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Commission permanente du Travail et de la
Main-d'Oeuvre
Bill 38 Loi concernant l'industrie de la
construction
Séance du jeudi 8 octobre 1970
(Dix heures treize minutes)
M. BOSSE (président de la commission permanente du Travail et de
la Main-d'Oeuvre): A l'ordre, messieurs! La séance est ouverte.
Lorsque nous avons terminé hier, je crois que la parole
était à M. Lebon et non à M. "Le Bref"!
M. LEBON: Cela vient de M. Laporte. M. LAPORTE: Non, pas
celle-là.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Elle est trop bonne!
Mise au point
M. LEBON: M. le Président, messieurs les membres de la
commission, M. le ministre - il a promis qu'il m'écouterait ce matin
avant de reprendre au point où nous en étions hier, je voudrais
faire une petite mise au point, quant à l'étude économique
qu'ont effectuée MM. Lacasse, Marion et Raynauld. L'étude,
contrairement à ce que laisse entendre le Devoir, ne portait pas
exclusivement sur les électriciens, mais sur l'ensemble de l'industrie
de la construction. C'est la première mise au point.
La deuxième, M. le Président, c'est que M. André
Raynauld, économiste et professeur à l'Université de
Montréal, bien connu, nous a informés ce matin qu'il était
prêt à venir à la commission pour répondre aux
questions qui pourraient lui être posées relativement à la
parité salariale.
M. HARDY: Est-ce que M. Raynauld viendrait nous dire qu'il est pour la
parité?
M. LEBON: M. Raynauld était conseiller de M. Lacasse pour la
préparation du document dont on a pris connaissance hier.
M. HARDY: II dirait sensiblement la même chose que M. Lacasse?
M. LEBON: Je ne le sais pas. Evidemment, il faudrait le demander
à M. Raynauld.
M. LE PRESIDENT: Je pense que ce que le représentant de
Terrebonne veut dire, c'est que la quantité n'ajoute pas à la
qualité.
M. LEBON: Je suis d'accord. C'est pour cela, d'ailleurs, que nous
voulons ajouter de la qualité. Nous l'avions, mais c'est parce qu'on l'a
mise en doute. Alors, pour qu'on soit sûr que nous l'avons au complet,
nous voulons confirmer que M. Raynauld est prêt à venir
répondre aux questions.
La troisième petite mise au point, c'est au point de vue du
rattrapage, parce que c'est le sujet principal dont nous traitons.
La commission doit prendre en considération le problème
particulier de la région de Québec, qui avait été
souligné lors de l'adoption du bill 38, à savoir que cette
région de Québec a été sujette à deux
augmentations consécutives de $0.30 par rapport aux autres
régions qui, elles, n'avaient eu qu'une augmentation de $0.30 en vertu
du bill 38. La région de Québec avait donc eu $0.60 en dedans de
quatre mois, ce qui a occasionné des frais considérables pour les
employeurs de la région de Québec.
Lorsqu'il est question d'établir le rattrapage pour chacune des
régions, nous demandons donc de prendre cela en considération.
Nous le prenons d'ailleurs en considération dans notre offre
salariale.
Maîtres électriciens (suite)
M. LEBON: Je reprends maintenant mon exposé, M. le
Président, au point où nous en étions hier. Je n'apprends
rien aux membres de la commission en disant que nous avons des
difficultés à nous entendre à la table des
négociations, c'est sûr. Et une des raisons pour lesquelles nous
croyions, nous, que nous avions des difficultés, c'est qu'on ne prenait
pas en considération les différences qui peuvent exister au sein
même de l'industrie de la construction. Or, nous croyons que le
problème de la très petite entreprise n'est pas le même que
celui de la très grosse. En fait, les conditions de travail d'une toute
petite entreprise, si on parle d'un entrepreneur électricien, avec un
homme par exemple, ne sont sûrement pas celles qu'affronte un
entrepreneur électricien qui a 100 à 200 hommes et qui varient
selon le nombre de contrats qu'il a à remplir.
Pour l'information de la commission, les entrepreneurs
électriciens de la province de Québec se subdivisent comme suit:
La très petite entreprise; 937 entrepreneurs; la petite: 755;
l'entreprise moyenne: 192, et la très grande entreprise: 75. Ceci veut
dire que, sur un total d'environ 2,000, il y en a 1,600, approximativement ou
1,700, pour être plus près du chiffre, qui sont classés
dans la petite entreprise et la très petite entreprise.
Comme je le soulignais hier, nous avons cru, à la corporation,
que diviser l'industrie en deux secteurs était une méthode pour
pallier, si vous voulez, les difficultés de la négociation.
Malheureusement, nos économistes nous ont démontré que la
ligne de démarcation que nous avions faite entre nos secteurs, ou enfin,
l'étude basée sur la ligne de démarcation n'était
pas une
chose viable. Par contre, comme je vous l'ai dit, au point de vue de
l'entreprise, il y a la très grosse, et il y en a beaucoup de petites et
très petites.
Au point de vue de la main-d'oeuvre, on a essayé, dans
l'étude, d'établir qu'il y avait deux marchés de
main-d'oeuvre nettement distincts. Or, l'étude démontre qu'il n'y
a pas deux marchés absolument distincts. C'est la raison pour laquelle
l'idée des secteurs, à ce moment-ci, semblerait ne pas
résoudre le problème de la table des négociations autant
que les problèmes des entreprises elles-mêmes.
Par contre, on remarque je me réfère au tableau
1-3, j'étais hier, à la page 12 du document des
économistes que la main-d'oeuvre qui passe d'une catégorie
d'employeurs à une autre est variable, sauf dans le cas des très
grosses entreprises, où l'on remarque un passage d'une classe
d'employeurs à une autre, c'est-à-dire un mouvement de la
main-d'oeuvre de 8 p.c. seulement dans la grosse entreprise et de 5.9 p.c.
inversement, dans la petite entreprise. Ce que je veux dire, c'est qu'on voit
une tendance dans la très grosse entreprise à ce que les
employés y restent; il y a aussi une tendance, démontrée
par l'étude, que dans la très petite entreprise les ouvriers y
demeurent aussi. Comme je le disais tout à l'heure, les
difficultés des négociations sont dues, selon nous, à ce
problème.
Je passe tous les tableaux on m'a demandé d'être
bref et je serai bref, M. le ministre pour en arriver à la
conclusion générale de l'étude, que je me permets de lire.
Je comprends que tout le monde sait lire, mais c'est pour que ce soit inscrit
au journal des Débats, si vous me le permettez, cela ne sera pas long,
je lirai la conclusion générale de l'étude des
économistes, à la page 31. "Pour interpréter correctement
nos résultats, il est nécessaire de les situer face aux objectifs
poursuivis par la proposition d'établir des disparités
intersectorielles. Par intersectorielles, on veut dire la création de
deux sous-secteurs. Dans la mesure où la disparité proposé
entre sous-secteurs ne visait qu'à reconnaître les profondes
divergences entre les activités des électriciens, nos
résultats révèlent, soit que ces divergences sont, du
point de vue de la main-d'oeuvre, beaucoup moins importantes qu'on ne le
croyait, soit que ces différences existent mais que les
définitions des sous-secteurs sont trop imprécises ou trop
arbitraires pour en refléter vraiment l'importance. "En d'autres termes,
notre étude n'a pas démontré qu'il n'existait pas de
sous-secteurs, de sous-marchés chez les électriciens, mais que
les distinctions proposées ne correspondaient pas, présentement,
à des marchés différents. "Un second objectif de la
proposition de disparité intersectorielle était de constituer un
premier pas vers l'établissement chez les électriciens, selon la
nature de leur travail, de différen- ces dans la méthode
d'embauche et le type de rémunération. Bref, la disparité
voulait commencer d'institutionnaliser les divergences entre les
activités des électriciens. "Sous ce rapport, nos conclusions
nous portent à croire qu'il serait plus aisé de distinguer
d'abord les marchés au moyen, par exemple, de cartes de
compétence diversifiées pour ensuite en arriver à des
disparités dans les niveaux et modes de rémunération. Ce,
évidemment, dans la mesure où des recherches plus approfondies
que les nôtres permettraient de distinguer de façon claire les
frontières des sous-secteurs. "Ainsi, l'établissement de
disparités intersectorielles de salaires en ce domaine pourrait
peut-être se faire, sans affecter négativement l'efficacité
de l'industrie, au bout de quelques années et à condition de
circonscrire les deux sous-secteurs à l'aide d'autres mesures telle que:
cartes de compétence différentes, stricte délimitation des
tâches, etc. Bien que nous ne puissions pas nous prononcer sur ces
derniers points, nous devons signaler qu'une telle entreprise comporterait des
risques évidents de stériles conflits de juridiction et
d'artificielles divisions du travail et exigera une étude de l'industrie
beaucoup plus exhaustive que celles effectuées jusqu'à
maintenant. "Enfin, la proposition de la Corporation des maîtres
électriciens du Québec visait aussi, par le biais des
disparités intersectorielles, à réduire les effets de
l'établissement de la parité interrégionale des salaires.
"De ce point de vue, on peut reformuler les effets de la proposition de la CME:
a) Maintenant, en moyenne, les disparités actuelles entre
Montréal et la province dans le sous-secteur résidentiel, elle
protège des augmentations de coûts dues à la parité,
la partie la plus évidemment "de consommation locale" de l'industrie:
l'habitation, réduisant d'autant les effets négatifs qu'aurait la
parité interrégionale sur l'emploi et /ou le niveau de vie. Et
ce, d'autant plus que, pour certains grands travaux (très
spécialisés) industriels, la parité est, dit-on, largement
déjà réalisée. b) Elle accorde aussi une protection
aux firmes qui seraient les plus affectées par la parité: les
firmes locales, de petites dimensions, spécialisées dans la
construction résidentielle et le service aux particuliers. "Toutefois,
la solution de la corporation comporte une large mesure de parité
interrégionale, ce qui est de nature à atténuer les effets
que nous venons de mentionner, dans la mesure où les firmes non locales
d'autres grands centres que Montréal, sont susceptibles d'oeuvrer hors
de leur région d'origine. "Somme toute, vu: 1° Les mérites de
la proposition de la corporation comme alternative à la parité
intégrale des salaires entre régions;
2o L'existence certaine de divergences à l'intérieur du
champ des activités des électriciens;
Nous sommes d'avis, s'il est plus rationnel d'établir
immédiatement des disparités intersectorielles de salaire en ce
domaine, la question ne peut être considéré comme
close.
Plus précisément les disparités intersectorielles
chez les électriciens ne sont qu'une facette d'un ensemble de
différences possibles dans les conditions effectives de travail des
électriciens, ensemble qu'il serait important d'étudier plus
à fond avant d'accepter ou de rejeter l'idée d'une scission
institutionnelle du domaine de l'électricité."
Alors, j'espère que c'est assez clair, on dit que...
M. le Président, j'ai de l'interférence à ma
gauche.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a des courts-circuits là? Je
pourrais en prendre note.
M. LEBON: Alors je veux souligner que les problèmes de la
négociation sont dus à des problèmes; en fait, on manque
de connaissance de l'industrie de la construction pour savoir exactement ce
qu'on devrait faire et l'organisme que je représente suggère au
gouvernement d'étudier plus à fond l'industrie de la
construction, pour voir de quelle façon on pourrait régler ces
problèmes et ainsi, peut-être, faciliter la négociation
entre les parties.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez terminé? Il y a une
question du député de Chicoutimi.
M. LEBON: Je suis prêt à répondre à la
question du député.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous avez terminé?
M. LEBON: En ce qui concerne les secteurs, oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, je voudrais vous poser une question, M.
Lebon. Vous nous avez dit, au début, que vous ne voyiez pas, vraiment,
de secteurs distincts dans le domaine de la main-d'oeuvre. Par ailleurs,
à la page 32, dans les pages jaunes, vous dites: "II serait important de
distinguer les marchés, par exemple au moyen de cartes de
compétence diversifiées pour ensuite en arriver à des
disparités dans les niveaux et modes de rémunération."
Pouvez-vous m'expliquer comment, ne considérant pas qu'il y a des
secteurs distincts dans la main-d'oeuvre, vous faites une proposition pour
qu'on établisse des cartes de compétence diversifiées?
M. LEBON: Si vous n'avez pas d'objection, je vais demander à M.
Lacasse de répondre. C'est l'étude de M. Lacasse.
Marché de la main-d'oeuvre
M. LACASSE: Ce que nous avons considéré, c'était
simplement la question suivante: jusqu'à aujourd'hui, les
négociations se sont toujours poursuivies comme s'il n'existait qu'un
seul marché de la main-d'oeuvre dans le secteur de
l'électricité. Alors, on nous demandait d'établir s'il
était utile de scinder cette industrie en deux. Nous avons adopté
la position suivante: le fardeau de la preuve, à l'effet que ces deux
secteurs existaient vraiment déjà et qu'établir des
disparités de salaires ne ferait que reconnaître un
changement.
Nos indices de mobilité de main-d'oeuvre, ainsi que les
différents résultats quant à la spécialisation des
entreprises, nous ont démontré qu'il était impossible de
distinguer clairement les sous-secteurs avec les définitions qui
étaient proposées.
En conséquence, ce que nous avons dit, c'était que, si on
désirait de toute façon établir des sous-secteurs, il
serait actuellement peu rationnel de procéder en commençant par
établir des disparités de salaires et en laissant tout le reste
tel que. Nous avons, en continuant le raisonnement, dit que, si on
désirait vraiment établir des sous-secteurs, il ne faudrait
peut-être pas commencer par les disparités de salaires, mais par
d'autres facettes institutionnelles, comme des cartes de compétence
institutionnelles, etc., toujours dans l'hypothèse où, comme on
le mentionnait dans la conclusion, des études plus approfondies
réussiraient à trouver des frontières entre les
sous-secteurs, qui seraient plus fonctionnelles que celles qui nous avaient
été proposées qui, à notre avis, ne sont pas
opérationnelles.
Nous ne proposons pas l'établissement de cartes de
compétence différentes. Nous disons simplement que, si on veut
établir des secteurs, il faudrait peut-être commencer par
là pour qu'ensuite se créent des marchés distincts de la
main-doeuvre, si vraiment on tient aux sous-secteurs. C'est simplement une
façon qui pourrait être adoptée de distinguer les
sous-secteurs, si on trouvait que cela vaut le coup, de toute façon.
Merci.
M. LE PRESIDENT: M. Lacasse, lorsque, hier, vous avez parlé des
effets de la disparité, j'ai pris note que vous aviez affirmé
ceci: La partie n'était pas compatible avec les politiques
avancées par le gouvernement. Est-ce que j'ai pris bonne note?
M. LACASSE: Disons que vous avez pris bonne note. Je tiens à
spécifier "les politiques", c'est un peu large.
M. LE PRESIDENT: La politique.
M. LACASSE: Ce que je voulais dire ici, c'est que l'établissement
de la parité dans l'industrie de la construction n'était pas
compatible avec l'ensemble des politiques gouvernementales visant à
réduire les disparités de revenus entre les régions. Mon
affirmation se limitait à ces politiques.
M. LE PRESIDENT: Elle ne s'appuie pas sur des politiques factuelles? Par
exemple, lorsqu'on pense à l'Hydro-Québec, au hôpitaux, aux
enseignants?
M. LACASSE: Quand je me référais à ça, je
pensais aux politiques qui ont été faites spécifiquement
pour réduire les disparités de revenus, c est-à-dire les
encouragements tant du gouvernement québécois que canadien
à l'implantation des entreprises dans les régions
périphériques, les politiques de mobilité de
main-d'oeuvre...
M. LE PRESIDENT: D'incitation monétaire.
M. LACASSE: D'incitation monétaire aux entreprises ou aux
employés à se déplacer. Je me référais
à cet ensemble très restreint de politiques et aucunement
à la politique salariale. Merci.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions?
Commission d'enquête
M. HARDY: M. Lebon, vous avez, tout à l'heure, émis
l'opinion que les difficultés de la négociation étaient
dues à un manque de connaissance des réalités du domaine
de la construction. C'est bien ça? Vous avez également
suggéré au gouvernement d'étudier en profondeur tout ce
domaine. Est-ce que vous iriez jusqu'à proposer la création d'une
commission royale d'enquête sur le problème de la construction
dans la province de Québec?
M. LEBON: C'est une excellente question. Si j'étais
député, peut-être que je pourrais répondre, mais je
pense qu'il appartient au gouvernement de voir...
M. HARDY: De décider, mais...
M. LEBON: ... l'ampleur du problème et décider si on doit
oui ou non créer une commission d'enquête.
M. HARDY: Mais vous ne faites pas de propositions...
M. LEBON: Je pense qu'une étude technique de l'industrie de la
construction serait suffisante, une étude vraiment technique, au lieu de
laisser ça aller comme on l'a toujours fait. Comme moyen, nous, nous
avons parlé de plusieurs cartes de compétence; peut-être
qu'il y a lieu d'établir des conditions de travail différentes,
autres que salariales, pour la petite construction relativement à la
grosse. Peut-être qu'il y a plus de deux secteurs, qu'il y en a trois ou
quatre. On ne le sait pas, on n'a pas eu le temps d'étudier à
fond le problème. La seule chose qu'on sait, c'est qu'il n'y en a pas
deux, tel que nous l'avons défini. Par conséquent, nous
soulignons que le problème demeure entier, parce que la très
petite construction et la très grosse construction n'ont rien en commun,
pas plus que le constructeur de route n'en a avec l'électricien.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lebon, est-ce que, d'une façon
générale, le problème de rattrapage dont vous parlez
qui se pose, d'ailleurs, dans les autres types d'industries qui sont
représentées ici par les patrons est-ce que tout ça
ne vient pas précisément de ce que vous avez dit, à savoir
que ce qu'on a voulu réunir dans l'industrie de la construction sont des
réalités, des entités qui ne sont pas de même nature
et n'étaient pas faites pour vivre ensemble? Et la proposition qu'a
évoquée mon collègue de Terrebonne, la création
d'une commission supprimons le mot "royale" d'enquête ou
une grande étude technique sur le problème des métiers de
la construction en général, ce ne serait pas le premier
élément de base d'une restructuration de toute cette
législation qui porte sur les métiers de la construction.
En effet, si j'ai bonne mémoire, au cours des auditions
antérieures à celles d'hier et d'avant-hier, on nous avait dit,
à ce moment-là, lorsque nous avons siégé pour
l'examen du projet de loi 38, qu'on avait forcé la main des gens afin
qu'ils s'unissent dans cette sorte de cartel des métiers de la
construction. Alors, est-ce que vous ne seriez pas prêt à proposer
au gouvernement de revoir tout ce problème-là à la
lumière de ce que vous avez dit?
Amendement au bill 290
M. LEBON: Disons que le ministre du Travail nous a invités, les
gens de chacune des parties, à faire valoir notre point de vue pour,
éventuellement, en arriver peut-être à un amendement
à la loi 290. Est-ce que cela répond un peu à votre
question?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est-à-dire que vous me faites la
suggestion qui a été faite par un autre mais, vous, qu'est-ce
que...
M. LEBON: La corporation prétend que l'on devrait étudier
à fond l'industrie de la construction de A à Z pour voir ce qu'on
peut en faire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, est-ce
que vous admettriez qu'il y a une sorte de vice inhérent à
la loi 290 en ce qui concerne...
M. LEBON: Je pense qu'il y a un vice...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... la nature des entreprises qui sont
liées les unes aux autres?
M. LEBON: L'industrie de la construction est très complexe et
c'est pour cela que tout le problème peut être, en fait,
difficilement résolu. Il faudrait, selon notre proposition, qu'on
étudie l'industrie de la construction avant de statuer ou faire
peut-être des amendements secondaires à la loi 290, ce qui ne
règlerait pas le fond du problème.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, ça revient en somme à
ceci: II faut procéder en deux temps. Régler d'abord le
problème pratique des négociations qui fait l'objet des
délibérations de cette commission et, ensuite, en un second
temps, suggérer, soit des amendements à la loi 290 ou une refonte
de cette loi à la lumière de l'étude qu'il faudrait
entreprendre pour savoir exactement si on n'a pas mêlé, disons,
des oranges et des pommes dans cette association de patrons.
M. LEBON: Oui, le problème est entier. Vous avez raison au tant
du côté patronal, je pense, que du côté syndical.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si je vous pose cette question, M. Lebon,
c'est qu'il va nous falloir en venir à des solutions pratiques.
Là, nous entendons des mémoires, nous entendons vos points de
vue, mais la commission parlementaire ne tranchera pas le débat. C'est
le gouvernement, en définitive, qui va devoir le trancher, en ce qui
concerne l'application, l'exécution de la loi 38. Il ne faut pas
seulement nous en tenir à l'exécution de la loi 38, mais aller
plus avant et faire la projection en vue d'éviter qu'en 1973,
après l'expiration du décret qui aura valeur de loi, en somme,
nous ne nous retrouvions pas dans la même situation que celle qui a
provoqué le conflit actuel et les séances de cette
commission.
M. LEBON: Je pense, M. le Président, que les parties, tant
patronale que syndicale, sont sensibilisées à ce
problème-là, et nous aurons trois ans pour essayer
nous-mêmes de mettre un peu d'ordre dans nos affaires. C'est sûr.
Nous n'aimons pas particulièrement que ce soit l'Etat qui tranche nos
problèmes. C'est sûr que nous aimerions mieux nous entendre seuls.
C'est ce que nous avons toujours souhaité. Je suis d'accord avec vous
qu'il ne faudrait pas nous retrouver en 1973 dans les mêmes
conditions.
M. LAPORTE: C'est pour cette raison que, au-delà des remarques
que chacun nous fait maintenant sur le problème 1970 et je crois
que chacun admettra que nous soyons justifiés de dire que ce
problème va se régler selon les normes actuellement en vigueur,
cela, je pense que c'est important j'ai demandé à chacune
des parties qui a accepté de le faire de nous proposer des amendements
de nature à rendre la négociation plus fructueuse à
l'avenir.
Il est bien évident qu 'il y a un vice de forme quelque part.
Comment doit-on trouver la solution? Nous avons évidemment au
ministère certaines idées à ce propos. Mais comme les
intéressés sont devant nous, nous serons
intéressés, après cela, à ce qu'ils nous disent: Si
c'était nous qui réglions le problème, voici ce que nous
ferions. Je crois que c'est intéressant. Mais cela, c'est une phase
ultérieure.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ce que j'expliquais, M. le Ministre,
lorsque je parlais des deux temps...
M. LAPORTE: Oui, c'est ça.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... pour régler le problème
actuel et, d'autre part, prévoir aussi afin que nous ne nous retrouvions
pas dans la même situation après l'expiration du décret que
le lieutenant-gouverneur en conseil passera et appliquera.
M. LAPORTE: Bien. Aussi étonnant que cela puisse paraître,
nous sommes d'accord.
M. LACROIX: Le député de Chicoutimi le déplore.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est-à-dire que le
député de Chicoutimi se prépare à une autre
attaque.
M. CADIEUX: Est-ce que c'est à la chefferie, cette
attaque-là?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'admire que le député de
Beauharnois exprime tout haut sa pensée et ses volontés et ses
désirs.
M. LAPORTE: M. Lebon pourrait reprendre la parole!
M. LEBON: Est-ce que l'on peut me la redonner, M. le
Président?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le bon chemin!
M. LE PRESIDENT: N'utilisons pas la commission parlementaire, comme
tribune politique, s'il vous plaît, messieurs!
M. LEBON: Alors, M. le Président, étant donné que
j'ai pris beaucoup de temps, enfin, la
corporation a pris beaucoup de temps avec notre économiste, je
n'ai pas l'intention de traiter des 50 clauses une à une, ni même
des cinq principales clauses qui ont été soulignées par le
ministre du Travail, à savoir: l'ancienneté, le
contremaître, les droits acquis, le temps et les frais de
déplacement. Ces clauses seront sûrement traités par
d'autres parties patronales et principalement par la Corporation des
maîtres mécaniciens en tuyauterie avec laquelle nous avons
présenté un mémoire conjoint, c'est-à-dire des
positions conjointes sur ces clauses.
Travaux de service
M. LEBON: Je laisserai donc à Me Morin le soin de traiter de ces
clauses, pour ne pas accaparer le micro trop longtemps. Par contre, en
terminant, j'aimerais quand même souligner, même s'il en a
été question assez souvent, le problème pour l'industrie
électrique, des travaux de service, je ne parle pas d'entretien, mais
bien de travaux de service. Nous demandons dans notre proposition qu'il y ait
des exceptions pour les entrepreneurs effectuant des travaux de service. Par
exemple, lorsque l'on parle des deux semaines de congés des
électriciens pour effectuer des travaux de service moyennant qu'il leur
garantisse une semaine de 40 heures, ou que, s'il les appelle pendant leurs
vacances, qu'ils soient rémunérés à temps
double.
Tout cela pour essayer de répondre aux exigences du consommateur.
Si on pense, par exemple, qu'en pleine période des fêtes, entre
Noël et le jour de l'An, un tuyau crève si on parle de
plomberie et que le tout gèle, c'est sûr qu'il faut qu'il y
ait des ouvriers disponibles qui puissent travailler pendant les semaines de
vacances, même s'il y a vacances officielles.
Nous voulons dire que, pour les travaux de service, en ce qui concerne
les électriciens, il est important qu'on retienne certains
particularismes, étant donné, justement, que nous croyions avoir
réglé ce problème avec nos secteurs et que nos secteurs
sont fichus. Alors, nous disons: Pour le moins, en attendant, qu'on tienne
compte de ces particularismes.
De la même façon, nous voyons mal qu'on applique, dans le
service, des limites journalières de huit heures. Je donne un exemple.
Vous appelez chez vous un électricien à trois heures de
l'après-midi parce qu'il y a une défectuosité quelconque.
S'il fallait qu'à cinq heures il laisse tomber ses outils et qu'il s'en
aille, alors qu'il n'y a pas d'électricité dans la maison, je
pense que cela serait inacceptable. D'autre part, c'est aussi difficile de
demander au client de payer temps et demi parce qu'il reste, par exemple, une
demi-heure ou une heure de travail, quand on sait que cela peut être
urgent.
Ce que nous suggérons, c'est que l'électricien soit sujet
à la limite hebdomadaire de quarante heures, mais pas à la limite
journalière de huit heures. Cela lui permettrait comme nous l'avons dit,
de fournir au consommateur un service normal. Autrement, si on applique les
conditions rigides de l'industrie de la grosse construction aux services, on
privera le consommateur de services dont il a besoin.
Je pense, M. le Président, à moins qu'il n'y ait des
questions, que cela complète l'exposé de la corporation,
évidemment, en tenant compte que nous avons produit une volumineux
plaidoyer sur chacune des cinquante clauses. S'il y avait des questions sur
n'importe quelle des clauses, nous sommes prêts à y
répondre.
M. LE PRESIDENT: Les membres de la commission ont-ils des questions
à poser? Pas de questions? Alors, nous vous remercions, M. Lebon, de ce
long travail que vous avez accompli avec beaucoup de patience et de
sérénité. Nous invitons le suivant à venir nous
faire son exposé, c'est-à-dire l'Association des constructeurs de
routes et grands travaux du Québec.
Contructeurs d'habitations
M. LEFEBVRE: M. le Président, tel que convenu hier, j'ai
cédé ma place à l'Association des constructeurs de routes
pour prendre la relève en deuxième place, vu que je n'avais pas
d'inconvénient à passer le deuxième, le cinquième
ou le sixième.
Je représente l'Association des constructeurs d'habitations du
Québec. Mon nom est Claude Lefebvre. L'Association des constructeurs
d'habitations groupait, la semaine dernière, 1,571 membres,
entrepreneurs et sous-entrepreneurs, qui oeuvrent spécialement dans le
marché de l'habitation et du logement. Ce marché a une ampleur
économique, selon les statistiques du Québec, d'environ $450
millions par année. Ces $450 millions, si on applique le facteur de
pondération de 37.5 p.c. pour la main-d'oeuvre, représente une
masse salariale de $170 millions. Cette masse salariale, si on la divise par le
salaire moyen des ouvriers de la construction, nous donne 45 millions d'heures,
soit le plein emploi pour 25,000 travailleurs.
Si vous prenez les faits qui existent où nous avons trop de
travailleurs de la construction, peut être le demi-emploi pour 50,000
travailleurs. Vous voyez donc, messieurs, que c'est un marché
économiquement important.
Mais l'habitation est également un marché socialement plus
important. L'habitation et le logement, c'est un élément
essentiel au niveau de vie minimum. C'est un besoin primaire de l'individu au
même titre que l'alimentation, l'hygiène, l'instruction,
l'habillement. Sauf quelques rares exceptions d'intervention directe de l'Etat,
comme dans les maisons de vieillards, les foyers d'hébergement,
l'assistance-loyer comme on le constate à la Petite Bourgogne
c'est un bien de consommation où l'Etat n'intervient
qu'indirectement, en favorisant des
prêts et en dirigeant un peu l'économie. Si on donne par
exemple de l'argent à consommer dans ce milieu-là, on le donnera
à l'automne pour promouvoir la construction en hiver, qui est
habituellement une période de chômage. Mais, sauf ces exceptions,
c'est un bien de consommation qui est payé directement par le
consommateur, par le consommateur de sa région, ce qui n'est pas le cas
dans les questions de routes, d'hôpitaux, d'écoles où, par
subventions du gouvernement, on divise le fardeau par rapport à la
population.
Dans l'habitation, ce n'est pas le cas. Le consommateur de la
région doit payer lui-même son loyer. Sans être
économiste je sais que, dès les premiers cours de
préparation au mariage, on nous enseigne que le loyer coûte de 20
p. c. à 25 p. c. du budget. On ne nous donne pas de cours
d'économique, mais on dit: Ne prenez jamais un loyer qui dépasse
25 p. c. de votre revenu et tentez d'obtenir 20 p. c. C'est la moyenne.
Nous trouvons dans le marché de la construction des
disparités salariales interrégionales, mais nous y trouvons aussi
des disparités plus grandes au niveau du logement que l'on offre
à la population. Et cela, messieurs, vous avez dû vous en rendre
compte. Vous avez même adopté des lois pour changer ces
disparités.
Dans notre étude, l'aspect le plus important, je crois, concerne
le salaire. Nous ne vous avons pas fourni de théorie économique
sur la parité ou la disparité. Je pense d'ailleurs qu'à ce
stade-ci nous n'avons pas à être en faveur d'une parité ou
d'une disparité. Nous nous contentons de constater les faits et
d'essayer de répondre à une demande syndicale dans les limites
des moyens des consommateurs. Je me limiterais donc à vous fournir des
faits. Des faits que vous aurez à juger. Au lieu d'agir en
économiste, je vais vous demander d'agir, vous, comme des
économistes. C'est-à-dire d'être des observateurs
impartiaux de ce qui se passe au tour de vous. Et c'est là, je crois, la
première qualité d'un économiste. On vous demande
également d'être arbitres, arbitres de notre litige. Par une loi,
on vous jette tout d'un coup dans un domaine que, probablement, il y a six
mois, vous connaissiez de loin.
Vous devez donc considérer qu'avant de me présenter ici
j'ai dû faire un acte de foi très sérieux et un acte
d'espérance, aussi.
M. PAUL: Un acte de charité.
M. LE PRESIDENT: Nous, nous faisons l'acte de charité.
M. LEFEBVRE: Nous allons vous laisser ce plaisir.
M. CADIEUX: Vous devriez faire votre acte de contrition, cela serait
peut-être mieux.
Disparités salariales
M. LEFEBVRE: Je vous renvoie à notre étude, qui n'est
malheureusement pas paginée, à la première partie, qui est
intitulée "L'ajustement des disparités salariales". Vous voyez
qu'au cours de l'année 1969 le marché du bâtiment a
encaissé une baisse appréciable, de l'ordre de 9 p.c. De
$1,066,000,000, nous sommes tombés à $920,000,000. Pendant ce
temps, en Ontario, de $2,151,000,000, on passe à $2,300,000,000. Pendant
que, nous, nous diminuons notre marché de $150 millions, l'Ontario,
elle, augmente de $150 millions.
Ce qui fait à la fin de l'année, qu'en Ontario on
construit deux fois et demie plus qu'ici. Je n'ai pas à expliquer cette
chose-là. Est-ce que ça dépend du salaire, est-ce que
ça dépend des prêts? Je peux vous donner 50 opinions ou 50
raisons qui pourraient toutes être valables, et les vôtres le
seraient autant. Il reste un fait, c'est que notre marché, en 1969,
était à la baisse et cela a entraîné, chez nous, du
chômage.
Nous notons que, dans cette image de la construction au Québec,
la région de Montréal a été spécialement
affectée. Si vous consultez les statistiques publiées par le
ministère de l'Industrie et du Commerce du Québec, à la
page 41, tableau 70, vous voyez que la région de Montréal a
principalement souffert de cet état de choses.
Nous pouvons donc dire que la demande des consommateurs, en 1969, a
été de 9 p.c. à 10 p.c. moins grande. Demande qui a
été conditionnée par le prix des matériaux, par les
salaires, par le taux des intérêts, par l'approvisionnement en
argent, par les politiques gouvernementales, tant fédérales que
provinciales, et par les apports de capitaux des étrangers, selon la
condition socio-politique du Québec.
Regardons brièvement le coût des différentes
composantes de la construction. De 1957 à 1969, les matériaux
sont passés de l'indice 100, si nous prenons l'année 1961 comme
barème à 100 p.c, à 140, en 1969. Les salaires qui, eux,
étaient nettement en retard en 1957, soit 79.9, se retrouvent, en 1969,
à 164. Le loyer, pour les gens qui désirent louer, passe de 96.3
à 116, alors que le coût du propriétaire occupant, lui,
passe de 88 à 148. La variation du prix à la consommation passe
de 93.3 à 125. On peut conclure qu'au Canada les salaires ont
augmenté plus vite que les matériaux. Je dois vous dire que ces
statistiques relèvent du Canada, je n'en avais pas pour la province de
Québec. L'indice des salaires de la construction augmente plus vite que
la coût de la vie. L'indice du loyer demeure cependant inférieur,
au Canada, à l'indice des prix à la consommation. Mais, pour le
propriétaire occupant, il y a une nette démarcation
défavorable pour lui. Ce qui nous laisse supposer que de plus en plus
les gens voudront devenir des locataires ou demeureront des locataires
plutôt que de devenir propriétai-
res, parce qu'il leur en coûtera moins. Par voie de
conséquence, les gens voudront de moins en moins investir dans le
logement à loyer, parce que le logement ne sera pas rentable pour eux.
Vous avez, dans les pages qui suivent, des tableaux statistiques que je n'ai
pas à vous commenter.
Autre constatation de ce milieu : le travailleur de la construction est
le mieux payé de l'industrie. Si vous prenez les travailleurs du papier
et des industries connexes, le salaire moyen est de $3.20; dans les industries
chimiques, de $2.81; dans les métaux, de $3.19 et dans la construction
du bâtiment, de $3.73.
Le salaire hebdomadaire de l'ouvrier de la construction est
également supérieur. Il y a du chômage saisonnier, mais pas
autant qu'on le pense. Les statistiques du Québec vous le montrent mois
par mois. Nous avons un salaire de $139.39 par semaine comme moyenne. Dans les
autres industries, c'est de $134, avec un minimum de $113 dans l'industrie
chimique. Ces statistiques sont publiées par le Bureau de la statistique
du Québec, dans son édition de juin 1970, aux pages 11 et 12.
J'ai inclus dans mon mémoire deux photocopies de ces statistiques.
Nous constatons interrégionalement des disparités
salariales. On devrait normalement s'attendre, si la compétence des
salariés est la même et si la compétence des employeurs est
la même, que le coût final soit inférieur pour les
régions les moins favorisées au point de vue salarial. Ce n'est
pas le cas.
La compétence est un facteur objectif, je pense, pour
déterminer un salaire. Si on a de la compétence et de la
productivité, on devrait avoir une production plus ou moins accrue selon
cette compétence du salarié et de l'employeur. Mais cette
productivité varie d'une région à l'autre, et d'une
façon très surprenante. Nous précisons que la
disparité dans la productivité n'est pas seulement causée
par les salariés, mais que les employeurs en sont souvent
responsables.
Si la compétence du travailleur est un facteur de
productivité, il faut également considérer que plusieurs
autres facteurs dépendent de la gestion de l'employeur et du
marché régional, tels que les méthodes de construction,
l'emploi de procédés nouveaux, le degré de
mécanisation dans l'outillage, l'utilisation plus ou moins forte de la
préfabrication, la construction en série, la surveillance, la
motivation des salariés, la réduction des temps improductifs.
Autant de facteurs qu'on ne peut pas analyser précisément en
termes de chiffres, mais qui sont très importants dans le calcul d'une
productivité.
Nous avons donc calculé le salaire moyen d'un ouvrier de la
construction dans chacune des régions afin que vous puissiez avoir une
idée approximative du salaire de ce gars-là. Nous avons pris les
facteurs de pondération que le gouvernement fédéral nous
donne dans ses statistiques. Pour calculer le salaire moyen d'un ouvrier de la
construction; on additionne 46 manoeuvres, 30 menuisiers, 7 peintres, 5
plombiers, 5 électriciens, 3 maçons, 2 ferblantiers et 2
chauffeurs de camion. On met tout ça ensemble, on divise par cent et
ça nous donne le salaire. Comme conséquence, on se rend compte
que le salaire du menuisier est toujours très près du salaire
moyen de la construction. Nous pouvons quasiment se servir du salaire du
charpentier-menuisier comme norme dans toutes nos études.
A Montréal, vous avez un salaire de $4.60 l'heure;
Trois-Rivières, $4.25; Québec, $4.19; Hull, $4.16; Chicoutimi,
$4.03; Sherbrooke, $3.75; Drummond, $3.35. Vous avez, dans une colonne à
côté, la moyenne de salaire, si on prend Montréal comme
barème à 100 p.c. Nous trouvons la région de Drummond
à 72.8 p.c. du salaire de Montréal. Nous avons également
analyse le prix de la construction dans le domaine domiciliaire. Les seules
statistiques que nous avons pour nous guider dans cette recherche sont
basées sur la maison unifamiliale, communément appelée
bungalow. Evidemment, c'est beaucoup plus facile, parce qu'on peut, à ce
moment-là, calculer au nombre de pieds carrés. Nous connaissons
le prix des terrains, nous connaissons le prix moyen de la maison dans les
grands centres urbains. On peut donc arriver à un coût moyen au
pied carré pour une région bien précise.
Les acheteurs de maisons se rendront compte que ces chiffres
reflètent la réalité. Si vous venez à
Québec, vous vous rendrez compte que la maison vous coûte plus
cher qu'une même maison à Montréal ou dans un autre
secteur.
Coût d'une maison
M. LEFEBVRE: Dans la région de Montréal, une maison
d'habitation de type bungalow coûte $13.21 le pied carré. Dans la
région d'Ottawa, elle coûte $14.11. Dans la région de
Québec, $14.55. Dans la région de Trois-Rivières, $13.36.
Là, vous devez multiplier environ par 1,000 puisqu'un bungalow mesure
environ 1,000 pieds carrés. Cela va varier de 990 à 1,000 ou
1,100 pieds pour le bungalow moyen. Et pourtant, dans les régions comme
Québec, Ottawa-Hull, Chicoutimi-Jonquière, les salaires
payés aux gens de la construction sont inférieurs aux salaires de
Montréal. Il faut donc déduire que la productivité n'est
pas la même. Ceci est dû, encore une fois, à la construction
en série, aux méthodes d'opération, au coût des
matériaux. Il y a une variabilité dans la productivité, et
je ne voudrais pas encore une fois vous laisser sous l'impression que nous
attribuons cette différence strictement aux salariés. Il y a trop
de facteurs autres que celui-là pour attri-
buer ces changements simplement à un seul facteur.
Si vous prenez le coefficient de pondération moyen de 37.5, vous
pouvez également trouver le prix de la main-d'oeuvre pour un pied
carré de construction de bungalow. Si nous prenons 37.5 vous avez, dans
la dernière colonne de droite qui est intitulée la
disparité des coûts de construction, des coûts variant de
$4.95 à $5.46 le pied carré strictement pour la main-d'oeuvre.
Remarquez que ces 37.5, nous les acceptons aisément; ils correspondent
à une réalité. Sauf que, dans la région de
Montréal, 37.5 sont probablement un peu forts et dans les autres
régions un peu faibles. C'est une moyenne. Vous savez par
expérience que la composante en main-d'oeuvre est plus forte en province
qu'à Montréal, parce que l'utilisation de la
préfabrication et la construction en série y sont moins
fortes.
Nous avons cherché un indice de disparité dans
productivité en tâchant de trouver combien d'heures-hommes sont
nécessaires pour construire un pied carré de bungalow. Vous avez
dans l'autre page des facteurs variant de 1.077 à 1.407, et ce
coefficient heure-pied carré est inversement proportionnel à la
productivité. C'est un indice très imparfait, mais qui colle
quand même à une réalité. Sachant combien me
coûte un pied carré de maison, j'en prends la proportion de
main-d'oeuvre et je divise par le salaire moyen pour aboutir à un nombre
d'heures-pied carré.
C'est d'ailleurs une méthode de calcul de nos soumissions. Nous
voyons que cet indice colle très bien, dans la majorité des cas,
à l'indice des salaires. Donc, si on prenait strictement cet indice de
productivité ou de production et c'est un des nombreux indices
on ne parlerait pas aujourd'hui de parité ou de tentative de
rechercher la parité. On dirait tout simplement: On divise
mécaniquement puis on donne le salaire. Or, ce n'est pas ça, des
négociations. Il faut quand même se rendre compte qu'il y a une
force syndicale, qu'il y a une force patronale de l'autre côté,
qu'il y a des demandes, qu'il y a des philosophies différentes, qu'il y
a des interventions gouvernementales puis qu'il y a un paquet de facteurs qui
peuvent servir de redressement.
Si, demain, les méthodes dans la région de Québec
changent et elles sont en train de changer à cause du plus grand
volume de construction il est normal de s'attendre que ça va
occasionner une diminution dans le coût. Comme on l'a souligné
dans le rapport de M. Loranger, si le taux d'intérêt baisse, bien
ça va baisser, ça va diminuer. Puis je regardais son petit calcul
à la fin, le prix est plus élevé de 9 p.c. à 10
p.c. puis il me dit qu'il n'y a presque pas de différence dans le loyer.
Un pas de plus il se rendait à 8 p.c. puis je donnais une augmentation
de salaire aux employés et j'en arrivais à une diminution de
loyer. C'est vrai ça, si je joue avec tous les chiffres.
Présentement, nous ferons une étude statique, strictement
de l'influence du coût des salaires. Nous croyons que pour tendre vers
une parité je ne la promets pas pour diminuer ces grands
écarts qui existent, on constate... C'est cela que les syndicats nous
demandent de faire: Faites-les disparaître. Ils nous disent: Faites-les
disparaître en trois ans! On examinera ce que cela coûte. Et vous
aurez à juger si les gens que vous représentez sont capables de
les payer.
Parce que le constructeur d'habitations, comme le constructeur de
routes, ce n'est pas lui qui paiera cela de sa poche. C'est Jos Bleau qui le
paiera. Alors, toute augmentation de salaires si on ne veut pas qu'elle
ait un effet néfaste doit être compensée par des
augmentations de productivité, par une compétence accrue des
employeurs, par une compétence accrue des salariés. Il faut
également que, dans les autres secteurs de l'industrie, on recherche
également une disparition de ces grands écarts de salaires. Parce
que, autrement, l'augmentation de salaires de la construction, par qui
sera-t-elle payée? Par les travailleurs des autres secteurs.
L'enrichissement de l'un résultant de l'appauvrissement de l'autre.
Mais, si les autres industries peuvent se permettre par la
négociation sectorielle, ou autrement, des ajustements de salaires, eh
bien, le pouvoir de consommation de mon acheteur sera d'autant augmenté.
Et la différence de loyer, ou de coût, pourra plus facilement
être absorbée. Il faut prévoir que cette recherche que nous
avons vers la parité, ou vers une disparité moins grande, doit se
faire par étapes afin que nous puissions vérifier si les facteurs
de redressement qui doivent accompagner cette recherche s'opèrent
tellement, véritablement.
Est-ce que, en ayant donné des augmentations de salaires, j'ai
obtenu une meilleure productivité, pour une meilleure motivation du
salarié, en obligeant l'employeur à raffiner ses moyens de
production? Est-ce que le gouvernement, ou ceux qui s'occupent des prêts
ont constaté qu'en baissant les coûts d'intérêt on
pouvait également baisser les coûts de revient en loyer? Mais si
on continue à faire ce qu'on a fait dans le passé, passé
le taux d'intérêt de 7 1/8 p. c. à 10 p. c, si un autre
gouvernement vient nous imposer une nouvelle taxe de 11 p. c. en nous
promettant $500 de rabais pour les travaux d'hiver, qu'on l'enlève au
bout de 3 ans et qu'on oublie d'enlever les 11 p. c, et si le coût des
terrains continue à augmenter, si les fournisseurs de matériaux
disent: Nous aussi, nous ne sommes pas fous. Nous allons augmenter, eh bien,
à la fin,il ne faudrait pas s'attendre à avoir des logements
à prix modique.
Donc, nous devons procéder selon un échéancier qui
nous donne l'occasion de vérifier si le rattrapage que nous faisons est
économiquement acceptable. Si Jos. Bleau est capable de payer.
Offres salariales
M. LEFEBVRE: Nous avons, dans les pages suivantes, donné une
proposition. Il ne s'agit pas de la proposition initiale de notre association,
il s'agit de notre dernière position quant aux offres salariales. Une
position que nous vous formulons, après avoir mûrement
réfléchi aux demandes syndicales, après avoir
rencontré les conciliateurs, M. le ministre, les autres parties
patronales et après avoir étudié sérieusement ces
demandes avec l'exécutif entier de notre association. Je dois vous dire
que, dès le départ, il y eût de grands cris, que la
proposition que vous trouvez devant vous n'a pas été
acceptée de gaieté de coeur dès le premier jour.
On a tenté de faire face à la réalité et de
rechercher un règlement. Il ne faudrait donc pas penser que la
proposition que nous vous faisons, ici, est une proposition minimum qui vous
permettra tout à l'heure de trancher par la moitié. Je vous ai
dit tout à l'heure que j'avais fait un acte de foi en me
présentant devant vous. Eh bien, je l'ai fait drôlement, puisque
j'ai donné la meilleure position où on pouvait aller. Et je vous
expliquerai comment nous faisons notre offre.
Tout d'abord, l'an passé, nous avions convenu de faire
disparaître les zones. Québec se divisait en trois zones, avec des
écarts de salaires; Hull se divisait également en deux zones; les
Laurentides en deux zones; Rimouski en trois zones. Tout le monde avait convenu
que nous faisions disparaître les zones. Bien, faire disparaître
les zones, c'est facile, demain matin, il n'y a plus de zones. C'est tout.
Mais les salaires, eux. S'il n'y a plus de zones, il n'y a plus de
raison d'avoir des différences interzones de salaires. Il y a des
drôles de différences de salaires interzones. Vous comprenez que
lorsque vous allez faire avaler au gars de Maniwaki le salaire de Hull, vous
êtes mieux de ne pas passer là durant le temps de la chasse.
Il y a également une autre chose. Nous avions
décidé de donner 8 p.c. de vacances. Dans des régions, on
trouvait 5 p.c, dans d'autres 6 p.c, dans d'autres 7 p.c. Nous avons
pensé ensemble à une sécurité sociale
augmentée. Dans certaines régions, l'employeur ne contribuait en
rien à la sécurité sociale, c'était absolument
inexistant, et, aujourd'hui, nous proposons $0.15.
Alors, notre premier mouvement fut de dire: II faut tenter d'uniformiser
ça. On va commencer par les points les plus importants. Dans le bill 38,
vous avez dit que, cette année, vous donniez $0.30 d'augmentation. Nous
avons dit: D'accord, on va continuer, on va faire un premier rattrapage. On va
mettre tout le monde à 8 p.c. de vacances, pour que l'ouvrier de la
construction ait la parité au point de vue des vacances. Cela
coûte des sous. On va calculer ce que ça coûte par
région pour un corps de métiers donné.
On a dit: Maintenant, on va calculer les $0.15 de sécurité
sociale afin qu'au 1er janvier 1971 tous les salariés de la construction
puissent jouir d'un régime unique à travers le Québec.
Présentement, ça devient dégueulasse. Le bonhomme qui part
de Chicoutimi et qui s'en vient à Montréal ne pourra pas
bénéficier du même système de sécurité
sociale. H ne pourra pas se qualifier dans les deux cas. Il faut faire un
régime unique avec une contribution unique.
Il y a aussi des ajustements de salaires dus à des compressions
de métiers. On avait je ne sais combien de centaines de métiers
différents, où on pouvait trouver 16 définitions
différentes pour un même métier. Des chauffeurs de camions
à deux roues arrière, à quatre roues arrière; avec
un essieu, avec deux essieux; avec bascule, sans bascule; avec benne, sans
benne, etc.
Selon la région, selon les négociateurs régionaux,
on trouvait des différences de $0.05, $0.10, $0.15, selon que le
métier était à la mode dans le coin ou non. Quand on va
comprimer ça avec le rapport Dion, c'est évident, que je ne pense
pas qu'on négocie à la baisse, dans la même région.
Je ne pense pas que, si on prend trois métiers et qu'on n'en fait qu'un
avec ça, on va prendre le salaire du plus bas, et on va dire: C'est
celui-là.
Les conciliateurs qui ont fait de la consultation nous disent que ce
facteur de compression va aller chercher de $0.05 à $0.20 de rattrapage.
Il faut que cela aussi se paie. Je ne peux pas tout d'un coup tout lancer
ça là-dedans et dire: Cela n'aura pas d'effet au bout.
Durant la première année, nous proposons au syndicat
d'accepter immédiatement les $0.30 qu'on le veuille ou non, c'est
déjà fait et, en un deuxième temps, 8 p.c. de
vacances, la sécurité sociale, le rattrapage interzones et le
rattrapage de compression des métiers.
Vous avez trois feuilles qui vous donnent le coût dans les
différentes régions. Il est bien évident que, durant cette
première année, les grandes régions ne seront pas
affectées. La zone de Québec 3 est affectée, mais
Québec moins. La zone de Hull 2 est affectée, mais Hull moins.
Mais si vous voulez qu'on fasse du rattrapage, il faut quand même que
celui qu'on essaie de rattraper reste immobile pendant un petit bout de temps,
parce que, s'il court et que l'autre court après, on ne se rejoindra
jamais. C'est aussi simple que ça. Il faut faire un temps de rattrapage.
Il faut en immobiliser quelques-uns et permettre aux autres de venir les
rejoindre. Les autres, ce sont les régions éloignées,
c'est Rimouski 3, Rimouski 2; Hull 2; les Laurentides 2; il faut les laisser
venir rejoindre les autres et on partira ensuite ensemble vers un rattrapage
progressif.
Il reste, à la suite de cela, deux ans à la convention.
Vous savez que, la deuxième année,
nous absorberons encore une fois une augmentation de $0,20 et, durant la
troisième année, une augmentation de $0.25, pour donner un total
d'augmentations de salaires de $0.75. On vous parle de parité et de ce
que ça coûte. Il n'y a pas que la parité qui va
coûter de l'argent. Les $0.75 aussi vont coûter de l'argent. On se
dit, à ce moment-là: L'écart des salaires qui existe au
début, cette disparité, on vous a parlé
d'échéancier, nous avons regardé la proposition des
conciliateurs et nous avons dit: Si, après ce premier rattrapage de
facteurs interzones, etc. on commençait, durant la deuxième
année, à parler de rattrapage. Sur une base de 20 p.c par
année, je vous le dis tout de suite, on ne garantit pas qu'on s'en va
vers la parité.
On vous dit tout simplement qu'à la fin de la présente
convention il y aura eu une parité au point de vue des vacances, une
parité de sécurité sociale, une parité dans les
métiers, au sein d'une même région, et qu'il y aura une
disparité de 45 p.c. moindre. Nous serons à 40 p.c. plus
près de la parité. Vous allez me dire: Pourquoi 40 p.c, pourquoi
pas 45 p.c? Pour vous permettre de juger, nous avons fait des calculs. Alors,
vous avez, dans ces trois pages, les augmentations que cela donne.
Pour un peintre, ça passe de $0.85 à $1.44, dans la
région des Laurentides 2; $1.44 l'heure. Si vous mettez un gars à
environ 1800 heures par année, vous savez à peu près ce
que ça donne comme augmentation. Pour un brique-teur, ça part
également de $0.85 à $1.57 maximum, dans la zone de Rimouski 3.
Pour un manoeuvre, ça part de $0.84 et ça se rend à $1.33.
Pour un charpentier menuisier, qui est à peu près le chiffre sur
lequel on peut se fier dans la construction, ça part de $0.85 et
ça se rend à $1.50 dans les Laurentides 2, dans Rimouski 3, et
dans Québec 3: $1.35.
Vous vous doutez qu'avant de paraître devant vous j'avais
préparé quelque chose dans les journées qui
précédaient. Hier, il y a une question, posée par
l'honorable député de Chicoutimi, qui m'a frappé. Une
question qui m'a semblé tellement pertinente que je me suis dit: II faut
que je retravaille là-dessus. Et je vous cite, M. Tremblay: Combien
coûtent toutes ces choses-là? C'est bien beau des théories
économiques de parité et de disparité, mais combien est-ce
que cela va coûter? Alors, je me suis dit: C'est peut-être de cela
dont je dois parler à la commission parlementaire? Au lieu de vous
demander, à vous, messieurs si vous êtes pour la parité, ou
contre la parité, ou pour la disparité, je vais vous poser une
autre question: Quelle augmentation du coût du logement le citoyen de
votre comté est-il capable d'absorber raisonnablement? Qui est
raisonnable? Le patron ou le syndicat? Ce n'est pas aussi simple que cela!
Donc, ce n'est pas une étude de parité. On va simplement
vérifier le coût de l'augmentation proposée par les patrons
face au coût de l'augmentation demandée par les syndicats.
Pour faire cette étude-là, encore une fois, comme je suis
de l'habitation, je ne disposais hier soir que des statistiques sur les
bungalows, mais c'est quand même un marché fort important. Je me
suis basé sur la Statistique du logement au Canada, édition de
mars 1970, page 62, tableau 82.
Dans ce tableau, on donne les coûts estimatifs des nouveaux
bungalows financés aux termes de la Loi nationale sur l'habitation, par
centre, et j'y retrouve Montréal, Ottawa, Hull, Québec,
Chicoutimi, Jonquière, Drummondville, Saint-Jean,
Saint-Jérôme, Shawinigan, Sherbrooke, Trois-Rivières et
Valleyfield. Et on nous dit le coût total en 1968-1969, le coût du
terrain en 1968-1969, l'aire de plancher fini, pour finalement arriver à
un coût moyen au pied carré. Donc, cela pourrait répondre
à la question que M. Laberge posait il y a quelques jours, à
savoir, quel est le prix du terrain. Je pourrais répondre
également à un tas d'autres questions.
L'incidence du coût sur le loyer là, je me suis
fié au petit volume de Me Loranger, que m'a bien aimablement
dédicacé d'ailleurs M. Marcel Pepin "ad Paritam usque ad
equalitatem", et j'ai ajouté: "ad cotonam" et au coton!
Aux pages 107 et 108, par une formule savante, on calcule le coût
du loyer. Je vous ai dit que mes notions économiques se
résumaient aux cours de préparation au mariage en disant qu'un
loyer ne doit pas dépasser 20 à 25 p.c, et, également
comme ancien constructeur, au fait que nous disons qu'habituellement un
logement coûte, par mois, l,p.c de son coût réel. Si vous
achetez une maison de $22,000, vous allez payer environ $220 par mois. Et cela,
c'est assez constant.
Il y a de petites variantes, mais, grosso modo, c'est cela.
Prenons la formule savante, avec le facteur logarithmique qui arrive
là-dedans. Alors, dans le premier cas, on nous donne l'exemple d'une
maison qui coûterait $12,000 sur un terme d'hypothèque de 25 ans,
avec une capitalisation trimestrielle de 10 p.c. On arrive à un
coût de $109 par mois.
Dans le deuxième exemple, on prend une augmentation de 10 p.c,
soit $1,200 et, en diminuant de 1 p.c. le coût de l'intérêt,
on arrive à $111. J'ai fait une rectification. J'ai dit: II faut quand
même que j'informe ces gens-là qu'à 10 p.c, si je prends le
même facteur logarithmique qui apparaît au premier exemple, soit
.02731188, et que je multiplie le coût, $13,200, j'arrive à
$120.14, soit $11 d'augmentation.
Donc, pour $1,200 d'augmentation, je me retrouve avec $11 et quelques
cents d'augmentation de loyer. Cela, c'est un deuxième facteur que je
vous demande de retenir. Chaque fois que je vous dis $1,200 Jos Bleau va payer
$11 et quelques cents de plus de loyer par mois.
J'ai également calculé que le salaire du menuisier
était le salaire moyen de la construction, parce qu'il est conforme
à quelques cents près au salaire moyen de l'ouvrier de la
construction, lorsque je prends mes 46 manoeuvres, 30 menuisiers, etc. J'ai dit
que le coût de la main-d'oeuvre à Montréal,
équivalait à 37.5 p.c. du coût total de la maison,
après avoir enlevé le coût du terrain, et que, dans la
province, le coût de la main-d'oeuvre était de 40 p.c. Je peux
vous dire que, dans certaines régions, cela va jusqu'à 50 p.c.
Mais, pour n'être pas accusé d'exagérer, j'ai pris 40 p.c.
en présumant que, dans Chicoutimi, il y a 40 p.c. de main-d'oeuvre dans
une maison. Demandez à vos constructeurs locaux, ils vous diront que
c'est supérieur. Mais, je me limite à 40 p.c.
J'arrive avec les résultats suivants. Je vous fais grâce de
tous les calculs; je les ai faits. Mais si vous voulez me demander quelque
chose, n'hésitez pas. Le menuisier de Montréal, qui nous
coûte $4.54 de base, en 1969, avec les bénéfices marginaux,
comme la sécurité sociale et les vacances, nous coûte, en
fait, $4.96. Avec l'augmentation que nous avons proposée et qui a
été donnée par la loi, il va nous coûter $5.86, soit
une augmentation de 18 p.c. Le prix net d'un bungalow à Montréal
est de $14,222.
Je fais tout de suite un aparté là, parce que vous allez
vous rendre compte, tantôt, qu'on peut fort bien arriver dans une
région et trouver un bungalow à $17,000, $16,000 ou $15,000. Vous
allez dire: Comment se fait-il que ça coûte plus cher là?
Cela dépend, évidemment, du nombre de pieds carrés. Vous
savez que, dans certaines régions, on bâtit plus grand
qu'ailleurs. Il y en a qui rêvent en grand ou qui sont habitués
à voir plus grand.
J'ai donc un coût de main-d'oeuvre de $6,333, avec une
augmentation de 18 p.c. Cela me donne une augmentation totale, en 1972, de
$1,140 pour un bungalow. C'est ce que ça va nous coûter à
Montréal, strictement pour le salaire. Si les matériaux
augmentent, si le taux d'intérêt augmente et si le prix des
terrains augmente, cela va être en plus. Là, on étudie
l'effet du salaire, soit un peu moins de $11 par mois après trois ans.
Est-ce que le gars de Montréal est capable de payer ça? C'est
à vous d'en juger.
Alors, on va prendre la ville de Québec qui est dans la zone 1.
D'un salaire de $4.26, en 1969, nous proposons $5.44, dans notre étude,
soit une augmentation de $1.18 l'heure. Le syndicat, en demandant la
parité avec Montréal dans un délai de trois ans, demande
évidemment $5.86, soit une augmentation de $1.60 l'heure. Nous proposons
25 p.c. d'augmentation et eux demandent 37.5 p.c. Le coût de la
main-d'oeuvre pour un bungalow à Québec, selon les mêmes
chiffres que tantôt, c'est $6,200. Ce qui veut dire que nous offrons
$1,568 à Québec et qu'il demandent $2,325. Nous offrons
d'accepter, nous, $15 par mois et ils en demandent $22. Est-ce que le citoyen
de Québec peut se payer une augmentation de $22 par mois après
trois ans? C'est à vous d'en juger. Nous prétendons que $15,
c'est assez et qu'il faudrait même travailler à trouver des
facteurs de redressement, et en vitesse.
Chicoutimi-Jonquière et je vous en fait l'honneur puisque
c'est vous qui m'avez réveillé sur ce point, M. Tremblay
le salaire du menuisier, là-bas, est de $3.75; ajoutez la
sécurité sociale de $0.10 et les 7 p. c. de vacances. Il nous
coûtait, en 1971, $4.11 l'heure. Nous offrons $5.36, soit $0.75
d'augmentation donnée à tout le monde, $0.32 de rattrapage, $0.39
de vacances, $0.15 de sécurité sociale: $5.36, soit une
augmentation de $1.25 l'heure répartie sur trois ans. Ce n'est pas de
l'économique, cela, ce sont des piastres et des cents. C'est ce que nous
offrons, $1.25. Qu'est-ce que le syndicat nous demande? C'est $1.75. Nous
offrons 30 p. c, il demande 42 p. c. De ce côté, il y a pour
$5,900 de main-d'oeuvre par bungalow. Ce qui veut dire que, nous, nous offrons
une augmentation de coût de $1,787, soit $16.50 par mois, selon le
facteur Loranger pas le postier, mais le facteur du professeur Loranger
et le syndicat nous demande 42.6 p. c. soit $2,513, soit $23 par
mois.
Dans la zone des Laurentides, Saint-Jérôme prise comme
ville moyenne, nous offrons $1.50 et ils en demandent $2.31.
C'est-à-dire que nous offrons 42 p. c, parce que nous sommes conscients
que c'est une zone nettement en retard qui est appelée à se
développer. Nous offrons 42 p. c, en espérant que cela se
développera et que l'aéroport, en 1974, devrait être fini.
Ils nous demandent 65 p. c, avec la parité. Ce ne sont pas des
histoires, c'est 65 p. c. Le menuisier qui, dans Saint-Jérôme,
coûtait $3.55, si on accepte la parité qu'il nous demande, ce sera
$5.86, soit une augmentation de $2.31 l'heure. Ce qui veut dire que, nous, nous
proposons, pour un bungalow, une augmentation de $2,321 sur trois ans
à peu près $800 d'augmentation par année et
eux nous en demandent $3,575. Je vous laisse être juges, comme des
économistes, si c'est bon ou si ce n'est pas bon. Est-ce que Jos Bleau
peut payer cela, oui ou non? Parce que s'il ne peut pas le payer, eh bien je
n'en construirai pas. J'aurai des beaux salaires dans les livres des
décrets, mais ils ne seront pas inscrits sur des chèques de
paye.
Dans la région de Sherbrooke, on offre 37 p. c.,soit
$1.431'heure;ilsdemandent$2.01.On offre 37 p. c, ils demandent 52 p. c.
d'augmentation. Nous, nous offrons, sur trois ans, $2,405 d'augmentation. C'est
le reflet de l'augmentation que nous offrons. Eux, ils nous en demandent
$3,380, soit $22 par mois contre $32 par mois. Est-ce que M. X de Sherbrooke
peut se payer le luxe de $32 par mois d'augmentation en 1972? C'est la question
que je vous pose.
Dans Drummond, nous offrons 45 p. c. d'augmentation, soit $3,000 pour un
bungalow.
Nous le faisons, parce que vous noterez que, pour la
productivité, il y avait un net retard du salaire, dans cette
région. Il fallait faire un rattrapage plus rapide. Il nous demandent
66.5 p. c. d'augmentation. Le menuisier de Drummond qui gagne $3.52 gagnera
$5.12, soit une augmentation de $1.60 en trois ans. Et la demande syndicale est
de $5.86, soit une augmentation de $2.34. Le bonhomme qui gagne $3.52 retirera
une augmentation de $2.34, si nous accordons cela au syndicat. C'est une offre
de 45.4 p. c. pour une demande 66.5 p. c. La résultante, c'est une
drôle de chose, c'est là où le bungalow coûte
à peu près le plus cher. Le coût de la masse
monétaire pour la main-d'oeuvre, dans la région de Drummond,
c'est $6,660 par bungalow. Cela veut dire que, nous, nous offrons $3,000 et on
en demande $4,440.
Nous, nous proposons que le citoyen de Drummond puisse absorber $26.50
par mois d'augmentation sur trois ans. Eux, ils disent: Qu'ils se rendent donc
à $37 en trois ans. Ce ne sont pas des théories
économiques, ça. Et je ne blâme pas ceux qui en font. Cela,
c'est la réalité. C'est-à-dire que quand mes entrepreneurs
soumissionneront pour construire des bungalows, c'est en vertu de ce que vous
aurez décidé qu'ils vont fixer les prix. Parce que ce n'est pas
l'employeur qui va payer; c'est le salarié de la région. C'est
donc à vous de décider si le bonhomme de Drummond ou de
Sherbrooke, dont la vie dépend surtout des filatures, du meuble
canadien, peut anticiper qu'il y aura une parité salariale
éventuelle là-dedans et une augmentation économique
valable pour pouvoir se payer cela. C'est vous qui les connaissez vos
régions, bien mieux que moi.
Cela nous donne strictement l'image de l'augmentation du coût du
salaire. Mais il faut, en hommes logiques, prétendre que les
matériaux aussi vont augmenter. Ils ont rarement diminué ces
dernières années. L'augmentation des taxes pour les services
aussi, cela va augmenter. Je n'ai pas vu une ville jusqu'à maintenant
qui ait baissé ses taxes. Les conventions collectives qui se signent
demandent des augmentations de salaires pour les gars qui font les services et
c'est Jos Bleau qui paie. Et on va aussi, évidemment, ajouter à
cela, à partir du mois de novembre, j'imagine, l'assurance-maladie qu'on
n'a pas présentement et qu'on va être obligé de payer. Cela
aussi va se calculer.
Maintenant, disons que 25 p.c. de nos entrepreneurs vont dire: Bien, les
augmentations sont tellement fortes que nous ne prendrons pas plus de profits.
Mais il reste que fort probablement, la majorité va décider de
prendre des profits sur l'augmentation. Quand on marche au pourcentage, c'est
ainsi que ça marche. Et le coût des terrains! Bien, heureusement,
cela a été stoppé. On réalise présentement
que cette spéculation qui existait a nettement diminué. Ecoutez
un peu, je pense qu'avec ceci vous réalisez tout de suite que cela nous
prend des facteurs de redressement, parce que cela, ce n'est pas payable. Il
est impensable qu'on soit capable d'absorber cela.
Vous savez, quand je fais un trou de $24 à $30 par mois dans la
poche d'un salarié, cela commence à être de l'argent. Il
nous faut une économie régionale plus forte. Donc, je
présuppose que des mesures de redressement au niveau économique
seront prises par les gouvernements, afin que le pouvoir d'achat de mon
consommateur soit augmenté. Cela présuppose de votre part comme
de la part du gouvernement fédéral des investissements dans
certaines régions et puis d'autres facteurs économiques que je ne
connais pas. Cela présuppose que les économistes vont travailler
ensemble et qu'ils pensent de la même façon pour que cela
dégèle dans ces coins-là. Cela présuppose une
compétence accrue de la part du salarié pour que je sorte ma
maison à un meilleur coût. Ce qui veut dire que l'application du
bill 49 que l'Assemblée nationale a adopté, il faut que ça
marche. Nous l'espérons. Nous comptons là-dessus. Cela
présuppose que nos employeurs vont également devenir plus
compétents, parce qu'il n'y a pas d'erreur, avec des salaires moindres,
quand je retrouve une maison qui me coûte plus cher, je ne peux pas dire
que c'est la faute du salarié. Cela peut être la faute de
l'employeur aussi. Il n'a pas grand stimulus le gars, pour le forcer à
couper un peu. Il a la main-d'oeuvre meilleur marché qu'ailleurs, alors
il ne se force pas.
Cela veut dire que cela va nous prendre, nous aussi, une loi pour
empêcher les petits Jos connaissants, qui ne connaissent rien dans la
construction, de venir se mêler des entrepreneurs. Cela va nous prendre
un bill 51. Il va falloir le ressusciter probablement, celui-là, et dans
le plus bref délai possible afin qu'on puisse contrôler non
seulement la main-d'oeuvre, mais également les employeurs. Cela veut
dire qu'il va nous falloir des entreprises de construction plus fortes, mieux
organisées, qui vont pouvoir construire en plus grande quantité,
détenir un meilleur pouvoir d'achat, avoir des meilleures techniques et
des meilleurs moyens de contrôle.
Cela veut dire que les artisans qui partent de la terre pour venir
construire durant la saison morte, il va falloir les sortir de là. Il va
falloir récupérer pour les employeurs, dont c'est le
métier, tout l'ouvrage qui leur revient. C'est pourquoi vous trouverez
dans notre plaidoyer que nous demandons que l'artisan soit réellement ce
que la loi lui conseille d'être, un salarié, et que seul
l'employeur puisse contracter.
A quoi cela me sert-il d'être un employeur peintre professionnel
si je suis obligé de payer le taux du décret, le temps et demi et
le temps double, de payer le taux de vacances et la sécurité
sociale, de payer l'assurance-maladie, l'assurance-accident ainsi que
l'assurance-chômage, si, à côté de moi, monsieur X et
son beau-frère peuvent s'intituler entrepreneurs
peintres, travailler en soirée ou le samedi, ne rien payer des
frais marginaux et venir me concurrencer sans que je puisse savoir quel salaire
ils se paient? Peut-être que Mathurin, qui est pompier dans la ville de
Saint-Léonard et qui jouit d'une période de congé de 48
heures, ira peinturer chez vous, mais, à ce moment-là, il vient
d'enlever un marché à mon employeur professionnel dont c'est la
véritable fonction d'être un employeur professionnel.
Chacun son métier et les vaches seront bien gardées. Mais
il faut éliminer de toute urgence ces braconniers et ces gens qui n'ont
rien à faire dans le domaine des employeurs. Il faut même
éliminer les employeurs qui n'ont pas actuellement leur place chez nous,
ce que les syndicats appellent les "chaudrons", et il y en a, il faut
l'admettre. Vous avez eu une étude statistique lors de la
présentation du dernier bill 51. Le nombre de gars qui partent et qui
reviennent chaque année est fantastique. Il en meurt 10 p.c. et il y en
a 10 p.c. qui viennent de naître. H ne semble pas y avoir de pilule dans
ce cas-là.
Il y a évidemment des facteurs de redressement comme la baisse du
taux d'intérêt, les prêts à plus long terme, les
conceptions nouvelles dans l'architecture, des maisons plus petites
peut-être, parce que, dans certains secteurs, lorsqu'on s'y
promène, on se rend compte que la maison est nettement trop grande. Cela
coûte cher pour rien. On réalise présentement des projets
à 900 ou 950 pieds; c'est très bien conçu et ça
peut donner un logement acceptable.
Il y a le contrôle de la spéculation, on continue à
contrôler; ce sont autant de facteurs. Autant on a d'embûches,
autant on a de solutions de l'autre côté. Il faut tout
vérifier ça dans la recherche d'une parité qui doit
être selon un échéancier contrôlé soumis
à des facteurs de redressement, soumis à une augmentation de
productivité et économiquement réalisable.
L'économiquement réalisable, c'est ce dont je vous ai
parlé ce matin. C'est à vous de juger. Si vous voulez des
chiffres, je pourrai vous les fournir. Il y a une conséquence qu'il faut
aussi prévoir à l'augmentation du coût du loyer, c'est le
coût d'entraînement. Si j'ai construit en 1969 une maison
d'appartements et qu'en 1971 on bâtisse à côté de moi
le même type et qui représente une augmentation mensuelle de loyer
de quelque $20, vous concevez tout de suite que je ne laisserai mon loyer
à ce qu'il était. Je ne le monterai peut-être pas au
même taux que celui du voisin mais, quand tout sera loué,
j'augmenterai le prix du loyer. Vous avez automatiquement, par une augmentation
du coût du loyer dans la maison neuve, un facteur d'entrafnement dans le
coût des autres loyers et cela n'est compensé par rien. Si je
donne de l'argent à un salarié, il va le dépenser mais le
propriétaire va l'empocher et il n'est rien qu'un pour le
dépenser. Il y a automatiquement un facteur d'entraînement dans
tous les autres loyers et, quand vous aurez à juger de l'augmentation,
il faudra y penser.
Le coût de la demande syndicale vous est présentement connu
et l'offre de la partie patronale que je représente vous est
également connue. Je dois vous dire que les offres que nous faisons ont
une tendance nettement inflationniste. Que voulez-vous? Je ne peux pas parler
de 45 p.c. ni de 50 p.c. sur trois ans sans penser que je suis inflationniste.
J'ai fait un acte de foi et je vais faire un acte d'espérance qu'on
pourra couper ailleurs et en vitesse pour ramener ça à des bornes
normales.
En d'autres termes, ce sont les citoyens de vos comtés qui auront
à payer ce coût-là, ce n'est pas nous. Quand je dis qu'il y
a des facteurs de redressement, ça devient drôlement important,
vous savez qu'un patron garde ses droits de gérance, parce que, si c'est
le syndicat qui mène nos entreprises, je ne sais pas comment nous allons
faire pour commencer à couper. Si le contremaître est un
syndiqué et qu'il est mené par le syndicat ou qu'il est sujet
à la loi du syndicat, comment pourra-t-il appliquer les mesures? Comment
pourra-t-il accélérer la production? Ils diront: Ecoute,
"baquet", si tu ne fais pas ça, nous allons te mettre dehors et tu ne
seras jamais plus contremaître. C'est aussi simple que ça.
D'ailleurs, cela s'est produit. Si les artisans continuent à
évoluer comme ça, puis à nous voler des jobs, c'est bien
évident qu'à chaque fois que je vais faire une soumission, il va
falloir que je prenne plus de profit. Cela va également prendre des
associations patronales drôlement fortes pour améliorer la
technique de leurs employeurs, pour donner des cours, pour faire fonctionner
l'éventuel bill 51. Ces droits de gérance, il va falloir les
laisser aux employeurs, parce qu'on a quand même une drôle de
tâche devant nous. Je pense que nous avons fait une proposition valable
au point de vue salarial. Je ne vous ai pas parlé de parité ou de
disparité comme philosophie; je vous ai parlé de parité ou
de disparité avec un "signe de piastre" en avant, parce que le
consommateur de ce bien primaire, c'est un gars, peut-être, qui n'a pas
de connaissances économiques, mais qui sait qu'au bout de la semaine il
doit boucler son budget.
Je vous remercie, messieurs.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Lefebvre, de cet exposé
très succinct et très clair. S'il y a des membres de la
commission qui ont des questions à poser, je les invite à le
faire tout de suite. Pas de questions?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, il n'y a pas de questions. Je crois que
l'exposé de M. Lefebvre a été passablement clair.
Naturellement, il nous a donné des chiffres, etc. Nous entendrons avec
plaisir les membres de la partie
syndicate donner la contrepartie, si cela est possible. En ce qui me
concerne, c'est un exposé assez impressionnant, qui est très
positif et qui répond aux questions que j'avais posées
antérieurement.
M. LEFEBVRE: Merci, monsieur.
M. LE PRESIDENT: Un instant, M. Lefebvre.
M. LAPORTE : Justement, comme on le dit, d'autres vont poser des
questions tout à l'heure, mais, quant à la clarté, quant
à la concision, quant à la façon très
précise, très directe de nous exposer le problème, sous
réserve des contradictions qui viendront, j'imagine, je pense que vous
avez droit à des félicitations et à des remerciements.
M. LEFEBVRE: Merci, monsieur.
M. LE PRESIDENT: Je crois que M. Laberge a une question à vous
poser.
M. LABERGE: Merci, M. le Président. Si j'ai bien compris les
calculs de M. Lefebvre ne sont pas inclus dans le mémoire. Je voyais ses
feuilles, ce sont des calculs qu'il a faits comme ça, "à la
mitaine" comme on dit dans la construction. Il nous a laissé
l'impression que, lui, était convaincu que les augmentations que son
association offrait, feraient augmenter le coût des bungalows de 30 p.c.
à 40 p.c. Il y a, quand même, une étude ici, qui a
été faite par des experts en économie et
présentée par la Corporation des maîtres
électriciens, qui nous dit, en page 13, tableau 3 5, que les
augmentations en pourcentage du prix des résidences neuves et autres
varieraient de 3 p.c. à Trois-Rivières à 8.9 p.c. en
Abitibi. Je demande à M. Lefebvre s'il met en doute ces chiffres.
M. LEFEBVRE: La première chose, si vous voulez dire par "fait
à la mitaine", que c'est fait à la main, oui, c'est ça;
cela a été fait à la main. Je n'ai pas à mettre en
doute les chiffres proposés. D'ailleurs, vous dites le pourcentage
d'augmentation d'une maison, Or, je n'ai pas parlé de pourcentage sur la
maison; j'ai parlé de pourcentage d'augmentation strictement sur la
masse salariale d'une maison.
M. LE PRESIDENT: C'est ce que j'avais compris, d'ailleurs.
M. LEFEBVRE: Pour l'information de M. Laberge, je vais vous donner un
exemple bien simple. Je prends le tableau 82, apparaissant à la page 62
de la statistique du logement au Canada, qui me dit qu'à
Montréal, durant l'année 1969, le coût estimatif d'un
nouveau bungalow j'ai bien spécifié bungalow est de
$16,040; que le coût du terrain est de $1,818. Bon. A $1,818, il me reste
un coût pour une maison, incluant main-d'oeuvre et matériaux, de
$14,222. Je n'ai pas besoin d'avoir fait un cours classique pour soustraire
ça. Je prends le même facteur de pondération que
l'économiste avait pris, soit 37.5 p.c. , représentant la masse
salariale.
Cela m'indique que dans ce bungalow, sur $14,222, j'aurai $6,333 de
main-d'oeuvre. Le salaire du menuisier à Montréal était de
$4.54, avec 7 p.c. de vacances, en 1969, soit $0.32, et 10 p.c. en
sécurité sociale, ça donnait un salaire de $4.96
l'heure.
Nous avons donné $0.75 d'augmentation sur trois ans, soit $5.29
l'heure, plus 8 p.c. de vacances, qui représentent $0.42, plus $0.15 de
sécurité sociale, ça donne $5.86. Or, si je sais calculer
"à la mitaine", ça me donne $0.90 d'augmentation sur un salaire
de base de $4.96, soit une augmentation de 18 p.c. Ma masse salariale est
augmentée de 18 p.c. Donc, je prends 18 p.c. de ma masse salariale,
$6,333, puis ça me donne $1,140. Ce n'est pas plus compliqué que
ça. Je ne peux pas vous dire si le tableau de monsieur X est bon. Tout
ce que je peux vous dire, c'est que les augmentations qui ont été
calculées, je suis capable de les défendre. Si vous êtes
capables, vous, de me prouver qu'en donnant des augmentations je diminue mon
loyer, messieurs, ça me fera plaisir de collaborer avec plus que la
parité.
M. LE PRESIDENT: M. Laberge.
M. LABERGE: M. le Président, je ne mets pas en doute les chiffres
de M. Lefebvre, je ne suis pas un expert, mais M. Lefebvre nous donne des
chiffres experts. On a eu d'autres chiffres experts, puis il y a une
différence. Alors, je me pose tout simplement la question.
M. LAPORTE: M. Laberge, si vous permettiez, moi, je ne vous poserai pas
une question, mais je vais vous faire une suggestion ainsi qu'aux autres. M.
Lefebvre nous a donné des chiffres. Je pense que nous avons tous
dépassé, au moment où nous étudions, les arguments
comme "ç'a été fait à la mitaine, ou pas fait
à la mitaine". Répondant à des questions
suggérées par le député de Chicoutimi, M. Lefebvre
a fait un travail sérieux qui est vrai ou qui peut être
infirmé. Cette commission doit être en mesure d'attendre,
j'imagine, que ceux qui vont maintenant nous parler vont confirmer, vont
infirmer, vont discuter les chiffres, les statistiques qui nous ont
été proposés par M. Lefebvre, parce qu'il est bien
évident que cette commission est impressionnée par ce qui nous a
été dit.
Je ne prétends pas que c'est vrai ou pas vrai, M. Laberge, mais,
au moment où vous aurez l'occasion de vous adresser à nous, je
crois qu'il ne serait pas sans intérêt de nous donner votre
opinion sur les statistiques qui nous ont été
proposées.
M. LABERGE: Cela veut dire que vous aimez mieux qu'on ne lui pose pas de
question?
M. LAPORTE: Non, non. M. Laberge, je vous connais, je connais votre
humour, je connais votre façon de poser des questions, mais simplement
dire que ç'a été fait "à la mitaine", ce n'est pas
satisfaisant. Il s'agit de savoir lorsque vous aurez...
M. LABERGE: Je retire le mot "mitaine". Je demandais à M.
Lefebvre si c'était inclus dans son mémoire; il me dit que non,
qu'il avait fait ça sur des feuilles séparées.
M. LAPORTE: Non.
M. LABERGE: Je retire le mot "mitaine".
M. LAPORTE: Je voulais ajouter à ça, M. Laberge. Comme le
journal des Débats, écoutez un petit peu, là; même
fâché, ce n'est pas mieux. Le journal des Débats va nous
donner tous ces chiffres. J'aimerais mieux que vous ayez l'occasion de les
analyser, puis de nous en parler.
M. LABERGE: Bien oui, on va les avoir quand la commission parlementaire
aura fini de siéger.
M. LAPORTE: M. Laberge, on va vous les faire donner d'ici 48 heures.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Sur cette question, je voudrais demander
à M. Lefebvre de continuer de travailler très fort et d'essayer
de comparer les chiffres qu'a évoqués tout à l'heure M.
Laberge et ceux qu'il nous a donnés, afin de voir si, dans les chiffres
dont parle M. Laberge, on a tenu compte uniquement des augmentations à
partir d'un type de métier ou si on a fait une vue d'ensemble de tout ce
qui entre dans la construction, comme vous nous l'avez indiqué dans les
tableaux que vous nous avez donnés et qui vont paraître au journal
des Débats, mais dont nous vous serions très reconnaissants de
nous fournir des exemplaires, si cela vous est possible, dans un délai
très bref.
M. LEFEBVRE: Avec joie, je vais travailler à fournir aux membres
de cette commission et à mes confrères le chiffrier dont je me
suis servi, pour que tout le monde puisse avoir ces chiffres en main.
M. LAPORTE: Je vais faire une autre suggestion, si vous voulez, M. le
député de Chicoutimi. On peut peut-être demander aux gens
du journal des Débats, aussitôt que les épreuves du journal
auront été faites, c'est-à-dire d'ici une heure ou deux,
ou trois ou quatre, que des copies en soient polycopiées pour ceux qui
sont ici, pour qu'ils puissent en faire leur profit et nous faire leurs
commentaires en temps utile. De cette façon, je pense que ça va
satisfaire tout le monde. D'accord?
M. LEFEBVRE: Si vous me permettez de terminer sur une note d'humour,
avec la réaction de M. Laberge, je suis en train de me demander s'il
s'était rendu compte de la portée des augmentations qu'il
demandait.
M. LE PRESIDENT: Voudriez-vous rester disponible, s'il vous plaît,
M. Lefebvre? Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. Lefebvre, je tiens, moi aussi, à vous
féliciter pour le travail que vous avez fait. Mais ce n'était pas
surtout pour cela que je voulais vous poser des questions. Comme vous semblez
vous préoccuper énormément des chiffres, je me demandais
si vous aviez en main le pourcentage de profits que les employeurs peuvent
faire dans ces entreprises.
M. LEFEBVRE: Malheureusement, nous n'avons pas ce pourcentage de
profits. Disons que je puis vous parler, non pas comme représentant,
mais comme ancien constructeur.
M. BURNS: Je préférerais que vous me parliez d'une
situation actuelle. Quel est le pourcentage de profits qu'un employeur peut
faire dans la construction d'une habitation?
M. LEFEBVRE: Cela varie d'une région à l'autre.
M. BURNS: De quoi à quoi, par exemple?
M. LEFEBVRE: Cela peut varier de 4 p. c. à 10 p. c. ou 11 p.
c.
M. BURNS: Oui, ce sont des chiffres authentiques?
M. LEFEBVRE: Authentiques. M. BURNS: Oui.
M. LEFEBVRE: Vous comprendrez que si un entrepreneur dans une
région, construit dix maisons et extrait son revenu de la construction
de dix maisons, évidemment, il devra prendre un profit plus grand, sur
chacune des maisons, que le constructeur qui en construit 300 au cours d'une
même année. Il faut distinguer, ici, encore une fois, deux types
de constructeurs bien différents. Vous avez eu connaissance, comme
député de la région de Montréal, des $200 millions
qui ont été mis de l'avant par le gouvernement
fédéral pour la construction de logements à prix modique,
logements qui s'adressaient à des gens dont le revenu est de $5,000
à $7,000. C'est une classe de la population qui ne pouvait tout
simplement pas se
permettre, ces temps derniers, de s'acheter une maison unifamiliale.
En 1955, avec $3,000 à $4,000, vous pouviez vous acheter une
très belle maison. De fait, dès la mise en marché de ces
maisons, il y avait foule comme chez Eaton au jour des grandes ventes. Il
fallait littéralement faire la queue pour se présenter aux
maisons modèles. Parce que vous pouvez vous les procurer avec $300
à $400 au comptant et que l'on vous assure que le loyer ne
dépasse pas $100 par mois. Je peux vous dire qu'un constructeur, le
président de notre association, entre autres, a vendu, durant 10 jours,
89 maisons. Que d'autres en ont vendu 300 dans l'espace de trois semaines. Et
remarquez que cela faisait cinq mois que ces gars-là ne vendaient plus
rien.
Si je construis il y a des constructeurs qui construisent
aisément 300 maisons par année 300 maisons, cela va de soi
que moi, et un associé, tirons un revenu de cela, eh bien, on peut se
permettre d'avoir de moins gros profits.
Il y a évidemment une question de compétitions dans
certaines régions la compétition est plus forte que dans
d'autres. C'est pourquoi nous savons que, dans la région de
Québec, les profits sont nettement plus élevés que dans la
région de Montréal. Vous donner un chiffre précis?
Malheureusement, il n'y a pas d'études faites là-dessus.
M. LE PRESIDENT: Restez disponible. Le député de
l'Assomption.
M. PERREAULT: C'est seulement pour mentionner que vos notes seront dans
le journal des Débats, mais est-ce qu'il y aurait moyen de les avoir sur
un tableau?
M. LEFEBVRE: Oui, je peux faire un tableau au propre, le faire
dactylographier, et j'imagine qu'on me donnera un moyen de le reproduire pour
que je puisse vous en donner. Mais encore une fois, j'insiste, les chiffres que
je vous ai cités représentent strictement un secteur qui me
concerne. Et, encore une fois, plus que cela, j'ai extrait ces chiffres en
prenant comme exemble un bungalow. Si j'arrive avec un bungalow de $16,000,
vous comprendrez qu'une maison d'habitation, un quatre pièces au
troisième étage, cela ne coûte pas $16,000. Il faudra faire
vous-mêmes, par théorie économique, les recoupages qu'il
faut faire. Mais j'avais ces chiffres disponibles et j'ai pensé pouvoir
répondre à une question qui me semblait drôlement
intéressante, hier.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lefebvre vous permettez, M. le
Président le député de Maisonneuve a parlé
tout à l'heure de la question des profits des entrepreneurs. Nous sommes
sous un régime d'entreprise privée. Il y a évidemment une
marge de profits normale et nécessaire que l'entrepreneur doit prendre.
Je ne vous demande pas de me répondre tout de suite, mais
peut-être pourriez-vous, par un examen de la situation, avec vos
collègues, nous dire qu'elle est la base moyenne de profit et quel est,
selon vous, le coefficient de profit normal qui peut être
inséré dans les bases de calcul telles que vous nous les avez
présentées ce matin, en tenant compte du fait que vous êtes
des entrepreneurs et qu'il est normal que vous fassiez un profit, puisque nous
sommes sous régime d'entreprise privée à moins qu'il y ait
des gens qui déclarent que vous deviez disparaître et que l'Etat
doive se substituer à vous?
M. LEFEBVRE: Voici ce que je me propose de faire pour répondre
à la question bien légitime de Me Burns. Notre association se
trouve présentement en congrès à Montréal et groupe
des constructeurs de toutes les régions. Je suppose que ces
gens-là s'y trouvent. Je vais téléphoner au
secrétaire exécutif et lui demander de faire une enquête
chez trois ou quatre entrepreneurs de chacune des régions
confidentielle, évidemment pour nous donner les marges de profit
habituellement réalisé en pourcentage et en chiffres absolus pour
la construction d'un bungalow, puisque je vous ai donné des chiffres qui
concernaient les bungalows. Je pense être en mesure de vous fournir
ça demain après-midi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci.
M. LAPORTE: Sur un des deux points que vous avez soulevés, la
qualification du travailleur, de l'employé, à l'effet qu'il y a
des étrangers qui envahissent de temps à autre le champ de la
construction, vous savez qu'à compter de novembre il va y avoir la carte
d'identification. Nous espérons, avec la collaboration des syndicats,
régler une partie de ce problème.
Deuxièmement, vous avez parlé de la qualification
professionnelle du constructeur, du bill 51. Il n'est pas, je pense, impossible
d'affirmer que, compte tenu d'une réunion que nous aurons avec le caucus
libéral pour en discuter en dernière analyse, le projet de loi va
être déposé au début de la prochaine session,
c'est-à-dire au début de l'année 1971.
M. LEFEBVRE: Merci, M. le ministre.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Lefebvre. J'inviterais maintenant
l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec,
si cette association est disponible.
M. FOURNIER: Mon nom est Alcide Four-nier de l'Association des
constructeurs de routes. Je pense que lorsqu'on a fait un échange avec
l'Association des constructeurs d'habitations, nous devions prendre sa
place.
M. LE PRESIDENT: Vous voulez donc être le numéro 6?
M. FOURNIER: C'est ça.
M. LE PRESIDENT: Très bien. J'invite donc la
Fédération de la construction du Québec à faire ses
représentations. M. Dion.
M. DION: Je suppose que la commission suspend à midi et demi.
M. LAPORTE: Non, M. Dion, à midi vingt.
Fédération de la construction
M. DION: Mon nom est Michel Dion, de la Fédération de la
construction. M. le Président, nos commentaires vont être
très limités parce que je pense que le problème de la
parité salariale ou de la non-parité salariale a
été suffisamment discuté. Cela serait, je pense, prendre
beaucoup de votre temps que de vouloir répéter les choses que les
autres ont dites. Ceci pour dire que la fédération est contre la
parité salariale. La fédération appuie entièrement
le mémoire du CPQ et le mémoire des électriciens, qui a
été brillamment exposé par M. Lacasse. Il y a aussi M.
Lefebvre qui a réellement bien illustré le problème de la
parité salariale dans la construction en utilisant un secteur de la
construction. Je pense que c'est un exposé qui illustre
réellement le problème que pourrait poser la parité
salariale dans la construction.
A la fédération, juste pour nous situer, nous avons
environ 3,000 entrepreneurs qui exercent à peu près dans 25
spécialités. Nous croyons donc représenter un
éventail assez parfait d'une entreprise exécutante. Nos
problèmes au niveau de la négociation sont nombreux, et
spécialement à cause de celui-ci. C'est que, dans nos
groupements, nous avons des gros et des petits entrepreneurs, nous avons des
entrepreneurs généraux et spécialisés. Nous
représentons également des employeurs qui exercent dans des
centres ruraux et d'autres qui exercent dans des centres urbains. Ceci a
nettement une conséquence sur les négociations, parce que ce que
vous pouvez négocier pour le gros entrepreneur ou pour un centre urbain
n'est pas nécessairement ce qui vaudrait pour un centre rural ou pour un
petit entrepreneur.
Droits de gérance
M. DION : Une fois que tout ça a pu être l'objet de
négociations, nous sommes arrivés au problème suivant.
C'est que les demandes syndicales se faisaient de plus en plus nombreuses et
profondes au niveau du droit de gérance des employeurs.
Nous sommes actuellement, du côté des employeurs,
drôlement attaqués dans nos droits de gérance. Nous croyons
qu'il était essentiel, parce que c'était une négociation
au niveau provincial et parce qu'on éprouvait le besoin d'uniformiser le
plus possible les conditions de travail, nous, de la fédération,
de défendre ici surtout le point de vue des droits de gérance.
Or, l'un des droits de gérance que nous croyons le plus attaqué
actuellement est quand même celui de pouvoir diriger nos employés
aux chantiers.
Ceci m'amène à vous parler d'un point que l'on
considère assez important dans la présente négociation,
l'idée des syndicats de vouloir assujettir les contremaîtres de la
construction. Il serait facile pour moi de vous donner comme exemple ce qui se
passe actuellement au complexe "H", c'est un contrat du gouvernement
où le problème est exactement celui que l'on
soulève actuellement devant vous. Le fait d'assujettir des
contremaîtres de l'industrie de la construction, de les rendre
syndicables, parce qu'on les assujettit à la convention, est pour
l'employeur une chose inacceptable.
On a tenté, lors de la négociation, de trouver une
méthode pour contourner le problème en divisant les
contremaîtres en contremaîtres-cadres, en contremaîtres
salariés, pour contourner entre autres le problème de celui qui
passe de contremaître à salarié et qui revient. Quant
à nous, cette solution est devenue inacceptable, et vous avez sous les
yeux l'exemple du complexe "H". On refuse actuellement, du côté
syndical, le droit au surintendant de diriger les hommes en chantier. On
prétend que ce droit-là appartient directement au
contremaître. D'un autre côté, on dit que le
contremaître est un gars qui devrait être assujetti à la
convention, donc assujetti au régime syndical. A ce moment-là,
nous croyons que le fait de l'assujettir au régime syndical rend sa
fonction incompatible avec celle de diriger les hommes au nom de l'employeur,
d'embaucher, d'imposer des mesures disciplinaires. C'est impossible pour un
gars qui fait partie de l'unité syndicale de pénaliser ses
confrères valablement au nom de l'employeur.
M. LAPORTE: M. Dion, si vous permettez, j'accepterais le raisonnement
que vous faites, mais je voulais simplement puisque vous parlez du complexe
"H", signaler dans quelles conditions particulières le droit de
gérance s'exerce actuellement. C'est tout le problème que nous
avons à régler. De l'autre côté, sans vouloir
prétendre que le contremaître fait ou ne fait pas bien son
travail...
M. DION: C'est un bon gars ou ce n'est pas un bon gars, M. le ministre,
je vous l'accorde, mais...
M. LAPORTE: Non...
M. DION: ... ça illustre quand même le problème.
M. LAPORTE: Non, ça ne l'illustre pas dans
ce cas-là. Vous avez la loi 38, M. Dion, qui oblige les ouvriers
à être en chantier. Ils y sont obligés, sous des peines
très sévères. Le ministre du Travail et, encore une
fois, je ne juge pas du cas; mais c'est parce que vous prétendez, vous
affirmez quelque chose et sur le reste je suis d'accord ne pourrait pas
accepter l'image d'un contremaître qui dirait: Vous autres, ouvriers,
vous êtes obligés de rester en chantier, fiez-vous à moi,
vous allez travailler. C'est là le problème. Actuellement, en
vertu de la loi, il y a interdiction de faire la grève. Il ne faudrait
pas et là, encore une fois, je ne prétends pas que ce soit
le cas que ceci se transforme pour l'employeur en une occasion
d'exploiter son employé. C'est tout le problème que nous avons
actuellement devant nous.
M. DION: Disons, M. le ministre, MM. de la commission, que ce n'est pas
sur ce point-là que je voulais m'appuyer. Je voulais illustrer
simplement que, au niveau de l'employeur, le fait qu'un contremaître
serait dans l'unité syndicale limiterait son droit de gérance
avec cet employé et il serait obligé, à ce
moment-là, de recourir à un officier supérieur pour
pouvoir exercer son droit de gérance.
M. LAPORTE: Quant au reste, votre raisonnement est parfaitement
légitime.
M. DION: Quant aux contremaîtres, c'est clair que, comme
représentants des employeurs, nous nous opposons à ce que le
contremaître fasse partie de l'unité syndicale, si on veut
réellement que cette personne-là puisse exercer ses fonctions de
contremaître valablement.
Ancienneté
M. DION: Nous voulons également attirer votre attention sur le
problème de l'ancienneté dans l'industrie de la construction. Je
ne donne que des résumés d'argumentation, parce que je pense que
chacune des parties a fait un exposé brillant du problème. Je ne
voudrais pas donner de la matière inutile, mais simplement vous dire que
l'ancienneté, quant à nous, c'est, dans l'industrie de la
construction, une clause inapplicable. Cela vient à l'encontre des
droits de gérance parce qu'à un moment donné l'employeur
n'a plus aucun contrôle sur sa main-d'oeuvre. Cela implique le "bumping",
excusez le terme anglais. Cela implique que l'employeur, parce qu'il a
engagé tel employé avant tel autre, va être obligé
de mettre à pied un excellent employé sur un autre chantier parce
que l'autre est devenu disponible, le chantier étant fermé.
Cela implique également, en vertu du jugement Gold parce
que le jugement Gold devra s'appliquer à un moment donné
toute une série de procédures qui ont justement été
mises de côté par le jugement Gold. Le jugement Gold ne voulait
pas conclure au "bumping". Le jugement Gold, je pense, ne voulait que favoriser
l'engagement de la main-d'oeuvre qui est en chômage depuis le plus de
temps. Si, à un moment donné, on inclut, en plus de cela, un
système d'ancienneté, c'est clair et net qu'au niveau des
employeurs, nous sentons que nous avons complètement perdu le
contrôle de la main-d'oeuvre. Comme employeurs parce qu'il y a
quand même, chez nous, des employeurs nous pensons que nous avons
le droit d'avoir un certain contrôle sur la main-d'oeuvre.
On est obligé d'admettre, aujourd'hui, que la main-d'oeuvre n'est
pas également compétente, n'est pas également productive
et n'est pas spécialisée de la même façon. Je peux
avoir deux personnes détenant des cartes de compétence de
menuisier, qui ne seront pas capables d'exécuter complètement,
exactement le même travail, de la même façon et dans le
même temps. Certains menuisiers ont pu être
spécialisés dans le gros oeuvre, c'est-à-dire les formes
et ces choses-là; d'autres ont été
spécialisés en finition. A toutes fins pratiques, c'est difficile
d'accepter qu'un menuisier, parce qu'il est à l'emploi de tel employeur
depuis six mois, va venir prendre la place de l'autre au moment où j'ai
des travaux de finition à faire, simplement parce qu'il a
été engagé avant. Il n'est peut-être pas
suffisamment ou également compétent pour faire le travail.
L'un des points les plus importants pour nous, c'est la question des
droits acquis. Dans l'industrie de la construction, quant à nous, c'est
drôlement inacceptable. Si on a vu certains droits être
négociés antérieurement dans des conventions,
c'était dans des cadres bien particuliers. Il n'existait pas telle ou
telle condition ou, parce que, dans telle région, il y avait telle et
telle condition, tel droit était nécessaire.
Aujourd'hui, parce qu'on est entré dans une négociation au
niveau provincial, on voudrait amener tous ces droits acquis là dans une
même convention et étendre leur application à tous les
travailleurs de la construction. Bien, c'est une méthode inacceptable
quant à nous, parce qu'elle ne tient pas compte du tout de
l'environnement de ce droit-là lorsqu'il a été
négocié. Cela ne tient pas compte, non plus, d'un
phénomène d'uniformisation. On s'est rendu compte, dans la
présente négociation et on le savait au départ
qu'on faisait une négociation à la hausse. C'est clair
qu'on ne pouvait pas faire de négociation à la baisse.
On ne pouvait pas faire de négociations à la baisse sur
les principaux points d'une convention. Mais, si M. X, dans telle
région, pour telle et telle raison, lorsque cela a été
négocié, a obtenu tel droit, penser de s'accorder à tous
les travailleurs de la construction, cela dépasse, logiquement, les
choses qui peuvent être demandées à la table.
Quant à nous, nous sommes opposés aux droits acquis, sauf
que nous avons admis, quand
même, que certains droits acquis de certaines régions
pouvaient devenir des droit généraux, parce que le contexte est
encore semblable, parce que le besoin est encore le même que lorsque ce
droit avait été négocié. Mais, aujourd'hui, penser
d'importer toutes sortes de droits acquis, cela est totalement à
côté du problème.
Je donne l'exemple d'un droit acquis. On a mentionné, dans un
document d'une des parties syndicales, les vacances obligatoires. C'est clair
que certains ouvriers de la construction avaient des vacances obligatoires dans
certaines régions. Nous avons pensé valable, normal d'offrir que
les vacances obligatoires s'appliquent à toute l'industrie de la
construction. C'est un droit acquis que nous avons considéré, que
nous avons étendu, que nous avons uniformisé. Mais, penser que,
parce que M. X, dans tel métier, à un moment donné, avait
droit à $0.18 le mille, on accordera à tous les ouvriers de la
construction $0.18 le mille, c'est prendre le problème de
peut-être 20 ou 25 employés et en faire une règle
générale sans aucune justification. Celui-là a
peut-être des conditions de travail qui sont plus justifiées. Je
pense à un employé qui est plus appelé à se
déplacer durant une même journée.
Sur les droits acquis, il est clair que nous sommes opposés
à leur uniformisation, simplement parce que cela existait. Il faut quand
même prouver que c'est un besoin général de la
construction.
Sur la question du temps et des frais de déplacement, nous
croyons et là, je crois que la proposition patronale est assez
uniforme que l'offre des parties patronales est conforme à la
réalité, est conforme aux besoins et traduit assez bien
l'état de l'industrie de la construction.
Il y a une chose que l'on retrouve dans l'industrie de la construction
et qui est assez comique, c'est qu'on paie les gens pour venir travailler. On
paie les gens à partir de chez eux, le matin, jusqu'au bureau, ce qu'on
retrouve assez rarement dans d'autres industries. C'est un
phénomène qui existe et je ne veux pas le combattre. Je ne
cherche pas à dire : On devrait éliminer cela. Mais, je pense
qu'on admet quand même, dans toutes les industries, qu'un gars qui part
de chez lui, le matin, peut faire, théoriquement, pendant une demi-heure
ou quinze ou vingt minutes, environ 30 milles de chemin pour se rendre à
son travail. Notre proposition sur les frais de transport tient compte de ce
phénomène qui est réel dans toutes les autres industries.
Tout employé du gouvernement ne reste pas à la porte des bureaux
du gouvernement. Il se déplace, pour se rendre à son travail. Or,
nous trouvons logique que l'ouvrier de la construction fasse un certain
déplacement et, ce déplacement, nous le justifions par un millage
d'environ 35 milles. Je pense que c'est 35 milles qui est proposé.
Quant au reste, c'est clair que, si l'employeur oblige ses
employés à se déplacer durant la journée ou
à aller travailler dans des endroits éloignés,
l'employé a tellement droit à une rémunération ou
à une compensation pour cette dépense additionnelle. La
proposition que les parties patronales ont faite tient compte de cette
réalité. C'est clair qu'on ne paie pas aux ouvriers de la
construction une chambre au Reine Elisabeth, sans faire de publicité.
Mais on paie aux ouvriers de la construction un logement ou une pension qu'on
croit normal dans l'industrie en général.
Heures de travail
M. DION: Quant aux heures de travail, il y a là un
phénomène de réduction qui peut sembler insignifiant pour
certaines parties, mais qui, pour certains employeurs, représente un
problème sérieux. C'est la réduction à quarante
heures par semaine, avec une série d'exceptions que je
n'énumérerai pas, mais qui sont contenues dans notre document et
que nous croyons toutes valables.
La réduction à 40 heures par semaine présente le
problème suivant: c'est que, dans l'industrie de la construction, on
procède sous forme de soumissions et de contrats; du moins, dans la plus
grosse construction, c'est la méthode de travail. Penser aujourd'hui
cela s'applique également aux augmentations de salaires du
jour au lendemain, modifier tout ce cadre des heures de travail, des salaires
ou d'autres conditions qui ont une influence pécuniaire, c'est ne pas
prendre en considération l'élément réel de
l'industrie de la construction qui est une opération par soumissions et
contrats.
Nos employeurs sont actuellement liés par des contrats qui
peuvent s'étendre sur six mois, un an, et même plus que cela.
Aujourd'hui, changer totalement les conditions de travail et leur imposer une
diminution immédiate de toutes les heures de travail à 40 heures,
c'est forcer l'employeur, pour pouvoir atteindre son échéance de
contrat, à faire du temps supplémentaire et à payer un
coût qu'il n'a pas pu évaluer avant. C'est peut-être aussi
le forcer à augmenter sa main-d'oeuvre pour pouvoir réaliser,
dans le même temps, le travail. Peut-être qu'à ce
moment-là, on le mettra devant une pénurie de main-d'oeuvre qu'il
ne pourra pas contrôler.
Notre représentation est la suivante: nous sommes d'accord pour
la semaine de 40 heures, sauf les exceptions qu'on croit essentielles. Mais,
cette réduction ne peut pas se faire, d'après nous, du jour au
lendemain. Elle devrait être faite sur une base progressive, de
façon à permettre aux employeurs d'absorber ce
coût-là. Cela me permet de vous dire ceci sur les salaires:
Longtemps, les gens avaient l'air de prétendre que, lorsqu'on donnait
une augmentation de salaires, l'employeur prenait l'argent dans sa poche et
payait. Disons que, partielle-
ment, cette affirmation est vraie. C'est vrai que, lorsque j'ai un
contrat signé et que je donne une augmentation de salaires, c'est moi
qui en subis les conséquences.
Peut-être que cela a l'air drôle, du côté de
l'employeur, de le dire, mais il faut quand même admettre qu'à
toutes fins pratiques l'augmentation d'un coût de construction ou
l'augmentation d'un salaire, cela ne sort pas de la poche des employeurs dans
cinq ans. Dans cinq ans, c'est celui qui donne de l'ouvrage qui va payer. Dans
deux ans aussi. Lorsque le contrat sera terminé, l'entrepreneur
soumissionnera au coût. Ce qui est important pour l'employeur, ce n'est
peut-être pas ce qui va arriver dans deux ans, ce qu'il va sortir de sa
poche, parce qu'à ce moment-là, il pourra le prendre en
considération. Ce qui est important pour lui, c'est l'effet de
l'augmentation de ces coûts sur le volume de construction qu'il pourra
faire.
Là, je ne voudrais pas entrer j'ai dit que je ne le ferais
pas dans l'explication de la parité et de la non-parité.
Mais je pense qu'il est drôlement important que vous considériez
ceci: si, dans l'industrie de la construction on donne des augmentations de
salaires telles que le volume de la construction diminue, on favorisera le
chômage. On favorisera également un ralentissement de l'industrie
de la construction.
C'est quand même une grosse partie de l'économie,
l'industrie de la construction. C'est sur ces points-là et je
pense qu'on pourrait drôlement insister sur son influence sur
l'économie que nos employeurs se battent, en plus du
problème de contrats à signer ou de soumissions à donner.
Je pense que le problème fondamental se situe au niveau de la diminution
du volume de la construction et à la diminution ou à l'influence
que ça peut avoir sur l'économie. Je voudrais également,
et c'est dans les derniers points, souligner que, d'après nous, dans une
négociation il y a deux sortes de demandes. Il y a ce que nous appelons
les demandes au point de vue humain pour rendre l'industrie de la construction
humaine, ce qui implique de donner des périodes de repos, de donner des
abris, des endroits chauffés, de faire pour le travailleur de la
construction que son industrie soit humainement viable, que son industrie soit
salutaire pour lui et qu'il y gagne heureusement et valablement sa vie. Ces
clauses, habituellement, ne présentent pas de problème à
la table de négociations. On peut presque dire qu'elles ont toutes
été négociées parce que c'est une question
d'humanité. Je ne pense pas que ce soient les clauses qui aient
causé le plus de problèmes à la table des
négociations. Ce qui est important à la table des
négociations, ce sont les clauses économiques, les clauses qui
ont une influence au point de vue de l'argent, qui ont une influence au niveau
de l'argent, qui ont une influence au niveau de l'employeur et qui ont une
influence au niveau du public.
Nous avons eu, depuis nombre d'années, cette espèce de
rôle d'essayer de défendre le public...
M. LE PRESIDENT: Prévoyez-vous pouvoir terminer à
l'intérieur de...
M. DION: Si vous m'accordez trois minutes, je vais essayer de terminer.
Ces clauses économiques, pour nous qui sommes quasi défenseurs du
public, ce sont celles qui nous intéressent le plus. Pour autant qu'on
donne aux employeurs des clauses économiques qui sont évaluables
afin qu'ils puissent faire des soumissions et signer des contrats, je pense que
ces clauses se négocient également facilement. Ce qui ne se
négocie pas et ce qui ne s'accepte que très difficilement du
côté des employeurs, c'est ce qu'on n'est pas capable, à un
moment donné, d'évaluer une prime de froid, par exemple. Parce
qu'il fera 10 sous zéro on veut avoir une prime. Ecoutez, à quel
moment l'employeur, en préparant une soumission, peut-il évaluer
qu'il fera froid 25 jours et qu'il fera chaud 25 jours? Ce sont des choses
inacceptables. C'est une chose inacceptable également que de payer une
prime pour le travail sur un échafaudage, par exemple. L'industrie de la
construction travaille continuellement sur des échafaudages. Combien de
temps dans une journée un employé aura à monter sur un
échafaudage, c'est une chose qu'on n'est pas capable d'évaluer
dans l'industrie de la construction. Cela fait mal aux employeurs; c'est
difficilement négociable par ces gens-là. Il est clair, que quant
aux primes, nous sommes drôlement opposés à des choses qui
ne sont pas facilement évaluables économiquement et que, pour ma
part, parce que c'est la façon dont nous produisons, nous ne pourrons
pas retransmettre au public parce que nous vendons un produit au public.
Champ d'application industriel
M. DION: Le dernier point, très rapidement.
Pour ce qui est de la clause du champ d'application industriel, nous ne
voulons pas ici, nous, faire un grand exposé pour vous dire: C'est vrai
qu'on a peut-être dépassé ce que la loi nous permettait de
couvrir par travaux de construction. Nous voulons simplement vous dire ceci: On
ne cherche pas à étendre notre champ d'application industriel
dans l'industrie de la construction. Mais, il y a des choses dont on s'est
rendu compte à la table; on nous demandait et on ne peut
drôlement pas l'accepter de couvrir ce qui n'est pas
réellement à notre avis l'industrie de la construction. Cela,
c'est clair qu'on ne l'acceptera pas, le transport de matériaux de
construction par un manufacturier qui s'en vient sur le chantier, c'est
inacceptable; du travail en atelier, ce n'est pas l'industrie de la
construction du bill 290; quant à nous, c'est inacceptable et on ne peut
pas le couvrir dans les décrets; les installations
de matériaux dans le champ d'application industriel, une clause
où on demande de pouvoir installer les matériaux que le donneur
d'ouvrage nous demande d'installer, quant à nous, c'est une clause
essentielle.
Pour couper court et permettre à la commission de suspendre ses
travaux non parce que je sens qu'il est inutile de vous dire ces
choses-là, mais je pense que c'est inutile de répéter
verbalement ce qui est écrit dans le document. On a tenté, dans
le document, de résumer et non pas de toucher complètement tous
les points. Mais, je souligne que, quant à nous, les points essentiels
sont les suivants: le contremaître c'est clair la
parité salariale et la non-parité. La question du
contremaître, de l'ancienneté, des droits acquis, la question des
frais de transport, d'heures de travail sont, quant à nous, des points
essentiels sur lesquels nous voudrions que la commission se penche et trouve,
nous en sommes sûrs, une solution logique et valable pour les employeurs.
Merci.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Dion, de votre compréhension. Je pense
que vous avez fait brièvement et c'est très sage. Je demanderais
aux membres de la commission s'il y a des questions brèves.
Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. Dion, je vais vous poser la même question que j'ai
posée à M. Lefebvre. Est-ce que, dans votre cas, votre
fédération a les chiffres sur le pourcentage de profit des
employeurs?
M. DION: J'espérais que vous me posiez la question, parce que je
veux essayer de vous transmettre cet après-midi, non pas une
étude que la fédération a faite, mais des chiffres qui ont
été préparés, entre autres, pour CCA, l'Association
canadienne de la construction, c'est un organisme national. Vous pourrez dire
que c'est une évaluation au niveau national, mais elle impressionne
drôlement. De mémoire, et j'émets sous toutes
réserves, ce chiffre, on prétendait que les employeurs en
construction, ceux qui faisaient du profit, faisaient un profit de 1.3 p.c. Et
je peux vous faire une certaine relation...
M. BURNS: Ce sont des chiffres globaux, c'est-à-dire
là-dedans vous avez...
M. DION: C'est ça, la grosse et la petite...
M. BURNS: ... des employeurs inefficaces, les petites
"bébelles".
M. DION: C'est clair, comme vous avez, de tous les côtés,
des gens plus ou moins compétents, c'est ça.
M. BURNS: Est-ce que vous avez des chiffres? Est-ce sur le volume
d'affaires ou sur certains investissements?
M. DION: Je ne veux justement pas embarquer là-dedans. J'aurai le
document probablement cet après-midi et je pourrai vous le donner, de
bonne heure.
M. BURNS: Est-ce qu'ils seront disponibles par groupes d'employeurs, si
vous voulez, les petits employeurs et les gros? Non.
M. DIONS: Je ne le pense pas. C'était global, effectivement.
M. LE PRESIDENT: Même si nous approchons de midi et demi et que la
séance est presque suspendue, j'aimerais un peu de silence pour
permettre à M. Dion...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, invoquant la
procédure de la commission, le ministre du Travail avait proposé
que nous ajournions à midi vingt; il est midi vingt-cinq. M. Burns est
en train de poser des questions fort intéressantes. Nous en aurons
d'autres à poser à M. Dion. Je pense bien que nous...
M. LAPORTE: Vous suggérez que nous suspendions tout de suite.
D'accord. A trois heures, M. Dion pourra répondre aux questions.
M. DIONS: Trois heures. M. LAPORTE: D'accord.
Reprise de la séance à 15 h
M. BOSSE (président de la commission permanente du Travail et de
la Main-d'Oeuvre): A l'ordre, messieurs! La séance est ouverte. Nous
reprenons avec M. Dion.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Chicoutimi. Un
peu de silence, s'il vous plaît.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Dion...
Profits des entrepreneurs
M. DION: M. Tremblay, si vous voulez bien m'excuser. M. le
Président, en réponse à la question de M. Burns, ce matin,
j'ai parlé de statistiques, de chiffres. Les recherches que nous avons
faites nous ont permis de retrouver un schéma de ce que nous voulions
illustrer ce matin. J'ai photographié environ 25 copies. Je pense que je
dois présenter le problème de la façon suivante: Les
chiffres sur lesquels nous nous sommes appuyés sont des chiffres pour
tout le Canada; ils illustrent la marge de profit que réalisent les
entrepreneurs en construction sur le volume de construction.
Ces chiffres peuvent être obtenus par quiconque du Bureau
fédéral de la statistique. Ceux que j'ai photographiées
et ce n'est pas volontaire vont de 1954 à 1966. Ces
chiffres peuvent encore être obtenus pour des années plus
récentes. Je veux simplement souligner à la commission que,
lorsque j'ai mentionné 1.3 p.c. ce matin, j'étais tout
près de la vérité, mais un peu en dehors; c'est
inférieur pour certaines années, spécialement pour 1969.
Les dernières statistiques prouvent que le profit, après
taxation, est inférieur, dans certains cas, à 1 p.c.
J'ai également en main si d'autres questions
étaient posées sur le sujet et malgré que cela ne devrait
pas intervenir dans le débat d'autres chiffres qui pourraient
être donnés sur les profits qui sont réalisés par
les entrepreneurs de la construction. D'après une enquête
auprès de 7,000 entreprises, il y a environ 59.5 p.c. qui
réalisent un profit et ce profit est réalisé par au
maximum, je pense, 3.6 p.c. des entreprises, qui ne réaliseraient
même pas un profit de 1 p.c.
Je comprends et c'est la réserve que je veux y faire
que le volume joue énormément. Il est clair que le volume
joue énormément. C'est différent de l'industrie de
l'habitation où le volume est peut-être moins grand.
Je prends un entrepreneur qui fait $5 millions, s'il fait 1 p. c. de
profit par année, cela peut être drôlement
intéressant. C'est d'accord.
M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési- dent, j'ai entendu, cet
avant-midi, les représentations de M. Dion et j'aurais deux ou trois
questions à lui poser. M. Dion nous a dit que l'organisme qu'il
représente s'oppose à la clause d'ancienneté, de
même qu'à la clause des droits acquis. Est-ce que, selon votre
avis M. Dion, cela tient à la nature des entreprises que vous
représentez?
M. DION: Je crois que oui. Cela tient à leur nature, mais quand
je parle au niveau des droits acquis, je pense que ça tient au niveau du
contexte pour lequel ces droits ont été consentis. Ces droits que
l'on prétend acquis, sont acquis à un groupe restreint de
personnes et ont été obtenus dans un cadre bien spécial.
Admettons qu'il y aurait un droit, acquis qui dirait que tous ceux qui
travaillent sur les quais ont droit, parce qu'ils sont sujets aux
marées, à tel genre de conditions de travail. Etendre cette
clause-là à toute la province est impensable pour la raison
suivante: cela a été donné dans un milieu
spécifique, à cause de telles et telles conditions du milieu et
cela n'a aucune raison d'être étendu au niveau de la province. Les
droits acquis sont limitatifs au point de vue des personnes, limitatifs aussi,
dans le cadre dans lequel ils ont été donnés. Que l'on
pense à étendre ses droits acquis au niveau de toute la province,
à ce moment-là, on ne traite pas l'industrie de la construction
d'une façon logique. On la traite en disant: II suffisait à un
moment donné d'avoir été chercher une prime pour les gars
qui font de la couverture dans la région très haute de Duplessis
pour dire que cette prime s'applique à tous les gens de la province. Je
pense que ce n'est pas là tout à fait la logique de l'industrie
de la construction.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et pour la clause d'ancienneté, ce sont
les mêmes raisons?
M. DION: Quant à la clause d'ancienneté, je pense que
c'est celle qui illustre le plus le danger d'enlever chez l'entrepreneur tous
ses droits de gérance. Un exemple de l'application de la clause
d'ancienneté est le suivant. Aujourd'hui, je suis engagé dans un
chantier qui va durer six mois, j'ai un autre chantier à
côté qui est en opération depuis six mois, il finit demain.
Parce que celui qui a été engagé dans le deuxième
chantier, qui dure depuis six mois, parce que j'ai la clause
d'ancienneté, tous les gens qui sont dans ce chantier, dès leur
mise à pied, ont préséance sur les emplois du nouveau
chantier que j'ouvre. C'est ce qu'on appelle le "bumping", en bon
français, cela veut dire que toute la main-d'oeuvre qui est là va
être complètement balancée pour être remplacée
par la main-d'oeuvre qui est au service de l'employeur.
Dans un contexte où l'on recherche la sécurité
d'emploi pour les travailleurs, c'est clair que les premiers entrés vont
réellement avoir la sécurité d'emploi aux dépens de
tous les autres
qui vont continuellement être renvoyés d'un chantier
à un autre. Ils n'obtiendront probablement aucune sécurité
d'emploi dans un système où il y a de l'ancienneté.
Lorsqu'on parle d'ancienneté, il y en a différentes
formes. Celle qui est demandée, c'est l'ancienneté à
l'intérieur de la province, au niveau d'un employeur. Il faut quand
même admettre que, si on est pour déménager un
salarié d'une région à l'autre à cause de son
ancienneté, l'employeur devra faire face, entre autres, à des
frais de déplacement, à des frais de pension si on donne suite
aux demandes syndicales. Cela est drôlement inacceptable pour un
employeur.
Si je suis obligé de prendre un travailleur qui est à mon
emploi depuis longtemps à Québec et de l'amener travailler
à Sherbrooke, parce que la clause d'ancienneté m'oblige à
faire cela et si je donne suite à la clause des frais de transport que
les syndicats me demandent, je devrai payer des frais de transport à
cette personne-là. Or, je pense que l'ancienneté est inacceptable
dans l'industrie de la construction, parce qu'il y a beaucoup d'employeurs. On
n'est pas au niveau d'un seul employeur dans une usine; on est au niveau de
peut-être 14,000 ou 15,000 employeurs dans la province.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'imagine qu'une fois réglée la
question qui fait l'objet de l'application de la loi 38 vous songez à
proposer des amendements à la loi 290 pour établir les
catégories de travailleurs qui pourraient jouir de ces clauses
d'ancienneté, de droits acquis, d'heures de travail, de transport, etc.
En somme, ma question revient à celle que j'ai posée
déjà: Est-ce que le fonctionnement cahoteux de la loi 290 ne
provient pas du fait justement qu'on a marié des entreprises qui ne
présentent pas du tout les mêmes caractères dans les
faits?
M. DION: Là-dessus, M. Tremblay, je vous dirai qu'on est l'une
des parties patronales qui ont demandé depuis un certain temps qu'il se
fasse une enquête dans l'industrie de la construction pour voir ce qui ne
va pas à l'heure actuelle et ce qu'il faudrait faire pour que ça
aille bien. Alors, on est certainement d'accord pour qu'il se fasse un travail
en profondeur sur la possibilité d'appliquer la loi ou de l'amender, si
c'est nécessaire. Voici une petite allusion qu'on pourrait faire. Si les
gens de bonne foi avaient voulu appliquer la loi 290, on a drôlement
l'impression que ça aurait pu aller, quoiqu'il aurait resté,
quand même, certains problèmes que vous soulignez et qui sont
réels. Il y a des différences entre les parties; ce n'est pas
homogène, c'est drôlement hétérogène.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Dion, vous n'avez pas
parlé, ce matin, du problème de la parité salariale; vous
l'avez évoqué simplement.
Il nous a paru que vous étiez d'accord avec ceux qui ont
plaidé hier contre la parité salariale. Je voudrais vous poser
une question à partir d'un fait précis qui a été
porté à ma connaissance. Dans le cas, par exemple, d'une
entreprise de construction de la région de Chicoutimi, soit plus
précisément Arvida, celui de la construction du laminoir, vous
avez des gens de Montréal qui travaillent selon les tarifs de
Montréal avec des gens de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean
qui font exactement le même travail. Ils travaillent en équipe
avec ces gens de Montréal et n'ont pas le même salaire. Il y a une
différence assez importante de salaires entre ces gens-là. Quelle
peut être votre opinion là-dessus si tant est que je puisse me
permettre de vous la demander?
M. DION: M. Tremblay et MM. de la commission, je n'ai pas voulu mettre
de chiffres. Je pense que la fédération aurait pu, comme d'autres
parties, mettre beaucoup de chiffres sur la table pour prouver que la
parité est inacceptable, etc. Je pense qu'il y en avait suffisamment.
Notre pensée aurait pu être exprimée, mais je vous la
résume de la façon suivante: On admet que, dans l'entente du 10
juillet 1969, il a été question de compétence, par cartes
provinciales, avec une parité salariale. Cette partie, on l'a admis.
Lorsque les gens seront également compétents, il y a peu
de raisons, sauf les problèmes économiques, pour permettre des
salaires différents. Si je suis capable, aussi bien qu'Arthur ou Jean
est capable de faire le même travail, il y a peu de raisons qui
justifient, au niveau de la compétence, d'avoir des salaires
différents. Le seul argument que je puisse maintenir à ce
niveau-là, c'est une question d'économie locale ou
d'économie régionale. A compétence égale, les gens
devraient avoir le même salaire, normalement, sauf les influences que
cela peut avoir sur l'économie de la région.
Il y a ceci qui se présente, et je reprends là un exemple
qui, je pense, a été amené par M. Cardinal hier. Il a dit:
Les notaires ont tous le même tarif, ainsi que les avocats. Lorsqu'un
avocat est plus compétent et a le droit, d'après le Barreau
d'exiger un honoraire de $150 pour régler tel problème, je pense
que celui qui est compétent va le régler en dedans d'une
demi-heure. Celui qui ne l'est pas va peut-être prendre trois heures pour
le régler. Ils reçoivent le même taux d'honoraire. L'un le
gagne dans une demi-heure et l'autre dans une heure. A la fin, le revenu des
deux n'est pas du tout le même. Je pense que c'est peut-être
là qu'il faut illustrer la parité. C'est que si les deux
travailleurs de la construction produisent dans un même temps le
même travail, la même valeur de travail, à ce
moment-là, on peut parler de parité entre les personnes. Mais
lorsque les gens, par voie de compétence, et on ne peut pas
blâmer les gens d'être plus ou moins compétents
ne
sont pas capables de produire la même chose dans le même
temps, je suis immédiatement obligé d'avouer que je ne peux pas
payer une personne le même prix que l'autre parce qu'elle ne produit pas
la même chose, elle n'a pas la même compétence.
Je suis obligé de remplacer tel salarié pour
compléter tel travail, parce que, lui, il s'est spécialisé
dans telle branche de son métier. Il n'est pas capable de
compléter son travail, parce qu'il n'est pas capable de remplir
complètement sa carte de compétence.
Il y avait énormément de régions où les
examens de compétence, pour obtenir les cartes, étaient
drôlement différents, avec le résultat que la main-d'oeuvre
n'est pas toute également compétente et, de prime abord, on ne
peut pas offrir à tout le monde le même salaire. C'est de la pure
logique.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, M. Dion, vous admettrez avec moi que
cette comparaison entre les avocats et les employés des métiers
de la construction est passablement boiteuse, n'est-ce pas?
M. DION: C'est-à-dire qu'elle ne permet peut-être pas de
conclure pour l'industrie de la construction, mais elle est drôlement
valable pour les avocats.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais, dans le cas que j'évoque, il
s'agit de deux employés qui exécutent exactement le même
travail, qui ont la même carte de compétence, exactement. La
preuve qu'ils ont la même compétence, c'est qu'on les allie pour
faire équipe afin d'exécuter un travail donné. Je parle du
cas du laminoir à Arvida. Pourquoi, selon vous, cet homme de la
région de chez nous n'aurait pas droit au même salaire que celui
qu'on a importé de Montréal?
M. DION: M. Tremblay, vous prenez comme prémisse que les gens ont
la même carte. Je suis d'accord, ils peuvent avoir tous les deux un
carton de la même couleur sur lequel il est écrit:
charpentier-menuisier.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Comme les avocats ont le même
diplôme signé par le recteur.
M. DION: Ils ont tous un certificat signé par le Barreau du
Québec, mais cela ne veut pas nécessairement dire qu'ils
possèdent tous la même compétence. Je pense qu'en
économique je n'y connais rien, mais celui qui a un diplôme
d'économiste y connaît quelque chose.
Dans l'industrie de la construction, une série de gens peuvent
avoir une carte de compétence de menuisier, mais ne pas tous avoir la
même compétence. Dans la compétence, il faut
considérer l'expérience. C'est peut-être drôle de le
dire, mais le gars de Montréal a une expérience plus grande, pour
la raison suivante: II y a beaucoup plus de travaux, le volume est plus grand.
L'expérience des travaux est beaucoup plus grande aussi. Il travaillera
à différentes sortes de constructions. Son expérience est
beaucoup plus étendue que l'expérience de celui qui est en
Gaspésie, par exemple. Je n'en veux pas aux gens de la Gaspésie,
mais des palais de justice de $12 millions ou $15 millions, en Gaspésie,
il ne s'en fait pas trop souvent. Et les polyvalentes de $7 millions ou $8
millions, en Gaspésie, il ne s'en fait pas trop souvent. Ce n'est pas le
même volume de construction, ce n'est pas la même diversité
de construction, en Gaspésie.
Or, le gars qui est menuisier ou plâtrier dans la région de
Montréal a acquis une expérience qui lui donne peut-être
une compétence plus grande je pense que c'est drôlement
relié et, donc, une productivité qui peut drôlement
être différente de celle du gars de la Gaspésie qui,
peut-être, deux, trois ou quatre mois par année travaille dans la
construction et va faucher après.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Dion, cela pourrait valoir dans le cas de
quelqu'un de la région de chez nous, qui n'est jamais sorti de la
région et qui aurait de ce fait une compétence, disons, moindre.
Mais dans le cas que j'évoque, il s'agit d'employés de la
construction qui ont déjà travaillé sur les grands
chantiers de Montréal, exécutant exactement les travaux qu'on
leur fait faire actuellement à Arvida. Cet homme-là, en vertu de
la mobilité de la main-d'oeuvre, s'est déplacé sur la
Côte-Nord, à Montréal, un peu partout, sur des grands
chantiers où il a travaillé. Il a acquis, à mon sens, la
même compétence que le gars de Montréal. Alors, pourquoi
n'aurait-il pas le même salaire, travaillant en équipe avec un
gars de Montréal ? Maintenant qu'il travaille à Arvida, on lui
donne moins.
M. DION: Ecoutez, je ne veux pas refaire votre question. Vous pourriez
me demander pourquoi il ne l'avait pas. Quand vous me demandez pourquoi il ne
l'aura pas, je peux vous dire que nous avons admis tantôt que la personne
qui pourra obtenir la même carte de compétence que le gars de
Montréal, celui qui pourra satisfaire aux cartes de compétence
qui seront émises normalement en vertu du bill 49, tous ceux qui auront
la même carte de compétence provinciale qui sera émise en
vertu de ce bill devront, nous l'admettons, c'est le paragraphe a) de l'entente
du 10 juillet, avoir le même salaire. Je pense que cela répond
à votre question. C'est qu'il n'y avait pas de cette sélection
avant le bill 49, pour être certain que tous les gens avaient la
même compétence. On l'aura, en vertu du bill 49. Je pense que
notre proposition était claire sur ce point. Nous
admettons la parité pour les gens qui auront la même carte
de compétence après avoir subi les mêmes examens.
M. LAPORTE: Un cas pratique. Disons que la compétence
égale, c'est très bien. Mais vous avez là un cas, disons,
récent sur un chantier, quelque part dans la province de Québec
je ne veux pas l'identifier davantage on a recours à toute
la main-d'oeuvre locale, électriciens, bon, si vous voulez, pour faire
le travail. On les juge donc compétents puisqu'on fait appel à
eux. On leur paie les salaires acceptés dans la région. On
épuise, par le nombre, la main-d'oeuvre. Il n'y en a plus. On doit faire
appel à d'autres gens de même métier de Montréal.
Ils viennent de Montréal et reçoivent les salaires de
Montréal, alors que les autres, qui ont été jugés
compétents puisqu'on a retenu d'abord leurs services, reçoivent,
eux, le salaire local. Cela a créé d'abord un problème de
principe. Est-ce qu'on doit avoir deux taux ? Deuxièmement, cela a
créé sur le chantier, ce qui n'est certainement pas
intéressant pour l'employeur, un problème de relations entre
employés qui était extrêmement compliqué, pour user
d'un mot poli. Comment peut-on régler un problème comme
celui-là?
M. DION: Je pense que vous faites quand même exclusion du
problème de la compétence et à ce moment-là, je
pense qu'une grosse partie de la réponse pourrait être qu'on
pourrait prétendre que les gens venant de l'extérieur pourraient
avoir une compétence autre que locale. Je fais exclusion de ce
problème.
Il est clair que vous ne pouvez pas prendre des gens de la région
de Montréal et leur faire admettre qu 'ils iront travailler dans la
région de la Gaspésie au taux de salaire de la Gaspésie.
Ces gens-là exigeront le même salaire qu'ils ont à
Montréal...
M. LAPORTE: Mais, en sens inverse...
M. DION: ... qu'il soit ou non justifié à leur
égard, parce qu'ils y ont droit.
M. LAPORTE: ... comment ferez-vous accepter aux gens de la
Gaspésie...
M. DION: Le gars qui partira de la Gaspésie pour aller travailler
à Montréal bénéficiera du taux de salaire de
Montréal, justement ou injustement.
M. LAPORTE: C'est très habile, mais s'il y a deux personnes sur
une équipe, l'une qui vient de Montréal et qui a le taux de
Montréal et l'autre qui travaille chez elle, en Gaspésie, et qui
a le taux de la Gaspésie, comment règle-t-on ça?
M. DION: Comment on va régler ça, pas comment on
règle ça. Je ferai remarquer que, dans chacune des
régions, c'était négocié, ces conditions de
salaires et les ouvriers de la Gaspésie étaient satisfaits
d'avoir tel salaire par rapport à Montréal.
Aujourd'hui, on veut régler le problème
différemment. On demande d'avoir une parité dans toute la
province et nous répondons: Oui, la parité, mais au niveau d'une
compétence égale qui sera accrue en vertu du bill 49. Nous ne
sommes pas contre la parité, il faut le comprendre. Nous sommes pour la
parité basée sur une compétence égale qui sera
définie par le bill 49 et qui sera drôlement augmentée par
rapport à celle que nous avons actuellement.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bagot.
M. CARDINAL: Permettez-vous, M. Dion, que, sur ce point très
précis parce que nous ne pouvons pas y échapper je
vous pose d'abord une question, quitte à y ajouter après un
commentaire? Je ne suis pas un expert dans toutes ces questions que nous
étudions depuis plusieurs heures, mais ce que vous venez de dire ne nous
indique-t-il pas que les cartes de compétence, dans divers corps de
métiers, sonnt décernées par régions et qu'elles
peuvent avoir des valeurs différentes?
M. DION: Vous avez exactement la réponse et j'irais
jusqu'à dire que, dans certaines régions, il n'y a même pas
de carte de compétence. Pour certains métiers, dans certaines
régions, les gens ne suivent aucun cours et il n'y a aucune carte de
compétence. Disons que ce n'est peut-être pas vrai et que je ne
prends peut-être pas le bon exemple, mais un menuisier en Gaspésie
n'a pas de carte de compétence, parce que la carte de compétence
ne s'appliquait que dans la région de Rimouski. Or,cette
personne-là,, qui a quand même droit au salaire mentionné
au décret parce que c'est un menuisier, peut-on dire qu'elle aurait
droit, théoriquement, au salaire de Montréal alors que le gars de
Montréal ou de Québec prenez un autre centre plus populeux
lui a suivi des cours et a fait un apprentissage qui lui a permis
d'apprendre réellement son métier? L'autre l'a peut-être
acquis par une certaine expérience, complètement ou
incomplètement, mais on ne peut pas dire que la personne de la
Gaspésie a la même compétence que la personne d'une autre
région plus populeuse. On retrouve des endroits où il n'y a pas
de carte de compétence et, dans les endroits où il y en a, les
cartes étaient émises d'une façon régionale.
Je ne parle pas des électriciens, plombiers, dont les licences
sont provinciales, mais des métiers généraux. Les cartes y
étaient émises en vertu d'examens de niveau régional, et
ce sont des cartes régionales qui sont émises.
M. CARDINAL: Vous me permettez?
M. DION: Même que les cartes n'étaient peut-être pas
interchangeables entre les régions dans certains cas.
M. CARDINAL: Vous permettez? Je pose la question pour une raison
très précise. Vous êtes parti d'une analogie que j'ai faite
hier. Or, l'analogie n'est pas aussi boiteuse qu'on le dit. Que l'on se
rappelle bien l'histoire, avant les lois qui régissent actuellement les
corps professionnels dont on a parlé. Ce n'est pas une défense de
ces corps professionnels, pas du tout, et on en reparlera de ça un autre
jour, quand on parlera du rapport Castonguay. Mais revenons au sujet.
A ce moment-là, il y a un certain nombre d'années, les
examens du Barreau et les examens de la Chambre des notaires se faisaient sur
un plan régional. C'étaient des barreaux régionaux et des
chambres de notaires régionales, avec le résultat que la
compétence était en fait très variable d'une région
à l'autre. Avec le temps, les gens ont accepté qu'il n'y ait
qu'un seul bureau central qui puisse je vais continuer à parler
par analogie émettre une carte de compétence. Ce n'est
qu'à compter de ce moment-là d'ailleurs qu'il y a eu
parité d'honoraires, même si, comme je l'ai indiqué hier,
le résultat n'était pas le même au total à cause
d'une série d'autres éléments qui ne dépendent pas
de la compétence, mais de questions économiques de la
région.
En disant ceci, j'essaie d'être objectif et de ne pas tourner
à l'envers la situation que je décrivais hier, je veux seulement
essayer de m'éclairer davantage et peut-être d'éclairer
certains de mes collègues qui m'entourent, parce que vous me semblez
faire porter le problème sur un plan différent de ce que nous
avons entendu hier. Je n'ai malheureusement pas entendu M. Lefebvre ce matin,
mais on m'a dit que ça avait été excellent. Je ne compare
pas ce que vous faites avec ce qui a été fait hier, mais, quand
même, à ce moment-là, au lieu de présenter des
chiffres ou de présenter une thèse qui dit: Nous sommes contre la
parité, vous me semblez plutôt et, si vous voulez, je vais
revenir à ma question précise le placer sur un plan de
compétence. N'est-ce pas là un problème je ne le
sais pas, je le soumets aussi au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre
qui est à résoudre d'une façon ou d'une autre,
peut-être pas dans le cadre de ces négociations-là, mais en
tenant compte de cette pondération?
M. DION: Je pense, si vous me permettez, que je peux ajouter ceci, M.
Cardinal...
M. CARDINAL: Bien, je vous le permets certainement.
M. DION: Je pense que mon exposé a voulu tendre à ceci,
c'est que c'est inacceptable, à l'heure actuelle, au niveau de la
compétence. Je pense que j'ai aussi ajouté
l'élément de réaction économique que la
parité salariale peut avoir dans les régions. Je pense qu'on peut
là drôlement se rapprocher du document de M. Lefebvre qui dit: A
un moment donné, quand vous aurez équilibré le reste de
l'économie, c'est clair que l'industrie de la construction va flotter
là-dedans. Au moment où tout le monde va être paritaire
dans toute la province, pourquoi l'industrie de la construction ne le
serait-elle pas? Il est clair que tout le monde va flotter, mais, dans une
économie où seulement l'un des secteurs seraient
complètement déséquilibré, nous, nous vous disons:
Bien, nous ne pensons pas que ça peut se faire.
M. CARDINAL: Ce qui arrive dans cette industrie-là, c'est le
même phénomène qui arrive chez les professionnels. Prenez
n'importe quelle, profession, prenez les médecins, les avocats, les
notaires, les psychiatres, etc. Dans n'importe quelle de ces professions, les
deux tiers de leurs membres sont situés à Montréal; vous
en avez à peu près un sixième à Québec, un
douzième à Trois-Rivières et les autres sont
éparpillés un peu partout sur le territoire de la province.
M. DION: Vous avez peut-être raison. Vous donnez l'impression que
défendre la parité, c'est défendre un problème
illusoire, parce que la parité y est peut-être déjà
en grande partie.
M. CARDINAL: Je ne veux pas défendre une thèse, je l'ai
bien dit hier, tout au contraire. Je ne suis pas partie à la table des
négociations, mais je veux bien savoir quelles sont les réactions
des parties, patronales ou ouvrières, au sens large, vis-à-vis de
ces problèmes.
M. DION: Seulement un petit exemple. Le vice-président de la
fédération l'un des deux vice-présidents est un
entrepreneur général de la région de Drummondville
quand je lui parle de parité, il y a peut-être une
différence parce que nous avons calculé les
bénéfices sociaux, puis ces choses-là. Quand on parle de
parité à l'entrepreneur général, ou à un
entrepreneur de Drummondville, on lui parle d'une augmentation de tout
près de 77 p.c, de 70 p.c. à 77 p.c.
Ecoutez, ce gars-là dit: Je fais des constructions et si je
charge dans l'espace de trois ans 77 p.c. de plus, est-ce que je vais
être encore capable de vendre de la construction aux gens de ma
région? Les gens de sa région vivent d'une industrie qui est
peut-être, si je ne me trompe pas, le meuble ou le textile, dans la
région de Drummondville, où le taux de salaire est nettement
inférieur à celui de l'industrie de la construction. C'est clair,
si vous prenez l'industrie de la construction, si vous augmentez tellement son
coût que vous débalancez complètement les deux, celui de
l'industrie locale
majeure et celui de l'industrie de la construction, le gars ne sera plus
capable de faire faire de la construction. C'est impossible, personne ne sera
capable d'absorber le coût de la construction.
M. CARDINAL: D'accord, je ne veux pas vous harceler, mais si vous prenez
l'exemple du meuble, du textile ou de la chaussure, évidemment,
là, on tombe dans des exemples où on est rendu tellement bas
que...
M. DION: Ce que j'ai voulu montrer, M. Cardinal, c'est que l'industrie
majeure d'une région qui fait le coût de revenu, qui fait le
revenu moyen de la région, peut être une industrie qui est
complètement débalancée avec celle de l'industrie de la
construction. J'avais apporté des chiffres. On voit que, dans l'espace
d'une certaine période de l'année, l'industrie de la
construction, par rapport aux autres industries, est l'industrie choyée
au point de vue des salaires.
Les gens vont peut-être me dire que c'est au point de vue de
capacité de salaire, pas nécessairement de la réalisation
de salaire. Mais c'est quand même l'industrie choyée et, si vous
débalancez complètement cette proportion-là, le gars qui
travaille dans l'usine de textile n'est plus capable de s'acheter une maison,
il n'est plus capable d'acheter un produit de l'industrie de la construction,
parce qu'il n'a pas un salaire suffisant. On a dit, hier: Un gars va payer $136
par jour de plombier. Il gagne $88 par semaine, une journée de plombier
a ruiné deux semaines de son salaire, s'il veut manger, en passant.
M. CARDINAL: Ce n'est pas cela qu'on vous a prouvé, M. Dion. Je
reviens sur ce que je vous ai dit hier; je m'excuse de paraître
entêté. J'ai posé une question, hier, à laquelle je
pense la commission n'a pas encore reçu une réponse
entièrement satisfaisante, elle viendra peut-être à la fin
de toutes les délibérations. J'ai demandé et on m'a
répondu, c'est un économiste qui m'a répondu qu'il ne
pouvait pas me le dire. Il a dit, très objectivement, dans chacune des
régions, quelle serait la part de l'augmentation du produit total fini,
appelez-la une maison uni-familiale, s'il a une augmentation de tant pour cent
selon tous les tableaux qu'on nous a donnés, aux pages 6 et 7...
M. DION: M. Cardinal, ce matin, Ulysse Lefebvre de l'Habitation a fait
un exposé je pense très précis sur cette augmentation
possible...
M. CARDINAL: Ce n'est pas pareil.
M. DION: C'est peut-être plus facile dans l'industrie de la
construction de l'illustrer, c'est fameux.
M. CARDINAL: Dans ce cas-là, j'enlève ma question et je
relirai le journal des Débats.
M. LE PRESIDENT: Si vous permettez, le député de
Saint-Jean, d'abord.
M. VEILLEUX: Vous avez peut-être répondu à une
partie de la question que je vais vous poser. Quels sont les motifs qui peuvent
pousser, M. Dion, un entrepreneur, à engager de la main-d'oeuvre de
l'extérieur, autre que la main-d'oeuvre locale? Je vais vous donner un
exemple précis. On construit présentement, dans la région
de Saint-Jean, plus particulièrement dans le comté d'Iberville,
une polyvalente. On me disait, ce matin j'ai reçu un
téléphone avant de partir que l'entrepreneur allait
chercher la main-d'oeuvre surtout à l'extérieur d'Iberville et de
Saint-Jean. Outre la compétence que vous avez mentionnée tout
à l'heure, quels peuvent être les autres motifs qui poussent
l'entrepreneur à aller engager une main-d'oeuvre de
l'extérieur?
M.DION: Outre la compétence c'est quand même un des
faits majeurs il y a quand même, reliée à ça,
la productivité des gens. Et la spécialisation qui, encore
là, est reliée à la compétence. Est-ce que dans
Saint-Jean je ne sais pas, je ne l'affirme pas il y a un
spécialiste pour poser des contrôles électroniques pour
telle chose? Comme entrepreneur, si j'ai un contrôle électronique
à poser, il va falloir que je trouve ma main-d'oeuvre et peut-être
que je serai obligé d'aller la chercher à l'extérieur.
Deuxièmement, il y a peut-être une question de plus grande
spécialisation. Est-ce que des gens de telle région ont
déjà fait des plafonds acoustiques avec de l'amiante
soufflé et des choses comme ça? Il est clair qu'à peu
près tous les ouvriers de toutes les régions savent comment poser
la brique. Mais je peux arriver avec l'installation d'un matériau, avec
la pose d'un matériau qui exige une certaine spécialisation
cela a l'air de causer des problèmes, ce que je dis, mais c'est
quand même vrai ...
M. VEILLEUX: C'est à cause de Saint-Jean et Iberville.
M. DION: ... qui exige une compétence plus
spécialisée que dans d'autres régions. Vous me parlez du
gars de Québec qui a posé de la tuile acoustique pendant cinq
ans. Il est clair que le gars de la Gaspésie est capable d'en poser, de
la tuile acoustique. Il va en poser X à l'heure et l'autre va en poser X
à l'heure, qui est un chiffre drôlement différent.
M. VEILLEUX: Est-ce que ça peut être dû aussi, M.
Dion, au fait que les sous-contractants viennent de l'extérieur
d'Iberville et de Saint-Jean? Est-ce que ça peut être un autre
motif à ajouter à ceux que vous avez
énumérés?
M. DION: Vous avez quand même soulevé là un
problème. C'est que, lorsque je vais construire dans la région de
M. Samson, il est possible que je ne puisse pas y trouver toutes les
spécialités dont j'ai besoin pour exécuter la
construction. Est-ce qu'il y a une compagnie d'ascenseur à
Rouyn-Noranda? Lorsque je veux faire un ascenseur, je peux être
obligé d'aller chercher des gens de la région de
Montréal.
Deuxièmement, il y a un drôle de problème qui se
présente. Qu'on le croie ou non, avec un salaire supérieur, les
gens de Montréal, parce qu'ils sont peut-être plus
compétents ou plus productifs, sont capables de soumissionner à
des taux concurrentiels avec des gens de la place. Ce qui est drôlement
comique. Il y a un taux de salaire qui est inférieur ici à
Québec. Or, on n'a qu'à faire un tour dans la ville et on va se
rendre compte qu'il y a des entrepreneurs de Montréal, à l'heure
actuelle, qui exécutent des contrats à Québec avec
certains de leurs salariés de Montréal en payant leur pension et
en payant un salaire plus élevé. Cela veut dire quoi? Cela veut
dire qu'il n'y a pas un entrepreneur qui est intéressé à
perdre de l'argent pour venir faire de la construction à Québec.
C'est parce que la compagnie, l'équipe de mécanisation, les
employés, la main-d'oeuvre, tout est organisé de façon
à pouvoir concurrencer la différence des salaires. Et ça,
il faut quand même l'admettre. Pourquoi la construction d'habitations
coûte-t-elle $14 et quelque chose à Québec et $13 et
quelque chose à Montréal? Il y a quand même une drôle
d'explication. Je ne vois pas quelqu'un qui peut m'affirmer carrément
que toute la différence va dans les poches de l'employeur. El faudrait
quand même mettre des preuves sur la table.
M. LE PRESIDENT: Sur le même sujet, le député de
Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Dion, cette histoire de compétence
me chicote un peu. Vous parlez beaucoup de la compétence et vous faites
état de l'absence de compétence dans des choses très
spécialisées de certaines régions. Mais si vous prenez la
région du Saguenay Lac Saint-Jean sans faire de
chauvinisme tous les spécialistes dont vous avez besoin, vous
allez les trouver. Parce que c'est quand même une région assez
développée pour qu'on n'ait pas besoin sauf dans le cas
d'un manque numérique d'employés d'importer une
main-d'oeuvre de l'extérieur. Je vous ai posé un cas très
précis...
M. DION: Disons que je vais tout de suite poser une cheville dans le
trou. Il n'y a pas d'entrepreneur de pieux à Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord, il peut y avoir des domaines
très spécialisés...
M. DION: Effectivement, c'est quand même un cas où je suis
obligé d'aller en dehors.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, tenons-nous en aux lignes
générales des métiers de la construction. Je vous ai
donné un cas très précis, tout à l'heure.
M.DION: Ecoutez, on peut étendre les exemples longuement, je
pense.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je reviens à ce que je vous ai dit tout
à l'heure. Je vous ai donné un cas très précis
d'employés qui ont acquis une compétence dans un domaine qui leur
permet de mettre en place, actuellement, un nouveau laminoir à Arvida.
On fait appel à un ouvrier d'Arvida et à un ouvrier de
Montréal qui ont tous deux exactement la même compétence,
la même expérience. Or, ils n'ont pas le même salaire. Je ne
défends aucune cause. Je ne défends pas la parité ou la
non-parité. Je vous demande de me donner une explication.
M. DION: C'est simplement parce que celui qui vient de
l'extérieur vient habituellement d'une région à salaire
plus élevé. Il demande d'avoir le salaire qu'il a dans la
région d'où il vient.
Si le gars vient de Montréal, il n'acceptera pas d'aller
travailler à Chicoutimi au taux de salaire de Chicoutimi. C'est la seule
raison qui, légalement, peut justifier des différences de
salaire, parce que, théoriquement, le gars de Montréal devrait ou
pourrait être engagé au taux de salaire du décret.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Théoriquement.
M. DION: Théoriquement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, en principe...
M. DION: II devrait y avoir le même taux de salaire pour les deux
ouvriers. Mais, moi, je ne partirais pas de Montréal pour aller
travailler à Chicoutimi à un taux inférieur; il faudrait
que je sois drôlement pris par le chômage et en besoin de gagner ma
vie pour dire: Eh bien, écoutez, je vais me sacrifier et je vais
accepter le taux de salaire de la région.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, en principe...
M. DION: Autrement, je vais demander mon taux de salaire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... vous admettez qu'humainement il y a un
problème et que l'ouvrier d'Arvida, qui est pénalisé
en
quelque façon parce qu'il est d'Arvida, souffre un
préjudice vis-à-vis de celui de Montréal.
M. DION: A chaque fois que quelqu'un en a moins, il souffre un
préjudice, parce qu'un autre en a plus. Est-ce le gars d'Arvida qui
souffre un préjudice ou celui de Montréal qui
bénéficie d'une faveur spéciale? Je veux cette
main-d'oeuvre, j'en ai besoin. Ma seule façon de l'obtenir est de la
payer plus cher. Vous allez dire: Pourquoi paies-tu plus cher le gars de
Montréal et ne donnes-tu pas la même chose au gars de Chicoutimi?
J'offre de l'emploi à quelqu'un et il demande le prix du décret
local. Alors, je le lui donne. Ensuite, j'ai encore besoin de main-d'oeuvre et
l'offre que je fais est insuffisante. Alors, je suis obligé d'augmenter
mon offre pour pouvoir me procurer la main-d'oeuvre. C'est le jeu de l'offre et
de la demande. Il faut se rappeler que les décrets de la construction
contiennent des taux de salaire qui sont des taux de salaire minimum. Vous
allez dire que pas grand-monde paie beaucoup plus que le taux du salaire du
décret. Je suis bien d'accord. Mais, il n'y a rien qui empêche,
dans l'industrie de la construction, un gars d'avoir un plus haut salaire que
celui du décret.
C'est la réaction. Le gars, pour sa main-d'oeuvre, exige un plus
haut salaire, non parce qu'il vient de Montréal, mais parce qu'il ne
vient pas de la région de Chicoutimi et qu'il est habitué
à gagner plus.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela répond à ma question, M.
Dion; seulement, ça laisse le problème entier.
M. DION: Remarquez que vous pourriez faire venir de la main-d'oeuvre de
Toronto. Faisons une hypothèse. Une fois qu'on aurait fait la
parité théoriquement dans la province de
Québec, disons que je manque de main-d'oeuvre et que j'ai besoin de
recourir à la main-d'oeuvre de l'Ontario ou de Vancouver, etc. Ces gens,
qui peuvent avoir un taux de salaire plus élevé, vont venir dans
la province de Québec en exigeant, peut-être, ce qu'ils gagnent
dans leur région, dans leur pays j'ai dit "pays", je suis en
train de faire la farce de Louis Morin avec M. Burns dans leur province.
Ils vont exiger ce taux de salaire, parce qu'ils y sont habitués. A
moins qu'ils n'aient tellement faim et qu'ils ne soient lellement
affamés, ils ne consentiront pas à travailler au taux de salaire
qui est applicable dans la région. Si vous admettez, quand un gars de
Montréal vient dans la région de Chicoutimi, que ça veut
dire que tous les gars de Chicoutimi devraient être au taux de
Montréal, c'est clair que, quand le gars va venir de Toronto à
Montréal, il va falloir aligner Montréal sur Toronto. Quand il va
venir de Vancouver à Toronto, le taux va monter.
Vous ne réussirez jamais à établir la
parité, à moins de le faire à l'échelle du
continent, je ne sais pas. C'est un jeu d'offre et de demande. Le taux de
salaire des décrets est un taux minimum, il faut quand même
l'admettre.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.
La compétence
M. LEGER: J'aurais une simple question à poser. Je reprends le
cas précis dont parlait M. Laporte tout à l'heure. Si dans une
région donnée on manque de tel ouvrier spécialisé,
que la totalité des gens disponibles de la région sont
employés, qu'il faut aller en chercher à Montréal et
qu'ils n'ont pas la parité de salaire, qui, selon vous, devrait
définir le degré de compétence requis pour qu'on puisse
donner le salaire équivalent? Tout à l'heure, vous avez
ramené la disparité de salaires au plan de la compétence.
Alors, qui devrait la définir? Est-ce le centre de main-d'oeuvre,
l'employeur ou...
UNE VOIX: Le syndicat.
M. DION: Cela serait plaisant parce que nous aurions la parité
rapidement. Nous considérons que le bill 49 a été
justement fait pour donner un mécanisme de définition de la
compétence. L'émission de cartes de compétence se fera sur
une base uniforme, de façon qu'on n'exige pas une huitième
année dans telle région et une dixième année dans
telle autre région. Alors, ce qui réglera la compétence,
qui ne mesurera peut-être pas, cependant, la plus ou moins longue
expérience des gens cela peut faire cinq ans que je suis dans le
métier avec la carte de compétence, alors que l'autre y est
depuis dix ans; j'ai peut-être une petite productivité
différente, à ce moment-là mais qui permettra un
salaire égal pour tous les gens de cette compétence, c'est le
bill 49. Une fois que le bill 49 sera en vigueur, je vois très mal, par
exemple, les bureaux de placement commencer à dire: Tu as l'air pas mal
compétent, tu aurais droit au salaire de Montréal. Ecoutez, il
faut quand même que cela soit fait sur une base sérieuse,
uniformément dans toute la province. Cela sera fait par le bill 49.
A ce moment-là, on sera certain que le gars qui a une carte de
menuisier est capable de faire au minimum telle chose. Avec
l'expérience, il aura pu se spécialiser ou acquérir une
compétence supérieure, c'est vrai, mais, au minimum, on saura que
tous les menuisiers sont capables de construire un escalier sans arriver avec
une petite marche en haut, etc.
M. LEGER: Mais, dans le cas précis où les ouvriers de la
région ont un taux de salaire et qu'on rajoute des ouvriers de
Montréal, avec leur taux de Montréal, selon le bill 49, qui, dans
la région, se permettra de dire que ceux de la région
parce qu'il y aura des ouvriers dans le
même champ d'action auront un salaire inférieur? Qui
déterminera cette compétence, dans le cadre du bill 49?
M. DION: Les cartes de compétence qui existent actuellement,
autant pour les plombiers, les électriciens, les plâtriers etc.,
ce sont des cartes émises régionalement, avec la licence
provinciale. On ne peut les considérer comme des cartes en vertu du bill
49. Ce que le bill 49 fera entrer en vigueur, c'est une carte de
compétence émise après un examen du candidat avec des
exigences beaucoup plus profondes, beaucoup plus étendues. Cette
nouvelle carte sera une carte de compétence provinciale.
Je ne voudrais pas aller trop loin parce que le bill 49 n'est quand
même pas complètement, à notre connaissance,
terminé. Il y a encore beaucoup de choses à y faire, je pense.
Avec la nouvelle carte de compétence, la personne aura une
compétence uniforme, mais plus grande que celle qu'elle a aujourd'hui.
Il restera que le gars qui détient encore la carte de compétence
qui lui avait été donnée avant le bill 49, pourra
être sujet à un taux de salaire différent de celui qui aura
voulu s'améliorer en subissant les examens exigées pour
l'obtention de la carte de compétence provinciale. Alors,
celui-là qui aura voulu se spécialiser et se rendre plus
compétent aura droit à un taux de salaire différent qui,
lui, sera uniforme dans toute la province.
Je pense qu'il y a quand même une chose. C'est qu'il faut admettre
qu'à l'heure actuelle les cartes de compétence n'ont pas une
valeur uniforme. Est-ce que la carte du gars de Montréal vaut celle du
gars de la Gaspésie, ou celle du gars de la région de Chicoutimi?
Peut-être que l'employé a la même compétence, mais la
carte n'a pas la même signification, parce que les examens
n'étaient pas semblables.
M. LE PRESIDENT: M. Desjardins.
M. DESJARDINS: Ce qui se produit, c'est que la compagnie ne prend pas
ses responsabilités. Il s'agit de la compagnie Pentagone à
Arvida. Présentement, elle engage des ouvriers de la place et ces
ouvriers sont obligés d'aller travailler. Ils n'ont pas le choix,
étant donné le chômage qui sévit dans la
région du Lac-Saint-Jean. Selon la carte de compétence, ce sont
des plombiers. Les plombiers ont la même carte à travers la
province. Et les plombiers dont vous parlez, là-bas, ce sont les
mêmes qui ont travaillé voilà trois ou quatre ans à
Alma, à la Price Brothers, où ils avaient le salaire de
Montréal. Ces mêmes plombiers ont travaillé je les
connais personnellement à Baie-Comeau. Ils étaient encore
emmenés de Montréal ou d'Alma. Leurs services étaient
requis pour le même genre de chantier et ils avaient le salaire de
Montréal, automatiquement.
Leur compétence ne peut pas être mise en doute. Par contre,
ces gars-là, n'ont pas le choix. Nous sommes allés les rencontrer
cette semaine. Ils sont "tannés" de voir que des gars d'à
côté, avec la même compétence, n'ont pas le
même salaire. Par contre, la compagnie joue sur les mots. Elle sait que
le bill 38 est en vigueur et que ces gars-là n'ont pas le droit de faire
la grève. J'ai un télégramme qui spécifie
très clairement: "Les salaires déjà payés pour les
plombiers engagés par le truchement du Bureau de placement provincial
sont conformes aux dispositions du bill 38, article 7. Nous ne consentons pas
à augmenter ces conditions. Nous sommes présentement devant la
commission parlementaire concernant la construction. En accord avec le bill 38,
article 8, la grève est illégale."
En plus de cela, ce n'est même pas une compagnie qui a
déposé un prix pour le "job", parce que le "job" est au "cost
plus". C'est la compagnie elle-même qui nous l'a dit. Alors, si elle paie
plus cher pour les ouvriers de la place ou si elle paie le même prix pour
les ouvriers de la place, ce n'est certainement pas dû à la carte
de compétence, parce que la compétence, ils l'ont. Mais cela
dépend du degré de responsabilité de la compagnie
engagée dans le genre de travaux qu'elle fait présentement
à Arvida.
M. DION: Je pense que c'est un bien bon plaidoyer de M. Desjardins, mais
il faut quand même qu'il admette qu'au niveau de l'entreprise que
ce soit celle-là ou une autre son obligation envers
l'employé, c'est quand même de respecter le décret. La
main-d'oeuvre locale qui s'offre au salaire du décret et qui travaille
au salaire du décret ne peut, sauf refuser de se donner, exiger plus que
le taux de salaire du décret. Si elle exige plus que le taux de salaire
du décret, il est clair que l'employeur a le choix de les garder ou de
ne pas les garder, ces gens-là. Je comprends peut-être, moi, que
le gars n'admet pas de travailler à côté d'un autre qui
gagne $0.50 de plus. Mais quand même, on ne peut pas accuser l'employeur
de ne pas respecter les conditions de travail. Le décret, lui, dit de
payer $4. Il paie $4. Il est clair que si, pour obtenir d'autre main-d'oeuvre,
il est obligé de payer $4.50, c'est la question de l'offre et de la
demande de la main-d'oeuvre qui va jouer. Qu'on dise à ce moment-ci que
c'est inacceptable... C'est peut-être inacceptable, mais ce n'est
certainement pas illégal.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Dion, remarquez que le problème qui
se pose, ce n'est pas la question de savoir si les employeurs respectent la loi
ou pas. Si j'ai posé cette question et si d'autres y ont fait
écho, c'est parce que cela met en cause un principe, celui de la
parité salariale. Je ne me suis prononcé ni pour, ni contre, mais
nous voyons que l'absence de parité salariale dans certaines
régions, est défavorable à des gens qui, selon moi, ont
toute raison de se plaindre.
Ce que je voulais faire en vous posant cette question, c'est
précisément de poser le problème. Que les employeurs
respectent les décrets, je n'y ai absolument pas d'objection. Au
contraire! Mais le problème est de savoir si ces décrets sont
conformes aux réalités contemporaines dans le monde du travail,
particulièrement dans l'industrie de la construction.
M. DION: M. Tremblay, disons que je pourrais peut-être vous
répondre de la façon suivante: Nous sommes dans un
système, l'industrie de la construction, où les salariés
sont payés en vertu d'une compétence évaluée comme
moyenne. C'est-à-dire qu'on a dit que si tel ouvrier ou plombier
était valablement compétent dans la région, il avait droit
à tel salaire dans la région. Il est clair qu'il y a des gens qui
auraient droit, en théorie, à un plus haut salaire que cela,
parce qu'ils sont drôlement plus compétents.
Il est clair aussi qu'il y a des gens qui ne devraient pas avoir ce
salaire, parce qu'ils ne sont pas compétents.
Le problème qu'on retrouve dans un jeu de salaire moyen à
compétence moyenne, c'est que les gens qui sont plus compétents
et qui sont à côté de gens moins compétents
reçoivent le même salaire; et ce n'est pas le moins
compétent qui va devenir le plus compétent, mais l'autre qui,
à un moment donné, commence à suivre le courant, qui ne
rame pas plus vite que les autres et s'en va avec ça.
C'est un problème d'avoir un salaire moyen en regard d'une
compétence moyenne. Le bill 49, je pense, va grandement améliorer
la situation dans l'industrie de la construction, parce qu'on pourra
reconnaître à ce moment-là que le gars qui fait
réellement un effort pour devenir plus compétent pourra
peut-être à ce moment-là acquérir un salaire
supplémentaire. Pour l'autre catégorie, ceux qui sont plus ou
moins compétents, à ce moment-là, que voulez-vous, on a
décidé d'établir un salaire moyen pour ces gens-là,
un salaire moyen qui fait qu'un tel est surpayé et l'autre est
sous-payé. C'est clair et net.
On a parlé hier des taux de charge des plombiers; c'est clair
qu'à un moment donné, si je prends le transport de tel gars pour
tel appel de service, ça coûterait $0.30; si j'en prends un autre,
ça coûterait $6. La loi de la moyenne veut qu'on charge $1.50
à tout le monde; il y en a qui ont fait des gains et il y en a qui ont
fait des pertes, mais c'est la loi de la moyenne et c'est le même
problème avec un salaire moyen minimum dans l'industrie de la
construction.
M. LE PRESIDENT: M. Pepin, sur le même sujet.
M. PEPIN: M. le Président, ça fait longtemps que j'ai
demandé de poser certaines questions à
M. Dion, je voudrais relier trois ordres de problèmes. Le premier
est assez court d'ailleurs et en relation avec une question de M. Cardinal.
Lorsqu'il a été question que la carte de compétence
était régionale je pense que vous avez bien raison
là-dessus est-ce que je me trompe, M. Dion, en disant que, pour
au moins quatorze régions, il y a interchangeabilité pour les
cartes de compétence?
M. DION: Je ne discuterais même pas des chiffres 13, 14 ou 15,
mais certaines régions ont interchangeabilité de cartes,
d'accord, parce qu'il faut quand même admettre que c'est de la
compétence minimum. Il y a quatorze régions depuis
peut-être tout dernièrement, mais c'est depuis assez
dernièrement qu'il y a interchangeabilité.
M. PEPIN: Mon deuxième point, M. le Président, se rapporte
au bill 49 lui-même, pour voir si j'ai la même compréhension
que M. Dion du bill 49. Mon interprétation du bill 49 est d'essayer de
donner une meilleure polyvalence aux travailleurs de la construction et
à d'autres travailleurs éventuellement. Est-ce que vous
êtes d'accord là-dessus avec moi?
M. DION: Je pense que vous avez raison de dire de donner une meilleure
polyvalence, mais pour autant que vous n'en faites pas le seul remède
qu'apportera le bill 49. Je pense que c'est un des remèdes que le bill
49 apporte dans l'industrie de la construction, mais il apporte aussi un
remède d'une meilleure qualification des travailleurs de l'industrie de
la construction. Je pense que le bill 49 règle les deux
problèmes, une meilleure compétence et une meilleure polyvalence.
Les deux ne peuvent pas exister l'une sans l'autre.
M. PEPIN: M. Dion, quand je réfère à la question de
polyvalence, je dis une meilleure polyvalence. Bien sûr, ça
n'exclut pas le fait que le travailleur doit être plus compétent
ou mieux qualifié pour faire non seulement un travail mais aussi tous
les travaux qui appartiendront éventuellement à la famille de
métiers qui sera constituée. Cela étant, M. Dion, je
voudrais vérifier avec vous juste pour voir si cela est exact ou
non si les gens qui vivent à l'extérieur des grands
centres prenons l'exemple de Chicoutimi pour continuer dans la
même exploration n'ont pas, à l'heure actuelle, plus de
chance présentement j'entends d'être davantage
polyvalents, peut-être moins spécialisés que les gens des
grands centres. Ne peuvent-ils pas être davantage polyvalents parce que,
la somme des travaux exécutés pour chacune des opérations
est moins considérable que dans un grand centre où on peut se
spécialiser, disons par exemple les parqueteurs, ceux qui font les
planchers? Ma question est donc juste pour voir si vous partagez cet avis
ou
non. Considérez-vous que, généralement, les gens
des centres plus restreints ont, à l'heure actuelle, la chance
d'être un peu plus polyvalents que les gens qui vivent dans les grands
centres et qui peuvent exécuter presque à l'année longue
une seule fonction?
M. DION: Je pense que vous avez raison, M. Pepin. Il est clair qu'il
faut que le gars de la région de la Gaspésie sache faire
l'escalier, sache faire la forme, sache poser une porte, peut-être pas
avec toute l'habileté d'un gars d'un grand centre, mais il y a une chose
quand même qu'il n'a pas, c'est qu'il n'a pas la spécialisation
et, dans la spécialisation, il y a un phénomène de
productivité.
Or, le phénomène de productivité fait que, si un
gars s'est habitué, pendant deux ans, à poser des portes à
Montréal, il va peut-être poser 25 portes par jour. Tandis que le
gars de la Gaspésie, parce qu'il est polyvalent, dans le sens que vous
avez donné, va poser seulement trois portes dans la journée,
parce que pour lui, c'est un des travaux qu'il fait durant la journée,
mais ce n'est pas le seul. Alors, il ne s'est pas habitué aussi
facilement à le faire ce travail. Donc il est moins
spécialisé, il est moins productif. Et, à l'égard
de l'employeur, il faut quand même avouer que la productivité est
un facteur très important.
M. PEPIN : Là, je tire une conclusion personnelle qui ne sera
sans doute pas la vôtre. Cela voudrait dire, quant à moi, par vos
réponses, que les gens de la province auraient probablement plus de
chance de se qualifier, au sens du bill 49, que les gens qui sont plus
spécialisés. Je ne dis pas que c'est là votre
conclusion.
M. DION: Votre conclusion, à vous, est excellente, M. Pepin,
parce que vous vous basez simplement sur le fait que le bill 49 est un bill qui
va accorder de la polyvalence. Comme je l'ai mentionné tantôt,
quant à moi, le bill 49 n'accordera pas seulement de la polyvalence,
mais accordera également une compétence accrue au niveau des
travailleurs. Et, à ce niveau-là, je ne suis pas d'accord avec
vous. D'ailleurs vous l'avez prévu avant de parler.
M. PEPIN: Je voudrais maintenant aborder un autre point qui me
paraît extraordinairement important dans le débat qui nous occupe
et qui occupe la commission parlementaire, c'est la question
d'ancienneté.
Permettez-moi de situer, seulement en deux mots, le problème.
L'industrie de la construction est la seule industrie où il n'y a pas de
règle d'ancienneté qui s'applique et où les employeurs
disent, maintenant, que ceci est inapplicable et que ça ne peut recevoir
aucune application dans cette industrie.
Je vous ai écouté, M. Dion, ce matin, sur ce sujet et je
voudrais au moins avoir une préci- sion. Vous avez procédé
plutôt à l'aide d'exemples, plutôt qu'en donnant des
affirmations générales. Vous nous avez de nouveau donné
l'exemple de la personne, dans un métier, qui s'occuperait du point de
départ, de la fabrication au point de départ, du "rough" si vous
voulez, et de la personne, comme charpentier-menuisier, ou menuisier, qui
s'occuperait de la finition.
Si j'ai bien compris, vous vouliez nous dire c'est de
l'interprétation que je fais, mais vous pourrez me corriger, vous
êtes là pour ça que si on applique une règle
d'ancienneté, les risques pour un employeur sont d'avoir quelqu'un
à embaucher pour le début des travaux, qui s'appellera en
l'occurrence charpentier-menuisier, et qu'on sera obligé de garder
éventuellement parce que la finition arrivera et que là on
tenterait de faire appliquer la règle d'ancienneté.
Je vous suggère ceci, M. Dion, et je voudrais voir si cela est
concordant avec ce que vous avez dit. Est-ce que vous n'alléguez pas,
à ce moment, que vous avez des raisons objectives, vous, comme
employeur, pour vous défaire, pour mettre à pied un
employé avant un autre, alors que le premier aurait été
embauché avant le second? Vos exemples toujours me conduisent à
dire: II y a de l'objectivité dans leur affaire, ils ne veulent pas
qu'un travailleur soit appelé à exécuter un travail qu'il
n'est pas en mesure de faire. Si cela est vrai, seriez-vous prêt, M.
Dion, à ce que la future convention collective, ou le futur
décret prévoi que l'ancienneté, sa règle, sera que
l'employeur ne pourra se priver d'un employé qui a été
embauché avant l'autre à moins que l'employeur ait des raisons
objectives pour procéder ainsi?
M. DION: Ecoutez, tout de suite en partant, je veux faire remarquer que,
ce matin, lorsque j'ai donné l'exemple sur l'ancienneté, je n'ai
voulu que résumer. Et j'ai fait bien attention de le dire à la
commission, je ne voulais pas étendre la discussion sur les sujets.
Quand j'ai dit que l'ancienneté avait pour conséquence
peut-être d'amener le "bumping" et de faire qu'un gars qui est dans les
formes au commencement, je vais être obligé de le garder au moment
de la finition, je pense que c'était pour illustrer l'exemple le plus
loin possible.
Ce qui était l'exemple et ce qui est le fond dans
l'ancienneté est ceci: Nous, comme employeurs, n'admettons pas
être obligés de prendre un employé et de le foutre à
la porte parce que tel autre est entré avant lui. C'est-à-dire de
faire remplacer un employé par un autre du seul fait qu'on l'a
engagé avant ou après.
Pour répondre à M. Pepin, je dirai que je pars, moi, de la
prémisse suivante: c'est que le droit de choisir ma main-d'oeuvre, de la
congédier ou de l'engager, ça m'appartient à l'heure
actuelle. C'est un droit de l'employeur d'enga-
ger la main-d'oeuvre qui est offerte sur le marché. Or, on tente,
à l'heure actuelle...
M. PEPIN: Code civil.
M. DION: ... de réduire le droit des employeurs. La façon
de le faire, c'est de dire: On va vous imposer: 1) la sécurité
d'emploi; 2) l'ancienneté. En imposant ces restrictions-là
à mes droits d'employeur qui sont les droits de gérance, on dit:
Tu vas mettre ça dans tes droits de gérance et tu devras m'en
faire la preuve en plus de ça. Tu viendras me prouver que, si tu fais
ça, c'est parce que tu es objectif.
A un moment donné, moi, je pense qu'il faut admettre que
l'employeur a le droit d'engager ou de congédier sa main-d'oeuvre dans
une limite logique. S'il le fait à mauvais escient et d'une façon
illégale, je pense que les syndicats ont des mécanismes dans les
conventions qu'on appelle les procédures de grief. Ils sont capables de
faire valoir que l'employeur a pénalisé tel et tel
employé. Aujourd'hui, on tente de contrôler complètement la
main-d'oeuvre de l'employeur. Cela rejoint peut-être mon argument de ce
matin sur les contremaîtres. On va syndiquer les contremaîtres; on
va contrôler l'embauchage par la sécurité d'emploi, puis on
va contrôler la mise à pied par le système
d'ancienneté. A ce moment-là, on va dire à l'employeur:
Ecoutez, vous êtes un entrepreneur en construction. C'est absolument
faux! Nous serons des soumissionnaires, qui fixeront un prix et qui prendront
le risque de passer à travers ou pas.
Le syndicat est aussi bien de dire: Vous perdez tout contrôle sur
la main-d'oeuvre et c'est nous qui sommes les sous-entrepreneurs en
main-d'oeuvre. La main-d'oeuvre qu'on va fournir, c'est celle qu'on
désirera vous fournir. Or, quand j'engage un employé, si
tellement c'est un employé valable, je veux avoir le droit de le garder.
Je veux avoir le droit de le garder tant et aussi longtemps que j'en ai besoin
et qu'il fait mon affaire. Je ne veux pas le "sacrer dehors" injustement. Si je
le fais injustement, qu'on me fasse un grief et qu'on se défende, mais
je veux quand même avoir le droit de garder ma main-d'oeuvre et de la
défendre jusqu'à la fin. Tel employé, à mon avis,
est peut-être moins compétent; vis-à-vis d'un autre, il
l'est peut-être plus. C'est une question d'appréciation, mais si,
dans mon équipe à moi, il cadre mieux, il travaille mieux, bien
je veux avoir le droit de le garder lui et ne pas être obligé de
le mettre dehors parce que tel autre est entré avant. Je pense que c'est
quand même un droit de gérance normal du côté des
employés.
M. PEPIN: Ce droit de gérance normal, M. Dion, vous savez fort
bien que, dans toutes les industries, cela a été invoqué
dans le temps, mais qu'il n'existe plus à l'heure actuelle. Est-ce que
vous croyez, M. Dion, que, dans l'industrie de la construction, les employeurs
doivent continuer à avoir un droit de vie et de mort sur leurs
employés et qu'ils peuvent les mettre à pied lorsqu'ils le
désirent, même sans raison?
M. DION: II ne faut pas exagérer.
M. PEPIN: Non, mais c'est vous qui avez exagéré dans votre
réponse.
M. DION: M. Pepin, si les travailleurs de l'industrie de la construction
étaient traités comme vous le dites, ce serait le devoir des
centrales syndicales d'instituer un paquet de griefs pour défendre leurs
droits. Je pense que c'est votre devoir et que vous devriez l'avoir fait en ce
moment si on a vraiment abusé de la main-d'oeuvre.
Ce que je veux souligner, c'est que, dans l'industrie de la
construction, vous n'êtes pas au niveau d'une usine où l'employeur
est toujours à la même place, avec la même main-d'oeuvre. Le
système de l'ancienneté peut réussir à fonctionner
à ce moment-là, même si les clauses d'ancienneté
sont peut-être en décadence dans les usines, parce qu'au niveau de
la promotion ce n'est peut-être pas toujours juste. Il reste que, dans
l'industrie de la construction, vous avez un employeur qui a une usine à
45 rue Delorme; le lendemain, il est à 62 rue Laverdière. Son
usine change continuellement. Son industrie n'est pas unique; elle est
multiple. Il peut avoir sept ou huit chantiers en même temps. Alors, s'il
a sept ou huit chantiers à la fois, c'est comme si un employeur avait,
sept, huit industries et qu'à ce moment-là on faisait une clause
d'ancienneté. Si le gars qui est en train de couper du cuir est
là depuis six mois, bien, il faudrait que je mette le gars qui est dans
l'autre industrie dehors parce que ça ne fait que trois mois.
Je pense que l'industrie de la construction est un
phénomène complètement différent d'une autre
industrie. Vous avez tout le système du bureau de placement qui va
entrer en vigueur. Est-ce qu'on peut me faire croire que, dans l'industrie de
la construction, le phénomène du contrôle de l'embauchage
qu'on va rencontrer dans peu de temps, c'est réellement la même
chose qu'on retrouve dans toutes les autres industries?
Je pense que, par le contrôle de l'embauchage, on a
impliqué à l'industrie de la construction une certaine
ancienneté qui existe au niveau de toute l'industrie,
c'est-à-dire que le gars qui est le plus longtemps en chômage va
avoir une priorité d'embauchage. Mais, si on pousse le système au
bout, en disant qu'au niveau d'un même employeur on va également
appliquer un système d'ancienneté qui va faire que le dernier
entré devra sortir avant l'autre, à un moment donné, on va
se retrouver avec un tout petit noyau de main-d'oeuvre composé de
réguliers. Tous les autres seront des réservistes, sujets
à "bumping" continuellement. Quand ils
vont entrer sur un chantier, s'ils sont les derniers, ils seront
congédiés et les autres prendront leur place. Alors, la
main-d'oeuvre va être continuellement en mouvement. C'est impensable. On
n'est pas dans une industrie fermée dans l'industrie de la
construction.
M. PEPIN: Si j'insiste, M. le Président, c'est que tout le monde
aura compris que nous, à la CSN en particulier, donnons beaucoup
d'importance à une question que nous trouvons primordiale. Je ne veux
abuser ni du temps de M. Dion ni de celui de la commission, mais je voudrais
dire deux choses.
Premièrement, il m'apparaît que M. Dion m'a surtout
donné une réponse sur des modalités, me disant: Ce n'est
pas la même chose, les chantiers, les employeurs, etc.
Mon deuxième point, M. Dion, je crois que vous le noterez avec
moi, vous qui êtes avocat, c'est que vous ne pouvez pas aller devant le
tribunal, à moins d'avoir une assise, une cause. Si je n'ai rien, dans
une convention collective de travail, qui me permette de soulever un grief
lorsque je suis mis à pied avant un autre, même si je fais un
grief, je fais un grief inutile. Quand vous me répondez que les
centrales syndicales auraient dû soulever des tonnes ou des masses de
griefs, il faudrait au moins revoir les choses.
Je terminerai en vous demandant, M. Dion, si vous êtes au courant
que, dans certaines régions de cette province, il y a déjà
des clauses d'ancienneté pour l'industrie de la construction, non pas
uniquement au niveau d'un employeur donné comme l'Hydro-Québec,
mais au niveau de l'ensemble d'une convention collective groupant une
association membre chez vous et des syndicats membres chez nous.
M. DION: Je suis au courant, parce qu'on a eu affaire à regarder
votre document. Je ne voulais pas entrer dans la discussion des documents des
autres parties, du moins, essayer de les détruire. La CSN je dois
la nommer me dit qu'elle détient des clauses d'ancienneté
dans diverses régions, par exemple qu'elle en détient une dans la
région de Québec avec telle compagnie d'asphalte, "Paving..." Je
trouve l'exemple vraiment ridicule et on tombe dans les droits acquis. Dans la
région de Sherbrooke je pense que c'est dans cette région
qu'il y a une clause...
M. PEPIN: C'est Hauterive.
M. DION: Ne prenez pas Hauterive, parce que nous vous parlerons de
l'Hydro-Québec.
M. PEPIN: Je ne vous parle pas de l'Hydro-Québec, je vous parle
du décret dans la région de Hauterive, et vous le savez fort
bien. Je ne parle pas d'une compagnie en particulier à
Québec.
M. DION: Je le sais fort bien, j'ai négocié le
décret à Hauterive. Et si jamais et cela me fait plaisir
de le dire c'est entré dans le décret
général de Hauterive, qui était divisée en deux
zones, c'est peut-être parce qu'il a existé d'abord dans la
première zone; ce n'est que par pression qu'il a pu entrer dans la
deuxième.
Cependant, je veux vous dire ceci, indépendamment de ce qui
pouvait exister au niveau de l'ancienneté, qui est, quant à nous,
considérée comme certains droits acquis. A ce moment-là,
il n'y avait pas de jugement Gold, il n'y avait pas de sécurité
d'emploi. C'étaient des situations isolées pour des cas assez
concrets comme l'Hydro-Québec, comme Modem Paving je n'aurais pas
voulu nommer la compagnie qui a une convention collective avec une
clause d'ancienneté. Ce sont des clauses d'ancienneté qui ont pu
être obtenues dans un cadre totalement différent, au moins
différent de celui de la présence d'un jugement comme le jugement
Gold. Et le jugement Gold on va peut-être se demander pourquoi que
j'y fais toujours référence c'est que le jugement Gold est
déjà un premier contrôle sur l'embauchage. Si on y ajoute
l'ancienneté, cela veut dire, à toutes fins pratiques, aucun
contrôle de la part de l'employeur sur la main-d'oeuvre.
Nous, nous disons c'est déjà un début de
contrôle qui garantit ce que les syndicats ont peut-être
cherché à assurer, un meilleur emploi à leurs
salariés. Si on y ajoute l'ancienneté, on vient détruire
un certain effet de la sécurité d'emploi, parce qu'il y aura
"bumping", et on vient enlever complètement le droit au choix de la
màin-d'oeuvre du côté de l'employeur. On pourrait
même ajouter que le jugement Gold ne permet pas l'exportation, d'une
région à l'autre, de la main-d'oeuvre, etc.
Je veux seulement toucher au problème. Pourquoi y en a-t-il eu
dans des régions? c'est clair qu'il y en a eu dans des cadres
différents, avec des conditions bien différentes. Et je dirai:
Pourquoi y avait-il $3 et quelques cents à Chicoutimi et $5 à
Montréal? Je vais répondre au syndicat: C'est parce que vous avez
réussi à régler à seulement $3 à Chicoutimi
et, à Montréal, vous avez réussi à $5. Si je me
suis fait prendre avec l'ancienneté dans Hauterive, c'est parce que je
n'ai pas pu l'éviter; à Montréal, je ne l'ai pas eue.
C'est aussi simple que ça. C'est le jeu de la négociation.
M. LE PRESIDENT: Le monsieur en arrière et ensuite M.
Laberge.
M. LAFONTAINE: M. Lafontaine de la FTQ. J'aurais quelques questions, si
vous le permettez, concernant une situation de fait qui a été
soulignée par le député de Chicoutimi, le cas du laminoir.
Je crois que M. Dion a misé énormément sur la question de
compétence. Je crois aussi qu'il a tout de même accepté le
fait que, même au niveau des cartes de compétence, il existe
présentement 13 ou 14 régions dont les cartes de
compétence sont interchangeables.
II faudrait aussi surtout ajouter qu'il existe dans certains
métiers des licences provinciales dont les exigences sont les
mêmes concernant la compétence partout dans toute la province de
Québec.
Je m'explique. Concernant certains métiers, je peux donner
l'exemple des plombiers ou des électriciens qui sont probablement sous
un système corporatif. Les exigences de compétence y sont les
mêmes autant en Gaspésie qu'elles le sont dans la région de
Montréal. Sur le cas apporté concernant les travailleurs de la
construction au laminoir du Lac-Saint-Jean, ce sont des gens qui sont mis en
cause présentement, effectuant les mêmes travaux. Je crois que le
ministre du Travail a apporté une question extrêmement tangible
à ce problème particulier, à savoir si, après avoir
épuisé le réservoir des gens de cette région, l'on
ne reconnaît pas la compétence des gens de cette région
à ce moment-là. Je crois humblement qu'on reconnaît la
compétence des travailleurs de la construction, en l'occurrence des
détenteurs de licence, qui vont effectuer des travaux au même
chantier.
A partir de là, lorsqu'on a épuisé la main-d'oeuvre
à l'intérieur de cette région, on fait appel à une
main-d'oeuvre qui vient de l'extérieur. A ce moment-là, on donne
des taux de salaire qui sont supérieurs de l'ordre de $1.15 l'heure pour
le même travail effectué. Au moment même où cette
commission siège, des gens de la région de Chicoutimi avec des
confrères de travail qui viennent de l'extérieur effectuent des
travaux à un taux inférieur de $1.15 l'heure pour le même
travail, et ils forment équipe ensemble. Je crois donc que c'est
humainement impensable qu'une situation de fait qui existe présentement
soit tolérée. Il est malheureux de voir que certains
entrepreneurs puissent se faire valoir du fait qu'il existe présentement
des lois telles que le bill 38 peut-être, qui dit qu'il est permis
à ces gens-là d'exploiter une main-d'oeuvre locale à des
taux inférieurs. Je crois honnêtement que c'est un drame pour ces
gens-là.
Je peux vous citer en exemple que les travailleurs de cette
région présentement affectés au même chantier ont
travaillé au même endroit voilà quatre ans. Ils
travaillaient à ce moment-là à un taux de $4.25 l'heure.
Quatre années après, c'est-à-dire aujourd'hui, ils sont
obligés de travailler au même chantier de construction à
$0.10 l'heure meilleur marché que voilà quatre ans.
C'est la situation présente. Je demanderais à M. Dion s'il
aurait des explications à donner sur cette situation de fait qui existe
présentement. Ce n'est pas du badinage, c'est une situation
réelle. Concernant les travailleurs dont il est spécifié
qu'ils viennent de l'extérieur, il est fort possible qu'on dise qu'ils
viennent de Montréal. Mais rien ne garantit, indépendamment du
fait que ces gens-là puissent venir d'un bureau syndical, que ce ne
soient pas des gens peut-être qualifiés comme plombiers ou
électriciens et demeurant en Gaspésie mais qui sont
expédiés à un chantier donné tel que Chicoutimi.
Cela peut fort bien être la situation qui existe présentement
à Chicoutimi. Sur ceci, permettez-moi de vous dire une autre chose. Les
entrepreneurs craignent, en disant de donner une parité salariale, de
créer ce qu'on peut appeler un précédent, mais je ne crois
pas que ce soit un précédent. Présentement, dans la
région de Baie-Comeau, des travaux sont effectués par des
entrepreneurs qui paient aux gens de la région les mêmes taux de
salaire qu'aux gens qu'ils ont exportés soit de Montréal, soit de
Chicoutimi, de n'importe quel endroit de la province.
Ceci se fait à l'heure où nous nous parlons. On peut
même référer, comme on le faisait tout à l'heure
à un chantier ici, dans la ville même de Québec où
un taux de salaire égal est payé à tout le monde.
Présentement, ça se produit. Je ne crois donc pas que ça
peut mettre en branle, quand on parle d'une situation économique,
l'économie d'une région telle que Chicoutimi, si on doit causer
de la discrimination à un certain groupe de travailleurs, en leur
donnant une différence de $1.15 l'heure à l'endroit des gars qui
font un travail identique, et dont on a reconnu la compétence au
début du chantier, on y a employé strictement des gens locaux et
on reconnaît leur compétence. Mais deux mois après, la
main-d'oeuvre locale est épuisée on est obligé, non pas
par les spécialisations, tel qu'on le réclame, mais simplement
par un manque de travailleurs dans cette région, de se faire valoir et
de se faire justice soi-même en disant que ces gens-là n'ont pas
la spécialité et ne peuvent pas produire autant.
Je crois aussi que, concernant la question de productivité, les
métiers de la construction, il est évident que dans certaines
régions, des gens d'un certain métier peuvent peut-être
avoir à connaître un peu plus de leur métier
généralisé. Mais ce que l'on recherche, ce ne sont pas des
chaînes de montage, non plus, à savoir qu'un plombier, à
Montréal, travaillera peut-être dans un chantier de construction
à installer des lavabos. Il est fort évident que, si on lui en
fait installer 500 pour une période d'un mois, il sera drôlement
spécialisé dans l'installation des lavabos. Mais il faut
comprendre aussi que ce plombier, après la fermeture de ce chantier,
aura à se présenter à un autre emploi et peut-être
qu'à ce moment-là, il sera très spécialisé
dans l'installation d'un article, mais ce n'est pas tout ce qui est
recherché. Ce qui est recherché, c'est l'ensemble d'un
métier. C'est la raison pour laquelle je demanderais à M. Dion,
pourquoi, encore une fois, il existe une chose semblable à Chicoutimi,
présentement, au moment où cette commission siège. C'est
une discrimination pour les gens de cette région, pour les travailleurs
de cette région.
M. LE PRESIDENT: M. Lafontaine, d'abord, c'est une question qui est
assez longue. Alors le moins que l'on puisse dire, c'est que vous
représentez avec une certaine fermeté les gens que vous
représentez. Je vous remercie.
M. Dion.
M. DION: Cela a permis à M. Lafontaine de faire un beau discours
en faveur des gens de Chicoutimi. Mais je vous dirai ceci: M. Lafontaine est
parti d'une prémisse qui est complètement fausse. Je n'ai jamais
affirmé et je pense que cela peut être
vérifié que ce qui justifiait l'écart de salaires
sur le laminoir était une question de compétence. Je pense que
j'ai surtout fait porter mon argumentation sur une question d'offre et de
demande. C'est l'offre et la demande. A ce moment-ci, c'est tellement comique
de voir un gars de syndicat venir se plaindre parce qu'un travailleur de telle
région n'a pas le même salaire, dans tel chantier, qu'un gars
d'une autre région. A toutes fins pratiques, il faut quand même
avouer que ce sont eux qui ont négocié ces conditions de
salaires. Et si, aujourd'hui, ces conditions de salaires sont drôlement
différentes, c'est peut-être parce qu'il y avait des raisons de
les négocier de cette façon. Pourquoi le gars de Montréal
a-t-il voulu, désiré, ou négocié des conditions de
salaires qui sont supérieures à celles des gars de la
région d'à côté? C'est peut-être parce qu'il
avait de drôles de bons motifs de les négocier. C'est
peut-être parce que économiquement, dans sa région, il
considérait que, pour vivre, il lui fallait tel salaire, au lieu de tel
autre. Il y a certainement des raisons de base qui ont amené les
travailleurs à négocier des conditions différentes d'une
région à l'autre. Qu'on vienne faire porter, ou qu'on vienne
essayer de faire un grand discours devant l'assemblée, ici, pour dire
que les travailleurs de telle région sont exploités par
l'employeur, jeregrette mais c'est inacceptable. L'employeur, là-bas,
est drôlement légal quand je dis drôlement, ce n'est
pas drôle il est légal. Il suit le décret. Il
applique le décret tel qu'il est mais il a besoin de main-d'oeuvre. S'il
ne peut pas obtenir sa main-d'oeuvre autrement qu'en payant des surprimes et en
l'exportant d'endroits où cela lui coûtera plus cher, eh bien,
à ce moment-là, c'est son seul choix.
Mais je vous ferai remarquer que ce n'est certainement pas avec grand
plaisir qu'un employeur soit obligé de faire des choses comme cela.
Parce qu'il faut quand même admettre ceci: Lorsque l'employeur
soumissionne, il a légalement le droit de soumissionner
conformément aux conditions de travail qui existent dans la juridiction
territoriale où le travail sera exécuté. Alors si,
à cause de la demande de main-d'oeuvre qu'il est obligé de faire
venir de l'extérieur, il est obligé de payer des coûts
supplémentaires, à ce moment-là, je pourrai vous dire que
ce n'est certainement pas de la poche du client que sort cet argent. L'argent
sort de la poche de l'entrepreneur parce que le surplus d'argent qu'il est
obligé de payer, il n'a pas pu l'évaluer dans sa soumission.
Que l'on dise aujourd'hui: Ce n'est pas une question de
compétence. Et je ne voudrais pas surtout pas qu'on m'amène
à discuter le problème des plombiers et des électriciens.
Quand je parle, j'essaie, autant que possible, de parler dans le domaine des
métiers généraux. Les plombiers et les électriciens
sont ici représentés par des gens qui seront en mesure de
répondre à ces choses-là. Mais je veux quand même
vous dire ceci: II est inacceptable, aujourd'hui, que l'on vienne dire que les
employeurs, ou qu'on laisse entendre que des employeurs agissent d'une
façon plus ou moins acceptable et donnant des taux de salaires
supérieurs à des gens. Es accordent des primes pour fins
d'obtention de main-d'oeuvre. C'est simplement cela. Et à ce
moment-là ce n'est certainement pas le choix de l'employeur de le
faire.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Dion. Maintenant, M. Laberge avait quelque
chose, je crois, à ajouter.
M. LABERGE: M. le Président, il faut bien faire un discours
à l'emporte pièce, comme M. Dion vient de faire, pour reprocher
à M. Lafontaine d'en avoir fait un! Je pense que s'il y a quelqu'un,
justement, qui est au courant des raisons dans les différences de
salaires, je pense que lui en est un. C'est tout simplement parce que, quand
les négociations se faisaient dans plusieurs régions
remarquez bien que j'en parle bien à mon aise puisque ce n'est pas
nous qui avons négocié ce décret je sais
pertinemment que, dans bien des régions, si des taux moindres ont
été acceptés, c'est justement parce qu'il n'y avait de
force économique à ce moment-là.
N'ayant pas d'ouvrage dans ces régions, ils étaient bien
obligés d'accepter à peu près n'importe quoi. Mais cela ne
change pas le fait que, sur le chantier, vous avez des gars à
compétence égale qui ont été obligés d'avoir
le même permis provincial et qui travaillent à des taux
différents. C'est inacceptable. Et l'employeur ne paie pas de prime. Il
paie un prix qui est justifié et qui est payé, d'ailleurs, par la
vaste majorité des entrepreneurs en construction.
Or, la question que je voudrais, moi, poser à M. Dion porte sur
l'ancienneté. Vous savez qu'à la FTQ nous l'avons dit dans
notre mémoire d'ailleurs nous réalisons que dans
l'industrie de la construction, c'est plus difficilement applicable que dans
les autres industries. D'accord. Mais là, je pense que M. Dion a
charrié un peu en disant que cela mettrait la pagaille sur les chantiers
et empêcherait les pauvres entrepreneurs de diriger leur main-d'oeuvre.
Il reste quand même qu'il y a 70,000 travailleurs de la construction, ou
à peu près. Et il y a quelque 700,000 autres travailleurs
syndiqués au Qué-
bec, qui ont tous des clauses d'ancienneté. Cela n'a pas
empêché les choses de fonctionner partout où les clauses
d'ancienneté existent, tout de même. Il ne faudrait pas
charrier.
Et si je parle de cela, je parle en même temps de la question des
contremaîtres. Les associations patronales qui ont déjà
déposé leur mémoire, disaient que le coût de la
construction à Montréal, par unité, était le
deuxième plus bas de la province. Justement, un journal je pense
que c'est la semaine dernière a rapporté que
c'était le plus bas au Canada pour toutes les grandes villes. Plus bas
que Vancouver, Toronto, etc. Il reste que les contremaîtres, à
Montréal, ont toujours été membres du syndicat. Alors, je
voudrais poser la question suivante à M. Dion. Que le contremaître
soit membre du syndicat à Montréal, cela n'a pas
empêché les entrepreneurs d'êtres efficaces, puisque le taux
par unité est encore un des plus bas au Québec. Qu'est-ce qui
fait croire à M. Dion que cela va tout bousculer, l'économie et
les entrepreneurs?
M. DION: Je suis bien prêt à admettre que dans au moins un
secteur de la construction, les contremaîtres de l'industrie de la
construction sont couverts par la convention et qu'ils doivent être
syndiqués. Je ne veux pas mettre en doute les paroles de M. Laberge,
mais chez nous, les gens nous ont dit que cela les oblige à avoir un
employé supérieur pour exercer le contrôle qu'on voudrait
exercer sur les employés. Mais je ne suis pas du tout prêt
à admettre... Je pense que la FTQ aura la possibilité de faire
ses preuves sur le sujet. Je pense cependant qu'il n'y a dans les
métiers généraux de l'industrie de la construction
à Montréal, aucune clause qui fait que les contremaîtres
doivent être des contremaîtres syndiqués. La syndicalisation
au niveau des contremaîtres dans les métiers
généraux à Montréal n'existe pas. Je ne dirais pas
qu'elle n'existe absolument pas. Il y en a peut-être qui sont
syndiqués. Mais elle n'existe pas comme législation.
C'est-à-dire que le décret n'oblige pas les contremaîtres
à être syndiqués, donc à faire partie d'une
unité syndicale.
On pourrait longuement développer ce sujet. Pourquoi un
contremaître qui fait partie du syndicat est-il moins productif pour un
employeur? Moi, je pense que ce n'est pas tellement... On pourrait lire le
document que nous avons déposé. Il faut simplement dire ceci.
C'est que si, ce soir, je suis un contremaître, membre du syndicat, et
qu'on me dit: Tu vas mettre Arthur dehors Arthur, c'est un des membres
du syndicat avec toute la bonne volonté possible, je vais dire:
Ecoutez, patron, vous me demandez de mettre un de mes gars dehors, un des gars
du même syndicat que moi, il y a quand même un petit danger. Disons
qu'il est très minime. Ce n'est pas grand-chose, mais disons qu'il y a
quand même là un petit problème. Je pense que je n'ai pas
besoin d'aller plus loin pour que vous le compreniez.
M. LABERGE: Une autre petite "question-nette", M. Dion. Soit dit en
passant, cela se fait à tous les jours, ce que vous craignez, et
ça marche, l'affaire.
Je ne suis pas sûr si j'ai bien compris tantôt et là,
c'est réellement une question directe. Encore une fois, je ne vous
accuse de rien, mais je ne suis pas sûr si j'ai bien compris. J'ai
compris qu'à un moment donné vous disiez que les droits acquis
qui avaient été concédés à des groupes
particuliers de travailleurs, dans bien des cas des groupes minoritaires, de
vouloir les étendre à tout le monde, cela était
inacceptable. Mais et là, je vous pose la question est-ce
que vous croyez qu'il est irraisonnable de demander que des gars qui ont obtenu
des privilèges en négociation et qui même dans certains
cas, ont échangé certains privilèges contre des
augmentations de salaire, de demander, dis-je, que ces gars gardent leurs
droits acquis?
M. DION: Ce que j'ai dit, je pense que je l'ai basé sur deux
facteurs. D'abord, c'est restreint à un certain groupe et cela a
été donné dans un certain cadre. Et ceci, je voudrais le
souligner.
C'est qu'au niveau du gouvernement, lorsque la négociation s'est
faite pour la fonction publique, il y a une phrase on l'a
mentionnée quelque part dans un des documents qui a
été dite, c'est la suivante: Ecoutez, si vous voulez garder vos
droits acquis, on va garder les conditions telles qu'elles sont. Les conditions
de travail, c'est un ensemble. Il y a tel droit acquis parce qu'il y a tel
cadre de négociations. Telle situation s'est établie sur le
chantier ou dans l'industrie. Le droit acquis était peut-être
justifié ou non. Il a peut-être été obtenu, je ne
dirais pas injustement, mais avec des pressions etc., de la façon dont
ça peut s'obtenir parfois, les droits acquis.
Nous venons de faire une négociation provinciale pour uniformiser
les conditions de travail. Si, en plus de ça, on veut y admettre tous
les droits acquis des centrales syndicales, nous allons effacer toute la
négociation, nous allons prendre les conditions telles qu'elles sont
là et, à ce moment-là, il ne sera pas question de faire
l'uniformisation. Défendez vos droits acquis et nous défendrons
les nôtres, parce que, nous aussi, nous avons des droits acquis. Nous
avons le droit, à l'heure actuelle, de ne pas avoir d'ancienneté
à tel endroit. C'est un droit acquis pour nous aussi. Si, à un
moment donné, nous consentons à discuter telle ou telle
condition, c'est que nous mettons nos droits acquis en jeu.
Cela a l'air drôle de parler des droits acquis de l'employeur,
mais il y a quand même des droits acquis que nous pouvons appeler les
droits de gérance. Si, dans une négociation, on met ces
droits-là en jeu, je pense que les parties syndicales, à un
moment donné, pour le bénéfice de l'ensemble des
salariés, doivent céder certaines faveurs qu'on a pu obtenir pour
des
considérations spéciales, dans un cadre très
spécial.
Il est clair que si, à un moment donné, la FTQ vient me
dire: Des vacances obligatoires, il y en avait à Sherbrooke et ces
vacances-là étaient situées la première et la
deuxième semaine de juillet, je ne lâche pas ça, je dirai:
Vous avez le choix de laisser aller ce droit acquis pour prendre des vacances
obligatoires, comme tout le monde, à la fin de juillet ou de conserver
vos droits acquis. A ce moment-là, je ne parle plus d'uniformisation. Je
suis obligé de faire une négociation individuelle et de
régler les problèmes de tous les petits droits acquis de chacun.
Je ne parlerai même pas de négociation provinciale et
d'uniformisation.
Alors, le droit acquis, c'est dans un cadre très spécial.
Je pense que ça ne peut pas être exporté ou
importé.
M. LE PRESIDENT: M. Pepin, vous aviez une question à poser. Il
reste M. Desjardins. Voulez-vous toujours poser une question?
M. DESJARDINS: Je voudrais seulement porter à l'attention des
députés qu'il y a le bill 38, que les travailleurs sont
obligés de respecter. Il y a aussi le document parlementaire 72, dans le
troisième attendu, qui dit que, dans l'industrie lourde, les conditions
de Montréal sont reconnues de fait. Alors, certains entrepreneurs le
respectaient auparavant. Maintenant que, par le bill 38, on a enlevé aux
travailleurs tous les droits de se défendre sur certaines conditions qui
existaient auparavant, le gouvernement a-t-il l'intention de faire quelque
chose à ce sujet, étant donné que les travailleurs
respectent certainement le bill 38 présentement en vigueur?
M. LAPORTE: Vous savez très bien, M. Desjardins, que ce n'est pas
aussi simple que vous l'expliquez. Le gouvernement, jusqu'ici, a
démontré j'ai des gens devant moi qui en savent quelque
chose; nous sommes actuellement à régler un problème
que les travailleurs n'ont pas été laissés sans
droit; ce n'est pas exact.
M. LABERGE: Une seule question. Reconnaissez-vous que le bill 38 nous
empêche de nous servir de notre force économique pour
régler ce problème-là?
M. LAPORTE: C'est clair.
M. LABERGE : Alors, nous allons déposer le problème sur
votre bureau, M. le ministre.
M. LAPORTE: J'ai dit, ce matin, M. Laberge je pense que
c'était assez clair pour tous ceux qui comprennent et je sais que vous
comprenez fort bien que si le fait que les travailleurs ont dû
forcément renoncer à cette pression écono- mique qui
s'appelle la grève devient pour certains employeurs ou vice versa une
occasion d'exploiter les travailleurs, le ministre du Travail ne le permettra
pas. C'est clair.
M. DION: Je pense que vous avez ajouté vice versa, c'est clair.
Il n'est pas question de droit de lock-out pour nous.
M. LAPORTE: S'il arrivait que le fait d'avoir renoncé à
votre droit de lock-out devienne pour l'employé une occasion d'exploiter
son employeur, le ministère ne le permettrait pas, c'est évident.
Ce n'était pas le but de la loi.
M. DION: Comme, à l'heure actuelle, cela peut arriver pour
certains contrats du gouvernement. Je ferai remarquer, M. le Ministre, que, si
ce droit-là a pu être ou sembler avoir été
enlevé par le bill 38, il faut quand même avouer que les deux
parties ont été mises exactement dans la même situation.
Nous nous retrouvons, à l'heure actuelle, avec la mise en application de
clauses du bill 39 qui font qu'il y a de l'exagération du
côté syndical et nos moyens sont drôlement
limités.
M. DESJARDINS: La solution que je voudrais apporter, M. Laporte, c'est
que, présentement, notre plainte a été faite au
gouvernement. Le gouvernement a fait son possible. Il est allé voir la
compagnie, etc. La compagnie Pentagone a répondu ceci: Nous autres, nous
sommes au "cost plus"; ça ne nous fait rien. Voyez la compagnie
d'aluminium Alcan.
Elle, elle nous envoie quasiment le gars qui balaie les planchers pour
négocier; il n'a aucun mandat. Cela veut dire qu'elle ne respecte ni le
gouvernement ni la partie syndicale. Et maintenant, on est devant un fait
accompli qui continue à exister.
M. LAPORTE: M. Desjardins, est-ce qu'on va s'entendre sur une chose? Ce
n'est peut-être pas la place pour régler ça cet
après-midi.
M. DESJARDINS: Non, mais on se demande où on peut le
régler, parce que présentement on n'a rien.
M. LAPORTE: Essayez donc au Delta. Essayez donc au ministère du
Travail, à l'édifice Delta; c'est là qu'on peut vous
donner un coup de main.
M. DESJARDINS: Cela fait déjà une semaine et demie que je
suis là pour cette cause.
M. LAPORTE: Bien oui, mais vous êtes élu pour des
périodes bien plus longues que ça.
M. DESJARDINS: Mais les travailleurs trouvent ça long.
M. LAPORTE: Je comprends, et les députés aussi, cet
après-midi, mais on écoute.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que M. Dion a quelque chose d'autre à
ajouter ou si ça se termine?
M. DION: Je pense que ça ne fait pas partie de la discussion de
la commission parlementaire. Je suis absolument d'accord avec le ministre. Je
voulais simplement vous mentionner je l'ai dit au début
que j'ai apporté les chiffres. Pour répondre à M. Burns,
j'ai retrouvé un document qui relève les statistiques que j'ai pu
mentionner ce matin et qui donne certains exemples des profits au niveau de la
province. Il y a des copies supplémentaires que je laisse ici pour la
commission. S'il n'y a pas d'autres questions, j'ai terminé.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Dion, pour vos
représentations. Maintenant, avant de passer à M. Pepin, je
voudrais, pour les fins d'inscription au journal des Débats, annoncer
que l'Association des industries forestières du Québec a
déposé un mémoire. L'Association canadienne des
distributeurs d'équipement en déposera un d'ici lundi, ainsi que
l'Association des employés de Northern Electric et l'Union des
municipalités.
A M. Pepin de faire maintenant des représentations pour la
CSN,
M. LAPORTE: M. Pepin, avant que vous ne commenciez, je m'excuse
d'aborder un sujet qui est bien étranger, mais nous avons, je pense,
vous et moi, un problème qui exige une réponse. Je ne voudrais
pas que votre intervention, qui peut être plus longue que quelques
minutes, soit interrompue. Est-ce que quelqu'un de vos gens est autorisé
à répondre à la question qu'on s'est posée
tantôt, sur laquelle je ne reviendrai pas?
M. PEPIN: Je vais vous répondre rapidement. C'est qu'avant de
venir ici j'ai demandé à M. Labelle, parce qu'on attend quelqu'un
de directement impliqué...
M. LAPORTE: Bon. Quand il va arriver, on va me faire signe.
M. PEPIN: ... de vous donner la réponse, si vous pouvez sortir de
la salle de la réunion.
M. LAPORTE: Merci.
M. PEPIN: Vous aurez sa réponse et j'ose croire que le
problème pourra être résolu immédiatement.
M. LAPORTE: Merci.
Syndicats nationaux
M. PEPIN: M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres
de la commission, avant de toucher certains problèmes plus à
fond, je voudrais me référer à certains aspects
particuliers. Avant-hier, la présente commission a eu l'obligeance
d'entendre, pendant presque toute la journée, des gens qui se sont
opposés, pour la plupart, à ce qu'ils soient couverts par le bill
38 et surtout par le bill 290. Le bill 38 lui-même est une
dépendance de l'autre bill. Je crois donc que les objectants sont venus
ici pour s'opposer à ce que je considère être l'application
du bill 290.
Je comprends fort bien que votre commission les ait entendus, je
comprends fort bien que vous ayez pu tenter de vous faire éclairer sur
certains aspects du champ industriel, du champ professionnel de ce bill, parce
qu'il représente une réalité différente, dans le
sens qu'avant l'adoption de ce bill les parties elles-mêmes
déterminaient, délimitaient leur champ industriel ou
professionnel, non pas par voie de législation adoptée par
l'Assemblée nationale, mais par voie de réglementation. Donc,
c'était le lieutenant-gouverneur en conseil qui prenait la
décision.
Maintenant que la loi est adoptée, je comprends que les gens
viennent s'opposer à être partie au bill ou être couvert par
le bill. Tout ce que je voudrais suggérer à votre commission,
c'est qu'il ne m'apparaît pas à moi, peut-être ai-je tort,
que c'est de la compétence actuelle de la commission de décider
si tel groupe est couvert ou non par le bill.
Si ça devait entraîner des amendements à la loi 290,
à ce moment-là, votre commission pourrait éventuellement
émettre un voeu, en disant: Nous recommanderons que le bill soit
amendé dans le sens des objectants, en totalité ou partiellement.
Quant à moi, je considère que vous, vous êtes ici pour
appliquer une des dispositions de la loi 38 et non pas pour voir à
l'application des dispositions, en totalité ou partiellement, de la loi
290.
Je soulève ce point-là, non pas que je regrette que vous
ayez entendu les objectants; je le soulève uniquement pour rappeler que
la présente commission est ici pour exécuter une des
prescriptions indiquées à la loi 38, cette prescription lui
ordonnant, à toutes fins utiles, d'écouter les parties pour voir
comment les conditions de travail des travailleurs de la construction des trois
prochaines années seront prévues et comment cela
évoluera.
Le deuxième point d'introduction se réfère à
ce qui a été mentionné brièvement par M. Michel
Dion précédemment. Cela concerne la question des
contremaîtres et ça appartient au même
phénomène quant à moi. De même que vous, comme
commission, vous n'avez pas, à mon avis, comme mandat de refaire la loi
290 sur le champ industriel ou professionnel, de la
même manière, vous ne devez pas à mon avis
peut-être que j'interprète mal les choses, mais c'est ainsi que je
vois le problème de même, dis-je vous n'avez pas à
revoir la loi quant à la définition du mot " salarié ".
Dans les divers mémoires qui vous ont été
préparés et soumis, par les associations patronales en
particulier, vous verrez que certaines d'entre elles réfèrent
entre autres à la notion du code général du travail.
Or, le code du travail ne reçoit pas d'application dans le cas de
la loi 290, à moins que la loi elle-même dise explicitement que le
code du travail s'applique. Je crois que c'est là une des dispositions
de la loi 290.
En conséquence, lorsque les employeurs viennent soulever et
plaider devant vous que les contremaîtres doivent être exclus du
bill lui-même, je vous suggère tout simplement de regarder
l'article 1, paragraphe q) à la définition du salarié, et
je vous demande si, ailleurs, dans la loi, nous retrouvons des dispositions
analogues à celles que nous trouvons dans l'actuel code du travail. Si
mon interprétation est exacte je ne vous dis pas qu'elle l'est
si elle l'était, les membres de votre commission peuvent, comme
ils l'ont fait d'ailleurs dans le cas des objectants au champ industriel et
professionnel il y a quelques jours, écouter toutes les
représentations, faire même une recommandation, un voeu pour
qu'éventuellement l'Assemblée nationale change la loi, si
c'était là la position de votre commission, mais il reste que
vous avez à appliquer la loi telle qu'elle est, non pas la loi telle que
vous désireriez qu'elle soit à la suite des
représentations des parties. Voilà donc les deux premiers points
que je voulais soulever. Je pense que c'est d'intérêt pour vous
d'essayer de comprendre exactement le rôle, le mandat, la mission de la
commission qui siège maintenant.
De plus, M. le Président, messieurs les membres, avec l'adoption
de la loi 38, nous en sommes rendus à ce que je pourrais appeler une
forme d'arbitrage, non pas un arbitrage de la part de la présente
commission, parce que cette commission n'a rien à arbitrer,
d'après la loi. La commission écoute donc les parties et c'est le
ministre du Travail qui, ayant, comme membre de la commission,
écouté les parties, fera éventuellement des
recommandations au lieutenant-gouverneur en conseil. Ceci veut dire que le
lieutenant-gouverneur en conseil devient en l'espèce l'arbitre des
parties.
Cela signifie aussi, par voie analogique, que nous sommes
replacés, comme nous l'étions durant la période de 1944
à 1964, dans les services publics au Québec. Vous vous souvenez
de cette loi qui prohibait la grève dans les services publics et qui
faisait que les différends, les conflits d'intérêts
étaient résolus par voie d'arbitrage. Un ou trois arbitres
intervenaient alors et décidaient pour les parties de leurs conditions
de travail. Le cabinet, le lieutenant-gouverneur en conseil, en
l'espèce, jouera le même rôle que les arbitres jouaient sous
l'empire de la loi qui régissait les services publics.
Pourquoi je réfère à ceci? C'est que le cabinet
peut-être que votre commission aurait à se prononcer
là-dessus comme voeu ou comme recommandation devra prendre une
première décision. Il devra, à mon avis, se demander:
Quand j'exerce un rôle comme celui-là, comment dois-je exercer ce
rôle? Est-ce que je dois l'exercer suivant uniquement la loi du
marché je reviendrai bien sûr, plus tard dans mon
exposé, sur la loi du marché ou si je dois l'exercer d'une
manière différente? Les arbitres, sous l'empire de l'ancienne
loi, devaient-ils exercer leurs fonctions en se disant : Je vais
m'enquérir s'il y a beaucoup de demandes dans telle institution
hospitalière? S'il y a beaucoup de demandes au prix qui est payé
actuellement dans cette institution, je n'ai pas à augmenter les
salaires puisque la loi du marché prévoit qu'ayant de la demande
il y a beaucoup de gens qui sont intéressés à y
travailler.
Il me semble qu'il y a pas mal d'auteurs je ne les ai pas ici
avec moi; si la commission est intéressée, je ferai des
recherches particulières sur ce point qui ont dit que, dans des
cas d'arbitrage à décision exécutoire, l'arbitre, en
l'occurence le lieutenant-gouverneur en conseil, doit essayer d'agir comme si
les parties étaient en pleine force. Non pas uniquement le syndicat, non
pas uniquement le patronat, mais les deux parties.
C'est un point qui m'apparaît capital. Il est peut-être
très théorique ou abstrait ou intellectuel, mais, de cette
décision, le cabinet peut en arriver à une conclusion
différente de celle où il arriverait s'il prenait une autre
attitude, en disant: Maintenant que les gars sont au travail, qu'il n'y a pas
de grève, qu'il n'y a pas de "lock-out", moi, comme cabinet, je n'ai
qu'à décider suivant ma propre loi à moi, ma propre
conception, sans tenir compte de la force réelle des parties. Je vous
suggère donc, messieurs les membres de cette commission, que le cabinet
à moins, comme je l'espère et comme le ministre doit
l'espérer autant que moi, qu'il n'y ait, d'ici à ce
temps-là, accord entre les parties lorsqu'il aura à
décider, tienne compte du fait qu'il agit comme un arbitre et
qu'à ce moment-là il ne peut pas se fier uniquement sur
peut-être une vieille conception libérale des relations de
travail. Libérale, sans jeu de mots; je ne parle pas du parti. Je dis,
tout simplement, que le cabinet lui-même doit tenir compte de cet aspect.
Je pense que ceux qui ont évolué dans le domaine de l'arbitrage
à décision exécutoire savent fort bien à quoi je
réfère en particulier. Il y a eu trop d'arbitres dans le
passé qui ont agi un peu à la bonne franquette de ce
côté-là.
Je suis convaincu que le cabinet n'agira pas ainsi, pourvu qu'il ait une
certaine conception du rôle qu'il doit jouer.
M. le Président, en quatrième lieu, je vou-
drais vous dire que, sur certains aspects, je demanderai à
l'économiste Loranger de venir vous expliquer sa thèse.
Et, sur d'autres aspects, des points particuliers, mais qui sont d'une
importance véritable, comme le ministre l'a déjà
mentionné à la première séance de la commission
parlementaire, le négociateur de la CSN à la table des
négociations, M. Jacques Tardif, se fera entendre et vous expliquera
pourquoi, sur les aspects principaux, les grands points, la position de la CSN
est ce qu'elle est.
Avant, cependant, d'en arriver là, je voudrais faire des
commentaires qui sont un peu plus généraux. J'ose croire que
là-dessus, même si un ou des membres de la commission, l'une ou
l'autre des parties ou leurs représentants, ne partagent pas cette
thèse, celle que j'ai l'intention de développer, que l'on pourra
au moins essayer de faire une certaine confrontation dans les instants
dramatiques que nous vivons au Québec à l'heure actuelle.
Il y a un autre point. Je n'ai pas l'intention, pour l'instant, de
parler de la question de la demande du vote faite par nos collègues de
la FTQ. Même si ce n'est pas le mandat de cette commission, si celle-ci
décide d'entendre des choses sur cette question, je pense que personne
ne me refusera le droit de revenir et de dire pourquoi telle position de la CSN
a été prise de concert avec ses affiliés et ses
adhérents. Pour l'instant, je mets ça de côté;
j'attendrai uniquement en réplique, si mes amis de la FTQ entendent
toucher ce point-là. J'y reviendrai par la suite.
M. le Président, MM. les membres de la commission. Je pense que
nous sommes en face de conceptions qui s'affrontent et je crois qu'à
l'heure actuelle nous devons, comme représentants syndicaux, comme
membres de syndicats ouvriers, de travailleurs, et les autres, comme membres de
syndicats patronaux et comme employeurs, faire face à des
réalités qui sont identiques. Pour vous, les parlementaires, vous
ne pouvez pas vivre en marge de cette société et en marge des
problèmes qui se soulèvent dans toute la communauté.
Il y a des conceptions économiques qui s'affrontent. C'est
important. C'est grave même. Ce n'est pas là, à mon avis,
le fondement réel de la question. Que l'économiste Loranger ne
soit pas d'accord avec l'économiste Lacasse, qu'il y ait d'excellents
motifs pour qu'il y ait opposition entre les deux, c'est possible. Cela ne
règle pas le fondement même du problème. Les membres de
cette commission, et demain le cabinet auront à décider, non pas
tellement, et surtout pas exclusivement, sur des concepts économiques,
sur des théories, sur des thèses économiques. Mais ils
auront à décider sur une conception sociale.
On pourra reprocher ce que l'on voudra. On pourra dire, affirmer, on
pourra par exemple imaginer que ce sont les dirigeants syndicaux qui sont la
cause de toutes les revendications des travailleurs. On saura bien, au point de
départ, qu'on a tort de présenter le débat de telle
façon. Mais ce que l'on ne pourra jamais éviter, c'est que, dans
notre société, à l'heure actuelle, il y a des courants
profonds de contestation qui sont dus à une absence de participation
dans la société, absence de participation aux décisions.
Et quand les employeurs du bâtiment viennent nous dire que les gars ne
doivent empiéter sur aucun droit de gérance, à ce
moment-là ils participent eux-mêmes à démolir le
propre système qu'ils veulent garder et maintenir au monde.
On pourra aussi imaginer que toute cette question de revenus, de manque
à gagner de la part de ceux qui vivent dans des régions
excentriques, des régions éloignées, des régions
plus faibles économiquement, que cette question, aussi, appartient au
même phénomène et que, si vraiment les membres de cette
commission et, éventuellement, le cabinet décidaient de maintenir
cette inégalité qui existe présentement, cela serait
dommageable, socialement, pour l'ensemble de la communauté.
Bien sûr que vous pourrez m'affirmer: Qu'est-ce que cela va
changer? En quoi cela sera-t-il différent? On a, à l'heure
actuelle, des problèmes et de graves problèmes dans toute cette
industrie du bâtiment. Comme les employés du gouvernement
provincial en ont eu, comme les employés des hôpitaux en ont eu,
comme les employés de la RAQ en ont eu, comme les enseignants en ont eu.
Cela ne règle pas l'ensemble des questions, cela ne règle pas
l'ensemble des problèmes, le fait que vous ayez l'égalité.
Mais ce que je suis prêt à dire, c'est que vous n'aurez pas de
possibilité de paix sans avoir l'égalité.
Qu'on vienne, au nom d'une théorie économique,
théorie que je ne me gêne pas pour qualifier comme étant
basée sur la fin du 19e siècle ou peut-être le début
du 20e siècle... C'est du libéralisme intégral que l'on
veut faire, du néo-classicisme, comme mon ami M. Lebon le suggère
en arrière. C'est absolument désuet. A moins que l'on dise que
les forces du marché sont les seules forces qui peuvent intervenir dans
la fixation et la détermination des salaires et des prix. Or, toute
cette thèse vieillote était basée sur un régime de
concurrence parfaite, et ce régime de concurrence parfaite n'a jamais
été réalisé, ni ici, ni ailleurs. Et l'on voudrait
prendre certains aspects de cela pour les imposer à cette industrie de
la construction.
M. le Président et messieurs les membres de la commission, je
vous suggère que vous ne devriez pas, ni vous ni le cabinet,
ultérieurement, retenir ou baser un jugement sur cette théorie,
à moins que vous croyiez que l'on puisse revenir des dizaines et
quasiment une centaine d'années en arrière. D'ailleurs, ceux qui
vous présentent cette théorie, à mon humble avis, le font
d'une manière non pas biaisée
parce qu'ils sont sans doute objectifs je ne dis pas qu'ils sont
impartiaux, je dis qu'ils sont sans doute objectifs comme moi, je vous le
rappelle, je ne suis pas impartial mais j'essaie d'être objectif
lorsqu'ils vous présentent leur théorie, dis-je, ils se basent
d'abord sur un calcul de coefficients économiques, de coefficients
d'élasticité qu'ils sont allés chercher aux Etats-Unis en
disant: On pense que cela devrait être la même chose ici, avec une
marge de 30 p. c: 15 p. c. en plus, 15 p. c. en moins. Vous pourriez
décider, là-dessus, lorsqu'ils vous disent: Nous pensons que les
chiffres que nous avons trouvés pour asseoir notre argument sont
valides, même si ce ne sont pas les chiffres qui sont peut-être les
meilleurs. C'est qu'il n'en existe pas de meilleurs pour nous. Décidez
donc là-dessus, vous autres, en tenant compte de chiffres sur lesquels
même celui qui représente cette thèse a dit, si j'ai bien
compris si je l'ai mal interprété, je m'en excuserai
rapidement que ce ne sont peut-être pas les meilleurs chiffres,
mais que c'étaient les seuls disponibles. Lorsque l'on présente,
encore, une fois, cette question de coefficients d'élasticité,
voici la réponse que l'on a: C'est encore mieux d'avoir un mauvais
coefficient que de ne pas en avoir du tout. Attention, lorsque nous en sommes
rendus là!
Lorsque je regarde leur tableau, le tableau 3-8 auquel mon ami Louis
Laberge a fait référence hier, il me semble, à moi,
qu'à la lecture évidemment on peut faire dire,
apparemment, n'importe quoi aux chiffres il me semble que cela me
suggère exactement l'inverse de la thèse que l'on veut
défendre.
Je pense que plutôt que de rechercher à maintenir une forme
d'inégalité, on ferait mieux de rechercher une
égalité.
En recherchant cette égalité, on force des gens à
se spécialiser, employeurs, employés, et on en arrivera de cette
façon à une société mieux ordonnée.
Lorsqu'on affirme combattre les disparités régionales en
maintenant des salaires réduits, c'est drôle, mais j'ai
l'impression qu'on va, dans mon concept à moi, exactement à
l'envers du bon sens. On veut que tout le monde soit payé sur une base
identique, c'est-à-dire ait des revenus, que les régions soient
considérées comme étant une force égale ou à
peu près, mais on voudrait que les travailleurs, d'abord, acceptent des
conditions inférieures. Ce n'est pas pour les autres classes de la
société, comme l'a suggéré d'ailleurs, à
juste titre, le député de Bagot, hier et aujourd'hui, mais pour
les travailleurs. Eux, il leur faudrait accepter des conditions de travail
inférieures.
On va me faire croire que le site, la localisation d'une entreprise se
décide principalement sur la question des taux de salaires qui sont
payés. Si cela a pu être vrai, si cela a déjà
existé, je pense que personne ne peut le soutenir sur une base
rationnelle et sérieuse. Je n'en prends peut-être pas votre
région à témoin, mais je cite au moins un exemple de votre
région, M. le député de Chicoutimi. Lorsque Noranda Mines
est allée s'établir à Valleyfield pour y ouvrir une usine,
il y avait, si mes informations sont exactes, deux sites examinés, le
premier à Chicoutimi, le deuxième à Valleyfield. A
Chicoutimi, on avait pas mal d'avantages, semble-t-il, et même, cette
ville étant un peu plus éloignée de la
périphérie de Montréal, il y avait, m'a-t-on dit dans le
temps, des avantages salariaux. Cette compagnie n'a pas d'abord tenu compte des
avantages salariaux, elle a tenu compte d'abord et avant tout du marché.
En effet, si quelqu'un faisait un tel raisonnement, ce serait tellement
à courte vue. On ne sait jamais à quel moment la force syndicale
à laquelle a référé M. Dion, et avec raison,
interviendra pour faire croître les salaires au même niveau
qu'ailleurs.
Et on viendrait soutenir devant vous et devant nous que la localisation
des entreprises est reliée aux faits salariaux! Personnellement, je
crois que c'est là une erreur. Si l'on veut combattre les
disparités régionales, ce n'est pas en maintenant les gens
pauvres. Il y a d'autres moyens d'incitation fiscale, et vous, comme membres de
cette Assemblée nationale, vous avez déjà adopté
des législations au niveau de la fiscalité, pour justement,
essayer de compenser l'attrait d'une métropole comme Montréal par
rapport à d'autres centres plus éloignés qui n'ont pas le
même marché.
Je ne juge pas si ces lois étaient valides, bien faites ou mal
faites. Ce que je dis, c'est que ce n'est pas sur le dos des travailleurs qu'on
doit s'organiser pour entraîner les entreprises. Cela s'est fait au
Québec pendant des années et des années, non pas
uniquement pour des régions, mais pour l'ensemble du territoire
québécois. Cela a toujours été
considéré comme étant purement inacceptable et je pense
que ce l'est par tout le monde maintenant, sauf pour certaines personnes qui
croient encore que nous devrions revenir aux beaux jours, à leurs beaux
jours, où la main-d'oeuvre serait encore très docile.
M. le Président, MM. les membres de la commission, je suis
heureux que le président du Conseil du patronat, que j'ai vu
tantôt, soit ici, parce qu'il me semble que je ne peux pas passer sous
silence certaines parties des affirmations de son mémoire. J'avais
d'ailleurs prévenu dans le temps que j'avais l'intention de toucher
certains de ces points, de ces aspects. Je crois que cela a une importance. Le
Conseil du patronat est un organisme relativement jeune. Je ne parle pas des
patrons, parce qu'ils sont plus âgés que nous, parce que les
syndicats viennent au monde uniquement quand il y a des patrons.
Ils ont l'ancienneté sur nous. Le Conseil du patronat, comme tel,
est un organisme relativement jeune. Pour nous du mouvement syndical et, en
particulier, pour nous de la CSN, nous avons toujours souhaité qu'il y
ait un organisme
patronal représentatif qui parle au nom de l'ensemble. Je pense
que M. Perrault qui est ici pourra confirmer que certaines propositions que
j'ai faites au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, il n'y a
pas tellement longtemps, tendaient à donner encore plus de pouvoir
à cet organisme qu'est le Conseil du patronat.
Ce n'est donc pas au conseil comme tel que j'entends m'attaquer, mais
aux conceptions qu'il a défendues cette semaine devant nous.
Je ne crois pas être habilité à porter un jugement
sur eux. Je dois dire ce que je pense de leur prise de décision. Si, un
jour, ils croyaient que c'est en vue de leur donner des leçons ou de
leur faire des romances, qu'ils se détrompent; c'est uniquement parce
que nous sommes sur un point fondamental et que nous devons avoir, même
si elles sont âpres et dures, des explications qui se tiennent.
Il m'apparaît, comme premier point, que dans son mémoire,
le Conseil du patronat est en complète contradiction avec
lui-même. Je m'explique. Le Conseil du patronat, à moins que je
n'aie mal interprété les choses, m'apparaît avec une
virulence énorme s'opposer à l'égalité des salaires
dans l'industrie de la construction. Cela me semble être toute la trame
de son mémoire. Il est contre. Etant contre, il se déclare, au
même moment et dans le même mémoire, en faveur de l'entente
signée le 10 juillet 1969 par toutes les parties; les cinq associations
patronales et les deux syndicats ouvriers.
Or, messieurs les membres de cette commission, je vous
réfère à l'article 701-A de cette entente qui
prévoit que, s'il y avait application du bill 49 je dis bien "si"
c'est la stricte égalité de salaires partout. Pouvez-vous
être pour et contre en même temps? C'est, je pense, le dilemme dans
lequel le Conseil du patronat s'est placé dans son mémoire. C'est
dans ce sens que je vous dis qu'il se contredit totalement lorsqu'il s'oppose,
avec véhémence, mais qu'il dit: Nous serons pour, si le bill 49
s'applique.
S'ils sont contre, qu'ils soient contre aussi avec l'application du bill
49. S'ils sont pour avec le bill 49, qu'ils soient pour aussi en dehors de
l'application du bill 49. Je pense qu'il y a une certaine logique qui doit
être suivie, à moins là, c'est une hypothèse
puisque ce n'est pas dans le texte que le Conseil du patronat n'ait
décidé: Je serai pour parce que, le 10 juillet 1969, les trois
associations qui sont maintenant membres de mon conseil, ont signé en
souhaitant et en faisant tout ce que je pourrai pour que le bill 49 ne soit pas
appliqué. M. le Président, c'est le premier point que je voulais
soulever. Le deuxième: par sa prise de position c'est
là-dessus que j'ai le plus profond regret le Conseil du patronat
défend des membres, défend des intérêts, cela est
compréhensible. Moi aussi, je défends des membres, je
défends des intérêts, sans aucun doute. Mais, je pense que,
tous ensemble, à un certain niveau, nous pouvons tenter de nous
élever au-dessus de certaines contingences et que nous devons essayer de
voir les problèmes d'un peu plus haut que ce qui est parfois
perçu au niveau d'une table des négociations, au niveau d'un
conflit d'intérêts très direct.
Dans ce sens, le Conseil du patronat a fait preuve d'une position que je
qualifie de rétrograde. Vraiment, lorsqu'il invoque la loi du
marché comme étant à peu près la seule loi qui
puisse avoir une certaine signification, je ne peux pas qualifier autrement une
telle prise de position.
Comment le conseil pourrait-il accepter que ses membres accordent
l'égalité de salaires dans les gros chantiers, lui qui est
contre, lui qui plaide contre? Comment accepterait-il ça dans les gros
chantiers, les chantiers lourds et qui le combattrait dans les petits
chantiers? Est-ce qu'il voudrait en arriver à deux classes de citoyens,
deux catégories? Comment peut-il être pour l'égalité
avec le bill 49? Comment peut-il être contre lorsque le bill 49 n'est pas
appliqué? Est-il conscient de la nature des problèmes qui ont
été soulevés précédemment par M. Lafontaine,
par M. André Desjardins, par d'autres, que cause le fait que dans les
mêmes chantiers les travailleurs recevant des salaires différents
pour le même métier, pour la même occupation, que cela ne
peut pas tenir et que cela n'est pas une possibilité de maintien de paix
industrielle, de paix sociale? Et le Conseil du patronat, à mon avis
encore une fois, je n'ai pas de conseil à lui donner doit
avoir comme préoccupation, non pas uniquement la loi économique,
la loi du marché de 1900, il doit avoir aussi comme préoccupation
la paix industrielle. Est-il possible d'en arriver à une telle paix dans
ces conditions?
Comment peut-il être opposé à
l'égalité des salaires, des traitements, alors que dans les
grandes industries, ça, tout le monde, je pense, le sait, dans le
papier, dans l'aluminium, dans l'acier, dans combien d'autres, les salaires
sont équivalents lorsqu'on est vraiment dans le même secteur
industriel, qu'on travaille à Bagotville, qu'on travaille dans la
région de la Mauricie ou ailleurs? Ce serait vrai pour ces travailleurs,
mais ça ne serait pas vrai pour ceux du bâtiment. Comment peut-il
s'opposer alors que, l'ensemble des employés du gouvernement provincial,
même s'ils ne sont pas assez payés et ça, tout le monde en
conviendra, mais au moins le salaire qu'ils reçoivent est identique,
qu'ils travaillent à Québec, à Montréal, ou
ailleurs?
Il a aussi tenté, à mon avis, dans son mémoire, de
jeter de la poudre aux yeux lorsqu'il invoque les salaires hebdomadaires des
travailleurs du bâtiment. Je ne vous dis pas que c'est faux, je vous dis
qu'il a jeté une bonne partie de poudre dans les yeux des gens.
Pourquoi? Parce que c'est de notoriété publique et le Conseil du
patronat n'est pas sans le savoir que les travailleurs du bâtiment,
générale-
ment et pour la très grande majorité, n'ont pas l'avantage
de travailler douze mois par année. Comment peut-il être pour une
politique où, pour combattre les disparités régionales, il
veut maintenir les pauvres comme ils le sont, il veut maintenir les bas
salaires? Il a tenté aussi de faire la preuve, ou de faire peur
plutôt, en avançant des chiffres non prouvés, des chiffres
qui ont été contredits quant à l'augmentation de la
dépense gouvernementale avec l'application de l'égalité
des salaires. Il me semble que tout le fond de la thèse repose sur le
fait qu'il veut maintenir une certaine inefficacité des entrepreneurs en
ne les forçant pas à se mettre à jour en payant des
salaires convenables.
M. le Président, MM. les membres de la commission, bien
sûr, lorsque j'ai référé que nous étions en
face de conceptions sociales qui peuvent s'affronter, cela est probablement le
noeud du problème. Les relations industrielles ont été
basées sur le rapport de force, agréable ou non, qu'on aime
ça ou non, c'est sur le rapport de force. Ce rapport de force est
maintenant éliminé dans le cas de la construction. Je le
déplore personnellement et je pense que tout le monde a des raisons de
le déplorer. Maintenant que ce rapport de force n'existe plus,
maintenant que nous ne pouvons plus, les uns les autres, nous affronter
normalement, nous avons à décider, vous avez à
décider en vertu d'une conception, en vertu d'une idée que vous
vous faites de l'organisation de la société.
J'ose croire que les événements qui se passent dans la
province de Québec je ne me réfère pas à
ceux qui se passent aujourd'hui nécessairement peuvent être
l'indication, pour nous, que nous ne devons pas traiter à la
légère ces choses. Je sais que ce n'est pas là votre
intention, mais ce qui est vrai pour nous, comme membre où dirigeant
d'un syndicat de travailleurs, c'est aussi vrai pour ceux qui dirigent une
association patronale, quelle qu'elle soit.
Les problèmes actuels qui nous confrontent tous dans cette
société ne sont pas des problèmes que nous pouvons
résoudre en laissant les gens dans des conditions où ils se
qualifient eux-mêmes comme étant injustement traités. Bien
sûr, on pourra m'opposer que, si l'on prend telle tendance, si on s'en va
dans telle direction, les problèmes seront encore plus dramatiques,
parce que le chômage deviendra encore plus crucial, plus criant, plus
important; ça sera une théorie. C'est possible qu'il en soit
ainsi, nous ne pouvons pas vérifier à l'avance toutes ces choses.
Mais, je sais que, quand il y a vraiment des problèmes, plus il y a
vraiment des choses qui sont avancées, plus de chances avons-nous de
trouver des remèdes et des solutions plutôt que de laisser
patienter les gens, puis de les laisser dans une situation extrêmement
difficile.
M. le Président, j'ai déjà dit à plusieurs
reprises devant une commission parlementaire que, si nous ne changions pas
notre mode, notre perception et surtout nos solutions concrètes, c'est
nous-mêmes, ceux qui se considèrent comme ayant une certaine
responsabilité dans la société, qui ouvrons la porte, qui
créons la possibilité que la société actuelle se
détériore davantage et que les risques, non pas uniquement de
révolte, mais de révolution soient beaucoup plus grands.
Je voudrais en terminant, dire juste quelques mots sur l'intervention,
ce matin, de M. Lefebvre, qui, en passant, m'a paru donner un témoignage
fort convenable devant votre commission même si je ne partage pas les
vues qu'il a. Surtout, je ne crois pas qu'il soit assez vite; s'il pouvait
aiguiser un peu plus ses patins, peut-être que nous pourrions nous
entendre un peu plus facilement.
Il a mentionné ce matin, comme première forme de
rattrapage, qu'il y avait cette question de disparition de zones. En
deuxième lieu, qu'il y avait le regroupement des classifications. Je ne
sais pas si vous vous souvenez de cette partie, mais il a dit: Au lieu d'avoir
X centaines de classifications, il y en aura simplement un certain nombre. Ceci
pourrait donner à ceux qui sont affectés par cela une
augmentation, si ma mémoire est bonne je n'ai pas vu le journal
des Débats de $0.05 à $0.20 l'heure.
Sur l'heure du dîner, j'ai demandé à quelqu'un de
chez nous de préparer des chiffres je vous les donne,
j'espère qu'ils sont exacts. Je pense que ça peut aider la
commission sur un recensement couvrant 62,091 travailleurs. Avec ce que
nous connaissons actuellement du regroupement des classifications, il y en a
56,439, soit 90.9 p. c, qui ne recevraient aucune augmentation de salaire,
parce qu'ils sont déjà au maximum. Je vous dis que c'est le
chiffre que je possède. S'il était inexact, sans doute que vous
êtes bien là pour me corriger. Je pense que la commission a
intérêt à connaître ce que je connais, moi. Par la
suite, s'il y a un débat contradictoire, il y en aura un.
Il en reste 5,652, soit 9.1 p. c, qui seraient affectés par ce
regroupement des classifications, mais ils ne sont pas tous affectés de
la même façon. Certains étant affectés ne
reçoivent même aucune augmentation de traitement. D'autres,
affectés, reçoivent une augmentation de traitement. Sur les
5,652, d'après les chiffres qu'on m'a donnés, il y en aurait 39
p. c, soit à peu près 40 p. c, donc 2,000, qui ne changeraient
pas de taux.
C'est uniquement pour apporter une précision à ce que M.
Lefebvre mentionnait ce matin. Nous ne connaissons pas où certains sont
placés: 14,998 employés.
Je voudrais aussi noter que l'indice qui a été
calculé et qui apparaît dans le document de M. Lefebvre ne vaut
sans doute que pour le domiciliaire, pour les bungalows ou pour les trucs de
même calibre ou de même nature. Je voudrais noter je sais
bien que M. Lefebvre ne
se scandalise pas le fait que les augmentations coûtent
plus cher dans une région que dans une autre, parce qu'effectivement il
y a des inégalités qui sont plus fortes dans certaines
régions que dans d'autres. Je crois que lorsque M. Lefebvre donne des
chiffres devant votre commission sur l'augmentation par habitation, si
l'égalité de salaires était appliquée, ou encore si
l'inégalité qu'il propose était appliquée, il y a
une variable dont il tient compte du moins le dit-il devant vous dans
son document cette variable c'est toute la question de la
réorganisation de l'entreprise: meilleure direction, "management",
procédé de fabrication différent. Je voudrais, quant
à moi, vous suggérer et je pense qu'il l'a fait
lui-même quelque part dans son étude que si vous ne forcez
pas les entrepreneurs à devenir vraiment efficaces, les chances sont
qu'ils restent pour une partie, si vraiment il y en a, inefficaces.
Je voudrais bien aussi que vous notiez que lorsqu'il est question d'un
pourcentage de profit, celui-ci se prend, ou du moins se calcule, dans cette
industrie, généralement non pas sur le capital investi, mais sur
le volume d'affaires. Si vous avez investi $100,000 dans une entreprise et que
vous faites un volume d'affaires de $1 million, si vous faites 5 p. c, vos
comprendrez qu'avec le profit sur votre volume d'affaires, vous pouvez
rembourser rapidement votre capital investi. Je vous dis ces chiffres
uniquement à titre d'hypothèse, mais je voudrais que cela soit
bien clair.
En deuxième lieu, lorsque le profit se prend en pourcentage du
volume d'affaires, à l'intérieur du volume d'affaires je
pense que tout le monde le comprend il y a les salaires. Plus les
salaires augmentent, plus les employeurs font du profit en chiffres absolus, je
ne dis pas en chiffres relatifs, mais en appliquant ainsi un taux de profit sur
le volume d'affaires, ils augmentent eux aussi leur profit. Peut-être
qu'ils pourraient revoir cette chose.
Je voudrais aussi enfin vous mentionner que lorsqu'il a
été question ce matin, ce sera mon dernier point je n'ai
malheureusement pas eu le temps de revoir le journal des Débats, il est
arrivé un peu tard de masse salariale et de coût total
d'habitation, il aurait été important que vous notiez je
pense que M. Lefebvre a été assez clair que le pourcentage
d'augmentation que cela représente n'est pas sur la totalité de
l'habitation même en excluant le terrain mais uniquement
sur la masse salariale. En deux mots, si le salaire représente
actuellement $6,000 du coût d'une habitation de $14,000, si vous
augmentez votre salaire de 18 p. c, votre masse salariale est augmentée
de $1,000 ou de $1,100, mais le coût total de la construction est
augmenté de $1,000 ou $1,100 aussi, à moins que d'autres facteurs
n'interviennent. Cependant, le pourcentage d'augmentation n'est
évidemment pas le même.
Voilà, messieurs les membres de la commission, je vous
remercie.
Je voudrais que M. Loranger et M. Tardif puissent se faire entendre pour
expliquer leur point de vue.
M. LE PRESIDENT: Avant, il y aurait des questions de la part des membres
de la commission. J'invite le député de Chicoutimi à poser
les questions.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'abord, M. le Président, nous
remercions M. Pepin de son plaidoyer fort éloquent. Il a au
départ fait certaines mises en garde concernant l'attitude que doivent
prendre les membres de la commission, notamment en ce qui concerne la loi 290.
D'autre part, M. Pepin, vous avez indiqué que nous sommes en quelque
façon les arbitres de ce conflit qui oppose les travailleurs aux
employeurs. Je voudrais faire la mise au point suivante. Nous sommes des
arbitres dont les mains sont liées, puisque nous n'avons pas d'autre
recours, aux termes mêmes de la loi 38, que de déclarer forfait
à l'issue des séances de cette commission.
Comme l'indique la loi, la commission doit, à la fin de ses
auditions, déclarer que celles-ci sont terminées et le
secrétaire en avise alors le ministre sans délai.
Par conséquent, les membres de la commission et je fais
exception naturellement de ceux qui sont membres du conseil des ministres
n'ont pas, à toutes fins utiles, de décision à
prendre. Ils sont ici...
M. PEPIN: Je pense bien, si vous me permettez,...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... pour vous entendre.
M. PEPIN: ... avoir dit que ce n'est pas la commission qui a une
décision à prendre mais que l'arbitre est le
lieutenant-gouverneur en conseil, soit le cabinet des ministres.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais à plusieurs reprises vous
avez dit: La commission, et, par la suite, le lieutenant-gouverneur en conseil.
C'est ce qui m'incite à faire cette mise au point, puisque c'est en
définitive le lieutenant-gouverneur en conseil qui tranchera le
débat.
Vous avez fait un plaidoyer fort intéressant en évoquant
les diverses conceptions que l'on peut se faire aujourd'hui en matière
de travail, en matière économique. Vous avez évoqué
les thèses qui prévalaient autrefois dans le domaine des
relations patronales-ouvrières. Mais et j'imagine que ce sera
l'objet des interventions de vos conseillers vous n'avez pas
abordé les questions de fond, celles sur lesquelles le gouvernement
devra se pencher, arbitrer le débat, soit les points qui sont
soulignés dans votre document très volumineux et d'ailleurs
très au point. Il nous renseigne bien sur vos
vues. J'ai donc retenu en particulier une observation que vous avez
faite, à savoir que dans certains cas l'on basait toute la discussion
sur le problème de l'importance de la loi du marché, quand, au
contraire, disiez-vous, l'on devrait se préoccuper davantage de
promouvoir la paix industrielle.
M. Pepin, je voudrais vous poser, à vous qui êtes un
spécialiste des relations de travail, la question suivante: N'est-il pas
possible de concilier les exigences de la loi du marché puisque
c'est quand même une réalité dans la société
dans laquelle nous vivons et cette paix industrielle que vous comme moi
et nous tous cherchons à promouvoir? Quel est dans votre esprit le point
de raccord qui permettra de raccrocher des parties qui, comme vous l'avez dit,
ont chacune des intérêts à défendre? Vous
défendez la cause des travailleurs, et nous en sommes fort heureux; les
patrons défendent une cause qui est valable, puisqu'elle
représente en somme un ensemble des facteurs économiques de toute
première importance pour le Québec.
J'aimerais donc que vous établissiez cette relation entre la loi
du marché et la paix industrielle pour laquelle vous avez plaidé
avec beaucoup de conviction.
M. PEPIN: M. Tremblay, je pense que vous ne craignez pas les
réponses brutales.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je les aime.
M. PEPIN: Ce n'est que la force des parties qui peut entrafner une
réconciliation de ces deux oppositions qui existent vraiment. Dans ce
cas-ci, comme il n'y a plus de force des parties, c'est là que le
lieutenant-gouverneur en conseil, et non pas vous et votre commission, doit
essayer de se replacer. Cela a fait l'objet de mes premiers propos. C'est
difficile pour lui, j'en conviens. Il doit essayer de se replacer dans cette
situation, de l'imaginer en tout cas c'est peut-être très
abstrait ce que je vous dis, mais j'essaie de vous faire part de ce que je
pense véritablement et tenir compte vraiment de ce qu'aurait
été la force des parties.
Il n'y a pas, à mon avis, dans le système dans lequel nous
vivons système d'économie de marché qui existe
il n'y a pas, je n'en connais pas, de loi véritable pour
déterminer les traitements. Il n'y a qu'une seule loi, je pense que les
économistes sont d'accord là-dessus. Je me souviens d'avoir
déjà lu un auteur du nom de Marshall, un Français, qui
disait justement que le premier critère de détermination des
traitements ou des salaires était la force des parties.
Alors c'est d'autant plus difficile pour le cabinet des ministres
moi, je plaide qu'à l'heure actuelle, il y a une série de
raisons qui me conduisent à l'égalité des salaires. Je
pense que j'ai raison.
J'ose croire que M. Loranger pourra aussi vous convaincre de cela. Je
crois que, si nous étions dans un rapport de forces normal, nous aurions
eu cette égalité de traitements. C'est brutal, peut-être,
comme réponse, mais je pense que c'est la seule que je puisse vous
donner.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Pepin, d'accord, cette force n'existe plus,
dites-vous, et cela dépend de cette loi à laquelle je me suis
opposé, vous le savez.
M. PEPIN: Peut-être que vous vous souvenez que moi aussi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord. Nous sommes, quand même, en
présence de faits bien concrets: le règlement d'un conflit. Nous
avons entendu hier un économiste fort distingué, M. Lacasse. Nous
allons entendre maintenant, si la commission désire l'interroger, un
autre économiste fort distingué, M. Loranger. A la fin de ces
discussions et à la suite de toutes les questions que nous pourrons
poser à ces gens, comment la commission pourra-t-elle formuler un voeu
ou des suggestions qui aideront le ministère du Travail et le
gouvernement via ce ministère à régler, dans le concret,
chacun des problèmes qui font l'objet des diverses clauses en
litige?
J'aimerais que vous me disiez quelle attitude nous devons prendre, nous.
Est-ce que nous allons situer le problème dans une optique strictement
technique et savante de rapports d'économistes qui, la plupart du temps,
partant des mêmes chiffres, se contredisent ou si nous allons vous
interroger ad infinitum pour savoir si, sur telle clause, on doit vous donner
raison à vous, M. Pepin, à vous, M. Laberge, ou à M. X ou
à M. Y, représentant les patrons?
La façon dont vous avez posé le problème, M. Pepin,
est fort intéressante. Vous avez situé toute la question dans une
optique de philosophie sociale. C'est fort réconfortant d'entendre cela.
Mais, rentrant ce soir chez moi et dépouillant ces documents, je vais
forcément oublier ces théories de philosophie sociale et
je suis bien d'accord avec vous là-dessus pour essayer de voir de
quelle façon il serait possible de répondre aux exigences
formulées par la présentation des diverses demandes se rapportant
aux clauses spécifiques qui sont en discussion.
M. PEPIN: Je vais tenter de vous répondre, mais je ne peux pas
vous donner la même réponse sur tous les points litigieux parce
qu'ils ne sont pas tous de même nature. Vous avez d'abord la série
de points où vous devez vous convaincre, dans un sens ou dans l'autre,
que c'est la loi, le bill 290, qui y pourvoit et que vous ne pouvez pas y
toucher à l'heure actuelle. C'est la première série de
problèmes. Si vous
décidez que la loi est claire, disons sur la définition du
mot salarié, comme moi je le pense, à ce moment-là, vous
dites: Chaque fois que l'employeur vient me dire que le contremaître
n'est pas couvert par la convention collective, je ne peux pas accepter cette
argumentation dans le cadre de la loi actuelle. Mais, ce sont les points les
plus faciles.
Deuxième série de problèmes c'est là
qu'il y a vraiment un conflit d'intérêts les clauses dites
normatives d'une convention collective de travail. Vous avez devant vous sept
séries de documents qui contiennent des choses qui ne sont pas tout
à fait semblables même à l'intérieur de la partie
patronale le groupe des cinq et même à
l'intérieur des deux centrales syndicales. A ce moment-là, je
crois que c'est l'aspect le plus difficile pour vous. Comment allez-vous
régler la question de la prime de hauteur, pour prendre un exemple? J'ai
l'impression que vous serez obligé de jouer au piffomètre. Je ne
vous le suggère pas, mais j'ai l'impression que, malheureusement, vous
entendrez les parties, vous vous ferez un jugement et sur les documents, et sur
ce qu'elles vous diront, en espérant ne pas trop vous tromper sur la
solution que vous allez avoir.
La troisième série de problèmes, ce sont les
problèmes de rémunération. Ce que je vous suggère,
c'est, non pas qu'il y ait un combat économique dans le sens où
vous affrontez deux thèses, deux théories, l'une contre l'autre,
mais que vous regardiez cela dans un esprit plus ouvert socialement. Vous ne
pourrez pas éviter de vous poser la question: si je prends telle
attitude de recommandation, cela peut conduire à un désastre
économique. Et vous devez examiner cet aspect-là. Vous devez le
faire avec cette ouverture sociale qui me parait, à moi, essentielle,
mais je ne peux pas, quand même, aller beaucoup plus loin, sauf de vous
dire que, quant à moi, quant à l'égalité, c'est une
affaire réglée, que nous avons suffisamment d'indices
économiques qui ne conduisent pas à un désastre. Je vous
parle de moi. Et, deuxièmement, il y a suffisamment de conflits dans les
chantiers, à l'heure actuelle et depuis déjà assez
longtemps, qui devraient vous entraîner de ce
côté-là.
Maintenant, je ne peux pas facilement être plus précis. Sur
les autres dispositions, comme vous l'avez dit au point de départ, si la
commission, comme je le souhaite, entend MM. Loranger et Tardif, vous aurez la
prise de position concrète, précise sur chacun de nos points, ou
les grands points litigieux. Mais comment, après, faire la
décision? Je peux difficilement aller plus loin, comme réponse,
que ce que je viens de vous faire. Je le pense en tout cas.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si vous me permettez, M. Pepin, je voudrais
vous poser une autre question. Vous avez exposé votre philoso- phie
sociale. Je vous en félicite. Nous avons entendu les patrons qui, sans
parler explicitement de philosophie sociale, ont exprimé des
idées qui vous ont servi ensuite à interpréter leur
attitude comme, selon vos propres mots, rétrograde. Vous avez dit, il me
semble, que ce qui ressort des documents et des plaidoyers faits par la partie
patronale, indique que ces messieurs s'inspirent d'une philosophie sociale
rétrograde. C'est bien ce que vous avez dit.
Nous allons entendre bientôt M. Laberge, qui lui aussi,
naturellement, va peut-être nous parler de sa philosophie sociale, nous
la connaissons d'ailleurs, nous savons qu'il est au service des travailleurs et
nous en sommes fort heureux. Mais il y a une chose que nous savons d'avance.
C'est qu'à un moment donné, il va y avoir choc entre votre
centrale et l'autre, sur des questions, soit de philosophie appelons
cela comme cela ou sur des questions très pratiques
référant aux clauses qui sont en litige. A ce moment-là,
nous, quelle est notre situation? Nous avons des économistes ici qui
vont nous faire les démonstrations les plus savantes. Nous avons,
d'autre part, des gens du métier, des travailleurs, des
spécialistes des relations patronales-ouvrières, comment
allons-nous faire la synthèse de tout cela pour en arriver à des
recommandations, par la commission, au ministère du Travail, au
ministre?
M. PEPIN: Est-ce que vous parlez, M. Tremblay, de la loi actuelle, telle
qu'elle est?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): De la loi telle qu'elle est.
M. PEPIN: J'ai lu le document de la FTQ. Je ne connais pas encore le
discours que mon ami Louis se prépare à faire ce soir, ou demain
matin. Mais j'ai lu le document. Il ne m'apparaît pas, M. Tremblay, qu'il
y ait une philosophie sociale différente, dans les propositions faites
par la FTQ et celles soumises par la CSN. Si vous regardez, entre autres, la
question...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Pepin, permettez-moi. Je n'ai pas dit qu'il
y aurait nécessairement choc sur le cas précis de la philosophie
sociale.
M. PEPIN: Vous avez bien parlé de l'application de la loi. Il
faut faire attention.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je parle de l'application, des données
concrètes du problème. Sans présumer, M. Pepin, je ne
sache point que vos deux centrales vivent une vie sentimentale sans nuages.
M. PEPIN: Non, vous n'êtes pas loin...
M. CADIEUX: Sentimentale, voyons donc!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une figure, monsieur...
M. PEPIN: Revenons à ce cas précis. Il y a des
problèmes sur lesquels la FTQ ne partage pas notre avis ou vice versa,
entre autres la question de l'ancienneté. Si vous regardez le document,
vous vous rendrez compte que la FTQ y dit: Nous nous sommes toujours battus
pour l'ancienneté; en l'espèce, nous trouvons que c'est difficile
d'application. Vous remarquerez aussi, dans leurs droits acquis
réclamés dans leur document, qu'ils ont des clauses
d'ancienneté existant dans certains endroits et qu'ils en demandent le
maintien. Ce n'est donc pas une question de philosophie ou de
compréhension du problème, je pense que c'est plutôt une
question d'approche.
Ils disent: Pour l'instant, nous ne pensons pas que cela soit
applicable. Là, j'interprète, mais ils le diront si ce n'est pas
exact. Nous, nous croyons que c'est applicable. Quant au reste des autres
dispositions, peut-être sur des points d'une importance, quant aux sujets
contestés, un peu secondaire, je ne pense pas qu'il y ait tellement
entre nous des points d'accrochage. Encore une fois, je me limite à
l'application de la loi actuelle, pas celle qui serait projetée.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Pepin, cela répond, pour l'instant,
aux questions qui me sont venues à l'esprit en vous écoutant.
J'imagine que vous voulez faire entendre vos spécialistes.
M. PEPIN: Si vous le permettiez.
M. LE PRESIDENT: II y a une personne qui désire poser une
question. Si vous voulez vous identifier.
M. L'HEUREUX: Réal L'Heureux, président de l'Association
des constructeurs de routes du Québec.
M. LE PRESIDENT: Vous voilà de retour.
M. L'HEUREUX: M. Pepin, dans le cas du contremaître, dans le cas
du terme "salarié" vous y revenez une couple de fois
considérez-vous que les contremaîtres sont inclus dans la
définition du terme "salarié", telle que nous la trouvons dans le
bill 290?
M. PEPIN: C'est ma compréhension.
M. L'HEUREUX: Alors, je vais vous lire cet article pour mon
bénéfice, ainsi que pour celui des membres de cette commission,
qui pourraient être accusés de se substituer au
lieutenant-gouverneur. Je vous demanderais de m'expliquer la partie de cette
définition qui vous permet d'avancer que les contremaîtres sont
couverts. Le terme "salarié": Tout apprenti, manoeuvre, ouvrier non
spécialisé, ouvrier qualifié ou compagnon, artisan commis
ou employé qui travaille individuellement en équipe ou en
société.
M. PEPIN: Est-ce qu'un employé qui s'appelle contremaître
est vraiment employé? Je le pense.
M. L'HEUREUX: Pour quelle raison est-il employé d'après
les termes qu'on trouve dans la loi?
M. PEPIN: Regardez la loi, il est dit: Ceux qui travaillent pour en
employeur, qui sont employés par lui sont couverts par la loi.
M. L'HEUREUX: Alors, ceux qui reçoivent un salaire de cet
employeur-là, ceux qui travaillent individuellement?
M. PEPIN: C'est mon interprétation.
M. L'HEUREUX: Cela ne dépend pas des tâches ou des
fonctions.
M. PEPIN: Pas du tout, le bill ne fait pas de distinction.
M. L'HEUREUX: M. Pepin, moi, je suis président de l'Association
des constructeurs de routes et je suis gérant général
d'une compagnie de construction. Je suis, dans votre esprit, syndicable, parce
que je suis employé à temps plein par une compagnie et je
travaille individuellement. Donc, dans votre esprit, je suis un
salarié.
A ce moment-là, dites-moi où la distinction arrive? A
partir de gérant général, d'ingénieur?
M. PEPIN: Elle n'arrive nulle part, la distinction, M. L'Heureux.
Trouvez-moi une distinction dans la loi. Si la loi ne distingue pas, je n'ai
pas le droit de distinguer.
M. L'HEUREUX: Alors, ceci veut dire que, dans votre esprit, nous qui
avons signé, les cinq associations patronales, ce bill 290, puisque
c'est un bill qui a été signé par les sept parties...
M. PEPIN: Le bill a été signé?
M. L'HEUREUX: C'est-à-dire que nous ne l'avons pas signé,
mais nous avons contribué à sa préparation.
M. PEPIN: Cela se découvre deux ans après.
M. L'HEUREUX: Si je peux me permettre de continuer, alors nous, les cinq
associations patronales aurions décidé que tous nos corps
deviendraient syndicables dans la même unité de syndicalisation
que nos employés horaires?
M. PEPIN: Quelle est votre question?
M. L'HEUREUX: Ma question est: Votre conception de salarié vous
incite-t-elle à penser que nous aurions accepté de syndiquer
même nos gérants généraux, puisque vous ne faites
aucune distinction des fonctions?
Que ce soit un employé manuel, horaire, de cadre ou quelle que
soit sa fonction, du moment qu'il est employé, qu'il travaille de
n'importe quelle manière, puisqu'individuellement, en équipe ou
en société, ça comprend tout le monde. Est-ce que, dans
votre esprit ça voulait donc dire qu'on aurait accepté que tous
nos cadres se syndiquent dans la même unité de négociation
que nos employés horaires?
M. PEPIN: Les employés sont à ce moment-là
absolument libres de décider comme ils l'entendent et tous les
employés. Ils peuvent être dans une même unité, dans
une même union ou, s'ils le désirent, faire partie d'une autre
union, cela les regarde. Mais vous me dites que pour les employés je ne
fais pas de distinction. Très bien. Mais moi, je ne peux pas distinguer,
M. L'Heureux, si la loi ne fait pas de distinction. Y a-t-il un parlementaire
qui va me dire: Distingue, nous, nous n'avons pas fait de distinction, essayez
ça. S'ils veulent changer la loi, qu'ils la changent, mais, pour
l'instant, la loi est là. J'en donne une interprétation, je suis
peut-être complètement dans l'erreur, remarquez bien que je ne
suis pas avocat.
M. L'HEUREUX: Non, mais vous sembliez lier tout le monde ici à un
texte et inclure pour vous les contremaîtres. La question que je vous
pose, en définitive, c'est: Pourquoi les contremaîtres? Pourquoi
pas les surintendants? Pourquoi pas les ingénieurs, les estimateurs, les
comptables, en fait, tout le personnel de direction d'une compagnie? En fait,
les actionnaires feraient directement affaire avec l'unité de
négociation.
M. PEPIN: Moi, je vais peut-être là-dedans, plus loin que
chacune des sept parties. Dans les documents, il est indiqué que l'on
est prêt à exclure les surintendants. Or, moi je dis qu'à
ce moment-là, les sept parties n'ont pas le droit d'exclure ça,
parce qu'en vertu de la règle que si j'ai par la loi un pouvoir de
représenter tout le monde, je ne peux pas par la suite en enlever une
section. Je fais là une analogie ou une comparaison avec ce qui existe
en vertu du code du travail et, quand j'ai une accréditation, je suis
obligé de représenter tous ceux qui sont dans l'unité
d'accréditation. Dans la loi 290, on couvre tous les employés;
que l'on ait eu tort, ça, c'est une autre affaire. Mais comme c'est
ça, la réalité, je pense qu'aucune des parties n'a le
droit de soustraire un employé de la convention éventuelle et, a
fortiori, à mon avis, le lieutenant-gouverneur en conseil ne pourrait
pas exclure une fonction ou une occupation, parce qu'il se trouverait
là, si j'interprète bien la loi, à violer lui-même
la loi.
M. L'HEUREUX: Ecoutez, M. Pepin, je vais laisser aux membres de la
commission parlementaire, le soin de se prononcer, je vais leur faire
confiance, car je pense qu'ils ont saisi le point que je voulais faire
valoir.
M. PEPIN: Est-ce que vous laissez suggérer que moi, je ne leur
fais pas confiance?
M. L'HEUREUX: Vous pouvez comprendre ce que vous voulez.
M. LE PRESIDENT: M. Perrault. Vous pouvez demeurer assis, si vous le
voulez, M. Perrault.
M. PERRAULT: M. le Président, MM. les membres de la commission,
l'intervention de mon ami Pepin m'a rappelé nos meilleurs jours de
négociations il y a déjà quelques années. Cela fait
plaisir de se retrouver en face d'une accusation si verte et si virulente.
Disons que son attaque m'a semblé porter essentiellement sur deux
points. D'abord il voyait dans notre document une contradiction flagrante en ce
qu'ayant consacré la majeure partie du document à nous opposer
à la parité salariale, nous acceptions quand même l'entente
des parties signées l'an dernier, que nous caractérisons, je
crois, de 701a) et 701b).
Je ne sais pas si M. Pepin s'est donné la peine de lire les pages
6, 7, 8 et 9 de notre mémoire, mais...,
M. PEPIN: Si c'est une question, la réponse est oui.
M. PERRAULT: Nous avons tenté, justement, dans ces pages,
d'expliquer notre position. Je ne vous les lirai pas, mais je les résume
très brièvement. Dans notre esprit, selon les informations
recueillies auprès des négociateurs patronaux, l'entente quant
à la parité salariale provinciale ne devait, comme exprimé
ailleurs dans le texte, s'appliquer qu'aux seuls salariés pour qui la
loi 49, à laquelle on a fait référence, devait confirmer
une "plus-compétence" à laquelle, d'ailleurs, la partie patronale
devait éventuellement souscrire.
Donc dans l'esprit des négociateurs patronaux, il s'agit, dans
cette catégorie encadrée par l'article 701a), d'un nombre
relativement restreint de personnes. Nous continuons, dans notre document,
d'expliquer ce qui arriverait si l'interprétation du document
était autre, surtout si on la greffe à l'article 55 de la loi 49
qui consacrerait l'ancien certificat de qualification et en ferait
automatiquement cette nouvelle carte de compétence provinciale. Je ne
voudrais pas refaire tout cet argument. Essentiellement,
selon l'entendement que nous en avons, il s'agit, dans 701a), d'un
groupe relativement restreint de personnes auxquelles s'appliquerait cette
parité provinciale. Je suis prêt à subir l'accusation de M.
Pepin quant à mon ambiguïté pour ce groupe particulier, mais
notre document en fait, quand même, un groupe relativement restreint. La
thèse que nous exprimons s'applique à la majorité des
travailleurs, comme en font foi les paragraphes dont je viens de vous
parler.
M. PEPIN: C'était là votre question?
M.PERRAULT: Je n'ai pas posé de question. Je te défends,
Marcel: je ne pose pas de question.
M. LE PRESIDENT: Que le témoin demeure à la barre.
M. PERRAULT: Dans la deuxième attaque qu'il me lançait,
dans sa deuxième flèche, je redeviens évidemment la
personne rétrograde, affublée de politiques moyenâgeuses et
vétustes qui sont appuyées sur des forces du marché qui
sont apparemment maintenant désuètes ou inapplicables et qu'on
doit à tout prix faire sauter en faveur de certains concepts de justice
sociale.
J'ai autant confiance dans la position que j'énonce et dans les
appuis que j'ai pu trouver chez différents économistes pour la
position que nous avons exprimée, que dans la position de la CSN.
Effectivement, il est relativement facile, plutôt que d'arborer des
thèses rétrogrades et basées sur l'économique
romantique de créer à leur place des rêves en couleur. On
peut projeter vers l'avenir des concepts qui n'ont absolument rien à
voir avec la réalité et qui ne peuvent pas s'appuyer sur les
conditions actuelles.
D'autres ont laissé entendre combien toute cette question de
parité salariale était complexe. Combien son extension menait
à des conditions cocasses au possible, combien on pouvait facilement,
à partir d'une certaine parité salariale, réaliser par
échelons une parité justifiée, si vous voulez
à travers le pays. Je me souviens que lorsque les employés
de la nouvelle usine de montage d'automobiles de Saint-Bruno négociaient
leur première convention collective, ils visaient déjà la
parité de salaires avec ceux de Sainte-Thérèse qui, eux,
visaient la parité de salaires avec ceux d'Oshawa, qui voulaient la
parité de salaires avec ceux qui étaient aux Etats-Unis, à
Détroit. Donc, il était facile de voir comment cet acheminement
se faisait. Et pourtant, celui qui visitait l'usine de Saint-Bruno, qui voyait
le rythme auquel était montées les voitures à ce
moment-là devait certainement se poser des questions quant à
l'efficacité de la fonction et de sa comparaison avec celle de
Détroit. Il y avait sûrement un écart quelque part qui ne
justifiait pas le même salaire.
De toute façon M. le Président, cette opinion sur la
parité salariale que nous avons exprimée dans notre document sur
lequel je m'appuie, exactement telle que nous l'avons présentée
l'autre jour, reste, je crois, ce que les Anglais appelleraient le
"conventional wisdom". Il peut y avoir d'autres théories qui seront
évoquées en fonction de la question, mais je reste convaincu que
cette expression que nous avons fait ressortir, et plus particulièrement
celle qu'il n'est pas possible de réduire les disparités
régionales par un tel truchement artificiel, doit quand même
rester notre position.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Perrault. M. PEPIN : Si vous me le
permettez... M. LE PRESIDENT: Certainement.
M. PEPIN: ... je voudrais simplement dire, à la suite de la
répétition des théories de M. Perrault, que, s'il a autant
confiance aux théories du Conseil du patronat qu'aux miennes, il a
peut-être raison. J'ai peut-être un petit avantage sur lui. Les
siennes ont été expérimentées. Elles ont conduit
à des disparités de revenus, à du chômage, à
un marasme économique...
M. LE PRESIDENT: C'est un terme que M. Samson aimerait beaucoup!
M. PEPIN: ... à des faillites et je pourrais en ajouter
d'autres.
M. LE PRESIDENT: M. Lebon.
M. LEBON: M. le Président, MM. les membres de la commission,
j'aurais une question à poser à M. Pepin. Lorsque nous avons
démontré, ce matin et hier, qu'il y avait un coefficient
d'élasticité de 15, M. Pepin a posé une question à
M. Lacasse qui a répondu qu'il pouvait y avoir une marge d'erreur de 15
p.c, soit, en fait, plus ou moins 15 p.c, comme on le dit dans les termes
courants.
Or, M. Pepin a très éloquemment traduit cela par 30 p.c.
Je veux faire la correction. C'est plus ou moins 15 p.c.
M. PEPIN: C'était là votre question?
M. LEBON: Non, c'était une affirmation. La question que je pose:
Compte tenu d'une augmentation des prix de 10 p.c. et en supposant qu'il y ait
une erreur de 15 p.c. en plus ou en moins, quelle sera, selon vous, M. Pepin,
la diminution des quantités demandées?
M. PEPIN: Vous voulez, au point de départ, si je réponds
à votre question, me faire admet-
tre qu'il y a un coefficient d'élasticité. S'il y en a un,
moi, je ne le connais pas. La seule chose, c'est que votre économiste
est venu dire qu'il y en avait un de calculé, le seul aux Etats-Unis,
qu'il l'avait transporté, qu'il avait établi la parité
là-dessus et l'égalité pour l'amener ici au Québec.
Alors, moi, je n'ai pas de jugement. Je ne suis pas en mesure de faire des
coefficients d'élasticité. C'est votre économiste qui l'a
amené.
M. LEBON: M. le Président, si vous me le permettez, si on
n'accepte pas qu'il existe un coefficient d'élasticité, je vois
mal M. Pepin le critiquer. Ou il existe ou il n'existe pas.
M. PEPIN : Juste un moment.
M. LEBON: Je n'ai pas fini, M. Pepin.
M. PEPIN: C'est parce que, moi, je suis à la barre et je suis
obligé de répondre à toutes vos questions. Si M. Lacasse
vient dire que lui-même n'est pas sûr de son coefficient
d'élasticité, vous comprendrez que, moi qui suis de la partie
adverse, je ne perdrai pas de temps avec cela.
M. LEBON: M. le Président, sans être une discussion
bilatérale entre M. Pepin et moi-même...
M. LE PRESIDENT: Vous faites cela d'une façon talentueuse.
M. LEBON: Merci M. le Président. J'ai fait le calcul, pour
répondre à M. Pepin. S'il y a une marge d'erreur de 15 p. c, ceci
se traduit par une différence de 4 p. c. seulement d'erreur,
c'est-à-dire plus ou moins 2 p. c, sur la réduction des
quantités demandées. Nous avons dit 15 p. c. de quantités
demandées, ce qui voudrait dire une possibilité, suivant
même la marge d'erreur maximum de 15 p. c, ce qui voudrait dire une
réduction de 13 p. c. ou de 17 p. c. Cela, selon moi, constitue la
réponse que M. Pepin aurait dû donner.
Cependant, j'ai une deuxième question, si vous me le permettez,
M. le Président, en ce qui concerne l'entente du 10 juillet. Tout le
monde le sait, l'entente du 10 juillet a été divisée
ainsi: 701-a), dont M. Perrault parlait et 701-b) aussi. Le a) dit, tout
simplement: Parité salariale pour les cartes de compétence
provinciales. Le b) dit: Disparité salariale. C'est assez clair. Il y a
un paragraphe qui dit parité, l'autre dit disparité. Alors
à l'encontre du paragraphe b), et je cite ici, M. le Président,
le document de M. Loran-ger: "Soulignons d'abord l'acceptation d'un compromis
d'une durée de moins d'un an n'est pas synonyme de l'abandon d'un
principe mais simplement l'acceptation de surseoir temporairement à
l'application du principe. Sinon, il n'y aurait plus lieu de parler de
compromis mais de reddition, ce à quoi d'une part la CSN et, d'autre
part, si je fais mienne la citation la partie patronale n'a
jamais consenti et ne consentira jamais".
Je voudrais demander à M. Pepin comment il peut expliquer cette
citation lorsqu'il parle du paragraphe b) et pourquoi il ne l'applique pas au
paragraphe a).
M. PEPIN: Parce que, comme ce n'est pas un document qui appartient
à la CSN mais au professeur Loranger, celui-ci sera appelé
à témoigner et lui-même est libre d'écrire et de
dire ce qu'il entend. Ce ne sont pas des économistes qui sont à
notre solde uniquement pour faire un travail.
M. LEBON: M. le Président, je m'excuse d'avoir posé la
question à M. Pepin. Je demanderais à M. Loranger de se
préparer. Demain, nous allons le lui demander.
M. LE PRESIDENT: Vous y reviendrez, oui. S'il n'y a pas d'autres
questions, ou au cas où il y en aurait, vous me permettrez d'ajourner
jusqu'à 8 heures.
Reprise de la séance à 20 h 5
M. BOSSE (président de la commission permanente du Travail et de
la Main-d'Oeuvre): A l'ordre, messieurs! La séance est ouverte. Je
voudrais d'abord communiquer qu'un mémoire de National Cash Register
sera déposé d'ici lundi.
UNE VOIX: Ils veulent être exclus.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ces mémoires sont
déposés.
M. LE PRESIDENT: Si les membres de la commission ont des questions
à poser à M. Pepin, je les y inviterais. M. Pepin, dans la
série de vos arguments, je crois que vous aviez à
présenter un économiste. Un peu d'ordre, s'il vous plaît
messieurs!
M. PEPIN: Est-ce qu'il y a des questions qu'on désirerait me
poser?
M. LE PRESIDENT: Apparemment, il n'y a pas de questions de la part des
membres de la commission ou d'autres intéressés.
M. PEPIN: M. le Président, j'ai mentionné que je
souhaitais ardemment que l'économiste Loranger témoigne, explique
le bouquin que vous avez entre les mains et qu'il puisse, lui aussi, subir le
feu des questions.
M. LE PRESIDENT: Nous invitons M. Loranger. Nous savons que les
économistes sont brefs.
M. LORANGER: M. le Président, messieurs les membres de la
commission...
M. LE PRESIDENT: Je demanderais un peu d'ordre et un peu de silence,
beaucoup!
L'égalité des salaires
M. LORANGER: Merci, M. le Président. Mon intention est d'abord de
vous présenter, dans ses grandes lignes, le livre que j'ai publié
lundi, au sujet de l'égalité des salaires dans la construction.
Ensuite, j'essaierai de reprendre en détail seulement certains points
que je considère importants, essentiels pour les fins du débat
qui se déroule depuis le début de la convocation de cette
commission.
J'aimerais également, ensuite, si vous voulez retarder vos
questions après cette présentation, avoir la chance de
répondre aux quelques points de nature technique. J'essaierai de le
faire dans les termes les plus compréhensibles possibles pour les
membres de la commission. Je répondrai aux arguments qui sont contenus
dans le mémoire ou le rapport de mon collègue Lacasse et
également à un ou deux points qui ont été
mentionnés par M. Lefebvre, de l'Association des constructeurs
d'habitations du Québec.
Dans l'ensemble, j'ai voulu présenter d'abord dans une
première partie la difficulté, voire l'impossibilité,
selon ma compétence professionnelle, d'en arriver à
établir des coefficients économiques objectifs.
J'ai également été placé devant l'angoissant
problème d'examiner s'il n'y avait pas de coefficients
économiques objectifs, quels pourraient être les arguments
économiques sérieux qu'on pourrait utiliser pour défendre,
non pas seulement défendre, mais fonder économiquement la demande
de la CSN, à savoir l'égalité des salaires dans
l'industrie de la construction.
C'est ce que j'ai essayé de faire dans la deuxième partie,
en examinant l'incidence de l'égalité des salaires dans
l'industrie de la construction, à la fois sur le revenu des
régions, sur l'emploi, ou le chômage, sur le coût de
l'habitation et, par voie de conséquence, sur le coût de la vie,
sur la productivité de l'industrie, parce que non seulement les patrons
mais, je pense, tout le monde considère que la question de
productivité, c'est important.
Dans la troisième partie, étant donné que
l'administration précédente a déjà
déclaré acceptable le principe de l'égalité des
salaires dans le secteur public, j'ai essayé de démontrer deux
choses: d'abord, jusqu'à quel point l'industrie de la construction
était d'intérêt public et non pas uniquement
d'intérêt privé. Deuxièmement, étant
donné toujours la politique salariale de l'administration
précédente, si on s'en réfère à une
affirmation de M. Marcel Masse je crois que c'est aux pages 75 et 76
qui disait, entre autres, que la politique salariale du gouvernement
visait tout simplement à apporter autant de cohérence que
possible dans l'établissement des salaires de ceux dont le niveau de
rémunération affecte directement ou indirectement le budget
gouvernemental, je me suis dit: Si c'est ça qui a conduit
l'administration antérieure à ma connaissance, cette
politique salariale n'a pas été dénoncée par
l'administration actuelle il serait fort pertinent qu'on essaie de voir
quelle est l'incidence directe de l'égalité des salaires dans
l'industrie de la construction sur le budget gouvernemental.
Avant de procéder en détail à l'examen de certains
points, permettez-moi de vous rappeler, dans ses grandes lignes, les
conclusions de mon étude.
J'ai essayé de démontrer dans la première partie
qu'il était impossible de trouver des facteurs économiques
objectifs pouvant servir à fonder les fameux coefficients
économiques tels que spécifiés dans l'article 701b) de la
dernière entente signée au mois de juillet l'an passé.
Je suis arrivé à cette conclusion pour trois raisons :
D'abord, parce qu'il n'existe aucune théorie économique
unique qui puisse nous permettre
de choisir ces facteurs suffisamment objectifs et acceptables à
toutes les parties.
La deuxième raison, c'est que, même si on avait une
théorie économique unique, pouvant nous permettre de choisir des
facteurs économiques, il serait quand même important et essentiel
de pouvoir évaluer ou prévoir la valeur future de ces facteurs
économiques objectifs. En effet, si on ne s'en tient qu'au passé,
il demeure quand même important de se rendre compte que, dans cette
attitude tournée uniquement vers le passé, on peut risquer de se
figer dans certaines inégalités économiques qui sont sans
fondement rationnel.
Or, devant l'impossibilité de pouvoir estimer d'une façon
adéquate les valeurs futures de certaines variables que pourrait nous
donner une théorie économique, c'est la deuxième raison
pour laquelle j'ai conclu qu'il serait impossible d'arriver à cet
objectif.
La troisième raison est celle-ci: Même en admettant qu'on
puisse s'en tenir seulement au passé, les parties qui ont accepté
de parapher l'article 701b) ont peut-être pensé que, finalement,
ça serait seulement une affaire de technocrates pour évaluer des
coefficients économiques. Mais c'est plus qu'une affaire de
technocrates, parce que, si on se fonde uniquement selon certaines valeurs
passées, jusqu'où doit-on remonter?
Est-ce que c'est important de prendre seulement les valeurs les plus
récentes qu'on pourrait trouver selon certaines variables
économiques ou s'il faut tenir compte des trois, cinq, dix ou vingt
dernières années? Voilà une première question.
Deuxièmement, je pense qu'il a été dit, sinon devant cette
commission au moins aux réunions que nous avons eues avec les
experts-économistes du ministère, que la pauvreté
statistique par région était l'un des handicaps majeurs pour
pouvoir procéder d'une façon sérieuse au calcul ou au
choix de ces facteurs économiques objectifs.
Fort de toutes ces considérations, j'ai quand même
essayé, compte tenu de toutes ces contraintes, d'évaluer ce que
pourraient donner certains coefficients économiques objectifs choisis en
fonction des statistiques disponibles. C'est ce que j'ai essayé de
montrer par une demi-douzaine de tableaux, dans la première partie.
Comme on le verra plus loin, tous ces efforts ont simplement consisté
à montrer jusqu'à quel point, même avec la meilleure
volonté du monde, on demeure quand même dans une situation
très arbitraire avec de tels coefficients.
Dans la deuxième partie, j'ai essayé de montrer que, si le
bill 38 enlevait le pouvoir de négociation aux parties, le gouvernement,
à moins qu'il ne soit pas sérieux dans ses intentions et
personnellement, je n'ai pas de raison de le penser s'attendait que les
parties fassent un effort honnête pour essayer de trouver un fondement
rationnel à l'égalité des salaires dans l'industrie de la
construction ou enfin à ce que la CSN croit être raisonnable, pour
toutes sortes de raisons que le président de la CSN a
évoquées avec beaucoup plus d'éloquence que je ne pourrais
le faire ici ce soir, après avoir démontré que la
théorie économique classique ou néo-classique
n'était pas une réponse pour fonder l'égalité des
salaires dans l'industrie de la construction.
Mais ce n'est pas une réponse non plus pour n'importe quelle
autre question, parce que c'est une théorie qui est, à mon avis
et je pense que c'est également l'avis du président de la
CSN totalement dépassée.
J'ai alors essayé de rechercher quel pourrait être le
critère ou le principe qui pourrait le mieux justifier, non pas en terme
de sentiment, non pas en termes d'argument social uniquement, mais en termes
économiques comme raisonnable et logique la parité des salaires
dans l'industrie de la construction. A mon avis, le seul fondement
économique compatible avec cette demande, c'est la politique de
développement économique régional des gouvernements, tant
à Ottawa qu'à Québec. Ces deux niveaux de gouvernement se
sont engagés devant l'opinion publique à prendre des mesures pour
réduire, sinon effacer à moyen terme ou à long terme les
inégalités économiques interrégionales.
Voilà, à mon avis, la base même de cette
égalité des salaires dans l'industrie de la construction.
Maintenant, comme je l'ai démontré dans la deuxième
partie, si c'est là le principe moteur, essayons de voir quelles sont
les incidences, en termes économiques, de cette égalité
des salaires sur le revenu des régions. Est-ce que cela va vraiment dans
ce sens? Est-ce que cela va diminuer ou aggraver les inégalités
économiques?
Est-ce que cela créera plus de chômage ou moins de
chômage? Est-ce qu'on va augmenter à moyen terme ou à long
terme la productivité de l'industrie, si on s'embarque dans cette
direction? Est-ce que cela augmentera le coût de la vie? Si le coût
de la vie augmente, alors, n'y a-t-il pas danger d'effacer totalement les
effets en termes de hausses de revenu nominales, puisque nous, les
économistes, nous ne parlons qu'en termes de revenu réel?
Voilà, en gros, toutes les questions que je me suis posées dans
cette deuxième partie et auxquelles j'ai essayé de donner la
réponse la plus honnête possible.
Maintenant, pour revenir sur la possibilité de calculer des
coefficients économiques dits objectifs, dans la première partie,
j'aimerais vous rappeler très brièvement le résultat des
deux séances de négociations je n'appellerais pas
nécessairement cela de la négociation, mais de l'information
plutôt que nous avons eues avec les experts que le
ministère du Travail avait mis à la disposition des parties. A la
première séance qui a eu lieu, je pense, au début de
septembre je ne me rappelle pas si c'était le 4 ou le 6,
mais, en tout cas, il y en a eu une première la question
était de savoir, selon les experts, comment nous allions procéder
dans cette question. Les suggestions des experts économistes
étaient de dire: Eh bien, essayons de faire un catalogue ou un
inventaire de toute la statistique disponible, sans essayer de présumer
au départ si, en retenant tel facteur plutôt que tel autre, c'est
plus avantageux ou moins avantageux pour l'une ou l'autre des parties.
Comme économiste, il me paraissait essentiel, si on voulait
essayer de sortir le plus rapidement possible de ce dédale, d'avoir, ou
d'essayer de savoir, avant même d'essayer de faire un inventaire de
critères ou de facteurs économiques ramassés à
gauche et à droite, s'il était possible qu'on s'entende sur une
théorie économique acceptable à toutes les parties. C'est
la question que j'ai posée aux experts du ministère, et je pense
avoir apporté assez fidèlement leurs réponses à
cette question, à la page 21. La question que j'ai posée:
"Messieurs les experts économistes du ministère peuvent-ils nous
dire s'il existe une seule théorie économique, ou plusieurs
théories, pouvant fonder le choix des facteurs économiques? " La
réponse a été très claire et unanime du
côté des experts: "Non, il n'existe pas une seule théorie
économique, mais autant de théories différentes qu'il peut
y avoir de facteurs économiques à choisir."
Et M. Pierre Harvey d'ajouter: "Finalement, tout est objet de
négociation." Il y a eu d'autres commentaires qui allaient dans le
même sens. Entre autres, M. Pierre Harvey, économiste du
ministère, enfin, spécialement demandé par le
ministère, nous a dit qu'à son point de vue, l'objectivité
économique ne pouvait se définir que par l'interprétation
des faits en fonction de telle théorie ou de telle hypothèse de
travail. Alors, j'en ai compris que même si, au départ, on ne
voulait pas trop s'intéresser au choix d'une théorie, ou d'une
hypothèse, si on voulait quand même vraiment arriver à
l'objectivité, il faudrait finalement remonter à une
théorie, ou à une hypothèse. Et comme on nous a dit qu'il
n'y en avait pas, une, unique, mais qu'il y en avait pour chacun des facteurs,
j'en ai conclu que déjà à ce moment enfin, moi,
personnellement je trouvais que cela serait une grande difficulté
pour essayer de trouver, d'en arriver à une seule série de
coefficients économiques acceptables à tous.
Quant aux valeurs futures des facteurs économiques,
naturellement, on peut dire: On a déjà assez de problèmes
avec le présent ou le passé que, s'il faut commencer à
vouloir faire les prophètes, aussi bien renoncer à la
tâche. Mais on ne peut quand même pas s'empêcher de penser
que le décret qui sera mis en vigueur pour régler,
peut-être temporairement, au moins pour les trois prochaines
années les problèmes dans l'industrie de la construction, c'est
pour les trois prochaines années et non pas pour les trois
dernières années. Alors, c'est tout de même important de
tenir compte de l'avenir.
Autre argument. Si nous ne tenons pas compte de l'avenir, si nous
faisons seulement une extrapolation en fonction du passé, qu'est-ce que
cela implique? Cela implique que finalement ce qui s'est passé
était comme dans le meilleur des mondes.
Que nous allons fonder nos décisions futures en fonction de ce
qui s'est passé, en tenant pour acquis que la situation actuelle est la
meilleure. Mais, au nom de quoi? En tant que professionnel de ces questions, je
ne suis pas prêt à faire cette hypothèse. Je suis d'autant
moins prêt à faire cette hypothèse quand on sait que les
salaires qui ont pu être négociés dans le passé ne
l'ont jamais été selon le fonctionnement idéaliste du
schéma de la concurrence parfaite, du schéma de l'économie
de marché qui fonctionne d'une manière parfaite, mais bien plus
selon la loi de la jungle. Comme vous le savez sans doute je me suis
permis de rappeler ce que le bon vieux Lafontaine nous disait à ce sujet
dans la loi de la jungle, c'est toujours le plus fort qui gagne ou qui
impose sa décision. La raison du meilleur...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): La raison du plus fort est toujours la
meilleure.
M. LORANGER: La raison du plus fort est toujours la meilleure et c'est
ce que nous allons démontrer tout à l'heure. Merci, M.
Tremblay.
M. BURNS: Nous avons un député qui a des lettres.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et de l'esprit.
M. LORANGER: Est-il vraiment raisonnable de conclure que les
inégalités économiques qui se sont établies selon
ce principe de la loi de la jungle doivent être figées pour
l'avenir et qu'elles doivent être acceptées comme une sorte de
fatum, de déterminisme sur lequel les humains n'ont aucune prise? Moi,
je me refuse, encore une fois, à admettre ça. Non pas parce que
je suis un être humain, mais parce que ça ne m'apparaft absolument
pas rationnel au plan économique. Ce n'est pas parce que Adam Smith
je pourrais citer une douzaine d'autres grands classiques, comme
Marshall a rêvé, à un moment donné d'une
conception idéale de l'homo economicus qui ne tenait sûrement pas
compte des théories freudiennes de l'homo psychologicus, si vous me
passez cette expression, qu'on doit prendre ses désirs pour la
réalité. Je pense que l'erreur que fait le patronat dans son
argumentation est aussi simple que ça. Il essaie de vous convaincre,
messieurs, que, même si ce n'est pas vrai en réalité, c'est
quand même le monde idéal, l'homo economicus rêvé
d'Adam Smith et de ses successeurs, qui doit
exister en réalité. C'est en vertu de ce
schème-là, de cette construction-là qu'on devrait prendre
les décisions concernant la fixation des taux de salaires dans
l'industrie de la construction.
Eh bien, moi, je vous dis: Si vous continuez à croire dans l'homo
oeconominus d'Adam Smith ou d'un autre, je pense que, comme l'a dit si
éloquemment M. Pepin, c'est un grave retour en arrière. Il a
mentionné la fin du XIXe et le début du XXe siècle.
Moi, je pourrais dire qu'étant donné qu'Adam Smith est
mort en 1790, ça va quand même chercher plus loin que le 19e; on
est carrément au 18e siècle.
M. MARCHAND: II n'y a pas eu de progrès depuis ce
temps-là.
M. LORANGER: Selon la thèse du patronat, il ne semble pas qu'il y
en ait eu.
M. LE PRESIDENT: Un moment, s'il vous plaît.
M. LORANGER: Moi, je pense qu'il y a eu d'autres économistes.
M. LE PRESIDENT: M. Loranger, un moment, s'il vous plaît. Je vois
que vous latinisez beaucoup, mais on va permettre au député de
Chicoutimi de faire des remarques.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai écouté avec grande
attention...
M. CADIEUX: II a beaucoup de lettres, lui aussi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... votre savant exposé, M. Loranger,
mais vous venez de toucher un point qui nous permettrait de revenir sur la
terre et nous exempterait d'exhumer les cadavres.
M. LORANGER: Je suis bien d'accord.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez, à partir des
prémisses que vous avez posées, attaqué la position de
ceux que vous appelez les patrons, en disant qu'ils s'appuient sur la
thèse de l'homo oeconomicus.
M. LORANGER: C'est exact.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous pouvez nous en faire toute de
suite une démonstration concrète, afin que nous puissions vous
suivre?
M. LORANGER: Si je voulais être malin, M. Tremblay, je pourrais
dire: Regardez la partie patronale, mais je ne le dirai pas.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais eux vous voient de dos; nous, nous
vous voyons de face.
M. LORANGER: Enfin,bref, l'homo oeconomicus, est-ce que vous voulez
vraiment que j'élabore plus longuement là-dessus?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est-à-dire que vous fassiez la
relation entre ce que vous venez de dire et les propositions du patronat. Parce
que, là, tout reste dans l'abstrait.
M. LORANGER: Bon.
M. LE PRESIDENT: En somme, que fait-il dans la construction?
M. LORANGER: En parlant de l'homo oeconomicus, j'ai voulu tout
simplement rappeler que la théorie de la concurrence parfaite se basait
sur un certain nombre de postulats qui étaient construits à
partir d'un comportement non humain, non réel, dans le sens où
ça ne concorde pas avec la réalité. Cela n'a jamais,
d'ailleurs, concordé avec la réalité. Dans le sens
où l'un de ces premiers postulats, c'est de supposer qu'aucun individu,
aucun agent économique n'est plus fort que les autres. Aucun agent
économique ne peut, par sa force, par sa taille, imposer des
décisions à un plus faible. Il n'y a ni fort, ni faible dans ce
schéma. Deuxième postulat, l'homo oeconomicus, c'est un robot,
une machine que même les cerveaux les plus avancés en informatique
n'ont pas encore réussi à mettre sur pied. L'homo oeconomicus,
c'est le bonhomme qui n'a aucune incertitude, c'est le deus ex machina qui a
une connaissance parfaite de tout, autant de la situation passée que de
l'avenir.
Est-ce que ça répond à votre question, M.
Tremblay?
DES VOIX: Bravo!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bien..
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous pourriez réserver vos
applaudissements?
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, est-ce qu'on
pourrait avoir la traduction simultanée?
M. LE PRESIDENT: Don't cross the border!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Loranger me demande si ça
répond à ma question; disons que ça n'y répond pas
du tout. Cela me rappelle certains cours que j'ai déjà suivis en
chimie, alors que, objectant au professeur que je ne comprenais pas, il me
répondait: Monsieur, je comprends que vous ne comprenez pas.
Moi, je veux savoir, alors que vous avez
attaqué le patronat je ne défends pas le patronat,
remarquez bien je veux savoir comment, pratiquement, vous pouvez
réfuter ce que M. Lacasse, qui est aussi un économiste, a
écrit dans le rapport qui nous a été
présenté par le patronat, par la partie patronale si vous aimez
mieux.
M. LORANGER: Si c'est la question que vous me posez, disons que j'avais
l'intention d'y répondre après avoir exposé...
M. LABERGE: "Feuillus par terrus! " M. LEBON: "Feuillus par terrus!
"
M. LORANGER: ...certains points essentiels de mon livre. Si je peux
présumer que le député de Chicoutimi a bien lu et bien
compris tout le contenu de mon livre, je suis prêt à
répondre immédiatement à certains points qui ont
été soulevés dans le rapport de mon collègue
Lacasse.
Entre autres, à propos du fameux coefficient
d'élasticité de Lee qui est mentionné aux pages 14, 15 ou
16, je pense ne pas être obligé d'insister de nouveau sur les
doutes qu'a soulevés le président de la CSN sur la valeur de ce
coefficient, étant donné qu'il n'est pas basé sur des
données québécoises, encore moins sur des données
de la construction québécoise. Mais je pourrais apporter une
autre objection pour entretenir le doute sinon l'augmenter, à savoir que
l'hypothèse sous-jacente dans le calcul de ce coefficient
d'élasticité, enfin dans le sens où une réduction
de la demande entraînerait proportionnellement une réduction de
l'emploi, se fonde sur le fait que les constructeurs ont ce que l'on appelle en
économique je vais vous scandaliser peut-être une
fonction de production à rendement constant, c'est-à-dire qu'il
n'y a pas d'économie d'échelle.
Si on admet la possibilité d'avoir une fonction de production
à rendement croissant, c'est-à-dire qu'avec une combinaison en
augmentant de 10 p. c. les facteurs de production, c'est-à-dire 10 p. c.
de plus de capital, 10 p. c. de plus de main-d'oeuvre, on obtenait 20 p. c. de
plus de produits finis, dans cette hypothèse, je dis tout simplement
qu'il est faux de prétendre qu'il y a proportionnalité entre
réduction de 10 p. c. ou de 15 p. c. je ne me souviens pas
exactement du chiffre avancé par mon collègue Lacasse
qu'il est faux de prétendre, dis-je, que si la demande diminuait de 15
p. c, cela entrafnerait automatiquement un chômage de 15 p. c.
Si, par exemple, pour calculer en chiffres plus arrondis, on pense
qu'avec une augmentation de 10 p. c. de main-d'oeuvre on obtient une
augmentation de la production de 20 p. c, si la demande baisse de 20 p. c. on
n'aura pas besoin de mettre 20 p. c. de main-d'oeuvre à pied, mais
seulement 10 p. c. C'est l'exemple que je voulais souligner en parlant de
rendement croissant plutôt que de rendement constant.
Un deuxième point qui est soulevé dans le mémoire
de mon collègue Lacasse, c'est l'incidence de l'égalité ou
de la hausse des salaires qui serait consécutive à
l'égalité des salaires dans l'industrie de la construction.
Quelle sorte d'effet cela aurait-il sur les revenus d'une région?
Je pense que mon collègue Lacasse a peut-être
calculé un peu vite, pour ne pas dire escamoté le calcul un peu
plus compliqué de cet effet-là. Je n'ai rien contre l'exemple
qu'il a choisi. On peut choisir n'importe quel chiffre juste pour illustrer
à titre d'exemple, mais je prétends qu'il n'a pas mesuré
de façon adéquate l'incidence de la parité, pour la simple
raison que, comme j'ai essayé de le démontrer, l'incidence de
l'égalité sur les revenus régionaux, le revenu des
régions, doit se baser sur un effet de multiplication ou doit le
provoquer.
Or, que veut dire un effet de multiplication pour le commun des mortels?
Cela veut dire que, s'il y a une injection soudaine de revenus dans une
région, cette injection soudaine va être dépensée,
soit par des entreprises, soit par des individus. Est-ce que ce sera
dépensé totalement? Probablement que non, parce qu'il y aura
peut-être une partie qui sera épargnée, mais la majeure
partie sera dépensée.
Si on considère seulement l'effet que j'appellerais primaire ou
l'effet direct de cette injection nouvelle de dépenses, et si on
arrête le cycle là, il n'y a pas lieu, je pense, de parler de
multiplicateur. C'est seulement si on se met à considérer qu'en
plus d'avoir un effet direct ou primaire, ceci va déclencher une
série de cycles successifs de dépenses, autrement dit, que
l'individu qui reçoit cet argent en dépense une partie, en
épargne une autre. Il l'a dépensé comment? Je ne sais pas,
mais peut-être en transport, en vêtements.
De toute façon, les commerçants qui lui vendent des
chaussures, le taxi qui le transporte à ce moment-là, eux aussi
vont se mettre à dépenser une partie de l'argent qu'ils ont fait,
ou du revenu qu'ils ont perçu en transportant ce monsieur ou en lui
vendant une paire de chaussures, et ainsi de suite. Cela n'apparaît pas
du tout dans le calcul de mon collègue Lacasse, pour la simple raison
que la seule et unique façon de calculer d'une façon
adéquate l'effet de multiplication, c'est à partir de ce que les
économistes appellent un certain coefficient de propension marginale
à dépenser.
Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire: Pour $1 de revenu
additionnel, quel est le montant que vous allez dépenser et quel est le
montant que vous allez épargner? Si je dis que la propension marginale
à consommer est de .8, à titre d'exemple, ça veut dire
que, pour $10 de revenu additionnel qu'un individu peut avoir dans une
région donnée, il en dépense $8 et il
en épargne $2. C'est aussi simple que ça. Les $8 qu'il
dépense sont récupérés par un autre individu et,
à son tour, ce même individu, s'il a la même propension
marginale à dépenser, dépense également $8,
épargne $2 et ainsi de suite. Vous voyez toute la série de cycles
de dépenses secondaires qui s'enchaînent à ça. Mais
ce n'est pas tout.
M. COITEUX: Est-ce que votre raisonnement s'applique
régionalement?
M. LORANGER: Oui.
M. COITEUX: Mais comment expliquer alors d'après votre
raisonnement, qu'il dépense? L'argument que M. Lacasse a fait valoir
hier, c'était que, ça ne donnait rien à la région
parce que l'individu, s'il n'y a pas de manufacturier de
réfrigérateurs, par exemple, dans la région, ça lui
permet... Cela va?
M. LORANGER: Si vous me permettez, c'était le deuxième
point que j'allais souligner. Une deuxième faiblesse m'apparaît
dans le calcul de mon collègue Lacasse, c'est qu'il n'a pas tenu compte
d'une des composantes de ce que nous appelons, nous, la demande globale d'une
économie ou d'une région, et cette composante s'appelle
l'exportation. Autrement dit, si on prétend que l'injection nouvelle
autonome que j'appelle de revenus n'était pas dépensée
dans la région mais était entièrement sortie de la
région, il n'y aurait à ce moment-là, aucun effet de
multiplication. Ce cas-là pourrait se produire seulement si les
injections de revenu autonomes que l'on fait dans une économie
régionale sont automatiquement sorties de la région, soit
entièrement sous forme d'épargne, autrement dit si elles ne sont
pas dépensées, ou encore sous forme de biens importés de
l'extérieur de cette région.
Mais cependant, là où j'en ai contre le calcul de mon
collègue Lacasse, c'est lorsqu'il a prétendu que les
régions déprimées, relativement déprimées
par rapport à Montréal, étaient seulement des
régions importatrices, qu'elles n'exportaient jamais. Or, est-ce que les
meubles qui sont fabriqués à Drummondville sont
entièrement et uniquement achetés par les gens de Drummondville?
Je ne le crois pas. Pour ma part, en tout cas, j'ai acheté une chaise
assez confortable pour mon bureau et je pense qu'elle a été
manufacturée à Drummondville et je vis à
Montréal.
Là, on parle de commerce interrégional mais on peut parler
aussi de commerce, non pas seulement interrégional, mais en dehors de la
province. Si les industries, ou les gens qui travaillent à
Baie-Comeau... On dit que ce sont des gens qui ne sont que des consommateurs,
qu'ils n'exportent rien. Bien, je ne sais pas, Baie-Comeau est peut-être
mal choisie, mais prenons Sept-Iles, Gagnon et toutes ces villes-là.
Je pense que ce sont de très gros exportateurs de minerai vers
les Etats-Unis. C'est peut-être justement à cause de cela que
cette région-là peut finalement avoir les revenus les plus
élevés. Ce n'est quand même pas une région si
déprimée que ça. C'est quand même important de tenir
compte des exportations.
M. COITEUX: Est-ce que vous êtes allé dans le bout de
Sept-Iies?
M. LORANGER: Jusqu'à Moisie, je pense.
M. COITEUX: Ah! vous n'êtes pas allé sur la
Côte-Nord.
M. LE PRESIDENT: Un instant, le député de Frontenac a une
question à poser.
M. LATULIPPE: L'effet multiplicateur existe dans la mesure où il
y a une injection de revenus nouveaux.
M. LORANGER: Oui.
M. LATULIPPE: S'il n'y a pas d'injection de revenus, mais qu'il s'agit
plutôt de transfer de revenus des uns aux autres, est-ce que l'effet
multiplicateur existe?
M. LORANGER: Si c'est seulement un effet de transfert, non. Il faut
vraiment que ce soit une hausse autonome pour qu'il y ait un effet de
multiplication.
M. LATULIPPE: Si je comprends bien, hausse autonome, ça veut dire
hausse...
M. LORANGER: Un apport de revenus nets pour la région. Si par
exemple, nous demeurons tous les deux dans la même région, que je
vous paie un salaire et que j'ai mon compte en banque, à la même
succursale que vous, et dans la même région, il n'y a pas de
transfert net, c'est-à-dire qu'il n'y a que compensation à
l'intérieur de la même région. Cela n'entraîne aucun
effet de multiplication.
M. LATULIPPE: Dans votre étude, est-ce que vous démontrez
qu'effectivement il y a une injection de revenus supplémentaires dans la
région et qu'il s'agit d'autre chose que de transfert des uns aux
autres?
M. LORANGER: Dans mon étude, je me suis placé seulement au
plan théorique, étant donné la très brève
période de temps que j'ai eue pour analyser cette question. Tout ce
qu'on m'a demandé c'était si la demande de salaire pouvait se
défendre au nom de certains principes économiques. Maintenant,
pour être capable de calculer effectivement, quantifier ça, il
faudrait faire appel à toutes les ressources que possède le
Bureau de la statistique, ici, à
Québec, avec ses tableaux de flux réel et de flux
financier entre régions, pour chacun des biens et là, on pourrait
faire une étude quantitative fort sérieuse. Mais, cela pourrait
prendre quelques années avant d'en arriver à savoir quelle sorte
de résultats finalement ça peut donner pour chacune des
régions.
M. LATULIPPE: Selon votre opinion, est-ce que la parité dans le
domaine de la construction amènerait des injections de revenus dans les
régions marginales?
M. LORANGER: Non pas intuitivement, mais quand on pense que lorsqu'il
s'établit un nouveau chantier en dehors de Montréal, dans
n'importe quelle région nommez-les si vous voulez et que
cette construction-là est faite par des entrepreneurs de
Montréal, de Toronto ou des Etats-Unis, automatiquement il y a une
injection de revenus.
Si vous augmentez les salaires, si vous avez la parité des
salaires avec Montréal, il y a certainement une injection plus grande de
revenus que si vous n'avez pas cette parité. Je pense que tout le monde
peut comprendre cela assez facilement.
M. LATULIPPE: Donc, il y aurait une énorme distinction à
faire selon chaque cas, s'il s'agit d'habitations, s'il s'agit de projets
importés, quand je parle pour la région. En fin de compte, cela
revient à dire qu'il n'y aurait que des revenus injectés quand il
y a une importation de projets.
M. LORANGER: D'accord.
M. LATULIPPE: Quand c'est de l'autodéve-loppement du secteur qui
se fait dans la région, comme de l'habitation, il n'y a pas d'injection
de revenus; donc, il n'y a pas d'effet multiplicateur. Il s'agit de transfert,
à ce moment-là.
M. LORANGER: Dans la mesure où se sont les caisses populaires
locales qui financent cela, disons que l'effet de multiplication serait
à peu près nul. Mais dans la mesure où la
Société centrale d'hypothèques et do logement et dans la
mesure où la Société d'habitation du Québec
finance, il se fait un transfert interrégional très important.
Est-ce que cela répond à votre question?
Maintenant, il y a un autre point si vous me permettez, M. le
Président. Etant donné qu'on m'a fait très vite sortir du
contenu de mon volume et qu'on a préféré aborder
immédiatement les objections que je pouvais avoir à l'endroit de
ceux qui ont déjà parlé sur cette question, j'aimerais
relever un point soulevé par M. Claude Lefebvre, qui prétend que
je ne sais pas calculer. Pardon?
M. LE PRESIDENT: Avant que vous passiez à ce point, auriez-vous
objection à ce que nous permettions quelques questions? Quelques
personnes désirent poser des questions, M. Lacasse d'abord, et nous
reviendrons ensuite à ce point.
Théories économiques
M. LACASSE: M. le Président, je limiterai mes remarques
strictement aux points qui viennent d'être mentionnés et qui ont
trait à l'étude que j'ai présentée hier.
Je veux tout d'abord mentionner quelque chose de très
général, non pas sur l'homo oeconomicus mais sur la question des
théories néo-classique et Keynésienne. Personnellement, je
suis parfaitement d'accord avec mon collègue Loranger que la
théorie néo-classique, comme il l'a présentée et
comme elle était présentée, est aussi morte qu'il y a
moyen d'être mort. On pourrait cependant en dire à peu près
autant de la théorie Keynésienne qui s'était
opposée, dans les années trente, à la théorie
néo-classique. Ce que je veux simplement dire, c'est que le débat
entre ces théories, qui portait sur un point principal,
c'est-à-dire le relèvement de tous les salaires ou la baisse de
tous les salaires dans une période de récession ou de
dépression, comme dans le cas des années trente, ce débat
est maintenant quelque chose de clos, de terminé.
J'enchaîne immédiatement avec la seconde partie. Nous n'en
avons pas tenu compte précisément parce que tout ce que nous
avons dit sur l'effet de multiplicateurs ou plutôt ce que nous n'avons
pas dit sur l'effet de multiplicateurs ou sur ce que j'intitulais, dans le
mémoire, le stimulus à la demande dans les diverses
régions affectées par la parité, nous n'en avons pas
traité, dis-je, pour une raison relativement simple que, je pense,
j'avais mentionnée hier: C'est que les effets macro-économiques
de ce type qui exige l'utilisation de mécaniques de modèles de ce
type sont des effets globaux qu'on ne peut pas attribuer à la seule
parité dans l'industrie de la construction. Alors le petit calcul qui
apparaît dans mon rapport, que j'ai mentionné hier comme
étant "illustratif" seulement, hypothétique, n'est pas un calcul
de multiplicateurs. J'espère que mon collègue Loranger me fait
assez confiance pour savoir comment cela fonctionne; on montre cela en
première année. Nous ne l'avons pas fait, et c'était voulu
parce que, pour pouvoir parler d'un phénomène global, il faut
situer l'ordre de grandeur des changements que peut introduire la parité
pour une ou l'autre des régions.
Le petit calcul qui apparaît dans mon rapport était
simplement destiné à montrer un ordre de grandeur de ce type. En
faisant quelques petits calculs très élémentaires, on peut
voir que j'ai été très généreux. Par
exemple, j'ai attribué aux employés de la construction 5 p.c. du
revenu global d'une région. M. Pepin, cet après-midi, a
mentionné qu'il y avait
70,000 travailleurs de la construction au Québec, ce qui veut
dire entre 1.5 p.c. et 1.8 p.c. de la main-d'oeuvre québécoise.
Si on veut être très généreux et vraiment
restreindre le concept de main-d'oeuvre à ceux qui sont employés
à temps plein, on pourrait peut-être atteindre 2 p.c. ou 3
p.c.
Alors, dans ce cas, je ne croyais pas pertinent d'utiliser un
modèle conçu présentement pour analyser des
phénomènes globaux, qui mettent en cause l'ensemble d'une
économie, parce que le problème était trop nettement
circonscrit à une industrie qui, pour être répandue, n'en
reste pas moins une industrie, par rapport à l'ensemble, relativement
modeste. C'est d'ailleurs pourquoi hier, en répondant à une
question, j'ai mentionné que je n'agitais aucun épouvantail et
que je ne disais pas que la parité allait introduire des catastrophes.
Les changements dont je parlais étaient des changements limités
qu'on avait tout simplement essayé de circonscrire. Je voulais dire cela
à M. Loranger à propos du multiplicateur.
Rendements constants
M. LACASSE: Un autre petit point, et je termine tout de suite. Quand M.
Loranger jette un doute sur le fait que 15 p.c. de réduction de demandes
n'aura pas nécessairement pour effet de réduire l'emploi dans
cette industrie de 15 p.c, je peux lui dire que je suis en parfait accord avec
lui. Cependant, je voulais simplement mentionner que nous n'avons aucun
chiffre, donc aucune raison de croire que les rendements ne sont pas constants
dans l'industrie de la construction. Nous n'en avons pas pour nous permettre de
croire le contraire. Alors, j'ai pris l'hypothèse la plus simple qui
était celle des rendements constants.
Ce que je peux dire, c'est que, si j'avais pris des rendements qui
étaient décroissants ou des "déséconomies"
d'échelle, je serais arrivé à des 20 p.c, 22 p.c. et 23
p.c.
M. LORANGER: L'escabeau, comme on dit.
M. LACASSE: L'escabeau. Alors, j'ai pris simplement l'hypothèse
du milieu, usuelle, la plus simple quand on n'a pas de raison de croire autre
chose. Je pourrais mentionner, à ce sujet, que l'industrie de la
construction n'a pas en général la réputation d'être
une industrie où il y a des rendements d'échelle très
considérables.
Je dis bien que c'est une réputation qui est mal assise,
peut-être, mais qui fait en quelque sorte partie du "folklore".
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Lacasse.
M. LORANGER: Est-ce que j'ai droit de réplique?
M. LE PRESIDENT: Evidemment.
M. LORANGER: Je suis très heureux d'apprendre que mon
collègue Lacasse est conscient que ces notions, à propos du
multiplicateur et tout, s'enseignent dès la première
année, maintenant, dans les CEGEP. J'aurais aimé qu'il fasse
preuve d'une honnêteté plus complète en ne mentionnant pas
seulement les importations, mais également les exportations dans son
calcul qui est simplement un exemple, soit dit en passant.
Quant au deuxième point, à propos du coefficient
d'élasticité, il m'a donné raison, j'en ai pris note avec
plaisir. Il a dit qu'il semble très raisonnable de ne pas supposer plus
d'économie d'échelle ou moins d'économie d'échelle,
donc l'hypothèse du milieu. Je pourrais dire qu'intuitivement, puisque
les grandes entreprises ont tendance à bouffer les petites, les grandes
entreprises jouissent dès le départ d'une économie
d'échelle, donc de rendement croissant, alors que les petites
entreprises ont fort probablement des rendements décroissants. C'est
simplement une constatation de faits, rien d'autre.
M. LE PRESIDENT: Est-ce terminé? M. LORANGER: Oui.
M. LE PRESIDENT: Bon. M. Morin désirerait poser une question.
M. MORIN: M. le Président, je demande d'abord l'indulgence des
membres de la commission, car mes connaissances économiques ne sont pas
tellement avancées, malgré qu'après cet exposé, je
commence à me sentir un peu plus en mesure d'essayer de
résumer.
M. LE PRESIDENT: Nous allons essayer de vous écouter quand
même.
M. MORIN: Je voudrais demander à M. Loranger si le
résumé très succinct que je vais faire de son étude
est à peu près le cheminement de pensée qu'il a suivi.
D'abord, dans la première partie, M. Loranger, vous essayez de
nous démontrer que vous ne pouvez pas trouver de facteurs, objectifs
pour déterminer les coefficients économiques des régions.
A cet effet, je vous réfère à la page 22 de votre volume.
Vous y dites: "Pour faciliter un accord sur le choix des facteurs
économiques, il faudrait, de toute évidence, avoir une seule
théorie économique ou une seule hypothèse de travail
motivant le choix des facteurs." Or, de l'aveu même des experts du
ministère, ça n'existe pas. A la page 38, vous dites: "Disons au
départ que tout indice d'emploi ou de prix ne peut être
utilisé pour refléter les différences
interrégionales dans le niveau de l'emploi et des prix."
Est-il donc exact que, en partant de cette impossibilité que vous
dites de trouver des
facteurs objectifs, vous en arrivez à dire dans votre
deuxième partie et je répète les mots que vous avez
dits: "Nous avons cherché quels critères vous les avez
dits, il y a quelque temps, au début de votre exposé
pourraient le mieux justifier la parité salariale."
Vous avouez donc, dans la première partie, qu'il y a des
coefficients économiques interrégionaux différents, mais
qu'il n'y a pas de critères objectifs pour les établir comme il
le faut? Deuxièmement, vous dites: J'ai cherché le critère
qui pourrait le mieux justifier la parité et, à cet effet, j'en
suis arrivé au critère de l'augmentation des salaires, qui
implique une injection plus grande de revenus dans une région, et cette
injection plus grande de revenus dans une région a pour effet de
développer la région et de la rendre économiquement plus
riche."
C'est votre mémoire, à la page 50. Est-ce exact de
résumer votre mémoire en gros dans ces paroles-là?
M. LORANGER: C'est tout?
M. MORIN: Oui. C'est assez, en fin de compte.
UNE VOIX: C'est parce qu'il n'a pas compris.
M. LORANGER: Vous faites des présomptions gratuites mais, en tout
cas, je vais quand même essayer de répondre.
UNE VOIX: Je n'ai jamais fait une chose comme ça.
M. LORANGER: Tout ce que j'ai dit, c'est qu'il m'apparaissait-
impossible de trouver des critères suffisamment objectifs et acceptables
à toutes les parties pour se mettre d'accord. J'ai essayé d'en
faire la preuve en en examinant plusieurs et de montrer à quelle sorte
d'aberration ça pourrait mener si on se fiait aux statistiques
disponibles.
Je n'ai jamais dit, cependant, qu'il n'existait pas
d'inégalités économiques. La seule chose que j'ai dite,
c'est qu'il est impossible de trouver, d'essayer de mesurer, d'une façon
adéquate et qui rallierait le consensus de toutes les parties, ces
inégalités économiques. Je n'ai jamais nié
l'existence d'inégalités économiques. Je pense que bien
malin serait celui qui voudrait nous faire croire qu'il n'existe pas
d'inégalités économiques ici au Québec, comme
ailleurs entre les pays à l'échelle du globe.
Est-ce que ça répond à votre question, M.
Morin?
M. MORIN: Pour la première intervention, oui, mais qu'en est-il
de la deuxième? En ce qui concerne le critère que vous avez
utilisé pour justifier la parité aux pages 50 et suivantes,
est-ce par effet d'entraînement, en augmentant les revenus dans une
région, qu'on peut en arriver à ce que cette parité, qui
serait une augmentation plus grande dans les régions qu'à
Montréal, puisse amener ces régions-là à se
rapprocher de Montréal économiquement?
M. LORANGER: Oui, mais remarquez que ça ne se fonde pas sur un
calcul de coefficients économiques objectifs. Cela présuppose
seulement qu'il existe des inégalités économiques et c'est
la politique avouée des gouvernements tant de Québec que d'Ottawa
que d'essayer de les faire disparaître. Tout ce que je dis, c'est que
l'égalité des salaires entre les régions est un moyen
parmi un arsenal de moyens pour aider à atténuer ces
inégalités. C'est tout ce que j'affirme comme thèse ou
argument pour justifier l'égalité des salaires entre les
régions. Je pense que c'en est une fichue de bonne. Sans ça, je
ne vois vraiment pas pourquoi nos gouvernements tant ici à Québec
qu'à Ottawa se morfondraient à donner des subventions pour
inciter des entreprises à aller s'établir en dehors de
Montréal, s'ils étaient convaincus à l'avance que toutes
ces mesures sont, au départ, absolument inefficaces pour atténuer
les inégalités économiques.
Je dis que la parité ne va pas contre cette politique, mais
qu'elle est en plein dans ce courant.
M. LE PRESIDENT: Merci. Alors, le suivant? Un instant. Le
député de L'Assomption.
M. PERREAULT: M. Loranger, votre collègue, M. Lacasse, s'est
attaché à démontrer que le facteur d'augmentation
d'expansion industrielle ne serait que de . 42 p. c. Vous, vous semblez surtout
vous concentrer à nous prouver que c'est surtout l'activité
commerciale, l'activité des services qui serait la plus touchée,
qu'on verrait là la plus grande expansion.
M. LORANGER: Excusez-moi. Est-ce que vous pouvez répéter
la dernière partie de votre phrase?
M. PERREAULT: Votre exposé semble démontrer que vous ne
vous attachez pas à l'expansion industrielle, mais surtout à
l'augmentation des services, l'expansion commerciale de la région.
M. LORANGER: Non, je ne crois pas. Si c'est la perception que vous avez
de mon document, je pense que ce n'est pas tout à fait exact. Je
l'affirme je ne me souviens pas à quelle page la grande
différence entre la position sur laquelle je m'appuie et celle du
patronat, ce n'est pas un ajustement seulement sectoriel, que ce soit seulement
limité au secteur de la construction ou au secteur de
l'activité commerciale, mais c'est un ajustement global et
certain à court, moyen et long termes. Est-ce que ça
répond à votre question?
M. PERREAULT: Est-ce que votre effet le plus sensible n'est pas dans les
activités tertiaires?
M. LORANGER: Non, parce que, quand on parle du développement
économique d'une région, on inclut tous les secteurs. Si, dans
une région, il n'y a que des activités tertiaires, l'effet de
multiplication se fera principalement sentir dans ce secteur et par ce secteur.
C'est tout. Si, par exemple, dans une région donnée, vous aviez,
au départ, seulement et principalement des activités tertiaires
et qu'à un moment donné une nouvelle industrie, un nouveau
Bombardier venait s'établir là, c'est clair, si on se met
à fabriquer des motos-neige, qu'à ce moment-là il va y
avoir autre chose que des services. D'ailleurs, je cite Bombardier justement
pour vous démontrer encore une fois toute l'importance de tenir compte
de l'exportation dans le développement économique
régional. Les motos-neige fabriquées par Bombardier ne sont quand
même pas achetées majoritairement par des gens qui demeurent
à Valcourt. C'est pourtant là la richesse de toute la
région. C'est parce que Bombardier exporte aussi bien dans toutes les
régions du Québec, dans le Canada, aux Etats-Unis et
peut-être même en Europe, je n'ai pas de statistiques pour
confirmer ça. Vous avez là l'exemple d'un cas très
précis où une activité exportatrice fait vivre et fait
prospérer une région qui, autrement peut-être, serait
très déprimée.
M. LE PRESIDENT: M. Laberge.
M. LABERGE: Je voudrais poser une question aux économistes, M. le
Président, pensez-vous que je peux la poser en français?
M. LE PRESIDENT: Tentez.
M. LABERGE: Je ne sais pas qui va répondre, ce n'est pas à
moi de décider ça.
M. LE PRESIDENT: Présentement, c'est l'économiste qui est
à la barre.
M. LABERGE: Si j'ai bien compris, dans l'échange de tantôt
entre MM. Lacasse et Loranger, M. Lacasse aurait dit à un moment
donné quelque chose comme ceci: Si son étude avait
été plus globale, c'est-à-dire que, s'il avait
étudié l'injection d'une augmentation de salaires toujours en
parlant de parité de salaires, globalement, pour toutes les industries,
ces résultats auraient pu être différents. Est-ce que j'ai
bien compris ça?
M. LE PRESIDENT: La parole est à vous.
M. LACASSE: C'est oui. Le seul point dont j'ai voulu faire état
tout à l'heure était simplement que j'ai pris une approche
sectorielle, parce qu'il ne s'agissait que d'une industrie qui était
somme toute relativement utile.
M. LE PRESIDENT: Un instant, un à la fois là. Allez-y, M.
Loranger d'abord.
M. LORANGER: J'ajouterais à ce que vient de dire mon
collègue Lacasse que je ne comprends pas, en voulant étudier la
parité ou l'égalité des salaires dans toutes les
régions, pourquoi vouloir se limiter seulement à l'impact
sectoriel, c'est-à-dire d'un seul secteur de la construction. J'ai
essayé d'être un peu plus complet en examinant non seulement
l'incidence de l'égalité des salaires qu'obtiendraient les gars
de la construction sur le revenu régional, mais j'ai aussi essayé
de démontrer que cette incidence pourrait également avoir une
force d'attraction sur les salaires dans les autres secteurs de
l'activité économique régionale, et c'est justement
là que les patrons craignent que ça puisse devenir grave.
C'est parce qu'ils ne veulent pas. Ils se sentent bien actuellement de
payer des salaires inférieurs dans tous les secteurs de
l'activité économique en dehors de Montréal, et ils savent
fort bien que, si on accorde la parité dans la construction, ça
ouvre une porte, que ça va créer un précédent. Ils
savent fort bien ça et je pense avoir été assez
honnête pour analyser non pas seulement l'effect sectoriel, mais l'effet
global sur tous les secteurs de l'activité économique des
régions.
M. LABERGE: Juste une question pour compléter ma
première.
M. LE PRESIDENT: Oui, allez.
M. LABERGE: Toujours en français. La réponse de M. Lacasse
ayant été si claire, oui, je dois lui poser une question
supplémentaire. Quel serait le résultat d'une étude
globale où il y aurait une injection d'une masse salariale nouvelle dans
une région, parce que, dans 20, 25 ou 35 industries, il y aurait eu une
augmentation de salaires pour donner l'égalité des salaires?
Est-ce qu'il ne serait pas vrai de penser que, si vous n'en étudiez
qu'une sur 35 globalement, ça devrait au moins avoir le
trente-cinquième du résultat?
M. LACASSE: Désolé; malheureusement, à ce
sujet-là, ou heureusement, je dois me référer un peu au
même modèle qu'utilise M. Loranger à la fin. En fait, si
ont doit se préoccuper d'une augmentation de salaires qui toucherait
toutes les industries, à ce moment-là, il n'est plus question de
se demander simplement ce qui va arriver dans un petit coin, étant
donné que les prix augmentent. Dans ce cas, la façon de
procéder, c'est donc de voir, c'aurait été, par
exemple, d'étudier dans quelle mesure ç'a affecté
l'investissement dans ces régions, dans quelle mesure ç'a
affecté les migrations, dans quelle mesure ç'a affecté la
demande pour ces régions face à la demande pour des
régions à l'extérieur, la demande pour les régions
entre elles, que mon ami Loranger appelle les exportations. Donc, c'aurait
été le modèle, l'approche correcte pour étudier le
phénomène, parce que c'aurait été analyser un
phénomène global, alors que, dans le cas que nous avons ici, nous
avons traie d'une seule industrie, comme je l'ai mentionné hier, soit
les effets de démonstration sur l'augmentation des salaires des autres
salariés, ce qu'on en sait.
Je pense que mon collègue va être d'accord avec moi
là-dessus, nous savons que ces effets existent. Nous sommes incapables
de les mesurer, de savoir s'ils sont importants, s'ils se manifestent en un an,
six mois, ou vingt-cinq ans, s'ils ont d'autres effets, en fait, c'est à
l'état d'hypothèse généralement acceptée,
mais ceux qui ont essayé de les mesurer s'y sont cassé les dents
et c'est pour cette raison que nous avons négligé cet aspect
parce que carrément nous ne pouvons rien en dire de précis.
Alors, dans ce cas, vu que de toute façon il s'agissait pour vous de
régler, non pas le problème de la parité des salaires pour
l'ensemble des industries, même éventuellement, mais bien de
régler, je pense, le problème de la parité salariale dans
l'industrie de la construction, pour les trois prochaines années, j'ai
pensé qu'il était préférable de limiter la
discussion que nous avons faite au sujet qui était à
l'étude.
M. LE PRESIDENT: Vous voulez ajouter quelque chose, M. Loranger?
M. LORANGER: Tout simplement qu'il me fait plaisir de constater que mon
collègue Lacasse reconnaît que mon approche est plus
complète que la sienne.
M. LE PRESIDENT: Si vous me le permettez, je pense que ça peut
être assez long si la commission est obligée de mettre les
économistes d'accord sur chacun des points. Cela va très bien
jusqu'à maintenant. Il y a deux ou trois points où, enfin, on a
réussi à se mettre d'accord. Je permettrai donc à M.
Lefebvre de poser une question.
M. LEFEBVRE: Ma question s'adresse à M. Loranger. Elle concerne
strictement le domaine de l'habitation.
M. LORANGER: M. le Président, vous m'avez demandé, avant
de critiquer M. Lefebvre, de vouloir répondre aux questions des
députés. J'aimerais cependant, avant de répondre aux
questions de M. Lefebvre, répondre d'abord à une objection qu'il
a déjà formulée à propos de ma façon de
calculer le coût du logement, si vous me le permettez.
M. Lefebvre, ce matin, ou cet après-midi, a prétendu que
malheureusement je ne savais pas calculer d'une façon valable le
coût du logement. Je regrette énormément pour lui mais
lorsqu'il prétend que, dans l'exemple que j'ai donné à
l'appendice 3, je calcule deux fois la baisse du taux d'intérêt
pour arriver à minimiser la répercussion d'une hausse de 10 p.c.
sur le coût de construction, je regrette énormément de lui
dire qu'il est certes faux de prétendre qu'il faut utiliser le
même coefficient, le premier coefficient. Parce que si on utilise le
même coefficient, on ne tient pas compte de la baisse de 1 p.c. dans le
taux d'intérêt. Tout ce dont on tient compte, c'est que le
coût de la construction a augmenté de 10 p.c, c'est tout. C'est
évident qu'à ce moment-là, le coût du logement va
augmenter de 10 p.c. C'est pour cette raison, d'ailleurs, qu'il est
arrivé au chiffre que, selon sa base à lui, le coût du
logement augmenterait de $11 par mois et non pas de $2 par mois.
M. LEFEBVRE: En réponse, je suis tout à fait d'accord avec
M. Loranger. D'ailleurs, je m'en rapporte au journal des Débats. Je n'ai
jamais prétendu, ce matin, que monsieur avait utilisé deux
formules. J'ai tout simplement dit que, dans son premier exemple, qui
apparaît à la page 107, il avait utilisé le taux
d'intérêt de 10 p.c. et que, dans le deuxième exemple, qui
apparaît à la page 108, il avait utilisé le taux
d'intérêt de 9 p.c, capitalisation trimestrielle et que, si nous
voulions que l'exemple serve, et je m'en rapporte à ses pages 65 et 66,
si ma mémoire est bonne dans ce point-là, il a bien fait
état qu'une diminution de 1 p. c. du taux d'intérêt pouvait
compenser pour une augmentation de 10 p.c. J'ai lu son livre et je l'ai bien
compris, mais j'ai voulu vous montrer que, par ce calcul, si nous prenions dans
le deuxième exemple le même chiffre que dans le premier exemple,
soit 10 p.c, je me devrais alors d'utiliser le facteur logarithmique
employé à R, à la page 108, et cela me donnerait une
composante trimestrielle de $360.52 pour un loyer mensuel de $120.14, ce qui
donnait une augmentation de $11. Je pense que l'on s'entend
là-dessus.
M. LORANGER: Oui, si tout ce que vous dites là, c'est qu'on
augmente le coût de l'habitation de 10 p. c. sans faire baisser le taux
d'intérêt.
M. LEFEBVRE: C'est ça. M. LORANGER: D'accord.
M. LEFEBVRE: J'ai compris depuis longtemps, vous savez, que si je
diminue les matériaux de 50 p. c, qui correspondent à 60 p. c, et
que j'augmente les salaires de 25 p. c, le consommateur va être gagnant.
Cela, c'est du calcul bien simple; il s'agit d'additionner et de soustraire. Je
n'ai pas besoin d'un économiste.
M. Loranger, j'ai une petite question à vous
poser qui a trait à votre intervention de tantôt à
la suite de la question de M. le député. Cela
m'éclairerait. Nous allons prendre un cas hypothétique qui se
situe, disons, dans la ville de Chicoutimi. M. X décide de s'acheter une
maison à même ses revenus et une hypothèque consentie par
la caisse populaire de Chicoutimi. Dans les études que j'ai faites
elles sont peut-être imparfaites, mais elles ont au moins le
mérite d'avoir été faites avec l'offre que nous
proposons, il y aura un coût additionnel de $1,787. Cela, c'est avec les
offres patronales, parce qu'avec la demande syndicale ça me donne
$2,500. Bon, je vous demande ceci: Ces $2,500 de plus de salaires que vous
demandez, est-ce que ça constitue un facteur autonome qui va amener une
propension économique ou si ça ne constitue pas plutôt un
transfert de fonds?
M. LORANGER: C'est tout? M. LEFEBVRE: C'est tout.
M. LORANGER: Je suis parfaitement d'accord avec les remarques de M.
Lefebvre. Je reconnais le premier que l'égalité des salaires dans
l'industrie de la construction domiciliaire va ou est susceptible
d'entraîner une hausse moyenne que j'ai évaluée à 10
p. c, selon une fourchette qui me semblait vraisemblable. Il est bien
évident que, si cette hausse de 10 p. c. n'est compensée par
aucune autre baisse dans le coût de construction, ça ne
créera pas d'effet de multiplication. Je pense qu'on s'entend
là-dessus. Tout ce que j'ai voulu démontrer, c'est que la hausse
du coût de l'habitation de 10 p. c, échelonnée sur trois
ans ce qui fait en moyenne moins de 3 p. c. par année ou à
peu près 3 p. c. par année n'est quand même pas
aussi catastrophique que ça. Sur l'indice du coût de la vie, cela
se traduirait annuellement par quelque chose d'inférieur à 1/2 p.
c.
Cette hausse, je suis bien prêt à l'admettre, n'est pas
plus importante qu'une fluctuation du taux d'intérêt, lorsque le
taux d'intérêt passe 10 1/4 p. c. à 9 1/4 p. c. Or, il y a
six mois, si ma mémoire est bonne, le taux d'intérêt
était aux environs de 10 1/4 p. c. Là, il est à 9 1/2 p.
c. et peut-être que, dans trois mois, il sera à 9 1/4 p. c. Je ne
pense pas que les patrons, quand le taux d'intérêt fluctue de 9 p.
c. à 10 p. c. ou de 10 p. c. à 9 p. c, crient que la fluctuation
des taux d'intérêt, c'est une affaire absolument
indéfendable au plan économique. Tout ce que je veux dire, c'est
qu'il ne faut quand même pas se conter d'histoire. Le seul endroit
où l'égalité des salaires est susceptible d'avoir un
impact sur la hausse des coûts, c'est dans le secteur de l'habitation.
Est-ce si grave que ça? Est-ce que ça va créer un marasme
économique épouvantable? Eh bien, jugez vous-mêmes. Lorsque
le taux d'intérêt est passé de 9 p. c. à 10 p. c,
est-ce que cela a créé une catastrophe économique? A vous
de répondre, messieurs. C'est tout ce que je voulais dire.
M. LEFEBVRE: Pour compléter maintenant la réponse, je suis
satisfait que M. Loranger dise que ça ne crée pas de propension
économique et qu'il n'y a pas d'effet multiplicateur. Est-ce que je
pourrais conclure, à partir de là, que si je donne $1,700 ou
$1,800 de plus à la masse ouvrière qui a fait la construction, en
fait, ces $1,800 viennent de la poche des autres gars de la même
région?
M. LORANGER: Pas nécessairement. Remarquez qu'à propos de
l'effet de multiplication, j'étais plus intéressé à
répondre à la comparaison qu'entraînerait une hausse de 10
p. c. du coût de l'habitation qui pourrait être compensée
par une baisse de 1 p. c. dans le taux d'intérêt. La hausse du
coût de l'habitation peut entraîner des effets de multiplication si
la construction de ces maisons est financée par des épargnes qui
viennent de l'extérieur de la région. Si elles sont
financées, disons, par la caisse populaire locale, d'accord, cela ne
créera pas d'effets de multiplication. Est-ce que cela répond
à votre question?
M. LEFEBVRE: Merci, M. Loranger.
M. LE PRESIDENT: M. Loranger, un instant. M. Lebon.
M. LEBON: M. le Président, premièrement, j'aurais une
question de fond à poser à M. Loranger: Est-ce que le petit
document que nous possédons exprime la position de la CSN ou la position
de M. Loranger?
M. LORANGER: Est-ce que vous posez la question à moi ou à
la CSN?
M. LEBON: Je pose la question au témoin qui est à la
barre, M. le Président.
M. LORANGER: Merci, M. Lebon. La position qui est exprimée dans
ce volume que j'ai signé est ma position et c'est celle que j'ai offerte
à la CSN pour justifier que l'égalité des salaires dans
l'industrie de la construction ne serait pas catastrophique, à mon avis.
C'est ma position et c'est l'avis que j'ai donné à la CSN. Est-ce
que cela répond à votre question, M. Lebon?
M. LEBON: J'aurais une question subséquente.
M. LE PRESIDENT: J'ajouterai à cela qu'on lit à l'endos:
Cet ouvrage a été préparé pour le compte de la CSN
et publié par elle.
M. LEBON: D'accord. Si j'ai bien compris, l'économiste Loranger
avait comme mandat de prouver que l'égalité des salaires
était une bonne chose.
M. BURNS: Comme le vôtre avait le mandat contraire.
M. LEBON: Je vous demande humblement pardon. Le mandat de notre
économiste n'était pas cela.
UNE VOIX: Votre économiste avait le mandat contraire.
M. LEBON: Pas du tout. M. le Président, je pose la question
à M. Loranger, à savoir si son mandat était de prouver que
l'égalité était une bonne chose.
M. LE PRESIDENT: Je pense que le représentant de Maisonneuve
avait quelque chose à ajouter.
M. BURNS: Je veux tout simplement, M. le Président, que M. Lebon
n'essaie pas de nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
M. LEBON: M. le Président, j'ai trop de respect pour les
députés pour faire cela.
M. LABERGE: Eh bien, vous avez changé depuis hier!
M. LEBON: C'est à la suite des conseils de Louis Laberge.
M. LE PRESIDENT: M. Loranger, vous pouvez répondre à cette
question, si vous le voulez.
M. LORANGER: Etant donné la remarque très pertinente que
vous-même, M. le Président, avez faite, je pense que je n'ai rien
d'autre à ajouter.
M. LEBON: D'accord. J'ai une autre question à poser, si vous me
le permettez. J'en ai plusieurs.
M. LE PRESIDENT: Allez, M. Lebon.
M. LEBON: J'aurais une question, je ne la qualifierai pas. Je
demanderais à M. Loranger: Est-ce que l'Etat peut
légiférer sur la prospérité?
UNE VOIX: II faudrait le demander à M. Bourassa.
M. LEBON: Est-ce que l'Etat peut légiférer sur la
prospérité? Si la réponse est oui, comment se fait-il
qu'il y ait des pays sous-déve-loppés?
M. LE PRESIDENT: C'est une question hypothétique.
M. LEBON: Je demande si on peut légiférer sur la
prospérité. Ma conséquence, évidemment, c'est que,
si on peut légiférer sur la prospérité, il est
sûr que légiférer sur la parité serait excellent. Je
demande à M. Loranger, qui est économiste: Est-ce que l'Etat peut
légiférer sur la prospérité?
M. LORANGER: Je pense qu'il est du devoir de l'Etat de voir à
prendre les mesures législatives les plus adéquates possibles
pour créer la prospérité.
M. CARDINAL: La Banque du Canada.
M. LORANGER: Je ne sais pas si M. Lebon a des objections à ce que
l'Etat crée le marasme, mais, si l'Etat ne se préoccupe pas de
prendre les mesures législatives adéquates pour créer la
prospérité, je me demande bien où nous allons nous
retrouver d'ici quelques années.
M. LE PRESIDENT: Les partis politiques mettent cela à leur
programme.
M. LEBON: M. le Président, j'aurais une question très
concrète en me référant au document. M. Loranger dit
à la page 97 que la parité entraînera la disparition de
petites entreprises. Je voudrais savoir quel est selon lui le nombre de
disparitions d'entreprises, ou enfin le pourcentage.
UNE VOIX: Le plus possible.
M. LORANGER: Je pense que si j'avais eu le temps et les moyens de
calculer les conséquences de la parité à cet égard,
j'aurais été très heureux de pouvoir l'écrire dans
mon volume. Mais étant donné que, lorsque j'ai entrepris
d'examiner cette question, cela a été en quelque sorte une course
contre la montre pour être capable de fournir un avis que j'appellerais
le plus raisonnable et le plus réaliste possible à la CSN, eh
bien, je pense qu'il m'apparaissait plus important d'essayer de prévoir
en termes qualitatifs plutôt que quantitatifs quelles seraient les
conséquences économiques de l'égalité des salaires
dans l'industrie de la construction.
M. LEBON: M. le Président, si je comprends bien, la
réponse est non. En fait, on ne sait pas combien d'entreprises
disparaîtront? J'aurais une autre question, c'est celle que j'ai
posée à M. Pepin cet après-midi, lequel m'a
référé à M. Loranger. J'espère que la
réponse est toute prête parce qu'il a eu tout le souper pour s'y
préparer. Il s'agit de l'entente du 10 juillet, à savoir le
paragraphe a) qui dit: Parité salariale pour les détenteurs de
carte provinciale et la partie b) de l'entente du 10 juillet, qui dit:
Disparité régionale.
Or, je cite de nouveau le petit volume à la page 18: "Soulignons
d'abord que l'acceptation d'un compromis pour une durée de moins d'un an
n'est pas synonyme de l'abandon d'un principe, c'est-à-dire
l'égalité, mais simplement l'acceptation de surseoir
temporairement à l'application immédiate et intégrale du
principe.
Sinon il n'y aurait plus lieu de parler de compromis mais de reddition,
ce à quoi la CSN n'a jamais consenti et ne consentira jamais."
Je suppose que M. Loranger a communiqué avec la CSN pour savoir
si oui ou non elle consentirait; je suppose que ce sont des faits, étant
donné qu'il est économiste et objectif. La deuxième
question que je pose: Pourquoi, si le principe de dire que le paragraphe b)
n'est qu'une entente valable pour un an, n'applique-ton pas le même
principe au paragraphe a) de l'entente, à savoir la parité
provinciale pour les ouvriers détenteurs de carte de compétence
provinciale? Pourquoi cette entente ne serait-elle pas aussi d'une durée
d'un an?
M. LE PRESIDENT: M. Loranger.
M. LORANGER: A la première question, je pourrais dire que s'il
m'avait été possible de communiquer avec mon ange gardien
plutôt qu'avec d'autres personnes de la CSN pour m'éclairer sur
les positions antérieures de la CSN, j'aurais peut-être
préféré communiquer avec mon ange gardien, mais...
M. LABERGE: Vous n'êtes pas tellement en bons termes.
M. LORANGER: ... je ne suis pas tellement en bons termes. Quant à
la deuxième question, est-ce que vous pourriez me la résumer
brièvement?
M. LEBON: Cela me fait plaisir de répéter. Je pensais
avoir été clair, mais je répète. C'est la
même que cet après-midi. Elle est inscrite au journal des
Débats, d'ailleurs. M. Pepin vous l'a probablement transmise, mais je
vais répéter.
M. LORANGER: Ah bon! Ah oui! D'accord. Vous voulez savoir si, à
mon avis, étant donné que je considère que l'entente de
l'an dernier à propos de l'article 7.01b) est un compromis temporaire,
c'est la même chose pour 7.01a)? Je dis, à mon avis personnel:
Oui.
M. LEBON: Alors, il n'est plus question de parité?
M. LORANGER: Personnel, je dis bien.
M. LEBON: Donc, il n'est plus question de parité? Parce que le
paragraphe b) dit: Disparité. On dit là que c'était
seulement une entente de neuf mois. Par conséquent, l'entente du 10
juillet, on la déchire et on recommence à zéro.
M. LE PRESIDENT: Mais la disparité annulée, c'est la
parité. Est-ce que vous avez fini, M. Lebon?
M. DION: C'est peut-être pour terminer la question de M.
Lebon...
M. LEBON: C'est une question conjointe.
M. DION: S'il vous plaît. Pour terminer la question de M. Lebon,
je vous demanderais dans ce cas-là de nous expliquer ce que veulent dire
les mots suivants dans votre texte, à la page 18: "Lors de la signature
de cette entente, les parties en présence et je pense que
ça incluait la CSN supposaient qu'il existait des facteurs
économiques objectifs acceptables..."
Donc, on n'a pas simplement signé un compromis, mais on a
signé c'est de la déduction que je fais une entente
que l'on croyait, à ce moment-là acceptable et réalisable.
Peut-être qu'aujourd'hui vous n'admettez plus qu'elle est
réalisable. Ce n'est quand même pas, à ce moment-là,
un compromis si on croit qu'il y a des facteurs objectifs acceptables. C'est
vous-mêmes qui le dites.
M. LORANGER: Si, malgré les efforts que j'ai faits pour
démontrer qu'il était, à mon avis, impossible de calculer
des coefficients économiques objectifs, vous êtes toujours
persuadés que c'est possible, tant mieux pour vous!
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. Loranger, j'aimerais revenir un peu sur l'effet ou sur
l'absence d'effet multiplicateur. Vous avez mentionné, tout à
l'heure, que nécessairement la parité salariale
entraînerait une hausse du coût de la construction. Maintenant,
j'aimerais savoir, étant donné qu'il y aura une hausse du
coût de la construction, c'est-à-dire augmentation du coût
du produit, si l'injection de revenus dans une région donnée ne
viendrait pas, justement, à être absorbée par la hausse du
prix du produit.
M. LORANGER: Non, je ne crois pas qu'il en soit ainsi. En examinant les
effets globaux et non seulement partiels de l'incidence de
l'égalité des salaires, j'ai quand même établi assez
clairement qu'au plan global tout ce que la parité peut impliquer sur le
coût de la vie, c'est une augmentation moyenne de moins de 1/2 p. c. par
année.
La raison en est qu'à mon avis, à part la hausse du
coût de la construction domiciliaire que j'ai estimée au maximum
à 10 p. c, le coût des transports, le coût de l'essence, le
coût de l'éducation, le coût de la santé, toutes les
autres dépenses des gens qui vivent en dehors de Montréal sont
les mêmes ou sensiblement les mêmes que pour les gens de
Montréal. Pour cette raison, je pense que l'incidence de la
parité sur le coût de la vie est extrêmement limitée,
pour ne pas dire négligeable, quand on est rendu à moins de 1/2
p. c. Est-ce que ça répond à votre question?
M. GUAY: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, nous écoutons
depuis un certain temps des discussions fort intéressantes, mais je
voudrais revenir aux propos de M. Loranger et lui poser quelques questions
très simples parce qu'à mesure que le temps fuit mon coefficient
de propension marginale à comprendre s'atténue, diminue.
M. LORANGER: Nous sommes dans une période de rendement
décroissant.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui. C'est très indicatif. Nous sommes
ici en commission parlementaire. Sauf quelques-uns qui le prétendent,
aucun des députés de la Chambre n'est vraiment un
économiste chevronné. Nous avons affaire à deux
économistes qui se sont fait entendre et nous avons deux documents. L'un
va dans le sens de la parité salariale; l'autre va dans le sens de la
non-parité salariale.
M. LORANGER: Qui croire!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): De part et d'autre, l'on nous indique que les
critères objectifs sur lesquels ces documents ont été
basés sont discutables, à tout le moins. Alors M. Loranger,
est-ce que votre document n'a qu'une valeur indicative? C'est ma
première question, j'en ai une autre après.
M. LORANGER: Est-ce que vous voulez que je réponde
immédiatement à la première?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui.
M. LORANGER: Je pense qu'il a un peu plus qu'une valeur indicative. J'ai
essayé de quantifier, dans une période de temps extrêmement
limitée, ce qui pouvait être possible de quantifier étant
donné le temps et les ressources disponibles.
Deuxièmement, lorsque le député de Chicoutimi est
impressionné par la présence ou, enfin, les propos contraires de
deux économistes du même département d'économique de
l'Université de Montréal, je ferai remarquer au
député de Chicoutimi...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne suis pas impressionné, je suis
simplement intrigué.
M. LORANGER: Intrigué, pardon. Je ferai remarquer au
député de Chicoutimi que j'ai essayé quand même de
faire un effort de recherche plus globale que mon collègue Lacasse a
tenté de faire en essayant seulement de se limiter purement à
l'analyse d'un secteur, c'est-à-dire la construction. Qu'est-ce que
ça pourrait donner pour l'industrie de la construction?
Pour ma part, j'ai voulu prendre une approche beaucoup plus globale,
même je pense avoir quand même été assez
honnête pour faire un effort de pensée pour montrer sur quelle
base théorique la partie patronale, de même que mon
collègue Lacasse a pu s'appuyer pour défendre la thèse de
cette partie. J'ai non seulement essayé de faire cet effort
honnête, mais j'ai aussi indiqué une autre possibilité qui
me paraît plus vraisemblable, plus réaliste. De l'aveu même
de mon collègue, il s'est lui-même déclaré
parfaitement d'accord avec mon autre choix.
Est-ce que ça répond à votre question?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela répond à ma question.
M. LE PRESIDENT: Je crois que je dois permettre...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Loranger, ça répond à
ma question dans un sens, oui. Mais, enfin, ce document que vous avez
présenté a une valeur indicative, compte tenu des réserves
que vous venez de faire. Nous vous accordons toute crédibilité,
nous ne mettons pas en doute votre objectivité, votre conscience
professionnelle, de part et d'autre, et du côté de M. Lacasse et
du vôtre. Toutefois, la commission parlementaire ne peut pas
indéfiniment se livrer à des exercices académiques. Je
vous pose une question très simpliste, même si je dois passer pour
un ignare dans cette matière extrêmement savante de
l'économique. Je vous pose une question très simpliste qui
rejoint les préoccupations de gens très réalistes comme
ceux que nous avons entendus, notamment M. Lefebvre, M. Lebon, etc. Vous, vous
êtes pour la parité salariale.
Pouvez-vous nous dire rapidement quels sont, en regard de la
productivité, du coût de la vie, de l'incitation
économique, des effets d'entraînement, les effets positifs et les
effets négatifs de la parité salariale? Cela va nous
éclairer et va ramener le débat à des proportions
concrètes. Le problème, pour nous, s'exprime dans ces documents
qui nous ont été remis par les parties en cause et qui portent,
eux, sur des questions concrètes. Alors, en ce qui concerne le principe
général de la parité et en ce qui concerne les
modalités de son application et de ses effets, je voudrais savoir quels
sont, selon vous, les effets positifs et les effets négatifs de
l'application d'une politique de parité salariale.
M. LORANGER: Je vais être très bref dans ma réponse.
Je pense avoir démontré que l'égalité des salaires
dans l'industrie de la construction ne peut avoir, à long terme, que des
avantages, des effets positifs. A court terme...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Lesquels?
M. LORANGER: Eh bien, sur la productivité, les revenus et tout.
Ceux que j'ai mentionnés...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et de quelle façon?
M. LORANGER: Est-ce que vous me redemandez de recommencer...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, c'est le contre-interrogatoire. Vous avez
exposé votre théorie; vous allez nous dire pourquoi et comment
ça peut être valable. D'accord, on a le bouquin, on l'a lu; on a
l'autre, on l'a lu aussi. Nous sommes à la période de
synthèse et je voudrais que vous nous disiez ça rapidement.
M. LORANGER: Au risque de me répéter...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Remarquez, M. Loranger, que je ne veux pas
vous brusquer.
M. LORANGER: Je vous en suis très reconnaissant. Au risque de me
répéter, il m'apparaît que la parité à court
terme, disons entre un an et trois ans, peut entraîner
théoriquement dans un secteur bien précis, la construction
domiciliaire, une hausse du coût de construction. Mais, c'est une
possibilité purement théorique, parce que, si demain ou d'ici
trois ans le taux d'intérêt diminue de seulement 1 p.c, cette
hausse est complètement effacée en termes d'effets
négatifs, pour employer votre expression. Quant au reste, pour moi, je
n'y vois que des avantages.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Lesquels?
M. LORANGER: A savoir la diminution des inégalités
économiques interrégionales. Cela m'apparaît quand
même important, étant donné que tout l'effort des
gouvernements porte précisément là-dessus.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Comment?
M. LORANGER: Eh bien, en accordant l'égalité.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bonnet blanc, blanc bonnet, ça ne
répond pas.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez terminé, M. le
député de Chicoutimi?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Enfin disons, M. le Président, que je
n'en ai pas terminé. Si M. Loranger veut poursuivre, je veux bien
l'entendre encore. Toutefois, il n'a pas répondu exactement aux
questions que je lui ai posées.
M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce, d'abord.
M. ROY (Beauce): Dans son étude, M. Lacasse mentionnait qu'il y a
un tableau qui indique le coût unitaire de construction des bungalows par
région. Il donne le coût pour Montréal, Québec,
Chicoutimi, Jonquière, Drummondville et pour différentes
régions de la province. Je remarque à l'intérieur de ce
rapport que, sauf la région de Drummondville, c'est justement la
région de Montréal qui a le coût unitaire le plus bas. En
réclamant la parité, est-ce que vous avez l'impression que
ça pourrait augmenter l'écart entre les coûts unitaires des
différentes régions?
M. LORANGER: Non. Pour la simple raison que la parité va forcer
les entreprises à se réorganiser pour être plus efficaces
dans la construction d'habitations.
M. MARCHAND: Comment?
M. LORANGER: Soit en se regroupant dans de plus grandes unités
pour bénéficier d'économies d'échelle ou soit en
utilisant une meilleure combinaison de matériaux qui coûtent moins
cher que ceux qu'ils utilisent présentement.
M. MARCHAND: Ils vont avoir des maisons moins bonnes.
M. LORANGER: Pas nécessairement. Il y a quand même du
progrès technologique qui se fait tous les jours. Justement, la
mécanisation...
M. MARCHAND: A ce moment-là, ils vont faire la même chose
à Montréal. Alors, ça va baisser proportionnellement.
M. LORANGER: Pas nécessairement.
M. MARCHAND: Si le matériel est moins cher à
l'extérieur de Montréal, il va l'être à
Montréal aussi.
M. LORANGER: Je pense que cela a été dit. Si le coût
par pied est plus faible à Montréal, ce n'est pas parce que
Montréal paie des salaires plus faibles qu'à l'extérieur
de la province. C'est, tout simplement, parce que les grandes entreprises ou
les constructeurs d'habitations de Montréal utilisent une combinaison de
facteurs de production différents des entrepreneurs plus petits de la
province. Les plus petits entrepreneurs ne peuvent pas bénéficier
des mêmes économies d'échelle qu'à Montréal.
Je reviens encore à ma question de production croissante plutôt
que décroissante ou constante. Tout est là.
M. MARCHAND: Ce ne serait pas plutôt plus bas à
Montréal parce que l'entrepreneur bâtit plus de maisons à
la fois qu'à l'extérieur de Montréal. Alors, vous ne
pourrez jamais changer cela ou, alors, vous allez prendre la
moitié de la population de Montréal et vous allez
l'envoyer en dehors et, là, vous allez en bâtir des maisons.
M. LORANGER: Mais, comment construisent-ils à Montréal?
Est-ce qu'ils construisent d'une façon artisanale ou d'une façon
standardisée en utilisant, si vous me permettez l'expression, des "blue
prints" faits pour un développement en série, tandis qu'en
province, lorsque l'on construit une maison, on ne la construit pas
nécessairement en aussi grande série qu'on le fait à
Montréal?
M. MARCHAND: C'est ça. A Montréal, on construit d'une
façon pratique, au coût le plus bas possible. En dehors de la
ville, on essaie de faire la même chose, excepté que si un
entrepreneur construit cinq maisons, à Montréal il en construit
40, je pense que le coût diminue pas mal. Cela, vous ne pourrez jamais le
changer.
UNE VOIX: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît. Permettons d'abord
à M. Lacasse de s'exprimer.
M. LACASSE: Je ne veux pas du tout abuser du temps de la commission. Je
veux simplement demander à mon collègue Loranger de m'accorder la
parité de la vertu et d'interpréter de nouveau comment il m'a
interprété. Quand j'ai dit que son approche était plus
complète que la mienne, ce que j'ai dit, de fait, c'est que son approche
aurait été l'approche correcte si le problème à
traiter avait été un problème global et que nous ne
l'avions pas choisi spécifiquement, parce que nous considérions
que le problème en question était la parité sur trois ans
dans l'industrie de la construction. Merci.
M. ROY (Lévis): En admettant que M. Loranger puisse avoir raison,
sur une longue période, malgré qu'il me soit permis d'en douter,
demain matin, en accordant la parité, est-ce qu'elle n'aurait pas pour
effet d'augmenter l'écart entre les coûts unitaires dans
différentes régions? C'est de demain matin que je parle. D'ici
trois mois, par exemple. Est-ce que vous admettez que ça pourrait
augmenter l'écart?
M. LORANGER: Pas nécessairement, parce qu'à très
court terme, ce qui peut arriver, c'est que les entrepreneurs soient
obligés d'accepter une baisse de leurs profits et ceci va les obliger de
nouveau, s'ils veulent survivre, à se moderniser pour produire d'une
façon plus efficace pour absorber la hausse d'un des facteurs de
production qui est la main-d'oeuvre.
M. ROY (Lévis): Une autre question. Pour quelle raison les
entrepreneurs des régions éloignées seraient-ils
obligés de baisser leurs profits en comparaison des entrepreneurs de la
région de Montréal?
M. LORANGER: Pardon, je n'ai pas compris.
M. ROY (Lévis): Pour quelle raison les entrepreneurs des
régions éloignées, pour combler l'écart,
seraient-ils obligés de diminuer leurs profits contrairement à
ceux de la région de Montréal? Parce que, en somme, si on parle
de profits, il faut parler également de profits dans toute la province,
je pense.
M. LORANGER: Tout simplement parce que s'ils veulent vendre leurs
produits, de deux choses l'une: Ou bien ils haussent leurs prix et alors j'ai
déterminé que ça ne pourrait pas, en moyenne,
dépasser 10 p. c.
J'ai déterminé aussi que cela n'impliquerait pas
nécessairement une baisse de la demande s'il y a des compensations du
côté du coût d'intérêt, du coût de
financement, ou encore s'ils ne veulent pas hausser leurs prix, parce qu'ils
veulent quand même vendre leurs maisons, s'ils n'ont pas le choix,
disons, de hausser leurs prix de vente. A ce moment-là, cela
n'entraîne pas de hausse de coût de la vente de l'habitation, mais
cela entraînera une baisse de profits.
M. ROY (Beauce): Cela pourrait entraîner également une
diminution de la construction et une hausse de chômage.
M. LORANGER: Non, parce qu'il n'y aura baisse de la demande, et donc
chômage, que si les entrepreneurs à court terme décident ou
refusent de produire et de vendre à ce prix-là.
M. ROY (Beauce): M. Loranger. Votre réponse est
hypothétique.
M. LORANGER: Evidemment que c'est hypothétique. Je ne peux pas
répondre si les entrepreneurs préféreront demain hausser
leurs coûts plutôt que de ne rien faire. Je n'en sais rien.
M. ROY (Beauce): Je vous ai posé une question, M. Loranger, sur
des chiffres et vous me répondez sur des questions hypothétiques,
je pense. Mais en supposant que ceci aurait pour effet...
M. LE PRESIDENT: Je m'excuse, l'horloge me rappelle qu'il est dix
heures. En conséquence, nous devons suspendre nos activités.
J'invite le ministre...
M. LAPORTE: M. le Président, je voudrais une fois de plus
m'excuser auprès de mes collègues de la commission d'avoir
été absent pendant un bon moment. Nous avons eu,
encore une fois, ce soir, séance du comité de
législation pour ce que vous imaginez. Il est certain que le Parlement
siégera lundi. Est-ce qu'il devra siéger plus tôt? Nous ne
l'imaginons pas pour l'instant, mais cela n'est pas impossible. Nous allons
donc ajourner le travail de cette commission au mercredi matin 14 octobre,
à dix heures. Afin que chacun soit prévenu, qu'il ne prenne pas
de rendez-vous particulier ou d'engagement dans la journée, car nous
nous proposons de siéger le matin jusqu'à midi et demi, de deux
heures et demie à six heures l'après-midi et de huit heures
à dix heures, le soir. Evidemment tout ceci en présumant que la
session sera déjà terminée. Si la session n'était
pas terminée, nous devrions ou siéger quand même en
commission, parce que la Chambre elle-même serait en commission sur l'un
des projets de loi qui seraient à l'étude et nous prendrions une
décision, à ce moment-là, ici même. Mais on peut
présumer que nous pourrons siéger le mercredi 14.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Lundi, c'est à trois heures.
M. LAPORTE: Lundi, la session est à trois heures.
M. PEPIN: M. le Président, si vous me permettez, le professeur
Loranger a un cours mercredi matin.
Il sera donc à la disposition est-ce mercredi
après-midi de la commission jeudi, si elle n'a pas
terminé. Mais mercredi, je pense que les élèves ont besoin
de sa présence.
M. LAPORTE: Très bien.
M. PEPIN: Je ne pense pas que M. Lebon a besoin d'être là
parce qu'il sait tout par immersion lui-même.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bagot. Un instant! Le
député de Bagot.
M. CARDINAL: Ce serait simplement pour une explication additionnelle.
Nous avions d'abord convenu enfin, avant que ceci commence qu'une
autre commission siège le 14 au matin. Je comprends que cette autre
commission est aussi remise à une date qui n'est pas fixée. Il
s'agit de la commission permanente de l'Assemblée nationale, concernant
la réforme de la carte électorale. Donc, trois heures, lundi,
session spéciale, à moins d'événements...
M. LAPORTE: Tout ce qui peut arriver c'est que cela soit plut tôt.
C'est improbable.
M. CARDINAL: D'accord.
M. LAPORTE: II ne faut pas dramatiser. Lundi, trois heures et mercredi
dix heures.
M. LE PRESIDENT: Mesdames, messieurs, bonsoir!
(Fin de la séance 22 h 2)