à lui une responsabilité pas facile, a raison de dire aux sept parties qui doivent négocier: Vous allez vous aussi, prendre vos responsabilités sérieusement comme vous êtes capables de le faire, pendant 30 jours. Avec l'espoir que cela va se régler et si, par malheur, au bout de 30 jours, cela n'est pas réglé, bien 30 jours se seront ajoutés à 120 autres jours. A ce moment-là, il sera bon de venir devant la commission. Mais cette étape-là m'apparaît très importante.

M. LEBON: II faut dire, premièrement, qu'il n'y a plus de pression ni d'un côté, ni de l'autre pendant ces 30 jours et, deuxièmement, qu'il y a 40 clauses à négocier plus les droits acquis qui représentent une brique épaisse. Dans 30 jours, les sept parties ne pourraient jamais, même si elles étaient de bonne foi, passer à travers cela.

M. LAPORTE: Si vous avez passé à travers une partie, ce sera autant de moins que vous aurez la pénible obligation de venir exposer en public. Nous serons, nous, un genre de confesseur à qui vous viendrez confesser...

M. BERTRAND: M. Lebon, comment pensez-vous, à la suite de ces 30 jours de travail et 30 jours de négociations que vous dites infructueuses, que la commission pourra dans l'espace d'un autre délai — il n'y a pas de délai — comment pensez-vous que nous pourrons le faire si les parties ne peuvent pas le faire dans un délai de trois mois? A ce moment-là, d'après vos propos — c'est un aveu, je vous l'avoue, assez terrible — des gens qui ont une responsabilité, en vertu d'une loi, viennent dire devant la commission qu'ils sont obligés d'apporter le paquet ici devant les députés pour que les députés qui ont tous des connaissances, moi le premier, mais qui n'ont pas la science infuse dans le domaine des négociations, soient à même d'apprécier, de peser et de juger de tout ce problème, faisant du Parlement un agent négociateur.

M. LEBON: Un arbitre, pardon. Les parties ensemble...

M. BERTRAND : Ce ne sera pas nous, les arbitres.

M. LEBON: C'est terrible, je suis d'accord avec vous. C'est comme le péché, cela est terrible, mais cela existe.

M. BERTRAND: Vous n'êtes pas un péché, vous êtes Lebon.

M. LEBON: Je dois dire que je l'ai déjà entendu.

M. BERTRAND: C'est la première fois que je le dis.

M. LEBON: Cela ne fait pas 35 ans que vous portez ce nom-là, d'ailleurs.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, comme le disait le député de Missisquoi tout à l'heure, c'est un aveu extrêmement grave. Supposons que, d'ici 30 jours, il y ait impossibilité de négocier, d'en arriver à un règlement.

Cela veut donc dire que, selon le bill 38, il y a une décision du cabinet qui impose des conditions de travail pour une période de trois ans. Vous êtes actuellement sept à la table. On sait que c'est la première fois qu'il y a une

négociation par secteur dans ce domaine de la construction. Selon vous, ça veut donc dire qu'au bout de trois ans, on reprend à zéro, qu'on recommence à négocier. Est-ce que cet échec-là c'est d'admettre tout simplement qu'il y a impossibilité de négocier dans le secteur de la construction?

M. LEBON: Non, je ne crois pas, parce que, en trois ans, il peut se produire une évolution. Les structures, disons, tant du côté patronal que syndical, peuvent changer et permettre alors une négociation valable.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Maurice.

M. DEMERS: Je remets mon droit de parole parce qu'on a répondu aux questions que j'avais à poser.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais avoir de M. Lebon quelques précisions. M. Lebon, de ce que vous avez dit, est-ce qu'on peut conclure que vous acceptez l'intervention du gouvernement telle qu'elle se présente par le projet de loi 38?

M. LEBON: Avec les réticences que j'ai soulignées, c'est-à-dire les trente jours et l'augmentation de $0.60, de 16 p.c, par exemple, prévue pour Québec, oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Deuxièmement, si ce projet de loi est adopté, croyez-vous que cela va aider demain au règlement du conflit, enfin à la négociation qui devra suivre, ainsi que l'indique le projet de loi?

M. LEBON: Si je comprends bien le projet de loi, on sera appelé à plaider ici chacune des clauses en suspens, et ce sera à vous, messieurs les députés, de trancher le litige sur chacune des clauses.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, est-ce que vous aurez éventuellement, demain par exemple, des amendements à proposer afin d'améliorer la loi?

M. LEBON: Le bill 290?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, je parle du projet de loi 38.

M. LEBON: Non.

M. LE PRESIDENT: Un peu de silence.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Lebon, je vais vous poser une question un peu difficile, enfin la première ne le sera pas. Les raisons que vous avez d'appuyer le projet de loi 38, d'après ce que vous avez dit, est-ce que je peux en conclure qu'elles sont surtout d'ordre pécuniaire, que c'est une question d'argent pour l'organisme que vous représentez?

M. LEBON: Evidemment, je pense que l'organisme que je représente est né d'une loi qui a aussi pour but de protéger l'intérêt public, et dans les circonstances, nous aussi, je pense, pour, si vous voulez, que les intérêts des employeurs, que l'intérêt du public est en jeu, c'est la raison pour laquelle nous sommes d'accord avec ça.

M. TREMBLAY: (Chicoutimi): C'est une réponse de Normand, mettons d'ordre général, mais prenons le cas précis du conflit qui vous oppose aux autres parties ou aux syndicats. Est-ce que la pierre d'achoppement qui vous incite à approuver le projet de loi 38 ce n'est pas quelque chose de strictement pécuniaire, ce n'est pas une question simplement d'argent, outre les raisons très valables que vous avez évoquées?

M. LEBON: Bon, si vous admettez que mes raisons sont très valables, je peux vous répondre qu'évidemment il y a aussi la question pécuniaire pour les entrepreneurs-électriciens de la province, c'est sûr.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, en tenant compte de ce qu'a dit tout à l'heure M. Pepin concernant le problème de la protection des travailleurs, etc., quelles considérations avez-vous, en l'espèce, pour les travailleurs, si on adoptait le projet de loi dont M. Pépin a dit qu'il était préjudiciable aux intérêts des travailleurs, des ouvriers? Enfin, quelles considérations avez-vous pour ces gens-là? Est-ce que vous croyez qu'ils vont être lésés par le projet de loi 38?

M. LEBON: Non, personnellement, évidemment, je ne le crois pas, parce que, justement, les chiffres qu'a fournis le ministre du Travail, l'honorable M. Laporte, démontrent que la grève est impopulaire, premièrement. Deuxièmement, quant aux autres choses à négocier, les parties syndicales auront, elles aussi, leur tour ici à la barre pour plaider chacune des clauses qu'elles réclament. Par conséquent, si c'est jugé valable par la commission ici, elles ne perdront rien.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, une dernière question, M. Lebon. Lorsque vous dites que vous êtes disposé à venir ici devant la commission parlementaire, devant les membres de l'Assemblée nationale, quelle est exactement la tâche que vous allez nous assigner?

Est-ce que ça va être de vous proposer des conditions pécuniaires? Est-ce que ça va être de discuter de toutes les clauses qui, jusqu'à présent, ont empêché que les négociations aboutissent? Est-ce que vous allez nous demander de trancher la question pour vous?

M. LEBON: Je pensais, selon mon interprétation du bill, que c'était justement la fonction...

M. LE PRESIDENT (Bossé): Je demande un silence moins bruyant.

M. LEBON: Je croyais que c'était là l'esprit même du bill, à savoir que la commission trancherait chacun des problèmes qui ne sont pas réglés entre les parties patronales et syndicales.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous nous demanderiez, à ce moment-là, d'être arbitre à tous égards, pour toutes questions; clauses normatives, clauses pécuniaires, etc.

M. LEBON : Disons que nous ne demandons rien. C'est le gouvernement qui a suggéré le bill. On pense que c'est une bonne mesure.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: J'aurais aimé poser la question à M. Pépin.

M. LEBON: Je n'ai pas le mandat pour répondre.

M. VEILLEUX: Combien êtes-vous à la table des négociations présentement?

M. LEBON: Cinq parties patronales, deux parties syndicales.

M. VEILLEUX: Le nombre de personnes en tout?

M. LEBON: En supposant qu'il y avait cinq personnes par partie patronale, ça faisait 25; avec 50 syndiqués, ça faisait à peu près 75 personnes.

M. VEILLEUX: Est-ce que vous trouvez qu'entre 60 et 75, c'est un nombre trop grand pour négocier ou pas assez grand?

M. LEBON: Evidemment, trop grand. Je pense que vous vouliez me faire dire ça et que vous me l'avez fait dire.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: La question de l'honorable député de Saint-Jean me fait penser à une autre question. Puisque vous dites que 75, c'est un nombre trop grand pour bien négocier, est-ce qu'à ce moment-là les négociations avec 108 députés ne seraient pas pires?

M. LEBON: Est-ce que nous allons négocier avec 108 députés? Je ne le pensais pas. Je pensais que chaque partie aurait ici un porte-parole, comme aujourd'hui, et qu'on pourrait se faire entendre sur chacune des clauses. Au lieu d'être 75, peut-être y en aurait-il seulement sept devant la commission.

M. SAMSON: Autrement dit, vous considérez la commission parlementaire comme l'arbitrage et non pas comme une partie pour la négociation?

M. LEBON: C'est sûr.

M. SAMSON : Vous avez dit tantôt que, de toute façon, qu'il y ait bill 38 ou non, vous en êtes rendus à une période où vous êtes bloqués dans les négociations.

M. LEBON: C'est ça.

M. SAMSON : Vous semblez favorables à l'adoption du bill 38. Cependant, vous semblez désirer que, si le bill 38 était adopté, il n'y ait pas de période prévue de négociations de 30 jours. Vous semblez préférer que la commission parlementaire se réunisse immédiatement, même si on adoptait le bill 38 et même si on demandait aux travailleurs de retourner à l'ouvrage lundi.

M. LEBON : C'est ça. Maintenant, je comprends très bien le gouvernement, qui ne veut pas frustrer les parties et leur dit : On vous donne trente jours pour vous entendre. Je prétends humblement que ces trente jours ne serviront à rien parce que tout ce qui sera condédé là sera, de plus, à condéder devant la commission.

M. SAMSON: Merci.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Bourget.

M. LAURIN: Vous avez dit, tout à l'heure, que vous n'étiez pas surpris de l'intervention de l'Etat. Iriez-vous jusqu'à dire que vous la souhaitiez?

M. LEBON: Pour autant que la Corporation des maîtres-électriciens est concernée, sur les derniers milles, on peut dire oui.

M. LAURIN: Vous dites que c'est un premier essai du bill 290 et que vous avez trouvé difficile de marier les exigences et les propositions de sept groupes et même des cinq groupes de patrons.

M. LEBON: Je dois malheureusement l'avouer candidement, oui.

M. LAURIN: II reste, quand même, que la Fédération des travailleurs du Québec, qui représente 21 groupes de travailleurs spécialisés dans la région de Montréal, a réussi à faire l'unanimité des demandes de ces 21 groupes et à représenter un point de vue unique à la table des négociations. C'est un effort extraordinaire. On voit que ça peut réussir. On voit que ça peut donner des résultats. Ce qui a été possible pour la FTQ, est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi ce n'est pas possible pour les patrons?

M. LEBON: Disons que c'est depuis 1968 seulement qu'il existe cinq parties patronales reconnues. A toutes fins pratiques, la coalition de cinq parties patronales, c'est très jeune. La FTQ est un peu plus vieille que nous. On les félicite d'avoir réussi cela.

Peut-être que, si on nous donnait une vingtaine d'années, nous réussirions nous aussi.

M. LAURIN: Est-ce que cela veut dire, par exemple, que, dans les amendements que vous pourriez suggérer au bill 290 et qu'on pourrait même incorporer à un bill que le gouvernement pourrait présenter, on pourrait, par exemple, amener un amendement qui réduirait le groupe des négociateurs patronaux à deux ou à un? Ce serait un conseil du patronat qui, par exemple, aurait fonction de faire pour le groupe des entrepreneurs ce que la FTQ et ce que la CSN aussi jusqu'à un certain point ont fait pour les ouvriers. Est-ce que ceci ne serait pas un moyen d'améliorer les négociations, de diminuer le nombre des personnes à la table de négociations, d'avoir un point de vue qui aurait été intégré à l'avance au niveau des négociations entre les parties constituantes de façon qu'à la table des négociations, ayant moins de monde, ayant des points de vue beaucoup plus intégrés, beaucoup plus solides, on en arrive à une consultation, à une négociation qui aurait plus de chance d'aboutir plus rapidement?

M. LEBON: Disons que, théoriquement, vous avez raison. C'est comme être pour la vertu. Mais ce serait forcer cependant peut-être encore un mariage qui ne donnerait pas grand chose.

M. LAURIN: Mais la FTQ n'a pas l'air de s'en plaindre.

M. LAPORTE: Vous pourriez peut-être également demander au député de Bourget s'il serait prêt à suggérer cela pour les syndicats, qu'il y en ait qu'un qui représente les deux!

M. LAURIN: Enfin, non, je ne dis pas que c'est une proposition que nous refuserions de considérer, en effet.

M. LAPORTE: Oui, mais eux vont refuser. M. LAURIN: Oui, c'est bien possible. UNE VOIX: Seulement la FTQ.

M. LAURIN: Est-ce que c'est un refus quand même qui empêche la logique de garder ses droits? On peut considérer n'importe quoi. De toute façon, je me contente de la réponse de M. Lebon pour le moment.

Quand vous dites que la négociation a cessé, quand le bill a été annoncé, voulez-vous dire que, lorsqu'un gouvernement décide d'intervenir par une loi spéciale, par une loi d'exception, ceci met presque automatiquement fin aux négociations, empêche les négociations de procéder dans l'esprit dans lequel elles devraient procéder et les rend, à toutes fins pratiques, inutiles?

M. LEBON: Si vous me permettez une image, si des enfants se chicanent pour avoir une tablette de chocolat, sur la longueur de la tablette de chocolat, ils vont se concéder, à gauche et à droite, un peu plus, un peu moins. S'ils savent que le père va intervenir et qu'il va trancher le débat, ils vont cesser, évidemment, de négocier et ils vont dire: On va attendre que le père tranche.

M. LAURIN: Donc, en somme, vous confirmeriez que le fait pour le gouvernement d'annoncer une législation et de la présenter, équivaut, dans la pratique, à mettre fin aux négociations, puisque les deux parties, à ce moment-là, attendent d'une façon passive ce que le gouvernement va décider.

M. LEBON: C'est la raison pour laquelle, lorsque c'est annoncé, il faut intervenir vite.

M. LAURIN: Maintenant, vous avez semblé très pessimiste dans votre exposé. Vous dites que vous n'attendez plus rien de la négociation.

M. LEBON: Dans les 30 jours, non.

M. LAURIN: Mais, de toute façon, vous n'attendez plus rien de la négociation, dans les 30 jours, ou 60 jours ou 90 jours?

M. LEBON: Comme on l'a dit devant cette commission, on a même négocié un bill ici, le bill 290, on est peut-être capable de négocier une convention collective.

M. LAURIN: Vous vous sentez donc obligés d'apporter tout le paquet aux députés, comme le disait à la commission parlementaire le député de Missisquoi. Vous êtes prêts à vous décharger de vos responsabilités et à laisser maintenant le soin aux députés de s'en charger à votre place.

M. LEBON: Disons que c'est ce que l'esprit du bill laisse entendre. Oui. A cause de l'impasse quand même. Il faut quand même regarder cela dans son ensemble. On est rendu que cela ne sert à rien. On se regarde comme des chiens de faience et on ne fait rien.

M. LAURIN: A cause de l'impasse et aussi à cause du facteur que vous mentionniez tout à l'heure qu'à partir du moment où le juge ou le prince a prononcé, il n'y a plus rien à faire pour vous. Il n'y a plus qu'à attendre les décisions et à vous y conformer, même si elles ne font pas tout à fait votre affaire.

M. LEBON: A peu près, oui.

M. LE PRESIDENT (Bossé): La parole est au député de Montcalm.

M. MASSE (Montcalm): M. Lebon, j'ai été surpris d'entendre, au début de votre intervention, l'exposé que le gouvernement était neutre en l'occurrence. J'aurais admis que le Parlement était neutre. Mais je trouve difficile de dire que le gouvernement est neutre lorsqu'on sait que le gouvernement, dans le domaine de la construction, est un des gros constructeurs du Québec, si ce n'est le plus gros, soit directement, par le complexe G, les routes et les ponts dans tout le Québec, soit indirectement, dans le domaine hospitalier, dans le domaine de l'éducation ou dans les autres domaines.

J'aimerais que vous m'expliquiez comment il peut être neutre tout en étant une partie importante dans l'ensemble de l'économie de la construction.

M. LEBON: Disons que, si on compare le gouvernement avec un constructeur, que ce soit un donneur d'ouvrage quelconque, pour une maison résidentielle ou enfin une maison à logements, il y a un intérêt financier à ce que la construction soit parachevée pour retirer des bénéfices. Que ce soit l'industrie, c'est la même chose. Quand on arrive au gouvernement, qu'un édifice soit terminé, c'est encore pour le service au public. Ce n'est pas un intérêt mesquin, c'est pour cela qu'on dit que s'il est quand même en partie une partie, il est plus juge que partie.

M. MASSE (Montcalm): Dans le domaine des coûts de construction, ne croyez-vous pas qu'il y a intérêt, comme l'entreprise privée, à construire pour des coûts minimes?

M. LEBON: Oui, probablement. Mais c'est une autre question, à savoir si oui ou non le gouvernement devrait participer directement à la négociation à titre de partie.

M. MASSE (Montcalm): Je ne peux pas évidemment, comme le député de Saint-Jean, poser la question au président de la CSN, je pense que nous aurons l'occasion de revenir à un moment donné, c'est une partie du débat qui a son importance. Par contre, je pense que l'on pourrait revenir du côté syndical, mais compte tenu de ce que vous venez de dire, qu'il y a de la part du gouvernement un intérêt "direct" — je le mets entre guillements et je l'emploie moi-même — dans ce domaine de la négociation, compte tenu de dizaines et même de centaines de millions de dollars dans le domaine de la construction.

M. LEBON: C'est $123 millions.

M. MASSE (Montcalm): Est-ce que vous vous attendez, comme constructeur —si le gouvernement, le conseil des ministres, vous impose, à la fin de toute cette procédure, un arbitrage, ou un décret, ou vous impose quelque chose — à ce que le gouvernement, vous ayant imposé des conditions nouvelles dans vos contrats, rouvre vos contrats et rajuste les coûts de construction par rapport au nouveau décret?

M. LEBON: II est évident que ce serait souhaitable au point de vue de l'employeur, c'est sûr.

M. MASSE (Montcalm): Est-ce que c'est un souhait que vous formulez avec force ou que vous formulez avec petits guillements?

M. LEBON; Qu'est-ce que vous désirez?

M. MASSE (Montcalm): Ce que je désire, c'est connaître votre opinion. Est-ce que vous avez évalué ces coûts? Est-ce que les associations d'employeurs, vous avez prévu des clauses d'ouverture de contrat, si le gouvernement changeait les décrets et vous imposait de nouvelles conditions?

M. LEBON: Disons que nous allons avoir le temps de négocier, ici. On a déjà offert dans les salaires $0.25, $0.25 et $0.25. Le gouvernement dit $0.30, $0.20 et $0.25, alors il n'y a pas grande différence, $0.05 l'heure de différence. A ce point de vue-là, je pense que cela ne mettera personne en faillite. D'un autre côté, le rattrapage est à être négocié et, d'ici ce temps-là, les entrepreneurs auront le temps d'ajuster leurs soumissions en conséquence.

M. MASSE (Montcalm): D'accord.

M. BURNS: M. Lebon, tout à l'heure vous m'avez dit que pour vous ce processus que la loi établit, à toutes fins pratiques, équivalait, dans votre esprit, à l'arbitrage obligatoire. Est-ce que vous ne préféreriez pas un arbitrage privé, plutôt qu'un arbitrage gouvernemental, c'est-à-dire un arbitrage d'un arbitre unique choisi à l'extérieur, avec représentants des parties, à défaut d'entente, nommés par le ministre?

L'arbitrage usuel. Lequel des deux arbitrages préférez-vous?

M. LEBON: J'aime mieux avoir affaire à 30 personnes devant la commission.

M. BURNS: Avec le conseil des ministres.

M. LEBON: Je pense que c'est devant la commission qu'on va plaider notre affaire.

M. BURNS: C'est le conseil des ministres qui, éventuellement, va décréter...

M. LEBON: Qui va décider. Je suppose que la commission fait rapport.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député d'Iberville.

M. CROISETIERE: Vous avez dit tout à l'heure que 30 jours de négociations ne suffiront pas pour régler les clauses qui resteront à négocier et que vous souhaitez revenir devant la commission parlementaire. Or ma question est celle-ci: Croyez-vous que les autres parties patronales sont entièrement de votre avis sur ce sujet?

M. LEBON: Je pense que vous pourriez le leur demander tout à l'heure.

UNE VOIX: D'accord.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Nous terminons, puisque M. Lebon fut très bon avec le député de Lafontaine.

M. LEGER: M. Lebon, tout à l'heure vous avez dit que les trente jours de négociations obligatoires après l'adoption du bill 38 étaient pour vous inutiles. Vous prévoyez rencontrer les députés et à la suite de l'audition, un rapport serait fait au ministre et tôt ou tard il y aurait un décret. Après ça, selon le bill 38, si je l'ai bien compris, il n'y aurait pas de droit de grève ni de lock-out durant les trois ans qui suivent. Est-ce que ça ne veut pas dire que nous n'auriez pas plus, durant les trois ans qui suivent, de "bargaining power", du côté patronal que du côté syndical, que ça va se régler plus durant les trois annés par des négociations, étant donné que vous n'avez pas plus de "bargaining power" d'un côté que de l'autre?

M. LEBON: Bon. Disons que dans toute négociation, chaque fois qu'on convenait d'une convention collective, il était entendu que pendant la durée de la convention collective, il n'y aurait pas de droit de grève ni de lock-out. D'ailleurs, c'est dans le bill 290. Or, ça ne change rien au bill 290. Une fois que le décret est mis en vigueur, il n'y a pas de droit de lock-out ni de grève. Comme je le dis, ça ne change absolument rien, si vous voulez, à ce qui existe dans le bill 290.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Nous tenons à remercier M. Lebon pour son honnête exposé et, dans l'ordre, je donne la parole à M. Lefebvre.

UNE VOIX: Est-ce que vous nous gardez pour lorsqu'il ne restera plus personne?

M. LAPORTE: Non, non, on vous garde pour qu'il reste du monde.

M. LEFEBVRE: M. le Président, mon confrère, Me Morin, de la Corporation des maîtres-mécaniciens en tuyauterie nous a fait la demande de passer en priorité et tous ceux qui me suivent sont d'accord là-dessus. Il faut comprendre que ce monsieur est fiancé et est près de se marier. Il a probablement des raisons personnelles de le faire.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Bien, c'est un cas d'urgence, alors...

M. Louis Morin

M. MORIN: Merci beaucoup. Je vais vous dire franchement que j'ai promis surtout à M. Laberge de ne pas être plus que dix minutes. Je vais donc essayer d'être rapide.

Louis Morin, Corporation des maîtres-mécaniciens en tuyauterie. L'association que je représente trouve le bill 38 inacceptable dans le sens qu'il vient à l'encontre des droits fondamentaux reconnus par les lois du travail dans les pays démocratiques, à savoir la grève et le lock-out.

Cependant, il est sûr que le conflit actuel de la construction — cela après avoir fait le tour de certaines régions de la province où il y a grève — ne pourra être réglé avant au moins six mois de grève. Ce sont les employeurs de la Corporation des maîtres-mécaniciens en tuyauterie que j'ai rencontrés qui se sont déclarés prêts à subir une grève aussi longue que cela.

Pourquoi en sommes-nous rendus là? Bien que j'aie eu à me prononcer sur le bien-fondé du bill 290 lorsqu'il est entré en vigueur, je dois faire amende honorable et constater qu'il est un peu inadéquat en ce sens qu'au niveau de la négociation sectorielle, la présence de sept parties rend presque impossible une entente au niveau d'une convention collective. Je pense que, lorsque vous aurez à intervenir par une loi pour créer la négociation sectorielle, vous devrez prendre en considération ces faits et faire en sorte qu'il n'existe qu'une partie syndicale et qu'une partie patronale pour négocier. C'est à ce prix que vous aurez une entente, à mon avis.

Est-ce qu'aujourd'hui nous sommes prêts à accepter la loi que vous allez peut-être adopter? La corporation a décidé qu'elle respecte-

rait toute loi que vous adopterez, et ce n'est que parce que vous allez l'imposer qu'elle sera respectée. Nous aurions souhaité ardemment que ce soit la négociation qui aboutisse et que ce soit elle qui fasse qu'il y aura une convention collective acceptée et acceptable par toutes les parties en cause.

Cependant, je le répète, nous pensons à l'heure actuelle que la négociation, si elle continuait, se prolongerait pendant au moins six mois avant qu'il y ait conclusion d'une convention collective. En tant qu'employeur, nous sommes contre le projet, mais, si j'étais député, je voterais peut-être pour.

M. LAPORTE: Six mois, au moins, avant que ça puisse se régler.

M. MORIN: Au moins.

M. LAPORTE: Vous êtes potimiste quand vous dites six mois?

M. MORIN: Ni optimiste, ni pessimiste. M. LAPORTE: Disons six mois. M. MORIN: J'ai fait une moyenne.

M. LAPORTE: Est-ce que vous suggérez, comme représentant d'une partie patronale, en dénonçant le bill 38, que cette négociation qui devrait, à votre avis, se poursuivre, encore une fois, normalement, se fasse sous l'emprise de la grève actuelle?

M. MORIN: Ecoutez, c'est à vous de décider si l'intérêt public peut subir une grève de six mois.

M. LAPORTE: Oui, mais enfin...

M. MORIN: Bien, je vous ai dit que, si j'étais député, je serais pour le projet.

M. LAPORTE: Oui, je comprends, mais vous représentez un client.

M. MORIN: Je représente un client.

M. LAPORTE: Bon, votre avis comme député, si un jour vous nous faites l'honneur de joindre l'équipe...

UNE VOIX: Laquelle?

M. MORIN: C'est une proposition?

M. LAPORTE: Je vais vous rappeler certains événements. Je veux simplement savoir si vos clients seraient d'avis que nous retirions le bill 38...

M. MORIN: Non.

M. LAPORTE: ... pour que cette grève se poursuive pendant six mois?

M. MORIN: Non.

M. LAPORTE: Merci. Je m'excuse de répéter les mêmes questions. J'aurais aimé que le député de Bourget posât exactement les mêmes questions à toutes les parties en cause; je pense que ça nous aurait amené des réponses fort intéressantes. Je vous pose la même question: Est-ce que vos clients sont d'avis que, mise à part la présence ou l'absence du ministre à la table des négociations, le ministère aurait pu faire plus, aurait pu faire mieux ou aurait pu faire différemment pour provoquer un règlement de ce conflit interpatronal et intersyndical?

M. MORIN: Je ne pense pas que le ministère aurait pu faire mieux. Cela aurait tout simplement pu retarder la grève de deux ou trois semaines, pas plus.

M. LAPORTE: Merci.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Vous avez suggéré un éventuel amendement au bill 290. Pourriez-vous expliciter le problème, en fait? J'ai compris que c'était ça que vous suggériez.

M. MORIN: Non, nous ne nous sommes pas penchés encore sur ce problème.

M. BURNS: Mais écoutez, M. Morin...

M. MORIN: Ce que j'ai dit, c'est que, dans une éventuelle loi-cadre de négociations sectorielles, il faudrait envisager de façon très précise de mettre en face seulement deux parties.

M. BURNS: Bien, c'est là-dessus que je voudrais que vous donniez plus d'explications. Quand vous dites une seule partie patronale et une seule partie syndicale, voulez-vous dire pour votre groupe à vous ou bien pour l'ensemble des groupes?

M. MORIN: II faudrait tendre à ça.

M. BURNS: Bien, à laquelle des deux solutions?

M. MORIN: Une partie syndicale et une partie patronale.

M. BURNS: Bon, une partie patronale, c'est-à-dire vous, la Corporation des mécaniciens en tuyauterie, et une partie syndicale. C'est ça que vous voulez dire?

M. MORIN: Que ce soit ça ou que ce soit au niveau de toute l'industrie de la construction.

M. BURNS: Bon, c'est ce que je voulais savoir.

M. MORIN: Moi, la seule chose que je dis, c'est qu'il faut un contre un, que vous mettiez un cadre X ou bien X, Y, Z.

M. LAPORTE: Une question; je m'excuse, ce sera quant à moi la dernière. M. Pepin a dit qu'il accepterait le bill 38, enfin, qu'il le trouverait moins coriace, je m'excuse, si nous acceptions d'y incorporer le document de travail des conciliateurs du ministère du Travail. Est-ce que la Corporation des mécaniciens en tuyauterie jugerait cette proposition acceptable?

M. MORIN: C'est sûr qu'au niveau des trente jours de négociations et au niveau de la commission parlementaire, il va être fait état de ce document. Nous ne sommes pas contre le fait que le document soit pris en considération comme les offres patronales et les demandes syndicales.

M. LAPORTE: Je m'excuse. M. Pepin dit: Prenez le bill 38, incorporez-y le document de travail des conciliateurs du ministère et nous allons le trouver moins indigeste. Est-ce que vos clients accepteraient que, demain, l'Assemblée nationale...

M. MORIN: Non.

M. LAPORTE: ... prenne le document des conciliateurs et l'incorpore?

M. MORIN: Non, parce que nous n'avons pu discuter de certains points que nous trouvons fondamentaux au niveau des employeurs, comme la syndicalisation des contremaîtres, etc., et sur lequel nous voulons quand même nous exprimer.

M. LAPORTE: Merci.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: II semble que vous ayez tout à l'heure expliqué que vous préféreriez faire des négociations à un contre un. Vous ne semblez pas aimer les combats par équipes.

M.MORIN: Ecoutez...

M. SAMSON: Est-ce que c'est cela qui se produit chez vous actuellement?

M.MORIN: Ecoutez, on ne se fera pas de cachettes. Les deux centrales syndicales ne s'entendent pas et les parties patronales s'entendent plus au moins.

M. SAMSON: Ah bon! Il y a une autre chose que vous avez expliquée, vous ne semblez pas trop pressés que cela se règle. Il paraît que vous êtes prêts pour six mois.

M. MORIN: Nous sommes très pressés que cela se règle. Moi, ce que je vous dis, c'est que si nous continuons comme cela, cela ne se règlera pas avant six mois.

M. SAMSON: Vous serez capables d'endurer cela pendant six mois?

M.MORIN: Ce n'est pas une question de capacité, c'est la question que nous n'avons pas le choix.

M. SAMSON: Si la loi vous est imposée, vous allez...

M. MORIN: La respecter.

M. SAMSON: ... probablement la respecter, mais parce qu'elle est imposée.

M. MORIN: Parce qu'elle est imposée.

M. SAMSON: Vous préférez ne pas avoir cette loi. Il semble que, selon vous, cela pourrait durer jusqu'à six mois. Mais vous n'aimez pas cette loi...

M. MORIN: Non.

M. SAMSON: Est-ce que vous avez d'autres moyens à nous suggérer, présentement, pour régler cela?

M. MORIN: Non, je n'en ai pas. M. SAMSON: Merci.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député du Saguenay. Ne partez pas, M. Morin, ne partez pas.

M. LESSARD: M. Morin, vous avez affirmé que vous auriez préféré que la négociation se continue au niveau des parties, selon ce qui est précisé dans le bill 290. Est-ce que vous voulez dire par là que si, par exemple, il n'y a pas entente dans trente jours, cela voudrait dire qu'on impose un règlement? Est-ce que vous pensez à ce moment que la situation recommence à zéro, et que, étant donné que l'accouchement sans douleur n'existe pas dans la construction et dans les négociations, ce serait pour cela, selon vous, qu'il aurait fallu continuer à laisser négocier les parties en cause?

M. MORIN: Si vous aviez laissé continuer les

parties en cause, la grève se serait perpétuée. Combien de temps? Moi, j'ai évalué cela à six mois. Est-ce qu'il y aurait eu un gagnant ou un perdant? Qui aurait gagné? Qui aurait perdu? Je ne le sais pas.

M. LESSARD: Oui, mais, M. Morin, vous avez affirmé que vous auriez aimé mieux que cela se continue. Pourquoi? Est-ce selon les normes du bill 290? Est-ce que c'est pour faire enfin un premier essai du bill 290? Parce que l'essai de ce bill n'a pas du tout été fait.

M. MORIN: Cela fait deux essais que nous faisons et cela ne marche pas.

M. LESSARD: Cela ne marche pas. Cela veut donc dire — comme je le demandais à M. Lebon, tout à l'heure — que vous croyez que dans trois ans, par exemple, il y aurait possibilité d'entente au niveau des parties?

M. MORIN: II faudrait un drôle de changement dans l'attitude des parties.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Bourget.

M. LAURIN : M. Morin, est-ce que vous êtes d'accord avec celui qui vous a précédé pour dire que les trente jours de négociations qui restent prévus seraient absolument inutilisables ou inutiles, ne pourraient absolument rien apporter?

M. MORIN: Je pense qu'on devrait tout de même essayer, mais il faudrait que la personne qui représente le ministère rende une décision rapide; on saura dans les deux ou trois premiers jours des négociations si cela amènera quelque chose ou si cela n'amènera rien. Si le représentant qui est là constate que cela n'amène à rien, qu'il fasse immédiatement intervenir la commission.

M. LAURIN: Mais vous, qu'en pensez-vous?

M. MORIN: Je pense qu'il reste encore certaines clauses sur lesquelles on n'a pas eu la chance de discuter.

M. LAURIN: Vous savez que, de toute façon, il n'y a pas de grève, il n'y a pas de lock-out, et que, de toute façon, le gouvernement interviendra en dernier lieu par un décret, ne pensez-vous pas que cela peut constituer un empêchement à l'utilité des négociations?

M. MORIN : Cela constitue un empêchement, comme l'arbitrage qui existait avant et qui amenait les parties à ne pas négocier véritablement.

M. LAURIN: Est-ce que vous seriez d'avis que l'annonce d'une législation et la présenta- tion d'une loi font perdre beaucoup de vigueur, de dynamisme auprès...

M. MORIN: Cela a arrêté les négociations.

M. LAURIN: Vous êtes d'avis que l'annonce d'une loi, en somme...

M. MORIN: Elle a arrêté les négociations. M. LAURIN: ... gèle les négociations.

M. MORIN: Sûrement.

M. LAURIN: Je vais répéter la question que j'avais posée à M. Pepin. Je ne sais pas si M. le député de Chambly me reproche de ne pas l'avoir posée à M. Lebon lorsqu'il s'est présenté. Avez-vous l'impression que la présence du ministre du Travail à la table des négociations peut s'avérer utile ou nuisible? Nuisible dans le sens qu'elle pourrait injecter de la politique partisane au niveau des négociations, et utile en raison du prestige qu'il peut avoir, de la force de pression plus ample qu'il peut avoir.

M. MORIN: Je m'excuse pour l'honorable ministre du Travail, mais je ne crois pas que sa présence puisse influencer de façon certaine les négociations, pas plus qu'un médiateur spécial.

M. LAURIN: Est-ce qu'elle peut être nuisible, est-ce qu'on peut lui reprocher...

M. MORIN: Je ne pense pas.

M. LAURIN: Vous ne pensez pas qu'on puisse lui reprocher ça. Est-ce que vous pourriez nous dire, selon vous, dans le champ particulier qui vous intéresse, les raisons qui ont conduit à l'impasse, puisque vous avez parlé d'une grève possible de six mois.

M. MORIN: Ce sont les demandes syndicales, notamment...

M. LAURIN: Lesquelles?

M. MORIN: ... sur les points suivants: la question de la syndicalisation des contremaîtres, la question de la parité des salaires, la question d'ancienneté, et la question des droits acquis et de la rétroactivité.

M. LAURIN: La syndicalisation des contremaîtres, la parité...

M. MORIN: La parité des salaires, l'ancienneté, la rétroactivité et les droits acquis.

M. LAURIN: Diriez-vous que, sur ces quatre points-là, il n'y a eu aucun progrès depuis le début des négociations en février?

M. MORIN: II n'y a eu aucun progrès.

M. LAURIN: Depuis février? M. MORIN: Depuis février.

M. LAURIN: Et vous n'entrevoyez aucun progrès sur ces quatre points que vous estimez majeurs?

M. MORIN: Pas à l'heure actuelle.

M. LAURIN: Maintenant, pourriez-vous nous dire si, lorsque nous discutons d'arbitrage, il vous parait préférable de consentir à un arbitrage gouvernemental plutôt qu'à un arbitrage plus usuel? Est-ce que vous considérez, par exemple, que l'arbitrage gouvernemental peut être plus souhaitable ou comporter plus de dangers?

M. MORIN: Je pense qu'un arbitrage individuel, à mon avis, serait plus souhaitable qu'un arbitrage gouvernemental.

M. LAURIN: Pourquoi?

M. MORIN: Je m'excuse pour les membres de cette digne Assemblée, mais je pense qu'une personne versée dans la matière des relations syndicales-patronales serait plus apte que l'Assemblée à rendre des décisions, si décision il y a à rendre.

M. LAURIN: Maintenant, quand vous dites qu'il y a eu deux essais sous l'égide du bill 290 et que ces deux essais se sont soldés par des échecs, est-ce que, l'an dernier, la grève ne s'est quand même pas réglé, après peut-être des négociations difficiles, mais est-ce que ça ne s'est pas réglé quand même après un certain temps?

M. MORIN: Ecoutez, l'an passé, si mon souvenir est fidèle, on a pris près d'une dizaine de mois pour régler seulement une question salariale et une question de sécurité d'emploi, deux questions.

M. LAURIN: Mais les grèves ont duré combien de temps l'an dernier?

M. MORIN: Neuf semaines à Québec, c'est la plus longue.

M. LAURIN: Considérez-vous qu'un règlement qui intervient après neuf semaines peut être considéré comme un échec?

M. MORIN: Non.

M. LAURIN: Alors pourquoi dites-vous que deux essais ont été faits et qu'ils se sont soldés tous les deux par des échecs?

M. MORIN: Parce que je tiens pour acquis, à l'heure actuelle, que la grève durera pas moins de six mois.

M. LAURIN: Oui, mais la première fois, quand même elle a duré neuf semaines et ça s'est soldé par une réussite.

M. MORIN: J'avais prévu trois mois.

M. LAURIN: Mais deux mois. Vous êtes pessimiste comme ça.

M. MORIN: C'est évident, je suis pessimiste.

M. LAURIN: Est-ce qu'il n'y a pas eu d'autres grèves...

M. MORIN: Je pense que le gouvernement est pessimiste aussi, parce que...

M. LAURIN: Oui, je suis bien d'accord avec vous.

M. MORIN: ... il était à la table des négociations depuis le début.

M. LAURIN: Est-ce qu'il n'y a pas eu, à votre connaissance, d'autres grèves de la construction ailleurs, au pays, qui ont pris quand même autant de temps, peut-être plus de temps à se régler et qui se sont soldées par des réussites?

M. MORIN: Vous, quand vous parlez de pays, là, ça me mêle un peu.

M. LAURIN: Je me rends compte qu'au fond vous êtes d'accord avec moi.

M. MORIN: Je représente la Corporation des maîtres-mécaniciens en tuyauterie.

M. LAURIN: Mais considérez-vous quand même que, dans les autres pays, ou parties de pays, il y a eu des exemples de négociations qui ont été peut-être longues mais qui ont quand même abouti, par d'autres moyens que des lois spéciales, à des résultats qu'on peut considérer comme des réussites?

M. MORIN: Oui, les lois spéciales sont toutes nouvelles, je pense, dans le domaine des relations de travail; est-ce qu'elles sont bonnes ou non? L'expérience va le démontrer. C'est une nouvelle tentative, je pense. Il y en a eu en Colombie, il n'y a pas longtemps.

M. LAURIN: Vous admettez donc que vous avez dépassé votre pensée quand vous avez dit qu'il y avait eu deux essais qui s'étaient soldés par deux échecs.

M. MORIN: Non...

M. LAURIN: C'est plutôt cette négociation-ci, où la grève ne dure que depuis à peine un mois, dont vous craignez qu'elle soit un échec, alors que la négociation de l'an dernier n'a pas conduit à un échec.

M. MORIN: A mon avis, c'est déjà un échec, en ce sens que les deux parties syndicales ne réussissent pas à s'entendre et que les cinq parties patronales ne réussissent pas non plus à s'entendre. Comment voulez-vous qu'il y ait entente après ça entre les parties syndicales et les parties patronales?

M. LAURIN: Là, c'est plutôt une prospective que vous faites.

M. MORIN: C'est sûr! C'est sûr, parce que, écoutez, cela ne fait que trois semaines qu'elles sont en grève.

M. LAURIN: Donc, ce n'est aucun fait. L'an dernier, cela a réussi et, cette année, c'est une prospective. Il n'est donc pas vrai que cela a été deux échecs.

M.MORIN: Les circonstances, l'an passé, à mon avis, n'étaient pas les mêmes. Il y avait entente au niveau patronal.

M. LAURIN : Mais cela a quand même réussi l'an dernier. On ne peut pas dire que ça n'a pas réussi l'an dernier.

M. MORIN: Disons que, l'an passé, il y a eu, à notre avis, du côté des employeurs, un règlement imposé. Cette année, les employeurs ont décidé de ne pas avoir de règlement imposé dans le sens d'une imposition...

M. LAPORTE: Je vous en prie, c'est la question que je voulais vous poser. Est-ce que la façon dont ça s'est réglé, l'an dernier, après deux mois de grève — je ne critique personne et ne porte pas de jugement sur les individus — ne rend pas cette année la solution plus difficile?

M. MORIN: A mon avis, c'est une des causes de la grève à l'heure actuelle.

M. LAURIN: C'est cela que je voulais éclair-cir. Voulez-vous préciser là-dessus?

M. MORIN: Je pense que, l'an passé, la réaction patronale, chez nous du moins, a été que le règlement, à cause de l'intervention directe du ministre du Travail, a été un règlement imposé. Les parties l'ont accepté, comme n'ayant pas le choix. Cette année, les parties patronales disent: On va aller au bout. Personne ne nous imposera rien, sauf...

M. LAURIN: Sauf le Parlement!

M. MORIN: ... le Parlement. Disons que les employeurs que je représente respectent encore le Parlement.

M. BERTRAND: Est-ce que, cette année — ce ne sera pas le Parlement — ça ne vous sera pas imposé par le gouvernement?

M. MORIN: Cela va être imposé par le gouvernement, mais en fonction d'une loi qui va lui donner le pouvoir de le faire.

M. LAPORTE: Et après des négociations qui seront publiques.

M. MORIN : Et après des délibérations. Sûrement.

M. LAPORTE: Est-ce que ce qu'on a reproché l'an dernier —,et encore une fois je prétends que c'était difficile — est-ce que l'une des choses que l'on a regrettées l'an dernier, ce n'est pas qu'il y ait eu du tordage de bras dans la coulisse?

M. MORIN: II y en a eu et beaucoup.

M. LAPORTE: Bon! Cette année les choses vont se faire publiquement; toutes les parties intéressées vont venir dire à la face de la province de Québec pourquoi elles sont contre telle suggestion et pourquoi elles sont en faveur. Est-ce que c'est un progrès sur l'an dernier?

M. MORIN: Cela va aider.

M. LAURIN: A ce moment-là, Me Morin, pourquoi, l'an dernier, si vous pensez qu'on vous a tordu le bras, n'avez-vous pas protesté publiquement? Pourquoi n'avez-vous pas fait connaître publiquement vos raisons? Pourquoi vous êtes-vous sentis forcés d'accepter de signer?

M. MORIN: II y a eu des protestations publiques dans les journaux l'an passé. Certaines associations patronales y ont déclaré que c'était un règlement imposé.

M. LAURIN: Mais de quoi vous menaçait-on, si vous ne signiez pas?

M. MORIN: Comme disait l'honorable ministre Laporte, cela a été fait en coulisse avec un petit nombre d'individus.

M. LAURIN: Mais j'imagine quand même que si vous avez signé, c'est que vous voyiez que c'était dans l'intérêt de votre groupe.

M. MORIN: Non.

M. LAPORTE: M. le Président, je voudrais bien qu'on ne fasse pas le procès de l'an dernier.

On nous a dit que ce qu'il s'agissait d'établir — et c'est une des choses que j'ai dites publiquement cet après-midi — était la façon dont la grève s'est réglée l'an dernier ou que la convention a été signée. Peut-être était-ce nécessaire. Encore une fois, je n'étais pas partie et je n'ai pas pris connaissance des dossiers, mais on m'a dit que c'est une des raisons. Enfin, on n'est pas pour se mettre à juger la convention de l'an dernier. On pourrait peut-être songer, à onze heures et quart, à revenir, moi-même et tous les autres, au bill 38 et à l'opinion du client que vous représentez, opinion que vous nous avez exprimée d'ailleurs fort clairement.

M. LAURIN: D a été à bonne école.

M. LE PRESIDENT: J'apprécierais que le député de Bourget...

M. LAURIN: J'ai terminé, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.

M. LEGER: Vous avez dit tantôt, Me Morin, que si la grève avait continué et que s'il n'y avait pas eu le bill 38 en perspective, la grève aurait duré au moins six mois et que, tout en n'étant pas heureux de la situation, vous auriez accepté que cela dure au moins six mois.

M. MORIN: Moi, je pense, après avoir eu des échos des assemblées patronales de la Corporation des maîtres-mécaniciens dans différentes régions, que les entrepreneurs de ces régions-là étaient prêts à subir une grève très longue. C'est le sens de mon intervention.

M. LEGER: Le bill 38, tout en ne vous satisfaisant pas, vous l'acceptez seulement par soumission au Parlement?

M. MORIN: Oui.

M. LEGER: Donc, vous n'étiez pas heureux des deux situations?

M. MORIN: C'est sûr que l'on ne sera pas heureux de l'une ou de l'autre des deux situations.

M. LEGER: C'est donc dire que vous auriez été heureux d'un bill 38 qui aurait été différent.

M. MORIN: On était en négociations assez souvent et je n'ai pas eu le temps de penser aux moyens législatifs de régler le problème.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Je demanderais au député de s'en tenir, autant que possible au sujet s'il vous plaît, étant donné l'heure et les circonstances. Je ne veux pas toutefois vous priver du droit de parole.

M. LEGER: De toute façon, il me reste une question, M. le Président. C'est la question que je posais à votre prédécesseur. Est-ce que vous calculez que le fait qu'on enlève avec le bill 38 le droit de grève et le droit de lock-out, cela équilibre le "bargaining power'" des deux côtés?

M. MORIN: Moi, j'ai toujours considéré que le droit de grève était plus fort que le droit de lock-out.

M. LEGER: Merci.

M. LE PRESIDENT (Bossé): L'honorable député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai simplement une question à poser à M. Morin, parce qu'il a fait une observation qui m'a surpris tout à l'heure. Il a dit, entre autres choses: Dans le domaine de la construction, il n'y a pas possibilité de s'entendre. Qu'on négocie et qu'on négocie, on ne s'entendra jamais. C'est la raison qui le fait plaider en faveur de l'intervention de l'Etat. Or, l'Etat détermine, quand même, un délai de trois ans par le décret qu'il sera appelé à adopter. Après cela, est-ce que cela veut dire, dans votre esprit, que cela va être encore la jungle qui va recommencer?

M. MORIN: II va falloir que le législateur se penche, à mon aivs, sur de nouvelles solutions et de nouvelles avenues pour la prochaine négociation.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'autre part, sans vouloir revenir de façon désagréable sur ce que vous avez dit, vous avez prétendu qu'on vous avait tordu le bras. Par ailleurs, vous avez dit que cela s'était fait en coulisse. Donc, vous ne pouvez rien affirmer à ce sujet-là. Ce sont des oui-dire, des ragots.

M. MORIN: Non, ce ne sont pas des oui:dire, ni des ragots.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais vous n'êtes pas capable de nous dire qui, comment cela s'est fait et de quelle façon cela s'est fait.

M. MORIN: Disons que...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Comment vous portez...

M. MORIN: ... je n'ai pas mandat, certainement pas ce soir en tout cas, de mes clients pour dévoiler des secrets...

UNE VOIX: D'accord, d'accord.

M. MORIN: ... que je pourrais avoir là-dessus.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, d'ailleurs, vous n'êtes pas devant un tribunal judiciaire, c'est évident. Mais, à toutes fins utiles, ce que vous avez dit tout à l'heure, ce sont des oui-dire.

M. MORIN: Vous n'êtes pas obligés de me croire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Maisonneuve. Je termine, M. Morin, avec le député de Maisonneuve, si vous voulez.

M. BURNS: En réponse à un de nos collègues, ici, M. Morin, vous nous avez dit que vous vous êtes senti tordre le bras l'année passée. J'ai de la difficulté à comprendre comment vous allez vous sentir tordre le bras un peu moins par un conseil de ministres qui va imposer des conditions éventuellement si, comme du moins votre autre collègue de la partie patronale semble le penser, tôt ou tard, c'est ce qui va arriver. Je ne vois pas la logique, là.

M. MORIN: Ecoutez, ce n'est pas une question de logique. En relations de travail, bien souvent, la logique, on passe à côté un peu. Cela va être aussi avec le bill 38 un règlement imposé. Cependant, étant donné que cela va venir de l'Assemblée nationale, si le bill est adopté, les parties, en tout cas la partie que je représente va se soumettre avec plus de grâce...

UNE VOIX: Plus facilement.

M. MORIN: ... et avec moins de rancoeur que si c'était un règlement imposé dans les coulisses, parce que toutes les parties auront l'occasion de s'exprimer.

M. LAURIN: Est-ce que ce serait, monsieur, parce que l'on va vous tordre le bras dans le bon sens, cette fois? Cela fera moins mal!

M. MORIN: II ne semble pas que ça va être comme ça.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Alors, nous tenons à remercier Me Morin et nous lui souhaitons d'heureuses négociations.

Au tour de M. Lefebvre.

M. MORIN: J'espère que je vais en gagner une, au moins!

M. Claude Lefebvre

M.LEFEBVRE: M. le Président, messieurs les membres de la commission, le code du travail ne prévoit que deux façons...

M. LE PRESIDENT (Bossé): Voulez-vous répéter, s'il vous plaît, qui vous représentez?

M. LEFEBVRE: Mon nom est Claude Lefebvre. Je représente l'Association provinciale des constructeurs d'habitations, ce qui touche le logement dans le Québec.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Vous pouvez procéder.

M. LEFEBVRE : Le code du travail prévoit que l'on règle nos différends par la négociation et que, si la négociation n'aboutit pas, on a recours à la force. Présentement, et cela, bien avant que le ministre du Travail annonce une législation d'exception, comme négociateur, je me suis rendu compte que la négociation était absolument inutile entre les parties. Parce que nous avions trouvé le fond du cul-de-sac dû à l'intransigeance d'une ou plusieurs parties, chacune prétendant avoir raison. Il reste que la seule façon, le seul mode de règlement qui était en existence, avant la présentation du projet de loi, était un règlement de force. Et si je veux imager mon exposé, je vous dirais que, dans le mariage forcé que le Parlement nous a donné par le bill 290, le mari bat sa femme ou la femme bat le mari et que le juge en instance dit: Madame, apprenez à boxer et réglez votre problème.

Quant à nous, nous représentons des intérêts particuliers et la négociation sectorielle touche quand même le secteur public. Le public est drôlement affecté par la négociation d'intérêt privé. A quel moment le Parlement peut-il intervenir, puisque lui aussi peut faire usage de force? Si le code du travail permet aux syndicats comme aux patrons d'user du droit de grève ou de contre-grève, la constitution permet au Parlement d'exercer, par une loi d'exception, un élément de force pour régler un conflit.

On a souligné avec à-propos que la grève n'a pas toujours été votée selon la volonté des salariés, peut-être pas de certains salariés d'une centrale syndicale, mais des salariés dans leur ensemble. Et comme partie patronale, nous ne comprenons pas que de nos employeurs qui ont à leur emploi des salariés qui disent vouloir travailler et qui, de fait étaient au travail par la menace, le chantage ou autre forme que vous connaissez, soient obligés de retourner chez eux. Quant à l'employeur, il est bien obligé de fermer son chantier. Vous avez, l'an passé, au cours de la grève, connu des actes de violence et les employeurs que je représente ont connu, dans la grève du mois de mai, des actes de violence. Il y en a qui ont perdu des bâtisses par le feu. L'an passé, il y a eu, dans une même journée, cinq dynamitages, probablement toujours par la faute des personnes tout autres que celles qui étaient concernées dans le conflit en litige. C'est bien beau de dire au ministère de la Justice de faire son travail, mais après un an, nous n'avons pas encore trouvé de coupables et nous n'avons pas pu empêcher ces actes. Il est vrai

que le mécanisme de la négociation entre cette partie est très difficile, si les parties ne sont pas de bonne foi. Si le seul argument que je puis opposer à une table est un argument de force, c'est inutile de négocier.

Le secteur que je représente est un secteur d'habitations, donc un secteur qui est drôlement affecté par toutes les augmentations salariales, principalement dans les régions sous-développées. Accepter des augmentations de 60 p.c. ou 80 p.c, comme le demande la CSN dans certaines régions, c'est absolument conclure à la fermeture de plusieurs chantiers, à la faillite de plusieurs employeurs qui ne pourront pas, demain, écouler leur marchandise. Notre marché est basé sur la consommation de Jos Toute-le-Monde.

A quel moment le Parlement doit-il intervenir? Vous avez à en juger. Qu'il me suffise de vous dire que nous avons à faire, d'ici l'automne, des mises en chantier d'une valeur approximative de $225 millions. Notre marché est conditionné par l'octroi de prêts. Le gouvernement fédéral a consenti, cette année, un déblocage dans la province de Québec. Dans notre secteur, si la mise en chantier ne se fait pas à l'automne et si nous manquons la saison d'automne, l'année est manquée. Encore là, c'est à vous de décider.

Quant à nous, nous avons souhaité une intervention du gouvernement. Nous l'avons même souhaitée quasiment dans les formes actuelles. Tout d'abord, je dois vous dire que les augmentations de salaires qui sont proposées dans le document 70 correspondent à peu près aux offres patronales et aux demandes syndicales du mois de mai 1970. On acceptait à l'époque, dans un document conjoint, les $0.25 — $0.25 — $0.25. Il est vrai que nous avons joui de quelques mois de répit, ce qui peut légitimer les $0.30 — $0.20 — $0.25. Quant à la clause de délégués de chantier, on ne peut pas dire qu'il n'y a plus de préférence d'emploi. Nous sommes justement de ces gens qui ont des petits chantiers. A la page 4 du document 70, vous pouvez lire qu'il y a quand même une préférence d'emploi sur tous les salariés qui ont été engagés après le délégué de chantier. C'est le syndicat qui le nomme. Il n'a qu'à choisir le plus vieux. De fait, s'il nomme un régulier, il y a complète préférence d'emploi.

Est-ce que dans deux mois nous aurions pu négocier, sans l'intervention du gouvernement? Comme je vous l'ai dit, nous en sommes rendus à l'épreuve de force et des employeurs de plusieurs régions veulent absolument subir le conflit actuel pour en arriver à un règlement. C'est une lutte de force, une lutte d'épuisement. Lorsqu'un député s'inquiétait de savoir pourquoi il y avait tant d'associations patronales, bien, je dois vous dire que l'Association provinciale des constructeurs d'habitations représente, quand même, dix associations locales et qu'à la table des négociations actuellement nous tentons un règlement à l'échelle provinciale. Ce qui est acceptable pour les constructeurs de Montréal peut fort bien ne pas être acceptable pour les constructeurs de Chicoutimi et certainement pas pour les gars de Drummond ou de Sherbrooke. Lorsque nous tentons d'établir des clauses à l'échelle de la province, c'est évidemment difficile.

Est-ce que, après l'adoption de cette loi, nous pourrons négocier de bonne foi pendant trente jours? Je vous avoue qu'après avoir entendu les parties qui m'ont précédé je deviens de plus en plus pessimiste. Cependant, quant à l'association, nous avons déjà tenu un conseil provincial et nous avons étudié positivement le document remis par les conciliateurs, celui du 28 juillet. Nous avons fait connaître aux conciliateurs nommés par le gouvernement notre position à ce sujet. Nous comptons négocier et nous espérons que les parties tenteront de bonne foi de négocier le rattrapage. Il est évident que le document de l'an passé prévoyait une formule qui semble inapplicable à une partie. Quant à nous, nous ne sommes pas enferrés dans la clause 7 de l'an passé. Nous sommes prêts à discuter de parité salariale dans certains secteurs de notre économie, mais, dans d'autres secteurs, nous jugeons que c'est tout à fait inacceptable présentement et certainement pas sur une base de trois ans.

Mais nous sommes quand même ouverts à la négociation et nous croyons que la bonne foi devrait primer. Mais dès l'application de la force, il est rare que je palabre, je m'arrange plutôt pour me battre moi aussi. A une table de négociations, c'est la même chose. Je ne suis pas sûr que trente jours seront suffisants. Je ne suis même pas sûr que ces trente jours vont donner quoi que ce soit. Mais dès le moment où on se rendra compte qu'on ne négocie plus de bonne foi, j'aime encore mieux la solution d'une commission parlementaire qu'une grève jusqu'à épuisement.

Il y aurait sans doute lieu, dans la période de trois ans qui va suivre le règlement, de reviser le bill 290 et de considérer que la négociation sectorielle peut peut-être arriver à une négociation par sous-secteurs. Il est évident que l'habitation n'a rien à voir avec les routes, qu'on parle deux langages différents, que les maîtres-mécaniciens en tuyauterie ont des priorités que moi je n'ai pas et que la CSN a des priorités que la FTQ n'a pas. Mais je ne pense pas qu'il y ait eu jusqu'à présent autre chose que des épreuves de force.

Il est évident pour les patrons que je représente que le bill 38 offre une solution. Solution pour nous, c'est vrai. Peut-être également une solution pour le bie.n commun. C'est à vous d'en juger. Quant à nous, le temps prévu ne change en rien le cours des négociations, et je m'explique.

Selon le document que j'ai ici, il semblerait que dans deux ou trois mois au maximum on en arriverait à une solution. Or, dans nos offres

salariales, il était évident que le rattrapage ne se faisait pas demain matin, que la première tranche se versait et que dans six mois seulement la section de rattrapage était effective. C'est donc dire que nous avons six mois pour négocier ou pour nous faire entendre. Est-ce que la commission est le meilleur tribunal? Ce ne sera certainement pas pire que l'an passé, certainement pas. Et je ne pense pas que le patronat y trouve un meilleur compte que le syndicat. Depuis que Salomon a parlé de trancher par la moitié, vous savez! Si j'étais convaincu que la négociation pouvait faire quelque chose, je vous proposerais même plus d'un mois, mais il faudrait que le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre mette immédiatement à notre service des économistes qui pourraient nous aider à calculer les coefficients économiques, parce que des disparités économiques, il y en a. Arriver au calcul d'un coefficient, peut-être que moi comme avocat je n'en suis pas capable, mais peut-être qu'un économiste y arrivera. Puis, s'il déclare forfait, il sera toujours temps de venir vous voir. Enfin, au fur et à mesure des questions, je pourrai peut-être développer. J'en ai suffisamment dit.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Merci, M. Lefebvre, de votre exposé. Y a-t-il des questions? Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Lorsque vous arrivez à une entente, lorsque vous avez une convention dans une région donnée, du moins vous faites une compétition à un même palier parce que tous les employés sont payés le même prix et votre produit, vous ne le conservez pas. Vous faites le lien entre le consommateur et le producteur, si je peux dire, parce que vous ne conservez pas les maisons que vous construisez.

M. LEFEBVRE: Nous tentons de ne pas les conserver, vous savez.

M. SAINT-GERMAIN: C'est ça. Donc, pour autant que tous les constructeurs paient leurs employés, ont des employés qui travaillent dans les mêmes conditions, la compétition se trouve à être juste. Vous défendez les intérêts des constructeurs. Quelle est la motivation? Puisque, en fin de compte, ce n'est pas vous qui payez les salaires ou les matériaux, vous les faites payer par vos clients. Quelle est la motivation qui fait que vous combattez si férocement les demandes des syndicats?

M. LEFEBVRE: Vous m'avez sans doute mal compris tout à l'heure lorsque j'ai dit que nous avions examiné de façon positive le document des conciliateurs du gouvernement. Ce qui fait que nous combattons dans certaines régions, c'est que c'est la mise en marché d'un produit. Si, demain matin, je produis une maison de $16,000 et que personne dans la région n'est capable de l'acheter, je suis un constructeur d'habitations, mais je n'en construirai pas longtemps. Et, comme vous le disiez tout à l'heure, je les garderai sur les bras pas mal longtemps. Cela veut dire la faillite.

Egalement dans les logements. Même les logements à loyer modique que la Société d'habitation du Québec tente de mettre sur le marché. Dans un document que j'ai vu, et même avec M. Pepin, nous discutions du prix d'un menuisier, dans la région de Drummond, s'il fallait accepter sa position, cela correspondrait à une augmentation de 80 p.c. et vous retrouvez cette augmentation à peu près généralement. Or, dans cette région, le coefficient entre le coût des matériaux et le coût de la main-d'oeuvre est d'environ 50-50. Alors que, dans d'autres régions, comme celle de Montréal, on peut descendre cela à peu près de 27 à 30. Dans cette région, cela veut tout simplement dire que l'augmentation d'une maison d'habitation est de 40 p.c, ou à peu près. Et si j'augmente les maisons de 40 p.c, il faut que la capacité de payer du locataire ou de l'acheteur, soit de 40 p.c. supérieure. C'est là qu'est le problème. Ce n'est pas le problème de la compétition avec les autres constructeurs d'habitations. C'est un problème de mise en marché.

Un autre problème vient se greffer également, parce que, dans notre industrie, il se fait du braconnage. Le braconnage se fait par des ouvriers de la construction, des salariés, qui deviennent entrepreneurs à tout moment. Parce qu'aujourd'hui, il n'y a rien qui puisse empêcher quelqu'un de devenir entrepreneur. Par exemple, M. X, qui est bien établi, qui a dix, ou quinze, ou vingt employés, paie les salaires, paie la sécurité sociale, paie les vacances, paie le temps et demi; et l'autre, à côté, s'en va avec son beau-frère et se donne comme raison sociale: "Jos Bleau et Associés". Lui déclare son beau-frère comme salarié, transige — tous les artisans font cela — travaille le soir à temps simple, même à un prix inférieur au décret, il n'y a personne pour le prendre. En fait, plusieurs de nos constructeurs se plaignent et disent : Nous faisons un tas de soumissions, mais c'est un tas de cultivateurs de la région qui les exécutent. C'est un problème.

Il est évident que, si on impose des conditions de rattrapage salarial, que nous suggérerons au Parlement d'adopter une loi sur le permis des entrepreneurs pour défendre à ceux qui sont véritablement des salariés de faire état d'être des entrepreneurs, les entrepreneurs-artisans chez nous, on aimerait bien s'en débarrasser, parce que ce sont de véritables salariés et ils viennent concurrencer avec les employeurs. Parce que, concurrencer avec un salarié, je ne pourrais absolument pas le faire, parce qu'il échappe à toute juridiction, à tout contrôle. Même à l'impôt.

M. SAINT-GERMAIN: Plus la main-d'oeuvre

est élevée, plus vous avez de braconnage, pour me servir du même terme, et plus vous avez une compétition illégale. C'est dire enfin que, dans ces négociations, en plus de défendre vos intérêts personnels, vous vous trouvez, par vos combats et par vos discussions, à essayer de tenir le prix des propriétés à la portée du Québécois à revenu moyen.

M. LEFEBVRE: Non seulement à revenu moyen, mais à revenu modique.

M. SAINT-GERMAIN: Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Pour terminer, le député de Lafontaine.

M. LAURIN: J'ai d'autres question aussi.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Ah! c'était pour le député de Bourget. Alors, le député de Bourget, pour terminer la série de questions.

M. LAURIN: M. Lefebvre, vous avez commencé votre exposé en parlant immédiatement de force. Est-ce à dire que pour vous, pour le groupe que vous représentez, la présence des conciliateurs était absolument inutile dès le départ?

M. LEFEBVRE: Absolument pas, ces gens-là nous ont bien aidés. D'ailleurs, la preuve en est faite, vous avez le document 69 qui représente quand même une grosse partie du travail.

M. LAURIN: Mais qu'est-ce qui vous fait dire que c'est, au départ, fondamentalement, de la façon la plus importante qui soit, une question de force et d'intransigeance?

M. LEFEBVRE: Au cours d'une discussion, je me souviens fort bien, où nous avons mentionné à M. Pepin que $1.40 de l'heure ce n'était quand même pas un coup de pied aux fesses, nous faisions une offre de $1.40, il nous a répondu: Nous demandons $2. On a dit: Pourquoi $2? Parce que j'en veux $2.

M. LAURIN: Est-ce que c'est ça que vous considérez la force et l'intransigeance, et uniquement d'un seul côté?

M. PEPIN: M. le Président, s'il est pour m'interpréter, je dois avoir le droit de parler.

M. LE PRESIDENT: C'est un droit légitime.

M. PEPIN: Moi, je lui ai expliqué que je voulais avoir la parité de salaires. Ce n'était pas la question d'avoir $2. Si la parité, c'est $2.25, j'aurais dit $2.25. Je voudrais bien qu'il parle pour lui-même.

M. LEFEBVRE: Si la parité équivaut à $2 et si M. Pepin a dit: Je veux la parité, pour moi j'ai compris qu'il voulait $2.

M. LAURIN: Je vous ai posé la question parce que, quand on entend parler de force et d'intransigeance, celui qui parle met toujours la force et l'intransigeance de l'autre côté, habituellement.

M. LEFEBVRE: J'ai bien mentionné que chacune des parties prétendait avoir raison. M. Pepin prétend avoir raison, comme nous, nous prétendons avoir raison.

M. DEMERS: Si c'est ça, vous avez tort tous les deux.

M. LEFEBVRE: Mais qui va régler, qui va dire qui a raison? Et je vous demande quel mécanisme avons-nous en main présentement pour savoir qui a raison? Et je vous le dis, le seul que nous avions en main, que nous avons en main même aujourd'hui, c'est la grève. C'est la grève qui forcera peut-être les employeurs à dire: D'accord, Pepin, tu as raison. C'est le seul mécanisme qui existe présentement.

M. LAURIN: Est-ce à dire que vous considérez que, depuis février, aucune des clauses majeures n'a vraiment été réglée par la négociation, et que ce que nous voyons dans le document sessionnel no 69, ce sont seulement des entremets, des hors-d'oeuvres ou des desserts, mais il n'y a rien qui soit vraiment le corps du repas là-dedans? Aucune des clauses majeures n'a été touchée?

M. LEFEBVRE: II est évident que plusieurs clauses majeures demeurent non paraphées, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu de progrès de fait. Et si vous regardez votre document no 71, sur les heures de travail, il y a eu de grands pas de faits. Sur le champ d'application professionnelle, c'est quasiment réglé. Sur le régime syndical, c'est presque totalement réglé. Il reste le régime surtout patronal à régler. L'installation des matériaux, je crois que ça été réglé ou à peu près, de toute façon les parties ont changé beaucoup. Et si je regarde toutes les clauses que nous retrouvons dans le document 71, il y a de grands progrès qui ont été réalisés.

M. LAURIN: Sur des points mineurs ou majeurs?

M. LEFEBVRE: Sur des points majeurs.

M. LAURIN: Quelles sont alors, selon vous, les raisons de l'impasse? Quels sont les points majeurs, en tout cas, sur lesquels vous avez l'impression qu'aucun accord n'est possible dans les conditions actuelles des négociations?

M. LEFEBVRE: Aucun accord possible? Vous savez, il y a une chose certaine, c'est qu'on va venir à un accord, même si c'est au bout de six mois. Eventuellement, il y a une partie qui va céder, mais c'est ce que je vous dis: Est-ce que vous acceptez que la force seule guide le règlement d'une convention collective, avec les répercussions économiques, dans le secteur public, qu'une telle grève peut avoir? Mais il y a une chose certaine, c'est que ça va se régler.

M. LAURIN: Je vais poser ma question autrement. Quels sont les facteurs qui, selon votre groupe, semblent justifier la continuation d'une lutte, puisque vous parlez de lutte, jusqu'à épuisement?

M. LEFEBVRE: Oh, je ne dis pas cela! Au contraire!

M. LAURIN: Vous avez mentionné: Nous sommes prêts à lutter jusqu'à épuisement.

M. LEFEBVRE: Bien, écoutez, il y a des gars qui vont perdre leurs culottes là-dedans. S'il faut signer une pétition de faillite, ils vont toujours "lutter" un peu.

M. LAURIN: Bien, justement, quels sont ces points majeurs qui, selon vous, justifient une lutte jusqu'à épuisement?

M. LEFEBVRE: Bien, dans certains secteurs, la parité salariale, dans une période de trois ans, entraîne la fermeture de, peut-être, 50 p.c. des entreprises, et ces entrepreneurs sont prêts à mener une lutte jusqu'au bout pour garder leur gagne-pain puisque ce sont de professionnels de l'industrie de la construction.

M. LAURIN: Est-ce qu'il y a d'autres points majeurs de cette importance?

M. LEFEBVRE: Je pense qu'il y a le salaire et l'ancienneté, qui est chez nous un problème qui diffère totalement de l'ancienneté dans les chantiers industriels. Si on propose une ancienneté par chantier, il est bien évident que ça nous affecte drôlement et aussi l'ancienneté auprès de l'employeur dans certains cas, surtout la question d'ancienneté et la question de rattrapage, mais je ne dis pas que c'est une question insoluble pour nous. Par exemple, je peux vous dire que, dans les régions de Hull, Québec, Montréal, une parité ou quasi-parité est concevable.

M. LAURIN: Vous avez dit aussi que vous n'êtes pas prêts à discuter de parité dans certains secteurs, mais sûrement pas pour trois ans. Quelle est la longueur de temps qui, selon vous, devrait être considérée d'une façon plus rationnelle?

M. LEFEBVRE: La longueur de temps est conditionnée par les augmentations du coût de production, en ce sens que nous serions prêts à absorber une augmentation d'environ 10 p.c. à 12 p.c. par année, ce qui équivaudrait, dans ces régions, à une augmentation d'environ 6 p.c. sur le coût de notre produit. Ce qui veut dire que, dans la région de Joliette, ça pourrait correspondre à une parité atteinte sur une période de quatre ans, d'autant plus que la région a des stimulants économiques présentement, que, dans des régions comme celles de Sherbrooke ou de Drummond, où l'industrie est à la baisse à cause des filatures et de l'industrie du meuble canadien, ça pourrait prendre plus de temps et il faudrait surtout tenir compte du rattrapage actuel durant cette période de trois ans d'une certaine disparité économique.

M. LAURIN: Est-ce à dire que, pour cela, M. Lefebvre, vous auriez quand même besoin de ce dont vous parliez dans votre suggestion, à savoir que le ministère vous fournisse les économistes ou autres spécialistes dont vous auriez besoin pour calculer les facteurs économiques objectifs dont on a parlé tout à l'heure, ainsi que les coefficients économiques à attribuer à chaque région par rapport à celui de Montréal, considéré, par exemple, sur la base de 100?

M. LEFEBVRE: Je crois sincèrement que des économistes, à ce stade-ci, pourraient nous être utiles dans les 30 prochaines journées de la négociation, je le pense. Ils pourraient nous guider et nous informer. Si eux viennent à la conclusion que les disparités que nous avons établies dans nos offres ne sont pas légitimes, on va les écouter avec les oreilles grandes ouvertes et de bonne foi, comme nous avons considéré le document des conciliateurs de bonne foi.

M. LAURIN: Considérez-vous maintenant — et ce sera ma dernière question — que, dans les circonstances, la loi 38 était absolument essentielle ou simplement utile, ou peut-être nuisible — non pas nuisible, vous avez dit que c'était bon,— mais absolument essentielle ou vraiment utile?

M. LEFEBVRE: Les intérêts particuliers, que je représente, trouvent que le bill 38 leur donne quand même un retour au travail, la possibilité de mise en chantier et une année de construction auxquels ils prétendent avoir droit. Maintenant, le bill 38, tout en nous satisfaisant, va peut-être à l'encontre de droits de certaines autres personnes, mais c'est à vous de juger jusqu'à quel moment l'exercice d'un droit va brimer le droit d'un autre.

M. LAURIN: Et comme arbitre, est-ce que vous préférez un arbitre gouvernemental ou un arbitre choisi selon les formules usuelles?

M. LEFEBVRE: II est évident que le dernier arbitrage auquel nous avons eu affaire ne nous a pas tellement satisfaits, nous, les patrons, et les syndicats non plus, je pense. La commission parlementaire, comme arbitre, n'a jamais été mise à l'épreuve. Cela vaut peut-être la peine de l'essayer une fois. De toute façon, elle est responsable devant le public et je pense que nous aurions intérêt à ce que le débat aille sur la place publique.

M. LAPORTE: Est-ce que vous jugez que le ministère du Travail vous a donné les services complets dont vous aviez besoin? Est-ce qu'il aurait pu faire plus pour régler le problème?

M. LEFEBVRE: Les conciliateurs ont fait leur grand possible. Ils ont fait un excellent boulot quant à moi. Quant à l'intervention directe du ministre, je ne l'ai jamais souhaitée et je ne la souhaite pas plus aujourd'hui.

M. LAPORTE: Vous avez de grandes chances d'être exaucé.

M. LE PRESIDENT (Bossé): L'honorable député de Chicoutimi voudrait poser une dernière question.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai écouté avec grande attention le plaidoyer fort intéressant de Me Lefebvre. Il a exposé son point de vue d'une façon qui peut être convaincante et il a argué du fait qu'une augmentation de salaires donnée aux ouvriers provoquerait des difficultés d'achat de ces maisons par des clients éventuels. C'est un argument, évidemment, qui se défend et qui se présente bien.

Mais, il a dit aussi que ces maisons-là, il les voulait — pas nécessairement toutes, tout dépend du type de maisons — pour des gens à revenu moyen. Est-ce que le fait de ne pas permettre aux ouvriers d'avoir des salaires plus élevés ne va pas nuire précisément au marché qui est le vôtre? Alors, il y a un équilibre à trouver, là. J'aimerais savoir quelle est exactement votre pensée là-dessus et comment vous conciliez les deux attitudes. Je comprends que vous voulez vendre des maisons; c'est normal, c'est votre métier. D'autre part, vous allez les vendre à des gens qui ne seront pas capables de les acheter, à des ouvriers, par exemple.

M. LEFEBVRE : Votre argument est très valable, M. le député. L'Association des constructeurs d'habitations ne demande pas que le salarié soit mal payé. Au contraire, notre plus grand marché, c'est justement le salarié et nous avons tout intérêt à ce que tous les salariés soient bien payés. Dans les régions de Sherbrooke et de Drummond, si les industries qui sont là payaient mieux leurs salariés — pour des raisons que je n'ai pas à discuter, parce que je ne négo- cie pas pour eux, mais je connais quand même un peu leurs problèmes — il est bien évident que je n'aurais pas les mêmes réticences aujourd'hui. Mais, il reste que nous avons à satisfaire des besoins. La Société d'habitation du Québec, comme le gouvernement fédéral, nous impose de construire des maisons à prix modique. Ils nous imposent même, aujourd'hui, de fixer à l'avance nos prix. Ils étudient nos plans, coupent dans les dépenses et nous engagent à un prix fixe dans une maison.

Je voyais, dans le journal de ce matin, qu'un consortium était formé pour étudier des logements à prix modique entre $13,000 et $16,000. Je peux vous dire que nous en produisons actuellement à $11,500. Je ne vois pas pourquoi ils se réunissent. Non, d'ailleurs, on a des farces comme ça. Vous savez qu'il y a une coopérative qui existe et qui loue à prix modique entre $125 et $175 par mois, avec des 6 p.c. d'intérêt, alors que nous, à 9 1/2 p.c., on peut construire mieux et louer entre $100 et $115. Cela arrive. Je peux également vous dire que, lorsque l'on parle de logements à prix modique, nous avons présentement $74 millions à construire strictement là-dedans. Ce n'est pas de la spéculation; on va bâtir, pour les professionnels, des logements à prix modique.

Vous avez, à Montréal, toute l'expérience qui se fait avec la Petite Bourgogne. Alors, on n'est pas contre les augmentations de salaires, au contraire. Nous vivons dans une société de consommation. Si j'offre un produit au consommateur, il faut qu'il ait les moyens de payer, et pour avoir les moyens de payer, il faut qu'il ait un bon salaire. Alors, je ne suis pas contre ça. Je ne suis pas en faveur de tenir le salarié au plus bas salaire, au contraire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Lefebvre, vous avez dit tout à l'heure que vous aviez réglé beaucoup de clauses en cours de négociations. Est-ce que, pour celles qui restent à régler, vous ne pourriez pas le faire de la même façon que vous l'avez fait auparavant? Il ne serait pas nécessaire, à ce moment-là, que l'Etat intervienne comme il veut le faire et selon les modalités qu'il a indiquées dans son projet de loi.

M. LEFEBVRE: Vous savez quand on...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qu'est-ce qui empêcherait, selon vous, que les négociations se poursuivent et aboutissent à des règlements comme ceux que vous avez évoqués?

M.LEFEBVRE: Bien, il faut comprendre qu'on négocie différemment lorsqu'on a le couteau sous la gorge et lorsqu'on ne l'a pas. Avec un droit de grève, je vais négocier différemment; je vais m'enligner sur une solution de force ou vers une capitulation.

Mais je ne peux pas m'installer et dire que je vais prendre six mois à négocier de bonne foi. Vous savez, lorsque quelqu'un d'en face est en grève, il y a des pressions qui s'exercent sur lui aussi. J'imagine que les ouvriers affiliés à la CSN exercent des pressions et qu'ils ont hâte eux aussi que le conflit se règle. Je ne pense pas qu'ils aiment ça être en grève, les gars. Les patrons non plus n'aiment pas ça. E arrive qu'on se parle différemment, qu'il y ait une attitude différente à la table des négociations. H arrive même qu'on ne se parle pas du tout, qu'on se parle par personnes interposées.

Il est bien évident que le conflit est bien différent. Et même comme association représentative, nous avons quand même à tenir compte de nos associations locales, et certaines associations locales ne sont pas touchés par la grève présentement. Elles ne veulent absolument rien savoir. Peut-être que dans 15 jours elles auront changé d'idée, peut-être que ce sera dans six mois mais, selon les avenues actuelles, je peux vous dire que dans certaines régions il y en a qui sont dues pour sécher.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, M. Lefebvre.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Je tiens à vous remercier, M. Lefebvre, de votre honnêteté, de votre franchise, comme les exposants antérieurs.

M. L'Heureux.

M. Réal L'Heureux

M. L'HEUREUX: Réal L'Heureux, président de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec. Je ne suis pas avocat, je représente un employeur...

M. LE PRESIDENT (Bossé): C'est une qualité.

M. L'HEUREUX: C'est simplement pour que mes remarques soient interprétées non pas comme un plaidoyer, parce que je ne sais pas plaider, mais simplement comme une réponse à trois questions assez précises. Deux d'entre elles ont été posées lors de l'ajournement du débat et la troisième, M. Laporte l'a posée ce soir.

Première question: Dans le conflit actuel, est-ce que toutes les procédures normales de négociations ont été utilisées? Quant à nous, les négociations actuelles ont passé par quatre étapes. La première étape, celle qui s'est terminée vers le début de mai, a été d'après nous une vraie négociation et la plupart des clauses que nous trouvons dans le document 69 ont été négociées de bonne foi par toutes les parties sans menace de grève ou autre durant ce temps.

La deuxième étape, quant à nous, c'est l'étape de la conciliation ou ce que j'appellerais — peut-être parce que je ne suis pas négociateur — la médiation. Elle a débuté avec le document du 8 juillet, avec l'intervention, à ce moment-là qualifiée de directe et solennelle, du gouvernement.

Nous avons connu immédiatement la troisième étape, la CSN se servant, à tort ou à raison, de cette intervention pour réclamer par législation ce qu'elle n'avait jamais pu obtenir par négociation collective, même dans des négociations privées, pour réclamer, dis-je, la parité de salaires. Et au même moment elle déclara une grève, populaire ou non, vous êtes en mesure de le constater par les questions et les réponses que vous avez obtenues.

Nous avons alors connu la quatrième étape qui s'est soldée par un refus. Parallèlement, la CSN a déclenché une grève, refusant systématiquement toute négociation.

Deuxième question, c'est-à-dire celle que j'ai comprise lors du débat de cet après-midi: Au stade actuel des négociations, est-ce qu'on considère qu'une loi d'exception est nécessaire pour mettre fin au conflit?

Malheureusement et bien que nous n'ayons jamais réclamé l'intervention du gouvernement — nous nous sommes même opposés vigoureusement à l'intervention du 8 juillet — nous devons constater que le gouvernement n'a pas d'autre choix à ce moment-ci. S'il réalise que la situation économique de la province de Québec ne peut tolérer un conflit tel que celui que nous connaissons dans le moment, nous devons admettre que le gouvernement n'a d'autre choix qu'un bill dans le genre du bill 38. Dans le climat actuel — et vous en avez une bonne idée d'après les trois dernières heures — des négociations et avec la complexité et les positions de chaque partie sur les clauses en suspens, nous ne pouvons entrevoir une solution ni immédiate, ni même prochaine.

Quant à la troisième question à laquelle M. Laporte nous a demandé de répondre, c'est-à-dire ce que chaque partie pense du contenu du bill 38, nous devons faire une mise au point. Le document 69 ne comprend pas des propositions patronales, mais dès propositions syndicales et patronales sur lesquelles tout le monde s'est entendu, sauf celles des délégués de chantiers, auxquelles la CSN a participé, mais qu'elle n'a pas paraphées pour des raisons que je ne connais pas.

Une des clauses que la partie syndicale qui a parlé jusqu'à maintenant voudrait voir insérer dans le bill 38 est la question d'ancienneté. A ce sujet, j'aurais certains commentaires. L'an dernier, nous avons subi une grève de neuf semaines, parce que la CSN prétendait que la seule façon équitable de travailler pour ses employés était des bureaux de placement. A ce moment-là, elle a obtenu une forme de bureau de placement que nous connaissons par le jugement Gold. A ce moment-ci, elle dit qu'en plus, cela lui prend l'ancienneté.

L'idée des bureaux de placement, si j'ai bien compris l'argument de la CSN l'an dernier, était que tous les permanents et les réguliers de la

construction travaillent également et puissent avoir un revenu convenable. Aujourd'hui, elle nous demande que le premier engagé soit le dernier mis à pied. A ce moment-là, je me demande de quelle façon la moyenne de salaire va se faire. De plus, étant donné que nous ne pouvons contrôler ceux que nous allons engager, nous ne pourrons plus contrôler ceux que nous allons laisser aller, et les critères de compétence n'auront, à toutes fins pratiques, aucune valeur. C'est-à-dire que le premier type qui va entrer au chantier, va pouvoir mentionner aux autres qu'ils ont beau travailler tant qu'ils voudront, celui-là va être le dernier à partir, pour autant qu'il rencontre un certain minimum.

Est-ce que nous avons réclamé le bill 38? Non. Est-ce que nous allons l'accepter? Nous n'avons aucun choix. Nous allons le subir. La CSN a aussi demandé la parité salariale. Nous représentons, en grande majorité, les constructeurs de routes de la province. A cet effet, nous n'avons qu'un client, le gouvernement, donc les contribuables. Nous ne sommes qu'un agent, nous n'exportons pas notre produit. Nous le vendons à un seul gouvernement, par système de soumissions. Si le gouvernement juge qu'il a les moyens de plus que doubler les salaires actuels, qui représentent de 30 p.c. à 40,p.c. du budget du ministère de la Voirie, c'est à lui de le décider. Nous, nous prétendons avoir un rôle autre que celui de faire de l'argent. C'est à ce titre que nous avons fait les représentations vigoureuses que nous avons faites le 10 juillet. Ce sont les seules remarques que j'avais à faire. Je suis prêt à répondre aux questions.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Merci, M. L'Heureux. Le député de Montcalm.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, le représentant de l'Association des constructeurs de routes vient de nous exposer clairement une partie importante de ce problème. Finalement, c'est le gouvernement, s'il n'y a pas entente entre les parties, qui fixera la convention collective ou les décrets entre vos employés et vous-même. Votre seul patron, votre seul client, c'est le gouvernement. Vous avez laissé entendre tout à l'heure quelques chiffres. Par exemple, vous estimez entre $40 millions et $50 millions les travaux de voirie pour le secteur des salaires et vous dites que les augmentations de salaires immédiates vous imposeraient des dépenses supplémentaires de l'ordre de $10 millions à $13 millions dont, finalement, vous enverriez le compte à votre client, le gouvernement. Ces augmentations affecteraient également tous les ministères faisant des immobilisations directement, soit les ministères des Travaux publics, des Richesses naturelles, la construction de barrages, le ministère de l'Agriculture, l'Hydro-Québec et évidemment, le ministère de la Voirie.

Or, d'après les estimations, on peut considérer qu'il y a environ $160 millions d'immobilisations dans le budget. Cela comprend presque $50 millions de salaires. Les augmentations pourraient porter ces salaires à $90 millions et à $110 millions à la fin du décret. Le budget n'étant pas élastique, ne croyant pas, d'autre part, que vous accepterez, vous les entrepreneurs de routes et d'autres travaux publics, d'assumer ces dizaines de millions, est-ce que vous considérez que ce n'est pas de la part du gouvernement être une partie très liée au contrat que de s'intituler arbitre? Considérez-vous que vous allez subir au Québec une diminution d'immobilisations de l'ordre de $40 millions, $60 millions, ce qui augmenterait le chômage au Québec, ou si vous estimez qu'il serait plus normal de la part du gouvernement d'augmenter ses sources de revenus pour vous payer, c'est-à-dire de lever des impôts de $40 millions ou de $60 millions? J'aimerais vous entendre exposer vos idées sur cette petite question.

M. L'HEUREUX: Simplement une mise au point. Notre association représente des constructeurs de routes à peu près pour 40 p.c. du volume de ses membres et 60 p.c. sont des entrepreneurs de grands travaux.

Il est évident que le gouvernement, dans le cas actuel, va être appelé à financer les routes, comme il l'a toujours été. Il est évident que les $40 à $50 millions que vous mentionnez devront être absorbés par la voirie. Comme le budget n'est pas élastique — on l'a déjà mentionné dans un mémoire, on en convient — il est fort probable qu'une réduction correspondante du montant des travaux va s'ensuivre et qu'à ce moment-là ça va augmenter le chômage. Vous avez répondu à votre propre question et je ne puis que la confirmer.

M. MASSE: Je retiens votre réponse et je pense bien que d'autres la retiennent également que l'on peut s'en aller vers une augmentation du chômage ou des impôts. Est-ce que, partant de là, vous trouvez normal que, dans le projet de loi, ce soit finalement le gouvernement, qui est partie liée à tout ça, qui arbitre alors qu'on pourrait fort bien le voir assis à la table des négociations, puisqu'il est très intéressé par cette question?

M. L'HEUREUX: Le gouvernement n'est pas un entrepreneur. Le gouvernement est un donneur d'ouvrage, comme certaines compagnies industrielles le sont. Je verrais très mal la compagnie Esso, parce qu'elle possède plusieurs raffineries dans la province, s'installer à la table des négociations. De même, je verrais très mal le gouvernement s'ingérer à la table des négociations. Plusieurs clauses sont négociées, qui sont des clauses normatives, des droits de

gérance et qu'un médiateur qui serait simplement intéressé aux clauses pécuniaires pourrait donner justement pour sauver certaines clauses salariales. A ce moment-là, on ne peut pas voir le gouvernement comme partie négociatrice.

M. MASSE: Mais, vous ne trouvez pas, par contre, étrange que le gouvernement arbitre soit en même temps celui qui va avoir à payer une partie de son arbitrage?

M. L'HEUREUX: Ecoutez, dans le conflit actuel, tout est étrange. Maintenant...

M. MASSE: Même ça.

M. L'HEUREUX: ... est-ce que le gouvernement a un choix? C'est la question qu'on s'est posée. A ce stade-ci, après avoir vu les négociations se détériorer au point où elles sont, je me demande quel choix le gouvernement peut avoir.

M. MASSE: Une dernière question. Est-ce que vous vous attendez à ce que le gouvernement rajuste les contrats qu'il a avec les entrepreneurs, que ce soit dans le domaine de la voirie ou dans le domaine des travaux publics, en tenant compte de l'arbitrage qu'il aura peut-être été appelé à faire?

M. L'HEUREUX: Je vais prendre quelques minutes pour répondre à cette question. Dans le secteur des routes, il y a un problème supplémentaire à celui que nous connaissons pour les autres secteurs, c'est-à-dire que les contrats de routes étaient soumis à ce qu'on appelait une cédule des justes salaires. Ce n'est pas un phénomène du Québec; ça existe en Ontario, ça existe encore. Les taux payés en Ontario sont comparables à ceux qu'on paie maintenant dans la province de Québec.

D'après ce qu'on comprend du bill 290, la cédule des justes salaires disparaît. A ce moment-ci, une parité absolue voudrait dire qu'automatiquement des taux de salaires changeraient demain matin entre $1 et $1.25, ce qui existe actuellement entre le décret et la cédule.

Dans toutes les demandes de soumissions, les documents mentionnaient que l'entrepreneur devait baser ses salaires sur la cédule des justes salaires. Naturellement, pour cette partie du rattrapage, parce que le client, lui est aussi législateur, nous a fait soumissionner un prix fixe et change après cela les conditions pour lesquelles nous avons soumissionné ce prix, le législateur ne peut s'attendre à bénéficier de l'aubaine qui a été ainsi réalisée au détriment de l'entrepreneur.

Pour la deuxième partie, c'est-à-dire la partie que nous négocions nous-mêmes, la partie qui comporte les $0.30 actuels et le rattrapage entre décrets, celui que nous avons offert, nous ne nous attendons pas que le gouvernement paie cette partie parce qu'elle résulte d'une négociation entre deux parties. Est-ce que cela répond à votre réponse?

M. MASSE (Montcalm): D'accord.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Merci, M. L'Heureux.

M. LAPORTE: Une question très brève. Est-ce que vous eussiez souhaité, pour hâter les négociations, si cela avait eu cette conséquence, la présence du ministre du Travail à la table des négociations?

M. L'HEUREUX: Aucunement.

M. LAPORTE: Est-ce que je peux aller plus loin? Est-ce que vous souhaitiez plutôt qu'il n'y soit pas?

M. L'HEUREUX: C'est ce que l'on vous a dit dans La Presse, et ce que l'on vous a répété personnellement. C'est ce que je dis aujourd'hui.

M. LAPORTE: C'est ce que vous dites aujourd'hui. Est-ce que d'autres parties à la négociation ont affirmé que le ministre a peut-être manqué à son devoir, qu'il aurait facilité la négociation, l'aurait peut-être rendue plus souple et qu'il aurait peut-être provoqué la solution du problème en étant présent à la table des négociations? Est-ce que vous partagez cet avis?

M. L'HEUREUX: Du tout.

M. LAPORTE: Au moins, cela, c'est clair. Deuxièmement, M. Pepin a déclaré que le bill 38 serait moins inacceptable si le législateur consentait à y introduire le document de travail des conciliateurs. Est-ce que vous jugez que le bill 38, quant à vos clients, quant à vous, serait plus acceptable avec le document de travail des conciliateurs?

M. L'HEUREUX: Aucunement. Le bill 38 actuellement contient tout ce qui a fait l'objet d'une entente. Les autres clauses que les conciliateurs nous ont fournies, malheureusement, sur les points primordiaux qui sont les mêmes que ceux des maîtres-mécaniciens, ne nous satisfont aucunement.

M. LAPORTE: Alors, je dois conclure que vous seriez très opposés... Je vais poser une question pour ne pas être trop subjectif: Est-ce que vous croyez que le groupe que vous représentez se serait opposé à ce que nous introduisions dans le bill 38 le document des négociateurs?

M. L'HEUREUX: Certainement.

M. LAPORTE: Mon avant-dernière question: Est-ce que votre groupe croit que la négociation, telle qu'elle procédait, avait quelque chance d'aboutir à des résultats définitifs dans un avenir prochain?

M. L'HEUREUX: J'imagine que votre question est la suivante: Est-ce que, au moment où vous avez convoqué la session, est-ce que, à notre avis, les négociations étaient profitables? Non.

M. LAPORTE: On peut peut-être laisser supposer que c'est le fait que nous ayons convoqué une session qui a compliqué la négociation. Supposons que le gouvernement n'ait jamais convoqué de session, est-ce que vous pensez que, dans l'état de la négociation, telle que vous l'avez vécue depuis février, il y aurait eu lieu d'imaginer une solution prochaine?

M. L'HEUREUX: Comme je l'ai dit tout à l'heure dans mon exposé, après la supposée intervention du ministre, le 8 juillet, il n'y avait plus aucune négociation possible.

M. LAPORTE: Cela prenait nécessairement, à votre avis, ce que nous faisons aujourd'hui pour espérer une solution prochaine?

M. L'HEUREUX: Je ne vois pas d'autre possibilité qu'une loi d'exception.

M. LAPORTE: Si vous excluez cette intervention du ministre, évidemment, que je serai libre de discuter aussi longuement que je le voudrai en temps utile, est-ce que vous croyez que le ministère du Travail, par ses conciliateurs, par la façon don ils ont agi quant à votre groupe, aurait pu faire plus, auraient pu faire mieux, ou auraient pu faire différemment pour faciliter la négociation?

M. L'HEUREUX: On parle de cette année; cette année, nous sommes très satisfaits du travail des médiateurs, nous n'avons rien à leur reprocher.

M. LAPORTE: Bon, sans jurer encore une fois des individus, que je ne connais pas pour la plupart, ceux de l'an dernier au moins, est-ce que vous croyez que la façon dont la négociation s'est faite l'an dernier a pu contribuer à rendre la négociation de 1970 plus difficile?

M. L'HEUREUX: En fait, l'an dernier, on n'a rien réglé. Tout ce qu'on a fait, ç'a été d'acheter un règlement à gros prix et de reporter tous les problèmes à cette année. On renie même ce sur quoi on s'est entendu.

Je parle, entre autres, de la clause du coefficient économique.

M. LAPORTE: Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Vous avez dit, tout à l'heure, qu'en tout ce qui regarde la main-d'oeuvre, vous aviez simplement refilé la facture à votre seul client, le gouvernement. Dans ces conditions, est-ce que le coût de la main-d'oeuvre devient dans ces négociations un facteur de prime importance pour vous ou si ça prend un aspect secondaire dans ces conditions?

M. L'HEUREUX: Non, quant au coût de la main-d'oeuvre, nous représentons une industrie qui a l'idée d'être en affaires un bon bout de temps. Nous ne sommes donc pas concernés seulement par les effets immédiats, c'est-à-dire par un règlement acheté comme celui de l'an dernier. Nous voulons que notre industrie ait une chance de survivre et nous ne croyons pas qu'en doublant le coût des routes, ça soit la façon dont notre industrie et nos employés vont survivre.

M. SAINT-GERMAIN: Puisque vous défendez dans ces négociations des intérêts qui sont directement rattachés aux intérêts gouvernementaux, est-ce que vous vous sentez jusqu'à un certain point le porte-parole du gouvernement?

M. L'HEUREUX: Nullement.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Bourget.

M. LAURIN: M. L'Heureux, vous avez dit tout à l'heure que, de février à mai, les négociations s'étaient poursuivies normalement et avaient apporté beaucoup de progrès. Vous dites que c'est à partir de la présentation du document du 8 juillet et de l'intervention du gouvernement que les négociations ont commencé à se détériorer. Est-ce que vous pourriez nous dire exactement ce qui, ou dans le document ou l'intervention du gouvernement, a, selon vous, amené une détérioration des négociations?

M. L'HEUREUX: C'est qu'à partir de ce moment, la CSN a senti encore là, à tort ou à raison — ce n'est pas à moi de juger — que le gouvernement...

M. LAURIN: Mais qu'est-ce qui a fait sentir à la CSN?

M. L'HEUREUX: En fait, vous étiez probablement en Chambre...

M. LAURIN: J'aimerais ça que vous me donniez votre version.

M. L'HEUREUX: II faudrait vous référer au journal des Débats du 8 juillet. A ce moment-là, le journal disait — je ne sais pas si c'était l'esprit

dans lequel ç'avait été dit — que le ministre faisait une intervention solennelle et directe en faveur d'une parité salariale, sans expliciter.

Le lundi suivant, la région du Saguenay se mettait en grève. Une des remarques que j'ai lues encore là et qui ont été rapportées dans le Soleil, sous la plume d'un M. Tremblay, du Saguenay, disait que le ministre leur avait donné un solide coup de main.

A ce moment, le processus irréversible d'un déclenchement de grève était parti.

M. LAPORTE: Juste une question. Est-ce que vous croyez vraiment que, si le ministre n'avait pas fait cette déclaration-là, il n'y aurait pas eu de grève? Vous croyez ça sérieusement?

M. L'HEUREUX: Monsieur le ministre, je ne pourrais pas répondre à ça.

M. LAPORTE: Non, vous aimez mieux ne pas répondre, j'imagine.

M. L'HEUREUX: Non, tout ce que je peux dire...

M. LAPORTE: C'est hypothétique, je m'excuse, le règlement m'interdit même de vous le demander, c'est hypothétique.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela ne vous a pas donné un solide coup de main.

M. L'HEUREUX: Même si c'est une question hypothétique, j'aimerais y répondre tout de même, il ne s'agit pas ici de faire de personnalité, de reprocher au ministre ce qu'il a fait. Je suis certain que ça n'a pas été fait dans un mauvais esprit et certainement pas dans l'esprit que la CSN a décidé d'y attacher.

Maintenant, ce que je trouve fantastique, du moins de M. Pepin, c'est que, aussi tôt qu'en avril, M. Pepin réclamait une extension des décrets, c'est-à-dire une mesure législative pour prolonger les décrets d'un mois. D'après lui, s'il était pour y avoir une grève, il aimait mieux la prendre quand ça nous faisait mal, c'est-à-dire au début de juin plutôt qu'au début de mai. Dès que le gouvernement est entré au pouvoir, je crois que le premier représentant qu'il a reçu est un M. Carré, justement pour demander une session d'urgence, réclamant encore là l'intervention du gouvernement. A ma connaissance, les patrons n'ont pas eu de rencontre avec le ministre du Travail, du moins notre partie patronale, avant le 8 juillet.

M. LAPORTE: II n'y a pas eu de session non plus.

M. L'HEUREUX: Non. Je suis d'accord. Je veux simplement vous rappeler que, lorsque la déclaration du 8 juillet est arrivée, c'était, quant à moi, l'occasion attendue par la CSN pour dé- clencher des grèves. Avant ça, on nous avait menacés. Les négociations étaient suspendues, à toutes fins pratiques, depuis le début de mai. Bien qu'on ait siégé une couple de semaines en mai, il n'y avait pas de grève. Maintenant, ça ne veut pas dire qu'il n'y en aurait pas eu, mais il n'y en avait pas.

M. LAURIN: Avez-vous l'impression que si cette délcaration, au lieu d'être faite en Chambre, avait été faite à une séance de négociations, en présence des seuls délégués assis à la table des négociations, elle aurait eu le même effet de détérioration que celui que vous nous décrivez maintenant?

M. L'HEUREUX: Toute déclaration d'un ministre, qu'elle soit faite en Chambre ou à une table des négociations... Un ministre ne peut s'asseoir à une table de négociations comme observateur. Il doit s'asseoir là et prendre part au débat. A ce moment-là, tout le monde sait qu'un ministre a un très lourd poids, on s'en est rendu compte l'an dernier à la table des négociations. Que M. Laporte ait fait ça sous forme de déclaration ministérielle, sous forme de conférence de presse ou à la table des négociations, je pense que l'effet aurait été le même parce qu'en fait on attendait cette occasion, en ce qui me concerne.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: J'aimerais poser une question à M. L'Heureux. Si j'ai bien compris, tantôt, votre intervention, le bill 38, vous ne le vouliez pas, vous avez même dit que vous auriez à le subir. Autrement dit, ça ne fait pas votre affaire qu'on arrive avec un bill, si je comprends bien. Est-ce exact?

M. L'HEUREUX: Oui. Ce que j'ai dit c'est que nous n'avons pas à discuter le contenu du bill puisqu'en fait le contenu actuel ne contient que ce qui a été convenu, même les $0.75 répartis sur trois ans; c'est une proposition que nous avions faite, qu'un document qu'on nous avait remis en mai accepté de la part des syndicats. Ce qui nous fait mal, c'est ce que nous ne connaissons pas. C'est le rapport de conciliation qui, d'après moi, peut être influencé par toutes sortes de choses sauf les arguments, c'est ce que le rapport de conciliation peut recommander, et c'est ce qui nous inquiète, c'est-à-dire le contenu.

M. SAMSON: Au moment où il a été question du bill 38, vous étiez en négociations et il y avait grève. Selon vous, si on retourne au travail lundi matin, est-ce que cela vous met dans une meilleure situation pour tenter d'en venir à une entente pendant les 30 jours qui vont suivre, le fait que les gens sont au travail, ou si vous pré-

féreriez, par exemple, continuer à négocier dans le contexte actuel de la grève?

M. L'HEUREUX: Pour négocier à une table où il y a sept parties, il faut que les sept veuillent négocier. Vous avez entendu les représentants du premier groupe syndical vous expliquer que pour leur part, tout ce qu'ils pouvaient consentir à une table de négociations, dans l'état actuel des choses, à toutes fins pratiques, leur rebondirait au visage dans un mois d'ici. A ce moment-là, je crois que ça répond pas mal à la question au nom des sept.

M. SAMSON: Partant du fait qu'il ne semble pas possible de continuer de négocier, selon ce que vous me dites, parce que vous n'aimez pas ce que le gouvernement présente, c'est-à-dire le bill 38, est-ce que vous avez quelque chose d'autre comme solution à suggérer?

M. L'HEUREUX: Disons que le droit primordial qui est brimé dans le bill 38 est le fait qu'on enlève, d'après les syndicats, le droit de grève. Maintenant, moi, comme employeur — je n'ai pas consulté mon association là-dessus — je suis d'accord. En fait, ce n'est peut-être pas une excellente chose. L'amendement de M. Bertrand, ou du moins ce qui a été proposé ici, c'est-à-dire un vote de grève sous l'égide du ministère du Travail où les travailleurs seraient renseignés non seulement sur les demandes syndicales, mais sur les offres patronales et sur les raisons pour lesquelles ces offres patronales sont faites, la capacité de payer, différentes considérations que ces types peuvent comprendre, pour répondre à votre question, je verrais certainement une solution comme l'imposition du bill 38, avec une augmentation immédiate sans les deux dernières et une suspension temporaire ou un délai de, peut-être, un, deux ou trois mois.

A ce moment-là, les parties retourneraient en négociations. Aucune menace de régler la grève pour elles au bout de deux mois. On les remettrait au travail et on leur donnerait un délai qui peut être convenu, je ne sais pas. On ne laisserait pas planer sur leur tête un règlement imposé, parce qu'à ce moment-là on n'a pas d'autre solution que de se retrancher dans ses positions surtout si on s'aperçoit que, de l'autre côté c'est ce qui arrive.

M. SAMSON: Maintenant, vous avez dit que la proposition de M. Bertrand vous plairait comme solution. Evidemment, là, ce n'est pas possible, la grève est déclenchée. Si la proposition de M. Bertrand avait été mise en pratique avant, cela aurait peut-être changé le contexte, mais est-ce que vous pouvez nous offrir une autre solution aujourd'hui?

M. L'HEUREUX: Ecoutez, je ne pense pas être capable, disons dans quelques minutes, d'offrir une solution alors que tous les fonctionnaires du ministère du Travail ont travaillé pendant un certain temps. Je vais essayer de résumer les objections de tout le monde. Dans le moment, il est impossible de continuer à moins de mettre sérieusement en péril l'économie de la province. Il y a trop de clauses à discuter, trop de travail reste à faire; il y a la classification de métiers qui va influencer les taux. Il ya une foule de choses qui ne sont pas réglées. Ce que je veux dire, moi, c'est que je verrais une suspension temporaire du droit de grève ou de lock-out, une augmentation immédiate pour que les travailleurs ne soient pas pénalisés pendant cette période, un délai de deux mois au bout duquel nos offres finales, à ce moment-là, si on n'en est pas venu à une entente, seraient expliquées aux syndiqués. A ce moment-là, un vote de grève serait pris. Il est bien clair que, si les syndiqués acceptaient les offres que leurs négociateurs ont refusées, bien, un règlement pourrait certainement se négocier assez rapidement après et, vice versa, si on s'apercevait que réellement c'est ce que veulent les syndiqués, eh bien, on verrait s'il y a moyen de renégocier.

M. SAMSON: Mais, dans le cas présent où il est question du bill 38 et où il sera question, dans les 30 jours, de la convocation d'une commission de l'Assemblée nationale pour entendre les différends, ce qui équivaut à l'arbitrage, est-ce que vous préférez que cela soit la commission gouvernementale ou si vous préféreriez, considérant qu'il faut aller là si le bill est adopté, l'arbitrage?

M. L'HEUREUX: Comme je vous le dis, si on se reporte au début de mai l'an dernier, cela fait quinze mois que tout le monde négocie. On n'est pas sûr d'avoir saisi encore tous les côtés du problème, toutes ses implications, tous les bills qui vont déborder sur le bill 290, tels que le bill 49, le bill 51, les reclassifications, les cartes de compétence. Je vois très mal une commission parlementaire, si bien choisie soit-elle, siéger à moins d'avoir de très bons, de très forts conseillers. Pour ma part — encore là, c'est une question que vous me posez à brûle-pourpoint — je verrais mieux un groupe de trois experts, peut-être, quelqu'un qui est déjà averti de nos problèmes, comme arbitre. Je vois très mal un député avec tous ses autres problèmes essayer de comprendre et d'apporter un jugement objectif sur tous les problèmes qui existent actuellement dans la construction. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. SAMSON: Merci.

M. LE PRESIDENT (Bossé): L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, la question que

je voulais poser a été posée par le député de Rouyn-Noranda, probablement un éclair temporaire de génie de sa part.

M. SAMSON: M. le Président, c'est parce que je m'étais tourné momentanément vers lui.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Je vois qu'il y a des coalitions.

M. SAMSON: Merci, M. L'Heureux.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Je remercie M. L'Heureux pour sa généreuse collaboration et j'inviterais Michel Dion à prendre la parole.

M. Michel Dion

M. DION: M. le Président, messieurs les membres de la commission, ma fédération a jugé bon de déléguer un sous-ordre pour prendre la parole en son nom. J'espère que cela ne déplaira pas au ministre du Travail. Nous serions intéressés à vous faire connaître spécialement...

M. LE PRESIDENT: Excusez-moi. Auriez-vous l'obligeance d'identifier à nouveau la fédération que vous représentez?

M. DION: Je vais faire mieux que ça, je vais vous dire ce que nous représentons réellement: 18 associations. La Fédération de la construction du Québec est un organisme qui groupe des associations à travers toute la province. Ces 18 associations groupent plus de 3,000 membres, 3,000 employeurs dans la province. C'est donc dire que nous calculons représenter dans nos rangs au moins le tiers des employeurs qui pourraient être engagés dans la construction.

La fédération voudrait vous faire connaître surtout — et je pense que cela a été le but de la commission parlementaire — son point de vue par rapport au projet de loi qui est actuellement devant l'Assemblée nationale. Le projet de loi, bien sûr, nous ne pouvons pas vous dire que nous sommes d'accord sur sa présentation, parce qu'il manifeste une intervention du gouvernement. Et ces interventions —je pense que cela a déjà été dit depuis un certain temps par la fédération — nous ne les admettons pas du tout dans le mécanisme des négociations. L'industrie de la construction possède actuellement une loi, le bill 290, qui prévoit un mécanisme de négociations où on a tenté, je pense à bon droit, de limiter autant que possible les interventions de tierces parties.

Or, quant à nous, l'intervention du gouvernement dans le mécanisme du bill 290 est toujours un accroc à la loi. C'est quand même nous, il faut l'avouer —et je pense qu'à ce moment-là c'était un bon ou un mauvais jugement — qui avons accusé le ministre du Travail d'avoir provoqué les grèves dans la construction par son intervention concernant la parité sala- riale. Ces interventions du gouvernement sont — nous sommes du même avis que les constructeurs de route et peut-être avec erreur dans notre esprit — une conséquence du conflit actuel, du moins partiellement.

Nous ne prétendrons pas, je pense que ce serait osé, que les interventions du gouvernement — quand je dis gouvernement, je dis les représentants du gouvernement — ont été la seule et unique raison qui fait que les négociations ou le conflit de la construction existe actuellement. Il reste quand même que cela a été un détour dans le conflit que cela a été un point important dans le conflit de la construction. Les parties qui négociaient très lentement à la table des négociations avaient beaucoup de difficulté à s'habituer au mécanisme du bill 290. Il restait qu'au moment où les déclarations ou interventions ont pu être faites, il s'était déjà manifesté depuis quelques semaines, un désir des parties de tenter de régler elles-mêmes leurs propres problèmes. Or, aujourd'hui, je pense que c'est devenu très difficile et ce qui va nous faire dire que l'intervention législative du gouvernement, nous l'acceptons parce qu'elle nous est imposée. Mais cela nous semble être quand même la seule et unique solution pour permettre un règlement du conflit de la construction.

Nous sommes d'accord avec le gouvernement sur le fait que l'économie de la province commence à être en danger, et drôlement en danger. Il y a des pertes énormes dans l'industrie de la construction. C'est la deuxième grève d'affilée que certains secteurs, que certaines régions subissent et les pertes que les gens subissent dans ces régions sont au niveau des travailleurs, au niveau des employeurs et également au niveau des donneurs d'ouvrage qui sont obligés d'attendre leurs constructions, ce qui peut représenter des pertes importantes quant à eux également.

L'intervention du gouvernement par le projet de loi actuel nous fait dire aujourd'hui que nous sommes obligés de l'accepter. Elle est différente de celle de l'an dernier. Bien sûr qu'elle est différente, parce que l'an dernier, j'aime bien vous dire qu'on nous a demandé de signer notre reddition de comptes, de signer au bas d'un document que nous ne voulions pas, parce que ce n'était que la seule solution acceptable à ce moment-là.

Cette année, on nous offre quand même des choses un peu différentes. On nous offre une possibilité, si tous veulent y mettre de la bonne foi, celle d'une période de trente jours, sur laquelle je ferai des commentaires tantôt. On nous offre la possibilité de tenter de régler nos problèmes au moment où on aura rétabli l'industrie de la construction dans un état de paix relative, c'est-à-dire quand on aura fait retourner les travailleurs de la construction aux chantiers. Car on aura cherché par cette loi —je pense que c'est le but de la loi — à sauver l'économie du Québec.

La loi prévoit une négociation de trente

jours. Nous croyons, nous, à la fédération, que les trente jours ont deux conséquences. Ou c'est très court, parce qu'à ce moment-là, les parties, en fonction de la commission parlementaire qui suivra, peuvent se geler sur leurs positions, et à ce moment-là, refuser toute négociation de bonne foi. Elles peuvent également, parce que c'est le dernier délai qui leur est offert pour régler leurs propres problèmes, à ce moment-là, accepter peut-être une position que nous tenterons de présenter à la table. C'est-à-dire que nous allons certainement, nous, y mettre toute la bonne foi possible pour régler nous-mêmes nos propres problèmes et éviter qu'il y ait une intervention du gouvernement qui, à ce moment-là, gâterait nécessairement les relations patronales et ouvrières et qui, à ce moment-là aussi, ne serait certainement pas un gain ni du côté patronal, ni du côté syndical.

Il y aurait peut-être lieu de penser que ce délai est trop court. Pourquoi? Parce qu'en étant trop court, les parties disent: On n'a pas le temps de régler quoi que ce soit. A ce moment, on attend la' commission, on gèle les positions et on n'avance pas. Si le délai est plus long — à ce moment-là, j'envisage peut-être 60 jours et je pense que l'Assemblée nationale pourra en discuter, y trouver peut-être une solution — les parties vont réaliser que ce délai leur est quand même donné pour réaliser les responsabilités qu'elles avaient en vertu du bill 290.

Je pense que l'exposé de M. Laporte, cet après-midi, avait justement pour fonction de vouloir faire prendre leurs responsabilités aux parties. Le fait que le délai soit plus long retarderait également la mise en application possible de conditions de travail. Cela forcerait peut-être certaines parties à mettre une meilleure attention dans la négociation, pour obtenir le plus rapidement un règlement.

Est-ce que la loi a raison, à ce moment-ci, d'empêcher l'exercice du droit de grève ou du droit de lock-out? Je pense que c'est l'Assemblée nationale qui doit répondre à savoir si l'économie est suffisamment en danger actuellement pour enlever un droit que nous, de la fédération, reconnaissons aux travailleurs.

Ce droit de grève qui appartient aux travailleurs, je pense que c'est un droit légitime. Nous le reconnaissons comme nous voulons conserver notre droit de lock-out. Il n'est pas du tout question, quant à nous, parce qu'on a eu un échec l'an dernier et qu'on en a un nouveau cette année, de laisser aller ce droit que l'on considère comme fondamental, autant pour la partie syndicale que la patronale.

Si, aujourd'hui, l'Assemblée nationale considérait qu'il y a lieu, du fait que l'économie est en danger, de brimer l'un ou l'autre de ces droits ou les deux en même temps, je pense qu'elle devrait le faire d'une façon temporaire. Je pense que c'est le but du projet de loi. Temporaire, et j'ajouterai ceci. Si on opte pour une négociation entre les parties, avec un délai allongé de 60 jours et qu'au bout de ces 60 jours, on prévoyait dans la loi la possibilité pour les centrales syndicales de recommencer leur grève, mais en définissant dans la loi une méthode pour procéder au vote de grève, à ce moment-là, même si ce droit de grève était acquis avant que la commission prenne une décision, je pense qu'on aurait au moins redonné une force tant aux parties syndicales que patronales, pour faire une pression sur la commission parlementaire en vue d'obtenir les règlements que les gens se sentent justifiés de demander.

Je voudrais aussi soulever que le bill 38 qu'on soumet actuellement à l'Assemblée nationale va nous présenter de drôles de problèmes du côté patronal. Je pense qu'il y aurait lieu que vous étudiiez une clause qui donnerait une échéance pour la mise en application des clauses paraphées. Je voudrais vous souligner que, dans certaines régions, il n'y a actuellement, à peu près aucun régime syndical.

Je prends cet exemple-là et on pourrait peut-être en prendre d'autres. La mise en application immédiate de cette clause de sécurité syndicale pourrait présenter d'énormes problèmes au niveau de l'employeur si certaines parties s'avisaient de les appliquer rigidement. Or, on demanderait, à ce moment-ci, à l'Assemblée de considérer un délai de mise en application et ceci se complète avec la question salariale. Si on comprend, les salaires sont immédiatement augmentés, et on sait fort bien que les employeurs paient à une semaine de délai. Alors il est clair que l'employeur aura le temps de prendre connaissance des nouvelles conditions qu'il aura à appliquer et on devra faire de même pour les clauses qui sont paraphées dans l'entente.

En parlant de clauses paraphées, j'aimerais vous dire que ce sont des clauses sur lesquelles toutes les parties se sont entendues, du moins je pense toutes les clauses sauf 704. Je comprends aujourd'hui les réticences de la CSN, ce n'est quand même pas une clause qu'elle a paraphée.

Je voudrais quand même souligner à l'Assemblée nationale qu'il y a aussi une clause sur laquelle les parties se sont toutes entendues et c'est la clause qui est incluse dans l'entente du 10 juillet et qui concerne la planification salariale, ou la politique salariale à être appliquée dans l'industrie de la construction. Cette clause fait également partie de choses sur lesquelles les sept parties se sont entendues et je pense qu'aujourd'hui rejeter l'entente du 10 juillet sur le seul prétexte qu'il est devenu très difficile ou qu'il sera très difficile de déterminer des facteurs économiques objectifs, ou des coefficients économiques objectifs, je pense que c'est renoncer à sa signature, c'est manquer à l'entente qu'on a faite le 10 juillet 1969. Je pense que c'est le devoir de l'Assemblée nationale d'inclure dans le bill 38 le contenu de

l'entente du 10 juillet afin de bien déterminer que toutes les parties dans la négociation devront en respecter le contenu.

Quant à la fédération, nous sommes d'accord pour accorder la parité salariale aux travailleurs qui auront, en fonction du bill 49, une compétence égale à travers la province. C'est ce que contenait le paragraphe a) de l'entente du 10 juillet et cet engagement que nous avions pris en 1969, nous entendons le respecter. D'autre part, il y a encore le paragraphe b) de l'entente du 10 juillet. Il y a la mise en application du bill 49 qui fera qu'il y aura encore des travailleurs qui, malheureusement, n'ont pas exactement la même compétence partout à travers la province et qui, pour l'employeur ne représentent pas la même productivité dans les chantiers. Je sais que c'est extrêmement dangereux de s'engager dans une discussion sur la productivité. Mais la compétence des travailleurs d'une région éloignée, dont le volume de construction est drôlement inférieur à celui des travailleurs des grands centres et la spécialisation drôlement différente de celle des grands centres ne peut pas être rémunérée de la même façon.

Or, quant à nous, on ne veut pas dire que ad vitam aeternam nous n'accepterons jamais la parité salariale, mais il reste quand même qu'au niveau de celui qui doit payer le coût de la construction, il faut quand même qu'il ait les moyens de l'assumer ce coût de construction. Et au moment où on aura pu réaliser, dans la province, une parité salariale à tous les niveaux de l'industrie, je pense qu'à ce moment-là on pourra facilement discuter de parité salariale. C'est impensable aujourd'hui de faire absorber, dans des régions comme Drummondville, une augmentation salariale de 77 p.c. alors que les gens qui devront acheter des constructions dans cette région ont un revenu moyen drôlement inférieur déjà aux travailleurs de la construction et qui, par les augmentations, sera à peu près à ce moment-là 50 p.c. du revenu moyen d'un travailleur de la construction.

Je voudrais également souligner à l'assemblée que la présence du ministre à la table des négociations, quant à nous, ça aurait été quand même un souvenir de l'an passé, la présence du ministre à la table des négociations. Je ne voudrais absolument pas que les gens considèrent que l'on apprécie mal le prédécesseur de M. Laporte; ce n'est pas comme personnalité, mais comme-conséquence dans les négociations. La présence de M. Laporte, dans les présentes négociations, n'aurait, quant à nous, que donné le plaisir aux parties de le rencontrer. Je ne pense pas que ça aurait pu changer quoi que ce soit dans la négociation. Les positions qu'on a prises devant les conciliateurs auraient été les mêmes que nous aurions prises devant le ministre et je pense qu'elles seront les mêmes que nous prendrons devant la commission parlementaire.

Si vous me le permettez, je voudrais soulever deux petits points qui ont été présentés. A une question de M. Burns, je pense, M. Pepin a répondu qu'il y aurait peut-être lieu de passer la loi, de l'adopter à l'Assemblée nationale et de la laisser en suspens sans la sanctionner pour permettre un vote des parties syndicales.

Il semblait prétendre qu'il justifierait amplement sa position actuelle. Bien sûr, je pense que, comme d'habitude, M. Pepin a été très brillant dans la réponse qu'il a donnée à M. Burns. Si les travailleurs ont à prendre un vote concernant la grève au moment où ils savent qu'il y a une loi qui attend en arrière et qu'on utilise le contenu d'une loi pour faire le vote de grève, il est fort possible qu'on obtienne son vote de grève. Je pense que cela serait drôlement fausser le vote de grève des travailleurs.

Le deuxième problème a été soulevé par M. Tremblay — M. Jean-Noël Tremblay, je pense — à savoir si les parties ont un intérêt pécuniaire dans l'adoption du bill 38. Je pense que nous ne sommes pas ici pour nous conter des histoires. H est sûr que nos employeurs ont un intérêt pécuniaire. Ils ont un intérêt pécuniaire à" ce que ce projet de loi soit adopté et à ce que cela se règle. Cet intérêt pécuniaire pourrait être évalué, en partie, de la façon suivante: les gens sont appelés, aujourd'hui, à présenter des soumissions à la demande des donneurs d'ouvrage. Pour pouvoir présenter ces soumissions dont la réalisation sera peut-être dans un an, dans six mois, il faut que les gens de l'industrie de la construction connaissent les conditions salariales.

Vous avez actuellement le cas de Sainte-Scholastique où les gens sont obligés de soumissionner sans savoir s'ils devront payer les taux de salaires de la région de Montréal ou les taux de salaires de la région de Joliette, etc. Pour pouvoir travailler dans l'industrie de la construction, à moins qu'on ne consente à ce qu'il y ait des ralentissements continuels dans la construction, il faut que les gens connaissent les conditions salariales, les conditions pécuniaires et toute autre condition qui pourrait influencer le salaire.

Il va sans dire que les gens diront que ce n'est pas tellement important, par exemple, une clause de mise à pied ou une clause de préavis de mise à pied. C'est drôlement important pour un employeur une clause de préavis de mise à pied, parce que, pour lui, deux jours d'avis représentent des salaires; cela représente seize heures d'ouvrage à tel salaire. A ce moment, il est important pour lui de connaître ces conditions de salaires.

Donc, il est important pour nous que la grève de la construction se règle. Parce qu'à ce moment-ci, il n'y a pas d'autre moyen, on accepte que le gouvernement intervienne par le bill 38. Nous avons tout de même besoin dans l'industrie de la construction d'une certaine stabilité. Je suis prêt à répondre aux questions.

M. BERTRAND: M. Dion, si vous me le permettez, j'aurais une question à vous poser.

Vous et d'autres avez fait allusion à l'intervention du ministre du Travail, l'an dernier. Voulez-vous me dire qui avait demandé l'intervention du ministre du Travail?

M. DION: M. Bertrand, vous posez la question que je redoutais le plus. C'est nous qui avons fait la bêtise de demander le ministre du Travail.

M. BERTRAND: Ah bon!

M. DION: Lorsque je dis que c'est nous, je parle des parties; je ne parle pas nécessairement de la fédération. Je vous dirai qu'aujourd'hui on le réalise. Je pense que la personne qui me l'a dit est tout de même très versée dans le problème des relations de travail. Elle m'a dit: Lorsque vous demandez à un ministre d'intervenir, vous vous faites remplacer par le ministre.

Or, l'an dernier, on a fait la gaffe ou l'erreur, si vous voulez, de demander l'intervention du ministre. C'est pour cela que j'ai voulu vous dire, tout à l'heure, qu'on ne se plaignait pas et qu'on endurait. Mais, on était tout de même en mesure de servir l'expérience...

M. BERTRAND: Si je comprends bien, vous blâmez...

M. DION: M. Bertrand, est-ce que vous me permettriez de terminer?

M.BERTRAND: ... le ministre d'une gaffe que vous avez commise?

M. DION: M. Bertrand, si vous m'aviez laissé finir, je vous aurais dit que, lorsque nous avons demandé au ministre du Travail, l'an dernier, d'intervenir dans le conflit de la construction, nous n'avons pas demandé au ministre du Travail de nous déposer un document qui s'appelait le chapitre 2 et qui a drôlement compliqué les négociations cette année.

M. BERTRAND: Lorsque vous parlez du ministre, vous ne parlez pas d'une personnalité, d'un tel ou d'un tel; vous parlez du ministre comme tel, quel qu'il soit.

M. DION: Je parle de la personne qui est intervenue. Lorsque vous faites intervenir une personne qui a un titre ou un poste officiel au niveau du gouvernement, il est clair, à ce moment-là...

M. LAPORTE: M. Bertrand vous demande: Si cela avait été Pierre Laporte qui était intervenu comme ministre du Travail, est-ce que cela aurait donné le même résultat?

M. DION: Forcément. Je pense que le fait de demander à une autre personne de nous remplacer, cela veut dire qu'on a perdu le contrôle de sa négociation. Je m'excuse de vous avoir mal compris.

M. LE PRESIDENT (Bossé): M. Dion, nous vous remercions de l'exposé que vous avez fait dans le climat actuel. Nous invitons maintenant M. Laberge à faire son exposé.

M. Louis Laberge M. LABERGE: Je n'en ai plus la force.

M. BERTRAND: Oui, oui, allez-y; nous a-vons celle de vous écouter.

M. LABERGE: M. le Président, je serai très bref, considérant tout ce qui s'est dit. C'est toujours dangereux lorsqu'un gars commence comme cela?

UNE VOIX: Dix minutes, dix minutes!

M. LABERGE: Considérant tout ce qui s'est déjà dit et surtout l'heure avancée. Toutefois, il y a des choses qui se sont dites ce soir et que nous, à la FTQ, nous ne pouvons certainement pas laisser passer sous silence. Laissez-moi vous dire tout d'abord que nous avons peut-être une conception bien particulière à la FTQ de la négociation et du syndicalisme.

Nous avons comme conception de la négociation que nous devons tout faire, absolument tout, tenter l'impossible pour arriver à un règlement qui est un compromis, bien sûr — un règlement est toujours un compromis — sans intervention outrée des autorités gouvernementales à quelque niveau que ce soit. Et pour ça, nous avons déjà dû faire des culbutes qui ont été considérées dans certains milieux comme des réalisations positives, dans d'autres milieux comme des acrobaties dangereuses.

Laissez-moi vous donner qu'un exemple. A l'Hydro-Québec où nous négocions, où nous avons le pouvoir de priver toute la province de son électricité — c'est un pouvoir effarant que nous considérons comme effarant — nous avons tout fait pour éviter un arrêt de travail général qui aurait donné nécessairement lieu à l'intervention gouvernementale par une loi d'exception comme celle à laquelle nous avons à faire face maintenant. Je vous dis ça pour que vous compreniez très bien que nous sommes contre tout bill d'exception. Par contre, nous croyons qu'il faut tout tenter pour les éviter.

A l'Hydro-Québec, encore une fois, il y a des gars chez nous qui étaient loin d'être satisfaits des grèves tournantes qui n'ont pas privé la population d'électricité. Nous avons été félicités dans le temps par le ministre du Travail. Disons qu'au moment où il nous a félicités nous aurions pu nous en passer parce que nous avions des problèmes à convaincre les gars que c'était une méthode efficace, mais nous l'avons fait conscients du pouvoir — encore une fois, je

répète le mot effarant — que nous avions vis-à-vis du Québec.

Nous avons répété cette mentalité, cette philosophie à maintes reprises. A plusieurs endroits dans le secteur public, nous avons dû faire des arrêts de travail avec toujours la même conscience que dans le secteur public c'était quand même un peu différent du secteur privé. Nous avons fait ces choses, et je ne le dis pas pour proclamer la FTQ comme une sainte, une religieuse, une sans tache, mais justement pour vous dire certaines choses que je tiens à vous dire. Nous avons été relativement silencieux durant tous les mois que la négociation a duré dans la construction. A tel point silencieux que nous avons eu de la difficulté avec nos membres qui nous trouvaient justement trop silencieux.

On nous a dit toutes sortes de choses, entre autres que nous ne croyions pas par exemple à la parité de salaires. Nous y croyons tellement, à la parité de salaires, que justement à Gentilly, il y a deux ans et demi à peu près, nous avions négocié une convention collective qui n'avait pas rapporté les résultats attendus. Nous avions fait une grève et nous avions été forcés par l'opinion publique, après quelques mois de grève, de tenir un autre scrutin à savoir si les travailleurs désiraient continuer la grève ou désiraient y mettre fin. Nous avons invité les journalistes à Gentilly pour agir comme scrutateurs du scrutin secret. Nous avons convoqué les membres par tous les média d'information, en plus de distribuer une circulaire de porte à porte. Nous les avons avisés bien carrément de la philosophie que nous avions chez nous à savoir que, dans un gros chantier industriel comme celui de l'Hydro-Québec, nous n'accepterions pas un contrat moindre que les salaires et les conditions de travail que nous avions dans tous les gros chantiers de construction à travers le Québec, y compris Montréal, bien sûr.

En pleine connaissance de cause, nous avons dit ça aux travailleurs assez clairement, je pense, et assez honnêtement qu'ils ont bien compris la situation et ont décidé d'accepter les offres patronales de l'Hydro-Québec. Nous nous sommes tout simplement retirés de l'Hydro-Québec.

Nous avons refusé de signer la convention collective. Il s'est formé une association indépendante qui, à mon grand regret, a trouvé refuge chez la CSN quelques mois plus tard. Nous faisons beaucoup moins de discours sur la parité salariale. Nous agissons. Nous aurions eu honte de signer, à l'Hydro-Québec, une convention collective en deça des taux de Montréal et des conditions de travail que nous avions et, en même temps, convaincre des gars de faire la grève pour obtenir la parité. De deux choses l'une: nous y croyons à la parité ou nous n'y croyons pas.

J'ai entendu une chose effarante ce soir: une centrale syndicale offre un vote de grève sous le contrôle gouvernemental. Moi, je vais vous dire tout de suite qu'à la FTQ nous ne l'accepterons jamais. Si vous croyez que nos votes de grève sont mal pris, si vous croyez que nous agissons de façon illégale ou autrement, lorsque nos travailleurs sont en grève, vous passerez des lois, vous nous foutrez en prison mais nous n'accepterons pas de vote sous le contrôle gouvernemental. Cela m'a renversé quand j'ai entendu ça. J'ai cru me tromper. J'ai vérifié avec plusieurs de mes collègues et, apparemment, je ne me suis pas trompé. Je suis le premier à le regretter. Nous n'accepterons pas de vote sous le contrôle gouvernemental.

Il s'est posé plusieurs questions à ceux qui m'ont précédé et qui ont fait entrer dans la discussion un tas de choses qui n'ont réellement pas d'affaire au bill 38. Par exemple, le rapport du juge Gold, auquel nous nous sommes opposés dans au moins une de ses clauses les plus importantes, et auquel, d'après ce que j'en sais, plusieurs des associations patronales sont aussi opposées. Vous avez laissé poser des questions. Vous avez laissé donner les réponses, je ne sais pas pourquoi, car, réellement, ça n'a rien à voir avec le bill 38, mais je ne pouvais quand même pas laisser passer ça sous silence. Je tiens à vous dire que s'il doit y avoir une discussion sur le rapport du juge Gold, nous en aurons beaucoup à dire; nous aurons des témoignages et nous aurons quelque chose d'assez bien construit, je pense, à vous présenter au moment voulu. Mais je ne pense pas que ce soit l'occasion ce soir, et je pense que vous auriez dû empêcher que la discussion ne dégénère sur le rapport du juge Gold.

De toute façon, les négociations, dans l'industrie de la construction, durent depuis déjà plusieurs mois, c'est-à-dire que les négociations ont duré quelques mois et que les négociations ont cessé depuis quelques mois, ça n'a absolument rien à voir avec l'annonce du bill 38. Il y avait déjà belle lurette qu'il n'y avait pas de négociations dans l'industrie de la construction. Il y avait des rencontres, bien sûr; il y avait des rencontres qui ne menaient à rien. Alors, l'annonce du bill 38 n'a pas fait cesser les discussions, à mon point de vue. L'annonce du bill 38 est venue à un moment où il fallait s'y attendre, ça me surprend beaucoup moins depuis que j'ai entendu parler qu'on avait déjà, à une centrale syndicale, réclamé une session spéciale, justement dans l'industrie de la construction, au mois de mai dernier, alors que les négociations débutaient à peine. Alors, ça me surprend beaucoup moins qu'on ait ce soir la commission parlementaire qui siège lors d'une séance spéciale. Ce n'est pas nous qui avons demandé une séance spéciale pour régler le conflit de la construction.

Le bill 38, il est évident que nous sommes contre. Nous trouvons extrêmement malheureux que le gouvernement ait cru nécessaire de nous apporter une loi spéciale pour régler un conflit dans une industrie privée. A ma connaissance, je pense que c'est la première fois que

cela se fait dans l'industrie privée. Bien sûr, cela a déjà été dit, je n'ai pas besoin de le répéter, quand une grève est efficace, ça touche toujours un peu l'intérêt public. Quand une grève n'est pas efficace, on la laisse pourrir, comme cela s'est fait il y a deux ans, il y a trois ans, quatre ans, cinq ans et depuis toujours.

Nous sommes contre le bill 38, mais je vais vous dire tout de suite — et vous n'aurez probablement pas besoin de me poser des dizaines de questions là-dessus — que nous croyons que le gouvernement n'avait pas d'autre alternative. D n'y avait pas moyen de régler le conflit actuel dans le climat où nous nous trouvions dans l'industrie de la construction. On peut se conter toutes sortes de contes et on peut dire un tas de choses, mais, dans les circonstances, nous croyons qu'il n'y avait pas d'autre issue.

Toutefois, nous ne dénoncerons pas la clause du bill 38 qui prévoit une autre période forcée de négociations de 30 jours. Moi, je suis un de ceux qui souhaitent de tout coeur que les parties vont retomber sur leurs pieds et vont profiter de cette période de 30 jours pour empêcher que le bill 38 aille à sa limite, c'est-à-dire l'imposition d'un règlement par le gouvernement. Je suis loin d'être convaincu des possibilités, mais je souhaite ardemment que les parties retombent sur les pieds et empêchent le gouvernement de se fourrer le nez dans nos affaires plus loin qu'il ne l'a déjà. Encore une fois, je répète que, dans les circonstances, je crois qu'il n'avait pas d'autre choix. Mais, si on peut éviter qu'il se mette le nez plus loin qu'il ne se l'est déjà mis, je pense que pour ça on devrait faire des efforts et des efforts sérieux.

UNE VOIX: On ne demande pas mieux.

M. LABERGE: Bien, oui, j'espère; enfin, je le crois. J'espère n'est pas un mot assez fort.

UNE VOIX: On serait aussi bien couché!

M. LABERGE: Personne ne va se rendre bien populaire parmi les centrales syndicales ou les centrales patronales avec un règlement. Michel Dion, qui a été le dernier représentant patronal, a parlé de l'intervention du ministre l'an dernier. Bien, c'est une autre occasion où, à mon sens, le gouvernement n'avait pas le choix. On pataugeait dans les négociations depuis des mois et des mois. Le ministre est intervenu personnellement. Le ministre actuel a probablement profité de l'expérience du ministre précédent et il a dit: Moi, je n'irai pas me faire engueuler par tout le monde en me fourrant le nez là.

M. LAPORTE: Vous expliquez cela très bien!

M. LABERGE: Merci.

M. DEMERS: Je pense que c'est ce que l'autre ministre lui a dit.

M. LABERGE: Que ce soit un bill spécial ou que ce soit le ministre qui, à un moment donné, à trois heures ou à trois heures et demie le matin impose un règlement qui n'a pas satisfait personne, c'est du pareil au même.

Moi, l'intervention du ministre l'an dernier ne me scandalise pas plus que la convocation de la session spéciale d'aujourd'hui. C'était inévitable, malheureusement. Il y a, quand même, des points dans le bill 38 où nous voudrions vous proposer, sinon des amendements, du moins des suggestions pour votre considération.

Entre autres, il y a une clause qui parle — enfin, ça, c'est dans le document sessionnel numéro 70 — des augmentations de salaires: $0.30 immédiatement. Il est bien évident que cela prend une augmentation de salaires immédiatement pour accompagner le retour au travail. Autrement, on se prépare plus de trouble qu'on n'en a déjà.

Mais, pourquoi imposer des augmentations de salaires pour la deuxième et la troisième année? Pourquoi ne pas laisser aux parties le soin de négocier ces augmentations-là? Vous avez semblé reconnaître dans le bill 38 que vous aviez encore foi au processus des négociations en imposant justement une autre période de négociations qui est trop courte ou trop longue, selon le cas. Pourquoi ne pas laisser aux parties le soin de négocier les augmentations de salaires pour la deuxième et la troisième année?

Pourquoi commencer l'augmentation de salaires à $0.10? Evidemment, c'est explicable puisque c'est le retour au travail. Mais pourquoi dire que les augmentations de salaires obtenues depuis le 1er mai feront parties des $0.30? Laissez-moi vous expliquer une situation que vous connaissez peut-être et que, peut-être, vous ne connaissez pas. Dans la région de Québec, par exemple, deux métiers, entre autres, électriciens et plombiers, ont eu une augmentation de salaires le 30 avril. Bon, la loi ne touche pas à ça, puisque ça dit depuis le 1er mai.

Mais, à Sherbrooke, il y a quand même eu des augmentations de salaires de négociées de bonne foi et qui ont été consenties de bonne foi et cela a été le 1er mai justement. Là, je vous pose la question: Est-ce que cela veut dire que, pour une journée de différence, les gars de Sherbrooke vont être privés de l'augmentation de salaires qui s'était négociée, tandis qu'une journée auparavant les gars de Québec ne le seraient pas? Je soumets cela à votre considération.

M. BERTRAND: Est-ce que vous avez plusieurs régions où il y a eu des augmentations?

M. LABERGE: Non, c'est la seule, à ma connaissance. S'il y en a qui peuvent me corriger...

M. LE PRESIDENT (Bossé): Est-ce que vous avez terminé?

M. LABERGE: Je pense qu'il y a eu aussi Sept-Iles au mois de juin.

UNE VOIX: D y a eu un vote massif. UNE VOIX: Hauterive.

M. LABERGE: De toute façon, qu'il y ait une région, qu'il y ait deux régions, qu'il y ait trois régions...

M. BERTRAND: Peu importe.

M. LABERGE: ... je pense que c'est quelque chose que vous devriez regarder avec énormément de soin.

UNE VOIX: C'est important.

M. LABERGE: Evidemment, quant aux augmentations de salaires, je pense que c'est extrêmement important, si vous avez réellement foi en la négociation. Comme encore une fois je l'ai dit tantôt, comme je le souhaite ardemment, si les parties doivent retomber sur leurs pieds, négocier et essayer d'en arriver à une entente, quand même ce serait seulement pour éviter que la commission parlementaire soit obligée de nous entendre et finalement de décider, il me semble que les sept parties devraient oublier leur différence d'opinion, oublier leur difffence de conviction et même oublier leur différence de philosophie pour essayer de s'asseoir et de régler ensemble ces problèmes-là.

Nous vous avons dit tantôt que, dans les gros chantiers dans la province — je pense que le ministre du Travail est parfaitement au courant de cela — pour les métiers mécaniques, il y a toujours eu parité de salaire avec Montréal — enfin, quand je dis toujours, je parle depuis 8 ans à 10 ans — parité de salaire et de conditions de travail. Je ne vois absolument rien ni dans le bill, ni malheureusement dans les documents 69 et 70, qui nous assurent que cette entente va se continuer. Nous avons actuellement au Québec des chantiers où les conditions de travail de Montréal et les salaires de Montréal sont reconnus, sont payés, et on se demande avec énormément d'anxiété ce qui va arriver dès l'adoption du bill 38. J'espère que quelqu'un pourra éclairer nos lanternes là-dessus parce que, pour nous, évidemment, c'est extrêmement important. Ce n'est pas quelque chose que les gars espèrent obtenir un jour, c'est quelque chose que les gars ont déjà. Cela serait le leur enlever en quelque sorte et c'est extrêmement important. Il y en a qui ont discuté de l'urgence de la situation et, encore une fois, je suis le dernier à vouloir jeter de l'huile sur le feu. Je pense toutefois que l'on doit dire, non pas à la défense du ministre du Travail, mais quand même pour supporter l'urgence d'un règlement dans le conflit de la construction, qu'il est de notoriété publique que la CSN a décidé de faire la grève. C'est son droit, je respecte entièrement son droit. Je ne mets pas en doute ses méthodes de tenir ses votes, ni de conduire sa grève, cela la regarde.

Il y a toutefois une chose, c'est que nous avons des centaines et des milliers de travailleurs dans toute la province qui sont en chômage et qui ne sont pas en grève. Dans certains cas, les gars sont sortis par solidarité syndicale pour appuyer les travailleurs de la CSN qui avaient décidé de vider certains chantiers. Dans certains autres cas, ce n'est pas tout à fait pour la même raison qu'ils sont sortis. D reste que nous avons des milliers de gars chez nous qui sont actuellement en chômage. Vous voulez réellement me poser la question?

M. DEMERS: Je l'ai posée.

M. LABERGE: Vous me la reposerez tantôt, parce que je voudrais finir.

M. DEMERS: Je pense que vous espérez que je vais l'oublier.

M. LABERGE: Non, mais dans certains cas, ce sont les entrepreneurs qui ont pris la frousse et qui ont fermé les chantiers. C'est cela que vous vouliez savoir?

M. DEMERS: Non.

M. LABERGE: Je le sais.

M. DEMERS: Vous venez de répondre.

M. LABERGE: II reste qu'il y a quand même des milliers de gars chez nous qui sont en chômage depuis, je ne sais pas moi, une semaine, trois jours, quinze jours et des gars qui, chez nous, font des pressions parce qu'ils veulent retourner au travail. Ils ne sont pas en grève. Nous avons tenu des assemblées assez houleuses dernièrement, des assemblées où des journalistes étaient même présents et ils ont rapporté cela. Nous n'avons rien à cacher. Des assemblées où les gars, à l'unanimité, décidaient de retourner travailler. Tout cela pour vous dire que, s'il n'y a pas un règlement du conflit de la construction, il va y avoir des cassages de gueules, tantôt. Ce serait extrêmement malheureux, mais je pense que c'est inévitable. Il y a des gars qui font la grève et qui ont le droit de la faire. C'est leur droit strict et sacré. Il y a des gars qui ont le droit de faire la grève et qui ont décidé de ne pas la faire. C'est aussi leur droit strict et sacré. Il arrive malheureusement un conflit d'intérêts entre des gars qui sont membres d'une centrale et de l'autre. Cela ne me scandalise pas, mais c'est un fait, c'est une

situation qui existe. C'est une situation qui peut être évitée. Je pense qu'elle devrait l'être.

En tout cas, chez nous, dès l'annonce de la convocation d'une session spéciale, on a pu faire patienter des gars qui devenaient impatients. Espérant justement qu'il y aurait prochainement un règlement de ce conflit qui ne nous forcerait pas à essayer, comme on dit communément dans l'industrie de la construction, de rouvrir des chantiers sur le bras.

M. DEMERS: Cela décrit un peu. UNE VOIX: C'est un langage imagé.

M. LABERGE: Enfin, écoutez, on a chacun ses problèmes. Vous, comme députés, vous avez des problèmes. Les ministres aussi, la CSN aussi et nous aussi. On a chacun ses problèmes et chez nous, cela devient un problème. Plus le nombre de soi-disant grévistes augmente et plus il y a de gars, chez nous, qui se trouvent pris dans le mouvement, et plus la pression devient forte chez nous. Encore une fois, cette semaine, nous n'avons pas eu tellement de problèmes, parce qu'avec l'annonce que, prochainement, il y aurait un règlement, cela nous a donné de très bons arguments pour calmer tous les esprits. Mais je pense qu'encore une fois c'est un autre argument, tout simplement, pour dire que, malheureusement, dans les circonstances, la FTQ ne se battra pas à mort contre le bill 38, même si, en principe, nous nous opposons à toute loi d'exception et que, dans les circonstances, il n'y a pas beaucoup d'alternatives, enfin, il n'y en a pas que nous connaissions.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Merci, M. La-berge. Y aurait-il des questions?

M. LAPORTE: Moi, je n'en ai pas.

M. BERTRAND: M. Laberge, quant à moi, vous avez répondu à la plupart des questions que j'ai posées à tous. Vous l'avez fait non pas directement, mais dans votre exposé qui a été bien objectif. J'en retiens surtout ceci. C'est que, pendant un mois, les sept parties auraient l'occasion, suivant votre expression, de retomber sur leurs pieds, de s'entendre et d'éviter l'intervention de l'Etat.

M. LABERGE: C'est une occasion que nous aurons. Maintenant, est-ce que les pieds sont plus pesants que la tête, on le verra.

M. DEMERS: Cela dépend des bottines et du chapeau.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Est-ce qu'il y a d'autres...

M. BURNS: M. le Président, le Parti québécois n'a pas parlé encore.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Alors le député de Maisonneuve.

M. BURNS: D'accord, M. le Président. M. Laberge, vous avez parlé de vote de grève. Est-ce que les syndicats affiliés à votre centrale ont, par le passé ou récemment, disons au cours du mois de mai, pris des votes de grèves également?

M. LABERGE: Oui, et évidemment, si vous voulez me demander, à moi aussi, de jurer que cela s'est fait à tel point qu'on pourrait donner la communion sans confession à tous les gars, j'aurais probablement de la misère à jurer cela, mais je peux vous dire, par exemple, que tous les syndicats chez nous ont tenu des assemblées syndicales. Pour nous, disons que cela n'a pas été un vote de grève comme on prend normalement, parce que cela n'a pas été une grève normale. On a appelé cela, nous, une petite "grévette", une mini-grève. Nous étions partis avec l'idée de faire signer des mini-conventions par les entrepreneurs. Au fur et à mesure qu'un entrepreneur signait la mini-convention son chantier était rouvert.

Ce n'était pas une grève dans le sens qu'on l'entend habituellement. Pour ça, les votes ne se sont pas pris de façon habituelle. Je tiens à vous dire que, rien que chez les plombiers et les électriciens, il y a eu au-dessus de 3,500 membres aux assemblées. Cela, je peux vous le dire.

M. BURNS: M. Laberge, si j'ai bien compris votre argumentation; vous êtes contre, en principe, ce genre de loi, une loi telle que le bill 38, mais, d'autre part, vous admettez ce phénomène comme inévitable. Est-ce que cela ne détruit pas un peu votre première affirmation? Si oui, ne s'agit-il pas, dans votre esprit, d'un précédent dangereux pour les centrales syndicales en matière de secteur privé?

M. LABERGE: En principe, je suis pour que tous les gars à compétence égale gagnent le même salaire et que tous les gars aient un "job". S'il fallait attendre pour régler chacune de nos grèves, que nous ayons atteint tous nos principes, nous serions toujours en grève. Il y a quand même une petite différence entre les principes et la pratique. Cela ne détruit pas du tout nos principes, je ne le crois pas, mais, malheureusement, dans l'état actuel des négociations dans l'industrie de la construction, nous ne voyons aucune autre formule. Nous n'aimons pas le bill 38 plus que ça mais nous ne voyons pas ce que nous pouvons faire d'autre.

M. BURNS: Une dernière question, M. Laberge. Vous avez parlé d'un certain nombre de chômeurs qui n'étaient pas des grévistes, mais qui étaient cependant visés par le conflit. Est-ce que ces gens-là ont déjà un règlement d'effectué

dans leur cas ou bien si, tout simplement, ils attendent la solution?

M. LABERGE: Ils attendent eux aussi. Dans certains chantiers, nous représentons la majorité des travailleurs, la CSN la minorité; dans d'autres, la CSN représente la majorité des travailleurs et nous la minorité. Dans ces cas-là, s'il y a disons 250 gars dans le chantier et qu'il y a 25 gars qui sont membres de la FTQ, il est bien évident que, de façon tout à fait normale, les 25 vont suivre les 225 autres. Il y a d'autres chantiers où, d'après des informations que j'ai, c'est la situation inverse. De toute façon, je ne veux pas entrer trop profondément là-dedans. Il reste que nous avons chez nous des gars qui ne travaillent pas par rapport à la grève faite par les travailleurs de la CSN. Encore une fois, je ne critique pas le fait qu'ils soient en grève, c'est leur droit le plus sacré, mais il reste que, chez nous, les gars ne sont pas en grève et qu'il y en a qui ne travaillent pas.

M. BURNS: Une dernière, dernière question. Vous avez mentionné qu'il y avait des gens qui étaient en grève par sympathie avec les groupes de la CSN.

M. LABERGE: C'est évident.

M. BURNS: Est-ce que ce nombre-là est imposant? Est-ce que c'est un nombre assez important?

M. LABERGE: J'espère qu'il est le moins important possible, parce que c'est dangereux.

M. BURNS: Non, mais est-ce que vous êtes en mesure de nous affirmer ça?

M. LABERGE: II n'a pas compris l'astuce! Bon!

M. LEDUC (Taillon): Ils comprennent, mais lentement.

M. LABERGE: Disons, afin que vous compreniez ce que nous sommes en train de dire ici, que j'espère qu'il y en a le moins possible, bien sûr, parce que, s'ils sont si sympathiques que ça vis-à-vis de la CSN, c'est dangereux pour nous. Il y a des régions où la CSN a pris un vote de grève qui était très fort. Je pense que ç'a été unanime dans ces endroits où nous avions des membres, car ils sont sortis tout simplement avec les gars par sympathie, et nous n'avons évidemment rien à dire contre ça.

M.. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Sainte-Marie.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Laberge, vous dites qu'en principe, vous êtes contre le bill 38, mais vous prétendez qu'il n'y a pas d'au- tre choix, d'autres moyens. En supposant que le gouvernement n'interviendrait pas, comment voyez-vous le dénouement du problème? Est-ce que ça pourrait durer encore longtemps? C'est hypothétique, mais tout de même...

UNE VOIX: Faites donc une soustraction pour le serment, ça pourrait se régler.

M. LABERGE: Bien, d'abord, au début, probablement la semaine prochaine...

M. LACROIX: Cela pourrait se régler...

M. LABERGE: Non, mais probablement...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Ce n'est pas ma question actuellement.

M. LABERGE: Dites-lui donc que ce n'est pas lui qui a la parole.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): J'ai posé la question à M. Laberge.

M. DEMERS: Lui, il n'est pas sous serment.

M. LABERGE: Disons que ce qui nous inquiète le plus, c'est que ce mouvement d'impatience chez nous se concrétise et que, probablement dès la semaine prochaine, des gars veuillent retourner au travail. Je n'ai pas besoin de vous dire que ce phénomène ne ferait absolument rien pour assainir ou améliorer le climat qui existe autour de la table des négociations et que ça ne ferait certainement pas grand-chose pour hâter le règlement du conflit.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): II peut y avoir combien de gars qui ont arrêté de travailler dans la FTQ?

M. LABERGE: D'après les chiffres rapportés dans les journaux et d'après le nombre de membres de la CSN qui d'après le ministre, seraient en grève, j'oserais presque dire que nous en avons plus sans travail que la CSN n'en a en grève.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Laberge, parmi ces gars de la FTQ qui ont arrêté de travailler, certains l'ont-ils fait tout simplement pour respecter les lignes de piquetage ou si ce ne sont pas tous des gars qui ont été obligés d'arrêter de travailler par la peur ou par la frousse?

M. LABERGE: II y en a bien d'autres qui ont été arrêtés par la peur, mais de façon indirecte. L'entrepreneur a eu peur et il a fermé le chantier.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): D'accord.

M. LABERGE: D'un côté ou de l'autre, c'est toujours par la peur.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. Laberge...

M. LAPORTE: Etes-vous vraiment prêt?

M. BERTRAND: On va en avoir la preuve directe.

M. LESSARD: L'honorable député de Chambly n'aime donc pas cela lorsque les membres du Parti québécois posent des questions. Il voudrait toujours les garder pour lui.

M. LAPORTE: Je m'en trouve d'autres.

M. LESSARD: M. Laberge, j'aurais deux questions à vous poser. D'abord, vous conviendrez que nous sommes ici, quand même, pour nous informer. C'est pour cela qu'on a demandé à la commission parlementaire de se réunir et d'entendre les parties. L'une des questions qui est en jeu dans cette discussion, vous conviendrez que c'est la parité de salaires. Au sujet de la parité, je vous pose les questions suivantes: Pourriez-vous nous dire quelles sont les conséquences de la non-parité sur les relations entre travailleurs à l'intérieur des mêmes chantiers? Par exemple, certains ouvriers vont gagner $4.04 alors qu'un autre de la FTQ gagnera $4.59.

Deuxièmement, quelles sont les conséquences d'une non-parité dans les luttes inter-syndicales, luttes qui deviennent de plus en plus fortes actuellement?

M. LABERGE: Je dois être en désaccord avec vous quant à la façon dont vous avez terminé votre deuxième question. Je pense que tous les députés sont conscients que tout de même, dans l'industrie de la construction au Québec, depuis l'avènement du bill 290, avec toutes ses maudites imperfections, il n'y a pas eu de luttes intersyndicales aussi dures que celles qui avaient eu lieu auparavant. Il faut tout de même reconnaître cela. Même si le bill 290 n'avait servi qu'à cela, il a déjà accompli son but. Bien sûr qu'il faut changer certaines méthodes, certaines facettes du bill 290. Bien sûr que le processus de négociation tel que prévu par le bill 290 est extrêmement lourd. Bien sûr qu'à un moment donné, s'il n'y avait qu'une association patronale au lieu de cinq et qu'une association syndicale — ce qui arrivera l'an prochain, d'après Raymond — cela serait plus facile. Bien sûr pour tout cela.

Mais, il reste qu'aujourd'hui il y a beaucoup moins de luttes intersyndicales qu'il n'y en avait et qu'elles sont beaucoup moins violentes. Il y a de petits accrochages. Parfois, il y a des accrochages verbaux. Cela, c'est moins sanglant que les accrochages qu'il y avait auparavant.

M. LAPORTE: Cela ne fait pas tort aux chefs.

M. LABERGE: Je n'ai pas besoin de vous faire une leçon d'économie...

M. DEMERS: Non, non. On est assez fatigué comme ça.

M. LABERGE: ... mais, si vous avez des gars avec des taux différents, il est sûr que cela n'est pas fait pour améliorer le climat du chantier. Dans la région de Joliette, entre autres, je ne me souviens plus de la différence actuelle, mais, avant le dernier règlement, il y avait tout de même des plombiers qui faisaient douze milles, ils traversaient le pont et allaient travailler à Joliette à $1.76 l'heure de plus que le gars qui venait de la région de Joliette. La même chose pour les électriciens. A part cela, ils avaient chambre et pension. Pas besoin de vous dire que le gars n'était pas étouffé de rire, celui qui gagnait $1.76 de moins!

M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. Laberge, une deuxième question concernant un autre problème. Vous ne semblez pas accepter le fait qu'on en ait parlé à l'intérieur de cette commission, mais je pense qu'il s'agit d'un problème important, la fameuse formule Gold. Vous avez dit que vous vous opposiez à cette formule. Il s'agit de l'ancienneté...

M. LABERGE: Pose la question! Pose la question! Tiens ton bout!

M. LE PRESIDENT (Bossé): Je regrette.

M. DEMERS: H a dit aussi que le président...

M. LABERGE: Vous l'avez laissé poser aux autres.

M. LE PRESIDENT (Bossé): J'aimerais vous rappeler que M. Laberge, dans son exposé, je pense, nous a bel et bien dit qu'il ne devait pas aborder ce problème, sinon ce serait très long.

M. LABERGE: M. le Président, vu que d'un autre côté vous l'avez laissé poser tantôt, je ne voudrais pas vous priver, c'est évident.

Je serai très bref.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Alors je respecte la décision de M. Laberge.

M. BERTRAND: Respectez votre décision.

M. LABERGE: Je vous remercie d'avance. Quand on parle trop on se fait toujours prendre.

M. LACROIX: Répondez aux questions.

M. LABERGE: Très, très brièvement, c'est que, l'industrie de la construction est évidemment différente de l'industrie proprement parlée. Alors lorsqu'on parle d'ancienneté, qui est un principe auquel, je pense bien, tous les syndicalistes croient, l'ancienneté dans la construction ne peut pas s'appliquer de la même façon que ça s'applique dans une industrie quelconque, que ce soit Canadair, ou la CIP ou Donohue ou quelque chose de semblable. Qu'est-ce que vous voulez, on n'a pas encore réussi à s'entendre avec la CSN sur la façon dont un principe comme celui-là pourrait s'appliquer. Il est bien évident que, lorsque les deux centrales sont en désaccord, ce ne sont pas les patrons qui règlent un problème comme celui-là. C'est aussi simple que ça.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Alors le député de Bourget.

M. LAURIN: M. Laberge, avez-vous l'impression que la période de trente jours que prévoit la loi 38 est suffisante pour que les pieds deviennent plus pesants que la tête?

M. LACROIX: Vous allez perdre des clients.

M. LAURIN: Je remercie le député des Iles-de-la-Madeleine pour l'hommage qu'il me rend, je m'occupe des têtes, donc je ne m'occupe pas de lui.

M. LABERGE: C'est très bien dit. M. LACROIX: ... vous n'arrangez rien.

M. LABERGE: Peut-être bien que, s'il faisait tourner des gars autour de la table des négociations, cela aiderait. Bon, une période de trente jours, c'est Michel Dion qui disait ça tantôt, c'est trop court ou c'est trop long, enfin, je ne sais pas si vous êtes véritablement attachés à la période de trente jours, mais si vous avez un conciliateur qui rapporte qu'il y a énormément de progrès et que l'affaire marche, je pense bien que personne ne s'offusquerait si ça durait 31 jours ou 32 jours.

M. LAPORTE: II peut fort bien arriver qu'après 30 jours on constate que ça va très bien, la négociation. La commission parlementaire, conformément à la loi, devra se réunir, mais simplement pour dire aux parties: Messieurs, ça va très bien, nous vous donnons mandat de continuer.

M. LABERGE: Continuez. Comme on a fait dans la question de la Régie des alcools, alors que la commission parlementaire siégeait, puis les négociateurs se rencontraient; moi, je ne vois pas ça comme une objection.

M. LAPORTE: On est content de ne pas régler cela pour vous.

M. LACROIX: La période de trente jours, d'après les applaudissements des gars de la CSN en arrière, cela suppose que les gars du PQ et de la CSN n'auront peut-être pas le temps...

M. LAURIN: M. le Président, hors d'ordre. M. LEGER: C'est une réponse sans question.

M. LAURIN: M. le Président, M. Laberge, vous vous êtes prononcé avec beaucoup de force en faveur du principe de la parité, est-ce que cette force irait jusqu'au fait que vous proposeriez que le principe de la parité soit inscrit dans le projet de loi?

M. LABERGE: En fait, je pense que c'est quelque chose qu'il faut négocier, ça l'a été l'an dernier, il y a plusieurs personnes qui se sont référées à l'entente du 10 juillet. C'est dans l'entente du 10 juillet. Nous sommes prêts à négocier.

M. LAURIN: Mais comme cette entente du 10 juillet n'a pas été respectée, semble-t-il, qu'on rejette aujourd'hui, qu'on brûle aujourd'hui ce qu'on adorait hier, ce qu'on n'adorait peut-être pas, mais on l'avait accepté, étant donné la conjoncture, est-ce qu'il ne vaudrait pas la peine d'envisager que ce principe soit inscrit dans le projet de loi?

M. LABERGE: Le processus de négociations est un processus bien délicat, comme vous le saviez sans doute. Il y a bien des choses qui sont refusées au début des négociations, qui sont acceptées en dernier parce que tout ça dépend de l'attitude des autres parties sur certains autres points des négociations. Moi, le fait qu'il y ait des choses de refusées complètement, ce n'est pas ce qui m'effraie. Ce qui m'effraie, c'est le dialogue de sourds. Ce qui m'effraie, c'est le fait que, quand on se rencontre à la table des négociations, il n'y ait pas de négociations. Cela m'effraie. Mais le fait qu'un point soit refusé et un autre accepté, ça ne me dérange pas, pas une miette, nous sommes habitués à ça; ç'a toujours été comme ça dans les négociations. Alors, moi, que ce soit dans le projet de loi, pour être bien honnête avec vous, moins il y en a dans le projet de loi, plus vous faites confiance aux parties, plus les parties prendront peut-être leurs responsabilités.

M. LAURIN: Maintenant, est-ce que je pourrais vous demander votre opinion personnelle

sur un échéancier pour que cette parité en arrive à s'établir, surtout en ce qui a trait à la clause des réservistes?

M. LABERGE: Etant évidemment représentant d'une association fortement démocratique, je n'ai pas d'opinion personnelle.

M. LAURIN: C'est bien commode.

M. LABERGE: Tout dépend des conditions du marché, tout dépend des conditions de compétence, d'ancienneté, de délais, de mises à pied. Tout dépend de tout ça, parce que tout ça veut dire le salaire d'une façon ou d'une autre. Si vous me demandez si je suis pour cinq mois de congé par année, je suis pour. Mais si on demande cinq mois de congé par année, plus $2 l'heure d'augmentation, plus un tas de choses, il est bien évident qu'on n'arrivera pas aux cinq mois de congé bientôt.

M. LAURIN: Vous vous inquiétez que la parité existante ne soit pas entérinée par un décret. Vous pouvez comprendre qu'une autre centrale pour qui ça demeure quelque chose à acquérir soit encore plus inquiète.

M. LABERGE: Un instant, pour nous aussi. Nous avons plusieurs milliers de membres maintenant au Québec qui n'ont pas encore la parité de salaires pour lesquels nous sommes réellement intéressés à l'obtenir.

M. LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: L'exposé de M. Laberge ayant été suffisamment complet et plusieurs des questions que j'avais à poser ayant été posées par les membres de la commission, ça me satisfait.

M. LAPORTE: Merci.

M. LE PRESIDENT: C'est terminé, j'inviterais le premier ministre à...

M. LEFEBVRE: Est-ce que vous me permettriez une seule remarque pour renseigner la commission parlementaire sur un seul point que M. Laberge a souligné?

M. LE PRESIDENT: Nous avons été très large, alors nous permettons.

M. LEFEBVRE: C'est strictement sur le cas de la région de Sherbrooke où M. Laberge demande d'inclure dans le projet de loi no 38 l'augmentation de $0.30 en sus de l'augmentation qui ne serait pas votée. Je veux tout simplement vous expliquer que le décret de la région de Sherbrooke a été abrogé par le bill 290. Ce n'est donc pas un décret qui était expiré par lui-même. L'augmentation avait été prévue dans le cours du décret qui devait normalement, n'eût été le bill 290, se terminer au mois de décembre 1970. C'est-à-dire que si on n'avait pas obligé par la loi la région de Sherbrooke à négocier, les travailleurs, par conditions souscrites par toutes les parties, auraient normalement eu cette augmentation de $0.30 le 1er mai mais n'auraient pas eu d'autre augmentation avant le nouveau décret pour janvier 1971. C'est pourquoi nous demandons que les $0.30 que le bill 38 accorde tiennent lieu des $0.30 qui avaient été prévus dans l'accord antécédent des parties et non pas d'obtenir $0.60 ce qui serait totalement défigurer la négociation qui avait alors eu lieu dans ce secteur particulier.

M. LE PRESIDENT: Merci pour l'éclaircissement.

M. LABERGE: Tout ce que j'ai demandé au ministre et à la commission parlementaire, c'est de regarder les régions qui pouvaient être affectées par la date du 1er mai. C'est tout ce que j'ai demandé.

M. BOURASSA: Je voudrais simplement remercier, sans la moindre distinction, ceux qui ont participé à cette discussion ce soir, qui était extrêmement objective et très instructive. Il n'y a pas le moindre doute que cette discussion de ce soir va permettre d'avoir une discussion du projet de loi mieux éclairée demain parce que nous serons mieux informés. Encore une fois, merci à tous les participants et au président pour la façon dont il a dirigé cette séance qui n'était pas particulièrement facile.

M. BERTRAND: ... Je voudrais, quant à moi, remercier le ministre du Travail qui, cet après-midi, au nom du gouvernement, s'est rendu de bonne grâce à la motion que nous avions présentée et qui nous a permis d'entendre les parties et je les félicite, toutes ces parties, du ton de leurs propos, de la manière dont on a voulu présenter la cause. Sans aucun doute, les députés de l'Opposition, en particulier, sont beaucoup mieux informés.

M. LE PRESIDENT (Bossé): Je tiens à remercier personnellement les représentants de la partie syndicale et de la partie patronale de la façon qu'elles ont présenté leurs exposés, qu'elles ont répondu aux questions malgré le climat ici. Je tiens à remercier aussi l'assistance de sa façon de réagir ainsi que les membres de la commission.

Je déclare la séance levée.

M. LAPORTE: M. le Président, je rappelle simplement à cette commission que la Chambre siège demain, à dix heures. J'ajoute mes remerciements à ceux de tous les autres.

(Fin de la séance 1 h 31)

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