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Version finale

29th Legislature, 1st Session
(June 9, 1970 au December 19, 1970)

Tuesday, November 3, 1970 - Vol. 10 N° 33

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Bill 38 - Loi concernant l'industrie de la construction


Journal des débats

 

Commission permanente du Travail et de la Main-d'Oeuvre

Bill 38 — Loi concernant l'industrie de la construction

Séance du mardi 3 novembre 1970

(Dix heures quarante-cinq minutes)

M. BOSSE (président de la commission permanente du Travail et de la Main-d'Oeuvre): A l'ordre, messieurs! Je déclare la séance ouverte. J'inviterais immédiatement le premier ministre à nous parler.

Membres remplacés

M. LACROIX: M. le Président, avec votre permission, je demanderais que M. Pinard remplace M. Cadieux, que M. Lévesque remplace M. Laporte, que M. Perreault remplace M. Shanks et, que M. Vézina remplace M. Springate comme membres de la commission.

Nouveau ministre

M. BOURASSA: M. le Président, nous poursuivons ces réunions de la commission parlementaire du Travail parce qu'elles sont extrêmement importantes. Quelles que soient les épreuves que doit subir le Québec, il doit poursuivre son travail, et c'est pourquoi nous avons décidé de convoquer cette réunion ce matin.

Avec la permission des autres membres de la commission, nous aurons l'occasion, la semaine prochaine, de signaler comment nous avons été profondément bouleversés par la disparition de M. Laporte et comment nous ferons tout ce que nous pourrons pour essayer de le remplacer d'une façon appropriée, puisqu'il était un homme d'une exceptionnelle valeur et apprécié par tous les membres de l'Assemblée nationale. Avec la permission des membres de cette commission, même si M. Cournoyer n'est pas encore député, je me demande si on ne pourrait pas lui permettre — on l'a déjà fait, je pense, dans le cas du ministre de l'Education, M. Cardinal — de participer aux débats de cette commission parlementaire, puisqu'il y a un problème urgent, le problème de la construction, auquel il faut apporter une solution.

M. BERTRAND : M. le Président, je parle au nom de mon groupe, et je pense aussi me faire l'écho des autres membres de l'Opposition. Je ne voudrais pas, moi non plus, ce matin, faire une longue déclaration sur les événements tragiques que nous avons connus; nous pourrons le faire dès mardi prochain, à la reprise des travaux parlementaires. Je réponds immédiatement au premier ministre que nous ne ferons pas de dispute du tout, afin que le nouveau ministre du Travail puisse jouer activement son rôle comme ministre du Travail et assumer pleinement les responsabilités qui sont devenues les siennes. En conséquence, même s'il n'est pas encore élu député — ce qui sera sans doute fait prochainement — nous sommes d'avis qu'il doit être en mesure de remplir pleinement son rôle et nous acceptons qu'il puisse participer aux délibérations de cette table.

M. LE PRESIDENT: M. le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, à la suite de la demande du premier ministre, le groupe que je représente est entièrement d'accord pour permettre au nouveau ministre du Travail de participer à ces délibérations et, comme à l'habitude, nous sommes prêts à offrir notre collaboration.

M. LESSARD: M. le Président, en l'absence de mon collègue, le député de Maisonneuve, je crois bien que je représente ici son opinion en donnant mon appui à la demande faite par le premier ministre. Pour notre part, soyez assuré que nous vous accorderons toute notre collaboration. Nous souhaitons au nouveau ministre du Travail le meilleur succès.

M. BOURASSA: M. le Président, je veux remercier tous les partis d'opposition de la collaboration qu'ils manifestent dans ces circonstances. Je pense que tout le monde est conscient que le problème de la construction est un problème aussi immédiat qu'urgent et important à régler. C'est dans cette perspective que le gouvernement a pris les décisions que vous connaissez. J'espère que ces réunions se poursuivront dans le même climat et dans le même esprit positif que dans le passé.

M. PAUL: M. le Président, il ne faudrait pas, cependant, passer sous silence l'attitude collective des députés d'opposition, comparée à l'attitude prise par l'Opposition lorsque l'honorable ministre de l'Education, M. Cardinal, était placé dans les mêmes conditions où se trouve placé aujourd'hui le nouveau ministre du Travail.

C'est tout simplement une référence au passé pour qu'il soit bien noté avec quelle collaboration nous sommes disposés à continuer l'étude, devant cette commission, des différents mémoires qui sont présentés au gouvernement.

M. BOURASSA: C'est pour ça, M. le Président, que j'ai remercié les partis d'opposition; je me souvenais un peu de l'expérience du passé.

M. DEMERS: Je me permettrai d'ajouter que M. Cardinal, au moins, était conseiller législatif.

M. BOURASSA: C'était tellement important

pour vous que vous l'avez aboli, le Conseil législatif.

M. LE PRESIDENT: Si le Conseil législatif avait existé, le nouveau ministre en aurait probablement été membre.

M. SAMSON: C'est une raison pour le réinstaller.

UNE VOIX: Surtout pas.

M. LE PRESIDENT: J'inviterai donc immédiatement la partie qui était à la barre à ce moment-là, soit la CSN. C'était l'économiste, M. Loranger, je crois, qui avait la parole. Alors, la CSN a-t-elle des représentations additionnelles à faire entendre?

Remarques de la CSN

M. PEPIN: M. le Président, M. le premier ministre, M. le ministre, MM. les membres de la commission.

Je comprends qu'en raison des circonstances très pénibles que nous avons tous connues, il y ait eu un délai d'environ quatre semaines depuis la dernière réunion de la commission. Autour du 8 octobre nous avons eu l'occasion de nous faire entendre assez longuement sur ces sujets épineux que nous devons discuter.

Aussi, ce matin, j'ai une suggestion à faire quant à la partie de la CSN. D'abord, le professeur Loranger, qui est avec moi ici ce matin, m'informe qu'il a préparé certaines nuances aux réponses qu'il avait formulées à la fin de l'audition du jeudi soir. Il s'agit d'un texte écrit qui pourra être distribué à tous les membres de la commission. Je demanderais, si nous avons l'accord de la commission, que ce texte soit ajouté en annexe au procès-verbal des débats afin que nous n'ayons pas, et que le professeur Loranger n'ait pas nécessairement à le lire devant vous, cela uniquement pour épargner du temps et permettre tout de même à tout le monde, aux députés et à tous les autres, s'ils ont des questions à poser, de le faire; le professeur Loranger s'y soumettra volontiers.

En deuxième lieu, le professeur Loranger, à ma demande, a aussi préparé deux tableaux de statistiques sur le volume de la construction globale par rapport au volume de la construction des bungalows dont il a été longuement question au cours du témoignage de M. Lefebvre. Ces deux tableaux aussi, si j'avais l'accord de la commission, pourraient être ajoutés en annexe, si cela est une procédure régulière. Cela éviterait peut-être une perte de temps pour les membres de la commission et pour toutes les parties.

Troisièmement, j'avais dit, au commencement de mon témoignage, qu'en plus du professeur Loranger, il y aurait M. Jacques Tardif, le négociateur de la CSN à la table de la construc- tion, qui ajouterait certains commentaires, ces commentaires portant sur sept ou huit clauses particulières. Je me suis entendu avec M. Tardif pour vous faire la proposition suivante: Comme vous avez tous les mémoires en main et qu'il n'y aura pas tellement de choses nouvelles qui pourraient être ajoutées par M. Tardif, sauf s'il y a des points sur lesquels des membres de la commission ou des parties voudraient obtenir des éclaircissements, M. Tardif sera évidemment à la disposition de la commission.

Voilà donc, afin d'éviter des délais trop considérables, la suggestion que je voulais faire au point de départ. Cependant, avant de vous demander si vous êtes d'accord au sujet de cette façon de procéder, je rappelle que, depuis la nomination du nouveau ministre du Travail et je l'ai d'ailleurs prévenu lui-même hier au téléphone — certaines déclarations ont été rapportées dans les journaux, parfois dans un sens, parfois plus nuancées, au niveau de la sécurité; d'emploi.

Les membres de cette commission savent jusqu'à quel point la partie que je représente ici tient à la formule de sécurité d'emploi qui a été finalement décrétée par un arrêté en conseil suite au jugement du juge Gold. Cela aussi était conforme à une entente des sept parties représentatives en juillet 1969. Or, il était prévu dans l'arrêté en conseil que l'application du régime de sécurité d'emploi devrait commencer le 10 novembre, donc dans sept jours. Les rapports des journaux — j'ai certaines coupures ici dans ma serviette — nous indiqueraient que M. Cour-noyer n'est pas certain que la formule de sécurité d'emploi sera en vigueur le 10 novembre.

J'ai eu beaucoup de communications venant de nos syndicats, de nos syndiqués de diverses régions à ce sujet. Comme il y a de l'inquiétude, puisque cette formule est pour nous vitale, j'aimerais bien savoir si nous pouvons avoir une réponse sur ce point. J'aimerais connaître la position du gouvernement et du ministre du travail, pour — je l'espère bien — nous rassurer que la formule de sécurité d'emploi telle qu'édictée par arrêté en conseil sera vraiment en vigueur.

Voilà, M. le Président, ce que je voulais dire au point de départ. Je souhaite aussi qu'on nous indiquera les heures de séance de la présente semaine, pour que nous puissions nous aussi déterminer nos ordres du jour. Je vous remercie, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Pepin.

M. LEVESQUE: M. le Président, nous pourrions, quant aux heures de séance nous entendre, je crois, assez facilement pour remettre la prochaine séance à vendredi matin, si tout le monde est d'accord.

S'il y a séance de la Chambre, à ce moment-là, nous pourrions, après les ordres du jour,

revenir ici, disons que dix heures trente ou.... Vendredi matin.

M. BERTRAND: Les travaux parlementaires reprennent le 10.

M. LEVESQUE: Ah! c'est vrai. Excusez.

M. BERTRAND: Nous sommes à la disposition de la commission pour vendredi matin; si on préfère dix heures, nous pouvons être ici à dix heures.

M. BOURASSA: Je sais que l'Union Nationale a une retraite fermée de trois jours.

M. DEMERS: Ne commencez pas la chicane, parce qu'on va parler de vous.

M. BOURASSA: Alors, disons, vendredi, à dix heures et demie.

M. BERTRAND: Vendredi matin, à dix heures et demie.

M. BOURASSA: Oui.

M. PEPIN: Pour aujourd'hui?

M. BERTRAND: Et aujourd'hui, jusqu'à une heure?

M. BOURASSA: Oui, d'accord. Cela vous va?

M. BERTRAND: Cela nous va.

M. LE PRESIDENT: Jusqu'à une heure aujourd'hui et, vendredi, à compter de dix heures et demie.

Maintenant, M. Pepin avait posé deux questions: d'abord, celle d'ajouter — si je ne fais erreur — au journal des Débats le document qu'il a présenté.

M. PEPIN: Pas ce document-là; cela, c'est un document...

M. LE PRESIDENT: Un document avenir?

M. PEPIN: Oui. Dans quinze ou vingt minutes, nous l'aurons ici. Il s'agit d'un document de quelques pages seulement qui apporte des nuances aux réponses qu'a fournies M. Loranger.

M. LE PRESIDENT: Je voudrais faire remarquer ici que ce n'est pas régulier que des documents déposés soient ajoutés au journal des Débats. L'économiste en question pourrait les lire ou bien ils pourraient être déposés comme les autres qui l'ont été par d'autres parties. Ensuite des questions pourraient être posées par des membres de la commission ou par des députés présents. La règle générale, c'est que ces documents sont déposés, mais qu'ils n'apparaissent pas au journal des Débats.

M. PEPIN: Oui. Voici pourquoi je désire qu'ils soient inscrits au journal des Débats. Comme le professeur a répondu rapidement à quelques questions à la fin d'une séance où il est possible que la fatigue s'empare des témoins, il est important, au moins pour les registres, qu'il puisse lui-même dire comment il doit nuancer certaines réponses qu'il a fournies.

M. BERTRAND: Est-ce un document volumineux?

M. PEPIN: Non, non, quelques pages, M. Bertrand. Alors, quand il arrivera, il pourra le lire tout simplement et, s'il y a des questions, il pourra y répondre.

UNE VOIX: C'est mieux de le lire, je crois, que de le déposer sans savoir ce qu'il y a dedans.

M. LE PRESIDENT: Pour ne pas se soustraire à une règle, l'économiste n'aura qu'à lire ces quelques pages.

M. PEPIN: Très bien.

M. LE PRESIDENT: En ce qui a trait à la deuxième question, je pense qu'elle s'adresse au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Je lui demanderais donc d'y répondre. Il s'agit de l'application à compter du 10 novembre.

M. COURNOYER: L'arrêté en conseil 1975 a été adopté le 10 mai. Il faisait suite à une entente entre sept parties qui avaient choisi le juge Gold pour prendre la décision à leur place si elles ne pouvaient s'entendre. Le juge Gold a effectivement rendu sa décision et le gouvernement précédent a adopté l'arrêté en conseil 1975 pour qu'il soit mis en vigueur le 10 novembre 1970. Le 10 novembre s'en vient.

J'ai dit aux journalistes, l'autre jour, que, s'il y avait des raisons d'ordre technique qui en empêchaient la mise en vigueur, seules ces raisons pourraient en retarder la mise en vigueur et ne pas le mettre en vigueur. Je ne sais pas s'il y a de telles raisons; les premières indications que j'ai eues, c'est qu'il y en avait. Je vérifierai et, vendredi prochain, je vous donnerai une réponse définitive, quant à savoir si le fameux règlement 1975 entrera en vigueur le 10 novembre ou à une date ultérieure.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que la CSN a d'autres représentations à faire, à part celles de l'économiste?

M. PEPIN : Comme je l'ai mentionné, M. le Président, M. Tardif est ici, et vous avez tous les documents sur tous les points. S'il y a des

questions que des membres de la commission veulent poser sur des points particuliers, M. Tardif est disposé à y répondre. Si d'autres parties veulent aussi poser des questions, nous sommes prêts à y répondre.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que les membres de la commission ont des questions à poser à M. Tardif de la CSN, en ce qui a trait aux documents qui ont été distribués?

Le député de Frontenac.

M. LATULIPPE: M. Laporte avait dit qu'il y aurait un rapport ultérieurement soumis aux membres de la commission et qu'il y paraîtrait, d'une façon juxtaposée, la position prise par chacune des parties en cause. Est-ce que pareil document sera présenté aux membres de la commission? Et quand, s'il vous plaft?

M.BERTRAND: L'analyse des mémoires?

M. DEMERS: C'est une analyse que vous vouliez?

M. LATULIPPE: Ce n'était pas une analyse.

M. LE PRESIDENT: C'est une espèce de tableau comparatif, je crois, de chacune des positions des différentes parties en présence. Nous attendons la réponse des conseillers.

M. COURNOYER: Si M. Laporte l'a promis, je ne vois pas pourquoi on ne remplirait pas cette promesse, étant donné que ce serait utile aux membres de la commission. Et, je pense qu'il y aurait lieu de le faire en toute circonstance. Je m'arrangerai pour que ce soit prêt vendredi.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions de la part des membres de la commission ou des députés? Pas d'autres questions? En attendant que la CSN puisse produire verbalement son mémoire additionnel, on pourrait demander à la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec de faire ses représentations.

Les maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec.

Pour la CSN, je dois comprendre que, à part les trois pages de l'économiste, c'est terminé.

M. PEPIN: C'est terminé. Vous avez toute la documentation écrite et je sais comment vous pouvez décider maintenant.

M. LE PRESIDENT: Nous lirons, nous lirons.

M. DEMERS: Vous n'allez pas recommencer l'affaire pour le président de la CSN.

Mécaniciens de tuyauterie

M. MORIN: Louis Morin, Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec. Vous avez en main le mémoire de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie. Il est complet, à notre avis. Il donne les principales raisons qui ont motivé notre refus à certaines demandes syndicales. Ayant pris connaissance des documents écrits par les deux centrales syndicales, nous n'avons pas cru bon de changer notre position puisque nous estimons qu'il n'y a pas eu de changement dans l'argumentation présentée à la table de négociations

Je m'attarderai donc aux quelques points qui, au dire même des conciliateurs, dénotent le plus d'intérêt. Il est à noter que la position, dans 90 p.c. des cas, que la corporation des maîtres mécaniciens a prise représente une acceptation des clauses soumises par les conciliateurs.

D'abord, le contremaître. Le code du travail exclut les contremaîtres des conventions collectives. En effet, ces derniers représentent l'employeur et puisqu'ils ont à diriger les salariés, on voit mal comment ils pourraient participer aux activités syndicales, notamment à l'élaboration des demandes syndicales, ainsi qu'aux griefs.

La CSN, dans son document, appuie sa demande d'inclure les contremaîtres sur deux raisons principales: D'abord, elle soutient que le terme "salariés", tel que défini au paragraphe q) de l'article 1 du bill 290, inclut les contremaîtres. Il s'agit simplement d'une interprétation légale, mais nous estimons que la loi ne comprend que les salariés de l'industrie de la construction, le terme "construction" étant défini au paragraphe e) comme étant des travaux de fondation, etc, ce qui implique, selon nous, un travail manuel et non pas un travail de direction.

Deuxièmement, la CSN appuie sa demande d'exclure les conciliateurs, en même temps que la FTQ, après lecture de leur document, en soutenant que, contrairement à l'industrie en général, le contremaître n'est pas contremaître à longueur d'année et que, de ce fait, il est normal qu'il soit dans l'unité de négociation et protégé par l'unité syndicale. Nous acceptons ce fait, à savoir que beaucoup de contremaîtres ne le sont pas à longueur d'année. C'est pourquoi, dans notre document, nous proposons que seul le contremaître qui jouit d'une certaine stabilité à titre de contremaître soit exclu de la convention collective et des décrets. Nous demandons que le contremaître, que nous appelons le contremaître-cadre, puisse effectuer certains travaux manuels dans des cas bien précis.

A cet effet, je vous réfère à la page 2 de notre document. On y réclame que ce contremaître puisse effectuer certains travaux pour

mettre en marche ou fermer un chantier pour fins d'entraînement du personnel, pour fins de mise en place et de vérification d'équipement. On sait que, dans la construction, du moins chez nous, la coutume veut que le contremaître puisse vérifier les travaux à la fin. Cela consiste en un travail manuel, mais c'est un travail de vérification.

Un grand nombre d'entrepreneurs chez nous mettent un chantier en marche avec un, deux ou trois hommes au plus. Ils le terminent de la même façon. Si nous voulons que le contremar-tre puisse jouir d'une certaine stabilité à titre de contremaître, nous demandons qu'il puisse à ce moment-là effectuer certains travaux manuels.

Quant au contremaître salarié, puisqu'il est couvert par le décret, nous ne voyons pas pourquoi on lui interdirait tout travail manuel, surtout lorsque l'exercice de ses fonctions le permet. Enfin, considérant la nature de l'industrie de la construction, à savoir que l'employeur ne peut être présent dans les chantiers et que c'est souvent le contremaître-cadre qui fait fonction d'employeur au niveau du chantier, il nous semblerait illogique qu'il soit soumis au décret et particulièrement au régime de sécurité syndicale.

L'autre clause en litige est la clause d'ancienneté. Les clauses d'ancienneté telles que proposées surtout par la CSN sont basées uniquement au niveau de l'entreprise. Une clause d'ancienneté a normalement pour but d'assurer aux salariés une certaine stabilité d'emploi. Cependant, de telles clauses respectent toujours le principe de l'efficacité raisonnable de l'entreprise. Je vous renvoie à cet effet aux nombreuses conventions collectives où l'ancienneté s'applique par service et non pour toute l'entreprise.

La corporation que je représente favorise la stabilité d'emploi dans l'industrie de la construction. Nous l'avons écrit et nous avons participé à l'élaboration du règlement concernant la sécurité d'emploi. Nous tenterons ici de vous démontrer que la mise à pied et le rappel par ordre d'ancienneté dans l'industrie de la construction sont inaplicables et que cela amènerait des insatisfactions et des injustices allant à l'encontre du but recherché.

Il est bien connu que l'application d'une clause d'ancienneté au niveau de l'entreprise amènerait ce qu'on appelle le "bumping". Qu'est-ce que le "bumping"? C'est l'éternel changement d'un chantier à l'autre, ce sont des déplacements nombreux et imprévisibles, d'où l'incapacité d'en évaluer le coût au moment des soumissions. Je prends l'exemple d'un entrepreneur de Chicoutimi qui a quelques chantiers, un à Alma, un autre à Jonquière, un à Chicoutimi. Le premier chantier ouvert est celui de Chicoutimi, le deuxième, celui de Jonquière et le troisième celui d'Alma. Si le chantier de Chicoutimi est fermé le premier et si on applique l'ancienneté, les ouvriers du chantier de Chicoutimi iront remplacer les ouvriers du chantier d'Alma. Si le chantier d'Alma est fermé deux jours plus tard, les mêmes ouvriers seront transférés automatiquement au chantier de Jonquière, ce qui amène des changements très fréquents.

Nous croyons que l'ancienneté, qui n'est dans le fond qu'une façon d'assurer, comme je le disais, une certaine sécurité d'emploi, n'est pas le moyen approprié dans la construction. En effet, la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction ne contient pas l'article 36 du code du travail qui prévoit que, lors de la concession d'une entreprise, la convention collective continue de s'appliquer. Or, rien n'est plus facile, vous le comprendrez, pour un entrepreneur en construction, que de former une nouvelle compagnie chaque fois qu'il commence un chantier et ainsi de contourner les clauses d'ancienneté.

Une telle clause est aussi dangereuse pour la stabilité même des employés. En effet, près de 3 3 p.c. des entrepreneurs en construction disparaissent chaque année. Nous vous référons à cet effet au tableau que le ministère du Travail a préparé lors de la présentation du bill 51 l'an dernier, où il est démontré que le nombre d'entrepreneurs qui abandonnent les affaires chaque année est de 33 p.c. A titre d'exemple, en 1964, il y avait 12,684 entrepreneurs en affaires et 5,375 ont abandonné les affaires. En 1968, il y avait 13,657 entrepreneurs en affaires et ceux qui ont abandonné sont au nombre de 5,795. Ce tableau, à notre avis, est fort concluant. Une clause d'ancienneté au niveau de l'entreprise amènerait des salariés qui oeuvrent depuis un certain temps dans l'industrie de la construction à perdre leur emploi et à ne pouvoir s'en trouver un autre rapidement. Ainsi, un individu qui travaille pour une compagnie depuis 15 ou 20 ans, si cette compagnie fait faillite, en vertu des clauses d'ancienneté, se trouverait quasiment dans l'impossibilité de se replacer dans l'industrie de la construction.

Nous estimons que toute clause d'ancienneté au niveau de l'entreprise va à l'encontre des principes de base qui ont donné naissance à la réglementation sur la sécurité d'emploi dans l'industrie de la construction. Nous croyons qu'un essai loyal de l'application du règlement sur la sécurité d'emploi, modifié, peut-être, après expérience dans ses modalités, amènerait des résultats beaucoup plus satisfaisants au niveau de la sécurité d'emploi que les clauses d'ancienneté elles-mêmes.

Le bill 290 reconnaît que l'industrie de la construction n'est pas basée sur l'entreprise, mais qu'on doit en avoir une conception, soit régionale, soit même provinciale. La clause d'ancienneté dénote une conception totalement différente, soit une conception d'entreprise.

Le troisième point qui fait que nous sommes devant vous, c'est la clause des droits acquis. Sur ce problème, nous vous référons principalement à l'intervention de la Fédération

de la construction du Québec, représentée par M.Michel Dion. Nous faisons nôtres les commentaires qu'il a faits. Cependant, nous tenons à attirer votre attention sur la tentative d'uniformisation des conditions de travail dans la province. En effet, en une seule négociation, les employeurs ont fait l'effort d'accepter et d'uniformiser des clauses dans toute la province, sauf évidemment les taux de salaires. C'est la seule exception que nous avons eue.

Très souvent, les employeurs vont accepter certaines clauses en négociation sous le principe de l'uniformité et, à la fin, lorsque les concessions sont faites, on nous demande de revenir sur tous les droits acquis. Il y a 15 conventions collectives régionales et près d'une dizaine de conventions collectives particulières au niveau de certaines entreprises. La tentative qui a été faite, c'est d'uniformiser.

Il ne faudrait pas qu'en vertu d'une clause de droits acquis on oblige les employeurs à donner des conditions qui étaient disparues justement parce qu'il y a eu uniformisation. Beaucoup de clauses, dans certaines régions, ont été vendues à nos employeurs, sous prétexte que c'était une question d'uniformisation. Par contre, dans certaines régions, on a diminué un peu, au niveau de cette clause-là, les avantages, mais, pour uniformiser, on demandait aux régions les plus défavorisées de faire un sacrifice. Alors, il ne faudrait pas arriver aujourd'hui et leur dire: Le sacrifice que vous avez fait, ça ne sert à rien; maintenant, tous les droits acquis sont réinstallés.

Pour nous de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie, il y a une clause très importante, c'est celle qui touche les travaux de service et les travaux d'urgence.

Nous entendons par ce terme les travaux exécutés à la suite d'un appel au bureau nous indiquant qu'il y a des défectuosités et nous demandant d'aller les réparer. Souvent, le client demande à l'employeur de se dépêcher, car c'est urgent. Lorsqu'un tuyau est crevé, il est évident que cela comporte une certaine urgence.

La plupart du temps, ces travaux sont effectués chez des particuliers qui n'ont même pas le choix de les faire exécuter et qui doivent souvent appeler en dehors des heures de travail, c'est-à-dire de huit heures à quatre heures et demie. Le but de nos demandes au sujet de genre de travaux est de ne pas pénaliser le public et de faire en sorte que le coût de nos travaux ne dépasse pas ce qui est raisonnable. Déjà, le client paie — plus ou moins — de $9 à $10 l'heure. Enfin, le but de notre demande est aussi d'éviter qu'un coût trop élevé fasse que ces travaux ne soient plus exécutés par nos entrepreneurs mais qu'ils soient confiés à de simples individus ou que les clients essaient de faire les réparations eux-mêmes avec les conséquences que cela peut entraîner.

Qu'est-ce que nous demandons? Nous demandons que, dans le cas d'un appel en dehors des heures normales de travail, il soit garanti au salarié seulement une heure de travail et non pas deux heures, comme nous le réclamons pour les autres travaux. En effet, une garantie de deux heures ou plus ne pourrait qu'augmenter le coût des appels de service d'une façon déraisonnable.

En deuxième lieu, nous demandons que, durant les semaines obligatoires de congé, où tous les chantiers sont fermés, les employeurs puissent quand même effectuer des travaux de service. Bien sûr, ce n'est pas parce qu'on ferme les chantiers que les travaux de service qui se font sur appel doivent être suspendus. Nous demandons que les travaux de service puissent être exécutés durant ces congés obligatoires aux taux ordinaires. Les salariés travaillant alors pourront prendre leurs vacances les semaines précédant ou suivant les semaines obligatoires de la construction. Dans notre offre, l'employeur garantit 40 heures de travail, pour ces semaines de congé, aux salariés qui seront appelés à demeurer au travail.

Nous demandons cependant une exception pour les travaux d'urgence. Dans le cas des travaux d'urgence, nous n'offrons évidemment pas cette garantie de 40 heures parce que nous ne pouvons pas prévoir le nombre d'appels d'urgence que nous pouvons avoir. Encore là, nous pensons que c'est normal. Sans cela, un particulier qui appelle parce qu'il n'y a plus d'eau ou qu'un tuyau est crevé se verrait, si nous donnions une garantie de 40 heures pour les travaux d'urgence, obligé de payer 40 heures de travail pour faire exécuter ce travail, si l'employeur n'avait qu'un appel d'urgence durant cette semaine-là.

Nous demandons enfin des heures de travail différentes pour le travail de service. Puisque le service ne peut s'effectuer facilement entre huit heures du matin et quatre heures et demie, nous demandons un régime d'exception qui limite quand même l'ouvrier à un travail de 40 heures par semaine. Nous offrons 40 heures de travail par semaine, du temps supplémentaire pour les dix heures entre les 40 et 50 heures et le temps double après ce nombre d'heures-là.

Nous demandons à votre commission de ne pas fixer de limite journalière à ces travaux, car les établir entre huit heures du matin et quatre heures et demie de l'après-midi ne tient pas compte des travaux effectués. Enfin, pour les frais de transport et de déplacement, c'est à un autre article. A cet effet, nous vous renvoyons au mémoire de la Corporation des maîtres électriciens, à la page 16. Notre offre est expliquée dans ce document. Les principes que nous avons retenus, quant aux frais de transport et de déplacement, sont les suivants. D'abord, l'employeur n'a pas à payer le salarié lorsque celui-ci part de chez lui et se rend à son lieu de travail. C'est le principe admis partout, comme pour le fonctionnaire qui part de chez lui et vient travailler au gouvernement et qui n'est pas

payé pour ses frais de transport. Nous demandons la même chose pour l'ouvrier de la construction.

Nous sommes cependant prêts à payer les frais de déplacement, de transport et même de pension, suivant les modalités prévues dans notre document, aux employés requis par l'employeur de se déplacer.

Lorsqu'un employeur dit à un employé qui normalement travaille à tel endroit: Veux-tu aller travailler à tel endroit durant les heures de travail, etc.? nous sommes prêts, évidemment, à payer les frais de transport, de déplacement.

Nous avons retenu un troisième critère concernant les salariés qui nous seraient référés par les centres de main-d'oeuvre, en vertu du règlement sur la sécurité d'emploi. Nous demandons que ces salariés, puisqu'ils peuvent venir de partout dans la province, soient réputés demeurer dans un rayon raisonnable du chantier, ceci ne justifiant pas de frais de déplacement ou de pension. Ainsi, avec le règlement de la sécurité d'emploi, un employeur de Québec, s'il n'y a plus de main-d'oeuvre disponible dans la région de Québec, peut se voir référer à un individu qui vient de Gaspé. Il serait déraisonnable à notre avis que, puisque l'employeur n'a pas le choix d'accepter ou de ne pas accepter cet employé, il soit tenu d'en payer les frais de déplacement.

Vous comprendrez que de telles clauses feraient que les coûts de la construction seraient imprévisibles, parce qu'on ne sait pas d'avance qui va nous être référé et de quel endroit les salariés vont provenir. Et puisque, dans la construction, la plupart des contrats s'obtiennent par une soumission dans laquelle on doit d'avance prévoir les coûts, il serait déraisonnable, à notre avis, d'imposer une telle chose aux employeurs.

Le premier paragraphe de l'article des frais de transports et de déplacement établit que le temps et les frais de déplacement des salariés, de la place d'affaires ou du siège social de l'employeur jusqu'au chantier de construction, sont aux frais de l'employeur. Si nous disons à un salarié de passer au siège social avant de se rendre sur le chantier, nous sommes d'avis de payer ses frais de déplacement du siège social au chantier.

Enfin, sur les conditions monétaires, les principaux points en litige sont les vacances et les salaires.

Le taux de rémunération des vacances. Pour les vacances, nous avons fait une offre de trois semaines de vacances et de cinq jours de congé, soit Noël, le lendemain de Noël, le jour de l'An, etc. Quant à la rémunération, nous croyons quelle doit être de 8 p. c; ça représente exactement 20 jours de congé. Nous ne voyons pas pourquoi on devrait dépasser ce taux de 8 p. c, puisque ce serait donner plus que le salaire payé normalement pour ces journées, si telles journées étaient ouvrables.

Quant aux taux de salaire, je tiens à souligner que, contrairement à ce qui a été soutenu, la moyenne de travail des ouvriers de la construction n'est pas si basse qu'on veut le faire croire. En effet, par le règlement sur la sécurité d'emploi, on prévoit éliminer tous les salariés qui ne sont pas de la construction. En établissant des permanents et des réservistes et en donnant toujours la préférence aux permanents, on leur assure un emploi plus constant qu'auparavant. Donc déjà, sans augmentation des taux de salaire, par le règlement de la sécurité d'emploi, les ouvriers bénéficient d'une augmentation de revenu annuelle. Il ne faut pas oublier que le règlement sur la sécurité d'emploi donne une augmentation de salaire annuelle aux ouvriers de la construction, sans que le taux de salaire soit augmenté.

On ne peut prétendre que les salaires de l'industrie de la construction soient trop bas. En fait, en 1968, les salaires moyens les plus élevés payés étaient dans le secteur de la construction, $138.67 par semaine, et dans celui des mines, où ils étaient de $138.58. Les salaires moyens les plus bas se trouvaient dans le secteur du commerce, à $87.46, et dans le domaine des services, où le salaire était de $82.60. On voit donc un écart d'environ $55 par semaine entre les salaires les plus bas et les plus élevés. Ce sont ceux de la construction qui sont les plus élevés.

Donc, si l'augmentation proposée pour trois ans par les employeurs varie — à cet effet, nous vous référons au taux de salaire proposé par les parties patronales — entre 18 p. c. et 46 p.c, on constate déjà qu'elle est trop élevée dans certains cas et qu'elle dépasse amplement toute limite raisonnable dans d'autres cas.

Si l'on demandait tout simplement d'augmenter cette offre patronale qui varie entre 18 p.c. et 46 p.c, cela nous paraîtrait déraisonnable. C'est pourquoi on a trouvé un autre moyen qui est la parité de salaire. Dans le fond, la parité de salaire, il ne faut pas se le cacher, c'est simplement, comme on le dit, une question de gros sous, un moyen pour obtenir plus d'argent dans certaines régions.

En réalité, par la parité, on demande d'augmenter ce qui est déjà consenti; 46 p.c. en trois ans dans certaines régions, les plus favorisées, on se dit que ce n'est pas assez. On veut 70 p.c. d'augmentation de salaire en trois ans.

Je n'ai pas l'intention de revenir sur les interventions déjà faites, mais nous partageons entièrement les propos de M. Lacasse, économiste engagé par la CME, ainsi que l'aspect développé par Me Lefebvre de l'Association des constructeurs d'habitations. A notre avis, le plus important c'est encore de se demander qui va payer la note. Et, dans la construction, on sait que ça va encore être les gens de chaque région.

Par contre, peut-on partager l'opinion de M. Loranger qui, de son témoignage même, devait

trouver le meilleur argument — et je vous réfère à son intervention de la dernière séance — pour appuyer la demande de parité de la CSN? Bien qu'avouant que les régions n'ont pas la même richesse, il nous dit: Accordez la parité et vous réglerez le problème. Comme si on pouvait par législation — comme l'a dit quelqu'un — combattre la pauvreté simplement en disant: On augmente les salaires dans une région. Je pense que, si c'était le bon remède, cela ferait longtemps qu'il n'y aurait plus de régions économiquement faibles.

Qu'il me soit permis, en terminant, d'attirer votre attention sur certains faits qui expliquent pourquoi il en coûte plus cher de construire en province qu'à Montréal. Les statistiques nous ont démontré que cela coûtait, même si les salaires sont moins élevés plus cher de construire en province qu'à Montréal. D'abord, il est sûr qu'un entrepreneur, par exemple, de Chicoutimi, qui n'est pas à proximité des matériaux, doit tenir un inventaire beaucoup plus complet de matériaux, ce qui implique un investissement beaucoup plus grand que pour un entrepreneur de Montréal qui n'a qu'à appeler le marchand lorsqu'il a besoin de matériaux pour se les faire livrer.

Ainsi, les employeurs croient que, dans la région de Montréal, la productivité des salariés est plus grande à cause de la quantité d'ouvrage qui favorise la spécialisation. En province, les employeurs sont également obligés de payer plus cher les matériaux à cause des coûts de transport. Enfin, la capacité de payer les gens n'est pas la même. On l'a dit: II y a des disparités économiques.

Ceci termine l'intervention de la CMMT. S'il y a des questions...

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Morin. Si les membres de la commission ou les autres députés présents ont des questions à poser, je les invite à le faire immédiatement. Pas de question?

J'inviterai donc le suivant. Est-ce que la CSN est prête à procéder maintenant à la lecture de son mémoire?

M. LABERGE: M. le Président, j'attendais que les membres de la commission décident s'ils avaient des questions à poser ou non. Mais, moi, j'en aurais quelques-unes à poser à M. Morin.

M. LE PRESIDENT: Je demanderais à M. Morin de revenir à la barre et d'être disponible pour M. Laberge.

M. MORIN: Cela me fait plaisir, M. Laberge.

M. LABERGE: Je vous remercie, M. le Président. Ma première question à M. Morin: Est-il au courant, lorsqu'il parle de contremaîtres, que, dans la corporation qu'il représente, les contremaîtres ont toujours fait partie du syndicat?

M. MORIN: Je suis au courant que, concernant 80 employeurs sur 2500, qui sont membres chez nous, une telle situation existe.

M. LABERGE: Est-ce que la productivité a été plus basse dans ces cas-là?

M. MORIN: Non, mais les "walkout" sont plus nombreux.

M. LABERGE: Les quoi?

M. MORIN: Les grèves illégales sont plus nombreuses.

M. LABERGE: M. Morin, voulez-vous me dire, et dire aux membres de la commission, combien il y a eu de grèves illégales dans la construction au Québec depuis cinq ans?

M. MORIN: Je dirais, peut-être, une quinzaine.

M. LABERGE: Voulez-vous nous dire dans quelles circonstances, parce que, pour ma part, c'est étrange, je n'en connais pas.

M. MORIN: St. Lawrence Mechanical... J'ai l'impression que M. Laberge devrait consulter les dirigeants du syndicat de la construction, chez lui. Bédard-Girard, St. Lawrence Mechanical, Canadian Bechtel, Janin Construction, etc. Justement, à Golden Eagle, il y a eu un arrêt de travail de quatre ou cinq jours dernièrement.

M. LE PRESIDENT: II y a un manque de communication.

M. MORIN: Au complexe "H", il y a eu une grève de la construction, après le bill 38. Il faudrait se tenir au courant.

M. DEMERS: Est-ce le rôle de la commission?

M. BERTRAND: Le ministère du Travail est-il en mesure de nous donner le nombre de grèves qui ont pu avoir lieu au Québec? Je pense que oui.

M. COURNOYER: Quant aux grèves illégales, M. le chef de l'Opposition, il arrive très souvent que les parties les règlent entre elles et on ne nous avertit pas du tout qu'il y a eu une grève illégale.

M. BERTRAND: Elles sont illégitimes, mais pas illégales.

M. LABERGE: Justement, je me demande si M. Morin a le droit de qualifier une grève illégale. Ce n'est pas à lui de décider ce qui est légal et ce qui est illégal.

M. MORIN: Je peux quand même amener certains jugements de la cour.

M. BERTRAND: C'est justement le pourquoi de ma question. Est-ce qu'on sait si la grève est légale, ou illégale, tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas eu un tribunal qui s'est prononcé là-dessus? C'est une opinion que vous émettez.

M. MORIN: C'est une opinion que j'émets; parce que je présume qu'une grève qui a lieu durant une convention collective est illégale en vertu du code du travail. C'est simplement pour cela.

M. LE PRESIDENT: On pourrait dire que vous considérez ces grèves comme illégales, vous, personnellement.

M. MORIN: Je peux quand même vous référer — quand on dit qu'il n'y en a pas eu — à des jugements rendus, déclarant certaines grèves illégales.

M. LABERGE: Des jugements, j'accepte. Mais je n'accepte pas la décision de M. Morin; il n'est pas qualifié du tout pour décider ce qui est légal ou illégal.

M. MORIN: Des grèves illégitimes, si vous voulez.

M. LE PRESIDENT: Un petit moment, s'il vous plaît.

M. BERTRAND: Quand vous utilisez l'expression "walkout" M. Morin, c'est ce que vous voulez entendre. Un arrêt de travail...

M. MORIN: Oui, un arrêt de travail durant une convention collective.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bagot.

M. CARDINAL: C'est un renseignement que je voulais demander au ministre du Travail. Il pourrait nous le donner vendredi, s'il ne l'a pas aujourd'hui. Lors d'une des dernières réunions, vers le 7 ou le 8 octobre — je ne me souviens pas — il avait été question, à cette commission, d'un certain nombre de grèves qui auraient été illégales et sur lesquelles les tribunaux auraient à se prononcer en vertu du projet de loi no 38.

On avait demandé à l'ancien ministre du Travail s'il avait ces chiffres-là et s'il pouvait les produire devant la commission. Ne tenant pas compte de l'opinion de l'opinant, qui dans les causes sub judice n'a pas, d'ailleurs, la possibilité légale d'avoir même une opinion, je demande au ministre du Travail s'il peut aujourd'hui, ou à brève échéance, nous fournir ces renseignements.

M. COURNOYER: Vendredi, M. le député de Bagot.

M. CARDINAL: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que M. Laberge avait d'autres questions, mises à part les questions légalistes?

M. BELAND: M. le Président, j'aurais également une question à poser à M. Morin, étant donné qu'il a parlé de frais de déplacement. En somme, est-ce que les frais de déplacement d'employés seraient dorénavant remboursés aux employés?

M. MORIN: Non, ce n'est pas là le but de mon intervention. Je n'ai pas lu complètement l'offre patronale, parce qu'elle apparaît aux documents qui ont été déposés. Tout ce qu'on dit, c'est que notre offre se résumerait de la façon suivante. On me corrigera si ma mémoire fait défaut. Dans un rayon de 35 milles, il n'y a pas de frais de déplacement payés pour un individu qui se déplace — non pas durant les heures de travail — pour se rendre à son travail. Et nous offrons, à plus de 35 milles, de payer les frais de déplacement à un taux énuméré qui est de $0.15 le mille.

M. BELAND: A ce moment-là, est-ce que vous pensez que ça n'incitera pas les entrepreneurs à se concentrer, et dans le cas des industriels, à bâtir seulement dans les villes ou dans les alentours immédiats des villes, et par le fait même...

M. MORIN: Non, parce que le règlement sur la sécurité d'emploi prévoit que, si un individu travaille dans une région, il doit d'abord faire appel aux permanents de cette région.

M. BELAND: Oui, mais vous avez tout de même fait allusion, à un moment donné, au fait qu'il y a possibilité de manque de main-d'oeuvre et aussi au fait à ce moment-là, justement, d'aller les chercher au loin.

M. MORIN: Oui, c'est le centre de placement qui nous référera des individus qui se seront déclarés disponibles pour travailler dans cette région. Nous ne voyons pas alors pourquoi on devrait payer des frais de transport, ni de déplacement.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. le député de Lotbinière.

Est-ce qu'il y a d'autres questions? M. Laberge.

M. LABERGE: M. le Président, M. Morin a mentionné à deux reprises les travailleurs qui

seraient référés par les centres de main-d'oeuvre. Dans ce cas-là, il dit: Vu qu'on est obligé de les prendre, on n'a pas le choix, on ne devrait pas être obligé de payer leur transport.

M. MORIN: C'est cela.

M. LABERGE: Vu que vous avez insisté là-dessus, est-ce que cela veut dire que, dans les cas où l'employeur le demande, vous pensez qu'il y a une différence?

M. MORIN: Lorsque l'employeur demande à un salarié d'aller travailler à un endroit à plus de 35 milles, nous sommes prêts à payer les frais de déplacement.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions?

Le ministre du Travail.

M. COURNOYER: J'aimerais bien que vous me donniez certains exemples de droits acquis. Cela fait plusieurs fois que j'entends parler des droits acquis dans l'industrie de la construction. Il y a des clauses de droits acquis que j'ai vues dans plusieurs conventions collectives. Ici, il s'agit d'une convention collective provinciale. De quelle nature sont les droits acquis dont il est question?

M. MORIN: Prenons l'exemple de ce qu'on appelait une prime de soudeur qualifié. Il y a, dans le décret de Sorel, une prime — je ne me souviens pas de combien — pour un employé qui fait de la soudure à l'acétylène, etc. C'est le seul endroit de la province, je pense, où il existe une prime pour ce genre de travail.

Quand nous avons établi, quant à nous, le salaire du soudeur et que nous lui avons donné, disons, une augmentation plus forte dans ces régions qu'à Montréal, nous nous sommes dit: Ecoutez, c'est bien sûr que, dans notre idée, on n'aura plus à payer cette prime. Alors, à la fin, on revient et on nous dit: Tout ce qui était plus haut, on le maintient. C'est dans ce sens que je dis que, quand on a fait des concessions, c'était dans l'optique où certaines choses disparaissaient. Voilà un cas précis.

M. COURNOYER: C'était là un cas particulier.

M. MORIN: Les droits acquis sont tous des cas particuliers.

M. COURNOYER: Je comprends, mais je veux dire qu'il y a des droits acquis qui sont de nature différente.

M. MORIN: Oui. Je n'ai pas abordé ce sujet-là.

M. COURNOYER: Je sais que vous ne l'avez pas abordé, mais je voudrais bien que vous l'abordiez à l'intention des membres de la commission. De quoi s'agit-il au juste? Il y a des droits acquis de cette nature qui comportaient une certaine différence, par exemple, avec d'autres régions. Elle était au-dessus du salaire ou y était surajoutée.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que j'ai compris que, lorsque vous avez dit que vous faisiez vôtres les remarques des représentants antérieurs, cette question avait été abordée, et que c'est cela dont vous teniez compte, en ce qui a trait aux droits acquis?

M. MORIN: Oui. Je pense que le ministre du Travail veut faire allusion à certaines conventions qu'on qualifiait de nationales, dans le temps.

M. COURNOYER: C'est à peu près à cela que je voulais en venir.

M. MORIN: Là-dessus, disons que, chez nous, la corporation que je représente n'a pas ce problème, mais je sais pertinemment que les employeurs étaient prêts, pour certaines, sinon la totalité de ces conventions nationales, à garder quand même ce qui existait au niveau d'un métier.

M. COURNOYER: Alors, il y aurait donc des conventions nationales. Comment des conventions nationales s'imbriquent-elles dans le système actuel? Vous savez qu'on négocie maintenant à sept parties.

M. MORIN: Il faut que cela s'imbrique dans la convention collective globale. Cela peut s'imbriquer à mon avis, soit en annexe ou clause par clause. Il y aurait peut-être, dans certains cas, des exceptions à faire pour ces conventions nationales. Je pense que ce problème n'a pas été abordé à la table des négociations, faute de compréhension ou faute de temps.

M. COURNOYER: D'accord.

M. LE PRESIDENT: M. Pepin, si vous me le permettez. M. Lafontaine d'abord, M. Pepin, et ensuite M. Laberge.

M. LAFONTAINE: Concernant la question des droits acquis, j'aimerais poser deux questions à M. Morin. D'abord, au nom de la corporation, M. Morin préconise-t-il un système égal pour tous les membres d'une corporation? Si oui, comment se fait-il qu'on préconise un régime d'exception, premièrement pour les contremaîtres et, deuxièmement, pour les gens travaillant dans les

services qui ont tous les mêmes permis, le même nombre d'années d'apprentissage? En second lieu, sur la question de la soudure, j'aimerais demander à M. Morin s'il n'est pas vrai que certains taux négociés à des endroits où il y aurait des surprimes n'auraient pas été négociés en vertu d'une raison de santé, parce que des soudeurs travaillent des matériaux qui sont dommageables à la santé. A ce moment-là, on n'aurait pas accepté de donner des ajustements de salaires à ces ouvriers qualifiés, et je crois que c'est la raison. J'aimerais avoir la réponse de M. Morin.

M. MORIN: Sur la première question, disons que, lorsqu'on a parlé de droits acquis, ce n'était pas dans le sens entendu par l'intervenant. Lorsqu'on parle de taux de service ou de contremaître, ce ne sont pas des exceptions. Ce sont des principes. Ce sont des modalités qui s'appliquent à des ouvriers. Selon nous, ce ne sont pas des exceptions.

Quant à la deuxième question, disons que je ne suis pas en mesure d'y répondre. Sur toutes les clauses, pour quelles raisons telle clause existe? Mais — et cela ressort surtout de l'intervention de la CSN — dans bien des cas, dans certaines régions, à cause des pressions et des forces économiques, il y a eu des choses accordées qui n'étaient pas raisonnables mais qui furent données quand même.

M. LE PRESIDENT: M. Lafontaine, sur le même sujet.

M. LAFONTAINE: Sur le même sujet, M. le Président, j'aimerais demander à M. Morin — parce qu'on a tout de même beaucoup appuyé sur les droits acquis — s'il admettrait tout de même que, dans l'industrie de la construction, il peut y avoir certains droits acquis concernant différentes sortes de construction, différents genres d'industrie dans la construction. Peut-être pourrait-il concevoir qu'il y a des droits acquis à certains endroits?

M. MORIN: Ecoutez, c'est la réponse que j'ai faite au ministre du Travail. Je pense à certains ouvriers qui bénéficiaient de conventions nationales, tels les constructeurs d'ascenseurs, etc. Moi, je n'appelle pas cela des droits acquis, j'appelle cela des modalités différentes, il y a des modalités différentes qui devraient peut-être exister dans la convention, cela basé sur l'expérience. Les constructeurs d'ascenseurs, à mon avis, ne doivent pas bénéficier des mêmes clauses de frais de transport et de déplacement que les ouvriers qui font de la construction générale. Les constructeurs d'ascenseurs vont partout au Canada. Peut-être bien qu'il devrait y avoir des clauses différentes de transport dans leur cas.

M. COURNOYER: M. Morin, je prends votre exemple des soudeurs à l'acétylène dans la région de Sorel. C'est dans la région de Sorel qu'il y avait une prime pour les soudeurs à l'acétylène. Admettons que vous ayez dit tantôt que ça leur était exclusif, pratiquement.

M. MORIN: A ma connaissance...

M. COURNOYER: Lorsque vous refusez formellement de maintenir la prime aux soudeurs à l'acétylène, est-ce que c'est strictement parce que c'est invoqué comme un droit acquis?

M. MORIN: Oui, oui.

M. COURNOYER: Avez-vous constaté la différence qu'il y a entre travailler dans la soudure à l'acétylène et à l'autre sorte de soudure? M. Lafontaine disait tantôt qu'il y a peut-être des maladies industrielles qui se développent plus rapidement si on soude à l'acétylène continuellement que si on soude avec un autre genre de torche. Est-ce que vous avez examiné le mérite de la question précise, parce que vous avez donné un exemple assez précis, ou si c'est strictement parce que, étant devant un droit acquis, vous dites: Bien, on ne l'a pas conçu comme tel et puis on n'est pas d'accord avec cela?

M. MORIN: Regardez la façon dont on a procédé. C'est qu'il y avait certaines clauses qui n'existaient que dans une, deux ou trois régions. Nous sommes à faire des clauses s'appliquant à toutes les régions. Lorsque nous sommes arrivés à ces problèmes-là, nous avons pris — disons sur les primes — les quinze conventions collectives, les quinze décrets qui existaient et nous avons fait un tableau; nous nous sommes dit: A telle place nous allons en faire une règle commune. Lorsque nous essayions d'uniformiser, c'est sûr que nous n'avons pas fait disparaître de droits acquis qui existaient dans toute la province. Autrement dit, s'il y avait une clause identique dans toute la province, nous l'avons négociée et nous sommes arrivés, soit à une entente, soit à aucune entente.

Mais où notre conception de droits acquis arrive, c'est qu'il y a des différences entre les régions. Et parce que nous faisons une règle générale et qu'après nous consacrons les droits acquis, il y aura encore deux ou trois régions qui n'auront pas les mêmes conditions de travail pour

telle ou telle chose donnée. Ce qui implique, à notre avis, qu'à la prochaine négociation, tout sera à recommencer. Cela a été les gros problèmes, on le sait, de négocier une convention provinciale. Le ministre du Travail en a eu une expérience lorsqu'il a négocié avec les enseignants.

M. COURNOYER: Ah oui! Je suis parfaitement au courant.

M. LE PRESIDENT: M. Pepin.

M. PEPIN: M. le Président, une question sur l'ancienneté. Je pense que M. Morin sait déjà jusqu'à quel point nous réclamons une clause d'ancienneté. J'ai compris, de votre exposé, que, pour vous, ce n'était pas un refus de clause parce que les employeurs pourraient faire ce qu'ils voudraient de leur main-d'oeuvre, mettre à pied qui ils voudraient, au moment où ils le voudraient. J'ai compris plutôt qu'il y avait des raisons pratiques qui pouvaient vous empêcher d'avoir une clause d'ancienneté, suivant votre thèse.

Aussi, M. Morin, si nous avions une clause d'ancienneté qui dirait, en gros, ceci: L'employeur ne pourra pas mettre à pied un employé qui a été embauché avant un autre, à moins qu'il y ait des raisons objectives pour le faire. Nous avons, vous le savez déjà, négocié des clauses semblables. Lorsqu'on fait appel à l'objectivité, nous empêchons l'arbitraire des employeurs, et notre demande se limite exclusivement aux cas de mise à pied. Comment réagissez-vous devant ça?

M. MORIN: Nous avons mis une clause générale disant qu'il n'y aurait pas de mise à pied ou de congédiement discriminatoire. Cela existe dans la convention collective, c'est une clause générale. Quant au principe émis par M. Pepin, c'est le principe de la mise à pied par ancienneté. J'ai essayé de démontrer les désavantages que cela pouvait avoir, soit au niveau de la disparition des entreprises — on l'a vu, 33 p.c. par année — soit au niveau de l'application d'une clause, comme l'article 36 du code du travail qui est la création d'une nouvelle compagnie. Quant à émettre un principe et dire: Si, objectivement, cela ne s'applique pas, nous ne l'appliquerons pas, il ne faut pas se le cacher, dans la construction, autant les salariés que les employeurs aiment avoir, dans une convention collective, les cas énumérés et se référer là à des principes généraux. Si, de façon objective, ça ne peut pas exister ou ça ne doit pas exister, c'est une quantité énorme de griefs. Et on sait que, dans la construction, des griefs, les employeurs, comme les salariés, ne sont pas intéressés à en avoir. La plupart du temps, ça ne se règle même pas devant un tribunal d'arbitrage, ça se règle sur le chantier par la force. Alors on n'est pas intéressé à avoir des clauses qui amèneront des quantités de griefs.

M. PEPIN: Relativement à la clause à laquelle vous faites allusion, où vous auriez signé que vous ne pouviez pas congédier d'une façon discriminatoire, je crois qu'il faut faire une distinction. Vous serez sans doute d'accord avec moi pour dire qu'entre licenciement et congédiement, il y a une différence; le gars perd son "job", la conséquence, pour lui, est la même, mais vous pouvez licencier quelqu'un pour manque de travail, et vous le congédiez habituellement pour cause, j'espère pour juste cause. Mais, je pense que la clause qui a été paraphée par les parties se rapporte plutôt au congédiement qu'au licenciement. Est-ce exact?

M. MORIN: C'est possible, il faudrait que je la relise.

M. PEPIN: Je pense même qu'il n'y a rien au niveau du licenciement relativement à la discrimination. Le terme "discrimination" est extrêmement difficile dans une convention collective par rapport à un licenciement, je crois. Ce que je vous suggère, c'est de voir si on ne pourrait pas empêcher l'arbitraire patronal, l'arbitraire de l'employeur. Quant il y a des raisons objectives d'en mettre un à pied avant l'autre, on le fait, mais s'il n'y a pas de telles raisons objectives, je me demande pourquoi les employeurs voudraient garder ce droit absolu de faire ce qu'ils veulent avec leur main-d'oeuvre.

M. MORIN: Cela fait à peu près deux ou trois ans que je négocie dans la construction des demandes de clauses d'ancienneté. Toutes les fois que nous avons essayé d'énumérer ces facteurs objectifs là, nous ne nous entendions pas. Le syndicat disait: Le "bumping" n'est pas un facteur objectif. S'il y a du "bumping", ce n'est pas notre affaire; ce n'est pas un facteur objectif. C'est comme les facteurs objectifs, il faut nous entendre et nous ne nous entendons pas; alors, il n'y en a pas. C'est-à-dire qu'il y en a, mais, comme nous ne pouvons nous entendre, nous allons oublier cela. Cela revient exactement à la même position.

Je demande à M. Pepin pourquoi il n'essaierait pas, au niveau du règlement de la sécurité d'emploi, de garantir aux ouvriers une certaine sécurité d'emploi.

M. PEPIN: II y a peut-être un moyen que vous suggérez. Cependant...

M. LE PRESIDENT: Si vous aviez fait la même négociation, peut-être qu'à un moment donné vous vous seriez entendus.

M. PEPIN: Pardon? Je n'ai pas entendu.

M. LE PRESIDENT: Si vous aviez fait le même type de négociation, dans les délais qui se sont écoulés depuis la dernière séance, il est très probable que vous vous seriez entendus.

M. PEPIN: Si vous...

M. LE PRESIDENT: Continuons, continuons.

M. PEPIN: ... êtes aussi optimiste que cela, M. le Président, tant mieux. Je suis toujours optimiste, moi aussi.

M. LE PRESIDENT: Vous avez l'air de bien aller là.

M. PEPIN: C'est pour cela que j'essaie de voir si nous nous comprenons encore aussi bien. Entre le terme "objectif" en fonction de l'économie et "objectif" dans le sens où j'essaie de l'utiliser, je pense que vous admettrez qu'il y a une large différence. Je peux vous référer — je sais que vous êtes avocat — à plusieurs jugements qui ont tenté de définir l'objectivité lorsqu'une convention collective prévoyait que c'était pour des raisons objectives que l'on pouvait agir. Je vous réfère, entre autres, à plusieurs décisions du juge René Lippé dans le cas d'Arvida, de l'Aluminum Company of Canada. Probablement que le ministre actuel du Travail aurait rendu une ou deux décisions sur le même point. Quand je vous suggère de regarder cela en termes objectifs, je ne parle pas de l'objectivité que l'on trouve en économie; ce n'est pas du tout le même sujet. Quand vous référez à cela, je pense que vous changez de voie complètement.

Je crois qu'il y aurait du mérite à ce que cette suggestion-là soit examiné par vous et sans doute aussi par les membres de la commission et éventuellement par le cabinet.

M. MORIN: II faudrait s'entendre sur le terme "objectif". Est-ce que le "bumping" est une raison objective de ne pas faire des mises à pied selon l'ancienneté?

M. PEPIN: Vous noterez que notre clause ou notre demande est uniquement dans le cas d'une mise à pied; cela peut entrafner du "bumping".

M. MORIN: Bien sûr!

M. PEPIN: D'ailleurs, je vous le dis moi-même: Nous ne demandons pas une clause d'ancienneté comme dans l'industrie où, même pour les promotions, nous voudrions faire jouer l'ancienneté. En tout cas, ce n'est pas une requête que nous faisons, pour l'instant.

UNE VOIX: Pour l'instant!

M. PEPIN: C'est évident. Je ne me prononce jamais pour l'avenir; je ne suis pas fou.

M. LE PRESIDENT: M. Laberge aurait une question à poser à M. Morin.

M. LABERGE: M. Morin nous a parlé de droits acquis. Il a pris soin de nous dire que, dans certaines régions, parce qu'il y a eu du rattrapage dans les salaires, par exemple, ou des choses semblables, il croyait que certains droits acquis devraient sauter parce qu'il y a eu autre chose.

Dans le cas où il n'y a pas eu de rattrapage, comme à Montréal, par exemple, ces droits acquis là, qui ont été négociés au cours des années, ont été échangés pour autre chose. A ce moment-là, quelle compensation pensez-vous qu'il y aurait pour toute cette grande région-là? fi y en a des droits acquis aussi dans les conventions collectives de Montréal.

M. MORIN: Ecoutez, je ne peux que répéter ce que j'ai dit. Nous avons essayé d'uniformiser. Cela impliquait, pour certaines régions, peut-être un certain renoncement, des gains sur certaines choses et des pertes pour d'autres. Que voulez-vous, si nous tenons pour acquis la position de M. Laberge, nous allons retourner négocier régionalement. C'est sûr qu'on n'arrivera jamais à l'uniformisation, si on part du principe que personne ne va perdre et que tout le monde va gagner. Qu'est-ce que vous voulez? C'est exactement le problème de l'uniformisation de conventions collectives. Cela va être éternel, ce problème-là, tant qu'elles ne seront pas toutes uniformisées.

M. BERTRAND: M. Laberge, pourriez-vous nous donner un exemple de certains avantages qui auraient été obtenus par les gens, disons, de la région de Montréal, et qui pourraient être de nature à disparaître si les droits acquis n'étaient pas préservés?

M. LABERGE: Un exemple que je peux vous donner, c'est le plan de l'assurance-maladie et salaires qui a été négocié, obtenu par certains groupes.

C'est là un droit acquis et, encore une fois, j'insiste là-dessus. M. Morin semble balayer ça du revers de la main, mais il reste que, dans une négociation, pour arriver à une entente, ça prend un compromis. C'est bien évident, c'est toujours un compromis, et ce sont là des choses qui ont été obtenues lors de négociations en bonne et due forme et qui ont été obtenues

parfois au lieu d'obtenir autre chose.

Encore une fois, je repose la question à Me Morin: Croit-il que tout ce qui s'est fait dans les négociations puis dans des ententes qui ont été conclues devrait être balayé parce qu'on est devant la commission parlementaire?

M. MORIN: Ce n'est pas ce que j'ai dit. En réponse au ministre du Travail, j'ai dit que, bien sûr, pour certains métiers bénéficiant de conventions nationales, il serait très utile d'établir non pas des droits acquis, mais des modalités différentes. Lorsqu'un métier est appelé uniquement à se déplacer et à ne jamais travailler au même endroit ou dans une même région, c'est sûr qu'il doit y avoir des modalités différentes. Cela, que voulez-vous, on n'a pas eu l'occasion de le négocier, parce que, quand le cas des droits acquis est arrivé, les deux centrales syndicales nous ont déposé des documents épais comme ça de droits acquis qui reprenaient tout ce qu'elles n'avaient pas obtenu lors de la négociation. Même lorsqu'il y avait eu des compromis dans les droits acquis, on reprenait les demandes originales. C'est pour ça que ça n'a pas été négocié. Si ç'avait été plus raisonnable, peut-être bien les aurait-on entendues.

M. LE PRESIDENT: Merci. M. Laberge... M. LABERGE: Oui, je dois insister encore...

M. LE PRESIDENT: Je ne voudrais évidemment pas vous priver du droit de parole. J'ai cependant vu beaucoup de choses dans certains documents que vous nous avez fournis de part et d'autre en ce qui a trait aux droits acquis, j'ai lu de longues dissertations. Vous pouvez continuer, M. Laberge.

M. LABERGE: Merci.

M. LE PRESIDENT: C'est une invitation.

M. LABERGE: Non, mais il nous faut insister quand même, parce qu'il y a eu des négociations dans l'industrie de la construction, et ce n'est qu'avec l'avènement de la loi 290, qu'ont changé évidemment de façon assez radicale les relations dans l'industrie de la construction où les deux négociations que nous avons traversées se sont soldées par un échec. D'accord, mais, avant ça, il y a eu des négociations et des conventions collectives ont été signées, de bonne foi, je le suppose, des deux côtés. Cela a été quelque chose de reconnu, mais Me Morin — je ne sais pas si j'ai mal compris — nous dit: C'est bien regrettable, mais on ne s'est pas entendu cette année, et tout ça doit tomber; il faut uniformiser. Il y a deux façons d'uniformiser. Ou bien on rase tout ce qui est debout et c'est uniformisé par terre, ou bien on fait des règlements raisonnables. Dans les discussions avec le ministère du Travail, il était plutôt question d'essayer, par exemple, de donner un plan d'assurance aux régions où il n'y avait pas d'assurance, et de donner un plan de retraite aux régions où il n'y avait pas un plan de retraite. D ne s'agissait pas de faire disparaître les plans existants. C'est un peu ce que Me Morin soutient là.

M.MORIN: C'est complètement faux. Je vais prendre l'exemple du problème d'assurance, qui est bien clair. Il y avait je ne sais pas combien de plans — peut-être une dizaine de plans d'assurance dans la construction — avec des bénéfices différents. On nous demande, à un moment donné, d'appliquer une clause d'assurance à toute l'industrie de la construction. Il y a quatre ou cinq plans, ils coûtent à peu près le même prix, mais les avantages sont différents, parce qu'il y en a qui ont choisi d'avoir une rente à 65 ans au lieu de l'avoir à 60 ans et d'avoir moins, ou quelque chose comme ça. Lequel allons-nous choisir? Nous tentons d'uniformiser.

On en a pris une. Bien sûr, les autres, qui avaient d'autres bénifices, devront offrir les bénéfices de la majorité. C'est ça uniformiser. Qu'est-ce que vous voulez faire? Sans ça, on n'uniformisera jamais...

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Morin.

M. LABERGE: Une dernière question. M. Morin semble se faire le champion de l'uniformisation? Est-ce que c'est dans tout, y compris les salaires.

M. MORIN: Exactement. Si vous voulez bien me relire, j'ai fait l'exception.

M. LE PRESIDENT: L'exception confirme la règle. M. Gagnon.

M.GAGNON: Je ne sais pas si j'ai bien compris M. Morin lorsqu'il dit: Lorsque nous envoyons un de nos employés travailler à l'extérieur d'un rayon de 35 milles, j'accepte l'idée qu'on puisse lui payer des frais de transport.

Cependant, d'un autre côté, il nous dit, du même coup, que si le type est placé par le centre de la main-d'oeuvre, il n'est pas question de lui verser quoi que ce soit. Alors je demande à M. Morin s'il ne croit pas qu'à ce moment-là il y a une tendance à utiliser le centre de main-d'oeuvre d'une façon discriminatoire contre certains hommes de métier? Je sais qu'il est au courant que, dans la péninsule de Gaspé, il n'y a pas beaucoup de "steam fitters". Or, à ce moment-là, il serait facile de demander des "steam fitters" au centre de main-d'oeuvre et de les embaucher à bon marché, même s'ils viennent de 300 milles plus loin, du fait qu'ils viendraient par le centre de main-d'oeuvre. Je

crois que c'est faire une mauvaise utilisation d'un centre de main-d'oeuvre.

M. MORIN : Ce serait faire une mauvaise utilisation. Il faut prendre en considération que, s'il entre le 10 novembre, on est obligé de passer par le centre de main-d'oeuvre, sauf pour les employés réguliers, employés qui ont totalisé, dans la même année, 1,500 heures de travail pour le même employeur. Mais, à part ça, on est obligé de passer par le centre de main-d'oeuvre.

M. LABERGE: Ah, oui?

M. MORIN: A partir du 10 novembre.

M. LABERGE: Je suis obligé, M. le Président, de corriger ça. Je m'excuse, M. Morin, mais vous savez que, même dans le règlement qui a été adopté à la suite du rapport du juge Gold, vous avez encore le loisir d'aller au bureau syndical de placement.

M. MORIN: Oui, mais le bureau syndical de placement est obligé de suivre les mêmes normes de placement que le bureau provincial, alors ça revient à la même chose, au niveau des critères de placement.

M. LE PRESIDENT: Cela devient un dialogue très intéressant, mais j'aimerais bien, par exemple, qu'on garde un certain contrôle. Alors M. Gagnon, une dernière question.

M.GAGNON: M. le Président, obligé ou non, il n'en reste pas moins que l'employeur qui fait une demande, disons encore, à Gaspé — parce que je sais qu'il n'y a pas beaucoup de "steam fitters", M. Morin sait aussi qu'il n'y en a pas dans ce coin-là — au centre de main-d'oeuvre, permettrait qu'on déplace une personne à 80 milles ou à 100 milles plus loin, et que, du fait qu'il serait placé par le centre de main-d'oeuvre, ce type-là ne serait pas rémunéré, tandis que l'autre, lui, le serait. C'est employer le centre de main-d'oeuvre d'une façon discriminatoire pour faire faire un travail de "scab", dans notre langage à nous.

M. LE PRESIDENT: J'ai retrouvé cela aussi dans les documents, les deux types d'argumentation. Si vous voulez nous répéter la même chose qu'on peut lire dans les documents, ça peut être très long. Remarquez, je ne veux pas vous priver de votre droit de parole, c'est bien évident. Alors je donnerai la parole à un membre de la commission, le député de Dorchester.

M. GUAY : M. Morin, vous avez souligné tantôt que 33 p. c. des entrepreneurs en construction étaient disparus. Est-ce que vous avez remarqué une diminution d'emploi? Et cette diminution des entrepreneurs s'est-elle faite surtout en province ou à Montréal?

M. MORIN: Là, je ne pourrais pas dire. Les chiffres que j'ai sont les chiffres établis par le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Je pense que le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, qui a fait le calcul, va être en mesure de répondre mieux que moi à la question.

Je pense, évidemment, qu'il y en a plus de Montréal, parmi eux, qui ont abandonné les affaires. Quant à la diminution de la main-d'oeuvre, je ne pense pas qu'il y ait eu une diminution sensible d'emploi à cause des faillites et d'abandon des affaires.

M. GUAY: Maintenant, quels seraient, selon vous, les principaux facteurs qui auraient amené cette diminution?

M. LE PRESIDENT: Un peu de silence pour permettre d'entendre les opinants.

M. MORIN: A mon avis, ce serait une question simplement monétaire ou de condition économique; les employeurs ont fait faillite ou ont abandonné les affaires parce que ce n'est plus rentable.

M. GUAY: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, je reviens au sujet de l'emploi au-delà de 35 milles pour avoir simplement un éclaircissement. Dans ces cas-là, lorsque l'employeur a besoin d'un travailleur qui est situé au-delà de 35 milles, est-ce que l'employé ne peut pas faire appel, dans ces circonstances-là, à la prime de déménagement prévue par le centre de main-d'oeuvre du Canada?

M. MORIN: Bien là...

M. LESSARD: Bien, je pose la question à M. Laberge. Allez-y.

M. MORIN: Je pense qu'il faut que ce soit assez éloigné.

M. LESSARD: D'accord; il faut deux conditions: chômage et emploi permanent. Alors, la permanence au niveau de...

M. LABERGE: II n'y a pas d'emploi permanent dans la construction, c'est là le problème. Alors, le gars y va pour trois mois ou six mois, et après, il revient chez lui.

Vu que je suis debout, aussi bien en profiter.

Dans les 33 p. c. d'entrepreneurs qui disparaissent chaque année, est-ce que M. Morin, ou le ministre du Travail, pourrait nous informer là-dessus? Quel est le pourcentage de faillites frauduleuses? C'est un point extrêmement sérieux, parce qu'on a un grand nombre de gars qui perdent des sommes assez importantes.

M. LE PRESIDENT: La question est pertinente, à mon avis.

M. MORIN: La seule réponse que je peux donner est à peu près celle de M. Laberge. Il n'y a pas beaucoup de faillites frauduleuses qui sont prouvées. Il n'y a pas eu beaucoup de jugements sur les faillites frauduleuses.

M. LE PRESIDENT: Je dirais ici qu'on est à l'égalité. Cela étant dit, est-ce qu'il y a d'autres questions de la part des membres de la commission?

Il n'y a pas d'autres questions de la part des membres de la commission. Nous remercions M. Morin et ceux qui lui ont posé des questions très brillantes. Nous invitons maintenant l'Association des constructeurs de routes et des grands travaux.

La CSN, d'abord, voudrait nous lire son addition. M. Loranger.

Prévisions de M. Loranger

M. LORANGER: Merci, M. le président. Le but de mon intervention est d'être très bref et d'apporter certaines réponses nuancées à des questions qui ont été posées par le député, M. Latulippe, au sujet de l'effet de multiplication, que j'ai essayé de commenter durant la séance de la commission parlementaire, jeudi le 8 octobre, entre 8 heures et 10 heures.

Une question que m'a posée M. Latulippe, à savoir l'effet de multiplication existe dans la mesure où il y a une injection de revenu nouveau. J'ai répondu à ce moment-là simplement: Oui. Mais ma réponse aurait dû être nuancée de la manière suivante...

M. LE PRESIDENT: Silence, s'il vous plaît! Même si M. Loranger est économiste, ce n'est pas une raison pour ne pas l'écouter.

M. LORANGER: Merci. J'apporte donc la nuance suivante à ma réponse: Oui, dans la mesure où cette injection de revenu nouveau n'est pas une thésaurisation, mais que ce revenu nouveau est dépassé, ce qui provoquerait une hausse autonome de la demande globale.

Autre question de M. Latulippe. S'il n'y a pas d'injection de revenu, mais qu'il s'agit plutôt de transfert de revenu des uns aux autres, est-ce que l'effet de multiplication existe? J'ai répondu qu'un simple transfert de revenu, à l'intérieur d'une même région, n'aurait pas d'effet de multiplication. Encore une fois, j'ai peut-être été un peu trop catégorique dans ma réponse. Pour mieux la nuancer, disons ceci: Premièrement, si le transfert de revenu n'entraf-ne aucune hausse autonome de dépense, c'est-à-dire si je puise de l'argent dans mon compte d'épargne, que je remets à un individu, qui ne le dépense pas, mais le dépose à son compte qui est à la même banque que moi, il n'y a pas dans cette circonstance-là d'effet de multiplication possible, parce qu'il n'y a pas de dépense nouvelle.

Deuxième nuance: Si je tire cependant un chèque à mon compte d'épargne pour payer un individu habitant la même région que moi et que cet individu, au lieu de déposer cet argent à son compte d'épargne, le dépense dans la région, alors il y aura un effet de multiplication parce qu'il y aura une hausse autonome de la dépense faite par cet individu.

Troisième nuance à cette deuxième question:

M. PAUL: En résumé, ce n'est pas de l'épargne.

M. LORANGER: C'est ça. C'est une dépense. Même si l'individu qui reçoit mon argent le dépose à son compte pendant un certain temps, par exemple un mois, et qu'il se met ensuite à le dépenser dans la région après cette période, il y aura alors un effet de multiplication, parce que cet individu-là aura haussé sa demande dans un mois, au lieu de l'instant où je lui verse cet argent.

Troisième question de M. Latulippe. Quand c'est de l'autodéveloppement du secteur qui se fait dans la région comme l'habitation, il n'y a pas d'injection de revenu, donc il n'y a pas d'effet de multiplication.

Il s'agit de transfert, à ce moment-là. J'ai répondu que, si le financement était fait par des caisses populaires locales, il n'y aurait pas de transfert interrégional de revenus. Mais, à cause des nuances que je viens d'apporter précédemment, on ne peut identifier absence de nouveaux revenus à absence d'effets de multiplication. Il ne faut pas confondre revenu avec épargne et dépense. Cela peut paraître une tautologie que d'affirmer que tout revenu est, soit dépensé, soit épargné. Dans la mesure où le revenu est entièrement épargné et thésaurisé dans les caisses populaires il n'y a pas d'effet de multiplication, mais dans la mesure où ce revenu qui était thésaurisé dans les caisses populaires locales est remis en circulation, pour financer une dépense de consommation ou d'investissement comme la construction d'habitations au niveau local, il y aura alors effet de multiplication.

Je tenais à relever ce point car cette affirmation vient directement en contradiction avec une autre affirmation que j'avais faite dans ma réponse à M. Lefebvre, où j'affirmais qu'une hausse de 10 p. c. qui n'est pas compensée par aucune baisse dans le coût de construction ne créera pas d'effet de multiplication.

Vous vous souviendrez qu'il était, à ce moment-là, 21 heures 25 et j'étais un peu fatigué après une semaine aussi harassante.

Je pense qu'il n'y a que les imbéciles qui ne peuvent admettre qu'ils peuvent se tromper. Aujourd'hui, je me sens un peu plus en forme et je suis de nouveau prêt pour un long interrogatoire si c'est le voeu de la commission. Mon honnêteté professionnelle exigeait que je fasse cette mise au point et qu'elle soit consignée dans le journal des Débats.

M. LE PRESIDENT: Merci des corrections apportées, M. Loranger. Je pense qu'à ce stade-ci, il n'y a pas lieu de procéder à des questions.

M. LORANGER: J'aurais un ou deux commentaires additionnels à faire au sujet de certains chiffres que j'ai fait publier dans deux tableaux. C'est au sujet de remarques qu'a faites M. Claude Lefebvre lorsqu'il a, dans un exposé très brillant, essayé de démontrer l'impact du coût de la construction domiciliaire en se basant...

M. LE PRESIDENT: M. Loranger, croyez-vous que cela peut être long?

M. LORANGER: Non. Je veux tout simplement commenter une ou deux choses, donner un ou deux chiffres nouveaux au sujet des...

M. LE PRESIDENT: Ma crainte, ici, c'est que M. Lefebvre veuille aussi répliquer à votre réplique.

M. LORANGER: Si vous me permettez...

M. LE PRESIDENT: La réplique de la réplique...

M. LORANGER: ... ce n'est que pour attirer l'attention de cette commission sur les deux nouveaux tableaux de statistiques.

M. LE PRESIDENT: Brièvement, allez.

M. LORANGER: Bon, d'accord. M. Lefebvre, comme je le disais il y a un instant, avait fait une présentation très brillante sur l'impact de l'égalité des salaires sur la hausse du coût de la construction domiciliaire. Il s'est basé, pour démontrer ceci, uniquement sur le coût de construction pour une maison unifamiliale, un bungalow. Ce que je tiens à souligner à la commission, c'est que la proportion des bungalows par rapport au nombre total d'unités de logement est en très nette décroissance depuis les quatre ou cinq dernières années ici, au Québec. Le tableau 1 vous donnera une indication de cette proportion.

Par exemple, en 1966, cette proportion, qui était de 20.4 p. c, est tombée à 11.4 p. c. Dans d'autres régions comme Saint-Jérôme, elle était de 59.5 p. c. et est tombée à 31 p. c, etc. En moyenne, on peut dire que la proportion de bungalows construits par rapport au total d'unités de logement commencées a baissé d'à peu près 50 p. c. entre 1966 et 1969, et cela dans toutes les régions que j'ai pu relever, à partir des statistiques...

M. LE PRESIDENT: Vous allez faire distribuer ces tableaux aux membres de la commission?

M. LORANGER: Oui.

M. LE PRESIDENT: Continuez.

M. LORANGER: Un autre détail. Le tableau 2 est simplement une indication au sujet de l'importance relative de la valeur des bungalows construits par rapport à la valeur totale des dépenses de construction au Québec.

Encore une fois, j'attire l'attention de la commission sur ce fait parce que M. Lefebvre a basé toute son argumentation sur le bungalow.

Or, le tableau 2 nous montre très clairement que l'importance relative du bungalow par rapport à la valeur totale de tous les travaux de construction au Québec, entre 1966 et 1969, n'est que de 6 p. c. à 7 p. c. C'est tout ce que je voulais souligner par ces deux tableaux.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Loranger. Maintenant que vous vous êtes exprimé, nous avons ici le député de Frontenac qui désire vous poser une question.

M. LATULIPPE: Vous parlez de 7 p. c. pour la valeur totale de l'industrie de la construction d'habitations. Est-ce que vous n'avez pas également des comparaisons en ce qui concerne les salaires payés dans l'industrie de la construction d'habitations et les salaires payés dans les autres types de construction? J'imagine, moi, qu'il y a beaucoup plus de salaires versés pour la main-d'oeuvre dans la construction d'habitations qu'il peut y en avoir pour la construction de routes.

M. LORANGER: Les seules comparaisons que j'ai essayé de faire sur la proportion des salaires payés dans la construction d'habitations, sont aux tableaux — je ne me rappelle pas exactement — 6 et 7 dans mon livre sur l'égalité. Malheureusement, n'ayant pas de chiffres précis pour évaluer ce que cela coûte exactement en salaires pour construire tel type d'habitation par rapport à tel autre type, j'ai été obligé d'utiliser une fourchette qui fait varier le

coût des salaires entre 25 p. c. et 45 p. c. C'est ce que j'ai pu faire de mieux, à défaut d'avoir des renseignements plus complets. Est-ce que cela répond à votre question?

M. LATULIPPE: Oui. Egalement, si vous aviez pu obtenir...

M. LE PRESIDENT: Continuons et tâchons de ne pas mettre trop de confusion. Je demande un peu de silence.

M. LATULIPPE: ... des chiffres réellement valables dans ce domaine-là, est-ce que cela n'aurait pas été justement le critère de référence par excellence face aux normes globales que vous donnez pour tout le secteur de la construction et tout le secteur de l'habitation?

M. LORANGER: Est-ce que vous pourriez répéter la première partie de votre phrase?

M. LATULIPPE: Je référais à la première phrase que vous avez mentionnée tout à l'heure à l'effet que les sommes versées aux employés de la construction auraient été le facteur par excellence pour déterminer réellement, l'effet multiplicateur de ces choses-là.

M. LORANGER: Oui, disons que... M. LATULIPPE: Le facteur global.

M. LORANGER: ... ce sont précisément les hausses de salaire accordées par l'égalité qui peuvent entraîner un effet de multiplication. Maintenant, les 6 p. c. ou 7 p. c. dont j'ai fait mention ne tiennent compte que de l'importance relative de la valeur totale de construction de bungalows par rapport à la valeur totale de toute la construction au Québec. Alors, c'est beaucoup plus que 6 p. c. ou 7 p. c, si vous voulez, comme possibilité de hausse de dépenses autonomes, si on veut exprimer cela en termes d'effet de multiplication. Ces 6 p. c. ou 7 p. c. ne représentent que l'importance relative de la construction de bungalows dans la construction totale. Alors, c'est sûr que, si on accorde la parité, on ne l'accordera pas seulement pour les constructeurs d'habitations et en particulier de bungalows, mais on va l'accorder aussi pour ceux qui travaillent à la construction de routes, de grands édifices, etc. Je tenais à citer ces chiffres-là, tout simplement parce que M. Lefebvre avait fait son plaidoyer uniquement à partir de chiffres basés sur la construction de bungalows, laissant l'impression que, s'il y avait une hausse assez considérable dans le coût de construction des bungalows, cela pourrait être assez considérable pour l'ensemble de l'industrie de la construction.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie. Evidemment, là, on ne peut pas empêcher M.

Lefebvre de répondre. Seulement, je lui demanderais, de grâce, de ne pas abuser de ce droit, sinon je me verrai dans l'obligation, si le débat recommence, de vous demander de vous mettre d'accord dans les couloirs, quitte à revenir devant nous pour abréger. M. Lefebvre.

M. LEFEBVRE: Je comprends le désir de M. Loranger de limiter les débats en se présentant, ici, ce matin. Maintenant, il reste une chose, lorsqu'il dit que j'ai appuyé mon argumentation sur les bungalows, je dois m'inscrire en faux. J'ai appuyé mon chiffrier sur l'étude des bungalows. Au point de vue des chiffres, je me suis servi des statistiques établies dans le domaine de la construction domiciliaire, type bungalow. Lorsque je parle de logements multiples, que ce soient des quatre, des six ou des huit, il s'agit encore d'une construction domiciliaire dans laquelle les mêmes proportions de main-d'oeuvre et de matériaux s'appliquent et, pour parler latin, il suffit pour M. Loranger de transposer mutatis mutandis.

M. LE PRESIDENT: Cela recommence.

M. Laberge, voulez-vous traduire?

Cela termine, je crois, les explications des uns et des autres. Nous vous remercions et nous invitons immédiatement l'Association des constructeurs de routes et de grands travaux du Québec à venir nous exposer son mémoire.

Constructeurs de routes

M. L'HEUREUX: Je me présente. Réal L'Heureux, président de l'Association des constructeurs de routes. Je voudrais d'abord rassurer M. Bossé, nous allons essayer d'être très brefs.

M. LE PRESIDENT: Merci.

M. L'HEUREUX: Nous allons éviter de revenir à notre mémoire. Nous allons nous en tenir à certaines considérations générales et surtout à des conditions particulières à notre industrie.

Je désire tout d'abord remercier l'Association des constructeurs d'habitations qui nous a remplacés dans l'ordre des parties et nous a permis d'assister personnellement à ce débat. Nous allons toucher certains points comme contremaîtres, ancienneté, heures de travail, vacances annuelles et chambres et pensions. M. Curzi, notre négociateur, vous entretiendra sur l'échelle des justes salaires.

Avant de débuter, j'aimerais cependant commenter certaines paroles. Je dois vous avouer que je suis négociateur non par choix, ni par profession, mais par le hasard des choses. Au cours des 18 derniers mois, j'ai entendu beaucoup d'affirmations gratuites qui m'ont un peu surpris.

Par exemple, j'ai entendu une des centrales syndicales mentionner des mots comme : Justice sociale, respect de la loi, paix dans les chantiers.

Or, au sujet du respect de la loi, je dois simplement vous dire que les mots normalement valent dans la mesure où les gestes des organismes qui avancent ces mots soutiennent ces idées.

Au sujet du respect du bill 290, permettez-moi de vous rappeler simplement qu'en 1969 on a fait une grève sur les bureaux de placement qui étaient, d'après le bill 290, non négociables; permettez-moi de vous rappeler simplement la grève de cette année, à Montréal, alors qu'on a tenté de faire signer des conventions particulières alors que, encore là, la loi était bien spécifique et le défendait complètement.

Au sujet de la paix dans les chantiers, ce slogan a servi en 1968, on entendait: Evitons le maraudage, ou faisons cesser le maraudage dans les chantiers et nous aurons la paix. A ce moment-là nous avons obtenu le bill 290 qui, à toutes fins pratiques, consacrait un marché captif de 70,000 travailleurs à deux centrales.

En 1969, nous avons entendu le même slogan: Sécurité d'emploi et paix dans les chantiers. Nous avons obtenu la sentence du juge Gold, sentence controversée par tous et surtout par une des centrales syndicales. Nous ne sommes pas certains d'avoir la paix dans les chantiers. Cette année, nous avons encore entendu le même slogan: Egalité et paix dans les chantiers. Encore là, nous ne sommes pas certains d'avoir la paix dans les chantiers avec l'égalité des salaires et, en 1973, on reviendra et on dira: A compétence égale, salaire égal et paix dans les chantiers.

En définitive, la paix dans les chantiers est aussi illusoire que le système de protection qui est offert à certains établissements de la métropole. C'est-à-dire que c'est un luxe dont le prix que nous pouvons payer est toujours hors de portée. Mais les mots qui ont le plus particulièrement retenu notre attention, ce sont ceux de justice sociale. Au nom de la justice sociale, on oblige des travailleurs à se syndiquer alors que la majorité d'entre eux ne le veulent pas.

Au nom de la même justice sociale on leur permet de choisir leur syndicat, mais on limite ce choix à deux centrales. Au nom de la même justice sociale les syndicats déclenchent des grèves, non les travailleurs, sur des mesures de sécurité syndicale et non des mesures sociales, comme celles des bureaux de placement et celles de cette année à Montréal.

Au nom de la même justice sociale on instaure, ou l'on veut instaurer, un système en vertu duquel les travailleurs n'ont aucun droit de choisir leur employeur, ne peuvent choisir l'endroit où ils vont travailler, où leur salaire est le même que celui de leurs compagnons, quel que soit leur rendement, quelle que soit leur compétence. Même maintenant, on veut que la durée de leur emploi soit conditionnée par le numéro qu'ils avaient lors de leur embauchage. Pour eux, le meilleur actif présentement n'est pas leur compétence, leur capacité de travailler, mais c'est le numéro qu'ils détiennent au centre de la main-d'oeuvre.

En résumé, messieurs, nous, l'une des parties patronales à but lucratif avoué, n'invoquerons jamais dans nos arguments des expressions comme "justice sociale", comme "paix dans les chantiers". Mais, nous nions à qui que ce soit le droit, en vertu de ce qui précède, d'invoquer ces mêmes arguments.

Les contremaîtres. Une des clauses qui nous touchent le plus particulièrement est l'article des contremaîtres. Comme l'a dit M. Morin, notre code du travail ne prévoit d'aucune manière une unité de négociation qui inclurait et les employés et les personnes qui représentent les employeurs. Vous avez entendu le 8 octobre, lorsque je l'ai interrogé, M. Pepin vous expliquer que, d'après son interprétation du terme "salarié", tous les individus, du simple apprenti au gérant général, sont d'après lui, couverts par la même unité de négociation.

Il prétend même que ce fut une erreur de mentionner "surintendant" et de ne pas l'inclure dans l'unité de négociation. D'après son interprétation du terme "salarié", votre interlocuteur, qui est employé d'une compagnie de construction, qui représente aussi les patrons de cette industrie, serait syndicable et donc ne serait pas habilité à vous parler.

Revenons aux contremaîtres. Vous pouvez vous imaginer les conflits d'intérêt que poserait à ces individus le fait d'appartenir à la même unité de négociation que les gens qu'ils dirigent. Vous pouvez vous imaginer un système en vertu duquel nous ferions appel au bureau de placement au début d'une saison pour obtenir des contremaîtres. Vous devez vous rendre compte que, dans notre industrie en particulier, le montant capitalisé en équipement de tout genre pour la compagnie que je représente est de $40,000 par travailleur. Un contremaître, dans notre industrie, a normalement une douzaine d'hommes à sa charge, donc il est responsable pour un demi-million en argent. Il n'est pas rare, à cause des distances dans l'industrie de la route, qu'un contremaître ne soit vu par son surintendant ou le gérant d'une compagnie qu'une à trois fois par semaine.

Vous pouvez vous imaginer l'effet, sur la productivité de cet équipement, que pourrait avoir le fait d'avoir un contremaître dans la même unité de négociation que les douze employés qu'il dirige dans un chantier assez éloigné. De quelle façon pourrions-nous préparer une soumission lorsque nous ne connaissons pas le rendement ou la productivité de notre équipement et des nos hommes?

Nous avons cependant reconnu que l'une des sources probables de nos contremaîtres seront les employés travaillant à l'heure, c'est-à-dire ceux qui travaillent manuellement ou avec notre équipement. A ce moment-là, nous vous référons à nos offres. Il y a une clause de contremaître salarié qui est prévue. Il y aurait

une période transitoire où un salarié pourrait faire son apprentissage de contremaître ou du moins agir comme contremaître suppléant. A la fin de cette période, si nous jugeons que nous aimerions avoir ce contremaître à la direction, nous lui faisons une offre. A ce moment-là, libre à lui d'accepter ou de refuser. De toute façon, ce type n'aurait pas perdu ses droits au sein du syndicat durant le temps où il aurait été utilisé dans ce sens.

Nous allons maintenant passer à l'ancienneté.

Nous aimons croire que le but des syndicats est de protéger les travailleurs contre les patrons et non de protéger les mauvais travailleurs aux dépens des bons. Messieurs, quelle motivation le travailleur a-t-il pour accomplir une bonne journée de travail si son salaire est égal, si la façon d'être embauché est celle du centre de main-d'oeuvre où on ne peut avoir recours aux travailleurs qu'on veut, mais à ceux qui nous sont référés par le centre de main-d'oeuvre, si ce n'est la dernière motivation de savoir que son patron, qui est dans un régime compétitif, va garder cet employé s'il prouve qu'il est un meilleur travailleur qu'un autre? A ce moment, les syndicats peuvent nous faire confiance: nous allons garder les meilleurs travailleurs.

Il ne faut pas oublier qu'à un certain moment, dans le système économique qu'on connaît, un accroissement de coût doit être compensé par un accroissement de productivité. Or, si on enlève toute motivation aux travailleurs d'accomplir une meilleure journée de travail on restreint, d'après moi, les augmentations qu'ils peuvent obtenir dans les négociations à venir.

Deux clauses qui nous touchent particulièrement, dans le domaine des routes, ce sont les heures de travail et les vacances annuelles. Nous devons vous expliquer, comme je le disais tout à l'heure, que les gros coûts dans notre industrie ce sont des coûts fixes, c'est-à-dire des coûts qui viennent de l'amortissement de l'équipement que nous possédons et des usines d'entretien de cet équipement qui, dans certains cas, représentent 50 p. c. de nos coûts annuels. Or dans les cas de construction de route et d'usines de pavage, ces coûts ne peuvent être amortis que sur une période relativement courte, soit de mai à novembre ou octobre, dans certaines régions plus au nord.

A ce moment, si on limite les heures de travail durant cette période, on accroît le coût unitaire d'exécution des travaux d'autant et, en plus, on diminue la chance pour les employés de gagner leur salaire durant cette période, car il est connu qu'ils gagnent leur salaire durant les six mois d'été.

D'ailleurs, ce fait a été reconnu dans toutes les négociations qui ont eu lieu. Même actuellement, je crois que douze des décrets — c'est dans notre mémoire, de toute façon, vous pourrez vérifier si je me trompe — prévoient des périodes de 55 à 60 heures. La cédule des justes salaires prévoit 60 heures présentement. En Ontario, par exemple, la cédule des justes salaires établit la limite à 110 heures sur une période de quinze jours.

Dans le cas des vacances annuelles — pour les mêmes raisons — notre offre comporte des vacances annuelles durant la période des Fêtes et une autre période, qui peut être négociée avec les employés ou leur représentant, entre les mois de novembre et mai de façon, encore là, à permettre aux employés et aux patrons de travailler durant la période où on peut travailler.

Le dernier point que je vais toucher est celui des chambres et pensions. Notre offre est dans le mémoire, qu'on peut consulter, mais, en général, ce que nous voulons payer, ce sont les frais de déplacement réels de ceux à qui nous demandons de se déplacer. C'est-à-dire que, encore là, le système du bureau de placement prévoit qu'il va y avoir une catégorie de gens qu'on va appeler "réguliers", qui sont des gens que nous, nous voulons réengager et qui veulent revenir travailler pour nous. Nous croyons qu'il est juste que nous payions les frais de déplacement de ces gens, tous les frais décrits dans le mémoire.

Mais nous acceptons difficilement de payer des frais de pension à des gens qui vont nous être référés par des centres de main-d'oeuvre et qui, pour toutes sortes de raisons, peuvent nous être référés dans des coins éloignés, même à l'intérieur d'une même région. Nous croyons que ce serait la responsabilité du centre de main-d'oeuvre de mettre en vigueur des mécanismes pour éviter ces frais de déplacement qui peuvent se chiffrer, dans notre cas, par $0.60 à $1 l'heure et qui ne sont pas des frais de déplacement comparables à ceux d'une industrie comme la plomberie où on est appelé à faire des appels de service qui durent une journée ou deux. Certains de nos contrats durent de deux à trois ans dans une même région. Beaucoup de nos gens se déplacent et déplacent leur famille dans ces endroits lorsqu'ils peuvent y élever une famille. D'autres s'installent dans des roulottes.

Le dernier point que nous allons toucher, c'est la cédule des justes salaires pour vous donner un aperçu des implications économiques. Je vais demander à ce moment-ci à M. Curzi de faire ses représentations. Mais avant, est-ce que quelqu'un aurait des questions?

M. LE PRESIDENT: D'abord, si des membres de la commission ou des députés présents ou d'autres personnes intéressées dans l'auditoire veulent poser des questions à M. L'Heureux, le moment est opportun. Le député de Frontenac.

M. LATULIPPE: Moi, je voudrais savoir quand...

M. LE PRESIDENT: Voulez-vous élever la voix, s'il vous plaît?

M. LATULIPPE : Quand vous prenez un contrat, disons, de $3 millions, vous avez mentionné tout à l'heure que vos coûts fixes pouvaient représenter 50 p. c. de vos ventes. Est-ce que vous vous référez toujours à votre barème de vente quand vous dites 50 p.c?

M. L'HEUREUX: En fait, je voulais dire que 50 p. c. sont des dépenses courantes qu'on appelle, nous, des dépenses de liquide, et 50 p. c. sont des dépenses fixes qui vont être effectuées, qu'on travaille ou non. Ce sont des dépenses d'amortissement de l'équipement, de frais d'entretien de garage, de bureau, d'employés qui sont permanents. Les autres 50 p. c. proviennent du carburant, des pièces de rechange et des dépenses qui sont faites lorsqu'on travaille et qui résultent naturellement du fait de travailler.

M. LATULIPPE: Si on reportait les mêmes normes, mais en fonction de vos ventes, disons que vous faites une vente de $1 million, les salaires représenteraient quoi?

M. L'HEUREUX: M. Curzi va vous donner ça tout à l'heure, mais c'est environ de 30 p. c. à 40 p. c. des ventes.

M. LATULIPPE: Merci beaucoup.

M. PEPIN: M. le Président, juste une question. Je voudrais savoir quel est le pourcentage des travaux que vous effectuez pour le compte d'un gouvernement, qu'il soit provincial, municipal ou peut-être fédéral?

M. L'HEUREUX: Dans le chapitre des routes, naturellement, il n'y a qu'un client: c'est le ministère de la Voirie. M. Pinard pourrait probablement vous dire quelle partie provient du fédéral dans le cas d'une route comme la Transcanadienne; moi, je ne pourrais vous le dire. Mais je dois vous dire que dans le cas du ministère de la Voirie, qui a un budget de $160 millions, à ,ce moment-là...

M. PEPIN: C'est vous qui le dépensez.

M. L'HEUREUX: C'est-à-dire que les membres de notre association en dépensent une grande partie.

M. PEPIN: C'est pour cela que je voyais M. Pinard vous suivre de très près et je me demandais pourquoi, je voulais le savoir exactement.

M. PINARD: J'écoute également tout ce que M. Pepin dit.

M. LE PRESIDENT: Au sujet de la même route, quelqu'un a-t-il des questions à poser? Sinon, on invite M. Curzi.

UNE VOIX: La Transquébécoise?

M. LE PRESIDENT: Alors, pas d'autre question. M. Curzi, auriez-vous l'obligeance de vous approcher du micro?

M. CURZI: Bon, alors, mon intervention sera courte et portera spécifiquement sur les questions salariales. Je voudrais tout d'abord établir...

M. LE PRESIDENT: S'il vous plaît, pour les fins du journal des Débats, pourriez-vous vous identifier, ainsi que vos fonctions?

M. CURZI: Mon nom est Paul Curzi et je représente ici l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec.

Je voudrais d'abord, sur la question salariale, faire quelques remarques de principe avant d'en arriver à des exemples qui vont, en partie, démontrer que les chiffres avancés par la CSN dans son mémoire sont, à notre avis, tout à fait inexacts.

Tout d'abord les membres, chez nous, font des travaux de route, évidemment, mais aussi d'autres travaux, dont un certain nombre sont couverts par les décrets et un certain nombre couverts par la cédule des justes salaires, que la plupart des membres ici doivent connaître, puisque cette cédule stipule des conditions de travail qui s'appliquent à des contrats de route et autres édifices exécutés pour le compte du gouvernement provincial.

Les membres qui exécutent des travaux couverts par les décrets sont surtout des gens, des compagnies qui exécutent des travaux municipaux. Je veux simplement faire une remarque sur la question des décrets.

Je ne m'attarderai pas seulement sur les questions de la parité en ce qui touche les décrets, puisque chacune des parties patronales avant moi a expliqué les problèmes que pose la parité salariale, pour autant que les décrets sont concernés.

Tout ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut jamais oublier que les travaux municipaux sont, dans la plupart des cas, financés par des taxes locales. Ce qui est certain, c'est que la parité salariale, indépendamment du pourcentage de coût, amènera une augmentation des coûts, qui devra être financée à même des revenus locaux. D'après moi, il y a seulement deux solutions: ou les travaux diminueront — je parle des travaux municipaux — ou les taxes augmenteront pour couvrir les nouveaux coûts.

La deuxième remarque que je voudrais faire porte sur la cédule des justes salaires. Je voudrais contester — je le ferai plus en détail tout à l'heure — les chiffres de la CSN que vous

retrouvez à son mémoire aux pages 85, 86 et 88. Je vous donne ces indications pour pouvoir suivre plus attentivement lorsque nous arriverons à des exemples. Nous croyons, à notre association, contrairement à ce que la CSN ou d'autres parties peuvent prétendre, que la disparition de la cédule des justes salaires, doublée de la parité salariale totale, doublera le coût des travaux actuellement couverts par la cédule des justes salaires. Nous vous le montrerons tout à l'heure avec des exemples très précis, trois en particulier.

La troisième remarque que je voudrais faire, c'est que nous sommes convaincus chez nous —et nous en avons toujours été convaincus — que l'entente de l'an dernier — la fameuse entente du 10 juillet — stipulait clairement qu'il y aurait un salaire supérieur pour une plus grande compétence. Ceci signifie qu'une parité salariale totale et complète donnerait à tous les salariés, quels que soient leur niveau de compétence et les conséquences ou les stipulations du bill 49, le même taux de salaire, ce qui à notre avis, est contraire à l'entente de l'an dernier.

Quatrièmement, je tiens aussi à souligner, pour terminer ces remarques de principe, qu'il existe en Ontario — une province qui n'est évidemment pas le Québec, mais où on fait quand même certaines choses de façon rationnelle, j'imagine— une cédule des salaires, une cédule quelconque, qui couvre les travaux exécutés pour le compte du gouvernement de l'Ontario. Je vous donnerai les taux de salaire actuellement en vigueur pour certains métiers dans cette province, par rapport à ce que nous, dans l'association, avons offert.

Si vous le voulez, nous allons maintenant prendre quelques exemples. Cela va être très court et je crois que ça va être très précis. La parité des salaires avec Montréal, doublée de la disparition de la cédule des justes salaires, — les deux conditions arrivant en même temps — aurait comme conséquence une augmentation, à notre avis, d'environ $40 millions dans le coût de la main-d'oeuvre pour un an. D'où ces chiffres viennent-ils? Les estimations des dépenses —je vais vous donner plusieurs façons de calculer pour vous démontrer que nous arrivons toujours à peu près au même coût — du ministère de la Voirie pour 1970 sont d'environ $160 millions. Pour le genre de travaux exécutés et couverts par la cédule des justes salaires, nous estimons le coût de la main-d'oeuvre entre 20 p. c. et 30 p.c.

La CSN l'estime à 30 p. c. ; d'autres l'estiment à 20 p. c. . Nous avons choisi une moyenne qui est de 25 p. c. . Si vous prenez 25 p. c. de $160 millions, cela donne évidemment $40 millions. Nous verrons tout à l'heure, par des exemples concrets, que la disparition de la cédule et la parité de salaires avec Montréal, en incluant l'offre patronale de 8 p. c. pour fins de vacances ainsi que les $0.15 l'heure de sécurité sociale — vous savez que, dans les offres patro- nales, nous avons offert $0.15 l'heure pour fins de fonds de pension et de régime d'assurance-groupe — doublent le coût de la main-d'oeuvre. Cela veut dire qu'à l'intérieur de la même année les conditions stipulées au début étant remplies, c'est-à-dire la parité avec Montréal et la disparition immédiate de la cédule, nous augmenterions le coût de $40 millions.

Nous donnerons, tout à l'heure, des exemples concrets pour vous démontrer que les coûts doublent réellement.

Prenons maintenant les chiffres de la CSN. A la page 84 de son texte, la CSN prétend que les salaires versés à des salariés exécutant des travaux couverts par la cédule des justes salaires se chiffrent, si on tient compte du ministère de la Voirie, du ministère des Travaux publics et des autres ministères, par $98 millions. J'imagine que c'est pour l'année 1970. A la page 86 de ce même texte, la CSN prend le chiffre, en le calculant d'une autre façon, de $94 millions. Je ne sais malheureusement pas, parce que ce n'est pas indiqué dans le texte, si le coût des vacances et de la sécurité sociale est inclus dans ces dépenses ou s'il s'agit seulement des taux de salaires.

M. PEPIN: II n'est pas inclus.

M. CURZI: II n'est pas inclus. Alors, c'est un coût à ajouter. De toute façon, par des exemples, nous allons maintenant vous démontrer que le coût des salaires doublerait si la cédule disparaissait immédiatement et si la parité était accordée avec les taux de Montréal.

Nous allons prendre trois exemples. Si vous prenez notre mémoire, à la fin, vous aurez trois exemples détaillés où l'on a tenu compte des augmentations des taux de salaires, mais aussi des augmentations dans le pourcentage des vacances, ainsi que de la sécurité sociale.

Nous avons pris l'exemple d'une petite pelle mécanique par rapport à une grosse pelle mécanique. Si nous prenons le calcul de la CSN, à la page 89, pour une petite pelle mécanique, l'augmentation serait de 66 p. c. . Evidemment, dans ce texte, on s'est servi de médians. Je ne veux pas faire ici de statistiques, mais vous savez que les médians, on les emploie habituellement parce qu'ils sont moins ajustés ou désajustés, suivant le cas, par les extrêmes, tandis qu'une moyenne est évidemment influencée énormément par le extrêmes vers le haut ou vers le bas.

De toute façon, il va falloir avoir des explications sur les médians, parce que, lorsque nous avons pris les chiffres réels, région par région, nous ne sommes absolument pas arrivés aux chiffres apparaissant à la page 89 du mémoire de la CSN. Si vous aviez notre mémoire, ce serait plus facile de suivre, mais, au cas où vous ne l'auriez pas, je vais essayer de vous donner quelques chiffres précis qui vont vous permettre de voir que ce que nous avons avancé — à savoir le double dans le coût de la

main-d'oeuvre pour les travaux exécutés et couverts par la cédule des justes salaires — se vérifie facilement.

Prenons, par exemple, un opérateur de petite pelle mécanique — nous l'appelons petite, dans notre langage, parce qu'elle a moins de deux verges cubes — de la région de Montréal. Je veux vous faire remarquer ici que l'île de Montréal est la région la moins touchée puisque la cédule des justes salaires ne s'applique qu'à l'extérieur de l'île de Montréal.

Actuellement, là où la cédule s'applique, c'est-à-dire à l'extérieur de l'île de Montréal, le taux de salaire pour un opérateur de petite pelle est de $3.65 l'heure. Si vous ajoutez à cela 7 p. c. de vacances, qui est le taux de vacances prévu dans le décret de Montréal et qui, d'après la cédule, s'applique automatiquement aux salariés couverts par la cédule, vous arrivez à $0.26 de vacances, pour un coût horaire total de $3.91. Ce qu'on retrouve dans l'exemple de notre mémoire.

Ce que la CSN demande à toutes fins pratiques, c'est la parité avec Montréal. Le taux actuel du décret de Montréal pour un opérateur de petite pelle est de $5.40 l'heure. A cela, il faut ajouter évidemment 7 p. c. pour fins de vacances, c e qui donne $0.43 et la sécurité sociale de $0.15, pour un total de $5.98. En conséquence, pour la région de Montréal, qui est la région la moins touchée, parce que la différence entre la cédule et le décret dans la région de Montréal est beaucoup moindre que dans les autres régions — nous allons prendre d'autres exemples pour vous démontrer ces différences — la demande syndicale de parité salariale et de disparition des cédules dans le cas d'un opérateur de petite pelle — comme vous voyez, c'est très précis — représente $2.07 l'heure ou 53 p. c. Je vous souligne immédiatement qu'il s'agit là de la région la moins touchée. Ce serait facile à vérifier pour chacun des métiers couverts par la cédule. La CSN, dans son volume, arrive à une moyenne de 66 p. c. sur des médians. Moi, j'arrive à 53 p. c. à Montréal, qui est la région la moins touchée, encore une fois.

Maintenant, prenons un deuxième exemple qui sera, cette fois-ci, les opérateurs de béliers mécaniques ou de tracteurs. Un gros tracteur se définit dans notre jargon comme étant un tracteur qui a un moteur de 100 chevaux-vapeur ou plus. Cette fois-ci, nous avons pris comme exemple la région de Québec pour vous démontrer que les différences varient énormément d'une région à l'autre et qu'utiliser les médians pour arriver à des calculs peut prêter à des erreurs considérables.

Le taux de salaire actuellement pour un opérateur de gros bélier mécanique, dans la région de Québec et d'après la cédule des justes salaires actuels, est de $2.60 l'heure.

A ce'a, il faut ajouter 7 p. c. pour fins de vacances, ce qui donne $0.18, donc un coût horaire actuel de $2.78 l'heure. Je vous fais remarquer immédiatement que le coût actuel, d'après le mémoire de la CSN, est de $3.25 l'heure, en se servant de la région médiane. Moi, j'arrive à $2.78 l'heure comme taux horaire en calculant le taux de salaire et les vacances pour un opérateur de gros bélier mécanique. La CSN part avec $3.25 l'heure. Evidemment, nous n'arrivons pas avec la même différence à la fin.

Si vous prenez la disparition de la cédule pour la parité avec Montréal, il faut alors prendre le salaire qui a été offert par les patrons pour Montréal. Ce qui avait été offert aurait donné, à la fin de la convention, en novembre 1972, un taux de salaire, à Montréal, de $5.07 l'heure. A cela, il faut ajouter 8 p. c. pour fins de vacances et fêtes payées, ce qui donne $0.41 et une sécurité sociale de $0.15 l'heure, pour un grand total de $5.63. Ce qui veut dire que, d'après l'offre patronale, en novembre 1972, un opérateur de gros bélier mécanique à Montréal coûterait, sans tenir compte des frais de pension et de transport dont M. L'Heureux vous a parlé, $5.63 l'heure.

J'ai établi de façon précise, je crois, qu'actuellement le coût pour ce même opérateur dans la région de Québec est de $2.78 l'heure. Si vous comparez $2.78 l'heure et $5.63 l'heure, vous arrivez à une différence de $2.85, soit une augmentation de 103 p. c. La CSN, dans son mémoire, prétend qu'un conducteur de gros boutoir, de gros tracteur, aurait une augmentation de 56 p. c, en se servant des régions médianes. Moi, j'arrive, dans la région de Québec, à 103 p. c. On pourrait faire le même calcul dans toutes les régions. Et dans toutes les régions, sans exception, pour ce métier-là — et c'est la même chose pour tous les métiers, nous pourrions vous en faire la preuve — c'est toujours une augmentation qui dépasse 100 p. c, sauf dans la région de Montréal, comme je l'ai dit tout à l'heure, qui est la région la moins touchée. Nous pouvons prendre la région de Drummond; pour un opérateur de gros bélier mécanique dans la région de Drummond, ça représente une augmentation de $3.27 l'heure ou de 139 p. c.

Prenez n'importe quelle région. Pour la région de Trois-Rivières, c'est 155 p. c, pour la région de Hull, c'est 115 p. c, etc.

Si vous voulez, j'ai un troisième exemple, peut-être plus commun dans le sens de plus connu, celui d'un conducteur de camion. Pour le conducteur de camion j'ai pris la région de Chicoutimi. J'aurais pu prendre n'importe quelle région, mais il me fallait prendre une région, à un moment donné. Dans les exemples que vous avez dans notre mémoire, vous avez ces chiffres-là pour chacune des régions.

Actuellement, le taux de salaire d'un chauffeur couvert par la cédule dans la région de Chicoutimi est de $2.15 l'heure. A cela, il faut ajouter 7 p. c. de vacances, ce qui donne $0.15, donc un coût horaire actuel de $2.30 l'heure.

En novembre 1972, d'après les offres patronales, le taux horaire d'un chauffeur de camion à Montréal serait de $4.56 l'heure, auquel il faut ajouter 8 p. c. de vacances, c'est-à-dire $0.36 l'heure et auquel il faut ajouter aussi $0.15 de sécurité sociale, ce qui donne un total de $5.07 l'heure.

Si vous prenez — c'est toujours le même raisonnement — le taux actuel de $2.30 par rapport au taux offert — parce que c'est ce que nous avons offert dans la région de Montréal, et non pas ce que les syndicats demandaient — taux qui est de $5.07, et si vous accordez la parité en faisant disparaître la cédule, cela représente une augmentation de $2.77 l'heure, donc de 120 p. c. Je ne sais pas si les chauffeurs de camion apparaissent dans le mémoire de la CSN, mais je ne le crois pas.

Comme vous voyez, la disparition de la cédule, doublée de la parité complète avec Montréal, a, à notre avis, comme conséquence de doubler le coût de la main-d'oeuvre des travaux exécutés pour le compte du gouvernement ou des travaux couverts actuellement par la cédule des justes salaires.

Pour le ministère de la Voirie plus particulièrement, si nous prenons le mémoire de la CSN à la page 86, il est dit que les salaires du ministère de la Voirie seraient de $70 millions. Par certains raisonnements qu'on vous fait là-dedans, on vous dit que, puisque Montréal n'est pas couverte, il faudrait prendre seulement une proportion des travaux qui seraient touchés par cela, etc. J'ai donc pris la plus petite proportion utilisée par la CSN, soit 60 p. c, pour tenir compte du fait que, sur l'île de Montréal, les travaux exécutés pour le compte du gouvernement provincial sont quand même couverts par le décret et non par la cédule des justes salaires.

S'ils prenaient 60 p. c. de $70 millions cela donnerait $42 millions. Si vous doublez le coût de la main-d'oeuvre, comme j'ai essayé de le démontrer tout à l'heure, cela vous coûterait $42 millions. Cela coûterait $42 millions dans une année, si cela arrivait dans la même année. Cela coûterait $42 millions, et même plus, sur deux ans, si c'est sur deux ans que cette disposition et cette parité étaient accordées.

Je voudrais terminer par quelques petites remarques; d'abord sur les offres qui ont été faites par la partie patronale. Je m'attache toujours — je l'ai souligné tout à l'heure — à la cédule des justes salaires plutôt qu'au décret puisque, sur le décret, les autres parties ont fait toutes les démonstrations nécessaires, je crois.

Je dois souligner que les offres monétaires patronales, en tenant compte toujours des vacances et de la sécurité sociale — si vous avez le temps ou la patience d'examiner les trois exemples que nous avons soumis dans notre mémoire — représentent toujours plus de 65 p. c. à 70 p. c. d'augmentation. Par exemple, je peux prendre n'importe lequel, on peut prendre l'opérateur de pelle mécanique où l'augmentation offerte par la partie patronale, il ne faut pas oublier cela, dans chacune des régions, est la suivante: par rapport à la cédule: $1.75 l'heure, $1.93, $1.94, $2.07, $1.87, $2.09, etc. etc. On pourrait continuer ainsi. Cela tourne toujours autour de $1.50 l'heure. Cette offre avait été faite lors de négociations et elle était pour une période d'environ 30 mois.

Une dernière remarque avant de terminer. Je peux vous dire, par exemple, que les salaires payés actuellement pour le même genre de travaux que ceux couverts ici au Québec par la cédule des justes salaires, en Ontario, nouveaux taux décrétés le 1er avril 1970 sont: pour un opérateur de gros équipement, de $3.60 l'heure; pour un chauffeur de camion, de $2.55 l'heure; c'est en Ontario où il est habituellement admis que le niveau des salaires est plus élevé qu'au Québec. Et je pourrais vous donner d'autres exemples comme un journalier spécialisé à $2.65 l'heure.

On est évidemment très loin des $4, $4.50 et $5 que nous avons même offerts lors des négociations.

S'il y avait des questions, je crois que...

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Curzi, nous avons en effet des questions. Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, j'aimerais être informé sur les questions suivantes. Nous avons établi tout à l'heure que, du côté des constructeurs de routes, l'employeur était presque unique, c'est-à-dire que c'était en grande partie le gouvernement. Si je prends deux exemples précis, que ce soit l'ouverture des chemins d'hiver ou la construction de routes, j'estime, pour ma part, tant et aussi longtemps qu'on ne me prouvera pas le contraire, que la construction d'une route, qu'elle se fasse à Montréal, qu'elle se fasse à Québec ou sur la Côte-Nord serait soumise aux mêmes barèmes de soumissions. C'est-à-dire que lorsque vous faites une soumission, que vous la fassiez à Montréal, à Québec ou sur la Côte-Nord, normalement, elle est basée sur les mêmes barèmes.

Or, s'il y a disparité au niveau des salaires, je me demande — première question — qui profite de cette disparité. Est-ce que cette disparité profite à l'entrepreneur, au gouvernement ou aux municipalités lorsque c'est le cas?

Deuxième question. Le fait qu'il y ait une disparité entre les différentes régions de la province ne cause-t-il pas une certaine discrimination entre les entrepreneurs? Par exemple, que sur la Côte-nord tel entrepreneur doit payer un salaire moins élevé qu'à Montréal. N'y a-t-il pas alors une certaine discrimination dans les soumissions pour la construction des routes?

M. CURZI: M. L'Heureux va répondre avec précision à cette question. J'ai seulement une

remarque à faire. Nous ne voudrions pas que vous pensiez que nous luttons, dans l'offre patronale, pour conserver la cédule des justes salaires. Il est bien prévu au bill 290 que cette cédule disparaîtra et nous sommes d'accord pour qu'elle disparaisse parce que dans certaines régions cela a posé des problèmes assez sérieux. Nous avons offert que la cédule disparaisse sur une période de cinq ans à raison d'un rattrapage de 20 p. c. par année, la partie syndicale demandant qu'elle disparaisse immédiatement. Lorsque je donne les chiffres, évidemment, c'est à la condition que la cédule disparaisse immédiatement et que la parité avec Montréal soit accordée aussi dans l'immédiat. Les deux conditions doivent être remplies pour arriver aux chiffres que je vous ai donnés tout à l'heure.

M. LE PRESIDENT: M. L'Heureux.

M. L'HEUREUX: Je vais me permettre de répondre. M. Curzi est notre négociateur, mais peut-être est-il plus facile pour un patron de répondre lorsqu'il est question de soumissions. A votre première question, savoir si cela profite au gouvernement ou à l'entrepreneur, je dois vous dire que nos contrats, lorsqu'il y a appel d'offres, vont à celui qui soumet le meilleur prix, c'est-à-dire le prix le plus bas, pas nécessairement le meilleur prix. Celui qui ne tiendrait pas compte des salaires qu'il doit payer réellement risquerait de voir son compétiteur obtenir le contrat.

M. LESSARD: A ce moment-là...

M. L'HEUREUX: A ce moment-là, ça profite au gouvernement. Maintenant, encore là, une des conclusions que M. Curzi n'a pas faite, mais que j'avais faite à la première commission parlementaire, le soir du bill 38, c'est que, comme M. Pepin l'a mentionné tout à l'heure, notre seul client est le gouvernement provincial, au chapitre des routes. Si le gouvernement provincial décide de doubler le coût de ses routes, c'est vous, comme administrateurs des fonds publics, qui en êtes responsables. Nous, nous ne sommes qu'un agent. Nous allons simplement ajouter le pourcentage raisonnable sur les autres articles qui nous intéressent, et à ce moment-là c'est vous ou les contribuables qui allez en faire les frais, pas nous. Nous n'exportons pas notre produit, nous ne sommes pas en concurrence avec d'autres entrepreneurs de l'étranger qui ont de meilleures conditions que les nôtres. Nos concurrents sont soumis aux mêmes règles que nous. C'est à vous de décider si nous avons les moyens de payer deux fois plus cher qu'en Ontario pour les mêmes routes.

M. LE PRESIDENT: Voulez-vous dire par analogie, par exemple, que la politique salariale gouvernementale devrait s'appliquer si, au fond, le gouvernement fait les frais?

M. L'HEUREUX: II ne m'appartient pas de faire d'analogie. On me pose une question à savoir si les patrons ou le gouvernement ou les contribuables bénéficient des frais réduits, des salaires qui sont moindres. Moi je dis que ce sont les contribuables. Maintenant, les points que nous voulions faire ici, c'était pour souligner combien cela va coûter de plus, parce qu'on calcule qu'un des devoirs de notre association, c'est ça.

M. LESSARD: Quelques commentaires sur la première question. Cela veut donc dire que, lorsque vous soumissionnez, vous vous basez sur les salaires établis dans telle région donnée.

M. L'HEUREUX: Evidemment.

M. LESSARD: A ce moment-là, c'est le gouvernement qui profite de la situation.

M. L'HEUREUX: D'ailleurs, c'est assez simple. Dans chaque région, il y a une échelle donnée des justes salaires et le préposé aux justes salaires vérifie. Naturellement, cette cédule est un minimum. Tout entrepreneur est libre de payer davantage une compétence plus grande. En fait, beaucoup d'entre nous le font. Mais tout le monde est soumis à une cédule donnée dans une région donnée où le contrat est donné.

M. LESSARD: Deuxième question. Quelles sont les conséquences de la disparité salariale sur les entrepreneurs comme tels? Est-ce qu'il n'y a pas une certaine discrimination, à ce moment-là, entre les entrepreneurs?

L'entrepreneur de Montréal est obligé de déplacer sa machinerie pour venir soumissionner pour un contrat dans le comté de Saguenay. L'entrepreneur du comté du Saguenay n'est pas soumis, lui, aux déplacements qui sont exigés pour l'entrepreneur de Montréal. Dans ces circonstances, l'entrepreneur d'un comté donné est-il, à ce moment-là, favorisé par la disparité salariale?

M. L'HEUREUX: Evidemment. Maintenant, je comprends mal votre question, M. Lessard, parce que, l'autre jour, j'étais ici et, justement, on trouvait ignoble que des types de votre région gagnent moins lorsqu'ils font une installation de plomberie, que ceux de Montréal.

M. LESSARD: Je repose ma question.

M. L'HEUREUX: Non, j'enchaîne, là. C'est certainement exact et, à ce moment-là, je pense que les petits entrepreneurs de votre région avaient un avantage. Maintenant, les entrepreneurs de Montréal étaient libres d'engager de la main-d'oeuvre locale. Ils n'avaient qu'à importer certains opérateurs ou contremaîtres clés, à les amener dans une région et à engager, comme la plupart d'entre nous le font d'ailleurs, de la

main-d'oeuvre locale. Si quelqu'un décide d'importer sa main-d'oeuvre de Montréal pour des raisons de compétence ou parce qu'il a une certaine sorte de machinerie et que cela lui vaut une certaine prime, à ce moment-là, il a un avantage sur son concurrent parce qu'il a une meilleure machinerie et qu'il la fait conduire par des hommes plus qualifiés, mais le fait qu'il doit payer plus pour cela donne au petit entrepreneur local une chance de pouvoir concurrencer avec lui.

Encore là, c'est le jeu de la libre concurrence qui se fait. Les conditions sont là, elles existent pour tout le monde. Celui qui peut le plus en profiter fait une soumission qui est plus basse. A ce moment-là, les contribuables en profitent. Je pense que c'est le but de tout le monde.

M. LE PRESIDENT: Comme vous le savez tous, nous avions convenu de terminer à une heure. Cependant, nous avons le choix. Si on me disait que ce ne serait pas long, les questions, on continuerait immédiatement. M. Pepin avait demandé la parole.

M. PEPIN: J'aurais plusieurs questions à poser.

M. LE PRESIDENT: Alors, il serait préférable que l'on suspende les activités jusqu'à vendredi.

M. LEVESQUE: A dix heures trente.

M. BERTRAND: A dix heures trente.

M. LE PRESIDENT: A dix heures trente, vendredi.

M. LABERGE: M. le Président, une question, s'il vous plaît. Vendredi, nous débutons à quelle heure?

M. LE PRESIDENT: A dix heures trente.

M. LABERGE: Est-ce qu'on continue toute la journée si nécessaire?

M. LE PRESIDENT: Si nécessaire, oui. On commencera par l'Association des constructeurs de routes.

Je déclare la séance ajournée.

(Fin de la séance: 13 h 10)

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