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Commission permanente du Travail et de la Main
d'Oeuvre
Bill 38 Loi concernant l'industrie de la
construction
Séance du vendredi 7 août 1970
(vingt heures quatre minutes)
M. BOSSE (président de la Commission permanente du Travail et de
la Main-d'Oeuvre): A l'ordre, messieurs! La séance de la Commission du
Travail et de la Main-d'oeuvre est ouverte.
Procédure
M. LE PRESIDENT (Bossé): La séance a pour but d'entendre
les représentations des sept parties en présence aux
négociations, si elles ont l'intention de faire des
représentations, bien sûr. Au départ, je voudrais que
chacun des groupes concernés nomme un porte-parole. A l'occasion des
représentations, vous serez appelés à parler chacun durant
dix minutes et, par la suite, les membres de la commission ou les
députés présents pourront poser des questions.
Après chaque intervention de dix minutes de chacune des parties, nous
poserons des questions, autrement nous n'en sortirons pas.
M. BURNS: M. le Président, je me demande très
sérieusement si avec dix minutes on rend justice aux personnes que nous
avons invitées ici pour nous expliquer leur point de vue. Je ne veux pas
non plus qu'on se retrouve encore ici à cinq heures demain matin, mais
par contre, je me demande si nous ne devrions pas donner plus de latitude aux
personnes. On est quand même ici dans un but très précis,
c'est-à-dire être informés de la position de chacun. Si on
limite à dix minutes, par l'expérience que nous avons
vécue avec le bill de l'assurance-maladie, on s'est aperçu que
tous les orateurs, au bout de neuf minutes et trois quarts, commençaient
à peine à entrer dans le vif du sujet.
M. LAPORTE: Nous n'aurons qu'à les faire commencer à la
neuvième minute et trois quarts.
M. LE PRESIDENT (Bossé): On pourrait commencer dès le
départ dans le vif du sujet, de telle sorte qu'en dix minutes.
M. BURNS: On peut toujours essayer dix minutes.
M. LE PRESIDENT (Bossé): J'admets que c'est assez court.
Cependant, si l'on se base sur l'expérience vécue lors de
l'étude du bill 8, c'était assez long, en plus des questions qui
sont posées.
Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, comme l'a dit mon
collègue du Parti Québécois, M. Burns, évidemment
on peut, au départ, fixer une limite de temps de dix minutes, en
espérant que chacune des parties qui désirera se faire entendre
puisse s'exprimer, de façon que nous soyons informés de son point
de vue.
Mais j'imagine que l'on donnera quand même suffisamment de
latitude à la fois aux parties que nous désirons entendre et aux
membres de cette commission pour que nous ayons une idée exacte du
problème. En effet, le but de la réunion qui a été
convoquée et qu'a acceptée le ministre du Travail, c'est
d'être informé de la situation, non seulement dans le but
d'être informé pour être informé, mais dans le but
d'en venir à bonifier une loi qui, je le répète, en ce qui
me concerne, est inacceptable et ne pourra l'être que si le gouvernement
accepte de l'améliorer.
M.BERTRAND: Nous sommes venus devant la commission pour la raison bien
simple que nous avons demandé au gouvernement d'épuiser tous les
moyens avant de proposer le projet de loi no 38. Quant à moi, ce qui
m'intéresse surtout j'invite ceux-là qui seront
appelés à exprimer une opinion là-dessus c'est,
premièrement, de savoir s'il est possible dans le climat actuel de
continuer les négociations entre les parties. Deuxièmement, s'il
ne s'avère pas possible de continuer lesdites négociations,
suivant la loi que l'on appelle le bill 290, qui est devenu le chapitre 49 des
lois du Québec de 1969, est-ce que les parties accepteraient de
soumettre ce problème à la médiation? Dans les deux cas
que je viens d'indiquer ou de la poursuite des négociations ou, si cela
n'est pas possible, d'une médiation, est-ce que les parties, de part et
d'autre, sont prêtes à s'accorder un sursis, les unes quant au
lock-out, du côté des patrons, et les autres, quant à la
grève, du côté des ouvriers ou des syndicats? Ce sont
là, de prime abord, les problèmes qui me touchent et qui touchent
de près plusieurs de mes collègues. Alors, j'aimerais bien, quand
chacun des participants se fera entendre, qu'il précise, au nom de son
groupe, sa position sur ces trois sujets.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député
d'Abitibi-Est.
M.SAMSON: De Rouyn-Noranda, M. le Président.
M. LE PRESIDENT (Bossé): De Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, on a parlé de dix minutes pour
chacune des parties intéressées; elles sont sept, ça fait
déjà 70 minutes. Il y a aussi la période des questions. Si
on leur permet de parler plus longtemps, à ce moment-
là, ça nous obligerait peut-être à
écourter la période des questions. Il s'agit donc de savoir si,
pour être objectif, il vaut mieux leur accorder dix bonnes minutes pour
qu'elles s'expliquent et qu'on prenne le temps qu'il faut pour demander les
explications supplémentaires nécessaires, et pour poser des
questions. C'est pourquoi je pense que, de notre côté, nous
serions disposés à convenir de dix bonnes minutes d'explication
et nous accepterions qu'on prenne le temps de poser les questions
nécessaires.
M. le Président, je voudrais aussi vous poser une question. Je
voudrais savoir si, à cette commission, nous devons discuter du bill ou
si nous devons nous conformer à ce qui a été dit en
Chambre cet après-midi, au but de la motion, c'est-à-dire
entendre les parties, les questionner afin de connaître la situation,
pour qu'ensuite nous retournions en Chambre mieux éclairés pour
faire nos interventions. J'aimerais connaître votre opinion à ce
sujet.
M. LE PRESIDENT (Bossé): J'ai compris qu'on devait entendre les
parties et les questionner, et non pas discuter sur le fond du bill.
M. LAURIN: M. le Président, lorsque le député de
Missisquoi a présenté sa motion cet après-midi, la
première raison qu'il a alléguée, c'était qu'il
nous fallait d'abord connaître les faits. Et les faits dans une cause
dont les sources remontent à tellement loin en arrière, où
il y a eu tellement de négociations et de discussions, peuvent
être tellement nombreux et tellement complexes que je ne comprends pas
qu'on puisse arriver en dix minutes à les résumer. Je pense que
si on veut être fidèle à l'esprit de la motion, il faudrais
laisser à ceux qui vont intervenir le loisir de parler selon leur bon
jugement. Ils sont habitués aux négociations, ils savent dans
quelles conditions on se réunit. Il faudrait donc leur laisser dire ce
qu'ils ont à nous dire dans le temps qu'ils jugeront opportun.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Alors, je crois que...
M. LAPORTE: M. le Président, cet après-midi, cela a
été clair, on n'a pas adopté la motion du
député de Missisquoi, on en a adopté l'esprit. C'est
moi-même qui ai proposé que cette commission siège. Le
cadre dans lequel nous avons accepté de siéger ce soir
était, il me semble, à la fois assez précis et assez large
pour qu'on ne tente pas ce soir déjà et je ne voudrais pas
accuser le député de Bourget dès le départ,
de gauchir ce qui a été fait cet après-midi.
Il a été dit cet après-midi que nous ne voudrions
pas demander aux parties en cause de nous faire l'historique de la
négociation, on le connaît.
J'imagine que les députés de cette Chambre ne sont pas
arrivés au parlement, aujourd'hui, comme des enfants qui viennent de
naître, ils ont quand même, peut-être, suivis la discussion
un peu depuis six mois, puisque nous avons dit cet après-midi que le
député de Chambly avait fait rapport en Chambre, il y a quelques
semaines. On a dû prendre connaissance du rapport. On a dû lire les
journaux. On a dû se renseigner. Alors, si on veut faire un marathon de
cette séance de la commission, je proposerai rapidement qu'on ajourne et
qu'on retourne en Chambre, car nous n'atteindrons pas du tout l'esprit de ce
que nous voulons faire.
Nous voulons demander à ceux qui sont directement visés
par le bill la CSN, la FTQ et les cinq parties patronales de nous
dire ce qu'ils pensent du bill. Et deuxièmement, que les parties nous
disent si, avec l'un ou l'autre amendement, on pourrait améliorer le
bill. Je n'ai aucune objection à ce que dit le député de
Chicoutimi. Si on peut améliorer le bill, le bonifier, tant mieux!
Chacun pourra se féliciter d'être responsable des
améliorations, et chacun partira satisfait. Surtout, on aura
l'impression d'avoir fait une législation sinon bonne, du moins aussi
peu mauvaise que possible.
Ce que je voudrais dire ce soir, c'est que les parties peuvent nous dire
ce qu'elles pensent du projet de loi; et deuxièmement, nous
suggérer si elles ont des amendements à apporter. Ces amendements
seront immédiatement placés devant la contradiction ou non des
autres parties, et peut-être que la commission finira par constater
qu'elles ne s'entendent pas. Nous aurons peut-être au moins acquis ce
point.
Je poserai la question à chacun, ce soir, chacun de ceux qui ont
négocié pendant six mois, et je leur demanderai: Pensez-vous que
si on négociait encore pendant trois mois vous régleriez quelque
chose? Ils nous le diront. Ils nous le diront. Et à partir de ce moment,
la commission le saura. Ce n'est pas afin qu'on puisse publier deux volumes
avec ce qui se dira aujourd'hui sur l'historique des négociations, mais
afin de connaître l'opinion des gens qui sont concernés
directement: lui, par 40,000 gars qui sont en grève; lui, par des
augmentations de salaires qui, peut-être, prétend-il, vont ruiner
ses gars. Cela nous intéresse. Et à ce moment, ils nous parleront
du bill. Et ils diront qu'il est bon, qu'il n'est pas bon, qu'il est inutile,
que c'est un recul, que c'est l'assassinat du syndicalisme. Tout ce qu'on
voudra nous dire. Chacun est libre d'en parler. Il me semble que le
débat est déjà assez important, assez sérieux, et
vous êtes déjà assez exposés à ce que la
Chambre vote demain un certain bill 38 pour nous parler de celui-là,
peut-être, de nous faire changer d'idée ce soir. L'historique ne
nous fera pas changer d'idée. Je ne pense pas. C'est l'état de la
question aujourd'hui.
Je pense qu'à l'intérieur de ces limites, nous allons
faire un compromis: nous pourrions
peut-être demander à chacune des parties de nous
synthétiser sa pensée en dix minutes. Ensuite, nous soumettrons
chacun des intervenants aux questions de la commission. Et je n'ai aucune
objection à ce qu'à la fin de la discussion chacun ait encore dix
minutes pour tirer ses conclusions.
Cela peut, je pense, satisfaire tout le monde. Cet exercice-là
représente à lui seul trois ou quatre heures de travail. Mais, si
on espère nous faire travailler jusqu'à quatre ou cinq heures du
matin, personnellement, je vais m'y opposer, parce qu'à un moment
donné je vais tout simplement m'endormir ici à la table et j'aime
autant aller dormir chez moi.
Je ne suis pas capable de siéger jusqu'à quatre heures du
matin et ça ne donnera rien. Lorsqu'on aura expliqué une fois ce
qu'on a à dire, même s'il y en a dix autres qui le
répètent sur un autre ton, avec un autre talent et d'une autre
façon, ça n'ajoutera rien à la discussion. Alors, en dix
minutes, je pense qu'on pourrait, si on veut y mettre de la bonne
volonté je pense que nous sommes tous disposés à y
mettre de la bonne volonté résumer sa pensée.
Ensuite, chacun des membres de la commission pourrait fort bien poser des
questions et, à la fin, on aurait dix autres minutes pour résumer
ou synthétiser sa pensée. Je pense que ça pourrait
être une formule acceptable à tout le monde.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Est-ce que les parties peuvent se mettre
d'accord sur l'ordre de présentation? Cela se négocie.
M. PEPIN: M. le Président, MM. les députés, avant
l'ordre de présentation est-ce qu'on pourrait parler sur ce que viennent
de dire le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre et les autres
députés?
DES VOIX: Non, non.
M. PEPIN: Je demande tout simplement si je peux parler sur ce que vous
venez de dire, au moins, dire quelques mots.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je crois que la
demande du représentant de la CSN est très légitime. S'il
a quelques observations à faire sur ce qu'a dit le ministre du Travail,
je pense que nous devrions l'autoriser à le faire. Cela, c'est
simplement de la démocratie.
M. SAMSON: M. le Président, à condition que, si on lui
accorde à lui le droit de parler là-dessus, on l'accorde à
tous les autres qui le demanderont.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Je ne voudrais pas que ça
devienne un marathon, bien sûr. Alors, je pense que la président
de la CSN peut y aller.
M. SAMSON: A ce moment-là, M. le Président, si on lui
accorde cette permission, il faut l'accorder aux autres ou bien ne l'accorder
à personne.
M. LAPORTE: M. le Président, il fait chaud, tout le monde est
fatigué, je pense que ça vaut pour les députés
comme pour ceux qui sont devant nous. On va essayer d'y mettre beaucoup de
bonne volonté. On va essayer d'écouter tous ceux qui ont des
choses à nous dire, soit les députés , car il y en a qui
auront des questions à poser, soit les autres qui veulent intervenir.
Cela ne sera peut-être pas facile toute la soirée, mais, s'il vous
plaît, on ne va pas s'enfarger toute la soirée dans la
procédure. Laissons s'exprimer tous ceux qui veulent le faire.
Personnellement, j'offre une complète mesure de bonne volonté; je
sais que tous les députés vont faire la même chose et nos
invités de même. Si, par hasard, on s'apercevait que les
règles de bonne relation que l'on tente d'établir entre eux et
nous n'étaient pas respectées par quelques-uns d'entre nous ou
par quelques-uns d'entre eux, bien, à ce moment-là, la commission
serait libre d'intervenir.
Mais, pour l'instant, disons que ce qui devra demeurer de notre
réunion, c'est la liberté de parole à l'intérieur
des limites jusqu'au temps où nous établirons en quelques minutes
les procédures de cette soirée. S'il y en a qui trouvent que ce
que nous suggérons n'est pas suffisamment digestible, qu'on nous le dise
en quelques mots, je n'ai pas d'objection.
M. Marcel Pepin
M. PEPIN: Je voulais dire très brièvement, comme vous
l'avez suggéré, que dix petites minutes pour expliquer un
problème de cette ampleur... Généralement, devant les
commissions de cette Chambre, je n'ai jamais abusé du temps des
députés, parce que je suis intervenu fréquemment devant
les commissions et je n'ai jamais cru prendre des temps indéfinis pour
expliquer les situations que je croyais devoir expliquer. Dans le cas
particulier, je pense que le ministre le reconnaîtra, ceux qui sont les
plus directement visés, à part les entrepreneurs, ce sont
évidemment les membres qui sont chez nous, les membres de la CSN. Les
députés peuvent dire que nous avons tort ou raison, ce n'est pas
là qu'est le problème pour l'instant. Nous avons peut-être
besoin d'un peu plus de temps pour expliquer notre avis là-dessus. Ce
qui se passe, et j'ai l'impression que même si tous les
députés le savent fort bien, ils ne sont pas arrivés ici
en innocents, comme l'a dit le ministre. Ils sont arrivés en pleine
connaissance de cause. Je pense aussi avoir le temps de m'expliquer un peu pour
dire quelle est la situation dans les chantiers de construction, cela n'est pas
abusif. Je ne crois pas, M. le Président, messieurs les membres, que
j'abuserai du temps de cette commission; j'essaierai de
faire mon travail le mieux possible, et je dois dire le plus
succinctement qu'il me paraftra possible de le faire, de m'exprimer; mais de
grâce, ne me limitez pas seulement à dix minutes parce que ce sont
des problèmes très graves, très sérieux. Et n'allez
pas nous mettre une espèce de bâillon au bout de dix minutes en
-disant: C'est fini pour vous.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Est-ce que les groupes
représentatifs veulent identifier leurs porte-parole?
M. PEPIN: La CSN, Marcel Pepin.
M. LEBON: La Corporation des maîtres-électriciens, Jean
Lebon.
M. LEFEBVRE: L'Association provinciale des constructeurs d'habitations
du Québec, Claude Lefebvre.
M. L'HEUREUX: L'Association des constructeurs de routes, Réal
L'Heureux.
M. DION : La Fédération de la construction du
Québec, Michel Dion. Si vous me permettez, M. le Président, il
est fort possible que le représentant de la Corporation des plombiers,
Me Louis Morin, ne soit pas ici et, s'il n'arrive pas en temps, j'ai
été autorisé à faire connaître le point de
vue des plombiers.
M. LABERGE: Louis Laberge, FTQ.
M. LE PRESIDENT (Bossé): C'est complet. Il n'y a pas d'autres
représentations? Dans l'ordre où les représentants se sont
identifiés, la parole est donc au représentant de la CSN.
M. PEPIN: M. le Président, MM. les membres de la commission, je
voudrais, au point de départ, remercier l'Assemblée nationale
d'avoir accepté de nous entendre, même si les périodes de
temps sont limitées. Je comprends que, pour plusieurs personnes, ce
problème est d'une extrême importance, non seulement pour les
députés de l'Assemblée nationale mais pour la CSN, que je
représente, et aussi les travailleurs que je crois représenter
dans ce débat.
J'ai déjà déclaré publiquement aujourd'hui
quel était mon sentiment sur le bill. Je ne l'aurais pas fait, si
j'avais su que nous avions à nous faire entendre devant la commission,
parce que j'aurais réservé mes commentaires pour la commission.
Puisqu'il n'était pas alors entendu qu'il y aurait une telle
réunion de la commission parlementaire, j'ai donc eu à prendre la
liberté de m'exprimer d'une manière catégorique devant les
représentants de la presse.
Je voudrais donc vous dire, au point de départ, qu'à mon
sens ce bill est injuste et qu'il ne devrait pas être accepté tel
qu'il est présenté devant la Chambre. Je voudrais ajouter aussi
qu'il m'apparaît fort discriminatoire envers une centrale syndicale des
travailleurs que nous représentons, des membres que nous avons, envers
la CSN.
Si je dis immédiatement, au point de départ, que le bill
est discriminatoire, je n'en veux en particulier et uniquement sur un point, le
document sessionnel numéro 70, qui parle du régime syndical, de
l'augmentation générale des salaires et des
délégués de chantiers.
Le printemps dernier, il y a eu une grève qui a duré trois
semaines à Montréal, du moins un arrêt de travail où
un de nos syndicats a été aussi impliqué mais où
nos collègues de la FTQ ont été plus largement
impliqués, parce que vous comprenez la situation ou la
réalité syndicale. Il s'est conclu à la suite de ça
une entente sur le problème des délégués de
chantier, qui a été réglé d'une certaine
façon, entente signée par six associations, cinq patronales, une
syndicale, la FTQ.
Dans ce document concernant les délégués de
chantiers, on a fixé des règles différentes pour ce qui
concerne les gros chantiers, raffineries d'huile, cimenteries ou autres, et les
petits chantiers pour tout le reste. Dans les petits chantiers, on fixe une
règle s'appliquant aux délégués de chantiers qui
n'ont pas de préférence d'emploi. Je réfère
particulièrement à la page 2 du document sur les
délégués de chantier dans les petits chantiers n'ont pas
une préférence d'emploi absolue, alors que, dans les gros
chantiers, plus loin dans le document, je pourrais vous donner la
référence, si cela vous intéresse il y a une
préférence d'emploi absolue.
Pourquoi dis-je qu'il est discriminatoire? C'est que,
généralement et je pense que vous le savez
déjà notre organisation syndicale a protégé
davantage ceux qui sont dans les métiers généraux de
l'industrie. Je réfère aux menuisiers, charpentiers, journaliers,
manoeuvres spécialisés ou autres et je rappelle que nos amis de
la FTQ ont surtout oeuvré dans un domaine différent, celui des
plombiers, électriciens, ou ce que l'on appelle en langage technique les
métiers mécaniques.
Or, dans le cas des métiers mécaniques, puisque ce sont
eux qui généralement s'en vont sur ce qu'on appelle
là-dedans les gros chantiers, il arrive qu'eux ont une protection
particulière et que dans les petits chantiers il n'y a pas une telle
protection particulière. Dans ce sens je vous dis qu'il m'apparaît
à moi que ce bill est discriminatoire.
En quoi est-il important d'avoir des délégués de
chantier? Jusqu'à quel point cela peut-il constituer un litige majeur
entre les parties? Vous comprendrez comme moi qu'à l'heure actuelle et
depuis toujours dans cette industrie de la construction, il n'y a jamais eu de
clause d'ancienneté. Nous en recherchons, une clause
d'ancienneté. Elle n'est pas acceptée; elle fera l'objet des
pourparlers ou des discussions avec
la commission parlementaire éventuellement ou le conciliateur, et
jusqu'à maintenant les employeurs l'ont refusée
catégoriquement et globalement.
Or, quand vous n'avez pas au moins une protection d'ancienneté,
quand vous n'avez pas un délégué de chantier qui peut
faire appliquer la convention d'une manière valable, essayez d'agir
syndicalement et pour protéger les travailleurs sur les chantiers d'une
manière convenable. Je pense que l'histoire, le problème de
l'industrie de la construction, c'est que vraiment les employeurs ont toujours
eu le haut du pavé. Il n'y a jamais eu moyen pour les travailleurs
d'avoir une protection efficace, parce qu'ils pouvaient être mis à
pied, congédiés.
Souvenez-vous qu'en 1966 lorsque nous avons fait grève à
Montréal pour obtenir des avantages tels que quinze minutes pour prendre
le café le matin ou l'après-midi, lorsque nous avons obtenu qu'il
puisse y avoir un avis de 24 heures avant une mise à pied, ces
dispositions, M. le Président et messieurs les députés, je
vous le dis, n'ont pas été appliquées
généralement parce que nous n'avions pas le moyen de les faire
appliquer. Ceux qui voulaient les faire appliquer étaient mis à
pied. Vous me direz: C'est de l'histoire, de l'historique. C'est très
important dans le conflit qui nous oppose à l'heure actuelle au monde
patronal.
Pourquoi est-ce important? Parce que si on n'a pas le moyen de faire
appliquer la convention collective, si on n'a pas au minimum un
délégué de chantier qui a une préférence
d'emploi, qui a une priorité d'emploi, les travailleurs vont continuer
d'être à la merci des employeurs, des entrepreneurs individuels.
Notez bien que je ne blâme pas un entrepreneur en particulier, parce que
je comprends que lorsqu'on est pris dans le domaine de la concurrence, de la
compétition les uns contre les autres, il faut produire le plus
efficacement possible. Mais quand tout le monde est soumis à la
même règle, quand tout le monde est obligé d'obéir
au même règlement, cela peut être différent.
Voilà donc pourquoi, sur le premier point, je soutiens que c'est
un bill discriminatoire contre les travailleurs qui, généralement
sont représentés par la CSN. Je demande donc à
l'Assemblée nationale, si jamais elle a à adopter une telle loi,
au moins de modifier un paragraphe dans le document sessionnel no 70. Si besoin
en est, je fournirai dès demain matin un amendement écrit pour
que l'Assemblée nationale en soit saisie et que vous puissiez en
disposer comme vous l'entendiez.
Deuxième point. Je crois que c'est un bill discriminatoire contre
les travailleurs, et non pas uniquement contre les salariés qui sont
membres de la CSN, c'est discriminatoire parce que, dans le bill 38, il n'y a
que les ententes convenues par tout le monde, qui sont inscrites dans les
documents sessionnels ou qui font partie de certains articles du bill, ou les
offres des patrons. Si le gouvernement, si l'Assemblée nationale veut
adopter une loi, il me semble qu'il devrait y avoir à tout le moins un
peu d'équilibre entre ce que le gouvernement prévoit dans sa loi
et ce qui a été offert ou demandé par l'un ou par l'autre.
A l'heure actuelle, on prévoit un mécanisme de
négociations qui n'en est pas un, à mon avis.
Depuis que le premier ministre a demandé que cette séance
soit convoquée, il était matériellement impossible qu'il y
ait des négociations valables entre les parties. Pourquoi? Parce que
nous ne savions pas ce que la loi allait contenir.
Nous ne pouvions pas faire des compromis, faire des concessions. Sur ce
point, M. le Président, messieurs les membres de la commission, j'estime
qu'il n'était pas possible pour nous, valablement, et cela, ce n'est pas
uniquement mon avis. Si les employeurs veulent dire ce qu'ils ont dit aux
conciliateurs qui sont ici, dans cette salle, je pense que tout le monde a
été à peu près unanime pour s'exprimer dans le sens
que je m'exprime à l'heure actuelle.
Discriminatoire, donc, ce bill, parce qu'il reprend la position des
employeurs. Il nous coupe les ailes en disant: Retourne au travail, va-t-en
devant le conciliateur, va-t-en devant une commission parlementaire, sans
aucune force, sans aucun moyen. Or, l'on sait que, dans la
société actuelle, malheureusement peut-être, il n'y a
qu'une loi qui vaut peut-être pas les lois du Parlement, cela
vaut, ce n'est pas ce que je veux dire mais la loi réelle dans le
domaine des relations industrielles, c'est la loi de la force. Qu'on aime cela,
ou qu'on n'aime pas cela, que j'emploie les expressions aussi vertes que celles
que je peux utiliser, trouvez-moi un moyen de régler vraiement des
problèmes, si vous n'avez pas d'un côté, une menace de
lock-out ou un lock-out, ou de l'autre, une menace de grève ou une
grève. Vous nous enlevez tous ces moyens-là et après, vous
direz: Vous pourrez la faire la grève si le cabinet des ministres n'a
pas décidé dans x jours je pense que c'est trente jours,
si ma mémoire est fidèle après la fin des travaux
de la commission parlementaire.
Eh bien, M. le Président et messieurs les membres de la
commission parlementaire, c'est, à mon avis, et je vous le dis
carrément, un leurre tout simplement. Parce que si vous attendez au mois
de novembre ou au mois de décembre pour que les travailleurs de la
construction aient une justice et qu'ils puissent faire valoir leurs droits,
vous vous trompez, ce n'est pas vrai. Si nous n'avons pas, quant à nous,
les moyens réels de faire appliquer ce que nous croyons être,
nous, notre justice, je ne dis pas la justice des autres... Nous, nous avons le
droit d'avoir une certaine conception de ce côté-là.
Je ne sais pas combien cela fait de temps. C'est bien fatigant quand on
parle.
M. LAPORTE: Ne nous y faites pas penser.
M. PEPIN: Je m'excuse, c'est parce que je crois que c'est un
problème qui...
M. LE PRESIDENT (Bossé): J'oubliais le temps...
M. PEPIN: Merci beaucoup. M. le Président. Je vous reconnais.
M. LE PRESIDENT (Bossé): On se reconnaît.
UNE VOIX: Nous aussi, on vous a reconnu.
M. PEPIN : II y avait une grève à Radio-Canada.
C'était pour la reconnaissance syndicale et il y avait un piqueteur. Je
ne le nommerai pas. Il se promenait et il était bien "chum" avec un des
directeurs de la Société Radio-Canada. Il traverse une ligne de
piquetage et il dit à notre piqueteur: Je te reconnais, toi. Bien, il
dit: C'est pour ça qu'on est ici. C'était une grève de
reconnaissance syndicale.
Donc, M. le Président, quand je dis que le bill est
discriminatoire, c'est qu'il ne reprend que les propositions des employeurs.
C'est tout ce que le bill fait, à l'heure actuelle. Il y a eu,
cependant, une offre des conciliateurs, une suggestion, un document des
conciliateurs, un document de travail. Le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre, cette semaine, s'est dépêché, sans doute
avec raison, de dire que ses conciliateurs, étaient extraordinairement
compétents et qu'il avait en eux une confiance énorme et que
c'est eux qui devaient faire le travail, le "job". Mais s'ils sont si
compétents que cela, pour le ministre, s'ils sont si bons, si valides,
pourquoi dans la loi, à tout le moins, ne pas prendre le document des
conciliateurs et l'inscrire dans la loi? Et le reste, on pourrait tenter de la
négocier par le truchement que vous voudrez. Mais, à tout le
moins, ce sera un point de départ.
Je crois que tous les députés ont eu en main un document
comme celui-ci où nous avons essayé de démontrer qu'il
était important qu'il y ait une certaine égalisation de salaires,
même si ça prend un peu de temps, bien sûr, nous le
concevons. D'ailleurs, nous sommes en fort bonne compagnie, puisque même
le ministre du Travail est d'accord avec nous et avec moi. Je pense même
que le premier ministre a parlé dans le même sens, si ma
mémoire est fidèle ou si les journaux ont rapporté des
choses qu'il a vraiment dites. Mais, la déclaration du ministre du
Travail apparaît, elle, dans le journal des Débats. Nous l'avons
reproduite uniquement pour rappeler non pas au ministre on sait qu'il
s'en souvient mais à tous les autres membres de cette Chambre
qu'il nous fallait en arriver à une égalisation des salaires.
Nous sommes tous d'accord là-dessus. La proposition des conciliateurs
adoptée, par rapport à ce qui est payé à
Montréal ou à ce qui sera payé à Montréal,
ça donne des résultats comme ceux que vous avez en main pour
chacun des métiers.
Je n'insiste pas, mais je vous rappelle qu'ayant le document vous pouvez
en prendre connaissance. Vous devez savoir alors que, dans des régions
comme l'Abitibi, par exemple, les taux de salaires sont pas mal
inférieurs. La région des Laurentides, à côté
de Montréal, a des taux de salaires largement inférieurs à
la proposition des conciliateurs qui sont compétents, d'après le
ministre du Travail. Sans doute qu'il a raison, mais pourquoi n'est-ce pas
inscrit dans le bill dans ce cas-là? Vous devez savoir que dans la
région de Drummondville c'est le ministre de la Voirie qui est
là les salaires sont extraordinairement bas, même avec la
proposition des conciliateurs. Vous devez savoir qu'à Rimouski le
ministre des Affaires municipales doit en savoir quelque chose les
salaires sont très bas aussi.
C'est pourquoi nous demandons qu'il y ait égalisation des
salaires dans cette province. Est-ce que ce serait un précédent
que nous créerions avec les gens de la construction? Le Parlement,
l'Assemblée nationale, le gouvernement, non pas uniquement celui
d'aujourd'hui, celui d'hier, mais aussi celui d'avant-hier, ont tous
été d'accord pour accorder ou pour s'en aller vers
l'égalisation des salaires. On sait bien qu'à l'heure actuelle
les troubles qui existent dans l'industrie de la construction ne sont
causés que par une chose, c'est qu'il n'y a pas, au départ, cette
égalisation de traitements entre des gens qui font des "jobs" à
peu près identiques.
On ne me dira pas qu'il y en a un qui est un peu plus compétent
que l'autre ou vice versa. On se contera des histoires une autre fois. Si
vraiment l'Assemblée nationale est d'accord pour inscrire dans sa loi
qu'il y ait une égalisation des salaires, là, ça peut
être différent. Permettez-moi de vous rappeler qu'il y a à
peine quelques années, lorsque le Parti libéral était au
pouvoir je pense que c'était en 1965 ou en 1964 il y a eu
une grève de longue durée à Saint-Hyacinthe, chez Janin,
où on construisait, je ne me souviens pas quoi, une école
technique ou quelque chose du genre. Pourquoi y avait-il grève? C'est
que l'entrepreneur prenait sa main-d'oeuvre à Montréal, et la
payait à Saint-Hyacinthe. La main-d'oeuvre de Montréal
était payée au taux de Montréal. Il embauchait d'autres
menuisiers à Saint-Hyacinthe et les payait au taux de Saint-Hyacinthe.
Cela a éclaté. A l'heure actuelle, sur les gros chantiers, dans
la province de Québec, on va avoir les taux de Montréal; sur les
petits chantiers, on va avoir les taux des régions, des taux aussi
discriminatoires que ceux dont je viens de parler et même pires. Si
l'Assemblée nationale accepte le projet de loi qui est devant elle, il
est extrêmement improbable que nous puissions jamais en arriver à
une conclusion.
M. le Président, messieurs les membres de la commission, les
travailleurs de la construction, quant à moi, sont parmi les plus
massacrés dans l'industrie parce qu'il n'y a pas de clause
d'ancienneté, pas de clause de délégué de chantier
et parce que les employeurs, ayant un immense réservoir, peuvent,
à ce moment-là, manoeuvrer leur main-d'oeuvre comme ils
l'entendent.
Si nous n'avons pas cette paix dans les chantiers, c'est qu'il n'y a pas
d'égalité de traitements. Quant à nous, la CSN, avec tous
les problèmes que vous pourrez nous donner, avec toutes les histoires
que vous pourrez faire autour de nous, faites ce que vous voudrez de ce
côté-là. Mais je suis sûr que nous
représentons un sentiment vrai lorsque nous demandons que tous les
travailleurs de la construction soient payés sur une base identique.
Pourquoi est-ce vrai pour les fonctionnaires? Pourquoi est-ce vrai à la
RAQ? Pourquoi est-ce vrai pour les employés d'hôpitaux? Pourquoi
est-ce vrai dans l'industrie de l'acier? Pourquoi est-ce vrai dans l'industrie
de l'aluminium? Les employeurs qui viennent se plaindre publiquement que ce
serait un désastre au Québec, ils le font eux-mêmes dans
leurs grandes industries. Les petits employeurs qui seraient
incompétents pour faire un travail parce qu'ils auraient à payer
un salaire convenable, on sait ce que l'on a à faire, tout le monde. Ce
ne sont pas les travailleurs qui doivent subventionner les petits
entrepreneurs.
Il me semble donc que le gouvernement et que l'Assemblée
nationale devraient au moins prendre le document des conciliateurs comme base.
Ils sont bons, les conciliateurs, ils sont compétents. Au moins,
inscrivez cela dans le projet de loi et dites-moi que j'ai tort de vous dire de
ne pas prendre uniquement la position patronale, mais retenez-en un bout aussi
de la position syndicale.
M. LAPORTE: M. le Président, je comprends que vous êtes
très bon, excellent, mais est-ce qu'on pourrait éviter, tout
simplement pour que nous puissions discuter dans le calme, des manifestations
de sentiment? Vous irez tous, après, féliciter M. Pepin et nous
irons peut-être nous aussi. Nous ferons cela en privé, si vous le
voulez. C'est une règle de conduite pour notre commission et je suis
certain que chacun voudra la respecter. .
Je voudrais poser une seule question à M. Pepin. J'ai
déjà dit à deux reprises que dans le projet de loi 38, en
accordant des augmentations de salaire seulement et en reconnaissant toutes les
clauses qui ont été paraphées par tout le monde, on
connaît seulement la position patronale. J'aimerais qu'il m'explique cela
en quelques minutes.
M. PEPIN: Certainement. Sur le premier point, les clauses
paraphées, ce sont les clauses paraphées par tout le monde. Les
clauses que vous avez ajoutées comme délégué de
chantier, vous savez que nous y sommes opposés. Il y a six associations
qui sont pour cela. Nous nous y sommes opposés. J'ai essayé
d'expliquer mes raisons devant la commission pour dire pourquoi nous nous y
étions opposés.
M. LAPORTE: Je voudrais vous faire dire que c'est une position
patronale. La FTQ dans cela ne compte pas.
M. PEPIN: Je ne vous dis pas que la FTQ ne compte pas. Elle est ici.
M. LAPORTE: Vous me dites que c'est une position patronale. C'est cela
que je veux dire.
M. PEPIN : II y a cinq associations patronales qui ont signé le
document. La FTQ, comme elle est présente plus sur les gros chantiers
que sur les petits... c'est un fait.
M. LAPORTE: Je le sais bien. Je ne discute pas cela. C'est parce que
vous dites que, dans un projet de loi, et cela m'étonne tellement, on a
pris seulement la ligne patronale, je veux savoir où.
M. PEPIN : Sur les salaires, M. le Président, c'est l'offre
patronale que vous avez prise et que vous avez prévue uniquement dans
votre projet de loi, ce n'est pas autre chose.
UNE VOIX: C'est mieux que rien.
M. PEPIN: Je ne vous dis pas que ce n'est pas mieux que rien, ce n'est
pas là qu'est le problème, il me semble. Si vous êtes
payé $3.50 à Montréal et $1.50 dans votre comté
à vous, vous y verrez vous-même. Si vous voulez en avoir du
trouble, vous allez en avoir de cette façon.
M. LAPORTE: Sur cette partie-là, on met dans le projet de loi une
augmentation de salaire qui a été offerte par les patrons. Donc,
c'est le minimum qu'ils sont disposés à offrir. Si on entreprend
la discussion pour plus, on ne le mettra pas dedans, ils ne s'entendront pas.
C'est cela que je veux vous dire.
M. PEPIN : M. le ministre, si vous mettiez la proposition, ou le
document de travail, ou la suggestion de vos conciliateurs...
M. LAPORTE: Nous allons entendre les autres sur cela.
M. PEPIN: Non, non. En tout cas, moi, c'est la suggestion que je fais
humblement, ici à la commission, ça me parait raisonnable. Ces
gens-là ont travaillé longtemps, ils sont compétents, vous
me l'avez dit.
M. LAPORTE: J'aimerais ça; oui, oui. Disons que j'évite
d'utiliser ces arguments-là.
M. PEPIN: Moi, je vous rappelle M. le ministre, ce que vous disiez en
1967 dans le cas des enseignants, lorsqu'il était question que leur
droit de grève soit suspendu jusqu'en 1968. Vous leur disiez que
c'était pour eux une question de droit, de fierté humaine, de ne
pas accepter sans protester vigoureusement un retour en arrière. Vous me
comprenez, je pense.
M. LAPORTE: Oui, mais là...
M. BERTRAND: Notre maître le passé.
M. LAPORTE: ... je n'ai pas d'objection, mais nous ne le discuterons
qu'une fois, par exemple. Je ne me laisserai "side-tracker" d'aucune
façon. Evidemment, puisque nous adoptons une loi pour mettre fin
à la grève, il y aura un petit moment, pendant cette
discussion-là, où le droit de grève va disparaître.
Nous ne pouvons pas faire une loi pour mettre fin à une grève en
disant: Vous pouvez continuer. Je ne pense pas que ça atteindrait le but
que nous voulons, mais, à l'intérieur de cette
nécessité que nous jugeons, nous, et sur cette
nécessité, je l'ai dit cet après-midi à
l'Assemblée nationale, un jour, les citoyens nous diront si nous avons
eu raison ou tort. Nous serons jugés, mais à l'intérieur
de ce geste que nous posons, est-ce qu'il y a une de ces lois, que ce soit le
cas de la CTM, que ce soit le cas des gars de Chambly, que ce soit le bill 25,
où l'on a tenté de respecter de la même façon le
droit à la négociation, le droit à la
représentation, etc.? J'aimerais que vous nous disiez ça
aussi.
Aimeriez-vous mieux que nous vous fassions un bill 25? C'est charmant de
se faire dire: Pourquoi ne mettez-vous pas telle chose dans le bill, le
rattrapage? Je suis d'accord, M. Pepin, que vous êtes absolument en
faveur que nous mettions dans le bill tout ce qui vous plaît. Mais si,
par hasard, au lieu de vous laisser négocier pendant un mois, le
gouvernement intervenait lui-même pour mettre ce qui plaît aux
patrons, là, vous pousseriez des grands hurlements, par exemple.
Cela marche des deux côtés. Si vous demandez ce soir,
dites-le nous, à l'Assemblée nationale de régler le
décret d'une façon définitive, nous allons le faire, mais
vous courrez là un risque. Tandis que ce que nous vous disons nous,
c'est que nous ne mettons rien dans le projet de loi qui vous plaît, sauf
l'augmentation des salaires. Mais nous vous disons: Tout ce sur quoi vous ne
vous êtes pas entendus, discutez-le. Et si vous n'êtes pas capables
de vous entendre, revenez devant nous, nous ne parlerons que de ça.
Est-ce que vous êtes plus protégés que de dire ce soir
mais dites-le-nous par exemple à l'Assemblée
nationale: Messieurs, donnez-moi le rattrapage, puis réglez-nous le
reste.
Si vous êtes prêts à prendre ce risque-là,
moi, je ne suis pas prêt à vous le donner, parce qu'à ce
moment-là, vous vous placez dans une situation impossible,
espérant obtenir des choses qui vous plaisent et c'est normal
mais vous interdisant de penser qu'il y a aussi cinq parties patronales
qui ont peut-être des choses à demander aussi. Et si nous en
mettons quelques-unes qui ne vous plaisent pas, le lendemain matin, on va dire:
Encore un gouvernement qui favorise les patrons. Nous ne voulons pas faire
ça. C'est à vous, c'est votre responsabilité de
négocier votre convention collective, et on me dit que vous êtes
excellent pour faire ça, négociez-là. Puis si, en
dernière analyse, après tout ça, vous ne réussissez
pas à vous entendre, il faudra bien qu'un jour quelqu'un décide.
Mais j'espère qu'à ce moment-là, le gouvernement, la
commission et le public seront renseignés et qu'on pourra nous juger en
connaissance de cause.
J'espère que vous n'allez pas non plus nous demander ce soir de
nommer un arbitre, à moins que la CSN veuille retourner au régime
de l'arbitrage obligatoire. Vous me le direz, ça aussi, M. Pepin, si
vous voulez ça.
M. PEPIN: Dès que vous aurez fini, je suis prêt à
vous parler. Je pense que là, j'essaie de répondre au ministre
directement. Sur un des points, M. le ministre, que vous avez soulevés,
par rapport, par exemple, à la CTM, vous vous souviendrez que, dans
cette loi, c'est vous, je pense, qui avez proposé ou appuyé un
amendement du chef de l'Opposition du temps, M. Lesage, où était
prévue la période de négociations.
M. LAPORTE: C'est ça.
M. PEPIN: La négociation, dans le bill 1 dans le temps,
était prévue par ce nécanisme. Ce que je voudrais
mentionner, M. le ministre et MM. les membres de la commission parlementaire,
c'est que dans la proposition du bill 38, je vous le dis très
carrément, vous semblez protéger le principe de la
négociation collective, mais, en fait, dans la pratique, d'après
moi, vous ne le protégez pas. Je vais essayer de m'expli-quer.
Peut-être ai-je tort.
M. LAPORTE: Je suis bien d'accord qu'on le discute.
M. PEPIN: A la première étape, vous prévoyez une
période de conciliation et, à ce moment-là, devant un
conciliateur que vous nommerez, peu importe lequel. Pendant cette
période, les parties pourraient, théoriquement, s'entendre. Comme
ça fait six mois qu'elle dure, il est possible qu'elles ne s'entendront
pas. Si elles ne s'entendent pas, vous prévoyez la commission
parlementaire où, je pense, nous aurons un peu plus que dix minutes pour
nous exprimer, si elle a lieu. Quand cette commission
est terminée, si j'ai bien compris le bill, j'ai le droit de
faire la grève ou l'employeur de faire son lock-out, s'il le
désire, parce que la loi s'éteindrait à toutes fins
pratiques. Non? Ce n'est pas à ce moment?
M. LAPORTE: Justement, on a voulu obliger le gouvernement à agir.
C'est arrivé que des individus ont dit: Le gouvernement ne rend pas de
décision; un mois, deux mois, six mois, un an. Mais les règles
très sévères de la loi continuent de s'appliquer, et le
gouvernement dit: Je vais les laisser tout seuls, je suis tranquille pendant ce
temps-là. On s'est refusé cet abus. On a dit: Nous avons un mois
pour rendre la décision. Si au bout d'un mois la décision n'est
pas rendue, nous retournons à la loi de la jungle. C'est un gros risque
à prendre pour un gouvernement, mais si la décision est rendue au
bout d'un mois, évidemment, vous retombez sous l'empire de l'article
290. C'est clair. Alors, on s'oblige à agir en dedans d'un mois. C'est
un avantage.
M. PEPIN: C'est là-dessus que je voudrais parler pour bien vous
démontrer qu'à mon avis le principe de la négociation
collective est protégé en théorie, mais rendu à ce
bout-là, il n'est plus protégé parce que vous, comme
gouvernement, comme lieutenant-gouverneur en conseil, vous prenez une
décision. Même si la décision ne me plaît pas ou
même si elle ne plaît pas aux employeurs, personne ne peut plus
bouger. Nous sommes encadrés là-dedans, c'est votre
décision. Si vous croyez que nous avons une force et que ça peut
endommager le complexe G, H ou J, vous prenez une décision. Peu importe
la décision. Vous allez prendre la meilleure possible quant à
vous, mais disons que nous, comme travailleurs, elle ne nous plaît pas. A
ce moment-là, ce n'est pas de la négociation collective. Quand je
négocie avec quelqu'un et que j'ai un droit de grève et que lui a
un droit de lock-out, à ce moment-là, je suis sur un pied
d'égalité. Quand je négocie avec quelqu'un en vue d'en
arriver à une décision d'un arbitre quand vous me posez la
question: Voulez-vous, comme CSN, avoir un arbitre ou non, c'est ce que vous me
faites l'arbitre, en l'occurrence, c'est le lieutenant-gouverneur en
conseil parce que c'est lui qui sera appelé à prendre la
dernière décision. A ce moment-là, vous m'offrez
l'arbitrage. Ce qu'il y a de pire, à mon avis...
M. LAPORTE: Si vous me permettez, il faut bien, en partant de notre
point de vue à nous, qu'un jour quelqu'un décide. Il faut donc
trouver un arbitre.
M. PEPIN: Donc, c'est l'arbitrage.
M. LAPORTE: Nous vous suggérons, nous, l'arbitre qui est le plus
susceptible d'être jugé par ses pairs. C'est mieux qu'un juge qui
n'a de compte à rendre à personne. Un jour nous irons devant le
peuple et il se souviendra, et vous serez là pour lui rappeler que nous
avons rendu certaines décisions. Nous prenons non seulement nos
responsabilités et nous pouvons mettre un grand R quand on voudra
il y a un risque, mais nous nous imposons le rôle
désagréable d'arbitre et nous l'imposons au seul qui a des
comptes à rendre à des citoyens dont vous êtes. Je pense
qu'on vous donne le meilleur arbitre qui soit, celui qui s'expose le plus.
M. PEPIN: Tout de même, je pense qu'on se comprend. Ce n'est pas
la négociation collective telle qu'on la conçoit qui est
protégée par le bill 38. C'est une négociation qui nous
conduit à un arbitrage, mais l'arbitre, c'est le lieutenant-gouverneur
en conseil.
M. LAPORTE: Elle vous y conduit seulement si cette négociation ne
donne pas de résultat. C'est possible. C'est clair.
M. PEPIN: Bien sûr, mais seulement, comme nous n'avons pas la
force de négociation requise à ce moment-ci pour négocier,
écoutez...
M. LAPORTE: D'accord, vous êtes plus renseigné que moi, je
vous l'accorde.
M. PEPIN: Je n'avais pas fini de répondre à toutes les
questions.
M. LAPORTE: C'est peut-être sur le même sujet.
M. PEPIN: Si c'est sur le même sujet, je n'ai pas d'objection.
M.BERTRAND: Je vous écoute depuis le début et vous parlez
de la loi. Quant à moi, j'ai indiqué, au début de mes
remarques tantôt, que j'avais quelques questions à vous poser.
Disons qu'à un moment donné, il arrive qu'un gouvernement,
quel qu'il soit, soit obligé de poser un geste. Mais avant de le poser,
il faut employer tous les autres moyens. A ce moment-ci, vous dites que le
gouvernement se substitue aux parties pour négocier. C'est ça, en
fait. Dans les circonstances actuelles, seriez-vous en état de m'assurer
qu'au nom de votre groupement, vous pouvez d'abord continuer à
négocier?
M. PEPIN: Si j'ai les droits que j'ai à l'heure actuelle et que
j'exerce, je vous réponds affirmativement.
M. BERTRAND: Voulez-vous dire par là que la grève
continuerait?
M. PEPIN: C'est exactement ce que j'ai voulu dire, M. Bertrand.
M. BERTRAND: Et même s'il y avait nomination d'un
médiateur, seriez-vous prêt à ordonner à vos
ouvriers, à vos employés de retourner au travail?
M. PEPIN: Je vous réponds personnellement, puisque vous me posez
une question impromptue et à brûle-pourpoint. Je vous dis que s'il
y a un médiateur et que si nous voulons en arriver à un
règlement, nous somme mieux de continuer la situation comme elle est
à l'heure actuelle pour un règlement rapide.
DES VOIX: Ah! UNE VOIX: Ah bon!
M. PEPIN: Je vous dis clairement les choses. Je ne suis pas ici pour
vous conter des histoires. Autrement, on n'a pas de force, et quel
médiateur va agir?
M. LAPORTE: C'est notre droit de dire des ah! ah! ah!
M. PEPIN: Votre droit de dire des ah! ah! ah!
M. BERTRAND: M. Pepin, j'ai une autre question à vous poser. Vous
parlez de l'exercice du droit de grève. Ce n'est pas moi qui ai
soulevé ce point. Seriez-vous prêt, quant à ce droit de
grève, quant à l'exercice de ce droit de grève, quant au
vote au sujet de la grève, à ce qu'il y ait un mécanisme
pour assurer que le vote sera absolument impartial et dénué de
toute menace ou de procédure d'intimidation?
M. PEPIN: Bon. Je ne peux pas parler pour tout le monde. Je vais parler
pour moi et je vais essayer de restreindre votre question, pour l'instant, au
cas de la construction, si vous me le permettez.
Dans ce cas-ci, l'Assemblée nationale pourrait dire: Je vais
adopter le projet de loi, mais je ne le sanctionne pas avant qu'il y ait une
consultation libre, et de la manière dont vous entendrez cette
liberté. Si vous voulez avoir un représentant de
l'Assemblée qui assistera à toute...
M. BERTRAND: Sous l'égide du ministère du Travail.
M. PEPIN: Sous l'égide, dans ce cas-ci, du ministère du
Travail. Si je ne l'accepte pas d'une manière générale,
c'est pour d'autres considérations, M. Bertrand. Je pourrais prendre le
temps de l'expliquer, mais je pense que si je réponds à votre
question dans le cadre du cas de la construction, cela va vous satisfaire, et
c'est pourça que nous sommes ici, ce n'est pas pour le cas
général.
Dans ce cas-ci, adoptez donc demain la loi, mais ne la sanctionnez pas.
Que ce soit ainsi. Faisons la tournée de tous nos groupes. Ce sont nos
membres, par exemple, qui vont voter ce ne sont pas des membres qui n'en
sont pas parce que ce sont eux qui décident; ce ne sont pas les
membres des autres. A ce moment-là, vous aurez le rapport à
l'Assemblée nationale la semaine prochaine et vous pourrez alors prendre
une décision en connaissance de cause.
Donc, je réponds affirmativement à votre demande pour le
cas de la construction. Si vous voulez que j'élargisse le débat,
cela va être un autre problème.
M. BERTRAND: Non, non, je vous pose la question pour ce
domaine-là.
M. PEPIN: Alors, je vous réponds pour ce domaine-là.
Maintenant, le ministre m'avait posé une question très
directement: Est-ce que vous êtes prêt à accepter que le
cabinet ou que le conseil des ministres décide immédiatement? Du
moins, j'ai compris...
M. LAPORTE: C'est l'Assemblée nationale.
M. PEPIN: Ou l'Assemblée nationale, comme le bill 25, si vous
voulez.
Le processus parlementaire, tel que je le conçois, c'est que le
gouvernement présente des propositions à l'Assemblée
nationale. Quand il est majoritaire, il a plus de chances de faire accepter son
règlement que si c'était un parti de l'Opposition qui venait avec
ça. Ce qui revient à dire que le gouvernement, c'est le cabinet
des ministres. Que ce soit l'Assemblée nationale...
M. BERTRAND: Vous avez l'air au courant.
M. PEPIN: II faut agir. Dans ce cas-ci, M. Laporte, je
préfère ne pas attendre, quant à moi, X mois avant de
connaître la réponse, avant que les gars connaissent la
réponse. D'après votre bill, ils devraient retourner au travail
lundi, s'il était adopté et sanctionné à temps. A
ce moment-là, les gars retourneraient au travail et ils seraient
absolument désemparés. Ils ont fait une grève, à
tort ou à raison, pour une question d'égalisation de salaires et
pour certaines autres conditions. Vous, vous leur dites: Retourne au travail.
Ne t'en fais pas, cela va se régler par un mécanisme. Je l'ai dit
fréquemment: A choisir entre votre bill tel qu'il est articulé et
me faire dire demain par l'Assemblée nationale quelles vont être
les conditions de règlement, je suis convaincu que les travailleurs que
je représente vont préférer connaître la
réponse immédiatement, mais pas dans six mois.
Est-ce que cela répond à votre question?
M. LAPORTE: Oui, mais j'aurais aimé vous entendre dire ça
sur le bill 25.
UNE VOIX: Sur le bill 1.
M. PEPIN: Sur le bill 25, M. Laporte, lorsque les enseignants... Sur le
bill no 1, il y a eu un processus de négociations. Souvenez-vous bien
que, dans le bill 38, c'est le cabinet des ministres qui a le dernier mot.
Qu'il l'ait dans six mois ou qu'il l'ait tout de suite, c'est le cabinet des
ministres qui a le dernier mot. Je n'aime pas cette situation; je
préférerais que le cabinet des ministres ne se mêle pas de
ça, je vous le dis carrément. Mais, à choisir entre les
deux pôles, je préfère qu'il nous dise tout de suite ce qui
en est.
M. LAPORTE: Vous m'intriguez. Supposons qu'il y a un bill 38. Vous
aimeriez confier la décision finale à qui?
M. PEPIN: La décision finale! Laissez les choses comme elles vont
et les parties vont s'entendre. Vous me dites qu'il n'y a pas de bill 38.
M. LAPORTE: Je vous posais une question.
M. PEPIN: Je réponds à votre question. Que se passe-t-il
lorsqu'il y a un conflit? Dans les hôpitaux privés, nous n'avons
pas de force apparemment, mais la grève dure. Nous avons de la force
là-bas et cela dure.
M. LAPORTE: Le bill 38 est adopté; les gars rentrent à
l'ouvrage. Il faut qu'il y ait quelqu'un qui décide. Qui
suggérez-vous comme arbitre final?
M. PEPIN: Ecoutez, je ne suis pas d'accord pour que le bill 38 soit
adopté.
M. LAPORTE: C'est parce que vous me dites que le pire arbitre, à
votre avis, c'est le conseil des ministres.
M. PEPIN: Je regrette, M. Laporte, ne me faites pas dire ce que je n'ai
pas dit.
M. TREMBLAY: On n'aurait pas dû changer le conseil des
ministres.
M. LAPORTE: On nous a simplement dit que nous n'aurions pas dû
changer le conseil des ministres.
M. PEPIN: Ce que j'ai dit, M. Laporte, c'est que vous avez un projet de
loi qui conduit à une décision du cabinet des ministres dans six
mois, trois mois ou deux mois.
M. LAPORTE: Vous croyez ça fatalement? M. PEPIN: Fatalement, je
crois ça.
M. LAPORTE: Lorsque j'ai dit, cet après-midi, en Chambre, qu'il
était inimaginable que vous puissiez vous entendre rapidement, j'avais
raison?
M. PEPIN: Pas nécessairement, Non, mais écoutez-moi, je
pense que c'est important...
M. LAPORTE: Oui.
M. PEPIN: Vous ne vous placez pas dans le même cas. Vous avez une
échéance. Quand vous étiez dans la négociation,
avec arbitrage obligatoire le président de la commission
connaît fort bien ça: il l'a vécue, cette période
comme moi il n'y avait pas d'entente possible dans la
négociation, parce que fatalement un arbitre décidait pour les
parties. Pas de responsabilités pour les parties, à toutes fins
pratiques. A l'heure actuelle, le mécanisme qui est prévu nous
conduit fatalement vers l'arbitrage par le conseil des ministres. Je ne vous
dis pas que le cabinet des ministres, c'est le meilleur ou le pire des
arbitres. Je vous dis qu'à choisir entre les deux réalités
la réalité d'une décision du cabinet dans X
semaines ou mois, ou la réalité de la décision du cabinet
tout de suite pour la connaître, pour que les gars sachent à
quelles conditions ils retournent au travail pour la période qui s'en
vient je préfère la deuxième.
M. LAPORTE: Et si entre le moment où le bill est adopté et
le moment le conseil des ministres espère que cela ne se produira
jamais où il devra décider, le conseil des ministres veut
que vous veniez à tour de rôle, pour renseigner l'opinion publique
devant la commission parlementaire du Travail, pour que le conseil des
ministres un jour puisse être jugé en connaissance de cause par
les gens, vous ne trouvez pas que c'est une amélioration.
M. PEPIN: Je ne le pense pas, en tout cas. Je vous donne
carrément mon avis.
M. BERTRAND: M. Pepin, vous faites allusion, à ce moment-ci,
à un des articles du bill. En fait, c'est l'article 12. Vous seriez
prêt à accepter, vous, dans la loi, que ce ne soit pas le conseil
des ministres, mais le Parlement qui soit chargé d'entériner le
décret? C'est ça?
M. PEPIN: M. le chef de l'Opposition, ce que j'ai demandé depuis
le début de la semaine, c'est que, si le Parlement, l'Assemblée
nationale se réunit, il soit à tout le moins très
valablement informé. Je sais que le ministre fait des efforts
d'information moi aussi, j'en fais ce soir mais il faut que nous
puissions discuter aussi un certain temps avec les membres du Parlement pour
essayer de faire comprendre notre point de vue. J'ai aussi demandé qu'il
n'y ait pas cette ligne traditionnelle de parti qui s'applique habituellement.
Pourquoi? Si vous êtes des arbitres, dans un cas de relations de travail,
un arbitre en soi, c'est quelqu'un qui n'est pas partisan, ce n'est pas
quelqu'un qui est préjugé. Voilà pourquoi j'ai
demandé cela tout simplement, publiquement. Je peux vous dire une auche
chose, si cela pouvait vous aider. Indi-
quez donc dans le bill que l'Assemblée nationale est d'accord sur
l'égalisation des salaires, prévoyez-le donc dans le bill. A ce
moment-là, si vous décidez que cela prend un an et demi pour
égaliser les salaires, deux ans et demi, trois ans ou même un peu
plus longtemps, suivant des régions ou des métiers, nous pourrons
commencer au moins à avoir l'orientation de l'Assemblée
nationale. Les parties qui négocieraient sauraient alors quelle serait
la position éventuelle du cabinet, non pas quant au quantum, non pas
quant au temps, mais, au moins, nous saurions ce que veut l'Assemblée
nationale. La grande lutte, les grands problèmes de l'industrie, c'est
qu'il n'y a pas cette égalisation.
M. BERTRAND: M. Pepin, si vous me permettez, est-ce que, en vertu de
l'entente intervenue en juillet 1969, il n'y a pas eu entre toutes les parties
une acceptation de ce principe, quant à la parité de salaires et
quant à ce mode de rattrapage qui devait ou qui devrait s'effectuer sur
une durée de trois ans? Est-ce que cela a été
agréé par toutes les parties?
M. PEPIN: II y a de la controverse, M. le chef de l'Opposition, sur ce
point-là, parce que, dans l'entente, je pense que vous l'avez dans
un dossier ou dans l'autre; comme je la sais à peu près par
coeur, non pas les mots, mais au moins les idées...
M. BERTRAND: La carte provinciale, dans un cas, et la carte
régionale...
M. PEPIN: II y a le paragraphe a) et le paragraphe b). Dans le cas du
paragraphe a), c'est la parité salariale absolue, lorsqu'il y a,
à mon avis, suivant que je l'interprète...
M. BERTRAND: Au départ...
M. PEPIN: Bien, pas au départ, dans la prochaine convention
collective, celle qui devait commencer le 1er mai dernier. Maintenant, dans
ça, il y a eu une référence au bill 49, au paragraphe a).
Or, les employeurs nous disent: II n'est pas appliqué, le bill 49. Il
commence, je pense, en septembre. Donc, cela ne s'applique pas. A mon humble
avis, l'intention des parties, au moins pour ceux qui ont une carte
provinciale... Prenez le cas des électriciens et des plombiers, c'est
une licence qui est émise par le ministère, ça. Alors,
à ce moment-là, que les salaires soient identiques partout. Il me
semble qu'on ne doit pas émettre des mauvaises licences à
Québec ou à Chicoutimi, par rapport à Montréal.
Bon, là, il y a une question d'interprétation. Le paragraphe b)
arrive et dit: On accorde régionalement une disparité de salaires
lorsqu'on trouve des facteurs économiques objectifs. Et on s'asseoit par
la suite sur des coefficients économiques. Moi, je l'ai fait examiner
par des économistes, pas par des juristes, parce que ce n'est pas un
problème de droit, c'est un problème économique. Les
économistes chez nous et à l'extérieur du mouvement ont
dit: Que veux-tu? Essaie donc de trouver quelque chose d'objectif comme
facteurs économiques. Ce n'est pas possible. Les employeurs me disent:
Nous, nous en avons trouvé Notre proposition salariale tient compte de
facteurs économiques objectifs. Finalement, j'ai compris, à la
suite des discussions et ils s'interpréteront eux-mêmes
qu'ils avaient calculé objectivement des facteurs
économiques subjectifs. C'est d'ailleurs bien compréhensible,
parce que personne ne peut en trouver. Du côté des conciliateurs,
vous allez me faire croire qu'il y a des facteurs économiques qui
interviennent là-dedans? Bien non. Eux non plus, ils ne feront croire
cela à personne. Si vous prenez la courbe je ne l'ai pas ici
parce que je pensais que c'était inutile, je pensais que le gouvernement
nous donnerait au moins ce que lui-même avait offert si, dis-je,
vous prenez la courbe des salaires offerte par les employeurs, vous allez avoir
des creux encore plus considérables. Il n'y a donc pas de facteurs
économiques. En conséquence, depuis cette
période-là, il y a des choses qui ont été
changées et j'ai l'impression que l'égalisation des salaires ne
peut pas être uniquement un mythe pour nous, c'est une
réalité. Ce qui arrive aussi, M. le chef de l'Opposition, et je
pense que c'est important que vous le sachiez, c'est que, dans les
métiers mécaniques comme on les appelle, c'est
généralement un gros chantier, les salaires sont les mêmes
qu'à Montréal. Ce qui est choquant pour les provinciaux, comme on
les appelle et comme on les appelle d'ailleurs chez moi aussi parfois, c'est
qu'il arrive que les provinciaux sont payés $1 l'heure meilleur
marché. Sans doute mon ami Louis Laberge, va-t-il me dire: Ah, tu n'a
pas fait ton "job".
Bien sûr qu'il peut me dire ça, sauf que ces mêmes
gars à lui qui sont membres de son union, parce qu'il prétend en
avoir beaucoup dans la province, ne sont pas payés plus cher que les
nôtres quand ils travaillent là.
M. LABERGE : Ils viennent de rentrer.
M. PEPIN: Très bien.
UNE VOIX: Franchement, les dix minutes...
M. LAPORTE: M. le Président, est-ce que l'on pourrait tenir pour
acquis que le très intéressant exposé...
M. PEPIN: Je ne suis pas d'accord.
M. LAPORTE: ... de M. Pepin a maintenant duré dix minutes?
M. CADIEUX: M. le Président, j'aurais une question à
poser.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Un instant. Il y avait aussi le
député de Rouyn-Noranda qui désirait poser une
question.
M. LABERGE: Je n'ai aucune objection à ce qu'il continue.
M. LE PRESIDENT (Bossé): La parole est au député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, j'aimerais poser une question
à M. Pepin. Le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, cet
après-midi, nous a cité des chiffres en Chambre concernant le
vote de grève qui a été pris pour le présent
conflit. On nous a parlé d'une représentation de 15 p.c. de vos
syndiqués qui ont voté et on nous a parlé aussi d'environ
peut-être à 8/10 près 10 p-c. des
travailleurs syndiqués qui ont voté pour la grève.
Etes-vous en mesure, M. Pepin, de nous confirmer ces chiffres ou si vous les
contestez?
M. PEPIN: Tout ce que je peux donner comme réponse c'est que le
vote de caractère provincial pour les membres qui ont voté
atteint tout près de 60 p.c. de ceux qui ont voté. Le pourcentage
des membres qui ont voté, je ne l'ai pas. Est-ce que le ministre a de
bons chiffres ou des mauvais chiffres? Je ne les conteste pas; je n'infirme
rien et je ne confirme rien là-dessus. Mais souvenez-vous que quand vous
êtes dans un mouvement, dans une association si vous êtes
Lacordaire, par exemple et qu'un vote se prend à l'association,
c'est parmi les membres qui sont là que le vote se prend, et puis c'est
pareil aussi dans le monde syndical. A l'Assemblée nationale, lorsqu'un
vote se prend, c'est parmi les membres qui sont présents que le vote se
prend. Dans les syndicats, il y a des votes qui se prennent parmi ceux qui sont
présents et quand la convocation a été faite
régulièrement, je ne crois pas que l'on puisse contester ce
fait.
Ce qui est important, c'est de savoir si la grève est
légale ou non d'après vous au sens de la loi. Nos
règlements, ça, ça nous regarde.
M. SAMSON: M. Pepin, on nous a dit cet après-midi que 60 p.c.
environ je pense que vous avez confirmé ça de ceux
qui ont voté ont voté en faveur de la grève. On nous a dit
que 15 p.c. de vos effectifs ont voté. On a dit aussi que ça
représente 10 p.c. C'est ça que je veux savoir de vous, si ces
chiffres sont exacts. Maintenant, on nous a aussi dit en Chambre cet
après-midi qu'à certains endroits il n'y avait pas eu de vote de
grève, que vous aviez consulté les exécutifs. On nous a
dit également, si je me rappelle bien, qu'à un endroit il y avait
0.8 p.c. des travailleurs syndiqués qui ont voté. Est-ce que
selon vous pour notre information, parce que ce n'est pas une accusation
que je fais, je vous pose la question cette méthode qui a
été employée dans le cas présent, avec les chiffres
qui nous sont donnés puisque nous devons considérer qu'ils sont
exacts, est une méthode ordinaire, une méthode que vous employez
régulièrement ou si c'est une méthode spéciale pour
le conflit actuel?
M. PEPIN: D'abord, le cas de la construction est toujours
spécial, ne vous en faites pas. Il n'y a pas de cas plus difficile que
celui de la construction. Je pense que mes amis qui sont à ma droite en
savent quelque chose et les députés doivent être au courant
de ça. Le cas de la construction est toujours un cas extrêmement
pénible dans un certain sens. Le métier lui-même est
quelque chose qui n'est pas simple et puis la vie syndicale dans les
métiers du bâtiment est aussi assez complexe.
Quand vous prenez un vote de grève, disons au mois d'avril, vous
avez tel résultat. Mais quand les gars sur les chantiers, deux mois plus
tard, décident de faire autrement parce qu'ils sont fatigués de
leur employeur ou pour d'autres motifs, pour la recherche objective de ce
qu'ils veulent avoir, les réalités se modifient
considérablement. Généralement parlant, je dois vous dire
que les votes de grève se tiennent de manière beaucoup plus
scrupuleuse dans les industries que dans les métiers du bâtiment.
Je peux vous dire ça.
Quant à votre question précise, mes informations sont que
partout il y a eu des assemblées syndicales pour demander des votes de
grève. Si je me suis trompé d'un endroit, tant pis, mes
informations sont celles-là. Quant au résultat de Sept-Iles ou
d'ailleurs, malheureusement, je ne l'ai pas.
Ce qui m'intéresse, c'est de voir comment cette urgence des
problèmes peut se régler non pas uniquement avec un retour au
travail, mais aussi l'urgence de régler les conditions de travail des
gens.
M. SAMSON : Vous me permettrez, M. le Président, puisqu'on a
permis aux autres députés de poser trois ou quatre
questions...
M. LE PRESIDENT (Bossé): Je vous en prie.
M. SAMSON: Est-ce qu'il y a une raison spéciale pour laquelle ces
chiffres n'ont pas été publiés? On a dû les avoir
par l'entremise du ministre, cet après-midi.
M. PEPIN : Généralement, ces chiffres ne sont pas
publiés, sauf par les journalistes qui assistent aux assemblées,
la plupart du temps, et qui les font connaître au public. Il est
probable, M. le député, que si vous aviez lu la série des
journaux du temps comme vous avez dû le faire, mais votre
mémoire a pu oublier vous auriez retrouvé ces
résultats.
M. SAMSON : M. Pepin, je lis les journaux et
je n'ai pas trouvé les résultats qui nous ont
été présentés cet après-midi.
Malheureusement, peut-être que vous aviez oublié d'inviter les
journalistes.
M. PEPIN: Je pense qu'ils ont suivi...
M.SAMSON: De toute façon, je voudrais vous poser une autre
question. Les chiffres que nous avons eus sont les chiffres d'une moyenne
provinciale. Il se trouve que, dans certains régions, le vote a
été nettement contre la grève. Pour quelles raisons
a-t-on, quand même, obligé les ouvriers de ces régions
à faire la grève?
M. PEPIN : Si vous voulez procéder à une enquête
à ce sujet, je suis prêt à ce qu'on fasse une enquête
là-dessus.
M. SAMSON : M. Pepin, je ne vous demande pas de me parler des choses qui
ne nous regardent pas, je vous demande de nous parler du cas qui nous regarde
ce soir.
M. PEPIN: C'est celui-là, c'est là-dessus que je
parle.
M. SAMSON: Je vous demande, à vous, pourquoi oblige-t-on les
ouvriers d'une région donnée, qui ont voté nettement
contre une grève, à la faire par différentes
méthodes que vous connaissez. Pourquoi?
M. PEPIN: Vous avez l'air d'être bien au courant, vous.
M. SAMSON: Oui, parce que je lis les journaux.
M. PEPIN: C'est cela. Et comme vous croyez ce qui est écrit dans
les journaux, vous en faites votre propre accusation.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de
Saint-Jean.
M. SAMSON: Je n'en fais pas une accusation, je vous demande pourquoi.
C'est à vous de me donner la réponse, pas à moi. Ce soir,
nous sommes réunis pour vous poser des questions, pour tenter de faire
la lumière. Si vous refusez de nous donner des réponses,
évidemment, nous le prendrons en considération.
M. PEPIN: Est-ce que j'ai refusé... M. SAMSON: Je vous
demande...
M. PEPIN : Est-ce que j'ai refusé de vous répondre depuis
le point de départ?
M. SAMSON: Actuellement, vous n'avez pas refusé, mais vous avez
tenté de me dire que je faisais une accusation. Alors, je vous demande
pourquoi, dans ces régions données... Je vais formuler de nouveau
ma question, si elle n'est pas claire...
M. PEPIN: C'est cela.
M. SAMSON: Pourquoi les oblige-t-on?
M . PEPIN : Parce que je crois que nous ne les obligeons pas.
DES VOIX: Oh!
M. LE PRESIDENT (Bossé): Si vous me permettez...
M. SAMSON: Si vous ne les obligez pas, pour quelle raison, étant
donné qu'ils ne veulent pas faire la grève, sont-ils en
grève?
M. PEPIN: Moi, je pense qu'ils le veulent...
M. LE PRESIDENT: (Bossé): S'il vous plaît, est-ce que nous
pouvons maintenant donner la parole au député de Saint-Jean?
UNE VOIX: J'aurais une question sur le même sujet.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le Député de
Saint-Jean.
M. VEILLEUX: Aux trois questions...
M. LE PRESIDENT (Bossé): Un peu de silence!
M. VEILLEUX: Aux trois questions de M. Bertrand, le représentant
de la CSN a répondu qu'il accepterait la médiation à la
condition qu'il puisse continuer la grève advenant le cas où
l'Assemblée nationale permettrait à la CSN de continuer la
grève. Est-ce que la CSN laisserait pour employer l'expression du
président de la CSN les provinciaux de la FTQ travailler
là où ils veulent travailler?
M. PEPIN : Ce n'est pas à nous de décider si les
provinciaux de la FTQ travailleront ou non. Si le conflit perdure, continue, il
est sûr que nous avons un droit aussi qui est attaché au droit de
grève, celui de faire du piquetage. Je pense que nous continuerons
à ce moment-là de faire du piquetage ou le genre de piquetage qui
se fait dans l'industrie plutôt par patrouilles où les gens se
promènent et essaient de dire aux gens: Arrêtez donc de
travailler, parce que ce serait valable pour votre cas à vous.
M. VEILLEUX: Alors, la CSN ferait du piquetage devant les constructions
où travaillent les syndiqués de la FTQ?
M. PEPIN: Vous savez, c'est quelque chose de légal de faire du
piquetage dans cette province, le code criminel le prévoit. Alors,
à ce moment-là, vous comprenez aussi la réalité.
Dans les chantiers de construction, comme il y a dualité syndicale, la
plupart du temps il n'y a
pas qu'une seule union, sauf dans certaines régions, qui soit
présente dans le même chantier. Les deux unions sont
présentes, généralement parlant. Si vous pouviez isoler un
autre chantier, là, je pense qu'on pourrait répondre plus
facilement à votre question. Mais, ce n'est pas la réalité
syndicale.
M. VEILLEUX: Je vais vous donner un cas pratique. Par exemple, à
l'industrie la Chemcell de Saint-Jean, où les employés de la
construction sont des employés affiliés à la FTQ, est-ce
que les autres gréviste de Saint-Jean, affiliés à la CSN,
laisseraient travailler les syndiqués de la FTQ à la
Chemcell?
M. PEPIN: Est-ce que vous êtes bien sûr moi, je ne
peux pas vous donner d'information, je ne le sais pas qu'il n'y a que
des travailleurs de la FTQ à la Chemcell ou...
M. VEILLEUX: Oui.
M. PEPIN: ... s'il n'y a pas un membre au moins de la CSN? Vous
êtes sûr de ça, oui?
M. VEILLEUX: Oui.
M. PEPIN: A ce moment-là, le bill 290 a eu des chances
d'être amoché dans ce coin-là.
M. LE PRESIDENT (Bossé): La parole est au député de
Beauharnois.
M. CADIEUX: Vous avez parlé tantôt, M. Pepin, de la
compétence des arbitres, de l'amour des arbitres et vous doutez de la
compétence du cabinet des ministres comme arbitre. Est-ce que vous
acceptez la compétence, comme arbitres, de vos ouvriers syndiqués
à la CSN lorsqu'ils votent?
M. PEPIN: Bien sûr, quand ils votent, comme la population quand
elle vote pour vous.
M. CADIEUX: Dites-moi, oui ou non, si vous acceptez leur
compétence.
M. PEPIN: Oui, oui, quand elle vote pour vous, la population, vous
l'acceptez aussi.
M. CADIEUX: A Rimouski, j'arrive de cette région, ils ont
voté contre la grève et vous refusez leur compétence. Vous
leur faites faire la grève quand même. Est-ce qu'ils sont
compétents, oui ou non?
M. PEPIN: M. Cadieux, ils sont compétents, nous sommes d'accord
là-dessus.
M. CADIEUX: Ils ont voté contre la grève.
M. PEPIN: Ils ont voté contre quand?
M. CADIEUX: A Québec, ils ont voté contre la grève.
A Saint-Jean, ils ont voté contre la grève. Chez nous, ils votent
contre la grève, puis après tout...
M. PEPIN: Quand? Bien, après ça les gars n'ont pas le
droit de changer d'idée?
M. CADIEUX: Oui s'il est compétent comme...
M. PEPIN: Parfois ils votent pour un parti, parfois pour un autre
parti.
M. CADIEUX: Bien oui, puis on plie devant ça.
M. PEPIN: Nous autres aussi nous plions. Ils ont changé...
M. CADIEUX: Pourquoi ne pliez-vous pas?
M. PEPIN: Cela dure quatre ans, puis pour nous, ça peut durer
deux ou trois mois, puis ils changent d'idée.
M. CADIEUX: Dites-moi pourquoi vous leur faites faire la grève
à Rimouski. J'arrive de la région. Vous obligez ces
gars-là à faire la grève. J'étais présent
sur un chantier lorsqu'on m'a dit que je n'avais pas d'affaires
là-dedans et que je me ferais casser les jambes si je parlais aux gars
qui venaient demander aux employés de sortir. J'étais là.
J'ai dit que j'étais député de Beauharnois, adjoint au
ministre du Travail et on m'a dit, je n'emploierai pas les mots, je vais passer
certains mots: Toi là, là-bas, ce n'est pas de tes affaires; si
vous continuez à travailler, on vous casse les jambes puis on vous casse
autre chose. Puis ils ont voté contre la grève, ces
gars-là. Je suis allé leur parler. Ils m'ont dit: On est contre
la grève et on est obligé de la faire. Est-ce que ces
gens-là sont compétents pour voter, oui ou non, sur un sujet de
grève?
M. PEPIN: Oui, ils sont compétents.
M. CADIEUX: Pourquoi leur faites-vous faire la grève?
M. PEPIN: Pourquoi ils font la grève? C'est différent.
Posez-leur la question.
M. CADIEUX: Non, non, c'étaient des gars de l'extérieur
qui étaient là. C'étaient des gars de l'extérieur,
je vous le dis. C'étaient des gars de l'extérieur. J'ai
essayé de les questionner, mais on n'a pas voulu.
M. PEPIN: Si vous le savez, très bien, affirmez-le. Moi, je
n'étais pas à Rimouski avec vous.
M. CADIEUX: Je vous l'affirme. Puis de quel droit peuvent-ils venir
là-bas?
M. PEPIN: Bien oui, mais ils ont le droit d'aller à Rimouski.
M. CADIEUX: Us n'ont pas le droit de nous dire qu'ils nous casseront les
jambes.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Un peu d'ordre, s'il vous
plaît!
M. CADIEUX: Ils n'ont pas le droit d'appeler chez nous au
téléphone pour dire qu'ils vont venir peinturer nos maisons,
qu'ils vont venir nous casser les jambes. Si on fait la grève...
M. PEPIN: Si vraiment c'est quelque chose de criminel, faites-les
arrêter. Si vous vous avez été menacé, si des gens
vous menaçaient, vous les faites arrêter tout simplement.
M. CADIEUX: Ils se sont sauvés avant. M. PEPIN: Bon!
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de
Chicoutimi.
M. CADIEUX: Non, mais dites-moi s'ils sont compétents pour voter
contre la grève?
M. PEPIN: Ils sont compétents.
M. CADIEUX: Pourquoi la leur faites-vous faire?
M. PEPIN: Parce qu'ils la font.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...
M. LE PRESIDENT (Bossé): Un peu d'ordre, s'il vous plaît!
Vous avez quelque chose à ajouter à la question du
député de Beauharnois? Alors, le député de
Chicoutimi.
M. PEPIN: Non.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'espère que le
débat ne s'envenimera pas, et qu'on gardera la dignité qui avait
caractérisé...
M. LE PRESIDENT: Je demanderais un peu de silence.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... ces auditions depuis le départ.
J'aurais deux questions à poser à M. Pépin. Il a
déclaré tout à l'heure qu'il s'agissait d'une loi injuste,
discriminatoire et il a donné ses raisons. La première question
que je veux lui poser est la suivante: Si le gouvernement acceptait, dans le
projet de loi qu'il a soumis à la Chambre et au sujet duquel j'ai
déjà donné mon avis, de tenir compte de ce que vous avez
évoqué concernant les délégués de chan-
tier, les clauses d'ancienneté et l'offre des conciliateurs, quelle
serait, en tant que représentant d'une centrale syndicale fort
importante, votre attitude à vous, M. Pepin? Cela, c'est la
première question. J'en aurai une autre après.
M. PEPIN: Juste pour bien comprendre votre question, M. le
député, est-ce que vous voulez dire que la loi reste ce qu'elle
est, mais qu'on ajoute les trois points que vous venez de mentionner? A ce
moment-là, je considérerais que la loi serait très,
très améliorée.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Très améliorée.
M. PEPIN: Oui. Vous savez, sur le principe même de la loi, je
resterai toujours de la même idée, de la même opinion, mais
étant obligé d'accepter une loi, si les conditions que vous venez
de mentionner y étaient inscrites puis les autres stipulations, je
considérerais que c'est une très grande amélioration.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et maintenant, M. Pepin, mon autre question
rejoint, mais sur un autre ton, celle du député de
Beauharnois.
On a quand même porté, tout à l'heure, contre votre
centrale parlons en général des accusations assez
graves. Il y a beaucoup de ragots à ce sujet. Il peut y avoir des faits
exacts. Est-ce que vous seriez en mesure de suggérer au gouvernement ou
à des organismes responsables de faire une enquête sur les
agissements de personne qui, dit-on, obligeraient vos travailleurs qui ont
voté contre la grève à faire quand même la
grève? On a quand même, ce soir, implicitement ou explicitement,
porté des accusations qui, à mon avis, sont préjudiciables
à la bonne réputation de votre centrale syndicale. Je ne fais pas
miennes ces accusations; je vous demande simplement de me dire si vous voyez
quelque moyen d'informer le public et les membres de l'Assemblée
nationale sur de telles accusations au sujet d'agissements qui, semble-t-il,
seraient de nature criminelle.
M. PEPIN : Je vais répondre de deux façons à votre
question. Sur le premier point, bien sûr que je n'ai aucune objection
à ce que le ministère de la Justice ou du Travail, s'ils le
désirent, fassent une enquête, complète cependant, sur ce
qui s'est passé ou sur ce qui se passe à l'heure actuelle. Je
dois vous rappeler que le ministère de la Justice est pleinement
habilité, à mon avis, pour voir au règlement de ces
problèmes. Si vous croyez qu'une enquête serait la meilleure
façon de procéder, je n'y ai pas d'objection. J'espère que
ce ne sera pas une enquête limitative cependant, uniquement pour tenter
de trouver un ou quelques coupables pour essayer de s'amuser de ce
côté. Pour répondre d'une manière un peu plus
ouverte à
votre question, il vaudrait peut-être la peine pour
l'Assemblée nationale d'examiner un vieux projet que les centrales
syndicales caressent depuis très longtemps. Dans le cas d'une
grève légale, ne serait-il pas mieux que les travaux de
production arrêtent et sous forme législative? Je pense que ce
serait une avenue pour éviter de très graves problèmes
dans le monde industriel et particulièrement dans le domaine de la
construction qui n'est pas un monde très ordinaire. C'est une suggestion
que je vous fais. J'ai répondu directement à votre question,
quand même.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si vous me permettez une question
supplémentaire. En somme, vous seriez d'accord pour qu'on
réexamine l'ensemble des lois du travail afin de trouver de nouvelles
orientations qui permettraient de débarrasser le tableau de toutes ces
ombres qui rendent difficiles d'abord l'appréciation des
députés et, d'autre part, l'appréciation que le peuple
peut faire des gestes de vos centrales syndicales ou de vos travailleurs.
M. PEPIN: Je suis d'accord pour que le code du travail soit remis
à jour. Je pense qu'il en a besoin, même s'il ne date que de 1964.
Avant, nous pouvions avoir des lois du travail qui remontaient à 1901 et
qui ont été en vigueur jusqu'en 1964. Maintenant, je pense qu'il
y a une réalité moderne et que ça évolue beaucoup
trop vite pour qu'on soit statique ou stagnant de ce
côté-là. D'ailleurs, le conseil consultatif du travail et
de la main-d'oeuvre dont je suis membre essaie de faire un travail positif de
ce côté pour modifier certaines législations et en proposer
d'autres au gouvernement et à l'Assemblée nationale.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Vous admettez que dans la construction,
sauf tout le respect que j'ai pour le député de Chicoutimi, c'est
"rough".
M. PEPIN: Je crois que vous avez une expression très juste,
même si le député de Chicoutimi ne l'aime pas.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le député de Chicoutimi trouve
que c'est "tough".
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Beauce.
M. ROY (Beauce): J'aurais quelques très brèves questions
à poser à M. Pepin. Lorsqu'il y a vote de grève, j'imagine
qu'on convoque les ouvriers à une réunion qui doit avoir lieu
à une date déterminée. Est-ce que l'assemblée est
convoquée justement en vue de prendre un vote de grève et est-ce
que les ouvriers le savent d'avance?
M. PEPIN: D'abord, ce ne sont pas les ouvriers en tant que tels qui sont
convoqués; ce sont les membres du syndicat. Si vous me
référez à un cas particulier, je ne pourrais pas vous
répondre; je vous dis quelle est la façon générale
de procéder. Quand il y a un vote de grève à prendre, les
membres sont avisés à l'avance de la tenue d'une assemblée
à telle heure et à tel endroit. Ceux qui viennent ont le droit de
vote. C'est la règle générale.
M. ROY (Beauce): Maintenant, est-ce qu'il est bien stipulé, dans
la convocation de l'assemblée, qu'un vote de grève sera pris?
M. PEPIN: Généralement, oui, M. le député.
Maintenant, je vous rappelle que nous avons des constitutions pour chacun des
syndicats, et que les constitutions sont généralement
approuvées par le Secrétaire de la province, ou d'autres
organismes qui ne sont pas incorporés et qui ont leur propre
constitution. Je ne peux pas vous donner une réponse pour les 950
constitutions que nous avons dans notre organisation. Mais la règle
générale, c'est celle que je vous donne.
M. ROY (Beauce): Maintenant, est-il exact que, dans certains cas, on ne
demande pas un vote de grève, on demande tout simplement un vote de
confiance, comme l'ont souligné certains membres de l'Assemblée
nationale tout à l'heure?
M. PEPIN: Généralement non. Maintenant, s'il y a eu des
cas où cela s'est produit, moi, je ne peux pas répondre pour tous
les votes qui ont pu être pris sous une forme de confiance ou non. Je
crois que vous comprendrez que je ne suis pas habilité à vous
donner une réponse valable parce que je ne suis pas au courant, bien
sûr, de tout ce qui se passe.
M. ROY (Beauce): Je suis un peu surpris d'entendre dire que le
président de la CSN n'est pas au courant de ce qui se passe. Maintenant,
ce vote de grève se prend devant qui?
M. PEPIN: Devant qui?
M. ROY (Beauce): Devant quelles personnes mandatées pour recevoir
le vote lorsqu'un vote est pris?
M. PEPIN: Les membres du syndicat votent...
M. ROY (Beauce): Ce sont les membres du syndicat.
M. PEPIN: ... et les représentants du syndicat sont
généralement là aussi.
M. ROY (Beauce): Est-ce qu'il y a d'autres observateurs?
M. PEPIN: La plupart du temps, non, parce que c'est une assemblée
des membres d'un syndicat.
M. ROY (Beauce): D'un syndicat. Maintenant, qui compte les
bulletins?
M. PEPIN: Les responsables, généralement...
M. ROY (Beauce): Les responsables du syndicat.
M. PEPIN: ... ou les scrutateurs qui sont généralement
désignés par l'assemblée.
M. ROY (Beauce): Par l'assemblée.
M. PEPIN: Généralement.
M. ROY (Beauce): Qui publie les résultats?
M. PEPIN: C'est le syndicat lui-même et les responsables qui
rendent public le résultat. Si, parfois, il y a des journalistes dans la
salle, il est arrivé fréquemment qu'on leur a demandé le
service de dépouiller le scrutin. C'est arrivé fréquemment
que les journalistes se sont plies de bonne grâce à notre
demande.
M. ROY (Beauce): Maintenant, M. Pepin, une dernière question.
Vous avez dit tout à l'heure, lorsque vous avez répondu au
député de Rouyn-Noranda, que les ouvriers, les syndiqués
étaient libres de faire la grève ou non. Est-ce que vous pourriez
dire lundi matin, par exemple, aux ouvriers de Québec qui ont
voté contre la grève qu'ils seraient libres de retourner au
travail? Est-ce que vous pouvez le dire publiquement?
M. PEPIN: Ce n'est pas à moi à prendre une telle
décision. Il y a des cadres syndicaux qui sont à Québec.
Personnellement, comme président de la centrale, suivant les
décisions qui seront prises, j'ai un choix à faire,
d'après la loi. Je ferai mon choix personnel. Les autres feront leur
choix aussi personnel. Moi, je ne suis pas ici pour menacer qui que ce soi ou
pour me faire dire: Qu'est-ce que tu vas faire? Non, cela, c'est ma
responsabilité. J'ai des instances à respecter moi aussi comme
vous en avez à l'Assemblée nationale.
M. SAMSON: M. le Président, une question supplémentaire,
s'il vous plaît.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député a usé de
son droit de parole. Cependant, le temps s'écoule et je voudrais bien
donner aussi l'occasion aux autres de s'exprimer.
M. SAMSON: Une simple question, M. le Président.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Alors, sur...
M. SAMSON: Etant donné que c'est sur une réponse.
M. LABERGE: Nous n'avons pas d'objection pourvu que vous ayez beaucoup
d'haleine, parce que nous allons réclamer le temps
nécessaire.
M. SAMSON: Alors, M. le Président,...
M. LAPORTE: Vous aurez vos dix minutes!
M. LE PRESIDENT (Bossé): C'est évident qu'il ne s'agit pas
ici de mettre une partie plus que l'autre en vedette. Il s'agit de donner la
même occasion à toutes les parties présentes. La question
supplémentaire, d'abord, du député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. Pepin, vous m'avez dit tantôt que dans les
régions où les syndiqués avaient voté contre la
grève, vous ne les obligez pas à faire la grève. C'est
assez clair qu'ils la font quand même. Alors, si vous ne les obligez pas
à faire la grève, si ces gens-là, dans leur organisation
locale, décident de retourner au travail, est-ce que vous allez les
laisser libres de retourner, ou s'il y aura un mécanisme
d'empêchement?
M. PEPIN: Vous me parlez, là? M. SAMSON: C'est à vous que
je parle. M. PEPIN: Le président de la CSN? M. SAMSON: C'est à
vous que je parle.
M. PEPIN: Moi je n'ai jamais envoyé personne faire la
grève, et je n'en ai jamais fait retourner au travail non plus.
Peut-être que les structures d'un mouvement syndical, on pourrait prendre
le temps d'expliquer ça...
M. SAMSON: Non, non, M. le Président, si vous n'êtes pas
responsable en quelque sorte de la grève, pourquoi est-ce vous qui venez
nous donner des renseignements?
M. PEPIN: Parce que ce sont des membres qui nous sont affiliés,
des membres...
M. SAMSON: D'accord.
M. PEPIN: ... qui acceptent que nous les représentions, des
membres qui ont décidé de poser tel geste. Quand les
décisions sont prises par eux, ce n'est pas nécessairement moi
qui prends les décisions à ce moment-là. Il y a des gens
dans le public qui s'imaginent qu'on a une machine dans notre bureau pour dire:
Tel groupe fait la grève demain; tel autre groupe
rentre au travail après-demain. Non, cela ne marche pas de cette
façon-là.
M. SAMSON: Mais, M. Pepin, puisque vous n'êtes pas...
UNE VOIX: Un peu de silence.
M. SAMSON: ... mandaté pour décider, selon ce que vous me
dites, quel groupe fera la grève et quel groupe ne la fera pas, vous
sembliez tantôt mandaté pour me dire qu'ils n'étaient pas
obligés de faire la grève. Là, vous ne semblez pas
mandaté pour me dire que vous ne les empêcherez pas de retourner
au travail. Je voudrais que ce soit plus clair que cela.
M. PEPIN : Je suis convaincu que vous ne voulez pas me mettre en
boîte.
M. SAMSON: Non, pour aucune considération. Je veux avoir une
réponse claire.
M. PEPIN : II n'y a pas de problème, quant à moi. Si les
gars veulent retourner au travail, le président de la CSN n'y a aucune
objection.
M. SAMSON : Vous dites, M. le Président de la CSN, que vous
n'avez aucune espèce d'objection, mais étant donné qu'ils
ont voté contre la grève, ils ne voulaient pas quitter le
travail. Pourquoi ont-ils quitté le travail? Pourquoi je pense
que c'est connu de tout le monde les empêche-t-on d'aller au
travail?
M. PEPIN: A l'heure actuelle, vous posez des questions de la même
façon que M. Cadieux tantôt. Je crois avoir répondu
clairement que ces gens ont pu prendre un vote de grève.
M. CADIEUX: Vous avez dit: Pas de réponse.
M. PEPIN : Pardon, je ne vous ai jamais répondu cela, M.
Cadieux.
M. SAMSON: Pour continuer, je pense que l'on ne vous a pas compris. On
voudrait tellement bien vous comprendre.
M. PEPIN: Au moins, ce que j'espère, c'est d'être entendu.
C'est le minimum.
M. SAMSON: Je vous entends; je ne suis pas encore sourd.
M. LAPORTE: M. le Président, c'est intéressant, cela va
très bien, les minutes passent vite. Est-ce que nous pourrions, au
moins, revenir au sujet de notre étude, ce soir, le bill 38?
D'après les règles que nous avions écrites, lorsque M.
Pepin a déclaré: Je n'ai pas d'objection, moi, j'ai cru devoir
ajouter au bill 38.
M. PEPIN: C'est vous qui avez ajouté cela.
M. LAPORTE: Oui, d'accord. On pourrait revenir au bill 38.
M. LE PRESIDENT: Sur le bill 38, le député de Bourget,
d'abord.
M. LAURIN: Nous sommes bien patients, comme vous voyez.
J'ai retenu une phrase de M. Pepin. Il disait que, depuis une semaine,
il ne pouvait pas négocier parce que la centrale et les unions
affiliées ne savaient pas ce qu'il y aurait dans la loi. Maintenant,
elles savent ce qu'il y a dans la loi ou elles le sauront demain matin ou
lundi. Est-ce qu'il peut nous dire si, maintenant que sa centrale sait ce qu'il
y a dans la loi, il lui serait possible de négocier? J'ajouterais deux
questions subsidiaires à ma question. Dans cette optique-là,
est-ce que la loi lui semblerait nécessaire la loi telle qu'il la
connaît maintenant pour aboutir à des résultats qui
seraient dans l'intérêt public et est-ce que cela aurait
été possible également, même sans la loi, d'aboutir
par la voie de la négociation, dans des délais respectables,
à des résultats qui auraient été conformes à
l'intérêt public?
M. PEPIN : Je prends vos questions les unes après les autres.
Maintenant, que l'on connaît le bill, est-ce que c'est possible de
négocier? Si le bill reste sur la glace comme il est là, par
exemple, si le Parlement disait: On va le laisser de côté; allez
négocier, les chances d'un règlement comme le bill nous placent
dans la même position que l'annonce de la séance nous
plaçait dans le fond. Parce que nous ne connaissons pas la
décision éventuelle du cabinet des ministres. Alors, il est
probable c'est une question hypothétique, vous comprendrez que je
réponde hypothétiquement que des parties seraient dans la
même position que nous l'étions au début de la semaine.
Est-ce que cela répond bien à votre premier point? La
deuxième question que vous me posez: Est-ce qu'il y a moyen de reprendre
les débats, à l'heure actuelle? Je pense que c'est contenu dans
ma première réponse. Votre troisième question, voulez-vous
la répéter?
M. LAURIN : Est-ce que cela aurait été possible d'en
arriver à des résultats conformes à l'intérêt
public sans cette loi-là? Ou encore, en d'autres termes, est-ce que
cette loi-là vous paraissait absolument nécessaire ou
relativement nécessaire? Est-ce que cela vous paraissait le meilleur
moyen ou, au contraire, est-ce qu'il vous semblait qu'il valait mieux continuer
à négocier selon les méthodes usuelles avec des chances
relatives de succès dans un avenir rapproché?
M. PEPIN: L'expression sur laquelle on pourrait peut-être discuter
ensemble, c'est un "temps respectable ou relativement bon". Là-dessus,
je n'ai pas de réponse possible. Je pense
qu'il y aurait eu plus de possibilités d'accord entre les parties
s'il n'y avait pas eu d'annonce de bill. C'est ce que je crois,
personnellement.
M. LAURIN: Pourriez-vous élaborer là-dessus?
M. PEPIN : Dès que le gouvernement nous dit: Nous
présenterons un bill à l'Assemblée nationale, il est
extrêmement difficile pour une partie d'échanger avec l'autre,
parce que l'on ne sait pas exactement quelle est la position de celui qui agira
comme arbitre. C'est ainsi pour le bill 38 qui est actuellement devant vous.
S'il était mis de côté et si on nous disait: Maintenant que
tu connais la position du gouvernement, va donc négocier avec les
employeurs.
Il y a une réponse que je n'ai pas. Quelle sera l'attitude
éventuelle de l'arbitre, qui est le cabinet des ministres? C'est une
forme d'arbitrage obligatoire et dans cela, le mécanisme usuel de
négociations a toujours été bloqué lorsqu'il y
avait un recours à un arbitre qui prenait une décision
exécutoire. Pendant vingt ans, cela a été le cas des
services publics. J'estime qu'il aurait été plus facile d'en
arriver à un accord entre toutes les parties, dans un délai de X,
que vous pourriez dire irraisonnable ou raisonnable, parce qu'il n'y a pas de
réponse possible quant à la durée du délai. Je
pense toutefois qu'il y aurait eu plus de possibilité d'en arriver
à un accord en l'absence d'une session annoncée et d'un bill
éventuel. J'estime aussi que les parties auraient fait
éventuellement un meilleur travail, plus satisfaisant pour leurs
conditions, qu'avec un bill, quelle que soit d'ailleurs la décision du
cabinet des ministres, que ce soit lui ou un autre arbitre. Je voudrais vous
rappeler que, dans le cas des enseignants c'est de
l'interprétation que je fais le bill 25 adopté, à
mon avis, a créé un tel émoi, un tel choc psychologique
chez les enseignants qu'on a encore aujourd'hui une bonne partie du
résultat. C'est ma thèse, c'est une interprétation, elle
peut être non valable. Je crois que, dans le cas de la construction
ce ne sont pas des enseignants vous pourriez en arriver à
une situation un peu analogue, mais en tenant compte que les niveaux sont
différents et que les responsabilités ne sont pas les
mêmes.
M. LAURIN: Une autre question. Avez-vous l'impression, M. Pepin, que la
présence du ministre du Travail au sein d'une négociation
quelconque et, en particulier, celle de la construction, où les
intérêts sont multiples, divergeants, étant donné le
nombre des instances en cause, peut introduire dans les négociations, un
caractère partisan, un caractère politique, qui peut nuire aux
négociations? Ou, au contraire, croyez-vous qu'elle peut aider, à
cause de la force dont jouit le ministre, du fait des pouvoirs qu'il
possède, du prestige qu'il possède?
M. PEPIN: Ma réponse à votre question est affirmative. Je
crois que la présence physique même du ministre est un atout pour
aider. Sur cela, on peut diverger d'opinion. J'ai connu assez de
négociations pour vous dire que, quand vous avez une présence qui
constitue, dans le fond, une force morale, une pression morale sur les parties,
ce n'est pas de l'imposition ou de l'obligation, mais que cela aide. Cela ne
nous plaît pas toujours, ce que le ministre ou les ministres
concernés ont proposé aux uns ou aux autres. Mais je pense que
c'est un moyen, un débouché convenable. Cela dépend certes
des personnes qui sont en cause. Il y en a qui aiment cela, et d'autres qui
n'aiment pas cela. Moi, je préfère quand cela existe, comme vous
l'avez suggéré dans votre question.
M. LAURIN: Est-ce qu'on ne court pas le danger, à ce
moment-là, que le ministre devienne une cible favorite pour les deux
parties en cause et qu'on le charge de tous les péchés
d'Israël, lorsque la négociation n'aboutit pas?
M. PEPIN: Oui, c'est le danger que court le ministre d'ailleurs, quand
il s'introduit à la table des négociations. Il peut se faire
tirer des boulets par toutes les parties impliquées. Mais je crois que
cela fait partie de son métier, de sa fonction, d'agir ainsi. Il y a
d'autres ministres qui ont d'autres problèmes, à Cabano ou
ailleurs. Qu'est-ce que vous voulez? C'est vraiment le rôle du ministre
à ce moment-là.
M. LAPORTE: C'est le ministre de la Voirie qui va bâtir des
routes.
M. PEPIN: Qui va bâtir des routes. Bien non, ce n'est pas
nécessaire, M. le ministre. Je pense que c'est trop simple comme
réponse. Vous le savez fort bien.
M. LAPORTE: Mais vous le savez fort bien, vous...
M. PEPIN: Vous pouvez, vous, vous en poser.
M. LAPORTE: ... vous avez non seulement de l'expérience, mais de
la mémoire. Il y a un ministre qui a négocié, l'an
passé. Est-ce que cela a facilité ou compliqué les
négociations de l'an passé et surtout celles de cette
année? J'aimerais poser la question aux cinq qui sont devant moi. Est-ce
que c'est vrai, oui ou non, M. Pepin, que deux ou trois des parties patronales
m'ont dit: Si la face du ministre se montre à la table, on s'en va? Pas
parce qu'ils le haïssent. Ils les naissent tous, pas plus moi qu'un autre.
Mais ils ont dit: L'an passé, on s'est fait tordre le bras dans la
coulisse par le ministre, avec la puissance dont il dispose, lui, je me suis
fait tordre le bras dans la coulisse, cette année, cela ne recommencera
pas. Si le ministre entre dans l'appartement, on s'en va. C'est vrai ou non,
ça?
M. LAURIN: II y a de bons orthopédistes, M. le ministre.
M. LAPORTE: Oui, oui, il y a de bons orthopédistes, mais il y a
aussi de bons négociateurs.
M. PEPIN: M. le ministre, ce que vous ont dit les représentants
des parties patronales, vous comprendrez que je ne le sais pas. Je les ai
écoutés, lorsque j'étais présent à la table
des négociations. C'est mardi, lundi soir ou mardi matin. J'ai compris
qu'ils ne souhaitaient pas que vous soyez là. Cela les regarde.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le temps s'écoule, alors la
parole...
M. LAURIN: J'ai d'autres questions, M. le Président.
M. LE PRESIDENT (Bossé): La parole est au député de
Bourget.
M. LAURIN: C'est la première fois que je parle depuis une heure
et quart. J'ai été très patient, je vous demanderais
d'être patient. M. Pepin, pourriez-vous nous dire s'il vous parait utile,
à votre centrale, que le ministère ou que le gouvernement, lors
de séances de négociations aussi complexes que celles que
connaît le monde de la corruption, de la construction c'est la
fatigue qui me fait fourcher la langue s'il est utile, pour que les
séances de négociations progressent, que dans des
négociations aussi complexes le ministère émette des
directives générales qui donnent un cadre à la
négociation?
Comme, par exemple, l'affirmation d'un principe, la parité ou la
sécurité d'emploi, ou un cadre de négociations, en ce qui
concerne la négociation sectorielle, qui est un peu différente de
la négociation au niveau particulier, comme la nécessité
de règles plus détaillées, plus strictes, pour le
déclenchement d'une grève... En somme des directives
générales qui constituent un guide pour les parties. Est-ce que
vous croyez que ça peut-être utile ou au contraire que ça
peut mélanger les cartes?
M. PEPIN: Répondre d'une manière générale
à votre question, je ne m'y hasarderai pas, je pense qu'il faudrait
faire trop de distinctions et trop de nuances. Dans le cas cependant qui nous
occupe et qui nous préoccupe tous, je crois que l'annonce de principes
directeurs de la part du ministère, cela peut être utile pour les
parties. On sait où se loge le ministère. Cela ne veut pas dire
qu'on sera fatalement en accord avec ces directives, on peut les combattre, on
peut essayer de les faire changer. Donc, je réponds affirmativement
à votre question, dans le cas de la construction.
M. LAURIN: Une dernière question, M. le Président.
Pourrais-je demander à M. Pepin si entre les deux, des conciliateurs et
un médiateur, il voit une différence et, s'il voit une
différence, voit-il une préférence dans le rôle que
peut jouer un médiateur venant de l'extérieur, connu pour sa
compétence dans un domaine où il a exercé ses talents?
Est-ce que la présence d'un médiateur, surtout à un point
des négociations qui devient assez serré lui paraît
préférable à celle de conciliateurs, selon le rôle
qu'on leur connaît habituellement?
M. PEPIN: Encore une fois, je ne parlerai pas
généralement, je parlerai du problème que nous devons
étudier. Je pense que, dans ce cas-ci, nommer un médiateur en
plus de ceux qui ont été désignés par le
ministère, serait du superflu. Je pense que les gens, comme l'a dit le
ministre avec raison, ont fait un travail convenable. Ils n'ont pas
réussi pour des circonstances sans doute extérieures à
eux, et peut-être extérieures aux parties. Alors je ne
suggérerais pas la nomination d'un médiateur spécial dans
ce cas-ci.
M. LE PRESIDENT (Bossé): L'honorable député de
Maisonneuve.
M. BURNS: J'ai seulement une question. Vous m'avez fait attendre
longtemps, M. le Président. M. Pepin, si je vous ai bien compris
tantôt, dans le cas de la construction, dans l'éventualité
où les travailleurs visés par la grève ne seraient pas
forcés à retourner au travail, du moins dans l'immédiat,
pendant que les travailleurs sont en grève, si je vous ai bien compris,
vous avez dit, tantôt, que vous accepteriez de prendre un nouveau vote
dans ce cas-là quant à l'opportunité de rester en
grève. Est-ce exact ce que j'ai compris, ou non?
M. PEPIN: Ce que j'ai répondu à une question qui m'a
été posée par un député, je ne me souviens
plus lequel, c'est si l'Assemblée nationale, demain par exemple,
décide d'adopter le projet de loi 38, ou un projet de loi 38
modifié, mais qu'à ce moment-là, la proclamation ou la
sanction si ce n'est pas le bon terme, vous me le direz ne se
fasse pas avant qu'il y ait un retour à l'Assemblée nationale,
après une série de votes qui se tiendraient dans tous les
syndicats affiliés qui participent à ce conflit. Et là,
l'Assemblée nationale serait informée.
M. BURNS: Alors en somme vous accepteriez le principe d'un vote
supervisé actuellement parmi les employés en grève, c'est
ça?
M. PEPIN: Oui, dans l'hypothèse que je viens de formuler, il
faudrait savoir un peu où on est situé. L'Assemblée
nationale adoptant une loi, sanction plus tard, là il y aurait une
série de votes qui pourraient se prendre.
M. BURNS: Dans votre esprit, quelle est la
différence entre un projet de loi adopté, mais non
sanctionné, et le projet de loi remis à plus tard? Y a-t-il une
distinction, ou si c'est tout simplement le fait que les employés ne
soient pas forcés à retourner au travail?
M. PEPIN: Vous savez, il y a plusieurs questions qui m'ont
été posées ce soir, disant: Les gars sont tous
forcés d'être en grève. Moi, je le conteste. J'ai
peut-être tort, ils ont peut-être raison les députés
qui m'ont suggéré ça. Je vous le dis, moi, je suis
prêt à suivre cette procédure-là.
M. BURNS: Bon.
M. PEPIN: Si j'ai raison par exemple, tenez-en compte. Si j'ai tort,
j'en tiendrai compte.
M. BURNS: Un tel vote, M. Pepin, d'après votre expérience
et d'après les possibilités particulières des
employés visés dans le cas présent, pourrait prendre
combien de temps à être réalisé?
M. PEPIN: Je crois que entre 24 et 48 heures, cela pourrait
s'organiser.
M. BURNS: Au complet. M. PEPIN: Oui.
M. BURNS: Vous voulez dire parmi les 40,000, je crois qu'ils sont
40,000...
M. PEPIN: S'il y avait 40,000 membres en grève, j'aimerais
ça, mais ce n'est pas tout à fait exact.
De toute façon, entre 24 et 48 heures, parce qu'il y a des
régions éloignées. Je présume qu'il faudrait la
présence d'un représentant du ministère et nous, nous
devrons envoyer nos représentants. Il faudra expliquer notre cas et leur
dire ce que nous pensons de l'affaire. Et après cela, le vote se
prendra.
M. BURNS: Merci, M. Pepin.
M. LAPORTE: M. le Président, quant à moi, ce sera la
dernière question et j'espère que ce sera la dernière.
Elle est, à mon avis, d'une importance extrême. Est-ce que le
ministère du Travail aurait pu faire plus, aurait pu faire mieux ou
aurait pu faire différemment depuis le 10 février 1970, à
votre avis, pour aider à résoudre le problème qui est
actuellement devant nous?
M. PEPIN: Je crois que le ministre aurait dû venir lui-même
à la table des négociations.
M. LAPORTE: Bon!
M. PEPIN: Quant au ministère lui-même, je lui rends
témoignage qu'il a fait tout ce qu'il a pu.
M. LAPORTE: Bon! Le ministre se justifiant ou ne se justifiant pas
devant l'opinion publique de ne pas être allé à la table
des négociations, quant au reste vous êtes d'avis que le
ministère du Travail ne pouvait pas faire mieux, différemment ou
plus?
M. PEPIN: Ma réponse est catégorique. Je crois que le
ministère a fait un bon travail, même si je ne partage pas son
avis sur tel point ou tel autre point.
M. LAPORTE: Oui, d'accord.
M. PEPIN: Je n'ai pas de plainte à porter au
ministère.
M. LAPORTE: Merci.
M. PEPIN: Je pense que le ministre aurait dû être
présent. Non pas parce que je veux le blâmer personnellement,
c'est ma conception à moi.
M. LAPORTE: D'accord. Cet après-midi, j'ai donné...
M. LE PRESIDENT: (Bossé): Le député de
l'Assomption.
M. PERREAULT: Une seule question au président de la CSN. Ce
matin, certains députés ont mentionné que le Parlement ne
devrait jamais intervenir dans une législation pour faire revenir des
ouvriers au travail. On devrait laisser les combattants s'épuiser, les
laisser tomber jusqu'à ce qu'il n'y ait plus un seul combattant. M.
Pepin, combien de temps considérez-vous comme normal, sans qu'elle nuise
à la société, pour une grève de la
construction?
M. PEPIN: Sans nuire à...
M. PERREAULT: A la société en général.
M. PEPIN: En soi, une grève doit nuire à quelqu'un. Si
cela ne nuit à personne... Si vous me demandez combien cela prend de
temps pour entraîner un bouleversement économique
général, je n'ai pas de réponse, et je ne pense pas que
personne puisse donner une réponse objective. Moi, je ne crois pas
qu'à l'heure actuelle la situation commande une session sur ce
problème. Je ne le crois pas. Vous croyez le contraire, cela vous
regarde.
Au point de départ, vous m'avez suggéré une
espèce de question. Certains prétendent que vous ne devriez pas
intervenir dans le domaine privé. Je sais que le ministre du Travail en
a longuement parlé cet après-midi. Pour ne pas empiéter
sur mes dix minutes, je n'en ai pas parlé au point de départ de
mon intervention.
J'estime que, lorsque vous avez une grève efficace
efficace pour nous, cela veut dire que cela fait mal à quelqu'un aussi,
je ne veux pas dire physiquement; pour vous, cela peut être les
travailleurs les travailleurs, lorsqu'ils retournent au travail
avec des gains, par exemple l'égalisation des salaires, pendant un
certain temps auront eu mal, mais après, il y a un correctif qui
vient.
Dans le domaine privé, si vous avez une grève tout
à l'heure j'ai parlé des hôpitaux privés; là,
vous pouvez la laisser durer qui est efficace, vous adoptez une loi, si
ce n'est pas efficace les gars font la grève. Je pense que
là-dessus vous devriez reviser un peu vos concepts vous aussi, pour vous
demander comment oh s'ajustera. A quel moment pourrons-nous faire une
grève? Chaque fois que nous pourrons en faire une qui ait un peu
d'efficacité, vous pourrez vous réunir et dire: Cela, c'est
efficace, nous adoptons une loi.
C'est là le danger que je trouve: l'intervention étatique
dans l'économie. Je voudrais dire au ministre que s'il y a une
organisation, s'il y a quelqu'un qui est d'accord pour l'intervention
étatique dans l'économie, c'est bien celui qui vous parle et
l'organisation que je représente. Vous ne devez pas être là
uniquement pour punir les crimes; vous devez être les moteurs de
l'économie, c'est bien sûr. Mais la règle de base qui est
acceptée à l'heure actuelle, c'est quoi? Il y a un code du
travail qui nous donne le droit de faire la grève. Lorsque nous la
faisons ou le code des relations industrielles dans les métiers
de la construction vous vous réunissez et vous dites: Non! Fini!
Si nous avons fait des choses qui ne sont pas correctes, il y a d'autres
procédures pour y voir. Ce n'est pas du ressort de la Chambre.
Voilà pourquoi je ne peux pas bien sûr
répondre à votre question précise. Je ne pense pas que
vous non plus vous puissiez apporter un témoignage certain en disant :
C'est X semaines, X mois. Je sais que, dans le domaine des postes, à
Ottawa, M. Kierans a l'air prêt à endurer cela bien, bien
longtemps. J'espère qu'il en arrivera à un règlement plus
valable que s'il l'impose par voie sessionnelle. C'est pour cela que je
voudrais vous demander de faire l'effort d'oublier votre bill 38 et de dire aux
parties de négocier valablement.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de
Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, je sais bien que l'on a
parlé longuement de la procédure de vote dans les syndicats, mais
je crois que c'est extrêmement important et que c'est rattaché
directement au bill pour la bonne raison que pour les membres de
l'Assemblée nationale, il est important de savoir si les membres des
syndicats veulent en majorité cette grève ou ne la veulent
pas.
Est-ce que vous seriez prêt à accepter une
législation gouvernementale légiférant sur la
procédure du vote lors d'un vote de grève?
M. PEPIN: Tantôt, j'ai évité de répondre
à cette question-là, parce que ça entraîne un
débat assez long. Mais je vais juste donner quelques mots d'explication
pour que vous compreniez mon point de vue. Cependant, dans le cas de la
construction, actuellement, ce que j'ai répondu au député
de Maisonneuve et, je pense, au député de Chicoutimi, cela
tient.
Quand vous me demandez si je suis d'accord pour que le code
prévoie quelque chose la plupart de nos constitutions le
prévoient, ça, c'est évident le danger pour nous,
du côté syndical, et pour les membres que nous
représentons, c'est qu'advenant que le code le prévoie, ça
donne matière ou possibilité de recours devant les tribunaux
parfois sur des questions de forme et non pas de fond. Alors il arrive que les
mouvements syndicaux se sont opposés à ce que ce soit inscrit
dans la loi pour que vraiment leur droit de grève soit quelque chose de
réel qui ne puisse pas constamment être battu en brèche par
des procédures, des brefs d'évocation devant les tribunaux. C'est
une des raisons pour lesquelles nous ne voulons pas que la loi intervienne de
ce côté-là. Vous êtes inquiets dans le cas de la
construction, mais je vous refais la proposition que j'ai faite à
diverses reprises ce soir.
M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, une question
supplémentaire, si vous le voulez bien. Vous avez mentionné tout
à l'heure que le gouvernement devrait, lors d'une grève
légale, si vous voulez, fermer, par la loi, les chantiers ou l'usine qui
subit cette grève. Mais d'un autre côté, comment
croyez-vous que le législateur puisse coopérer avec les syndicats
à arrêter ces briseurs de grève ou à fermer les
chantiers ou les usines lorsque le vote de grève est pris par une telle
minorité de syndiqués? Et bien des fois, il faut bien le
mentionner vous avez semblé tout à l'heure éviter
la question d'un tour de main ces questions de menaces, cette
atmosphère d'insécurité, la peur des syndiqués,
c'est quelque chose qui existe. Alors comment voulez-vous que le
législateur puisse adopter une loi aussi restrictive, si vous voulez, en
se basant toujours sur une procédure de vote si mal appropriée,
à mon avis?
M. PEPIN: II est possible qu'à ce moment-là le
législateur aura à faire le tour de la question, non pas
seulement l'aspect que j'ai mentionné, mais d'autres aspects que nous
serons prêts, tout le monde, à examiner. Si le principe
était retenu par le législateur, dans le cas de la grève
légale, par hypothèse, alors à ce moment-là il est
entendu que la production cesse pendant la durée du conflit. Cela a
été une source importante de conflits au Québec cette
question de briseurs de grève, et je pense que cela pourrait être
une amélioration. Je souhaite d'ailleurs que le Conseil consultatif du
travail et de la main-
d'oeuvre puisse s'en emparer, comme il a déjà
été saisi de beaucoup de questions, pour réexaminer le
problème et voir s'il ne pourrait pas faire des suggestions valables aux
législateurs qui en disposeront.
M. SAINT-GERMAIN: Juste pour terminer, si vous le voulez bien, M. le
Président, ces menaces qui se font et je crois qu'elles se font
lors des grèves, surtout des grèves de la construction ces
menaces systématiques qui se font, est-ce que vous croyez que ce n'est
pas une situation qui se crée et qui est dommageable aux syndicats, et
qui peut fortement inciter un député de l'Assemblée
nationale à mettre une fin soudaine à une situation comme il en
existe une dans le moment, par exemple?
M. PEPIN: Il est possible que cela entraîne, de la part d'un
député de l'Assemblée nationale une telle conclusion, et
j'espère qu'il ne retiendrait pas uniquement cet aspect. Il pourrait
aussi voir le fond du problème et voir comment, lui, porte un jugement
en trop sur l'égalisation des salaires, ça lui permettra de voir
les deux volets de la question.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Pour terminer, une dernière
question par le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, on a discuté
énormément de la parité des salaires, mais il existe aussi
un autre problème assez fondamental dans certaines régions,
à savoir la priorité de l'emploi. Est-ce que M. Pepin pourrait
nous donner sa position en ce qui concerne la priorité de l'emploi,
assez brièvement, en particulier la formule Gold?
M. PEPIN: L'an dernier, les conflits de la construction ont porté
principalement sur cette question de la sécurité d'emploi. De la
conclusion de la convention ou des conventions l'an dernier, nous avions
prévu un certain nombre de critères, de principes pour
protéger des employés afin qu'il n'y ait pas une masse de
salariés pour un petit nombre d'emplois dans la construction.
Nous avions prévu, entre autres, qu'il y aurait une protection
régionale des employés lorsqu'ils sont compétents pour
faire le travail. Nous avions prévu qu'il y aurait une division des
salariés en deux catégories: ceux qu'on appelle les
professionnels de l'industrie et les réservistes. Avec ces principes, si
nous ne pouvions pas nous entendre à la commission mixte formée
par le bill 290, nous allions devant le juge Gold pour lui soumettre nos
problèmes. C'est ce que nous avons fait. Le juge Gold a rendu sa
décision. Il a maintenu trois sources d'emplois possibles; les centres
de main-d'oeuvre du Québec, les bureaux de placement FTQ et les bureaux
de placement CSN.
Nous aurions préféré qu'il y ait un seul endroit
où l'embauchage puisse se faire, avec surveillance des parties quant
à l'exécution du mandat du centre de main-d'oeuvre. Cela n'a pas
été retenu par l'arbitre Gold. Cependant, il a accepté de
définir ce qu'était un permanent et un réserviste. Il a
accepté la priorité régionale. Généralement
et même totalement, quant à nous, même si nous avions une
réserve sur le premier point que j'ai mentionné, nous avons
accepté le jugement Gold qui a été adopté par un
arrêté en conseil il y a quelques mois et qui devrait être
en vigueur le 10 novembre prochain, je crois. Pour nous, c'est une affaire
fondamentale, cette question de sécurité d'emploi. Une des
sources des conflits de l'industrie, c'est qu'il y avait un ramassis de tout le
monde dans cette industrie. Si vous êtes un pompier, vous pouvez aller
faire de la peinture en fin de semaine. Nous avons essayé, par le
truchement de cette sécurité d'emploi, de protéger les
véritables permanents de l'industrie. J'espère qu'en novembre ce
problème sera finalement réglé, parce que la
décision Gold serait appliquée intégralement. Cela
répond à votre question?
M. LE PRESIDENT (Bossé): Je vous remercie, M. Pepin, d'avoir
répondu aux questions durant les dix minutes réglementaires. Si
vous le permettez, nous allons passer à M. Lebon.
M. Jean Lebon
M. LEBON: Je serai très bref. D'ailleurs, je concède
déjà à M. Pepin quelques-unes de mes dix minutes.
UNE VOIX: Soyez bon!
M. LEBON: Je représente la Corporation des
maîtres-électriciens.
UNE VOIX: Mettez-nous au courant.
M. LEBON: Disons que la Corporation des maftres-électriciens
n'est pas du tout surprise de l'intervention de l'Etat dans une
négociation sectorielle privée. On s'attend même que ce
sera monnaie courante à cause des implications sur
l'intérêt public, comparativement à la négociation
strictement privée où on parlait anciennement, par exemple, d'un
patron vis-à-vis de ses propres salariés. Lorsqu'on parle d'un
secteur, c'est toute la province qui peut en souffrir. Quant à la
construction, que le gouvernement puisse sembler être juge et partie en
même temps, c'est peut-être un argument que d'aucuns pourraient
servir, mais est-ce que le gouvernement est vraiment partie, dans le sens
strict du mot, c'est-à-dire comme un commerçant? Le gouvernement
ne fait pas d'argent avec la construction. Alors, nous le
considérons
beaucoup plus comme juge que comme partie. Par conséquent,
l'intervention du gouvernement dans le conflit de la construction est pour nous
une chose qui devait se faire, à cause de la situation actuelle.
Pourquoi fallait-il une intervention? Premièrement, c'est le
premier essai du bill 290. On sait que le bill 290 a été
adopté en 1968. Il y a eu une première négociation l'an
dernier, qui n'était pas tellement une vraie négociation. Cette
année, on a eu, pour la première fois, l'essai réel du
bill 290 qui, pour faire plaisir à mon ami, M. Pepin, devrait
peut-être recevoir quelques amendements. Le bill 290, évidemment,
fait un mariage de raison entre cinq parties patronales et deux parties
syndicales qui, souvent, en fait, n'avaient pas l'intention de se marier. On a
essayé de mettre une convention collective unique pour toutes les
parties, alors qu'il y a des particularismes...
M. LE PRESIDENT (Bossé): Je vous demanderais le silence pour
qu'on entende M. Lebon.
M. LEBON: Merci, M. le Président. Disons qu'à la table des
négociations la structure même manquait de souplesse à
cause du particularisme de certains secteurs.
Pour vous donner un exemple, évidemment, on ne voit pas quelle
relation il peut y avoir entre un constructeur de routes et un
électricien qui travaille dans un secteur domiciliaire. C'est
évident qu'essayer de faire une convention qui convienne aux deux est
une chose presque impossible.
Quant au contenu du bill 38 relativement au document 71, il faudrait
remarquer que, pour la région de Québec, on accorde $0.30
d'augmentation de salaires, mais que, pour les électriciens et les
plombiers c'était une convention négociée dans ce
temps-là pour les plombliers et les électriciens $0.30,
alors qu'au dernier jour du mois d'avril je pense qu'il y a 30 jours
dans le mois d'avril on a déjà donné $0.30, ce qui
fait une augmentation de $0.60 dans quatre mois, soit 16 p.c. d'augmentation.
Alors, dans le contenu du document 71, on devrait faire une exception, au moins
pour les électriciens.
Il y a aussi un autre problème, c'est la mise en vigueur
immédiate, évidemment, pour l'employeur, de ces augmentations de
salaires et des autres conditions de travail. Il est difficile pour un
employeur, du jour au lendemain, de dire: A partir d'aujourd'hui, je paie $0.30
l'heure de plus, alors qu'il avait soumissionné, si vous voulez,
à des taux inférieurs pour effectuer une construction
quelconque.
Quant aux questions de M. Bertrand: Est-ce qu'il était possible
de continuer? La corporation des électriciens croit que non. On a
piétiné sur pied c'est-à-dire sur place parce qu'on
ne peut pas piétiner sur les mains ...
UNE VOIX: Avec vos pieds.
M. LEBON: Alors, on a piétiné bien avant qu'on annonce le
projet de loi. L'autre question de M. Bertrand avait trait au médiateur.
Je pense que les conciliateurs ont aussi agi comme médiateurs. Cela non
plus, ça n'a rien réglé.
Quant aux remarques de M. Pepin concernant le
délégué de changier, les cinq parties patronales ont
essayé, évidemment, de trouver une clause, alors qu'on
était en grève à Montréal, pour faire plaisir aux
deux parties syndicales. On pensait avoir trouvé la clause. Encore une
fois, on ne l'a pas trouvée. Cela démontre la difficulté
de négocier à sept parties, comme ça, pour essayer de
trouver une clause en or qui conviendrait à tout le monde, comme les
"Deux femmes en or".
M. BERTRAND : Qui est-ce qui joue le rôle de juge
là-dedans?
M. LEBON: II est absent. C'est pour ça que je dis que les
délégués de chantier, c'est bien compliqué. On a
admis, quand même, qu'il en fallait, des délégués de
chantier. Le problème était de trouver une formule. Quant
à l'ancienneté, encore une fois, c'est très difficilement
applicable dans l'industrie de la construction. Si on emploie, par exemple, un
électricien au début des travaux d'un chantier et que celui-ci se
spécialise, si vous voulez, à plier du conduit, alors que le
dixième qui est entré fait la finition, c'est-à-dire les
contrôles complexes ou les choses comme ça, il est difficile
d'appliquer un régime d'ancienneté où le dernier
entré serait le premier mis à pied, parce que c'est l'individu
dont on peut avoir besoin pour jusqu'à la fin des travaux. C'est la
raison pour laquelle l'ancienneté, même si la Corporation des
maîtres-électriciens ne s'oppose pas au principe, on la trouve
difficilement applicable. Si les parties syndicales avaient une méthode
miracle, nous serions prêts, évidemment, à nous pencher
là-dessus.
Quant à l'entente du 10 juillet, je crois que c'est le
député de Chicoutimi qui posait la question à savoir si on
devait accorder la parité ou non. Non? De toute façon, c'est un
honorable député qui a posé la question. La Corporation
des maîtres-électriciens est prête à plaider, en
fait, l'interprétation de l'entente du 10 juillet où l'on
prévoyait une parité salariale selon des facteurs
économiques, premièrement, et, deuxièmement, lorsqu'il y
aurait émission de cartes provinciales selon le bill 49.
M. BERTRAND: J'ai posé à M. Pepin cette question et il a
répondu qu'on ne pouvait pas établir dans les régions, sur
une base solide, les coefficients économiques. Est-ce que vous partagez
l'avis de M. Pepin ou non?
M. LEBON: Je crois qu'on aurait dû tenter pour le moins de faire
l'effort, tant à la partie syndicale qu'à la partie patronale,
pour les établir. Il n'en a même pas été
question.
M. BERTRAND: II n'en a pas été question? M. LEBON:
Non.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Vous pouvez continuer votre
exposé.
M. LEBON: Merci. Quant à la suggestion de M. Pepin, aussi, de
référer le tout au cabinet, je crois qu'il est
préférable, selon la partie que je représente, de pouvoir
plaider devant la commission parlementaire où les députés
pourront, je pense, peser le pour et le contre de chacune des clauses que nous
aurons à négocier. Par contre, la partie que je représente
ne voit pas beaucoup l'utilité des 30 jours qu'on a prévus dans
la loi, où les parties pourraient négocier. Je pense que, sans se
conter d'histoires, à ce point-ci, les parties ne négocieront pas
pendant les premiers 30 jours, parce que tout ce qu'elles vont concéder
pendant ces 30 jours sera déjà acquis lorsqu'on viendra
siéger devant la commission parlementaire. Nous croyons que ces 30 jours
pourraient être éliminés et qu'on pourrait siéger
dès lundi devant la commission parlementaire pour plaider sur chacune
des clauses en suspens.
Quant à la question de M. Pepin sur l'intervention du ministre,
la partie que je représente n'a jamais quitté la table des
négociations. Si le ministre était venu, nous aurions
continué quand même. Ce n'est d'ailleurs pas à nous de dire
si l'honorable Laporte aurait fait un bon travail ou non, mais nous serions
restés.
L'an dernier, nous avons essayé la médiation, mais cela
n'a rien donné. Cette année, cela n'aurait pas donné
grand-chose de plus. Le ministère du Travail, je pense, comme pour la
dernière question que M. Laporte a posé à M. Pepin, a
aussi, toujours selon la partie que je représente, fait un excellent
travail. Il y a même fait de la prévention, parce que ses
délégués sont venus s'asseoir longtemps à la table
des négociations, avant d'intervenir, comme observateurs, pour se mettre
au courant du développement de la négociation. Malheureusement,
cela non plus n'a rien donné: nous sommes rendus à l'impasse
où nous nous trouvons aujourd'hui.
M. le Président, merci, j'ai terminé.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Je remercie M. Lebon. Le ministre du
Travail.
M. LAPORTE: J'aurais quatre questions à poser à M. Lebon.
D y en a une quant au ministre du Travail. Il a lui-même admis que la
présence du ministre n'aurait probablement pas contribué à
hâter les choses et aurait peut-être, de toute façon,
mêlé les cartes. Je suis d'accord sur ça.
Ma question est très précise. Est-ce que, comme
représentant de la Corporation des maîtres-électriciens,
vous êtes en mesure de dire à cette commission si, au lieu de
convoquer l'Assemblée nationale, nous avions laissé les choses
aller leur cours, appelons ça normal, il y avait lieu d'espérer,
dans un délai raisonnable et raisonnable, je vais le calculer
à trois mois que les parties eussent été en mesure
d'en venir entre elles à une entente?
M. LEBON: Selon les consultations que nous avons faites au niveau de
notre conseil d'administration, je crois que non.
M. LAPORTE: Bon. Deuxièmement, Est-ce qu'il vous
apparaîtrait, comme représentant de la Corporation des
maîtres-électriciens, acceptable, quant à vous, que nous
introduisions dans le bill no 38 le document de travail des conciliateurs du
ministère du Travail?
M. LEBON: Absolument pas, parce qu'il s'agit là des clauses qui
n'ont pas été négociées et sur lesquelles les
parties ne se sont pas entendues. Cela aurait été une imposition
unilatérale, de la part du gouvernement, de conditions de travail non
acceptées par la partie patronale.
M. LAPORTE: Je pense que vous avez posé le problème, comme
j'aurais aimé le poser moi-même. Il y a, dans ce document qui a
toujours été considéré comme un document de
travail, une incitation à discuter, il y a des clauses qui n'ont jamais
été discutées. C'est ça?
M. LEBON: C'est vrai, M. le ministre.
M. LAPORTE: Je voudrais formuler ma dernière question de
façon que chacun se sente libre. Disons que, comme ministre du Travail,
on s'habitue rapidement à absorber certains coups mais on a dit,
en certains milieux: Mon Dieu, on aurait pu faire autre chose et, si on avait
été le moindrement fin, on aurait pu régler tout
ça. Je formule donc ma question exactement de la même
façon. Vous avez répondu partiellement et je vous en remercie.
Est-ce que le ministère du Travail aurait pu faire plus, aurait pu faire
mieux ou différent de ce qu'il a fait depuis le 10 février 1970
pour hâter ou provoquer une solution du problème?
M. LEBON: Il aurait peut-être pu faire autrement ou
différemment, mais je ne crois pas que cela aurait donné de
meilleurs résultats que cela a donnés jusqu'à
maintenant.
M. LAPORTE: Mais quand on dit que le ministère n'a pas
épuisé, ou les parties entre elles n'ont pas épuisé
tous les moyens possibles d'en venir à une entente, exception faite
évidemment d'une loi spéciale, est-ce que vous partagez cet avis?
Est-ce qu'il y a des moyens autres prévus dans le code du travail, ou
dans la
négociation, ou dans la conciliation... Est-ce qu'il y a des
moyens qui existent auxquels on pourrait penser et qui n'ont pas
été utilisés?
M. LEBON: Non, je pense que seules les parties auraient pu
peut-être trouver un moyen, mais pas le ministère du Travail
lui-même.
M. LAPORTE: C'est tout, M. le Président, quant à moi.
M. BERTRAND: M. Lebon...
M. LE PRESIDENT (Bossé): Je m'excuse, mais le
député de Maisonneuve avait demandé la parole d'abord.
M. BERTRAND: D'accord.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Seulement quelques questions, M. le Président. M.
Lebon, est-ce que les problèmes actuels auxquels on fait face, est-ce
que j'ai bien compris votre exposé, en comprenant que vous disiez qu'ils
relevaient davantage du projet de loi 290 que de la situation elle-même,
ou des failles du projet de loi 290?
M. LEBON: En partie; lorsqu'on a sept parties à négocier,
parce qu'il y aura toujours sept parties, à moins que l'on change le
projet de loi complètement, de fond en comble, projet de loi tel que
rédigé à l'heure actuelle, est sûrement une des
causes du conflit.
M. BURNS: Dans ces circonstances, est-ce que vous ne croyez pas que ce
serait plus profitable, pour toutes les parties en cause, de tenter d'amender
le projet de loi 290 plutôt que d'adopter le projet de loi 38?
M. LEBON: Ce serait peut-être une solution, mais maintenant, on
est rendu passablement loin dans la négociation, je me demande si ce
serait sage à ce point-ci d'amender un projet de loi avec lequel on a
travaillé depuis le mois de février, même depuis 1968, en
fait.
M. BURNS: Concernant la rétroactivité, quelle est la
position de votre corporation? La rétroactivité au 1er mai, par
exemple. Est-ce que vous vous opposez à accorder l'augmentation, en
admettant qu'elle soit de $0.30, selon toute vraisemblance, sera-t-elle
rétroactive au 1er mai?
M. LEBON: Encore une fois, il faut comprendre que, pour les employeurs
de la construction, c'est très difficile d'admettre la
rétroactivité pour la simple et bonne raison que si j'ai un
contrat chez vous, par exemple, M. Burns, je vous charge $150 pour faire un
travail, je l'ai fait au mois de mai et par une loi, ou par décret, on
dit: Au mois de mai, il y a deux mois, quand vous avez fait le contrat, il faut
que vous payiez $0.30 l'heure de plus à l'ouvrier. L'ouvrier peut ne pas
être à votre emploi, premièrement. Deuxièmement,
vous ne pouvez sûrement pas revenir chez le client et réclamer $40
ou $50 supplémentaires. C'est la raison pour laquelle la
rétroactivité, dans la construction, est très difficile
à appliquer aussi.
M. BURNS: Maintenant, ce ne sera pas long, j'achève.
M. LE PRESIDENT (Bossé): La parole est au député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Maintenant que j'ai le crachoir, je vais le garder.
M. LAPORTE: Je voudrais que vous vous sentiez bien libre de poser vos
questions.
M. BURNS: Oui, certainement. Je me sens très, libre d'ailleurs.
M. Lebon, quel est votre point de vue vis-à-vis d'une éventuelle
décision du conseil des ministres? Est-ce que vous n'avez pas des
craintes de vous faire imposer des conditions qui pourraient ne pas être
selon votre goût?
M. LEBON: II y a toujours un risque évidemment, mais c'est comme
plaider devant n'importe quel arbitre.
M. BURNS: Alors, pour vous, c'est l'arbitrage obligatoire.
M. LEBON: Je pense que cela revient à la même chose. En
fait, c'est l'arbitrage par la commission ici. Par contre, on espère que
le bon sens triomphera, en plaidant chacune des positions qu'on a prises.
M. BURNS: Une dernière question. Quand vous dites que vous ne
voudriez pas voir dans le bill des conditions imposées, telle par
exemple, la parité, si je comprends bien, vous vous opposez d'abord
à la parité ou au rattrapage durant une période des
salaires des provinciaux, ceux qu'on a appelés les provinciaux
tantôt, par rapport à Montréal, ou ce problème
n'existe pas chez vous, quoi?
M. LEBON: Non, il n'y a pas de carte provinciale, comme je l'expliquais
tout à l'heure, émise en vertu du bill 49. Alors il n'a pas
été question d'admettre pour nous la parité,
c'est-à-dire que nous l'avons admise mais, étant donné
qu'il n'y a pas de carte, cela demeure une affaire à négocier. On
entend le négocier aussi devant la commission évidemment.
M. BURNS: Si vous êtes contre l'imposition
de conditions dans le bill, est-ce que vous ne considérez pas que
d'imposer, par exemple, la clause de délégués de chantier
n'est pas l'imposition pour une autre partie en cause, d'une condition?
M. BURNS: Oui, mais en fait, comme l'augmentation de salaire l'est
aussi. Il y a une autre chose aussi. Il y a un autre aspect qu'il ne faut pas
oublier.
Lorsqu'on négocie une convention collective, règle
générale, on la négocie globalement. Le gouvernement,
à l'heure actuelle, nous dit qu'il y a 50 p.c. de la convention
collective négociée à être adoptés. Pour le
patronat, ça enlève aussi ce qu'on appelle le "bargaining power"
parce que, d'habitude, on négocie ça globalement. Alors, c'est
pour ça que je dis que, d'un côté, à nous aussi,
ça peut faire mal un peu cette loi-là, parce que nous ne pourrons
pas négocier globalement la convention collective comme nous le faisons
d'habitude.
M. BURNS: Cela vous fait mal, mais vous préférez que
ça vous fasse mal que de ne pas la voir adopter, si je comprends
bien.
M. LEGON: C'est ça, parce que le conflit pourrait durer
éternellement et il ne se réglerait rien.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de
Missisquoi.
M. BERTRAND: M. Lebon, juste une question. Je voudrais vous faire
préciser ce que vous avez dit. Il y a, dans le projet de loi, une
période de trente jours où les sept parties pourront continuer
à négocier. Vous nous aviez bien déclaré que,
durant cette période de trente jours, d'après vous, la
négociation serait infructueuse.
M. LEBON: Absolument.
M. BERTRAND: Donc, vous aimeriez mieux que ça disparaisse et
venir devant la commission parlementaire dès lundi?
M. LEBON: C'est ça.
M. BERTRAND: Est-ce que vous croyez réellement que la commission
parlementaire est en meilleure posture que vous, les parties au courant de
tout, pour négocier?
M. LEBON: Devant la commission parlementaire, la corporation croit qu'il
va s'agir de plaider, en fait, les clauses qu'il reste à négocier
beaucoup plus que de la négociation La négociation, de toute
façon, à l'heure actuelle, ça ne marche pas. Cela n'a pas
marché, cela a piétiné et puis, là, cela a
cessé complètement lorsque le bill a été
annoncé. Alors, si on nous dit: Vous avez trente jours et, après
ça, on va régler le problème, on va être dans la
même situation où nous étions la semaine dernière,
pendant trente jours. Si on veut régler le problème le plus
rapidement possible, je pense qu'on devrait siéger immédiatement
sur l'ensemble des clauses et plaider chacune d'entre elles.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Est-ce terminé? Le
député de Lafontaine.
M. LEGER: Le député de Missisquoi a posé la
question que je voulais poser. Vous venez de répondre que vous ne croyez
pas qu'à la suite de l'adoption du bill 38 vous puissiez négocier
dans les trente prochains jours, mais je ne tiens pas pour acquis que les
quatre autres groupes du côté patronal aient la même
idée. Si vous aviez à négocier dans ces trente
jours-là, le fait que le droit de grève soit enlevé aux
syndicats et le droit de lock-out aux cinq parties patronales, est-ce que
ça n'aurait pas été un avantage pour la partie patronale
de ne pas faire de lockout et un désavantage, un
déséquilibre pour la partie syndicale de ne pas faire la
grève?
M. LEBON: Je ne sais pas si je saisis bien votre question, mais je pense
que la grève et le lock-out sont en contrepartie. Par la loi, on
enlève le moyen de pression tant d'un côté que de
l'autre.
M. LEGER: Dans votre cas, du fait, justement, que le droit de
grève ait un poids beaucoup plus avantageux que le droit de lock-out, ne
croyez-vous pas que ces deux lois s'équilibrent?
M. LEBON: Je le crois.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. LAPORTE: Deux questions seulement. Vous avez dit tantôt que la
période de trente jours, ne conduira pas à des résultats
satisfaisants. Est-ce qu'à votre avis cet échec prévu est
dû à l'adoption du bill 38 ou si c'est parce que, de toute
façon, vous imaginez que trente autres jours de négociations ne
produiraient pas de résultat définitif?
M. LEBON: Je crois que ce sont les deux raisons.
M. LAPORTE: Les deux raisons; et la présence du bill 38 et le
fait, disons, que vous avez entre vous certains petits problèmes.
M. LEBON: Certains gros problèmes.
M. LAPORTE: Deuxièmement, est-ce que vous êtes d'avis que
la responsabilité de négocier en vertu du bill 290, du chapitre
45 de nos
lois, appartient à la partie dont vous êtes, ce soir, le
représentant?
M. LEBON: Selon le bill 290, oui.
M. LAPORTE: C'est une responsabilité.
M. LEBON: D'accord.
M. LAPORTE: Le législateur qui prend ses responsabilités
en décrétant, à tort ou à raison, une loi, est-ce
que vous croyez qu'il erre, se trompe en imposant à ceux dont c'est la
responsabilité le devoir, l'obligation de négocier pendant trente
jours?
M. LEBON: Non.
M. LAPORTE: II ne se trompe pas.
M. LEBON: Le législateur ne se trompe pas parce que dans les
circonstances on ne peut pas faire autre chose. Excepté que les 30 jours
sont superflus. Vous nous avez quand même enlevé l'une de nos
responsabilités, c'est-à-dire celle de négocier et de nous
entendre entre nous, par le bill 38.
M. LAPORTE: Je veux dire que...
M. LEBON: Vous nous la donnez pour 30 jours.
M. LAPORTE: Le Parlement peut-être vous l'imposera pour 30 jours,
tout simplement parce qu'il est d'avis que cela nous parait trop facile de
dire: Ecoutez, on a un divorce en préparation, on met les enfants dehors
et on se sépare. Le législateur dit que vous allez assumer vos
responsabilités en imaginant que face à vos
responsabilités que vous avez assumées depuis six mois
il n'est pas totalement impossible que vous régliez. Je ne
voudrais pas être trop précis parce que je ne me souviens pas des
termes exacts de la loi, mais je crois que cela s'est produit dans le cas de la
Commission de transport de Montréal. Une négociation a finalement
produit des résultats. Alors, est-ce qu'il est raisonnable d'imaginer
que le législateur, qui s'impose à lui une responsabilité
pas facile, a raison de dire aux sept parties qui doivent négocier: Vous
allez vous aussi, prendre vos responsabilités sérieusement comme
vous êtes capables de le faire, pendant 30 jours. Avec l'espoir que cela
va se régler et si, par malheur, au bout de 30 jours, cela n'est pas
réglé, bien 30 jours se seront ajoutés à 120 autres
jours. A ce moment-là, il sera bon de venir devant la commission. Mais
cette étape-là m'apparaît très importante.
M. LEBON: II faut dire, premièrement, qu'il n'y a plus de
pression ni d'un côté, ni de l'autre pendant ces 30 jours et,
deuxièmement, qu'il y a 40 clauses à négocier plus les
droits acquis qui représentent une brique épaisse. Dans 30 jours,
les sept parties ne pourraient jamais, même si elles étaient de
bonne foi, passer à travers cela.
M. LAPORTE: Si vous avez passé à travers une partie, ce
sera autant de moins que vous aurez la pénible obligation de venir
exposer en public. Nous serons, nous, un genre de confesseur à qui vous
viendrez confesser...
M. BERTRAND: M. Lebon, comment pensez-vous, à la suite de ces 30
jours de travail et 30 jours de négociations que vous dites
infructueuses, que la commission pourra dans l'espace d'un autre délai
il n'y a pas de délai comment pensez-vous que nous
pourrons le faire si les parties ne peuvent pas le faire dans un délai
de trois mois? A ce moment-là, d'après vos propos c'est un
aveu, je vous l'avoue, assez terrible des gens qui ont une
responsabilité, en vertu d'une loi, viennent dire devant la commission
qu'ils sont obligés d'apporter le paquet ici devant les
députés pour que les députés qui ont tous des
connaissances, moi le premier, mais qui n'ont pas la science infuse dans le
domaine des négociations, soient à même d'apprécier,
de peser et de juger de tout ce problème, faisant du Parlement un agent
négociateur.
M. LEBON: Un arbitre, pardon. Les parties ensemble...
M. BERTRAND : Ce ne sera pas nous, les arbitres.
M. LEBON: C'est terrible, je suis d'accord avec vous. C'est comme le
péché, cela est terrible, mais cela existe.
M. BERTRAND: Vous n'êtes pas un péché, vous
êtes Lebon.
M. LEBON: Je dois dire que je l'ai déjà entendu.
M. BERTRAND: C'est la première fois que je le dis.
M. LEBON: Cela ne fait pas 35 ans que vous portez ce nom-là,
d'ailleurs.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, comme le disait le
député de Missisquoi tout à l'heure, c'est un aveu
extrêmement grave. Supposons que, d'ici 30 jours, il y ait
impossibilité de négocier, d'en arriver à un
règlement.
Cela veut donc dire que, selon le bill 38, il y a une décision du
cabinet qui impose des conditions de travail pour une période de trois
ans. Vous êtes actuellement sept à la table. On sait que c'est la
première fois qu'il y a une
négociation par secteur dans ce domaine de la construction. Selon
vous, ça veut donc dire qu'au bout de trois ans, on reprend à
zéro, qu'on recommence à négocier. Est-ce que cet
échec-là c'est d'admettre tout simplement qu'il y a
impossibilité de négocier dans le secteur de la construction?
M. LEBON: Non, je ne crois pas, parce que, en trois ans, il peut se
produire une évolution. Les structures, disons, tant du
côté patronal que syndical, peuvent changer et permettre alors une
négociation valable.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Maurice.
M. DEMERS: Je remets mon droit de parole parce qu'on a répondu
aux questions que j'avais à poser.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de
Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais avoir de
M. Lebon quelques précisions. M. Lebon, de ce que vous avez dit, est-ce
qu'on peut conclure que vous acceptez l'intervention du gouvernement telle
qu'elle se présente par le projet de loi 38?
M. LEBON: Avec les réticences que j'ai soulignées,
c'est-à-dire les trente jours et l'augmentation de $0.60, de 16 p.c, par
exemple, prévue pour Québec, oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Deuxièmement, si ce projet de loi est
adopté, croyez-vous que cela va aider demain au règlement du
conflit, enfin à la négociation qui devra suivre, ainsi que
l'indique le projet de loi?
M. LEBON: Si je comprends bien le projet de loi, on sera appelé
à plaider ici chacune des clauses en suspens, et ce sera à vous,
messieurs les députés, de trancher le litige sur chacune des
clauses.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, est-ce que vous aurez
éventuellement, demain par exemple, des amendements à proposer
afin d'améliorer la loi?
M. LEBON: Le bill 290?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, je parle du projet de loi 38.
M. LEBON: Non.
M. LE PRESIDENT: Un peu de silence.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Lebon, je vais vous poser une
question un peu difficile, enfin la première ne le sera pas. Les raisons
que vous avez d'appuyer le projet de loi 38, d'après ce que vous avez
dit, est-ce que je peux en conclure qu'elles sont surtout d'ordre
pécuniaire, que c'est une question d'argent pour l'organisme que vous
représentez?
M. LEBON: Evidemment, je pense que l'organisme que je représente
est né d'une loi qui a aussi pour but de protéger
l'intérêt public, et dans les circonstances, nous aussi, je pense,
pour, si vous voulez, que les intérêts des employeurs, que
l'intérêt du public est en jeu, c'est la raison pour laquelle nous
sommes d'accord avec ça.
M. TREMBLAY: (Chicoutimi): C'est une réponse de Normand, mettons
d'ordre général, mais prenons le cas précis du conflit qui
vous oppose aux autres parties ou aux syndicats. Est-ce que la pierre
d'achoppement qui vous incite à approuver le projet de loi 38 ce n'est
pas quelque chose de strictement pécuniaire, ce n'est pas une question
simplement d'argent, outre les raisons très valables que vous avez
évoquées?
M. LEBON: Bon, si vous admettez que mes raisons sont très
valables, je peux vous répondre qu'évidemment il y a aussi la
question pécuniaire pour les entrepreneurs-électriciens de la
province, c'est sûr.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, en tenant compte de ce qu'a dit
tout à l'heure M. Pepin concernant le problème de la protection
des travailleurs, etc., quelles considérations avez-vous, en
l'espèce, pour les travailleurs, si on adoptait le projet de loi dont M.
Pépin a dit qu'il était préjudiciable aux
intérêts des travailleurs, des ouvriers? Enfin, quelles
considérations avez-vous pour ces gens-là? Est-ce que vous croyez
qu'ils vont être lésés par le projet de loi 38?
M. LEBON: Non, personnellement, évidemment, je ne le crois pas,
parce que, justement, les chiffres qu'a fournis le ministre du Travail,
l'honorable M. Laporte, démontrent que la grève est impopulaire,
premièrement. Deuxièmement, quant aux autres choses à
négocier, les parties syndicales auront, elles aussi, leur tour ici
à la barre pour plaider chacune des clauses qu'elles réclament.
Par conséquent, si c'est jugé valable par la commission ici,
elles ne perdront rien.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, une dernière question, M.
Lebon. Lorsque vous dites que vous êtes disposé à venir ici
devant la commission parlementaire, devant les membres de l'Assemblée
nationale, quelle est exactement la tâche que vous allez nous
assigner?
Est-ce que ça va être de vous proposer des conditions
pécuniaires? Est-ce que ça va être de discuter de toutes
les clauses qui, jusqu'à présent, ont empêché que
les négociations aboutissent? Est-ce que vous allez nous demander de
trancher la question pour vous?
M. LEBON: Je pensais, selon mon interprétation du bill, que
c'était justement la fonction...
M. LE PRESIDENT (Bossé): Je demande un silence moins bruyant.
M. LEBON: Je croyais que c'était là l'esprit même du
bill, à savoir que la commission trancherait chacun des problèmes
qui ne sont pas réglés entre les parties patronales et
syndicales.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous nous demanderiez, à ce
moment-là, d'être arbitre à tous égards, pour toutes
questions; clauses normatives, clauses pécuniaires, etc.
M. LEBON : Disons que nous ne demandons rien. C'est le gouvernement qui
a suggéré le bill. On pense que c'est une bonne mesure.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de
Saint-Jean.
M. VEILLEUX: J'aurais aimé poser la question à M.
Pépin.
M. LEBON: Je n'ai pas le mandat pour répondre.
M. VEILLEUX: Combien êtes-vous à la table des
négociations présentement?
M. LEBON: Cinq parties patronales, deux parties syndicales.
M. VEILLEUX: Le nombre de personnes en tout?
M. LEBON: En supposant qu'il y avait cinq personnes par partie
patronale, ça faisait 25; avec 50 syndiqués, ça faisait
à peu près 75 personnes.
M. VEILLEUX: Est-ce que vous trouvez qu'entre 60 et 75, c'est un nombre
trop grand pour négocier ou pas assez grand?
M. LEBON: Evidemment, trop grand. Je pense que vous vouliez me faire
dire ça et que vous me l'avez fait dire.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: La question de l'honorable député de Saint-Jean
me fait penser à une autre question. Puisque vous dites que 75, c'est un
nombre trop grand pour bien négocier, est-ce qu'à ce
moment-là les négociations avec 108 députés ne
seraient pas pires?
M. LEBON: Est-ce que nous allons négocier avec 108
députés? Je ne le pensais pas. Je pensais que chaque partie
aurait ici un porte-parole, comme aujourd'hui, et qu'on pourrait se faire
entendre sur chacune des clauses. Au lieu d'être 75, peut-être y en
aurait-il seulement sept devant la commission.
M. SAMSON: Autrement dit, vous considérez la commission
parlementaire comme l'arbitrage et non pas comme une partie pour la
négociation?
M. LEBON: C'est sûr.
M. SAMSON : Vous avez dit tantôt que, de toute façon, qu'il
y ait bill 38 ou non, vous en êtes rendus à une période
où vous êtes bloqués dans les négociations.
M. LEBON: C'est ça.
M. SAMSON : Vous semblez favorables à l'adoption du bill 38.
Cependant, vous semblez désirer que, si le bill 38 était
adopté, il n'y ait pas de période prévue de
négociations de 30 jours. Vous semblez préférer que la
commission parlementaire se réunisse immédiatement, même si
on adoptait le bill 38 et même si on demandait aux travailleurs de
retourner à l'ouvrage lundi.
M. LEBON : C'est ça. Maintenant, je comprends très bien le
gouvernement, qui ne veut pas frustrer les parties et leur dit : On vous donne
trente jours pour vous entendre. Je prétends humblement que ces trente
jours ne serviront à rien parce que tout ce qui sera
condédé là sera, de plus, à condéder devant
la commission.
M. SAMSON: Merci.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Bourget.
M. LAURIN: Vous avez dit, tout à l'heure, que vous n'étiez
pas surpris de l'intervention de l'Etat. Iriez-vous jusqu'à dire que
vous la souhaitiez?
M. LEBON: Pour autant que la Corporation des
maîtres-électriciens est concernée, sur les derniers
milles, on peut dire oui.
M. LAURIN: Vous dites que c'est un premier essai du bill 290 et que vous
avez trouvé difficile de marier les exigences et les propositions de
sept groupes et même des cinq groupes de patrons.
M. LEBON: Je dois malheureusement l'avouer candidement, oui.
M. LAURIN: II reste, quand même, que la Fédération
des travailleurs du Québec, qui représente 21 groupes de
travailleurs spécialisés dans la région de
Montréal, a réussi à faire l'unanimité des demandes
de ces 21 groupes et à représenter un point de vue unique
à la table des négociations. C'est un effort extraordinaire. On
voit que ça peut réussir. On voit que ça peut donner des
résultats. Ce qui a été possible pour la FTQ, est-ce que
vous pouvez nous expliquer pourquoi ce n'est pas possible pour les patrons?
M. LEBON: Disons que c'est depuis 1968 seulement qu'il existe cinq
parties patronales reconnues. A toutes fins pratiques, la coalition de cinq
parties patronales, c'est très jeune. La FTQ est un peu plus vieille que
nous. On les félicite d'avoir réussi cela.
Peut-être que, si on nous donnait une vingtaine d'années,
nous réussirions nous aussi.
M. LAURIN: Est-ce que cela veut dire, par exemple, que, dans les
amendements que vous pourriez suggérer au bill 290 et qu'on pourrait
même incorporer à un bill que le gouvernement pourrait
présenter, on pourrait, par exemple, amener un amendement qui
réduirait le groupe des négociateurs patronaux à deux ou
à un? Ce serait un conseil du patronat qui, par exemple, aurait fonction
de faire pour le groupe des entrepreneurs ce que la FTQ et ce que la CSN aussi
jusqu'à un certain point ont fait pour les ouvriers. Est-ce que ceci ne
serait pas un moyen d'améliorer les négociations, de diminuer le
nombre des personnes à la table de négociations, d'avoir un point
de vue qui aurait été intégré à l'avance au
niveau des négociations entre les parties constituantes de façon
qu'à la table des négociations, ayant moins de monde, ayant des
points de vue beaucoup plus intégrés, beaucoup plus solides, on
en arrive à une consultation, à une négociation qui aurait
plus de chance d'aboutir plus rapidement?
M. LEBON: Disons que, théoriquement, vous avez raison. C'est
comme être pour la vertu. Mais ce serait forcer cependant peut-être
encore un mariage qui ne donnerait pas grand chose.
M. LAURIN: Mais la FTQ n'a pas l'air de s'en plaindre.
M. LAPORTE: Vous pourriez peut-être également demander au
député de Bourget s'il serait prêt à suggérer
cela pour les syndicats, qu'il y en ait qu'un qui représente les
deux!
M. LAURIN: Enfin, non, je ne dis pas que c'est une proposition que nous
refuserions de considérer, en effet.
M. LAPORTE: Oui, mais eux vont refuser. M. LAURIN: Oui, c'est bien
possible. UNE VOIX: Seulement la FTQ.
M. LAURIN: Est-ce que c'est un refus quand même qui empêche
la logique de garder ses droits? On peut considérer n'importe quoi. De
toute façon, je me contente de la réponse de M. Lebon pour le
moment.
Quand vous dites que la négociation a cessé, quand le bill
a été annoncé, voulez-vous dire que, lorsqu'un
gouvernement décide d'intervenir par une loi spéciale, par une
loi d'exception, ceci met presque automatiquement fin aux négociations,
empêche les négociations de procéder dans l'esprit dans
lequel elles devraient procéder et les rend, à toutes fins
pratiques, inutiles?
M. LEBON: Si vous me permettez une image, si des enfants se chicanent
pour avoir une tablette de chocolat, sur la longueur de la tablette de
chocolat, ils vont se concéder, à gauche et à droite, un
peu plus, un peu moins. S'ils savent que le père va intervenir et qu'il
va trancher le débat, ils vont cesser, évidemment, de
négocier et ils vont dire: On va attendre que le père
tranche.
M. LAURIN: Donc, en somme, vous confirmeriez que le fait pour le
gouvernement d'annoncer une législation et de la présenter,
équivaut, dans la pratique, à mettre fin aux négociations,
puisque les deux parties, à ce moment-là, attendent d'une
façon passive ce que le gouvernement va décider.
M. LEBON: C'est la raison pour laquelle, lorsque c'est annoncé,
il faut intervenir vite.
M. LAURIN: Maintenant, vous avez semblé très pessimiste
dans votre exposé. Vous dites que vous n'attendez plus rien de la
négociation.
M. LEBON: Dans les 30 jours, non.
M. LAURIN: Mais, de toute façon, vous n'attendez plus rien de la
négociation, dans les 30 jours, ou 60 jours ou 90 jours?
M. LEBON: Comme on l'a dit devant cette commission, on a même
négocié un bill ici, le bill 290, on est peut-être capable
de négocier une convention collective.
M. LAURIN: Vous vous sentez donc obligés d'apporter tout le
paquet aux députés, comme le disait à la commission
parlementaire le député de Missisquoi. Vous êtes
prêts à vous décharger de vos responsabilités et
à laisser maintenant le soin aux députés de s'en charger
à votre place.
M. LEBON: Disons que c'est ce que l'esprit du bill laisse entendre. Oui.
A cause de l'impasse quand même. Il faut quand même regarder cela
dans son ensemble. On est rendu que cela ne sert à rien. On se regarde
comme des chiens de faience et on ne fait rien.
M. LAURIN: A cause de l'impasse et aussi à cause du facteur que
vous mentionniez tout à l'heure qu'à partir du moment où
le juge ou le prince a prononcé, il n'y a plus rien à faire pour
vous. Il n'y a plus qu'à attendre les décisions et à vous
y conformer, même si elles ne font pas tout à fait votre
affaire.
M. LEBON: A peu près, oui.
M. LE PRESIDENT (Bossé): La parole est au député de
Montcalm.
M. MASSE (Montcalm): M. Lebon, j'ai été surpris
d'entendre, au début de votre intervention, l'exposé que le
gouvernement était neutre en l'occurrence. J'aurais admis que le
Parlement était neutre. Mais je trouve difficile de dire que le
gouvernement est neutre lorsqu'on sait que le gouvernement, dans le domaine de
la construction, est un des gros constructeurs du Québec, si ce n'est le
plus gros, soit directement, par le complexe G, les routes et les ponts dans
tout le Québec, soit indirectement, dans le domaine hospitalier, dans le
domaine de l'éducation ou dans les autres domaines.
J'aimerais que vous m'expliquiez comment il peut être neutre tout
en étant une partie importante dans l'ensemble de l'économie de
la construction.
M. LEBON: Disons que, si on compare le gouvernement avec un
constructeur, que ce soit un donneur d'ouvrage quelconque, pour une maison
résidentielle ou enfin une maison à logements, il y a un
intérêt financier à ce que la construction soit
parachevée pour retirer des bénéfices. Que ce soit
l'industrie, c'est la même chose. Quand on arrive au gouvernement, qu'un
édifice soit terminé, c'est encore pour le service au public. Ce
n'est pas un intérêt mesquin, c'est pour cela qu'on dit que s'il
est quand même en partie une partie, il est plus juge que partie.
M. MASSE (Montcalm): Dans le domaine des coûts de construction, ne
croyez-vous pas qu'il y a intérêt, comme l'entreprise
privée, à construire pour des coûts minimes?
M. LEBON: Oui, probablement. Mais c'est une autre question, à
savoir si oui ou non le gouvernement devrait participer directement à la
négociation à titre de partie.
M. MASSE (Montcalm): Je ne peux pas évidemment, comme le
député de Saint-Jean, poser la question au président de la
CSN, je pense que nous aurons l'occasion de revenir à un moment
donné, c'est une partie du débat qui a son importance. Par
contre, je pense que l'on pourrait revenir du côté syndical, mais
compte tenu de ce que vous venez de dire, qu'il y a de la part du gouvernement
un intérêt "direct" je le mets entre guillements et je
l'emploie moi-même dans ce domaine de la négociation,
compte tenu de dizaines et même de centaines de millions de dollars dans
le domaine de la construction.
M. LEBON: C'est $123 millions.
M. MASSE (Montcalm): Est-ce que vous vous attendez, comme constructeur
si le gouvernement, le conseil des ministres, vous impose, à la
fin de toute cette procédure, un arbitrage, ou un décret, ou vous
impose quelque chose à ce que le gouvernement, vous ayant
imposé des conditions nouvelles dans vos contrats, rouvre vos contrats
et rajuste les coûts de construction par rapport au nouveau
décret?
M. LEBON: II est évident que ce serait souhaitable au point de
vue de l'employeur, c'est sûr.
M. MASSE (Montcalm): Est-ce que c'est un souhait que vous formulez avec
force ou que vous formulez avec petits guillements?
M. LEBON; Qu'est-ce que vous désirez?
M. MASSE (Montcalm): Ce que je désire, c'est connaître
votre opinion. Est-ce que vous avez évalué ces coûts?
Est-ce que les associations d'employeurs, vous avez prévu des clauses
d'ouverture de contrat, si le gouvernement changeait les décrets et vous
imposait de nouvelles conditions?
M. LEBON: Disons que nous allons avoir le temps de négocier, ici.
On a déjà offert dans les salaires $0.25, $0.25 et $0.25. Le
gouvernement dit $0.30, $0.20 et $0.25, alors il n'y a pas grande
différence, $0.05 l'heure de différence. A ce point de
vue-là, je pense que cela ne mettera personne en faillite. D'un autre
côté, le rattrapage est à être négocié
et, d'ici ce temps-là, les entrepreneurs auront le temps d'ajuster leurs
soumissions en conséquence.
M. MASSE (Montcalm): D'accord.
M. BURNS: M. Lebon, tout à l'heure vous m'avez dit que pour vous
ce processus que la loi établit, à toutes fins pratiques,
équivalait, dans votre esprit, à l'arbitrage obligatoire. Est-ce
que vous ne préféreriez pas un arbitrage privé,
plutôt qu'un arbitrage gouvernemental, c'est-à-dire un arbitrage
d'un arbitre unique choisi à l'extérieur, avec
représentants des parties, à défaut d'entente,
nommés par le ministre?
L'arbitrage usuel. Lequel des deux arbitrages
préférez-vous?
M. LEBON: J'aime mieux avoir affaire à 30 personnes devant la
commission.
M. BURNS: Avec le conseil des ministres.
M. LEBON: Je pense que c'est devant la commission qu'on va plaider notre
affaire.
M. BURNS: C'est le conseil des ministres qui, éventuellement, va
décréter...
M. LEBON: Qui va décider. Je suppose que la commission fait
rapport.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député d'Iberville.
M. CROISETIERE: Vous avez dit tout à l'heure que 30 jours de
négociations ne suffiront pas pour régler les clauses qui
resteront à négocier et que vous souhaitez revenir devant la
commission parlementaire. Or ma question est celle-ci: Croyez-vous que les
autres parties patronales sont entièrement de votre avis sur ce
sujet?
M. LEBON: Je pense que vous pourriez le leur demander tout à
l'heure.
UNE VOIX: D'accord.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Nous terminons, puisque M. Lebon fut
très bon avec le député de Lafontaine.
M. LEGER: M. Lebon, tout à l'heure vous avez dit que les trente
jours de négociations obligatoires après l'adoption du bill 38
étaient pour vous inutiles. Vous prévoyez rencontrer les
députés et à la suite de l'audition, un rapport serait
fait au ministre et tôt ou tard il y aurait un décret.
Après ça, selon le bill 38, si je l'ai bien compris, il n'y
aurait pas de droit de grève ni de lock-out durant les trois ans qui
suivent. Est-ce que ça ne veut pas dire que nous n'auriez pas plus,
durant les trois ans qui suivent, de "bargaining power", du côté
patronal que du côté syndical, que ça va se régler
plus durant les trois annés par des négociations, étant
donné que vous n'avez pas plus de "bargaining power" d'un
côté que de l'autre?
M. LEBON: Bon. Disons que dans toute négociation, chaque fois
qu'on convenait d'une convention collective, il était entendu que
pendant la durée de la convention collective, il n'y aurait pas de droit
de grève ni de lock-out. D'ailleurs, c'est dans le bill 290. Or,
ça ne change rien au bill 290. Une fois que le décret est mis en
vigueur, il n'y a pas de droit de lock-out ni de grève. Comme je le dis,
ça ne change absolument rien, si vous voulez, à ce qui existe
dans le bill 290.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Nous tenons à remercier M. Lebon
pour son honnête exposé et, dans l'ordre, je donne la parole
à M. Lefebvre.
UNE VOIX: Est-ce que vous nous gardez pour lorsqu'il ne restera plus
personne?
M. LAPORTE: Non, non, on vous garde pour qu'il reste du monde.
M. LEFEBVRE: M. le Président, mon confrère, Me Morin, de
la Corporation des maîtres-mécaniciens en tuyauterie nous a fait
la demande de passer en priorité et tous ceux qui me suivent sont
d'accord là-dessus. Il faut comprendre que ce monsieur est fiancé
et est près de se marier. Il a probablement des raisons personnelles de
le faire.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Bien, c'est un cas d'urgence,
alors...
M. Louis Morin
M. MORIN: Merci beaucoup. Je vais vous dire franchement que j'ai promis
surtout à M. Laberge de ne pas être plus que dix minutes. Je vais
donc essayer d'être rapide.
Louis Morin, Corporation des maîtres-mécaniciens en
tuyauterie. L'association que je représente trouve le bill 38
inacceptable dans le sens qu'il vient à l'encontre des droits
fondamentaux reconnus par les lois du travail dans les pays
démocratiques, à savoir la grève et le lock-out.
Cependant, il est sûr que le conflit actuel de la construction
cela après avoir fait le tour de certaines régions de la
province où il y a grève ne pourra être
réglé avant au moins six mois de grève. Ce sont les
employeurs de la Corporation des maîtres-mécaniciens en tuyauterie
que j'ai rencontrés qui se sont déclarés prêts
à subir une grève aussi longue que cela.
Pourquoi en sommes-nous rendus là? Bien que j'aie eu à me
prononcer sur le bien-fondé du bill 290 lorsqu'il est entré en
vigueur, je dois faire amende honorable et constater qu'il est un peu
inadéquat en ce sens qu'au niveau de la négociation sectorielle,
la présence de sept parties rend presque impossible une entente au
niveau d'une convention collective. Je pense que, lorsque vous aurez à
intervenir par une loi pour créer la négociation sectorielle,
vous devrez prendre en considération ces faits et faire en sorte qu'il
n'existe qu'une partie syndicale et qu'une partie patronale pour
négocier. C'est à ce prix que vous aurez une entente, à
mon avis.
Est-ce qu'aujourd'hui nous sommes prêts à accepter la loi
que vous allez peut-être adopter? La corporation a décidé
qu'elle respecte-
rait toute loi que vous adopterez, et ce n'est que parce que vous allez
l'imposer qu'elle sera respectée. Nous aurions souhaité ardemment
que ce soit la négociation qui aboutisse et que ce soit elle qui fasse
qu'il y aura une convention collective acceptée et acceptable par toutes
les parties en cause.
Cependant, je le répète, nous pensons à l'heure
actuelle que la négociation, si elle continuait, se prolongerait pendant
au moins six mois avant qu'il y ait conclusion d'une convention collective. En
tant qu'employeur, nous sommes contre le projet, mais, si j'étais
député, je voterais peut-être pour.
M. LAPORTE: Six mois, au moins, avant que ça puisse se
régler.
M. MORIN: Au moins.
M. LAPORTE: Vous êtes potimiste quand vous dites six mois?
M. MORIN: Ni optimiste, ni pessimiste. M. LAPORTE: Disons six mois. M.
MORIN: J'ai fait une moyenne.
M. LAPORTE: Est-ce que vous suggérez, comme représentant
d'une partie patronale, en dénonçant le bill 38, que cette
négociation qui devrait, à votre avis, se poursuivre, encore une
fois, normalement, se fasse sous l'emprise de la grève actuelle?
M. MORIN: Ecoutez, c'est à vous de décider si
l'intérêt public peut subir une grève de six mois.
M. LAPORTE: Oui, mais enfin...
M. MORIN: Bien, je vous ai dit que, si j'étais
député, je serais pour le projet.
M. LAPORTE: Oui, je comprends, mais vous représentez un
client.
M. MORIN: Je représente un client.
M. LAPORTE: Bon, votre avis comme député, si un jour vous
nous faites l'honneur de joindre l'équipe...
UNE VOIX: Laquelle?
M. MORIN: C'est une proposition?
M. LAPORTE: Je vais vous rappeler certains événements. Je
veux simplement savoir si vos clients seraient d'avis que nous retirions le
bill 38...
M. MORIN: Non.
M. LAPORTE: ... pour que cette grève se poursuive pendant six
mois?
M. MORIN: Non.
M. LAPORTE: Merci. Je m'excuse de répéter les mêmes
questions. J'aurais aimé que le député de Bourget
posât exactement les mêmes questions à toutes les parties en
cause; je pense que ça nous aurait amené des réponses fort
intéressantes. Je vous pose la même question: Est-ce que vos
clients sont d'avis que, mise à part la présence ou l'absence du
ministre à la table des négociations, le ministère aurait
pu faire plus, aurait pu faire mieux ou aurait pu faire différemment
pour provoquer un règlement de ce conflit interpatronal et
intersyndical?
M. MORIN: Je ne pense pas que le ministère aurait pu faire mieux.
Cela aurait tout simplement pu retarder la grève de deux ou trois
semaines, pas plus.
M. LAPORTE: Merci.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Vous avez suggéré un éventuel amendement
au bill 290. Pourriez-vous expliciter le problème, en fait? J'ai compris
que c'était ça que vous suggériez.
M. MORIN: Non, nous ne nous sommes pas penchés encore sur ce
problème.
M. BURNS: Mais écoutez, M. Morin...
M. MORIN: Ce que j'ai dit, c'est que, dans une éventuelle
loi-cadre de négociations sectorielles, il faudrait envisager de
façon très précise de mettre en face seulement deux
parties.
M. BURNS: Bien, c'est là-dessus que je voudrais que vous donniez
plus d'explications. Quand vous dites une seule partie patronale et une seule
partie syndicale, voulez-vous dire pour votre groupe à vous ou bien pour
l'ensemble des groupes?
M. MORIN: II faudrait tendre à ça.
M. BURNS: Bien, à laquelle des deux solutions?
M. MORIN: Une partie syndicale et une partie patronale.
M. BURNS: Bon, une partie patronale, c'est-à-dire vous, la
Corporation des mécaniciens en tuyauterie, et une partie syndicale.
C'est ça que vous voulez dire?
M. MORIN: Que ce soit ça ou que ce soit au niveau de toute
l'industrie de la construction.
M. BURNS: Bon, c'est ce que je voulais savoir.
M. MORIN: Moi, la seule chose que je dis, c'est qu'il faut un contre un,
que vous mettiez un cadre X ou bien X, Y, Z.
M. LAPORTE: Une question; je m'excuse, ce sera quant à moi la
dernière. M. Pepin a dit qu'il accepterait le bill 38, enfin, qu'il le
trouverait moins coriace, je m'excuse, si nous acceptions d'y incorporer le
document de travail des conciliateurs du ministère du Travail. Est-ce
que la Corporation des mécaniciens en tuyauterie jugerait cette
proposition acceptable?
M. MORIN: C'est sûr qu'au niveau des trente jours de
négociations et au niveau de la commission parlementaire, il va
être fait état de ce document. Nous ne sommes pas contre le fait
que le document soit pris en considération comme les offres patronales
et les demandes syndicales.
M. LAPORTE: Je m'excuse. M. Pepin dit: Prenez le bill 38, incorporez-y
le document de travail des conciliateurs du ministère et nous allons le
trouver moins indigeste. Est-ce que vos clients accepteraient que, demain,
l'Assemblée nationale...
M. MORIN: Non.
M. LAPORTE: ... prenne le document des conciliateurs et l'incorpore?
M. MORIN: Non, parce que nous n'avons pu discuter de certains points que
nous trouvons fondamentaux au niveau des employeurs, comme la syndicalisation
des contremaîtres, etc., et sur lequel nous voulons quand même nous
exprimer.
M. LAPORTE: Merci.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: II semble que vous ayez tout à l'heure expliqué
que vous préféreriez faire des négociations à un
contre un. Vous ne semblez pas aimer les combats par équipes.
M.MORIN: Ecoutez...
M. SAMSON: Est-ce que c'est cela qui se produit chez vous
actuellement?
M.MORIN: Ecoutez, on ne se fera pas de cachettes. Les deux centrales
syndicales ne s'entendent pas et les parties patronales s'entendent plus au
moins.
M. SAMSON: Ah bon! Il y a une autre chose que vous avez
expliquée, vous ne semblez pas trop pressés que cela se
règle. Il paraît que vous êtes prêts pour six
mois.
M. MORIN: Nous sommes très pressés que cela se
règle. Moi, ce que je vous dis, c'est que si nous continuons comme cela,
cela ne se règlera pas avant six mois.
M. SAMSON: Vous serez capables d'endurer cela pendant six mois?
M.MORIN: Ce n'est pas une question de capacité, c'est la question
que nous n'avons pas le choix.
M. SAMSON: Si la loi vous est imposée, vous allez...
M. MORIN: La respecter.
M. SAMSON: ... probablement la respecter, mais parce qu'elle est
imposée.
M. MORIN: Parce qu'elle est imposée.
M. SAMSON: Vous préférez ne pas avoir cette loi. Il semble
que, selon vous, cela pourrait durer jusqu'à six mois. Mais vous n'aimez
pas cette loi...
M. MORIN: Non.
M. SAMSON: Est-ce que vous avez d'autres moyens à nous
suggérer, présentement, pour régler cela?
M. MORIN: Non, je n'en ai pas. M. SAMSON: Merci.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député du Saguenay. Ne
partez pas, M. Morin, ne partez pas.
M. LESSARD: M. Morin, vous avez affirmé que vous auriez
préféré que la négociation se continue au niveau
des parties, selon ce qui est précisé dans le bill 290. Est-ce
que vous voulez dire par là que si, par exemple, il n'y a pas entente
dans trente jours, cela voudrait dire qu'on impose un règlement? Est-ce
que vous pensez à ce moment que la situation recommence à
zéro, et que, étant donné que l'accouchement sans douleur
n'existe pas dans la construction et dans les négociations, ce serait
pour cela, selon vous, qu'il aurait fallu continuer à laisser
négocier les parties en cause?
M. MORIN: Si vous aviez laissé continuer les
parties en cause, la grève se serait perpétuée.
Combien de temps? Moi, j'ai évalué cela à six mois. Est-ce
qu'il y aurait eu un gagnant ou un perdant? Qui aurait gagné? Qui aurait
perdu? Je ne le sais pas.
M. LESSARD: Oui, mais, M. Morin, vous avez affirmé que vous
auriez aimé mieux que cela se continue. Pourquoi? Est-ce selon les
normes du bill 290? Est-ce que c'est pour faire enfin un premier essai du bill
290? Parce que l'essai de ce bill n'a pas du tout été fait.
M. MORIN: Cela fait deux essais que nous faisons et cela ne marche
pas.
M. LESSARD: Cela ne marche pas. Cela veut donc dire comme je le
demandais à M. Lebon, tout à l'heure que vous croyez que
dans trois ans, par exemple, il y aurait possibilité d'entente au niveau
des parties?
M. MORIN: II faudrait un drôle de changement dans l'attitude des
parties.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Bourget.
M. LAURIN : M. Morin, est-ce que vous êtes d'accord avec celui qui
vous a précédé pour dire que les trente jours de
négociations qui restent prévus seraient absolument inutilisables
ou inutiles, ne pourraient absolument rien apporter?
M. MORIN: Je pense qu'on devrait tout de même essayer, mais il
faudrait que la personne qui représente le ministère rende une
décision rapide; on saura dans les deux ou trois premiers jours des
négociations si cela amènera quelque chose ou si cela
n'amènera rien. Si le représentant qui est là constate que
cela n'amène à rien, qu'il fasse immédiatement intervenir
la commission.
M. LAURIN: Mais vous, qu'en pensez-vous?
M. MORIN: Je pense qu'il reste encore certaines clauses sur lesquelles
on n'a pas eu la chance de discuter.
M. LAURIN: Vous savez que, de toute façon, il n'y a pas de
grève, il n'y a pas de lock-out, et que, de toute façon, le
gouvernement interviendra en dernier lieu par un décret, ne pensez-vous
pas que cela peut constituer un empêchement à l'utilité des
négociations?
M. MORIN : Cela constitue un empêchement, comme l'arbitrage qui
existait avant et qui amenait les parties à ne pas négocier
véritablement.
M. LAURIN: Est-ce que vous seriez d'avis que l'annonce d'une
législation et la présenta- tion d'une loi font perdre beaucoup
de vigueur, de dynamisme auprès...
M. MORIN: Cela a arrêté les négociations.
M. LAURIN: Vous êtes d'avis que l'annonce d'une loi, en
somme...
M. MORIN: Elle a arrêté les négociations. M. LAURIN:
... gèle les négociations.
M. MORIN: Sûrement.
M. LAURIN: Je vais répéter la question que j'avais
posée à M. Pepin. Je ne sais pas si M. le député de
Chambly me reproche de ne pas l'avoir posée à M. Lebon lorsqu'il
s'est présenté. Avez-vous l'impression que la présence du
ministre du Travail à la table des négociations peut
s'avérer utile ou nuisible? Nuisible dans le sens qu'elle pourrait
injecter de la politique partisane au niveau des négociations, et utile
en raison du prestige qu'il peut avoir, de la force de pression plus ample
qu'il peut avoir.
M. MORIN: Je m'excuse pour l'honorable ministre du Travail, mais je ne
crois pas que sa présence puisse influencer de façon certaine les
négociations, pas plus qu'un médiateur spécial.
M. LAURIN: Est-ce qu'elle peut être nuisible, est-ce qu'on peut
lui reprocher...
M. MORIN: Je ne pense pas.
M. LAURIN: Vous ne pensez pas qu'on puisse lui reprocher ça.
Est-ce que vous pourriez nous dire, selon vous, dans le champ particulier qui
vous intéresse, les raisons qui ont conduit à l'impasse, puisque
vous avez parlé d'une grève possible de six mois.
M. MORIN: Ce sont les demandes syndicales, notamment...
M. LAURIN: Lesquelles?
M. MORIN: ... sur les points suivants: la question de la syndicalisation
des contremaîtres, la question de la parité des salaires, la
question d'ancienneté, et la question des droits acquis et de la
rétroactivité.
M. LAURIN: La syndicalisation des contremaîtres, la
parité...
M. MORIN: La parité des salaires, l'ancienneté, la
rétroactivité et les droits acquis.
M. LAURIN: Diriez-vous que, sur ces quatre points-là, il n'y a eu
aucun progrès depuis le début des négociations en
février?
M. MORIN: II n'y a eu aucun progrès.
M. LAURIN: Depuis février? M. MORIN: Depuis février.
M. LAURIN: Et vous n'entrevoyez aucun progrès sur ces quatre
points que vous estimez majeurs?
M. MORIN: Pas à l'heure actuelle.
M. LAURIN: Maintenant, pourriez-vous nous dire si, lorsque nous
discutons d'arbitrage, il vous parait préférable de consentir
à un arbitrage gouvernemental plutôt qu'à un arbitrage plus
usuel? Est-ce que vous considérez, par exemple, que l'arbitrage
gouvernemental peut être plus souhaitable ou comporter plus de
dangers?
M. MORIN: Je pense qu'un arbitrage individuel, à mon avis, serait
plus souhaitable qu'un arbitrage gouvernemental.
M. LAURIN: Pourquoi?
M. MORIN: Je m'excuse pour les membres de cette digne Assemblée,
mais je pense qu'une personne versée dans la matière des
relations syndicales-patronales serait plus apte que l'Assemblée
à rendre des décisions, si décision il y a à
rendre.
M. LAURIN: Maintenant, quand vous dites qu'il y a eu deux essais sous
l'égide du bill 290 et que ces deux essais se sont soldés par des
échecs, est-ce que, l'an dernier, la grève ne s'est quand
même pas réglé, après peut-être des
négociations difficiles, mais est-ce que ça ne s'est pas
réglé quand même après un certain temps?
M. MORIN: Ecoutez, l'an passé, si mon souvenir est fidèle,
on a pris près d'une dizaine de mois pour régler seulement une
question salariale et une question de sécurité d'emploi, deux
questions.
M. LAURIN: Mais les grèves ont duré combien de temps l'an
dernier?
M. MORIN: Neuf semaines à Québec, c'est la plus
longue.
M. LAURIN: Considérez-vous qu'un règlement qui intervient
après neuf semaines peut être considéré comme un
échec?
M. MORIN: Non.
M. LAURIN: Alors pourquoi dites-vous que deux essais ont
été faits et qu'ils se sont soldés tous les deux par des
échecs?
M. MORIN: Parce que je tiens pour acquis, à l'heure actuelle, que
la grève durera pas moins de six mois.
M. LAURIN: Oui, mais la première fois, quand même elle a
duré neuf semaines et ça s'est soldé par une
réussite.
M. MORIN: J'avais prévu trois mois.
M. LAURIN: Mais deux mois. Vous êtes pessimiste comme
ça.
M. MORIN: C'est évident, je suis pessimiste.
M. LAURIN: Est-ce qu'il n'y a pas eu d'autres grèves...
M. MORIN: Je pense que le gouvernement est pessimiste aussi, parce
que...
M. LAURIN: Oui, je suis bien d'accord avec vous.
M. MORIN: ... il était à la table des négociations
depuis le début.
M. LAURIN: Est-ce qu'il n'y a pas eu, à votre connaissance,
d'autres grèves de la construction ailleurs, au pays, qui ont pris quand
même autant de temps, peut-être plus de temps à se
régler et qui se sont soldées par des réussites?
M. MORIN: Vous, quand vous parlez de pays, là, ça me
mêle un peu.
M. LAURIN: Je me rends compte qu'au fond vous êtes d'accord avec
moi.
M. MORIN: Je représente la Corporation des
maîtres-mécaniciens en tuyauterie.
M. LAURIN: Mais considérez-vous quand même que, dans les
autres pays, ou parties de pays, il y a eu des exemples de négociations
qui ont été peut-être longues mais qui ont quand même
abouti, par d'autres moyens que des lois spéciales, à des
résultats qu'on peut considérer comme des réussites?
M. MORIN: Oui, les lois spéciales sont toutes nouvelles, je
pense, dans le domaine des relations de travail; est-ce qu'elles sont bonnes ou
non? L'expérience va le démontrer. C'est une nouvelle tentative,
je pense. Il y en a eu en Colombie, il n'y a pas longtemps.
M. LAURIN: Vous admettez donc que vous avez dépassé votre
pensée quand vous avez dit qu'il y avait eu deux essais qui
s'étaient soldés par deux échecs.
M. MORIN: Non...
M. LAURIN: C'est plutôt cette négociation-ci, où la
grève ne dure que depuis à peine un mois, dont vous craignez
qu'elle soit un échec, alors que la négociation de l'an dernier
n'a pas conduit à un échec.
M. MORIN: A mon avis, c'est déjà un échec, en ce
sens que les deux parties syndicales ne réussissent pas à
s'entendre et que les cinq parties patronales ne réussissent pas non
plus à s'entendre. Comment voulez-vous qu'il y ait entente après
ça entre les parties syndicales et les parties patronales?
M. LAURIN: Là, c'est plutôt une prospective que vous
faites.
M. MORIN: C'est sûr! C'est sûr, parce que, écoutez,
cela ne fait que trois semaines qu'elles sont en grève.
M. LAURIN: Donc, ce n'est aucun fait. L'an dernier, cela a réussi
et, cette année, c'est une prospective. Il n'est donc pas vrai que cela
a été deux échecs.
M.MORIN: Les circonstances, l'an passé, à mon avis,
n'étaient pas les mêmes. Il y avait entente au niveau
patronal.
M. LAURIN : Mais cela a quand même réussi l'an dernier. On
ne peut pas dire que ça n'a pas réussi l'an dernier.
M. MORIN: Disons que, l'an passé, il y a eu, à notre avis,
du côté des employeurs, un règlement imposé. Cette
année, les employeurs ont décidé de ne pas avoir de
règlement imposé dans le sens d'une imposition...
M. LAPORTE: Je vous en prie, c'est la question que je voulais vous
poser. Est-ce que la façon dont ça s'est réglé,
l'an dernier, après deux mois de grève je ne critique
personne et ne porte pas de jugement sur les individus ne rend pas cette
année la solution plus difficile?
M. MORIN: A mon avis, c'est une des causes de la grève à
l'heure actuelle.
M. LAURIN: C'est cela que je voulais éclair-cir. Voulez-vous
préciser là-dessus?
M. MORIN: Je pense que, l'an passé, la réaction patronale,
chez nous du moins, a été que le règlement, à cause
de l'intervention directe du ministre du Travail, a été un
règlement imposé. Les parties l'ont accepté, comme n'ayant
pas le choix. Cette année, les parties patronales disent: On va aller au
bout. Personne ne nous imposera rien, sauf...
M. LAURIN: Sauf le Parlement!
M. MORIN: ... le Parlement. Disons que les employeurs que je
représente respectent encore le Parlement.
M. BERTRAND: Est-ce que, cette année ce ne sera pas le
Parlement ça ne vous sera pas imposé par le
gouvernement?
M. MORIN: Cela va être imposé par le gouvernement, mais en
fonction d'une loi qui va lui donner le pouvoir de le faire.
M. LAPORTE: Et après des négociations qui seront
publiques.
M. MORIN : Et après des délibérations.
Sûrement.
M. LAPORTE: Est-ce que ce qu'on a reproché l'an dernier ,et
encore une fois je prétends que c'était difficile est-ce
que l'une des choses que l'on a regrettées l'an dernier, ce n'est pas
qu'il y ait eu du tordage de bras dans la coulisse?
M. MORIN: II y en a eu et beaucoup.
M. LAPORTE: Bon! Cette année les choses vont se faire
publiquement; toutes les parties intéressées vont venir dire
à la face de la province de Québec pourquoi elles sont contre
telle suggestion et pourquoi elles sont en faveur. Est-ce que c'est un
progrès sur l'an dernier?
M. MORIN: Cela va aider.
M. LAURIN: A ce moment-là, Me Morin, pourquoi, l'an dernier, si
vous pensez qu'on vous a tordu le bras, n'avez-vous pas protesté
publiquement? Pourquoi n'avez-vous pas fait connaître publiquement vos
raisons? Pourquoi vous êtes-vous sentis forcés d'accepter de
signer?
M. MORIN: II y a eu des protestations publiques dans les journaux l'an
passé. Certaines associations patronales y ont déclaré que
c'était un règlement imposé.
M. LAURIN: Mais de quoi vous menaçait-on, si vous ne signiez
pas?
M. MORIN: Comme disait l'honorable ministre Laporte, cela a
été fait en coulisse avec un petit nombre d'individus.
M. LAURIN: Mais j'imagine quand même que si vous avez
signé, c'est que vous voyiez que c'était dans
l'intérêt de votre groupe.
M. MORIN: Non.
M. LAPORTE: M. le Président, je voudrais bien qu'on ne fasse pas
le procès de l'an dernier.
On nous a dit que ce qu'il s'agissait d'établir et c'est
une des choses que j'ai dites publiquement cet après-midi
était la façon dont la grève s'est réglée
l'an dernier ou que la convention a été signée.
Peut-être était-ce nécessaire. Encore une fois, je
n'étais pas partie et je n'ai pas pris connaissance des dossiers, mais
on m'a dit que c'est une des raisons. Enfin, on n'est pas pour se mettre
à juger la convention de l'an dernier. On pourrait peut-être
songer, à onze heures et quart, à revenir, moi-même et tous
les autres, au bill 38 et à l'opinion du client que vous
représentez, opinion que vous nous avez exprimée d'ailleurs fort
clairement.
M. LAURIN: D a été à bonne école.
M. LE PRESIDENT: J'apprécierais que le député de
Bourget...
M. LAURIN: J'ai terminé, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.
M. LEGER: Vous avez dit tantôt, Me Morin, que si la grève
avait continué et que s'il n'y avait pas eu le bill 38 en perspective,
la grève aurait duré au moins six mois et que, tout en
n'étant pas heureux de la situation, vous auriez accepté que cela
dure au moins six mois.
M. MORIN: Moi, je pense, après avoir eu des échos des
assemblées patronales de la Corporation des
maîtres-mécaniciens dans différentes régions, que
les entrepreneurs de ces régions-là étaient prêts
à subir une grève très longue. C'est le sens de mon
intervention.
M. LEGER: Le bill 38, tout en ne vous satisfaisant pas, vous l'acceptez
seulement par soumission au Parlement?
M. MORIN: Oui.
M. LEGER: Donc, vous n'étiez pas heureux des deux situations?
M. MORIN: C'est sûr que l'on ne sera pas heureux de l'une ou de
l'autre des deux situations.
M. LEGER: C'est donc dire que vous auriez été heureux d'un
bill 38 qui aurait été différent.
M. MORIN: On était en négociations assez souvent et je
n'ai pas eu le temps de penser aux moyens législatifs de régler
le problème.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Je demanderais au député
de s'en tenir, autant que possible au sujet s'il vous plaît, étant
donné l'heure et les circonstances. Je ne veux pas toutefois vous priver
du droit de parole.
M. LEGER: De toute façon, il me reste une question, M. le
Président. C'est la question que je posais à votre
prédécesseur. Est-ce que vous calculez que le fait qu'on
enlève avec le bill 38 le droit de grève et le droit de lock-out,
cela équilibre le "bargaining power'" des deux côtés?
M. MORIN: Moi, j'ai toujours considéré que le droit de
grève était plus fort que le droit de lock-out.
M. LEGER: Merci.
M. LE PRESIDENT (Bossé): L'honorable député de
Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai simplement une
question à poser à M. Morin, parce qu'il a fait une observation
qui m'a surpris tout à l'heure. Il a dit, entre autres choses: Dans le
domaine de la construction, il n'y a pas possibilité de s'entendre.
Qu'on négocie et qu'on négocie, on ne s'entendra jamais. C'est la
raison qui le fait plaider en faveur de l'intervention de l'Etat. Or, l'Etat
détermine, quand même, un délai de trois ans par le
décret qu'il sera appelé à adopter. Après cela,
est-ce que cela veut dire, dans votre esprit, que cela va être encore la
jungle qui va recommencer?
M. MORIN: II va falloir que le législateur se penche, à
mon aivs, sur de nouvelles solutions et de nouvelles avenues pour la prochaine
négociation.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'autre part, sans vouloir revenir de
façon désagréable sur ce que vous avez dit, vous avez
prétendu qu'on vous avait tordu le bras. Par ailleurs, vous avez dit que
cela s'était fait en coulisse. Donc, vous ne pouvez rien affirmer
à ce sujet-là. Ce sont des oui-dire, des ragots.
M. MORIN: Non, ce ne sont pas des oui:dire, ni des
ragots.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais vous n'êtes pas capable de
nous dire qui, comment cela s'est fait et de quelle façon cela s'est
fait.
M. MORIN: Disons que...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Comment vous portez...
M. MORIN: ... je n'ai pas mandat, certainement pas ce soir en tout cas,
de mes clients pour dévoiler des secrets...
UNE VOIX: D'accord, d'accord.
M. MORIN: ... que je pourrais avoir là-dessus.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, d'ailleurs, vous n'êtes pas devant
un tribunal judiciaire, c'est évident. Mais, à toutes fins
utiles, ce que vous avez dit tout à l'heure, ce sont des oui-dire.
M. MORIN: Vous n'êtes pas obligés de me croire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Maisonneuve.
Je termine, M. Morin, avec le député de Maisonneuve, si vous
voulez.
M. BURNS: En réponse à un de nos collègues, ici, M.
Morin, vous nous avez dit que vous vous êtes senti tordre le bras
l'année passée. J'ai de la difficulté à comprendre
comment vous allez vous sentir tordre le bras un peu moins par un conseil de
ministres qui va imposer des conditions éventuellement si, comme du
moins votre autre collègue de la partie patronale semble le penser,
tôt ou tard, c'est ce qui va arriver. Je ne vois pas la logique,
là.
M. MORIN: Ecoutez, ce n'est pas une question de logique. En relations de
travail, bien souvent, la logique, on passe à côté un peu.
Cela va être aussi avec le bill 38 un règlement imposé.
Cependant, étant donné que cela va venir de l'Assemblée
nationale, si le bill est adopté, les parties, en tout cas la partie que
je représente va se soumettre avec plus de grâce...
UNE VOIX: Plus facilement.
M. MORIN: ... et avec moins de rancoeur que si c'était un
règlement imposé dans les coulisses, parce que toutes les parties
auront l'occasion de s'exprimer.
M. LAURIN: Est-ce que ce serait, monsieur, parce que l'on va vous tordre
le bras dans le bon sens, cette fois? Cela fera moins mal!
M. MORIN: II ne semble pas que ça va être comme
ça.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Alors, nous tenons à remercier Me
Morin et nous lui souhaitons d'heureuses négociations.
Au tour de M. Lefebvre.
M. MORIN: J'espère que je vais en gagner une, au moins!
M. Claude Lefebvre
M.LEFEBVRE: M. le Président, messieurs les membres de la
commission, le code du travail ne prévoit que deux façons...
M. LE PRESIDENT (Bossé): Voulez-vous répéter, s'il
vous plaît, qui vous représentez?
M. LEFEBVRE: Mon nom est Claude Lefebvre. Je représente
l'Association provinciale des constructeurs d'habitations, ce qui touche le
logement dans le Québec.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Vous pouvez procéder.
M. LEFEBVRE : Le code du travail prévoit que l'on règle
nos différends par la négociation et que, si la
négociation n'aboutit pas, on a recours à la force.
Présentement, et cela, bien avant que le ministre du Travail annonce une
législation d'exception, comme négociateur, je me suis rendu
compte que la négociation était absolument inutile entre les
parties. Parce que nous avions trouvé le fond du cul-de-sac dû
à l'intransigeance d'une ou plusieurs parties, chacune prétendant
avoir raison. Il reste que la seule façon, le seul mode de
règlement qui était en existence, avant la présentation du
projet de loi, était un règlement de force. Et si je veux imager
mon exposé, je vous dirais que, dans le mariage forcé que le
Parlement nous a donné par le bill 290, le mari bat sa femme ou la femme
bat le mari et que le juge en instance dit: Madame, apprenez à boxer et
réglez votre problème.
Quant à nous, nous représentons des intérêts
particuliers et la négociation sectorielle touche quand même le
secteur public. Le public est drôlement affecté par la
négociation d'intérêt privé. A quel moment le
Parlement peut-il intervenir, puisque lui aussi peut faire usage de force? Si
le code du travail permet aux syndicats comme aux patrons d'user du droit de
grève ou de contre-grève, la constitution permet au Parlement
d'exercer, par une loi d'exception, un élément de force pour
régler un conflit.
On a souligné avec à-propos que la grève n'a pas
toujours été votée selon la volonté des
salariés, peut-être pas de certains salariés d'une centrale
syndicale, mais des salariés dans leur ensemble. Et comme partie
patronale, nous ne comprenons pas que de nos employeurs qui ont à leur
emploi des salariés qui disent vouloir travailler et qui, de fait
étaient au travail par la menace, le chantage ou autre forme que vous
connaissez, soient obligés de retourner chez eux. Quant à
l'employeur, il est bien obligé de fermer son chantier. Vous avez, l'an
passé, au cours de la grève, connu des actes de violence et les
employeurs que je représente ont connu, dans la grève du mois de
mai, des actes de violence. Il y en a qui ont perdu des bâtisses par le
feu. L'an passé, il y a eu, dans une même journée, cinq
dynamitages, probablement toujours par la faute des personnes tout autres que
celles qui étaient concernées dans le conflit en litige. C'est
bien beau de dire au ministère de la Justice de faire son travail, mais
après un an, nous n'avons pas encore trouvé de coupables et nous
n'avons pas pu empêcher ces actes. Il est vrai
que le mécanisme de la négociation entre cette partie est
très difficile, si les parties ne sont pas de bonne foi. Si le seul
argument que je puis opposer à une table est un argument de force, c'est
inutile de négocier.
Le secteur que je représente est un secteur d'habitations, donc
un secteur qui est drôlement affecté par toutes les augmentations
salariales, principalement dans les régions
sous-développées. Accepter des augmentations de 60 p.c. ou 80
p.c, comme le demande la CSN dans certaines régions, c'est absolument
conclure à la fermeture de plusieurs chantiers, à la faillite de
plusieurs employeurs qui ne pourront pas, demain, écouler leur
marchandise. Notre marché est basé sur la consommation de Jos
Toute-le-Monde.
A quel moment le Parlement doit-il intervenir? Vous avez à en
juger. Qu'il me suffise de vous dire que nous avons à faire, d'ici
l'automne, des mises en chantier d'une valeur approximative de $225 millions.
Notre marché est conditionné par l'octroi de prêts. Le
gouvernement fédéral a consenti, cette année, un
déblocage dans la province de Québec. Dans notre secteur, si la
mise en chantier ne se fait pas à l'automne et si nous manquons la
saison d'automne, l'année est manquée. Encore là, c'est
à vous de décider.
Quant à nous, nous avons souhaité une intervention du
gouvernement. Nous l'avons même souhaitée quasiment dans les
formes actuelles. Tout d'abord, je dois vous dire que les augmentations de
salaires qui sont proposées dans le document 70 correspondent à
peu près aux offres patronales et aux demandes syndicales du mois de mai
1970. On acceptait à l'époque, dans un document conjoint, les
$0.25 $0.25 $0.25. Il est vrai que nous avons joui de quelques
mois de répit, ce qui peut légitimer les $0.30 $0.20
$0.25. Quant à la clause de délégués de
chantier, on ne peut pas dire qu'il n'y a plus de préférence
d'emploi. Nous sommes justement de ces gens qui ont des petits chantiers. A la
page 4 du document 70, vous pouvez lire qu'il y a quand même une
préférence d'emploi sur tous les salariés qui ont
été engagés après le délégué
de chantier. C'est le syndicat qui le nomme. Il n'a qu'à choisir le plus
vieux. De fait, s'il nomme un régulier, il y a complète
préférence d'emploi.
Est-ce que dans deux mois nous aurions pu négocier, sans
l'intervention du gouvernement? Comme je vous l'ai dit, nous en sommes rendus
à l'épreuve de force et des employeurs de plusieurs
régions veulent absolument subir le conflit actuel pour en arriver
à un règlement. C'est une lutte de force, une lutte
d'épuisement. Lorsqu'un député s'inquiétait de
savoir pourquoi il y avait tant d'associations patronales, bien, je dois vous
dire que l'Association provinciale des constructeurs d'habitations
représente, quand même, dix associations locales et qu'à la
table des négociations actuellement nous tentons un règlement
à l'échelle provinciale. Ce qui est acceptable pour les
constructeurs de Montréal peut fort bien ne pas être acceptable
pour les constructeurs de Chicoutimi et certainement pas pour les gars de
Drummond ou de Sherbrooke. Lorsque nous tentons d'établir des clauses
à l'échelle de la province, c'est évidemment
difficile.
Est-ce que, après l'adoption de cette loi, nous pourrons
négocier de bonne foi pendant trente jours? Je vous avoue
qu'après avoir entendu les parties qui m'ont
précédé je deviens de plus en plus pessimiste. Cependant,
quant à l'association, nous avons déjà tenu un conseil
provincial et nous avons étudié positivement le document remis
par les conciliateurs, celui du 28 juillet. Nous avons fait connaître aux
conciliateurs nommés par le gouvernement notre position à ce
sujet. Nous comptons négocier et nous espérons que les parties
tenteront de bonne foi de négocier le rattrapage. Il est évident
que le document de l'an passé prévoyait une formule qui semble
inapplicable à une partie. Quant à nous, nous ne sommes pas
enferrés dans la clause 7 de l'an passé. Nous sommes prêts
à discuter de parité salariale dans certains secteurs de notre
économie, mais, dans d'autres secteurs, nous jugeons que c'est tout
à fait inacceptable présentement et certainement pas sur une base
de trois ans.
Mais nous sommes quand même ouverts à la négociation
et nous croyons que la bonne foi devrait primer. Mais dès l'application
de la force, il est rare que je palabre, je m'arrange plutôt pour me
battre moi aussi. A une table de négociations, c'est la même
chose. Je ne suis pas sûr que trente jours seront suffisants. Je ne suis
même pas sûr que ces trente jours vont donner quoi que ce soit.
Mais dès le moment où on se rendra compte qu'on ne négocie
plus de bonne foi, j'aime encore mieux la solution d'une commission
parlementaire qu'une grève jusqu'à épuisement.
Il y aurait sans doute lieu, dans la période de trois ans qui va
suivre le règlement, de reviser le bill 290 et de considérer que
la négociation sectorielle peut peut-être arriver à une
négociation par sous-secteurs. Il est évident que l'habitation
n'a rien à voir avec les routes, qu'on parle deux langages
différents, que les maîtres-mécaniciens en tuyauterie ont
des priorités que moi je n'ai pas et que la CSN a des priorités
que la FTQ n'a pas. Mais je ne pense pas qu'il y ait eu jusqu'à
présent autre chose que des épreuves de force.
Il est évident pour les patrons que je représente que le
bill 38 offre une solution. Solution pour nous, c'est vrai. Peut-être
également une solution pour le bie.n commun. C'est à vous d'en
juger. Quant à nous, le temps prévu ne change en rien le cours
des négociations, et je m'explique.
Selon le document que j'ai ici, il semblerait que dans deux ou trois
mois au maximum on en arriverait à une solution. Or, dans nos offres
salariales, il était évident que le rattrapage ne se
faisait pas demain matin, que la première tranche se versait et que dans
six mois seulement la section de rattrapage était effective. C'est donc
dire que nous avons six mois pour négocier ou pour nous faire entendre.
Est-ce que la commission est le meilleur tribunal? Ce ne sera certainement pas
pire que l'an passé, certainement pas. Et je ne pense pas que le
patronat y trouve un meilleur compte que le syndicat. Depuis que Salomon a
parlé de trancher par la moitié, vous savez! Si j'étais
convaincu que la négociation pouvait faire quelque chose, je vous
proposerais même plus d'un mois, mais il faudrait que le ministère
du Travail et de la Main-d'Oeuvre mette immédiatement à notre
service des économistes qui pourraient nous aider à calculer les
coefficients économiques, parce que des disparités
économiques, il y en a. Arriver au calcul d'un coefficient,
peut-être que moi comme avocat je n'en suis pas capable, mais
peut-être qu'un économiste y arrivera. Puis, s'il déclare
forfait, il sera toujours temps de venir vous voir. Enfin, au fur et à
mesure des questions, je pourrai peut-être développer. J'en ai
suffisamment dit.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Merci, M. Lefebvre, de votre
exposé. Y a-t-il des questions? Le député de
Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: Lorsque vous arrivez à une entente, lorsque
vous avez une convention dans une région donnée, du moins vous
faites une compétition à un même palier parce que tous les
employés sont payés le même prix et votre produit, vous ne
le conservez pas. Vous faites le lien entre le consommateur et le producteur,
si je peux dire, parce que vous ne conservez pas les maisons que vous
construisez.
M. LEFEBVRE: Nous tentons de ne pas les conserver, vous savez.
M. SAINT-GERMAIN: C'est ça. Donc, pour autant que tous les
constructeurs paient leurs employés, ont des employés qui
travaillent dans les mêmes conditions, la compétition se trouve
à être juste. Vous défendez les intérêts des
constructeurs. Quelle est la motivation? Puisque, en fin de compte, ce n'est
pas vous qui payez les salaires ou les matériaux, vous les faites payer
par vos clients. Quelle est la motivation qui fait que vous combattez si
férocement les demandes des syndicats?
M. LEFEBVRE: Vous m'avez sans doute mal compris tout à l'heure
lorsque j'ai dit que nous avions examiné de façon positive le
document des conciliateurs du gouvernement. Ce qui fait que nous combattons
dans certaines régions, c'est que c'est la mise en marché d'un
produit. Si, demain matin, je produis une maison de $16,000 et que personne
dans la région n'est capable de l'acheter, je suis un constructeur
d'habitations, mais je n'en construirai pas longtemps. Et, comme vous le disiez
tout à l'heure, je les garderai sur les bras pas mal longtemps. Cela
veut dire la faillite.
Egalement dans les logements. Même les logements à loyer
modique que la Société d'habitation du Québec tente de
mettre sur le marché. Dans un document que j'ai vu, et même avec
M. Pepin, nous discutions du prix d'un menuisier, dans la région de
Drummond, s'il fallait accepter sa position, cela correspondrait à une
augmentation de 80 p.c. et vous retrouvez cette augmentation à peu
près généralement. Or, dans cette région, le
coefficient entre le coût des matériaux et le coût de la
main-d'oeuvre est d'environ 50-50. Alors que, dans d'autres régions,
comme celle de Montréal, on peut descendre cela à peu près
de 27 à 30. Dans cette région, cela veut tout simplement dire que
l'augmentation d'une maison d'habitation est de 40 p.c, ou à peu
près. Et si j'augmente les maisons de 40 p.c, il faut que la
capacité de payer du locataire ou de l'acheteur, soit de 40 p.c.
supérieure. C'est là qu'est le problème. Ce n'est pas le
problème de la compétition avec les autres constructeurs
d'habitations. C'est un problème de mise en marché.
Un autre problème vient se greffer également, parce que,
dans notre industrie, il se fait du braconnage. Le braconnage se fait par des
ouvriers de la construction, des salariés, qui deviennent entrepreneurs
à tout moment. Parce qu'aujourd'hui, il n'y a rien qui puisse
empêcher quelqu'un de devenir entrepreneur. Par exemple, M. X, qui est
bien établi, qui a dix, ou quinze, ou vingt employés, paie les
salaires, paie la sécurité sociale, paie les vacances, paie le
temps et demi; et l'autre, à côté, s'en va avec son
beau-frère et se donne comme raison sociale: "Jos Bleau et
Associés". Lui déclare son beau-frère comme
salarié, transige tous les artisans font cela travaille le
soir à temps simple, même à un prix inférieur au
décret, il n'y a personne pour le prendre. En fait, plusieurs de nos
constructeurs se plaignent et disent : Nous faisons un tas de soumissions, mais
c'est un tas de cultivateurs de la région qui les exécutent.
C'est un problème.
Il est évident que, si on impose des conditions de rattrapage
salarial, que nous suggérerons au Parlement d'adopter une loi sur le
permis des entrepreneurs pour défendre à ceux qui sont
véritablement des salariés de faire état d'être des
entrepreneurs, les entrepreneurs-artisans chez nous, on aimerait bien s'en
débarrasser, parce que ce sont de véritables salariés et
ils viennent concurrencer avec les employeurs. Parce que, concurrencer avec un
salarié, je ne pourrais absolument pas le faire, parce qu'il
échappe à toute juridiction, à tout contrôle.
Même à l'impôt.
M. SAINT-GERMAIN: Plus la main-d'oeuvre
est élevée, plus vous avez de braconnage, pour me servir
du même terme, et plus vous avez une compétition illégale.
C'est dire enfin que, dans ces négociations, en plus de défendre
vos intérêts personnels, vous vous trouvez, par vos combats et par
vos discussions, à essayer de tenir le prix des propriétés
à la portée du Québécois à revenu moyen.
M. LEFEBVRE: Non seulement à revenu moyen, mais à revenu
modique.
M. SAINT-GERMAIN: Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Pour terminer, le député
de Lafontaine.
M. LAURIN: J'ai d'autres question aussi.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Ah! c'était pour le
député de Bourget. Alors, le député de Bourget,
pour terminer la série de questions.
M. LAURIN: M. Lefebvre, vous avez commencé votre exposé en
parlant immédiatement de force. Est-ce à dire que pour vous, pour
le groupe que vous représentez, la présence des conciliateurs
était absolument inutile dès le départ?
M. LEFEBVRE: Absolument pas, ces gens-là nous ont bien
aidés. D'ailleurs, la preuve en est faite, vous avez le document 69 qui
représente quand même une grosse partie du travail.
M. LAURIN: Mais qu'est-ce qui vous fait dire que c'est, au
départ, fondamentalement, de la façon la plus importante qui
soit, une question de force et d'intransigeance?
M. LEFEBVRE: Au cours d'une discussion, je me souviens fort bien,
où nous avons mentionné à M. Pepin que $1.40 de l'heure ce
n'était quand même pas un coup de pied aux fesses, nous faisions
une offre de $1.40, il nous a répondu: Nous demandons $2. On a dit:
Pourquoi $2? Parce que j'en veux $2.
M. LAURIN: Est-ce que c'est ça que vous considérez la
force et l'intransigeance, et uniquement d'un seul côté?
M. PEPIN: M. le Président, s'il est pour m'interpréter, je
dois avoir le droit de parler.
M. LE PRESIDENT: C'est un droit légitime.
M. PEPIN: Moi, je lui ai expliqué que je voulais avoir la
parité de salaires. Ce n'était pas la question d'avoir $2. Si la
parité, c'est $2.25, j'aurais dit $2.25. Je voudrais bien qu'il parle
pour lui-même.
M. LEFEBVRE: Si la parité équivaut à $2 et si M.
Pepin a dit: Je veux la parité, pour moi j'ai compris qu'il voulait
$2.
M. LAURIN: Je vous ai posé la question parce que, quand on entend
parler de force et d'intransigeance, celui qui parle met toujours la force et
l'intransigeance de l'autre côté, habituellement.
M. LEFEBVRE: J'ai bien mentionné que chacune des parties
prétendait avoir raison. M. Pepin prétend avoir raison, comme
nous, nous prétendons avoir raison.
M. DEMERS: Si c'est ça, vous avez tort tous les deux.
M. LEFEBVRE: Mais qui va régler, qui va dire qui a raison? Et je
vous demande quel mécanisme avons-nous en main présentement pour
savoir qui a raison? Et je vous le dis, le seul que nous avions en main, que
nous avons en main même aujourd'hui, c'est la grève. C'est la
grève qui forcera peut-être les employeurs à dire:
D'accord, Pepin, tu as raison. C'est le seul mécanisme qui existe
présentement.
M. LAURIN: Est-ce à dire que vous considérez que, depuis
février, aucune des clauses majeures n'a vraiment été
réglée par la négociation, et que ce que nous voyons dans
le document sessionnel no 69, ce sont seulement des entremets, des
hors-d'oeuvres ou des desserts, mais il n'y a rien qui soit vraiment le corps
du repas là-dedans? Aucune des clauses majeures n'a été
touchée?
M. LEFEBVRE: II est évident que plusieurs clauses majeures
demeurent non paraphées, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas
eu de progrès de fait. Et si vous regardez votre document no 71, sur les
heures de travail, il y a eu de grands pas de faits. Sur le champ d'application
professionnelle, c'est quasiment réglé. Sur le régime
syndical, c'est presque totalement réglé. Il reste le
régime surtout patronal à régler. L'installation des
matériaux, je crois que ça été réglé
ou à peu près, de toute façon les parties ont
changé beaucoup. Et si je regarde toutes les clauses que nous retrouvons
dans le document 71, il y a de grands progrès qui ont été
réalisés.
M. LAURIN: Sur des points mineurs ou majeurs?
M. LEFEBVRE: Sur des points majeurs.
M. LAURIN: Quelles sont alors, selon vous, les raisons de l'impasse?
Quels sont les points majeurs, en tout cas, sur lesquels vous avez l'impression
qu'aucun accord n'est possible dans les conditions actuelles des
négociations?
M. LEFEBVRE: Aucun accord possible? Vous savez, il y a une chose
certaine, c'est qu'on va venir à un accord, même si c'est au bout
de six mois. Eventuellement, il y a une partie qui va céder, mais c'est
ce que je vous dis: Est-ce que vous acceptez que la force seule guide le
règlement d'une convention collective, avec les répercussions
économiques, dans le secteur public, qu'une telle grève peut
avoir? Mais il y a une chose certaine, c'est que ça va se
régler.
M. LAURIN: Je vais poser ma question autrement. Quels sont les facteurs
qui, selon votre groupe, semblent justifier la continuation d'une lutte,
puisque vous parlez de lutte, jusqu'à épuisement?
M. LEFEBVRE: Oh, je ne dis pas cela! Au contraire!
M. LAURIN: Vous avez mentionné: Nous sommes prêts à
lutter jusqu'à épuisement.
M. LEFEBVRE: Bien, écoutez, il y a des gars qui vont perdre leurs
culottes là-dedans. S'il faut signer une pétition de faillite,
ils vont toujours "lutter" un peu.
M. LAURIN: Bien, justement, quels sont ces points majeurs qui, selon
vous, justifient une lutte jusqu'à épuisement?
M. LEFEBVRE: Bien, dans certains secteurs, la parité salariale,
dans une période de trois ans, entraîne la fermeture de,
peut-être, 50 p.c. des entreprises, et ces entrepreneurs sont prêts
à mener une lutte jusqu'au bout pour garder leur gagne-pain puisque ce
sont de professionnels de l'industrie de la construction.
M. LAURIN: Est-ce qu'il y a d'autres points majeurs de cette
importance?
M. LEFEBVRE: Je pense qu'il y a le salaire et l'ancienneté, qui
est chez nous un problème qui diffère totalement de
l'ancienneté dans les chantiers industriels. Si on propose une
ancienneté par chantier, il est bien évident que ça nous
affecte drôlement et aussi l'ancienneté auprès de
l'employeur dans certains cas, surtout la question d'ancienneté et la
question de rattrapage, mais je ne dis pas que c'est une question insoluble
pour nous. Par exemple, je peux vous dire que, dans les régions de Hull,
Québec, Montréal, une parité ou quasi-parité est
concevable.
M. LAURIN: Vous avez dit aussi que vous n'êtes pas prêts
à discuter de parité dans certains secteurs, mais sûrement
pas pour trois ans. Quelle est la longueur de temps qui, selon vous, devrait
être considérée d'une façon plus rationnelle?
M. LEFEBVRE: La longueur de temps est conditionnée par les
augmentations du coût de production, en ce sens que nous serions
prêts à absorber une augmentation d'environ 10 p.c. à 12
p.c. par année, ce qui équivaudrait, dans ces régions,
à une augmentation d'environ 6 p.c. sur le coût de notre produit.
Ce qui veut dire que, dans la région de Joliette, ça pourrait
correspondre à une parité atteinte sur une période de
quatre ans, d'autant plus que la région a des stimulants
économiques présentement, que, dans des régions comme
celles de Sherbrooke ou de Drummond, où l'industrie est à la
baisse à cause des filatures et de l'industrie du meuble canadien,
ça pourrait prendre plus de temps et il faudrait surtout tenir compte du
rattrapage actuel durant cette période de trois ans d'une certaine
disparité économique.
M. LAURIN: Est-ce à dire que, pour cela, M. Lefebvre, vous auriez
quand même besoin de ce dont vous parliez dans votre suggestion, à
savoir que le ministère vous fournisse les économistes ou autres
spécialistes dont vous auriez besoin pour calculer les facteurs
économiques objectifs dont on a parlé tout à l'heure,
ainsi que les coefficients économiques à attribuer à
chaque région par rapport à celui de Montréal,
considéré, par exemple, sur la base de 100?
M. LEFEBVRE: Je crois sincèrement que des économistes,
à ce stade-ci, pourraient nous être utiles dans les 30 prochaines
journées de la négociation, je le pense. Ils pourraient nous
guider et nous informer. Si eux viennent à la conclusion que les
disparités que nous avons établies dans nos offres ne sont pas
légitimes, on va les écouter avec les oreilles grandes ouvertes
et de bonne foi, comme nous avons considéré le document des
conciliateurs de bonne foi.
M. LAURIN: Considérez-vous maintenant et ce sera ma
dernière question que, dans les circonstances, la loi 38
était absolument essentielle ou simplement utile, ou peut-être
nuisible non pas nuisible, vous avez dit que c'était bon,
mais absolument essentielle ou vraiment utile?
M. LEFEBVRE: Les intérêts particuliers, que je
représente, trouvent que le bill 38 leur donne quand même un
retour au travail, la possibilité de mise en chantier et une
année de construction auxquels ils prétendent avoir droit.
Maintenant, le bill 38, tout en nous satisfaisant, va peut-être à
l'encontre de droits de certaines autres personnes, mais c'est à vous de
juger jusqu'à quel moment l'exercice d'un droit va brimer le droit d'un
autre.
M. LAURIN: Et comme arbitre, est-ce que vous préférez un
arbitre gouvernemental ou un arbitre choisi selon les formules usuelles?
M. LEFEBVRE: II est évident que le dernier arbitrage auquel nous
avons eu affaire ne nous a pas tellement satisfaits, nous, les patrons, et les
syndicats non plus, je pense. La commission parlementaire, comme arbitre, n'a
jamais été mise à l'épreuve. Cela vaut
peut-être la peine de l'essayer une fois. De toute façon, elle est
responsable devant le public et je pense que nous aurions intérêt
à ce que le débat aille sur la place publique.
M. LAPORTE: Est-ce que vous jugez que le ministère du Travail
vous a donné les services complets dont vous aviez besoin? Est-ce qu'il
aurait pu faire plus pour régler le problème?
M. LEFEBVRE: Les conciliateurs ont fait leur grand possible. Ils ont
fait un excellent boulot quant à moi. Quant à l'intervention
directe du ministre, je ne l'ai jamais souhaitée et je ne la souhaite
pas plus aujourd'hui.
M. LAPORTE: Vous avez de grandes chances d'être exaucé.
M. LE PRESIDENT (Bossé): L'honorable député de
Chicoutimi voudrait poser une dernière question.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai
écouté avec grande attention le plaidoyer fort intéressant
de Me Lefebvre. Il a exposé son point de vue d'une façon qui peut
être convaincante et il a argué du fait qu'une augmentation de
salaires donnée aux ouvriers provoquerait des difficultés d'achat
de ces maisons par des clients éventuels. C'est un argument,
évidemment, qui se défend et qui se présente bien.
Mais, il a dit aussi que ces maisons-là, il les voulait
pas nécessairement toutes, tout dépend du type de maisons
pour des gens à revenu moyen. Est-ce que le fait de ne pas permettre aux
ouvriers d'avoir des salaires plus élevés ne va pas nuire
précisément au marché qui est le vôtre? Alors, il y
a un équilibre à trouver, là. J'aimerais savoir quelle est
exactement votre pensée là-dessus et comment vous conciliez les
deux attitudes. Je comprends que vous voulez vendre des maisons; c'est normal,
c'est votre métier. D'autre part, vous allez les vendre à des
gens qui ne seront pas capables de les acheter, à des ouvriers, par
exemple.
M. LEFEBVRE : Votre argument est très valable, M. le
député. L'Association des constructeurs d'habitations ne demande
pas que le salarié soit mal payé. Au contraire, notre plus grand
marché, c'est justement le salarié et nous avons tout
intérêt à ce que tous les salariés soient bien
payés. Dans les régions de Sherbrooke et de Drummond, si les
industries qui sont là payaient mieux leurs salariés pour
des raisons que je n'ai pas à discuter, parce que je ne négo- cie
pas pour eux, mais je connais quand même un peu leurs problèmes
il est bien évident que je n'aurais pas les mêmes
réticences aujourd'hui. Mais, il reste que nous avons à
satisfaire des besoins. La Société d'habitation du Québec,
comme le gouvernement fédéral, nous impose de construire des
maisons à prix modique. Ils nous imposent même, aujourd'hui, de
fixer à l'avance nos prix. Ils étudient nos plans, coupent dans
les dépenses et nous engagent à un prix fixe dans une maison.
Je voyais, dans le journal de ce matin, qu'un consortium était
formé pour étudier des logements à prix modique entre
$13,000 et $16,000. Je peux vous dire que nous en produisons actuellement
à $11,500. Je ne vois pas pourquoi ils se réunissent. Non,
d'ailleurs, on a des farces comme ça. Vous savez qu'il y a une
coopérative qui existe et qui loue à prix modique entre $125 et
$175 par mois, avec des 6 p.c. d'intérêt, alors que nous, à
9 1/2 p.c., on peut construire mieux et louer entre $100 et $115. Cela arrive.
Je peux également vous dire que, lorsque l'on parle de logements
à prix modique, nous avons présentement $74 millions à
construire strictement là-dedans. Ce n'est pas de la spéculation;
on va bâtir, pour les professionnels, des logements à prix
modique.
Vous avez, à Montréal, toute l'expérience qui se
fait avec la Petite Bourgogne. Alors, on n'est pas contre les augmentations de
salaires, au contraire. Nous vivons dans une société de
consommation. Si j'offre un produit au consommateur, il faut qu'il ait les
moyens de payer, et pour avoir les moyens de payer, il faut qu'il ait un bon
salaire. Alors, je ne suis pas contre ça. Je ne suis pas en faveur de
tenir le salarié au plus bas salaire, au contraire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Lefebvre, vous avez dit tout
à l'heure que vous aviez réglé beaucoup de clauses en
cours de négociations. Est-ce que, pour celles qui restent à
régler, vous ne pourriez pas le faire de la même façon que
vous l'avez fait auparavant? Il ne serait pas nécessaire, à ce
moment-là, que l'Etat intervienne comme il veut le faire et selon les
modalités qu'il a indiquées dans son projet de loi.
M. LEFEBVRE: Vous savez quand on...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qu'est-ce qui empêcherait, selon vous,
que les négociations se poursuivent et aboutissent à des
règlements comme ceux que vous avez évoqués?
M.LEFEBVRE: Bien, il faut comprendre qu'on négocie
différemment lorsqu'on a le couteau sous la gorge et lorsqu'on ne l'a
pas. Avec un droit de grève, je vais négocier
différemment; je vais m'enligner sur une solution de force ou vers une
capitulation.
Mais je ne peux pas m'installer et dire que je vais prendre six mois
à négocier de bonne foi. Vous savez, lorsque quelqu'un d'en face
est en grève, il y a des pressions qui s'exercent sur lui aussi.
J'imagine que les ouvriers affiliés à la CSN exercent des
pressions et qu'ils ont hâte eux aussi que le conflit se règle. Je
ne pense pas qu'ils aiment ça être en grève, les gars. Les
patrons non plus n'aiment pas ça. E arrive qu'on se parle
différemment, qu'il y ait une attitude différente à la
table des négociations. H arrive même qu'on ne se parle pas du
tout, qu'on se parle par personnes interposées.
Il est bien évident que le conflit est bien différent. Et
même comme association représentative, nous avons quand même
à tenir compte de nos associations locales, et certaines associations
locales ne sont pas touchés par la grève présentement.
Elles ne veulent absolument rien savoir. Peut-être que dans 15 jours
elles auront changé d'idée, peut-être que ce sera dans six
mois mais, selon les avenues actuelles, je peux vous dire que dans certaines
régions il y en a qui sont dues pour sécher.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, M. Lefebvre.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Je tiens à vous remercier, M.
Lefebvre, de votre honnêteté, de votre franchise, comme les
exposants antérieurs.
M. L'Heureux.
M. Réal L'Heureux
M. L'HEUREUX: Réal L'Heureux, président de l'Association
des constructeurs de routes et grands travaux du Québec. Je ne suis pas
avocat, je représente un employeur...
M. LE PRESIDENT (Bossé): C'est une qualité.
M. L'HEUREUX: C'est simplement pour que mes remarques soient
interprétées non pas comme un plaidoyer, parce que je ne sais pas
plaider, mais simplement comme une réponse à trois questions
assez précises. Deux d'entre elles ont été posées
lors de l'ajournement du débat et la troisième, M. Laporte l'a
posée ce soir.
Première question: Dans le conflit actuel, est-ce que toutes les
procédures normales de négociations ont été
utilisées? Quant à nous, les négociations actuelles ont
passé par quatre étapes. La première étape, celle
qui s'est terminée vers le début de mai, a été
d'après nous une vraie négociation et la plupart des clauses que
nous trouvons dans le document 69 ont été négociées
de bonne foi par toutes les parties sans menace de grève ou autre durant
ce temps.
La deuxième étape, quant à nous, c'est
l'étape de la conciliation ou ce que j'appellerais
peut-être parce que je ne suis pas négociateur la
médiation. Elle a débuté avec le document du 8 juillet,
avec l'intervention, à ce moment-là qualifiée de directe
et solennelle, du gouvernement.
Nous avons connu immédiatement la troisième étape,
la CSN se servant, à tort ou à raison, de cette intervention pour
réclamer par législation ce qu'elle n'avait jamais pu obtenir par
négociation collective, même dans des négociations
privées, pour réclamer, dis-je, la parité de salaires. Et
au même moment elle déclara une grève, populaire ou non,
vous êtes en mesure de le constater par les questions et les
réponses que vous avez obtenues.
Nous avons alors connu la quatrième étape qui s'est
soldée par un refus. Parallèlement, la CSN a
déclenché une grève, refusant systématiquement
toute négociation.
Deuxième question, c'est-à-dire celle que j'ai comprise
lors du débat de cet après-midi: Au stade actuel des
négociations, est-ce qu'on considère qu'une loi d'exception est
nécessaire pour mettre fin au conflit?
Malheureusement et bien que nous n'ayons jamais réclamé
l'intervention du gouvernement nous nous sommes même
opposés vigoureusement à l'intervention du 8 juillet nous
devons constater que le gouvernement n'a pas d'autre choix à ce
moment-ci. S'il réalise que la situation économique de la
province de Québec ne peut tolérer un conflit tel que celui que
nous connaissons dans le moment, nous devons admettre que le gouvernement n'a
d'autre choix qu'un bill dans le genre du bill 38. Dans le climat actuel
et vous en avez une bonne idée d'après les trois dernières
heures des négociations et avec la complexité et les
positions de chaque partie sur les clauses en suspens, nous ne pouvons
entrevoir une solution ni immédiate, ni même prochaine.
Quant à la troisième question à laquelle M. Laporte
nous a demandé de répondre, c'est-à-dire ce que chaque
partie pense du contenu du bill 38, nous devons faire une mise au point. Le
document 69 ne comprend pas des propositions patronales, mais dès
propositions syndicales et patronales sur lesquelles tout le monde s'est
entendu, sauf celles des délégués de chantiers, auxquelles
la CSN a participé, mais qu'elle n'a pas paraphées pour des
raisons que je ne connais pas.
Une des clauses que la partie syndicale qui a parlé
jusqu'à maintenant voudrait voir insérer dans le bill 38 est la
question d'ancienneté. A ce sujet, j'aurais certains commentaires. L'an
dernier, nous avons subi une grève de neuf semaines, parce que la CSN
prétendait que la seule façon équitable de travailler pour
ses employés était des bureaux de placement. A ce
moment-là, elle a obtenu une forme de bureau de placement que nous
connaissons par le jugement Gold. A ce moment-ci, elle dit qu'en plus, cela lui
prend l'ancienneté.
L'idée des bureaux de placement, si j'ai bien compris l'argument
de la CSN l'an dernier, était que tous les permanents et les
réguliers de la
construction travaillent également et puissent avoir un revenu
convenable. Aujourd'hui, elle nous demande que le premier engagé soit le
dernier mis à pied. A ce moment-là, je me demande de quelle
façon la moyenne de salaire va se faire. De plus, étant
donné que nous ne pouvons contrôler ceux que nous allons engager,
nous ne pourrons plus contrôler ceux que nous allons laisser aller, et
les critères de compétence n'auront, à toutes fins
pratiques, aucune valeur. C'est-à-dire que le premier type qui va entrer
au chantier, va pouvoir mentionner aux autres qu'ils ont beau travailler tant
qu'ils voudront, celui-là va être le dernier à partir, pour
autant qu'il rencontre un certain minimum.
Est-ce que nous avons réclamé le bill 38? Non. Est-ce que
nous allons l'accepter? Nous n'avons aucun choix. Nous allons le subir. La CSN
a aussi demandé la parité salariale. Nous représentons, en
grande majorité, les constructeurs de routes de la province. A cet
effet, nous n'avons qu'un client, le gouvernement, donc les contribuables. Nous
ne sommes qu'un agent, nous n'exportons pas notre produit. Nous le vendons
à un seul gouvernement, par système de soumissions. Si le
gouvernement juge qu'il a les moyens de plus que doubler les salaires actuels,
qui représentent de 30 p.c. à 40,p.c. du budget du
ministère de la Voirie, c'est à lui de le décider. Nous,
nous prétendons avoir un rôle autre que celui de faire de
l'argent. C'est à ce titre que nous avons fait les
représentations vigoureuses que nous avons faites le 10 juillet. Ce sont
les seules remarques que j'avais à faire. Je suis prêt à
répondre aux questions.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Merci, M. L'Heureux. Le
député de Montcalm.
M. MASSE (Montcalm): M. le Président, le représentant de
l'Association des constructeurs de routes vient de nous exposer clairement une
partie importante de ce problème. Finalement, c'est le gouvernement,
s'il n'y a pas entente entre les parties, qui fixera la convention collective
ou les décrets entre vos employés et vous-même. Votre seul
patron, votre seul client, c'est le gouvernement. Vous avez laissé
entendre tout à l'heure quelques chiffres. Par exemple, vous estimez
entre $40 millions et $50 millions les travaux de voirie pour le secteur des
salaires et vous dites que les augmentations de salaires immédiates vous
imposeraient des dépenses supplémentaires de l'ordre de $10
millions à $13 millions dont, finalement, vous enverriez le compte
à votre client, le gouvernement. Ces augmentations affecteraient
également tous les ministères faisant des immobilisations
directement, soit les ministères des Travaux publics, des Richesses
naturelles, la construction de barrages, le ministère de l'Agriculture,
l'Hydro-Québec et évidemment, le ministère de la
Voirie.
Or, d'après les estimations, on peut considérer qu'il y a
environ $160 millions d'immobilisations dans le budget. Cela comprend presque
$50 millions de salaires. Les augmentations pourraient porter ces salaires
à $90 millions et à $110 millions à la fin du
décret. Le budget n'étant pas élastique, ne croyant pas,
d'autre part, que vous accepterez, vous les entrepreneurs de routes et d'autres
travaux publics, d'assumer ces dizaines de millions, est-ce que vous
considérez que ce n'est pas de la part du gouvernement être une
partie très liée au contrat que de s'intituler arbitre?
Considérez-vous que vous allez subir au Québec une diminution
d'immobilisations de l'ordre de $40 millions, $60 millions, ce qui augmenterait
le chômage au Québec, ou si vous estimez qu'il serait plus normal
de la part du gouvernement d'augmenter ses sources de revenus pour vous payer,
c'est-à-dire de lever des impôts de $40 millions ou de $60
millions? J'aimerais vous entendre exposer vos idées sur cette petite
question.
M. L'HEUREUX: Simplement une mise au point. Notre association
représente des constructeurs de routes à peu près pour 40
p.c. du volume de ses membres et 60 p.c. sont des entrepreneurs de grands
travaux.
Il est évident que le gouvernement, dans le cas actuel, va
être appelé à financer les routes, comme il l'a toujours
été. Il est évident que les $40 à $50 millions que
vous mentionnez devront être absorbés par la voirie. Comme le
budget n'est pas élastique on l'a déjà
mentionné dans un mémoire, on en convient il est fort
probable qu'une réduction correspondante du montant des travaux va
s'ensuivre et qu'à ce moment-là ça va augmenter le
chômage. Vous avez répondu à votre propre question et je ne
puis que la confirmer.
M. MASSE: Je retiens votre réponse et je pense bien que d'autres
la retiennent également que l'on peut s'en aller vers une augmentation
du chômage ou des impôts. Est-ce que, partant de là, vous
trouvez normal que, dans le projet de loi, ce soit finalement le gouvernement,
qui est partie liée à tout ça, qui arbitre alors qu'on
pourrait fort bien le voir assis à la table des négociations,
puisqu'il est très intéressé par cette question?
M. L'HEUREUX: Le gouvernement n'est pas un entrepreneur. Le gouvernement
est un donneur d'ouvrage, comme certaines compagnies industrielles le sont. Je
verrais très mal la compagnie Esso, parce qu'elle possède
plusieurs raffineries dans la province, s'installer à la table des
négociations. De même, je verrais très mal le gouvernement
s'ingérer à la table des négociations. Plusieurs clauses
sont négociées, qui sont des clauses normatives, des droits
de
gérance et qu'un médiateur qui serait simplement
intéressé aux clauses pécuniaires pourrait donner
justement pour sauver certaines clauses salariales. A ce moment-là, on
ne peut pas voir le gouvernement comme partie négociatrice.
M. MASSE: Mais, vous ne trouvez pas, par contre, étrange que le
gouvernement arbitre soit en même temps celui qui va avoir à payer
une partie de son arbitrage?
M. L'HEUREUX: Ecoutez, dans le conflit actuel, tout est étrange.
Maintenant...
M. MASSE: Même ça.
M. L'HEUREUX: ... est-ce que le gouvernement a un choix? C'est la
question qu'on s'est posée. A ce stade-ci, après avoir vu les
négociations se détériorer au point où elles sont,
je me demande quel choix le gouvernement peut avoir.
M. MASSE: Une dernière question. Est-ce que vous vous attendez
à ce que le gouvernement rajuste les contrats qu'il a avec les
entrepreneurs, que ce soit dans le domaine de la voirie ou dans le domaine des
travaux publics, en tenant compte de l'arbitrage qu'il aura peut-être
été appelé à faire?
M. L'HEUREUX: Je vais prendre quelques minutes pour répondre
à cette question. Dans le secteur des routes, il y a un problème
supplémentaire à celui que nous connaissons pour les autres
secteurs, c'est-à-dire que les contrats de routes étaient soumis
à ce qu'on appelait une cédule des justes salaires. Ce n'est pas
un phénomène du Québec; ça existe en Ontario,
ça existe encore. Les taux payés en Ontario sont comparables
à ceux qu'on paie maintenant dans la province de Québec.
D'après ce qu'on comprend du bill 290, la cédule des
justes salaires disparaît. A ce moment-ci, une parité absolue
voudrait dire qu'automatiquement des taux de salaires changeraient demain matin
entre $1 et $1.25, ce qui existe actuellement entre le décret et la
cédule.
Dans toutes les demandes de soumissions, les documents mentionnaient que
l'entrepreneur devait baser ses salaires sur la cédule des justes
salaires. Naturellement, pour cette partie du rattrapage, parce que le client,
lui est aussi législateur, nous a fait soumissionner un prix fixe et
change après cela les conditions pour lesquelles nous avons
soumissionné ce prix, le législateur ne peut s'attendre à
bénéficier de l'aubaine qui a été ainsi
réalisée au détriment de l'entrepreneur.
Pour la deuxième partie, c'est-à-dire la partie que nous
négocions nous-mêmes, la partie qui comporte les $0.30 actuels et
le rattrapage entre décrets, celui que nous avons offert, nous ne nous
attendons pas que le gouvernement paie cette partie parce qu'elle
résulte d'une négociation entre deux parties. Est-ce que cela
répond à votre réponse?
M. MASSE (Montcalm): D'accord.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Merci, M. L'Heureux.
M. LAPORTE: Une question très brève. Est-ce que vous
eussiez souhaité, pour hâter les négociations, si cela
avait eu cette conséquence, la présence du ministre du Travail
à la table des négociations?
M. L'HEUREUX: Aucunement.
M. LAPORTE: Est-ce que je peux aller plus loin? Est-ce que vous
souhaitiez plutôt qu'il n'y soit pas?
M. L'HEUREUX: C'est ce que l'on vous a dit dans La Presse, et ce que
l'on vous a répété personnellement. C'est ce que je dis
aujourd'hui.
M. LAPORTE: C'est ce que vous dites aujourd'hui. Est-ce que d'autres
parties à la négociation ont affirmé que le ministre a
peut-être manqué à son devoir, qu'il aurait facilité
la négociation, l'aurait peut-être rendue plus souple et qu'il
aurait peut-être provoqué la solution du problème en
étant présent à la table des négociations? Est-ce
que vous partagez cet avis?
M. L'HEUREUX: Du tout.
M. LAPORTE: Au moins, cela, c'est clair. Deuxièmement, M. Pepin a
déclaré que le bill 38 serait moins inacceptable si le
législateur consentait à y introduire le document de travail des
conciliateurs. Est-ce que vous jugez que le bill 38, quant à vos
clients, quant à vous, serait plus acceptable avec le document de
travail des conciliateurs?
M. L'HEUREUX: Aucunement. Le bill 38 actuellement contient tout ce qui a
fait l'objet d'une entente. Les autres clauses que les conciliateurs nous ont
fournies, malheureusement, sur les points primordiaux qui sont les mêmes
que ceux des maîtres-mécaniciens, ne nous satisfont
aucunement.
M. LAPORTE: Alors, je dois conclure que vous seriez très
opposés... Je vais poser une question pour ne pas être trop
subjectif: Est-ce que vous croyez que le groupe que vous représentez se
serait opposé à ce que nous introduisions dans le bill 38 le
document des négociateurs?
M. L'HEUREUX: Certainement.
M. LAPORTE: Mon avant-dernière question: Est-ce que votre groupe
croit que la négociation, telle qu'elle procédait, avait quelque
chance d'aboutir à des résultats définitifs dans un avenir
prochain?
M. L'HEUREUX: J'imagine que votre question est la suivante: Est-ce que,
au moment où vous avez convoqué la session, est-ce que, à
notre avis, les négociations étaient profitables? Non.
M. LAPORTE: On peut peut-être laisser supposer que c'est le fait
que nous ayons convoqué une session qui a compliqué la
négociation. Supposons que le gouvernement n'ait jamais convoqué
de session, est-ce que vous pensez que, dans l'état de la
négociation, telle que vous l'avez vécue depuis février,
il y aurait eu lieu d'imaginer une solution prochaine?
M. L'HEUREUX: Comme je l'ai dit tout à l'heure dans mon
exposé, après la supposée intervention du ministre, le 8
juillet, il n'y avait plus aucune négociation possible.
M. LAPORTE: Cela prenait nécessairement, à votre avis, ce
que nous faisons aujourd'hui pour espérer une solution prochaine?
M. L'HEUREUX: Je ne vois pas d'autre possibilité qu'une loi
d'exception.
M. LAPORTE: Si vous excluez cette intervention du ministre,
évidemment, que je serai libre de discuter aussi longuement que je le
voudrai en temps utile, est-ce que vous croyez que le ministère du
Travail, par ses conciliateurs, par la façon don ils ont agi quant
à votre groupe, aurait pu faire plus, auraient pu faire mieux, ou
auraient pu faire différemment pour faciliter la négociation?
M. L'HEUREUX: On parle de cette année; cette année, nous
sommes très satisfaits du travail des médiateurs, nous n'avons
rien à leur reprocher.
M. LAPORTE: Bon, sans jurer encore une fois des individus, que je ne
connais pas pour la plupart, ceux de l'an dernier au moins, est-ce que vous
croyez que la façon dont la négociation s'est faite l'an dernier
a pu contribuer à rendre la négociation de 1970 plus
difficile?
M. L'HEUREUX: En fait, l'an dernier, on n'a rien réglé.
Tout ce qu'on a fait, ç'a été d'acheter un
règlement à gros prix et de reporter tous les problèmes
à cette année. On renie même ce sur quoi on s'est
entendu.
Je parle, entre autres, de la clause du coefficient
économique.
M. LAPORTE: Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de
Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: Vous avez dit, tout à l'heure, qu'en tout ce
qui regarde la main-d'oeuvre, vous aviez simplement refilé la facture
à votre seul client, le gouvernement. Dans ces conditions, est-ce que le
coût de la main-d'oeuvre devient dans ces négociations un facteur
de prime importance pour vous ou si ça prend un aspect secondaire dans
ces conditions?
M. L'HEUREUX: Non, quant au coût de la main-d'oeuvre, nous
représentons une industrie qui a l'idée d'être en affaires
un bon bout de temps. Nous ne sommes donc pas concernés seulement par
les effets immédiats, c'est-à-dire par un règlement
acheté comme celui de l'an dernier. Nous voulons que notre industrie ait
une chance de survivre et nous ne croyons pas qu'en doublant le coût des
routes, ça soit la façon dont notre industrie et nos
employés vont survivre.
M. SAINT-GERMAIN: Puisque vous défendez dans ces
négociations des intérêts qui sont directement
rattachés aux intérêts gouvernementaux, est-ce que vous
vous sentez jusqu'à un certain point le porte-parole du
gouvernement?
M. L'HEUREUX: Nullement.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Bourget.
M. LAURIN: M. L'Heureux, vous avez dit tout à l'heure que, de
février à mai, les négociations s'étaient
poursuivies normalement et avaient apporté beaucoup de progrès.
Vous dites que c'est à partir de la présentation du document du 8
juillet et de l'intervention du gouvernement que les négociations ont
commencé à se détériorer. Est-ce que vous pourriez
nous dire exactement ce qui, ou dans le document ou l'intervention du
gouvernement, a, selon vous, amené une détérioration des
négociations?
M. L'HEUREUX: C'est qu'à partir de ce moment, la CSN a senti
encore là, à tort ou à raison ce n'est pas à
moi de juger que le gouvernement...
M. LAURIN: Mais qu'est-ce qui a fait sentir à la CSN?
M. L'HEUREUX: En fait, vous étiez probablement en Chambre...
M. LAURIN: J'aimerais ça que vous me donniez votre version.
M. L'HEUREUX: II faudrait vous référer au journal des
Débats du 8 juillet. A ce moment-là, le journal disait je
ne sais pas si c'était l'esprit
dans lequel ç'avait été dit que le ministre
faisait une intervention solennelle et directe en faveur d'une parité
salariale, sans expliciter.
Le lundi suivant, la région du Saguenay se mettait en
grève. Une des remarques que j'ai lues encore là et qui ont
été rapportées dans le Soleil, sous la plume d'un M.
Tremblay, du Saguenay, disait que le ministre leur avait donné un solide
coup de main.
A ce moment, le processus irréversible d'un déclenchement
de grève était parti.
M. LAPORTE: Juste une question. Est-ce que vous croyez vraiment que, si
le ministre n'avait pas fait cette déclaration-là, il n'y aurait
pas eu de grève? Vous croyez ça sérieusement?
M. L'HEUREUX: Monsieur le ministre, je ne pourrais pas répondre
à ça.
M. LAPORTE: Non, vous aimez mieux ne pas répondre, j'imagine.
M. L'HEUREUX: Non, tout ce que je peux dire...
M. LAPORTE: C'est hypothétique, je m'excuse, le règlement
m'interdit même de vous le demander, c'est hypothétique.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela ne vous a pas donné un solide coup
de main.
M. L'HEUREUX: Même si c'est une question hypothétique,
j'aimerais y répondre tout de même, il ne s'agit pas ici de faire
de personnalité, de reprocher au ministre ce qu'il a fait. Je suis
certain que ça n'a pas été fait dans un mauvais esprit et
certainement pas dans l'esprit que la CSN a décidé d'y
attacher.
Maintenant, ce que je trouve fantastique, du moins de M. Pepin, c'est
que, aussi tôt qu'en avril, M. Pepin réclamait une extension des
décrets, c'est-à-dire une mesure législative pour
prolonger les décrets d'un mois. D'après lui, s'il était
pour y avoir une grève, il aimait mieux la prendre quand ça nous
faisait mal, c'est-à-dire au début de juin plutôt qu'au
début de mai. Dès que le gouvernement est entré au
pouvoir, je crois que le premier représentant qu'il a reçu est un
M. Carré, justement pour demander une session d'urgence,
réclamant encore là l'intervention du gouvernement. A ma
connaissance, les patrons n'ont pas eu de rencontre avec le ministre du
Travail, du moins notre partie patronale, avant le 8 juillet.
M. LAPORTE: II n'y a pas eu de session non plus.
M. L'HEUREUX: Non. Je suis d'accord. Je veux simplement vous rappeler
que, lorsque la déclaration du 8 juillet est arrivée,
c'était, quant à moi, l'occasion attendue par la CSN pour
dé- clencher des grèves. Avant ça, on nous avait
menacés. Les négociations étaient suspendues, à
toutes fins pratiques, depuis le début de mai. Bien qu'on ait
siégé une couple de semaines en mai, il n'y avait pas de
grève. Maintenant, ça ne veut pas dire qu'il n'y en aurait pas
eu, mais il n'y en avait pas.
M. LAURIN: Avez-vous l'impression que si cette délcaration, au
lieu d'être faite en Chambre, avait été faite à une
séance de négociations, en présence des seuls
délégués assis à la table des négociations,
elle aurait eu le même effet de détérioration que celui que
vous nous décrivez maintenant?
M. L'HEUREUX: Toute déclaration d'un ministre, qu'elle soit faite
en Chambre ou à une table des négociations... Un ministre ne peut
s'asseoir à une table de négociations comme observateur. Il doit
s'asseoir là et prendre part au débat. A ce moment-là,
tout le monde sait qu'un ministre a un très lourd poids, on s'en est
rendu compte l'an dernier à la table des négociations. Que M.
Laporte ait fait ça sous forme de déclaration
ministérielle, sous forme de conférence de presse ou à la
table des négociations, je pense que l'effet aurait été le
même parce qu'en fait on attendait cette occasion, en ce qui me
concerne.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: J'aimerais poser une question à M. L'Heureux. Si j'ai
bien compris, tantôt, votre intervention, le bill 38, vous ne le vouliez
pas, vous avez même dit que vous auriez à le subir. Autrement dit,
ça ne fait pas votre affaire qu'on arrive avec un bill, si je comprends
bien. Est-ce exact?
M. L'HEUREUX: Oui. Ce que j'ai dit c'est que nous n'avons pas à
discuter le contenu du bill puisqu'en fait le contenu actuel ne contient que ce
qui a été convenu, même les $0.75 répartis sur trois
ans; c'est une proposition que nous avions faite, qu'un document qu'on nous
avait remis en mai accepté de la part des syndicats. Ce qui nous fait
mal, c'est ce que nous ne connaissons pas. C'est le rapport de conciliation
qui, d'après moi, peut être influencé par toutes sortes de
choses sauf les arguments, c'est ce que le rapport de conciliation peut
recommander, et c'est ce qui nous inquiète, c'est-à-dire le
contenu.
M. SAMSON: Au moment où il a été question du bill
38, vous étiez en négociations et il y avait grève. Selon
vous, si on retourne au travail lundi matin, est-ce que cela vous met dans une
meilleure situation pour tenter d'en venir à une entente pendant les 30
jours qui vont suivre, le fait que les gens sont au travail, ou si vous
pré-
féreriez, par exemple, continuer à négocier dans le
contexte actuel de la grève?
M. L'HEUREUX: Pour négocier à une table où il y a
sept parties, il faut que les sept veuillent négocier. Vous avez entendu
les représentants du premier groupe syndical vous expliquer que pour
leur part, tout ce qu'ils pouvaient consentir à une table de
négociations, dans l'état actuel des choses, à toutes fins
pratiques, leur rebondirait au visage dans un mois d'ici. A ce
moment-là, je crois que ça répond pas mal à la
question au nom des sept.
M. SAMSON: Partant du fait qu'il ne semble pas possible de continuer de
négocier, selon ce que vous me dites, parce que vous n'aimez pas ce que
le gouvernement présente, c'est-à-dire le bill 38, est-ce que
vous avez quelque chose d'autre comme solution à suggérer?
M. L'HEUREUX: Disons que le droit primordial qui est brimé dans
le bill 38 est le fait qu'on enlève, d'après les syndicats, le
droit de grève. Maintenant, moi, comme employeur je n'ai pas
consulté mon association là-dessus je suis d'accord. En
fait, ce n'est peut-être pas une excellente chose. L'amendement de M.
Bertrand, ou du moins ce qui a été proposé ici,
c'est-à-dire un vote de grève sous l'égide du
ministère du Travail où les travailleurs seraient
renseignés non seulement sur les demandes syndicales, mais sur les
offres patronales et sur les raisons pour lesquelles ces offres patronales sont
faites, la capacité de payer, différentes considérations
que ces types peuvent comprendre, pour répondre à votre question,
je verrais certainement une solution comme l'imposition du bill 38, avec une
augmentation immédiate sans les deux dernières et une suspension
temporaire ou un délai de, peut-être, un, deux ou trois mois.
A ce moment-là, les parties retourneraient en
négociations. Aucune menace de régler la grève pour elles
au bout de deux mois. On les remettrait au travail et on leur donnerait un
délai qui peut être convenu, je ne sais pas. On ne laisserait pas
planer sur leur tête un règlement imposé, parce qu'à
ce moment-là on n'a pas d'autre solution que de se retrancher dans ses
positions surtout si on s'aperçoit que, de l'autre côté
c'est ce qui arrive.
M. SAMSON: Maintenant, vous avez dit que la proposition de M. Bertrand
vous plairait comme solution. Evidemment, là, ce n'est pas possible, la
grève est déclenchée. Si la proposition de M. Bertrand
avait été mise en pratique avant, cela aurait peut-être
changé le contexte, mais est-ce que vous pouvez nous offrir une autre
solution aujourd'hui?
M. L'HEUREUX: Ecoutez, je ne pense pas être capable, disons dans
quelques minutes, d'offrir une solution alors que tous les fonctionnaires du
ministère du Travail ont travaillé pendant un certain temps. Je
vais essayer de résumer les objections de tout le monde. Dans le moment,
il est impossible de continuer à moins de mettre sérieusement en
péril l'économie de la province. Il y a trop de clauses à
discuter, trop de travail reste à faire; il y a la classification de
métiers qui va influencer les taux. Il ya une foule de choses qui ne
sont pas réglées. Ce que je veux dire, moi, c'est que je verrais
une suspension temporaire du droit de grève ou de lock-out, une
augmentation immédiate pour que les travailleurs ne soient pas
pénalisés pendant cette période, un délai de deux
mois au bout duquel nos offres finales, à ce moment-là, si on
n'en est pas venu à une entente, seraient expliquées aux
syndiqués. A ce moment-là, un vote de grève serait pris.
Il est bien clair que, si les syndiqués acceptaient les offres que leurs
négociateurs ont refusées, bien, un règlement pourrait
certainement se négocier assez rapidement après et, vice versa,
si on s'apercevait que réellement c'est ce que veulent les
syndiqués, eh bien, on verrait s'il y a moyen de renégocier.
M. SAMSON: Mais, dans le cas présent où il est question du
bill 38 et où il sera question, dans les 30 jours, de la convocation
d'une commission de l'Assemblée nationale pour entendre les
différends, ce qui équivaut à l'arbitrage, est-ce que vous
préférez que cela soit la commission gouvernementale ou si vous
préféreriez, considérant qu'il faut aller là si le
bill est adopté, l'arbitrage?
M. L'HEUREUX: Comme je vous le dis, si on se reporte au début de
mai l'an dernier, cela fait quinze mois que tout le monde négocie. On
n'est pas sûr d'avoir saisi encore tous les côtés du
problème, toutes ses implications, tous les bills qui vont
déborder sur le bill 290, tels que le bill 49, le bill 51, les
reclassifications, les cartes de compétence. Je vois très mal une
commission parlementaire, si bien choisie soit-elle, siéger à
moins d'avoir de très bons, de très forts conseillers. Pour ma
part encore là, c'est une question que vous me posez à
brûle-pourpoint je verrais mieux un groupe de trois experts,
peut-être, quelqu'un qui est déjà averti de nos
problèmes, comme arbitre. Je vois très mal un
député avec tous ses autres problèmes essayer de
comprendre et d'apporter un jugement objectif sur tous les problèmes qui
existent actuellement dans la construction. Je ne sais pas si ça
répond à votre question.
M. SAMSON: Merci.
M. LE PRESIDENT (Bossé): L'honorable député de
Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, la question que
je voulais poser a été posée par le
député de Rouyn-Noranda, probablement un éclair temporaire
de génie de sa part.
M. SAMSON: M. le Président, c'est parce que je m'étais
tourné momentanément vers lui.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Je vois qu'il y a des coalitions.
M. SAMSON: Merci, M. L'Heureux.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Je remercie M. L'Heureux pour sa
généreuse collaboration et j'inviterais Michel Dion à
prendre la parole.
M. Michel Dion
M. DION: M. le Président, messieurs les membres de la commission,
ma fédération a jugé bon de déléguer un
sous-ordre pour prendre la parole en son nom. J'espère que cela ne
déplaira pas au ministre du Travail. Nous serions
intéressés à vous faire connaître
spécialement...
M. LE PRESIDENT: Excusez-moi. Auriez-vous l'obligeance d'identifier
à nouveau la fédération que vous représentez?
M. DION: Je vais faire mieux que ça, je vais vous dire ce que
nous représentons réellement: 18 associations. La
Fédération de la construction du Québec est un organisme
qui groupe des associations à travers toute la province. Ces 18
associations groupent plus de 3,000 membres, 3,000 employeurs dans la province.
C'est donc dire que nous calculons représenter dans nos rangs au moins
le tiers des employeurs qui pourraient être engagés dans la
construction.
La fédération voudrait vous faire connaître surtout
et je pense que cela a été le but de la commission
parlementaire son point de vue par rapport au projet de loi qui est
actuellement devant l'Assemblée nationale. Le projet de loi, bien
sûr, nous ne pouvons pas vous dire que nous sommes d'accord sur sa
présentation, parce qu'il manifeste une intervention du gouvernement. Et
ces interventions je pense que cela a déjà
été dit depuis un certain temps par la fédération
nous ne les admettons pas du tout dans le mécanisme des
négociations. L'industrie de la construction possède actuellement
une loi, le bill 290, qui prévoit un mécanisme de
négociations où on a tenté, je pense à bon droit,
de limiter autant que possible les interventions de tierces parties.
Or, quant à nous, l'intervention du gouvernement dans le
mécanisme du bill 290 est toujours un accroc à la loi. C'est
quand même nous, il faut l'avouer et je pense qu'à ce
moment-là c'était un bon ou un mauvais jugement qui avons
accusé le ministre du Travail d'avoir provoqué les grèves
dans la construction par son intervention concernant la parité sala-
riale. Ces interventions du gouvernement sont nous sommes du même
avis que les constructeurs de route et peut-être avec erreur dans notre
esprit une conséquence du conflit actuel, du moins
partiellement.
Nous ne prétendrons pas, je pense que ce serait osé, que
les interventions du gouvernement quand je dis gouvernement, je dis les
représentants du gouvernement ont été la seule et
unique raison qui fait que les négociations ou le conflit de la
construction existe actuellement. Il reste quand même que cela a
été un détour dans le conflit que cela a été
un point important dans le conflit de la construction. Les parties qui
négociaient très lentement à la table des
négociations avaient beaucoup de difficulté à s'habituer
au mécanisme du bill 290. Il restait qu'au moment où les
déclarations ou interventions ont pu être faites, il
s'était déjà manifesté depuis quelques semaines, un
désir des parties de tenter de régler elles-mêmes leurs
propres problèmes. Or, aujourd'hui, je pense que c'est devenu
très difficile et ce qui va nous faire dire que l'intervention
législative du gouvernement, nous l'acceptons parce qu'elle nous est
imposée. Mais cela nous semble être quand même la seule et
unique solution pour permettre un règlement du conflit de la
construction.
Nous sommes d'accord avec le gouvernement sur le fait que
l'économie de la province commence à être en danger, et
drôlement en danger. Il y a des pertes énormes dans l'industrie de
la construction. C'est la deuxième grève d'affilée que
certains secteurs, que certaines régions subissent et les pertes que les
gens subissent dans ces régions sont au niveau des travailleurs, au
niveau des employeurs et également au niveau des donneurs d'ouvrage qui
sont obligés d'attendre leurs constructions, ce qui peut
représenter des pertes importantes quant à eux
également.
L'intervention du gouvernement par le projet de loi actuel nous fait
dire aujourd'hui que nous sommes obligés de l'accepter. Elle est
différente de celle de l'an dernier. Bien sûr qu'elle est
différente, parce que l'an dernier, j'aime bien vous dire qu'on nous a
demandé de signer notre reddition de comptes, de signer au bas d'un
document que nous ne voulions pas, parce que ce n'était que la seule
solution acceptable à ce moment-là.
Cette année, on nous offre quand même des choses un peu
différentes. On nous offre une possibilité, si tous veulent y
mettre de la bonne foi, celle d'une période de trente jours, sur
laquelle je ferai des commentaires tantôt. On nous offre la
possibilité de tenter de régler nos problèmes au moment
où on aura rétabli l'industrie de la construction dans un
état de paix relative, c'est-à-dire quand on aura fait retourner
les travailleurs de la construction aux chantiers. Car on aura cherché
par cette loi je pense que c'est le but de la loi à sauver
l'économie du Québec.
La loi prévoit une négociation de trente
jours. Nous croyons, nous, à la fédération, que les
trente jours ont deux conséquences. Ou c'est très court, parce
qu'à ce moment-là, les parties, en fonction de la commission
parlementaire qui suivra, peuvent se geler sur leurs positions, et à ce
moment-là, refuser toute négociation de bonne foi. Elles peuvent
également, parce que c'est le dernier délai qui leur est offert
pour régler leurs propres problèmes, à ce
moment-là, accepter peut-être une position que nous tenterons de
présenter à la table. C'est-à-dire que nous allons
certainement, nous, y mettre toute la bonne foi possible pour régler
nous-mêmes nos propres problèmes et éviter qu'il y ait une
intervention du gouvernement qui, à ce moment-là, gâterait
nécessairement les relations patronales et ouvrières et qui,
à ce moment-là aussi, ne serait certainement pas un gain ni du
côté patronal, ni du côté syndical.
Il y aurait peut-être lieu de penser que ce délai est trop
court. Pourquoi? Parce qu'en étant trop court, les parties disent: On
n'a pas le temps de régler quoi que ce soit. A ce moment, on attend la'
commission, on gèle les positions et on n'avance pas. Si le délai
est plus long à ce moment-là, j'envisage peut-être
60 jours et je pense que l'Assemblée nationale pourra en discuter, y
trouver peut-être une solution les parties vont réaliser
que ce délai leur est quand même donné pour réaliser
les responsabilités qu'elles avaient en vertu du bill 290.
Je pense que l'exposé de M. Laporte, cet après-midi, avait
justement pour fonction de vouloir faire prendre leurs responsabilités
aux parties. Le fait que le délai soit plus long retarderait
également la mise en application possible de conditions de travail. Cela
forcerait peut-être certaines parties à mettre une meilleure
attention dans la négociation, pour obtenir le plus rapidement un
règlement.
Est-ce que la loi a raison, à ce moment-ci, d'empêcher
l'exercice du droit de grève ou du droit de lock-out? Je pense que c'est
l'Assemblée nationale qui doit répondre à savoir si
l'économie est suffisamment en danger actuellement pour enlever un droit
que nous, de la fédération, reconnaissons aux travailleurs.
Ce droit de grève qui appartient aux travailleurs, je pense que
c'est un droit légitime. Nous le reconnaissons comme nous voulons
conserver notre droit de lock-out. Il n'est pas du tout question, quant
à nous, parce qu'on a eu un échec l'an dernier et qu'on en a un
nouveau cette année, de laisser aller ce droit que l'on considère
comme fondamental, autant pour la partie syndicale que la patronale.
Si, aujourd'hui, l'Assemblée nationale considérait qu'il y
a lieu, du fait que l'économie est en danger, de brimer l'un ou l'autre
de ces droits ou les deux en même temps, je pense qu'elle devrait le
faire d'une façon temporaire. Je pense que c'est le but du projet de
loi. Temporaire, et j'ajouterai ceci. Si on opte pour une négociation
entre les parties, avec un délai allongé de 60 jours et qu'au
bout de ces 60 jours, on prévoyait dans la loi la possibilité
pour les centrales syndicales de recommencer leur grève, mais en
définissant dans la loi une méthode pour procéder au vote
de grève, à ce moment-là, même si ce droit de
grève était acquis avant que la commission prenne une
décision, je pense qu'on aurait au moins redonné une force tant
aux parties syndicales que patronales, pour faire une pression sur la
commission parlementaire en vue d'obtenir les règlements que les gens se
sentent justifiés de demander.
Je voudrais aussi soulever que le bill 38 qu'on soumet actuellement
à l'Assemblée nationale va nous présenter de drôles
de problèmes du côté patronal. Je pense qu'il y aurait lieu
que vous étudiiez une clause qui donnerait une échéance
pour la mise en application des clauses paraphées. Je voudrais vous
souligner que, dans certaines régions, il n'y a actuellement, à
peu près aucun régime syndical.
Je prends cet exemple-là et on pourrait peut-être en
prendre d'autres. La mise en application immédiate de cette clause de
sécurité syndicale pourrait présenter d'énormes
problèmes au niveau de l'employeur si certaines parties s'avisaient de
les appliquer rigidement. Or, on demanderait, à ce moment-ci, à
l'Assemblée de considérer un délai de mise en application
et ceci se complète avec la question salariale. Si on comprend, les
salaires sont immédiatement augmentés, et on sait fort bien que
les employeurs paient à une semaine de délai. Alors il est clair
que l'employeur aura le temps de prendre connaissance des nouvelles conditions
qu'il aura à appliquer et on devra faire de même pour les clauses
qui sont paraphées dans l'entente.
En parlant de clauses paraphées, j'aimerais vous dire que ce sont
des clauses sur lesquelles toutes les parties se sont entendues, du moins je
pense toutes les clauses sauf 704. Je comprends aujourd'hui les
réticences de la CSN, ce n'est quand même pas une clause qu'elle a
paraphée.
Je voudrais quand même souligner à l'Assemblée
nationale qu'il y a aussi une clause sur laquelle les parties se sont toutes
entendues et c'est la clause qui est incluse dans l'entente du 10 juillet et
qui concerne la planification salariale, ou la politique salariale à
être appliquée dans l'industrie de la construction. Cette clause
fait également partie de choses sur lesquelles les sept parties se sont
entendues et je pense qu'aujourd'hui rejeter l'entente du 10 juillet sur le
seul prétexte qu'il est devenu très difficile ou qu'il sera
très difficile de déterminer des facteurs économiques
objectifs, ou des coefficients économiques objectifs, je pense que c'est
renoncer à sa signature, c'est manquer à l'entente qu'on a faite
le 10 juillet 1969. Je pense que c'est le devoir de l'Assemblée
nationale d'inclure dans le bill 38 le contenu de
l'entente du 10 juillet afin de bien déterminer que toutes les
parties dans la négociation devront en respecter le contenu.
Quant à la fédération, nous sommes d'accord pour
accorder la parité salariale aux travailleurs qui auront, en fonction du
bill 49, une compétence égale à travers la province. C'est
ce que contenait le paragraphe a) de l'entente du 10 juillet et cet engagement
que nous avions pris en 1969, nous entendons le respecter. D'autre part, il y a
encore le paragraphe b) de l'entente du 10 juillet. Il y a la mise en
application du bill 49 qui fera qu'il y aura encore des travailleurs qui,
malheureusement, n'ont pas exactement la même compétence partout
à travers la province et qui, pour l'employeur ne représentent
pas la même productivité dans les chantiers. Je sais que c'est
extrêmement dangereux de s'engager dans une discussion sur la
productivité. Mais la compétence des travailleurs d'une
région éloignée, dont le volume de construction est
drôlement inférieur à celui des travailleurs des grands
centres et la spécialisation drôlement différente de celle
des grands centres ne peut pas être rémunérée de la
même façon.
Or, quant à nous, on ne veut pas dire que ad vitam aeternam nous
n'accepterons jamais la parité salariale, mais il reste quand même
qu'au niveau de celui qui doit payer le coût de la construction, il faut
quand même qu'il ait les moyens de l'assumer ce coût de
construction. Et au moment où on aura pu réaliser, dans la
province, une parité salariale à tous les niveaux de l'industrie,
je pense qu'à ce moment-là on pourra facilement discuter de
parité salariale. C'est impensable aujourd'hui de faire absorber, dans
des régions comme Drummondville, une augmentation salariale de 77 p.c.
alors que les gens qui devront acheter des constructions dans cette
région ont un revenu moyen drôlement inférieur
déjà aux travailleurs de la construction et qui, par les
augmentations, sera à peu près à ce moment-là 50
p.c. du revenu moyen d'un travailleur de la construction.
Je voudrais également souligner à l'assemblée que
la présence du ministre à la table des négociations, quant
à nous, ça aurait été quand même un souvenir
de l'an passé, la présence du ministre à la table des
négociations. Je ne voudrais absolument pas que les gens
considèrent que l'on apprécie mal le prédécesseur
de M. Laporte; ce n'est pas comme personnalité, mais
comme-conséquence dans les négociations. La présence de M.
Laporte, dans les présentes négociations, n'aurait, quant
à nous, que donné le plaisir aux parties de le rencontrer. Je ne
pense pas que ça aurait pu changer quoi que ce soit dans la
négociation. Les positions qu'on a prises devant les conciliateurs
auraient été les mêmes que nous aurions prises devant le
ministre et je pense qu'elles seront les mêmes que nous prendrons devant
la commission parlementaire.
Si vous me le permettez, je voudrais soulever deux petits points qui ont
été présentés. A une question de M. Burns, je
pense, M. Pepin a répondu qu'il y aurait peut-être lieu de passer
la loi, de l'adopter à l'Assemblée nationale et de la laisser en
suspens sans la sanctionner pour permettre un vote des parties syndicales.
Il semblait prétendre qu'il justifierait amplement sa position
actuelle. Bien sûr, je pense que, comme d'habitude, M. Pepin a
été très brillant dans la réponse qu'il a
donnée à M. Burns. Si les travailleurs ont à prendre un
vote concernant la grève au moment où ils savent qu'il y a une
loi qui attend en arrière et qu'on utilise le contenu d'une loi pour
faire le vote de grève, il est fort possible qu'on obtienne son vote de
grève. Je pense que cela serait drôlement fausser le vote de
grève des travailleurs.
Le deuxième problème a été soulevé
par M. Tremblay M. Jean-Noël Tremblay, je pense à
savoir si les parties ont un intérêt pécuniaire dans
l'adoption du bill 38. Je pense que nous ne sommes pas ici pour nous conter des
histoires. H est sûr que nos employeurs ont un intérêt
pécuniaire. Ils ont un intérêt pécuniaire à"
ce que ce projet de loi soit adopté et à ce que cela se
règle. Cet intérêt pécuniaire pourrait être
évalué, en partie, de la façon suivante: les gens sont
appelés, aujourd'hui, à présenter des soumissions à
la demande des donneurs d'ouvrage. Pour pouvoir présenter ces
soumissions dont la réalisation sera peut-être dans un an, dans
six mois, il faut que les gens de l'industrie de la construction connaissent
les conditions salariales.
Vous avez actuellement le cas de Sainte-Scholastique où les gens
sont obligés de soumissionner sans savoir s'ils devront payer les taux
de salaires de la région de Montréal ou les taux de salaires de
la région de Joliette, etc. Pour pouvoir travailler dans l'industrie de
la construction, à moins qu'on ne consente à ce qu'il y ait des
ralentissements continuels dans la construction, il faut que les gens
connaissent les conditions salariales, les conditions pécuniaires et
toute autre condition qui pourrait influencer le salaire.
Il va sans dire que les gens diront que ce n'est pas tellement
important, par exemple, une clause de mise à pied ou une clause de
préavis de mise à pied. C'est drôlement important pour un
employeur une clause de préavis de mise à pied, parce que, pour
lui, deux jours d'avis représentent des salaires; cela représente
seize heures d'ouvrage à tel salaire. A ce moment, il est important pour
lui de connaître ces conditions de salaires.
Donc, il est important pour nous que la grève de la construction
se règle. Parce qu'à ce moment-ci, il n'y a pas d'autre moyen, on
accepte que le gouvernement intervienne par le bill 38. Nous avons tout de
même besoin dans l'industrie de la construction d'une certaine
stabilité. Je suis prêt à répondre aux
questions.
M. BERTRAND: M. Dion, si vous me le permettez, j'aurais une question
à vous poser.
Vous et d'autres avez fait allusion à l'intervention du ministre
du Travail, l'an dernier. Voulez-vous me dire qui avait demandé
l'intervention du ministre du Travail?
M. DION: M. Bertrand, vous posez la question que je redoutais le plus.
C'est nous qui avons fait la bêtise de demander le ministre du
Travail.
M. BERTRAND: Ah bon!
M. DION: Lorsque je dis que c'est nous, je parle des parties; je ne
parle pas nécessairement de la fédération. Je vous dirai
qu'aujourd'hui on le réalise. Je pense que la personne qui me l'a dit
est tout de même très versée dans le problème des
relations de travail. Elle m'a dit: Lorsque vous demandez à un ministre
d'intervenir, vous vous faites remplacer par le ministre.
Or, l'an dernier, on a fait la gaffe ou l'erreur, si vous voulez, de
demander l'intervention du ministre. C'est pour cela que j'ai voulu vous dire,
tout à l'heure, qu'on ne se plaignait pas et qu'on endurait. Mais, on
était tout de même en mesure de servir l'expérience...
M. BERTRAND: Si je comprends bien, vous blâmez...
M. DION: M. Bertrand, est-ce que vous me permettriez de terminer?
M.BERTRAND: ... le ministre d'une gaffe que vous avez commise?
M. DION: M. Bertrand, si vous m'aviez laissé finir, je vous
aurais dit que, lorsque nous avons demandé au ministre du Travail, l'an
dernier, d'intervenir dans le conflit de la construction, nous n'avons pas
demandé au ministre du Travail de nous déposer un document qui
s'appelait le chapitre 2 et qui a drôlement compliqué les
négociations cette année.
M. BERTRAND: Lorsque vous parlez du ministre, vous ne parlez pas d'une
personnalité, d'un tel ou d'un tel; vous parlez du ministre comme tel,
quel qu'il soit.
M. DION: Je parle de la personne qui est intervenue. Lorsque vous faites
intervenir une personne qui a un titre ou un poste officiel au niveau du
gouvernement, il est clair, à ce moment-là...
M. LAPORTE: M. Bertrand vous demande: Si cela avait été
Pierre Laporte qui était intervenu comme ministre du Travail, est-ce que
cela aurait donné le même résultat?
M. DION: Forcément. Je pense que le fait de demander à une
autre personne de nous remplacer, cela veut dire qu'on a perdu le
contrôle de sa négociation. Je m'excuse de vous avoir mal
compris.
M. LE PRESIDENT (Bossé): M. Dion, nous vous remercions de
l'exposé que vous avez fait dans le climat actuel. Nous invitons
maintenant M. Laberge à faire son exposé.
M. Louis Laberge M. LABERGE: Je n'en ai plus la force.
M. BERTRAND: Oui, oui, allez-y; nous a-vons celle de vous
écouter.
M. LABERGE: M. le Président, je serai très bref,
considérant tout ce qui s'est dit. C'est toujours dangereux lorsqu'un
gars commence comme cela?
UNE VOIX: Dix minutes, dix minutes!
M. LABERGE: Considérant tout ce qui s'est déjà dit
et surtout l'heure avancée. Toutefois, il y a des choses qui se sont
dites ce soir et que nous, à la FTQ, nous ne pouvons certainement pas
laisser passer sous silence. Laissez-moi vous dire tout d'abord que nous avons
peut-être une conception bien particulière à la FTQ de la
négociation et du syndicalisme.
Nous avons comme conception de la négociation que nous devons
tout faire, absolument tout, tenter l'impossible pour arriver à un
règlement qui est un compromis, bien sûr un
règlement est toujours un compromis sans intervention
outrée des autorités gouvernementales à quelque niveau que
ce soit. Et pour ça, nous avons déjà dû faire des
culbutes qui ont été considérées dans certains
milieux comme des réalisations positives, dans d'autres milieux comme
des acrobaties dangereuses.
Laissez-moi vous donner qu'un exemple. A l'Hydro-Québec où
nous négocions, où nous avons le pouvoir de priver toute la
province de son électricité c'est un pouvoir effarant que
nous considérons comme effarant nous avons tout fait pour
éviter un arrêt de travail général qui aurait
donné nécessairement lieu à l'intervention gouvernementale
par une loi d'exception comme celle à laquelle nous avons à faire
face maintenant. Je vous dis ça pour que vous compreniez très
bien que nous sommes contre tout bill d'exception. Par contre, nous croyons
qu'il faut tout tenter pour les éviter.
A l'Hydro-Québec, encore une fois, il y a des gars chez nous qui
étaient loin d'être satisfaits des grèves tournantes qui
n'ont pas privé la population d'électricité. Nous avons
été félicités dans le temps par le ministre du
Travail. Disons qu'au moment où il nous a félicités nous
aurions pu nous en passer parce que nous avions des problèmes à
convaincre les gars que c'était une méthode efficace, mais nous
l'avons fait conscients du pouvoir encore une fois, je
répète le mot effarant que nous avions
vis-à-vis du Québec.
Nous avons répété cette mentalité, cette
philosophie à maintes reprises. A plusieurs endroits dans le secteur
public, nous avons dû faire des arrêts de travail avec toujours la
même conscience que dans le secteur public c'était quand
même un peu différent du secteur privé. Nous avons fait ces
choses, et je ne le dis pas pour proclamer la FTQ comme une sainte, une
religieuse, une sans tache, mais justement pour vous dire certaines choses que
je tiens à vous dire. Nous avons été relativement
silencieux durant tous les mois que la négociation a duré dans la
construction. A tel point silencieux que nous avons eu de la difficulté
avec nos membres qui nous trouvaient justement trop silencieux.
On nous a dit toutes sortes de choses, entre autres que nous ne croyions
pas par exemple à la parité de salaires. Nous y croyons
tellement, à la parité de salaires, que justement à
Gentilly, il y a deux ans et demi à peu près, nous avions
négocié une convention collective qui n'avait pas rapporté
les résultats attendus. Nous avions fait une grève et nous avions
été forcés par l'opinion publique, après quelques
mois de grève, de tenir un autre scrutin à savoir si les
travailleurs désiraient continuer la grève ou désiraient y
mettre fin. Nous avons invité les journalistes à Gentilly pour
agir comme scrutateurs du scrutin secret. Nous avons convoqué les
membres par tous les média d'information, en plus de distribuer une
circulaire de porte à porte. Nous les avons avisés bien
carrément de la philosophie que nous avions chez nous à savoir
que, dans un gros chantier industriel comme celui de l'Hydro-Québec,
nous n'accepterions pas un contrat moindre que les salaires et les conditions
de travail que nous avions dans tous les gros chantiers de construction
à travers le Québec, y compris Montréal, bien
sûr.
En pleine connaissance de cause, nous avons dit ça aux
travailleurs assez clairement, je pense, et assez honnêtement qu'ils ont
bien compris la situation et ont décidé d'accepter les offres
patronales de l'Hydro-Québec. Nous nous sommes tout simplement
retirés de l'Hydro-Québec.
Nous avons refusé de signer la convention collective. Il s'est
formé une association indépendante qui, à mon grand
regret, a trouvé refuge chez la CSN quelques mois plus tard. Nous
faisons beaucoup moins de discours sur la parité salariale. Nous
agissons. Nous aurions eu honte de signer, à l'Hydro-Québec, une
convention collective en deça des taux de Montréal et des
conditions de travail que nous avions et, en même temps, convaincre des
gars de faire la grève pour obtenir la parité. De deux choses
l'une: nous y croyons à la parité ou nous n'y croyons pas.
J'ai entendu une chose effarante ce soir: une centrale syndicale offre
un vote de grève sous le contrôle gouvernemental. Moi, je vais
vous dire tout de suite qu'à la FTQ nous ne l'accepterons jamais. Si
vous croyez que nos votes de grève sont mal pris, si vous croyez que
nous agissons de façon illégale ou autrement, lorsque nos
travailleurs sont en grève, vous passerez des lois, vous nous foutrez en
prison mais nous n'accepterons pas de vote sous le contrôle
gouvernemental. Cela m'a renversé quand j'ai entendu ça. J'ai cru
me tromper. J'ai vérifié avec plusieurs de mes collègues
et, apparemment, je ne me suis pas trompé. Je suis le premier à
le regretter. Nous n'accepterons pas de vote sous le contrôle
gouvernemental.
Il s'est posé plusieurs questions à ceux qui m'ont
précédé et qui ont fait entrer dans la discussion un tas
de choses qui n'ont réellement pas d'affaire au bill 38. Par exemple, le
rapport du juge Gold, auquel nous nous sommes opposés dans au moins une
de ses clauses les plus importantes, et auquel, d'après ce que j'en
sais, plusieurs des associations patronales sont aussi opposées. Vous
avez laissé poser des questions. Vous avez laissé donner les
réponses, je ne sais pas pourquoi, car, réellement, ça n'a
rien à voir avec le bill 38, mais je ne pouvais quand même pas
laisser passer ça sous silence. Je tiens à vous dire que s'il
doit y avoir une discussion sur le rapport du juge Gold, nous en aurons
beaucoup à dire; nous aurons des témoignages et nous aurons
quelque chose d'assez bien construit, je pense, à vous présenter
au moment voulu. Mais je ne pense pas que ce soit l'occasion ce soir, et je
pense que vous auriez dû empêcher que la discussion ne
dégénère sur le rapport du juge Gold.
De toute façon, les négociations, dans l'industrie de la
construction, durent depuis déjà plusieurs mois,
c'est-à-dire que les négociations ont duré quelques mois
et que les négociations ont cessé depuis quelques mois, ça
n'a absolument rien à voir avec l'annonce du bill 38. Il y avait
déjà belle lurette qu'il n'y avait pas de négociations
dans l'industrie de la construction. Il y avait des rencontres, bien sûr;
il y avait des rencontres qui ne menaient à rien. Alors, l'annonce du
bill 38 n'a pas fait cesser les discussions, à mon point de vue.
L'annonce du bill 38 est venue à un moment où il fallait s'y
attendre, ça me surprend beaucoup moins depuis que j'ai entendu parler
qu'on avait déjà, à une centrale syndicale,
réclamé une session spéciale, justement dans l'industrie
de la construction, au mois de mai dernier, alors que les négociations
débutaient à peine. Alors, ça me surprend beaucoup moins
qu'on ait ce soir la commission parlementaire qui siège lors d'une
séance spéciale. Ce n'est pas nous qui avons demandé une
séance spéciale pour régler le conflit de la
construction.
Le bill 38, il est évident que nous sommes contre. Nous trouvons
extrêmement malheureux que le gouvernement ait cru nécessaire de
nous apporter une loi spéciale pour régler un conflit dans une
industrie privée. A ma connaissance, je pense que c'est la
première fois que
cela se fait dans l'industrie privée. Bien sûr, cela a
déjà été dit, je n'ai pas besoin de le
répéter, quand une grève est efficace, ça touche
toujours un peu l'intérêt public. Quand une grève n'est pas
efficace, on la laisse pourrir, comme cela s'est fait il y a deux ans, il y a
trois ans, quatre ans, cinq ans et depuis toujours.
Nous sommes contre le bill 38, mais je vais vous dire tout de suite
et vous n'aurez probablement pas besoin de me poser des dizaines de
questions là-dessus que nous croyons que le gouvernement n'avait
pas d'autre alternative. D n'y avait pas moyen de régler le conflit
actuel dans le climat où nous nous trouvions dans l'industrie de la
construction. On peut se conter toutes sortes de contes et on peut dire un tas
de choses, mais, dans les circonstances, nous croyons qu'il n'y avait pas
d'autre issue.
Toutefois, nous ne dénoncerons pas la clause du bill 38 qui
prévoit une autre période forcée de négociations de
30 jours. Moi, je suis un de ceux qui souhaitent de tout coeur que les parties
vont retomber sur leurs pieds et vont profiter de cette période de 30
jours pour empêcher que le bill 38 aille à sa limite,
c'est-à-dire l'imposition d'un règlement par le gouvernement. Je
suis loin d'être convaincu des possibilités, mais je souhaite
ardemment que les parties retombent sur les pieds et empêchent le
gouvernement de se fourrer le nez dans nos affaires plus loin qu'il ne l'a
déjà. Encore une fois, je répète que, dans les
circonstances, je crois qu'il n'avait pas d'autre choix. Mais, si on peut
éviter qu'il se mette le nez plus loin qu'il ne se l'est
déjà mis, je pense que pour ça on devrait faire des
efforts et des efforts sérieux.
UNE VOIX: On ne demande pas mieux.
M. LABERGE: Bien, oui, j'espère; enfin, je le crois.
J'espère n'est pas un mot assez fort.
UNE VOIX: On serait aussi bien couché!
M. LABERGE: Personne ne va se rendre bien populaire parmi les centrales
syndicales ou les centrales patronales avec un règlement. Michel Dion,
qui a été le dernier représentant patronal, a parlé
de l'intervention du ministre l'an dernier. Bien, c'est une autre occasion
où, à mon sens, le gouvernement n'avait pas le choix. On
pataugeait dans les négociations depuis des mois et des mois. Le
ministre est intervenu personnellement. Le ministre actuel a probablement
profité de l'expérience du ministre précédent et il
a dit: Moi, je n'irai pas me faire engueuler par tout le monde en me fourrant
le nez là.
M. LAPORTE: Vous expliquez cela très bien!
M. LABERGE: Merci.
M. DEMERS: Je pense que c'est ce que l'autre ministre lui a dit.
M. LABERGE: Que ce soit un bill spécial ou que ce soit le
ministre qui, à un moment donné, à trois heures ou
à trois heures et demie le matin impose un règlement qui n'a pas
satisfait personne, c'est du pareil au même.
Moi, l'intervention du ministre l'an dernier ne me scandalise pas plus
que la convocation de la session spéciale d'aujourd'hui. C'était
inévitable, malheureusement. Il y a, quand même, des points dans
le bill 38 où nous voudrions vous proposer, sinon des amendements, du
moins des suggestions pour votre considération.
Entre autres, il y a une clause qui parle enfin, ça, c'est
dans le document sessionnel numéro 70 des augmentations de
salaires: $0.30 immédiatement. Il est bien évident que cela prend
une augmentation de salaires immédiatement pour accompagner le retour au
travail. Autrement, on se prépare plus de trouble qu'on n'en a
déjà.
Mais, pourquoi imposer des augmentations de salaires pour la
deuxième et la troisième année? Pourquoi ne pas laisser
aux parties le soin de négocier ces augmentations-là? Vous avez
semblé reconnaître dans le bill 38 que vous aviez encore foi au
processus des négociations en imposant justement une autre
période de négociations qui est trop courte ou trop longue, selon
le cas. Pourquoi ne pas laisser aux parties le soin de négocier les
augmentations de salaires pour la deuxième et la troisième
année?
Pourquoi commencer l'augmentation de salaires à $0.10?
Evidemment, c'est explicable puisque c'est le retour au travail. Mais pourquoi
dire que les augmentations de salaires obtenues depuis le 1er mai feront
parties des $0.30? Laissez-moi vous expliquer une situation que vous connaissez
peut-être et que, peut-être, vous ne connaissez pas. Dans la
région de Québec, par exemple, deux métiers, entre autres,
électriciens et plombiers, ont eu une augmentation de salaires le 30
avril. Bon, la loi ne touche pas à ça, puisque ça dit
depuis le 1er mai.
Mais, à Sherbrooke, il y a quand même eu des augmentations
de salaires de négociées de bonne foi et qui ont
été consenties de bonne foi et cela a été le 1er
mai justement. Là, je vous pose la question: Est-ce que cela veut dire
que, pour une journée de différence, les gars de Sherbrooke vont
être privés de l'augmentation de salaires qui s'était
négociée, tandis qu'une journée auparavant les gars de
Québec ne le seraient pas? Je soumets cela à votre
considération.
M. BERTRAND: Est-ce que vous avez plusieurs régions où il
y a eu des augmentations?
M. LABERGE: Non, c'est la seule, à ma connaissance. S'il y en a
qui peuvent me corriger...
M. LE PRESIDENT (Bossé): Est-ce que vous avez terminé?
M. LABERGE: Je pense qu'il y a eu aussi Sept-Iles au mois de juin.
UNE VOIX: D y a eu un vote massif. UNE VOIX: Hauterive.
M. LABERGE: De toute façon, qu'il y ait une région, qu'il
y ait deux régions, qu'il y ait trois régions...
M. BERTRAND: Peu importe.
M. LABERGE: ... je pense que c'est quelque chose que vous devriez
regarder avec énormément de soin.
UNE VOIX: C'est important.
M. LABERGE: Evidemment, quant aux augmentations de salaires, je pense
que c'est extrêmement important, si vous avez réellement foi en la
négociation. Comme encore une fois je l'ai dit tantôt, comme je le
souhaite ardemment, si les parties doivent retomber sur leurs pieds,
négocier et essayer d'en arriver à une entente, quand même
ce serait seulement pour éviter que la commission parlementaire soit
obligée de nous entendre et finalement de décider, il me semble
que les sept parties devraient oublier leur différence d'opinion,
oublier leur difffence de conviction et même oublier leur
différence de philosophie pour essayer de s'asseoir et de régler
ensemble ces problèmes-là.
Nous vous avons dit tantôt que, dans les gros chantiers dans la
province je pense que le ministre du Travail est parfaitement au courant
de cela pour les métiers mécaniques, il y a toujours eu
parité de salaire avec Montréal enfin, quand je dis
toujours, je parle depuis 8 ans à 10 ans parité de salaire
et de conditions de travail. Je ne vois absolument rien ni dans le bill, ni
malheureusement dans les documents 69 et 70, qui nous assurent que cette
entente va se continuer. Nous avons actuellement au Québec des chantiers
où les conditions de travail de Montréal et les salaires de
Montréal sont reconnus, sont payés, et on se demande avec
énormément d'anxiété ce qui va arriver dès
l'adoption du bill 38. J'espère que quelqu'un pourra éclairer nos
lanternes là-dessus parce que, pour nous, évidemment, c'est
extrêmement important. Ce n'est pas quelque chose que les gars
espèrent obtenir un jour, c'est quelque chose que les gars ont
déjà. Cela serait le leur enlever en quelque sorte et c'est
extrêmement important. Il y en a qui ont discuté de l'urgence de
la situation et, encore une fois, je suis le dernier à vouloir jeter de
l'huile sur le feu. Je pense toutefois que l'on doit dire, non pas à la
défense du ministre du Travail, mais quand même pour supporter
l'urgence d'un règlement dans le conflit de la construction, qu'il est
de notoriété publique que la CSN a décidé de faire
la grève. C'est son droit, je respecte entièrement son droit. Je
ne mets pas en doute ses méthodes de tenir ses votes, ni de conduire sa
grève, cela la regarde.
Il y a toutefois une chose, c'est que nous avons des centaines et des
milliers de travailleurs dans toute la province qui sont en chômage et
qui ne sont pas en grève. Dans certains cas, les gars sont sortis par
solidarité syndicale pour appuyer les travailleurs de la CSN qui avaient
décidé de vider certains chantiers. Dans certains autres cas, ce
n'est pas tout à fait pour la même raison qu'ils sont sortis. D
reste que nous avons des milliers de gars chez nous qui sont actuellement en
chômage. Vous voulez réellement me poser la question?
M. DEMERS: Je l'ai posée.
M. LABERGE: Vous me la reposerez tantôt, parce que je voudrais
finir.
M. DEMERS: Je pense que vous espérez que je vais l'oublier.
M. LABERGE: Non, mais dans certains cas, ce sont les entrepreneurs qui
ont pris la frousse et qui ont fermé les chantiers. C'est cela que vous
vouliez savoir?
M. DEMERS: Non.
M. LABERGE: Je le sais.
M. DEMERS: Vous venez de répondre.
M. LABERGE: II reste qu'il y a quand même des milliers de gars
chez nous qui sont en chômage depuis, je ne sais pas moi, une semaine,
trois jours, quinze jours et des gars qui, chez nous, font des pressions parce
qu'ils veulent retourner au travail. Ils ne sont pas en grève. Nous
avons tenu des assemblées assez houleuses dernièrement, des
assemblées où des journalistes étaient même
présents et ils ont rapporté cela. Nous n'avons rien à
cacher. Des assemblées où les gars, à l'unanimité,
décidaient de retourner travailler. Tout cela pour vous dire que, s'il
n'y a pas un règlement du conflit de la construction, il va y avoir des
cassages de gueules, tantôt. Ce serait extrêmement malheureux, mais
je pense que c'est inévitable. Il y a des gars qui font la grève
et qui ont le droit de la faire. C'est leur droit strict et sacré. Il y
a des gars qui ont le droit de faire la grève et qui ont
décidé de ne pas la faire. C'est aussi leur droit strict et
sacré. Il arrive malheureusement un conflit d'intérêts
entre des gars qui sont membres d'une centrale et de l'autre. Cela ne me
scandalise pas, mais c'est un fait, c'est une
situation qui existe. C'est une situation qui peut être
évitée. Je pense qu'elle devrait l'être.
En tout cas, chez nous, dès l'annonce de la convocation d'une
session spéciale, on a pu faire patienter des gars qui devenaient
impatients. Espérant justement qu'il y aurait prochainement un
règlement de ce conflit qui ne nous forcerait pas à essayer,
comme on dit communément dans l'industrie de la construction, de rouvrir
des chantiers sur le bras.
M. DEMERS: Cela décrit un peu. UNE VOIX: C'est un langage
imagé.
M. LABERGE: Enfin, écoutez, on a chacun ses problèmes.
Vous, comme députés, vous avez des problèmes. Les
ministres aussi, la CSN aussi et nous aussi. On a chacun ses problèmes
et chez nous, cela devient un problème. Plus le nombre de soi-disant
grévistes augmente et plus il y a de gars, chez nous, qui se trouvent
pris dans le mouvement, et plus la pression devient forte chez nous. Encore une
fois, cette semaine, nous n'avons pas eu tellement de problèmes, parce
qu'avec l'annonce que, prochainement, il y aurait un règlement, cela
nous a donné de très bons arguments pour calmer tous les esprits.
Mais je pense qu'encore une fois c'est un autre argument, tout simplement, pour
dire que, malheureusement, dans les circonstances, la FTQ ne se battra pas
à mort contre le bill 38, même si, en principe, nous nous opposons
à toute loi d'exception et que, dans les circonstances, il n'y a pas
beaucoup d'alternatives, enfin, il n'y en a pas que nous connaissions.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Merci, M. La-berge. Y aurait-il des
questions?
M. LAPORTE: Moi, je n'en ai pas.
M. BERTRAND: M. Laberge, quant à moi, vous avez répondu
à la plupart des questions que j'ai posées à tous. Vous
l'avez fait non pas directement, mais dans votre exposé qui a
été bien objectif. J'en retiens surtout ceci. C'est que, pendant
un mois, les sept parties auraient l'occasion, suivant votre expression, de
retomber sur leurs pieds, de s'entendre et d'éviter l'intervention de
l'Etat.
M. LABERGE: C'est une occasion que nous aurons. Maintenant, est-ce que
les pieds sont plus pesants que la tête, on le verra.
M. DEMERS: Cela dépend des bottines et du chapeau.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Est-ce qu'il y a d'autres...
M. BURNS: M. le Président, le Parti québécois n'a
pas parlé encore.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Alors le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: D'accord, M. le Président. M. Laberge, vous avez
parlé de vote de grève. Est-ce que les syndicats affiliés
à votre centrale ont, par le passé ou récemment, disons au
cours du mois de mai, pris des votes de grèves également?
M. LABERGE: Oui, et évidemment, si vous voulez me demander,
à moi aussi, de jurer que cela s'est fait à tel point qu'on
pourrait donner la communion sans confession à tous les gars, j'aurais
probablement de la misère à jurer cela, mais je peux vous dire,
par exemple, que tous les syndicats chez nous ont tenu des assemblées
syndicales. Pour nous, disons que cela n'a pas été un vote de
grève comme on prend normalement, parce que cela n'a pas
été une grève normale. On a appelé cela, nous, une
petite "grévette", une mini-grève. Nous étions partis avec
l'idée de faire signer des mini-conventions par les entrepreneurs. Au
fur et à mesure qu'un entrepreneur signait la mini-convention son
chantier était rouvert.
Ce n'était pas une grève dans le sens qu'on l'entend
habituellement. Pour ça, les votes ne se sont pas pris de façon
habituelle. Je tiens à vous dire que, rien que chez les plombiers et les
électriciens, il y a eu au-dessus de 3,500 membres aux
assemblées. Cela, je peux vous le dire.
M. BURNS: M. Laberge, si j'ai bien compris votre argumentation; vous
êtes contre, en principe, ce genre de loi, une loi telle que le bill 38,
mais, d'autre part, vous admettez ce phénomène comme
inévitable. Est-ce que cela ne détruit pas un peu votre
première affirmation? Si oui, ne s'agit-il pas, dans votre esprit, d'un
précédent dangereux pour les centrales syndicales en
matière de secteur privé?
M. LABERGE: En principe, je suis pour que tous les gars à
compétence égale gagnent le même salaire et que tous les
gars aient un "job". S'il fallait attendre pour régler chacune de nos
grèves, que nous ayons atteint tous nos principes, nous serions toujours
en grève. Il y a quand même une petite différence entre les
principes et la pratique. Cela ne détruit pas du tout nos principes, je
ne le crois pas, mais, malheureusement, dans l'état actuel des
négociations dans l'industrie de la construction, nous ne voyons aucune
autre formule. Nous n'aimons pas le bill 38 plus que ça mais nous ne
voyons pas ce que nous pouvons faire d'autre.
M. BURNS: Une dernière question, M. Laberge. Vous avez
parlé d'un certain nombre de chômeurs qui n'étaient pas des
grévistes, mais qui étaient cependant visés par le
conflit. Est-ce que ces gens-là ont déjà un
règlement d'effectué
dans leur cas ou bien si, tout simplement, ils attendent la
solution?
M. LABERGE: Ils attendent eux aussi. Dans certains chantiers, nous
représentons la majorité des travailleurs, la CSN la
minorité; dans d'autres, la CSN représente la majorité des
travailleurs et nous la minorité. Dans ces cas-là, s'il y a
disons 250 gars dans le chantier et qu'il y a 25 gars qui sont membres de la
FTQ, il est bien évident que, de façon tout à fait
normale, les 25 vont suivre les 225 autres. Il y a d'autres chantiers
où, d'après des informations que j'ai, c'est la situation
inverse. De toute façon, je ne veux pas entrer trop profondément
là-dedans. Il reste que nous avons chez nous des gars qui ne travaillent
pas par rapport à la grève faite par les travailleurs de la CSN.
Encore une fois, je ne critique pas le fait qu'ils soient en grève,
c'est leur droit le plus sacré, mais il reste que, chez nous, les gars
ne sont pas en grève et qu'il y en a qui ne travaillent pas.
M. BURNS: Une dernière, dernière question. Vous avez
mentionné qu'il y avait des gens qui étaient en grève par
sympathie avec les groupes de la CSN.
M. LABERGE: C'est évident.
M. BURNS: Est-ce que ce nombre-là est imposant? Est-ce que c'est
un nombre assez important?
M. LABERGE: J'espère qu'il est le moins important possible, parce
que c'est dangereux.
M. BURNS: Non, mais est-ce que vous êtes en mesure de nous
affirmer ça?
M. LABERGE: II n'a pas compris l'astuce! Bon!
M. LEDUC (Taillon): Ils comprennent, mais lentement.
M. LABERGE: Disons, afin que vous compreniez ce que nous sommes en train
de dire ici, que j'espère qu'il y en a le moins possible, bien
sûr, parce que, s'ils sont si sympathiques que ça vis-à-vis
de la CSN, c'est dangereux pour nous. Il y a des régions où la
CSN a pris un vote de grève qui était très fort. Je pense
que ç'a été unanime dans ces endroits où nous
avions des membres, car ils sont sortis tout simplement avec les gars par
sympathie, et nous n'avons évidemment rien à dire contre
ça.
M.. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de
Sainte-Marie.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Laberge, vous dites qu'en principe, vous
êtes contre le bill 38, mais vous prétendez qu'il n'y a pas d'au-
tre choix, d'autres moyens. En supposant que le gouvernement n'interviendrait
pas, comment voyez-vous le dénouement du problème? Est-ce que
ça pourrait durer encore longtemps? C'est hypothétique, mais tout
de même...
UNE VOIX: Faites donc une soustraction pour le serment, ça
pourrait se régler.
M. LABERGE: Bien, d'abord, au début, probablement la semaine
prochaine...
M. LACROIX: Cela pourrait se régler...
M. LABERGE: Non, mais probablement...
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Ce n'est pas ma question actuellement.
M. LABERGE: Dites-lui donc que ce n'est pas lui qui a la parole.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): J'ai posé la question à M.
Laberge.
M. DEMERS: Lui, il n'est pas sous serment.
M. LABERGE: Disons que ce qui nous inquiète le plus, c'est que ce
mouvement d'impatience chez nous se concrétise et que, probablement
dès la semaine prochaine, des gars veuillent retourner au travail. Je
n'ai pas besoin de vous dire que ce phénomène ne ferait
absolument rien pour assainir ou améliorer le climat qui existe autour
de la table des négociations et que ça ne ferait certainement pas
grand-chose pour hâter le règlement du conflit.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): II peut y avoir combien de gars qui ont
arrêté de travailler dans la FTQ?
M. LABERGE: D'après les chiffres rapportés dans les
journaux et d'après le nombre de membres de la CSN qui d'après le
ministre, seraient en grève, j'oserais presque dire que nous en avons
plus sans travail que la CSN n'en a en grève.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Laberge, parmi ces gars de la FTQ qui ont
arrêté de travailler, certains l'ont-ils fait tout simplement pour
respecter les lignes de piquetage ou si ce ne sont pas tous des gars qui ont
été obligés d'arrêter de travailler par la peur ou
par la frousse?
M. LABERGE: II y en a bien d'autres qui ont été
arrêtés par la peur, mais de façon indirecte.
L'entrepreneur a eu peur et il a fermé le chantier.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): D'accord.
M. LABERGE: D'un côté ou de l'autre, c'est toujours par la
peur.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. Laberge...
M. LAPORTE: Etes-vous vraiment prêt?
M. BERTRAND: On va en avoir la preuve directe.
M. LESSARD: L'honorable député de Chambly n'aime donc pas
cela lorsque les membres du Parti québécois posent des questions.
Il voudrait toujours les garder pour lui.
M. LAPORTE: Je m'en trouve d'autres.
M. LESSARD: M. Laberge, j'aurais deux questions à vous poser.
D'abord, vous conviendrez que nous sommes ici, quand même, pour nous
informer. C'est pour cela qu'on a demandé à la commission
parlementaire de se réunir et d'entendre les parties. L'une des
questions qui est en jeu dans cette discussion, vous conviendrez que c'est la
parité de salaires. Au sujet de la parité, je vous pose les
questions suivantes: Pourriez-vous nous dire quelles sont les
conséquences de la non-parité sur les relations entre
travailleurs à l'intérieur des mêmes chantiers? Par
exemple, certains ouvriers vont gagner $4.04 alors qu'un autre de la FTQ
gagnera $4.59.
Deuxièmement, quelles sont les conséquences d'une
non-parité dans les luttes inter-syndicales, luttes qui deviennent de
plus en plus fortes actuellement?
M. LABERGE: Je dois être en désaccord avec vous quant
à la façon dont vous avez terminé votre deuxième
question. Je pense que tous les députés sont conscients que tout
de même, dans l'industrie de la construction au Québec, depuis
l'avènement du bill 290, avec toutes ses maudites imperfections, il n'y
a pas eu de luttes intersyndicales aussi dures que celles qui avaient eu lieu
auparavant. Il faut tout de même reconnaître cela. Même si le
bill 290 n'avait servi qu'à cela, il a déjà accompli son
but. Bien sûr qu'il faut changer certaines méthodes, certaines
facettes du bill 290. Bien sûr que le processus de négociation tel
que prévu par le bill 290 est extrêmement lourd. Bien sûr
qu'à un moment donné, s'il n'y avait qu'une association patronale
au lieu de cinq et qu'une association syndicale ce qui arrivera l'an
prochain, d'après Raymond cela serait plus facile. Bien sûr
pour tout cela.
Mais, il reste qu'aujourd'hui il y a beaucoup moins de luttes
intersyndicales qu'il n'y en avait et qu'elles sont beaucoup moins violentes.
Il y a de petits accrochages. Parfois, il y a des accrochages verbaux. Cela,
c'est moins sanglant que les accrochages qu'il y avait auparavant.
M. LAPORTE: Cela ne fait pas tort aux chefs.
M. LABERGE: Je n'ai pas besoin de vous faire une leçon
d'économie...
M. DEMERS: Non, non. On est assez fatigué comme ça.
M. LABERGE: ... mais, si vous avez des gars avec des taux
différents, il est sûr que cela n'est pas fait pour
améliorer le climat du chantier. Dans la région de Joliette,
entre autres, je ne me souviens plus de la différence actuelle, mais,
avant le dernier règlement, il y avait tout de même des plombiers
qui faisaient douze milles, ils traversaient le pont et allaient travailler
à Joliette à $1.76 l'heure de plus que le gars qui venait de la
région de Joliette. La même chose pour les électriciens. A
part cela, ils avaient chambre et pension. Pas besoin de vous dire que le gars
n'était pas étouffé de rire, celui qui gagnait $1.76 de
moins!
M. LE PRESIDENT (Bossé): Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. Laberge, une deuxième question concernant un autre
problème. Vous ne semblez pas accepter le fait qu'on en ait parlé
à l'intérieur de cette commission, mais je pense qu'il s'agit
d'un problème important, la fameuse formule Gold. Vous avez dit que vous
vous opposiez à cette formule. Il s'agit de l'ancienneté...
M. LABERGE: Pose la question! Pose la question! Tiens ton bout!
M. LE PRESIDENT (Bossé): Je regrette.
M. DEMERS: H a dit aussi que le président...
M. LABERGE: Vous l'avez laissé poser aux autres.
M. LE PRESIDENT (Bossé): J'aimerais vous rappeler que M. Laberge,
dans son exposé, je pense, nous a bel et bien dit qu'il ne devait pas
aborder ce problème, sinon ce serait très long.
M. LABERGE: M. le Président, vu que d'un autre côté
vous l'avez laissé poser tantôt, je ne voudrais pas vous priver,
c'est évident.
Je serai très bref.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Alors je respecte la décision de
M. Laberge.
M. BERTRAND: Respectez votre décision.
M. LABERGE: Je vous remercie d'avance. Quand on parle trop on se fait
toujours prendre.
M. LACROIX: Répondez aux questions.
M. LABERGE: Très, très brièvement, c'est que,
l'industrie de la construction est évidemment différente de
l'industrie proprement parlée. Alors lorsqu'on parle
d'ancienneté, qui est un principe auquel, je pense bien, tous les
syndicalistes croient, l'ancienneté dans la construction ne peut pas
s'appliquer de la même façon que ça s'applique dans une
industrie quelconque, que ce soit Canadair, ou la CIP ou Donohue ou quelque
chose de semblable. Qu'est-ce que vous voulez, on n'a pas encore réussi
à s'entendre avec la CSN sur la façon dont un principe comme
celui-là pourrait s'appliquer. Il est bien évident que, lorsque
les deux centrales sont en désaccord, ce ne sont pas les patrons qui
règlent un problème comme celui-là. C'est aussi simple que
ça.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Alors le député de
Bourget.
M. LAURIN: M. Laberge, avez-vous l'impression que la période de
trente jours que prévoit la loi 38 est suffisante pour que les pieds
deviennent plus pesants que la tête?
M. LACROIX: Vous allez perdre des clients.
M. LAURIN: Je remercie le député des Iles-de-la-Madeleine
pour l'hommage qu'il me rend, je m'occupe des têtes, donc je ne m'occupe
pas de lui.
M. LABERGE: C'est très bien dit. M. LACROIX: ... vous n'arrangez
rien.
M. LABERGE: Peut-être bien que, s'il faisait tourner des gars
autour de la table des négociations, cela aiderait. Bon, une
période de trente jours, c'est Michel Dion qui disait ça
tantôt, c'est trop court ou c'est trop long, enfin, je ne sais pas si
vous êtes véritablement attachés à la période
de trente jours, mais si vous avez un conciliateur qui rapporte qu'il y a
énormément de progrès et que l'affaire marche, je pense
bien que personne ne s'offusquerait si ça durait 31 jours ou 32
jours.
M. LAPORTE: II peut fort bien arriver qu'après 30 jours on
constate que ça va très bien, la négociation. La
commission parlementaire, conformément à la loi, devra se
réunir, mais simplement pour dire aux parties: Messieurs, ça va
très bien, nous vous donnons mandat de continuer.
M. LABERGE: Continuez. Comme on a fait dans la question de la
Régie des alcools, alors que la commission parlementaire
siégeait, puis les négociateurs se rencontraient; moi, je ne vois
pas ça comme une objection.
M. LAPORTE: On est content de ne pas régler cela pour vous.
M. LACROIX: La période de trente jours, d'après les
applaudissements des gars de la CSN en arrière, cela suppose que les
gars du PQ et de la CSN n'auront peut-être pas le temps...
M. LAURIN: M. le Président, hors d'ordre. M. LEGER: C'est une
réponse sans question.
M. LAURIN: M. le Président, M. Laberge, vous vous êtes
prononcé avec beaucoup de force en faveur du principe de la
parité, est-ce que cette force irait jusqu'au fait que vous proposeriez
que le principe de la parité soit inscrit dans le projet de loi?
M. LABERGE: En fait, je pense que c'est quelque chose qu'il faut
négocier, ça l'a été l'an dernier, il y a plusieurs
personnes qui se sont référées à l'entente du 10
juillet. C'est dans l'entente du 10 juillet. Nous sommes prêts à
négocier.
M. LAURIN: Mais comme cette entente du 10 juillet n'a pas
été respectée, semble-t-il, qu'on rejette aujourd'hui,
qu'on brûle aujourd'hui ce qu'on adorait hier, ce qu'on n'adorait
peut-être pas, mais on l'avait accepté, étant donné
la conjoncture, est-ce qu'il ne vaudrait pas la peine d'envisager que ce
principe soit inscrit dans le projet de loi?
M. LABERGE: Le processus de négociations est un processus bien
délicat, comme vous le saviez sans doute. Il y a bien des choses qui
sont refusées au début des négociations, qui sont
acceptées en dernier parce que tout ça dépend de
l'attitude des autres parties sur certains autres points des
négociations. Moi, le fait qu'il y ait des choses de refusées
complètement, ce n'est pas ce qui m'effraie. Ce qui m'effraie, c'est le
dialogue de sourds. Ce qui m'effraie, c'est le fait que, quand on se rencontre
à la table des négociations, il n'y ait pas de
négociations. Cela m'effraie. Mais le fait qu'un point soit
refusé et un autre accepté, ça ne me dérange pas,
pas une miette, nous sommes habitués à ça; ç'a
toujours été comme ça dans les négociations. Alors,
moi, que ce soit dans le projet de loi, pour être bien honnête avec
vous, moins il y en a dans le projet de loi, plus vous faites confiance aux
parties, plus les parties prendront peut-être leurs
responsabilités.
M. LAURIN: Maintenant, est-ce que je pourrais vous demander votre
opinion personnelle
sur un échéancier pour que cette parité en arrive
à s'établir, surtout en ce qui a trait à la clause des
réservistes?
M. LABERGE: Etant évidemment représentant d'une
association fortement démocratique, je n'ai pas d'opinion
personnelle.
M. LAURIN: C'est bien commode.
M. LABERGE: Tout dépend des conditions du marché, tout
dépend des conditions de compétence, d'ancienneté, de
délais, de mises à pied. Tout dépend de tout ça,
parce que tout ça veut dire le salaire d'une façon ou d'une
autre. Si vous me demandez si je suis pour cinq mois de congé par
année, je suis pour. Mais si on demande cinq mois de congé par
année, plus $2 l'heure d'augmentation, plus un tas de choses, il est
bien évident qu'on n'arrivera pas aux cinq mois de congé
bientôt.
M. LAURIN: Vous vous inquiétez que la parité existante ne
soit pas entérinée par un décret. Vous pouvez comprendre
qu'une autre centrale pour qui ça demeure quelque chose à
acquérir soit encore plus inquiète.
M. LABERGE: Un instant, pour nous aussi. Nous avons plusieurs milliers
de membres maintenant au Québec qui n'ont pas encore la parité de
salaires pour lesquels nous sommes réellement intéressés
à l'obtenir.
M. LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: L'exposé de M. Laberge ayant été
suffisamment complet et plusieurs des questions que j'avais à poser
ayant été posées par les membres de la commission,
ça me satisfait.
M. LAPORTE: Merci.
M. LE PRESIDENT: C'est terminé, j'inviterais le premier ministre
à...
M. LEFEBVRE: Est-ce que vous me permettriez une seule remarque pour
renseigner la commission parlementaire sur un seul point que M. Laberge a
souligné?
M. LE PRESIDENT: Nous avons été très large, alors
nous permettons.
M. LEFEBVRE: C'est strictement sur le cas de la région de
Sherbrooke où M. Laberge demande d'inclure dans le projet de loi no 38
l'augmentation de $0.30 en sus de l'augmentation qui ne serait pas
votée. Je veux tout simplement vous expliquer que le décret de la
région de Sherbrooke a été abrogé par le bill 290.
Ce n'est donc pas un décret qui était expiré par
lui-même. L'augmentation avait été prévue dans le
cours du décret qui devait normalement, n'eût été le
bill 290, se terminer au mois de décembre 1970. C'est-à-dire que
si on n'avait pas obligé par la loi la région de Sherbrooke
à négocier, les travailleurs, par conditions souscrites par
toutes les parties, auraient normalement eu cette augmentation de $0.30 le 1er
mai mais n'auraient pas eu d'autre augmentation avant le nouveau décret
pour janvier 1971. C'est pourquoi nous demandons que les $0.30 que le bill 38
accorde tiennent lieu des $0.30 qui avaient été prévus
dans l'accord antécédent des parties et non pas d'obtenir $0.60
ce qui serait totalement défigurer la négociation qui avait alors
eu lieu dans ce secteur particulier.
M. LE PRESIDENT: Merci pour l'éclaircissement.
M. LABERGE: Tout ce que j'ai demandé au ministre et à la
commission parlementaire, c'est de regarder les régions qui pouvaient
être affectées par la date du 1er mai. C'est tout ce que j'ai
demandé.
M. BOURASSA: Je voudrais simplement remercier, sans la moindre
distinction, ceux qui ont participé à cette discussion ce soir,
qui était extrêmement objective et très instructive. Il n'y
a pas le moindre doute que cette discussion de ce soir va permettre d'avoir une
discussion du projet de loi mieux éclairée demain parce que nous
serons mieux informés. Encore une fois, merci à tous les
participants et au président pour la façon dont il a
dirigé cette séance qui n'était pas
particulièrement facile.
M. BERTRAND: ... Je voudrais, quant à moi, remercier le ministre
du Travail qui, cet après-midi, au nom du gouvernement, s'est rendu de
bonne grâce à la motion que nous avions présentée et
qui nous a permis d'entendre les parties et je les félicite, toutes ces
parties, du ton de leurs propos, de la manière dont on a voulu
présenter la cause. Sans aucun doute, les députés de
l'Opposition, en particulier, sont beaucoup mieux informés.
M. LE PRESIDENT (Bossé): Je tiens à remercier
personnellement les représentants de la partie syndicale et de la partie
patronale de la façon qu'elles ont présenté leurs
exposés, qu'elles ont répondu aux questions malgré le
climat ici. Je tiens à remercier aussi l'assistance de sa façon
de réagir ainsi que les membres de la commission.
Je déclare la séance levée.
M. LAPORTE: M. le Président, je rappelle simplement à
cette commission que la Chambre siège demain, à dix heures.
J'ajoute mes remerciements à ceux de tous les autres.
(Fin de la séance 1 h 31)