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Version finale

29th Legislature, 1st Session
(June 9, 1970 au December 19, 1970)

Thursday, October 8, 1970 - Vol. 10 N° 32

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Bill 38 - Loi concernant l'industrie de la construction


Journal des débats

 

Commission permanente du Travail et de la Main-d'Oeuvre

Bill 38 — Loi concernant l'industrie de la construction

Séance du jeudi 8 octobre 1970

(Dix heures treize minutes)

M. BOSSE (président de la commission permanente du Travail et de la Main-d'Oeuvre): A l'ordre, messieurs! La séance est ouverte.

Lorsque nous avons terminé hier, je crois que la parole était à M. Lebon et non à M. "Le Bref"!

M. LEBON: Cela vient de M. Laporte. M. LAPORTE: Non, pas celle-là.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Elle est trop bonne!

Mise au point

M. LEBON: M. le Président, messieurs les membres de la commission, M. le ministre - il a promis qu'il m'écouterait ce matin avant de reprendre au point où nous en étions hier, je voudrais faire une petite mise au point, quant à l'étude économique qu'ont effectuée MM. Lacasse, Marion et Raynauld. L'étude, contrairement à ce que laisse entendre le Devoir, ne portait pas exclusivement sur les électriciens, mais sur l'ensemble de l'industrie de la construction. C'est la première mise au point.

La deuxième, M. le Président, c'est que M. André Raynauld, économiste et professeur à l'Université de Montréal, bien connu, nous a informés ce matin qu'il était prêt à venir à la commission pour répondre aux questions qui pourraient lui être posées relativement à la parité salariale.

M. HARDY: Est-ce que M. Raynauld viendrait nous dire qu'il est pour la parité?

M. LEBON: M. Raynauld était conseiller de M. Lacasse pour la préparation du document dont on a pris connaissance hier.

M. HARDY: II dirait sensiblement la même chose que M. Lacasse?

M. LEBON: Je ne le sais pas. Evidemment, il faudrait le demander à M. Raynauld.

M. LE PRESIDENT: Je pense que ce que le représentant de Terrebonne veut dire, c'est que la quantité n'ajoute pas à la qualité.

M. LEBON: Je suis d'accord. C'est pour cela, d'ailleurs, que nous voulons ajouter de la qualité. Nous l'avions, mais c'est parce qu'on l'a mise en doute. Alors, pour qu'on soit sûr que nous l'avons au complet, nous voulons confirmer que M. Raynauld est prêt à venir répondre aux questions.

La troisième petite mise au point, c'est au point de vue du rattrapage, parce que c'est le sujet principal dont nous traitons.

La commission doit prendre en considération le problème particulier de la région de Québec, qui avait été souligné lors de l'adoption du bill 38, à savoir que cette région de Québec a été sujette à deux augmentations consécutives de $0.30 par rapport aux autres régions qui, elles, n'avaient eu qu'une augmentation de $0.30 en vertu du bill 38. La région de Québec avait donc eu $0.60 en dedans de quatre mois, ce qui a occasionné des frais considérables pour les employeurs de la région de Québec.

Lorsqu'il est question d'établir le rattrapage pour chacune des régions, nous demandons donc de prendre cela en considération. Nous le prenons d'ailleurs en considération dans notre offre salariale.

Maîtres électriciens (suite)

M. LEBON: Je reprends maintenant mon exposé, M. le Président, au point où nous en étions hier. Je n'apprends rien aux membres de la commission en disant que nous avons des difficultés à nous entendre à la table des négociations, c'est sûr. Et une des raisons pour lesquelles nous croyions, nous, que nous avions des difficultés, c'est qu'on ne prenait pas en considération les différences qui peuvent exister au sein même de l'industrie de la construction. Or, nous croyons que le problème de la très petite entreprise n'est pas le même que celui de la très grosse. En fait, les conditions de travail d'une toute petite entreprise, si on parle d'un entrepreneur électricien, avec un homme par exemple, ne sont sûrement pas celles qu'affronte un entrepreneur électricien qui a 100 à 200 hommes et qui varient selon le nombre de contrats qu'il a à remplir.

Pour l'information de la commission, les entrepreneurs électriciens de la province de Québec se subdivisent comme suit: La très petite entreprise; 937 entrepreneurs; la petite: 755; l'entreprise moyenne: 192, et la très grande entreprise: 75. Ceci veut dire que, sur un total d'environ 2,000, il y en a 1,600, approximativement ou 1,700, pour être plus près du chiffre, qui sont classés dans la petite entreprise et la très petite entreprise.

Comme je le soulignais hier, nous avons cru, à la corporation, que diviser l'industrie en deux secteurs était une méthode pour pallier, si vous voulez, les difficultés de la négociation. Malheureusement, nos économistes nous ont démontré que la ligne de démarcation que nous avions faite entre nos secteurs, ou enfin, l'étude basée sur la ligne de démarcation n'était pas une

chose viable. Par contre, comme je vous l'ai dit, au point de vue de l'entreprise, il y a la très grosse, et il y en a beaucoup de petites et très petites.

Au point de vue de la main-d'oeuvre, on a essayé, dans l'étude, d'établir qu'il y avait deux marchés de main-d'oeuvre nettement distincts. Or, l'étude démontre qu'il n'y a pas deux marchés absolument distincts. C'est la raison pour laquelle l'idée des secteurs, à ce moment-ci, semblerait ne pas résoudre le problème de la table des négociations autant que les problèmes des entreprises elles-mêmes.

Par contre, on remarque — je me réfère au tableau 1-3, j'étais hier, à la page 12 du document des économistes — que la main-d'oeuvre qui passe d'une catégorie d'employeurs à une autre est variable, sauf dans le cas des très grosses entreprises, où l'on remarque un passage d'une classe d'employeurs à une autre, c'est-à-dire un mouvement de la main-d'oeuvre de 8 p.c. seulement dans la grosse entreprise et de 5.9 p.c. inversement, dans la petite entreprise. Ce que je veux dire, c'est qu'on voit une tendance dans la très grosse entreprise à ce que les employés y restent; il y a aussi une tendance, démontrée par l'étude, que dans la très petite entreprise les ouvriers y demeurent aussi. Comme je le disais tout à l'heure, les difficultés des négociations sont dues, selon nous, à ce problème.

Je passe tous les tableaux — on m'a demandé d'être bref et je serai bref, M. le ministre — pour en arriver à la conclusion générale de l'étude, que je me permets de lire. Je comprends que tout le monde sait lire, mais c'est pour que ce soit inscrit au journal des Débats, si vous me le permettez, cela ne sera pas long, je lirai la conclusion générale de l'étude des économistes, à la page 31. "Pour interpréter correctement nos résultats, il est nécessaire de les situer face aux objectifs poursuivis par la proposition d'établir des disparités intersectorielles. Par intersectorielles, on veut dire la création de deux sous-secteurs. Dans la mesure où la disparité proposé entre sous-secteurs ne visait qu'à reconnaître les profondes divergences entre les activités des électriciens, nos résultats révèlent, soit que ces divergences sont, du point de vue de la main-d'oeuvre, beaucoup moins importantes qu'on ne le croyait, soit que ces différences existent mais que les définitions des sous-secteurs sont trop imprécises ou trop arbitraires pour en refléter vraiment l'importance. "En d'autres termes, notre étude n'a pas démontré qu'il n'existait pas de sous-secteurs, de sous-marchés chez les électriciens, mais que les distinctions proposées ne correspondaient pas, présentement, à des marchés différents. "Un second objectif de la proposition de disparité intersectorielle était de constituer un premier pas vers l'établissement chez les électriciens, selon la nature de leur travail, de différen- ces dans la méthode d'embauche et le type de rémunération. Bref, la disparité voulait commencer d'institutionnaliser les divergences entre les activités des électriciens. "Sous ce rapport, nos conclusions nous portent à croire qu'il serait plus aisé de distinguer d'abord les marchés au moyen, par exemple, de cartes de compétence diversifiées pour ensuite en arriver à des disparités dans les niveaux et modes de rémunération. Ce, évidemment, dans la mesure où des recherches plus approfondies que les nôtres permettraient de distinguer de façon claire les frontières des sous-secteurs. "Ainsi, l'établissement de disparités intersectorielles de salaires en ce domaine pourrait peut-être se faire, sans affecter négativement l'efficacité de l'industrie, au bout de quelques années et à condition de circonscrire les deux sous-secteurs à l'aide d'autres mesures telle que: cartes de compétence différentes, stricte délimitation des tâches, etc. Bien que nous ne puissions pas nous prononcer sur ces derniers points, nous devons signaler qu'une telle entreprise comporterait des risques évidents de stériles conflits de juridiction et d'artificielles divisions du travail et exigera une étude de l'industrie beaucoup plus exhaustive que celles effectuées jusqu'à maintenant. "Enfin, la proposition de la Corporation des maîtres électriciens du Québec visait aussi, par le biais des disparités intersectorielles, à réduire les effets de l'établissement de la parité interrégionale des salaires. "De ce point de vue, on peut reformuler les effets de la proposition de la CME: a) Maintenant, en moyenne, les disparités actuelles entre Montréal et la province dans le sous-secteur résidentiel, elle protège des augmentations de coûts dues à la parité, la partie la plus évidemment "de consommation locale" de l'industrie: l'habitation, réduisant d'autant les effets négatifs qu'aurait la parité interrégionale sur l'emploi et /ou le niveau de vie. Et ce, d'autant plus que, pour certains grands travaux (très spécialisés) industriels, la parité est, dit-on, largement déjà réalisée. b) Elle accorde aussi une protection aux firmes qui seraient les plus affectées par la parité: les firmes locales, de petites dimensions, spécialisées dans la construction résidentielle et le service aux particuliers. "Toutefois, la solution de la corporation comporte une large mesure de parité interrégionale, ce qui est de nature à atténuer les effets que nous venons de mentionner, dans la mesure où les firmes non locales d'autres grands centres que Montréal, sont susceptibles d'oeuvrer hors de leur région d'origine. "Somme toute, vu: 1° Les mérites de la proposition de la corporation comme alternative à la parité intégrale des salaires entre régions;

2o L'existence certaine de divergences à l'intérieur du champ des activités des électriciens;

Nous sommes d'avis, s'il est plus rationnel d'établir immédiatement des disparités intersectorielles de salaire en ce domaine, la question ne peut être considéré comme close.

Plus précisément les disparités intersectorielles chez les électriciens ne sont qu'une facette d'un ensemble de différences possibles dans les conditions effectives de travail des électriciens, ensemble qu'il serait important d'étudier plus à fond avant d'accepter ou de rejeter l'idée d'une scission institutionnelle du domaine de l'électricité."

Alors, j'espère que c'est assez clair, on dit que...

M. le Président, j'ai de l'interférence à ma gauche.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a des courts-circuits là? Je pourrais en prendre note.

M. LEBON: Alors je veux souligner que les problèmes de la négociation sont dus à des problèmes; en fait, on manque de connaissance de l'industrie de la construction pour savoir exactement ce qu'on devrait faire et l'organisme que je représente suggère au gouvernement d'étudier plus à fond l'industrie de la construction, pour voir de quelle façon on pourrait régler ces problèmes et ainsi, peut-être, faciliter la négociation entre les parties.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez terminé? Il y a une question du député de Chicoutimi.

M. LEBON: Je suis prêt à répondre à la question du député.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous avez terminé?

M. LEBON: En ce qui concerne les secteurs, oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, je voudrais vous poser une question, M. Lebon. Vous nous avez dit, au début, que vous ne voyiez pas, vraiment, de secteurs distincts dans le domaine de la main-d'oeuvre. Par ailleurs, à la page 32, dans les pages jaunes, vous dites: "II serait important de distinguer les marchés, par exemple au moyen de cartes de compétence diversifiées pour ensuite en arriver à des disparités dans les niveaux et modes de rémunération." Pouvez-vous m'expliquer comment, ne considérant pas qu'il y a des secteurs distincts dans la main-d'oeuvre, vous faites une proposition pour qu'on établisse des cartes de compétence diversifiées?

M. LEBON: Si vous n'avez pas d'objection, je vais demander à M. Lacasse de répondre. C'est l'étude de M. Lacasse.

Marché de la main-d'oeuvre

M. LACASSE: Ce que nous avons considéré, c'était simplement la question suivante: jusqu'à aujourd'hui, les négociations se sont toujours poursuivies comme s'il n'existait qu'un seul marché de la main-d'oeuvre dans le secteur de l'électricité. Alors, on nous demandait d'établir s'il était utile de scinder cette industrie en deux. Nous avons adopté la position suivante: le fardeau de la preuve, à l'effet que ces deux secteurs existaient vraiment déjà et qu'établir des disparités de salaires ne ferait que reconnaître un changement.

Nos indices de mobilité de main-d'oeuvre, ainsi que les différents résultats quant à la spécialisation des entreprises, nous ont démontré qu'il était impossible de distinguer clairement les sous-secteurs avec les définitions qui étaient proposées.

En conséquence, ce que nous avons dit, c'était que, si on désirait de toute façon établir des sous-secteurs, il serait actuellement peu rationnel de procéder en commençant par établir des disparités de salaires et en laissant tout le reste tel que. Nous avons, en continuant le raisonnement, dit que, si on désirait vraiment établir des sous-secteurs, il ne faudrait peut-être pas commencer par les disparités de salaires, mais par d'autres facettes institutionnelles, comme des cartes de compétence institutionnelles, etc., toujours dans l'hypothèse où, comme on le mentionnait dans la conclusion, des études plus approfondies réussiraient à trouver des frontières entre les sous-secteurs, qui seraient plus fonctionnelles que celles qui nous avaient été proposées qui, à notre avis, ne sont pas opérationnelles.

Nous ne proposons pas l'établissement de cartes de compétence différentes. Nous disons simplement que, si on veut établir des secteurs, il faudrait peut-être commencer par là pour qu'ensuite se créent des marchés distincts de la main-doeuvre, si vraiment on tient aux sous-secteurs. C'est simplement une façon qui pourrait être adoptée de distinguer les sous-secteurs, si on trouvait que cela vaut le coup, de toute façon. Merci.

M. LE PRESIDENT: M. Lacasse, lorsque, hier, vous avez parlé des effets de la disparité, j'ai pris note que vous aviez affirmé ceci: La partie n'était pas compatible avec les politiques avancées par le gouvernement. Est-ce que j'ai pris bonne note?

M. LACASSE: Disons que vous avez pris bonne note. Je tiens à spécifier "les politiques", c'est un peu large.

M. LE PRESIDENT: La politique.

M. LACASSE: Ce que je voulais dire ici, c'est que l'établissement de la parité dans l'industrie de la construction n'était pas compatible avec l'ensemble des politiques gouvernementales visant à réduire les disparités de revenus entre les régions. Mon affirmation se limitait à ces politiques.

M. LE PRESIDENT: Elle ne s'appuie pas sur des politiques factuelles? Par exemple, lorsqu'on pense à l'Hydro-Québec, au hôpitaux, aux enseignants?

M. LACASSE: Quand je me référais à ça, je pensais aux politiques qui ont été faites spécifiquement pour réduire les disparités de revenus, c est-à-dire les encouragements tant du gouvernement québécois que canadien à l'implantation des entreprises dans les régions périphériques, les politiques de mobilité de main-d'oeuvre...

M. LE PRESIDENT: D'incitation monétaire.

M. LACASSE: D'incitation monétaire aux entreprises ou aux employés à se déplacer. Je me référais à cet ensemble très restreint de politiques et aucunement à la politique salariale. Merci.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions?

Commission d'enquête

M. HARDY: M. Lebon, vous avez, tout à l'heure, émis l'opinion que les difficultés de la négociation étaient dues à un manque de connaissance des réalités du domaine de la construction. C'est bien ça? Vous avez également suggéré au gouvernement d'étudier en profondeur tout ce domaine. Est-ce que vous iriez jusqu'à proposer la création d'une commission royale d'enquête sur le problème de la construction dans la province de Québec?

M. LEBON: C'est une excellente question. Si j'étais député, peut-être que je pourrais répondre, mais je pense qu'il appartient au gouvernement de voir...

M. HARDY: De décider, mais...

M. LEBON: ... l'ampleur du problème et décider si on doit oui ou non créer une commission d'enquête.

M. HARDY: Mais vous ne faites pas de propositions...

M. LEBON: Je pense qu'une étude technique de l'industrie de la construction serait suffisante, une étude vraiment technique, au lieu de laisser ça aller comme on l'a toujours fait. Comme moyen, nous, nous avons parlé de plusieurs cartes de compétence; peut-être qu'il y a lieu d'établir des conditions de travail différentes, autres que salariales, pour la petite construction relativement à la grosse. Peut-être qu'il y a plus de deux secteurs, qu'il y en a trois ou quatre. On ne le sait pas, on n'a pas eu le temps d'étudier à fond le problème. La seule chose qu'on sait, c'est qu'il n'y en a pas deux, tel que nous l'avons défini. Par conséquent, nous soulignons que le problème demeure entier, parce que la très petite construction et la très grosse construction n'ont rien en commun, pas plus que le constructeur de route n'en a avec l'électricien.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lebon, est-ce que, d'une façon générale, le problème de rattrapage dont vous parlez — qui se pose, d'ailleurs, dans les autres types d'industries qui sont représentées ici par les patrons — est-ce que tout ça ne vient pas précisément de ce que vous avez dit, à savoir que ce qu'on a voulu réunir dans l'industrie de la construction sont des réalités, des entités qui ne sont pas de même nature et n'étaient pas faites pour vivre ensemble? Et la proposition qu'a évoquée mon collègue de Terrebonne, la création d'une commission — supprimons le mot "royale" — d'enquête ou une grande étude technique sur le problème des métiers de la construction en général, ce ne serait pas le premier élément de base d'une restructuration de toute cette législation qui porte sur les métiers de la construction.

En effet, si j'ai bonne mémoire, au cours des auditions antérieures à celles d'hier et d'avant-hier, on nous avait dit, à ce moment-là, lorsque nous avons siégé pour l'examen du projet de loi 38, qu'on avait forcé la main des gens afin qu'ils s'unissent dans cette sorte de cartel des métiers de la construction. Alors, est-ce que vous ne seriez pas prêt à proposer au gouvernement de revoir tout ce problème-là à la lumière de ce que vous avez dit?

Amendement au bill 290

M. LEBON: Disons que le ministre du Travail nous a invités, les gens de chacune des parties, à faire valoir notre point de vue pour, éventuellement, en arriver peut-être à un amendement à la loi 290. Est-ce que cela répond un peu à votre question?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est-à-dire que vous me faites la suggestion qui a été faite par un autre mais, vous, qu'est-ce que...

M. LEBON: La corporation prétend que l'on devrait étudier à fond l'industrie de la construction de A à Z pour voir ce qu'on peut en faire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, est-ce

que vous admettriez qu'il y a une sorte de vice inhérent à la loi 290 en ce qui concerne...

M. LEBON: Je pense qu'il y a un vice...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... la nature des entreprises qui sont liées les unes aux autres?

M. LEBON: L'industrie de la construction est très complexe et c'est pour cela que tout le problème peut être, en fait, difficilement résolu. Il faudrait, selon notre proposition, qu'on étudie l'industrie de la construction avant de statuer ou faire peut-être des amendements secondaires à la loi 290, ce qui ne règlerait pas le fond du problème.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, ça revient en somme à ceci: II faut procéder en deux temps. Régler d'abord le problème pratique des négociations qui fait l'objet des délibérations de cette commission et, ensuite, en un second temps, suggérer, soit des amendements à la loi 290 ou une refonte de cette loi à la lumière de l'étude qu'il faudrait entreprendre pour savoir exactement si on n'a pas mêlé, disons, des oranges et des pommes dans cette association de patrons.

M. LEBON: Oui, le problème est entier. Vous avez raison au tant du côté patronal, je pense, que du côté syndical.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si je vous pose cette question, M. Lebon, c'est qu'il va nous falloir en venir à des solutions pratiques. Là, nous entendons des mémoires, nous entendons vos points de vue, mais la commission parlementaire ne tranchera pas le débat. C'est le gouvernement, en définitive, qui va devoir le trancher, en ce qui concerne l'application, l'exécution de la loi 38. Il ne faut pas seulement nous en tenir à l'exécution de la loi 38, mais aller plus avant et faire la projection en vue d'éviter qu'en 1973, après l'expiration du décret qui aura valeur de loi, en somme, nous ne nous retrouvions pas dans la même situation que celle qui a provoqué le conflit actuel et les séances de cette commission.

M. LEBON: Je pense, M. le Président, que les parties, tant patronale que syndicale, sont sensibilisées à ce problème-là, et nous aurons trois ans pour essayer nous-mêmes de mettre un peu d'ordre dans nos affaires. C'est sûr. Nous n'aimons pas particulièrement que ce soit l'Etat qui tranche nos problèmes. C'est sûr que nous aimerions mieux nous entendre seuls. C'est ce que nous avons toujours souhaité. Je suis d'accord avec vous qu'il ne faudrait pas nous retrouver en 1973 dans les mêmes conditions.

M. LAPORTE: C'est pour cette raison que, au-delà des remarques que chacun nous fait maintenant sur le problème 1970 — et je crois que chacun admettra que nous soyons justifiés de dire que ce problème va se régler selon les normes actuellement en vigueur, cela, je pense que c'est important — j'ai demandé à chacune des parties qui a accepté de le faire de nous proposer des amendements de nature à rendre la négociation plus fructueuse à l'avenir.

Il est bien évident qu 'il y a un vice de forme quelque part. Comment doit-on trouver la solution? Nous avons évidemment au ministère certaines idées à ce propos. Mais comme les intéressés sont devant nous, nous serons intéressés, après cela, à ce qu'ils nous disent: Si c'était nous qui réglions le problème, voici ce que nous ferions. Je crois que c'est intéressant. Mais cela, c'est une phase ultérieure.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ce que j'expliquais, M. le Ministre, lorsque je parlais des deux temps...

M. LAPORTE: Oui, c'est ça.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... pour régler le problème actuel et, d'autre part, prévoir aussi afin que nous ne nous retrouvions pas dans la même situation après l'expiration du décret que le lieutenant-gouverneur en conseil passera et appliquera.

M. LAPORTE: Bien. Aussi étonnant que cela puisse paraître, nous sommes d'accord.

M. LACROIX: Le député de Chicoutimi le déplore.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est-à-dire que le député de Chicoutimi se prépare à une autre attaque.

M. CADIEUX: Est-ce que c'est à la chefferie, cette attaque-là?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'admire que le député de Beauharnois exprime tout haut sa pensée et ses volontés et ses désirs.

M. LAPORTE: M. Lebon pourrait reprendre la parole!

M. LEBON: Est-ce que l'on peut me la redonner, M. le Président?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le bon chemin!

M. LE PRESIDENT: N'utilisons pas la commission parlementaire, comme tribune politique, s'il vous plaît, messieurs!

M. LEBON: Alors, M. le Président, étant donné que j'ai pris beaucoup de temps, enfin, la

corporation a pris beaucoup de temps avec notre économiste, je n'ai pas l'intention de traiter des 50 clauses une à une, ni même des cinq principales clauses qui ont été soulignées par le ministre du Travail, à savoir: l'ancienneté, le contremaître, les droits acquis, le temps et les frais de déplacement. Ces clauses seront sûrement traités par d'autres parties patronales et principalement par la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie avec laquelle nous avons présenté un mémoire conjoint, c'est-à-dire des positions conjointes sur ces clauses.

Travaux de service

M. LEBON: Je laisserai donc à Me Morin le soin de traiter de ces clauses, pour ne pas accaparer le micro trop longtemps. Par contre, en terminant, j'aimerais quand même souligner, même s'il en a été question assez souvent, le problème pour l'industrie électrique, des travaux de service, je ne parle pas d'entretien, mais bien de travaux de service. Nous demandons dans notre proposition qu'il y ait des exceptions pour les entrepreneurs effectuant des travaux de service. Par exemple, lorsque l'on parle des deux semaines de congés des électriciens pour effectuer des travaux de service moyennant qu'il leur garantisse une semaine de 40 heures, ou que, s'il les appelle pendant leurs vacances, qu'ils soient rémunérés à temps double.

Tout cela pour essayer de répondre aux exigences du consommateur. Si on pense, par exemple, qu'en pleine période des fêtes, entre Noël et le jour de l'An, un tuyau crève — si on parle de plomberie — et que le tout gèle, c'est sûr qu'il faut qu'il y ait des ouvriers disponibles qui puissent travailler pendant les semaines de vacances, même s'il y a vacances officielles.

Nous voulons dire que, pour les travaux de service, en ce qui concerne les électriciens, il est important qu'on retienne certains particularismes, étant donné, justement, que nous croyions avoir réglé ce problème avec nos secteurs et que nos secteurs sont fichus. Alors, nous disons: Pour le moins, en attendant, qu'on tienne compte de ces particularismes.

De la même façon, nous voyons mal qu'on applique, dans le service, des limites journalières de huit heures. Je donne un exemple. Vous appelez chez vous un électricien à trois heures de l'après-midi parce qu'il y a une défectuosité quelconque. S'il fallait qu'à cinq heures il laisse tomber ses outils et qu'il s'en aille, alors qu'il n'y a pas d'électricité dans la maison, je pense que cela serait inacceptable. D'autre part, c'est aussi difficile de demander au client de payer temps et demi parce qu'il reste, par exemple, une demi-heure ou une heure de travail, quand on sait que cela peut être urgent.

Ce que nous suggérons, c'est que l'électricien soit sujet à la limite hebdomadaire de quarante heures, mais pas à la limite journalière de huit heures. Cela lui permettrait comme nous l'avons dit, de fournir au consommateur un service normal. Autrement, si on applique les conditions rigides de l'industrie de la grosse construction aux services, on privera le consommateur de services dont il a besoin.

Je pense, M. le Président, à moins qu'il n'y ait des questions, que cela complète l'exposé de la corporation, évidemment, en tenant compte que nous avons produit une volumineux plaidoyer sur chacune des cinquante clauses. S'il y avait des questions sur n'importe quelle des clauses, nous sommes prêts à y répondre.

M. LE PRESIDENT: Les membres de la commission ont-ils des questions à poser? Pas de questions? Alors, nous vous remercions, M. Lebon, de ce long travail que vous avez accompli avec beaucoup de patience et de sérénité. Nous invitons le suivant à venir nous faire son exposé, c'est-à-dire l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec.

Contructeurs d'habitations

M. LEFEBVRE: M. le Président, tel que convenu hier, j'ai cédé ma place à l'Association des constructeurs de routes pour prendre la relève en deuxième place, vu que je n'avais pas d'inconvénient à passer le deuxième, le cinquième ou le sixième.

Je représente l'Association des constructeurs d'habitations du Québec. Mon nom est Claude Lefebvre. L'Association des constructeurs d'habitations groupait, la semaine dernière, 1,571 membres, entrepreneurs et sous-entrepreneurs, qui oeuvrent spécialement dans le marché de l'habitation et du logement. Ce marché a une ampleur économique, selon les statistiques du Québec, d'environ $450 millions par année. Ces $450 millions, si on applique le facteur de pondération de 37.5 p.c. pour la main-d'oeuvre, représente une masse salariale de $170 millions. Cette masse salariale, si on la divise par le salaire moyen des ouvriers de la construction, nous donne 45 millions d'heures, soit le plein emploi pour 25,000 travailleurs.

Si vous prenez les faits qui existent où nous avons trop de travailleurs de la construction, peut être le demi-emploi pour 50,000 travailleurs. Vous voyez donc, messieurs, que c'est un marché économiquement important.

Mais l'habitation est également un marché socialement plus important. L'habitation et le logement, c'est un élément essentiel au niveau de vie minimum. C'est un besoin primaire de l'individu au même titre que l'alimentation, l'hygiène, l'instruction, l'habillement. Sauf quelques rares exceptions d'intervention directe de l'Etat, comme dans les maisons de vieillards, les foyers d'hébergement, l'assistance-loyer — comme on le constate à la Petite Bourgogne — c'est un bien de consommation où l'Etat n'intervient qu'indirectement, en favorisant des

prêts et en dirigeant un peu l'économie. Si on donne par exemple de l'argent à consommer dans ce milieu-là, on le donnera à l'automne pour promouvoir la construction en hiver, qui est habituellement une période de chômage. Mais, sauf ces exceptions, c'est un bien de consommation qui est payé directement par le consommateur, par le consommateur de sa région, ce qui n'est pas le cas dans les questions de routes, d'hôpitaux, d'écoles où, par subventions du gouvernement, on divise le fardeau par rapport à la population.

Dans l'habitation, ce n'est pas le cas. Le consommateur de la région doit payer lui-même son loyer. Sans être économiste je sais que, dès les premiers cours de préparation au mariage, on nous enseigne que le loyer coûte de 20 p. c. à 25 p. c. du budget. On ne nous donne pas de cours d'économique, mais on dit: Ne prenez jamais un loyer qui dépasse 25 p. c. de votre revenu et tentez d'obtenir 20 p. c. C'est la moyenne.

Nous trouvons dans le marché de la construction des disparités salariales interrégionales, mais nous y trouvons aussi des disparités plus grandes au niveau du logement que l'on offre à la population. Et cela, messieurs, vous avez dû vous en rendre compte. Vous avez même adopté des lois pour changer ces disparités.

Dans notre étude, l'aspect le plus important, je crois, concerne le salaire. Nous ne vous avons pas fourni de théorie économique sur la parité ou la disparité. Je pense d'ailleurs qu'à ce stade-ci nous n'avons pas à être en faveur d'une parité ou d'une disparité. Nous nous contentons de constater les faits et d'essayer de répondre à une demande syndicale dans les limites des moyens des consommateurs. Je me limiterais donc à vous fournir des faits. Des faits que vous aurez à juger. Au lieu d'agir en économiste, je vais vous demander d'agir, vous, comme des économistes. C'est-à-dire d'être des observateurs impartiaux de ce qui se passe au tour de vous. Et c'est là, je crois, la première qualité d'un économiste. On vous demande également d'être arbitres, arbitres de notre litige. Par une loi, on vous jette tout d'un coup dans un domaine que, probablement, il y a six mois, vous connaissiez de loin.

Vous devez donc considérer qu'avant de me présenter ici j'ai dû faire un acte de foi très sérieux et un acte d'espérance, aussi.

M. PAUL: Un acte de charité.

M. LE PRESIDENT: Nous, nous faisons l'acte de charité.

M. LEFEBVRE: Nous allons vous laisser ce plaisir.

M. CADIEUX: Vous devriez faire votre acte de contrition, cela serait peut-être mieux.

Disparités salariales

M. LEFEBVRE: Je vous renvoie à notre étude, qui n'est malheureusement pas paginée, à la première partie, qui est intitulée "L'ajustement des disparités salariales". Vous voyez qu'au cours de l'année 1969 le marché du bâtiment a encaissé une baisse appréciable, de l'ordre de 9 p.c. De $1,066,000,000, nous sommes tombés à $920,000,000. Pendant ce temps, en Ontario, de $2,151,000,000, on passe à $2,300,000,000. Pendant que, nous, nous diminuons notre marché de $150 millions, l'Ontario, elle, augmente de $150 millions.

Ce qui fait à la fin de l'année, qu'en Ontario on construit deux fois et demie plus qu'ici. Je n'ai pas à expliquer cette chose-là. Est-ce que ça dépend du salaire, est-ce que ça dépend des prêts? Je peux vous donner 50 opinions ou 50 raisons qui pourraient toutes être valables, et les vôtres le seraient autant. Il reste un fait, c'est que notre marché, en 1969, était à la baisse et cela a entraîné, chez nous, du chômage.

Nous notons que, dans cette image de la construction au Québec, la région de Montréal a été spécialement affectée. Si vous consultez les statistiques publiées par le ministère de l'Industrie et du Commerce du Québec, à la page 41, tableau 70, vous voyez que la région de Montréal a principalement souffert de cet état de choses.

Nous pouvons donc dire que la demande des consommateurs, en 1969, a été de 9 p.c. à 10 p.c. moins grande. Demande qui a été conditionnée par le prix des matériaux, par les salaires, par le taux des intérêts, par l'approvisionnement en argent, par les politiques gouvernementales, tant fédérales que provinciales, et par les apports de capitaux des étrangers, selon la condition socio-politique du Québec.

Regardons brièvement le coût des différentes composantes de la construction. De 1957 à 1969, les matériaux sont passés de l'indice 100, si nous prenons l'année 1961 comme barème à 100 p.c, à 140, en 1969. Les salaires qui, eux, étaient nettement en retard en 1957, soit 79.9, se retrouvent, en 1969, à 164. Le loyer, pour les gens qui désirent louer, passe de 96.3 à 116, alors que le coût du propriétaire occupant, lui, passe de 88 à 148. La variation du prix à la consommation passe de 93.3 à 125. On peut conclure qu'au Canada les salaires ont augmenté plus vite que les matériaux. Je dois vous dire que ces statistiques relèvent du Canada, je n'en avais pas pour la province de Québec. L'indice des salaires de la construction augmente plus vite que la coût de la vie. L'indice du loyer demeure cependant inférieur, au Canada, à l'indice des prix à la consommation. Mais, pour le propriétaire occupant, il y a une nette démarcation défavorable pour lui. Ce qui nous laisse supposer que de plus en plus les gens voudront devenir des locataires ou demeureront des locataires plutôt que de devenir propriétai-

res, parce qu'il leur en coûtera moins. Par voie de conséquence, les gens voudront de moins en moins investir dans le logement à loyer, parce que le logement ne sera pas rentable pour eux. Vous avez, dans les pages qui suivent, des tableaux statistiques que je n'ai pas à vous commenter.

Autre constatation de ce milieu : le travailleur de la construction est le mieux payé de l'industrie. Si vous prenez les travailleurs du papier et des industries connexes, le salaire moyen est de $3.20; dans les industries chimiques, de $2.81; dans les métaux, de $3.19 et dans la construction du bâtiment, de $3.73.

Le salaire hebdomadaire de l'ouvrier de la construction est également supérieur. Il y a du chômage saisonnier, mais pas autant qu'on le pense. Les statistiques du Québec vous le montrent mois par mois. Nous avons un salaire de $139.39 par semaine comme moyenne. Dans les autres industries, c'est de $134, avec un minimum de $113 dans l'industrie chimique. Ces statistiques sont publiées par le Bureau de la statistique du Québec, dans son édition de juin 1970, aux pages 11 et 12. J'ai inclus dans mon mémoire deux photocopies de ces statistiques.

Nous constatons interrégionalement des disparités salariales. On devrait normalement s'attendre, si la compétence des salariés est la même et si la compétence des employeurs est la même, que le coût final soit inférieur pour les régions les moins favorisées au point de vue salarial. Ce n'est pas le cas.

La compétence est un facteur objectif, je pense, pour déterminer un salaire. Si on a de la compétence et de la productivité, on devrait avoir une production plus ou moins accrue selon cette compétence du salarié et de l'employeur. Mais cette productivité varie d'une région à l'autre, et d'une façon très surprenante. Nous précisons que la disparité dans la productivité n'est pas seulement causée par les salariés, mais que les employeurs en sont souvent responsables.

Si la compétence du travailleur est un facteur de productivité, il faut également considérer que plusieurs autres facteurs dépendent de la gestion de l'employeur et du marché régional, tels que les méthodes de construction, l'emploi de procédés nouveaux, le degré de mécanisation dans l'outillage, l'utilisation plus ou moins forte de la préfabrication, la construction en série, la surveillance, la motivation des salariés, la réduction des temps improductifs. Autant de facteurs qu'on ne peut pas analyser précisément en termes de chiffres, mais qui sont très importants dans le calcul d'une productivité.

Nous avons donc calculé le salaire moyen d'un ouvrier de la construction dans chacune des régions afin que vous puissiez avoir une idée approximative du salaire de ce gars-là. Nous avons pris les facteurs de pondération que le gouvernement fédéral nous donne dans ses statistiques. Pour calculer le salaire moyen d'un ouvrier de la construction; on additionne 46 manoeuvres, 30 menuisiers, 7 peintres, 5 plombiers, 5 électriciens, 3 maçons, 2 ferblantiers et 2 chauffeurs de camion. On met tout ça ensemble, on divise par cent et ça nous donne le salaire. Comme conséquence, on se rend compte que le salaire du menuisier est toujours très près du salaire moyen de la construction. Nous pouvons quasiment se servir du salaire du charpentier-menuisier comme norme dans toutes nos études.

A Montréal, vous avez un salaire de $4.60 l'heure; Trois-Rivières, $4.25; Québec, $4.19; Hull, $4.16; Chicoutimi, $4.03; Sherbrooke, $3.75; Drummond, $3.35. Vous avez, dans une colonne à côté, la moyenne de salaire, si on prend Montréal comme barème à 100 p.c. Nous trouvons la région de Drummond à 72.8 p.c. du salaire de Montréal. Nous avons également analyse le prix de la construction dans le domaine domiciliaire. Les seules statistiques que nous avons pour nous guider dans cette recherche sont basées sur la maison unifamiliale, communément appelée bungalow. Evidemment, c'est beaucoup plus facile, parce qu'on peut, à ce moment-là, calculer au nombre de pieds carrés. Nous connaissons le prix des terrains, nous connaissons le prix moyen de la maison dans les grands centres urbains. On peut donc arriver à un coût moyen au pied carré pour une région bien précise.

Les acheteurs de maisons se rendront compte que ces chiffres reflètent la réalité. Si vous venez à Québec, vous vous rendrez compte que la maison vous coûte plus cher qu'une même maison à Montréal ou dans un autre secteur.

Coût d'une maison

M. LEFEBVRE: Dans la région de Montréal, une maison d'habitation de type bungalow coûte $13.21 le pied carré. Dans la région d'Ottawa, elle coûte $14.11. Dans la région de Québec, $14.55. Dans la région de Trois-Rivières, $13.36. Là, vous devez multiplier environ par 1,000 puisqu'un bungalow mesure environ 1,000 pieds carrés. Cela va varier de 990 à 1,000 ou 1,100 pieds pour le bungalow moyen. Et pourtant, dans les régions comme Québec, Ottawa-Hull, Chicoutimi-Jonquière, les salaires payés aux gens de la construction sont inférieurs aux salaires de Montréal. Il faut donc déduire que la productivité n'est pas la même. Ceci est dû, encore une fois, à la construction en série, aux méthodes d'opération, au coût des matériaux. Il y a une variabilité dans la productivité, et je ne voudrais pas encore une fois vous laisser sous l'impression que nous attribuons cette différence strictement aux salariés. Il y a trop de facteurs autres que celui-là pour attri-

buer ces changements simplement à un seul facteur.

Si vous prenez le coefficient de pondération moyen de 37.5, vous pouvez également trouver le prix de la main-d'oeuvre pour un pied carré de construction de bungalow. Si nous prenons 37.5 vous avez, dans la dernière colonne de droite qui est intitulée la disparité des coûts de construction, des coûts variant de $4.95 à $5.46 le pied carré strictement pour la main-d'oeuvre. Remarquez que ces 37.5, nous les acceptons aisément; ils correspondent à une réalité. Sauf que, dans la région de Montréal, 37.5 sont probablement un peu forts et dans les autres régions un peu faibles. C'est une moyenne. Vous savez par expérience que la composante en main-d'oeuvre est plus forte en province qu'à Montréal, parce que l'utilisation de la préfabrication et la construction en série y sont moins fortes.

Nous avons cherché un indice de disparité dans productivité en tâchant de trouver combien d'heures-hommes sont nécessaires pour construire un pied carré de bungalow. Vous avez dans l'autre page des facteurs variant de 1.077 à 1.407, et ce coefficient heure-pied carré est inversement proportionnel à la productivité. C'est un indice très imparfait, mais qui colle quand même à une réalité. Sachant combien me coûte un pied carré de maison, j'en prends la proportion de main-d'oeuvre et je divise par le salaire moyen pour aboutir à un nombre d'heures-pied carré.

C'est d'ailleurs une méthode de calcul de nos soumissions. Nous voyons que cet indice colle très bien, dans la majorité des cas, à l'indice des salaires. Donc, si on prenait strictement cet indice de productivité ou de production — et c'est un des nombreux indices — on ne parlerait pas aujourd'hui de parité ou de tentative de rechercher la parité. On dirait tout simplement: On divise mécaniquement puis on donne le salaire. Or, ce n'est pas ça, des négociations. Il faut quand même se rendre compte qu'il y a une force syndicale, qu'il y a une force patronale de l'autre côté, qu'il y a des demandes, qu'il y a des philosophies différentes, qu'il y a des interventions gouvernementales puis qu'il y a un paquet de facteurs qui peuvent servir de redressement.

Si, demain, les méthodes dans la région de Québec changent — et elles sont en train de changer à cause du plus grand volume de construction — il est normal de s'attendre que ça va occasionner une diminution dans le coût. Comme on l'a souligné dans le rapport de M. Loranger, si le taux d'intérêt baisse, bien ça va baisser, ça va diminuer. Puis je regardais son petit calcul à la fin, le prix est plus élevé de 9 p.c. à 10 p.c. puis il me dit qu'il n'y a presque pas de différence dans le loyer. Un pas de plus il se rendait à 8 p.c. puis je donnais une augmentation de salaire aux employés et j'en arrivais à une diminution de loyer. C'est vrai ça, si je joue avec tous les chiffres.

Présentement, nous ferons une étude statique, strictement de l'influence du coût des salaires. Nous croyons que pour tendre vers une parité — je ne la promets pas — pour diminuer ces grands écarts qui existent, on constate... C'est cela que les syndicats nous demandent de faire: Faites-les disparaître. Ils nous disent: Faites-les disparaître en trois ans! On examinera ce que cela coûte. Et vous aurez à juger si les gens que vous représentez sont capables de les payer.

Parce que le constructeur d'habitations, comme le constructeur de routes, ce n'est pas lui qui paiera cela de sa poche. C'est Jos Bleau qui le paiera. Alors, toute augmentation de salaires — si on ne veut pas qu'elle ait un effet néfaste — doit être compensée par des augmentations de productivité, par une compétence accrue des employeurs, par une compétence accrue des salariés. Il faut également que, dans les autres secteurs de l'industrie, on recherche également une disparition de ces grands écarts de salaires. Parce que, autrement, l'augmentation de salaires de la construction, par qui sera-t-elle payée? Par les travailleurs des autres secteurs. L'enrichissement de l'un résultant de l'appauvrissement de l'autre.

Mais, si les autres industries peuvent se permettre par la négociation sectorielle, ou autrement, des ajustements de salaires, eh bien, le pouvoir de consommation de mon acheteur sera d'autant augmenté. Et la différence de loyer, ou de coût, pourra plus facilement être absorbée. Il faut prévoir que cette recherche que nous avons vers la parité, ou vers une disparité moins grande, doit se faire par étapes afin que nous puissions vérifier si les facteurs de redressement qui doivent accompagner cette recherche s'opèrent tellement, véritablement.

Est-ce que, en ayant donné des augmentations de salaires, j'ai obtenu une meilleure productivité, pour une meilleure motivation du salarié, en obligeant l'employeur à raffiner ses moyens de production? Est-ce que le gouvernement, ou ceux qui s'occupent des prêts ont constaté qu'en baissant les coûts d'intérêt on pouvait également baisser les coûts de revient en loyer? Mais si on continue à faire ce qu'on a fait dans le passé, passé le taux d'intérêt de 7 1/8 p. c. à 10 p. c, si un autre gouvernement vient nous imposer une nouvelle taxe de 11 p. c. en nous promettant $500 de rabais pour les travaux d'hiver, qu'on l'enlève au bout de 3 ans et qu'on oublie d'enlever les 11 p. c, et si le coût des terrains continue à augmenter, si les fournisseurs de matériaux disent: Nous aussi, nous ne sommes pas fous. Nous allons augmenter, eh bien, à la fin,il ne faudrait pas s'attendre à avoir des logements à prix modique.

Donc, nous devons procéder selon un échéancier qui nous donne l'occasion de vérifier si le rattrapage que nous faisons est économiquement acceptable. Si Jos. Bleau est capable de payer.

Offres salariales

M. LEFEBVRE: Nous avons, dans les pages suivantes, donné une proposition. Il ne s'agit pas de la proposition initiale de notre association, il s'agit de notre dernière position quant aux offres salariales. Une position que nous vous formulons, après avoir mûrement réfléchi aux demandes syndicales, après avoir rencontré les conciliateurs, M. le ministre, les autres parties patronales et après avoir étudié sérieusement ces demandes avec l'exécutif entier de notre association. Je dois vous dire que, dès le départ, il y eût de grands cris, que la proposition que vous trouvez devant vous n'a pas été acceptée de gaieté de coeur dès le premier jour.

On a tenté de faire face à la réalité et de rechercher un règlement. Il ne faudrait donc pas penser que la proposition que nous vous faisons, ici, est une proposition minimum qui vous permettra tout à l'heure de trancher par la moitié. Je vous ai dit tout à l'heure que j'avais fait un acte de foi en me présentant devant vous. Eh bien, je l'ai fait drôlement, puisque j'ai donné la meilleure position où on pouvait aller. Et je vous expliquerai comment nous faisons notre offre.

Tout d'abord, l'an passé, nous avions convenu de faire disparaître les zones. Québec se divisait en trois zones, avec des écarts de salaires; Hull se divisait également en deux zones; les Laurentides en deux zones; Rimouski en trois zones. Tout le monde avait convenu que nous faisions disparaître les zones. Bien, faire disparaître les zones, c'est facile, demain matin, il n'y a plus de zones. C'est tout.

Mais les salaires, eux. S'il n'y a plus de zones, il n'y a plus de raison d'avoir des différences interzones de salaires. Il y a des drôles de différences de salaires interzones. Vous comprenez que lorsque vous allez faire avaler au gars de Maniwaki le salaire de Hull, vous êtes mieux de ne pas passer là durant le temps de la chasse.

Il y a également une autre chose. Nous avions décidé de donner 8 p.c. de vacances. Dans des régions, on trouvait 5 p.c, dans d'autres 6 p.c, dans d'autres 7 p.c. Nous avons pensé ensemble à une sécurité sociale augmentée. Dans certaines régions, l'employeur ne contribuait en rien à la sécurité sociale, c'était absolument inexistant, et, aujourd'hui, nous proposons $0.15.

Alors, notre premier mouvement fut de dire: II faut tenter d'uniformiser ça. On va commencer par les points les plus importants. Dans le bill 38, vous avez dit que, cette année, vous donniez $0.30 d'augmentation. Nous avons dit: D'accord, on va continuer, on va faire un premier rattrapage. On va mettre tout le monde à 8 p.c. de vacances, pour que l'ouvrier de la construction ait la parité au point de vue des vacances. Cela coûte des sous. On va calculer ce que ça coûte par région pour un corps de métiers donné.

On a dit: Maintenant, on va calculer les $0.15 de sécurité sociale afin qu'au 1er janvier 1971 tous les salariés de la construction puissent jouir d'un régime unique à travers le Québec. Présentement, ça devient dégueulasse. Le bonhomme qui part de Chicoutimi et qui s'en vient à Montréal ne pourra pas bénéficier du même système de sécurité sociale. H ne pourra pas se qualifier dans les deux cas. Il faut faire un régime unique avec une contribution unique.

Il y a aussi des ajustements de salaires dus à des compressions de métiers. On avait je ne sais combien de centaines de métiers différents, où on pouvait trouver 16 définitions différentes pour un même métier. Des chauffeurs de camions à deux roues arrière, à quatre roues arrière; avec un essieu, avec deux essieux; avec bascule, sans bascule; avec benne, sans benne, etc.

Selon la région, selon les négociateurs régionaux, on trouvait des différences de $0.05, $0.10, $0.15, selon que le métier était à la mode dans le coin ou non. Quand on va comprimer ça avec le rapport Dion, c'est évident, que je ne pense pas qu'on négocie à la baisse, dans la même région. Je ne pense pas que, si on prend trois métiers et qu'on n'en fait qu'un avec ça, on va prendre le salaire du plus bas, et on va dire: C'est celui-là.

Les conciliateurs qui ont fait de la consultation nous disent que ce facteur de compression va aller chercher de $0.05 à $0.20 de rattrapage. Il faut que cela aussi se paie. Je ne peux pas tout d'un coup tout lancer ça là-dedans et dire: Cela n'aura pas d'effet au bout.

Durant la première année, nous proposons au syndicat d'accepter immédiatement les $0.30 — qu'on le veuille ou non, c'est déjà fait — et, en un deuxième temps, 8 p.c. de vacances, la sécurité sociale, le rattrapage interzones et le rattrapage de compression des métiers.

Vous avez trois feuilles qui vous donnent le coût dans les différentes régions. Il est bien évident que, durant cette première année, les grandes régions ne seront pas affectées. La zone de Québec 3 est affectée, mais Québec moins. La zone de Hull 2 est affectée, mais Hull moins. Mais si vous voulez qu'on fasse du rattrapage, il faut quand même que celui qu'on essaie de rattraper reste immobile pendant un petit bout de temps, parce que, s'il court et que l'autre court après, on ne se rejoindra jamais. C'est aussi simple que ça. Il faut faire un temps de rattrapage. Il faut en immobiliser quelques-uns et permettre aux autres de venir les rejoindre. Les autres, ce sont les régions éloignées, c'est Rimouski 3, Rimouski 2; Hull 2; les Laurentides 2; il faut les laisser venir rejoindre les autres et on partira ensuite ensemble vers un rattrapage progressif.

Il reste, à la suite de cela, deux ans à la convention. Vous savez que, la deuxième année,

nous absorberons encore une fois une augmentation de $0,20 et, durant la troisième année, une augmentation de $0.25, pour donner un total d'augmentations de salaires de $0.75. On vous parle de parité et de ce que ça coûte. Il n'y a pas que la parité qui va coûter de l'argent. Les $0.75 aussi vont coûter de l'argent. On se dit, à ce moment-là: L'écart des salaires qui existe au début, cette disparité, on vous a parlé d'échéancier, nous avons regardé la proposition des conciliateurs et nous avons dit: Si, après ce premier rattrapage de facteurs interzones, etc. on commençait, durant la deuxième année, à parler de rattrapage. Sur une base de 20 p.c par année, je vous le dis tout de suite, on ne garantit pas qu'on s'en va vers la parité.

On vous dit tout simplement qu'à la fin de la présente convention il y aura eu une parité au point de vue des vacances, une parité de sécurité sociale, une parité dans les métiers, au sein d'une même région, et qu'il y aura une disparité de 45 p.c. moindre. Nous serons à 40 p.c. plus près de la parité. Vous allez me dire: Pourquoi 40 p.c, pourquoi pas 45 p.c? Pour vous permettre de juger, nous avons fait des calculs. Alors, vous avez, dans ces trois pages, les augmentations que cela donne.

Pour un peintre, ça passe de $0.85 à $1.44, dans la région des Laurentides 2; $1.44 l'heure. Si vous mettez un gars à environ 1800 heures par année, vous savez à peu près ce que ça donne comme augmentation. Pour un brique-teur, ça part également de $0.85 à $1.57 maximum, dans la zone de Rimouski 3. Pour un manoeuvre, ça part de $0.84 et ça se rend à $1.33. Pour un charpentier menuisier, qui est à peu près le chiffre sur lequel on peut se fier dans la construction, ça part de $0.85 et ça se rend à $1.50 dans les Laurentides 2, dans Rimouski 3, et dans Québec 3: $1.35.

Vous vous doutez qu'avant de paraître devant vous j'avais préparé quelque chose dans les journées qui précédaient. Hier, il y a une question, posée par l'honorable député de Chicoutimi, qui m'a frappé. Une question qui m'a semblé tellement pertinente que je me suis dit: II faut que je retravaille là-dessus. Et je vous cite, M. Tremblay: Combien coûtent toutes ces choses-là? C'est bien beau des théories économiques de parité et de disparité, mais combien est-ce que cela va coûter? Alors, je me suis dit: C'est peut-être de cela dont je dois parler à la commission parlementaire? Au lieu de vous demander, à vous, messieurs si vous êtes pour la parité, ou contre la parité, ou pour la disparité, je vais vous poser une autre question: Quelle augmentation du coût du logement le citoyen de votre comté est-il capable d'absorber raisonnablement? Qui est raisonnable? Le patron ou le syndicat? Ce n'est pas aussi simple que cela!

Donc, ce n'est pas une étude de parité. On va simplement vérifier le coût de l'augmentation proposée par les patrons face au coût de l'augmentation demandée par les syndicats.

Pour faire cette étude-là, encore une fois, comme je suis de l'habitation, je ne disposais hier soir que des statistiques sur les bungalows, mais c'est quand même un marché fort important. Je me suis basé sur la Statistique du logement au Canada, édition de mars 1970, page 62, tableau 82.

Dans ce tableau, on donne les coûts estimatifs des nouveaux bungalows financés aux termes de la Loi nationale sur l'habitation, par centre, et j'y retrouve Montréal, Ottawa, Hull, Québec, Chicoutimi, Jonquière, Drummondville, Saint-Jean, Saint-Jérôme, Shawinigan, Sherbrooke, Trois-Rivières et Valleyfield. Et on nous dit le coût total en 1968-1969, le coût du terrain en 1968-1969, l'aire de plancher fini, pour finalement arriver à un coût moyen au pied carré. Donc, cela pourrait répondre à la question que M. Laberge posait il y a quelques jours, à savoir, quel est le prix du terrain. Je pourrais répondre également à un tas d'autres questions.

L'incidence du coût sur le loyer — là, je me suis fié au petit volume de Me Loranger, que m'a bien aimablement dédicacé d'ailleurs M. Marcel Pepin "ad Paritam usque ad equalitatem", et j'ai ajouté: "ad cotonam" et au coton!

Aux pages 107 et 108, par une formule savante, on calcule le coût du loyer. Je vous ai dit que mes notions économiques se résumaient aux cours de préparation au mariage en disant qu'un loyer ne doit pas dépasser 20 à 25 p.c, et, également comme ancien constructeur, au fait que nous disons qu'habituellement un logement coûte, par mois, l,p.c de son coût réel. Si vous achetez une maison de $22,000, vous allez payer environ $220 par mois. Et cela, c'est assez constant.

Il y a de petites variantes, mais, grosso modo, c'est cela.

Prenons la formule savante, avec le facteur logarithmique qui arrive là-dedans. Alors, dans le premier cas, on nous donne l'exemple d'une maison qui coûterait $12,000 sur un terme d'hypothèque de 25 ans, avec une capitalisation trimestrielle de 10 p.c. On arrive à un coût de $109 par mois.

Dans le deuxième exemple, on prend une augmentation de 10 p.c, soit $1,200 et, en diminuant de 1 p.c. le coût de l'intérêt, on arrive à $111. J'ai fait une rectification. J'ai dit: II faut quand même que j'informe ces gens-là qu'à 10 p.c, si je prends le même facteur logarithmique qui apparaît au premier exemple, soit .02731188, et que je multiplie le coût, $13,200, j'arrive à $120.14, soit $11 d'augmentation.

Donc, pour $1,200 d'augmentation, je me retrouve avec $11 et quelques cents d'augmentation de loyer. Cela, c'est un deuxième facteur que je vous demande de retenir. Chaque fois que je vous dis $1,200 Jos Bleau va payer $11 et quelques cents de plus de loyer par mois.

J'ai également calculé que le salaire du menuisier était le salaire moyen de la construction, parce qu'il est conforme à quelques cents près au salaire moyen de l'ouvrier de la construction, lorsque je prends mes 46 manoeuvres, 30 menuisiers, etc. J'ai dit que le coût de la main-d'oeuvre à Montréal, équivalait à 37.5 p.c. du coût total de la maison, après avoir enlevé le coût du terrain, et que, dans la province, le coût de la main-d'oeuvre était de 40 p.c. Je peux vous dire que, dans certaines régions, cela va jusqu'à 50 p.c. Mais, pour n'être pas accusé d'exagérer, j'ai pris 40 p.c. en présumant que, dans Chicoutimi, il y a 40 p.c. de main-d'oeuvre dans une maison. Demandez à vos constructeurs locaux, ils vous diront que c'est supérieur. Mais, je me limite à 40 p.c.

J'arrive avec les résultats suivants. Je vous fais grâce de tous les calculs; je les ai faits. Mais si vous voulez me demander quelque chose, n'hésitez pas. Le menuisier de Montréal, qui nous coûte $4.54 de base, en 1969, avec les bénéfices marginaux, comme la sécurité sociale et les vacances, nous coûte, en fait, $4.96. Avec l'augmentation que nous avons proposée et qui a été donnée par la loi, il va nous coûter $5.86, soit une augmentation de 18 p.c. Le prix net d'un bungalow à Montréal est de $14,222.

Je fais tout de suite un aparté là, parce que vous allez vous rendre compte, tantôt, qu'on peut fort bien arriver dans une région et trouver un bungalow à $17,000, $16,000 ou $15,000. Vous allez dire: Comment se fait-il que ça coûte plus cher là? Cela dépend, évidemment, du nombre de pieds carrés. Vous savez que, dans certaines régions, on bâtit plus grand qu'ailleurs. Il y en a qui rêvent en grand ou qui sont habitués à voir plus grand.

J'ai donc un coût de main-d'oeuvre de $6,333, avec une augmentation de 18 p.c. Cela me donne une augmentation totale, en 1972, de $1,140 pour un bungalow. C'est ce que ça va nous coûter à Montréal, strictement pour le salaire. Si les matériaux augmentent, si le taux d'intérêt augmente et si le prix des terrains augmente, cela va être en plus. Là, on étudie l'effet du salaire, soit un peu moins de $11 par mois après trois ans. Est-ce que le gars de Montréal est capable de payer ça? C'est à vous d'en juger.

Alors, on va prendre la ville de Québec qui est dans la zone 1. D'un salaire de $4.26, en 1969, nous proposons $5.44, dans notre étude, soit une augmentation de $1.18 l'heure. Le syndicat, en demandant la parité avec Montréal dans un délai de trois ans, demande évidemment $5.86, soit une augmentation de $1.60 l'heure. Nous proposons 25 p.c. d'augmentation et eux demandent 37.5 p.c. Le coût de la main-d'oeuvre pour un bungalow à Québec, selon les mêmes chiffres que tantôt, c'est $6,200. Ce qui veut dire que nous offrons $1,568 à Québec et qu'il demandent $2,325. Nous offrons d'accepter, nous, $15 par mois et ils en demandent $22. Est-ce que le citoyen de Québec peut se payer une augmentation de $22 par mois après trois ans? C'est à vous d'en juger. Nous prétendons que $15, c'est assez et qu'il faudrait même travailler à trouver des facteurs de redressement, et en vitesse.

Chicoutimi-Jonquière — et je vous en fait l'honneur puisque c'est vous qui m'avez réveillé sur ce point, M. Tremblay — le salaire du menuisier, là-bas, est de $3.75; ajoutez la sécurité sociale de $0.10 et les 7 p. c. de vacances. Il nous coûtait, en 1971, $4.11 l'heure. Nous offrons $5.36, soit $0.75 d'augmentation donnée à tout le monde, $0.32 de rattrapage, $0.39 de vacances, $0.15 de sécurité sociale: $5.36, soit une augmentation de $1.25 l'heure répartie sur trois ans. Ce n'est pas de l'économique, cela, ce sont des piastres et des cents. C'est ce que nous offrons, $1.25. Qu'est-ce que le syndicat nous demande? C'est $1.75. Nous offrons 30 p. c, il demande 42 p. c. De ce côté, il y a pour $5,900 de main-d'oeuvre par bungalow. Ce qui veut dire que, nous, nous offrons une augmentation de coût de $1,787, soit $16.50 par mois, selon le facteur Loranger — pas le postier, mais le facteur du professeur Loranger — et le syndicat nous demande 42.6 p. c. soit $2,513, soit $23 par mois.

Dans la zone des Laurentides, Saint-Jérôme prise comme ville moyenne, nous offrons $1.50 et ils en demandent $2.31. C'est-à-dire que nous offrons 42 p. c, parce que nous sommes conscients que c'est une zone nettement en retard qui est appelée à se développer. Nous offrons 42 p. c, en espérant que cela se développera et que l'aéroport, en 1974, devrait être fini. Ils nous demandent 65 p. c, avec la parité. Ce ne sont pas des histoires, c'est 65 p. c. Le menuisier qui, dans Saint-Jérôme, coûtait $3.55, si on accepte la parité qu'il nous demande, ce sera $5.86, soit une augmentation de $2.31 l'heure. Ce qui veut dire que, nous, nous proposons, pour un bungalow, une augmentation de $2,321 sur trois ans —à peu près $800 d'augmentation par année — et eux nous en demandent $3,575. Je vous laisse être juges, comme des économistes, si c'est bon ou si ce n'est pas bon. Est-ce que Jos Bleau peut payer cela, oui ou non? Parce que s'il ne peut pas le payer, eh bien je n'en construirai pas. J'aurai des beaux salaires dans les livres des décrets, mais ils ne seront pas inscrits sur des chèques de paye.

Dans la région de Sherbrooke, on offre 37 p. c.,soit $1.431'heure;ilsdemandent$2.01.On offre 37 p. c, ils demandent 52 p. c. d'augmentation. Nous, nous offrons, sur trois ans, $2,405 d'augmentation. C'est le reflet de l'augmentation que nous offrons. Eux, ils nous en demandent $3,380, soit $22 par mois contre $32 par mois. Est-ce que M. X de Sherbrooke peut se payer le luxe de $32 par mois d'augmentation en 1972? C'est la question que je vous pose.

Dans Drummond, nous offrons 45 p. c. d'augmentation, soit $3,000 pour un bungalow.

Nous le faisons, parce que vous noterez que, pour la productivité, il y avait un net retard du salaire, dans cette région. Il fallait faire un rattrapage plus rapide. Il nous demandent 66.5 p. c. d'augmentation. Le menuisier de Drummond qui gagne $3.52 gagnera $5.12, soit une augmentation de $1.60 en trois ans. Et la demande syndicale est de $5.86, soit une augmentation de $2.34. Le bonhomme qui gagne $3.52 retirera une augmentation de $2.34, si nous accordons cela au syndicat. C'est une offre de 45.4 p. c. pour une demande 66.5 p. c. La résultante, c'est une drôle de chose, c'est là où le bungalow coûte à peu près le plus cher. Le coût de la masse monétaire pour la main-d'oeuvre, dans la région de Drummond, c'est $6,660 par bungalow. Cela veut dire que, nous, nous offrons $3,000 et on en demande $4,440.

Nous, nous proposons que le citoyen de Drummond puisse absorber $26.50 par mois d'augmentation sur trois ans. Eux, ils disent: Qu'ils se rendent donc à $37 en trois ans. Ce ne sont pas des théories économiques, ça. Et je ne blâme pas ceux qui en font. Cela, c'est la réalité. C'est-à-dire que quand mes entrepreneurs soumissionneront pour construire des bungalows, c'est en vertu de ce que vous aurez décidé qu'ils vont fixer les prix. Parce que ce n'est pas l'employeur qui va payer; c'est le salarié de la région. C'est donc à vous de décider si le bonhomme de Drummond ou de Sherbrooke, dont la vie dépend surtout des filatures, du meuble canadien, peut anticiper qu'il y aura une parité salariale éventuelle là-dedans et une augmentation économique valable pour pouvoir se payer cela. C'est vous qui les connaissez vos régions, bien mieux que moi.

Cela nous donne strictement l'image de l'augmentation du coût du salaire. Mais il faut, en hommes logiques, prétendre que les matériaux aussi vont augmenter. Ils ont rarement diminué ces dernières années. L'augmentation des taxes pour les services aussi, cela va augmenter. Je n'ai pas vu une ville jusqu'à maintenant qui ait baissé ses taxes. Les conventions collectives qui se signent demandent des augmentations de salaires pour les gars qui font les services et c'est Jos Bleau qui paie. Et on va aussi, évidemment, ajouter à cela, à partir du mois de novembre, j'imagine, l'assurance-maladie qu'on n'a pas présentement et qu'on va être obligé de payer. Cela aussi va se calculer.

Maintenant, disons que 25 p.c. de nos entrepreneurs vont dire: Bien, les augmentations sont tellement fortes que nous ne prendrons pas plus de profits. Mais il reste que fort probablement, la majorité va décider de prendre des profits sur l'augmentation. Quand on marche au pourcentage, c'est ainsi que ça marche. Et le coût des terrains! Bien, heureusement, cela a été stoppé. On réalise présentement que cette spéculation qui existait a nettement diminué. Ecoutez un peu, je pense qu'avec ceci vous réalisez tout de suite que cela nous prend des facteurs de redressement, parce que cela, ce n'est pas payable. Il est impensable qu'on soit capable d'absorber cela.

Vous savez, quand je fais un trou de $24 à $30 par mois dans la poche d'un salarié, cela commence à être de l'argent. Il nous faut une économie régionale plus forte. Donc, je présuppose que des mesures de redressement au niveau économique seront prises par les gouvernements, afin que le pouvoir d'achat de mon consommateur soit augmenté. Cela présuppose de votre part comme de la part du gouvernement fédéral des investissements dans certaines régions et puis d'autres facteurs économiques que je ne connais pas. Cela présuppose que les économistes vont travailler ensemble et qu'ils pensent de la même façon pour que cela dégèle dans ces coins-là. Cela présuppose une compétence accrue de la part du salarié pour que je sorte ma maison à un meilleur coût. Ce qui veut dire que l'application du bill 49 que l'Assemblée nationale a adopté, il faut que ça marche. Nous l'espérons. Nous comptons là-dessus. Cela présuppose que nos employeurs vont également devenir plus compétents, parce qu'il n'y a pas d'erreur, avec des salaires moindres, quand je retrouve une maison qui me coûte plus cher, je ne peux pas dire que c'est la faute du salarié. Cela peut être la faute de l'employeur aussi. Il n'a pas grand stimulus le gars, pour le forcer à couper un peu. Il a la main-d'oeuvre meilleur marché qu'ailleurs, alors il ne se force pas.

Cela veut dire que cela va nous prendre, nous aussi, une loi pour empêcher les petits Jos connaissants, qui ne connaissent rien dans la construction, de venir se mêler des entrepreneurs. Cela va nous prendre un bill 51. Il va falloir le ressusciter probablement, celui-là, et dans le plus bref délai possible afin qu'on puisse contrôler non seulement la main-d'oeuvre, mais également les employeurs. Cela veut dire qu'il va nous falloir des entreprises de construction plus fortes, mieux organisées, qui vont pouvoir construire en plus grande quantité, détenir un meilleur pouvoir d'achat, avoir des meilleures techniques et des meilleurs moyens de contrôle.

Cela veut dire que les artisans qui partent de la terre pour venir construire durant la saison morte, il va falloir les sortir de là. Il va falloir récupérer pour les employeurs, dont c'est le métier, tout l'ouvrage qui leur revient. C'est pourquoi vous trouverez dans notre plaidoyer que nous demandons que l'artisan soit réellement ce que la loi lui conseille d'être, un salarié, et que seul l'employeur puisse contracter.

A quoi cela me sert-il d'être un employeur peintre professionnel si je suis obligé de payer le taux du décret, le temps et demi et le temps double, de payer le taux de vacances et la sécurité sociale, de payer l'assurance-maladie, l'assurance-accident ainsi que l'assurance-chômage, si, à côté de moi, monsieur X et son beau-frère peuvent s'intituler entrepreneurs

peintres, travailler en soirée ou le samedi, ne rien payer des frais marginaux et venir me concurrencer sans que je puisse savoir quel salaire ils se paient? Peut-être que Mathurin, qui est pompier dans la ville de Saint-Léonard et qui jouit d'une période de congé de 48 heures, ira peinturer chez vous, mais, à ce moment-là, il vient d'enlever un marché à mon employeur professionnel dont c'est la véritable fonction d'être un employeur professionnel.

Chacun son métier et les vaches seront bien gardées. Mais il faut éliminer de toute urgence ces braconniers et ces gens qui n'ont rien à faire dans le domaine des employeurs. Il faut même éliminer les employeurs qui n'ont pas actuellement leur place chez nous, ce que les syndicats appellent les "chaudrons", et il y en a, il faut l'admettre. Vous avez eu une étude statistique lors de la présentation du dernier bill 51. Le nombre de gars qui partent et qui reviennent chaque année est fantastique. Il en meurt 10 p.c. et il y en a 10 p.c. qui viennent de naître. H ne semble pas y avoir de pilule dans ce cas-là.

Il y a évidemment des facteurs de redressement comme la baisse du taux d'intérêt, les prêts à plus long terme, les conceptions nouvelles dans l'architecture, des maisons plus petites peut-être, parce que, dans certains secteurs, lorsqu'on s'y promène, on se rend compte que la maison est nettement trop grande. Cela coûte cher pour rien. On réalise présentement des projets à 900 ou 950 pieds; c'est très bien conçu et ça peut donner un logement acceptable.

Il y a le contrôle de la spéculation, on continue à contrôler; ce sont autant de facteurs. Autant on a d'embûches, autant on a de solutions de l'autre côté. Il faut tout vérifier ça dans la recherche d'une parité qui doit être selon un échéancier contrôlé soumis à des facteurs de redressement, soumis à une augmentation de productivité et économiquement réalisable.

L'économiquement réalisable, c'est ce dont je vous ai parlé ce matin. C'est à vous de juger. Si vous voulez des chiffres, je pourrai vous les fournir. Il y a une conséquence qu'il faut aussi prévoir à l'augmentation du coût du loyer, c'est le coût d'entraînement. Si j'ai construit en 1969 une maison d'appartements et qu'en 1971 on bâtisse à côté de moi le même type et qui représente une augmentation mensuelle de loyer de quelque $20, vous concevez tout de suite que je ne laisserai mon loyer à ce qu'il était. Je ne le monterai peut-être pas au même taux que celui du voisin mais, quand tout sera loué, j'augmenterai le prix du loyer. Vous avez automatiquement, par une augmentation du coût du loyer dans la maison neuve, un facteur d'entrafnement dans le coût des autres loyers et cela n'est compensé par rien. Si je donne de l'argent à un salarié, il va le dépenser mais le propriétaire va l'empocher et il n'est rien qu'un pour le dépenser. Il y a automatiquement un facteur d'entraînement dans tous les autres loyers et, quand vous aurez à juger de l'augmentation, il faudra y penser.

Le coût de la demande syndicale vous est présentement connu et l'offre de la partie patronale que je représente vous est également connue. Je dois vous dire que les offres que nous faisons ont une tendance nettement inflationniste. Que voulez-vous? Je ne peux pas parler de 45 p.c. ni de 50 p.c. sur trois ans sans penser que je suis inflationniste. J'ai fait un acte de foi et je vais faire un acte d'espérance qu'on pourra couper ailleurs et en vitesse pour ramener ça à des bornes normales.

En d'autres termes, ce sont les citoyens de vos comtés qui auront à payer ce coût-là, ce n'est pas nous. Quand je dis qu'il y a des facteurs de redressement, ça devient drôlement important, vous savez qu'un patron garde ses droits de gérance, parce que, si c'est le syndicat qui mène nos entreprises, je ne sais pas comment nous allons faire pour commencer à couper. Si le contremaître est un syndiqué et qu'il est mené par le syndicat ou qu'il est sujet à la loi du syndicat, comment pourra-t-il appliquer les mesures? Comment pourra-t-il accélérer la production? Ils diront: Ecoute, "baquet", si tu ne fais pas ça, nous allons te mettre dehors et tu ne seras jamais plus contremaître. C'est aussi simple que ça.

D'ailleurs, cela s'est produit. Si les artisans continuent à évoluer comme ça, puis à nous voler des jobs, c'est bien évident qu'à chaque fois que je vais faire une soumission, il va falloir que je prenne plus de profit. Cela va également prendre des associations patronales drôlement fortes pour améliorer la technique de leurs employeurs, pour donner des cours, pour faire fonctionner l'éventuel bill 51. Ces droits de gérance, il va falloir les laisser aux employeurs, parce qu'on a quand même une drôle de tâche devant nous. Je pense que nous avons fait une proposition valable au point de vue salarial. Je ne vous ai pas parlé de parité ou de disparité comme philosophie; je vous ai parlé de parité ou de disparité avec un "signe de piastre" en avant, parce que le consommateur de ce bien primaire, c'est un gars, peut-être, qui n'a pas de connaissances économiques, mais qui sait qu'au bout de la semaine il doit boucler son budget.

Je vous remercie, messieurs.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Lefebvre, de cet exposé très succinct et très clair. S'il y a des membres de la commission qui ont des questions à poser, je les invite à le faire tout de suite. Pas de questions?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, il n'y a pas de questions. Je crois que l'exposé de M. Lefebvre a été passablement clair. Naturellement, il nous a donné des chiffres, etc. Nous entendrons avec plaisir les membres de la partie

syndicate donner la contrepartie, si cela est possible. En ce qui me concerne, c'est un exposé assez impressionnant, qui est très positif et qui répond aux questions que j'avais posées antérieurement.

M. LEFEBVRE: Merci, monsieur.

M. LE PRESIDENT: Un instant, M. Lefebvre.

M. LAPORTE : Justement, comme on le dit, d'autres vont poser des questions tout à l'heure, mais, quant à la clarté, quant à la concision, quant à la façon très précise, très directe de nous exposer le problème, sous réserve des contradictions qui viendront, j'imagine, je pense que vous avez droit à des félicitations et à des remerciements.

M. LEFEBVRE: Merci, monsieur.

M. LE PRESIDENT: Je crois que M. Laberge a une question à vous poser.

M. LABERGE: Merci, M. le Président. Si j'ai bien compris les calculs de M. Lefebvre ne sont pas inclus dans le mémoire. Je voyais ses feuilles, ce sont des calculs qu'il a faits comme ça, "à la mitaine" comme on dit dans la construction. Il nous a laissé l'impression que, lui, était convaincu que les augmentations que son association offrait, feraient augmenter le coût des bungalows de 30 p.c. à 40 p.c. Il y a, quand même, une étude ici, qui a été faite par des experts en économie et présentée par la Corporation des maîtres électriciens, qui nous dit, en page 13, tableau 3 — 5, que les augmentations en pourcentage du prix des résidences neuves et autres varieraient de 3 p.c. à Trois-Rivières à 8.9 p.c. en Abitibi. Je demande à M. Lefebvre s'il met en doute ces chiffres.

M. LEFEBVRE: La première chose, si vous voulez dire par "fait à la mitaine", que c'est fait à la main, oui, c'est ça; cela a été fait à la main. Je n'ai pas à mettre en doute les chiffres proposés. D'ailleurs, vous dites le pourcentage d'augmentation d'une maison, Or, je n'ai pas parlé de pourcentage sur la maison; j'ai parlé de pourcentage d'augmentation strictement sur la masse salariale d'une maison.

M. LE PRESIDENT: C'est ce que j'avais compris, d'ailleurs.

M. LEFEBVRE: Pour l'information de M. Laberge, je vais vous donner un exemple bien simple. Je prends le tableau 82, apparaissant à la page 62 de la statistique du logement au Canada, qui me dit qu'à Montréal, durant l'année 1969, le coût estimatif d'un nouveau bungalow — j'ai bien spécifié bungalow — est de $16,040; que le coût du terrain est de $1,818. Bon. A $1,818, il me reste un coût pour une maison, incluant main-d'oeuvre et matériaux, de $14,222. Je n'ai pas besoin d'avoir fait un cours classique pour soustraire ça. Je prends le même facteur de pondération que l'économiste avait pris, soit 37.5 p.c. , représentant la masse salariale.

Cela m'indique que dans ce bungalow, sur $14,222, j'aurai $6,333 de main-d'oeuvre. Le salaire du menuisier à Montréal était de $4.54, avec 7 p.c. de vacances, en 1969, soit $0.32, et 10 p.c. en sécurité sociale, ça donnait un salaire de $4.96 l'heure.

Nous avons donné $0.75 d'augmentation sur trois ans, soit $5.29 l'heure, plus 8 p.c. de vacances, qui représentent $0.42, plus $0.15 de sécurité sociale, ça donne $5.86. Or, si je sais calculer "à la mitaine", ça me donne $0.90 d'augmentation sur un salaire de base de $4.96, soit une augmentation de 18 p.c. Ma masse salariale est augmentée de 18 p.c. Donc, je prends 18 p.c. de ma masse salariale, $6,333, puis ça me donne $1,140. Ce n'est pas plus compliqué que ça. Je ne peux pas vous dire si le tableau de monsieur X est bon. Tout ce que je peux vous dire, c'est que les augmentations qui ont été calculées, je suis capable de les défendre. Si vous êtes capables, vous, de me prouver qu'en donnant des augmentations je diminue mon loyer, messieurs, ça me fera plaisir de collaborer avec plus que la parité.

M. LE PRESIDENT: M. Laberge.

M. LABERGE: M. le Président, je ne mets pas en doute les chiffres de M. Lefebvre, je ne suis pas un expert, mais M. Lefebvre nous donne des chiffres experts. On a eu d'autres chiffres experts, puis il y a une différence. Alors, je me pose tout simplement la question.

M. LAPORTE: M. Laberge, si vous permettiez, moi, je ne vous poserai pas une question, mais je vais vous faire une suggestion ainsi qu'aux autres. M. Lefebvre nous a donné des chiffres. Je pense que nous avons tous dépassé, au moment où nous étudions, les arguments comme "ç'a été fait à la mitaine, ou pas fait à la mitaine". Répondant à des questions suggérées par le député de Chicoutimi, M. Lefebvre a fait un travail sérieux qui est vrai ou qui peut être infirmé. Cette commission doit être en mesure d'attendre, j'imagine, que ceux qui vont maintenant nous parler vont confirmer, vont infirmer, vont discuter les chiffres, les statistiques qui nous ont été proposés par M. Lefebvre, parce qu'il est bien évident que cette commission est impressionnée par ce qui nous a été dit.

Je ne prétends pas que c'est vrai ou pas vrai, M. Laberge, mais, au moment où vous aurez l'occasion de vous adresser à nous, je crois qu'il ne serait pas sans intérêt de nous donner votre opinion sur les statistiques qui nous ont été proposées.

M. LABERGE: Cela veut dire que vous aimez mieux qu'on ne lui pose pas de question?

M. LAPORTE: Non, non. M. Laberge, je vous connais, je connais votre humour, je connais votre façon de poser des questions, mais simplement dire que ç'a été fait "à la mitaine", ce n'est pas satisfaisant. Il s'agit de savoir lorsque vous aurez...

M. LABERGE: Je retire le mot "mitaine". Je demandais à M. Lefebvre si c'était inclus dans son mémoire; il me dit que non, qu'il avait fait ça sur des feuilles séparées.

M. LAPORTE: Non.

M. LABERGE: Je retire le mot "mitaine".

M. LAPORTE: Je voulais ajouter à ça, M. Laberge. Comme le journal des Débats, écoutez un petit peu, là; même fâché, ce n'est pas mieux. Le journal des Débats va nous donner tous ces chiffres. J'aimerais mieux que vous ayez l'occasion de les analyser, puis de nous en parler.

M. LABERGE: Bien oui, on va les avoir quand la commission parlementaire aura fini de siéger.

M. LAPORTE: M. Laberge, on va vous les faire donner d'ici 48 heures.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Sur cette question, je voudrais demander à M. Lefebvre de continuer de travailler très fort et d'essayer de comparer les chiffres qu'a évoqués tout à l'heure M. Laberge et ceux qu'il nous a donnés, afin de voir si, dans les chiffres dont parle M. Laberge, on a tenu compte uniquement des augmentations à partir d'un type de métier ou si on a fait une vue d'ensemble de tout ce qui entre dans la construction, comme vous nous l'avez indiqué dans les tableaux que vous nous avez donnés et qui vont paraître au journal des Débats, mais dont nous vous serions très reconnaissants de nous fournir des exemplaires, si cela vous est possible, dans un délai très bref.

M. LEFEBVRE: Avec joie, je vais travailler à fournir aux membres de cette commission et à mes confrères le chiffrier dont je me suis servi, pour que tout le monde puisse avoir ces chiffres en main.

M. LAPORTE: Je vais faire une autre suggestion, si vous voulez, M. le député de Chicoutimi. On peut peut-être demander aux gens du journal des Débats, aussitôt que les épreuves du journal auront été faites, c'est-à-dire d'ici une heure ou deux, ou trois ou quatre, que des copies en soient polycopiées pour ceux qui sont ici, pour qu'ils puissent en faire leur profit et nous faire leurs commentaires en temps utile. De cette façon, je pense que ça va satisfaire tout le monde. D'accord?

M. LEFEBVRE: Si vous me permettez de terminer sur une note d'humour, avec la réaction de M. Laberge, je suis en train de me demander s'il s'était rendu compte de la portée des augmentations qu'il demandait.

M. LE PRESIDENT: Voudriez-vous rester disponible, s'il vous plaît, M. Lefebvre? Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. Lefebvre, je tiens, moi aussi, à vous féliciter pour le travail que vous avez fait. Mais ce n'était pas surtout pour cela que je voulais vous poser des questions. Comme vous semblez vous préoccuper énormément des chiffres, je me demandais si vous aviez en main le pourcentage de profits que les employeurs peuvent faire dans ces entreprises.

M. LEFEBVRE: Malheureusement, nous n'avons pas ce pourcentage de profits. Disons que je puis vous parler, non pas comme représentant, mais comme ancien constructeur.

M. BURNS: Je préférerais que vous me parliez d'une situation actuelle. Quel est le pourcentage de profits qu'un employeur peut faire dans la construction d'une habitation?

M. LEFEBVRE: Cela varie d'une région à l'autre.

M. BURNS: De quoi à quoi, par exemple?

M. LEFEBVRE: Cela peut varier de 4 p. c. à 10 p. c. ou 11 p. c.

M. BURNS: Oui, ce sont des chiffres authentiques?

M. LEFEBVRE: Authentiques. M. BURNS: Oui.

M. LEFEBVRE: Vous comprendrez que si un entrepreneur dans une région, construit dix maisons et extrait son revenu de la construction de dix maisons, évidemment, il devra prendre un profit plus grand, sur chacune des maisons, que le constructeur qui en construit 300 au cours d'une même année. Il faut distinguer, ici, encore une fois, deux types de constructeurs bien différents. Vous avez eu connaissance, comme député de la région de Montréal, des $200 millions qui ont été mis de l'avant par le gouvernement fédéral pour la construction de logements à prix modique, logements qui s'adressaient à des gens dont le revenu est de $5,000 à $7,000. C'est une classe de la population qui ne pouvait tout simplement pas se

permettre, ces temps derniers, de s'acheter une maison unifamiliale.

En 1955, avec $3,000 à $4,000, vous pouviez vous acheter une très belle maison. De fait, dès la mise en marché de ces maisons, il y avait foule comme chez Eaton au jour des grandes ventes. Il fallait littéralement faire la queue pour se présenter aux maisons modèles. Parce que vous pouvez vous les procurer avec $300 à $400 au comptant et que l'on vous assure que le loyer ne dépasse pas $100 par mois. Je peux vous dire qu'un constructeur, le président de notre association, entre autres, a vendu, durant 10 jours, 89 maisons. Que d'autres en ont vendu 300 dans l'espace de trois semaines. Et remarquez que cela faisait cinq mois que ces gars-là ne vendaient plus rien.

Si je construis — il y a des constructeurs qui construisent aisément 300 maisons par année — 300 maisons, cela va de soi que moi, et un associé, tirons un revenu de cela, eh bien, on peut se permettre d'avoir de moins gros profits.

Il y a évidemment une question de compétitions dans certaines régions la compétition est plus forte que dans d'autres. C'est pourquoi nous savons que, dans la région de Québec, les profits sont nettement plus élevés que dans la région de Montréal. Vous donner un chiffre précis? Malheureusement, il n'y a pas d'études faites là-dessus.

M. LE PRESIDENT: Restez disponible. Le député de l'Assomption.

M. PERREAULT: C'est seulement pour mentionner que vos notes seront dans le journal des Débats, mais est-ce qu'il y aurait moyen de les avoir sur un tableau?

M. LEFEBVRE: Oui, je peux faire un tableau au propre, le faire dactylographier, et j'imagine qu'on me donnera un moyen de le reproduire pour que je puisse vous en donner. Mais encore une fois, j'insiste, les chiffres que je vous ai cités représentent strictement un secteur qui me concerne. Et, encore une fois, plus que cela, j'ai extrait ces chiffres en prenant comme exemble un bungalow. Si j'arrive avec un bungalow de $16,000, vous comprendrez qu'une maison d'habitation, un quatre pièces au troisième étage, cela ne coûte pas $16,000. Il faudra faire vous-mêmes, par théorie économique, les recoupages qu'il faut faire. Mais j'avais ces chiffres disponibles et j'ai pensé pouvoir répondre à une question qui me semblait drôlement intéressante, hier.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lefebvre — vous permettez, M. le Président — le député de Maisonneuve a parlé tout à l'heure de la question des profits des entrepreneurs. Nous sommes sous un régime d'entreprise privée. Il y a évidemment une marge de profits normale et nécessaire que l'entrepreneur doit prendre. Je ne vous demande pas de me répondre tout de suite, mais peut-être pourriez-vous, par un examen de la situation, avec vos collègues, nous dire qu'elle est la base moyenne de profit et quel est, selon vous, le coefficient de profit normal qui peut être inséré dans les bases de calcul telles que vous nous les avez présentées ce matin, en tenant compte du fait que vous êtes des entrepreneurs et qu'il est normal que vous fassiez un profit, puisque nous sommes sous régime d'entreprise privée à moins qu'il y ait des gens qui déclarent que vous deviez disparaître et que l'Etat doive se substituer à vous?

M. LEFEBVRE: Voici ce que je me propose de faire pour répondre à la question bien légitime de Me Burns. Notre association se trouve présentement en congrès à Montréal et groupe des constructeurs de toutes les régions. Je suppose que ces gens-là s'y trouvent. Je vais téléphoner au secrétaire exécutif et lui demander de faire une enquête chez trois ou quatre entrepreneurs de chacune des régions — confidentielle, évidemment — pour nous donner les marges de profit habituellement réalisé en pourcentage et en chiffres absolus pour la construction d'un bungalow, puisque je vous ai donné des chiffres qui concernaient les bungalows. Je pense être en mesure de vous fournir ça demain après-midi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci.

M. LAPORTE: Sur un des deux points que vous avez soulevés, la qualification du travailleur, de l'employé, à l'effet qu'il y a des étrangers qui envahissent de temps à autre le champ de la construction, vous savez qu'à compter de novembre il va y avoir la carte d'identification. Nous espérons, avec la collaboration des syndicats, régler une partie de ce problème.

Deuxièmement, vous avez parlé de la qualification professionnelle du constructeur, du bill 51. Il n'est pas, je pense, impossible d'affirmer que, compte tenu d'une réunion que nous aurons avec le caucus libéral pour en discuter en dernière analyse, le projet de loi va être déposé au début de la prochaine session, c'est-à-dire au début de l'année 1971.

M. LEFEBVRE: Merci, M. le ministre.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Lefebvre. J'inviterais maintenant l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, si cette association est disponible.

M. FOURNIER: Mon nom est Alcide Four-nier de l'Association des constructeurs de routes. Je pense que lorsqu'on a fait un échange avec l'Association des constructeurs d'habitations, nous devions prendre sa place.

M. LE PRESIDENT: Vous voulez donc être le numéro 6?

M. FOURNIER: C'est ça.

M. LE PRESIDENT: Très bien. J'invite donc la Fédération de la construction du Québec à faire ses représentations. M. Dion.

M. DION: Je suppose que la commission suspend à midi et demi.

M. LAPORTE: Non, M. Dion, à midi vingt.

Fédération de la construction

M. DION: Mon nom est Michel Dion, de la Fédération de la construction. M. le Président, nos commentaires vont être très limités parce que je pense que le problème de la parité salariale ou de la non-parité salariale a été suffisamment discuté. Cela serait, je pense, prendre beaucoup de votre temps que de vouloir répéter les choses que les autres ont dites. Ceci pour dire que la fédération est contre la parité salariale. La fédération appuie entièrement le mémoire du CPQ et le mémoire des électriciens, qui a été brillamment exposé par M. Lacasse. Il y a aussi M. Lefebvre qui a réellement bien illustré le problème de la parité salariale dans la construction en utilisant un secteur de la construction. Je pense que c'est un exposé qui illustre réellement le problème que pourrait poser la parité salariale dans la construction.

A la fédération, juste pour nous situer, nous avons environ 3,000 entrepreneurs qui exercent à peu près dans 25 spécialités. Nous croyons donc représenter un éventail assez parfait d'une entreprise exécutante. Nos problèmes au niveau de la négociation sont nombreux, et spécialement à cause de celui-ci. C'est que, dans nos groupements, nous avons des gros et des petits entrepreneurs, nous avons des entrepreneurs généraux et spécialisés. Nous représentons également des employeurs qui exercent dans des centres ruraux et d'autres qui exercent dans des centres urbains. Ceci a nettement une conséquence sur les négociations, parce que ce que vous pouvez négocier pour le gros entrepreneur ou pour un centre urbain n'est pas nécessairement ce qui vaudrait pour un centre rural ou pour un petit entrepreneur.

Droits de gérance

M. DION : Une fois que tout ça a pu être l'objet de négociations, nous sommes arrivés au problème suivant. C'est que les demandes syndicales se faisaient de plus en plus nombreuses et profondes au niveau du droit de gérance des employeurs.

Nous sommes actuellement, du côté des employeurs, drôlement attaqués dans nos droits de gérance. Nous croyons qu'il était essentiel, parce que c'était une négociation au niveau provincial et parce qu'on éprouvait le besoin d'uniformiser le plus possible les conditions de travail, nous, de la fédération, de défendre ici surtout le point de vue des droits de gérance. Or, l'un des droits de gérance que nous croyons le plus attaqué actuellement est quand même celui de pouvoir diriger nos employés aux chantiers.

Ceci m'amène à vous parler d'un point que l'on considère assez important dans la présente négociation, l'idée des syndicats de vouloir assujettir les contremaîtres de la construction. Il serait facile pour moi de vous donner comme exemple ce qui se passe actuellement au complexe "H", — c'est un contrat du gouvernement — où le problème est exactement celui que l'on soulève actuellement devant vous. Le fait d'assujettir des contremaîtres de l'industrie de la construction, de les rendre syndicables, parce qu'on les assujettit à la convention, est pour l'employeur une chose inacceptable.

On a tenté, lors de la négociation, de trouver une méthode pour contourner le problème en divisant les contremaîtres en contremaîtres-cadres, en contremaîtres salariés, pour contourner entre autres le problème de celui qui passe de contremaître à salarié et qui revient. Quant à nous, cette solution est devenue inacceptable, et vous avez sous les yeux l'exemple du complexe "H". On refuse actuellement, du côté syndical, le droit au surintendant de diriger les hommes en chantier. On prétend que ce droit-là appartient directement au contremaître. D'un autre côté, on dit que le contremaître est un gars qui devrait être assujetti à la convention, donc assujetti au régime syndical. A ce moment-là, nous croyons que le fait de l'assujettir au régime syndical rend sa fonction incompatible avec celle de diriger les hommes au nom de l'employeur, d'embaucher, d'imposer des mesures disciplinaires. C'est impossible pour un gars qui fait partie de l'unité syndicale de pénaliser ses confrères valablement au nom de l'employeur.

M. LAPORTE: M. Dion, si vous permettez, j'accepterais le raisonnement que vous faites, mais je voulais simplement puisque vous parlez du complexe "H", signaler dans quelles conditions particulières le droit de gérance s'exerce actuellement. C'est tout le problème que nous avons à régler. De l'autre côté, sans vouloir prétendre que le contremaître fait ou ne fait pas bien son travail...

M. DION: C'est un bon gars ou ce n'est pas un bon gars, M. le ministre, je vous l'accorde, mais...

M. LAPORTE: Non...

M. DION: ... ça illustre quand même le problème.

M. LAPORTE: Non, ça ne l'illustre pas dans

ce cas-là. Vous avez la loi 38, M. Dion, qui oblige les ouvriers à être en chantier. Ils y sont obligés, sous des peines très sévères. Le ministre du Travail — et, encore une fois, je ne juge pas du cas; mais c'est parce que vous prétendez, vous affirmez quelque chose et sur le reste je suis d'accord — ne pourrait pas accepter l'image d'un contremaître qui dirait: Vous autres, ouvriers, vous êtes obligés de rester en chantier, fiez-vous à moi, vous allez travailler. C'est là le problème. Actuellement, en vertu de la loi, il y a interdiction de faire la grève. Il ne faudrait pas — et là, encore une fois, je ne prétends pas que ce soit le cas — que ceci se transforme pour l'employeur en une occasion d'exploiter son employé. C'est tout le problème que nous avons actuellement devant nous.

M. DION: Disons, M. le ministre, MM. de la commission, que ce n'est pas sur ce point-là que je voulais m'appuyer. Je voulais illustrer simplement que, au niveau de l'employeur, le fait qu'un contremaître serait dans l'unité syndicale limiterait son droit de gérance avec cet employé et il serait obligé, à ce moment-là, de recourir à un officier supérieur pour pouvoir exercer son droit de gérance.

M. LAPORTE: Quant au reste, votre raisonnement est parfaitement légitime.

M. DION: Quant aux contremaîtres, c'est clair que, comme représentants des employeurs, nous nous opposons à ce que le contremaître fasse partie de l'unité syndicale, si on veut réellement que cette personne-là puisse exercer ses fonctions de contremaître valablement.

Ancienneté

M. DION: Nous voulons également attirer votre attention sur le problème de l'ancienneté dans l'industrie de la construction. Je ne donne que des résumés d'argumentation, parce que je pense que chacune des parties a fait un exposé brillant du problème. Je ne voudrais pas donner de la matière inutile, mais simplement vous dire que l'ancienneté, quant à nous, c'est, dans l'industrie de la construction, une clause inapplicable. Cela vient à l'encontre des droits de gérance parce qu'à un moment donné l'employeur n'a plus aucun contrôle sur sa main-d'oeuvre. Cela implique le "bumping", excusez le terme anglais. Cela implique que l'employeur, parce qu'il a engagé tel employé avant tel autre, va être obligé de mettre à pied un excellent employé sur un autre chantier parce que l'autre est devenu disponible, le chantier étant fermé.

Cela implique également, en vertu du jugement Gold — parce que le jugement Gold devra s'appliquer à un moment donné — toute une série de procédures qui ont justement été mises de côté par le jugement Gold. Le jugement Gold ne voulait pas conclure au "bumping". Le jugement Gold, je pense, ne voulait que favoriser l'engagement de la main-d'oeuvre qui est en chômage depuis le plus de temps. Si, à un moment donné, on inclut, en plus de cela, un système d'ancienneté, c'est clair et net qu'au niveau des employeurs, nous sentons que nous avons complètement perdu le contrôle de la main-d'oeuvre. Comme employeurs — parce qu'il y a quand même, chez nous, des employeurs — nous pensons que nous avons le droit d'avoir un certain contrôle sur la main-d'oeuvre.

On est obligé d'admettre, aujourd'hui, que la main-d'oeuvre n'est pas également compétente, n'est pas également productive et n'est pas spécialisée de la même façon. Je peux avoir deux personnes détenant des cartes de compétence de menuisier, qui ne seront pas capables d'exécuter complètement, exactement le même travail, de la même façon et dans le même temps. Certains menuisiers ont pu être spécialisés dans le gros oeuvre, c'est-à-dire les formes et ces choses-là; d'autres ont été spécialisés en finition. A toutes fins pratiques, c'est difficile d'accepter qu'un menuisier, parce qu'il est à l'emploi de tel employeur depuis six mois, va venir prendre la place de l'autre au moment où j'ai des travaux de finition à faire, simplement parce qu'il a été engagé avant. Il n'est peut-être pas suffisamment ou également compétent pour faire le travail.

L'un des points les plus importants pour nous, c'est la question des droits acquis. Dans l'industrie de la construction, quant à nous, c'est drôlement inacceptable. Si on a vu certains droits être négociés antérieurement dans des conventions, c'était dans des cadres bien particuliers. Il n'existait pas telle ou telle condition ou, parce que, dans telle région, il y avait telle et telle condition, tel droit était nécessaire.

Aujourd'hui, parce qu'on est entré dans une négociation au niveau provincial, on voudrait amener tous ces droits acquis là dans une même convention et étendre leur application à tous les travailleurs de la construction. Bien, c'est une méthode inacceptable quant à nous, parce qu'elle ne tient pas compte du tout de l'environnement de ce droit-là lorsqu'il a été négocié. Cela ne tient pas compte, non plus, d'un phénomène d'uniformisation. On s'est rendu compte, dans la présente négociation — et on le savait au départ — qu'on faisait une négociation à la hausse. C'est clair qu'on ne pouvait pas faire de négociation à la baisse.

On ne pouvait pas faire de négociations à la baisse sur les principaux points d'une convention. Mais, si M. X, dans telle région, pour telle et telle raison, lorsque cela a été négocié, a obtenu tel droit, penser de s'accorder à tous les travailleurs de la construction, cela dépasse, logiquement, les choses qui peuvent être demandées à la table.

Quant à nous, nous sommes opposés aux droits acquis, sauf que nous avons admis, quand

même, que certains droits acquis de certaines régions pouvaient devenir des droit généraux, parce que le contexte est encore semblable, parce que le besoin est encore le même que lorsque ce droit avait été négocié. Mais, aujourd'hui, penser d'importer toutes sortes de droits acquis, cela est totalement à côté du problème.

Je donne l'exemple d'un droit acquis. On a mentionné, dans un document d'une des parties syndicales, les vacances obligatoires. C'est clair que certains ouvriers de la construction avaient des vacances obligatoires dans certaines régions. Nous avons pensé valable, normal d'offrir que les vacances obligatoires s'appliquent à toute l'industrie de la construction. C'est un droit acquis que nous avons considéré, que nous avons étendu, que nous avons uniformisé. Mais, penser que, parce que M. X, dans tel métier, à un moment donné, avait droit à $0.18 le mille, on accordera à tous les ouvriers de la construction $0.18 le mille, c'est prendre le problème de peut-être 20 ou 25 employés et en faire une règle générale sans aucune justification. Celui-là a peut-être des conditions de travail qui sont plus justifiées. Je pense à un employé qui est plus appelé à se déplacer durant une même journée.

Sur les droits acquis, il est clair que nous sommes opposés à leur uniformisation, simplement parce que cela existait. Il faut quand même prouver que c'est un besoin général de la construction.

Sur la question du temps et des frais de déplacement, nous croyons — et là, je crois que la proposition patronale est assez uniforme — que l'offre des parties patronales est conforme à la réalité, est conforme aux besoins et traduit assez bien l'état de l'industrie de la construction.

Il y a une chose que l'on retrouve dans l'industrie de la construction et qui est assez comique, c'est qu'on paie les gens pour venir travailler. On paie les gens à partir de chez eux, le matin, jusqu'au bureau, ce qu'on retrouve assez rarement dans d'autres industries. C'est un phénomène qui existe et je ne veux pas le combattre. Je ne cherche pas à dire : On devrait éliminer cela. Mais, je pense qu'on admet quand même, dans toutes les industries, qu'un gars qui part de chez lui, le matin, peut faire, théoriquement, pendant une demi-heure ou quinze ou vingt minutes, environ 30 milles de chemin pour se rendre à son travail. Notre proposition sur les frais de transport tient compte de ce phénomène qui est réel dans toutes les autres industries. Tout employé du gouvernement ne reste pas à la porte des bureaux du gouvernement. Il se déplace, pour se rendre à son travail. Or, nous trouvons logique que l'ouvrier de la construction fasse un certain déplacement et, ce déplacement, nous le justifions par un millage d'environ 35 milles. Je pense que c'est 35 milles qui est proposé.

Quant au reste, c'est clair que, si l'employeur oblige ses employés à se déplacer durant la journée ou à aller travailler dans des endroits éloignés, l'employé a tellement droit à une rémunération ou à une compensation pour cette dépense additionnelle. La proposition que les parties patronales ont faite tient compte de cette réalité. C'est clair qu'on ne paie pas aux ouvriers de la construction une chambre au Reine Elisabeth, sans faire de publicité. Mais on paie aux ouvriers de la construction un logement ou une pension qu'on croit normal dans l'industrie en général.

Heures de travail

M. DION: Quant aux heures de travail, il y a là un phénomène de réduction qui peut sembler insignifiant pour certaines parties, mais qui, pour certains employeurs, représente un problème sérieux. C'est la réduction à quarante heures par semaine, avec une série d'exceptions que je n'énumérerai pas, mais qui sont contenues dans notre document et que nous croyons toutes valables.

La réduction à 40 heures par semaine présente le problème suivant: c'est que, dans l'industrie de la construction, on procède sous forme de soumissions et de contrats; du moins, dans la plus grosse construction, c'est la méthode de travail. Penser aujourd'hui — cela s'applique également aux augmentations de salaires — du jour au lendemain, modifier tout ce cadre des heures de travail, des salaires ou d'autres conditions qui ont une influence pécuniaire, c'est ne pas prendre en considération l'élément réel de l'industrie de la construction qui est une opération par soumissions et contrats.

Nos employeurs sont actuellement liés par des contrats qui peuvent s'étendre sur six mois, un an, et même plus que cela. Aujourd'hui, changer totalement les conditions de travail et leur imposer une diminution immédiate de toutes les heures de travail à 40 heures, c'est forcer l'employeur, pour pouvoir atteindre son échéance de contrat, à faire du temps supplémentaire et à payer un coût qu'il n'a pas pu évaluer avant. C'est peut-être aussi le forcer à augmenter sa main-d'oeuvre pour pouvoir réaliser, dans le même temps, le travail. Peut-être qu'à ce moment-là, on le mettra devant une pénurie de main-d'oeuvre qu'il ne pourra pas contrôler.

Notre représentation est la suivante: nous sommes d'accord pour la semaine de 40 heures, sauf les exceptions qu'on croit essentielles. Mais, cette réduction ne peut pas se faire, d'après nous, du jour au lendemain. Elle devrait être faite sur une base progressive, de façon à permettre aux employeurs d'absorber ce coût-là. Cela me permet de vous dire ceci sur les salaires: Longtemps, les gens avaient l'air de prétendre que, lorsqu'on donnait une augmentation de salaires, l'employeur prenait l'argent dans sa poche et payait. Disons que, partielle-

ment, cette affirmation est vraie. C'est vrai que, lorsque j'ai un contrat signé et que je donne une augmentation de salaires, c'est moi qui en subis les conséquences.

Peut-être que cela a l'air drôle, du côté de l'employeur, de le dire, mais il faut quand même admettre qu'à toutes fins pratiques l'augmentation d'un coût de construction ou l'augmentation d'un salaire, cela ne sort pas de la poche des employeurs dans cinq ans. Dans cinq ans, c'est celui qui donne de l'ouvrage qui va payer. Dans deux ans aussi. Lorsque le contrat sera terminé, l'entrepreneur soumissionnera au coût. Ce qui est important pour l'employeur, ce n'est peut-être pas ce qui va arriver dans deux ans, ce qu'il va sortir de sa poche, parce qu'à ce moment-là, il pourra le prendre en considération. Ce qui est important pour lui, c'est l'effet de l'augmentation de ces coûts sur le volume de construction qu'il pourra faire.

Là, je ne voudrais pas entrer —j'ai dit que je ne le ferais pas — dans l'explication de la parité et de la non-parité. Mais je pense qu'il est drôlement important que vous considériez ceci: si, dans l'industrie de la construction on donne des augmentations de salaires telles que le volume de la construction diminue, on favorisera le chômage. On favorisera également un ralentissement de l'industrie de la construction.

C'est quand même une grosse partie de l'économie, l'industrie de la construction. C'est sur ces points-là — et je pense qu'on pourrait drôlement insister sur son influence sur l'économie — que nos employeurs se battent, en plus du problème de contrats à signer ou de soumissions à donner. Je pense que le problème fondamental se situe au niveau de la diminution du volume de la construction et à la diminution ou à l'influence que ça peut avoir sur l'économie. Je voudrais également, et c'est dans les derniers points, souligner que, d'après nous, dans une négociation il y a deux sortes de demandes. Il y a ce que nous appelons les demandes au point de vue humain pour rendre l'industrie de la construction humaine, ce qui implique de donner des périodes de repos, de donner des abris, des endroits chauffés, de faire pour le travailleur de la construction que son industrie soit humainement viable, que son industrie soit salutaire pour lui et qu'il y gagne heureusement et valablement sa vie. Ces clauses, habituellement, ne présentent pas de problème à la table de négociations. On peut presque dire qu'elles ont toutes été négociées parce que c'est une question d'humanité. Je ne pense pas que ce soient les clauses qui aient causé le plus de problèmes à la table des négociations. Ce qui est important à la table des négociations, ce sont les clauses économiques, les clauses qui ont une influence au point de vue de l'argent, qui ont une influence au niveau de l'argent, qui ont une influence au niveau de l'employeur et qui ont une influence au niveau du public.

Nous avons eu, depuis nombre d'années, cette espèce de rôle d'essayer de défendre le public...

M. LE PRESIDENT: Prévoyez-vous pouvoir terminer à l'intérieur de...

M. DION: Si vous m'accordez trois minutes, je vais essayer de terminer. Ces clauses économiques, pour nous qui sommes quasi défenseurs du public, ce sont celles qui nous intéressent le plus. Pour autant qu'on donne aux employeurs des clauses économiques qui sont évaluables afin qu'ils puissent faire des soumissions et signer des contrats, je pense que ces clauses se négocient également facilement. Ce qui ne se négocie pas et ce qui ne s'accepte que très difficilement du côté des employeurs, c'est ce qu'on n'est pas capable, à un moment donné, d'évaluer une prime de froid, par exemple. Parce qu'il fera 10 sous zéro on veut avoir une prime. Ecoutez, à quel moment l'employeur, en préparant une soumission, peut-il évaluer qu'il fera froid 25 jours et qu'il fera chaud 25 jours? Ce sont des choses inacceptables. C'est une chose inacceptable également que de payer une prime pour le travail sur un échafaudage, par exemple. L'industrie de la construction travaille continuellement sur des échafaudages. Combien de temps dans une journée un employé aura à monter sur un échafaudage, c'est une chose qu'on n'est pas capable d'évaluer dans l'industrie de la construction. Cela fait mal aux employeurs; c'est difficilement négociable par ces gens-là. Il est clair, que quant aux primes, nous sommes drôlement opposés à des choses qui ne sont pas facilement évaluables économiquement et que, pour ma part, parce que c'est la façon dont nous produisons, nous ne pourrons pas retransmettre au public parce que nous vendons un produit au public.

Champ d'application industriel

M. DION: Le dernier point, très rapidement.

Pour ce qui est de la clause du champ d'application industriel, nous ne voulons pas ici, nous, faire un grand exposé pour vous dire: C'est vrai qu'on a peut-être dépassé ce que la loi nous permettait de couvrir par travaux de construction. Nous voulons simplement vous dire ceci: On ne cherche pas à étendre notre champ d'application industriel dans l'industrie de la construction. Mais, il y a des choses dont on s'est rendu compte à la table; on nous demandait — et on ne peut drôlement pas l'accepter — de couvrir ce qui n'est pas réellement à notre avis l'industrie de la construction. Cela, c'est clair qu'on ne l'acceptera pas, le transport de matériaux de construction par un manufacturier qui s'en vient sur le chantier, c'est inacceptable; du travail en atelier, ce n'est pas l'industrie de la construction du bill 290; quant à nous, c'est inacceptable et on ne peut pas le couvrir dans les décrets; les installations

de matériaux dans le champ d'application industriel, une clause où on demande de pouvoir installer les matériaux que le donneur d'ouvrage nous demande d'installer, quant à nous, c'est une clause essentielle.

Pour couper court et permettre à la commission de suspendre ses travaux non parce que je sens qu'il est inutile de vous dire ces choses-là, mais je pense que c'est inutile de répéter verbalement ce qui est écrit dans le document. On a tenté, dans le document, de résumer et non pas de toucher complètement tous les points. Mais, je souligne que, quant à nous, les points essentiels sont les suivants: le contremaître — c'est clair — la parité salariale et la non-parité. La question du contremaître, de l'ancienneté, des droits acquis, la question des frais de transport, d'heures de travail sont, quant à nous, des points essentiels sur lesquels nous voudrions que la commission se penche et trouve, nous en sommes sûrs, une solution logique et valable pour les employeurs. Merci.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Dion, de votre compréhension. Je pense que vous avez fait brièvement et c'est très sage. Je demanderais aux membres de la commission s'il y a des questions brèves.

Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. Dion, je vais vous poser la même question que j'ai posée à M. Lefebvre. Est-ce que, dans votre cas, votre fédération a les chiffres sur le pourcentage de profit des employeurs?

M. DION: J'espérais que vous me posiez la question, parce que je veux essayer de vous transmettre cet après-midi, non pas une étude que la fédération a faite, mais des chiffres qui ont été préparés, entre autres, pour CCA, l'Association canadienne de la construction, c'est un organisme national. Vous pourrez dire que c'est une évaluation au niveau national, mais elle impressionne drôlement. De mémoire, et j'émets sous toutes réserves, ce chiffre, on prétendait que les employeurs en construction, ceux qui faisaient du profit, faisaient un profit de 1.3 p.c. Et je peux vous faire une certaine relation...

M. BURNS: Ce sont des chiffres globaux, c'est-à-dire là-dedans vous avez...

M. DION: C'est ça, la grosse et la petite...

M. BURNS: ... des employeurs inefficaces, les petites "bébelles".

M. DION: C'est clair, comme vous avez, de tous les côtés, des gens plus ou moins compétents, c'est ça.

M. BURNS: Est-ce que vous avez des chiffres? Est-ce sur le volume d'affaires ou sur certains investissements?

M. DION: Je ne veux justement pas embarquer là-dedans. J'aurai le document probablement cet après-midi et je pourrai vous le donner, de bonne heure.

M. BURNS: Est-ce qu'ils seront disponibles par groupes d'employeurs, si vous voulez, les petits employeurs et les gros? Non.

M. DIONS: Je ne le pense pas. C'était global, effectivement.

M. LE PRESIDENT: Même si nous approchons de midi et demi et que la séance est presque suspendue, j'aimerais un peu de silence pour permettre à M. Dion...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, invoquant la procédure de la commission, le ministre du Travail avait proposé que nous ajournions à midi vingt; il est midi vingt-cinq. M. Burns est en train de poser des questions fort intéressantes. Nous en aurons d'autres à poser à M. Dion. Je pense bien que nous...

M. LAPORTE: Vous suggérez que nous suspendions tout de suite. D'accord. A trois heures, M. Dion pourra répondre aux questions.

M. DIONS: Trois heures. M. LAPORTE: D'accord.

Reprise de la séance à 15 h

M. BOSSE (président de la commission permanente du Travail et de la Main-d'Oeuvre): A l'ordre, messieurs! La séance est ouverte. Nous reprenons avec M. Dion.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Chicoutimi. Un peu de silence, s'il vous plaît.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Dion...

Profits des entrepreneurs

M. DION: M. Tremblay, si vous voulez bien m'excuser. M. le Président, en réponse à la question de M. Burns, ce matin, j'ai parlé de statistiques, de chiffres. Les recherches que nous avons faites nous ont permis de retrouver un schéma de ce que nous voulions illustrer ce matin. J'ai photographié environ 25 copies. Je pense que je dois présenter le problème de la façon suivante: Les chiffres sur lesquels nous nous sommes appuyés sont des chiffres pour tout le Canada; ils illustrent la marge de profit que réalisent les entrepreneurs en construction sur le volume de construction.

Ces chiffres peuvent être obtenus par quiconque du Bureau fédéral de la statistique. Ceux que j'ai photographiées — et ce n'est pas volontaire — vont de 1954 à 1966. Ces chiffres peuvent encore être obtenus pour des années plus récentes. Je veux simplement souligner à la commission que, lorsque j'ai mentionné 1.3 p.c. ce matin, j'étais tout près de la vérité, mais un peu en dehors; c'est inférieur pour certaines années, spécialement pour 1969. Les dernières statistiques prouvent que le profit, après taxation, est inférieur, dans certains cas, à 1 p.c.

J'ai également en main — si d'autres questions étaient posées sur le sujet et malgré que cela ne devrait pas intervenir dans le débat — d'autres chiffres qui pourraient être donnés sur les profits qui sont réalisés par les entrepreneurs de la construction. D'après une enquête auprès de 7,000 entreprises, il y a environ 59.5 p.c. qui réalisent un profit et ce profit est réalisé par au maximum, je pense, 3.6 p.c. des entreprises, qui ne réaliseraient même pas un profit de 1 p.c.

Je comprends — et c'est la réserve que je veux y faire — que le volume joue énormément. Il est clair que le volume joue énormément. C'est différent de l'industrie de l'habitation où le volume est peut-être moins grand.

Je prends un entrepreneur qui fait $5 millions, s'il fait 1 p. c. de profit par année, cela peut être drôlement intéressant. C'est d'accord.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési- dent, j'ai entendu, cet avant-midi, les représentations de M. Dion et j'aurais deux ou trois questions à lui poser. M. Dion nous a dit que l'organisme qu'il représente s'oppose à la clause d'ancienneté, de même qu'à la clause des droits acquis. Est-ce que, selon votre avis M. Dion, cela tient à la nature des entreprises que vous représentez?

M. DION: Je crois que oui. Cela tient à leur nature, mais quand je parle au niveau des droits acquis, je pense que ça tient au niveau du contexte pour lequel ces droits ont été consentis. Ces droits que l'on prétend acquis, sont acquis à un groupe restreint de personnes et ont été obtenus dans un cadre bien spécial. Admettons qu'il y aurait un droit, acquis qui dirait que tous ceux qui travaillent sur les quais ont droit, parce qu'ils sont sujets aux marées, à tel genre de conditions de travail. Etendre cette clause-là à toute la province est impensable pour la raison suivante: cela a été donné dans un milieu spécifique, à cause de telles et telles conditions du milieu et cela n'a aucune raison d'être étendu au niveau de la province. Les droits acquis sont limitatifs au point de vue des personnes, limitatifs aussi, dans le cadre dans lequel ils ont été donnés. Que l'on pense à étendre ses droits acquis au niveau de toute la province, à ce moment-là, on ne traite pas l'industrie de la construction d'une façon logique. On la traite en disant: II suffisait à un moment donné d'avoir été chercher une prime pour les gars qui font de la couverture dans la région très haute de Duplessis pour dire que cette prime s'applique à tous les gens de la province. Je pense que ce n'est pas là tout à fait la logique de l'industrie de la construction.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et pour la clause d'ancienneté, ce sont les mêmes raisons?

M. DION: Quant à la clause d'ancienneté, je pense que c'est celle qui illustre le plus le danger d'enlever chez l'entrepreneur tous ses droits de gérance. Un exemple de l'application de la clause d'ancienneté est le suivant. Aujourd'hui, je suis engagé dans un chantier qui va durer six mois, j'ai un autre chantier à côté qui est en opération depuis six mois, il finit demain. Parce que celui qui a été engagé dans le deuxième chantier, qui dure depuis six mois, parce que j'ai la clause d'ancienneté, tous les gens qui sont dans ce chantier, dès leur mise à pied, ont préséance sur les emplois du nouveau chantier que j'ouvre. C'est ce qu'on appelle le "bumping", en bon français, cela veut dire que toute la main-d'oeuvre qui est là va être complètement balancée pour être remplacée par la main-d'oeuvre qui est au service de l'employeur.

Dans un contexte où l'on recherche la sécurité d'emploi pour les travailleurs, c'est clair que les premiers entrés vont réellement avoir la sécurité d'emploi aux dépens de tous les autres

qui vont continuellement être renvoyés d'un chantier à un autre. Ils n'obtiendront probablement aucune sécurité d'emploi dans un système où il y a de l'ancienneté.

Lorsqu'on parle d'ancienneté, il y en a différentes formes. Celle qui est demandée, c'est l'ancienneté à l'intérieur de la province, au niveau d'un employeur. Il faut quand même admettre que, si on est pour déménager un salarié d'une région à l'autre à cause de son ancienneté, l'employeur devra faire face, entre autres, à des frais de déplacement, à des frais de pension si on donne suite aux demandes syndicales. Cela est drôlement inacceptable pour un employeur.

Si je suis obligé de prendre un travailleur qui est à mon emploi depuis longtemps à Québec et de l'amener travailler à Sherbrooke, parce que la clause d'ancienneté m'oblige à faire cela et si je donne suite à la clause des frais de transport que les syndicats me demandent, je devrai payer des frais de transport à cette personne-là. Or, je pense que l'ancienneté est inacceptable dans l'industrie de la construction, parce qu'il y a beaucoup d'employeurs. On n'est pas au niveau d'un seul employeur dans une usine; on est au niveau de peut-être 14,000 ou 15,000 employeurs dans la province.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'imagine qu'une fois réglée la question qui fait l'objet de l'application de la loi 38 vous songez à proposer des amendements à la loi 290 pour établir les catégories de travailleurs qui pourraient jouir de ces clauses d'ancienneté, de droits acquis, d'heures de travail, de transport, etc. En somme, ma question revient à celle que j'ai posée déjà: Est-ce que le fonctionnement cahoteux de la loi 290 ne provient pas du fait justement qu'on a marié des entreprises qui ne présentent pas du tout les mêmes caractères dans les faits?

M. DION: Là-dessus, M. Tremblay, je vous dirai qu'on est l'une des parties patronales qui ont demandé depuis un certain temps qu'il se fasse une enquête dans l'industrie de la construction pour voir ce qui ne va pas à l'heure actuelle et ce qu'il faudrait faire pour que ça aille bien. Alors, on est certainement d'accord pour qu'il se fasse un travail en profondeur sur la possibilité d'appliquer la loi ou de l'amender, si c'est nécessaire. Voici une petite allusion qu'on pourrait faire. Si les gens de bonne foi avaient voulu appliquer la loi 290, on a drôlement l'impression que ça aurait pu aller, quoiqu'il aurait resté, quand même, certains problèmes que vous soulignez et qui sont réels. Il y a des différences entre les parties; ce n'est pas homogène, c'est drôlement hétérogène.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Dion, vous n'avez pas parlé, ce matin, du problème de la parité salariale; vous l'avez évoqué simplement.

Il nous a paru que vous étiez d'accord avec ceux qui ont plaidé hier contre la parité salariale. Je voudrais vous poser une question à partir d'un fait précis qui a été porté à ma connaissance. Dans le cas, par exemple, d'une entreprise de construction de la région de Chicoutimi, soit plus précisément Arvida, celui de la construction du laminoir, vous avez des gens de Montréal qui travaillent selon les tarifs de Montréal avec des gens de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui font exactement le même travail. Ils travaillent en équipe avec ces gens de Montréal et n'ont pas le même salaire. Il y a une différence assez importante de salaires entre ces gens-là. Quelle peut être votre opinion là-dessus si tant est que je puisse me permettre de vous la demander?

M. DION: M. Tremblay et MM. de la commission, je n'ai pas voulu mettre de chiffres. Je pense que la fédération aurait pu, comme d'autres parties, mettre beaucoup de chiffres sur la table pour prouver que la parité est inacceptable, etc. Je pense qu'il y en avait suffisamment. Notre pensée aurait pu être exprimée, mais je vous la résume de la façon suivante: On admet que, dans l'entente du 10 juillet 1969, il a été question de compétence, par cartes provinciales, avec une parité salariale. Cette partie, on l'a admis.

Lorsque les gens seront également compétents, il y a peu de raisons, sauf les problèmes économiques, pour permettre des salaires différents. Si je suis capable, aussi bien qu'Arthur ou Jean est capable de faire le même travail, il y a peu de raisons qui justifient, au niveau de la compétence, d'avoir des salaires différents. Le seul argument que je puisse maintenir à ce niveau-là, c'est une question d'économie locale ou d'économie régionale. A compétence égale, les gens devraient avoir le même salaire, normalement, sauf les influences que cela peut avoir sur l'économie de la région.

Il y a ceci qui se présente, et je reprends là un exemple qui, je pense, a été amené par M. Cardinal hier. Il a dit: Les notaires ont tous le même tarif, ainsi que les avocats. Lorsqu'un avocat est plus compétent et a le droit, d'après le Barreau d'exiger un honoraire de $150 pour régler tel problème, je pense que celui qui est compétent va le régler en dedans d'une demi-heure. Celui qui ne l'est pas va peut-être prendre trois heures pour le régler. Ils reçoivent le même taux d'honoraire. L'un le gagne dans une demi-heure et l'autre dans une heure. A la fin, le revenu des deux n'est pas du tout le même. Je pense que c'est peut-être là qu'il faut illustrer la parité. C'est que si les deux travailleurs de la construction produisent dans un même temps le même travail, la même valeur de travail, à ce moment-là, on peut parler de parité entre les personnes. Mais lorsque les gens, par voie de compétence, — et on ne peut pas blâmer les gens d'être plus ou moins compétents — ne

sont pas capables de produire la même chose dans le même temps, je suis immédiatement obligé d'avouer que je ne peux pas payer une personne le même prix que l'autre parce qu'elle ne produit pas la même chose, elle n'a pas la même compétence.

Je suis obligé de remplacer tel salarié pour compléter tel travail, parce que, lui, il s'est spécialisé dans telle branche de son métier. Il n'est pas capable de compléter son travail, parce qu'il n'est pas capable de remplir complètement sa carte de compétence.

Il y avait énormément de régions où les examens de compétence, pour obtenir les cartes, étaient drôlement différents, avec le résultat que la main-d'oeuvre n'est pas toute également compétente et, de prime abord, on ne peut pas offrir à tout le monde le même salaire. C'est de la pure logique.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, M. Dion, vous admettrez avec moi que cette comparaison entre les avocats et les employés des métiers de la construction est passablement boiteuse, n'est-ce pas?

M. DION: C'est-à-dire qu'elle ne permet peut-être pas de conclure pour l'industrie de la construction, mais elle est drôlement valable pour les avocats.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais, dans le cas que j'évoque, il s'agit de deux employés qui exécutent exactement le même travail, qui ont la même carte de compétence, exactement. La preuve qu'ils ont la même compétence, c'est qu'on les allie pour faire équipe afin d'exécuter un travail donné. Je parle du cas du laminoir à Arvida. Pourquoi, selon vous, cet homme de la région de chez nous n'aurait pas droit au même salaire que celui qu'on a importé de Montréal?

M. DION: M. Tremblay, vous prenez comme prémisse que les gens ont la même carte. Je suis d'accord, ils peuvent avoir tous les deux un carton de la même couleur sur lequel il est écrit: charpentier-menuisier.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Comme les avocats ont le même diplôme signé par le recteur.

M. DION: Ils ont tous un certificat signé par le Barreau du Québec, mais cela ne veut pas nécessairement dire qu'ils possèdent tous la même compétence. Je pense qu'en économique je n'y connais rien, mais celui qui a un diplôme d'économiste y connaît quelque chose.

Dans l'industrie de la construction, une série de gens peuvent avoir une carte de compétence de menuisier, mais ne pas tous avoir la même compétence. Dans la compétence, il faut considérer l'expérience. C'est peut-être drôle de le dire, mais le gars de Montréal a une expérience plus grande, pour la raison suivante: II y a beaucoup plus de travaux, le volume est plus grand. L'expérience des travaux est beaucoup plus grande aussi. Il travaillera à différentes sortes de constructions. Son expérience est beaucoup plus étendue que l'expérience de celui qui est en Gaspésie, par exemple. Je n'en veux pas aux gens de la Gaspésie, mais des palais de justice de $12 millions ou $15 millions, en Gaspésie, il ne s'en fait pas trop souvent. Et les polyvalentes de $7 millions ou $8 millions, en Gaspésie, il ne s'en fait pas trop souvent. Ce n'est pas le même volume de construction, ce n'est pas la même diversité de construction, en Gaspésie.

Or, le gars qui est menuisier ou plâtrier dans la région de Montréal a acquis une expérience qui lui donne peut-être une compétence plus grande — je pense que c'est drôlement relié — et, donc, une productivité qui peut drôlement être différente de celle du gars de la Gaspésie qui, peut-être, deux, trois ou quatre mois par année travaille dans la construction et va faucher après.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Dion, cela pourrait valoir dans le cas de quelqu'un de la région de chez nous, qui n'est jamais sorti de la région et qui aurait de ce fait une compétence, disons, moindre. Mais dans le cas que j'évoque, il s'agit d'employés de la construction qui ont déjà travaillé sur les grands chantiers de Montréal, exécutant exactement les travaux qu'on leur fait faire actuellement à Arvida. Cet homme-là, en vertu de la mobilité de la main-d'oeuvre, s'est déplacé sur la Côte-Nord, à Montréal, un peu partout, sur des grands chantiers où il a travaillé. Il a acquis, à mon sens, la même compétence que le gars de Montréal. Alors, pourquoi n'aurait-il pas le même salaire, travaillant en équipe avec un gars de Montréal ? Maintenant qu'il travaille à Arvida, on lui donne moins.

M. DION: Ecoutez, je ne veux pas refaire votre question. Vous pourriez me demander pourquoi il ne l'avait pas. Quand vous me demandez pourquoi il ne l'aura pas, je peux vous dire que nous avons admis tantôt que la personne qui pourra obtenir la même carte de compétence que le gars de Montréal, celui qui pourra satisfaire aux cartes de compétence qui seront émises normalement en vertu du bill 49, tous ceux qui auront la même carte de compétence provinciale qui sera émise en vertu de ce bill devront, nous l'admettons, c'est le paragraphe a) de l'entente du 10 juillet, avoir le même salaire. Je pense que cela répond à votre question. C'est qu'il n'y avait pas de cette sélection avant le bill 49, pour être certain que tous les gens avaient la même compétence. On l'aura, en vertu du bill 49. Je pense que notre proposition était claire sur ce point. Nous

admettons la parité pour les gens qui auront la même carte de compétence après avoir subi les mêmes examens.

M. LAPORTE: Un cas pratique. Disons que la compétence égale, c'est très bien. Mais vous avez là un cas, disons, récent sur un chantier, quelque part dans la province de Québec — je ne veux pas l'identifier davantage — on a recours à toute la main-d'oeuvre locale, électriciens, bon, si vous voulez, pour faire le travail. On les juge donc compétents puisqu'on fait appel à eux. On leur paie les salaires acceptés dans la région. On épuise, par le nombre, la main-d'oeuvre. Il n'y en a plus. On doit faire appel à d'autres gens de même métier de Montréal. Ils viennent de Montréal et reçoivent les salaires de Montréal, alors que les autres, qui ont été jugés compétents puisqu'on a retenu d'abord leurs services, reçoivent, eux, le salaire local. Cela a créé d'abord un problème de principe. Est-ce qu'on doit avoir deux taux ? Deuxièmement, cela a créé sur le chantier, ce qui n'est certainement pas intéressant pour l'employeur, un problème de relations entre employés qui était extrêmement compliqué, pour user d'un mot poli. Comment peut-on régler un problème comme celui-là?

M. DION: Je pense que vous faites quand même exclusion du problème de la compétence et à ce moment-là, je pense qu'une grosse partie de la réponse pourrait être qu'on pourrait prétendre que les gens venant de l'extérieur pourraient avoir une compétence autre que locale. Je fais exclusion de ce problème.

Il est clair que vous ne pouvez pas prendre des gens de la région de Montréal et leur faire admettre qu 'ils iront travailler dans la région de la Gaspésie au taux de salaire de la Gaspésie. Ces gens-là exigeront le même salaire qu'ils ont à Montréal...

M. LAPORTE: Mais, en sens inverse...

M. DION: ... qu'il soit ou non justifié à leur égard, parce qu'ils y ont droit.

M. LAPORTE: ... comment ferez-vous accepter aux gens de la Gaspésie...

M. DION: Le gars qui partira de la Gaspésie pour aller travailler à Montréal bénéficiera du taux de salaire de Montréal, justement ou injustement.

M. LAPORTE: C'est très habile, mais s'il y a deux personnes sur une équipe, l'une qui vient de Montréal et qui a le taux de Montréal et l'autre qui travaille chez elle, en Gaspésie, et qui a le taux de la Gaspésie, comment règle-t-on ça?

M. DION: Comment on va régler ça, pas comment on règle ça. Je ferai remarquer que, dans chacune des régions, c'était négocié, ces conditions de salaires et les ouvriers de la Gaspésie étaient satisfaits d'avoir tel salaire par rapport à Montréal.

Aujourd'hui, on veut régler le problème différemment. On demande d'avoir une parité dans toute la province et nous répondons: Oui, la parité, mais au niveau d'une compétence égale qui sera accrue en vertu du bill 49. Nous ne sommes pas contre la parité, il faut le comprendre. Nous sommes pour la parité basée sur une compétence égale qui sera définie par le bill 49 et qui sera drôlement augmentée par rapport à celle que nous avons actuellement.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bagot.

M. CARDINAL: Permettez-vous, M. Dion, que, sur ce point très précis — parce que nous ne pouvons pas y échapper — je vous pose d'abord une question, quitte à y ajouter après un commentaire? Je ne suis pas un expert dans toutes ces questions que nous étudions depuis plusieurs heures, mais ce que vous venez de dire ne nous indique-t-il pas que les cartes de compétence, dans divers corps de métiers, sonnt décernées par régions et qu'elles peuvent avoir des valeurs différentes?

M. DION: Vous avez exactement la réponse et j'irais jusqu'à dire que, dans certaines régions, il n'y a même pas de carte de compétence. Pour certains métiers, dans certaines régions, les gens ne suivent aucun cours et il n'y a aucune carte de compétence. Disons que ce n'est peut-être pas vrai et que je ne prends peut-être pas le bon exemple, mais un menuisier en Gaspésie n'a pas de carte de compétence, parce que la carte de compétence ne s'appliquait que dans la région de Rimouski. Or,cette personne-là,, qui a quand même droit au salaire mentionné au décret parce que c'est un menuisier, peut-on dire qu'elle aurait droit, théoriquement, au salaire de Montréal alors que le gars de Montréal ou de Québec — prenez un autre centre plus populeux — lui a suivi des cours et a fait un apprentissage qui lui a permis d'apprendre réellement son métier? L'autre l'a peut-être acquis par une certaine expérience, complètement ou incomplètement, mais on ne peut pas dire que la personne de la Gaspésie a la même compétence que la personne d'une autre région plus populeuse. On retrouve des endroits où il n'y a pas de carte de compétence et, dans les endroits où il y en a, les cartes étaient émises d'une façon régionale.

Je ne parle pas des électriciens, plombiers, dont les licences sont provinciales, mais des métiers généraux. Les cartes y étaient émises en vertu d'examens de niveau régional, et ce sont des cartes régionales qui sont émises.

M. CARDINAL: Vous me permettez?

M. DION: Même que les cartes n'étaient peut-être pas interchangeables entre les régions dans certains cas.

M. CARDINAL: Vous permettez? Je pose la question pour une raison très précise. Vous êtes parti d'une analogie que j'ai faite hier. Or, l'analogie n'est pas aussi boiteuse qu'on le dit. Que l'on se rappelle bien l'histoire, avant les lois qui régissent actuellement les corps professionnels dont on a parlé. Ce n'est pas une défense de ces corps professionnels, pas du tout, et on en reparlera de ça un autre jour, quand on parlera du rapport Castonguay. Mais revenons au sujet.

A ce moment-là, il y a un certain nombre d'années, les examens du Barreau et les examens de la Chambre des notaires se faisaient sur un plan régional. C'étaient des barreaux régionaux et des chambres de notaires régionales, avec le résultat que la compétence était en fait très variable d'une région à l'autre. Avec le temps, les gens ont accepté qu'il n'y ait qu'un seul bureau central qui puisse — je vais continuer à parler par analogie — émettre une carte de compétence. Ce n'est qu'à compter de ce moment-là d'ailleurs qu'il y a eu parité d'honoraires, même si, comme je l'ai indiqué hier, le résultat n'était pas le même au total à cause d'une série d'autres éléments qui ne dépendent pas de la compétence, mais de questions économiques de la région.

En disant ceci, j'essaie d'être objectif et de ne pas tourner à l'envers la situation que je décrivais hier, je veux seulement essayer de m'éclairer davantage et peut-être d'éclairer certains de mes collègues qui m'entourent, parce que vous me semblez faire porter le problème sur un plan différent de ce que nous avons entendu hier. Je n'ai malheureusement pas entendu M. Lefebvre ce matin, mais on m'a dit que ça avait été excellent. Je ne compare pas ce que vous faites avec ce qui a été fait hier, mais, quand même, à ce moment-là, au lieu de présenter des chiffres ou de présenter une thèse qui dit: Nous sommes contre la parité, vous me semblez plutôt — et, si vous voulez, je vais revenir à ma question précise — le placer sur un plan de compétence. N'est-ce pas là un problème — je ne le sais pas, je le soumets aussi au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre — qui est à résoudre d'une façon ou d'une autre, peut-être pas dans le cadre de ces négociations-là, mais en tenant compte de cette pondération?

M. DION: Je pense, si vous me permettez, que je peux ajouter ceci, M. Cardinal...

M. CARDINAL: Bien, je vous le permets certainement.

M. DION: Je pense que mon exposé a voulu tendre à ceci, c'est que c'est inacceptable, à l'heure actuelle, au niveau de la compétence. Je pense que j'ai aussi ajouté l'élément de réaction économique que la parité salariale peut avoir dans les régions. Je pense qu'on peut là drôlement se rapprocher du document de M. Lefebvre qui dit: A un moment donné, quand vous aurez équilibré le reste de l'économie, c'est clair que l'industrie de la construction va flotter là-dedans. Au moment où tout le monde va être paritaire dans toute la province, pourquoi l'industrie de la construction ne le serait-elle pas? Il est clair que tout le monde va flotter, mais, dans une économie où seulement l'un des secteurs seraient complètement déséquilibré, nous, nous vous disons: Bien, nous ne pensons pas que ça peut se faire.

M. CARDINAL: Ce qui arrive dans cette industrie-là, c'est le même phénomène qui arrive chez les professionnels. Prenez n'importe quelle, profession, prenez les médecins, les avocats, les notaires, les psychiatres, etc. Dans n'importe quelle de ces professions, les deux tiers de leurs membres sont situés à Montréal; vous en avez à peu près un sixième à Québec, un douzième à Trois-Rivières et les autres sont éparpillés un peu partout sur le territoire de la province.

M. DION: Vous avez peut-être raison. Vous donnez l'impression que défendre la parité, c'est défendre un problème illusoire, parce que la parité y est peut-être déjà en grande partie.

M. CARDINAL: Je ne veux pas défendre une thèse, je l'ai bien dit hier, tout au contraire. Je ne suis pas partie à la table des négociations, mais je veux bien savoir quelles sont les réactions des parties, patronales ou ouvrières, au sens large, vis-à-vis de ces problèmes.

M. DION: Seulement un petit exemple. Le vice-président de la fédération — l'un des deux vice-présidents est un entrepreneur général de la région de Drummondville — quand je lui parle de parité, il y a peut-être une différence parce que nous avons calculé les bénéfices sociaux, puis ces choses-là. Quand on parle de parité à l'entrepreneur général, ou à un entrepreneur de Drummondville, on lui parle d'une augmentation de tout près de 77 p.c, de 70 p.c. à 77 p.c.

Ecoutez, ce gars-là dit: Je fais des constructions et si je charge dans l'espace de trois ans 77 p.c. de plus, est-ce que je vais être encore capable de vendre de la construction aux gens de ma région? Les gens de sa région vivent d'une industrie qui est peut-être, si je ne me trompe pas, le meuble ou le textile, dans la région de Drummondville, où le taux de salaire est nettement inférieur à celui de l'industrie de la construction. C'est clair, si vous prenez l'industrie de la construction, si vous augmentez tellement son coût que vous débalancez complètement les deux, celui de l'industrie locale

majeure et celui de l'industrie de la construction, le gars ne sera plus capable de faire faire de la construction. C'est impossible, personne ne sera capable d'absorber le coût de la construction.

M. CARDINAL: D'accord, je ne veux pas vous harceler, mais si vous prenez l'exemple du meuble, du textile ou de la chaussure, évidemment, là, on tombe dans des exemples où on est rendu tellement bas que...

M. DION: Ce que j'ai voulu montrer, M. Cardinal, c'est que l'industrie majeure d'une région qui fait le coût de revenu, qui fait le revenu moyen de la région, peut être une industrie qui est complètement débalancée avec celle de l'industrie de la construction. J'avais apporté des chiffres. On voit que, dans l'espace d'une certaine période de l'année, l'industrie de la construction, par rapport aux autres industries, est l'industrie choyée au point de vue des salaires.

Les gens vont peut-être me dire que c'est au point de vue de capacité de salaire, pas nécessairement de la réalisation de salaire. Mais c'est quand même l'industrie choyée et, si vous débalancez complètement cette proportion-là, le gars qui travaille dans l'usine de textile n'est plus capable de s'acheter une maison, il n'est plus capable d'acheter un produit de l'industrie de la construction, parce qu'il n'a pas un salaire suffisant. On a dit, hier: Un gars va payer $136 par jour de plombier. Il gagne $88 par semaine, une journée de plombier a ruiné deux semaines de son salaire, s'il veut manger, en passant.

M. CARDINAL: Ce n'est pas cela qu'on vous a prouvé, M. Dion. Je reviens sur ce que je vous ai dit hier; je m'excuse de paraître entêté. J'ai posé une question, hier, à laquelle je pense la commission n'a pas encore reçu une réponse entièrement satisfaisante, elle viendra peut-être à la fin de toutes les délibérations. J'ai demandé et on m'a répondu, c'est un économiste qui m'a répondu qu'il ne pouvait pas me le dire. Il a dit, très objectivement, dans chacune des régions, quelle serait la part de l'augmentation du produit total fini, appelez-la une maison uni-familiale, s'il a une augmentation de tant pour cent selon tous les tableaux qu'on nous a donnés, aux pages 6 et 7...

M. DION: M. Cardinal, ce matin, Ulysse Lefebvre de l'Habitation a fait un exposé je pense très précis sur cette augmentation possible...

M. CARDINAL: Ce n'est pas pareil.

M. DION: C'est peut-être plus facile dans l'industrie de la construction de l'illustrer, c'est fameux.

M. CARDINAL: Dans ce cas-là, j'enlève ma question et je relirai le journal des Débats.

M. LE PRESIDENT: Si vous permettez, le député de Saint-Jean, d'abord.

M. VEILLEUX: Vous avez peut-être répondu à une partie de la question que je vais vous poser. Quels sont les motifs qui peuvent pousser, M. Dion, un entrepreneur, à engager de la main-d'oeuvre de l'extérieur, autre que la main-d'oeuvre locale? Je vais vous donner un exemple précis. On construit présentement, dans la région de Saint-Jean, plus particulièrement dans le comté d'Iberville, une polyvalente. On me disait, ce matin —j'ai reçu un téléphone avant de partir — que l'entrepreneur allait chercher la main-d'oeuvre surtout à l'extérieur d'Iberville et de Saint-Jean. Outre la compétence que vous avez mentionnée tout à l'heure, quels peuvent être les autres motifs qui poussent l'entrepreneur à aller engager une main-d'oeuvre de l'extérieur?

M.DION: Outre la compétence — c'est quand même un des faits majeurs — il y a quand même, reliée à ça, la productivité des gens. Et la spécialisation qui, encore là, est reliée à la compétence. Est-ce que dans Saint-Jean — je ne sais pas, je ne l'affirme pas — il y a un spécialiste pour poser des contrôles électroniques pour telle chose? Comme entrepreneur, si j'ai un contrôle électronique à poser, il va falloir que je trouve ma main-d'oeuvre et peut-être que je serai obligé d'aller la chercher à l'extérieur.

Deuxièmement, il y a peut-être une question de plus grande spécialisation. Est-ce que des gens de telle région ont déjà fait des plafonds acoustiques avec de l'amiante soufflé et des choses comme ça? Il est clair qu'à peu près tous les ouvriers de toutes les régions savent comment poser la brique. Mais je peux arriver avec l'installation d'un matériau, avec la pose d'un matériau qui exige une certaine spécialisation — cela a l'air de causer des problèmes, ce que je dis, mais c'est quand même vrai —...

M. VEILLEUX: C'est à cause de Saint-Jean et Iberville.

M. DION: ... qui exige une compétence plus spécialisée que dans d'autres régions. Vous me parlez du gars de Québec qui a posé de la tuile acoustique pendant cinq ans. Il est clair que le gars de la Gaspésie est capable d'en poser, de la tuile acoustique. Il va en poser X à l'heure et l'autre va en poser X à l'heure, qui est un chiffre drôlement différent.

M. VEILLEUX: Est-ce que ça peut être dû aussi, M. Dion, au fait que les sous-contractants viennent de l'extérieur d'Iberville et de Saint-Jean? Est-ce que ça peut être un autre motif à ajouter à ceux que vous avez énumérés?

M. DION: Vous avez quand même soulevé là un problème. C'est que, lorsque je vais construire dans la région de M. Samson, il est possible que je ne puisse pas y trouver toutes les spécialités dont j'ai besoin pour exécuter la construction. Est-ce qu'il y a une compagnie d'ascenseur à Rouyn-Noranda? Lorsque je veux faire un ascenseur, je peux être obligé d'aller chercher des gens de la région de Montréal.

Deuxièmement, il y a un drôle de problème qui se présente. Qu'on le croie ou non, avec un salaire supérieur, les gens de Montréal, parce qu'ils sont peut-être plus compétents ou plus productifs, sont capables de soumissionner à des taux concurrentiels avec des gens de la place. Ce qui est drôlement comique. Il y a un taux de salaire qui est inférieur ici à Québec. Or, on n'a qu'à faire un tour dans la ville et on va se rendre compte qu'il y a des entrepreneurs de Montréal, à l'heure actuelle, qui exécutent des contrats à Québec avec certains de leurs salariés de Montréal en payant leur pension et en payant un salaire plus élevé. Cela veut dire quoi? Cela veut dire qu'il n'y a pas un entrepreneur qui est intéressé à perdre de l'argent pour venir faire de la construction à Québec. C'est parce que la compagnie, l'équipe de mécanisation, les employés, la main-d'oeuvre, tout est organisé de façon à pouvoir concurrencer la différence des salaires. Et ça, il faut quand même l'admettre. Pourquoi la construction d'habitations coûte-t-elle $14 et quelque chose à Québec et $13 et quelque chose à Montréal? Il y a quand même une drôle d'explication. Je ne vois pas quelqu'un qui peut m'affirmer carrément que toute la différence va dans les poches de l'employeur. El faudrait quand même mettre des preuves sur la table.

M. LE PRESIDENT: Sur le même sujet, le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Dion, cette histoire de compétence me chicote un peu. Vous parlez beaucoup de la compétence et vous faites état de l'absence de compétence dans des choses très spécialisées de certaines régions. Mais si vous prenez la région du Saguenay — Lac Saint-Jean — sans faire de chauvinisme — tous les spécialistes dont vous avez besoin, vous allez les trouver. Parce que c'est quand même une région assez développée pour qu'on n'ait pas besoin — sauf dans le cas d'un manque numérique d'employés — d'importer une main-d'oeuvre de l'extérieur. Je vous ai posé un cas très précis...

M. DION: Disons que je vais tout de suite poser une cheville dans le trou. Il n'y a pas d'entrepreneur de pieux à Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord, il peut y avoir des domaines très spécialisés...

M. DION: Effectivement, c'est quand même un cas où je suis obligé d'aller en dehors.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, tenons-nous en aux lignes générales des métiers de la construction. Je vous ai donné un cas très précis, tout à l'heure.

M.DION: Ecoutez, on peut étendre les exemples longuement, je pense.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je reviens à ce que je vous ai dit tout à l'heure. Je vous ai donné un cas très précis d'employés qui ont acquis une compétence dans un domaine qui leur permet de mettre en place, actuellement, un nouveau laminoir à Arvida. On fait appel à un ouvrier d'Arvida et à un ouvrier de Montréal qui ont tous deux exactement la même compétence, la même expérience. Or, ils n'ont pas le même salaire. Je ne défends aucune cause. Je ne défends pas la parité ou la non-parité. Je vous demande de me donner une explication.

M. DION: C'est simplement parce que celui qui vient de l'extérieur vient habituellement d'une région à salaire plus élevé. Il demande d'avoir le salaire qu'il a dans la région d'où il vient.

Si le gars vient de Montréal, il n'acceptera pas d'aller travailler à Chicoutimi au taux de salaire de Chicoutimi. C'est la seule raison qui, légalement, peut justifier des différences de salaire, parce que, théoriquement, le gars de Montréal devrait ou pourrait être engagé au taux de salaire du décret.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Théoriquement.

M. DION: Théoriquement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, en principe...

M. DION: II devrait y avoir le même taux de salaire pour les deux ouvriers. Mais, moi, je ne partirais pas de Montréal pour aller travailler à Chicoutimi à un taux inférieur; il faudrait que je sois drôlement pris par le chômage et en besoin de gagner ma vie pour dire: Eh bien, écoutez, je vais me sacrifier et je vais accepter le taux de salaire de la région.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, en principe...

M. DION: Autrement, je vais demander mon taux de salaire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... vous admettez qu'humainement il y a un problème et que l'ouvrier d'Arvida, qui est pénalisé en

quelque façon parce qu'il est d'Arvida, souffre un préjudice vis-à-vis de celui de Montréal.

M. DION: A chaque fois que quelqu'un en a moins, il souffre un préjudice, parce qu'un autre en a plus. Est-ce le gars d'Arvida qui souffre un préjudice ou celui de Montréal qui bénéficie d'une faveur spéciale? Je veux cette main-d'oeuvre, j'en ai besoin. Ma seule façon de l'obtenir est de la payer plus cher. Vous allez dire: Pourquoi paies-tu plus cher le gars de Montréal et ne donnes-tu pas la même chose au gars de Chicoutimi? J'offre de l'emploi à quelqu'un et il demande le prix du décret local. Alors, je le lui donne. Ensuite, j'ai encore besoin de main-d'oeuvre et l'offre que je fais est insuffisante. Alors, je suis obligé d'augmenter mon offre pour pouvoir me procurer la main-d'oeuvre. C'est le jeu de l'offre et de la demande. Il faut se rappeler que les décrets de la construction contiennent des taux de salaire qui sont des taux de salaire minimum. Vous allez dire que pas grand-monde paie beaucoup plus que le taux du salaire du décret. Je suis bien d'accord. Mais, il n'y a rien qui empêche, dans l'industrie de la construction, un gars d'avoir un plus haut salaire que celui du décret.

C'est la réaction. Le gars, pour sa main-d'oeuvre, exige un plus haut salaire, non parce qu'il vient de Montréal, mais parce qu'il ne vient pas de la région de Chicoutimi et qu'il est habitué à gagner plus.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela répond à ma question, M. Dion; seulement, ça laisse le problème entier.

M. DION: Remarquez que vous pourriez faire venir de la main-d'oeuvre de Toronto. Faisons une hypothèse. Une fois qu'on aurait fait la parité — théoriquement — dans la province de Québec, disons que je manque de main-d'oeuvre et que j'ai besoin de recourir à la main-d'oeuvre de l'Ontario ou de Vancouver, etc. Ces gens, qui peuvent avoir un taux de salaire plus élevé, vont venir dans la province de Québec en exigeant, peut-être, ce qu'ils gagnent dans leur région, dans leur pays — j'ai dit "pays", je suis en train de faire la farce de Louis Morin avec M. Burns — dans leur province. Ils vont exiger ce taux de salaire, parce qu'ils y sont habitués. A moins qu'ils n'aient tellement faim et qu'ils ne soient lellement affamés, ils ne consentiront pas à travailler au taux de salaire qui est applicable dans la région. Si vous admettez, quand un gars de Montréal vient dans la région de Chicoutimi, que ça veut dire que tous les gars de Chicoutimi devraient être au taux de Montréal, c'est clair que, quand le gars va venir de Toronto à Montréal, il va falloir aligner Montréal sur Toronto. Quand il va venir de Vancouver à Toronto, le taux va monter.

Vous ne réussirez jamais à établir la parité, à moins de le faire à l'échelle du continent, je ne sais pas. C'est un jeu d'offre et de demande. Le taux de salaire des décrets est un taux minimum, il faut quand même l'admettre.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.

La compétence

M. LEGER: J'aurais une simple question à poser. Je reprends le cas précis dont parlait M. Laporte tout à l'heure. Si dans une région donnée on manque de tel ouvrier spécialisé, que la totalité des gens disponibles de la région sont employés, qu'il faut aller en chercher à Montréal et qu'ils n'ont pas la parité de salaire, qui, selon vous, devrait définir le degré de compétence requis pour qu'on puisse donner le salaire équivalent? Tout à l'heure, vous avez ramené la disparité de salaires au plan de la compétence. Alors, qui devrait la définir? Est-ce le centre de main-d'oeuvre, l'employeur ou...

UNE VOIX: Le syndicat.

M. DION: Cela serait plaisant parce que nous aurions la parité rapidement. Nous considérons que le bill 49 a été justement fait pour donner un mécanisme de définition de la compétence. L'émission de cartes de compétence se fera sur une base uniforme, de façon qu'on n'exige pas une huitième année dans telle région et une dixième année dans telle autre région. Alors, ce qui réglera la compétence, qui ne mesurera peut-être pas, cependant, la plus ou moins longue expérience des gens — cela peut faire cinq ans que je suis dans le métier avec la carte de compétence, alors que l'autre y est depuis dix ans; j'ai peut-être une petite productivité différente, à ce moment-là — mais qui permettra un salaire égal pour tous les gens de cette compétence, c'est le bill 49. Une fois que le bill 49 sera en vigueur, je vois très mal, par exemple, les bureaux de placement commencer à dire: Tu as l'air pas mal compétent, tu aurais droit au salaire de Montréal. Ecoutez, il faut quand même que cela soit fait sur une base sérieuse, uniformément dans toute la province. Cela sera fait par le bill 49.

A ce moment-là, on sera certain que le gars qui a une carte de menuisier est capable de faire au minimum telle chose. Avec l'expérience, il aura pu se spécialiser ou acquérir une compétence supérieure, c'est vrai, mais, au minimum, on saura que tous les menuisiers sont capables de construire un escalier sans arriver avec une petite marche en haut, etc.

M. LEGER: Mais, dans le cas précis où les ouvriers de la région ont un taux de salaire et qu'on rajoute des ouvriers de Montréal, avec leur taux de Montréal, selon le bill 49, qui, dans la région, se permettra de dire que ceux de la région — parce qu'il y aura des ouvriers dans le

même champ d'action — auront un salaire inférieur? Qui déterminera cette compétence, dans le cadre du bill 49?

M. DION: Les cartes de compétence qui existent actuellement, autant pour les plombiers, les électriciens, les plâtriers etc., ce sont des cartes émises régionalement, avec la licence provinciale. On ne peut les considérer comme des cartes en vertu du bill 49. Ce que le bill 49 fera entrer en vigueur, c'est une carte de compétence émise après un examen du candidat avec des exigences beaucoup plus profondes, beaucoup plus étendues. Cette nouvelle carte sera une carte de compétence provinciale.

Je ne voudrais pas aller trop loin parce que le bill 49 n'est quand même pas complètement, à notre connaissance, terminé. Il y a encore beaucoup de choses à y faire, je pense. Avec la nouvelle carte de compétence, la personne aura une compétence uniforme, mais plus grande que celle qu'elle a aujourd'hui. Il restera que le gars qui détient encore la carte de compétence qui lui avait été donnée avant le bill 49, pourra être sujet à un taux de salaire différent de celui qui aura voulu s'améliorer en subissant les examens exigées pour l'obtention de la carte de compétence provinciale. Alors, celui-là qui aura voulu se spécialiser et se rendre plus compétent aura droit à un taux de salaire différent qui, lui, sera uniforme dans toute la province.

Je pense qu'il y a quand même une chose. C'est qu'il faut admettre qu'à l'heure actuelle les cartes de compétence n'ont pas une valeur uniforme. Est-ce que la carte du gars de Montréal vaut celle du gars de la Gaspésie, ou celle du gars de la région de Chicoutimi? Peut-être que l'employé a la même compétence, mais la carte n'a pas la même signification, parce que les examens n'étaient pas semblables.

M. LE PRESIDENT: M. Desjardins.

M. DESJARDINS: Ce qui se produit, c'est que la compagnie ne prend pas ses responsabilités. Il s'agit de la compagnie Pentagone à Arvida. Présentement, elle engage des ouvriers de la place et ces ouvriers sont obligés d'aller travailler. Ils n'ont pas le choix, étant donné le chômage qui sévit dans la région du Lac-Saint-Jean. Selon la carte de compétence, ce sont des plombiers. Les plombiers ont la même carte à travers la province. Et les plombiers dont vous parlez, là-bas, ce sont les mêmes qui ont travaillé voilà trois ou quatre ans à Alma, à la Price Brothers, où ils avaient le salaire de Montréal. Ces mêmes plombiers ont travaillé — je les connais personnellement — à Baie-Comeau. Ils étaient encore emmenés de Montréal ou d'Alma. Leurs services étaient requis pour le même genre de chantier et ils avaient le salaire de Montréal, automatiquement.

Leur compétence ne peut pas être mise en doute. Par contre, ces gars-là, n'ont pas le choix. Nous sommes allés les rencontrer cette semaine. Ils sont "tannés" de voir que des gars d'à côté, avec la même compétence, n'ont pas le même salaire. Par contre, la compagnie joue sur les mots. Elle sait que le bill 38 est en vigueur et que ces gars-là n'ont pas le droit de faire la grève. J'ai un télégramme qui spécifie très clairement: "Les salaires déjà payés pour les plombiers engagés par le truchement du Bureau de placement provincial sont conformes aux dispositions du bill 38, article 7. Nous ne consentons pas à augmenter ces conditions. Nous sommes présentement devant la commission parlementaire concernant la construction. En accord avec le bill 38, article 8, la grève est illégale."

En plus de cela, ce n'est même pas une compagnie qui a déposé un prix pour le "job", parce que le "job" est au "cost plus". C'est la compagnie elle-même qui nous l'a dit. Alors, si elle paie plus cher pour les ouvriers de la place ou si elle paie le même prix pour les ouvriers de la place, ce n'est certainement pas dû à la carte de compétence, parce que la compétence, ils l'ont. Mais cela dépend du degré de responsabilité de la compagnie engagée dans le genre de travaux qu'elle fait présentement à Arvida.

M. DION: Je pense que c'est un bien bon plaidoyer de M. Desjardins, mais il faut quand même qu'il admette qu'au niveau de l'entreprise — que ce soit celle-là ou une autre — son obligation envers l'employé, c'est quand même de respecter le décret. La main-d'oeuvre locale qui s'offre au salaire du décret et qui travaille au salaire du décret ne peut, sauf refuser de se donner, exiger plus que le taux de salaire du décret. Si elle exige plus que le taux de salaire du décret, il est clair que l'employeur a le choix de les garder ou de ne pas les garder, ces gens-là. Je comprends peut-être, moi, que le gars n'admet pas de travailler à côté d'un autre qui gagne $0.50 de plus. Mais quand même, on ne peut pas accuser l'employeur de ne pas respecter les conditions de travail. Le décret, lui, dit de payer $4. Il paie $4. Il est clair que si, pour obtenir d'autre main-d'oeuvre, il est obligé de payer $4.50, c'est la question de l'offre et de la demande de la main-d'oeuvre qui va jouer. Qu'on dise à ce moment-ci que c'est inacceptable... C'est peut-être inacceptable, mais ce n'est certainement pas illégal.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Dion, remarquez que le problème qui se pose, ce n'est pas la question de savoir si les employeurs respectent la loi ou pas. Si j'ai posé cette question et si d'autres y ont fait écho, c'est parce que cela met en cause un principe, celui de la parité salariale. Je ne me suis prononcé ni pour, ni contre, mais nous voyons que l'absence de parité salariale dans certaines régions, est défavorable à des gens qui, selon moi, ont toute raison de se plaindre.

Ce que je voulais faire en vous posant cette question, c'est précisément de poser le problème. Que les employeurs respectent les décrets, je n'y ai absolument pas d'objection. Au contraire! Mais le problème est de savoir si ces décrets sont conformes aux réalités contemporaines dans le monde du travail, particulièrement dans l'industrie de la construction.

M. DION: M. Tremblay, disons que je pourrais peut-être vous répondre de la façon suivante: Nous sommes dans un système, l'industrie de la construction, où les salariés sont payés en vertu d'une compétence évaluée comme moyenne. C'est-à-dire qu'on a dit que si tel ouvrier ou plombier était valablement compétent dans la région, il avait droit à tel salaire dans la région. Il est clair qu'il y a des gens qui auraient droit, en théorie, à un plus haut salaire que cela, parce qu'ils sont drôlement plus compétents.

Il est clair aussi qu'il y a des gens qui ne devraient pas avoir ce salaire, parce qu'ils ne sont pas compétents.

Le problème qu'on retrouve dans un jeu de salaire moyen à compétence moyenne, c'est que les gens qui sont plus compétents et qui sont à côté de gens moins compétents reçoivent le même salaire; et ce n'est pas le moins compétent qui va devenir le plus compétent, mais l'autre qui, à un moment donné, commence à suivre le courant, qui ne rame pas plus vite que les autres et s'en va avec ça.

C'est un problème d'avoir un salaire moyen en regard d'une compétence moyenne. Le bill 49, je pense, va grandement améliorer la situation dans l'industrie de la construction, parce qu'on pourra reconnaître à ce moment-là que le gars qui fait réellement un effort pour devenir plus compétent pourra peut-être à ce moment-là acquérir un salaire supplémentaire. Pour l'autre catégorie, ceux qui sont plus ou moins compétents, à ce moment-là, que voulez-vous, on a décidé d'établir un salaire moyen pour ces gens-là, un salaire moyen qui fait qu'un tel est surpayé et l'autre est sous-payé. C'est clair et net.

On a parlé hier des taux de charge des plombiers; c'est clair qu'à un moment donné, si je prends le transport de tel gars pour tel appel de service, ça coûterait $0.30; si j'en prends un autre, ça coûterait $6. La loi de la moyenne veut qu'on charge $1.50 à tout le monde; il y en a qui ont fait des gains et il y en a qui ont fait des pertes, mais c'est la loi de la moyenne et c'est le même problème avec un salaire moyen minimum dans l'industrie de la construction.

M. LE PRESIDENT: M. Pepin, sur le même sujet.

M. PEPIN: M. le Président, ça fait longtemps que j'ai demandé de poser certaines questions à

M. Dion, je voudrais relier trois ordres de problèmes. Le premier est assez court d'ailleurs et en relation avec une question de M. Cardinal. Lorsqu'il a été question que la carte de compétence était régionale — je pense que vous avez bien raison là-dessus — est-ce que je me trompe, M. Dion, en disant que, pour au moins quatorze régions, il y a interchangeabilité pour les cartes de compétence?

M. DION: Je ne discuterais même pas des chiffres 13, 14 ou 15, mais certaines régions ont interchangeabilité de cartes, d'accord, parce qu'il faut quand même admettre que c'est de la compétence minimum. Il y a quatorze régions depuis peut-être tout dernièrement, mais c'est depuis assez dernièrement qu'il y a interchangeabilité.

M. PEPIN: Mon deuxième point, M. le Président, se rapporte au bill 49 lui-même, pour voir si j'ai la même compréhension que M. Dion du bill 49. Mon interprétation du bill 49 est d'essayer de donner une meilleure polyvalence aux travailleurs de la construction et à d'autres travailleurs éventuellement. Est-ce que vous êtes d'accord là-dessus avec moi?

M. DION: Je pense que vous avez raison de dire de donner une meilleure polyvalence, mais pour autant que vous n'en faites pas le seul remède qu'apportera le bill 49. Je pense que c'est un des remèdes que le bill 49 apporte dans l'industrie de la construction, mais il apporte aussi un remède d'une meilleure qualification des travailleurs de l'industrie de la construction. Je pense que le bill 49 règle les deux problèmes, une meilleure compétence et une meilleure polyvalence. Les deux ne peuvent pas exister l'une sans l'autre.

M. PEPIN: M. Dion, quand je réfère à la question de polyvalence, je dis une meilleure polyvalence. Bien sûr, ça n'exclut pas le fait que le travailleur doit être plus compétent ou mieux qualifié pour faire non seulement un travail mais aussi tous les travaux qui appartiendront éventuellement à la famille de métiers qui sera constituée. Cela étant, M. Dion, je voudrais vérifier avec vous — juste pour voir si cela est exact ou non — si les gens qui vivent à l'extérieur des grands centres — prenons l'exemple de Chicoutimi pour continuer dans la même exploration — n'ont pas, à l'heure actuelle, plus de chance — présentement j'entends — d'être davantage polyvalents, peut-être moins spécialisés que les gens des grands centres. Ne peuvent-ils pas être davantage polyvalents parce que, la somme des travaux exécutés pour chacune des opérations est moins considérable que dans un grand centre où on peut se spécialiser, disons par exemple les parqueteurs, ceux qui font les planchers? Ma question est donc juste pour voir si vous partagez cet avis ou

non. Considérez-vous que, généralement, les gens des centres plus restreints ont, à l'heure actuelle, la chance d'être un peu plus polyvalents que les gens qui vivent dans les grands centres et qui peuvent exécuter presque à l'année longue une seule fonction?

M. DION: Je pense que vous avez raison, M. Pepin. Il est clair qu'il faut que le gars de la région de la Gaspésie sache faire l'escalier, sache faire la forme, sache poser une porte, peut-être pas avec toute l'habileté d'un gars d'un grand centre, mais il y a une chose quand même qu'il n'a pas, c'est qu'il n'a pas la spécialisation et, dans la spécialisation, il y a un phénomène de productivité.

Or, le phénomène de productivité fait que, si un gars s'est habitué, pendant deux ans, à poser des portes à Montréal, il va peut-être poser 25 portes par jour. Tandis que le gars de la Gaspésie, parce qu'il est polyvalent, dans le sens que vous avez donné, va poser seulement trois portes dans la journée, parce que pour lui, c'est un des travaux qu'il fait durant la journée, mais ce n'est pas le seul. Alors, il ne s'est pas habitué aussi facilement à le faire ce travail. Donc il est moins spécialisé, il est moins productif. Et, à l'égard de l'employeur, il faut quand même avouer que la productivité est un facteur très important.

M. PEPIN : Là, je tire une conclusion personnelle qui ne sera sans doute pas la vôtre. Cela voudrait dire, quant à moi, par vos réponses, que les gens de la province auraient probablement plus de chance de se qualifier, au sens du bill 49, que les gens qui sont plus spécialisés. Je ne dis pas que c'est là votre conclusion.

M. DION: Votre conclusion, à vous, est excellente, M. Pepin, parce que vous vous basez simplement sur le fait que le bill 49 est un bill qui va accorder de la polyvalence. Comme je l'ai mentionné tantôt, quant à moi, le bill 49 n'accordera pas seulement de la polyvalence, mais accordera également une compétence accrue au niveau des travailleurs. Et, à ce niveau-là, je ne suis pas d'accord avec vous. D'ailleurs vous l'avez prévu avant de parler.

M. PEPIN: Je voudrais maintenant aborder un autre point qui me paraît extraordinairement important dans le débat qui nous occupe et qui occupe la commission parlementaire, c'est la question d'ancienneté.

Permettez-moi de situer, seulement en deux mots, le problème. L'industrie de la construction est la seule industrie où il n'y a pas de règle d'ancienneté qui s'applique et où les employeurs disent, maintenant, que ceci est inapplicable et que ça ne peut recevoir aucune application dans cette industrie.

Je vous ai écouté, M. Dion, ce matin, sur ce sujet et je voudrais au moins avoir une préci- sion. Vous avez procédé plutôt à l'aide d'exemples, plutôt qu'en donnant des affirmations générales. Vous nous avez de nouveau donné l'exemple de la personne, dans un métier, qui s'occuperait du point de départ, de la fabrication au point de départ, du "rough" si vous voulez, et de la personne, comme charpentier-menuisier, ou menuisier, qui s'occuperait de la finition.

Si j'ai bien compris, vous vouliez nous dire — c'est de l'interprétation que je fais, mais vous pourrez me corriger, vous êtes là pour ça — que si on applique une règle d'ancienneté, les risques pour un employeur sont d'avoir quelqu'un à embaucher pour le début des travaux, qui s'appellera en l'occurrence charpentier-menuisier, et qu'on sera obligé de garder éventuellement parce que la finition arrivera et que là on tenterait de faire appliquer la règle d'ancienneté.

Je vous suggère ceci, M. Dion, et je voudrais voir si cela est concordant avec ce que vous avez dit. Est-ce que vous n'alléguez pas, à ce moment, que vous avez des raisons objectives, vous, comme employeur, pour vous défaire, pour mettre à pied un employé avant un autre, alors que le premier aurait été embauché avant le second? Vos exemples toujours me conduisent à dire: II y a de l'objectivité dans leur affaire, ils ne veulent pas qu'un travailleur soit appelé à exécuter un travail qu'il n'est pas en mesure de faire. Si cela est vrai, seriez-vous prêt, M. Dion, à ce que la future convention collective, ou le futur décret prévoi que l'ancienneté, sa règle, sera que l'employeur ne pourra se priver d'un employé qui a été embauché avant l'autre à moins que l'employeur ait des raisons objectives pour procéder ainsi?

M. DION: Ecoutez, tout de suite en partant, je veux faire remarquer que, ce matin, lorsque j'ai donné l'exemple sur l'ancienneté, je n'ai voulu que résumer. Et j'ai fait bien attention de le dire à la commission, je ne voulais pas étendre la discussion sur les sujets. Quand j'ai dit que l'ancienneté avait pour conséquence peut-être d'amener le "bumping" et de faire qu'un gars qui est dans les formes au commencement, je vais être obligé de le garder au moment de la finition, je pense que c'était pour illustrer l'exemple le plus loin possible.

Ce qui était l'exemple et ce qui est le fond dans l'ancienneté est ceci: Nous, comme employeurs, n'admettons pas être obligés de prendre un employé et de le foutre à la porte parce que tel autre est entré avant lui. C'est-à-dire de faire remplacer un employé par un autre du seul fait qu'on l'a engagé avant ou après.

Pour répondre à M. Pepin, je dirai que je pars, moi, de la prémisse suivante: c'est que le droit de choisir ma main-d'oeuvre, de la congédier ou de l'engager, ça m'appartient à l'heure actuelle. C'est un droit de l'employeur d'enga-

ger la main-d'oeuvre qui est offerte sur le marché. Or, on tente, à l'heure actuelle...

M. PEPIN: Code civil.

M. DION: ... de réduire le droit des employeurs. La façon de le faire, c'est de dire: On va vous imposer: 1) la sécurité d'emploi; 2) l'ancienneté. En imposant ces restrictions-là à mes droits d'employeur qui sont les droits de gérance, on dit: Tu vas mettre ça dans tes droits de gérance et tu devras m'en faire la preuve en plus de ça. Tu viendras me prouver que, si tu fais ça, c'est parce que tu es objectif.

A un moment donné, moi, je pense qu'il faut admettre que l'employeur a le droit d'engager ou de congédier sa main-d'oeuvre dans une limite logique. S'il le fait à mauvais escient et d'une façon illégale, je pense que les syndicats ont des mécanismes dans les conventions qu'on appelle les procédures de grief. Ils sont capables de faire valoir que l'employeur a pénalisé tel et tel employé. Aujourd'hui, on tente de contrôler complètement la main-d'oeuvre de l'employeur. Cela rejoint peut-être mon argument de ce matin sur les contremaîtres. On va syndiquer les contremaîtres; on va contrôler l'embauchage par la sécurité d'emploi, puis on va contrôler la mise à pied par le système d'ancienneté. A ce moment-là, on va dire à l'employeur: Ecoutez, vous êtes un entrepreneur en construction. C'est absolument faux! Nous serons des soumissionnaires, qui fixeront un prix et qui prendront le risque de passer à travers ou pas.

Le syndicat est aussi bien de dire: Vous perdez tout contrôle sur la main-d'oeuvre et c'est nous qui sommes les sous-entrepreneurs en main-d'oeuvre. La main-d'oeuvre qu'on va fournir, c'est celle qu'on désirera vous fournir. Or, quand j'engage un employé, si tellement c'est un employé valable, je veux avoir le droit de le garder. Je veux avoir le droit de le garder tant et aussi longtemps que j'en ai besoin et qu'il fait mon affaire. Je ne veux pas le "sacrer dehors" injustement. Si je le fais injustement, qu'on me fasse un grief et qu'on se défende, mais je veux quand même avoir le droit de garder ma main-d'oeuvre et de la défendre jusqu'à la fin. Tel employé, à mon avis, est peut-être moins compétent; vis-à-vis d'un autre, il l'est peut-être plus. C'est une question d'appréciation, mais si, dans mon équipe à moi, il cadre mieux, il travaille mieux, bien je veux avoir le droit de le garder lui et ne pas être obligé de le mettre dehors parce que tel autre est entré avant. Je pense que c'est quand même un droit de gérance normal du côté des employés.

M. PEPIN: Ce droit de gérance normal, M. Dion, vous savez fort bien que, dans toutes les industries, cela a été invoqué dans le temps, mais qu'il n'existe plus à l'heure actuelle. Est-ce que vous croyez, M. Dion, que, dans l'industrie de la construction, les employeurs doivent continuer à avoir un droit de vie et de mort sur leurs employés et qu'ils peuvent les mettre à pied lorsqu'ils le désirent, même sans raison?

M. DION: II ne faut pas exagérer.

M. PEPIN: Non, mais c'est vous qui avez exagéré dans votre réponse.

M. DION: M. Pepin, si les travailleurs de l'industrie de la construction étaient traités comme vous le dites, ce serait le devoir des centrales syndicales d'instituer un paquet de griefs pour défendre leurs droits. Je pense que c'est votre devoir et que vous devriez l'avoir fait en ce moment si on a vraiment abusé de la main-d'oeuvre.

Ce que je veux souligner, c'est que, dans l'industrie de la construction, vous n'êtes pas au niveau d'une usine où l'employeur est toujours à la même place, avec la même main-d'oeuvre. Le système de l'ancienneté peut réussir à fonctionner à ce moment-là, même si les clauses d'ancienneté sont peut-être en décadence dans les usines, parce qu'au niveau de la promotion ce n'est peut-être pas toujours juste. Il reste que, dans l'industrie de la construction, vous avez un employeur qui a une usine à 45 rue Delorme; le lendemain, il est à 62 rue Laverdière. Son usine change continuellement. Son industrie n'est pas unique; elle est multiple. Il peut avoir sept ou huit chantiers en même temps. Alors, s'il a sept ou huit chantiers à la fois, c'est comme si un employeur avait, sept, huit industries et qu'à ce moment-là on faisait une clause d'ancienneté. Si le gars qui est en train de couper du cuir est là depuis six mois, bien, il faudrait que je mette le gars qui est dans l'autre industrie dehors parce que ça ne fait que trois mois.

Je pense que l'industrie de la construction est un phénomène complètement différent d'une autre industrie. Vous avez tout le système du bureau de placement qui va entrer en vigueur. Est-ce qu'on peut me faire croire que, dans l'industrie de la construction, le phénomène du contrôle de l'embauchage qu'on va rencontrer dans peu de temps, c'est réellement la même chose qu'on retrouve dans toutes les autres industries?

Je pense que, par le contrôle de l'embauchage, on a impliqué à l'industrie de la construction une certaine ancienneté qui existe au niveau de toute l'industrie, c'est-à-dire que le gars qui est le plus longtemps en chômage va avoir une priorité d'embauchage. Mais, si on pousse le système au bout, en disant qu'au niveau d'un même employeur on va également appliquer un système d'ancienneté qui va faire que le dernier entré devra sortir avant l'autre, à un moment donné, on va se retrouver avec un tout petit noyau de main-d'oeuvre composé de réguliers. Tous les autres seront des réservistes, sujets à "bumping" continuellement. Quand ils

vont entrer sur un chantier, s'ils sont les derniers, ils seront congédiés et les autres prendront leur place. Alors, la main-d'oeuvre va être continuellement en mouvement. C'est impensable. On n'est pas dans une industrie fermée dans l'industrie de la construction.

M. PEPIN: Si j'insiste, M. le Président, c'est que tout le monde aura compris que nous, à la CSN en particulier, donnons beaucoup d'importance à une question que nous trouvons primordiale. Je ne veux abuser ni du temps de M. Dion ni de celui de la commission, mais je voudrais dire deux choses.

Premièrement, il m'apparaît que M. Dion m'a surtout donné une réponse sur des modalités, me disant: Ce n'est pas la même chose, les chantiers, les employeurs, etc.

Mon deuxième point, M. Dion, je crois que vous le noterez avec moi, vous qui êtes avocat, c'est que vous ne pouvez pas aller devant le tribunal, à moins d'avoir une assise, une cause. Si je n'ai rien, dans une convention collective de travail, qui me permette de soulever un grief lorsque je suis mis à pied avant un autre, même si je fais un grief, je fais un grief inutile. Quand vous me répondez que les centrales syndicales auraient dû soulever des tonnes ou des masses de griefs, il faudrait au moins revoir les choses.

Je terminerai en vous demandant, M. Dion, si vous êtes au courant que, dans certaines régions de cette province, il y a déjà des clauses d'ancienneté pour l'industrie de la construction, non pas uniquement au niveau d'un employeur donné comme l'Hydro-Québec, mais au niveau de l'ensemble d'une convention collective groupant une association membre chez vous et des syndicats membres chez nous.

M. DION: Je suis au courant, parce qu'on a eu affaire à regarder votre document. Je ne voulais pas entrer dans la discussion des documents des autres parties, du moins, essayer de les détruire. La CSN — je dois la nommer — me dit qu'elle détient des clauses d'ancienneté dans diverses régions, par exemple qu'elle en détient une dans la région de Québec avec telle compagnie d'asphalte, "Paving..." Je trouve l'exemple vraiment ridicule et on tombe dans les droits acquis. Dans la région de Sherbrooke — je pense que c'est dans cette région qu'il y a une clause...

M. PEPIN: C'est Hauterive.

M. DION: Ne prenez pas Hauterive, parce que nous vous parlerons de l'Hydro-Québec.

M. PEPIN: Je ne vous parle pas de l'Hydro-Québec, je vous parle du décret dans la région de Hauterive, et vous le savez fort bien. Je ne parle pas d'une compagnie en particulier à Québec.

M. DION: Je le sais fort bien, j'ai négocié le décret à Hauterive. Et si jamais — et cela me fait plaisir de le dire — c'est entré dans le décret général de Hauterive, qui était divisée en deux zones, c'est peut-être parce qu'il a existé d'abord dans la première zone; ce n'est que par pression qu'il a pu entrer dans la deuxième.

Cependant, je veux vous dire ceci, indépendamment de ce qui pouvait exister au niveau de l'ancienneté, qui est, quant à nous, considérée comme certains droits acquis. A ce moment-là, il n'y avait pas de jugement Gold, il n'y avait pas de sécurité d'emploi. C'étaient des situations isolées pour des cas assez concrets comme l'Hydro-Québec, comme Modem Paving — je n'aurais pas voulu nommer la compagnie — qui a une convention collective avec une clause d'ancienneté. Ce sont des clauses d'ancienneté qui ont pu être obtenues dans un cadre totalement différent, au moins différent de celui de la présence d'un jugement comme le jugement Gold. Et le jugement Gold — on va peut-être se demander pourquoi que j'y fais toujours référence — c'est que le jugement Gold est déjà un premier contrôle sur l'embauchage. Si on y ajoute l'ancienneté, cela veut dire, à toutes fins pratiques, aucun contrôle de la part de l'employeur sur la main-d'oeuvre.

Nous, nous disons c'est déjà un début de contrôle qui garantit ce que les syndicats ont peut-être cherché à assurer, un meilleur emploi à leurs salariés. Si on y ajoute l'ancienneté, on vient détruire un certain effet de la sécurité d'emploi, parce qu'il y aura "bumping", et on vient enlever complètement le droit au choix de la màin-d'oeuvre du côté de l'employeur. On pourrait même ajouter que le jugement Gold ne permet pas l'exportation, d'une région à l'autre, de la main-d'oeuvre, etc.

Je veux seulement toucher au problème. Pourquoi y en a-t-il eu dans des régions? c'est clair qu'il y en a eu dans des cadres différents, avec des conditions bien différentes. Et je dirai: Pourquoi y avait-il $3 et quelques cents à Chicoutimi et $5 à Montréal? Je vais répondre au syndicat: C'est parce que vous avez réussi à régler à seulement $3 à Chicoutimi et, à Montréal, vous avez réussi à $5. Si je me suis fait prendre avec l'ancienneté dans Hauterive, c'est parce que je n'ai pas pu l'éviter; à Montréal, je ne l'ai pas eue. C'est aussi simple que ça. C'est le jeu de la négociation.

M. LE PRESIDENT: Le monsieur en arrière et ensuite M. Laberge.

M. LAFONTAINE: M. Lafontaine de la FTQ. J'aurais quelques questions, si vous le permettez, concernant une situation de fait qui a été soulignée par le député de Chicoutimi, le cas du laminoir. Je crois que M. Dion a misé énormément sur la question de compétence. Je crois aussi qu'il a tout de même accepté le fait que, même au niveau des cartes de compétence, il existe présentement 13 ou 14 régions dont les cartes de compétence sont interchangeables.

II faudrait aussi surtout ajouter qu'il existe dans certains métiers des licences provinciales dont les exigences sont les mêmes concernant la compétence partout dans toute la province de Québec.

Je m'explique. Concernant certains métiers, je peux donner l'exemple des plombiers ou des électriciens qui sont probablement sous un système corporatif. Les exigences de compétence y sont les mêmes autant en Gaspésie qu'elles le sont dans la région de Montréal. Sur le cas apporté concernant les travailleurs de la construction au laminoir du Lac-Saint-Jean, ce sont des gens qui sont mis en cause présentement, effectuant les mêmes travaux. Je crois que le ministre du Travail a apporté une question extrêmement tangible à ce problème particulier, à savoir si, après avoir épuisé le réservoir des gens de cette région, l'on ne reconnaît pas la compétence des gens de cette région à ce moment-là. Je crois humblement qu'on reconnaît la compétence des travailleurs de la construction, en l'occurrence des détenteurs de licence, qui vont effectuer des travaux au même chantier.

A partir de là, lorsqu'on a épuisé la main-d'oeuvre à l'intérieur de cette région, on fait appel à une main-d'oeuvre qui vient de l'extérieur. A ce moment-là, on donne des taux de salaire qui sont supérieurs de l'ordre de $1.15 l'heure pour le même travail effectué. Au moment même où cette commission siège, des gens de la région de Chicoutimi avec des confrères de travail qui viennent de l'extérieur effectuent des travaux à un taux inférieur de $1.15 l'heure pour le même travail, et ils forment équipe ensemble. Je crois donc que c'est humainement impensable qu'une situation de fait qui existe présentement soit tolérée. Il est malheureux de voir que certains entrepreneurs puissent se faire valoir du fait qu'il existe présentement des lois telles que le bill 38 peut-être, qui dit qu'il est permis à ces gens-là d'exploiter une main-d'oeuvre locale à des taux inférieurs. Je crois honnêtement que c'est un drame pour ces gens-là.

Je peux vous citer en exemple que les travailleurs de cette région présentement affectés au même chantier ont travaillé au même endroit voilà quatre ans. Ils travaillaient à ce moment-là à un taux de $4.25 l'heure. Quatre années après, c'est-à-dire aujourd'hui, ils sont obligés de travailler au même chantier de construction à $0.10 l'heure meilleur marché que voilà quatre ans.

C'est la situation présente. Je demanderais à M. Dion s'il aurait des explications à donner sur cette situation de fait qui existe présentement. Ce n'est pas du badinage, c'est une situation réelle. Concernant les travailleurs dont il est spécifié qu'ils viennent de l'extérieur, il est fort possible qu'on dise qu'ils viennent de Montréal. Mais rien ne garantit, indépendamment du fait que ces gens-là puissent venir d'un bureau syndical, que ce ne soient pas des gens peut-être qualifiés comme plombiers ou électriciens et demeurant en Gaspésie mais qui sont expédiés à un chantier donné tel que Chicoutimi. Cela peut fort bien être la situation qui existe présentement à Chicoutimi. Sur ceci, permettez-moi de vous dire une autre chose. Les entrepreneurs craignent, en disant de donner une parité salariale, de créer ce qu'on peut appeler un précédent, mais je ne crois pas que ce soit un précédent. Présentement, dans la région de Baie-Comeau, des travaux sont effectués par des entrepreneurs qui paient aux gens de la région les mêmes taux de salaire qu'aux gens qu'ils ont exportés soit de Montréal, soit de Chicoutimi, de n'importe quel endroit de la province.

Ceci se fait à l'heure où nous nous parlons. On peut même référer, comme on le faisait tout à l'heure à un chantier ici, dans la ville même de Québec où un taux de salaire égal est payé à tout le monde. Présentement, ça se produit. Je ne crois donc pas que ça peut mettre en branle, quand on parle d'une situation économique, l'économie d'une région telle que Chicoutimi, si on doit causer de la discrimination à un certain groupe de travailleurs, en leur donnant une différence de $1.15 l'heure à l'endroit des gars qui font un travail identique, et dont on a reconnu la compétence au début du chantier, on y a employé strictement des gens locaux et on reconnaît leur compétence. Mais deux mois après, la main-d'oeuvre locale est épuisée on est obligé, non pas par les spécialisations, tel qu'on le réclame, mais simplement par un manque de travailleurs dans cette région, de se faire valoir et de se faire justice soi-même en disant que ces gens-là n'ont pas la spécialité et ne peuvent pas produire autant.

Je crois aussi que, concernant la question de productivité, les métiers de la construction, il est évident que dans certaines régions, des gens d'un certain métier peuvent peut-être avoir à connaître un peu plus de leur métier généralisé. Mais ce que l'on recherche, ce ne sont pas des chaînes de montage, non plus, à savoir qu'un plombier, à Montréal, travaillera peut-être dans un chantier de construction à installer des lavabos. Il est fort évident que, si on lui en fait installer 500 pour une période d'un mois, il sera drôlement spécialisé dans l'installation des lavabos. Mais il faut comprendre aussi que ce plombier, après la fermeture de ce chantier, aura à se présenter à un autre emploi et peut-être qu'à ce moment-là, il sera très spécialisé dans l'installation d'un article, mais ce n'est pas tout ce qui est recherché. Ce qui est recherché, c'est l'ensemble d'un métier. C'est la raison pour laquelle je demanderais à M. Dion, pourquoi, encore une fois, il existe une chose semblable à Chicoutimi, présentement, au moment où cette commission siège. C'est une discrimination pour les gens de cette région, pour les travailleurs de cette région.

M. LE PRESIDENT: M. Lafontaine, d'abord, c'est une question qui est assez longue. Alors le moins que l'on puisse dire, c'est que vous représentez avec une certaine fermeté les gens que vous représentez. Je vous remercie.

M. Dion.

M. DION: Cela a permis à M. Lafontaine de faire un beau discours en faveur des gens de Chicoutimi. Mais je vous dirai ceci: M. Lafontaine est parti d'une prémisse qui est complètement fausse. Je n'ai jamais affirmé — et je pense que cela peut être vérifié — que ce qui justifiait l'écart de salaires sur le laminoir était une question de compétence. Je pense que j'ai surtout fait porter mon argumentation sur une question d'offre et de demande. C'est l'offre et la demande. A ce moment-ci, c'est tellement comique de voir un gars de syndicat venir se plaindre parce qu'un travailleur de telle région n'a pas le même salaire, dans tel chantier, qu'un gars d'une autre région. A toutes fins pratiques, il faut quand même avouer que ce sont eux qui ont négocié ces conditions de salaires. Et si, aujourd'hui, ces conditions de salaires sont drôlement différentes, c'est peut-être parce qu'il y avait des raisons de les négocier de cette façon. Pourquoi le gars de Montréal a-t-il voulu, désiré, ou négocié des conditions de salaires qui sont supérieures à celles des gars de la région d'à côté? C'est peut-être parce qu'il avait de drôles de bons motifs de les négocier. C'est peut-être parce que économiquement, dans sa région, il considérait que, pour vivre, il lui fallait tel salaire, au lieu de tel autre. Il y a certainement des raisons de base qui ont amené les travailleurs à négocier des conditions différentes d'une région à l'autre. Qu'on vienne faire porter, ou qu'on vienne essayer de faire un grand discours devant l'assemblée, ici, pour dire que les travailleurs de telle région sont exploités par l'employeur, jeregrette mais c'est inacceptable. L'employeur, là-bas, est drôlement légal — quand je dis drôlement, ce n'est pas drôle — il est légal. Il suit le décret. Il applique le décret tel qu'il est mais il a besoin de main-d'oeuvre. S'il ne peut pas obtenir sa main-d'oeuvre autrement qu'en payant des surprimes et en l'exportant d'endroits où cela lui coûtera plus cher, eh bien, à ce moment-là, c'est son seul choix.

Mais je vous ferai remarquer que ce n'est certainement pas avec grand plaisir qu'un employeur soit obligé de faire des choses comme cela. Parce qu'il faut quand même admettre ceci: Lorsque l'employeur soumissionne, il a légalement le droit de soumissionner conformément aux conditions de travail qui existent dans la juridiction territoriale où le travail sera exécuté. Alors si, à cause de la demande de main-d'oeuvre qu'il est obligé de faire venir de l'extérieur, il est obligé de payer des coûts supplémentaires, à ce moment-là, je pourrai vous dire que ce n'est certainement pas de la poche du client que sort cet argent. L'argent sort de la poche de l'entrepreneur parce que le surplus d'argent qu'il est obligé de payer, il n'a pas pu l'évaluer dans sa soumission.

Que l'on dise aujourd'hui: Ce n'est pas une question de compétence. Et je ne voudrais pas surtout pas qu'on m'amène à discuter le problème des plombiers et des électriciens. Quand je parle, j'essaie, autant que possible, de parler dans le domaine des métiers généraux. Les plombiers et les électriciens sont ici représentés par des gens qui seront en mesure de répondre à ces choses-là. Mais je veux quand même vous dire ceci: II est inacceptable, aujourd'hui, que l'on vienne dire que les employeurs, ou qu'on laisse entendre que des employeurs agissent d'une façon plus ou moins acceptable et donnant des taux de salaires supérieurs à des gens. Es accordent des primes pour fins d'obtention de main-d'oeuvre. C'est simplement cela. Et à ce moment-là ce n'est certainement pas le choix de l'employeur de le faire.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Dion. Maintenant, M. Laberge avait quelque chose, je crois, à ajouter.

M. LABERGE: M. le Président, il faut bien faire un discours à l'emporte pièce, comme M. Dion vient de faire, pour reprocher à M. Lafontaine d'en avoir fait un! Je pense que s'il y a quelqu'un, justement, qui est au courant des raisons dans les différences de salaires, je pense que lui en est un. C'est tout simplement parce que, quand les négociations se faisaient dans plusieurs régions —remarquez bien que j'en parle bien à mon aise puisque ce n'est pas nous qui avons négocié ce décret — je sais pertinemment que, dans bien des régions, si des taux moindres ont été acceptés, c'est justement parce qu'il n'y avait de force économique à ce moment-là.

N'ayant pas d'ouvrage dans ces régions, ils étaient bien obligés d'accepter à peu près n'importe quoi. Mais cela ne change pas le fait que, sur le chantier, vous avez des gars à compétence égale qui ont été obligés d'avoir le même permis provincial et qui travaillent à des taux différents. C'est inacceptable. Et l'employeur ne paie pas de prime. Il paie un prix qui est justifié et qui est payé, d'ailleurs, par la vaste majorité des entrepreneurs en construction.

Or, la question que je voudrais, moi, poser à M. Dion porte sur l'ancienneté. Vous savez qu'à la FTQ — nous l'avons dit dans notre mémoire d'ailleurs — nous réalisons que dans l'industrie de la construction, c'est plus difficilement applicable que dans les autres industries. D'accord. Mais là, je pense que M. Dion a charrié un peu en disant que cela mettrait la pagaille sur les chantiers et empêcherait les pauvres entrepreneurs de diriger leur main-d'oeuvre. Il reste quand même qu'il y a 70,000 travailleurs de la construction, ou à peu près. Et il y a quelque 700,000 autres travailleurs syndiqués au Qué-

bec, qui ont tous des clauses d'ancienneté. Cela n'a pas empêché les choses de fonctionner partout où les clauses d'ancienneté existent, tout de même. Il ne faudrait pas charrier.

Et si je parle de cela, je parle en même temps de la question des contremaîtres. Les associations patronales qui ont déjà déposé leur mémoire, disaient que le coût de la construction à Montréal, par unité, était le deuxième plus bas de la province. Justement, un journal — je pense que c'est la semaine dernière — a rapporté que c'était le plus bas au Canada pour toutes les grandes villes. Plus bas que Vancouver, Toronto, etc. Il reste que les contremaîtres, à Montréal, ont toujours été membres du syndicat. Alors, je voudrais poser la question suivante à M. Dion. Que le contremaître soit membre du syndicat à Montréal, cela n'a pas empêché les entrepreneurs d'êtres efficaces, puisque le taux par unité est encore un des plus bas au Québec. Qu'est-ce qui fait croire à M. Dion que cela va tout bousculer, l'économie et les entrepreneurs?

M. DION: Je suis bien prêt à admettre que dans au moins un secteur de la construction, les contremaîtres de l'industrie de la construction sont couverts par la convention et qu'ils doivent être syndiqués. Je ne veux pas mettre en doute les paroles de M. Laberge, mais chez nous, les gens nous ont dit que cela les oblige à avoir un employé supérieur pour exercer le contrôle qu'on voudrait exercer sur les employés. Mais je ne suis pas du tout prêt à admettre... Je pense que la FTQ aura la possibilité de faire ses preuves sur le sujet. Je pense cependant qu'il n'y a dans les métiers généraux de l'industrie de la construction à Montréal, aucune clause qui fait que les contremaîtres doivent être des contremaîtres syndiqués. La syndicalisation au niveau des contremaîtres dans les métiers généraux à Montréal n'existe pas. Je ne dirais pas qu'elle n'existe absolument pas. Il y en a peut-être qui sont syndiqués. Mais elle n'existe pas comme législation. C'est-à-dire que le décret n'oblige pas les contremaîtres à être syndiqués, donc à faire partie d'une unité syndicale.

On pourrait longuement développer ce sujet. Pourquoi un contremaître qui fait partie du syndicat est-il moins productif pour un employeur? Moi, je pense que ce n'est pas tellement... On pourrait lire le document que nous avons déposé. Il faut simplement dire ceci. C'est que si, ce soir, je suis un contremaître, membre du syndicat, et qu'on me dit: Tu vas mettre Arthur dehors — Arthur, c'est un des membres du syndicat — avec toute la bonne volonté possible, je vais dire: Ecoutez, patron, vous me demandez de mettre un de mes gars dehors, un des gars du même syndicat que moi, il y a quand même un petit danger. Disons qu'il est très minime. Ce n'est pas grand-chose, mais disons qu'il y a quand même là un petit problème. Je pense que je n'ai pas besoin d'aller plus loin pour que vous le compreniez.

M. LABERGE: Une autre petite "question-nette", M. Dion. Soit dit en passant, cela se fait à tous les jours, ce que vous craignez, et ça marche, l'affaire.

Je ne suis pas sûr si j'ai bien compris tantôt et là, c'est réellement une question directe. Encore une fois, je ne vous accuse de rien, mais je ne suis pas sûr si j'ai bien compris. J'ai compris qu'à un moment donné vous disiez que les droits acquis qui avaient été concédés à des groupes particuliers de travailleurs, dans bien des cas des groupes minoritaires, de vouloir les étendre à tout le monde, cela était inacceptable. Mais — et là, je vous pose la question — est-ce que vous croyez qu'il est irraisonnable de demander que des gars qui ont obtenu des privilèges en négociation et qui même dans certains cas, ont échangé certains privilèges contre des augmentations de salaire, de demander, dis-je, que ces gars gardent leurs droits acquis?

M. DION: Ce que j'ai dit, je pense que je l'ai basé sur deux facteurs. D'abord, c'est restreint à un certain groupe et cela a été donné dans un certain cadre. Et ceci, je voudrais le souligner.

C'est qu'au niveau du gouvernement, lorsque la négociation s'est faite pour la fonction publique, il y a une phrase — on l'a mentionnée quelque part dans un des documents — qui a été dite, c'est la suivante: Ecoutez, si vous voulez garder vos droits acquis, on va garder les conditions telles qu'elles sont. Les conditions de travail, c'est un ensemble. Il y a tel droit acquis parce qu'il y a tel cadre de négociations. Telle situation s'est établie sur le chantier ou dans l'industrie. Le droit acquis était peut-être justifié ou non. Il a peut-être été obtenu, je ne dirais pas injustement, mais avec des pressions etc., de la façon dont ça peut s'obtenir parfois, les droits acquis.

Nous venons de faire une négociation provinciale pour uniformiser les conditions de travail. Si, en plus de ça, on veut y admettre tous les droits acquis des centrales syndicales, nous allons effacer toute la négociation, nous allons prendre les conditions telles qu'elles sont là et, à ce moment-là, il ne sera pas question de faire l'uniformisation. Défendez vos droits acquis et nous défendrons les nôtres, parce que, nous aussi, nous avons des droits acquis. Nous avons le droit, à l'heure actuelle, de ne pas avoir d'ancienneté à tel endroit. C'est un droit acquis pour nous aussi. Si, à un moment donné, nous consentons à discuter telle ou telle condition, c'est que nous mettons nos droits acquis en jeu.

Cela a l'air drôle de parler des droits acquis de l'employeur, mais il y a quand même des droits acquis que nous pouvons appeler les droits de gérance. Si, dans une négociation, on met ces droits-là en jeu, je pense que les parties syndicales, à un moment donné, pour le bénéfice de l'ensemble des salariés, doivent céder certaines faveurs qu'on a pu obtenir pour des

considérations spéciales, dans un cadre très spécial.

Il est clair que si, à un moment donné, la FTQ vient me dire: Des vacances obligatoires, il y en avait à Sherbrooke et ces vacances-là étaient situées la première et la deuxième semaine de juillet, je ne lâche pas ça, je dirai: Vous avez le choix de laisser aller ce droit acquis pour prendre des vacances obligatoires, comme tout le monde, à la fin de juillet ou de conserver vos droits acquis. A ce moment-là, je ne parle plus d'uniformisation. Je suis obligé de faire une négociation individuelle et de régler les problèmes de tous les petits droits acquis de chacun. Je ne parlerai même pas de négociation provinciale et d'uniformisation.

Alors, le droit acquis, c'est dans un cadre très spécial. Je pense que ça ne peut pas être exporté ou importé.

M. LE PRESIDENT: M. Pepin, vous aviez une question à poser. Il reste M. Desjardins. Voulez-vous toujours poser une question?

M. DESJARDINS: Je voudrais seulement porter à l'attention des députés qu'il y a le bill 38, que les travailleurs sont obligés de respecter. Il y a aussi le document parlementaire 72, dans le troisième attendu, qui dit que, dans l'industrie lourde, les conditions de Montréal sont reconnues de fait. Alors, certains entrepreneurs le respectaient auparavant. Maintenant que, par le bill 38, on a enlevé aux travailleurs tous les droits de se défendre sur certaines conditions qui existaient auparavant, le gouvernement a-t-il l'intention de faire quelque chose à ce sujet, étant donné que les travailleurs respectent certainement le bill 38 présentement en vigueur?

M. LAPORTE: Vous savez très bien, M. Desjardins, que ce n'est pas aussi simple que vous l'expliquez. Le gouvernement, jusqu'ici, a démontré — j'ai des gens devant moi qui en savent quelque chose; nous sommes actuellement à régler un problème — que les travailleurs n'ont pas été laissés sans droit; ce n'est pas exact.

M. LABERGE: Une seule question. Reconnaissez-vous que le bill 38 nous empêche de nous servir de notre force économique pour régler ce problème-là?

M. LAPORTE: C'est clair.

M. LABERGE : Alors, nous allons déposer le problème sur votre bureau, M. le ministre.

M. LAPORTE: J'ai dit, ce matin, M. Laberge — je pense que c'était assez clair pour tous ceux qui comprennent et je sais que vous comprenez fort bien — que si le fait que les travailleurs ont dû forcément renoncer à cette pression écono- mique qui s'appelle la grève devient pour certains employeurs ou vice versa une occasion d'exploiter les travailleurs, le ministre du Travail ne le permettra pas. C'est clair.

M. DION: Je pense que vous avez ajouté vice versa, c'est clair. Il n'est pas question de droit de lock-out pour nous.

M. LAPORTE: S'il arrivait que le fait d'avoir renoncé à votre droit de lock-out devienne pour l'employé une occasion d'exploiter son employeur, le ministère ne le permettrait pas, c'est évident. Ce n'était pas le but de la loi.

M. DION: Comme, à l'heure actuelle, cela peut arriver pour certains contrats du gouvernement. Je ferai remarquer, M. le Ministre, que, si ce droit-là a pu être ou sembler avoir été enlevé par le bill 38, il faut quand même avouer que les deux parties ont été mises exactement dans la même situation. Nous nous retrouvons, à l'heure actuelle, avec la mise en application de clauses du bill 39 qui font qu'il y a de l'exagération du côté syndical et nos moyens sont drôlement limités.

M. DESJARDINS: La solution que je voudrais apporter, M. Laporte, c'est que, présentement, notre plainte a été faite au gouvernement. Le gouvernement a fait son possible. Il est allé voir la compagnie, etc. La compagnie Pentagone a répondu ceci: Nous autres, nous sommes au "cost plus"; ça ne nous fait rien. Voyez la compagnie d'aluminium Alcan.

Elle, elle nous envoie quasiment le gars qui balaie les planchers pour négocier; il n'a aucun mandat. Cela veut dire qu'elle ne respecte ni le gouvernement ni la partie syndicale. Et maintenant, on est devant un fait accompli qui continue à exister.

M. LAPORTE: M. Desjardins, est-ce qu'on va s'entendre sur une chose? Ce n'est peut-être pas la place pour régler ça cet après-midi.

M. DESJARDINS: Non, mais on se demande où on peut le régler, parce que présentement on n'a rien.

M. LAPORTE: Essayez donc au Delta. Essayez donc au ministère du Travail, à l'édifice Delta; c'est là qu'on peut vous donner un coup de main.

M. DESJARDINS: Cela fait déjà une semaine et demie que je suis là pour cette cause.

M. LAPORTE: Bien oui, mais vous êtes élu pour des périodes bien plus longues que ça.

M. DESJARDINS: Mais les travailleurs trouvent ça long.

M. LAPORTE: Je comprends, et les députés aussi, cet après-midi, mais on écoute.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que M. Dion a quelque chose d'autre à ajouter ou si ça se termine?

M. DION: Je pense que ça ne fait pas partie de la discussion de la commission parlementaire. Je suis absolument d'accord avec le ministre. Je voulais simplement vous mentionner — je l'ai dit au début — que j'ai apporté les chiffres. Pour répondre à M. Burns, j'ai retrouvé un document qui relève les statistiques que j'ai pu mentionner ce matin et qui donne certains exemples des profits au niveau de la province. Il y a des copies supplémentaires que je laisse ici pour la commission. S'il n'y a pas d'autres questions, j'ai terminé.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Dion, pour vos représentations. Maintenant, avant de passer à M. Pepin, je voudrais, pour les fins d'inscription au journal des Débats, annoncer que l'Association des industries forestières du Québec a déposé un mémoire. L'Association canadienne des distributeurs d'équipement en déposera un d'ici lundi, ainsi que l'Association des employés de Northern Electric et l'Union des municipalités.

A M. Pepin de faire maintenant des représentations pour la CSN,

M. LAPORTE: M. Pepin, avant que vous ne commenciez, je m'excuse d'aborder un sujet qui est bien étranger, mais nous avons, je pense, vous et moi, un problème qui exige une réponse. Je ne voudrais pas que votre intervention, qui peut être plus longue que quelques minutes, soit interrompue. Est-ce que quelqu'un de vos gens est autorisé à répondre à la question qu'on s'est posée tantôt, sur laquelle je ne reviendrai pas?

M. PEPIN: Je vais vous répondre rapidement. C'est qu'avant de venir ici j'ai demandé à M. Labelle, parce qu'on attend quelqu'un de directement impliqué...

M. LAPORTE: Bon. Quand il va arriver, on va me faire signe.

M. PEPIN: ... de vous donner la réponse, si vous pouvez sortir de la salle de la réunion.

M. LAPORTE: Merci.

M. PEPIN: Vous aurez sa réponse et j'ose croire que le problème pourra être résolu immédiatement.

M. LAPORTE: Merci.

Syndicats nationaux

M. PEPIN: M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission, avant de toucher certains problèmes plus à fond, je voudrais me référer à certains aspects particuliers. Avant-hier, la présente commission a eu l'obligeance d'entendre, pendant presque toute la journée, des gens qui se sont opposés, pour la plupart, à ce qu'ils soient couverts par le bill 38 et surtout par le bill 290. Le bill 38 lui-même est une dépendance de l'autre bill. Je crois donc que les objectants sont venus ici pour s'opposer à ce que je considère être l'application du bill 290.

Je comprends fort bien que votre commission les ait entendus, je comprends fort bien que vous ayez pu tenter de vous faire éclairer sur certains aspects du champ industriel, du champ professionnel de ce bill, parce qu'il représente une réalité différente, dans le sens qu'avant l'adoption de ce bill les parties elles-mêmes déterminaient, délimitaient leur champ industriel ou professionnel, non pas par voie de législation adoptée par l'Assemblée nationale, mais par voie de réglementation. Donc, c'était le lieutenant-gouverneur en conseil qui prenait la décision.

Maintenant que la loi est adoptée, je comprends que les gens viennent s'opposer à être partie au bill ou être couvert par le bill. Tout ce que je voudrais suggérer à votre commission, c'est qu'il ne m'apparaît pas à moi, peut-être ai-je tort, que c'est de la compétence actuelle de la commission de décider si tel groupe est couvert ou non par le bill.

Si ça devait entraîner des amendements à la loi 290, à ce moment-là, votre commission pourrait éventuellement émettre un voeu, en disant: Nous recommanderons que le bill soit amendé dans le sens des objectants, en totalité ou partiellement. Quant à moi, je considère que vous, vous êtes ici pour appliquer une des dispositions de la loi 38 et non pas pour voir à l'application des dispositions, en totalité ou partiellement, de la loi 290.

Je soulève ce point-là, non pas que je regrette que vous ayez entendu les objectants; je le soulève uniquement pour rappeler que la présente commission est ici pour exécuter une des prescriptions indiquées à la loi 38, cette prescription lui ordonnant, à toutes fins utiles, d'écouter les parties pour voir comment les conditions de travail des travailleurs de la construction des trois prochaines années seront prévues et comment cela évoluera.

Le deuxième point d'introduction se réfère à ce qui a été mentionné brièvement par M. Michel Dion précédemment. Cela concerne la question des contremaîtres et ça appartient au même phénomène quant à moi. De même que vous, comme commission, vous n'avez pas, à mon avis, comme mandat de refaire la loi 290 sur le champ industriel ou professionnel, de la

même manière, vous ne devez pas à mon avis — peut-être que j'interprète mal les choses, mais c'est ainsi que je vois le problème — de même, dis-je vous n'avez pas à revoir la loi quant à la définition du mot " salarié ". Dans les divers mémoires qui vous ont été préparés et soumis, par les associations patronales en particulier, vous verrez que certaines d'entre elles réfèrent entre autres à la notion du code général du travail.

Or, le code du travail ne reçoit pas d'application dans le cas de la loi 290, à moins que la loi elle-même dise explicitement que le code du travail s'applique. Je crois que c'est là une des dispositions de la loi 290.

En conséquence, lorsque les employeurs viennent soulever et plaider devant vous que les contremaîtres doivent être exclus du bill lui-même, je vous suggère tout simplement de regarder l'article 1, paragraphe q) à la définition du salarié, et je vous demande si, ailleurs, dans la loi, nous retrouvons des dispositions analogues à celles que nous trouvons dans l'actuel code du travail. Si mon interprétation est exacte — je ne vous dis pas qu'elle l'est — si elle l'était, les membres de votre commission peuvent, comme ils l'ont fait d'ailleurs dans le cas des objectants au champ industriel et professionnel il y a quelques jours, écouter toutes les représentations, faire même une recommandation, un voeu pour qu'éventuellement l'Assemblée nationale change la loi, si c'était là la position de votre commission, mais il reste que vous avez à appliquer la loi telle qu'elle est, non pas la loi telle que vous désireriez qu'elle soit à la suite des représentations des parties. Voilà donc les deux premiers points que je voulais soulever. Je pense que c'est d'intérêt pour vous d'essayer de comprendre exactement le rôle, le mandat, la mission de la commission qui siège maintenant.

De plus, M. le Président, messieurs les membres, avec l'adoption de la loi 38, nous en sommes rendus à ce que je pourrais appeler une forme d'arbitrage, non pas un arbitrage de la part de la présente commission, parce que cette commission n'a rien à arbitrer, d'après la loi. La commission écoute donc les parties et c'est le ministre du Travail qui, ayant, comme membre de la commission, écouté les parties, fera éventuellement des recommandations au lieutenant-gouverneur en conseil. Ceci veut dire que le lieutenant-gouverneur en conseil devient en l'espèce l'arbitre des parties.

Cela signifie aussi, par voie analogique, que nous sommes replacés, comme nous l'étions durant la période de 1944 à 1964, dans les services publics au Québec. Vous vous souvenez de cette loi qui prohibait la grève dans les services publics et qui faisait que les différends, les conflits d'intérêts étaient résolus par voie d'arbitrage. Un ou trois arbitres intervenaient alors et décidaient pour les parties de leurs conditions de travail. Le cabinet, le lieutenant-gouverneur en conseil, en l'espèce, jouera le même rôle que les arbitres jouaient sous l'empire de la loi qui régissait les services publics.

Pourquoi je réfère à ceci? C'est que le cabinet — peut-être que votre commission aurait à se prononcer là-dessus comme voeu ou comme recommandation — devra prendre une première décision. Il devra, à mon avis, se demander: Quand j'exerce un rôle comme celui-là, comment dois-je exercer ce rôle? Est-ce que je dois l'exercer suivant uniquement la loi du marché — je reviendrai bien sûr, plus tard dans mon exposé, sur la loi du marché — ou si je dois l'exercer d'une manière différente? Les arbitres, sous l'empire de l'ancienne loi, devaient-ils exercer leurs fonctions en se disant : Je vais m'enquérir s'il y a beaucoup de demandes dans telle institution hospitalière? S'il y a beaucoup de demandes au prix qui est payé actuellement dans cette institution, je n'ai pas à augmenter les salaires puisque la loi du marché prévoit qu'ayant de la demande il y a beaucoup de gens qui sont intéressés à y travailler.

Il me semble qu'il y a pas mal d'auteurs — je ne les ai pas ici avec moi; si la commission est intéressée, je ferai des recherches particulières sur ce point — qui ont dit que, dans des cas d'arbitrage à décision exécutoire, l'arbitre, en l'occurence le lieutenant-gouverneur en conseil, doit essayer d'agir comme si les parties étaient en pleine force. Non pas uniquement le syndicat, non pas uniquement le patronat, mais les deux parties.

C'est un point qui m'apparaît capital. Il est peut-être très théorique ou abstrait ou intellectuel, mais, de cette décision, le cabinet peut en arriver à une conclusion différente de celle où il arriverait s'il prenait une autre attitude, en disant: Maintenant que les gars sont au travail, qu'il n'y a pas de grève, qu'il n'y a pas de "lock-out", moi, comme cabinet, je n'ai qu'à décider suivant ma propre loi à moi, ma propre conception, sans tenir compte de la force réelle des parties. Je vous suggère donc, messieurs les membres de cette commission, que le cabinet — à moins, comme je l'espère et comme le ministre doit l'espérer autant que moi, qu'il n'y ait, d'ici à ce temps-là, accord entre les parties — lorsqu'il aura à décider, tienne compte du fait qu'il agit comme un arbitre et qu'à ce moment-là il ne peut pas se fier uniquement sur peut-être une vieille conception libérale des relations de travail. Libérale, sans jeu de mots; je ne parle pas du parti. Je dis, tout simplement, que le cabinet lui-même doit tenir compte de cet aspect. Je pense que ceux qui ont évolué dans le domaine de l'arbitrage à décision exécutoire savent fort bien à quoi je réfère en particulier. Il y a eu trop d'arbitres dans le passé qui ont agi un peu à la bonne franquette de ce côté-là.

Je suis convaincu que le cabinet n'agira pas ainsi, pourvu qu'il ait une certaine conception du rôle qu'il doit jouer.

M. le Président, en quatrième lieu, je vou-

drais vous dire que, sur certains aspects, je demanderai à l'économiste Loranger de venir vous expliquer sa thèse.

Et, sur d'autres aspects, des points particuliers, mais qui sont d'une importance véritable, comme le ministre l'a déjà mentionné à la première séance de la commission parlementaire, le négociateur de la CSN à la table des négociations, M. Jacques Tardif, se fera entendre et vous expliquera pourquoi, sur les aspects principaux, les grands points, la position de la CSN est ce qu'elle est.

Avant, cependant, d'en arriver là, je voudrais faire des commentaires qui sont un peu plus généraux. J'ose croire que là-dessus, même si un ou des membres de la commission, l'une ou l'autre des parties ou leurs représentants, ne partagent pas cette thèse, celle que j'ai l'intention de développer, que l'on pourra au moins essayer de faire une certaine confrontation dans les instants dramatiques que nous vivons au Québec à l'heure actuelle.

Il y a un autre point. Je n'ai pas l'intention, pour l'instant, de parler de la question de la demande du vote faite par nos collègues de la FTQ. Même si ce n'est pas le mandat de cette commission, si celle-ci décide d'entendre des choses sur cette question, je pense que personne ne me refusera le droit de revenir et de dire pourquoi telle position de la CSN a été prise de concert avec ses affiliés et ses adhérents. Pour l'instant, je mets ça de côté; j'attendrai uniquement en réplique, si mes amis de la FTQ entendent toucher ce point-là. J'y reviendrai par la suite.

M. le Président, MM. les membres de la commission. Je pense que nous sommes en face de conceptions qui s'affrontent et je crois qu'à l'heure actuelle nous devons, comme représentants syndicaux, comme membres de syndicats ouvriers, de travailleurs, et les autres, comme membres de syndicats patronaux et comme employeurs, faire face à des réalités qui sont identiques. Pour vous, les parlementaires, vous ne pouvez pas vivre en marge de cette société et en marge des problèmes qui se soulèvent dans toute la communauté.

Il y a des conceptions économiques qui s'affrontent. C'est important. C'est grave même. Ce n'est pas là, à mon avis, le fondement réel de la question. Que l'économiste Loranger ne soit pas d'accord avec l'économiste Lacasse, qu'il y ait d'excellents motifs pour qu'il y ait opposition entre les deux, c'est possible. Cela ne règle pas le fondement même du problème. Les membres de cette commission, et demain le cabinet auront à décider, non pas tellement, et surtout pas exclusivement, sur des concepts économiques, sur des théories, sur des thèses économiques. Mais ils auront à décider sur une conception sociale.

On pourra reprocher ce que l'on voudra. On pourra dire, affirmer, on pourra par exemple imaginer que ce sont les dirigeants syndicaux qui sont la cause de toutes les revendications des travailleurs. On saura bien, au point de départ, qu'on a tort de présenter le débat de telle façon. Mais ce que l'on ne pourra jamais éviter, c'est que, dans notre société, à l'heure actuelle, il y a des courants profonds de contestation qui sont dus à une absence de participation dans la société, absence de participation aux décisions. Et quand les employeurs du bâtiment viennent nous dire que les gars ne doivent empiéter sur aucun droit de gérance, à ce moment-là ils participent eux-mêmes à démolir le propre système qu'ils veulent garder et maintenir au monde.

On pourra aussi imaginer que toute cette question de revenus, de manque à gagner de la part de ceux qui vivent dans des régions excentriques, des régions éloignées, des régions plus faibles économiquement, que cette question, aussi, appartient au même phénomène et que, si vraiment les membres de cette commission et, éventuellement, le cabinet décidaient de maintenir cette inégalité qui existe présentement, cela serait dommageable, socialement, pour l'ensemble de la communauté.

Bien sûr que vous pourrez m'affirmer: Qu'est-ce que cela va changer? En quoi cela sera-t-il différent? On a, à l'heure actuelle, des problèmes et de graves problèmes dans toute cette industrie du bâtiment. Comme les employés du gouvernement provincial en ont eu, comme les employés des hôpitaux en ont eu, comme les employés de la RAQ en ont eu, comme les enseignants en ont eu. Cela ne règle pas l'ensemble des questions, cela ne règle pas l'ensemble des problèmes, le fait que vous ayez l'égalité. Mais ce que je suis prêt à dire, c'est que vous n'aurez pas de possibilité de paix sans avoir l'égalité.

Qu'on vienne, au nom d'une théorie économique, théorie que je ne me gêne pas pour qualifier comme étant basée sur la fin du 19e siècle ou peut-être le début du 20e siècle... C'est du libéralisme intégral que l'on veut faire, du néo-classicisme, comme mon ami M. Lebon le suggère en arrière. C'est absolument désuet. A moins que l'on dise que les forces du marché sont les seules forces qui peuvent intervenir dans la fixation et la détermination des salaires et des prix. Or, toute cette thèse vieillote était basée sur un régime de concurrence parfaite, et ce régime de concurrence parfaite n'a jamais été réalisé, ni ici, ni ailleurs. Et l'on voudrait prendre certains aspects de cela pour les imposer à cette industrie de la construction.

M. le Président et messieurs les membres de la commission, je vous suggère que vous ne devriez pas, ni vous ni le cabinet, ultérieurement, retenir ou baser un jugement sur cette théorie, à moins que vous croyiez que l'on puisse revenir des dizaines et quasiment une centaine d'années en arrière. D'ailleurs, ceux qui vous présentent cette théorie, à mon humble avis, le font d'une manière non pas biaisée

parce qu'ils sont sans doute objectifs — je ne dis pas qu'ils sont impartiaux, je dis qu'ils sont sans doute objectifs comme moi, je vous le rappelle, je ne suis pas impartial mais j'essaie d'être objectif — lorsqu'ils vous présentent leur théorie, dis-je, ils se basent d'abord sur un calcul de coefficients économiques, de coefficients d'élasticité qu'ils sont allés chercher aux Etats-Unis en disant: On pense que cela devrait être la même chose ici, avec une marge de 30 p. c: 15 p. c. en plus, 15 p. c. en moins. Vous pourriez décider, là-dessus, lorsqu'ils vous disent: Nous pensons que les chiffres que nous avons trouvés pour asseoir notre argument sont valides, même si ce ne sont pas les chiffres qui sont peut-être les meilleurs. C'est qu'il n'en existe pas de meilleurs pour nous. Décidez donc là-dessus, vous autres, en tenant compte de chiffres sur lesquels même celui qui représente cette thèse a dit, si j'ai bien compris — si je l'ai mal interprété, je m'en excuserai rapidement — que ce ne sont peut-être pas les meilleurs chiffres, mais que c'étaient les seuls disponibles. Lorsque l'on présente, encore, une fois, cette question de coefficients d'élasticité, voici la réponse que l'on a: C'est encore mieux d'avoir un mauvais coefficient que de ne pas en avoir du tout. Attention, lorsque nous en sommes rendus là!

Lorsque je regarde leur tableau, le tableau 3-8 auquel mon ami Louis Laberge a fait référence hier, il me semble, à moi, qu'à la lecture — évidemment on peut faire dire, apparemment, n'importe quoi aux chiffres — il me semble que cela me suggère exactement l'inverse de la thèse que l'on veut défendre.

Je pense que plutôt que de rechercher à maintenir une forme d'inégalité, on ferait mieux de rechercher une égalité.

En recherchant cette égalité, on force des gens à se spécialiser, employeurs, employés, et on en arrivera de cette façon à une société mieux ordonnée. Lorsqu'on affirme combattre les disparités régionales en maintenant des salaires réduits, c'est drôle, mais j'ai l'impression qu'on va, dans mon concept à moi, exactement à l'envers du bon sens. On veut que tout le monde soit payé sur une base identique, c'est-à-dire ait des revenus, que les régions soient considérées comme étant une force égale ou à peu près, mais on voudrait que les travailleurs, d'abord, acceptent des conditions inférieures. Ce n'est pas pour les autres classes de la société, comme l'a suggéré d'ailleurs, à juste titre, le député de Bagot, hier et aujourd'hui, mais pour les travailleurs. Eux, il leur faudrait accepter des conditions de travail inférieures.

On va me faire croire que le site, la localisation d'une entreprise se décide principalement sur la question des taux de salaires qui sont payés. Si cela a pu être vrai, si cela a déjà existé, je pense que personne ne peut le soutenir sur une base rationnelle et sérieuse. Je n'en prends peut-être pas votre région à témoin, mais je cite au moins un exemple de votre région, M. le député de Chicoutimi. Lorsque Noranda Mines est allée s'établir à Valleyfield pour y ouvrir une usine, il y avait, si mes informations sont exactes, deux sites examinés, le premier à Chicoutimi, le deuxième à Valleyfield. A Chicoutimi, on avait pas mal d'avantages, semble-t-il, et même, cette ville étant un peu plus éloignée de la périphérie de Montréal, il y avait, m'a-t-on dit dans le temps, des avantages salariaux. Cette compagnie n'a pas d'abord tenu compte des avantages salariaux, elle a tenu compte d'abord et avant tout du marché. En effet, si quelqu'un faisait un tel raisonnement, ce serait tellement à courte vue. On ne sait jamais à quel moment la force syndicale à laquelle a référé M. Dion, et avec raison, interviendra pour faire croître les salaires au même niveau qu'ailleurs.

Et on viendrait soutenir devant vous et devant nous que la localisation des entreprises est reliée aux faits salariaux! Personnellement, je crois que c'est là une erreur. Si l'on veut combattre les disparités régionales, ce n'est pas en maintenant les gens pauvres. Il y a d'autres moyens d'incitation fiscale, et vous, comme membres de cette Assemblée nationale, vous avez déjà adopté des législations au niveau de la fiscalité, pour justement, essayer de compenser l'attrait d'une métropole comme Montréal par rapport à d'autres centres plus éloignés qui n'ont pas le même marché.

Je ne juge pas si ces lois étaient valides, bien faites ou mal faites. Ce que je dis, c'est que ce n'est pas sur le dos des travailleurs qu'on doit s'organiser pour entraîner les entreprises. Cela s'est fait au Québec pendant des années et des années, non pas uniquement pour des régions, mais pour l'ensemble du territoire québécois. Cela a toujours été considéré comme étant purement inacceptable et je pense que ce l'est par tout le monde maintenant, sauf pour certaines personnes qui croient encore que nous devrions revenir aux beaux jours, à leurs beaux jours, où la main-d'oeuvre serait encore très docile.

M. le Président, MM. les membres de la commission, je suis heureux que le président du Conseil du patronat, que j'ai vu tantôt, soit ici, parce qu'il me semble que je ne peux pas passer sous silence certaines parties des affirmations de son mémoire. J'avais d'ailleurs prévenu dans le temps que j'avais l'intention de toucher certains de ces points, de ces aspects. Je crois que cela a une importance. Le Conseil du patronat est un organisme relativement jeune. Je ne parle pas des patrons, parce qu'ils sont plus âgés que nous, parce que les syndicats viennent au monde uniquement quand il y a des patrons.

Ils ont l'ancienneté sur nous. Le Conseil du patronat, comme tel, est un organisme relativement jeune. Pour nous du mouvement syndical et, en particulier, pour nous de la CSN, nous avons toujours souhaité qu'il y ait un organisme

patronal représentatif qui parle au nom de l'ensemble. Je pense que M. Perrault qui est ici pourra confirmer que certaines propositions que j'ai faites au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, il n'y a pas tellement longtemps, tendaient à donner encore plus de pouvoir à cet organisme qu'est le Conseil du patronat.

Ce n'est donc pas au conseil comme tel que j'entends m'attaquer, mais aux conceptions qu'il a défendues cette semaine devant nous.

Je ne crois pas être habilité à porter un jugement sur eux. Je dois dire ce que je pense de leur prise de décision. Si, un jour, ils croyaient que c'est en vue de leur donner des leçons ou de leur faire des romances, qu'ils se détrompent; c'est uniquement parce que nous sommes sur un point fondamental et que nous devons avoir, même si elles sont âpres et dures, des explications qui se tiennent.

Il m'apparaît, comme premier point, que dans son mémoire, le Conseil du patronat est en complète contradiction avec lui-même. Je m'explique. Le Conseil du patronat, à moins que je n'aie mal interprété les choses, m'apparaît avec une virulence énorme s'opposer à l'égalité des salaires dans l'industrie de la construction. Cela me semble être toute la trame de son mémoire. Il est contre. Etant contre, il se déclare, au même moment et dans le même mémoire, en faveur de l'entente signée le 10 juillet 1969 par toutes les parties; les cinq associations patronales et les deux syndicats ouvriers.

Or, messieurs les membres de cette commission, je vous réfère à l'article 701-A de cette entente qui prévoit que, s'il y avait application du bill 49 — je dis bien "si" — c'est la stricte égalité de salaires partout. Pouvez-vous être pour et contre en même temps? C'est, je pense, le dilemme dans lequel le Conseil du patronat s'est placé dans son mémoire. C'est dans ce sens que je vous dis qu'il se contredit totalement lorsqu'il s'oppose, avec véhémence, mais qu'il dit: Nous serons pour, si le bill 49 s'applique.

S'ils sont contre, qu'ils soient contre aussi avec l'application du bill 49. S'ils sont pour avec le bill 49, qu'ils soient pour aussi en dehors de l'application du bill 49. Je pense qu'il y a une certaine logique qui doit être suivie, à moins — là, c'est une hypothèse puisque ce n'est pas dans le texte — que le Conseil du patronat n'ait décidé: Je serai pour parce que, le 10 juillet 1969, les trois associations qui sont maintenant membres de mon conseil, ont signé en souhaitant et en faisant tout ce que je pourrai pour que le bill 49 ne soit pas appliqué. M. le Président, c'est le premier point que je voulais soulever. Le deuxième: par sa prise de position — c'est là-dessus que j'ai le plus profond regret — le Conseil du patronat défend des membres, défend des intérêts, cela est compréhensible. Moi aussi, je défends des membres, je défends des intérêts, sans aucun doute. Mais, je pense que, tous ensemble, à un certain niveau, nous pouvons tenter de nous élever au-dessus de certaines contingences et que nous devons essayer de voir les problèmes d'un peu plus haut que ce qui est parfois perçu au niveau d'une table des négociations, au niveau d'un conflit d'intérêts très direct.

Dans ce sens, le Conseil du patronat a fait preuve d'une position que je qualifie de rétrograde. Vraiment, lorsqu'il invoque la loi du marché comme étant à peu près la seule loi qui puisse avoir une certaine signification, je ne peux pas qualifier autrement une telle prise de position.

Comment le conseil pourrait-il accepter que ses membres accordent l'égalité de salaires dans les gros chantiers, lui qui est contre, lui qui plaide contre? Comment accepterait-il ça dans les gros chantiers, les chantiers lourds et qui le combattrait dans les petits chantiers? Est-ce qu'il voudrait en arriver à deux classes de citoyens, deux catégories? Comment peut-il être pour l'égalité avec le bill 49? Comment peut-il être contre lorsque le bill 49 n'est pas appliqué? Est-il conscient de la nature des problèmes qui ont été soulevés précédemment par M. Lafontaine, par M. André Desjardins, par d'autres, que cause le fait que dans les mêmes chantiers les travailleurs recevant des salaires différents pour le même métier, pour la même occupation, que cela ne peut pas tenir et que cela n'est pas une possibilité de maintien de paix industrielle, de paix sociale? Et le Conseil du patronat, à mon avis — encore une fois, je n'ai pas de conseil à lui donner — doit avoir comme préoccupation, non pas uniquement la loi économique, la loi du marché de 1900, il doit avoir aussi comme préoccupation la paix industrielle. Est-il possible d'en arriver à une telle paix dans ces conditions?

Comment peut-il être opposé à l'égalité des salaires, des traitements, alors que dans les grandes industries, ça, tout le monde, je pense, le sait, dans le papier, dans l'aluminium, dans l'acier, dans combien d'autres, les salaires sont équivalents lorsqu'on est vraiment dans le même secteur industriel, qu'on travaille à Bagotville, qu'on travaille dans la région de la Mauricie ou ailleurs? Ce serait vrai pour ces travailleurs, mais ça ne serait pas vrai pour ceux du bâtiment. Comment peut-il s'opposer alors que, l'ensemble des employés du gouvernement provincial, même s'ils ne sont pas assez payés et ça, tout le monde en conviendra, mais au moins le salaire qu'ils reçoivent est identique, qu'ils travaillent à Québec, à Montréal, ou ailleurs?

Il a aussi tenté, à mon avis, dans son mémoire, de jeter de la poudre aux yeux lorsqu'il invoque les salaires hebdomadaires des travailleurs du bâtiment. Je ne vous dis pas que c'est faux, je vous dis qu'il a jeté une bonne partie de poudre dans les yeux des gens. Pourquoi? Parce que c'est de notoriété publique et le Conseil du patronat n'est pas sans le savoir que les travailleurs du bâtiment, générale-

ment et pour la très grande majorité, n'ont pas l'avantage de travailler douze mois par année. Comment peut-il être pour une politique où, pour combattre les disparités régionales, il veut maintenir les pauvres comme ils le sont, il veut maintenir les bas salaires? Il a tenté aussi de faire la preuve, ou de faire peur plutôt, en avançant des chiffres non prouvés, des chiffres qui ont été contredits quant à l'augmentation de la dépense gouvernementale avec l'application de l'égalité des salaires. Il me semble que tout le fond de la thèse repose sur le fait qu'il veut maintenir une certaine inefficacité des entrepreneurs en ne les forçant pas à se mettre à jour en payant des salaires convenables.

M. le Président, MM. les membres de la commission, bien sûr, lorsque j'ai référé que nous étions en face de conceptions sociales qui peuvent s'affronter, cela est probablement le noeud du problème. Les relations industrielles ont été basées sur le rapport de force, agréable ou non, qu'on aime ça ou non, c'est sur le rapport de force. Ce rapport de force est maintenant éliminé dans le cas de la construction. Je le déplore personnellement et je pense que tout le monde a des raisons de le déplorer. Maintenant que ce rapport de force n'existe plus, maintenant que nous ne pouvons plus, les uns les autres, nous affronter normalement, nous avons à décider, vous avez à décider en vertu d'une conception, en vertu d'une idée que vous vous faites de l'organisation de la société.

J'ose croire que les événements qui se passent dans la province de Québec — je ne me réfère pas à ceux qui se passent aujourd'hui nécessairement — peuvent être l'indication, pour nous, que nous ne devons pas traiter à la légère ces choses. Je sais que ce n'est pas là votre intention, mais ce qui est vrai pour nous, comme membre où dirigeant d'un syndicat de travailleurs, c'est aussi vrai pour ceux qui dirigent une association patronale, quelle qu'elle soit.

Les problèmes actuels qui nous confrontent tous dans cette société ne sont pas des problèmes que nous pouvons résoudre en laissant les gens dans des conditions où ils se qualifient eux-mêmes comme étant injustement traités. Bien sûr, on pourra m'opposer que, si l'on prend telle tendance, si on s'en va dans telle direction, les problèmes seront encore plus dramatiques, parce que le chômage deviendra encore plus crucial, plus criant, plus important; ça sera une théorie. C'est possible qu'il en soit ainsi, nous ne pouvons pas vérifier à l'avance toutes ces choses. Mais, je sais que, quand il y a vraiment des problèmes, plus il y a vraiment des choses qui sont avancées, plus de chances avons-nous de trouver des remèdes et des solutions plutôt que de laisser patienter les gens, puis de les laisser dans une situation extrêmement difficile.

M. le Président, j'ai déjà dit à plusieurs reprises devant une commission parlementaire que, si nous ne changions pas notre mode, notre perception et surtout nos solutions concrètes, c'est nous-mêmes, ceux qui se considèrent comme ayant une certaine responsabilité dans la société, qui ouvrons la porte, qui créons la possibilité que la société actuelle se détériore davantage et que les risques, non pas uniquement de révolte, mais de révolution soient beaucoup plus grands.

Je voudrais en terminant, dire juste quelques mots sur l'intervention, ce matin, de M. Lefebvre, qui, en passant, m'a paru donner un témoignage fort convenable devant votre commission même si je ne partage pas les vues qu'il a. Surtout, je ne crois pas qu'il soit assez vite; s'il pouvait aiguiser un peu plus ses patins, peut-être que nous pourrions nous entendre un peu plus facilement.

Il a mentionné ce matin, comme première forme de rattrapage, qu'il y avait cette question de disparition de zones. En deuxième lieu, qu'il y avait le regroupement des classifications. Je ne sais pas si vous vous souvenez de cette partie, mais il a dit: Au lieu d'avoir X centaines de classifications, il y en aura simplement un certain nombre. Ceci pourrait donner à ceux qui sont affectés par cela une augmentation, si ma mémoire est bonne — je n'ai pas vu le journal des Débats — de $0.05 à $0.20 l'heure.

Sur l'heure du dîner, j'ai demandé à quelqu'un de chez nous de préparer des chiffres — je vous les donne, j'espère qu'ils sont exacts. Je pense que ça peut aider la commission — sur un recensement couvrant 62,091 travailleurs. Avec ce que nous connaissons actuellement du regroupement des classifications, il y en a 56,439, soit 90.9 p. c, qui ne recevraient aucune augmentation de salaire, parce qu'ils sont déjà au maximum. Je vous dis que c'est le chiffre que je possède. S'il était inexact, sans doute que vous êtes bien là pour me corriger. Je pense que la commission a intérêt à connaître ce que je connais, moi. Par la suite, s'il y a un débat contradictoire, il y en aura un.

Il en reste 5,652, soit 9.1 p. c, qui seraient affectés par ce regroupement des classifications, mais ils ne sont pas tous affectés de la même façon. Certains étant affectés ne reçoivent même aucune augmentation de traitement. D'autres, affectés, reçoivent une augmentation de traitement. Sur les 5,652, d'après les chiffres qu'on m'a donnés, il y en aurait 39 p. c, soit à peu près 40 p. c, donc 2,000, qui ne changeraient pas de taux.

C'est uniquement pour apporter une précision à ce que M. Lefebvre mentionnait ce matin. Nous ne connaissons pas où certains sont placés: 14,998 employés.

Je voudrais aussi noter que l'indice qui a été calculé et qui apparaît dans le document de M. Lefebvre ne vaut sans doute que pour le domiciliaire, pour les bungalows ou pour les trucs de même calibre ou de même nature. Je voudrais noter — je sais bien que M. Lefebvre ne

se scandalise pas — le fait que les augmentations coûtent plus cher dans une région que dans une autre, parce qu'effectivement il y a des inégalités qui sont plus fortes dans certaines régions que dans d'autres. Je crois que lorsque M. Lefebvre donne des chiffres devant votre commission sur l'augmentation par habitation, si l'égalité de salaires était appliquée, ou encore si l'inégalité qu'il propose était appliquée, il y a une variable dont il tient compte — du moins le dit-il devant vous dans son document — cette variable c'est toute la question de la réorganisation de l'entreprise: meilleure direction, "management", procédé de fabrication différent. Je voudrais, quant à moi, vous suggérer — et je pense qu'il l'a fait lui-même quelque part dans son étude — que si vous ne forcez pas les entrepreneurs à devenir vraiment efficaces, les chances sont qu'ils restent pour une partie, si vraiment il y en a, inefficaces.

Je voudrais bien aussi que vous notiez que lorsqu'il est question d'un pourcentage de profit, celui-ci se prend, ou du moins se calcule, dans cette industrie, généralement non pas sur le capital investi, mais sur le volume d'affaires. Si vous avez investi $100,000 dans une entreprise et que vous faites un volume d'affaires de $1 million, si vous faites 5 p. c, vos comprendrez qu'avec le profit sur votre volume d'affaires, vous pouvez rembourser rapidement votre capital investi. Je vous dis ces chiffres uniquement à titre d'hypothèse, mais je voudrais que cela soit bien clair.

En deuxième lieu, lorsque le profit se prend en pourcentage du volume d'affaires, à l'intérieur du volume d'affaires — je pense que tout le monde le comprend — il y a les salaires. Plus les salaires augmentent, plus les employeurs font du profit en chiffres absolus, je ne dis pas en chiffres relatifs, mais en appliquant ainsi un taux de profit sur le volume d'affaires, ils augmentent eux aussi leur profit. Peut-être qu'ils pourraient revoir cette chose.

Je voudrais aussi enfin vous mentionner que lorsqu'il a été question ce matin, ce sera mon dernier point — je n'ai malheureusement pas eu le temps de revoir le journal des Débats, il est arrivé un peu tard— de masse salariale et de coût total d'habitation, il aurait été important que vous notiez —je pense que M. Lefebvre a été assez clair — que le pourcentage d'augmentation que cela représente n'est pas sur la totalité de l'habitation — même en excluant le terrain — mais uniquement sur la masse salariale. En deux mots, si le salaire représente actuellement $6,000 du coût d'une habitation de $14,000, si vous augmentez votre salaire de 18 p. c, votre masse salariale est augmentée de $1,000 ou de $1,100, mais le coût total de la construction est augmenté de $1,000 ou $1,100 aussi, à moins que d'autres facteurs n'interviennent. Cependant, le pourcentage d'augmentation n'est évidemment pas le même.

Voilà, messieurs les membres de la commission, je vous remercie.

Je voudrais que M. Loranger et M. Tardif puissent se faire entendre pour expliquer leur point de vue.

M. LE PRESIDENT: Avant, il y aurait des questions de la part des membres de la commission. J'invite le député de Chicoutimi à poser les questions.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'abord, M. le Président, nous remercions M. Pepin de son plaidoyer fort éloquent. Il a au départ fait certaines mises en garde concernant l'attitude que doivent prendre les membres de la commission, notamment en ce qui concerne la loi 290. D'autre part, M. Pepin, vous avez indiqué que nous sommes en quelque façon les arbitres de ce conflit qui oppose les travailleurs aux employeurs. Je voudrais faire la mise au point suivante. Nous sommes des arbitres dont les mains sont liées, puisque nous n'avons pas d'autre recours, aux termes mêmes de la loi 38, que de déclarer forfait à l'issue des séances de cette commission.

Comme l'indique la loi, la commission doit, à la fin de ses auditions, déclarer que celles-ci sont terminées et le secrétaire en avise alors le ministre sans délai.

Par conséquent, les membres de la commission — et je fais exception naturellement de ceux qui sont membres du conseil des ministres — n'ont pas, à toutes fins utiles, de décision à prendre. Ils sont ici...

M. PEPIN: Je pense bien, si vous me permettez,...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... pour vous entendre.

M. PEPIN: ... avoir dit que ce n'est pas la commission qui a une décision à prendre mais que l'arbitre est le lieutenant-gouverneur en conseil, soit le cabinet des ministres.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais à plusieurs reprises vous avez dit: La commission, et, par la suite, le lieutenant-gouverneur en conseil. C'est ce qui m'incite à faire cette mise au point, puisque c'est en définitive le lieutenant-gouverneur en conseil qui tranchera le débat.

Vous avez fait un plaidoyer fort intéressant en évoquant les diverses conceptions que l'on peut se faire aujourd'hui en matière de travail, en matière économique. Vous avez évoqué les thèses qui prévalaient autrefois dans le domaine des relations patronales-ouvrières. Mais — et j'imagine que ce sera l'objet des interventions de vos conseillers — vous n'avez pas abordé les questions de fond, celles sur lesquelles le gouvernement devra se pencher, arbitrer le débat, soit les points qui sont soulignés dans votre document très volumineux et d'ailleurs très au point. Il nous renseigne bien sur vos

vues. J'ai donc retenu en particulier une observation que vous avez faite, à savoir que dans certains cas l'on basait toute la discussion sur le problème de l'importance de la loi du marché, quand, au contraire, disiez-vous, l'on devrait se préoccuper davantage de promouvoir la paix industrielle.

M. Pepin, je voudrais vous poser, à vous qui êtes un spécialiste des relations de travail, la question suivante: N'est-il pas possible de concilier les exigences de la loi du marché — puisque c'est quand même une réalité dans la société dans laquelle nous vivons — et cette paix industrielle que vous comme moi et nous tous cherchons à promouvoir? Quel est dans votre esprit le point de raccord qui permettra de raccrocher des parties qui, comme vous l'avez dit, ont chacune des intérêts à défendre? Vous défendez la cause des travailleurs, et nous en sommes fort heureux; les patrons défendent une cause qui est valable, puisqu'elle représente en somme un ensemble des facteurs économiques de toute première importance pour le Québec.

J'aimerais donc que vous établissiez cette relation entre la loi du marché et la paix industrielle pour laquelle vous avez plaidé avec beaucoup de conviction.

M. PEPIN: M. Tremblay, je pense que vous ne craignez pas les réponses brutales.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je les aime.

M. PEPIN: Ce n'est que la force des parties qui peut entrafner une réconciliation de ces deux oppositions qui existent vraiment. Dans ce cas-ci, comme il n'y a plus de force des parties, c'est là que le lieutenant-gouverneur en conseil, et non pas vous et votre commission, doit essayer de se replacer. Cela a fait l'objet de mes premiers propos. C'est difficile pour lui, j'en conviens. Il doit essayer de se replacer dans cette situation, de l'imaginer en tout cas — c'est peut-être très abstrait ce que je vous dis, mais j'essaie de vous faire part de ce que je pense véritablement — et tenir compte vraiment de ce qu'aurait été la force des parties.

Il n'y a pas, à mon avis, dans le système dans lequel nous vivons — système d'économie de marché qui existe — il n'y a pas, je n'en connais pas, de loi véritable pour déterminer les traitements. Il n'y a qu'une seule loi, je pense que les économistes sont d'accord là-dessus. Je me souviens d'avoir déjà lu un auteur du nom de Marshall, un Français, qui disait justement que le premier critère de détermination des traitements ou des salaires était la force des parties.

Alors — c'est d'autant plus difficile pour le cabinet des ministres — moi, je plaide qu'à l'heure actuelle, il y a une série de raisons qui me conduisent à l'égalité des salaires. Je pense que j'ai raison.

J'ose croire que M. Loranger pourra aussi vous convaincre de cela. Je crois que, si nous étions dans un rapport de forces normal, nous aurions eu cette égalité de traitements. C'est brutal, peut-être, comme réponse, mais je pense que c'est la seule que je puisse vous donner.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Pepin, d'accord, cette force n'existe plus, dites-vous, et cela dépend de cette loi à laquelle je me suis opposé, vous le savez.

M. PEPIN: Peut-être que vous vous souvenez que moi aussi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord. Nous sommes, quand même, en présence de faits bien concrets: le règlement d'un conflit. Nous avons entendu hier un économiste fort distingué, M. Lacasse. Nous allons entendre maintenant, si la commission désire l'interroger, un autre économiste fort distingué, M. Loranger. A la fin de ces discussions et à la suite de toutes les questions que nous pourrons poser à ces gens, comment la commission pourra-t-elle formuler un voeu ou des suggestions qui aideront le ministère du Travail et le gouvernement via ce ministère à régler, dans le concret, chacun des problèmes qui font l'objet des diverses clauses en litige?

J'aimerais que vous me disiez quelle attitude nous devons prendre, nous. Est-ce que nous allons situer le problème dans une optique strictement technique et savante de rapports d'économistes qui, la plupart du temps, partant des mêmes chiffres, se contredisent ou si nous allons vous interroger ad infinitum pour savoir si, sur telle clause, on doit vous donner raison à vous, M. Pepin, à vous, M. Laberge, ou à M. X ou à M. Y, représentant les patrons?

La façon dont vous avez posé le problème, M. Pepin, est fort intéressante. Vous avez situé toute la question dans une optique de philosophie sociale. C'est fort réconfortant d'entendre cela. Mais, rentrant ce soir chez moi et dépouillant ces documents, je vais forcément oublier ces théories de philosophie sociale — et je suis bien d'accord avec vous là-dessus — pour essayer de voir de quelle façon il serait possible de répondre aux exigences formulées par la présentation des diverses demandes se rapportant aux clauses spécifiques qui sont en discussion.

M. PEPIN: Je vais tenter de vous répondre, mais je ne peux pas vous donner la même réponse sur tous les points litigieux parce qu'ils ne sont pas tous de même nature. Vous avez d'abord la série de points où vous devez vous convaincre, dans un sens ou dans l'autre, que c'est la loi, le bill 290, qui y pourvoit et que vous ne pouvez pas y toucher à l'heure actuelle. C'est la première série de problèmes. Si vous

décidez que la loi est claire, disons sur la définition du mot salarié, comme moi je le pense, à ce moment-là, vous dites: Chaque fois que l'employeur vient me dire que le contremaître n'est pas couvert par la convention collective, je ne peux pas accepter cette argumentation dans le cadre de la loi actuelle. Mais, ce sont les points les plus faciles.

Deuxième série de problèmes — c'est là qu'il y a vraiment un conflit d'intérêts — les clauses dites normatives d'une convention collective de travail. Vous avez devant vous sept séries de documents qui contiennent des choses qui ne sont pas tout à fait semblables même à l'intérieur de la partie patronale — le groupe des cinq — et même à l'intérieur des deux centrales syndicales. A ce moment-là, je crois que c'est l'aspect le plus difficile pour vous. Comment allez-vous régler la question de la prime de hauteur, pour prendre un exemple? J'ai l'impression que vous serez obligé de jouer au piffomètre. Je ne vous le suggère pas, mais j'ai l'impression que, malheureusement, vous entendrez les parties, vous vous ferez un jugement et sur les documents, et sur ce qu'elles vous diront, en espérant ne pas trop vous tromper sur la solution que vous allez avoir.

La troisième série de problèmes, ce sont les problèmes de rémunération. Ce que je vous suggère, c'est, non pas qu'il y ait un combat économique dans le sens où vous affrontez deux thèses, deux théories, l'une contre l'autre, mais que vous regardiez cela dans un esprit plus ouvert socialement. Vous ne pourrez pas éviter de vous poser la question: si je prends telle attitude de recommandation, cela peut conduire à un désastre économique. Et vous devez examiner cet aspect-là. Vous devez le faire avec cette ouverture sociale qui me parait, à moi, essentielle, mais je ne peux pas, quand même, aller beaucoup plus loin, sauf de vous dire que, quant à moi, quant à l'égalité, c'est une affaire réglée, que nous avons suffisamment d'indices économiques qui ne conduisent pas à un désastre. Je vous parle de moi. Et, deuxièmement, il y a suffisamment de conflits dans les chantiers, à l'heure actuelle et depuis déjà assez longtemps, qui devraient vous entraîner de ce côté-là.

Maintenant, je ne peux pas facilement être plus précis. Sur les autres dispositions, comme vous l'avez dit au point de départ, si la commission, comme je le souhaite, entend MM. Loranger et Tardif, vous aurez la prise de position concrète, précise sur chacun de nos points, ou les grands points litigieux. Mais comment, après, faire la décision? Je peux difficilement aller plus loin, comme réponse, que ce que je viens de vous faire. Je le pense en tout cas.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si vous me permettez, M. Pepin, je voudrais vous poser une autre question. Vous avez exposé votre philoso- phie sociale. Je vous en félicite. Nous avons entendu les patrons qui, sans parler explicitement de philosophie sociale, ont exprimé des idées qui vous ont servi ensuite à interpréter leur attitude comme, selon vos propres mots, rétrograde. Vous avez dit, il me semble, que ce qui ressort des documents et des plaidoyers faits par la partie patronale, indique que ces messieurs s'inspirent d'une philosophie sociale rétrograde. C'est bien ce que vous avez dit.

Nous allons entendre bientôt M. Laberge, qui lui aussi, naturellement, va peut-être nous parler de sa philosophie sociale, nous la connaissons d'ailleurs, nous savons qu'il est au service des travailleurs et nous en sommes fort heureux. Mais il y a une chose que nous savons d'avance. C'est qu'à un moment donné, il va y avoir choc entre votre centrale et l'autre, sur des questions, soit de philosophie — appelons cela comme cela — ou sur des questions très pratiques référant aux clauses qui sont en litige. A ce moment-là, nous, quelle est notre situation? Nous avons des économistes ici qui vont nous faire les démonstrations les plus savantes. Nous avons, d'autre part, des gens du métier, des travailleurs, des spécialistes des relations patronales-ouvrières, comment allons-nous faire la synthèse de tout cela pour en arriver à des recommandations, par la commission, au ministère du Travail, au ministre?

M. PEPIN: Est-ce que vous parlez, M. Tremblay, de la loi actuelle, telle qu'elle est?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): De la loi telle qu'elle est.

M. PEPIN: J'ai lu le document de la FTQ. Je ne connais pas encore le discours que mon ami Louis se prépare à faire ce soir, ou demain matin. Mais j'ai lu le document. Il ne m'apparaît pas, M. Tremblay, qu'il y ait une philosophie sociale différente, dans les propositions faites par la FTQ et celles soumises par la CSN. Si vous regardez, entre autres, la question...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Pepin, permettez-moi. Je n'ai pas dit qu'il y aurait nécessairement choc sur le cas précis de la philosophie sociale.

M. PEPIN: Vous avez bien parlé de l'application de la loi. Il faut faire attention.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je parle de l'application, des données concrètes du problème. Sans présumer, M. Pepin, je ne sache point que vos deux centrales vivent une vie sentimentale sans nuages.

M. PEPIN: Non, vous n'êtes pas loin...

M. CADIEUX: Sentimentale, voyons donc!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une figure, monsieur...

M. PEPIN: Revenons à ce cas précis. Il y a des problèmes sur lesquels la FTQ ne partage pas notre avis ou vice versa, entre autres la question de l'ancienneté. Si vous regardez le document, vous vous rendrez compte que la FTQ y dit: Nous nous sommes toujours battus pour l'ancienneté; en l'espèce, nous trouvons que c'est difficile d'application. Vous remarquerez aussi, dans leurs droits acquis réclamés dans leur document, qu'ils ont des clauses d'ancienneté existant dans certains endroits et qu'ils en demandent le maintien. Ce n'est donc pas une question de philosophie ou de compréhension du problème, je pense que c'est plutôt une question d'approche.

Ils disent: Pour l'instant, nous ne pensons pas que cela soit applicable. Là, j'interprète, mais ils le diront si ce n'est pas exact. Nous, nous croyons que c'est applicable. Quant au reste des autres dispositions, peut-être sur des points d'une importance, quant aux sujets contestés, un peu secondaire, je ne pense pas qu'il y ait tellement entre nous des points d'accrochage. Encore une fois, je me limite à l'application de la loi actuelle, pas celle qui serait projetée.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Pepin, cela répond, pour l'instant, aux questions qui me sont venues à l'esprit en vous écoutant. J'imagine que vous voulez faire entendre vos spécialistes.

M. PEPIN: Si vous le permettiez.

M. LE PRESIDENT: II y a une personne qui désire poser une question. Si vous voulez vous identifier.

M. L'HEUREUX: Réal L'Heureux, président de l'Association des constructeurs de routes du Québec.

M. LE PRESIDENT: Vous voilà de retour.

M. L'HEUREUX: M. Pepin, dans le cas du contremaître, dans le cas du terme "salarié" — vous y revenez une couple de fois — considérez-vous que les contremaîtres sont inclus dans la définition du terme "salarié", telle que nous la trouvons dans le bill 290?

M. PEPIN: C'est ma compréhension.

M. L'HEUREUX: Alors, je vais vous lire cet article pour mon bénéfice, ainsi que pour celui des membres de cette commission, qui pourraient être accusés de se substituer au lieutenant-gouverneur. Je vous demanderais de m'expliquer la partie de cette définition qui vous permet d'avancer que les contremaîtres sont couverts. Le terme "salarié": Tout apprenti, manoeuvre, ouvrier non spécialisé, ouvrier qualifié ou compagnon, artisan commis ou employé qui travaille individuellement en équipe ou en société.

M. PEPIN: Est-ce qu'un employé qui s'appelle contremaître est vraiment employé? Je le pense.

M. L'HEUREUX: Pour quelle raison est-il employé d'après les termes qu'on trouve dans la loi?

M. PEPIN: Regardez la loi, il est dit: Ceux qui travaillent pour en employeur, qui sont employés par lui sont couverts par la loi.

M. L'HEUREUX: Alors, ceux qui reçoivent un salaire de cet employeur-là, ceux qui travaillent individuellement?

M. PEPIN: C'est mon interprétation.

M. L'HEUREUX: Cela ne dépend pas des tâches ou des fonctions.

M. PEPIN: Pas du tout, le bill ne fait pas de distinction.

M. L'HEUREUX: M. Pepin, moi, je suis président de l'Association des constructeurs de routes et je suis gérant général d'une compagnie de construction. Je suis, dans votre esprit, syndicable, parce que je suis employé à temps plein par une compagnie et je travaille individuellement. Donc, dans votre esprit, je suis un salarié.

A ce moment-là, dites-moi où la distinction arrive? A partir de gérant général, d'ingénieur?

M. PEPIN: Elle n'arrive nulle part, la distinction, M. L'Heureux. Trouvez-moi une distinction dans la loi. Si la loi ne distingue pas, je n'ai pas le droit de distinguer.

M. L'HEUREUX: Alors, ceci veut dire que, dans votre esprit, nous qui avons signé, les cinq associations patronales, ce bill 290, puisque c'est un bill qui a été signé par les sept parties...

M. PEPIN: Le bill a été signé?

M. L'HEUREUX: C'est-à-dire que nous ne l'avons pas signé, mais nous avons contribué à sa préparation.

M. PEPIN: Cela se découvre deux ans après.

M. L'HEUREUX: Si je peux me permettre de continuer, alors nous, les cinq associations patronales aurions décidé que tous nos corps deviendraient syndicables dans la même unité de syndicalisation que nos employés horaires?

M. PEPIN: Quelle est votre question?

M. L'HEUREUX: Ma question est: Votre conception de salarié vous incite-t-elle à penser que nous aurions accepté de syndiquer même nos gérants généraux, puisque vous ne faites aucune distinction des fonctions?

Que ce soit un employé manuel, horaire, de cadre ou quelle que soit sa fonction, du moment qu'il est employé, qu'il travaille de n'importe quelle manière, puisqu'individuellement, en équipe ou en société, ça comprend tout le monde. Est-ce que, dans votre esprit ça voulait donc dire qu'on aurait accepté que tous nos cadres se syndiquent dans la même unité de négociation que nos employés horaires?

M. PEPIN: Les employés sont à ce moment-là absolument libres de décider comme ils l'entendent et tous les employés. Ils peuvent être dans une même unité, dans une même union ou, s'ils le désirent, faire partie d'une autre union, cela les regarde. Mais vous me dites que pour les employés je ne fais pas de distinction. Très bien. Mais moi, je ne peux pas distinguer, M. L'Heureux, si la loi ne fait pas de distinction. Y a-t-il un parlementaire qui va me dire: Distingue, nous, nous n'avons pas fait de distinction, essayez ça. S'ils veulent changer la loi, qu'ils la changent, mais, pour l'instant, la loi est là. J'en donne une interprétation, je suis peut-être complètement dans l'erreur, remarquez bien que je ne suis pas avocat.

M. L'HEUREUX: Non, mais vous sembliez lier tout le monde ici à un texte et inclure pour vous les contremaîtres. La question que je vous pose, en définitive, c'est: Pourquoi les contremaîtres? Pourquoi pas les surintendants? Pourquoi pas les ingénieurs, les estimateurs, les comptables, en fait, tout le personnel de direction d'une compagnie? En fait, les actionnaires feraient directement affaire avec l'unité de négociation.

M. PEPIN: Moi, je vais peut-être là-dedans, plus loin que chacune des sept parties. Dans les documents, il est indiqué que l'on est prêt à exclure les surintendants. Or, moi je dis qu'à ce moment-là, les sept parties n'ont pas le droit d'exclure ça, parce qu'en vertu de la règle que si j'ai par la loi un pouvoir de représenter tout le monde, je ne peux pas par la suite en enlever une section. Je fais là une analogie ou une comparaison avec ce qui existe en vertu du code du travail et, quand j'ai une accréditation, je suis obligé de représenter tous ceux qui sont dans l'unité d'accréditation. Dans la loi 290, on couvre tous les employés; que l'on ait eu tort, ça, c'est une autre affaire. Mais comme c'est ça, la réalité, je pense qu'aucune des parties n'a le droit de soustraire un employé de la convention éventuelle et, a fortiori, à mon avis, le lieutenant-gouverneur en conseil ne pourrait pas exclure une fonction ou une occupation, parce qu'il se trouverait là, si j'interprète bien la loi, à violer lui-même la loi.

M. L'HEUREUX: Ecoutez, M. Pepin, je vais laisser aux membres de la commission parlementaire, le soin de se prononcer, je vais leur faire confiance, car je pense qu'ils ont saisi le point que je voulais faire valoir.

M. PEPIN: Est-ce que vous laissez suggérer que moi, je ne leur fais pas confiance?

M. L'HEUREUX: Vous pouvez comprendre ce que vous voulez.

M. LE PRESIDENT: M. Perrault. Vous pouvez demeurer assis, si vous le voulez, M. Perrault.

M. PERRAULT: M. le Président, MM. les membres de la commission, l'intervention de mon ami Pepin m'a rappelé nos meilleurs jours de négociations il y a déjà quelques années. Cela fait plaisir de se retrouver en face d'une accusation si verte et si virulente.

Disons que son attaque m'a semblé porter essentiellement sur deux points. D'abord il voyait dans notre document une contradiction flagrante en ce qu'ayant consacré la majeure partie du document à nous opposer à la parité salariale, nous acceptions quand même l'entente des parties signées l'an dernier, que nous caractérisons, je crois, de 701a) et 701b).

Je ne sais pas si M. Pepin s'est donné la peine de lire les pages 6, 7, 8 et 9 de notre mémoire, mais...,

M. PEPIN: Si c'est une question, la réponse est oui.

M. PERRAULT: Nous avons tenté, justement, dans ces pages, d'expliquer notre position. Je ne vous les lirai pas, mais je les résume très brièvement. Dans notre esprit, selon les informations recueillies auprès des négociateurs patronaux, l'entente quant à la parité salariale provinciale ne devait, comme exprimé ailleurs dans le texte, s'appliquer qu'aux seuls salariés pour qui la loi 49, à laquelle on a fait référence, devait confirmer une "plus-compétence" à laquelle, d'ailleurs, la partie patronale devait éventuellement souscrire.

Donc dans l'esprit des négociateurs patronaux, il s'agit, dans cette catégorie encadrée par l'article 701a), d'un nombre relativement restreint de personnes. Nous continuons, dans notre document, d'expliquer ce qui arriverait si l'interprétation du document était autre, surtout si on la greffe à l'article 55 de la loi 49 qui consacrerait l'ancien certificat de qualification et en ferait automatiquement cette nouvelle carte de compétence provinciale. Je ne voudrais pas refaire tout cet argument. Essentiellement,

selon l'entendement que nous en avons, il s'agit, dans 701a), d'un groupe relativement restreint de personnes auxquelles s'appliquerait cette parité provinciale. Je suis prêt à subir l'accusation de M. Pepin quant à mon ambiguïté pour ce groupe particulier, mais notre document en fait, quand même, un groupe relativement restreint. La thèse que nous exprimons s'applique à la majorité des travailleurs, comme en font foi les paragraphes dont je viens de vous parler.

M. PEPIN: C'était là votre question?

M.PERRAULT: Je n'ai pas posé de question. Je te défends, Marcel: je ne pose pas de question.

M. LE PRESIDENT: Que le témoin demeure à la barre.

M. PERRAULT: Dans la deuxième attaque qu'il me lançait, dans sa deuxième flèche, je redeviens évidemment la personne rétrograde, affublée de politiques moyenâgeuses et vétustes qui sont appuyées sur des forces du marché qui sont apparemment maintenant désuètes ou inapplicables et qu'on doit à tout prix faire sauter en faveur de certains concepts de justice sociale.

J'ai autant confiance dans la position que j'énonce et dans les appuis que j'ai pu trouver chez différents économistes pour la position que nous avons exprimée, que dans la position de la CSN. Effectivement, il est relativement facile, plutôt que d'arborer des thèses rétrogrades et basées sur l'économique romantique de créer à leur place des rêves en couleur. On peut projeter vers l'avenir des concepts qui n'ont absolument rien à voir avec la réalité et qui ne peuvent pas s'appuyer sur les conditions actuelles.

D'autres ont laissé entendre combien toute cette question de parité salariale était complexe. Combien son extension menait à des conditions cocasses au possible, combien on pouvait facilement, à partir d'une certaine parité salariale, réaliser par échelons une parité — justifiée, si vous voulez — à travers le pays. Je me souviens que lorsque les employés de la nouvelle usine de montage d'automobiles de Saint-Bruno négociaient leur première convention collective, ils visaient déjà la parité de salaires avec ceux de Sainte-Thérèse qui, eux, visaient la parité de salaires avec ceux d'Oshawa, qui voulaient la parité de salaires avec ceux qui étaient aux Etats-Unis, à Détroit. Donc, il était facile de voir comment cet acheminement se faisait. Et pourtant, celui qui visitait l'usine de Saint-Bruno, qui voyait le rythme auquel était montées les voitures à ce moment-là devait certainement se poser des questions quant à l'efficacité de la fonction et de sa comparaison avec celle de Détroit. Il y avait sûrement un écart quelque part qui ne justifiait pas le même salaire.

De toute façon M. le Président, cette opinion sur la parité salariale que nous avons exprimée dans notre document sur lequel je m'appuie, exactement telle que nous l'avons présentée l'autre jour, reste, je crois, ce que les Anglais appelleraient le "conventional wisdom". Il peut y avoir d'autres théories qui seront évoquées en fonction de la question, mais je reste convaincu que cette expression que nous avons fait ressortir, et plus particulièrement celle qu'il n'est pas possible de réduire les disparités régionales par un tel truchement artificiel, doit quand même rester notre position.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Perrault. M. PEPIN : Si vous me le permettez... M. LE PRESIDENT: Certainement.

M. PEPIN: ... je voudrais simplement dire, à la suite de la répétition des théories de M. Perrault, que, s'il a autant confiance aux théories du Conseil du patronat qu'aux miennes, il a peut-être raison. J'ai peut-être un petit avantage sur lui. Les siennes ont été expérimentées. Elles ont conduit à des disparités de revenus, à du chômage, à un marasme économique...

M. LE PRESIDENT: C'est un terme que M. Samson aimerait beaucoup!

M. PEPIN: ... à des faillites et je pourrais en ajouter d'autres.

M. LE PRESIDENT: M. Lebon.

M. LEBON: M. le Président, MM. les membres de la commission, j'aurais une question à poser à M. Pepin. Lorsque nous avons démontré, ce matin et hier, qu'il y avait un coefficient d'élasticité de 15, M. Pepin a posé une question à M. Lacasse qui a répondu qu'il pouvait y avoir une marge d'erreur de 15 p.c, soit, en fait, plus ou moins 15 p.c, comme on le dit dans les termes courants.

Or, M. Pepin a très éloquemment traduit cela par 30 p.c. Je veux faire la correction. C'est plus ou moins 15 p.c.

M. PEPIN: C'était là votre question?

M. LEBON: Non, c'était une affirmation. La question que je pose: Compte tenu d'une augmentation des prix de 10 p.c. et en supposant qu'il y ait une erreur de 15 p.c. en plus ou en moins, quelle sera, selon vous, M. Pepin, la diminution des quantités demandées?

M. PEPIN: Vous voulez, au point de départ, si je réponds à votre question, me faire admet-

tre qu'il y a un coefficient d'élasticité. S'il y en a un, moi, je ne le connais pas. La seule chose, c'est que votre économiste est venu dire qu'il y en avait un de calculé, le seul aux Etats-Unis, qu'il l'avait transporté, qu'il avait établi la parité là-dessus et l'égalité pour l'amener ici au Québec. Alors, moi, je n'ai pas de jugement. Je ne suis pas en mesure de faire des coefficients d'élasticité. C'est votre économiste qui l'a amené.

M. LEBON: M. le Président, si vous me le permettez, si on n'accepte pas qu'il existe un coefficient d'élasticité, je vois mal M. Pepin le critiquer. Ou il existe ou il n'existe pas.

M. PEPIN : Juste un moment.

M. LEBON: Je n'ai pas fini, M. Pepin.

M. PEPIN: C'est parce que, moi, je suis à la barre et je suis obligé de répondre à toutes vos questions. Si M. Lacasse vient dire que lui-même n'est pas sûr de son coefficient d'élasticité, vous comprendrez que, moi qui suis de la partie adverse, je ne perdrai pas de temps avec cela.

M. LEBON: M. le Président, sans être une discussion bilatérale entre M. Pepin et moi-même...

M. LE PRESIDENT: Vous faites cela d'une façon talentueuse.

M. LEBON: Merci M. le Président. J'ai fait le calcul, pour répondre à M. Pepin. S'il y a une marge d'erreur de 15 p. c, ceci se traduit par une différence de 4 p. c. seulement d'erreur, c'est-à-dire plus ou moins 2 p. c, sur la réduction des quantités demandées. Nous avons dit 15 p. c. de quantités demandées, ce qui voudrait dire une possibilité, suivant même la marge d'erreur maximum de 15 p. c, ce qui voudrait dire une réduction de 13 p. c. ou de 17 p. c. Cela, selon moi, constitue la réponse que M. Pepin aurait dû donner.

Cependant, j'ai une deuxième question, si vous me le permettez, M. le Président, en ce qui concerne l'entente du 10 juillet. Tout le monde le sait, l'entente du 10 juillet a été divisée ainsi: 701-a), dont M. Perrault parlait et 701-b) aussi. Le a) dit, tout simplement: Parité salariale pour les cartes de compétence provinciales. Le b) dit: Disparité salariale. C'est assez clair. Il y a un paragraphe qui dit parité, l'autre dit disparité. Alors à l'encontre du paragraphe b), et je cite ici, M. le Président, le document de M. Loran-ger: "Soulignons d'abord l'acceptation d'un compromis d'une durée de moins d'un an n'est pas synonyme de l'abandon d'un principe mais simplement l'acceptation de surseoir temporairement à l'application du principe. Sinon, il n'y aurait plus lieu de parler de compromis mais de reddition, ce à quoi d'une part la CSN et, d'autre part, — si je fais mienne la citation — la partie patronale n'a jamais consenti et ne consentira jamais".

Je voudrais demander à M. Pepin comment il peut expliquer cette citation lorsqu'il parle du paragraphe b) et pourquoi il ne l'applique pas au paragraphe a).

M. PEPIN: Parce que, comme ce n'est pas un document qui appartient à la CSN mais au professeur Loranger, celui-ci sera appelé à témoigner et lui-même est libre d'écrire et de dire ce qu'il entend. Ce ne sont pas des économistes qui sont à notre solde uniquement pour faire un travail.

M. LEBON: M. le Président, je m'excuse d'avoir posé la question à M. Pepin. Je demanderais à M. Loranger de se préparer. Demain, nous allons le lui demander.

M. LE PRESIDENT: Vous y reviendrez, oui. S'il n'y a pas d'autres questions, ou au cas où il y en aurait, vous me permettrez d'ajourner jusqu'à 8 heures.

Reprise de la séance à 20 h 5

M. BOSSE (président de la commission permanente du Travail et de la Main-d'Oeuvre): A l'ordre, messieurs! La séance est ouverte. Je voudrais d'abord communiquer qu'un mémoire de National Cash Register sera déposé d'ici lundi.

UNE VOIX: Ils veulent être exclus.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ces mémoires sont déposés.

M. LE PRESIDENT: Si les membres de la commission ont des questions à poser à M. Pepin, je les y inviterais. M. Pepin, dans la série de vos arguments, je crois que vous aviez à présenter un économiste. Un peu d'ordre, s'il vous plaît messieurs!

M. PEPIN: Est-ce qu'il y a des questions qu'on désirerait me poser?

M. LE PRESIDENT: Apparemment, il n'y a pas de questions de la part des membres de la commission ou d'autres intéressés.

M. PEPIN: M. le Président, j'ai mentionné que je souhaitais ardemment que l'économiste Loranger témoigne, explique le bouquin que vous avez entre les mains et qu'il puisse, lui aussi, subir le feu des questions.

M. LE PRESIDENT: Nous invitons M. Loranger. Nous savons que les économistes sont brefs.

M. LORANGER: M. le Président, messieurs les membres de la commission...

M. LE PRESIDENT: Je demanderais un peu d'ordre et un peu de silence, beaucoup!

L'égalité des salaires

M. LORANGER: Merci, M. le Président. Mon intention est d'abord de vous présenter, dans ses grandes lignes, le livre que j'ai publié lundi, au sujet de l'égalité des salaires dans la construction. Ensuite, j'essaierai de reprendre en détail seulement certains points que je considère importants, essentiels pour les fins du débat qui se déroule depuis le début de la convocation de cette commission.

J'aimerais également, ensuite, si vous voulez retarder vos questions après cette présentation, avoir la chance de répondre aux quelques points de nature technique. J'essaierai de le faire dans les termes les plus compréhensibles possibles pour les membres de la commission. Je répondrai aux arguments qui sont contenus dans le mémoire ou le rapport de mon collègue Lacasse et également à un ou deux points qui ont été mentionnés par M. Lefebvre, de l'Association des constructeurs d'habitations du Québec.

Dans l'ensemble, j'ai voulu présenter d'abord dans une première partie la difficulté, voire l'impossibilité, selon ma compétence professionnelle, d'en arriver à établir des coefficients économiques objectifs.

J'ai également été placé devant l'angoissant problème d'examiner s'il n'y avait pas de coefficients économiques objectifs, quels pourraient être les arguments économiques sérieux qu'on pourrait utiliser pour défendre, non pas seulement défendre, mais fonder économiquement la demande de la CSN, à savoir l'égalité des salaires dans l'industrie de la construction.

C'est ce que j'ai essayé de faire dans la deuxième partie, en examinant l'incidence de l'égalité des salaires dans l'industrie de la construction, à la fois sur le revenu des régions, sur l'emploi, ou le chômage, sur le coût de l'habitation et, par voie de conséquence, sur le coût de la vie, sur la productivité de l'industrie, parce que non seulement les patrons mais, je pense, tout le monde considère que la question de productivité, c'est important.

Dans la troisième partie, étant donné que l'administration précédente a déjà déclaré acceptable le principe de l'égalité des salaires dans le secteur public, j'ai essayé de démontrer deux choses: d'abord, jusqu'à quel point l'industrie de la construction était d'intérêt public et non pas uniquement d'intérêt privé. Deuxièmement, étant donné toujours la politique salariale de l'administration précédente, si on s'en réfère à une affirmation de M. Marcel Masse — je crois que c'est aux pages 75 et 76 — qui disait, entre autres, que la politique salariale du gouvernement visait tout simplement à apporter autant de cohérence que possible dans l'établissement des salaires de ceux dont le niveau de rémunération affecte directement ou indirectement le budget gouvernemental, je me suis dit: Si c'est ça qui a conduit l'administration antérieure — à ma connaissance, cette politique salariale n'a pas été dénoncée par l'administration actuelle — il serait fort pertinent qu'on essaie de voir quelle est l'incidence directe de l'égalité des salaires dans l'industrie de la construction sur le budget gouvernemental.

Avant de procéder en détail à l'examen de certains points, permettez-moi de vous rappeler, dans ses grandes lignes, les conclusions de mon étude.

J'ai essayé de démontrer dans la première partie qu'il était impossible de trouver des facteurs économiques objectifs pouvant servir à fonder les fameux coefficients économiques tels que spécifiés dans l'article 701b) de la dernière entente signée au mois de juillet l'an passé.

Je suis arrivé à cette conclusion pour trois raisons :

D'abord, parce qu'il n'existe aucune théorie économique unique qui puisse nous permettre

de choisir ces facteurs suffisamment objectifs et acceptables à toutes les parties.

La deuxième raison, c'est que, même si on avait une théorie économique unique, pouvant nous permettre de choisir des facteurs économiques, il serait quand même important et essentiel de pouvoir évaluer ou prévoir la valeur future de ces facteurs économiques objectifs. En effet, si on ne s'en tient qu'au passé, il demeure quand même important de se rendre compte que, dans cette attitude tournée uniquement vers le passé, on peut risquer de se figer dans certaines inégalités économiques qui sont sans fondement rationnel.

Or, devant l'impossibilité de pouvoir estimer d'une façon adéquate les valeurs futures de certaines variables que pourrait nous donner une théorie économique, c'est la deuxième raison pour laquelle j'ai conclu qu'il serait impossible d'arriver à cet objectif.

La troisième raison est celle-ci: Même en admettant qu'on puisse s'en tenir seulement au passé, les parties qui ont accepté de parapher l'article 701b) ont peut-être pensé que, finalement, ça serait seulement une affaire de technocrates pour évaluer des coefficients économiques. Mais c'est plus qu'une affaire de technocrates, parce que, si on se fonde uniquement selon certaines valeurs passées, jusqu'où doit-on remonter?

Est-ce que c'est important de prendre seulement les valeurs les plus récentes qu'on pourrait trouver selon certaines variables économiques ou s'il faut tenir compte des trois, cinq, dix ou vingt dernières années? Voilà une première question. Deuxièmement, je pense qu'il a été dit, sinon devant cette commission au moins aux réunions que nous avons eues avec les experts-économistes du ministère, que la pauvreté statistique par région était l'un des handicaps majeurs pour pouvoir procéder d'une façon sérieuse au calcul ou au choix de ces facteurs économiques objectifs.

Fort de toutes ces considérations, j'ai quand même essayé, compte tenu de toutes ces contraintes, d'évaluer ce que pourraient donner certains coefficients économiques objectifs choisis en fonction des statistiques disponibles. C'est ce que j'ai essayé de montrer par une demi-douzaine de tableaux, dans la première partie. Comme on le verra plus loin, tous ces efforts ont simplement consisté à montrer jusqu'à quel point, même avec la meilleure volonté du monde, on demeure quand même dans une situation très arbitraire avec de tels coefficients.

Dans la deuxième partie, j'ai essayé de montrer que, si le bill 38 enlevait le pouvoir de négociation aux parties, le gouvernement, à moins qu'il ne soit pas sérieux dans ses intentions — et personnellement, je n'ai pas de raison de le penser — s'attendait que les parties fassent un effort honnête pour essayer de trouver un fondement rationnel à l'égalité des salaires dans l'industrie de la construction ou enfin à ce que la CSN croit être raisonnable, pour toutes sortes de raisons que le président de la CSN a évoquées avec beaucoup plus d'éloquence que je ne pourrais le faire ici ce soir, après avoir démontré que la théorie économique classique ou néo-classique n'était pas une réponse pour fonder l'égalité des salaires dans l'industrie de la construction.

Mais ce n'est pas une réponse non plus pour n'importe quelle autre question, parce que c'est une théorie qui est, à mon avis — et je pense que c'est également l'avis du président de la CSN — totalement dépassée.

J'ai alors essayé de rechercher quel pourrait être le critère ou le principe qui pourrait le mieux justifier, non pas en terme de sentiment, non pas en termes d'argument social uniquement, mais en termes économiques comme raisonnable et logique la parité des salaires dans l'industrie de la construction. A mon avis, le seul fondement économique compatible avec cette demande, c'est la politique de développement économique régional des gouvernements, tant à Ottawa qu'à Québec. Ces deux niveaux de gouvernement se sont engagés devant l'opinion publique à prendre des mesures pour réduire, sinon effacer à moyen terme ou à long terme les inégalités économiques interrégionales. Voilà, à mon avis, la base même de cette égalité des salaires dans l'industrie de la construction.

Maintenant, comme je l'ai démontré dans la deuxième partie, si c'est là le principe moteur, essayons de voir quelles sont les incidences, en termes économiques, de cette égalité des salaires sur le revenu des régions. Est-ce que cela va vraiment dans ce sens? Est-ce que cela va diminuer ou aggraver les inégalités économiques?

Est-ce que cela créera plus de chômage ou moins de chômage? Est-ce qu'on va augmenter à moyen terme ou à long terme la productivité de l'industrie, si on s'embarque dans cette direction? Est-ce que cela augmentera le coût de la vie? Si le coût de la vie augmente, alors, n'y a-t-il pas danger d'effacer totalement les effets en termes de hausses de revenu nominales, puisque nous, les économistes, nous ne parlons qu'en termes de revenu réel? Voilà, en gros, toutes les questions que je me suis posées dans cette deuxième partie et auxquelles j'ai essayé de donner la réponse la plus honnête possible.

Maintenant, pour revenir sur la possibilité de calculer des coefficients économiques dits objectifs, dans la première partie, j'aimerais vous rappeler très brièvement le résultat des deux séances de négociations — je n'appellerais pas nécessairement cela de la négociation, mais de l'information plutôt — que nous avons eues avec les experts que le ministère du Travail avait mis à la disposition des parties. A la première séance qui a eu lieu, je pense, au début de

septembre — je ne me rappelle pas si c'était le 4 ou le 6, mais, en tout cas, il y en a eu une première — la question était de savoir, selon les experts, comment nous allions procéder dans cette question. Les suggestions des experts économistes étaient de dire: Eh bien, essayons de faire un catalogue ou un inventaire de toute la statistique disponible, sans essayer de présumer au départ si, en retenant tel facteur plutôt que tel autre, c'est plus avantageux ou moins avantageux pour l'une ou l'autre des parties.

Comme économiste, il me paraissait essentiel, si on voulait essayer de sortir le plus rapidement possible de ce dédale, d'avoir, ou d'essayer de savoir, avant même d'essayer de faire un inventaire de critères ou de facteurs économiques ramassés à gauche et à droite, s'il était possible qu'on s'entende sur une théorie économique acceptable à toutes les parties. C'est la question que j'ai posée aux experts du ministère, et je pense avoir apporté assez fidèlement leurs réponses à cette question, à la page 21. La question que j'ai posée: "Messieurs les experts économistes du ministère peuvent-ils nous dire s'il existe une seule théorie économique, ou plusieurs théories, pouvant fonder le choix des facteurs économiques? " La réponse a été très claire et unanime du côté des experts: "Non, il n'existe pas une seule théorie économique, mais autant de théories différentes qu'il peut y avoir de facteurs économiques à choisir."

Et M. Pierre Harvey d'ajouter: "Finalement, tout est objet de négociation." Il y a eu d'autres commentaires qui allaient dans le même sens. Entre autres, M. Pierre Harvey, économiste du ministère, enfin, spécialement demandé par le ministère, nous a dit qu'à son point de vue, l'objectivité économique ne pouvait se définir que par l'interprétation des faits en fonction de telle théorie ou de telle hypothèse de travail. Alors, j'en ai compris que même si, au départ, on ne voulait pas trop s'intéresser au choix d'une théorie, ou d'une hypothèse, si on voulait quand même vraiment arriver à l'objectivité, il faudrait finalement remonter à une théorie, ou à une hypothèse. Et comme on nous a dit qu'il n'y en avait pas, une, unique, mais qu'il y en avait pour chacun des facteurs, j'en ai conclu que déjà à ce moment — enfin, moi, personnellement — je trouvais que cela serait une grande difficulté pour essayer de trouver, d'en arriver à une seule série de coefficients économiques acceptables à tous.

Quant aux valeurs futures des facteurs économiques, naturellement, on peut dire: On a déjà assez de problèmes avec le présent ou le passé que, s'il faut commencer à vouloir faire les prophètes, aussi bien renoncer à la tâche. Mais on ne peut quand même pas s'empêcher de penser que le décret qui sera mis en vigueur pour régler, peut-être temporairement, au moins pour les trois prochaines années les problèmes dans l'industrie de la construction, c'est pour les trois prochaines années et non pas pour les trois dernières années. Alors, c'est tout de même important de tenir compte de l'avenir.

Autre argument. Si nous ne tenons pas compte de l'avenir, si nous faisons seulement une extrapolation en fonction du passé, qu'est-ce que cela implique? Cela implique que finalement ce qui s'est passé était comme dans le meilleur des mondes.

Que nous allons fonder nos décisions futures en fonction de ce qui s'est passé, en tenant pour acquis que la situation actuelle est la meilleure. Mais, au nom de quoi? En tant que professionnel de ces questions, je ne suis pas prêt à faire cette hypothèse. Je suis d'autant moins prêt à faire cette hypothèse quand on sait que les salaires qui ont pu être négociés dans le passé ne l'ont jamais été selon le fonctionnement idéaliste du schéma de la concurrence parfaite, du schéma de l'économie de marché qui fonctionne d'une manière parfaite, mais bien plus selon la loi de la jungle. Comme vous le savez sans doute — je me suis permis de rappeler ce que le bon vieux Lafontaine nous disait à ce sujet — dans la loi de la jungle, c'est toujours le plus fort qui gagne ou qui impose sa décision. La raison du meilleur...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): La raison du plus fort est toujours la meilleure.

M. LORANGER: La raison du plus fort est toujours la meilleure et c'est ce que nous allons démontrer tout à l'heure. Merci, M. Tremblay.

M. BURNS: Nous avons un député qui a des lettres.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et de l'esprit.

M. LORANGER: Est-il vraiment raisonnable de conclure que les inégalités économiques qui se sont établies selon ce principe de la loi de la jungle doivent être figées pour l'avenir et qu'elles doivent être acceptées comme une sorte de fatum, de déterminisme sur lequel les humains n'ont aucune prise? Moi, je me refuse, encore une fois, à admettre ça. Non pas parce que je suis un être humain, mais parce que ça ne m'apparaft absolument pas rationnel au plan économique. Ce n'est pas parce que Adam Smith — je pourrais citer une douzaine d'autres grands classiques, comme Marshall — a rêvé, à un moment donné d'une conception idéale de l'homo economicus qui ne tenait sûrement pas compte des théories freudiennes de l'homo psychologicus, si vous me passez cette expression, qu'on doit prendre ses désirs pour la réalité. Je pense que l'erreur que fait le patronat dans son argumentation est aussi simple que ça. Il essaie de vous convaincre, messieurs, que, même si ce n'est pas vrai en réalité, c'est quand même le monde idéal, l'homo economicus rêvé d'Adam Smith et de ses successeurs, qui doit

exister en réalité. C'est en vertu de ce schème-là, de cette construction-là qu'on devrait prendre les décisions concernant la fixation des taux de salaires dans l'industrie de la construction.

Eh bien, moi, je vous dis: Si vous continuez à croire dans l'homo oeconominus d'Adam Smith ou d'un autre, je pense que, comme l'a dit si éloquemment M. Pepin, c'est un grave retour en arrière. Il a mentionné la fin du XIXe et le début du XXe siècle.

Moi, je pourrais dire qu'étant donné qu'Adam Smith est mort en 1790, ça va quand même chercher plus loin que le 19e; on est carrément au 18e siècle.

M. MARCHAND: II n'y a pas eu de progrès depuis ce temps-là.

M. LORANGER: Selon la thèse du patronat, il ne semble pas qu'il y en ait eu.

M. LE PRESIDENT: Un moment, s'il vous plaît.

M. LORANGER: Moi, je pense qu'il y a eu d'autres économistes.

M. LE PRESIDENT: M. Loranger, un moment, s'il vous plaît. Je vois que vous latinisez beaucoup, mais on va permettre au député de Chicoutimi de faire des remarques.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai écouté avec grande attention...

M. CADIEUX: II a beaucoup de lettres, lui aussi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... votre savant exposé, M. Loranger, mais vous venez de toucher un point qui nous permettrait de revenir sur la terre et nous exempterait d'exhumer les cadavres.

M. LORANGER: Je suis bien d'accord.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez, à partir des prémisses que vous avez posées, attaqué la position de ceux que vous appelez les patrons, en disant qu'ils s'appuient sur la thèse de l'homo oeconomicus.

M. LORANGER: C'est exact.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous pouvez nous en faire toute de suite une démonstration concrète, afin que nous puissions vous suivre?

M. LORANGER: Si je voulais être malin, M. Tremblay, je pourrais dire: Regardez la partie patronale, mais je ne le dirai pas.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais eux vous voient de dos; nous, nous vous voyons de face.

M. LORANGER: Enfin,bref, l'homo oeconomicus, est-ce que vous voulez vraiment que j'élabore plus longuement là-dessus?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est-à-dire que vous fassiez la relation entre ce que vous venez de dire et les propositions du patronat. Parce que, là, tout reste dans l'abstrait.

M. LORANGER: Bon.

M. LE PRESIDENT: En somme, que fait-il dans la construction?

M. LORANGER: En parlant de l'homo oeconomicus, j'ai voulu tout simplement rappeler que la théorie de la concurrence parfaite se basait sur un certain nombre de postulats qui étaient construits à partir d'un comportement non humain, non réel, dans le sens où ça ne concorde pas avec la réalité. Cela n'a jamais, d'ailleurs, concordé avec la réalité. Dans le sens où l'un de ces premiers postulats, c'est de supposer qu'aucun individu, aucun agent économique n'est plus fort que les autres. Aucun agent économique ne peut, par sa force, par sa taille, imposer des décisions à un plus faible. Il n'y a ni fort, ni faible dans ce schéma. Deuxième postulat, l'homo oeconomicus, c'est un robot, une machine que même les cerveaux les plus avancés en informatique n'ont pas encore réussi à mettre sur pied. L'homo oeconomicus, c'est le bonhomme qui n'a aucune incertitude, c'est le deus ex machina qui a une connaissance parfaite de tout, autant de la situation passée que de l'avenir.

Est-ce que ça répond à votre question, M. Tremblay?

DES VOIX: Bravo!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bien..

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous pourriez réserver vos applaudissements?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, est-ce qu'on pourrait avoir la traduction simultanée?

M. LE PRESIDENT: Don't cross the border!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Loranger me demande si ça répond à ma question; disons que ça n'y répond pas du tout. Cela me rappelle certains cours que j'ai déjà suivis en chimie, alors que, objectant au professeur que je ne comprenais pas, il me répondait: Monsieur, je comprends que vous ne comprenez pas.

Moi, je veux savoir, alors que vous avez

attaqué le patronat — je ne défends pas le patronat, remarquez bien — je veux savoir comment, pratiquement, vous pouvez réfuter ce que M. Lacasse, qui est aussi un économiste, a écrit dans le rapport qui nous a été présenté par le patronat, par la partie patronale si vous aimez mieux.

M. LORANGER: Si c'est la question que vous me posez, disons que j'avais l'intention d'y répondre après avoir exposé...

M. LABERGE: "Feuillus par terrus! " M. LEBON: "Feuillus par terrus! "

M. LORANGER: ...certains points essentiels de mon livre. Si je peux présumer que le député de Chicoutimi a bien lu et bien compris tout le contenu de mon livre, je suis prêt à répondre immédiatement à certains points qui ont été soulevés dans le rapport de mon collègue Lacasse.

Entre autres, à propos du fameux coefficient d'élasticité de Lee qui est mentionné aux pages 14, 15 ou 16, je pense ne pas être obligé d'insister de nouveau sur les doutes qu'a soulevés le président de la CSN sur la valeur de ce coefficient, étant donné qu'il n'est pas basé sur des données québécoises, encore moins sur des données de la construction québécoise. Mais je pourrais apporter une autre objection pour entretenir le doute sinon l'augmenter, à savoir que l'hypothèse sous-jacente dans le calcul de ce coefficient d'élasticité, enfin dans le sens où une réduction de la demande entraînerait proportionnellement une réduction de l'emploi, se fonde sur le fait que les constructeurs ont ce que l'on appelle en économique — je vais vous scandaliser peut-être — une fonction de production à rendement constant, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'économie d'échelle.

Si on admet la possibilité d'avoir une fonction de production à rendement croissant, c'est-à-dire qu'avec une combinaison en augmentant de 10 p. c. les facteurs de production, c'est-à-dire 10 p. c. de plus de capital, 10 p. c. de plus de main-d'oeuvre, on obtenait 20 p. c. de plus de produits finis, dans cette hypothèse, je dis tout simplement qu'il est faux de prétendre qu'il y a proportionnalité entre réduction de 10 p. c. ou de 15 p. c. — je ne me souviens pas exactement du chiffre avancé par mon collègue Lacasse — qu'il est faux de prétendre, dis-je, que si la demande diminuait de 15 p. c, cela entrafnerait automatiquement un chômage de 15 p. c.

Si, par exemple, pour calculer en chiffres plus arrondis, on pense qu'avec une augmentation de 10 p. c. de main-d'oeuvre on obtient une augmentation de la production de 20 p. c, si la demande baisse de 20 p. c. on n'aura pas besoin de mettre 20 p. c. de main-d'oeuvre à pied, mais seulement 10 p. c. C'est l'exemple que je voulais souligner en parlant de rendement croissant plutôt que de rendement constant.

Un deuxième point qui est soulevé dans le mémoire de mon collègue Lacasse, c'est l'incidence de l'égalité ou de la hausse des salaires qui serait consécutive à l'égalité des salaires dans l'industrie de la construction. Quelle sorte d'effet cela aurait-il sur les revenus d'une région?

Je pense que mon collègue Lacasse a peut-être calculé un peu vite, pour ne pas dire escamoté le calcul un peu plus compliqué de cet effet-là. Je n'ai rien contre l'exemple qu'il a choisi. On peut choisir n'importe quel chiffre juste pour illustrer à titre d'exemple, mais je prétends qu'il n'a pas mesuré de façon adéquate l'incidence de la parité, pour la simple raison que, comme j'ai essayé de le démontrer, l'incidence de l'égalité sur les revenus régionaux, le revenu des régions, doit se baser sur un effet de multiplication ou doit le provoquer.

Or, que veut dire un effet de multiplication pour le commun des mortels? Cela veut dire que, s'il y a une injection soudaine de revenus dans une région, cette injection soudaine va être dépensée, soit par des entreprises, soit par des individus. Est-ce que ce sera dépensé totalement? Probablement que non, parce qu'il y aura peut-être une partie qui sera épargnée, mais la majeure partie sera dépensée.

Si on considère seulement l'effet que j'appellerais primaire ou l'effet direct de cette injection nouvelle de dépenses, et si on arrête le cycle là, il n'y a pas lieu, je pense, de parler de multiplicateur. C'est seulement si on se met à considérer qu'en plus d'avoir un effet direct ou primaire, ceci va déclencher une série de cycles successifs de dépenses, autrement dit, que l'individu qui reçoit cet argent en dépense une partie, en épargne une autre. Il l'a dépensé comment? Je ne sais pas, mais peut-être en transport, en vêtements.

De toute façon, les commerçants qui lui vendent des chaussures, le taxi qui le transporte à ce moment-là, eux aussi vont se mettre à dépenser une partie de l'argent qu'ils ont fait, ou du revenu qu'ils ont perçu en transportant ce monsieur ou en lui vendant une paire de chaussures, et ainsi de suite. Cela n'apparaît pas du tout dans le calcul de mon collègue Lacasse, pour la simple raison que la seule et unique façon de calculer d'une façon adéquate l'effet de multiplication, c'est à partir de ce que les économistes appellent un certain coefficient de propension marginale à dépenser.

Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire: Pour $1 de revenu additionnel, quel est le montant que vous allez dépenser et quel est le montant que vous allez épargner? Si je dis que la propension marginale à consommer est de .8, à titre d'exemple, ça veut dire que, pour $10 de revenu additionnel qu'un individu peut avoir dans une région donnée, il en dépense $8 et il

en épargne $2. C'est aussi simple que ça. Les $8 qu'il dépense sont récupérés par un autre individu et, à son tour, ce même individu, s'il a la même propension marginale à dépenser, dépense également $8, épargne $2 et ainsi de suite. Vous voyez toute la série de cycles de dépenses secondaires qui s'enchaînent à ça. Mais ce n'est pas tout.

M. COITEUX: Est-ce que votre raisonnement s'applique régionalement?

M. LORANGER: Oui.

M. COITEUX: Mais comment expliquer alors d'après votre raisonnement, qu'il dépense? L'argument que M. Lacasse a fait valoir hier, c'était que, ça ne donnait rien à la région parce que l'individu, s'il n'y a pas de manufacturier de réfrigérateurs, par exemple, dans la région, ça lui permet... Cela va?

M. LORANGER: Si vous me permettez, c'était le deuxième point que j'allais souligner. Une deuxième faiblesse m'apparaît dans le calcul de mon collègue Lacasse, c'est qu'il n'a pas tenu compte d'une des composantes de ce que nous appelons, nous, la demande globale d'une économie ou d'une région, et cette composante s'appelle l'exportation. Autrement dit, si on prétend que l'injection nouvelle autonome que j'appelle de revenus n'était pas dépensée dans la région mais était entièrement sortie de la région, il n'y aurait à ce moment-là, aucun effet de multiplication. Ce cas-là pourrait se produire seulement si les injections de revenu autonomes que l'on fait dans une économie régionale sont automatiquement sorties de la région, soit entièrement sous forme d'épargne, autrement dit si elles ne sont pas dépensées, ou encore sous forme de biens importés de l'extérieur de cette région.

Mais cependant, là où j'en ai contre le calcul de mon collègue Lacasse, c'est lorsqu'il a prétendu que les régions déprimées, relativement déprimées par rapport à Montréal, étaient seulement des régions importatrices, qu'elles n'exportaient jamais. Or, est-ce que les meubles qui sont fabriqués à Drummondville sont entièrement et uniquement achetés par les gens de Drummondville? Je ne le crois pas. Pour ma part, en tout cas, j'ai acheté une chaise assez confortable pour mon bureau et je pense qu'elle a été manufacturée à Drummondville et je vis à Montréal.

Là, on parle de commerce interrégional mais on peut parler aussi de commerce, non pas seulement interrégional, mais en dehors de la province. Si les industries, ou les gens qui travaillent à Baie-Comeau... On dit que ce sont des gens qui ne sont que des consommateurs, qu'ils n'exportent rien. Bien, je ne sais pas, Baie-Comeau est peut-être mal choisie, mais prenons Sept-Iles, Gagnon et toutes ces villes-là.

Je pense que ce sont de très gros exportateurs de minerai vers les Etats-Unis. C'est peut-être justement à cause de cela que cette région-là peut finalement avoir les revenus les plus élevés. Ce n'est quand même pas une région si déprimée que ça. C'est quand même important de tenir compte des exportations.

M. COITEUX: Est-ce que vous êtes allé dans le bout de Sept-Iies?

M. LORANGER: Jusqu'à Moisie, je pense.

M. COITEUX: Ah! vous n'êtes pas allé sur la Côte-Nord.

M. LE PRESIDENT: Un instant, le député de Frontenac a une question à poser.

M. LATULIPPE: L'effet multiplicateur existe dans la mesure où il y a une injection de revenus nouveaux.

M. LORANGER: Oui.

M. LATULIPPE: S'il n'y a pas d'injection de revenus, mais qu'il s'agit plutôt de transfer de revenus des uns aux autres, est-ce que l'effet multiplicateur existe?

M. LORANGER: Si c'est seulement un effet de transfert, non. Il faut vraiment que ce soit une hausse autonome pour qu'il y ait un effet de multiplication.

M. LATULIPPE: Si je comprends bien, hausse autonome, ça veut dire hausse...

M. LORANGER: Un apport de revenus nets pour la région. Si par exemple, nous demeurons tous les deux dans la même région, que je vous paie un salaire et que j'ai mon compte en banque, à la même succursale que vous, et dans la même région, il n'y a pas de transfert net, c'est-à-dire qu'il n'y a que compensation à l'intérieur de la même région. Cela n'entraîne aucun effet de multiplication.

M. LATULIPPE: Dans votre étude, est-ce que vous démontrez qu'effectivement il y a une injection de revenus supplémentaires dans la région et qu'il s'agit d'autre chose que de transfert des uns aux autres?

M. LORANGER: Dans mon étude, je me suis placé seulement au plan théorique, étant donné la très brève période de temps que j'ai eue pour analyser cette question. Tout ce qu'on m'a demandé c'était si la demande de salaire pouvait se défendre au nom de certains principes économiques. Maintenant, pour être capable de calculer effectivement, quantifier ça, il faudrait faire appel à toutes les ressources que possède le Bureau de la statistique, ici, à

Québec, avec ses tableaux de flux réel et de flux financier entre régions, pour chacun des biens et là, on pourrait faire une étude quantitative fort sérieuse. Mais, cela pourrait prendre quelques années avant d'en arriver à savoir quelle sorte de résultats finalement ça peut donner pour chacune des régions.

M. LATULIPPE: Selon votre opinion, est-ce que la parité dans le domaine de la construction amènerait des injections de revenus dans les régions marginales?

M. LORANGER: Non pas intuitivement, mais quand on pense que lorsqu'il s'établit un nouveau chantier en dehors de Montréal, dans n'importe quelle région — nommez-les si vous voulez — et que cette construction-là est faite par des entrepreneurs de Montréal, de Toronto ou des Etats-Unis, automatiquement il y a une injection de revenus.

Si vous augmentez les salaires, si vous avez la parité des salaires avec Montréal, il y a certainement une injection plus grande de revenus que si vous n'avez pas cette parité. Je pense que tout le monde peut comprendre cela assez facilement.

M. LATULIPPE: Donc, il y aurait une énorme distinction à faire selon chaque cas, s'il s'agit d'habitations, s'il s'agit de projets importés, quand je parle pour la région. En fin de compte, cela revient à dire qu'il n'y aurait que des revenus injectés quand il y a une importation de projets.

M. LORANGER: D'accord.

M. LATULIPPE: Quand c'est de l'autodéve-loppement du secteur qui se fait dans la région, comme de l'habitation, il n'y a pas d'injection de revenus; donc, il n'y a pas d'effet multiplicateur. Il s'agit de transfert, à ce moment-là.

M. LORANGER: Dans la mesure où se sont les caisses populaires locales qui financent cela, disons que l'effet de multiplication serait à peu près nul. Mais dans la mesure où la Société centrale d'hypothèques et do logement et dans la mesure où la Société d'habitation du Québec finance, il se fait un transfert interrégional très important. Est-ce que cela répond à votre question?

Maintenant, il y a un autre point si vous me permettez, M. le Président. Etant donné qu'on m'a fait très vite sortir du contenu de mon volume et qu'on a préféré aborder immédiatement les objections que je pouvais avoir à l'endroit de ceux qui ont déjà parlé sur cette question, j'aimerais relever un point soulevé par M. Claude Lefebvre, qui prétend que je ne sais pas calculer. Pardon?

M. LE PRESIDENT: Avant que vous passiez à ce point, auriez-vous objection à ce que nous permettions quelques questions? Quelques personnes désirent poser des questions, M. Lacasse d'abord, et nous reviendrons ensuite à ce point.

Théories économiques

M. LACASSE: M. le Président, je limiterai mes remarques strictement aux points qui viennent d'être mentionnés et qui ont trait à l'étude que j'ai présentée hier.

Je veux tout d'abord mentionner quelque chose de très général, non pas sur l'homo oeconomicus mais sur la question des théories néo-classique et Keynésienne. Personnellement, je suis parfaitement d'accord avec mon collègue Loranger que la théorie néo-classique, comme il l'a présentée et comme elle était présentée, est aussi morte qu'il y a moyen d'être mort. On pourrait cependant en dire à peu près autant de la théorie Keynésienne qui s'était opposée, dans les années trente, à la théorie néo-classique. Ce que je veux simplement dire, c'est que le débat entre ces théories, qui portait sur un point principal, c'est-à-dire le relèvement de tous les salaires ou la baisse de tous les salaires dans une période de récession ou de dépression, comme dans le cas des années trente, ce débat est maintenant quelque chose de clos, de terminé.

J'enchaîne immédiatement avec la seconde partie. Nous n'en avons pas tenu compte précisément parce que tout ce que nous avons dit sur l'effet de multiplicateurs ou plutôt ce que nous n'avons pas dit sur l'effet de multiplicateurs ou sur ce que j'intitulais, dans le mémoire, le stimulus à la demande dans les diverses régions affectées par la parité, nous n'en avons pas traité, dis-je, pour une raison relativement simple que, je pense, j'avais mentionnée hier: C'est que les effets macro-économiques de ce type qui exige l'utilisation de mécaniques de modèles de ce type sont des effets globaux qu'on ne peut pas attribuer à la seule parité dans l'industrie de la construction. Alors le petit calcul qui apparaît dans mon rapport, que j'ai mentionné hier comme étant "illustratif" seulement, hypothétique, n'est pas un calcul de multiplicateurs. J'espère que mon collègue Loranger me fait assez confiance pour savoir comment cela fonctionne; on montre cela en première année. Nous ne l'avons pas fait, et c'était voulu parce que, pour pouvoir parler d'un phénomène global, il faut situer l'ordre de grandeur des changements que peut introduire la parité pour une ou l'autre des régions.

Le petit calcul qui apparaît dans mon rapport était simplement destiné à montrer un ordre de grandeur de ce type. En faisant quelques petits calculs très élémentaires, on peut voir que j'ai été très généreux. Par exemple, j'ai attribué aux employés de la construction 5 p.c. du revenu global d'une région. M. Pepin, cet après-midi, a mentionné qu'il y avait

70,000 travailleurs de la construction au Québec, ce qui veut dire entre 1.5 p.c. et 1.8 p.c. de la main-d'oeuvre québécoise. Si on veut être très généreux et vraiment restreindre le concept de main-d'oeuvre à ceux qui sont employés à temps plein, on pourrait peut-être atteindre 2 p.c. ou 3 p.c.

Alors, dans ce cas, je ne croyais pas pertinent d'utiliser un modèle conçu présentement pour analyser des phénomènes globaux, qui mettent en cause l'ensemble d'une économie, parce que le problème était trop nettement circonscrit à une industrie qui, pour être répandue, n'en reste pas moins une industrie, par rapport à l'ensemble, relativement modeste. C'est d'ailleurs pourquoi hier, en répondant à une question, j'ai mentionné que je n'agitais aucun épouvantail et que je ne disais pas que la parité allait introduire des catastrophes. Les changements dont je parlais étaient des changements limités qu'on avait tout simplement essayé de circonscrire. Je voulais dire cela à M. Loranger à propos du multiplicateur.

Rendements constants

M. LACASSE: Un autre petit point, et je termine tout de suite. Quand M. Loranger jette un doute sur le fait que 15 p.c. de réduction de demandes n'aura pas nécessairement pour effet de réduire l'emploi dans cette industrie de 15 p.c, je peux lui dire que je suis en parfait accord avec lui. Cependant, je voulais simplement mentionner que nous n'avons aucun chiffre, donc aucune raison de croire que les rendements ne sont pas constants dans l'industrie de la construction. Nous n'en avons pas pour nous permettre de croire le contraire. Alors, j'ai pris l'hypothèse la plus simple qui était celle des rendements constants.

Ce que je peux dire, c'est que, si j'avais pris des rendements qui étaient décroissants ou des "déséconomies" d'échelle, je serais arrivé à des 20 p.c, 22 p.c. et 23 p.c.

M. LORANGER: L'escabeau, comme on dit.

M. LACASSE: L'escabeau. Alors, j'ai pris simplement l'hypothèse du milieu, usuelle, la plus simple quand on n'a pas de raison de croire autre chose. Je pourrais mentionner, à ce sujet, que l'industrie de la construction n'a pas en général la réputation d'être une industrie où il y a des rendements d'échelle très considérables.

Je dis bien que c'est une réputation qui est mal assise, peut-être, mais qui fait en quelque sorte partie du "folklore".

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Lacasse.

M. LORANGER: Est-ce que j'ai droit de réplique?

M. LE PRESIDENT: Evidemment.

M. LORANGER: Je suis très heureux d'apprendre que mon collègue Lacasse est conscient que ces notions, à propos du multiplicateur et tout, s'enseignent dès la première année, maintenant, dans les CEGEP. J'aurais aimé qu'il fasse preuve d'une honnêteté plus complète en ne mentionnant pas seulement les importations, mais également les exportations dans son calcul qui est simplement un exemple, soit dit en passant.

Quant au deuxième point, à propos du coefficient d'élasticité, il m'a donné raison, j'en ai pris note avec plaisir. Il a dit qu'il semble très raisonnable de ne pas supposer plus d'économie d'échelle ou moins d'économie d'échelle, donc l'hypothèse du milieu. Je pourrais dire qu'intuitivement, puisque les grandes entreprises ont tendance à bouffer les petites, les grandes entreprises jouissent dès le départ d'une économie d'échelle, donc de rendement croissant, alors que les petites entreprises ont fort probablement des rendements décroissants. C'est simplement une constatation de faits, rien d'autre.

M. LE PRESIDENT: Est-ce terminé? M. LORANGER: Oui.

M. LE PRESIDENT: Bon. M. Morin désirerait poser une question.

M. MORIN: M. le Président, je demande d'abord l'indulgence des membres de la commission, car mes connaissances économiques ne sont pas tellement avancées, malgré qu'après cet exposé, je commence à me sentir un peu plus en mesure d'essayer de résumer.

M. LE PRESIDENT: Nous allons essayer de vous écouter quand même.

M. MORIN: Je voudrais demander à M. Loranger si le résumé très succinct que je vais faire de son étude est à peu près le cheminement de pensée qu'il a suivi.

D'abord, dans la première partie, M. Loranger, vous essayez de nous démontrer que vous ne pouvez pas trouver de facteurs, objectifs pour déterminer les coefficients économiques des régions. A cet effet, je vous réfère à la page 22 de votre volume. Vous y dites: "Pour faciliter un accord sur le choix des facteurs économiques, il faudrait, de toute évidence, avoir une seule théorie économique ou une seule hypothèse de travail motivant le choix des facteurs." Or, de l'aveu même des experts du ministère, ça n'existe pas. A la page 38, vous dites: "Disons au départ que tout indice d'emploi ou de prix ne peut être utilisé pour refléter les différences interrégionales dans le niveau de l'emploi et des prix."

Est-il donc exact que, en partant de cette impossibilité que vous dites de trouver des

facteurs objectifs, vous en arrivez à dire dans votre deuxième partie — et je répète les mots que vous avez dits: "Nous avons cherché quels critères — vous les avez dits, il y a quelque temps, au début de votre exposé — pourraient le mieux justifier la parité salariale."

Vous avouez donc, dans la première partie, qu'il y a des coefficients économiques interrégionaux différents, mais qu'il n'y a pas de critères objectifs pour les établir comme il le faut? Deuxièmement, vous dites: J'ai cherché le critère qui pourrait le mieux justifier la parité et, à cet effet, j'en suis arrivé au critère de l'augmentation des salaires, qui implique une injection plus grande de revenus dans une région, et cette injection plus grande de revenus dans une région a pour effet de développer la région et de la rendre économiquement plus riche."

C'est votre mémoire, à la page 50. Est-ce exact de résumer votre mémoire en gros dans ces paroles-là?

M. LORANGER: C'est tout?

M. MORIN: Oui. C'est assez, en fin de compte.

UNE VOIX: C'est parce qu'il n'a pas compris.

M. LORANGER: Vous faites des présomptions gratuites mais, en tout cas, je vais quand même essayer de répondre.

UNE VOIX: Je n'ai jamais fait une chose comme ça.

M. LORANGER: Tout ce que j'ai dit, c'est qu'il m'apparaissait- impossible de trouver des critères suffisamment objectifs et acceptables à toutes les parties pour se mettre d'accord. J'ai essayé d'en faire la preuve en en examinant plusieurs et de montrer à quelle sorte d'aberration ça pourrait mener si on se fiait aux statistiques disponibles.

Je n'ai jamais dit, cependant, qu'il n'existait pas d'inégalités économiques. La seule chose que j'ai dite, c'est qu'il est impossible de trouver, d'essayer de mesurer, d'une façon adéquate et qui rallierait le consensus de toutes les parties, ces inégalités économiques. Je n'ai jamais nié l'existence d'inégalités économiques. Je pense que bien malin serait celui qui voudrait nous faire croire qu'il n'existe pas d'inégalités économiques ici au Québec, comme ailleurs entre les pays à l'échelle du globe.

Est-ce que ça répond à votre question, M. Morin?

M. MORIN: Pour la première intervention, oui, mais qu'en est-il de la deuxième? En ce qui concerne le critère que vous avez utilisé pour justifier la parité aux pages 50 et suivantes, est-ce par effet d'entraînement, en augmentant les revenus dans une région, qu'on peut en arriver à ce que cette parité, qui serait une augmentation plus grande dans les régions qu'à Montréal, puisse amener ces régions-là à se rapprocher de Montréal économiquement?

M. LORANGER: Oui, mais remarquez que ça ne se fonde pas sur un calcul de coefficients économiques objectifs. Cela présuppose seulement qu'il existe des inégalités économiques et c'est la politique avouée des gouvernements tant de Québec que d'Ottawa que d'essayer de les faire disparaître. Tout ce que je dis, c'est que l'égalité des salaires entre les régions est un moyen parmi un arsenal de moyens pour aider à atténuer ces inégalités. C'est tout ce que j'affirme comme thèse ou argument pour justifier l'égalité des salaires entre les régions. Je pense que c'en est une fichue de bonne. Sans ça, je ne vois vraiment pas pourquoi nos gouvernements tant ici à Québec qu'à Ottawa se morfondraient à donner des subventions pour inciter des entreprises à aller s'établir en dehors de Montréal, s'ils étaient convaincus à l'avance que toutes ces mesures sont, au départ, absolument inefficaces pour atténuer les inégalités économiques.

Je dis que la parité ne va pas contre cette politique, mais qu'elle est en plein dans ce courant.

M. LE PRESIDENT: Merci. Alors, le suivant? Un instant. Le député de L'Assomption.

M. PERREAULT: M. Loranger, votre collègue, M. Lacasse, s'est attaché à démontrer que le facteur d'augmentation d'expansion industrielle ne serait que de . 42 p. c. Vous, vous semblez surtout vous concentrer à nous prouver que c'est surtout l'activité commerciale, l'activité des services qui serait la plus touchée, qu'on verrait là la plus grande expansion.

M. LORANGER: Excusez-moi. Est-ce que vous pouvez répéter la dernière partie de votre phrase?

M. PERREAULT: Votre exposé semble démontrer que vous ne vous attachez pas à l'expansion industrielle, mais surtout à l'augmentation des services, l'expansion commerciale de la région.

M. LORANGER: Non, je ne crois pas. Si c'est la perception que vous avez de mon document, je pense que ce n'est pas tout à fait exact. Je l'affirme — je ne me souviens pas à quelle page — la grande différence entre la position sur laquelle je m'appuie et celle du patronat, ce n'est pas un ajustement seulement sectoriel, que ce soit seulement limité au secteur de la construction ou au secteur de

l'activité commerciale, mais c'est un ajustement global et certain à court, moyen et long termes. Est-ce que ça répond à votre question?

M. PERREAULT: Est-ce que votre effet le plus sensible n'est pas dans les activités tertiaires?

M. LORANGER: Non, parce que, quand on parle du développement économique d'une région, on inclut tous les secteurs. Si, dans une région, il n'y a que des activités tertiaires, l'effet de multiplication se fera principalement sentir dans ce secteur et par ce secteur. C'est tout. Si, par exemple, dans une région donnée, vous aviez, au départ, seulement et principalement des activités tertiaires et qu'à un moment donné une nouvelle industrie, un nouveau Bombardier venait s'établir là, c'est clair, si on se met à fabriquer des motos-neige, qu'à ce moment-là il va y avoir autre chose que des services. D'ailleurs, je cite Bombardier justement pour vous démontrer encore une fois toute l'importance de tenir compte de l'exportation dans le développement économique régional. Les motos-neige fabriquées par Bombardier ne sont quand même pas achetées majoritairement par des gens qui demeurent à Valcourt. C'est pourtant là la richesse de toute la région. C'est parce que Bombardier exporte aussi bien dans toutes les régions du Québec, dans le Canada, aux Etats-Unis et peut-être même en Europe, je n'ai pas de statistiques pour confirmer ça. Vous avez là l'exemple d'un cas très précis où une activité exportatrice fait vivre et fait prospérer une région qui, autrement peut-être, serait très déprimée.

M. LE PRESIDENT: M. Laberge.

M. LABERGE: Je voudrais poser une question aux économistes, M. le Président, pensez-vous que je peux la poser en français?

M. LE PRESIDENT: Tentez.

M. LABERGE: Je ne sais pas qui va répondre, ce n'est pas à moi de décider ça.

M. LE PRESIDENT: Présentement, c'est l'économiste qui est à la barre.

M. LABERGE: Si j'ai bien compris, dans l'échange de tantôt entre MM. Lacasse et Loranger, M. Lacasse aurait dit à un moment donné quelque chose comme ceci: Si son étude avait été plus globale, c'est-à-dire que, s'il avait étudié l'injection d'une augmentation de salaires toujours en parlant de parité de salaires, globalement, pour toutes les industries, ces résultats auraient pu être différents. Est-ce que j'ai bien compris ça?

M. LE PRESIDENT: La parole est à vous.

M. LACASSE: C'est oui. Le seul point dont j'ai voulu faire état tout à l'heure était simplement que j'ai pris une approche sectorielle, parce qu'il ne s'agissait que d'une industrie qui était somme toute relativement utile.

M. LE PRESIDENT: Un instant, un à la fois là. Allez-y, M. Loranger d'abord.

M. LORANGER: J'ajouterais à ce que vient de dire mon collègue Lacasse que je ne comprends pas, en voulant étudier la parité ou l'égalité des salaires dans toutes les régions, pourquoi vouloir se limiter seulement à l'impact sectoriel, c'est-à-dire d'un seul secteur de la construction. J'ai essayé d'être un peu plus complet en examinant non seulement l'incidence de l'égalité des salaires qu'obtiendraient les gars de la construction sur le revenu régional, mais j'ai aussi essayé de démontrer que cette incidence pourrait également avoir une force d'attraction sur les salaires dans les autres secteurs de l'activité économique régionale, et c'est justement là que les patrons craignent que ça puisse devenir grave.

C'est parce qu'ils ne veulent pas. Ils se sentent bien actuellement de payer des salaires inférieurs dans tous les secteurs de l'activité économique en dehors de Montréal, et ils savent fort bien que, si on accorde la parité dans la construction, ça ouvre une porte, que ça va créer un précédent. Ils savent fort bien ça et je pense avoir été assez honnête pour analyser non pas seulement l'effect sectoriel, mais l'effet global sur tous les secteurs de l'activité économique des régions.

M. LABERGE: Juste une question pour compléter ma première.

M. LE PRESIDENT: Oui, allez.

M. LABERGE: Toujours en français. La réponse de M. Lacasse ayant été si claire, oui, je dois lui poser une question supplémentaire. Quel serait le résultat d'une étude globale où il y aurait une injection d'une masse salariale nouvelle dans une région, parce que, dans 20, 25 ou 35 industries, il y aurait eu une augmentation de salaires pour donner l'égalité des salaires? Est-ce qu'il ne serait pas vrai de penser que, si vous n'en étudiez qu'une sur 35 globalement, ça devrait au moins avoir le trente-cinquième du résultat?

M. LACASSE: Désolé; malheureusement, à ce sujet-là, ou heureusement, je dois me référer un peu au même modèle qu'utilise M. Loranger à la fin. En fait, si ont doit se préoccuper d'une augmentation de salaires qui toucherait toutes les industries, à ce moment-là, il n'est plus question de se demander simplement ce qui va arriver dans un petit coin, étant donné que les prix augmentent. Dans ce cas, la façon de procéder, c'est donc de voir, c'aurait été, par

exemple, d'étudier dans quelle mesure ç'a affecté l'investissement dans ces régions, dans quelle mesure ç'a affecté les migrations, dans quelle mesure ç'a affecté la demande pour ces régions face à la demande pour des régions à l'extérieur, la demande pour les régions entre elles, que mon ami Loranger appelle les exportations. Donc, c'aurait été le modèle, l'approche correcte pour étudier le phénomène, parce que c'aurait été analyser un phénomène global, alors que, dans le cas que nous avons ici, nous avons traie d'une seule industrie, comme je l'ai mentionné hier, soit les effets de démonstration sur l'augmentation des salaires des autres salariés, ce qu'on en sait.

Je pense que mon collègue va être d'accord avec moi là-dessus, nous savons que ces effets existent. Nous sommes incapables de les mesurer, de savoir s'ils sont importants, s'ils se manifestent en un an, six mois, ou vingt-cinq ans, s'ils ont d'autres effets, en fait, c'est à l'état d'hypothèse généralement acceptée, mais ceux qui ont essayé de les mesurer s'y sont cassé les dents et c'est pour cette raison que nous avons négligé cet aspect parce que carrément nous ne pouvons rien en dire de précis. Alors, dans ce cas, vu que de toute façon il s'agissait pour vous de régler, non pas le problème de la parité des salaires pour l'ensemble des industries, même éventuellement, mais bien de régler, je pense, le problème de la parité salariale dans l'industrie de la construction, pour les trois prochaines années, j'ai pensé qu'il était préférable de limiter la discussion que nous avons faite au sujet qui était à l'étude.

M. LE PRESIDENT: Vous voulez ajouter quelque chose, M. Loranger?

M. LORANGER: Tout simplement qu'il me fait plaisir de constater que mon collègue Lacasse reconnaît que mon approche est plus complète que la sienne.

M. LE PRESIDENT: Si vous me le permettez, je pense que ça peut être assez long si la commission est obligée de mettre les économistes d'accord sur chacun des points. Cela va très bien jusqu'à maintenant. Il y a deux ou trois points où, enfin, on a réussi à se mettre d'accord. Je permettrai donc à M. Lefebvre de poser une question.

M. LEFEBVRE: Ma question s'adresse à M. Loranger. Elle concerne strictement le domaine de l'habitation.

M. LORANGER: M. le Président, vous m'avez demandé, avant de critiquer M. Lefebvre, de vouloir répondre aux questions des députés. J'aimerais cependant, avant de répondre aux questions de M. Lefebvre, répondre d'abord à une objection qu'il a déjà formulée à propos de ma façon de calculer le coût du logement, si vous me le permettez.

M. Lefebvre, ce matin, ou cet après-midi, a prétendu que malheureusement je ne savais pas calculer d'une façon valable le coût du logement. Je regrette énormément pour lui mais lorsqu'il prétend que, dans l'exemple que j'ai donné à l'appendice 3, je calcule deux fois la baisse du taux d'intérêt pour arriver à minimiser la répercussion d'une hausse de 10 p.c. sur le coût de construction, je regrette énormément de lui dire qu'il est certes faux de prétendre qu'il faut utiliser le même coefficient, le premier coefficient. Parce que si on utilise le même coefficient, on ne tient pas compte de la baisse de 1 p.c. dans le taux d'intérêt. Tout ce dont on tient compte, c'est que le coût de la construction a augmenté de 10 p.c, c'est tout. C'est évident qu'à ce moment-là, le coût du logement va augmenter de 10 p.c. C'est pour cette raison, d'ailleurs, qu'il est arrivé au chiffre que, selon sa base à lui, le coût du logement augmenterait de $11 par mois et non pas de $2 par mois.

M. LEFEBVRE: En réponse, je suis tout à fait d'accord avec M. Loranger. D'ailleurs, je m'en rapporte au journal des Débats. Je n'ai jamais prétendu, ce matin, que monsieur avait utilisé deux formules. J'ai tout simplement dit que, dans son premier exemple, qui apparaît à la page 107, il avait utilisé le taux d'intérêt de 10 p.c. et que, dans le deuxième exemple, qui apparaît à la page 108, il avait utilisé le taux d'intérêt de 9 p.c, capitalisation trimestrielle et que, si nous voulions que l'exemple serve, et je m'en rapporte à ses pages 65 et 66, si ma mémoire est bonne dans ce point-là, il a bien fait état qu'une diminution de 1 p. c. du taux d'intérêt pouvait compenser pour une augmentation de 10 p.c. J'ai lu son livre et je l'ai bien compris, mais j'ai voulu vous montrer que, par ce calcul, si nous prenions dans le deuxième exemple le même chiffre que dans le premier exemple, soit 10 p.c, je me devrais alors d'utiliser le facteur logarithmique employé à R, à la page 108, et cela me donnerait une composante trimestrielle de $360.52 pour un loyer mensuel de $120.14, ce qui donnait une augmentation de $11. Je pense que l'on s'entend là-dessus.

M. LORANGER: Oui, si tout ce que vous dites là, c'est qu'on augmente le coût de l'habitation de 10 p. c. sans faire baisser le taux d'intérêt.

M. LEFEBVRE: C'est ça. M. LORANGER: D'accord.

M. LEFEBVRE: J'ai compris depuis longtemps, vous savez, que si je diminue les matériaux de 50 p. c, qui correspondent à 60 p. c, et que j'augmente les salaires de 25 p. c, le consommateur va être gagnant. Cela, c'est du calcul bien simple; il s'agit d'additionner et de soustraire. Je n'ai pas besoin d'un économiste.

M. Loranger, j'ai une petite question à vous

poser qui a trait à votre intervention de tantôt à la suite de la question de M. le député. Cela m'éclairerait. Nous allons prendre un cas hypothétique qui se situe, disons, dans la ville de Chicoutimi. M. X décide de s'acheter une maison à même ses revenus et une hypothèque consentie par la caisse populaire de Chicoutimi. Dans les études que j'ai faites — elles sont peut-être imparfaites, mais elles ont au moins le mérite d'avoir été faites — avec l'offre que nous proposons, il y aura un coût additionnel de $1,787. Cela, c'est avec les offres patronales, parce qu'avec la demande syndicale ça me donne $2,500. Bon, je vous demande ceci: Ces $2,500 de plus de salaires que vous demandez, est-ce que ça constitue un facteur autonome qui va amener une propension économique ou si ça ne constitue pas plutôt un transfert de fonds?

M. LORANGER: C'est tout? M. LEFEBVRE: C'est tout.

M. LORANGER: Je suis parfaitement d'accord avec les remarques de M. Lefebvre. Je reconnais le premier que l'égalité des salaires dans l'industrie de la construction domiciliaire va ou est susceptible d'entraîner une hausse moyenne que j'ai évaluée à 10 p. c, selon une fourchette qui me semblait vraisemblable. Il est bien évident que, si cette hausse de 10 p. c. n'est compensée par aucune autre baisse dans le coût de construction, ça ne créera pas d'effet de multiplication. Je pense qu'on s'entend là-dessus. Tout ce que j'ai voulu démontrer, c'est que la hausse du coût de l'habitation de 10 p. c, échelonnée sur trois ans — ce qui fait en moyenne moins de 3 p. c. par année ou à peu près 3 p. c. par année — n'est quand même pas aussi catastrophique que ça. Sur l'indice du coût de la vie, cela se traduirait annuellement par quelque chose d'inférieur à 1/2 p. c.

Cette hausse, je suis bien prêt à l'admettre, n'est pas plus importante qu'une fluctuation du taux d'intérêt, lorsque le taux d'intérêt passe 10 1/4 p. c. à 9 1/4 p. c. Or, il y a six mois, si ma mémoire est bonne, le taux d'intérêt était aux environs de 10 1/4 p. c. Là, il est à 9 1/2 p. c. et peut-être que, dans trois mois, il sera à 9 1/4 p. c. Je ne pense pas que les patrons, quand le taux d'intérêt fluctue de 9 p. c. à 10 p. c. ou de 10 p. c. à 9 p. c, crient que la fluctuation des taux d'intérêt, c'est une affaire absolument indéfendable au plan économique. Tout ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut quand même pas se conter d'histoire. Le seul endroit où l'égalité des salaires est susceptible d'avoir un impact sur la hausse des coûts, c'est dans le secteur de l'habitation. Est-ce si grave que ça? Est-ce que ça va créer un marasme économique épouvantable? Eh bien, jugez vous-mêmes. Lorsque le taux d'intérêt est passé de 9 p. c. à 10 p. c, est-ce que cela a créé une catastrophe économique? A vous de répondre, messieurs. C'est tout ce que je voulais dire.

M. LEFEBVRE: Pour compléter maintenant la réponse, je suis satisfait que M. Loranger dise que ça ne crée pas de propension économique et qu'il n'y a pas d'effet multiplicateur. Est-ce que je pourrais conclure, à partir de là, que si je donne $1,700 ou $1,800 de plus à la masse ouvrière qui a fait la construction, en fait, ces $1,800 viennent de la poche des autres gars de la même région?

M. LORANGER: Pas nécessairement. Remarquez qu'à propos de l'effet de multiplication, j'étais plus intéressé à répondre à la comparaison qu'entraînerait une hausse de 10 p. c. du coût de l'habitation qui pourrait être compensée par une baisse de 1 p. c. dans le taux d'intérêt. La hausse du coût de l'habitation peut entraîner des effets de multiplication si la construction de ces maisons est financée par des épargnes qui viennent de l'extérieur de la région. Si elles sont financées, disons, par la caisse populaire locale, d'accord, cela ne créera pas d'effets de multiplication. Est-ce que cela répond à votre question?

M. LEFEBVRE: Merci, M. Loranger.

M. LE PRESIDENT: M. Loranger, un instant. M. Lebon.

M. LEBON: M. le Président, premièrement, j'aurais une question de fond à poser à M. Loranger: Est-ce que le petit document que nous possédons exprime la position de la CSN ou la position de M. Loranger?

M. LORANGER: Est-ce que vous posez la question à moi ou à la CSN?

M. LEBON: Je pose la question au témoin qui est à la barre, M. le Président.

M. LORANGER: Merci, M. Lebon. La position qui est exprimée dans ce volume que j'ai signé est ma position et c'est celle que j'ai offerte à la CSN pour justifier que l'égalité des salaires dans l'industrie de la construction ne serait pas catastrophique, à mon avis. C'est ma position et c'est l'avis que j'ai donné à la CSN. Est-ce que cela répond à votre question, M. Lebon?

M. LEBON: J'aurais une question subséquente.

M. LE PRESIDENT: J'ajouterai à cela qu'on lit à l'endos: Cet ouvrage a été préparé pour le compte de la CSN et publié par elle.

M. LEBON: D'accord. Si j'ai bien compris, l'économiste Loranger avait comme mandat de prouver que l'égalité des salaires était une bonne chose.

M. BURNS: Comme le vôtre avait le mandat contraire.

M. LEBON: Je vous demande humblement pardon. Le mandat de notre économiste n'était pas cela.

UNE VOIX: Votre économiste avait le mandat contraire.

M. LEBON: Pas du tout. M. le Président, je pose la question à M. Loranger, à savoir si son mandat était de prouver que l'égalité était une bonne chose.

M. LE PRESIDENT: Je pense que le représentant de Maisonneuve avait quelque chose à ajouter.

M. BURNS: Je veux tout simplement, M. le Président, que M. Lebon n'essaie pas de nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

M. LEBON: M. le Président, j'ai trop de respect pour les députés pour faire cela.

M. LABERGE: Eh bien, vous avez changé depuis hier!

M. LEBON: C'est à la suite des conseils de Louis Laberge.

M. LE PRESIDENT: M. Loranger, vous pouvez répondre à cette question, si vous le voulez.

M. LORANGER: Etant donné la remarque très pertinente que vous-même, M. le Président, avez faite, je pense que je n'ai rien d'autre à ajouter.

M. LEBON: D'accord. J'ai une autre question à poser, si vous me le permettez. J'en ai plusieurs.

M. LE PRESIDENT: Allez, M. Lebon.

M. LEBON: J'aurais une question, je ne la qualifierai pas. Je demanderais à M. Loranger: Est-ce que l'Etat peut légiférer sur la prospérité?

UNE VOIX: II faudrait le demander à M. Bourassa.

M. LEBON: Est-ce que l'Etat peut légiférer sur la prospérité? Si la réponse est oui, comment se fait-il qu'il y ait des pays sous-déve-loppés?

M. LE PRESIDENT: C'est une question hypothétique.

M. LEBON: Je demande si on peut légiférer sur la prospérité. Ma conséquence, évidemment, c'est que, si on peut légiférer sur la prospérité, il est sûr que légiférer sur la parité serait excellent. Je demande à M. Loranger, qui est économiste: Est-ce que l'Etat peut légiférer sur la prospérité?

M. LORANGER: Je pense qu'il est du devoir de l'Etat de voir à prendre les mesures législatives les plus adéquates possibles pour créer la prospérité.

M. CARDINAL: La Banque du Canada.

M. LORANGER: Je ne sais pas si M. Lebon a des objections à ce que l'Etat crée le marasme, mais, si l'Etat ne se préoccupe pas de prendre les mesures législatives adéquates pour créer la prospérité, je me demande bien où nous allons nous retrouver d'ici quelques années.

M. LE PRESIDENT: Les partis politiques mettent cela à leur programme.

M. LEBON: M. le Président, j'aurais une question très concrète en me référant au document. M. Loranger dit à la page 97 que la parité entraînera la disparition de petites entreprises. Je voudrais savoir quel est selon lui le nombre de disparitions d'entreprises, ou enfin le pourcentage.

UNE VOIX: Le plus possible.

M. LORANGER: Je pense que si j'avais eu le temps et les moyens de calculer les conséquences de la parité à cet égard, j'aurais été très heureux de pouvoir l'écrire dans mon volume. Mais étant donné que, lorsque j'ai entrepris d'examiner cette question, cela a été en quelque sorte une course contre la montre pour être capable de fournir un avis que j'appellerais le plus raisonnable et le plus réaliste possible à la CSN, eh bien, je pense qu'il m'apparaissait plus important d'essayer de prévoir en termes qualitatifs plutôt que quantitatifs quelles seraient les conséquences économiques de l'égalité des salaires dans l'industrie de la construction.

M. LEBON: M. le Président, si je comprends bien, la réponse est non. En fait, on ne sait pas combien d'entreprises disparaîtront? J'aurais une autre question, c'est celle que j'ai posée à M. Pepin cet après-midi, lequel m'a référé à M. Loranger. J'espère que la réponse est toute prête parce qu'il a eu tout le souper pour s'y préparer. Il s'agit de l'entente du 10 juillet, à savoir le paragraphe a) qui dit: Parité salariale pour les détenteurs de carte provinciale et la partie b) de l'entente du 10 juillet, qui dit: Disparité régionale.

Or, je cite de nouveau le petit volume à la page 18: "Soulignons d'abord que l'acceptation d'un compromis pour une durée de moins d'un an n'est pas synonyme de l'abandon d'un principe, c'est-à-dire l'égalité, mais simplement l'acceptation de surseoir temporairement à l'application immédiate et intégrale du principe.

Sinon il n'y aurait plus lieu de parler de compromis mais de reddition, ce à quoi la CSN n'a jamais consenti et ne consentira jamais."

Je suppose que M. Loranger a communiqué avec la CSN pour savoir si oui ou non elle consentirait; je suppose que ce sont des faits, étant donné qu'il est économiste et objectif. La deuxième question que je pose: Pourquoi, si le principe de dire que le paragraphe b) n'est qu'une entente valable pour un an, n'applique-ton pas le même principe au paragraphe a) de l'entente, à savoir la parité provinciale pour les ouvriers détenteurs de carte de compétence provinciale? Pourquoi cette entente ne serait-elle pas aussi d'une durée d'un an?

M. LE PRESIDENT: M. Loranger.

M. LORANGER: A la première question, je pourrais dire que s'il m'avait été possible de communiquer avec mon ange gardien plutôt qu'avec d'autres personnes de la CSN pour m'éclairer sur les positions antérieures de la CSN, j'aurais peut-être préféré communiquer avec mon ange gardien, mais...

M. LABERGE: Vous n'êtes pas tellement en bons termes.

M. LORANGER: ... je ne suis pas tellement en bons termes. Quant à la deuxième question, est-ce que vous pourriez me la résumer brièvement?

M. LEBON: Cela me fait plaisir de répéter. Je pensais avoir été clair, mais je répète. C'est la même que cet après-midi. Elle est inscrite au journal des Débats, d'ailleurs. M. Pepin vous l'a probablement transmise, mais je vais répéter.

M. LORANGER: Ah bon! Ah oui! D'accord. Vous voulez savoir si, à mon avis, étant donné que je considère que l'entente de l'an dernier à propos de l'article 7.01b) est un compromis temporaire, c'est la même chose pour 7.01a)? Je dis, à mon avis personnel: Oui.

M. LEBON: Alors, il n'est plus question de parité?

M. LORANGER: Personnel, je dis bien.

M. LEBON: Donc, il n'est plus question de parité? Parce que le paragraphe b) dit: Disparité. On dit là que c'était seulement une entente de neuf mois. Par conséquent, l'entente du 10 juillet, on la déchire et on recommence à zéro.

M. LE PRESIDENT: Mais la disparité annulée, c'est la parité. Est-ce que vous avez fini, M. Lebon?

M. DION: C'est peut-être pour terminer la question de M. Lebon...

M. LEBON: C'est une question conjointe.

M. DION: S'il vous plaît. Pour terminer la question de M. Lebon, je vous demanderais dans ce cas-là de nous expliquer ce que veulent dire les mots suivants dans votre texte, à la page 18: "Lors de la signature de cette entente, les parties en présence — et je pense que ça incluait la CSN — supposaient qu'il existait des facteurs économiques objectifs acceptables..."

Donc, on n'a pas simplement signé un compromis, mais on a signé — c'est de la déduction que je fais — une entente que l'on croyait, à ce moment-là acceptable et réalisable. Peut-être qu'aujourd'hui vous n'admettez plus qu'elle est réalisable. Ce n'est quand même pas, à ce moment-là, un compromis si on croit qu'il y a des facteurs objectifs acceptables. C'est vous-mêmes qui le dites.

M. LORANGER: Si, malgré les efforts que j'ai faits pour démontrer qu'il était, à mon avis, impossible de calculer des coefficients économiques objectifs, vous êtes toujours persuadés que c'est possible, tant mieux pour vous!

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. Loranger, j'aimerais revenir un peu sur l'effet ou sur l'absence d'effet multiplicateur. Vous avez mentionné, tout à l'heure, que nécessairement la parité salariale entraînerait une hausse du coût de la construction. Maintenant, j'aimerais savoir, étant donné qu'il y aura une hausse du coût de la construction, c'est-à-dire augmentation du coût du produit, si l'injection de revenus dans une région donnée ne viendrait pas, justement, à être absorbée par la hausse du prix du produit.

M. LORANGER: Non, je ne crois pas qu'il en soit ainsi. En examinant les effets globaux et non seulement partiels de l'incidence de l'égalité des salaires, j'ai quand même établi assez clairement qu'au plan global tout ce que la parité peut impliquer sur le coût de la vie, c'est une augmentation moyenne de moins de 1/2 p. c. par année.

La raison en est qu'à mon avis, à part la hausse du coût de la construction domiciliaire que j'ai estimée au maximum à 10 p. c, le coût des transports, le coût de l'essence, le coût de l'éducation, le coût de la santé, toutes les autres dépenses des gens qui vivent en dehors de Montréal sont les mêmes ou sensiblement les mêmes que pour les gens de Montréal. Pour cette raison, je pense que l'incidence de la parité sur le coût de la vie est extrêmement limitée, pour ne pas dire négligeable, quand on est rendu à moins de 1/2 p. c. Est-ce que ça répond à votre question?

M. GUAY: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, nous écoutons depuis un certain temps des discussions fort intéressantes, mais je voudrais revenir aux propos de M. Loranger et lui poser quelques questions très simples parce qu'à mesure que le temps fuit mon coefficient de propension marginale à comprendre s'atténue, diminue.

M. LORANGER: Nous sommes dans une période de rendement décroissant.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui. C'est très indicatif. Nous sommes ici en commission parlementaire. Sauf quelques-uns qui le prétendent, aucun des députés de la Chambre n'est vraiment un économiste chevronné. Nous avons affaire à deux économistes qui se sont fait entendre et nous avons deux documents. L'un va dans le sens de la parité salariale; l'autre va dans le sens de la non-parité salariale.

M. LORANGER: Qui croire!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): De part et d'autre, l'on nous indique que les critères objectifs sur lesquels ces documents ont été basés sont discutables, à tout le moins. Alors M. Loranger, est-ce que votre document n'a qu'une valeur indicative? C'est ma première question, j'en ai une autre après.

M. LORANGER: Est-ce que vous voulez que je réponde immédiatement à la première?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui.

M. LORANGER: Je pense qu'il a un peu plus qu'une valeur indicative. J'ai essayé de quantifier, dans une période de temps extrêmement limitée, ce qui pouvait être possible de quantifier étant donné le temps et les ressources disponibles.

Deuxièmement, lorsque le député de Chicoutimi est impressionné par la présence ou, enfin, les propos contraires de deux économistes du même département d'économique de l'Université de Montréal, je ferai remarquer au député de Chicoutimi...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne suis pas impressionné, je suis simplement intrigué.

M. LORANGER: Intrigué, pardon. Je ferai remarquer au député de Chicoutimi que j'ai essayé quand même de faire un effort de recherche plus globale que mon collègue Lacasse a tenté de faire en essayant seulement de se limiter purement à l'analyse d'un secteur, c'est-à-dire la construction. Qu'est-ce que ça pourrait donner pour l'industrie de la construction?

Pour ma part, j'ai voulu prendre une approche beaucoup plus globale, même je pense avoir quand même été assez honnête pour faire un effort de pensée pour montrer sur quelle base théorique la partie patronale, de même que mon collègue Lacasse a pu s'appuyer pour défendre la thèse de cette partie. J'ai non seulement essayé de faire cet effort honnête, mais j'ai aussi indiqué une autre possibilité qui me paraît plus vraisemblable, plus réaliste. De l'aveu même de mon collègue, il s'est lui-même déclaré parfaitement d'accord avec mon autre choix.

Est-ce que ça répond à votre question?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela répond à ma question.

M. LE PRESIDENT: Je crois que je dois permettre...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Loranger, ça répond à ma question dans un sens, oui. Mais, enfin, ce document que vous avez présenté a une valeur indicative, compte tenu des réserves que vous venez de faire. Nous vous accordons toute crédibilité, nous ne mettons pas en doute votre objectivité, votre conscience professionnelle, de part et d'autre, et du côté de M. Lacasse et du vôtre. Toutefois, la commission parlementaire ne peut pas indéfiniment se livrer à des exercices académiques. Je vous pose une question très simpliste, même si je dois passer pour un ignare dans cette matière extrêmement savante de l'économique. Je vous pose une question très simpliste qui rejoint les préoccupations de gens très réalistes comme ceux que nous avons entendus, notamment M. Lefebvre, M. Lebon, etc. Vous, vous êtes pour la parité salariale.

Pouvez-vous nous dire rapidement quels sont, en regard de la productivité, du coût de la vie, de l'incitation économique, des effets d'entraînement, les effets positifs et les effets négatifs de la parité salariale? Cela va nous éclairer et va ramener le débat à des proportions concrètes. Le problème, pour nous, s'exprime dans ces documents qui nous ont été remis par les parties en cause et qui portent, eux, sur des questions concrètes. Alors, en ce qui concerne le principe général de la parité et en ce qui concerne les modalités de son application et de ses effets, je voudrais savoir quels sont, selon vous, les effets positifs et les effets négatifs de l'application d'une politique de parité salariale.

M. LORANGER: Je vais être très bref dans ma réponse. Je pense avoir démontré que l'égalité des salaires dans l'industrie de la construction ne peut avoir, à long terme, que des avantages, des effets positifs. A court terme...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Lesquels?

M. LORANGER: Eh bien, sur la productivité, les revenus et tout. Ceux que j'ai mentionnés...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et de quelle façon?

M. LORANGER: Est-ce que vous me redemandez de recommencer...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, c'est le contre-interrogatoire. Vous avez exposé votre théorie; vous allez nous dire pourquoi et comment ça peut être valable. D'accord, on a le bouquin, on l'a lu; on a l'autre, on l'a lu aussi. Nous sommes à la période de synthèse et je voudrais que vous nous disiez ça rapidement.

M. LORANGER: Au risque de me répéter...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Remarquez, M. Loranger, que je ne veux pas vous brusquer.

M. LORANGER: Je vous en suis très reconnaissant. Au risque de me répéter, il m'apparaît que la parité à court terme, disons entre un an et trois ans, peut entraîner théoriquement dans un secteur bien précis, la construction domiciliaire, une hausse du coût de construction. Mais, c'est une possibilité purement théorique, parce que, si demain ou d'ici trois ans le taux d'intérêt diminue de seulement 1 p.c, cette hausse est complètement effacée en termes d'effets négatifs, pour employer votre expression. Quant au reste, pour moi, je n'y vois que des avantages.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Lesquels?

M. LORANGER: A savoir la diminution des inégalités économiques interrégionales. Cela m'apparaît quand même important, étant donné que tout l'effort des gouvernements porte précisément là-dessus.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Comment?

M. LORANGER: Eh bien, en accordant l'égalité.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bonnet blanc, blanc bonnet, ça ne répond pas.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez terminé, M. le député de Chicoutimi?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Enfin disons, M. le Président, que je n'en ai pas terminé. Si M. Loranger veut poursuivre, je veux bien l'entendre encore. Toutefois, il n'a pas répondu exactement aux questions que je lui ai posées.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce, d'abord.

M. ROY (Beauce): Dans son étude, M. Lacasse mentionnait qu'il y a un tableau qui indique le coût unitaire de construction des bungalows par région. Il donne le coût pour Montréal, Québec, Chicoutimi, Jonquière, Drummondville et pour différentes régions de la province. Je remarque à l'intérieur de ce rapport que, sauf la région de Drummondville, c'est justement la région de Montréal qui a le coût unitaire le plus bas. En réclamant la parité, est-ce que vous avez l'impression que ça pourrait augmenter l'écart entre les coûts unitaires des différentes régions?

M. LORANGER: Non. Pour la simple raison que la parité va forcer les entreprises à se réorganiser pour être plus efficaces dans la construction d'habitations.

M. MARCHAND: Comment?

M. LORANGER: Soit en se regroupant dans de plus grandes unités pour bénéficier d'économies d'échelle ou soit en utilisant une meilleure combinaison de matériaux qui coûtent moins cher que ceux qu'ils utilisent présentement.

M. MARCHAND: Ils vont avoir des maisons moins bonnes.

M. LORANGER: Pas nécessairement. Il y a quand même du progrès technologique qui se fait tous les jours. Justement, la mécanisation...

M. MARCHAND: A ce moment-là, ils vont faire la même chose à Montréal. Alors, ça va baisser proportionnellement.

M. LORANGER: Pas nécessairement.

M. MARCHAND: Si le matériel est moins cher à l'extérieur de Montréal, il va l'être à Montréal aussi.

M. LORANGER: Je pense que cela a été dit. Si le coût par pied est plus faible à Montréal, ce n'est pas parce que Montréal paie des salaires plus faibles qu'à l'extérieur de la province. C'est, tout simplement, parce que les grandes entreprises ou les constructeurs d'habitations de Montréal utilisent une combinaison de facteurs de production différents des entrepreneurs plus petits de la province. Les plus petits entrepreneurs ne peuvent pas bénéficier des mêmes économies d'échelle qu'à Montréal. Je reviens encore à ma question de production croissante plutôt que décroissante ou constante. Tout est là.

M. MARCHAND: Ce ne serait pas plutôt plus bas à Montréal parce que l'entrepreneur bâtit plus de maisons à la fois qu'à l'extérieur de Montréal. Alors, vous ne pourrez jamais changer cela ou, alors, vous allez prendre la

moitié de la population de Montréal et vous allez l'envoyer en dehors et, là, vous allez en bâtir des maisons.

M. LORANGER: Mais, comment construisent-ils à Montréal? Est-ce qu'ils construisent d'une façon artisanale ou d'une façon standardisée en utilisant, si vous me permettez l'expression, des "blue prints" faits pour un développement en série, tandis qu'en province, lorsque l'on construit une maison, on ne la construit pas nécessairement en aussi grande série qu'on le fait à Montréal?

M. MARCHAND: C'est ça. A Montréal, on construit d'une façon pratique, au coût le plus bas possible. En dehors de la ville, on essaie de faire la même chose, excepté que si un entrepreneur construit cinq maisons, à Montréal il en construit 40, je pense que le coût diminue pas mal. Cela, vous ne pourrez jamais le changer.

UNE VOIX: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît. Permettons d'abord à M. Lacasse de s'exprimer.

M. LACASSE: Je ne veux pas du tout abuser du temps de la commission. Je veux simplement demander à mon collègue Loranger de m'accorder la parité de la vertu et d'interpréter de nouveau comment il m'a interprété. Quand j'ai dit que son approche était plus complète que la mienne, ce que j'ai dit, de fait, c'est que son approche aurait été l'approche correcte si le problème à traiter avait été un problème global et que nous ne l'avions pas choisi spécifiquement, parce que nous considérions que le problème en question était la parité sur trois ans dans l'industrie de la construction. Merci.

M. ROY (Lévis): En admettant que M. Loranger puisse avoir raison, sur une longue période, malgré qu'il me soit permis d'en douter, demain matin, en accordant la parité, est-ce qu'elle n'aurait pas pour effet d'augmenter l'écart entre les coûts unitaires dans différentes régions? C'est de demain matin que je parle. D'ici trois mois, par exemple. Est-ce que vous admettez que ça pourrait augmenter l'écart?

M. LORANGER: Pas nécessairement, parce qu'à très court terme, ce qui peut arriver, c'est que les entrepreneurs soient obligés d'accepter une baisse de leurs profits et ceci va les obliger de nouveau, s'ils veulent survivre, à se moderniser pour produire d'une façon plus efficace pour absorber la hausse d'un des facteurs de production qui est la main-d'oeuvre.

M. ROY (Lévis): Une autre question. Pour quelle raison les entrepreneurs des régions éloignées seraient-ils obligés de baisser leurs profits en comparaison des entrepreneurs de la région de Montréal?

M. LORANGER: Pardon, je n'ai pas compris.

M. ROY (Lévis): Pour quelle raison les entrepreneurs des régions éloignées, pour combler l'écart, seraient-ils obligés de diminuer leurs profits contrairement à ceux de la région de Montréal? Parce que, en somme, si on parle de profits, il faut parler également de profits dans toute la province, je pense.

M. LORANGER: Tout simplement parce que s'ils veulent vendre leurs produits, de deux choses l'une: Ou bien ils haussent leurs prix et alors j'ai déterminé que ça ne pourrait pas, en moyenne, dépasser 10 p. c.

J'ai déterminé aussi que cela n'impliquerait pas nécessairement une baisse de la demande s'il y a des compensations du côté du coût d'intérêt, du coût de financement, ou encore s'ils ne veulent pas hausser leurs prix, parce qu'ils veulent quand même vendre leurs maisons, s'ils n'ont pas le choix, disons, de hausser leurs prix de vente. A ce moment-là, cela n'entraîne pas de hausse de coût de la vente de l'habitation, mais cela entraînera une baisse de profits.

M. ROY (Beauce): Cela pourrait entraîner également une diminution de la construction et une hausse de chômage.

M. LORANGER: Non, parce qu'il n'y aura baisse de la demande, et donc chômage, que si les entrepreneurs à court terme décident ou refusent de produire et de vendre à ce prix-là.

M. ROY (Beauce): M. Loranger. Votre réponse est hypothétique.

M. LORANGER: Evidemment que c'est hypothétique. Je ne peux pas répondre si les entrepreneurs préféreront demain hausser leurs coûts plutôt que de ne rien faire. Je n'en sais rien.

M. ROY (Beauce): Je vous ai posé une question, M. Loranger, sur des chiffres et vous me répondez sur des questions hypothétiques, je pense. Mais en supposant que ceci aurait pour effet...

M. LE PRESIDENT: Je m'excuse, l'horloge me rappelle qu'il est dix heures. En conséquence, nous devons suspendre nos activités. J'invite le ministre...

M. LAPORTE: M. le Président, je voudrais une fois de plus m'excuser auprès de mes collègues de la commission d'avoir été absent pendant un bon moment. Nous avons eu,

encore une fois, ce soir, séance du comité de législation pour ce que vous imaginez. Il est certain que le Parlement siégera lundi. Est-ce qu'il devra siéger plus tôt? Nous ne l'imaginons pas pour l'instant, mais cela n'est pas impossible. Nous allons donc ajourner le travail de cette commission au mercredi matin 14 octobre, à dix heures. Afin que chacun soit prévenu, qu'il ne prenne pas de rendez-vous particulier ou d'engagement dans la journée, car nous nous proposons de siéger le matin jusqu'à midi et demi, de deux heures et demie à six heures l'après-midi et de huit heures à dix heures, le soir. Evidemment tout ceci en présumant que la session sera déjà terminée. Si la session n'était pas terminée, nous devrions ou siéger quand même en commission, parce que la Chambre elle-même serait en commission sur l'un des projets de loi qui seraient à l'étude et nous prendrions une décision, à ce moment-là, ici même. Mais on peut présumer que nous pourrons siéger le mercredi 14.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Lundi, c'est à trois heures.

M. LAPORTE: Lundi, la session est à trois heures.

M. PEPIN: M. le Président, si vous me permettez, le professeur Loranger a un cours mercredi matin.

Il sera donc à la disposition — est-ce mercredi après-midi — de la commission jeudi, si elle n'a pas terminé. Mais mercredi, je pense que les élèves ont besoin de sa présence.

M. LAPORTE: Très bien.

M. PEPIN: Je ne pense pas que M. Lebon a besoin d'être là parce qu'il sait tout par immersion lui-même.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bagot. Un instant! Le député de Bagot.

M. CARDINAL: Ce serait simplement pour une explication additionnelle. Nous avions d'abord convenu — enfin, avant que ceci commence — qu'une autre commission siège le 14 au matin. Je comprends que cette autre commission est aussi remise à une date qui n'est pas fixée. Il s'agit de la commission permanente de l'Assemblée nationale, concernant la réforme de la carte électorale. Donc, trois heures, lundi, session spéciale, à moins d'événements...

M. LAPORTE: Tout ce qui peut arriver c'est que cela soit plut tôt. C'est improbable.

M. CARDINAL: D'accord.

M. LAPORTE: II ne faut pas dramatiser. Lundi, trois heures et mercredi dix heures.

M. LE PRESIDENT: Mesdames, messieurs, bonsoir!

(Fin de la séance 22 h 2)

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